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i .. ". ., 1 . ,. . I .. ._I : i, .: ., Responsable de l'ouvrage : Professeur Paul CLAVAL Professeur SINGARAVELOU Secrétariat de ridactiorz : ' fl Odile CI-IApUrS Colette FONTANEL .I. , .. , .. . . .., i ', f . I , I Composition et mise en page : Marie-Fr'mce TP\ESARRDEU Illitstration : Jacqueline CATHALAA Travaiu:photogrphiques : .Jean-Pierre VDAL ..- Sous la direction de PAUL CLAVAL SINGARAVELOU ,,. Ouvrage publié avec le concours du Laboratoire Espace et Culture N et du CEGET L'Harmattan 5-7, rue de 1'Ecole-Polytechnique 75005 Paris ># __ 3 1 3 c3 &- z 0-T j I- .. ! w 1 mx 1, o

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Responsable de l'ouvrage : Professeur Paul CLAVAL Professeur SINGARAVELOU

Secrétariat de ridactiorz : '

fl Odile CI-IApUrS Colette FONTANEL

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Composition et mise en page : Marie-Fr'mce TP\ESARRDEU

Illitstration : Jacqueline CATHALAA

Travaiu: photogrphiques : .Jean-Pierre VDAL

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Sous la direction de

PAUL CLAVAL SINGARAVELOU ,,.

Ouvrage publié avec le concours du Laboratoire Espace et Culture N

et du CEGET

L'Harmattan 5-7, rue de 1'Ecole-Polytechnique

75005 Paris

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TABLE DES MATIERES

ETHNOGEO GRAPHIES

I N T R O DUCTION Professeur SINGARAVELOU ................................. 5

CHAPITRE I : La structurat ion de I'espace et de Ia socleté:: ....................................................... 7

' Jean-Pierre DOUMENGE, Principes structurants de l'espace e t de la société, et évolution de

Denis RETAILLE, Ethrzogéographie : naturalisation des formes socio-spatiales ......... 17

.,

l'organisation en océan+ insulaire ................... 9

CHAPITRE II : Les représentations de I'espace et du temps ......................................... 3 9

Edmond BERNUS, Perception du temps et de . t ~ l'espace par les touaregs nomades saheliens ... .4 1

Chantal BLANC-PAMARD, Les lieux du corps :

des hautes terres malgaches ............................ 5 1

p r kli i s p a n i q u e. ............................................... :7 7 Jean GALLAIS, Perception et interprétation . amharique de la montagne. ........................... .9 3 Jérôme MARIE, Le voyageur et ia marmite ...... 1,2 1 Claude RIVIERE, Représentation de l'espace dans le pilerinage africain traditionnel ........ 137 Pierre VERIN, Vision traditionnelle malgache '

de l'espace . et du temps ................................ 149

p&" SG l'exemple des communautés rurales

a .

... :, y André FRANQUEVILLE, L'espace andin

CHAPITRE III : Ident i té et terr i Marcel BAZIN, Identité ethnique e t identité régionale e n Iran ............. Pierrette BIRRAUX-ZIEGLER, La terr des indiens Yanomami du nord du Brksi Alain GASCON, La mémoire et les lieux : les Mecca d'Ethiopie ...........................

/ Odile HOFFMANN, Les points d'ancrage d'un territoire à la dérive au Mexique ........ Jérôme MONNET, Mexcaltitan, territoire de l'identité mexicaine ..............

CHAPITRE IV : Pratiques, genres de vie, a r te f a c ts e t aménagemen t s . . .............

Murray CHAPMAN, Island autobio movement : alternative ways of know Michèle CROS, La production sacrificielle des territoires cynégétiques : les Lob J.M. POWELL, Images of the "yeoma in temperate and ì tropical australi Josette RIVALLAIN, La poterie en o c cid e n ta 1 e.. .............................

CHAPITRE V : Contacts et r e i n t e r p r é t a t i o n s ..............................

Jean-Pierre AUGUSTIN, Pratiques du corps e t pratiques sportives en Afrique noir Guy MAINET, Création urbaine e t ethnies en Afrique noire ............................ Christian PRIOUL, ''La pierre du diable" témoignage Gbaya-Kara sur le diaman centrafricain (1 967- 1970) ..................

CONCLUSION Paul CLAVAL ............................

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L’ESPACE ANDIN PREHISPANIQW

André FRANQUEVILLE Ingknìeur de Recherche

ORSTOM, 213, rue La Fayette

75480 PARIS Cédex 10

Mots clés : Andes, Altiplano, Lac Titicaca, Inca, Aymara, Quechua, espace prkhispa- nique, colonisation, tissus andins. Key words : The Andes, Altiplano, Titicaca Lake, Inca;Aymara, Quechua, pre-hispanic space, colonization, andine regions.

L‘Ctagement, B prCsent bien reconnu, de l’espace agricole andin prbhispanique en territoires-archipels distribuCs entre un maximum de niveaux Ccologiques et permettant donc un maximum de variCt6s dans les productions, n’est en rCalitC que l’un des aspects de l’organisation de ce milieu aux caractCristiques physiques si particulikres.

Les peuples prkolombiens, Aymara puis Quechua, se repdsen- taient Cgalement leur espace comme structurC selon des lignes directrices sans doute elles-mêmes hCritCes de cultures anthrieures, qui n’Ctaient pas sans rapport avec les donnees de la nature, et qu’on peut encore percevoir aujourd’hui malgr6 la dkulturation et les destructions rhultant de quatre sikles de colonisation.

Par le biais d‘approches complCmentaires combinant les apports des différentes sciences sociales, il est possible de reconstituer, au moins en partie, cette repdsentation multiple de l’espace andin -quadripartition de l’Empire Inca et opposition duale en même temps que complCmenta- nté entre “le Haut“ et “le Bas”- qui, dans une certaine mesure, continue de dgir la vie des communautbs autochtones et s’impose encore dans la façon de penser des contemporains comme le dvklent certaines coutumes et traditions toujours en vigueur.

Resumé :

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Abstract : The terracing, now well defined, of the agriculturalpre-hispanic Andean space in archipielago-territories distributed according to a “ M u m of ecological levels and thus allowing a maximum of varieties in the productions is, as a matter of fact, only one of the organizational aspects of this milieu endowed with those very particular physical ,, characteristics.

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The precolombian peoples, Aymara then Quechua, also imagined their space as being structured according to directing lines probably themselves inherited from former cultures, which were not alien to natural realities, and that one may still perceive despite the de-cultura- tion and destructions resulting from four centuries colonization.

Through complementary approaches combining the elements brought by the different social sciences, it is possible to reconstruct, at leastpartly, thismultiple representation of the Andean space - quadripar- tition of the Inca Empire, and dual and in the meantime complementary opposition between the “High“ and the ‘Zow” - which, in a certain way, still governs the indigenom communities’ life and still imposes upon the way of thinking of the present people as reveal some customs and traditions still in use.

Resumen : El escalonamiente, actualmente bien reconocido, del espacio agríco Ia andino prehispánico en territorios-archipiélagos distribuidos entre un &mo de niveles ecológicos y que permiten por lo tanto un máximo de variedad en Ias producciones, no es en realidad sino uno de los aspectos de Ia organización de ese medio con caracteristicas fisicas tan particulares.

Los pueblos precolombinos, Aymara luego Quechua, se repre- sentaban igualmente su espacio como estructurado según Iineas directri- ces sin duda heredadas de culturas anteriores, que se puede percibir a pesar de Ia desculturación.

Rodeando aproximaciones complementarias que combinan los aportes de diferentes ciencias sociales, es posible reconstituir, al menos en parte, esta representación múltiple de espacio andino -cuadripar- ticíon del Imperio Inca y opposición dual al mismo tiempo que comple- mentaridad entre “lo Alto” y “Io Bajo”- que, en cierta medida sigue rigiendo Ia vida de Ias comunidades autóctonas y se impone aún en Ia manera de pensar de los contemporáneos, como lo revelan ciertas costumbres y tradiciones aún en vigor.

Dans les civilisations sans bcnture telles celles qui s’&aient developp6es sur les hauts plateaux andins avant la conquete espagnole, la representation de l’espace comme la perception du monde ne pouvaient être l’objet d’aucune transcription graphique. A la difference des Azt2ques ou des Maya, les peuples

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andins n’ont laisse aucun temoignage direct susceptible de faire connaître leur pensee sur l’espace, leur façon de le maîtriser et de l’organiser. Une telle approche n’est donc possible aujourd’hui que de façon indirecte, soit B travers ce qu’en avaient compris les chroniqueurs de la colonisation, soit par ce qu’il en reste dans les traditions ou pratiques contemporaines’.

A l’analyse de ces diverses sources, il est possible de mettre en evidence la superposition de deux conceptions de l’espace qui, semble-t-il bien, ont regi le monde andin prehispanique et que les recherches actuelles tant historiques qu’anthropologiques mettent peu B peu en evidence. En effet, “entre le passé précolombien et le présent existe une certaine continuitt culturelle qui, si elle a,fait la part du feu h prks de cinq sitcles d’agression, n’ en n’est pas moins toujours perceptible “ (Pr atlong, G., 19 89).

I - L’ESPACE INCA : LE TAWANTZNSWU (fig. 1)

Le fameux Empire Inca, dont le symbole et la capitale furent la ville de Cuzco, Ctait conçu comme un ensemble constitue de quatre parties, d’oùle nom que lui donnaient ses habitants : Tawantinsuyu, en quechua : les quatre parties. Ces quatre parties constituaient le monde, et la traduction de Tawantinsuyu en aymara (Pisisuu) signifie univers. “Chacune avait rZ sa tête un apo, Ccrit A. Metraux (1961)’ un chef, généralement unepersonnalité de haut rang, frbre ou oncle de I’lnca”. Ces quatre regions de l’Empire avaient pour noms Chincha- suyu, Cuntìsuyu, Collasuyu et Antisuyu.

On peut legitimement se poser la question de la façon dont &aient d6limitCes dans l’espace ces quatre parties d’un Empire qui, au fil des conquê- tes, avait pris d’enonnes proportions ; dans son extension maximale, de la fronti&re nord de 1’Equateur actuel jusqu’a hauteur de Valdivia au Chili, il s’&irait sur 4 O00 km et couvrait plus de 600 O00 km’. Ces limites Ctaient-elles constituees par des obstacles naturels, cours d’eau, montagnes, forêts, ou bien correspondaient-elles 3 des Ctapes de la conquête, en fonction de leur incorpo- ration plus ou moins ancienne 21 l’Empire ?

Une reponse B la question est apportCe par l’une des precieuses illustra- tions laissees par GuamanPoma de Ayala. Indien de race pure, n6 vers 1545, se pretendant descendant du dixi&me Inca Tupac Yupanqui, Poma exprime par le dessin ce qu’il voit : l’exploitation de son pays et l’assujettissement de ses habitants par les Espagnols (“écrire, c’est pleurer”), mais tout cela dans un esprit autochtone, en fonction des categories mentales qui etaient encore celles

1. Je remercie Georges Pratlong qui a bien voulu revoir ce texte, ainsi que MarieFrance Franque- ville-Fauvarque qui a participé à la rédaction de la dernière partie.

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des Indiens de l'dpoque. Parmi ses quelque trois cents dessins qui nous sont , parvenus figure une Ctonnante "Mapa Mundi del Reino de las Indias" qui

devrait particulih-ement intdresser le gCographe (fig. 1). SituCe, comme il se doit, au centre exact de la "carte", la ville de Cuzco

se trouve, par le fait même, le centre du monde. Elle est le lieu de croisement de deux diagonales divisant le "Royaume des Indes", qui est en même temps le monde, en ses quatre parties, lesquelles sont nommees sur les c6tCs du rectangle : A gauche '%hinchaisuio", en haut "Antisuio", h droite "Collasuio" et en bas "Condesuio". Ainsi, A en croirePoma, les limites entre les quatre "vice- royautés'' ne sont autres que des lignes imaginaires qui coupent indifferem- ment les accidents topographiques, essentiellement des cours d'eau. Observons qu'A cette division quadripartite fondamentale se superpose un Ctomant quadrillage imitd des cartes espagnoles et qui n'a gukre d'utilitd pratique.

Cette disposition qui oppose deux h deux les quatre parties et qui les centre toutes sur Cuzco, permettait au representant provincial de l'Inca de garder contact avec la capitale sans devoir traverser le territoire d'un voisin. Il apparaît d'ailleurs que cette même division en quatre partageait Cgalement la ville de Cuzco ; les suyus de l'Empire ne sont donc, en rdalitC, que les prolongements hors-les-murs de cette organisation de la capitale, l'Inca, dcrit Wachtel (1971), se confondant ainsi avec Cuzco pour paraître le pivot et le centre de l'organisation spatiale. Pourtant, A l'dpoque où Poma rCalisait ses illustrations, la capitale du vice-royaume Ctait Lima et non Cuzco.

Dans chacun des quatre secteurs sont representes les gouverneurs et leur Cpouse, surmontCs d'un Ccusson, tandis que l'Inca s'en voit attribuer deux : celui du Pape et celui d'Espagne, ce qui peut être une façon, pour l'auteur, de montrer l'alidnation totale de ce qui fut l'Empire.

A considerer l'ensemble de la c6te du Pacifique, bien identifiable grfice aux noms portCs, la carte est orientee vers l'Est comme l'&aient les cartes azt2ques, bien que selon les inscriptions enlegende, le quartierAntisuyu se situe au nord ("vers la droite de la mer du n o r d - i.e. l'Atlantique), et le quartier Cuntisuyu au sud ("vers lamer du sud""- i.e. le Pacifique), le quartier Chincha- suyu l'ouest ( "puniente sol") et Collasuyu A l'est ("sale sol'^. Comment admettre que ce grand voyageur que fut Poma ait pu commettre une telle erreur ? Sans doute faut41 se rappeler ici que le culte du soleil Ctait l'un des piliers de la religion impdriale, l'Inca Ctant fils du Soleil ; ne voulant ou ne pouvant passer outre A cette croyance, l'auteur doit donc ddplacer les points cardinaux, nommant Nord ce qui est Est et rdussissant ainsi A combiner les impdratifs des deux cultures !

Les limites du "Royaume des Indes" sont donc, a l'ouest, la "Mer du S u d , et, A l'Est, un fleuve puissant, puis une forêt peuplCe d'animaux variCs et Ctranges à laquelle sucddent une cordillbe et "la Mer du Nord" ; tout cela

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I Cvoque, dans le dCsordre, la Cordill2re Orientale, l’Amazonie et sa forêt, et . l’Atlantique avec poissons et sirhes. Le contour de la cbte pacifique est fantaisiste, mais les villes du “Royaume“ sont assez correctement situCes, Poma les ayant sans doute visitees. On reconnaît, dans leurs suyus respectifs, Lima, la plus grande, Quito, Cajamarca, Arequipa, Chuquisaca (Sucre), Chu- quiyapu (La Paz), Potosi, Santiago, etc.

En r6sum6, la carte represente donc deux mondes. L’un, le Tawantinsuyu, est soumis, ordonnk et police, comprenant 8 la fois la terre ferme, traversCe d’un bout B l’autre par un ou plusieurs chemins, et la “Mer du Sud“ egalement parcourue par des navires et peuplCe de poissons dont les noms sont COMUS. L’autre, s6pa1-6 du premier par un fleuve mythique, est un monde etrange et inconnu oil l’on passe de la forêt 8 la montagne, de la montagne 8 la mer, et de la mer au ciel de la carte. Deux mondes sans communication, &rangers l’un 2 l’autre. Mais deux autres mondes apparaissent encore sur le carte de Poma, ceux-18 totalement imbriques ou plutbt superposCs B la façon des divisions geometriques gCnCrCes par le carroyage et les deux diagonales : le monde incaïque, celui d’avant la conquête avec son centre Cuzco et ses gouverneurs (apo) dont les noms rCv5lent qu’ils ne sont pas les contemporains de Poma, et lemonde hispanique avec ses villes, ses mines d’argent, son administration (les audiences), ses ports et ses navires.

II - L’ESPACE AYMARA

Dans cette analyse de la carte, on peut tenter d’aller plus avant. A mesure que progressent les recherches des anthropologues et historiens, il apparaît de plus en plus nettement que le fameux Empire Inca n’a fait que soumettre 8 son profit des techniques, des formes sociales et même des conceptions religieuses qui lui Ctaient bien antdrieures et qu’avaient d6veloppCes les peuples auxquels il imposait progressivement sa domination ; il a simplement integr6 les klements prk-existants dans une nouvelle structure (Wachtel, 1971). Or, parmi ces 611Cments prC-existants devaient se trouver une ou plusieurs façons de concevoir le milieu de vie, l’espace politico-socio-Cconomique.

La carte de Poma presente deux lacunes surprenantes. La premi2re est de taille : l’absence du Lac Titicaca, Clement pourtant majeur tant dans la topographie andine que dans la mythologie incaïque puisque, selon la ltgende, c’est d’une île de ce lac que serait issue la dynastie imperiale. La seconde est l’aspect extrêmement schematique du rdseau des chemins, quand on sait l’importance qu’il revêtait pour le fonctionnement de l’Empire, Poma en ayant certainement parcouru bon nombre. Manifestement, ce n’est pas 18 ce qu’a voulu reprksenter l’artiste.

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A

B

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V

Fig. 2 - Le symbolisme de l’espace (d’après Th. Bouysse Cassagne, 1987)

A - Le double dualisme aymara.- B - La quadtipartition inca

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70‘ I

70’ i

Pig. 3 - Carte de la zone andine

En realite, il semble bien que l’objet de cette illustration ait et6 de montrer que, sous le quadrillage de la colonisation espagnole, subsistait non seulement la structure Ctablie parla dynastie des Inca mais aussi le pouvoir des vCritables mnhres des lieux, d’où cette figuration des apo. Pourtant, en insistant sur la pcrsistance de l’organisation incaïque de l’espace, Poma en laisse percer une autre, peut-être h son insu. Pour erronee qu’elle soit, l’orientation des deux axes qui decoupent la carte n’est pas due au hasard : la quadripartition s’op2re selon les directions NO-SE et NE-SO qui sont en quelque sorte les lignes de force symboliques traduisant la conquête et la domination incaïques sur les peuples soumis. Or, il apparaît que cette partition symbolique de l’espace en quatre s’est, en fait, substituee et imposke A une autre, celle des Aymara, en la dtplaçant et la transformant, ce que Poma reussit A occulter quasi parfaitement

Avant 1’Ctablissement de l’ordre incaïque, l’espace a p a r a Ctait, en effet, ordonne selon un axe unique NO-SE, c’est-&dire, en r6alit6, selon un axe “aquatique“ peut-être repris des peuples que les Aymara eux-mêmes avaient conquis, axe constitue par le lac Titicaca (Taypi) qui presente effectivement cette orientation, le Rio Azangaro au nord-ouest, le Desaguadero et le lac Poop0 au sud-est (fig. 3). Cet axe central, encadre au nord-est par la Cordill5re Orientale ou Royale et au sud-ouest par la Cordillhe Occidentale, a donc bien CtC repris par la symbolique incaïque comme par l’illustration de Poma. Mais la modification de taille qui est introduite consiste h substituer l’espace central qui nouait cet ensemble en son milieu, le Lac Titicaca et le centre urbano- religieux de Tiwanacu, parun autre espace central qui est, cette fois, la ville de Cuzco. Gomme de la symbolique, le lac Titicaca est en même temps gomme de la cartographie, le centre du monde est desormais Cuzco.

Les recherches historiques montrent que la perception qu’avaient de leur espace les Aymara etait, en realite, beaucoup plus proche des caracteristiques topographiques andines que celle representee par Poma. Le fait s’explique sans doute A la fois par le site plus meridional de leur habitat oÙ les divisions du relief andin sont extrêmement nettes, et par l’histoire deleur migration, probablement venue du sud-ouest, qui a pu faire prendre conscience de ces divisions.

De part et d’autre de l’axe aquatique, les Aymara placent deux grandes zones : au nord-est Uma ou encore Umasuyu, “le Bas”, qui signifie aussi l’eau, au sud-ouest Urcu ou encore Urcusuyu, ”le Haut”. L’une et l’autre zones sont IimitCes par chacune des Cordillères, mais au-dela de ces cordillkres, l’espace est encore COMU et nomme : ce sontles vallees ; vers l’ouest et la c6te pacifique, les vallees Alaa, celles du Haut, vers l’est et la forêt amazonienne les vaUCes Manca, celles du Bas. Ces denominations paraissent cependant assez singuli& res. Si l’on comprend bien que le versant amazonien de la Cordillhe Royale soit appel6 “Bas” (Manca Yungas), comment admettre que l’une des rives du Lac

(fig. 2).

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Titicaca soit basse et l'autre haute alors que leur topographie est identique, et plus encore, comment admettre que le versant chilien de la Cordillhre Occiden- tale soit encore "Haut" (Alaa Yungas) quand il confine 2 l'Oc6an ?

On peut avancer l'hypothkse que cette partition de l'espace est autant, sinon plus, symbolique et ddrivde de l'histoire de la conquête aymara, que topographique. L'Ctude linguistique montre, en effet, que le terme a y " "urco" ou "urcu" est associe B l'idee de virilite, domination, violence, sauva- gerie, agression, guerre, tout ce qui est superieur. Or ce c6t6 "haut" s'applique precisement au c6t6 par lequel sont arrives les guerriers aymara, et a la rive du Lac Titicaca OB ils s'installh-ent en premier lieu avant de soumettre les peuples Ctablis plus West. Ils furent d'ailleurs, parla suite, apr& leurpropre soumission B l'Inca, les meilleurs guerriers au service des conquêtes imperiales. A l'in- verse, le mot "Uma" designe l'eau, la fertilitt?, le bas, est associe au feminin, 3 ce qui est domine, voire mepris6 ; il s'applique donc aux peuples et regions conquis. I1 convient d'ajouter que les Incas avaient repris leur compte cette "regionalisation" aymara fondee sur le Haut et le Bas, mais en la transposant, le Haut Ctant la zone situde au-dela de Cuzco vers le nord-est, et le Bas la zone au sud-ouest de la capitale ; l'illustration de Poma ne porte aucune trace de cette hierarchisation, autre lacune.

Depuis les etudes de John Murra, le mod&le de '%ontrûle vertical d'un maximum de paliers kcologiques" dans l'economie des sociCtCs andines est bien connu et a et6 repere en de nombreux lieux. Dans ce modkle, l'espace de la communaute n'est pas un territoire continu mais une serie "d'îles" CtagCes, d'où son appellation de territoire-archipel vertical. Or le caracthe pre-incaïque de ce contr6le vertical est atteste par son integration au modkle aymara de division symktrique de l'espace. Des documents historiques montrent en effet que les peuples implantes du cGtC "Usamuyu" envoyaient leurs "mitimaes" ou colons agricoles vers les "manca yungas" orientales où ils cultivaient la coca, tandis que les peuples habitant le c6t6 "Urcu" envoyaient les leurs vers la c6te pacifique. Ainsi l'axe aquatique determinait-il la scission du monde en deux moitiQ selon une division, semble-t-il, autant dconomique que symbolique.

DI - L'ESPACE CULTUREL INDIEN

De ces conceptions qu'eurent de leur espace les civilisations aymara puis quechua, que reste-t-il aujourd'hui ? Dans quelle mesure la conquête et l'invasion espagnoles, puis l'ordre rkpublicain ont-ils reussi h ddtruire, parmi d'autres, les structures qui permettaient a ces peuples de se reperer dans leurs univers ? Il est possible, B travers deux exemples, de percevoir qu'en depit de

' auatre si&cles de dCculturation et de destructions, subsiste encore, au moins ! .

1

dans les esprits, de telles structures. Une premikre survivance, la plus immediate, de ce passe, est celle qui

demeure dans le vocabulaire. De la quadripartition du Tawantinsuyu provient le terme "Colla" (du Collasuyu), lequel designe encore les habitants de 1' Altiplano bolivien, gkneralement par opposition au "Camba" de l'orient ama- zonien. En realite l'administration incaïque n'avait fait que reprendre 19 un mot qui s'appliquait, semble-t-il bien, B l'une des ethnies conquise par l'invasion aymara et devenue seigneurie aymara, dont le domaine se situait au nord-est et au nord-ouest du Lac Titicaca, 9 la fois sur les rives Uma et Urcu. Les cartes cspagnoles appliquaient ce terme Collasuyu, souvent transforme en "Collao",

toute la region altiplanique situCe au sud du Cuzco, qui sera par la suite le Haut PCrou puis la Bolivie.

Il est bien 6tabli Cgalement, par les travaux de divers anthropologues (Harris, O., 1987 ; Pratlong, G., 1989) comme par le temoipage de tous ceux qui connaissent la realite paysanne andine, que la division bipartite ou même quadripartite de l'espace est encore une realite quotidienne, non seulement 9 1'Cchelle de la region andine tout entikre, mais encore B l'tchelle de l'ethnie (uyllumajeur) oude la communaute (uyllu mineur), de telle mani6re que chaque ensemble est redivid 9 son tour en Haut et en Bas. Le fondement historique de cette division, en r6alite plus complexe qu'on n'en peut rendre compte ici, est dondparl'6tudefortdetaillee deT. Platt (dansBouYsse-Cassape et al., 1987). L'auteur voit dans ce mode d'organisation d'un espace interpknetre, une manikre pour les communautes de freiner les prktentions exagerees de la partie complementaire.

Dans le même ordre d'idCes, les recherches menkes voici une vingtaine d'annees par l'anthropologue L. Girault montrkrent que cette même quadnpar- tition de l'espace est perceptible dans la subdivision des places des villages aymara et quechua. Celles-ci sont divisees, comme devait l'être la ville mCme de Cuzco, en quatre quartiers dont la valeur symbolique est differente. Dans les villages quechua, les deux quartiers du Haut (Aran Saya en quechua) reserves lors des danses aux ayllus supdrieurs, sont au Nord, et les deux du Bas (Urin Saya) sont au Sud ; dans les villages aymara, les deux c6tks prioritaires de la place sont ceux de l'Est. Et l'auteur se demande si, dans cette structuration spatiale, les Aymara ne privilegiaient pas la dichotomie Est-Ouest comme fondamentale, tandis que, pour les Quechua, il s'agirait de la dichotomie Nord- Sud, hypothbe que les etudes recentes semblent bien confirmer.

La coutume des combats rituels appeles Tinku est une autre survivance du pass6 prkhispanique dans les Andes ; on la retrouve au Pbou et en Bolivie, dans les provinces les plus isolees, celles qui ont le plus resist6 B l'administra- tion et il 1'6glise espagnoles. I1 s'agit d'une lutte farouche oil les morts ne sont

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pas rares, Me aux fêtes du cycle agricole, le sang verse garantissant les faveurs

d’en-haut et les gens d’en-bas de chaque communaute ou encore ceux de 1’Altiplano et ceux des Vallees.

Outre cet aspect guerrier, la linguistique permet de definir le terme aymara Tinku, comme designant le lieu de rencontre oÙ se dunissent deux elements provenant de deux directions differentes. Autant que d’affrontement, il s’agit d’egalisation des forces, d’ajustement mutuel, voire de mariage, qui aboutit &une identite entre les deux moitiCs Bl’occasion d’un combat livre sous l’egide de la Pachamama. Dualisme et complementarite entre le Haut et le Bas se trouvent ainsi scellCs 8 nouveau, ratifies par les forces surnaturelles.

Un autre domaine, celui-18 plus inattendu, où l’on peut faire l’hypothi4se que se rkvhlent encore les structures spatiales hCritCes du monde prehispanique, est celui de l’art textile traditionnel. On sait qu’avec la musique, les tissus andins sont l’une des plus remarquables richesses culturelles de Bolivie et que la tradition de ces tissages survit en grande partie, malgr6 la persecution dont ils furent l’objet sous la colonie espagnole. Or 1’Ctude attentive de ces tissus, vêtements, sacs, carres de toile 8 usage rituel, permet de trouver nombre de concordances entre leurs agencement et decoration et l’espace geographique aymara.

De même que la geographic d’une region est reconnue et comprise h l’aide d’une conceptualisation, chaque partie d’un vCtement ou p i k e de tissu andin est Cgalement nommee. Ainsi, dans un tissu, les zones de couleur unie, sans decoration, sont-elles toujours considerees comme ’pampa“ et les parties plus travaillees, toujours disposCes en bandes paralli4les et comportant des dessins varies, motifs gComCtriques ou animaux plus ou moins stylis6s et 8 forte valeur symbolique se nomment ‘@allai”, la racine de ce mot qui signifie “choisir”, 6voquant le travail de la tisserande qui doit saisir alternativement les differents fils de couleurpourcreerla figure (Gisbert,T., 1987). Lapampa, dans la r6alitC comme dans le tissu, suggkre la partie de 1’Altiplano peu habitee, tel un monde indefini, presque sauvage, tandis que lepallai generalement situe au centre evoque un monde humanise. Parfois, certaines tisserandes donnent 8 ce dernier ce même nom de Taypi, du nom de l’axe central de l’espace aymara. GCnCralement, les bords du tissu, en particulier, dans le cas de l’aguayo (pièce rectangulaire qui sert B porter le bebe ou n’importe quelle autre charge sur le dos), sont Cgalement tisses de bandes parall51es de diverses couleurs (fig. 4) ; il en est de même pour les petits sacs appelCs “ch’uspa”.

Comment ne pas penser, devant une telle disposition, 8 l’agencement g6nCral du paysage habitd par les Aymara : celui d’une large pampa mono- chrome parce que monotone, traversde dans sa longueur par un axe aquatique charge de significations multiples, quelle que soit la dispersion reelle des

a * - de la Pachamama. Or, cet affrontement oppose en fait deux “moitiCs” : les gens

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Fig. 4 - Tissus andins traditionnels Source : Adelson, Tracht, 1983

Aguayo.-RCgion de Sica-Sica, Département de La paz, Ch$ine : 116,5 cm - Trame : 112 cm Ch’uspa. Département d‘Oruro, Chaîne : 24 cm - Trame : 28 cm

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1 communautes sur cette pampa, axe represente dans la plupart des tissus par un pallai plus ou moins large. Ce qui importerait dans ce cas (celui de l’aguayo notamment) serait l’existence d’un axe de symetrie primordial. De chaque c6td de celui-ci, parfois aux seules extrdmites, se rbpetent d’autres bandes suggermt d’autres parallhles, comme s’il pouvait s’agir des cordilleres, ou de l’ensemble simplifiB des vallees B l’est et B l’ouest, ou simplement des limites de l’univers connu.

A cet egard les tissus peuvent donc être consideres comme un langage sur la maîtrise de l’espace, une expression de la façon dont celui-ci est perçu. De même peut-on encore interpreter l’opposition particulierement marquee entre deux traditions textiles boliviennes du departement de Chuquisaca (Sucre), celle des tissus de Tarabuco dont les dessins d’animaux et d’hommes, minia- turisCs 2 l’extrême, sont savamment disposes de façon rigoureusement sym6- trique, et celle des tissus du groupe ethnique Jall’qa representant des êtres sauvages (appeles khurus en quechua), animaux Bnormes, etranges et parfois imaginaires disposes dans tous les sens, entre lesquels l’homme apparaît rarement et toujours comme perdu dans un monde fantastique. Et n’est-ce pas ce même monde inconnu et fantastique qu’dvoquela “carte” de Poma, quelque part vers la “Mer du Nord”, au-del8 des limites de l’Empire Inca ?

Dans certaines pikes, les figures representees evoquent symbolique- ment le bipartisme de l’espace andin. Les oiseaux, le condor, en particulier, representent le Haut et les quadrufides le Bas. Tel tissu d’origine Jall’qa est divise en deux de cette maniere et la tisserande a inclus, dans chacune des parties, des animaux de la partie opposee, tout comme une même communaute, du Haut par exemple, se prolonge par des “îles” dans la partie du Bas.

On ne saurait cependant abuser de cette explication ni interpreter dans tous les cas ces tissus en termes de representation spatiale directe. V. Cereceda (1978) en enquêtant aupres des tisserandes du village d’Isluga, a montre que celles-ci liaient la symetrie de leur tissage essentiellement B celle du corps humain ou animal et que seuls les hommes de la même communaute voyaient dans l’agencement des talegas, ces petits sacs de forme quasi carde 6tudiCs par l’auteur, une representation de l’organisation spatiale du village. ’IC‘ est arajj saya“ (moitied’enhaut), “c’estmanqhasaya” (moitic d’en bas), disent-ils pour chaque c6t6 du sac ; et ils precisent, montrant le centre (chhima) : “C‘est Id que nous nous rkunissons tous, c’est le village d’lsluga”. Et l’auteur de se demander : ”Qui a raison ? Le tissu constitue le langage spkccifique desfemmes, de sorte que les sacs sontpar essence un corps et un coeur. Mais il n’estpas impossible qu’elles se rqdrent aussi d des structures homologues du territoire ou de I‘organisation sociale...”.

D’autre part, il existe un vêtement traditionnel, Cgalement rectangulaire, appel6 acsu ou urku, qui ne comporte pas cet axe median. Cette piece est constituee d’unepampa fort large, encadree de chaque cGtC de bandes paralleles

gCnCralement d’inegale importance. Ce qui est sGr, c’est que l’art des tisseran- des des communautes andines est non seulement d’une qualite esthetique exceptionnelle mais encore profondement nouni de leur univem spatial et symbolique, et cela de diverses mani5res.

CONCLUSION

Les vestiges aui ont pu subsister aux ravages de la conquête et de l’occupation espagnoles, et dont historiens et anthropologues tentent de percer la signification, permettent donc de retablir, de façon encore hypothetique et probablement fort partielle, ce qu’ont pu être la conception et l’organisation de l’espace dans les civilisations andines prehisp&ques. Tentant de mettre en rapport cette apprehension de l’espace par les Aymara puis par les Quechua telle qu’il est possible de la reconnaître, avec l’espace geographique reel, les recherches montrent comment ce demier a et6 interprete, symbolise, charge de sens par les societes qui, l’une apri% l’autre, l’ont occup6 et organise.

Pourtant, les bases de cette symbolisation et representation sociale demeurent bien, sì l’on observe de près les choses, les caractCristiques même offertes par l’espace physique si particulier du monde andin : un axe aquatique Nord-Ouest - Sud-Est divisant de façon symetrique un Altiplano encadre de deux Cordillères parall5les auxquelles font suite, de part et d’autre, les zones basses de l’Amazonie et de la C6te du Pacifique. A cette donnee majeure du relief, l’homme aymara et peut-être prk-aymara, puis quechua, ont ajoute une dimension Est-Ouest permettant de tirer, de façon remarquable, un parti Cconomique des diffkrents niveaux d’altitude dont leur domaine se trouvait ainsi pourvu, de sorte que la distinction, voire l’opposition et en même temps la complementarite entre le Haut et le Bas en sont anivees B constituer l’un des traits majeurs de la conception du monde et des relations sociales andines.

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PERCEPTION ET INTERPRETATION AMHARIQUE DE LA MONTAGNE

Jean GALLAIS Professeur,

Université Paris IV 191, rue St-Jacques,

75005 PARIS

Mots clCs : Ethiopie, montagne, LEDRA, perception de l'espace. Keys words : Ethiopia, mountain, LEDRA, space perception.

RCsumC : On ne peut demeurer dans des analyses objective et intemporelle des relations entre le groupe ethno-culturel amharique et la montagne éthiopienne. Le projet historique et millénaire du peuple amharique et de 1'Etat éthiopien repose sur le choix d'un Ctage montagnard comme base centrale d'une vaste organisation dgionale. C'est "l'étage politique" qui ne prCsente pas une supCriorit6 objective sur les autres, mais qui, dans l'univers mental, est structuré par divers réseaux, identifié dans le quotidien de la vie courante, "sacralisé" par l'omniprdsence et la densitk d'un religieux propre.

Le "dévoilement" récent des risques et contradictions du choix aboutit-il Buneremiseenquestion fondamentaledela perception gbgra- phique que prônent des protagonistes d'un autre systbme culturel ?

It is impossible to keep on doing objective and untemporal analyses of the relations between the ethno-cultural ahmaric group and the Ethiopian mountains. The historical thousand years project of the Ahmaric people and of the Ethiopian State relies on the choice of a mountain terrace as the central basis for a large regional organization. It is the "political level" which does not represent an objective superiority on the others but which, in the mental universe, is structured by different

Abstract :