L'Etat palestinien en question

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  • 8/8/2019 L'Etat palestinien en question

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    Ltat palestinien en questionLa solution des deux tatsest-elle encore possible ?

    ______________________________________________________________________

    Denis Bauchard

    Mars 2010

    .

    NNoottee ddee ll II ff rr ii

    ProgrammeMoyen-Orientet Mditerrane (MOM)

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    LIfri est, en France, le principal centre indpendant de recherche,dinformation et de dbat sur les grandes questions internationales. Cr en1979 par Thierry de Montbrial, lIfri est une association reconnue dutilitpublique (loi de 1901).

    Il nest soumis aucune tutelle administrative, dfinit librement ses activits etpublie rgulirement ses travaux.

    LIfri associe, au travers de ses tudes et de ses dbats, dans une dmarcheinterdisciplinaire, dcideurs politiques et experts lchelle internationale.Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), lIfri simpose comme un desrares think tanksfranais se positionner au cur mme du dbat europen.

    Les opinions exprimes dans ce textenengagent que la responsabilit de lauteur.

    ISBN : 978-2-86592-694-7 Ifri 2010 Tous droits rservs

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    Sommaire

    ISRAL : UNE ABSENCE DE VOLONTE POLITIQUE ................................... 4

    LA FAIBLESSE STRUCTURELLE DES GOUVERNEMENTS ISRAELIENS ........ 6

    LA QUESTION PALESTINIENNE NEST PLUS UNE PRIORITE ...................... 8

    PALESTINE : Y A-T-IL ENCORE UN INTERLOCUTEUR VALABLE ? ........... 10LA SITUATION SUR LE TERRAINPERMET-ELLE ENCORE DE CREER UN ETAT PALESTINIEN VIABLE ?....... 12

    QUELS SCENARIOS POUR LE FUTUR ? ................................................ 15

    Scnario 1 : le statu quo....................................................................... 15

    Scnario 2 : des ngociationsdbouchant sur un tat palestinien ..................................................... 16

    Scnario 3 : la proclamation unilatrale dun tat palestinien ......... 18

    Scnario 4 : un tat binational ............................................................. 19

    UNE SOLUTION DE LA DERNIERE CHANCE ? ........................................ 21

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    Introduction

    La marche vers un tat palestinien est longue et ardue, mme si, surle plan juridique, la cration de deux tats, lun juif, lautre arabe, at prvue ds le plan de partage adopt par le Conseil de scurit le29 novembre 1947. Lapplication de ce texte fut suspendue et, defait, jamais mise en uvre, compte tenu de lvolution des faits et dela guerre isralo-arabe qui a clat en 1948.

    En fait, cest la dclaration de Venise, adopte par le Conseil

    europen du 13 juin 1980 linitiative du prsident Valry GiscarddEstaing, qui allait tre le point de dpart de cette longue marchepuisquelle prvoit alors que le peuple palestinien doit tre mis enmesure [] dexercer pleinement son droit lautodtermination . lpoque, cette dclaration fut critique tant par les tats-Unis que parIsral qui a refus de reconnatre ce droit jusqu une date rcente.On rappellera que les accords dOslo du 9 septembre 1993 se sontgards dutiliser le terme dtat palestinien, mme si des lettres dereconnaissance mutuelle ont t changes entre Isral etlOrganisation de libration de la Palestine (OLP), celle-ci tantreconnue comme le reprsentant du peuple palestinien . Pour sapart, la rsolution 1 397 du Conseil de scurit, en date du 12 mars2002, mentionne dans ses considrants : la vision dune rgiondans laquelle deux tats, Isral et la Palestine, vivent cte ctedans des frontires reconnues et sres . La Feuille de route prsente par le Quartet dfinit alors un plan par tapes qui doitconduire au rglement du conflit isralo-palestinien, avec la crationdun tat palestinien au plus tard en 2005. Cinq ans aprs la date decette cration thorique, les frontires nen sont toujours pas dfinieset aucun rglement nest en vue.

    Cependant, le principe dun tat, et le mot mme, semblentmaintenant faire consensus dans la communaut internationale et enIsral, y compris dans ses grands partis politiques, comme le Likoud

    et le gouvernement : celui-ci, par la voix du Premier ministreBenjamin Netanyahou et en rponse aux fortes pressions delAdministration Obama et de lUnion europenne (UE), aformellement accept cette perspective1

    Paradoxalement, cest au moment o ltat nest plusvritablement contest sur le principe que sa mise en uvre semblede plus en plus problmatique. Autre paradoxe : sil reste contest,

    .

    1 Discours luniversit Bar-Ilan le 14 juin 2009.

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    cest travers des voix palestiniennes, mme si celles-ci sont encoretrs minoritaires. Cette contestation palestinienne apparat ds 2006parmi les intellectuels, notamment parmi ceux qui appartiennent luniversit de Bir Zeit2. Selon eux, il conviendrait de dissoudrelAutorit palestinienne (AP) fantoche et den revenir un rgimedoccupation qui aurait le mrite de la clart et qui obligerait Isral prendre ses responsabilits de puissance occupante. La mmeposition est relaye de faon trs mdiatique par Sari Nusseibeh,membre dune des grandes familles palestiniennes de Jrusalem etprsident de luniversit Al-Qods : Un tat palestinien est devenuimpossible3 . Tout rcemment, Sab Erekat, ngociateur palestinienen chef et membre du Comit excutif de lOLP, a laiss entendreque si les efforts pour la conclusion dun accord avec Isral setraduisaient par un chec, lAP renoncerait la solution des deuxtats et demanderait la cration dun tat binational 4

    Quen est-il exactement ? La combinaison dune absence de

    volont, ou de capacit, politique de part et dautre, et lvolution dela situation qui prvaut sur le terrain peuvent tayer ce constatpessimiste. Et si un tat palestinien nest plus possible, existe-t-il unesolution de rechange ?

    .

    2 D. Bauchard, Isral 2007, bilan et perspectives, Paris, Ifri, Perspectives MOM ,fvrier 2007.3 Interview, Le Figaro, 6 janvier 2010.4Haaretz, 18 fvrier 2010. Voir aussi R. Khalidi, Que peuvent les Palestiniens ?,Politique trangre, vol. 74, n3, automne 2009.

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    Isral :une absence de volont politique

    Les termes dun compromis possible sont connus : ils sont proches,sous rserve dajustements et dactualisation, de trois documents derfrence : les paramtres Clinton mis sur la table CampDavid II (juillet 2000), le relev de conclusions de la runion de Taba(janvier 2001) tabli par lenvoy spcial de lUE dalors, Miguel A.

    Moratinos et linitiative de Genve, suscite par une personnalitsuisse et conclue travers un accord (octobre 2003) avalis parlisralien Yossi Beilin et le palestinien Yasser Abd Rabbo, lun etlautre anciens ministres agissant en leur nom personnel. Uncompromis est ainsi thoriquement accessible mais il suppose unedtermination politique. Or il nexiste actuellement ni volont, ni peut-tre mme capacit de conclure quelque accord que ce soit sur cesbases.

    Du ct isralien, il est clair quun tel accord est actuellementirralisable. Si lon sen tient la position officielle, exprime par lePremier ministre B. Netanyahou lors de son discours luniversit deBar-Ilan (juin 2009), on est en effet loin du compte, mme si cedernier assure quil est prt ngocier tout moment, sanspralable. Certes, il a voqu deux peuples libres, vivant lun ctde lautre sur ce petit territoire (small land) [] chacun avec sondrapeau, son hymne, et son gouvernement . Cependant, lesconditions poses vident largement cette proposition de son sens.Aprs avoir rappel que Eretz Isral est le lieu dorigine du peuplejuif, B. Netanyahou demande aux Palestiniens de reconnatre Isralcomme un tat juif, de renoncer toute arme et lexercice de toutcontrle arien. Ces conditions runies, [Isral serait prt] donner[son] accord un vritable accord de paix, un tat palestiniendmilitaris ct de ltat juif . LAP doit galement venir bout

    (overcome) du Hamas . Sagissant du problme de la colonisation,B. Netanyahou affirme qu Isral na pas lintention de btir denouvelles implantations mais cet engagement ne recouvre pascelles qui sont situes dans lagglomration du Grand Jrusalem, nila croissance naturelle de celles localises en Cisjordanie. Il restediscret sur les colonies sauvages (outposts), et sa positon esttotalement ferme sur le problme des rfugis qui ne peut tre rglqu en dehors des frontires de ltat dIsral , comme surJrusalem qui restera la capitale unifie dIsral .

    Certes, on peut estimer quil sagit dune position de dpart,affiche au dbut dune ngociation qui sera forcment longue et

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    La faiblesse structurelledes gouvernements israliens

    Depuis prs de 30 ans, Isral est gouvern par des coalitions fragilesau sein desquelles les petits partis radicaux, notamment religieuxultra-orthodoxes, sont surreprsents et ont une influence quidpasse leur troite base lectorale. Cest lun des effets du systmede scrutin proportionnel quasi intgral qui sapplique aux lections

    lgislatives et qui refltent une socit profondment divise, tant dupoint de vue religieux que de celui de lorigine gographique. Onrappellera que, depuis octobre 1993, date de la confrence de Madridqui a inaugur le processus de paix, huit Premiers ministres se sontsuccd, tous issus de coalitions, soit 8 mandats dune dure dedeux ans et demi environ. On est donc face un systme de rgimeparlementaire, proche de celui de la IVe Rpublique franaise, quimalgr les tentatives de rforme notamment llection du Premierministre au suffrage direct ne dispose que dun pouvoir excutiffaible et instable. Les petits partis qui bloquent toute rforme ontintrt perptuer ce systme qui leur est trs favorable. Quant auxgrands partis traditionnels, ils sont sur le dclin, la cration de

    Kadima ayant rendu la vie politique encore plus confuse. Sajoute cela une perte de crdibilit que connat toute la classe politique enraison de son inefficacit en termes de politique intrieure et desscandales de corruption ou de murs qui ont entach limage denombreux ministres, Premiers ministres, voire prsident (MosheKatsav ayant t forc la dmission). Certes, il y eut deux hommesforts, Yitzhak Rabin et Ariel Sharon, qui se sont imposs et qui ont sumaintenir une certaine cohsion gouvernementale. Mais ils ontdisparu prmaturment et il est difficile de savoir si, sur le long terme,les processus quils ont initis auraient pu dboucher sur la paix. Lesaccords dOslo ont t conclus sans quy aient t associs Tsahal niles services de renseignement. Comme le souligne Ephram Halvy,

    chef du Mossad de 1998 2002, il sagissait dune faoncatastrophique de prendre des dcisions , et dajouter crment, linfluence respective des chefs dtat-major, des chefs de lascurit et des diverses agences de renseignement a parfoiscontrebalanc celle de tous les autres protagonistes5

    5 E. Halvy, Mmoires dun homme de lombre : les coulisses de la politiqueinternationale au Moyen-Orient par l'ex-directeur du Mossad, Paris, Albin Michel,2006.

    . En clair, les

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    principaux responsables de larme et des services derenseignement taient hostiles aux accords dOslo, et se sontefforcs, avec succs, de les remettre en cause au niveau de leurmise en uvre. Y. Rabin aurait-il pu aller lencontre dune telledtermination ? Quant la politique dA. Sharon, aurait-elle pu sepoursuivre au-del du retrait de Gaza ? On peut en douter : ce retraitest dailleurs considr maintenant par Isral comme un chec, car ilna pas permis dassurer la scurit de son flanc sud et bien aucontraire, il a contribu renforcer le Hamas.

    Par-del les raisons lies au mauvais fonctionnement desinstitutions, on peut ajouter le renforcement lent, mais sans douteirrversible, des partis les plus hostiles un accord ngoci ave lesPalestiniens, au dtriment du camp de la paix . La gauche,notamment celle que reprsente lassociation La paix maintenant quiavait t au cur de laccord de Genve, est marginalise. Le Partitravailliste a vol en clats du fait de lopportunisme politique de

    certains de ses responsables historiques. Au sein mme du Partitravailliste, lchec de sa gauche reprsente par Amir Peretz,ministre de la Dfense lors de lintervention au Liban (2006), a permisle retour de ses membres les plus intransigeants sa direction. Dansle mme temps, les partis les plus durs, dont Isral Beitenou, ontprogress et nhsitent pas demander lexpulsion de la populationarabe dIsral, qualifie de cinquime colonne . La conjonction delinfluence croissante des partis religieux fondamentalistes, comme leShass, et du parti russe celui dAvigdor Lieberman reflte bien lessentiments dune clientle lectorale profondment hostile auxArabes, y compris ceux qui sont citoyens israliens. Une mmevolution peut tre dcele chez une partie des colons. Dsaronnpar la brutalit avec laquelle A. Sharon a procd lvacuation descolonies de la bande de Gaza, le mouvement des colons sestressaisi et a dvelopp une influence non seulement auprs despartis politiques, mais galement au sein de larme. Ainsi ledmantlement, mme partiel, des colonies existantes y comprisdes outposts, quelles soient situes en Cisjordanie, Jrusalem oudans le Golan , parat beaucoup irraliste, sauf cas marginaux.Plusieurs dentre elles, comme Maale Adoumim ou Ariel sontdevenues de vritables villes, peuples de plusieurs dizaines demilliers dhabitants. Or il ne pourra pas y avoir de paix sans undmantlement dun nombre minimal de colonies : on voit mal quel

    gouvernement isralien pourrait avoir la volont ou la capacit deprovoquer un tel affrontement.

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    La question palestiniennenest plus une priorit

    lvidence, la question palestinienne nest plus une priorit pour lesautorits israliennes. Au regard de Tsahal et des services derenseignement, il sagit dun conflit de basse intensit qui peuttre gr au jour le jour, ou ventuellement par des interventionsmassives et ponctuelles qui maintiennent un effet de dissuasion,

    comme celles dclenches contre le Hezbollah en juillet 2006 oucontre le Hamas en dcembre 2008. Le problme lancinant desroquettes qui tombent par intermittence sur Sdrot ou Ashkelon, etdont les effets psychologiques et politiques sont importants, restentcependant supportables. Ainsi la vie quotidienne en Isral est-elleredevenue normale aprs la priode difficile des attentats-suicides(2002-2004) maintenant juguls. labri du mur de sparation, il ny apas de vritable pression sauf venant de lextrieur pour ngocierune paix dont les avantages apparaissent mal et qui supposerait dediscuter avec un interlocuteur de moins en moins valable etreprsentatif.

    En revanche, la menace que reprsente lIran est ressentiecomme existentielle et fait lobjet dun large consensus national. Ilsagit pour Isral dun dfi majeur, aggrav par la volont de lIrandaffirmer sa souverainet nuclaire et de dvelopper unprogramme denrichissement dont la finalit militaire semble seconfirmer de jour en jour. Sous cet angle, le Hezbollah et le Hamassapparentent des postes avancs de lIran : ainsi Isral et lIranseraient dores et dj en guerre par lintermdiaire de cesmouvements, en quelque sorte par procuration . Lchec delintervention de 2006, ou labsence de succs significatif mise envaleur par les conclusions critiques du rapport Winograd6

    Les sentiments actuels en Isral peuvent tre rsums de lafaon suivante : nul retrait, unilatral ou ngoci, napporte lascurit ; dveloppement de la conviction des colons que Eretz

    , contribuent expliquer le sentiment diffus dinscurit, mme si, pour linstant, le

    front nord reste calme. Cette obsession iranienne dune grandepartie de lopinion isralienne participe ancrer la peur face laveniret confirme lide selon laquelle Isral est entour dennemis armset manipuls par lIran.

    6 Rapport prliminaire de la commission Winograd, 30 avril 2007.

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    Isral a t [leur] pays de tout temps car Dieu [leur] a donn7 , cequi rend sans objet une ngociation avec les Palestiniens ; lesArabes ne sont pas des interlocuteurs fiables et leur objectif reste ladisparition de ltat dIsral8 ; ils ne respectent que la force et Tsahaldoit en faire usage, mme de faon disproportionne9

    7A. Jaulmes, Plonge au cur des colons israliens de Cisjordanie, Le Figaro,15 juin 2009 ; L. Zecchini, Vieux pionniers et jeunes colons , Le Monde, 13octobre 2009.

    ;dveloppement dune peur diffuse devant la menace existentielle delIran. Ainsi, lobjectif nest plus de ngocier avec une APdconsidre, mais de faire face la menace iranienne, par desactions militaires visant les pions avancs du Hezbollah et duHamas, par la guerre de lombre, voire, comme le souhaitent leslments les plus durs, par une intervention militaire contre lIranmme, avec ou sans laccord des tats-Unis.

    8Ce sentiment a t exprim par A. Sharon lui-mme.9 La riposte disproportionne est un lment essentiel de la culture stratgiquedIsral in S. Cohen, Tsahal lpreuve du terrorisme, Paris, Le Seuil, 2009,p. 258 ; et E. Olmert : Si des tirs visent les habitants du Sud (d'Isral), il y aura unerponse dure qui sera disproportionne , dclaration en date du 2 fvrier 2009.

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    Palestine : y a-t-il encoreun interlocuteur valable ?

    Face un gouvernement isralien dcid, les Palestiniens montrent,du fait de leurs hsitations ou de leurs divisions, une incapacit sefaire entendre dune communaut internationale lasse de simpliquerdans un processus de paix sans fin, et faire progresser leurspositions.

    Mahmoud Abbas, un des chefs historiques de lOLP,reprsente une gnration en voie de disparition. Il na plus lalgitimit et la crdibilit ncessaires pour tre un interlocuteurvalable. Juridiquement, son mandat est termin depuis janvier 2009.Politiquement, la majorit de la population palestinienne le tient pourun collaborateur dIsral. Le flottement de sa position sur la suite donner au Rapport Goldstone10

    Le Hamas lui-mme nest pas toujours reconnu comme uninterlocuteur valable. Il ne le sera pas aux yeux de la communautinternationale tant que les trois conditions du Quartet reconnaissance de ltat dIsral, respect des accords signs,renonciation la violence ne seront pas respectes. Et il y a peu dechances, surtout maintenant, quelles le soient. Ceci nempche pasIsral de ngocier avec le Hamas, sur les conditions de libration du

    soldat Gilad Shalit comme sur dautres sujets. Dans son ouvrage LeGrand Aveuglement

    et ses rticences initiales saisir leConseil de scurit des Nations unies, finalement vaincues par lapression de lopinion palestinienne, ne sont quune illustration parmidautres de ses tergiversations. Isral a largement contribu sondiscrdit en nacceptant de ngocier avec lui quau bout de six ans,en ne faisant aucun geste, mme symbolique, qui lui aurait permis dedire que des progrs avaient pu tre faits vers la cration dun tatpalestinien. La politique unilatrale qui prvaut depuis prs de10 ans, et notamment le retrait dlibrment non ngoci de Gaza,na fait que renforcer le Hamas.

    11

    10Haut-Commissariat aux droits de lhomme, Human Rights in Palestine and OtherOccupied Arab Territories, Report of the United Nations Fact Finding Mission on theGaza Conflict, Genve, HCDH, septembre 2009.

    , Charles Enderlin, correspondant de France 2 Jrusalem depuis de nombreuses annes, montre comment Isral,jouant les apprentis sorciers, a contribu renforcer le Hamas pour

    11 Ch. Enderlin, Le Grand aveuglement. Isral et lirrsistible ascension de lislamradical, Paris,Albin Michel, 2009.

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    affaiblir lOLP. cet gard, la russite est totale. Si la Palestine nestpas un tat, elle compte deux gouvernements qui sestiment tous lesdeux juridiquement lgaux.

    Cependant le Hamas est-il, supposer que lon dcide

    dentamer avec lui un dialogue officiel, un interlocuteur valable ? Surle plan politique, le soutien de la population de Gaza semble flchir :le Hamas commence tre concurrenc par plus radical que lui dufait de linfluence croissante du Djihad islamique, proche de lIran, etdes tentatives de groupes djihadistes dexploiter la situation. Syajoutent les divisions internes du mouvement, entre pragmatiques etidologues, ou entre civils et militaires des groupes Ezzedine el-Qassem, ou enfin entre la rsistance de lintrieur et la directionpolitique base Damas. Quoi quil en soit, le Hamas conserve uneinfluence souterraine en Cisjordanie, contrle Gaza, renforce sonappareil rpressif, fait rgner un ordre islamique. On voit mal dans lecourt ou moyen terme, comment il pourrait tre radiqu ou dsarm.

    Gaza est devenue, pour reprendre une expression isralienne, un mirat islamique avec lequel il faut compter.

    Ainsi, lvidence de labsence dun vritable reprsentantpalestinien avec qui ngocier se fait jour, ce qui, dune certaine faon,rsulte de laction constante des autorits israliennes. Elles ontlimin sciemment les lments palestiniens les plus modrs et misplus de 30 ans avant de reconnatre lOLP et ce encore, contre leurgr , puis rcus Y. Arafat qui, de statut de prix Nobel, est redevenuun terroriste , jusqu sa mort en novembre 2004. supposerquun accord puisse tre conclu avec lAP, sa mise en uvre seraitdifficile en Cisjordanie et impossible Gaza.

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    La situation sur le terrainpermet-elle encore de crer

    un tat palestinien viable ?

    Dj en 2006, les tudes faites par le Bureau de coordination desaffaires humanitaires des Nations (United Nations Office for theCoordination of Humanitarian Affairs, UNOCHA), trs actif sur leterrain, faisaient apparatre que laddition des territoires situs louest du mur de sparation, des terres dtenues par les coloniesofficielles ou sauvages, des espaces utiliss par les routes decontournement et des zones militaires fermes de la valle duJourdain que les autorits israliennes entendent conserver en toutehypothse, reprsentait 45 % du territoire de la Cisjordanie (dont lasurface totale est de 5 800 km, soit la superficie moyenne dundpartement franais). Un tat palestinien aurait ainsi t constitude deux entits de dimensions rduites : la Cisjordanie, avec unepopulation de 2,3 millions dhabitants (Mhbt), et Gaza, avec 1,5 Mhbt,vivant respectivement sur 2 600 km environ et 378 km, soit sur lamoiti du mme dpartement, lequel tant de plus non contigu. Le

    temps ne fait que rduire lassise territoriale dun ventuel tat qui, enquelque sorte, svapore progressivement.

    Sagissant du mur, dans un premier temps officiellementbaptis de protection et maintenant de sparation , son trac at conu pour ceindre le plus important nombre possible decolonies, notamment celles qui sont les plus peuples. Il stend doncsur plus de 700 kilomtres, soit sur le double de la longueur de laLigne verte quil est suppos suivre. Malgr le dmenti des autoritsisraliennes, il reprsente le trac probable de la frontire dunhypothtique tat palestinien, avec en perspective un change deterritoires qui demeurera marginal et qui, dj accept sur le principe,reste ngocier.

    Tout autant que le nombre des colonies de peuplement, celuide leurs habitants et leurs localisations sont problmatiques. Pour laseule Cisjordanie, les implantations officielles et sauvages comptent350 000 habitants rpartis dans 150 colonies. On rapprochera cechiffre des 111 000 colons recenss au moment des accords dOslo(1993), qui dailleurs taient muets sur cette question. Il convientencore dajouter les 200 000 habitants vivant dans des communesannexes illgalement du Grand Jrusalem. Ainsi, depuis 1967, ledveloppement des colonies na pas cess alors mme que, ds lesannes 1980, les tats-Unis comme lEurope voyaient en elles un

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    obstacle la paix 12. Ce dveloppement na pu se faire quavec lacomplaisance, voire lencouragement des autorits israliennes quil sagisse de gouvernements travaillistes, du Likoud ou deKadima. Selon le Haaretz13

    Malgr la suspension annonce par le B. Netanyahou Bar-Ilan, leur extension se poursuit. Suivant un axe Ouest-Est, ellecontribue fragmenter le territoire de la Cisjordanie. Une carte

    publie par le Monde diplomatique

    , les trois quarts des implantations et deleur extension, ont t cres de faon illgale, notamment sanspermis de construire. Dans ces implantations, y compris dans lesoutposts, les autorits ont favoris la construction des infrastructurespubliques ncessaires, routes, synagogues, postes de police, coles,etc. Elles ont assur leur viabilit et leur rattachement aux rseaux.Nombre de ces colonies sont devenues de vritables villes commeMaale Adoumim, qui compte 37 000 habitants dont larrive asouvent t motive par des raisons moins idologiques quco-nomiques (loyers modestes et avantages fiscaux).

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    lt 2005, loccasion du retrait de Gaza, 17 coloniesregroupant 8 000 colons ont, pour la premire fois, t vacues. Ce

    dmantlement a t difficile, mais en dfinitive russi grce ladtermination dAriel Sharon et au sang-froid de larme. Dautresdmantlements sont-ils maintenant envisageables ? Ceci est peuprobable, lexception de quelques implantations marginales et peupeuples. De nombreuses raisons incitent en effet en douter. Toutdabord, le bilan du retrait de Gaza est maintenant jug en termesngatifs, notamment du point de vue de la scurit. Mais surtout lescolons se sont mieux organiss et radicaliss. Le directeur gnral deYesha, le Conseil des colons, Pinhas Wallenstein, ne cache pas savolont dempcher tout nouveau dmantlement car la colo-nisation est indispensable pour fixer les frontires dfinitives de ltatdIsral Cette prsence juive est ncessaire pour empcher un tat

    palestinien

    et intitule Larchipelpalestinien montre que deux importants groupes de colonies, ceuxdAriel et de Maale Adoumim/Beitar Eilet, trononnent en fait laCisjordanie en trois sous-territoires : le Nord, avec comme capitale Naplouse, le centre avec Ramallah, et le Sud avecHbron, qui communiquent mal ou pas du tout si la scurit dIsrallexige. Aller de Naplouse Hbron, villes distantes de 70 kilomtres vol doiseau peut demander, en temps normal, et malgr larduction rcente des check points, une demi-journe ou plus.

    15

    12 Dclaration de Venise de 1980 : les colonies de peuplement israliennesreprsentent un obstacle grave au processus de paix au Moyen-Orient [elles] sontillgales au regard du droit international .

    . Les colons ont acquis une influence qui dpasse leurimportance numrique, relaye par plusieurs petits partis ou

    13 Larticle du Haaretza t repris dans Courrier International, numro 963, du 16avril 2009.14 Le Monde diplomatique, LAtlas 2010, Paris, Armand Colin, 2009.15 Propos repris dans Le Mondedu 25 septembre 2009.

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    mouvements extrmistes, non seulement la Knesset maisgalement dans larme. Ainsi, toute politique darrt rel desconstructions et extensions, et fortiori de dmantlement descolonies existantes, dboucherait sur une crise politique et crerait degraves troubles intrieurs. Cette volution inquite les autoritsisraliennes qui craignent les consquences dun tel affrontement,notamment sur lunit de larme et sur la cohsion gouvernementale.

    Cette rduction en peau de chagrin du territoire palestiniensemble irrversible. Tout laisse penser que la tactique du faitaccompli, caractristique de la politique isralienne depuis lorigine,quelle que soit lalternance des partis et gouvernements au pouvoir,sera poursuivie lavenir, sauf forte dtermination dy mettre fin maisaucun homme politique isralien ne semble ce jour sy atteler. Il estpar ailleurs juste de reconnatre que cette tactique bnficie dunlarge soutien de lopinion publique. Pour linstant et dans un avenirprvisible, les conditions dune ngociation srieuse ne sont donc pas

    runies. Or le temps joue contre les Palestiniens, et contre ltab-lissement de la paix au Moyen-Orient.

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    Quels scnarios pour le futur ?

    Scnario 1 : lestatu quo

    Lexprience montre que les gouvernements israliens nont pas destratgie, politique ou de scurit, sur le long terme. Toute tentativepour en fixer une a chou, notamment celle que Dan Meridor,membre du Likoud qui fut ministre plusieurs reprises, a proposedans un rapport (2007) tout de suite enterr. Le scnario le plusprobable est celui du pilotage vue, ou dun statu quo volutif . Eneffet ce statu quo nest pas fig : il chancelle au quotidien, ne serait-ce quen raison des faits accomplis sur le terrain ou des dcisionsunilatrales prises par le gouvernement isralien. Il est donc volutifen fonction des circonstances. Cet oxymore reflte trs largement lapolitique actuelle, dans la continuit de celle du gouvernementdEhoud Olmert qui, jusqu maintenant, a permis dviter toutengociation srieuse. Le gouvernement isralien lche du lest pourrduire la pression extrieure, notamment amricaine, par exemple

    en supprimant certains barrages lintrieur de la Cisjordanie, enassouplissant les conditions de passage entre la Cisjordanie et Isral,mais la colonisation sy poursuit, y compris par le biais de la croissance naturelle ; quelques outposts de taille modeste sontdmantels pour lexemple, sous lil bienveillant des camras detlvision ; le passage des biens de consommation ou dquipemententre Isral et la Cisjordanie est assoupli ; Gaza, le bouclage estmaintenu avec des gestes soigneusement doss pour viter lesaccusations de punition collective ou daffamer la population ; ledmantlement des rseaux de tunnels, par bombardement arienou travers une coopration ouverte avec lgypte ; si besoin, uneintervention militaire du type de celle dcide en dcembre 2008,

    massive mais limite dans le temps, est mise en uvre, avec desmoyens dlibrment disproportionns pour obtenir un effet dedissuasion16

    Une telle politique a lavantage de rencontrer un rel soutiende lopinion isralienne qui, pas plus que le gouvernement, ne voitintrt une ngociation dont on souligne surtout les inconvnients

    . Il sagit de fait dune politique caractrise par sonaspect unilatral ou octroy .

    16 S. Cohen, op. cit. [9].

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    sans en percevoir les avantages, jugs incertains. Lidefondamentale accepte Oslo, la terre contre la paix sembledfinitivement carte. Ainsi ce scnario aboutit-il une solution quelon pourrait qualifier des trois tats : ltat dIsral ; le Fatahlanden Cisjordanie, en fait un protectorat isralien ; lmirat islamique deGaza, de fait indpendant sans tre un tat. court terme, lesavantages de cette politique sont vidents. Celui tout dabord de lafacilit : il suffit de continuer la politique actuelle, en utilisant bonescient la carotte et le bton. Ce pilotage vue dun conflit de faibleintensit nest cependant pas sans danger sur le long terme. Unetelle politique signifierait quune vritable paix ngocie ne pourraittre conclue entre Isral et les Palestiniens, et, dune faon plusgnrale, avec les pays arabes. Elle nourrirait frustrations et hainesenvers un pays de plus en plus isol de la communaut internationaleet dont limage se dgrade fortement. Les principes de respect de ladmocratie et des droits de lhomme, sont ainsi bafous par Isral qui

    se veut pourtant exemplaire cet gard. Sinspirant du dogme de lafrappe premptive dvelopp par lAdministration Bush et intervenantmilitairement contre ses voisins lorsquil sestimerait menac, Isralresterait un pays en guerre permanente, prenant le risque deprovoquer de nouvelles intifadas, mme si une telle perspective estpeu probable dans limmdiat. Plus gravement, le Hamas et leHezbollah renforceraient encore leur arsenal clandestin, en termesquantitatifs et qualitatifs, recevant dIran et de Syrie des missiles plussophistiqus et plus longue porte.

    Cette politique du statu quo volutif entretient, derrire unmur, mais proximit immdiate, une population dpourvue de toutespoir destine se radicaliser, non seulement contre Isral, maisaussi contre lOccident accus de pratiquer deux poids deux mesureset rput complice dIsral. Dans les pays arabes, voire mme dansles pays musulmans, ces ressentiments contre lOccident, djperceptibles y compris au niveau des gouvernements, saccentuent.Ils viennent renforcer la solidarit entre Arabes israliens, lesquels seveulent, de plus en plus, Palestiniens et risquent de cderprogressivement linfluence croissante des fondamentalistesmusulmans, voire des djihadistes. terme, la scurit dIsral estfragilise. Il est clair quIsral ne pourra assurer vritablement sascurit que sil existe une solution ngocie et la cration dun tatpalestinien viable.

    Scnario 2 : des ngociationsdbouchant sur un tat palestinien

    Un deuxime scnario pourrait se dvelopper, sous la pressionconjointe des tats-Unis et de pays de lUE, qui conduirait Isral accepter une ngociation srieuse avec lAP. Lobjectif serait doncdaboutir la cration dun tat palestinien viable, selon un schma

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    proche de laccord de Genve ou du relev de conclusions de Taba,qui comprendrait notamment les lments suivants : la recon-naissance de la Ligne verte de 1967 comme frontire, sous rservedchanges compenss de territoires ; lacceptation sur le principe dudroit au retour avec une mise en uvre prenant plus la formedindemnit financire que de retours effectifs, lesquels seraientlimits un quota modeste et contrl ; arrt gnral de la colo-nisation et dmantlement de certaines colonies ; reconnaissance deJrusalem galement comme capitale de ltat palestinien ; contrlede la valle du Jourdain assorti dun systme de garantie de scurit,notamment travers linstallation de stations dalerte.

    Un tel scnario, qui avait t prs daboutir au dbut delanne 2001, sera sans doute trs difficile accepter par lesIsraliens compte tenu du contexte politique actuel et deschangements intervenus sur le terrain. Il supposerait, pour tre misen uvre, que de trs fortes pressions soient exerces sur Isral,

    tant par les tats-Unis que par les pays europens. Thoriquement,ceux-ci en ont les moyens tant les relations conomiques,financires, militaires, mais galement en matire de cooprationscientifique, sont importantes avec Isral.

    Du ct amricain, parmi les leviers possibles, le risque duneremise en cause de la coopration militaire, la diminution de laidefinancire civile ou militaire, larrt des garanties aux empruntsisraliens, la menace de sabstenir, plutt que de mettre son veto surdes votes sensibles au Conseil de scurit, une forte pression pourquIsral adhre au Trait sur la non-prolifration des armesnuclaires (TNP)17

    17 P. Razoux, How to Pressure on Netanyahu ,New York Times, 15 septembre2009.

    . Tous ces moyens existent ; certains dentre eux

    ont dj t utiliss avec une certaine efficacit, par lAdministrationEisenhower en 1956, ou plus rcemment par le prsident GeorgeBush en 1993. Cependant, le contexte est aujourdhui diffrent.Linfluence exerce par les rseaux pro-israliens sest renforce,notamment travers laction de lAmerican Israel Public AffairsCommittee (AIPAC), auprs des rpublicains et de leurs lmentsfondamentalistes , comme des dmocrates vers lesquels soriententtrs majoritairement les votes de llectorat juif. En face, le lobby des juifs libraux, incarns par le mouvement J street , ne fait pasencore le poids. Lutilisation de la plupart de ces leviers suppose unvote du Congrs qui, dans sa grande majorit, reste favorable Isral mme si le comportement des autorits israliennes agace

    plus dun parlementaire. En termes de politique intrieure,laffaiblissement du prsident Barack Obama a des consquencesvidentes. Les camouflets subis par son envoy spcial GeorgeMitchell, comme par le vice-prsident Joe Biden, laissent mal augurerde lefficacit des pressions amricaines. Certes, lide que lesintrts amricains et israliens ne concident pas forcment, voire

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    divergent de plus en plus, progresse18

    Du ct europen, des instruments existent galement : denombreux accords ont t conclus entre lUE et Isral (accorddassociation, accord de coopration dans le domaine de larecherche). Cependant au niveau de lUE, comme celui de laplupart des pays membres, les mmes rticences existent se servirde ces moyens de pression, en raison de lhistoire, de contraintes depolitique intrieure et la fois par souci de maintenir des relationsquilibres avec les pays du Moyen-Orient. En dcembre 2008, alorsque le comportement dIsral tait de plus en plus critiqu, lUE aadopt un texte dcidant de rehausser les relations bilatrales

    avec Isral, qui participe plusieurs programmes europens,notamment dans le domaine de la recherche scientifique.

    . Mais pas au point de modifierradicalement la politique amricaine lgard dIsral, dont limagedans lopinion publique demeure trs favorable, malgr les inter-ventions au Liban et Gaza (2008) qui lont passablement dgrade.Pour les Amricains, les Israliens restent un peuple de pionniers, lupar Dieu, comme eux-mmes.

    Ainsi la probabilit dun tel scnario est-elle tout faithypothtique. supposer mme quun accord puisse tre concluentre Isral et lAP, il ne pourrait tre mis en uvre quen Cisjordanie,tout au moins tant que le Hamas restera matre de Gaza. Laperspective que celui-ci en perde le contrle, ou accepte de serconcilier avec le Fatah, est galement peu probable. Malgr lespressions, et les gnreux financements proposs par lArabieSaoudite, le foss du dsaccord mais galement les haines et lesrancurs interpalestiniennes entre les deux mouvements laissent

    mal augurer dun rapprochement quIsral comme les tats-Unisentendent viter.

    Scnario 3 : la proclamation unilatraledun tat palestinien

    Un troisime scnario serait la proclamation dun tat palestinien. Untel scnario se fonderait sur le fait que, grce aux rformes menespar le Premier ministre Salam Fayyad, des structures administratives

    et politiques ont t mises en place de facto. En outre, lAP disposede moyens financiers maintenant importants, aprs les engagementspris par la communaut internationale la Confrence de Paris dedcembre 2007 qui y a salu les mesures dassainissement de sescircuits financiers et lamlioration du systme fiscal et de son produit.Diffrentes modalits sont envisageables : dcision unilatrale delAP, vote de lAssemble gnrale des Nations unies, rsolution du

    18 J. Mearsheimer et S. Walt, Le Lobby pro-isralien et la politique trangreamricaine, Paris, La Dcouverte,2007.

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    Conseil de scurit, dclaration de lUE et des tats-Unis. Dans unetribune commune publie rcemment par Le Monde, BernardKouchner et son homologue espagnol Miguel A. Moratinos proposentdaller de lavant en accueillant un sommet pour la paix. son issue, lEurope reconnatrait collectivement ltat palestinien . YvesAubin de La Messuzire propose pour sa part une approchecomparable dans son esprit19

    Une autre variante, avance par Jean-Franois Legrain, seraitla proclamation par lAP dun tat palestinien, unilatrale maisconcerte avec Isral, qui lui permettrait de survivre ou plutt de sesuccder elle-mme, sans que cette nouvelle structure insti-tutionnelle dispose dune vritable souverainet. Cet unilatralismepalestinien manifest par le transfert de comptences de lAP un

    tat de Palestine permettrait Isral dobtenir enfin des Palestinienseux-mmes la lgitimation de son propre unilatralisme bien relcelui-l, mis en uvre depuis longtemps, mais aujourdhui contestde plus en plus ouvertement

    . supposer que nos partenaireseuropens acceptent cette proposition, une telle volution, au-del duchoc initial, crerait sans doute plus de problmes quelle nenrsoudrait.

    20

    Scnario 4 : un tat binational

    .

    Devant cette impasse, le scnario de ltat binational simposera-t-il ?Telle a t la position dabord de certains universitaires ou notables

    palestiniens, comme je lai voqu en introduction. Plus rcemment,S. Erekat a lanc un avertissement Isral. Cette perspective esttotalement rejete par Isral, tous partis confondus. Bien au contraire,la demande a t prsente aux Palestiniens, et dune faon plusgnrale la communaut internationale, de reconnatre le caractre juif dIsral, malgr la prsence dune communaut arabe de 1,5 millions de personnes, soit 20 % de la population, proportion quidevrait crotre lavenir. Les mmes raisons qui avaient conduit aurefus dune solution de ce type en 1947 sont toujours valables. Danslensemble de la Palestine, telle quelle existait du temps du mandatbritannique, peuple maintenant par plus de 11 millions dhabitants, sile poids dmographique respectif des Juifs et des Arabes est peu

    prs lquilibre, soit 5,5 millions pour chaque communaut, ledynamisme dmographique de la population arabe se maintient unniveau lev, malgr un certain flchissement. Le taux de natalit dela partie arabe de la population, bien que dclinant un peu, reste trs

    19 B. Kouchner et M. A. Moratinos, quand ltat palestinien ? , Le Monde, 23fvrier 2010 ; Y. Aubin de la Messuzire, Vers la proclamation unilatrale de ltatpalestinien ? , Le Monde, 21 fvrier 2010.20 J.-F. Legrain, Palestine : un tat ? Quel tat ?Paris, Ifri, E-Note de lIfri , janvier2010.

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    suprieur celui de la partie juive. En outre, les rservoirs possiblesdun nouvel afflux de population juive sont peu prs puiss, malgrles efforts raliss pour attirer de nouveaux immigrants. Bien aucontraire, on chiffre difficilement les mouvements de retour, celademeure un secret dtat, lequel enregistre une augmentation de lapopulation juive ayant une double nationalit et une doublersidence. Dans un tel tat binational, la majorit dmographiquearabe pourrait demander gouverner le pays, ou tout au moins treassocie troitement son gouvernement, hypothse inacceptablepour Isral.

    Ce scnario supposerait tout dabord que lAP se saborde ce qui est peu probable compte tenu des avantages matriels dontbnficie le personnel politique et administratif palestinien etquIsral soit officiellement charg de ladministration des Territoiresoccups, alors quaujourdhui loccupation est exclusivement militaire.Dj en effet, Tsahal entre quand elle veut et o elle veut en

    Cisjordanie, y compris dans la zone A, relevant, selon les accordsdOslo II, de lAP, ds quelle estime que la scurit du pays est en jeu. La situation serait aussi dlicate sur le plan juridique, comptetenu des normes dmocratiques et des obligations qui psent sur lesarmes doccupation selon les conventions de Genve.

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    Une solutionde la dernire chance ?

    Des voix slvent de part et dautre pour refuser la fatalit et tenterde promouvoir une solution de la dernire chance.

    Tel est le propos des 17 anciens ambassadeurs qui ont eu,par le pass, traiter des problmes du Moyen-Orient, notamment dela question du processus de paix. Ils viennent dadresser une lettre

    au prsident Nicolas Sarkozy, qui envisage de prendre une nouvelleinitiative21

    Linitiative arabe prsente par le roi dArabie Saoudite, alorsprince hritier, lors du sommet de la Ligue arabe de Beyrouth (2002),renouvele loccasion du sommet de Ryad (2007) et soutenue par

    de nombreux pays, reste une rfrence par son offre dereconnaissance de lensemble des pays arabes en change de lacration dun tat palestinien sur les frontires de 1967.

    . Cette lettre rappelle que lUE, loccasion du tout rcentsommet du 11 dcembre, a confirm les grands principes dunesolution (frontire concidant avec la Ligne verte, partage deJrusalem qui doit tre la capitale la fois dIsral et de la Palestine,solution du problme des rfugis), et propose que le Conseil descurit se saisisse du dossier, dgage une solution de compromis etadopte une rsolution contraignante.

    Tel est galement le propos de lancien ambassadeur dIsralen France, Elie Barnavi, qui dans un livre rcent lance un cridalarme : la suite dune analyse trs lucide, qui ne mnage ni lAP,ni les gouvernements israliens successifs, il prsente un plan ensept points, comprenant notamment la proclamation immdiate deltat palestinien, la mise en place dune Task Force internationale,civile et militaire, une division fonctionnelle de Jrusalem en deuxcapitales et des mesures visant donner Isral des garanties de

    scurit

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    Ces propositions essaient de provoquer une nouvelledynamique, en crant une prise de conscience et en avanant unemthode de travail plus efficace. Sur le fond, elles reprennent trslargement les solutions qui avaient pu sesquisser tant travers les paramtres de Bill Clinton, que le relev de conclusions de Taba,

    .

    21 Lettre reproduite par le site Internet du journal Le Monde, le 1er mars 2010.22 E. Barnavi, Aujourdhui ou peut tre jamais. Pour une paix amricaine au Proche-Orient, Paris, Andr Versailles, 2009.

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    ou laccord de Genve. Elles ne pourront dboucher sur un rglementde la question palestinienne que si les tats-Unis comme lEuropedcident dutiliser conjointement et avec fermet les moyens depression dont ils disposent.

    Toutes ces initiatives visent viter lirrparable, avec le soucide garantir la scurit dIsral et de prenniser sa prsence. Lasolution du statu quo, mme volutif, est la fois la plus facile et laplus dangereuse terme pour Isral. Lourde de menaces etdincertitudes, elle peut dboucher sur une situation chaotique dontseraient victimes non seulement Isral mais galement les paysvoisins, notamment la Jordanie et lgypte, dont les gouvernementsmodrs sont dj fragiliss et en porte--faux par rapport leuropinion publique. Ce scnario ne pourrait que renforcer le sentimentquIsral devient un pays dapartheid, cartant donc de tout droitcivique une partie importante de sa population. Ce reproche, quivenait jusqu prsent des opinions arabes, commence tre

    exprim par des personnalits aussi peu suspectes dantismitismeque le prsident Jimmy Carter23, quune dlgation de juifs sud-africains qui relvent une similitude troublante entre la politique quilsont combattue et celle mene par Isral24, ou que Henry Siegman, unde ceux qui ont le plus uvr en faveur du processus de paix25

    Charles Enderlin, lui-mme de nationalit isralienne, faitpartie de ces esprits lucides qui sinquitent de la drive quilsconstatent dans la politique dIsral. Dans sa prface au livredEmmanuel Faux

    .

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    Tout est dit. Le dbat est ainsi clairement pos.

    , lui-mme ancien correspondant dEurope 1 Jrusalem, il constate : Rabbins et gnraux sont augouvernement, matres de ce pays en ternel devenir la stratgie

    actuelle ne conduit-elle pas inexorablement la disparition de lasolution des deux tats et dici quelques gnrations, un tatbinational ? Ce serait lchec du sionisme tel que le rvait ThodoreHerzl. Isral parviendra-t-il surmonter le dmon de loccupationavant que mes enfants et petits-enfants aient subir nouveau unconflit meurtrier ? La question est existentielle .

    23 J. Carter, Palestine : la paix, pas lapartheid, Paris, LArchipel, 2007.24 D. Cohen, Apartheid et Isral, Arles, Actes Sud, 2008.25 H. Siegman, For Israel, Defiance Comes at the Cost of Legitimacy , FinancialTimes, 23 fvrier 2010.26 E. Faux, Le Nouvel Isral : un pays en qute de repres, Paris, Le Seuil, 2008.