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Tous droits réservés © Les Publications Québec français, 1991 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 27 avr. 2022 12:03 Québec français Légendes de chez nous Évelyne Tran Numéro 81, hiver 1991 URI : https://id.erudit.org/iderudit/44871ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Publications Québec français ISSN 0316-2052 (imprimé) 1923-5119 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Tran, É. (1991). Légendes de chez nous. Québec français, (81), 47–53.

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Tous droits réservés © Les Publications Québec français, 1991 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 27 avr. 2022 12:03

Québec français

Légendes de chez nousÉvelyne Tran

Numéro 81, hiver 1991

URI : https://id.erudit.org/iderudit/44871ac

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Les Publications Québec français

ISSN0316-2052 (imprimé)1923-5119 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleTran, É. (1991). Légendes de chez nous. Québec français, (81), 47–53.

Page 2: Légendes de chez nous - erudit.org

AHIER PRATIQUE Légendes de

chez nous La légende est une sorte de récit très accessible aux élèves du 2e cycle du primaire qui sont généralement séduits par l'association du réel et de l'imaginaire. Sous forme de textes courts, Jean-Claude Dupont a publié de nombreuses légendes traditionnelles du Québec, du Canada et de l'Amérique française.

Pour une première expérience d'écriture de légendes, ces textes pourront être utilisés avec profit dans des exercices d'imitation. Les élèves créeront une légende en s'inspirant de ces textes, dont ils utiliseront la structure et le lexique avec le loisir d'introduire les transformations de leur crû. Outre l'exercice d'écriture, cette activité permet aux jeunes de s'initier au patrimoine culturel québécois et d'Amérique française.

Projet de communication Les élèves de 4e année composent des légendes qu'ils réuniront en un album destiné à leurs correspon­dants.

Ve étape

Mise en situation

L'enseignante demande aux élèves s'ils connaissent des légendes. Elle les invite à en nommer les titres, à en faire un bref résumé. Elle fait dire quelques caractéristiques des légendes : récit court d'un événement qui se déroule dans un temps et un espace identifiés, explication imaginaire d'un fait réel, présence de personnages réels et de personnages imaginaires identifiés, etc.

L'enseignante lit une légende : La marque des (esses du diable, et fait préciser les éléments nommés précédemment.

• Explication imaginaire d'un fait réel : la forme du rocher qui garde trace de la marque des fesses du diable ;

• présence de personnages réels identifiés : Agathe, Marie, leurs cavaliers ; • présence de personnages imaginaires : le diable et son chien ; • récit d'une action qui se déroule dans un lieu et un temps identifiés : la visite du diable, dans l'ancien

temps, par une chaude journée d'août, vers sept heures du soir, dans la cour de l'étable, etc.

Description sommaire

Degré suggéré : 2e cycle

Préparation immédiate

1 photocopie des textes et des illus­trations de 4 légendes par équipe de 2 élèves. La pagination ne doit pas figurer sur les photocopies.

Matériel pour la l ' é t a p e

•légende à lire: «La marque des fesses du diable» in Légendes des villages. Jean-Claude Dupont, Lé­gendes des villages, Sainte-Foy, 1987, p. 32-33.

• légendes à photocopier : «LepontdelaMalbaie» in Légendes de l'Amérique française, idem, p. 20-21. «Le cheval blanc» in Légendes du Saint-Laurent I, idem, p.12-13. «La Fée-Chat» in Légendes du Saint-Laurent II, idem, p. 36-37. «Le cheval changé en serpent» in Légendes du cœur du Québec, idem, p. 10-11.

Durée approximative

Le projet s'effectue en trois étapes :

1- Lecture et première écriture : 2 périodes consécutives

2- amélioration des textes : 2 périodes consécutives

3- révision finale, copie au propre et illustration : 2 périodes consécu­tives.

Printemps 1991 / Numéro 81 QUÉBEC FRANÇAIS 47

Page 3: Légendes de chez nous - erudit.org

Intentions pédagogiques

•en lecture: faire identifier les caractéristiques et la structure narrative de la lé­gende ; faire connaître la patrimoine cul­turel des légendes québécoises ;

•en écriture : développer la cohérence textuelle dans l'écri­ture des textes narratifs.

Lecture

Les élèves sont répartis en équipe de deux. L'enseignante remet à chaque équipe un ensemble de textes et i I lustrations de quatre légendes. Textes et i I lustrations étant présentés sur des feu i I les séparées. Les élèves lisent les textes avec l'intention d'apparier légendes et illustrations correspondantes.

Objectivation

L'enseignante vérifie les appariements et demande aux élèves de donner les indices textuels qui les justifient.

1 - Illustration : LE CHEVAL CHANGÉ EN SERPENT • Légende de SAINT-PIERRE DE SOREL • Indices textuels : «Pouich ! Le cheval se transforma en serpent et entra dans les eaux..»

2- Illustration : LE CHEVAL BLANC • Légende de CARTIERVILLE • Indices textuels : « les gens du bord de l'eau se plaignaient qu'un grand cheval blanc sortait des bois

la nuit...»

3- Illustration : LE PONT DE LA MALBAIE • Légende de QUÉBEC • Indices textuels : «Les gens de la Malbaie s'étaient groupés pour paver la route en bordure du fleuve

et construire le pont sur la rivière Malbaie. »

4-Il lustration: LA FÉE-CHAT • Légende du CAP-CHAT • Indices textuels : «Je suis la Fée-Chat et je vais te métamorphoser. Tu seras enfermé dans la pierre

du cap jusqu 'à la fin des temps... »

Collectivement, l'enseignante invite les élèves à résumer brièvement chacune des légendes et fait identifier la structure du récit :

• la situation initiale qui présente les personnages, leur projet et situe le temps et le lieu ; • le déroulement du projet et l'élément perturbateur; • la situation finale qui apporte la résolution du problème.

Banque de mots

L'enseignante invite les élèves à faire des constel lations de mots à partir des éléments des légendes. El le écrit au tableau les mots trouvés par les élèves.

Schéma 1

construire le pont sur la rivière Malbaie

trouver de la nourriture des projets

aller aux soirées de danse

construire une église

18 QUÉBEC FRa\NÇAIS Printemps 1991 / Numéro 81

Page 4: Légendes de chez nous - erudit.org

Schéma 2 1 e diable

le bedeau son chat noir

le curé un inconnu

les constructeurs de l'église

un étranger Satan

un grand diable

un animal

S ^ les personnages ^ ^ S V . réels et imaginaires . /

Satan

un grand diable

un animal

Satan

un grand diable

un animal

les gens de La Malbaie

un grand cheval blanc

puissante» |aFée.c|lQt

courrouce

le charpentier la bête

des hommes un cheval malicieux

les habitants un loup-garou

l'épouse du menuisier

son chien

Schéma 3 le jour de l'ouverture du pont

quinze jours après

quieques années plus tard

l'hiver arrivant

quieques années plus tard ( le temps j

quieques années plus tard

le matin en 1749

la veille depuis 7 ans

ce soir-là à minuit une bonne nuit

S c h é m a 4 ° » n bout du pont à l'autre bout du pont

la route en dans les Pays-d'en-Haut bordure du fleuve à l'hôtel

C le lieu j au villoge au logis

. i ,. „. derrière les buissons les champs St-Pierre

de Sorel

au logis

la forêt la grève

les rochers près du fleuve

au fond d'une cavité dans les eaux du fleuve

dons la pierre du cap

Références

Les livres de Jean-Claude Dupont sont disponibles à l'adresse sui­vante :

• Légendes du Saint-Laurent 2700, rue Mont-Joli Sainte-Foy (Québec) G1V1C8 TÉL. (418) 659-1231

Printemps 1991 / Numéro 81 QUÉBEC FRANÇaVIS 49

Page 5: Légendes de chez nous - erudit.org

Écriture de la situation initiale d'une légende

L'enseignante invite les élèves à relire les légendes, à choisir par équipe, une légende qui leur servira de modèle. Ils écriront une nouvelle légende en modifiant un ou plusieurs éléments du modèle choisi. Ils commencent par écrire la situation initiale de leur légende.

Objectivation en cours d'écriture

Dès que la majorité des élèves ont écrit la situation initiale, l'enseignante interrompt l'activité d'écriture pour faire lire à quelques élèves le début de leur légende. Collectivement, on vérifie la présence des éléments de la situation initiale, on anticipe ce que pourrait être le projet des personnages principaux, le déroulement de l'événement et la fin de la légende.

Écriture de la légende

Les élèves poursuivent l'écriture de leur légende à l'aide des suggestions qui leur ont été faites.

2e étape

Objectivation pour l'amélioration des textes

1-Collective. L'enseignante choisit une légende dont elle fait avec les élèves la révision de la cohérence textuelle. Le texte est reproduit sur acétate et présenté à l'aide du rétroprojecteur. Après discussion avec la classe et approbation des élèves auteurs, on procède à différentes améliorations du texte:

• amélioration reductive pour éliminer les informations excédentaires ; • amélioration complétive pour enrichir les informations ; • amélioration corrective pour rendre le texte plus conforme à son développement.

2- En 2 équipes de 2 élèves. Les deux équipes se lisent leur légende et la révisent selon la démarche utilisée précédemment. En cas de désaccord entre les élèves, le problème est soumis à la classe qui propose des suggestions d'amélioration.

5 0 QUÉBECFRANÇAIS Printemps 1991/Numéro 81

Page 6: Légendes de chez nous - erudit.org

3" étape

Publication

L'enseignante corrige ou fait corriger les erreurs d'orthographe. Les élèves recopient et illustrent les légendes qui sont ensuite assemblées en album.

Evelyne TRAN

Texte amélioré

La l i corne changée en h ippocampe

C'était il y a bien longtemps dans un village très pauvre. Le maire du ^ ^ ( a m é l i o r a t i o n corrective) avait décidé de construire un hôpital, (am. reductive) Des ouvriers furentengagés etse mirent immédiatement à l'ouvrage (am. complétive). Cependant au début de l'hiver, les ouvriers quittèrent le chantier trouvant que le travail était trop dur(am. corrective). Alors, un étranger (am. corrective) se présenta et offrit au maire de lui donner une I icorne. L'animal très robuste transporterait les lourds matériaux, ce qui réduirait l'ouvrage des hommes (am. complétive). «À une condition, dit l'étranger, ne touchez jamais (am. corrective) à la corne de l'animal». Les hommes revinrent au chantier, les travaux allaient bon train grâce à l'aide la licorne (am. complétive). Mais un jour, alors qu'elle était lourdement chargée, un ouvrier voulut la faire avancer et la tira pas sa corne (am. complétive). Pfiff... la licorne disparut dans une tornade de brouillard et les ouvriers durent terminer la construction sans son aide (am. complétive). On n'a plus jamais revu la licorne mais certains racontent qu'elle s'était changée en h ippocampe et que les soirs de brouillard un hippocampe rôdeprèsdel'hôpital{am.comc\m).

Manon MAYRAND, Isabelle DORÉ, Valérie GERMAIN

Première écriture

La licorne changée en hippocampe Un jour dans un village très pau­vre. Un vieil homme voulait cons­truire un hôpital pour les gens malades. Un jour, tous ces tra­vailleurs partirent parce qu'ils n'étaient pas très bien payés. Alors un vieux monsieur arriva puisildit : «Je vous donne une licorne. Mais un conseil ne lui Ôtez jamais sa corne, d'accord?» Un jour une personne arriva et lui enleva sa corne. Pfiff...la licorne disparut dans une tornade de brouillard. Et elle s'était changée en hippocampe et on n'a jamais revu une licorne de ce genre-

La marque des fesses du diable huile sur toile; 40,6 x 50,8 cm; 1986

Deux femmes qui se dépêchent à traire les vaches pour aller danser sont surveillées par le diable. Il laissera la marque de ses fesses sur le rocher.

SAINT-LAZARE DE BELLECHASSE Dans l'ancien temps, les «jeunesses» partaient tôt pour aller aux soirées

de danse car ils devaient être de retour dans leur famille avant dix heures. Par une chaude journée du mois d'août, Agathe et Marie avaient travaillé durement à la récolte pour terminer l'ouvrage au plus tôt. car il leur fallait aussi traire les vaches avant de pouvoir partir, vers sept heure, avec leur «cavalier». Comme toujours durant la belle saison, la traite s'effectuait dans la cour de l'étable. parce qu'il y avait beaucoup de mouches dans l'écurie et que les vaches, pour s'en défendre, faisaient aller leur queue jusque dans la figure des «trayeuses». Ce soir-là, donc, les jeunes femmes, installées sur leur petit banc, la chaudière entre les genoux et le front appuyé contre la hanche de l'animal, mettaient une ardeur peu commune à traire les vaches: elles ne voulaient surtout pas faire attendre leur «cavalier».

Elles en étaient à égoutter le pis de leur dernière vache lorsqu'elles entendirent japper un chien derrière elles. Agathe jeta un regard distrait vers le lieu d'où provenaient les aboiements, certaine d'avoir mal entendu puisqu'elles enfermaient toujours leur chien qui, autrement, venait faire bouger les vaches. Elle fui si saisie de ce qu'elle vit sur la grosse roche qui surplombait la cour qu'elle ne put même pas ouvrir la bouche pour en avertir sa sœur Marie. Là, derrière elles, assis en sauvage, sur la grosse roche, il y avait un grand diable accompagné de son chien. Ils les regardaient, comme ça, sans bouger, seul le chien se contentant d'aboyer de temps à autre.

Agathe finit par laisser échapper un cri suivi de peu par celui de sa sœur. Aussitôt, elles partirent à courir en direction de la maison, se souciant peu de renverser leur chaudière de lait chaud. Au même moment, les cavaliers, venus les chercher un peu plus tôl que d'habitude, arrivaient devant la maison. Ils eurent tout juste le temps de se ranger pour ne pas être précipités par terre par les jeunes filles qui passèrent à la fine épouvante en direction de la maison. Mais, par la porte laissée ouverte derrière elles, ils virent le bras d'Agathe qui pointait vers la grosse roche.

Ce soir-là, personne n'alla à la danse, et l'on fit venir le prêtre qui bénit les marques de fesses laissées sur la grosse roche par Satan et son chien.

Printemps 1991 / Numéro 81 QUÉBEC FRa\NÇ\IS 51

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Jii » f < « »

Le cheval changé en serpent huile sur toile; 8 x 10"; 1985

Le cheval qui a charroyé la pierre de l'église se transforme en serpent.

SAINT-PIERRE-DE-SOREL

Il n'y a pas toujours eu une église à Saint-Pierre de Sorel; les gens se rendaient ailleurs pour faire baptiser les enfants, se marier ou se faire enterrer. Un jour cependant, ils décidèrent d'en bâtir une, mais ils se demandaient bien comment charroyer la pierre, car les chevaux étaient rares dans ce temps-là.

Un matin, de bonne heure, le curé vit sur la grève un beau cheval flambant noir. Comme il lui avait passé la main sur la croupe et que le cheval n'avait pas bougé d'un poil, il l'amena au village.

Quand les hommes arrivèrent pour travailler, le curé leur dit: «Tiens, je vous ai fait venir un maître cheval; servez-vous-en pour charroyer la pierre, mais ne le débridez jamais; même pas pour le faire boire».

D'un voyage à l'autre, les hommes comblaient la charge, à tel point que les voitures n'étaient pas assez fortes pour résister. C'était toujours le même homme qui le menait, mais un jour qu'il n'avait pas pu venir travailler, celui qui prit sa place pour mener le cheval n'écouta pas les recommandations du curé. Quand il amena le cheval près du fleuve pour le faire boire, celui-ci refusa; le gars se dit alors: «je vais le débrider, c'est sa bride qui le «bâdre». Comme il la débouclait, pouichl le cheval se transforma en serpent et entra dans les eaux du fleuve.

Les hommes continuèrent de maçonner l'église, mais il manque toujours une pierre sur la façade.

Le cheval blanc

huile sur toile; 40,6 x 50,8 cm; 1984

Collection L. Fournier, Saint-Camille La nuit, un loup-garou sous forme de cheval blanc vient s'attaquer à l'église.

C A R T I E R V I L L E

En 1749. Gervais qui ne faisait plus ses Pâques depuis sept ans refusa d'obéir à l'évêque qui demandait aux paroissiens de participer à la construction de l'église. Au lieu de tailler et de maçonner la pierre du temple avec les autres habitants, il se rendait à l'hôtel s'enivrer et critiquer la religion. Une bonne nuit, il nc revint pas au logis. Après l'avoir cherche partout, sa femme crut qu'il était parti avec des canotiers dans les Pays-d'cn-Haut. Dans le même temps, les gens du bord de l'eau se plaignaient qu'un grand cheval blanc sortait des bois la nuit et venait mordre les animaux affolés. De plus, le matin, les constructeurs de l'église maugréaient parce que la bête venait aussi déplacer les pierres fraîchement mises en place la veille.

Le curé se jura bien d'attraper le cheval malicieux et se rendit chez le forgeron qui lui façonna dans son meilleur 1er un mors de bride orné d'une croix sur chacun de ses côtés. Ce soir-là. à minuit, le curé monta au haut des terres et se cacha derrière des arbustes le long d'un sentier. Soudain, il entendit le galop furibond du cheval qui s'approchait de lui. Au moment où l'animal ouvrit la gueule pour le happer, le curé écarta les montants de la bride el il lui entra le mors profondément dans la gueule. Le pasteur descendit la bête au village où l'on vint des dizaines de milles à la ronde pour l'examiner de près. Malheureusement, le bedeau enleva la bride du cheval qui disparu! en sautant dans un rapide. Quelques années plus tard, ils réussirent à terminer la construction de l'église mais sur un mur intérieur, la face de Satan esl dissimulée sous le tableau de saint Michel. Gervais. lui. mourut sous forme de loup-garou: jamais personne ne l'ayant fait saigner.

S2 QUÉBEC FRANÇaUS Printemps 1991 / Numéro 81

Page 8: Légendes de chez nous - erudit.org

Le pont de La Malbaie huile sur toile; 30,4 x 40,5 cm; 1984

Le diable construit un ponl et se réserve le premier être qui y passera.

CAP-CHAT

Les gens de La Malbaie s'étaient groupés pour paver la route en bordure du fleuve et construire le pont sur la rivière Malbaie.

L'hiver arrivant et ne réussissant pas à monter les chevalets et les travées du pont, le charpentier engagea des hommes pour se faire aider. Mais la mésentente se mettant de la partie, les travailleurs quittèrent les lieux.

Reconnu pour son mauvais caractère, le charpentier maudissait son entreprise quand il vit arriver un étranger qui s'offrit à construire le pont. Il ne demandait pas de salaire; mais en retour, il exigeait que l'âme du premier être à traverser le pont lui appartienne.

L'inconnu revint alors avec ses travailleurs qui se mirent à l'ouvrage et quinze jours après, les habitants apprenaient que le pont était terminé.

Voici alors ce qui arriva. L'épouse du menuisier remarquant que son mari devenait de plus en plus songeur à mesure que la construction avançait, décida d'agir seule. Lorsque le jour de l'ouverture du pont fut venu, l'étranger arriva et s'assit à un bout du pont avec son chat noir, attendant que le premier être passe. L'épouse, cachée à l'autre bout avec-son chien, n'eut aucune peine à le faire bondir en avant lorsqu'il aperçut le chat. Le diable, réalisant qu'il ne récolterait que l'âme d'un chien, se précipita à l'eau et il disparut. Depuis, on a l'habitude de dire que la femme est plus rusée que le diable.

QUÉBEC

Après un été de sécheresse, les greniers étaient vides et une épidémie décimait les troupeaux; il ne restait plus de viande non plus à manger. On dit même que dans le village, les chats et les chiens en étaient réduits à chasser ou à pêcher pour se sauver la vie. C'est ainsi qu'un pauvre chat n'ayant rien attrapé, ni dans les champs, ni dans la forêt, se rendit un, midi sur la grève pour y trouver quelques bonnes gueulées.

Après avoir vainement surveillé la vague qui n'apportait que des algues, il se mit à examiner à travers les rochers qui bordaient la rive. Au fond d'une cavité il aperçut une famille de petits gibiers qui som­meillaient. Il campa le long du repaire et attendit patiemment ses proies. La moins sage des petites bêtes finit par pointer son nez au soleil. Voyant que le chat étendu sur le gravier dormait calmement, elle se rendit l'examiner de plus près. Elle fut si vite happée qu'elle n'eut pas le temps de crier de frayeur. Quant aux autres, il préféra les laisser s'éloigner de leur cache pour le plaisir de les attraper une à une en les poursuivant sur la grève.

Repu, il allait lentement retourner au village lorsqu'un animal puissant et courroucé se mit sur son chemin et lui tint ce langage: «Méchant animal, tu as dévoré tous mes enfants. Je suis la Fée-Chat et je vais te métamorphoser. Tu sera enfermé dans la pierre du cap jusqu'à la fin des temps pour rappeler ton geste à ceux de ta race».

La Fée-Chat huile sur toile; 20,3 x 25,4 cm; 1984

Collection C. Roy, Ottawa Par un été de disette, un chat mangea des petits oiseaux. Il sera transformé en rocher par une fée.

Printemps 1991 / Numéro 81 QUÉBEC FRANÇAIS S3