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Littérature de la Shoah 1 Littérature de la Shoah « De tant de morts donnez-moi la mémoire, de tous ceux-là qui sont devenus cendre, dune génération donnez-moi la mémoire, sa dernière fureur, sa dernière douleur ». Isaïe Spiegel, Donnez-moi la mémoire [1] . Stèle en mémoire des Juifs anéantis à Majdanek La littérature de la Shoah est constituée par les ouvrages littéraires qui témoignent directement ou évoquent l'anéantissement des Juifs par le nazisme entre 1939 et 1945. Cet événement, qui est souvent considéré comme une marque distinctive du XX e  siècle, a reçu différents noms (« génocide juif », « Holocauste ») avant que le terme Shoah ne s'impose dans le monde et plus particulièrement en France à travers le film de Claude Lanzmann datant de 1985. La littérature de la Shoah commence, avant même l'anéantissement dans les camps de concentration et d'extermination, dans les ghettos où sont entassés les Juifs de toute l'Europe allemande. « Tout le monde écrivait » dans les ghettos, note l'historien Ringelblum [2] . Ce dernier crée d'ailleurs lOyneg Shabbos, organisation clandestine, suscitant et recueillant les archives du ghetto de Varsovie, un ensemble de témoignages, d'œuvres littéraires et d'analyses sur les conditions de vie, d'alimentation et de création. Après la guerre, la Shoah est devenu un objet littéraire et philosophique de premier plan. Les textes de la Shoah se heurtent à la difficulté de raconter un événement sans précédent, avec des actes parfois tellement horribles qu'ils instillent chez les auteurs la peur de ne pas trouver les mots pour décrire et faire comprendre leur vraie nature. Mais les survivants ressentent l'impératif de dire ce qui s'est passé, de témoigner, de garder vivante la mémoire des disparus. En fait, la diversité de la production littéraire, du témoignage à l'essai philosophique et à la poésie a permis de rendre palpable l'horreur de la Shoah, la souffrance et le désespoir des victimes. De Primo Levi qui narre le plus sobrement possible son combat quotidien pour survivre dans un camp de travail d'Auschwitz, au lyrisme désespéré de Katzenelson, le lecteur peut appréhender une part du vécu et des sentiments des victimes et des témoins de la Shoah. Depuis 1945, témoignages, romans, poèmes, essais continuent à être publiés rencontrant des succès divers auprès du public. Traditions littéraires juives et littérature de l'anéantissement Rupture ou continuité des traditions littéraires juives? Les soubresauts de l'histoire juive : diaspora, persécutions régulières dès la première croisade, mises au ban de la société, pogroms, avaient conduit l'imaginaire juif à élaborer au cours des siècles de multiples figures pour dire le désastre. De plus, la culture religieuse juive nourrit une injonction mémorielle liée à l'exil, celle du Zakhor souviens-toi »). Cette injonction qu'on retrouve dès le Moyen Âge dans les Memorbücher vise à préserver les traces du peuple juif menacé de destruction. Elle reflète aussi le culte de l'écrit née d'une conception théologique du langage. La transposition de cette loi dans le monde civil est déjà à l'œuvre au moment des pogroms d'Europe orientale et d'Ukraine autour du début du XX e  siècle. Shalom Anski et Isaac Leib Peretz lancent alors un appel pour écrire et conserver les traces du monde juif. La nouvelle difficulté réside dans le témoignage d'une destruction totale.

Litterature de La Shoah

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Littérature de la Shoah 1

Littérature de la Shoah« De tant de morts donnez-moi lamémoire, de tous ceux-là qui sontdevenus cendre, d’une génération

donnez-moi la mémoire, sa dernièrefureur, sa dernière douleur ».

Isaïe Spiegel, Donnez-moi la mémoire[1].

Stèle en mémoire des Juifs anéantis à Majdanek

La littérature de la Shoah est constituée par les ouvrages littérairesqui témoignent directement ou évoquent l'anéantissement des Juifs parle nazisme entre 1939 et 1945. Cet événement, qui est souventconsidéré comme une marque distinctive du XXe siècle, a reçudifférents noms (« génocide juif », « Holocauste ») avant que le termeShoah ne s'impose dans le monde et plus particulièrement en France àtravers le film de Claude Lanzmann datant de 1985.

La littérature de la Shoah commence, avant même l'anéantissementdans les camps de concentration et d'extermination, dans les ghettos oùsont entassés les Juifs de toute l'Europe allemande. « Tout le mondeécrivait » dans les ghettos, note l'historien Ringelblum[2]. Ce derniercrée d'ailleurs l’Oyneg Shabbos, organisation clandestine, suscitant etrecueillant les archives du ghetto de Varsovie, un ensemble detémoignages, d'œuvres littéraires et d'analyses sur les conditions de vie,d'alimentation et de création.

Après la guerre, la Shoah est devenu un objet littéraire etphilosophique de premier plan. Les textes de la Shoah se heurtent à la difficulté de raconter un événement sansprécédent, avec des actes parfois tellement horribles qu'ils instillent chez les auteurs la peur de ne pas trouver lesmots pour décrire et faire comprendre leur vraie nature. Mais les survivants ressentent l'impératif de dire ce qui s'estpassé, de témoigner, de garder vivante la mémoire des disparus. En fait, la diversité de la production littéraire, dutémoignage à l'essai philosophique et à la poésie a permis de rendre palpable l'horreur de la Shoah, la souffrance et ledésespoir des victimes. De Primo Levi qui narre le plus sobrement possible son combat quotidien pour survivre dansun camp de travail d'Auschwitz, au lyrisme désespéré de Katzenelson, le lecteur peut appréhender une part du vécuet des sentiments des victimes et des témoins de la Shoah. Depuis 1945, témoignages, romans, poèmes, essaiscontinuent à être publiés rencontrant des succès divers auprès du public.

Traditions littéraires juives et littérature de l'anéantissement

Rupture ou continuité des traditions littéraires juives?Les soubresauts de l'histoire juive : diaspora, persécutions régulières dès la première croisade, mises au ban de la société, pogroms, avaient conduit l'imaginaire juif à élaborer au cours des siècles de multiples figures pour dire le désastre. De plus, la culture religieuse juive nourrit une injonction mémorielle liée à l'exil, celle du Zakhor (« souviens-toi »). Cette injonction qu'on retrouve dès le Moyen Âge dans les Memorbücher vise à préserver les traces du peuple juif menacé de destruction. Elle reflète aussi le culte de l'écrit née d'une conception théologique du langage. La transposition de cette loi dans le monde civil est déjà à l'œuvre au moment des pogroms d'Europe orientale et d'Ukraine autour du début du XXe siècle. Shalom Anski et Isaac Leib Peretz lancent alors un appel pour écrire et conserver les traces du monde juif. La nouvelle difficulté réside dans le témoignage d'une destruction totale.

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Cela donne à l'écrit un caractère sacré et définitif nouveau[3].Les langues juives, l'hébreu et le yiddish utilisent les références aux textes sacrés pour évoquer les catastrophes quijalonnent leur Histoire, se chargeant de significations nouvelles, proposant des raccourcis où passé et présent setélescopent : Élection et Alliance, Déluge, Job, Akedah (le sacrifice d'Isaac), Hourban (la destruction du Temple).Mais chaque chute était suivie d'une restauration.L'anéantissement, lui, échappe à toute tentative de dénomination. Il ne trouve pas sa place dans des canonspréexistants et peut pas s'inscrire dans un temps cyclique de la Bible. La brutalité et la soudaineté de l'exterminationsuppriment non seulement la possibilité d'un présent et de l'avenir, mais également le passé. Les anciens codes, jadisimmédiatement déchiffrables par la communauté ashkénaze, se révèlent soudain inappropriés, et pourtantirremplaçables.« Après Auschwitz, écrire de la poésie est barbare. » affirme Theodor Adorno peu après la catastrophe[4]. De même,le survivant français qui veut témoigner par la littérature se trouve « privé de toute référence [...] Ce qui frappe c'est[...] l'absence de matrice littéraire, due d'ailleurs à l'étrangeté d'un phénomène, celui du camp de concentration,totalement extérieur à la culture politique et littéraire française »[5]. Elie Wiesel affirme : « Auschwitz nie toutelittérature, comme il nie tous les systèmes, toutes les doctrines ; l'enfermer dans une philosophie, c'est le restreindre,le remplacer par des mots, n'importe lesquels, c'est le dénaturer. La littérature de l'Holocauste ? Le terme est uncontre-sens »[4]. Charlotte Wardi, professeur de littérature à l'université de Haïfa et rescapée de la Shoah, dénoncetoute tentative d'esthétisation de la Shoah. Pour elle, la tentation de « faire du beau avec la Shoah » est dangereuse[6].

Mort du yiddish

Le shtetl de Lakhva, en Pologne, en 1926

À la fin du XIXe siècle, le yiddish était devenue la langue d'une grandepartie des Juifs d'Europe. Il y avait, en 1930, huit millions deyiddishophones principalement en Europe centrale et orientale[7]. Surles six millions de Juifs assassinés, au moins 5,4 millions étaient desyiddishophones[réf. nécessaire]. Le yiddish a donc été presqueentièrement anéanti en Europe en même temps que le monde juifpendant la Shoah, appelée le khurbn en yiddish. Les lieux de la viejuive (écoles, théâtres, journaux, synagogues, centres culturels,shtetlech...) ont eux aussi été détruits, ainsi que l'immense patrimoinelittéraire de l'YIVO de Vilnius[]. C'est pourquoi Rachel Ertel[8] parled'anéantissement, car d'une part dynamique de la culture européenne, il ne reste plus que des traces après 1945. Dansce contexte, écrire en yiddish, prend un sens encore plus lourd. L'écrivain yiddish parle d'une double mort : la mortde son peuple et la mort de sa langue qui en découle[9]. L'écrivain se trouve dans une situation inextricable: s'il écriten yiddish, son œuvre n'aura une audience que très réduite. S'il écrit dans une autre langue, il trahira les morts, laseule langue leur rendant vraiment justice étant le yiddish, la langue des exterminés. Les publications en yiddish sontdonc très nombreuses dans les années d'après-guerre. Ainsi Chava Rosenfarb a écrit toute sa vie en yiddish mais c'estla traduction en anglais de son roman, L'arbre de vie qui lui a donné une notoriété plus large. Face à la mort dumonde ashkénaze, l'écrivain a tendance à magnifier les modes de vie détruits, les lieux abolis, les disparusexterminés. Certains de ces témoignages sont collectifs, comme lesYizker Bikher, ou livres du souvenir, écrits par lesmembres survivants d'une communauté disparue dans la Shoah. Écrits les plus souvent en yiddish, ils sont untémoignage de la splendeur de la vie juive détruite, de l'occupation nazie et du martyre de leur ville ou de leurvillage, le shtetl. On trouve aussi une liste des membres de la communauté morts pendant la Shoah[10]. L'écrivainyiddish a aussi tendance à la sacralisation du yiddish lui-même, la langue réduite en cendres. L'écrivain doit aussiaffronter le tabou de la mort à laquelle il a échappé.

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Culpabilité des survivants

Adolf Hitler représenté en chat par ArtSpiegelman.

Les écrits des survivants de la Shoah sont marqués par la culpabilitéqui croît au fil des années. Elle fait partie de ce que Primo Levi nommela « zone grise » : « Tu as honte parce que tu es vivant à la place d'unautre ? Et en particulier d'un homme plus généreux, plus sensible, plussage, plus utile, plus digne de vivre que toi ? »[11]. Déjà dans Si c'est unhomme, sa première œuvre majeure sur la Shoah, il expliquait que,dans le camp, la survie passait par l'absence de solidarité entre lesdétenus et que les plus malins, n'hésitaient à dépouiller les plus faibles(les « Musulmans (en) » dans le langage du camp) ou les plus naïfs deleur maigres moyens de survie. L'on recherchait aussi par tous lesmoyens, fussent-ils préjudiciables à autrui, à monter dans la «hiérarchie, » ce qui permettait d'obtenir des rations supplémentaires ou,à tout le moins, de se voir attribuer les travaux les moins épuisants.

Cette déshumanisation, qui ne permet pas de tracer une séparation netteentre le bourreau et sa victime (laquelle se retrouve donc souvent dans cette « zone grise »), ne cesse de culpabiliserl'auteur.Elie Wiesel écrit : « Je vis donc je suis coupable ; si je suis encore là, c'est parce qu'un ami, un camarade, un inconnuest mort à ma place [...] le système de Selekzion dans les camps ne tendait pas seulement à en décimerpériodiquement les populations mais aussi à amener chaque prisonnier à se dire : cela aurait pu être moi, je suis lacause, peut-être la condition de la mort d'autrui. »[12]

Cette culpabilité touche non seulement les générations contemporaines du cataclysme mais aussi celles qui lui sontpostérieures. Ainsi, la philosophe Sarah Kofman, spécialiste de Nietzsche et de Freud, publie en 1993 sonautobiographie[13]. Il s'agit du récit de son enfance juive sous l'occupation nazie. Elle exprime la détresse longtempsmuette qu'elle a ressentie après la déportation et la mort à Auschwitz de son père rabbin. Peu de temps après elle sesuicide. Même Art Spiegelman exprime dans la bande dessinée Maus, sa culpabilité d'avoir une meilleure vie que sesparents survivants polonais de la Shoah[14]. Il admire son père d'avoir survécu ; ce à quoi Pavel, le psychanalyste deSpiegelman, répond : « La vie est toujours du côté de la vie et d'une certaine manière on en veut aux victimes. Maisce ne sont pas les MEILLEURS qui ont survécu, ni qui sont morts. C'était le HASARD[15] ! »La culpabilité se retrouve même dans l'écriture romanesque. Par exemple dans La Nuit des Girondins de Jacques(Jacob) Presser[16] l'auteur montre sa honte et sa culpabilité d'avoir survécu dans la clandestinité tandis que sa femmemourait dans les camps.

Témoignages pour la Mémoire et pour l'HistoireArticle détaillé : Liste des témoignages et journaux intimes écrits pendant la Shoah.Les bourreaux ayant tout fait pour que l'extermination des Juifs soit cachée à la face du monde, comptant même surson incrédulité devant l'énormité de la chose, la voix des victimes est d'autant plus importante.Les témoignages ont commencé dès les premières années de persécution et dès la naissance des ghettos : des cahiers,des lettres, des feuillets, des journaux intimes ont été écrits et conservés parfois dans des conditions extrêmes, dansdes caves, greniers, cheminées, doubles cloisons...Michel Borwicz, un des premiers à avoir étudié les témoignages, a constaté que le nombre d'écrits augmente en 1942 : jusque là, les Juifs des ghettos croyaient en une prochaine défaite de l'Allemagne, et au salut de la plupart d'entre eux. Cependant, c'est en 1942 que commence la déportation vers les camps de la mort ; les Juifs ont alors la conviction qu'ils mourront tous avant d'avoir vu la défaite nazie. Conserver la mémoire d'événements défiant

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l'imagination devient alors un impératif aux yeux de beaucoup[10].Cet impératif se retrouve même au cœur des chambres à gaz : les Rouleaux d'Auschwitz[17], carnets manuscrits,enfouis près du crématoire III d'Auschwitz, ont été enterrés par les membres du Sonderkommando : ZalmanGradowski[18], Zalmen Lewental, et Leib Langfus[19] ont écrit en yiddish ; Haïm Herman en français ; MarcelNadsari en grec[20]. Ces cinq textes ont été retrouvés après la guerre. Aucun de leurs auteurs n'a survécu, les équipesétant liquidées et remplacées à intervalles réguliers. Ils n'ont pas l'idée d'un récit ordonné des scènes atroces qu'ilsdécrivent. Ils cherchent juste à décrire l'horreur dans laquelle ils sont plongés. Tous les manuscrits retrouvés parlentde la terreur qui règne à Birkenau, du silence, de l'absence d'évasion, de ce monde à l'envers où le meurtre est devenula norme.Atypique à plus d'un égard, le Rapport Vrba-Wetzler est le premier témoignage écrit de première main surAuschwitz à être parvenu en Occident. Cependant, il ne fut, contrairement au souhait des auteurs, deux évadésd'Auschwitz (seules cinq personnes y parvinrent au cours de l'existence du camp), pas diffusé, ce qui aurait permisd'éviter, selon Rudolf Vrba, la déportation des Juifs de Hongrie.

Journaux intimes d'adolescentes

Timbre allemand à l'effigie d'Anne Frank

Les journaux intimes, écrits au jour le jour pendant les périodes noirespermettent de mieux appréhender l'état d'esprit des victimes et decomprendre de l'intérieur une partie de leur vécu. Le plus connu de cesjournaux intimes est celui d'Anne Frank, retrouvé par des amishollandais après la déportation de la famille Frank. Avec une maîtrisede l'écriture époustouflante pour une adolescente, elle y reflète sesémotions et ses aspirations face aux épreuves. Elle écrit ainsi : «Pourtant je m'y accroche, malgré tout, car je continue à croire à labonté innée de l'homme. Il m'est absolument impossible de toutconstruire sur une base de mort, de misère et de confusion »[21].

Il existe aussi d'autres journaux intimes de jeunes filles possédant, ounon, la même force et la même qualité d'écriture mais qui sontbeaucoup moins célèbres. Ana Novac fut déportée à l'âge de quatorzeans à Auschwitz où elle réussit à tenir un journal. C'est le seul journaljamais sorti d'un camp d'extermination nazi[22]. L'auteur y décrit lecôtoiement continuel de la mort. Elle fait preuve d'une remarquable lucidité sur les misères de l’homme, surl’absurdité de la guerre, sur l’intangibilité de la frontière entre bourreaux et victimes.

Il y a également le journal de Mascha Rolnikaite[23] qui avait le même âge qu'Anne Frank au moment de l'entrée desAllemands à Minsk, tint un journal qu'elle apprit par cœur pour échapper à la surveillance des bourreaux. Elle letranscrivit de mémoire, à la Libération. Outre son talent de narratrice, elle possède la capacité de se mettre à la placedes autres et de donner une voix à leurs souffrances[24].Rutka Laskier, surnommée la « Anne Frank polonaise » évoque la ghettoïsation puis la déportation de lacommunauté juive de Będzin vers Auschwitz, où elle sera gazée avec son frère et sa mère, dès leur arrivée[25].Il convient de citer aussi les journaux intimes de Mary Berg[26] du ghetto de Varsovie, ainsi que celui d'Hélène Berrà Paris.De nombreux témoignages ont été retrouvés dans des caves, greniers, cheminées, doubles cloisons. Tous ne sont pas publiés. C'est le cas du journal d'Elsa Binder conservé à l'institut historique juif de Varsovie. Dans son journal intime, la jeune fille de 18 ans évoque le massacre des Juifs de Stanislawow en Galicie perpétré par les Einsatzgruppen, le 12 octobre 1941, dans le cadre des opérations mobiles de tuerie qui accompagnent l'opération Barbarossa. Lorsqu'elle parle de son amie Tamarczyk assassinée, elle écrit simplement : « J'espère que la mort s'est

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bien passée pour elle [...] Et qu'elle n'a pas dû souffrir comme sa camarade Esterka qui, comme on l'a vu, a étéétranglée[27]. »

Chroniques et journaux intimes

Les unités de tueries mobiles (Einsatzgruppen) enURSS

D'autres journaux ont été rédigés pendant cette période comme celui deLeyb Rokhman du ghetto de Minsk[28]. Le journal débute le17 février 1943. Leyb Rokhman y décrit la résistance, d'abord juiveautonome, ensuite commune avec Russes et Polonais puisl'extermination des Juifs. Avraham Tory[29], avocat de formation, étaitsecrétaire du Judenrat du ghetto de Kaunas. À ce titre il a accès auxdécrets imposés par les nazis, aux réunions secrètes ou non duJudenrat, qu'il consigne à l'insu des autres membres dans son journal :« J'écrivais à toute heure, dans les premières heures du matin, dansmon lit la nuit, entre les réunions du Judenrat. Durant les réunions,j'écrivais quelquefois l'ordre du jour, des citations, des résumés, desdates le nom des lieux et des personnes sur des bouts de papiers ou un carnet de notes de peur d'oublier »[30]. Toryparvient à s'échapper du ghetto de Kaunas en 1944 après avoir caché son journal. Il expliqua plus tard : « Je cachaisdans une caisse ce que j'avais écrit avec frayeur et anxiété car cela pouvait servir de preuve, de corpus delicti,temoignage accablant quand le jour du jugement viendrait ».

À Varsovie, le président du Judenrat Adam Czerniakow[31] tient également son journal, ainsi que le pédagogueJanusz Korczak[32], et d'autres anonymes, dont Chaim Kaplan[33], Abraham Lewin[34].Shloyme Frank[35] fournit un témoignage du ghetto de Lodz.Il faut aussi parler du bibliothécaire Hermann Kruk[36], qui, à Vilnius, prend la tête des Brigades des papiers ets'efforce de soustraire aux Allemands tous les biens culturels qu'il peut.Beaucoup de notes prises par les victimes ont été enfouies puis déterrées par les survivants, sont souventfragmentaires, incomplètes, partiellement illisibles à cause des intempéries. Certains prennent la forme d'invocations,plaintes ou cris d'alarme et de détresse.Par ailleurs, le journal de Victor Klemperer[37] est une œuvre particulière et de premier plan. Vivant en Allemagne,Victor Klemperer, Juif allemand converti, a échappé à la déportation parce qu'il était marié à une non-juive. Il a tenuau jour le jour un journal de sa vie à Dresde. Exclu de l'université parce que Juif, Klemperer rédige son journal tousles matins. Il y consigne tout ce qu'il a observé et entendu la veille : « Je me disais : tu écoutes avec tes oreilles et tuécoutes ce qui se passe au quotidien, juste au quotidien, l'ordinaire et la moyenne, l'anti-héroïque sans éclat [...] »[38].Son journal a été publié sans avoir été retouché.

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Archives des ghettos

Vieux Juif dans le ghetto de Varsovie

Témoigner devient parfois un travail minutieux d'historien oud'archiviste. L'historien Emanuel Ringelblum, le fondateur de l'OynegShabbos rassemble tous les documents qu'il peut trouver sur le ghettode Varsovie. L'objectif était d'élaborer une étude exhaustive de la vie etde l'histoire des Juifs sous l'occupation nazie.

Sauvées des ruines du ghetto, elles forment un ensemble de25 000 pages appelé les Archives Ringelblum dont les 6 000 piècessont conservées à l’Institut historique juif de Varsovie. Une partieseulement a été publiée en français[39]. Le groupe de Ringelblum a faitun véritable travail d'archivage en collectant aussi bien des documentsofficiels (annonces des autorités d'occupation, formulaires, cartes derationnement) et personnels (cartes d'identité, cartes de logement oucertificats d'embauche) que tous des document relatifs aux actionscommerciales ou culturelles. D'autre part, Le groupe a mené desenquêtes et couché par écrit des témoignages concernant la situationdes différents groupes professionnels et des différentes tranchesd'âge[40]. On y trouve aussi des écrits littéraires, poèmes, proses, piècesde théâtre.

Ces archives ont été enfouies avant la destruction du ghetto et ont été exhumées après la guerre. Presque tous lesauteurs des documents des Archives Ringelblum sont morts, soit dans le ghetto, soit dans les camps d'extermination.Il convient également de citer les chroniques quotidiennes du ghetto de Lodz, chronique minutieuse de quelque6 000 pages écrites par les membres du Département des archives dans la clandestinité et qui retrace la viequotidienne dans le ghetto. Ces émanations clandestines du Judenrat, apportent des informations capitales sur unepériode sombre de la vie d'une communauté juive.

Selon Saul Friedländer, ces journaux intimes ont été insuffisamment exploitée par les historiens[41]. Pour lui, la «fonction perturbatrice est essentielle à la représentation historique de l'extermination de masse [...] et peut ébranlerl'idée confortable que nous nous étions faite auparavant d'événements historiques extrêmes ». Les témoins cherchentpourtant à retranscrire le plus fidèlement possible ce qu'ils ont vécu.

Mémoire des rescapésArticle détaillé : Liste de récits de rescapés de la Shoah.La voix des rescapés fait écho à celle des disparus. Elle cherche à traduire pour les vivants les souffrances etl'absurdité totale du monde des camps, la faim, la mort constante et la difficulté de survivre. Jean Cayrol forge leterme de littérature lazaréenne pour qualifier ce nouveau genre littéraire. Le témoignage écrit permet à son auteur deprendre le temps de raconter son histoire et de la comprendre. Roger Gouffault déporté à Mauthausen l'exprime de lasorte : « L’écrit reste. L’écrit est une trace, tandis que les paroles s’envolent. Le livre, qui est un écrit long, permet deprendre le temps. Démontrer la progression, l’évolution des choses. Et donc de les comprendre »[42].Nadine Heftler[43] explique : « Je me suis seulement contentée de me remettre dans les événements, depuis que laGestapo a frappé à ma porte jusqu'à la fin de la guerre »[6]. La dureté du témoignage des premiers écrits tranche avecla plus grande retenue des écrivains des années 1970.

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Récits d'après-guerreDans le monde yiddish, les survivants écrivent par centaines.Mordekhai Strigler[44], dans son livre publié en yiddish en 1947, relate son expérience dans le camp de travail etd'extermination de Majdanek où il a été détenu pendant plusieurs semaines avant d'être envoyé dans un autre camp.L'auteur ne s'est pas contenté d'un simple récit factuel de la vie et des souffrances des déportés, il a aussiprofondément réfléchi à la psychologie et aux réactions tant des victimes que des bourreaux confrontés à dessituations exceptionnelles.Il faut aussi parler d'Avrom Sutzkever[45] rescapé du ghetto de Vilnius, de l'acteur de théâtre Jonas Turkow[46],membre de l'Oneg Shabbat pour lequel il écrivit un essai sur le théâtre dans le ghetto de Varsovie ou d'Élie Wiesel.Ce dernier écrit tout d'abord son témoignage en yiddish, paru en 1955 sous le titre de ...Un di Velt Hot Geshvign («Et le monde se taisait »), avant de le rééditer en français sous le titre de La Nuit[47], considéré depuis comme l'un despiliers de la littérature de la Shoah.

Survivant d'un camp de concentration

Il existe aussi de nombreux témoignages qui n'ont pas été écrit enyiddish. Le témoignage de Pelagia Lewinska[48] relate les exactionsdes SS et de leurs exécutants en mettant en lumière les fournéessuccessives qui doivent disparaître. Elle explique qu'il faut éliminer auplus vite les plus faibles en ajoutant aux « appels » meurtriers desscènes de sport imposées à celles qui chancelaient[49]. On retrouve lesmêmes considérations sur le sadisme des bourreaux dans le récit deMoshé Garbarz[50]. Il y décrit l'habitude des SS consistant à tuersystématiquement celui qui ne se relevait pas pendant un tabassage.Les récits des déportés reprennent indéfiniment la scène de l'arrivéedans le camp de concentration, la course hors du train, l'attenteinterminable, debout, dans la neige ou sous le soleil, l'appel dans lacour du camp au milieu des prisonniers hébétés, l’abandon desbagages, la perte des objets personnels, le déshabillage, le rasage de latête aux pieds, la désinfection, la douche, la distribution de vêtementset de galoches, le froid des longs hivers... L'accent est mis sur ladéshumanisation que subissent les prisonniers, réduits au rang de bêtes de sommes affamées et hagardes, iniquementoccupées à survivre le plus longtemps possible.

Les témoignages ont été très nombreux dans l'immédiat après-guerre et dans les années 1970-2000. Après guerre, lesrescapés pensaient qu'ils avaient le devoir impérieux d'exposer l'inouï à la face du monde. Primo Levi[51] et RobertAntelme[52], déporté politique, sont les deux auteurs les plus connus. La précision de leur témoignage atteint unegrande profondeur philosophique comme le montre cet extrait :

« Nous sommes complètement épuisés, incapables même de courir […] La colonne marche dans l’ordre, puisle Blockführer SS qui se trouvait en tête descend vers le milieu de la colonne. Il s’arrête sur le bord de la route,les jambes écartées, et regarde la colonne passer. Il observe. Il cherche. « Du, komm hier ! » C’est un autreItalien qui sort. Sa figure est devenue rose. J’ai encore ce rose dans les yeux. Personne ne le tient au corps […]il attend Fritz, il va se donner à Fritz. La « pêche » continue […] On croirait qu’on est de connivence avec eux[…] On a vu la mort sur l'Italien. Il est devenu rose après que le SS lui a dit « Du, komm hier ! » Le SS quicherchait un homme, n’importe lequel, pour faire mourir, l’avait « trouvé », lui […] On ne parle pas. Chacunessaie d’être prêt. Chacun a peur pour soi […] Prêt à mourir, je crois qu’on l’est, prêt à être désigné au hasardpour mourir, non. Si ça vient sur moi, je serai surpris et ma figure deviendra rose comme celle de l’Italien[53]. »

Les deux hommes ont ressenti cruellement la difficulté d'être entendus et crus dans leurs efforts de reconstituer la réalité et établir pour l'Histoire la matérialité des faits. La France de l'après-guerre immédiat est un pays traumatisé

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par la défaite et l'occupation. Elle a envie de tourner la page. De même, l'Italie panse les plaies des années defascisme. De ce fait, les premiers témoignages peinent à trouver un éditeur et des lecteurs. La première édition de Sic'est un homme, de Primo Levi (réédité en Pocket), n'excède pas 2 500 exemplaires, en 1947[6]. Sur la difficulté de sefaire comprendre David Rousset écrit : « Les hommes normaux ne savent pas que tout est possible. Même si lestémoignages forcent leur intelligence à admettre, les muscles ne suivent pas. [...] La mort habitait parmi lesconcentrationnaires toutes les heures de leur existence. Elle leur a montré tous ses visages. Ils ont touché tous sesdépouillements [...] Ils ont cheminé des années durant dans le fantastique décor de toutes les dignités ruinées. Ils sontséparés des autres par une expérience impossible à transmettre[54]. »Les œuvres des témoins ont toute en commun une économie de moyen au service d'une écriture réaliste. Ces écritssont influencés par les bouleversements de la littérature du XXe siècle. L'écriture de David Rousset rappelle celle duroman objectif américain. Beaucoup de textes ont été réécrits entre la première édition et la première réédition. C'estle cas de Si c’est un homme de Primo Levi. Entre la version écrite en 1946 et publiée en 1947, et la seconde, lastandard, écrite entre 1955 et 1956 mais publiée en 1958, il existe des différences notables. De plus, un retour à larationalité caractérise cette littérature[55].

Derniers témoinsÀ partir des années 1970, conscients de l'imminence de leur décès et de la nécessité de transmettre, les dernierstémoins oculaires ont pris la parole.Marek Edelman, un des commandants de l'insurrection du ghetto de Varsovie, qui avait toujours gardé le silence etrefusé toute participation officielle aux commémorations, livre ses souvenirs en 1977 dans un entretien avec HannaKrall[56]. « Antek » Itzhak Zukerman, membre du mouvement juif de résistance du ghetto de Varsovie Ha'Chalutzattend les dernières années de sa vie pour dicter ses souvenirs du soulèvement du ghetto de Varsovie. Aba Kovner,combattant du ghetto de Vilnius, rédige les siens[57].Parmi les témoignages les plus terribles, se trouve celui de Filip Müller, l'un des rares survivants desSonderkommandos d'Auschwitz [58]. Il décrit sa sinistre tâche : sortir les corps des chambres à gaz, vérifier laprésence d’or (dentaire inclus) et tous objets de valeur qui seraient remis aux SS, tondre les cheveux des femmes puisincinérer les corps.Il est plus facile pour ces derniers témoins de communiquer leur expérience. Les temps ont changé. L'écoute et lacompréhension sont plus importantes.Seule Ruth Klüger bouscule le consensus sur le devoir de témoigner. Dans son livre Refus de témoigner[59], paru en1992, cette spécialiste de la littérature allemande cherche à tordre le cou à ce qu'elle appelle des idées reçues. Pourelle, le souvenir, pour qu'il existe, demande un lien. Mais il est difficile à établir car il y a « un intervalle béant ». Ilest aussi difficile et même « absurde » de décrire les camps avec des mots car « le langage humain a été inventé pourautre chose ». Ses souvenirs n'évoquent que très peu les nazis et les camps de concentration[60].Dans le marché du livre de la décennie 2000, la publication de nouveaux témoignages pose problème : beaucoupn'ont pas les qualités littéraires qui font un bon livre ; le nombre des ventes est très limité, rarement plus de1 000 exemplaires. De fait, l'édition de ce genre d'ouvrages s'apparente à un acte militant et se heurte à la convictionque « la Shoah n'est pas seulement l'affaire des Juifs et des fédérations de déportés »[61]. De plus, bien qu'il possèdela légitimité de la souffrance vécue, le récit du déporté demeure souvent, aux yeux des historiens, l'expressionindividuelle d'un malheur collectif. Il est donc susceptible de distorsions. L'historien Raul Hilberg déclare à ce sujet :« Bien que je me sois assez peu servi des témoignages, ils m'ont fait commettre des erreurs[6] ».

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Penser la ShoahArticle détaillé : Liste d'essais sur la Shoah.

La Shoah, un événement unique dans l'histoire ?Le génocide des Juifs a eu des conséquences dans le domaine de la pensée philosophique. Ainsi, Adorno s'est posé laquestion : « Comment penser après Auschwitz ? ». Pour lui la pensée occidentale, issue de la Renaissance et desLumières est devenue caduque. En effet, la philosophie occidentale a maintenu des rapports autres qu’épisodiquesavec les structures totalitaires ayant pour conséquence Auschwitz. Aimé Césaire avance, quant à lui, que la penséeque révoque Adorno devant la barbarie nazie frappant en Europe des Européens tout blancs est la même quiphilosophait tranquillement des siècles durant, se souciant éperdument de la barbarie européenne sévissant dansd'autres contrées où elle pensait qu'il n'y avait des hordes sauvages sans foi ni loi et surtout sans droit[62]. Ainsi setrouve posée d'une manière radicale la question de l'unicité de la Shoah. Alan S. Rosenbaum[63] reprend lesarguments en faveur de l'unicité de la Shoah : l'intention délibérée d'un État moderne d'exterminer un peuple ;l'instrumentalisation à cette fin d'un antisémitisme installé depuis des siècles ; la mobilisation de tout un appareilsocial et administratif ; l'effort immense pour rafler dans les pays occupés tous les Juifs pour les soumettre à unprocessus pour les réduire en esclavage et de les éliminer[62]. Christian Delacampagne pense que l'entreprisegénocidaire obéit à quatre critères : volonté de détruire physiquement un groupe en tant que tel pour des raisonsd'ordre national, ethnique, racial ou religieux, utilisation, à ces fins, des ressources de la bureaucratie et de latechnologie, des moyens d'action « collectifs et modernes[64] ». Dans cette acception, le génocide arménien, la Shoahet le génocide rwandais sont de même nature.

La Shoah et la question humaine

Ruine du crématoire IV

La Shoah est une telle négation de l'Homme[65] dans ses fondementssociaux, moraux et philosophiques qu'elle amène les témoins à sepencher sur la question humaine. De fait, Primo Levi et RobertAntelme s'interrogent tous deux en 1947 afin de savoir « si c'est unhomme » et ce qu'est « l'espèce humaine ». Bruno Bettelheim a connuen 1938, la déportation à Dachau puis à Buchenwald avant de pouvoirémigrer aux États-Unis en 1939[66]. Il consacre plusieurs livres à cequ'il nomme l'analyse de « l'expérience de l'extrême », des effets de laterreur, de l'humiliation, et à la dégradation psychologique et moralequ'ils entraînent chez les victimes[67]. Hannah Arendt débarrassel'extermination de toute dimension mystique ou théophanique dans sa

thèse célèbre sur la banalité du mal[68]. Elle analyse les nazis comme des serviteurs du crime, simples rouages d'uneénorme machine administrative devenue folle et inhumaine.

Les interrogations sur la nature de l'espèce humaine nées après Auschwitz continuent à questionner les philosopheset les intellectuels. Pour Giorgio Agamben, un philosophe italien né en 1942, Auschwitz est « un lieu où l’étatd’exception coïncide parfaitement avec la règle, où la situation extrême devient le paradigme même du quotidien[69]

». Pour lui, ni les règles de droit, ni la morale, ni les référence culturelles ou philosophiques ne peuvent expliquer leréel alors que le musulman, celui qui est chargé dans le camp de gérer les chambres à gaz et le four crématoire ne lepeut plus[70]. Les philosophes questionnent le lien entre l'humain et l'inhumain. La culpabilité n'est pas seulementcelle des rescapés, elle est ici celle des survivants qui ont perdu des proches[65].Les psychanalystes se sont eux aussi emparés de la Shoah à travers les notions de perlaboration, de travail du deuil,de résilience. Parmi les nombreux ouvrages consacrés à ce sujet on peut citer L'Absence de Pierre Fédida[71] et CeTemps qui ne passe pas Jean-Bertrand Pontalis[72].

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Dieu et la ShoahLa Shoah a poussé un bon nombre de Juifs à s'interroger sur le silence de Dieu. En effet, pour beaucoup de Juifs, àl’heure de l’épreuve, le silence de Dieu est un scandale. Cette question est majeure à l’intérieur même du judaïsme etpour tout juif croyant, la foi juive se fondant précisément dans la présence de Dieu dans l'Histoire.L'une des réponses est celle du psychiatre juif Henri Baruk : la Shoah peut se concevoir comme une théophanie,c'est-à-dire une manifestation divine, mais négative. Elle serait l'application des menaces de Dieu à Moïse en cas derupture de l'Alliance. Selon Baruk, Marx et Freud, ces deux dissidents du judaïsme que la Bible désigne sous le nomde « faux prophètes » sont les grands responsables de cette rupture de l'Alliance qui entraîne une menace contrel'existence même du peuple juif. La Shoah est donc interprétée comme une punition. D'autres « prophétisaient » cette« punition » lors de la réforme du judaïsme entreprise par Abraham Geiger[73]. Cette notion de punition estégalement adoptée par Zalman M. Schachter, bien qu'elle s'adresse à tous les Juifs, qui n'ont pas condamnél'Allemagne.Des Juifs laïcs de la jeune génération répondent à cela que « s’il y avait un Dieu, il aurait sauvé au moins lesobservants, les fidèles, les priants »[74]. Pour eux, ainsi que leurs aînés, la Shoah est simplement une preuve de plusinfirmant l’existence de Dieu[75]. Dans une ligne proche, bien que dans une optique plus religieuse, André Néherparle à propos de la Shoah d'un « échec de Dieu. »Cependant, ces deux types de réponses sont irrecevables pour Emil Fackenheim, rabbin progressiste, héritier de lapensée de Franz Rosenzweig et de Martin Buber, et tributaire des interrogations d'Elie Wiesel. Pour ce dernier, nédans une famille juive orthodoxe, élevé dans le monde des Hassidim, et bercé dans la Kabbale, le « Dieu de sonenfance, » Celui qui sauve toujours Ses enfants in extremis, est mort. Cependant, ce n'est pas le cas de DieuLui-même : la colère de Wiesel s'élève à l'intérieur de la foi, et « les questions que je m'étais autrefois posées àpropos du silence de Dieu, elles demeurent ouvertes [...] je maintiens que la mort de six millions d'êtres humainspose une question à laquelle aucune réponse ne sera jamais apportée[76]. » Fackenheim affirme quant à lui que seulela tradition juive peut, et doit, répondre à la question : malgré le mal, Dieu est-il présent dans l’histoire ? Pour lui, lesJuifs sont « Témoins pour Dieu et pour l'homme, même si nous (les Juifs) sommes abandonnés par Dieu et parl'homme »[77].Ces réflexions sont le fruit d'une longue maturation. En 1938, Emil Fackenheim, emprisonné avec d’autres Juifs, sefait interpeller par l’un d’eux : « Vous avez étudié la théologie juive, n’est-ce pas Fackenheim ? Vous en savez doncbien plus que nous tous ici. Alors je vous demande ce que le judaïsme pourrait nous dire aujourd’hui ». Fackenheimse promit alors de pouvoir répondre un jour à cette question. Après Auschwitz, il pense que pour ne pas donner àHitler la victoire à titre posthume, il est interdit au Juif de désespérer de l’homme et de son monde et de s’évader dansle cynisme ou dans le détachement[78]. Si l'on peut parler, avec Martin Buber, d’éclipse de Dieu, il n’y a pas lieu des’attarder sur la mort de Dieu, car cette image de Dieu est bien éloignée de la représentation que s'en fait lejudaïsme[79].Le philosophe allemand Hans Jonas propose une réponse fort différente dans Le Concept de Dieu aprèsAuschwitz[80]. Pour lui, une certitude émerge du désastre : si l'existence de Dieu ne doit pas être remise en questionaprès Auschwitz, le concept de la toute-puissance divine doit en revanche être abandonné. Les hommes doiventaccepter un Dieu faible en devenir et en souffrance, un Dieu qui « s'est dépouillé de sa divinité »[81], seule hypothèsealternative acceptable à celle d'un Dieu tout-puissant, qui a donc voulu ou permis l'extermination des Juifs.

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Le témoignage et le Dire

Stolperstein à Hambourg (Max Eichholz (de))

L'essai, forme hybride entre document historique, récit biographique etréflexion philosophique, est devenu une des formes majeures del'écriture de la Shoah. C'est un genre autonome qu'on peut retrouverdans le roman et même de la poésie. Adorno, en s'interrogeant sur lapossibilité d'écrire de la poésie après Auschwitz ouvre un champ quimobilise une grande partie de la réflexion contemporaine surl'esthétique. Les essais se multiplient : Maurice Blanchot s'interrogentsur L'Écriture du désastre[82]. Jacques Derrida consacre plusieurslivres à la question : L'Écriture et la différence (1967), Schibboleth(1986), Feu la cendre (1986), Sauf le nom (1993), Khôra (1993),Apories (1996). Le philosophe Paul Ricœur a développé unephilosophie de la mémoire, définissant le devoir de mémoire commeune certaine forme d'injonction à se souvenir d'événements horribles,qui ne prend son sens que par rapport « à la difficulté ressentie par la communauté nationale, ou par des partiesblessées du corps politique, à faire mémoire de ces événements de manière apaisée ». Il relève qu'il y a un glissementdu bon usage à l'abus du « devoir de mémoire », lorsque « le devoir de rendre justice, par le souvenir, à un autre quesoi », aux victimes à l'égard desquelles nous avons une dette à payer, s'érige en « direction de conscience qui seproclame elle-même porte-parole de la demande de justice des victimes » par une sorte de « captation de la parolemuette des victimes »[65].

L'interrogation sur la possibilité ou l'impossibilité du Dire traverse donc tous les essais, toutes les réflexions sur laShoah. Comment dire le néant ? « Effectivement. Comment peut-on décrire des choses qui « ne peuvent se décrire »et pour lesquelles « il n'y a pas de mots » ? Et pourtant il a fallu trouver des mots, parce que hormis les mots, il n'yavait presque rien[...] »[83]. C'est un musicien, Simon Laks qui le dit.

Littérature romanesque de la ShoahArticle détaillé : Liste de romans sur la Shoah.Les questions posées par la littérature romanesque de la Shoah peuvent être résumées en deux phrases. La premièred'Adorno : « Quelle est la légitimité de l'art confrontée à la souffrance extrême ? ; La seconde d'Aharon Appelfeld : «Seul l'art a le pouvoir de sortir la souffrance de l'abîme[84] ».

Écriture romanesque des rescapés des camps et des ghettos

Romans en yiddish

Les ruines du ghetto de Varsovie photographiéesen 1945

Les premières œuvres romanesques sont, comme les témoignages,dictées par la volonté de transmettre, de rendre cette expérienceintelligible mais cette fois-ci dans une reconstitution utilisant les codesfictionnels. C'est en Yiddish que sont écrits les premiers romans.Chava Rosenfarb publie L'Arbre de vie (Der boym fun lebn ; דער בויםtrilogie commencée dans le ghetto de Lodz et achevée en ,(פֿון לעבן1972. Elle est aussi l'auteure de poèmes écrits à Auschwitz où elle futinternée en 1944. Mordekhai Strigler relate sous forme romancée sa viedans le camp de travail de Skarzysko-Kamienna où il fut envoyé après

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avoir passé sept semaines à Majdanek[85]. Il écrit ensuite Fabrique C en 1950 et les deux volumes de Destins en1952. Isaïe Spiegel écrit plusieurs séries de nouvelles : Lumière d'abîme en 1952, Vent et racines en 1955 et LesFlammes de la terre[86] en 1966. Yehiel De-Nur utilise la forme romanesque pour livrer ses souvenirs sous le nom de« Ka-Tzetnik 135633 » ce qui signifie KZ (Konzentrationslager) 135633 en référence au numéro que les nazis onttatoué sur son bras à son arrivée dans le camp d'Auschwitz.. Son œuvre sur la Shoah donnera naissance à un cycle desix romans étalés dans le temps. En 1946, Il écrit Salamandra[87], où il décrit le sadisme des nazis à Auschwitz. LaMaison de filles de 1955 raconte l'histoire de Daniella, quatorze ans au début du récit, qui finit par aller travaillerdans « la Maison de filles »[88]. Ka-Tzetnik évoque dans ce roman écrit d'après le journal écrit par une jeune fille quia péri dans les camps de la mort, un bordel de prostitution forcée situé à l'intérieur du camp, un quartier cyniquementappelé « Division de la Joie » (en anglais, Joy Division), d'après la terminologie nazie. Sont décrites les atrocitéssubies par les jeunes filles et les femmes juives, recrutées par les officiers nazis dans les camps pour être violées.Rachmil Bryks écrit des nouvelles en yiddish traduites en anglais sous le titre de A Cat in the Ghetto : FourNovelettes[89]. Elles parlent de la mort lente dans le ghetto.

Témoignages romanesques dans d'autres langues

Mémorial à tous ceux morts en tentant de s'enfuirdu camp. Une sculpture semblable est exposé auMémorial de Yad Vashem à Jérusalem en Israël

D'innombrables romans sont écrits en diverses langues. Le FrançaisDavid Rousset écrit ses souvenirs d'ancien déporté dans Les Jours denotre mort[90] et dans Le pitre ne rit pas[91]. Il montre l'horreur et lagrandeur humaine qui se côtoient dans les camps. En langueallemande, on peut citer Lion Feuchtwanger, l'un des chefs de file desintellectuels allemands qui luttent contre le nazisme avant guerre.Réfugié en France puis aux États-Unis à partir de 1940, il publie LeDiable en France[92] en 1942. Il y raconte son internement en 1940 aucamp des Milles, près d'Aix-en-Provence ; il évoque les humiliationsque la France a fait subir aux Allemands et Autrichiens antinazis quiavaient, en 1933, choisi ce pays comme terre d'asile[93]. Fred Uhlman,exilé d'Allemagne en 1933 écrit L'Ami retrouvé[94]. Anna Seghers avec Transit (1944) livre aussi sous formeromanesque son histoire de réfugiée en France[95]. En langue tchèque, l'écrivain le plus emblématique est Jiri Weil.En 1949, il publie plusieurs livres sur le thème de la Shoah et de l'exclusion des Juifs du monde par les nazis : unroman d'inspiration autobiographique Vivre avec une étoile[96], un impressionnant collage littéraire, Complainte pour77 297 victimes (Žalozpev za 77297 obetí) (1958) et un roman posthume Mendelssohn est sur le toit[97] (1960). Enlangue polonaise, il faut citer deux auteurs. Les premier est Tadeusz Borowski qui n'est pas juif. Il fait revivrel'horreur des camps avec une cruauté à peine soutenable dans un recueil de nouvelles L'Adieu à Marie (Pożegnanie zMarią), ou Le Monde de Pierre[98]. Il finira par se suicider. Adolf Rudnicki qui a vécu la guerre en dehors du ghettomontre la vie du ghetto dans son recueil de nouvelles les Fenêtres d'or[99]. Ida Fink, née en 1921 à Zbarav a pus'échapper du ghetto de Lwow en 1942. Elle écrit en polonais uniquement sur la Shoah. Dans Le Jardin à ladérive[100], un recueil de nouvelles, elle trace le portrait de gens ordinaires confrontés à l'inimaginable. Dans LeVoyage[101], elle raconte sous une forme romanesque son odyssée douloureuse sous l'identité d'une petite fillecatholique pour échapper à ses bourreaux. En 1945, Joaquim Amat-Piniella écrit en catalan K.L. Reich, récitsaisissant de ses cinq années de captivité dans le camp de Mauthausen. Ce n'est qu'en 1963 que le livre sera publiédans une version expurgée par la censure de la dictature de Franco. La version complète ne sera publiée qu'en 2001.

L'écriture romanesque de ces écrivains décrit parfois avec un hyper-réalisme les situations, parfois même des visionsde cauchemar. Ils sont à mettre en parallèle avec les dessins réalisés par les déportés, les plus connus en France étantceux de David Olère. Les scènes d'arrivée dans le camp de concentration reviennent comme dans des cauchemars.On peut citer le roman de Ka-Tzetnik 135633, La Pendule au-dessus de la tête, paru en 1961.

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Les œuvres romanesques écrites en langue française par les rescapés de la Shoah empruntent différentes voieslittéraires. Le Sel et le soufre d'Anna Langfus, paru en 1960, évoque son périple pendant la guerre, ses qualitéslittéraires retiennent immédiatement l'attention de la critique et du public. Elle reçoit pour ce livre le prestigieux prixCharles Veillon. Le roman suivant, Les Bagages de sable obtient le prix Goncourt en 1962. Elle y présente sous laforme d'une aventure amoureuse râtée, le douleur d'une rescapée de la Shoah incapable de revenir au monde. PiotrRawicz, né en Ukraine et exilé à Paris en 1947 après avoir miraculeusement survécu à l’extermination des Juifsd’Europe, cherche à élucider les raisons de sa survie dans Le Sang du ciel, un roman étonnant qui oscille entremacabre et grotesque, violence et tendresse[102]. Le premier roman de Jorge Semprún Le grand voyage[103], écrit à40 ans, a comme thème la déportation. Ce roman autobiographique a la structure d'un récit oral. La tramechronologique est sans cesse perturbée par des digressions qui apparaissent au gré de la mémoire, par des mots-clésou même une volonté rationnelle de souvenir. La narration est une odyssée de cinq jours dans le cadre unique d'unwagon de marchandise entre Compiègne et le camp de concentration de Buchenwald. Gérard, le narrateur repense àson passé et raconte des événements relatifs[104].

Enfants de la Shoah

Ceux qui ont vécu la Shoah enfants livrent un regard différent. Ainsi Uri Orlev, né en 1931, survivant du ghetto deVarsovie et du camp de Bergen-Belsen, invente l'histoire d'Alex, gamin débrouillard, qui parvient à survivre avec sasouris blanche dans un abri clandestin qu'il a lui-même construit au sein du ghetto de Varsovie, Une île, Rue desOiseaux.Jaroslaw Marek Rymkiewicz, né en 1935, livre dans une œuvre inclassable, La dernière gare, Umschlagplatz[105], àla fois roman, essai et récit autobiographique ses souvenirs d'enfant polonais vivant tout près du ghetto de Varsovie.Umschlagplatz, la « place du Transbordement » est le lieu d'où sont partis vers les camps de la mort, 310 000 Juifs en1942. L'œuvre d'Henryk Grynberg, né en 1936 à Varsovie, a été caché pendant la guerre dans des familles « aryennes». Il témoigne de ses expériences à travers des nouvelles et des romans comme L'enfant de l'ombre[106] où il racontel'errance éperdue de son enfance, Drohobycz, Drohobycz and Other Stories : True Tales from the Holocaust and LifeAfter, un ensemble de nouvelles qui racontent entre autres l'assassinat de l'artiste Bruno Schulz[107] ou Children ofZion (Jewish Lives) où il raconte l'évacuation d'enfants d'Union soviétique vers la Palestine en 1943[108]. LouisBegley, né en 1933, se penche sur son passé dans Une éducation polonaise[109]. Il évoque « sa propre honte d'être envie », la blessure d'une enfance polonaise passée dans la peur, le mensonge, le secret. Jerzy Kosiński, autre enfantcaché raconte lui aussi dans son premier roman, L'Oiseau bariolé[110], en 1966, l'épopée d'un enfant juif dans lescampagnes polonaises durant la Seconde Guerre mondiale. Le lecteur est confronté à une suite de scènes atrocesdans lesquelles la violence et la cruauté atteignent leur paroxysme. Les tortures, tant morales que physiques, subiespar l'enfant, sont contées avec monotonie dans un style sec, toujours sur le même tempo, comme si elles étaient lesconséquences d'un mal inéluctable qui habite l'homme[111].

Le hongrois Imre Kertész, né en 1929 dont l'œuvre est profondément marquée par son expérience des camps, est letémoin incroyablement neutre de ce qu'il a vécu. Dans son roman Être sans destin[112], le héros est un adolescent juifde quinze ans, comme lui à l'époque de son internement, Le jeune homme est arrêté puis déporté dans un camp deconcentration nazi. Là, il considère les événements qui s'y déroulent comme quelque chose de « naturel compte tenudes circonstances ». De ce fait, la barbarie qu’il subit ne semble susciter en lui qu’indifférence (comme dansL'Étranger de Camus). Kertész raconte, sans aucun effet pathétique, les crimes atroces qui se déroulent dans lecamp. Il tente au contraire de s'en distancier, et de garder le point de vue d'un adolescent étonné. L'auteur pense qu'ilest impossible d'écrire un roman sur la réalité d'Auschwitz sans choquer le lecteur. On ne peut que tenter de fairecomprendre, par le trouble que suscite le récit, cette monstruosité humaine[113].

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Impostures littéraires

La portée de la Shoah, et l'impact des témoignages, ont encouragé certains auteurs à publier des récits purementfictifs en les faisant passer pour d'authentiques récits de survivants. Parmi ceux-ci, Monique De Wael, dite MishaDefonseca s'invente une odyssée pédestre de la Belgique à la Russie à la recherche de ses parents déportés[114]. Cetouvrage pourtant de piètre qualité littéraire s'est vendu à 200 000 exemplaires tant l'histoire de cette petite filleadoptée par des loups plus accueillants que les humains de l'époque a provoqué l'emerveillement des lecteurs.L'auteure a reconnu le caractère fictionnel de son œuvre[115] suite à la polémique déclenchée autour du livre Survivreavec les loups, et du film qui en avaient été tiré[116]. Elle avait été précédée en la matière par Bruno Grosjean, quiavait publié ses « souvenirs » sous le nom de Binjamin Wilkomirski[117], avant que les incohérences et le caractèrefictionnel du récit dont il faut souligner la qualité littéraire ne soient définitivement établis en 1999[118].

La Shoah, un thème fictionnel devenu universelLe choc de la Shoah a été tel dans le monde que de nombreux romanciers en ont fait un thème central pour leursfictons romanesques. tous les pays d'Europe ont été touchés ainsi que toutes les communautés juives du monde. Maispour la plupart de ces auteurs, qui n'ont pas fait l'expérience des camps, toute tentative de représentation directesemble impossible, voire indécente. Il faut donc trouver d'autres moyens pour parler de la Shoah, sans décrire lescamps et ce qui s'y passait.

Pionniers

La première tentative indirecte est certainement due à Saul Bellow, l'un des maîtres du roman juif américain. Dansson premier roman, L’homme de Buridan (Dangling Man) publié en 1944, il évoque les exactions des Gardes de ferroumains pendant la Seconde Guerre mondiale[119]. En 1946, Zvi Kolitz publia Yossel Rakover s'adresse à Dieu[120],poignant réquisitoire d'un combattant du ghetto de Varsovie, texte salué par Emmanuel Lévinas. En Israël, HaïmGouri s'inspire de ses expériences européennes en 1947[121], pour écrire L'Affaire chocolat. Il y dépeint deuxsurvivants se retrouvant dans la Varsovie d'après-guerre, Robi, débordant d'initiative et d'esprit d'entreprise, quiréalise l'affaire en question, tandis que son compagnon Mordy se laisse submerger par la douleur et en meurt.Edward Lewis Wallant met en scène dans son deuxième roman, Le préteur sur gages (1961) un rescapé de la Shoah,Sol Nazerman, survivant de Dachau et de Bergen-Belsen qui s'est installé comme préteur sur gages à Harlem.Wallant analyse les conséquences psychologiques de la Shoah chez un survivant. Il fait un parallèle entre la situationdes Juifs et celle des noirs américains victimes de l'esclavage et de la ségrégation. Ce parallèle a provoqué une vivecontroverse au moment de la sortie du roman[122].Saul Bellow et Bernard Malamud reviendront plusieurs fois dans leur œuvre sur la Shoah, le premier dans LaPlanète de M. Sammler[123], le second dans L'Homme de Kiev en 1966 et La Grâce de Dieu, son dernier roman en1982. Ils ouvrent la voie à toute une série de romans qui sans avoir comme sujet principal la Shoah, y font référencespar les biais d'un personnage ou d'un retour en arrière. Lorsque André Schwarz-Bart publie Le Dernier des Justes en1959, la littérature romanesque de la Shoah en est encore à ses balbutiements en France. Ce roman qui raconte par letruchement une saga familiale, l'histoire des Juifs d'Europe du XIIe siècle à Auschwitz connaît un succèsphénoménal (plus d'un million d'exemplaires vendus et un prix Goncourt). Le public français prend conscience del'horreur du génocide juif qu'il peut situer dans la perspective historique du vieil antisémitisme européen. L'impactfort de ce livre est tel que le « Kaddish » qui termine le livre est aujourd'hui inscrit en lettres géantes sur un mur deYad Vashem[124].

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Romanciers anglo-saxons

Fresque de Yad Vashem

Philip Roth dont les romans racontent l'histoire de Juifs américains,évoque souvent le souvenir de la Shoah. Dans son premier opus,Goodbye, Columbus[125], la Shoah apparaît dans une des six nouvelles,Eli le Fanatique. Dans le petite communauté de Woodenton, Eli Peck,un avocat juif assimilé de la petite ville, est chargé de faire partir unecommunauté juive fraîchement émigrée d'Europe de l'Est. Il seretrouve face à une communauté qui a tout perdu[126]. Par la suite,l'écriture de Philip Roth n'aborde la Shoah que sous les formes del'absurde, du grotesque, du macabre. Roth donne naissance à sondouble littéraire dans L'écrivain des ombres, « Nathan Zuckerman ».Celui-ci rencontre une belle inconnue qu'il imagine être une AnneFrank rescapée de Bergen-Belsen qui, apprenant sur le tard la survie deson père lors de la publication de son fameux journal, choisit de garderle silence pour laisser à son témoignage « posthume » toute sa forced'impact sur la prise de conscience de la Shoah[127]. Dans OpérationShylock l'écrivain aborde une nouvelle fois le thème de la judéïté auXXe siècle et se demande comme être Juif au XXe siècle, aprèsl'holocauste, alors qu'un État juif, existe désormais. Le narrateur, Philip Roth lui-même, apprend qu'un certain «Philip Roth » sévit en Israël, donnant des conférences sur le diasporisme ou le retour des Juifs ashkénazes dans leurspatries respectives. Dans Le complot contre l'Amérique (2004), Roth écrit un « roman historique » dans lequel lenarrateur, un certain Philip Roth, raconte l'histoire de sa famille alors que Charles Lindbergh, connu pour sonantisémitisme et ses sympathies nazies est devenu président des États-Unis en 1940.

Cynthia Ozick propose une œuvre, elle aussi étonnante. Le héros du Messie de Stockholm est un critique littérairesuédois qui se prend pour le fils naturel de Bruno Schulz, l'écrivain polonais assassiné par les nazis. Il recherche lemanuscrit d'un roman mythique et perdu de son père imaginaire, Le Messie[128]. Le Châle, tourne autour de RosaLublin. survivante d'un camp de la mort, elle ne se remet pas de la perte de son bébé qu'elle avait enveloppé dans unchâle pour le cacher aux nazis : « Ma nièce Stella, énonça lentement Rosa, dit qu’en Amérique les chats ont neufvies, mais nous, nous sommes moins que les chats, alors nous en avons trois. La vie avant, la vie pendant, la vieaprès[129]. » Un des derniers romans d'importance américain sur la Shoah est L'Histoire de l'amour[130] de NicoleKrauss, publié en France en 2005. Dans ce roman où plusieurs trames de narrations se croisent, un des protagonistes,Léopold (Léo) Gursky survit à la Shoah en restant caché dans les forêts polonaises tandis que sa bien-aimée, Alma, apu partir pour New York avant l'invasion allemande. Après la guerre, Léo rejoint à son tour l'Amérique. Alma,enceinte de lui et qui le croyait mort s'est mariée avec un autre. Son ami, Zvi Litvinoff a publié le manuscrit qu'il luiavait confié, L'Histoire de l'amour en s'en attribuant la paternité. Léo Gusky survit en portant le deuil de tout ce qu'ilperdu, son amour, son fils, son œuvre, comme si la shoah l'avait écarté de son destin.Chez les auteurs anglais, la Shoah n'apparait que très tardivement comme thème romanesque. D.M. Thomas écrit en1981, L'hotel blanc[131] livre au ton ironique et grave, mêlant la psychanalyse et la Shoah[132].

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Littérature israélienne de la Shoah

Fresque de Yad Vashem

Comme dans tous les pays d'accueil, les rescapés qui émigrent en Israëlarrivent plein de récits horrifiques et comme partout ailleurs, ilsconstatent vite qu'« une barrière de sang et de silence » les sépare deleurs compatriotes[133]. Pourtant, on estime qu'un Israélien sur trois estun survivant de la Shoah à la fin de 1949, soit 350 000 personnesenviron. Ce n'est qu'en 1953 que la Knesset vote la loi sur la Shoah etaccorde officiellement à Yad Vashem la fonction de « réunir,rechercher et publier l'ensemble des faits relatifs à la Shoah[134] ». Maisla parole des témoins reste peu audible. Il n'est donc pas étonnant queles écrivains israéliens de langue hébraïque se soient lancés tard dansl'évocation romanesque de la Shoah. Le réveil vient avec le procèsd'Adolf Eichmann qui s'ouvre à Jérusalem. Gideon Hausner, le procureur général israélien convoque à la barre ungrand nombre de témoins qui bouleversent l'auditeur lors de leur passage à la barre. Ils provoquent l'identificationaux souffrances des victimes[133]. Mais il faut encore beaucoup de temps pour que les écrivains israéliens de languehébraïque évoquent la Shoah dans leurs œuvres, à l'exception notable d'Aharon Appelfeld et de Haim Gouri.L'Affaire Chocolat[135] de ce dernier évoque le traumatisme des deux survivants juifs, sans les nommer, etl'impossibilité à l'effacer, sinon le surmonter. Yoram Kaniuk l'évoque également dans Le Dernier berlinois et Adamressuscité. De jeunes auteurs, n’ayant vécu la Shoah que dans la mémoire collective d'Israël, se mettent eux aussi àen parler : Savion Liebrecht dans son recueil de nouvelles, Un toit pour la nuit, ou surtout David Grossman dansVoir ci-dessous Amour. Amir Gutfreund introduit une dose d'ironie et de tendresse dans Les gens indispensables nemeurent jamais[136]. Deux enfants, plein de vie, y harcèlent de questions de vieux survivants pour leur arracher,bribe après bribe, leurs souvenirs de ces années tragiques.

Aharon Appelfeld est né en 1932 en Roumanie avec comme langue maternelle l'allemand. Il a émigré en 1946 enIsraël, après avoir perdu ses deux parents durant la Shoah. Ses romans directement ou indirectement tournent autourdu génocide juif. Ses héros sont des Juifs assimilés, qui ne se reconnaissent pas dans une identité juive. Ils sontd'autant plus désarmés lorsqu’ils doivent affronter leur destin de Juifs. Aharon Appelfeld décrit aussi des rescapésincapables de se libérer d’un passé douloureux qui les poursuit, incapables de se forger une vie nouvelle.Le Tempsdes prodiges[137] en est le parfait exemple. Le roman montre la désagrégation d'une famille de juifs autrichiensassimilés, refusant de voir la montée des périls, au travers des souvenirs du narrateur, un enfant puis s'arrête aumoment où la communauté juive de la ville est déportée pour reprendre des années plus tard avec le retour dunarrateur sur les lieux de son enfance. Il y est confronté à l'indifférence et à un antisémitisme larvé. Histoire d'une vieest la tentative de l'auteur de retrouver les brides de son passé si longtemps refoulé.

La Shoah dans la littérature allemande

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Des SS surveillant des déportés dans le camp deBuchenwald

Mis à part, Peter Weiss, Juif allemand ayant échappé à la Shoah, il estimpossible aux écrivains allemands d'affronter la Shoah autrementqu'en dénonçant son aspect destructeur sur la société allemande. HansFallada, dans son roman, Seul dans Berlin, paru en 1947, évoque lesort d'une vieille juive victime de bassesse humaine de raté qui voientdans le nazisme une occasion de revanche sur la vie[138]. HeinrichBöll, le premier, à une époque où la RFA veut oublier son passé récentet honteux, explore dans ses nouvelle la culpabilité allemande et lesdésastres psychologiques et humains engendrés par le nazisme et laguerre. Ce catholique aussi sincère qu’atypique, déserteur de laWehrmacht, livre dans un court roman publié en 1953, Rentrez chezvous Bogner ! le portrait d'une Allemagne qui ne croit plus en rien et où rôde l'ombre des crimes du nazisme[139].Dans Les enfants des morts, publié en 1955[140], il offre la peinture quotidienne d’une nation blessée dont la guerre adésorganisé les structures et démoli les familles. Il dénonce une Allemagne qui refuse d'assumer sa culpabilité à uneépoque où le "miracle allemand" a anesthésié la mauvaise conscience du passé. L'Allemagne ne commence à ouvrirles yeux qu'au moment du procès d'Eichman à Jérusalem.

Peter Weiss, dont la famille s'est exilée en Suède en 1938, écrit après une visite à Auschwitz : « C'est une localité àlaquelle j'étais destiné et à laquelle j'ai échappé[141]. » Il assiste au procès de vingt-deux responsables du campd’Auschwitz à Francfort. Comme le procès d'Eichmann à Jérusalem, ce procès de vingt mois (20 décembre 1963-19août 1965) joue un rôle important dans la prise de conscience de la population allemande. À partir de ses notes et dela transcription intégrale des débats dans le Frankfurter Tageszeitung, Weiss écrit L’Instruction qui appartient augenre du théâtre documentaire. Les témoignages, les plaidoyers sont organisés sous forme de pièce de théâtre[142].Günter Grass a reçu le prix Nobel de littérature en 1999 « pour avoir dépeint le visage oublié de l'histoire dans desfables d'une gaieté noire ». Les années de chien[143] (1963) racontent l'évolution de l'Allemagne entre 1920 et 1955.C'est l'occasion de montrer le mal qui culmine en ce tas d'ossements « [...] un monticule blanchâtre, une usine fumantlourdement »[65]. Mais l’aveu tardif par Günter Grass de son engagement dans la Waffen SS[144], à 17 ans, à la fin dela guerre, a causé de nombreux remous et interrogations sur le sens de l'œuvre de l’écrivain, dénonciation ou rideaude fumée sur son passé ? Le dramaturge Thomas Bernhard dénonce, quant à lui l'hypocrisie de l’Autriche. Le Liseur(Der Vorleser) de Bernhard Schlink publié en Allemagne en 1995 est une œuvre complexe, c'est à la fois le récit del’initiation amoureuse du narrateur (15 ans au début du roman) par une femme de 36 ans qui le quittemystérieusement, quelques années plus tard, elle se révèle être une ancienne gardienne de camp, puis celui de sonarrestation et de son procès. Au-delà du récit qui tourne autour d'un secret soigneusement cachée par la femme, lelivre a pour thème les difficultés à comprendre la Shoah pour les générations postérieures à celle-ci, et demande sielle peut se comprendre par le seul langage.

La littérature française et la Shoah

Une grande diversité d'auteurs

La littérature française de la Shoah prend des formes diverses. Plus de 20 ans après Schwartz-Bart, Marek Halterrenoue avec le genre de la saga familiale en racontant l'histoire d'une famille ballotée par les persécutions et les aléasde l'histoire de 70 à l'insurrection du ghetto de Varsovie dans La mémoire d'Abraham[145]. En 2002, Joseph Bialotest devenu l'un de ceux qui ont le mieux su rendre compte du traumatisme de l'expérience concentrationnaire, avec laparution de son témoignage C'est en hiver que les jours rallongent.À partir des années 1970, on assiste à une résurgence de la mémoire juive de l'Occupation et de la Shoah, qui va de pair avec une profusion de romans et de récits. La « génération d'après », celle des enfants de survivants et des survivants-enfants de la Shoah prend la plume. Dans L'Homme suivi[146], Serge Koster, né en 1940, raconte l'histoire

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de deux enfants nés pendant la guerre, un Juif, l'autre non dont le père s’est compromis pendant l'Occupation.Élisabeth Gille dont la mère Irène Némirovsky est morte à Auschwitz en 1942, écrit en 1992 Le Mirador, un livrequi prend la forme d'un roman qu'elle sous-titre « Mémoires rêvés » où, à la première personne, elle raconte l'histoirede sa mère. En 1996, avec Un paysage de cendres, Élisabeth Gille revient sur son enfance dévastée. BertheBurko-Falcman, enfant cachée qui ne le savait pas, évoque dans L'Enfant caché[147] la difficulté à retrouver sonidentité quand on a été caché son un faux nom pendant les années d'enfance. Philippe Grimbert évoque dans UnSecret les mêmes difficultés pour un enfant né après-guerre auquel son identité juive a été soigneusement cachée,jusqu'à son nom, par des parents dont une partie de la famille a disparu dans les camps et les Stalag[148]. Il convientaussi de citer Myriam Anissimov[149], Robert Bober[150]. Les interrogations sur la shoah et les disparus s'incarnentaussi dans l'écriture théâtrale. Liliane Atlan puise son inspiration dans les traditions juives : Les Musiciens-lesÉmigrants (1993) et Un opéra pour Terezin (1997) sont ses œuvres les plus marquantes évoquant la Shoah.Jean-Claude Grumberg dont le père est mort en déportation sans qu'il ne sache vraiment ni où, ni quand évoque dansson théâtre les brûlures de cette absence et de cette énigme. Dans L'Atelier, des femmes juives attendent le retour deleurs maris de la déportation. Dans Amorphe d'Ottenburg[151], le père Hans est une allégorie de la politique nazieenvers les Juifs. Dans Rêver peut-être[152], titre emprûnté à Hamlet, le père disparu hante le héros de la pièce. DanielZimmermann, qui se vécut survivant du nazisme, fit des camps le sujet de son roman L'Anus du monde.

Trois écrivains majeurs

Les écrivains les plus emblématiques de la littérature française de la shoah sont Georges Perec, Patrick Modiano etHenri Raczymow. Ces auteurs se heurtent comme leurs confrères étrangers à la difficulté de parler d'un événementqu'ils n'ont pas, ou très peu vécu, et qui n’a été transmis que fort difficilement, comme absence ou commedisparition. Cette « mémoire absente » est au cœur même leur œuvre. Elle s’exprime à travers une poétique prochedes recherches formelles d’Oulipo et du Nouveau Roman[153]. Georges Perec est un enfant caché et un orphelin de laShoah. Il utilise la contrainte littéraire de l'oulipo et les constructions intellectuelles pour nommer l'indicible (la mortde sa mère, la douleur de l'absence) tout en l'enfouissant au plus profond du texte. Ainsi La disparition, célèbreroman en lipogramme écrite en 1969, n'évoque pas seulement la disparition de la lettre E, jamais utilisée dans leroman, mais celle de ses parents. W ou le souvenir d'enfance alterne un récit romanesque, imaginé par Perec lors deson adolescence autour d'île de W, vouée à la compétition sportive et dont les règles empruntées à Sparte se révèlentproches de l'horreur concentrationnaire et le récit autobiographique de l'enfance de l'auteur. Le rapport entre desdeux récits n'est pas expliqué mais éclate à la fin de la lecture.Chez Modiano, né en 1945, la recherche des traces de la persécution des Juifs passe par l'exploration des rues de Paris. dans La Place de l’Étoile, la rive droite est liée aux activités les plus louches de l’Occupation : c’est le domaine de la Gestapo, de son pendant français, et de la collaboration. La rive gauche est par contre associée avec la Résistance qui avait son quartier général dans le XIVe arrondissement[154]. Il s’oriente ensuite vers le récit-enquête dont le modèle le plus fascinant est certainement Rue des Boutiques Obscures (1978). Un narrateur amnésique y mène une enquête sur son passé qui le ramène à la période de l’Occupation en France et semble reconstituer peu à peu quelques données de son ancienne vie parmi lesquelles l’événement responsable de son amnésie, une tentative vaine de passer en fraude la frontière suisse avec sa compagne. Le roman se construit ainsi autour d’un vide central, d’une rupture à combler, d’un mystère qu’il s’agit de résoudre. Il renvoie à la conscience d’une cassure historique que constituent les événements de la Seconde Guerre mondiale. Le rôle de la littérature est ici posé comme essentiel, puisqu’elle permet de conserver des traces du passé et de ce qu’on veut effacer. Elle « répare » ces morts, et elle porte témoignage. Le roman peut imaginer, faire de la fiction pour combler des lacunes dues au temps, à l’oubli, à l’extermination, tout en restant dans un esprit de vérité, dans une fidélité aux disparus et à leur vie. Avec Dora Bruder ce travail est encore plus net. Le réalisme est impuissant à exprimer l'histoire de la disparue. Il reste alors la représentation allégorique, indirecte, fragmentaire d’une expérience vécue que le lecteur est appelé à déchiffrer dans des récits d’énigme où tout est trace et indice d’autre chose, où tout est déplacement dans la représentation[155]. Dora Bruder devient une sorte de symbole, présente et absente à la fois, des horreurs des années noires, et surtout de la

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participation française à la Solution finale allemande. Car l’effort du romancier de découvrir le sort d’une Juivefrançaise lui révèle l’anéantissement de beaucoup d’autres[156].Henri Raczymow, le moins connu des trois, entreprend dans Contes d’exil et d’oubli[157] de restaurer la mémoirejuive avant la Shoah. Dans Un cri sans voix, il explore les conséquences de la shoah dans la vie présente. Lesréférences religieuses : Jéricho dont le mur s'est effondré, Le Livre d'Esther, Les prophéties d'Ezéchiel sur Gog etMagog, sont nombreuses[65].

La Shoah vue du côté des bourreaux

Philosophes, psychanalystes, historiens, écrivains se sont penchés sur la question : Comment un homme peut-ilcommettre de telles horreurs ? Quelques écrivains ont essayé de se mettre dans la tête des bourreaux écrivant desfictions toujours dérangeantes. La caractéristique de ces romans est en effet la crudité des détails, qu'on ne retrouveguère chez les romanciers de la Shoah qui n'ont pas connu la terrible expérience concentrationnaire. Ils puisent cesdétails dans les récits des survivants mais les intègrent comme une donnée banale pour les bourreaux. Le ton estdonc cynique et froid, neutre et détaché dans ces ouvrages où les monstruosités sont accomplies en toute bonne foiavec le sentiment d'agir pour « la bonne cause ».Le premier à s'être essayé au genre est Robert Merle qui publie en 1952 La mort est mon métier. La narration, à lapremière personne, est prise en charge par Rudolf Lang, commandant du camp d'Auschwitz. Il reçoit l'ordred'exterminer les juifs et s'acquitte avec conscience de sa tâche sans manifester le moindre remords, même au momentoù on le condamne à mort en 1947[158]. Merle a basé son roman sur les interrogatoires de Hoess, le commandantd'Auschwitz, dans sa cellule par un psychologue américain, et sur les documents du procès de Nuremberg. À sasortie, le livre fut attaqué avec violence par la critique. Ce livre peut servir d'illustration à la thèse d'Hannah Arendtsur la banalité du mal.En 1991, parait La flêche du temps[159] de Martin Amis. Le livre, en mode narratif à la première personne, racontel'histoire de « Tod Friendly », un vieux monsieur qui traverse sa vie en sens inverse, comme un film qu'on regarde enle rembobinant. Le lecteur découvre alors le métier de médecin, les changements d’identité à répétition, lescauchemars de Friendly pour finalement découvrir son terrible passé de médecin nazi à Auschwitz. Amis dépeint lequotidien d’un médecin et l'univers hospitalier « où les atrocités se succèdent sans qu’on puisse les arrêter, comme s’ilfallait de nouvelles atrocités pour valider les atrocités précédentes. » Le romancier ne passe sur aucun détail duquotidien d'Auschwitz.La sortie du roman de Jonathan Littell, Les Bienveillantes a provoqué de nombreuses réactions aussi bien sur lecontenu de l'histoire, sur le vernis apparent de culture du roman recélant en fait de nombreuses approximations quesur la qualité esthétique du roman. Comme dans La mort est mon métier, la narration, à la première personne, se faitdu point de vue du bourreau, n'épargnant rien au lecteur des massacres des Juifs à l'est. les Bienveillantes a été ungrand succès littéraire en 2006 ( Prix Goncourt et Grand prix du roman de l'Académie française), suscitant un grandnombre de questions: s'agit-il d'un attrait morbide pour la barbarie? Pour la figure du monstre?

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Poésie de l'anéantissementArticle détaillé : Liste d'œuvres poétiques sur la Shoah.

Ytshak Katznelson

« La poésie en tant que témoignage est la voix humaine qui ditl'irréductible humain »[160]. Dans les ghettos et les camps, les poètesjuifs mettent en vers la catastrophe qui s'abat sur leur peuple. C'estYtshak Katzenelson[161], qui implore les wagons de lui dire où sontpartis les juifs du ghetto de Varsovie :

Wagons vides ! Vous étiez pleins et vous voici vides à nouveau,Où vous êtes-vous débarrassés de vos Juifs ?Que leur est-il arrivé ?Ils étaient dix mille, comptés, enregistrés – et vous voilà revenus?

Ô dites-moi, wagons, wagons vides, où avez-vous été ? (...)Muets, fermés, vous avez vu.Dites-moi, ô wagons, où menez-vous ce peuple,ces Juifs emmenés à la mort ?

Écrivain et poète réputé, Ytshak Katzenelson peut quitter le ghetto deVarsovie grâce à un faux passeport. Il parvient alors de gagner laFrance. Interné au camp de Drancy puis de Vittel par le gouvernementde Vichy, il est livré aux Allemands avant qu'il ne soit capturé, puis interné au camp de Vittel, antichambred'Auschwitz pour lui et son fils. C'est à Vittel que l'on retrouve le manuscrit de son poème en yiddish, Le Chant dupeuple juif assassiné. Le poète retrouve les accents des prophètes de la Bible pour prendre à parti Ezéchiel, et parlerde cette vallée sans ossements ni promesse de résurrection.

C'est aussi Avrom Sutzkever qui écrit de nombreux poèmes dans le ghetto de Vilnius publiés après la guerre[162].Après guerre, il publie un recueil de poésie et de prose[163]. Des ces recueils, il évoque le basculement du monde, lamort de lieux juifs et la mort des juifs dans les rues, les égouts, des camps... Chava Rosenfarb écrit elle aussi dans leghetto de Lodz et même dans le camp de travail en Allemagne où elle est déportée[164]. Isaïe Spiegel parle lui de « lapeau distendue craquelée par la faim »[65]. Wladiyslaw Szengel, de langue polonaise laisse des poèmes bouleversantssur la mort du ghetto de Varsovie comme celui sur le violent du départ de la Maison des Orphelins de JanuszKorczak, le célèbre pédiatre, pour l'Umschlagplatz :

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Janusz Korczak

(...) Et déjà les enfants montaient dans les wagons (...)J'ai songé en ce moment ordinaire,Pour l'Europe un rien insignifiant, sans doute,Que lui, pour nous, dans l'histoire, en ce même moment,Inscrit là la plus belle page.Que dans cette guerre aux Juifs, infâme,Dans cette ignominie sans borne, ce chaos sans issue,Dans ce combat pour la vie à tout prix,Dans ces bas-fonds de tractations-trahisons,Sur ce front où la mort est sans gloire,Dans cette danse de cauchemar en pleine nuit,Il y eut un unique héroïque soldat,Janusz Korczak, tuteur des orphelins[165].

L'affirmation de Theodor W. Adorno sur l'impossibilité d'écrire de lapoésie après Auschwitz, et la réticence de Primo Levi vis-à-vis decelle-ci[166], ne sont pas partagée par un grand nombre d'auteurs delangue yiddish après-guerre. Non seulement les poètes survivants desghettos et des camps continuent à écrire mais la poésie permet à la langue yiddish de jeter ses derniers feux. Ilscontinuent de puiser métaphores, rythmes et respiration dans les formes symboliques des traditions littéraires juivesqui avaient structuré leur imaginaire. Beaucoup sont inconnus dans le monde francophone et non jamais été traduitsen français: Israel Aszendorf, Kalmen Fridman[167], Binem Heller à la fois parolier et dont certains poèmes ont étéadaptés en chanson[168]. Les grands poètes yiddish avant-gardistes Jacob Glatstein[169] et Peretz Markish, assassinélors des purges staliniennes de 1952 ainsi que le grand théologien Abraham Joshua Heschel[170] ont eux aussiconsacré un recueil de poésie à la destruction des Juifs d'Europe. On peut en connaitre certains au travers desanthologies de poésie yiddish ou de littérature de la Shoah. Les poètes yiddish soviétiques, proches témoins del'anéantissement des Juifs d'Europe de l'Est n'ont que peu d'années avant la Nuit des poètes assassinés et l'interdictiondu yiddish pour évoquer la Shoah.

C'est Samuel Halkin qui évoque « les fosses profondes, la glaise rouge », Peretz Markish qui affirme: « En vérité je tele dis nous sommes tous morts à Lublin », Itzik Fefer qui publie « les ombres du ghetto de Varsovie » en hommageaux révoltés du ghetto de Varsovie, une œuvre animée du souffle de l'épopée, et David Hofstein condamné:

(...)à assembler, à ordonnerles simples les humbles motsà pétrir tourments et afflictionsen paroles[65]... Le sentiment de culpabilité taraude toute la poésie yiddish des rescapés comme des poètesrusses. Tandis que la majeure partie du peuple et sa langue avaient sombré dans l'anéantissement, les rescapéset les survivants étaient menacés d'être engloutis dans la tentation létale du silence ou dans la surdité dumonde.

L'une des plus célèbres poèmes de l'anéantissement, bien que rejeté par son auteur comme non-représentatif de sa poésie[166], est la Todesfuge (Fugue de mort) de Paul Celan, poète juif de langue allemande, né roumain et naturalisé français le 8 juillet 1955. Mais le monde des lettres d'outre-Rhin, où l'antisémitisme s'est métamorphosé plutôt qu'il n'a disparu n'accueille pas à bras ouverts un poète plaçant la Shoah au centre de son écriture. La lecture publique de la Fugue de mort) devant les écrivains du « groupe 47 », en 1952 à Niendorf, est un fiasco; certains osant comparer la diction de Celan à celle de Goebbels[171].. Celan confie à son amie, la poétesse autrichienne Ingeborg Bachmann,

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que ce poème est pour lui pour lui l'« épitaphe » de sa mère (Grabschrift) assassinée au camp de Michailowka enUkraine.

Lait noir de l’aube nous le buvons le soirnous le buvons midi et matin nous le buvons la nuitnous buvons nous buvonsnous creusons une tombe dans les airs on n'y est pas couché à l'étroitUn homme habite la maison il joue avec les serpents il écritil écrit quand vient le sombre crépuscule en Allemagne tes cheveux d'or Margareteil écrit cela et va à sa porte et les étoiles fulminent il siffle ses doguesil siffle pour appeler ses Juifs et fait creuser une tombe dans la terreil ordonne jouez et qu'on y danse[...]Lait noir de l’aube nous te buvons la nuitnous te buvons midi et matin nous te buvons le soirnous buvons nous buvonsun homme habite la maison tes cheveux d'or Margaretetes cheveux de cendre Sulamith il joue avec les serpentsIl crie jouez doucement la mort la mort est un maître venu d'Allemagneil crie assombrissez les accents des violonsalors vous montez en fumée dans les airsalors vous avez une tombe au creux des nuages on n'y est pas couchés à l'étroit[...]tes cheveux d'or Margaretetes cheveux de cendre Sulamith[172]

Bande dessinée et ShoahLa bande dessinée, considérée comme un art mineur réservé aux enfants pendant très longtemps, s'est intéresséetardivement à la Shoah. L'album La bête est morte ![173] publié en 1947 et qui raconte la Seconde Guerre mondialesous forme d'histoire animalière, n'évoque pas du tout la Shoah. En effet, la prise de conscience de la spécificité de laShoah n'a pas encore eu lieu. De même, le journal catholique Cœurs Vaillants raconte en 1945, sous forme de BD,un épisode de la vie d’un curé à Buchenwald sans que les Juifs ne soient même mentionnés. Ce n'est que depuis lasortie de Maus, Auschwitz et plus récemment, en 2006, Sir Arthur Benton que ce thème devient central dans certainsrécits de bande dessinée.Articles détaillés : Liste de bandes dessinées relatives à la Shoah et Bande dessinée et Shoah.

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Notes et références[1] Anthologie de la poésie yiddish. Le miroir d’un peuple, Gallimard, 1987 et 2000, p. 441[2] Emanuel Ringelblum, Chronique du Ghetto de Varsovie, Robert Laffont, 1993, 21[3] Catherine Coquio, « L'émergence d'une « littérature » de non-écrivains : les témoignages de catastrophes historiques », Revue d’Histoire

Littéraire de la France, mai 2003[4] Marc Riglet, « Écrire la Shoah », Lire, mars 2008[5] Annette Wieviorka, Déportation et génocide, entre la mémoire et l'oubli, Plon, Paris, 1992 ; 1998[6] Raphaëlle Rérolle, Nicolas Weill, « La parole contre l'extermination », Le Monde, 25 février 1994, mis en ligne le 23 avril 2005[7][7] Il y avait onze millions de locuteurs dans le monde, trois millions de yiddishophones ayant émigré en Amérique et en Australie.[8][8] Docteur ès lettres, professeur à l'université de Paris-VII[9][9] En 1981, il y avait quatre millions de locuteurs dans le monde. Il n'y en avait plus que 2 millions en 1995[10] Annette Wievorka, « La mémoire de la Shoah », Cahiers français, 303, juillet-août 2001, 64[11] Primo Levi, Les naufragés et les rescapés, Gallimard, 1989[12] Elie Wiesel, Le chant des morts, Seuil, 1966[13] Sarah Kofman, Rue Ordener, rue Labat, Galilée, 1993. Voir aussi Paroles suffoquées publié en 1987.[14] Art Spiegelman, Maus, Flammarion, 1998, p. 176[15][15] Art Spiegelman, p. 205[16] Jacques Presser, La Nuit des Girondins, Maurice Nadeau, 1998[17] Collectif, Des voix sous la cendre, Manuscrits des Sonderkommandos d’Auschwitz-Birkenau, Calmann-Lévy, 2005[18] Zalman Gradowski, Au cœur de l'enfer, Kime, 2001[19][19] Le texte de Leib Langfus, 62 pages cachées dans un récipient de verre, a été retrouvé en avril 1945 par un jeune polonais qui cherchait « l'or

des Juifs » dans le camp d'extermination. Il l'a ensuite caché dans son grenier. Son frère l'a retrouvé après son décès en 1970 et l'a remis aumusée d'Auschwitz.

[20] « Sonderkommando, Auschwitz-Birkenau » (http:/ / www. emilweiss. com/ Presse_Sonderkommando. pdf), consulté le 6 juillet 2008[21] Anne Frank, Journal, Calmann-Lévy, 1950, 279[22] Ana Novac, Les beaux jours de ma jeunesse, Balland, 2006 et Folio[23] Mascha Rolnikaite, Le journal de Mascha, De Vilnius à Stutthof (1941-1945), Liana Levi, 2003[24] Volker Ullrich, « Critique du journal de Mascha », Die Zeit, supplément pour la Foire du Livre de Francfort, 2 octobre 2002.[25] Le Journal de Rutka, janvier – avril 1943, suivi de Ma sœur Rutka par Zahava (Laskier) Sherz, et de Les Juifs et la Pologne par Marek

Halter, éd. Robert Laffont, ; ; selon une amie de Rutka, elle aurait cependant échappé à la Selektion, et aurait été victime d'une épidémie detyphus, suite à quoi elle aurait été jetée dans un four crématoire – « Journal d’outre-tombe » (http:/ / www. liberation. fr/ transversales/grandsangles/ 314675. FR. php), par N. Dubois et M. Zoltowska, Libération du 10 mars 2008

[26] Mary Berg, Le ghetto de Varsovie. Journal de Mary Berg, Paris, Albin Michel, 1947[27] Nicolas Weill, « La Shoah ou la solitude des Justes », entretien avec Saul Friedlander, Le Monde, 7 janvier 2007[28] Leyb Rokhman, Un in dayn blut zolstu lebn : Tog-bukh 1943-1944 ; (Et dans ton sang tu vivras, Journal 1943-1944), Les Amis de

Minsk-Mazowiecki, Paris, 1949 (écrit en yiddish)[29] Avraham Tory, Surviving the Holocaust: The Kovno Getto Diary, Harvard University Press, 1991[30] « The Story of Avraham Tory and his Kovno Ghetto Diary » (http:/ / www. eilatgordinlevitan. com/ kovno/ kovno_pages/

kovno_stories_tory. html), consulté le 27 juin 2008[31] Adam Czerniakow, Carnets du ghetto de Varsovie, La Découverte, Paris, 1996[32] Janusz Korczak, Journal du ghetto (1942), Éd. R. Laffont, coll. « Pavillons », 1998 et Éditions 10/18, Paris, 2000[33] Chaim Kaplan, Chronique du ghetto de Varsovie, Calmann-Levy, 1966[34] Abraham Lewin, Journal Du Ghetto De Varsovie. Une Coupe De Larmes, Plon, 1990[35][35] Shloyme Frank, Journal du ghetto de Lodz, Togbukh fun lodzher geto, Buenos Aires : Association centrale des Juifs polonais en Argentine,

1958[36] Herman Kruk, Chronicles from the Vilna Ghetto and the Camps, 1939-1944, Yale University Press, YIVO Institute for Jewish Research,

2002[37] Victor Klemperer, Journal (1933-1945), coffret deux tomes : - Mes soldats de papier 1933-1941 - Je veux témoigner jusqu'au bout

1942-1945, Seuil, 2000[38] Victor Klemperer, LTI, la langue du Troisième Reich. Carnets d'un philologue, Albin Michel, coll. « Bibliothèque Idées », 1947 ; rééd.

1996, 361[39] Emanuel Ringelblum, Archives clandestines du ghetto de Varsovie, (traductions du yiddish, de l’hébreu et du polonais), Tome 1 : Lettres sur

l'anéantissement des Juifs de Pologne, Tome 2 : Les enfants et l'enseignement clandestin dans le ghetto de Varsovie, Fayard, 2007[40] « Oneg Shabbat*, la joie des réunions du samedi » (http:/ / www. archiwa. gov. pl/ memory/ sub_ringelblum/ index. php?va_lang=fr&

fileid=001_1), consulté le 4 juillet 2008[41] Laurent Theis, « L'industrie de mort nazie », Le Point, 21 février 2008[42] Roger Gouffault, Quand l’homme sera-t-il humain, Brive, Écritures, 2003, 10[43] Nadine Heftler, Si tu t'en sors, La Découverte, 1992

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Littérature de la Shoah 24

[44] Mordekhai Strigler, Maidanek, Lumières consumées, Éditions Honoré Champion[45] Avrom Sutzkever, Où gîtent les étoiles, Seuil, 1989[46] Jonas Turkow, C'était ainsi, 1939-1943, la vie dans le ghetto de Varsovie, Austral, 1995[47] Élie Wiesel, Et le monde se taisait (témoignage en yiddish, traduit/condensé en français sous le titre La Nuit, 1956)[48] Pelagia Lewinska, Vingt mois à Auschwitz, Éditions Nagel, première édition 1945[49] Vingt mois à Auschwitz, Nagel, 1945, 87-88[50] Moshé Garbarz, Un survivant Auschwitz-Birkenau, 1942-1945, Ramsay, 2006[51] Primo Levi, Si c'est un homme, Pocket, première édition, 1947[52] Robert Antelme : L'espèce humaine, Gallimard, 1947[53] L’espèce humaine, 241-242[54] David Rousset, L'Univers concentrationnaire, première édition 1947 ; réédition Hachette Littératures, 1998[55][55] .[56] Hanna Krall, Prendre le bon Dieu de vitesse, Paris, Éditions Gallimard, 2005[57] Abba Kovner, The Mission of the Survivors, The Catastrophe of European Jewry, Éd. Yisrael Gutman, Ktav Publishing House, New York,

1977[58] Filip Müller, Trois ans dans une chambre à gaz d’Auschwitz, Pygmalion, 1997[59] Ruth Klüger, Refus de témoigner (Weiter leben, 1992, trad. de l’allemand par Jeanne Etoré), Viviane Hamy, 1997[60] « Fantômes et fantasmes » (http:/ / www. lmda. net/ mat/ MAT02253. html), consulté le 28 juin 2008[61][61] François Gèze, PDG des éditions de la découverte qui publie beaucoup de témoignages de rescapés de la Shoah[62] Louis Sala-Molins, article « Génocide », Encyclopaedia Universalis, DVD, 2007.[63] Alan S. Rosenbaum, Is the Holocaust Unique? : Perspectives on Comparative Genocide, Westview Press, 1996.[64] Christian Delacampagne, Une histoire du racisme, Le Livre de Poche, 1998.[65] Rachel Ertel, « La littérature de la Shoah », Encyclopaedia Universalis, DVD, 2007[66] Pamela Tytell, article « Bruno Bettelheim », Encyclopaedia Universalis, DVD, 2007[67] Bruno Bettelheim, « Comportement individuel et comportement de masse dans les situations extrêmes (1943) », dans Survivre, Robert

Laffont, 1979 et Le Cœur conscient, Robert Laffont, 1997[68] Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, Gallimard, 1966, Folio, 1991 — Ouvrage compte-rendu du procès

du responsable nazi à l'occasion duquel elle inventa l'expression et met en question l'action des Conseils juifs dans la déportation.[69] Giorgio Agamben, Ce qui reste d’Auschwitz, Rivages/poche, 2003[70] Agamben, « Ce qui reste d’Auschwitz » (http:/ / remue. net/ spip. php?article116), consulté le 26 juin 2008[71] Pierre Fédida, L'Absence, Gallimard, Coll. « Connaissance de l'inconscient », 1978[72] Jean-Bertrand Pontalis, Ce temps qui ne passe pas, suivi de Le compartiment de chemin de fer, Gallimard, 1997[73] Responsum 20247 sur cheela.org (http:/ / www. cheela. org/ popread. php?id=20247)[74][74] .[75] ibid., p.99[76][76] Elie Wiesel, Tous les fleuves vont à la mer, Mémoires tome 1, éd. Le Seuil 1996, pp. 120-121[77] Emil Fackenheim, Penser après Auschwitz, Le Cerf, 1986[78] C'est aussi, d'une certaine manière le point de vue adopté par Albert Cohen dans Belle du Seigneur (1968). Face à la barbarie nazie, il

oppose le retour à la foi juive et à ses valeurs. (voir la page 575 de l'édition Folio 2007)[79] « La Présence de Dieu dans l'histoire » (http:/ / www. editions-verdier. fr/ v3/ oeuvre-presencedieu. html), consulté le 26 juin 2008[80] Hans Jonas, Le Concept de Dieu après Auschwitz, Paris, Rivages, 1994[81] André Comte-Sponville, L'esprit de l'athéisme, Albin Michel, 2006, 127[82] Maurice Blanchot, L'écriture du désastre, Gallimard, 1980[83] Simon Laks, Mélodies d'Auschwitz, Le Cerf, 1991[84] « Témoignages de la Shoah », Le Monde, 11 mai 2007[85] Mordekhai Strigler, Dans les usines de la mort, In di Fabriken fun Toit, Buenos Aires Tsentral Farband fun Poilshye yidn in Argentine, 1948[86] Isaïe Spiegel, Les Flammes de la terre, Gallimard, 2001. Ce roman d'amour, d'horreur et de mort se déroule pendant les derniers mois du

ghetto de Lodz (hiver 1943 – été 1944) et correspond exactement à la vérité historique[87] Ka-Tzetnik 135633, Salamandra, Dvir, Tel Aviv, 1946[88] Ka-Tzetnik 135633, Maison de filles, Gallimard, 1958[89] Rachmil Bryks, A Cat in the Ghetto : Four Novelettes, Bloch Pub. Co, 1959[90] David Rousset, Les Jours de notre mort, Hachette Littératures, coll. « Pluriel », 2004[91] David Rousset, Le pitre ne rit pas, Éditions Du Pavois, 1948[92] Lion Feuchtwanger, Le Diable en France, Belfond, 1996[93] « Lion Feuchtwanger » (http:/ / www. bibliomonde. com/ auteur/ lion-feuchtwanger-687. html), consulté le 30 juin 2008.[94] Fred Uhlman, Léo Lack, L'Ami retrouvé, Gallimard, 2001 et Coll. « Folio junior », 1999[95] Anna Seghers, Transit, Le Livre de Poche, 2004[96] Jiri Weil, Vivre avec une étoile (Život s hvězdou, 1949), Éditions Denoël, 1992 ; réédition Éditions 10-18, Paris, « Domaine étranger » 2764,

1996

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Littérature de la Shoah 25

[97] Jiri Weil, Mendelssohn est sur le toit (Na střeše je Mendelssohn, 1960), Éditions Denoël, « Empreinte », 1993 ; réédition 10-18, « Domaineétranger » 2888, 1997

[98] Tadeusz Borowski, Le Monde de Pierre, 1948, éd. Christian Bourgois, 2002[99] Adolf Rudnicki, les Fenêtres d'or, 1954 ; Gallimard, 1966[100] Ida Fink, Le Jardin à la dérive, Point, 1991[101] Ida Fink, Le Voyage, Robert Laffont, 1992[102] Henri Meschonnic, « Pour Piotr Rawicz, à l’heure des Bienveillantes, et la mise en crise du langage sur l’art » (http:/ / remue. net/ spip.

php?article1907), consulté le 7 juillet 2008[103] Jorge Semprun, Le grand voyage, Gallimard, 1963[104] « La structure du roman Le Grand Voyage » (http:/ / www. hoffilux. lu/ memoire/ index. php?part=memoire& page=212), consulté le 7

juillet 2008[105] Jaroslaw Marek Rymkiewicz, La dernière gare, Umschlagplatz, Robert Laffont, 1989[106] Henryk Grynberg, Child of the Shadows, Valentine, Mitchell, Londres, 1969[107] Henryk Grynberg, Drohobycz, Drohobycz and Other Stories : True Tales from the Holocaust and Life After, Penguin, 2002[108] Henryk Grynberg, Children of Zion (Jewish Lives), Northwestern University Press, 1998[109] Louis Begley, Une éducation polonaise, Grasset, 1992[110] Jerzy Kosiński, L'Oiseau bariolé (The Painted Bird), 1966 ; J'ai Lu, 2007[111] Christophe Mercier, Article « Jerzy Kosiński », Encyclopaedia Universalis, DVD, 2007[112] Imre Kertész, Etre sans destin (Sorstalanság), Éditions 10/18, novembre 2002[113] Fridrun Rinner, Article « Imre Kertész », Encyclopaedia Universalis, DVD, 2007[114] Misha Defonseca, Survivre avec les loups, Robert Laffont, 1997[115] Survivre avec les loups a été coécrit avec Vera Lee[116] Marc Metdepenningen, « Les Aveux de Misha Defonseca », Le Soir, 28 février 2008 (http:/ / archives. lesoir. be/ t-20080228-00F2CQ.

html)[117] Binjamin Wilkomirski, Fragments. Memories of a Childhood, 1939–1948, Schocken Books, New York, 1996[118] Stefan Maechler, The Wilkomirski Affair: A Study in Biographical Truth, traduit en 2001 de l'allemand par John E. Woods, en appendice au

livre de Grosjean, Schocken Books, New York,[119][119] En février 1941, les fascistes de la Garde de Fer perpètrent un pogrom sanglant à Bucarest. 118 morts, des Juifs, sont identifiés. Les

cadavres sont atrocement mutilés.[120] Zvi Kolitz, Yossel Rakover s'adresse à Dieu, Calmann-Lévy, 1998[121] Haïm Gouri, L'affaire chocolat, Denoel, 2002[122] Edward Lewis Wallant, Le Prêteur sur gages, The Pawnbroker, J-C Lattes 1983[123] Lire le résumé et l’analyse du livre sur saulbellow.org (http:/ / www. saulbellow. org/ NovelOverviews/ Sammler. html)[124] Francine Kaufmann, « André Schwarz-Bart, le Juif de nulle part », L’Arche, 583, décembre 2006, 84-89, disponible sur judaisme.sdv.fr

(http:/ / judaisme. sdv. fr/ perso/ schwbart/ arche. pdf)[125] Philip Roth, Goodbye, Columbus, Gallimard, 1959[126] Une analyse intéressante de la nouvelle est disponible dans : Crystel Pinçonnat, Assimilation ou fidélité aux valeurs du Vieux Monde ? La

nouvelle et sa représentation de l'immigration juive aux États-Unis, Université de Bretagne Occidentale (Brest), mai 2001 (http:/ / 209. 85.129. 104/ search?q=cache:S8Uw0diIfBUJ:www. univ-brest. fr/ amnis/ documents/ Pinconnat2001. doc+ "Eli+ le+ fanatique"& hl=fr&ct=clnk& cd=6& gl=fr)

[127] « L'écrivain des ombres » (http:/ / www. babelio. com/ critiques/ Roth-LEcrivain-des-ombres/ 10732), consulté le 9 juillet 2008[128] Cynthia Ozick, Le Messie de Stockholm, Seuil, 2005[129] Cynthia Ozick, Le Châle, 1991 ; Seuil, 2005[130] Nicole Krauss, L'Histoire de l'amour, Folio, 2008[131] D.M. Thomas, L'hôtel blanc (White Hotel), Le Livre de Poche, 1983[132] Richard Pedot propose une analyse du livre dans : The White Hotel de D. M. Thomas : jeux et enjeux de l'interprétation, Université de Paris

X-Nanterre, 2001 (http:/ / www. paradigme. com/ sources/ SOURCES-PDF/ Pages de Sources10-2-2. pdf)[133] Nicolas Weill et Annette Wieviorka, « La construction de la mémoire de la Shoah : les cas français et israélien », Les cahiers de la Shoah 1,

1994 sur anti-rev.org[134][134] Loi du 9 août 1953 sur la Shoah et la Guevoura[135] Haim Gouri, tard. Rosie Pinhas-Delpuech), L'Affaire Chocolat, éditeur 10/18, 2005, Collection Domaine étranger, ISBN 978-2264039361[136] Amir Gutfreund, Les gens indispensables ne meurent jamais, Gallimard, 2008[137] Aharon Appelfeld, Le Temps des prodiges, Tor Ha-Plaot, (roman), Hakibbutz Hameuchad, 1978, Seuil, 2004[138] Hans Fallada, Seul dans Berlin, Folio, 2004[139] Heinrich Böll, Rentres chez vous Bogner !, Seuil, 1990[140] Heinreich Böll, Les enfants des morts, Le Seuil, 1955 ; réédition 2001[141] Peter Weiss, « Meine Ortschaft » dans Du palais à l'enfer, 2000[142] Peter Weiss, « L’Instruction, théâtre documentaire » (http:/ / remue. net/ spip. php?article1996), consulté le 11 juillet 2008[143] Günter Grass, Les années de chien, Seuil, 1999

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[144] Aveux fait dans En épluchant les oignons, Seuil, 2007,[145] Marek Halter, La mémoire d'Abraham, 1983 ; réédition Pocket, 2005[146] Serge Koster, L'Homme suivi, Flammarion, 1992[147] Berthe Burko-Falcman, L'Enfant caché, Seuil, 1997[148] Philippe Grimbert, Un secret, Hachette, 2007[149] Myriam Anissimov, La Soie et les cendres, folio, 1991[150] Robert Bober, Quoi de neuf sur la guerre?, Gallimard, 1995[151][151] Jean-Claude Grumberg, Actes-Sud[152] Jean-Claude Grumberg, Rêver peut-être, Actes-Sud[153] Annelise Schulte Nordholt, Perec, Modiano, Raczymow. La génération d'après et la Mémoire de la shoah sur fabula.org (http:/ / www.

fabula. org/ actualites/ article24449. php), consulté le 1 août 2008[154] Manet van Montfrans, Dante chez Modiano, une divine comédie à Paris sur revue-relief.org (http:/ / www. revue-relief. org/ index. php/

relief/ article/ viewFile/ 127/ 158), consulté le 1 août 2008[155] Catherine Douzou, « En quête d'histoire(s); en quête de soi », Cahiers du CERACC, 1, mai 2002, 45-55[156] Richard J. Golsan, « Vers une définition du roman « occupé » depuis 1990 », Cahiers du CERACC, 1, mai 2002, 57-68[157] Henri Raczymow, Contes d’exil et d’oubli, Gallimard, 1979[158] Michel P Schmitt, Article Robert Merle, Encyclopædia Universalis, DVD, 2007[159] Martin Amis, La Flèche du temps, Christian Bourgois, 1993[160] Rachel Ertel, Dans la langue de personne, Poésie yiddish de l'anéantissement, Seuil, 1993, 28[161] Ytshak Katzenelson, le chant du peuple juif assassiné, (traduit du yiddish par Batia Baum), présenté par Rachel Ertel ; édition française

Zulma, 2007[162] Avrom Sutzkever, Di festung : lider un poemes : geshribn in vilner Geto un in vald 1941-1944, New York : Ikuf, 1945, et Lider fun geto,

New York : Ykuf, 1946. Ces œuvres ne sont pas disponibles en Français même si Avrom Sutzkever est considéré comme le plus grand poèteyiddish de l'après-guerre.

[163] Avrom Sutzkever, Où gîtent les étoiles, Dortn vu es nekhtikn di shtern, Seuil, 1989[164] Chava Rosenfarb, Di balade fun nekhtikn velt, Londres, 1947.[165] Wladiyslaw Szengel, Ce que j'ai lu aux défunts, Ghetto de Varsovie, 10 août 1942. Traduit du polonais par Yvette Métral[166] Primo Levi, À la recherche des racines, anthologie personnelle, éd. Mille et une Nuits, pp.205-207, septembre 1999, ISBN 2-84205-420-2[167] Kalmen Fridman, Lukhot, Jerusalem, 1964;[168] Binem Heller, Mein chwester 'Hayé:

Ma sœur Khayé avec ses beaux yeux verts,Un allemand l'a brûlée à Tréblinka.Et je suis maintenant dans l'état juifLe dernier à l'avoir un jour connue.

[169] Jacob Glatstein, Seulement une voix, Buchet-Chastel, 2007[170] Abraham Joshua Heschel, Ineffable Name of God: Man Poems in Yiddish and English, Continuum Publishing Group, 2007[171] Nicolas Weill, « Deux poètes, après Auschwitz », Le Monde, 19 septembre 2008[172] Paul Celan, Todesfuge (« Fugue de mort »), extrait de Pavot et mémoire, éditions Christian Bourgeois, « collection Détroits », 1987[173] Edmond-François Calvo, Victor Dancette et Jacques Zimmermann, La bête est morte !, 1947.

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Sources et contributeurs de l’article 27

Sources et contributeurs de l’articleLittérature de la Shoah  Source: http://fr.wikipedia.org/w/index.php?oldid=91911635  Contributeurs: 'Inyan, Addacat, Al1, Alain Schneider, Alchemica, Amitié, Arnaud.Serander, Bapti, Bertol,Bertrand Bellet, Bob08, Bobsodium, Bouette, Chaoborus, ColdEel, CommonsDelinker, DG-IRAO, Daniel*D, Dhatier, Dradeb1, Ediacara, Efbé, El Comandante, Ertezoute, Herr Satz, Jarfe,Jmex, Kamulewa, LPLT, Lechat, Litlok, Loudon dodd, Maffemonde, Marielle92, Masterdeis, Necrid Master, Noel Olivier, Olevy, Penjo, Peterbruce01, Rémih, Sebleouf, Sherbrooke, TarekBD,Thebestintheworld, Tinodela, Topfive, Visite fortuitement prolongée, Vlaam, Vol de nuit, Woww, 26 modifications anonymes

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