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www.cnrs.fr/70ans N° 237 OCTOBRE 2009 ENQUÊTE Les promesses tenues des nanos

Les promesses

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Page 1: Les promesses

www.cnrs.fr/70ans

N° 237 OCTOBRE 2009

ENquĂȘTE

Les promesses tenues des nanos

Page 2: Les promesses

sommaireLe journal du CNRS

1 place Aristide-Briand92195 Meudon Cedex TĂ©lĂ©phone : 01 45 07 53 75TĂ©lĂ©copie : 01 45 07 56 68MĂ©l. : [email protected] journal en ligne :www2.cnrs.fr/presse/journal/CNRS (siĂšge)3 rue Michel-Ange75794 Paris Cedex 16

Directeurde la publication :Arnold MigusDirectricede la rédaction :Marie-HélÚne BeauvaisDirecteur adjoint de la rédaction :Fabrice Impériali

RĂ©dacteur en chef adjoint :Matthieu RavaudChefs de rubrique :Fabrice DemarthonCharline Zeitoun

Rédactrice :Anne LoutrelAssistante de la rédaction et fabrication :Laurence WinterOnt participé à ce numéro :Stéphanie ArcKheira BettayebCéline BévierreJean-Philippe BralyNadia DakiCaroline DangleantSebastiån Escalón Matthieu HautemulleCamille LamotteSéverine Lemaire-DuparcqVahé Ter MinassianPhilippe Testard-VaillantFrançoise Tristani

SecrĂ©taires de rĂ©daction :Olivia DejeanAnne-Solweig GremilletConception graphique :CĂ©line HeinIconographe :Marie GandoisCouverture :Andy Smith pour le journal duCNRS ; F. SemondPhotogravure :Scoop CommunicationImpression :Imprimerie Didier Mary6 route de la FertĂ©-sous-Jouarre77440 Mary-sur-MarneISSN 0994-7647AIP 0001309DĂ©pĂŽt lĂ©gal : Ă  parutionPhotos CNRS disponibles Ă  :[email protected]://phototheque.cnrs.fr/

La reproduction intĂ©grale ou partielledes textes et des illustrations doit faire obligatoirement l’objet d’unedemande auprĂšs de la rĂ©daction.

SOMMAIRE 3

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

VIE DES LABOS P. 6.> REPORTAGETrente bougies sur un plateau> ACTUALITÉS P. 8Les derniers rĂ©sultats de la recherche > MISSION P. 12Des alpinistes Ă  l’assaut d’une terre inconnue

INNOVATION P. 14 HydrogĂšne : une Ă©nergiedurable pour l’avenirEntretien avec Dominique Bernal

PAROLE D’EXPERT P. 16 La dĂ©pression en mal de thĂ©rapiesEntretien avec Xavier Briffault

JEUNES CHERCHEURS P. 17Croque l’élevage Ă  pleines dentsPortrait de Marie Balasse

L’ENQUÊTE P. 18.

Les promessestenuesDES NANOSZOOM P. 28.

Lumiùre sur l’autochrome

RENCONTRE AVEC P. 31.Comme un romanPortrait d’Antoine Billot

IN SITU P. 32Il y a 70 ans naissait le CNRSEntretien avec AndrĂ© Kaspi,directeur du ComitĂ© pour l’histoiredu CNRS

HORIZON P. 36> ILS ONT CHOISI LA FRANCE ET LE CNRSLe chimiste qui venait du froidPortrait de Vladimir Solozhenko> GROUPEMENT DE RECHERCHEEUROPÉENLes mĂ©canos du numĂ©rique

GUIDE P. 38Le point sur les livres, les expos
IN SITU > Il y a 70 ans naissait le CNRS, p. 32

VIE DES LABOS > Trente bougies sur un plateau, p. 6

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ZOOM >Lumiùre sur l’autochrome, p. 28

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ÉCLATS4

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

Le satellite Planck, lancĂ©en mai, a livrĂ© un premierrelevĂ© du ciel, une Ă©troitebande qui s’étire tel unruban sur toute la voĂ»tecĂ©leste, avec une qualitĂ©excellente des donnĂ©es.Cette mission europĂ©ennedoit mesurer lerayonnement cosmiquefossile, la plus anciennelumiĂšre Ă©mise dansl’Univers tel qu’il Ă©tait380000ans aprĂšs le

Big Bang. Le satellite vafournir une cartographiecomplĂšte du ciel avec uneprĂ©cision sans prĂ©cĂ©dentdes hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©s detempĂ©rature et depolarisation durayonnement cosmiquefossile, grĂące Ă l’instrument français HighFrequency Instrument. Leslaboratoires du CNRS, Ă l’Insu comme Ă  l’IN2P3,ont jouĂ© un rĂŽle crucial

dans sa conception, sondĂ©veloppement et sa miseen place. Les relevĂ©scomplets de Planck sontattendus Ă  l’horizon 2012.> www2.cnrs.fr/presse/communique/1674.htm

TrĂšs attendue, la mission scientifique Tara alevĂ© l’ancre le 5 septembre Ă  Lorient. CetteexpĂ©dition de trois ans en bateau, sur tousles ocĂ©ans du monde, et dans laquelle leCNRS est trĂšs impliquĂ© – tant dans l’apporten matĂ©riel que dans la mise Ă  dispositionde scientifiques –, a pour objectif premierd’explorer le monde des micro-organismesqui composent le plancton. La biodiversitĂ©de cet Ă©cosystĂšme est en effet aussi variĂ©eque largement mĂ©connue. Les Ă©chantillonsseront envoyĂ©s lors des escales auxnombreux laboratoires partenaires. À la clĂ©sans doute, la dĂ©couverte de nombreusesnouvelles espĂšces. Des instrumentspermettront aussi de collectertempĂ©rature, salinitĂ©, pH et densitĂ© de labiomasse dans l’eau de mer, flux decarbone de la surface vers le fond desocĂ©ans. Car l’autre objectif de Tara est demieux comprendre les interactions entreocĂ©ans et climat. La vie marine,aujourd’hui menacĂ©e par le rĂ©chauffementclimatique et la pollution, va-t-elle survivreĂ  ces bouleversements? Ou bien allons-

nous vers une transformation de la vieocĂ©anique? GrĂące Ă  une Ă©tude globale de l’environnement marin, la premiĂšrerĂ©alisĂ©e avec les technologiesd’aujourd’hui, Tara devrait apporter de prĂ©cieuses rĂ©ponses.> En ligne

http://oceans.taraexpeditions.orgwww.cnrs.fr/cnrs-images/tara-oceans/

> À lire« Un tour du monde pour la vie marine »,Le journal du CNRS, n° 234-235, p. 24.

Ô L’ÉVÈNEMENT

Tara a levĂ© l’ancre !


 et pour les systĂšmes d’information du CNRSLe 1er septembre dernier, Jean-Marc Voltini a Ă©tĂ© nommĂ© Ă  la tĂȘte de la Direction des systĂšmes d’information (DSI) du CNRS oĂč il succĂšde Ă  François Étienne.PrĂ©cĂ©demment associĂ© Ă  GIC Consulting, cet ancien directeur des systĂšmesd’information chez Eiffage aura pour missionde dĂ©finir et mettre en Ɠuvre les systĂšmesd’information destinĂ©s au pilotage et Ă  la gestion des diffĂ©rentes activitĂ©s de l’établissement. Les grandes orientationsdu chantier systĂšme d’information du CNRSpour 2009-2013 ont Ă©tĂ© approuvĂ©es en octobre 2008 en conseil d’administration.Elles concernent Ă  la fois les ressourceshumaines, la gestion des laboratoires, les relations partenariales avec d’autresorganismes de recherche, les aspects de finances, de comptabilitĂ© et de gestion. La DSI du CNRS compte 120 agents rĂ©partissur deux sites, Ă  Meudon et Ă  Toulouse.

Michel Habib encharge des sciencesinformatiquesMichel Habib a Ă©tĂ© nommĂ© chargĂ©de mission auprĂšs d’Arnold Migus,directeur gĂ©nĂ©ral du CNRS, pour la mise en place du futurInstitut des sciences informatiqueset de leurs interactions (INS2I), le dixiĂšme Institut du CNRS. Eneffet, l’actuel Institut des sciences et technologies de l’information et de l’ingĂ©nierie (INST2I) donneranaissance sous peu Ă  l’Institut des sciences de l’ingĂ©nierie et des systĂšmes (Insis) et Ă  l’INS2I.La principale mission de MichelHabib est d’en dĂ©finir les contours.Un appel Ă  candidature pour la direction de l’INS2I est lancĂ© en parallĂšle. DiplĂŽmĂ© de l’ENS deCachan et docteur en informatique,ce spĂ©cialiste d’algorithmiquecombinatoire a Ă©tĂ© directeur

du dĂ©partementinformatique del’Ecole des Mines,puis directeur de Sup TĂ©lĂ©comBretagne. En 2000, ilavait pris la directiondu Laboratoired’informatique de

robotique et de microĂ©lectroniquede Montpellier (CNRS / UniversitĂ©Montpellier-II) avant de prendre en2005 celle du Laboratoired’informatique algorithmique :fondement et applications (CNRS /UniversitĂ© Paris-VII).

Un nouveau directeur pour la recherche et l’innovation
Ronan Stephan est le nouveau directeur gĂ©nĂ©ral pour la recherche et l’innovation (DGRI) au ministĂšre de l’Enseignement supĂ©rieur et de la Recherche. RonanStephan avait dirigĂ© la DĂ©lĂ©gation aux entreprises du CNRS et Fist, sa filiale de valorisation, de 2003 Ă  2005. Il succĂšde Ă  Gilles Bloch.

Ô LE SUCCÈS SCIENTIFIQUE

Planck : un premier relevé trÚs prometteur

Dans ce premier relevé dePlanck, le « ruban » en faussescouleurs, la température croßt du bleu au rouge. Il a étésuperposé à une vue optique de la voûte céleste.

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Tara, à Lorient, lors de son départ.

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Ce mois d’octobre 2009 le CNRS forge son avenir et celuid’une grande partie de la recherche française avec son nou-veau dĂ©cret organique qui formalise les orientations dĂ©fi-nies dans son plan stratĂ©gique « Horizon 2020 », et avecla signature de son contrat d’objectifs 2009-2013 avec l’État.

Cet avenir, pour se construire, doit s’appuyer sur les racines et les valeursdu CNRS. Ce 19 octobre, il y aura prĂ©cisĂ©ment 70 ans, l’État crĂ©ait, pardĂ©cret, le Centre national de la recherche scientifique, « organisme publicdotĂ© de la personnalitĂ© civile et de l’autonomie financiĂšre ». Ce dĂ©cret, cou-ronnait une dĂ©cennie d’efforts, inspirĂ©s et dĂ©terminĂ©s, du Prix Nobelde physique Jean Perrin, pĂšre fondateur de l’organisme. Le CNRSsuccĂ©dait au CNRSA, Centre national de la recherche scientifiqueappliquĂ©e, crĂ©Ă© un an auparavant par la loi du 11 juillet 1938 sur l’or-ganisation de la nation en temps de guerre; celle-ci stipulait que le minis-tĂšre de l’Éducation nationale devait prĂ©parer la mobilisation scienti-fique. Notre organisme se voyait ainsi dĂ©signĂ© comme le garant d’uneambition nationale pour la science. Dans le mĂȘme temps, il se trou-vait engagĂ© dans un Ă©lan collectif en faveur de la dĂ©fense de la libertĂ©,une valeur que Jean Perrin plaçait au faĂźte des idĂ©aux de la commu-nautĂ© scientifique : « Il n’est pas de science possible oĂč la pensĂ©e n’est paslibre », venait-il de dĂ©clarer en annonçant la naissance du CNRS.Cette ambition et cet Ă©lan n’ont, depuis 70 ans, jamais cessĂ©. PassĂ© ladouloureuse Ă©preuve de la guerre, la recherche scientifique s’est enga-gĂ©e sur un nouveau front, celui de la connaissance. Le CNRS y aapportĂ© une contribution dĂ©terminante, au point que l’on serait bienen peine d’énumĂ©rer toutes les avancĂ©es scientifiques qui, Ă  toutes lesĂ©poques et jusqu’à aujourd’hui, ont vu le jour dans ses laboratoires.Parmi ces avancĂ©es audacieuses, citons notamment les travaux demagnĂ©tisme et de magnĂ©to-optique d’AimĂ© Cotton, les premiĂšresexpĂ©riences de chimie solaire de FĂ©lix Trombe, le rĂŽle pilote du Centredans l’émergence de la gĂ©nĂ©tique en France, avec Philippe L’HĂ©ritier

ou Georges Teissier, ou dans celle de la chimie des substances natu-relles, avec Pierre Potier. Rendons hommage aux illustres travauxd’IrĂšne et de FrĂ©dĂ©ric Joliot-Curie, de Louis NĂ©el, de Boris Ephrussiet, plus prĂšs de nous, de Nicole Le Douarin et saluons aussi les recher-ches rĂ©centes de l’économiste Jean Tirole, du gĂ©nĂ©ticien Jean Weissenbach, du physicien Serge Haroche, nos derniers mĂ©daillĂ©s d’ordu CNRS, ou des rĂ©cents Prix Nobel, Luc Montagnier, Albert Fert et

Claude Cohen-Tannoudji. Il faudrait surtout ne pas oublier le rĂŽle de toutes celles et tous ceux, chercheurs, ingĂ©-nieurs, techniciens et personnels admi-nistratifs, qui ont contribuĂ© Ă  ces avan-cĂ©es dĂ©cisives. « S’il rĂ©vĂ©lait un seul grandsavant, notre effort Ă  tous serait payĂ© plusqu’au centuple », aimait Ă  rĂ©pĂ©ter JeanPerrin en dĂ©fendant la crĂ©ation du Centre. Qui se risquerait aujourd’hui Ă dire que le pari n’a pas Ă©tĂ© gagnĂ©? Et, s’il

l’a Ă©tĂ©, c’est essentiellement grĂące aux liens que le CNRS est parvenuĂ  tisser, non seulement avec d’autres Ă©tablissements, mais aussi entreles disciplines qu’il fĂ©dĂšre.Aux grandes avancĂ©es scientifiques s’en ajoutent d’autres, tout aussifondamentales. Laboratoire d’expĂ©rience pour les idĂ©es nouvelles, leCNRS a souvent Ă©tĂ© le fer de lance de grandes Ă©volutions en matiĂšred’organisation et d’administration de la recherche. PrĂ©curseur, il l’aĂ©tĂ© en France, avec la mise en place de ses premiĂšres administrationsdĂ©lĂ©guĂ©es, dix ans avant que notre pays adopte ses grandes lois dedĂ©centralisation. TrĂšs rĂ©cemment, avec les contrats de service, leCNRS a Ă©tĂ© le premier organisme Ă  souhaiter un engagement rĂ©ci-proque sur la qualitĂ© des services entre le laboratoire et sa tutelle. Dansle cadre de l’autonomie des universitĂ©s, ce contrat a inspirĂ© le cahierdes charges Ă©laborĂ© en commun avec celles-ci ; cahier des charges quedoit respecter tout Ă©tablissement qui souhaite bĂ©nĂ©ficier de la dĂ©lĂ©-gation globale de gestion financiĂšre des laboratoires. PrĂ©curseur, ill’a aussi Ă©tĂ© en Europe avec notamment ses outils structurants Ă  unmoment oĂč la coopĂ©ration scientifique entre les pays du continentĂ©tait encore Ă  ses tout premiers balbutiements. PrĂ©curseur, le CNRSl’a enfin Ă©tĂ© dans le monde : notons, par exemple, que sa politiqued’unitĂ©s mixtes, plĂ©biscitĂ©e par les universitĂ©s, inspire dĂ©sormaisdes grands pays telle la Chine. Rappelons enfin que le CNRS a conçude toutes piĂšces une structure moderne de transfert des rĂ©sultats,l’Agence nationale de valorisation de la recherche (Anvar), treize ansavant les États-Unis.De tels exemples pourraient ĂȘtre multipliĂ©s Ă  l’envi. Ils scandent l’his-toire de notre organisme qui est devenu un acteur incontournable dela recherche nationale et internationale mais aussi de la sociĂ©tĂ© qui,de plus en plus, lui demande de rĂ©pondre Ă  ses besoins et Ă  ceux dela planĂšte. Ce sont autant d’enjeux pour les 70 prochaines annĂ©es, pourle CNRS et ses personnels d’aujourd’hui et de demain.

5ÉDITO

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

éditoeditoCatherine BréchignacPrésidente du CNRS

Arnold MigusDirecteur général du CNRS

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Le CNRS, 70 ans d’avancĂ©es scientifiques

et l’avenir devant lui

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Remontant des parois Ă  pic depuis un petitvillage des Hautes-Alpes situĂ© en contrebas,l’hĂ©licoptĂšre s’élĂšve d’un coup au-dessus dubord du prĂ©cipice. ApparaĂźt soudain, sous lesoleil matinal, une immense plateforme natu-

relle oĂč poussent, au milieu des pierres et des pla-ques de neige, quelques rares herbes, mousses et spĂ©-cimens protĂ©gĂ©s d’Ambrosia helvĂ©tique. Visibles aupremier plan, six immenses antennes sont pointĂ©es versle ciel. Nous sommes Ă  cent kilomĂštres de Grenoble,sur un plateau dĂ©sertique balayĂ© par les vents, oĂč estinstallĂ© Ă  2550 mĂštres d’altitude l’interfĂ©romĂštre du pla-teau de Bure, l’un des deux observatoires de l’Institutde radioastronomie millimĂ©trique (Iram). C’est en1979 que l’institut a Ă©tĂ© crĂ©Ă© par le CNRS et la SociĂ©tĂ©Max-Planck pour le dĂ©veloppement de la science(MPG), en Allemagne, auxquels s’est joint en 1990l’Institut gĂ©ographique national espagnol. BasĂ© Ă Grenoble, l’Iram possĂšde Ă©galement, dans la SierraNevada, en Espagne, Ă  2 850 mĂštres d’altitude sur lePico Veleta, un tĂ©lescope de trente mĂštres. L’établis-sement, oĂč travaillent 130 personnes, est spĂ©cialisĂ©dans l’observation de l’espace dans une partie nonvisible du spectre lumineux : celle des ondes milli-mĂ©triques. InterfĂ©romĂštre et tĂ©lescope peuvent ainsiĂ©tudier des phĂ©nomĂšnes imperceptibles pour les ins-truments optiques.

HAUT LIEU SOUS HAUTE SURVEILLANCELes six antennes de quinze mĂštres de diamĂštre chacuneforment un seul et mĂȘme instrument. Leur gigan-tisme est soulignĂ© par la prĂ©sence de minusculessilhouettes se dĂ©plaçant Ă  leurs pieds. DerriĂšre elles,Ă  deux ou trois cents mĂštres de lĂ , l’énorme hangar danslequel les mĂ©caniciens procĂšdent Ă  l’entretien et auxrĂ©parations de ces machines de titans semble, luiaussi, dĂ©mesurĂ© au regard des bĂątiments d’habitationqui y sont accolĂ©s. Au loin, enfin, sur fond de pay-sage des Écrins, on distingue les premiers pylĂŽnes del’ancien tĂ©lĂ©phĂ©rique. C’est lĂ  que, coup sur coup, en juillet et en dĂ©cembre1999, deux terribles accidents se soldĂšrent par la mortde vingt-cinq personnes. Cette tragĂ©die, vĂ©cue commeun traumatisme par la population de la vallĂ©e et l’ins-titut, a Ă©tĂ© Ă  l’origine d’un renforcement considĂ©rabledes procĂ©dures de sĂ©curitĂ© qui rythment la vie ici.Outre qu’elles prĂ©voient dĂ©sormais la prĂ©sence toutau long de l’annĂ©e d’un infirmier-anesthĂ©siste pou-vant joindre Ă  tout moment l’hĂŽpital de Gap, celles-cirĂ©glementent les « sorties pour intervention », pour des

rĂ©parations par exemple, et obligent les sept membresdu personnel prĂ©sents 1 Ă  ĂȘtre en permanence reliĂ©sentre eux par radio. En attendant la fin de la construction du nouveau tĂ©lĂ©-phĂ©rique en 2010, les visites sont elles aussistrictement encadrĂ©es : les candidats Ă  unsĂ©jour Ă  l’Observatoire doivent ĂȘtre munisd’un « certificat mĂ©dical de sĂ©jour en alti-tude ». Et, Ă  moins qu’ils n’aient la chanced’effectuer le trajet par la voie des airs, ne peu-vent s’y rendre et en repartir qu’en 4x4, enchasse-neige puis Ă  pied, qu’accompagnĂ©spar un guide de haute montagne, au coursde « rotations », organisĂ©es ou non en fonc-tion des conditions mĂ©tĂ©o, plusieurs fois parsemaine, depuis la station de ski deSuper DĂ©voluy. Et Ă  cette loi d’airain nulle

VIEDESLABOS Reportage6 VIEDESLABOS 7

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

ASTRONOMIE

PerchĂ© Ă  plus de 2 500 mĂštres d’altitude,l’observatoire de l’Institut de radioastronomiemillimĂ©trique scrute l’Univers invisible Ă  l’Ɠil.Visite de ce temple de l’astronomie pour fĂȘterle trentiĂšme anniversaire de l’Institut.

exception : la veille, un 3 aoĂ»t, le directeur de l’Iram enpersonne, Pierre Cox, n’a pas Ă©tĂ© autorisĂ© Ă  monterpour cause de tempĂȘte de neige. Il a dĂ» faire demi-tour et rentrer Ă  Grenoble !

FRANCE ET ESPAGNE, MAIN DANS LA MAINMalgrĂ© ces difficultĂ©s, l’interfĂ©romĂštre fonctionne pour-tant tous les jours de l’annĂ©e et les activitĂ©s sur le plateaune cessent jamais. C’est qu’à l’Iram, le jeu en vaut rĂ©el-lement la chandelle. Jeunes Ă©toiles enfouies dans des nua-ges denses, molĂ©cules interstellaires parfois inconnuessur Terre, poussiĂšres cosmiques ou formations stellai-res dans des galaxies des confins de l’Univers
 LesphĂ©nomĂšnes observables dans le domaine millimĂ©tri-que sont lĂ©gion. Les astronomes cherchent ainsi Ă  enri-chir leurs connaissances sur le cycle de la matiĂšre inter-stellaire depuis le moment oĂč elle s’agrĂšge au sein desnuages de gaz et de poussiĂšres pour former des Ă©toilesjusqu’à celui oĂč elle est rejetĂ©e dans l’espace lorsque cesastres arrivent en fin de vie. Et cela d’autant plus faci-lement Ă  l’Iram que le laboratoire dispose sur ses deuxsites de moyens complĂ©mentaires. En effet, si l’obser-vatoire du Pico Veleta est adaptĂ© Ă  l’étude de zones Ă©ten-dues du ciel, celui du plateau de Bure, est, lui, conçu pourobserver les dĂ©tails d’objets cĂ©lestes.Dans la salle de contrĂŽle, Sascha Trippe, astronomede service, montre la « liste des projets hebdomadaires »,un tableau d’une trentaine de lignes concentrant l’es-sentiel des informations sur les observations sĂ©lec-tionnĂ©es cette semaine par le comitĂ© de programme de

l’institut. Cette journĂ©e, SaschaTrippe a dĂ©cidĂ© de la consacrer« Ă  scruter une source cosmiqueintense dĂ©couverte il y a huit jourspar le satellite amĂ©ricain Glast ».En l’occurrence un « sursautgamma », l’une de ces mystĂ©-rieuses bouffĂ©es d’énergievenues du fond de l’espace, auxorigines encore controversĂ©es.TrĂšs tĂŽt ce matin, l’astronome adonc demandĂ© Ă  l’opĂ©rateur,Emmanuel Salgado, de pointerles Ă©normes antennes, que l’onaperçoit par les fenĂȘtres, verscette source lointaine, situĂ©e Ă 

plus de cinq milliards d’annĂ©es-lumiĂšre de la Terre.OpĂ©rant en rĂ©seau selon une technique appelĂ©e « inter-fĂ©romĂ©trie », ces six antennes peuvent en effet combinerleurs signaux. Cela permet aux astronomes d’obtenir

des images atteignant une rĂ©solution Ă©quivalente Ă celle d’un tĂ©lescope dont le diamĂštre correspondrait Ă l’écart maximum entre les antennes. Soit, expliquePierre Cox au bout d’une longue allĂ©e bĂ©tonnĂ©e surlaquelle sont installĂ©s des rails destinĂ©s au dĂ©place-ment de ces dispositifs : « jusqu’à 760 mĂštres ! » Dequoi rĂ©aliser des vues dĂ©taillĂ©es d’une piĂšce de un cen-time Ă  cinq kilomĂštres !

PLUIE DE RÉSULTATS Les instruments de l’Iram –qui reçoit plus de cinq centsdemandes d’observations par an – ont ainsi Ă©tĂ© Ă  l’ori-gine de plusieurs dĂ©couvertes majeures au cours deleur histoire trentenaire. Plus d’un tiers des 140 molĂ©-cules interstellaires rĂ©pertoriĂ©es Ă  ce jour y ont Ă©tĂ© iden-tifiĂ©es, comme le propylĂšne ou l’aminoacĂ©tonitrile. LeurprĂ©sence dans les galaxies les plus jeunes y a Ă©galementĂ©tĂ© Ă©tablie. C’est lĂ  aussi que fut observĂ© en avril dernierl’évĂšnement cosmique le plus lointain que l’on connaisse :un sursaut gamma situĂ© Ă  13 milliards d’annĂ©es-lumiĂšrede notre planĂšte ! Enfin, l’institut est rĂ©putĂ© pour sacapacitĂ© Ă  dĂ©tecter des « disques circumstellaires », desamas de matiĂšre qui orbitent autours d’étoiles jeunes etdans lesquels se forment les planĂštes.L’explication de ce succĂšs doit d’ailleurs beaucoup aucentre de Grenoble oĂč les scientifiques conçoivent etdĂ©veloppent les instruments dĂ©diĂ©s Ă  l’observationdes ondes millimĂ©triques. Ici, tandis que des ingĂ©-nieurs comme Marc Torres mettent la derniĂšre mainĂ  des « corrĂ©lateurs » qui traiteront demain en tempsrĂ©el les signaux recueillis par l’interfĂ©romĂštre du pla-teau de Bure, d’autres, Ă  l’instar de Dominique Billon-Pierron, de Bastien Lefranc et de Jean-Yves Chenu,conçoivent dans une salle blanche et dans des ateliersremplis de toutes sortes de machines sophistiquĂ©es,les « jonctions supraconductrices » et les « systĂšmesde rĂ©ception » (qui fonctionneront Ă  – 269 °C, prochedu zĂ©ro absolu) des antennes. Et pas seulement pourdes besoins internes. Les compĂ©tences des Ă©quipesgrenobloises sont en effet reconnues dans le mondeentier. L’Iram s’est ainsi engagĂ© Ă  fournir des « rĂ©cep-teurs » au consortium international Alma, chargĂ© dela construction d’ici Ă  2014 d’un interfĂ©romĂštre gĂ©antconstituĂ© de 64antennes, Ă  5 100 mĂštres d’altitude, surle site chilien de Llano de Chajnantor. Cela dans l’at-tente de la finalisation de Noema (Northern ExtendedMillimeter Array), un vaste projet de doublement desantennes du plateau de Bure. Et une vĂ©ritable cure dejouvence qui permettra aux chercheurs de l’Iram desonder l’Univers avec encore plus d’acuitĂ©.

Vahé Ter Minassian1. Trois équipes constituées chacune de deux opérateurs, deux mécaniciens, un technicien-électronicien, un cuisinier et un infirmier se relaient chaque semaine.

CONTACTÔ Pierre CoxInstitut de radioastronomie millimĂ©trique, [email protected]

Trente bougies sur un plateauUn opĂ©rateur Ă  l’intĂ©rieur d’une antenne. Vue du miroirsecondaire et de la vallĂ©evoisine, la combe de Mai.

L’interfĂ©romĂštre de Bure estconstituĂ© de six antennes de15 mĂštres de diamĂštre chacune.

Les spĂ©cialistes procĂšdent ici dans le hangar (au fond, ci-dessus) Ă  l’entretien et auxrĂ©parations d’une antenne.

Dans la salle de contrĂŽle, deuxopĂ©rateurs se relaient 24 heuressur 24 pour diriger les antennesvers les astres ayant fait l’objetd’une demande d’observation.

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Pour fabriquernotamment les systĂšmes de rĂ©ception des antennes, les chercheursdisposent dans leur centrede Grenoble d’unesalle blanche et de plusieursateliers.

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VIEDESLABOS 9VIEDESLABOS Actualités8

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

MÉDECINE

Creutzfeldt-Jakob est bien un agent double

Milieu des annĂ©es 1990 :apparition d’une nouvellevariante de la maladie de

Creutzfeldt-Jakob, sans doute causĂ©epar une contamination par l’agent dela maladie de la vache folle. LiĂ©e Ă l’accumulation d’une forme anor-male d’un prion, molĂ©cule produitenaturellement chez l’humain, quientraĂźne la dĂ©gĂ©nĂ©rescence des neu-rones, elle a fait Ă  ce jour plus de180 victimes dans le monde, dont 23en France 1.Jusqu’ici, on suspectait cette patho-logie apparue dans l’Hexagone et auRoyaume-Uni de provenir du mĂȘmeagent dans les deux pays
 mais sansque cela ne soit jamais montrĂ©. Destravaux rĂ©cemment publiĂ©s 2 ontenfin permis d’apporter des preu-ves Ă  ces soupçons. En comparant lesdonnĂ©es cliniques de patients desdeux cĂŽtĂ©s de la Manche, StĂ©phaneHaĂŻk et Jean-Philippe Brandel, neu-rologues au Centre de recherche del’institut du cerveau et de la moelleĂ©piniĂšre (CRICM)3 de la SalpĂȘtriĂšre,

et leurs collĂšgues britanniques del’unitĂ© nationale de surveillance dela maladie de Creutzfeldt-Jakob ontmontrĂ© que Britanniques et Françaissont bien touchĂ©s par la mĂȘme mala-die, probablement provoquĂ©e par lamĂȘme souche de prion de carcas-ses bovines britanniques.Pour cela, l’équipe a Ă©tudiĂ© les 23 casfrançais ainsi que les 162 cas anglais.« Notre Ă©tude consistait en une com-paraison des donnĂ©es cliniques despatients (leurs symptĂŽmes, les rĂ©sul-tats de leur IRM, etc.), une analyse

du gĂšne codant pour la protĂ©ine prion,une Ă©tude des lĂ©sions cĂ©rĂ©brales et uneanalyse fine des propriĂ©tĂ©s biochimiquesde la protĂ©ine prion pathologique »,prĂ©cise StĂ©phane HaĂŻk. La conclu-sion : les patients britanniques etfrançais prĂ©sentaient bien des don-nĂ©es cliniques, Ă©pidĂ©miologiques,biochimiques et gĂ©nĂ©tiques simi-laires. Cette proximitĂ© suggĂšre qu’ilsont Ă©tĂ© infectĂ©s par la mĂȘme souchede prion. Ce rĂ©sultat pourrait se voirconfirmĂ©, et mĂȘme Ă©tendu Ă  l’Eu-rope, par une autre recherche menĂ©eactuellement Ă  partir d’extraits delĂ©sions contenant la souche impli-quĂ©e, prĂ©levĂ©s chez les patients desdiffĂ©rents pays europĂ©ens touchĂ©s.Quoi qu’il en soit, l’étude franco-britannique a aussi confirmĂ© unautre point. Tous les patients Ă©tu-diĂ©s, et donc touchĂ©s par la maladie,

prĂ©sentent une portion identiquedu codon 129, fragment de gĂšnecodant pour la protĂ©ine prion. Pourle moment, il est impossible desavoir si un profil gĂ©nĂ©tique pour cecodon pourrait protĂ©ger totalementde la maladie ou seulement allongerla durĂ©e d’incubation. Dans ce der-nier cas, le nombre de malades pour-rait se rĂ©vĂ©ler plus Ă©levĂ© que prĂ©vudans les annĂ©es Ă  venir.

Kheira Bettayeb

1. La nouvelle variante s’attaque Ă  des personnes plus jeunes que les formes classiques de la maladie (29 ans en moyenne, contre 65 ans).2. Annals of Neurology, mars 2009, vol. 65,n° 3, pp. 233-235.3. Centre CNRS / Inserm / UniversitĂ© Paris-VI.

catĂ©gorie large comme un animal, par rapport Ă la recherche d’une catĂ©gorie plus fine comme unchien ou un oiseau. D’oĂč la conclusion que notresystĂšme visuel construit d’abord une reprĂ©sen-tation grossiĂšre avant de pouvoir la dĂ©tailler. « Ilest plus logique que notre systĂšme visuel catĂ©gorisegrossiĂšrement dans un premier temps car au dĂ©partil “voit” juste une image rudimentaire et floue de lascĂšne. Alors, il n’a pas eu le temps de traiter beau-coup d’informations visuelles », termine MichĂšleFabre-Thorpe.

Kheira Bettayeb

1. Étude publiĂ©e en ligne, le 17 juin 2009 sur www.plosone.org, jornal en libre accĂšs Ă  comitĂ© de lecture international.2. Centre CNRS / UniversitĂ© Toulouse-III.

Un passant jette un mouchoir usagĂ©par terre, Ă  deux pas d’une poubelle.Dans un bus, un passager tonitrue

sans vergogne au tĂ©lĂ©phone. Vont-ils ĂȘtrealpaguĂ©s par ceux qui assistent Ă  la scĂšne ?Sans doute si elle se dĂ©roule en Espagne.Mais c’est moins probable si elle a lieu auxÉtats-Unis ou en Grande-Bretagne, selonMarkus Brauer, chercheur CNRS au Labo-ratoire de psychologie sociale et cognitive(Lapsco) 1 qui a comparĂ© les rĂ©actions deshabitants de huit pays occidentaux 2 face Ă 46 comportements incivils comme s’in-cruster dans une file d’attente, taguer unmur, uriner dans la rue, ou encore volerun magazine 3. Son but ? Comprendre pourquoi certainsexpriment leur dĂ©sapprobation face Ă  cesincartades, et d’autres pas. Le chercheur aainsi Ă©tabli qu’au Portugal, en Espagne ouen Italie, pays dĂ©finis comme « collectivis-tes » 4, les habitants seraient enclins Ă  repro-cher son comportement au malotru plusqu’en Grande-Bretagne ou aux États-Unis,pays « individualistes », comme notre Hexa-gone, mais de maniĂšre moins prononcĂ©e.« Dans les cultures “collectivistes”, les individusse perçoivent comme plus dĂ©pendants les uns desautres. Ils ont le sentiment que tout ce quiconcerne la communautĂ© fait partie intĂ©grantede leur identitĂ© propre », explique-t-il. Cette enquĂȘte conforte une hypothĂšse qu’ila prĂ©cĂ©demment formulĂ©e : une personneprotestera d’autant plus contre l’auteur d’uneincivilitĂ© sociale qu’elle se sent personnel-lement affectĂ©e. « Tout dĂ©pend donc de lafaçon dont l’individu se dĂ©finit lui-mĂȘme »,

conclut le chercheur.« Pour certains, le “soi”s’arrĂȘte Ă  la porte deleur appartement. Tan-dis que pour d’autres, ilinclut leur quartier, leparc, voire la ville. »Pour ces derniers, chaque incivilitĂ©, notam-ment celles qui dĂ©gradent leur environne-ment, sera perçue comme une attaque per-sonnelle. Et leur rĂ©action, mĂȘme si elles’exprime par une remarque courtoise, s’ap-parente psychologiquement Ă  de l’auto-dĂ©fense. Conclusion : pour lutter contre cesactes ordinaires de vandalisme, rien de telque de se sentir
 partout chez soi !

Stéphanie Arc

1. Laboratoire CNRS / UniversitĂ© Clermont-Ferrand-II.2. Mille quarante-huit rĂ©pondants provenant desÉtats-Unis, d’Angleterre, d’Allemagne, de Belgique,de France, d’Italie, d’Espagne, du Portugal.3. L’étude menĂ©e avec Nadine Chaurand, de l’universitĂ© Pierre-MendĂšs-France de Grenoble, a Ă©tĂ© publiĂ©e en ligne (avant impression) en juin 2009 dans la revue European Journal of Social Psychology, n° 38, pp. 1689-1715.4. Pour distinguer les pays collectivistes et individualistes, les chercheurs ont utilisĂ© un indicateur qui reflĂšte le degrĂ© moyend’intĂ©gration d’un individu aux diffĂ©rents groupes qui constituent la sociĂ©tĂ© (famille proche,famille Ă©loignĂ©e, etc.). Pour en savoir plus :http://www.geert-hofstede.com/geert_hofstede_resources.shtml

CONTACTSCentre de recherche de l’institut du cerveau et de la moelle Ă©piniĂšrede la SalpĂȘtriĂšre, Paris

Ô StĂ©phane HaĂŻ[email protected]

Ô Jean-Philippe [email protected]

CONTACTÔ Markus BrauerLaboratoire de psychologie sociale et cognitive, [email protected]

VIEDESLABOS Actualités

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

COGNITION

Notre Ɠil voit d’abord en gros

Lorsque l’on voit un ĂȘtre vivant ou un objet, lereconnaĂźt-on d’abord finement en tant quechien, voiture ou table pour ensuite le met-

tre dans une catĂ©gorie plus large – animal, vĂ©hi-cule, meuble – ou inversement? Depuis 1976 etles travaux de la psychologue amĂ©ricaine EleanorRosch, il Ă©tait admis qu’un objet Ă©tait d’abordcatĂ©gorisĂ© au niveau de base comme « chien »,« voiture » ou « table » avant qu’un concept plusabstrait « animal », « vĂ©hicule » ou « meuble » nepuisse se former. Cette capacitĂ© d’abstraction Ă©taitmĂȘme considĂ©rĂ©e comme spĂ©cifique de l’hu-main, l’animal n’ayant pas accĂšs Ă  ce type deconcept. Or, surprise, dans une Ă©tude rĂ©cemmentpubliĂ©e 1 des chercheurs du Centre de recherchecerveau et cognition (Cerco) 2, Ă  Toulouse, ontmontrĂ© qu’en fait
 c’est l’inverse ! « Nos donnĂ©esmontrent que celles de 1976 ont Ă©tĂ© trop vite gĂ©nĂ©ra-lisĂ©es au systĂšme visuel », souligne MichĂšle Fabre-Thorpe, directrice du Cerco et co-auteur de l’étude.C’est que les rĂ©sultats de l’équipe d’Eleanor Roschet de ceux qui les ont reproduits ensuite ont Ă©tĂ©obtenus lors de tests oĂč des volontaires devaient

dĂ©signer des objets par leur nom. Orces expĂ©riences oĂč l’accĂšs au voca-bulaire, et donc au systĂšme du lan-gage, Ă©tait crucial pouvaient mas-quer le fonctionnement du seulsystĂšme visuel.Les chercheurs du CNRS ont placĂ©dix-huit volontaires dans des condi-tions oĂč ils devaient, non pas rĂ©pon-dre oralement, mais rĂ©agir le plusvite possible avec le doigt en relĂą-chant un bouton quand ils voyaientune image contenant la cible qu’onleur demandait de chercher (unchien, un oiseau, un animal, etc.).Les images n’étaient affichĂ©es quependant 26millisecondes (ms) pourles encourager Ă  agir encore plusvite, le seuil de perception deshumains Ă©tant de prĂšs de 25 ms.RĂ©sultat ? Les volontaires ont Ă©tĂ© en moyenneplus rapides d’une quarantaine de millisecondesĂ  relĂącher le bouton lors de la recherche d’une

CONTACTÔ MichĂšle Fabre-ThorpeCentre de recherche cerveau et cognition(Cerco), [email protected]

VIEDESLABOS Actualités

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PSYCHOLOGIE SOCIALE

Tour du monde de l’impolitesseBRÈVE

Nouvelle molĂ©culecontre le VIHUne molĂ©cule pourrait faire progresser les futures thĂ©rapies anti-sida. DĂ©veloppĂ©epar des chercheurs de deux universitĂ©s et de trois organismes 1, elle est capable debloquer l’entrĂ©e du virus du sida (VIH) dansles cellules. Jusqu’à prĂ©sent, la plupart des traitements disponibles empĂȘchent la rĂ©plication du virus dans l’organisme,sans l’éradiquer, et en occasionnant de lourds effets secondaires. La nouvellestratĂ©gie des chercheurs, dont les travauxont Ă©tĂ© rĂ©cemment mis en ligne dans la revue Nature Chemical Biology, permetdonc d’agir plus en amont. Elle consiste en l’alliance d’un mime de la molĂ©cule CD4,rĂ©cepteur cellulaire reconnu par le VIH, et d’une molĂ©cule d’hĂ©parane sulfate, un sucre complexe prĂ©sent Ă  la surface des cellules. Ce composĂ©, appelĂ© CD4-HS, a Ă©tĂ© synthĂ©tisĂ©. Il inhibe l’entrĂ©e virale. Surdes cellules en culture, son activitĂ© est trĂšsĂ©levĂ©e. Prochaine Ă©tape : les tests in vivo.1. Il s’agit du CNRS, du CEA, de l’Institut Pasteur, del’universitĂ© Joseph Fourier et de l’universitĂ© Paris-Sud-XI.

> www2.cnrs.fr/presse/communique/1666.htm

Selon MarkusBrauer, les voisinsde ce bavardintempestif rĂ©agirontplus souvent si la scĂšne se passeen Espagne qu’enAllemagne.

ExpĂ©rience menĂ©e pour savoir si notre Ɠilperçoit en premier un chien ou un animal.Les volontaires devaient relĂącher trĂšs vitele bouton s’ils voyaient un chien.

Les victimes anglaises et françaises de la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakobprésentent des lésionscérébrales similaires.

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Page 6: Les promesses

citĂ©. L’histoire raconte qu’un Romain du nom deQuentin se serait rendu jusqu’en Gaule pour prĂȘ-cher le christianisme durant la seconde moitiĂ© duIIIe siĂšcle. Mais un prĂ©fet romain l’aurait fait arrĂȘ-ter Ă  Amiens. Quentin aurait Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© et soncorps jetĂ© dans la Somme. Un demi-siĂšcle plustard, EusĂ©bie, une dame romaine aveugle, auraitmiraculeusement retrouvĂ© la vue alors que ladĂ©pouille du martyr rejaillissait du fleuve. Danssa gratitude, EusĂ©bie aurait alors fait Ă©difier Ă Quentin une premiĂšre et humble chapelle. C’estĂ  cet endroit prĂ©cis qu’aurait Ă©tĂ© fondĂ©e la ville deSaint-Quentin
 autour des IVe ou Ve siĂšcles, donc.En cette pĂ©riode de transition entre AntiquitĂ© etMoyen Âge, le christianisme commençait seule-ment Ă  Ă©merger en Gaule. Mais dĂ©jĂ  au ve siĂšclele rayonnement du saint Ă©tait tel que la chapelle

est devenue un lieu d’inhu-mation puis de pĂšlerinage.Et l’archĂ©ologue de conti-nuer : « Notre dĂ©couverte estune preuve supplĂ©mentaire dela christianisation prĂ©coce duNord de la Gaule. »L’annĂ©e 2010 verra sedĂ©rouler la derniĂšre cam-pagne de fouilles. ChristianSapin reconnaĂźt avoir la sen-sation qu’il reste encore desĂ©lĂ©ments Ă  dĂ©couvrir dansce site certes restreint maistrĂšs dense. À l’avenir, cetterelecture de l’histoire de lacitĂ© picarde pourra encou-rager d’autres fouilles pourĂ©tudier, par exemple, ledĂ©veloppement des pre-miers habitats mĂ©diĂ©vauxdans la ville.

Caroline Dangléant

1. Le Cem d’Auxerre dĂ©pend de l’unitĂ© « ArchĂ©ologie, terre,histoire, sociĂ©tĂ©s » (Artehis,CNRS / UniversitĂ© de Bourgogne/ MinistĂšre de la Culture et de la Communication).

FondĂ©e surl’emplacement dutombeau de SaintQuentin, la basiliquedu mĂȘme nom estl’une des plus grandesconstructionsgothiques de France.

VIEDESLABOS Actualités10

ÉLECTRONIQUE

Les performances des mĂ©moires de nos outils technologiqueslaissent parfois Ă  dĂ©sirer. Électroniciens et chercheurs en matĂ©riaux se sont penchĂ©s sur cet Ă©pineux problĂšme.Et ont rĂ©cemment trouvĂ© des solutions prometteuses.

Au secours des mémoires qui flanchent

Avec l’essor des tĂ©lĂ©phones portables, desbaladeurs numĂ©riques et autres appareilsnomades, l’industrie Ă©lectronique estconfrontĂ©e Ă  un incroyable dĂ©fi : mettre

au point des mĂ©moires informatiques non vola-tiles – c’est-Ă -dire capables de conserver les don-nĂ©es quand l’appareil est Ă©teint –, qui soient Ă  lafois solides, fiables et faiblement consommatricesd’énergie ! Or ce casse-tĂȘte pourrait avoir trouvĂ©un dĂ©but de solution grĂące aux travaux de scien-tifiques français et britanniques. L’équipe d’AgnĂšsBarthĂ©lĂ©my, de l’UnitĂ© mixte de physique CNRS-ThalĂšs 1, s’est intĂ©ressĂ©e Ă  une technologie encorepeu connue du grand public : celle des mĂ©moi-res dites ferroĂ©lectriques, rĂ©putĂ©es notammentpour leur rapiditĂ©. Elles souffraient d’un handi-cap majeur : l’information qu’elles contiennent dis-paraĂźt lorsqu’on la lit. Banco : les chercheurs sesont affranchis de cet obstacle 2 qui limitait cetype de mĂ©moire au secteur des jeux vidĂ©o. Le principe? Les donnĂ©es sont contenues dans unmatĂ©riau ferroĂ©lectrique : Ă  l’intĂ©rieur de celui-ci,les charges ont la propriĂ©tĂ© d’ĂȘtre polarisĂ©es, c’est-Ă -dire organisĂ©es pour former des dipĂŽles dirigĂ©sdans un mĂȘme sens, un peu Ă  la maniĂšre de peti-tes boussoles indiquant toutes le nord. Commecette polarisation peut-ĂȘtre inversĂ©e localement parl’application d’un champ Ă©lectrique extĂ©rieur etqu’elle perdure ensuite, les physiciens ont ainsiimaginĂ© d’utiliser ces solides pour stocker de l’in-formation en associant aux orientations « haut »et « bas » les valeurs « 0 » et « 1 » de l’informati-que binaire. ProblĂšme: pour identifier la « valeur »du dipĂŽle, les Ă©lectroniciens n’avaient jusqu’icid’autres choix que d’appliquer un second champ

VIEDESLABOS 11

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

Ă©lectrique. Ce qui, explique Manuel Bibes, chargĂ©de recherche au CNRS, « revient Ă  modifier, une foissur deux, son Ă©tat et donc Ă  faire disparaĂźtre les don-nĂ©es au fur et Ă  mesure qu’on les lit ! »AgnĂšs BarthĂ©lĂ©my, Manuel Bibes et leurs collĂš-gues sont les premiers Ă  avoir dĂ©couvert une solu-tion alternative. Pour y parvenir, l’équipe a procĂ©dĂ©en trois temps. En premier lieu, elle a produitde minces couches de un Ă  deux millioniĂšmes demillimĂštre d’épaisseur d’un matĂ©riau appelĂ© tita-

nate de baryum dont (et c’est une dĂ©couverte ensoi) elle avait Ă©tabli au prĂ©alable la ferroĂ©lectricitĂ©Ă  tempĂ©rature ambiante. Dans la seconde phase,elle a disposĂ© ces Ă©chantillons entre une Ă©lec-trode et la pointe d’un microscope Ă  force ato-mique3. Avant, enfin, d’y faire circuler du courantpar « effet tunnel ». Ce curieux phĂ©nomĂšne quan-tique – qui permet Ă  un Ă©lectron de traverser unmatĂ©riau isolant dĂšs lors que son Ă©paisseur estrĂ©duite Ă  quelques atomes – a Ă©tĂ© astucieuse-ment mis Ă  profit par ces chercheurs pour iden-tifier l’état de polarisation du titanate de baryum
sans le modifier ! Et donc pour lire les donnĂ©escryptĂ©es dans cette mĂ©moire ferroĂ©lectrique en Ă©vi-tant de les dĂ©truire. Cette avancĂ©e majeure pour-rait se traduire un jour par la prĂ©sence de ce typede mĂ©moire dans nos appareils de poche.

Vahé Ter Minassian

1. UnitĂ© associĂ©e Ă  l’universitĂ© Paris-XI.2. Nature, n° 460 (7251), du 2 juillet 2009, pp. 81-84.3. L’utilisation d’un microscope Ă  force atomique permetl’étude des surfaces de matĂ©riaux.

CONTACTÔ Manuel BibesUnitĂ© mixte de physique CNRS/ThalĂšs, [email protected]

ARCHÉOLOGIE

Alors que l’on pensait que la refondation de la ville de Saint-Quentin remontait au VIIe siĂšcle, la dĂ©couverte de deux sarcophages du Ve siĂšcle sous la basiliquebouleverse les connaissances.

Une bien vieille renaissance!

Contre toute attente, au moins 200 bougiespeuvent ĂȘtre ajoutĂ©es au gĂąteau d’anni-versaire de la ville de Saint-Quentin. Cenouvel « Ăąge » est attestĂ© par la dĂ©couverte

de deux sarcophages du Ve siĂšcle, sous la basili-que de la capitale picarde. Une dĂ©couverte scien-tifique doublement importante, puisque ces sar-cophages font partie des plus anciens trouvĂ©sdans le Nord de la Gaule !Certains textes laissaient entendre que la vieavait redĂ©marrĂ© Ă  Saint-Quentin autour du VIIe siĂš-cle, 400 ans aprĂšs la destruction de la citĂ© anti-que d’Augusta Viromanduorum situĂ©e au mĂȘmeemplacement. « Aujourd’hui, nous avons la preuveindiscutable que Saint-Quentin reprit vie au moinsdeux siĂšcles plus tĂŽt », assure Christian Sapin,directeur du Centre d’études mĂ©diĂ©vales (Cem) 1

d’Auxerre et responsable des campagnes de fouil-les menĂ©es sous la basilique depuis cinq ansavec l’aide du ministĂšre de la Culture et de laCommunication, et des collectivitĂ©s. Durant cescinq campagnes, l’équipe dĂ©couvre 6 ou 7 Ă©tagesde sols successivement foulĂ©s par les fidĂšles venus

se recueillir sur la tombe de Quentin, un RomainchrĂ©tien venu Ă©vangĂ©liser la rĂ©gion, exĂ©cutĂ© etdevenu martyr. « Des hommes et des femmes ont sou-haitĂ© se faire enterrer auprĂšs de la tombe de saintQuentin, et ce sont eux, en un sens, qui sont Ă  l’ori-gine de la renaissance mĂ©diĂ©vale de l’ancienne citĂ©antique », explique Christian Sapin. Pour estimer l’anciennetĂ© des niveaux, les scien-tifiques datent au carbone 14 des matĂ©riauxorganiques comme le bois, des ossements oudu charbon trouvĂ©s Ă  proximitĂ©. Ils usent de lamĂȘme technique avec la douzaine de sarcophagesretrouvĂ©s sur ce site. Parmi celles dĂ©couvertes enjuin dernier, deux sĂ©pultures se sont donc avĂ©rĂ©esplus anciennes que prĂ©vu : elles datent du Ve siĂš-cle. Encore plus loin dans le sol et dans le temps,une structure en bois autour d’une fosse vide aĂ©tĂ© confectionnĂ©e au IVe siĂš-cle. Il pourrait s’agir du pre-mier emplacement de latombe de Quentin. Mais audĂ©part, l’endroit n’était cer-tainement qu’un lieu depĂšlerinage. Selon les archĂ©o-logues, on peut raisonna-blement penser que Saint-Quentin, en tant que ville,date du Ve siĂšcle.Surprise : la nouvelle data-tion concorde avec la lĂ©gendequi aurĂ©ole la fondation de la

Lophelia pertusa, un corail d’eau froide trĂšs rĂ©pandu en Europe, vers l’an 2100, Ă  cause de l’acidification des ocĂ©ans. Cela pourrait menacer l’existence des rĂ©cifs d’eaux froides,selon des travaux publiĂ©s dans la revue Biogeosciences par une Ă©quipe du Laboratoired’ocĂ©anographie de Villefranche. > www2.cnrs.fr/presse/communique/1660.htm

C’est la perte devitesse de croissanceque devrait subir

LE CHIFFRE

5500%%Le sarcophage deSaint Quentin creusĂ©sans doute auIXe siĂšcle dans unecolonne antique enmarbre est conservĂ©dans la cryptecarolingienne.Ci-contre, sous unemosaĂŻque trouvĂ©eau XIXe siĂšcle, un sarcophage du Ve siĂšcle vientd’ĂȘtre dĂ©gagĂ©.

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Dans la grande famille des mĂ©moires informatiques, il y ad’une part les mĂ©moires « volatiles », comme les Ram desordinateurs par exemple, qui stockent les donnĂ©es tant

qu’elles sont alimentĂ©es enĂ©lectricitĂ©. Et d’autre part lesmĂ©moires « non volatiles », qui lesconservent aprĂšs l’extinction desappareils. Bien que leur usage soitlargement rĂ©pandu, ces dernierscomposants prĂ©sentent desinconvĂ©nients aux yeux desindustriels. Une technologie commecelle des « disques durs » est, eneffet, bon marchĂ© et fiable. Mais ellen’est pas adaptĂ©e Ă  toutes lesapplications en raison de sa fragilitĂ©.Quant aux systĂšmes « flashs » quiĂ©quipent les clĂ©s USB, les baladeursnumĂ©riques et les tĂ©lĂ©phonesportables, ils ont l’avantage de larobustesse. Par contre, ilsconsomment beaucoup d’énergie aucours des phases de lecture etd’écriture et leur durĂ©e de vie est

limitĂ©e. D’importants efforts de recherche etdĂ©veloppement sont donc actuellement menĂ©s Ă  travers lemonde pour tenter de dĂ©couvrir d’autres solutions.

UNE GRANDE FAMILLE

Les chercheurs ont réussi à observerles domaines de polarisationsopposées (carrés concentriquesverts et violets) de cet échantillonsans les modifier !

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CONTACTÔ Christian SapinCentre d’études mĂ©diĂ©vales (CEM), [email protected]

Page 7: Les promesses

les montagnes et reboucheles crevasses. C’est pourcette raison que j’ai choiside m’intĂ©resser aux arbres,les seuls Ă  ressortir de lacouverture neigeuse, et en particulier au hĂȘtre sub-antarctique, Nothofagus pumilio. » La chercheuse va Ă©tudier les facteurs qui limi-tent la croissance des hĂȘtres Ă  partir d’une cer-taine altitude. Car mĂȘme si ce genre originairede l’hĂ©misphĂšre Sud est bien adaptĂ© aux condi-tions rigoureuses, il y a une limite en altitudequ’il ne peut dĂ©passer. « Des recherches effectuĂ©esen Nouvelle-ZĂ©lande sur d’autres espĂšces voisines dehĂȘtres montrent que sa limite altitudinale n’est passeulement d’ordre climatique : s’il ne s’agissait quedes tempĂ©ratures, la forĂȘt de hĂȘtres pourrait mon-ter plus haut. » Les chercheurs nĂ©o-zĂ©landaisont mis en Ă©vidence une sorte de barriĂšre invi-sible que les hĂȘtres ne peuvent dĂ©passer. Quelle est donc la vraie nature de cette fron-tiĂšre? La chercheuse tentera de tester deux hypo-thĂšses. D’une part, la disponibilitĂ© des nutri-

ments dans le sol. Si, au-delĂ  d’une certainealtitude, l’arbre ne trouve plus Ă  sa dispositionassez de phosphore et d’azote, il ne pourra passe dĂ©velopper. L’autre hypothĂšse, complĂ©men-taire, concerne la diversitĂ© microbienne des sols.Pour se nourrir, les arbres sont soumis Ă  l’acti-vitĂ© des bactĂ©ries et des champignons du solqui recyclent les nutriments. La frontiĂšre desarbres pourrait ĂȘtre due Ă  des diffĂ©rences dansla quantitĂ© et les espĂšces de micro-organismesprĂ©sents dans les sols forestiers.Sandra Lavorel ne participera pas Ă  la traversĂ©ede la cordillĂšre de Darwin avec l’équipe d’alpi-nistes. En revanche, elle fera plusieurs incur-sions vers les sommets Ă  partir du bateau, leNueva Galicia, qui servira de base logistique.Lors de ses expĂ©ditions, elle posera des camps deravitaillement pour les alpinistes et collectera,aux endroits oĂč la neige le permet, des Ă©chan-tillons du sol et de feuilles. Ces Ă©chantillonsseront ensuite analysĂ©s par un laboratoire chilien2

avec lequel le Laboratoire d’écologie alpine col-labore depuis plusieurs annĂ©es.

L’un des aspects fonda-mentaux de cette recher-che est qu’elle s’effectuedans un terrain vierge.« Lorsque nous effectuonsdes recherches dans lesAlpes, par exemple, noussavons que nous travail-lons dans des terrains quiont Ă©tĂ© dĂ©frichĂ©s, coloni-sĂ©s, utilisĂ©s pour l’agri-culture tout au long del’histoire. En revanche, enPatagonie, il n’y a aucuneinterfĂ©rence humaine :toutes les caractĂ©ristiquesphysiologiques des espĂšces

sont en rapport direct avec les conditions climati-ques. » L’expĂ©dition promet donc de belles obser-vations sur l’évolution et l’adaptation des espĂš-ces aux climats les plus rudes. ObservationsprĂ©cieuses Ă  l’heure oĂč le changement climati-que touche de plein fouet les rĂ©gions suban-tarctiques. Nul ne doute que Darwin lui-mĂȘmen’aurait pas manquĂ© l’occasion d’explorer la cor-dillĂšre qui porte son nom !

SebastiĂĄn EscalĂłn

1. Laboratoire CNRS / Université Grenoble-I / UniversitéChambéry.2. Instituto de Ecología y Biodiversidad, UniversidadCatólica de Chile.

Podospora anserina se développeessentiellement par reproductionsexuée grùce à sesfructifications : ces excroissancesen formes de poires poiluesmesurent quelque 0,75 mm.

AprĂšs quelques dĂ©cennies d’agricultureintensive, les recherches pour purger nossols des nombreuses substances d’origine

industrielle vont bon train. Une solution pro-metteuse nous vient aujourd’hui
 d’un banalchampignon filamenteux, Podospora anserina.Fruit d’une collaboration entre trois laboratoires 1

associés au CNRS, une étude publiée en mai 2

prouve que Podospora anserina est en effet capa-ble de « digĂ©rer » des molĂ©cules polluantes en lesmodifiant chimiquement grĂące Ă  une de ses enzy-mes. RĂ©sultat : lĂ  oĂč une autre espĂšce vivanteaurait succombĂ©, le champignon assimile le pol-luant et le transforme en un autre composĂ© nonnocif. Et le milieu s’en trouve assaini.L’idĂ©e a germĂ© lors de la rencontre de deux cher-cheurs. Philippe Silar 3 explique Ă  son confrĂšreJean-Marie Dupret 4 Ă  quel point les champi-gnons reprĂ©sentent un incroyable rĂ©servoir d’en-zymes aux propriĂ©tĂ©s Ă©tonnantes. Les scientifi-ques dĂ©cident alors de tester la rĂ©sistance deplusieurs espĂšces de moisissures Ă  une classemajeure de polluants, les amines aromatiques.Deux d’entre elles survivent, ce qui signifie queces champignons possĂšdent les enzymes leurpermettant de mettre hors d’état de nuire cescomposĂ©s aromatiques. Entre les deux rescapĂ©es,les scientifiques choisissent de concentrer leursefforts sur Podospora anserina, dĂ©jĂ  bien connuedes laboratoires. À partir de ce champignon, lesbiochimistes identifient, clonent et purifient uneenzyme impliquĂ©e dans ces mĂ©canismes derĂ©sistance, qu’ils nomment PaNAT2. Reste Ă dĂ©finir prĂ©cisĂ©ment son rĂŽle. Pour cela, et grĂąceĂ  la parfaite connaissance du gĂ©nome de ce cham-pignon, l’équipe de Philippe Silar fabrique dessouches mutĂ©es pour lesquelles le gĂšne de l’en-

zyme PaNAT2 est inactivĂ©. Et lesmettent Ă  l’épreuve d’un dĂ©rivĂ© de

pesticide trouvé dans certaines ter-res agricoles, la 3,4-dichloroaniline

(3,4-DCA). Lors de ces tests réalisés enmilieu liquide, environ 45 % du polluant

est dégradée par la souche normale de Podos-pora anserina au bout de trois jours, contre seu-

lement 5 % par la souche mutĂ©e du champi-gnon ! « Ces rĂ©sultats sans ambigĂŒitĂ© prouvent quela voie enzymatique de PaNAT2 est bien impliquĂ©e

dans la capacitĂ© de ce champignon Ă  senourrir de certaines molĂ©cules aroma-tiques » assure Jean-Marie Dupret.L’étape suivante va s’avĂ©rer tout aussiconcluante. Afin de simuler uneexpĂ©rience de remĂ©diation, autre-ment dit de dĂ©contamination du sol,

les chercheurs ajoutent 0,5 g de champignon tou-tes les 24 h Ă  un mĂ©lange de terre et de 3,4-DCA. Au bout de trois jours, ils y plantent desgraines de laitue, une plante choisie pour sasensibilitĂ© connue au 3,4 DCA. Mais mĂȘme avecune concentration extrĂȘme de polluant, la saladegerme sans problĂšme. Une preuve irrĂ©futable del’action assainissante de Podospora anserina. Quidispose d’un autre atout non nĂ©gligeable entant que candidat Ă  la restauration de l’équilibredes sols : son mode de multiplication. En effet,il se dĂ©veloppe essentiellement par reproductionsexuĂ©e. Pour Ă©viter une prolifĂ©ration incontrĂŽ-lable, il suffit d’inoculer des souches non com-patibles sexuellement dans le milieu et le cham-pignon disparaĂźt au bout de quelque temps.Mais avant d’imaginer des tests sur un champentier, l’équipe de chercheurs doit encore Ă©clair-cir quelques points : comment produire ce cham-pignon en grande quantitĂ© ? Est-il prĂ©fĂ©rable del’enfouir ou suffit-il de le dĂ©poser Ă  la surface dela terre ? Etc. AprĂšs ces Ă©tudes prĂ©liminaires,les scientifiques envisageront un partenariatpour tester la mĂ©thode en grandeur nature.

Caroline DanglĂ©ant1. UnitĂ© de biologie fonctionnelle et adaptative (UniversitĂ©Paris-VII), Institut de gĂ©nĂ©tique et microbiologie (CNRS /UniversitĂ© Paris-XI), « Interfaces, traitements, organisationet dynamique des systĂšmes » (CNRS / UniversitĂ© Paris-VII).2. Édition en ligne de la revue Journal of Biological Chemistry.3. Chercheur Ă  l’Institut de gĂ©nĂ©tique et microbiologie,professeur de l’universitĂ© Paris-VII.4. Directeur de l’unitĂ© de biologie fonctionnelle et adaptativede l’universitĂ© Paris-VII.

Un champignon qui mange la pollution

VIEDESLABOS ActualitésVIEDESLABOS Actualités VIEDESLABOS 13

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

ENVIRONNEMENT

ÉCOLOGIE

Un groupe d’explorateurs, dont fait partie une chercheuse du CNRS,va fouler l’une des derniùres terres vierges du globe, en Patagonie.

Des alpinistes à l’assaut d’une terre inconnue

L ’esprit des grands explorateurs, Darwin,Humboldt ou Bougainville, anime l’expĂ©-dition française qui, fin septembre, est par-tie Ă  la conquĂȘte de l’une des derniĂšres

rĂ©gions inexplorĂ©es du monde, la cordillĂšre deDarwin, Ă  l’extrĂȘme Sud de la Patagonie. Les par-ticipants ? On y trouve des alpinistes, des scien-tifiques, des photographes, mais aussi un cinĂ©asteet un Ă©crivain. Comme Ă  l’ñge d’or de l’explorationdu monde, toutes les dimensions de la dĂ©cou-verte seront au rendez-vous dans cette expĂ©di-tion de six semaines baptisĂ©e, avec Ă  propos, « UnrĂȘve de Darwin ». « À l’origine du projet, il y a ungroupe de guides de haute montagne qui voulaientmonter une expĂ©dition dans une rĂ©gion inexplorĂ©e duglobe. Assez vite, leur regard s’est portĂ© sur la cordil-lĂšre de Darwin. MĂȘme si certains sommets cĂŽtiers decette chaĂźne ont Ă©tĂ© abordĂ©s, jamais personne n’atentĂ© de la traverser dans toute sa longueur », raconteSandra Lavorel, directrice de recherche du CNRSau Laboratoire d’écologie alpine (Leca) 1 deGrenoble et membre de l’équipĂ©e.« Yvan Estienne, le leader de l’expĂ©dition, voulaitajouter Ă  l’expĂ©dition une composante scientifique.VoilĂ  pourquoi il m’en a parlĂ©. » Et ce n’est pas auhasard que Sandra Lavorel a Ă©tĂ© contactĂ©e : elleest passionnĂ©e d’alpinisme
 et spĂ©cialiste des Ă©co-systĂšmes des rĂ©gions aux climats extrĂȘmes. Pourune fois, ce sont les caractĂ©ristiques de l’expĂ©di-tion qui ont dĂ©terminĂ© le choix de la rechercheet des expĂ©riences Ă  rĂ©aliser : « C’est l’inverse dela dĂ©marche habituelle », admet volontiers la cher-cheuse. « Les alpinistes voulaient partir au dĂ©but duprintemps austral, lorsque la neige recouvre encore

CONTACTÔ Jean-Marie DupretLaboratoire « RĂ©ponses molĂ©culaires etcellulaires aux xĂ©nobiotiques », unitĂ© BFA, [email protected]

CONTACTÔ Sandra LavorelLaboratoire d’écologie alpine de Grenoble (Leca), [email protected]

Mission VIEDESLABOS

En Patagonie, le tempspeut changer violemmentet les vents dĂ©passer les 200 km/h. VoilĂ  lesconditions que SandraLavorel affrontera pourmener ses observationssur les Ă©cosystĂšmes.L’équipe effectuera une traversĂ©e de 100 km Ă  travers cols, sommets et glaciers inconnus.

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BRÈVE

Une mandibuletrĂšs parlanteUne partie de mandibule humaine,appartenant Ă  un jeune individu et estimĂ©e1 Ă  500000 ans environ, a Ă©tĂ©rĂ©cemment dĂ©couverte dans la carriĂšreThomas 1, Ă  Casablanca, par une Ă©quipefranco-marocaine2 d’archĂ©ologuescodirigĂ©e par Jean-Paul Raynal, du laboratoire « De la PrĂ©histoire Ă  l’actuel : culture, environnement et anthropologie » (Pacea)3. Ce sont les seuls restes d’enfant de cettepĂ©riode trouvĂ©s au Maghreb. En 1969, la carriĂšre avait dĂ©jĂ  livrĂ© la moitiĂ©d’une mandibule, puis des dents, et, en 2008, une mandibule complĂšted’adulte, des fragments crĂąniens et des vertĂšbres. Vu la morphologie de l’ensemble de ces fossiles, les chercheurs les attribuent Ă  Homorhodesiensis, immĂ©diatement antĂ©rieurĂ  Homo sapiens, l’homme moderne. Ces dĂ©couvertes poussent donc Ă  revoirl’anciennetĂ© de rhodesiensis,jusqu’alors Ă©valuĂ©e Ă  300000 ansenviron. Et elles indiquent l’existenced’une population de ce type prĂ©cisd’Homo clairement Ă©tablie dans larĂ©gion il y a un demi million d’annĂ©es.Le site marocain se rĂ©vĂšle aussifondamental pour Ă©valuer l’éventuellecontribution des hominidĂ©s nord-africains aux premierspeuplements d’Europe du Sud. Enfin, il s’agit du plus ancien tĂ©moignage de ces humains dĂ©jĂ  tout proches de devenir des hommes modernes.> Contact : J.-P. Raynal, [email protected]

1. Elle a Ă©tĂ© trouvĂ©e dans le mĂȘme niveausĂ©dimentaire et Ă  proximitĂ© d’une dent datĂ©e par rĂ©sonance de spin Ă©lectronique.2. Avec l’Institut national des sciences de l’archĂ©ologie et du patrimoine.3. Laboratoire CNRS / UniversitĂ© Bordeaux-I /MinistĂšre de la Culture et de la Communication.

Morceau de mandibule d’enfant, trouvĂ©e en mai au Maroc, et vieille de 500000 ans.

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Page 8: Les promesses

Quels marchĂ©s le programme « HorizonhydrogĂšne Ă©nergie » (H2E), lancĂ© fin 2008,cible-t-il?Dominique Bernal : H2E a pour but la com-mercialisation Ă  grande Ă©chelle de piles Ă  com-bustibles (PAC 2) dans les secteurs qui ont besoind’électricitĂ© sans fil, pour lesquels les solutionsactuelles sont peu adaptĂ©es (batteries Ă  autono-mie trop limitĂ©e, groupes Ă©lectrogĂšnes bruyants,polluants, peu fiables
). Ce sont par exempleles flottes captives 3 de chariots Ă©lĂ©vateurs, devĂ©hicules administratifs et de transport collectifurbain. Nous ciblons Ă©galement la fournitured’électricitĂ© de secours pour les sites sensibles(hĂŽpitaux, bases de donnĂ©es informatiques
) etpour les sites isolĂ©s telles les antennes de tĂ©lĂ©-communications non raccordĂ©es au rĂ©seau Ă©lec-trique. Enfin, nous travaillons au dĂ©veloppementde PAC en tant que source d’électricitĂ© portablepour les pompiers, le Samu, le secteur de l’évĂ©-nementiel... Pour y parvenir, le programme fĂ©dĂšreune vingtaine de partenaires 4 autour d’AirLiquide, parmi lesquels le CNRS figure en bonneplace (lire l’encadrĂ©). D’une durĂ©e de sept ans,H2E dispose d’un budget de prĂšs de 190 mil-lions d’euros dont 67,6 d’aides apportĂ©es parl’établissement public OsĂ©o. Une fois cetteĂ©tape franchie, la filiĂšre sera prĂȘte pourl’émergence de l’« hydrogĂšne-Ă©ner-gie » dans le secteur automobile,prĂ©vue pour 2015.

Quels sont les verrous Ă  lever?D.B. : Pour rentrer dans une phase d’industria-lisation des PAC, il faut encore amĂ©liorer leur per-formance, leur fiabilitĂ© et rĂ©duire leur coĂ»t de pro-duction. CrĂ©Ă©e en 2001 et spĂ©cialisĂ©e dans lafabrication de PAC, notre filiale Axane a dĂ©jĂ bien avancĂ© sur ces diffĂ©rents points. Ainsi, unede ses PAC est parvenue Ă  alimenter une antennerelais de tĂ©lĂ©phonie mobile durant 10 000 heu-res en continu. En outre, ses travaux ont permisde rĂ©duire leur coĂ»t de fabrication par dix, pouraboutir Ă  une fourchette de 5000 Ă  10000 euros

par kilowatt. Sur cette thĂ©matique, plusieurs pis-tes d’amĂ©lioration sont explorĂ©es par H2E. Pourle cƓur de la pile, nos travaux s’orientent parexemple sur la diminution de la quantitĂ© de pla-tine, et la recherche de nouveaux matĂ©riaux pourles plaques bipolaires 5.

Les recherches se concentrent aussi sur lestechnologies de stockage de l’hydrogĂšne...D.B. : Tout Ă  fait. L’objectif est de mettre aupoint des bouteilles et rĂ©servoirs Ă  forte densitĂ©de stockage qui allient rĂ©sistance, sĂ©curitĂ©, lĂ©gĂš-

retĂ© et ergonomie. Ainsi, nousmisons sur le stockage sousforme gazeuse Ă  haute pres-sion (350 Ă  700bars), supportĂ©par des matĂ©riaux compositesen fibre de carbone. Enfin,nous allons dĂ©velopper les tech-nologies permettant de pro-duire de l’hydrogĂšne par Ă©lec-trolyse, Ă  partir d’électricitĂ©d’origine Ă©olienne et photo-voltaĂŻque. À l’heure actuelle,l’hydrogĂšne est majoritaire-ment obtenu par transforma-tion du gaz naturel. Mais dĂ©jĂ ,si l’on regarde l’ensemble ducycle de vie, la propulsion devĂ©hicules par une PAC permetde diviser jusqu’à un facteurdeux les Ă©missions de CO2 parrapport aux carburants pĂ©tro-liers. Face Ă  la rarĂ©faction desressources fossiles annoncĂ©e, Ă l’essor de la demande Ă©nergĂ©-tique et au rĂ©chauffement cli-matique, l’hydrogĂšne-Ă©nergieest donc vraiment une des solu-tions pour l’avenir.

Le programme H2E a-t-ild’autres objectifs?D.B. : Le programme contri-buera aussi Ă  l’adaptation dela rĂ©glementation sur l’hydro-gĂšne pour encadrer ces appli-cations Ă©nergĂ©tiques. À partir

des rĂ©sultats des travaux qui seront menĂ©s, lesautoritĂ©s dĂ©finiront les normes en matiĂšre desĂ©curitĂ© d’utilisation. Sur ce point, le programme

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

INNOVATION 15

L a guerre chimique qui fait rage entreorganismes marins pourrait sauver desvies humaines. C’est l’espoir des parte-

naires, dont le CNRS, du projet Pharmasea quivient d’ĂȘtre labellisĂ© par le pĂŽle de compĂ©titi-vitĂ© Mer Bretagne. Son ambition : s’attaquerĂ  la maladie d’Alzheimer Ă  l’aide de molĂ©cu-les d’origine marine. En particulier en dĂ©ve-loppant un nouveau modĂšle d’étude de lamaladie sur la souris et en recherchant untraitement.Les membres de Pharmasea – deux PME etquatre centres de recherche acadĂ©miques 1 –ne partent Ă©videmment pas de zĂ©ro. Le porteurdu projet n’est autre que la jeune entrepriseManRos Therapeutics 2, cofondĂ©e en 2007par le biologiste Laurent Meijer, du labora-toire « Phosphorylation de protĂ©ines et patho-logies humaines » 3 de la Station biologique deRoscoff, et HervĂ© Galons, chimiste Ă  l’uni-versitĂ© Paris-V. L’équipe CNRS de LaurentMeijer Ă©tudie depuis plusieurs annĂ©es les ver-tus antitumorales ou antineurodĂ©gĂ©nĂ©rativesde molĂ©cules sĂ©crĂ©tĂ©es par les Ă©ponges et lesascidies, des invertĂ©brĂ©s marins, pour Ă©loi-gner leurs prĂ©dateurs. Chez l’humain, cesmolĂ©cules sont susceptibles d’agir sur les pro-tĂ©ines kinases, capitales dans la vie et la mortdes cellules. Ces recherches ont menĂ© Ă  ladĂ©couverte de la roscovitine, une molĂ©culeaujourd’hui brevetĂ©e par le CNRS et testĂ©een phase clinique contre le glaucome, cettepathologie oculaire pouvant conduire Ă  laperte de la vue, et deux types de cancers. C’est justement pour donner un coup de fouetaux travaux sur ces molĂ©cules que LaurentMeijer, associĂ© Ă  HervĂ© Galons, a crĂ©Ă© ManRosTherapeutics 4. Une petite sociĂ©tĂ© qui entendtriompher avec « vitesse et souplesse », commele prĂ©cise Laurent Meijer, des obstacles admi-nistratifs et financiers liĂ©s Ă  la recherche phar-maceutique. Pour l’instant, ManRos Thera-peutics teste quatre familles de molĂ©cules

marines en phase prĂ©-clinique (sur des enzymes,des cellules ou des ani-maux) contre la maladied’Alzheimer donc, maisaussi contre les cancers,les leucĂ©mies et la poly-kystose rĂ©nale. Ensuite viendront –peut-ĂȘtre–les essais sur l’humain.La sociĂ©tĂ©, qui compte huit employĂ©s (biolo-gistes ou chimistes), a acquis les licences d’ex-ploitation de ces molĂ©cules auprĂšs du CNRSqui, propriĂ©taire des brevets, profitera despossibles « retombĂ©es ». « Le but, Ă  ManRos, cen’est pas de gagner de l’argent. Le vrai bonheur,c’est de trouver de nouveaux traitements », expli-cite Laurent Meijer. Et l’ambition est affir-mĂ©e. ManRos Therapeutics espĂšre se dĂ©ve-lopper des deux cĂŽtĂ©s de l’Atlantique, commele laisse deviner son nom : « Man » pourManhattan et « Ros » pour Roscoff. L’im-plantation aux États-Unis (oĂč se trouvent denombreux investisseurs), au mĂȘme titre queles distinctions et les articles de presse– ManRos figure parmi les 100 start-up « lesplus prometteuses » de France dans un rĂ©centmagazine Ă©conomique 5 – devrait faciliter laquĂȘte de financements. Notamment pour desprojets ambitieux comme Pharmasea.

Mathieu Hautemulle

1. ManRos Therapeutics / C.RIS Pharma / CNRS /universitĂ© Rennes-I / universitĂ© Paris-V / CEA. 2. www.manros-therapeutics.com3. UnitĂ© de service et de recherche CNRS.4. Laurent Meijer a saisi l’opportunitĂ©, offerte auxchercheurs du CNRS par la loi AllĂšgre sur l’innovationet la recherche, de consacrer Ă  l’économie 20% de sontemps de travail.5. Capital, aoĂ»t 2009.

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s’attelle d’ailleurs au dĂ©veloppement de techno-logies sĂ»res, notamment pour les dispositifs deconnexion des bouteilles d’hydrogĂšne. Enfin,H2E mettra en place des dĂ©monstrations gran-deur nature et des actions pĂ©dagogiques afin defamiliariser le plus large public avec ce nouveauvecteur d’énergie propre.

Propos recueillis par Jean-Philippe Braly

1. Air Liquide est le leader mondial des gaz pour l’industrie,la santĂ© et l’environnement. La sociĂ©tĂ© produit7 milliards de m3 d’hydrogĂšne par an, contribuant pour1,2 milliard d’euros Ă  son chiffre d’affaires.2. Dispositif Ă©lectrochimique qui transforme directementen Ă©lectricitĂ© l’énergie contenue dans la molĂ©culed’hydrogĂšne. La PAC ne rejette que de l’eau, sans aucuneĂ©mission de CO2.3. Une flotte est dite captive lorsque les vĂ©hicules qui lacomposent s’approvisionnent en carburant, en Ă©nergie,dans un lieu qui lui est propre et non dans des stationspubliques. 4. Parmi eux : Axane, HĂ©lion, Composites Aquitaine,Vicarb, Imphy Alloys, des PME, l’Institut de soudure, leCEA, l’Ineris et le CNRS.5. Les plaques bipolaires assurent la conduction desĂ©lectrons.

PROGRAMME

INNOVATION Entretien

Air Liquide1 pilote depuis fin 2008 le programme « Horizon hydrogĂšne Ă©nergie »auquel participe le CNRS. Objectif : dĂ©velopper et commercialiser les premiĂšresapplications de l’énergie provenant de l’hydrogĂšne. Dominique Bernal, directeur destechnologies avancĂ©es du groupe, expose les dĂ©fis Ă  relever.

BRÈVE

Les 5 et 6novembreprochains, chercheurset industriels seretrouveront Ă  OrlĂ©anspour partager leurssavoirs concernant le verre, ce matĂ©riau si prĂ©sent au quotidienet en perpĂ©tuelleĂ©volution. Lors desjournĂ©es Verre 2009,organisĂ©es par l’Unionpour la science et latechnologie verriĂšres,les professionnelsĂ©changeront ainsiautour destechnologies utilisĂ©espar l’industrie, et desavancĂ©es rĂ©centes surla physique des verres.Par exemple sur laconnaissance de la

structure du matĂ©riauen dessous del’échellenanomĂ©trique, sur lesvitrocĂ©ramiques, ouencore sur les verresdits exotiques.Autres sujets abordĂ©s,les dĂ©fis scientifiquespour des applicationscomme la vitrificationdes dĂ©chetsnuclĂ©aires.Le CNRS est partenairede cet Ă©vĂšnement, auxcĂŽtĂ©s d’acteurs de larecherche (CEA,universitĂ© d’OrlĂ©ans,etc.), et d’industriels(Saint-Gobain,Baccarat, etc.).

> Pour en savoir plus :http://verre2009.cnrs-orleans.fr/

Deux journéespour le verre

CONTACTÔ Laurent MeijerStation biologique de [email protected]

L’éponge axinelle,source potentiellede molĂ©culesbioactives, dansson milieu naturelen Bretagne.

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Un remĂšde venu du fond des mersALZHEIMER

Avec huit laboratoires impliquĂ©s1, le CNRS est l’un despartenaires majeurs du programme H2E. À titre d’exemple, leLaboratoire d’énergĂ©tique et de mĂ©canique thĂ©orique etappliquĂ©e (Lemta2) travaillera Ă  l’amĂ©lioration de la partieactive des piles Ă  combustibles (PAC) : « Notre unitĂ© varecevoir un million d’euros de l’Etat pour apporter auprogramme son expertise dans la conception,l’instrumentation et l’analyse du fonctionnement des PAC,prĂ©cise Olivier Lottin, chercheur au Lemta. Nos travauxpourraient gĂ©nĂ©rer le dĂ©pĂŽt de brevets. En outre, cepartenariat nous permet d’entrer en contact avec lesindustriels internationaux Ă  la pointe du domaine. »Deux autres laboratoires impliquant le CNRS travaillentaussi sur les PAC, trois sur les matĂ©riaux composites pour le stockage de l’hydrogĂšne et deux sur les aspects liĂ©s Ă  la sĂ©curitĂ© d’utilisation. Plus gĂ©nĂ©ralement, Air Liquide et le CNRS ont plus d’une cinquantaine de

collaborations en cours dans le cadre d’un partenariatconclu en 2002.

J-P. B.

1. Institut pluridisciplinaire de recherche sur l’environnement et les matĂ©riaux ; Laboratoire de mĂ©canique physique ; Laboratoire de mĂ©canique

et de physique des matĂ©riaux ; Laboratoire d’étudesthermiques ; Laboratoire d’énergĂ©tique et de mĂ©canique

thĂ©orique et appliquĂ©e ; Laboratoire d’électrochimie et de physicochimie des matĂ©riaux et des interfaces ;

Laboratoire matériaux organiques à propriétés spécifiques ;Laboratoire de combustion et de détonique.2. Laboratoire CNRS, Nancy Université.

Contact : Olivier Lottin, [email protected]

LE CNRS MOBILISÉ CONTACTÔ Dominique BernalAir [email protected]

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

Fauteuil mĂ©dicalisĂ©fonctionnant avec une pile Ă  combustibleet de l’hydrogĂšne.

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HydrogĂšne : une Ă©nergie durable pour l’avenir

Page 9: Les promesses

la diffĂ©rence entre un psychologue et un psychiatre 3. Ensuite, en raison desreprĂ©sentations qu’elles ont sur la dĂ©pression :certes, 85 % d’enquĂȘtĂ©s la considĂšrent biencomme une maladie. Mais pour un tiers des rĂ©pondants – qui lui prĂȘtent des causesbiologiques – elle se soigne avant tout parantidĂ©presseurs. Seulement un quart desrĂ©pondants – qui la considĂšrent plutĂŽt liĂ©e Ă  des causes psycho-sociales – privilĂ©gieraientla psychothĂ©rapie. Enfin, moins d’un quartpensent qu’on peut s’en sortir tout seul.

En quoi cette enquĂȘte peut-elle faire Ă©voluer la situation?X.B. : Nous avons, grĂące Ă  cette consultation etnotamment Ă  son volet sur les reprĂ©sentationsde la population sur la dĂ©pression, conçu lapremiĂšre campagne française d’informationsur le thĂšme 4 en novembre 2007. Un livretgrand public met ainsi l’accent sur l’efficacitĂ©de la psychothĂ©rapie. Par ailleurs, notre travail montre qu’il faut adapter les « soins » Ă  chaque individu, en instaurant

des stratĂ©gies thĂ©rapeutiques mĂ©dico-psychologiques bien sĂ»r, mais aussi sociales,notamment sur le terrainprofessionnel. Et tenter,en amont, d’amĂ©liorer lesconditions de vie, d’éducation,de travail ou de parentalitĂ©,pour faire en sorte que

la dépression ne se déclenche pas. Car mieux vaut prévenir que (tenter de) guérir


Propos recueillis par Stéphanie Arc

1. Centre CNRS / Inserm / UniversitĂ© Paris-V.2. Xavier Briffault a codirigĂ©, avec BĂ©atrice Lamboy, de l’Inpes, l’enquĂȘte menĂ©e de 2005 Ă  2008 sur6 500 personnes qui a donnĂ© lieu Ă  l’ouvrage intitulĂ© La dĂ©pression en France : enquĂȘte Anadep 2005, Ă©d. Inpes, coll. Études santĂ©.3. Le premier possĂšde une formation universitairespĂ©cialisĂ©e en psychologie (niveau bac + 5), le second est un mĂ©decin spĂ©cialisĂ©.4. www.info-depression.fr.

La plus grande enquĂȘte menĂ©e au sein de la population 2 et dĂ©diĂ©e Ă  la dĂ©pression en France vient d’ĂȘtre publiĂ©e par l’Institutnational de prĂ©vention et d’éducation pour la santĂ© (Inpes). Ce trouble est-il trĂšs rĂ©pandu? Xavier Briffault : Oui, puisque selon notreĂ©tude, prĂšs de 18 % des Français ont prĂ©sentĂ©,au cours de leur vie, un « Ă©pisode dĂ©pressifmajeur » (EDM), sĂ©vĂšre pour 50 % d’entreeux. Chaque annĂ©e, environ 2 millions de Français connaissent un tel Ă©pisode. Et il ne s’agit pas d’« un coup de blues ». La « dĂ©pression », telle qu’elle est dĂ©finie dansnotre enquĂȘte, se traduit soit par une tristesseet un dĂ©sespoir profonds, soit par une pertetotale d’intĂ©rĂȘt et de plaisir. Et au minimumpar quatre des symptĂŽmes suivants : fatigue extrĂȘme, ralentissementpsychomoteur, perte ou prise de poidsimportantes, insomnies rĂ©currentes, pensĂ©esmorbides, idĂ©es suicidaires
 Le tout durant au moins deux semaines, tous les jours, toute la journĂ©e. Elle entraĂźne aussi uneperturbation des activitĂ©s habituelles ou bienune souffrance cliniquement significative.Cela dit, il n’y a pas d’épidĂ©mie de dĂ©pressionen France : ces chiffres n’ont guĂšre variĂ©depuis vingt ans, et s’avĂšrent sensiblement les mĂȘmes dans tous les pays occidentaux.

Quelles sont les personnes les plus touchĂ©es?X.B. : Tout le monde, Ă  tout Ăąge, peut ĂȘtreconcernĂ© par un Ă©pisode dĂ©pressif
 Mais il est vrai que les femmes sont deux foisplus souvent touchĂ©es que les hommes. LadĂ©pression est en effet liĂ©e Ă  certains facteursde risques : le fait d’avoir eu des parents en conflit, humiliants, peu aimants, ou encoreincestueux, d’avoir Ă©tĂ© victime d’agressionsexuelle ou de violence physique et morale,

d’avoir rencontrĂ© des difficultĂ©s d’accĂšs aux Ă©tudes, de connaĂźtre le chĂŽmage ou la prĂ©caritĂ© professionnelle, la dĂ©pendancefinanciĂšre ou d’avoir Ă  charge d’élever un grand nombre d’enfants. Or plus souventque les hommes, les femmes sont exposĂ©es Ă  nombre de ces risques. Elles seront donc23 % Ă  vivre un EDM au cours de leur vie,contre 12 % des hommes.

Ces Français et Françaises qui souffrent de dĂ©pression ont-ils recours aux soins?X.B. : Assez peu, et souvent pas de la façon laplus adĂ©quate
 Ainsi, un tiers de ceux qui ont vĂ©cu un Ă©pisode dĂ©pressif n’ontjamais consultĂ© de professionnel« pour raison de santĂ© mentale ».Ce sont les femmes ainsi que lespersonnes plus diplĂŽmĂ©es, decatĂ©gories sociales plus Ă©levĂ©es,qui y ont davantage recours. Parmiceux qui consultent, 31 % vontuniquement voir un gĂ©nĂ©raliste.Quant aux traitements, ce sont les mĂ©dicaments (antidĂ©presseurs, somnifĂšres, anxiolytiques
)qui l’emportent (52 % des cas) face Ă  la psychothĂ©rapie (26 %). Or, selon les recommandations internationales, celle-ci devrait ĂȘtre un traitement de base,particuliĂšrement pour les dĂ©pressions peusĂ©vĂšres. C’est ainsi davantage le cas dansd’autres pays europĂ©ens tels que les Pays-Bas,oĂč la psychothĂ©rapie est mieux valorisĂ©e.

Pourquoi cette rĂ©ticence Ă  aller voir un « psy »?X.B. : D’abord, parce qu’une large majoritĂ© de personnes pensent qu’une thĂ©rapie s’avĂšrelongue et coĂ»teuse. Et elles ont du mal Ă  savoirqui fait quoi
 La moitiĂ© des personnesinterrogĂ©es dĂ©clare ne pas connaĂźtre

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

Xavier Briffault, chercheur en sociologie et épidémiologie de la santé mentaleau Centre de recherche « Psychotropes, santé mentale, société » (Cesames) 1

La dépressionen mal de thérapies

PAROLED’EXPERT16

CONTACTÔ Xavier BriffaultCentre de recherche « Psychotropes, santĂ© mentale, sociĂ©tĂ© » (Cesames), [email protected]

«Il n’y a pasd’épidĂ©mie de dĂ©pression en France.»

ont modulĂ© le systĂšme biologique avec des choixzootechniques. » En d’autres termes, elle veutdistinguer, dans le processus d’évolution des animaux domestiques, ce qui relĂšve de l’environnement ou du facteur humain.Comment cette jeune femme de 36 ans est-elledevenue une spĂ©cialiste reconnue de l’élevageprĂ©historique ? AprĂšs des Ă©tudes d’archĂ©ologie,Marie s’initie Ă  l’archĂ©ozoologie et passe un doctorat en sciences de la Terre Ă  l’universitĂ© Paris-VI oĂč elle apprend

les techniques d’analyse isotopique des restes osseux. Depuis, elle conjugue

les deux disciplines. « Mes recherchesrelÚvent des sciences humaines et sociales,

mes méthodes des sciences de la Terre »,précise-t-elle. Elle entre au CNRS en2001 et applique ses connaissancestechniques aux problÚmesarchéozoologiques. Elle y excelle,

Ă  tel point qu’elle reçoit dĂšs 2005la mĂ©daille de bronze du CNRS.TrĂšs vite, elle se spĂ©cialise dans

l’étude des pratiques d’élevageau NĂ©olithique. Les Ă©levages

européens du XXIe siÚcle résultentde savoir-faire plurimillénaires.

Le mouton, la chĂšvre, le bƓuf et le porc ont Ă©tĂ© domestiquĂ©s

vers 8 500 av. J.-C. dans les montagnesanatoliennes, dans l’actuelle Turquie. La

plupart des populations animalesdomestiques européennes

du Néolithique descendent de ces premiÚres lignées.Mais leur diffusion hors de leur niche écologiquenaturelle implique parfoisdes modifications de leurcomportement alimentaireet reproductif. Ce sont ces modifications que lascientifique veut décrypter.

Mùchoires récentes de petits cochonscorses voisinant une caisse de dentsde bovins vieilles de 8 000 ans
 Il rÚgne dans le bureau de Marie

Balasse un joyeux dĂ©sordre. Et pas le moindresigne extĂ©rieur de richesse. Pourtant, la jeunechercheuse du laboratoire « ArchĂ©ozoologie,archĂ©obotanique : sociĂ©tĂ©s, pratiques etenvironnements » 1, Ă  Paris, a gagnĂ© l’annĂ©ederniĂšre une bourse europĂ©enne de prĂšs de900 000 euros destinĂ©e Ă  financer son projetsur cinq ans 2. La voici Ă  la tĂȘte d’une Ă©quipe de huit personnes avec des crĂ©dits Ă  gĂ©rer, desmissions et des salaires Ă  prĂ©voir, des rĂ©sultatsĂ  publier et des comptes Ă  rendre tous les18 mois. Son projet ? Étudier les techniquesd’élevage des sociĂ©tĂ©s prĂ©historiques. PlusprĂ©cisĂ©ment, elle souhaite « Ă©valuer lescontraintes environnementales et physiologiques de l’élevage en Europe et dĂ©terminer dansquelle mesureles Ă©leveurs duNĂ©olithique 3

JEUNESCHERCHEURS 17

Comment retrouver les conditions de vied’animaux disparus depuis si longtemps ? À cĂŽtĂ© des mĂ©thodes d’ostĂ©ologie classique, il existe un tĂ©moin dĂ©cisif : les dents. « Unedent de chĂšvre, mĂȘme vieille de 9000 ans, dĂ©tientdes informations prĂ©cieuses », explique-t-elle.L’émail dentaire garde en effet en mĂ©moire la pĂ©riode de croissance de l’animal, depuis la saison de sa naissance jusqu’à ses phases de lactation ou de transhumance, en passantpar ses stress nutritionnels. Encore faut-ilsavoir le faire parler. Cette enquĂȘte reposenotamment sur des analyses isotopiques trĂšsfines et un matĂ©riel de pointe, que la rĂ©centebourse a permis au MNHN d’acquĂ©rir.Aujourd’hui, le projet de Marie Balasse et deson Ă©quipe, baptisĂ© Sianhe, comporte troisvolets. D’abord l’étude de la gestion alimentairedes troupeaux du VIIe au IIIe millĂ©naire avantnotre Ăšre : les isotopes stables du carbonerĂ©vĂšlent la nature de la nourriture, terrestre ou marine. Parmi les animaux examinĂ©s, les Ă©tonnants moutons de l’archipel des Orcades, au Nord de l’Écosse. Nourrisexclusivement d’algues – qu’ils vont parfoischercher Ă  la nage–, ces moutons prĂ©sententdes adaptations physiologiques qui entraventaujourd’hui leur retour sur des pĂąturesterrestres. Une piste du projet est d’étudier, en comparant des dents fossiles et des donnĂ©esactuelles, l’anciennetĂ© de ces adaptations, peut-ĂȘtre liĂ©e Ă  celle de cette pratique. Les chercheurs s’intĂ©resseront en deuxiĂšmelieu au contrĂŽle de la reproduction et Ă  lasaisonnalitĂ© des naissances au NĂ©olithique.Pour cela, ils analyseront cette fois les isotopesstables de l’oxygĂšne dans des restes dentairesde moutons, bovins et cochons issus dediffĂ©rents sites europĂ©ens. Enfin, ils Ă©tudieront,grĂące aux isotopes stables de l’azote, la durĂ©e de lactation chez les bovins au NĂ©olithiquemoyen, essentiellement dans le sud de laFrance et en Roumanie. On le voit, le projet deMarie Balasse recĂšle une multitude de facettes.Un challenge qu’elle aborde avec sĂ©rĂ©nitĂ©.

Françoise TristaniÔ Retrouvez les « Talents » du CNRS surwww.cnrs.fr/fr/recherche/prix.htm

1. Laboratoire CNRS / MusĂ©um national d’histoirenaturelle.2. La bourse Starting Independent Investigator Grants, lancĂ©e par le Conseil europĂ©en de la recherche (ERC),rĂ©compense 300 jeunes chercheurs europĂ©ens sĂ©lectionnĂ©sparmi plus de 9 000 candidatures.3. Le NĂ©olithique est apparu Ă  des Ă©poques diffĂ©rentes selon les endroits : il y a environ 9 000 ans au Moyen-Orient, il y a 3 000 ans en AmĂ©rique du Nord.

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

Marie BalasseCroque l’élevage Ă  pleines dents

CONTACTÔ Marie BalasseLaboratoire « ArchĂ©ozoologie, archĂ©obotanique :sociĂ©tĂ©s, pratiques et environnements », [email protected]

« Mes recherchesrelÚvent des scienceshumaines et sociales,mes méthodes dessciences de la Terre. »

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Page 10: Les promesses

Elles courent, elles courent, lesnanosciences et les nanotechno-logies, au point de s’imposeraujourd’hui parmi les domainesprioritaires de la recherche et de

l’innovation en Europe, aux États-Unis et enAsie. Et comme un pan de plus en plus majeurde l’économie planĂ©taire. EstimĂ© actuellementĂ  100 milliards d’euros, le marchĂ© internatio-nal des nanos, prĂ©voient les analystes, devraitfranchir la barre des 1 700 milliards d’euros en2014 et reprĂ©senter 15% de la production manu-facturiĂšre mondiale ! Le temps des dĂ©buts incer-tains semble loin, quand le physicien amĂ©ri-cain Richard Feynman affirmait en 1959, dansune confĂ©rence provocatrice, que l’on pourraitĂ©crire toute l’Encyclopaedia Britannica dans unetĂȘte d’épingle et rĂ©sumait sa vision de l’aveniren une formule prophĂ©tique : « There is plentyof room at the bottom » 1. AprĂšs s’ĂȘtre dĂ©veloppĂ©es dans les labos, lesnanos n’en finissent pas d’étonner et font dĂ©jĂ largement partie de la vie courante, qu’il s’agissede la nanoĂ©lectronique omniprĂ©sente dans l’in-formatique, de l’encapsulation de mĂ©dicamentsdans des nanoparticules ou des nanodispositifs

pour l’analyse et le diagnostic mĂ©dical. Sansoublier les revĂȘtements nanostructurĂ©s Ă  base denitrure de titane pour augmenter la durĂ©e devie des outils de coupe, la nanofiltration deseaux usĂ©es, les nanocristaux d’argent dans lespansements pour constituer une barriĂšre anti-microbienne, les nanoparticules inorganiquesintĂ©grĂ©es comme additifs dans les peinturespour accroĂźtre leur rĂ©sistance Ă  l’abrasion, lesnanocatalyseurs, les emballages nanocomposi-tes et tutti quanti. « Dans cette course Ă  la minia-turisation, l’électronique Ă©tait sans doute la disciplinela plus Ă  la pointe il y a cinq ans, commente Jean-Michel Lourtioz, directeur de l’Institut d’élec-tronique fondamentale (IEF) 2. Aujourd’hui, lesrecherches mariant les micro- et nanotechnologiesĂ  la biologie et Ă  la mĂ©decine suscitent une moti-vation comparable, et contribuent Ă  des progrĂšs trĂšsimportants dans ces deux domaines. »

CE QUE CACHE LE TOUT NANOMais au fait, de quoi parle-t-on, au juste ? Lesnanosciences « visent Ă  l’exploration des propriĂ©-tĂ©s physiques, chimiques et mĂ©caniques nouvelles quemanifeste la matiĂšre Ă  l’échelle du milliardiĂšme demĂštre, et les nanotechnologies Ă  leur mise en

L’ENQUÊTE18 L’ENQUÊTE 19

Il y a tout juste quatre ans, Le journal du CNRS consacrait sa une Ă  l’essor fulgurantdes nanosciences et des nanotechnologies qui, cela ne faisait guĂšre de doute,allaient rĂ©volutionner de nombreux domaines dont la mĂ©decine et l’électronique.Alors qu’en est-il aujourd’hui? Les applications sont-elles au rendez-vous? Dans quels domaines? Y a-t-il eu des Ă©checs? Quels sont les nouveaux dĂ©fis pour la recherche? Comment s’est positionnĂ©e la France dans ce secteur Ă  la croissance exponentielle? Pour le lancement ce mois-ci du grand dĂ©bat sur les nanotechnologies organisĂ© par la Commission nationale du dĂ©bat public(CNDP), nous avons voulu dresser un bilan d’étape. Verdict : les nanossemblent bel et bien tenir leurs promesses
 Dossier rĂ©alisĂ© par Philippe Testard-VaillantLES PROMESSES TENUES

DES NANOS

Couverture du Journaldu CNRS d’octobre2005. Quatre ansaprĂšs, oĂč en sont les nanos?

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009 Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

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Les nanotechnologies font dĂ©jĂ  partie de la viecourante. Les nanotubes de carbone, par exemple,sont employĂ©s pour rĂ©aliserdes clubs et des balles de golf ou des cadres de vĂ©lo. Mais les nanos sont aussi prĂ©sentes dans des produitscosmĂ©tiques (crĂšmes solaires, anti-vieillissement
), les pneumatiques,l’électronique, les peintureset les vernis, les systĂšmesantibactĂ©riens de certainslave-linge


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Page 11: Les promesses

le dĂ©pĂŽt de brevets. Or, sans une rĂ©action d’envergure,face Ă  de nouveaux entrants redoutablement per-formants (TaĂŻwan, CorĂ©e du Sud, Singapour, IsraĂ«l,Russie
), nous serons progressivement distancĂ©sdu peloton des nations qui ambitionnent de jouer unrĂŽle de premier plan, au niveau mondial, dans l’ex-ploitation Ă©conomique des nanotechnologies. » D’oĂč le lancement, en mai dernier, du planNano-Innov. DotĂ© dĂšs cette annĂ©e d’un budgetde 70 millions d’euros gĂ©rĂ© par l’Agence natio-

nale de la recherche (ANR) et dĂ©jĂ  garanti pour2010, ce programme repose sur la crĂ©ation detrois grands centres d’intĂ©gration technologiquesĂ  Saclay, en rĂ©gion parisienne, Toulouse etGrenoble. « Ces trois pĂŽles complĂ©mentaires vontpermettre, pour la premiĂšre fois dans ce domaine-clĂ©, d’associer intimement recherche scientifique etdĂ©veloppement industriel », insiste Pierre Guillon,directeur de l’Institut des sciences et technolo-gies de l’information et de l’ingĂ©nierie (INST2I).

L’objectif n’est pas du tout d’arrĂȘter de faire desnanosciences, mais de « sensibiliser un certainnombre d’équipes acadĂ©miques de trĂšs haut niveauaux aspects applicatifs de leurs travaux », ren-chĂ©rit Alain Costes. À terme, chaque centred’intĂ©gration disposera d’équipements mutua-lisĂ©s couvrant tout le spectre des nanotechno-logies, et se trouvera ainsi dans les meilleuresconditions pour travailler main dans la mainavec l’industrie.

LA FRANCE, PLUS NANOSCIENCESQUE NANOTECHNOLOGIELa place de la France dans la compĂ©tition inter-nationale trĂšs agressive que se livrent les prin-cipaux acteurs du secteur ? Avec quelque3500 publications sur le thĂšme par an, l’HexagonedĂ©croche une trĂšs honorable cinquiĂšme placederriĂšre les États-Unis, le Japon, la Chine etl’Allemagne. Du cĂŽtĂ© de la recherche technolo-

gique, l’élĂšve tricolore occupe en revanche unrang bien plus modeste (moins de 2 % des bre-vets mondiaux). Dans ce domaine, « notre paysfigure dans la catĂ©gorie des tours d’ivoire, dit AlainCostes, du Laboratoire d’analyse et d’architec-ture des systĂšmes (Laas) du CNRS. Cela signifieque nous avons des difficultĂ©s Ă  transformer les rĂ©sul-tats de notre recherche scientifique en innovationstechniques porteuses de croissance Ă©conomique, via

DĂ©jĂ , une dizaine denanomĂ©dicaments, concernantnotamment le traitement du cancer(Endorem, Caelyx, Doxil
) et de mycoses profondes(Ambisome), sont sur le marchĂ©. Ces nanoparticules soixante-dix foisplus petites qu’un globule rouge et biodĂ©gradables peuvent dĂ©livrerleurs principes actifs Ă  un organe, un tissu ou une cellule malade. Celles de premiĂšre gĂ©nĂ©ration sont reconnues par l’organismecomme des corps Ă©trangers et doncĂ©liminĂ©es via le foie. Elles s’avĂšrentdonc trĂšs utiles, mais uniquement pour les pathologies hĂ©patiques. La deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration, dite furtiveparce que recouverte de polymĂšreshydrophiles et flexibles la rendantinvisible au systĂšme immunitaire, a pu Ă©tendre les indications.SĂ©journant beaucoup plus longtemps dans la circulation sanguine gĂ©nĂ©rale, ces nanovecteurs peuvent traiter d’autrespathologies comme les maladiesdĂ©gĂ©nĂ©ratives cĂ©rĂ©brales.

L’heure est aux vecteurs de troisiĂšme gĂ©nĂ©ration. Leur avantage? « On peutĂ©quiper ces nanotransporteursde “tĂȘtes chercheuses »(vitamines, hormones,anticorps, peptides
) qui vont reconnaĂźtre de maniĂšre

sĂ©lective les cellules pathologiques cibles »,se fĂ©licite Patrick Couvreur, directeur dulaboratoire « Physicochimie, pharmacotechnie,biopharmacie »1. Autre avantage de cesmissiles hyperminiaturisĂ©s : en y intĂ©grant des nanoparticules mĂ©talliques, la libĂ©ration du mĂ©dicament, au lieu d’intervenir de maniĂšrepassive, au fil du temps, peut ĂȘtre activĂ©e Ă  volontĂ© par des ultrasons ou par chauffageradiofrĂ©quence. Une autre application des nanovecteurssemble trĂšs prometteuse. Il ne s’agirait plus de dĂ©livrer aux cellules des substancesmĂ©dicamenteuses mais des portions d’ADN.« Remplacer entiĂšrement un gĂšne dĂ©fectueuxou absent reste toujours extrĂȘmementproblĂ©matique, dit Patrick Couvreur.En revanche, les nanovecteurs pourrontacheminer de petits fragments d’acidesnuclĂ©iques afin d’inhiber l’expression d’un gĂšne cancĂ©reux ou viral. »

1. Laboratoire CNRS / Université Paris-XI.

Ô Patrick [email protected]

L’ENQUÊTE20 L’ENQUÊTE 21

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009 Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

Ɠuvre dans toutes sortes de produits finauxcommercialisables », rappelle Claude Weisbuch,du Laboratoire de Physique de la matiĂšrecondensĂ©e (PMC) 3. Pour crĂ©er du nano, il existedeux recettes : il y a d’abord l’approche des-cendante qui consiste Ă  rĂ©duire de maniĂšre pro-gressive la taille des objets pour pĂ©nĂ©trer infine dans la zone se situant en dessous de100 nm. Et l’approche inverse qui consiste Ă manipuler la matiĂšre atome par atome pourconstruire des nano-objets. Pour les « puristes »comme Christian Joachim, du Centre d’élabo-ration des matĂ©riaux et d’études structurales(Cemes) du CNRS, les nanotechnologies selimitent d’ailleurs Ă  cette derniĂšre voie : « LeurdĂ©finition est devenue beaucoup trop Ă©lastique et95 % de ce qui se dit nano relĂšve de l’abus de lan-gage. » Aux experts de vider cette querelle
 Toujours est-il que, s’agissant des constructionsatome par atome ou des expĂ©riences avec uneseule molĂ©cule, les prouesses se sont multi-pliĂ©es en cinq ans grĂące aux microscopes Ă  effettunnel (STM) et Ă  force atomique (AFM)4. « TrĂšsrĂ©cemment, s’enthousiasme Christian Joachim,des chercheurs du centre de recherche d’IBMResearch Ă  Zurich sont parvenus Ă  cartographierles liaisons chimiques Ă  l’intĂ©rieur mĂȘme d’unemolĂ©cule de pentacĂšne. » Un peu comme uneradio permet de voir Ă  l’intĂ©rieur du corpshumain. Les avancĂ©es les plus fascinantesconcernent toutefois la mĂ©canique. « Noussavons fabriquer des molĂ©cules-moteurs, desmolĂ©cules-engrenages, des molĂ©cules-brouettes, etc.,dont les dimensions font 1 Ă  2 nanomĂštres. Il y amĂȘme en ce moment un petit concours sur la pla-nĂšte pour construire la premiĂšre molĂ©cule-voitureĂ©quipĂ©e de quatre roues et d’un moteur ! Personnene peut dire Ă  quelles applications pourraient ser-vir ces molĂ©cules-machines. Mais ces travaux nousapprennent dĂ©jĂ  les rĂšgles de conception de machi-neries ou de circuits dans une seule molĂ©cule. »

Les liposomes, des vĂ©sicules dequelques dizaines Ă quelques centainesde nanomĂštres,constituentd’excellentsnanovecteurs de mĂ©dicaments.

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DES MÉDICAMENTSde prĂ©cision

Incubation denanomĂ©dicamentsavec des cellulescancĂ©reuses de souris. L’objectif de cette rechercheest la dĂ©couverted'un nouveaumĂ©dicamentanticancĂ©reux.

Nul besoin d’une boule de cristal pour prĂ©dire que les diodesĂ©lectroluminescentes (LED), Ă  base de matĂ©riaux semi-conducteurs,essentiellement le nitrure de gallium,s’apprĂȘtent Ă  envahir notre quotidien.C’est dĂ©jĂ  fait. Pas un mois ne passe sans que des ingĂ©nieurs ne leur trouventune nouvelle utilitĂ© dans les tĂ©lĂ©viseurs et les tĂ©lĂ©commandes, les automobiles ou les tĂ©lĂ©phones portables, pour l’éclairage public ou domestique « On cherche actuellement Ă  y incorporerdes nanocristaux au lieu des couches“classiques” convertissant le bleu en jaune comme dans les tubesfluorescents (les nĂ©ons) », explique Jean-Yves Duboz, directeur du Centre de recherche sur l’hĂ©tĂ©roĂ©pitaxie et ses applications (CRHEA) du CNRS. En effet, ces nanocristaux, quand ils sonttraversĂ©s par des Ă©lectrons (un courantĂ©lectrique), Ă©mettent des photons (de la lumiĂšre). Seulement, les photonsĂ©mis peuvent, selon leur taille, ĂȘtresource de diffĂ©rentes couleurs.

« Pour obtenir un Ă©clairage blanc, on“mĂ©lange” astucieusement des photonsrouges, bleus et verts, ce qui suppose decoupler trois LED, dit Jean-Yves Duboz.Pour notre part, nous essayons de mettreau point des LED n’utilisant qu’un seulcristal capable d’émettre directementtoutes les couleurs. Pour cela, nous y insĂ©rons des Ă©lĂ©ments nanomĂ©triques,des espĂšces de “grumeaux” de taillevariĂ©e Ă©mettant qui du bleu, qui du vert,qui du rouge
, et produisant, Ă  eux tous,de la lumiĂšreblanche. C’est la solution idĂ©ale sur le papier. MĂȘme,si pour le moment,nos LED manquentde puissance. »

Les cristauxphotoniquespourraient permettrebientĂŽt d’amĂ©liorerl’efficacitĂ© des LED.

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LES NANOLUMIÈRESbrillent de mille feux

Quid du rendement des systĂšmesactuels? Franchement satisfaisant. Les LED blanches commercialisĂ©es Ă  ce jour affichent une efficacitĂ©lumineuse de 100 lumens 1 par watt(lm/W), contre 60 Ă  80 lm/W pour les lampes Ă  fluorescence et 16 lm/Wpour les ampoules Ă  incandescence.« Des prototypes frisent les 200 lm/W,poursuit Jean-Yves Duboz. Toutefois, les LED sont trĂšs efficaces quand elles fonctionnent sous faible courant.Mais aux plus forts courants qu’il faudraitpour assurer l’éclairage public et industriel Ă  coĂ»t rĂ©duit, leur efficacitĂ©chute encore un peu (75 lm/W). » Faire appel aux cristaux photoniques (des espĂšces de cages Ă  lumiĂšreconstituĂ©es d’un agencement pĂ©riodiquede nanostructures et fonctionnant grosso modo comme les panneauxcatadioptriques installĂ©s le long des routes) pourrait « amĂ©liorer la directionnalitĂ© des LED, autrement dit, les empĂȘcher de cracher

de la lumiĂšre dans toutes les directions »,renchĂ©rit Henri Benisty,du Laboratoire Charles-Fabry de l’Institut d’optique(LCFIO) 2.

1. Le lumen est l’unitĂ© de mesure du flux lumineux.2. UnitĂ© CNRS / UniversitĂ© Paris-XI.

Ô Jean-Yves [email protected]

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Observation Ă  l’aide d’un microscopeĂ©lectronique Ă  balayage de micro-disquesde nitrured’aluminium et de gallium, unsemi-conducteurutilisĂ© pourfabriquer des LED.

Page 12: Les promesses

L’ENQUÊTE22 L’ENQUÊTE 23

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009 Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

Le CNRS est un des grands acteurs de ceplan. Il faut dire qu’avec environ 170 labora-toires et prĂšs de 2 000 chercheurs impliquĂ©s,les nanos font incontestablement partie desprioritĂ©s scientifiques depuis plusieurs annĂ©es.Et la nouvelle organisation – prĂ©vue par leContrat d’objectifs 2009-2013 du CNRS avecl’État – vient d’en apporter une nouvelle preuve.Au centre de celle-ci, figurent en effet troisgrands PĂŽles interdisciplinaires, dont un bap-tisé  « Origine et maĂźtrise de la matiĂšre, Nano-sciences, Nanotechnologies ».

L’ÉTHIQUE EN QUESTIONMais tout en nourrissant de grands espoirs, tantses champs d’application sont vastes, l’infini-ment petit suscite en retour des craintes. « Lesnanos vĂ©hiculent leur lot de peurs, reconnaĂźt RobertPlana, du Laas. Leur avĂšnement intervient dans uncontexte global de contestation de la science et de latechnologie. S’il convient d’explorer les incertitudeset les risques associĂ©s aux nanotechnologies ainsi queles effets sur la sociĂ©tĂ©, il importe Ă©galement de ne pasagiter le chiffon rouge en criant : Alerte ! Alerte !avec une naĂŻvetĂ© scientifique confondante. »

Parmi les polĂ©miques, explique Claude Weis-buch, « certains affirment que l’on ne voit pas lesobjets des nanotechnologies et que l’on peut ĂȘtreexposĂ© sans le savoir ». Le plus souvent, en fait,ces objets ne seront pas accessibles sous leurforme nanomĂ©trique, mais dans un matĂ©riau-systĂšme Ă  l’échelle humaine, bien visible,comme par exemple un circuit intĂ©grĂ©. Parcontre, les nanotechnologies permettront d’ac-cĂ©der Ă  « des moyens qui poseront sans doute desproblĂšmes accrus en matiĂšre de protection des liber-tĂ©s individuelles et collectives, en facilitant destechniques dĂ©jĂ  prĂ©sentes : fichage gĂ©nĂ©tique desindividus, fichage informatique, surveillance desdĂ©placements
 ».Reste une question-clĂ© : la fabrication massivede matĂ©riaux nanostructurĂ©s par l’humain peut-elle faire craindre une invasion de nanoparti-cules non contrĂŽlĂ©es, certaines nĂ©fastes pour lasantĂ©, dans notre environnement ? Parmi lesprĂ©occupations sociĂ©tales liĂ©es Ă  la flambĂ©e desnanotechnologies, « ce problĂšme est certainementle plus mĂ©diatisĂ©, constate d’abord StĂ©phanieLacour, du Centre d’études sur la coopĂ©ration juri-dique internationale (CĂ©coji) 5. Un lien direct a Ă©tĂ©

Ă©tabli, dĂšs le dĂ©part, entre les nanotechnologies et lesprĂ©cĂ©dents de l’amiante et des biotechnologies, en par-ticulier des OGM » qui ont profondĂ©ment mar-quĂ© le public. Or, jusqu’à ces derniers mois, « iln’existait aucun texte juridique spĂ©cifique applica-ble aux nanotechnologies, ni en France ni au niveaueuropĂ©en, indique notre juriste. Les choses sonten train de bouger. En mars et avril 2009, leParlement europĂ©en a adoptĂ© deux rĂ©solutions surla prĂ©sence des nanomatĂ©riaux dans les produitscosmĂ©tiques et dans les aliments. Et la Loi Grenelle,dont l’article 42 cible les risques liĂ©s aux nanopar-ticules, a Ă©tĂ© promulguĂ©e le 3aoĂ»t dernier. »Surtout, une nouvelle discipline prend sonessor : la nanotoxicologie, vouĂ©e Ă  qualifier etquantifier la dangerositĂ© des nanomatĂ©riaux.« Il existe aujourd’hui prĂšs de 2 000 articles sur latoxicitĂ© des nanoparticules, contre Ă  peine une cin-quantaine il y a cinq ans, se fĂ©licite Éric Gaffet,du Groupe de recherche sur les nanomatĂ©-riaux 6. Mais le manque de toxicologues et d’éco-toxicologues travaillant sur le sujet, tant au niveaunational qu’international, se fait cruellement res-sentir. La difficultĂ© vient de ce qu’un gramme denanoparticules de TiO2 [dioxyde de titane],

Biocapteurs et biopuces font des sautsde gĂ©ant et figurent parmi les pistes les plus dynamiques des nanobiotechnologies. Les premiers,encore au stade du prototype, « servent Ă  dĂ©tecter une “espĂšce biologique”particuliĂšre (ADN, protĂ©ines, virus
),par exemple dans un systĂšme trĂšscomplexe comme une goutte de sang, dit Anne-Marie GuĂ©, du Laboratoired’analyse et d’architecture des systĂšmes(Laas). Les possibilitĂ©s ouvertes par lesnanotechnologies sont trĂšs riches : onpeut utiliser, par exemple, des nanofils oudes nanopoutres en silicium sur lesquels

on dĂ©pose un appĂąt (des brins d’ADN,des anticorps
) pour sĂ©lectionner lamolĂ©cule que l’on veut pĂȘcher ». Lorsquela « cible » se fixe sur une micropoutreultra-sensible, cette derniĂšre se met Ă  vibrer d’une maniĂšre qui va signer la « capture » de la molĂ©cule recherchĂ©e,le reste du systĂšme se chargeant de l’analyser. « À l’Institut d’électroniquefondamentale (IEF) 1, nous dĂ©velopponsun nano-biocapteur original : chacunedes poutres est creusĂ©e d’un canalinterne pour permettre la circulation du fluide biologique. La poutre elle-mĂȘmen’est donc pas plongĂ©e dans le fluide,intervient Jean-Michel Lourtioz. GrĂące Ă  cette astuce, les variations d’amplitudeou de frĂ©quence de vibration sont plusfacilement dĂ©tectĂ©es. »Qu’en est-il des biopuces, dĂ©jĂ  utilisĂ©esdans quelques laboratoires mĂ©dicaux?Au lieu d’identifier une seule molĂ©culedans un Ă©chantillon biologique, « le butest de rĂ©aliser un trĂšs grand nombred’opĂ©rations Ă  la fois », dit Anne-MarieGuĂ©. Pour cela, les biopuces sont

composĂ©es d’un support solide (verre,plastique, silicium) couvert de plotsminuscules sur lesquels on dĂ©pose des molĂ©cules d’ADN, des protĂ©ines oudes groupements chimiques qui pourrontcapturer de maniĂšre spĂ©cifique l’ADN ou l’ARN complĂ©mentaire (puces Ă  ADN),ou des protĂ©ines (puces Ă  protĂ©ines).« Une puce Ă  ADN permet d’analysersimultanĂ©ment de quelques dizaines Ă  plusieurs milliers de sĂ©quences d’ADNdiffĂ©rentes afin de dĂ©tecter, par exemple,la prĂ©sence d’un virus ou la signatured’une pathologie ».Contrairement au biocapteur, la lecture du signal, pour le moment, n’est gĂ©nĂ©ralement pas intĂ©grĂ©e dans la biopuce, mais effectuĂ©e par uneinstrumentation extĂ©rieure. « Biopuces et nanobiocapteurs trouvent lĂ  un pointde convergence trĂšs prometteur par lapossibilitĂ© d’insĂ©rer, au niveau de chacundes plots, un biocapteur, commenteAnne-Marie GuĂ©. Mais l’ambition des nanobiotechnologies ne s’arrĂȘte paslĂ  et pose le dĂ©fi d’intĂ©grer sur de toutespetites surfaces des procĂ©dĂ©s d’analysecomplets. Biocapteurs et biopucesdeviennent alors des “laboratoires sur puce”. » Dans ces laboratoires surpuce pourraient mĂȘme ĂȘtre intĂ©grĂ©s deslasers, faits Ă  partir des nanostructuressemiconductrices de la famille du nitrurede gallium (GaN) et de l’oxyde de zinc(ZnO), en vogue au Centre de recherchesur l’hĂ©tĂ©roĂ©pitaxie et ses applications(CRHEA). « Nous testons la faisabilitĂ©d’un nanolaser Ă  base de nanofils de GaN Ă©mettant dans l’ultraviolet, ditJesĂșs ZĂșñiga PĂ©rez. D’une centaine denanomĂštres de largeur, ce laser, intĂ©grĂ© Ă  un laboratoire sur puce, servirait Ă  exciter des molĂ©cules organiques dans un Ă©chantillon biologique »et Ă  analyser la composition desditesmolĂ©cules. Mais pour parvenir Ă  mettreau point ces laboratoires de poche, il faudra maĂźtriser les fluides dans desvolumes infĂ©rieurs au nanolitre ainsi quela manipulation des espĂšces biologiquesjusqu’au niveau de la cellule unique.

1. Unité CNRS / Université Paris-XI.

Ô Anne-Marie GuĂ©[email protected]

Ô Jean-Michel [email protected]

Ô JesĂșs ZĂșñiga PĂ©[email protected]

En matiĂšre de nanophotonique (l’étude du comportement de la lumiĂšre Ă  l’échelle du nanomĂštre), un sujetstimule de façon exemplairel’imagination des chercheurs :la plasmonique, domaine oĂč la lumiĂšre surfe Ă  la surface des mĂ©taux grĂące aux Ă©lectrons libres de ces derniers. C’est unepetite rĂ©volution qu’a Ă©tĂ© la dĂ©couverte, en 1998, parThomas Ebbesen, aujourd’huidirecteur de l’Institut de science et d’ingĂ©nierie supramolĂ©culaire (Isis)1

d’un phĂ©nomĂšne trĂšs inattendu baptisé« transmission optique extraordinaire » ou « tamis Ă  photons ». « Un tamis Ă  photons est un rĂ©seau de trous percĂ©s dans une surface mĂ©talliquenanostructurĂ©e, rĂ©guliĂšrement espacĂ©set prĂ©sentant un diamĂštre de 100 ou200 nm, donc bien infĂ©rieur Ă  la longueurd’onde de la lumiĂšre visible, dit HenriBenisty, du LCFIO. Or, quand on Ă©clairecette surface, la quantitĂ© de lumiĂšre qui en sort est plus importante que cellequi frappe les trous. MĂȘme la lumiĂšre

qui tombe Ă  cĂŽtĂ© des trous est ainsi canalisĂ©e de l’autre cĂŽtĂ© de l’échantillon. »Des propriĂ©tĂ©s hors normes que les chercheurs tentent de mettre Ă  profit pour peaufiner la manipulationnanoscopique de la lumiĂšre. « On a l’espoir de provoquer des modificationsultra-localisĂ©es, bien plus concentrĂ©esque celles que permet un laser, en lithographie, en biologie, par exempledans les compartiments d’une cellule, ou encore pour l’écriture d’informationsdans les disques durs », poursuit HenriBenisty. Enfin, la plasmonique pourraitamĂ©liorer le rendement des cellules

photovoltaĂŻques en captant mieux la lumiĂšre pour la transformerefficacement dans des matĂ©riauxnanostructurĂ©s.S’agissant destĂ©lĂ©communications,l’utilisation desphotons continue sur sa lancĂ©e pourdes liaisons de plusen plus courtes dans les composants.

Rien n’empĂȘche d’envisager que des connexions optiques remplacentprochainement les connexionsĂ©lectroniques jusque dans les circuits.« DensifiĂ©es comme elles le sontaujourd’hui, ces derniĂšres posent des problĂšmes de parasitage et de consommation, dit Henri Benisty.Des architectures contrĂŽlĂ©esnanomĂ©triquement sont Ă  l’étude pour exploiter l’optique Ă  l’intĂ©rieur d’une puce et transporter les fluxd’information les plus massifs ou les plus gourmands en Ă©nergie. »1. Institut CNRS / UniversitĂ© de Strasbourg.

Ô Henri Benisty, [email protected]

Avec lesnanobiotechnologies,les technologies de nanofabricationsont directementexploitées, pour développer des outils utiles à la biologie ou à la médecine,comme ici desbiopuces.

Structurenanophotoniquepermettantl’aiguillage des informationsoptiques (ici deuxcanaux portĂ©s par deux longueursd’onde proche). Ce type de systĂšmepourrait intĂ©grer un jour les pucesĂ©lectroniques.

Cette biopucepermet d’analyserdes milliers de sĂ©quences d’ADNou de protĂ©ines.

Un labo sur une TÊTE D’ÉPINGLE

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Page 13: Les promesses

Impossible de dresser la liste exhaustive de tous les nanomatĂ©riaux objets de recherches ou dĂ©jĂ  prĂ©sentsdans la vie courante. À tout seigneur, touthonneur : les nanotubes de carbone, dĂ©couvertsen 1991 et devenus des figures emblĂ©matiquesdes nanosciences. PrĂ©sentant l’aspect de cylindres creux dont la surface est formĂ©e par un ou plusieurs feuillets de carbone enroulĂ©ssur eux-mĂȘmes, ces nanomatĂ©riaux se distinguent, entre autres, par leurs propriĂ©tĂ©smĂ©caniques – ils sont cent fois plus rĂ©sistantsque l’acier et six fois plus lĂ©gers, acceptent degrandes dĂ©formations en flexion et en torsion – et leurs qualitĂ©s exceptionnelles pour la conduction Ă©lectrique. Les nanotubes de carbone, employĂ©saujourd’hui dans de nombreux objetscomme les raquettes de tennis, les cadres de vĂ©los, les carrosseriesde Formule 1, « poursuiventhardiment leur bonhomme de chemin

(7000 publications et 2500 brevets dans le mondeen 2008), dit Pascale Launois, du Laboratoire de physique des solides (LPS) 1 Ă  Orsay. Un pointqui nous intĂ©resse, au laboratoire, est l’arrivĂ©eassez rĂ©cente des nanohybrides : il s’agit de nanotubes Ă  l’intĂ©rieur desquels on insĂšre des molĂ©cules diverses pour essayer de modulerĂ  volontĂ© leurs propriĂ©tĂ©s mĂ©caniques ouĂ©lectroniques ». La cavitĂ© cylindrique de certainsnanotubes, ceux constituĂ©s d’une seule paroi,permet d’y synthĂ©tiser des chaĂźnes molĂ©culairesqui n’existent nulle part ailleurs. Par exemple,

« les pea pods, ainsi appelés à causede leur ressemblance avec descosses de petits pois, sont formés de chaßnes périodiques de molécules de fullerÚne C60 2

dans des nanotubes. Or les fullerĂšnesou d’autres molĂ©cules, ainsiconfinĂ©es Ă  l’échelle nanomĂ©trique,possĂšdent des propriĂ©tĂ©s physiquesinĂ©dites. Cela reste prospectif, maison peut envisager des applications entermes de filtration, de dĂ©salinisationde l’eau de mer ou de stockage des dĂ©chets radioactifs ».

1. Laboratoire CNRS / UniversitĂ© Paris-XI.2. Le fullerĂšne C60 est la forme la plus courantede la molĂ©cule ; il contient 60 atomes decarbone organisĂ©s en une structure semblableĂ  celle d’un ballon de football.

Ô Pascale Launois, [email protected]

L’ENQUÊTE24 L’ENQUÊTE 25

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009 Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

l’avantage d’ĂȘtre rapides et de conserverl’information sans apport d’énergie ».Électronique quantique, spintronique
Une troisiĂšme Ă©lectronique pourrait bien Ă©merger grĂące aux nanosciences :l’électronique plastique. GeorgesHadziioannou, du Laboratoire de chimiedes polymĂšres organiques (LCPO) 5,planche ainsi sur les polymĂšressemiconducteurs, des matĂ©riaux Ă  basede carbone prĂ©sentant des propriĂ©tĂ©ssimilaires Ă  celles du silicium. À la clĂ© :des Ă©crans d’affichage souples de grandesurface et des cellules photovoltaĂŻquespliables. « L’électronique plastique n’apas l’ambition de dĂ©trĂŽner l’électroniqueclassique mais de la complĂ©ter, dit-il. LespolymĂšres semiconducteurs prĂ©sententl’énorme avantage d’ĂȘtre flexibles, d’oĂč,par exemple, la possibilitĂ© de les glisserdans des habits. Surtout, ils sont plusfaciles Ă  produire, donc moins chers, que les circuits intĂ©grĂ©s traditionnels. »

1. Cette taille est en fait celle de la « grille », l’unedes trois Ă©lectrodes qui constituent un transistor.2. Les Ă©lectrons peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme de petits aimants, dont l’orientation est dĂ©finie par le spin. 3. DĂ©couverte par Albert Fert, Prix Nobel dephysique. Lire Le journal du CNRS, n° 215, article« En avant la spintronique »www2.cnrs.fr/presse/journal/3681.htm4. UnitĂ© CNRS / ThalĂšs associĂ©e Ă  l’universitĂ© Paris-XI.5. Laboratoire CNRS / UniversitĂ© Bordeaux-I.

Ô Henri Mariette, [email protected]

Ô FrĂ©dĂ©ric Nguyen Van [email protected]

Ô Georges Hadziioannou, [email protected]

Ô Jean-Michel [email protected]

l’heure, ces systĂšmes Ă©lectroniques dits« quantiques » en sont Ă  leurs prĂ©mices. Autre champ trĂšs actif : l’électronique de spin, ou spintronique. Alors quel’électronique traditionnelle utiliseuniquement la charge Ă©lectrique de l’électron pour propager des signaux Ă  l’intĂ©rieur d’un rĂ©seau de transistors,cette discipline fait appel aux propriĂ©tĂ©smagnĂ©tiques des Ă©lectrons. Un effetphysique dĂ©jĂ  mis Ă  profit pour stockerl’information dans les disques durs des ordinateurs et des serveurs. DĂ©sireux d’approfondir leurstravaux, les chercheurs rĂȘventd’exploiterl’orientation du spin desĂ©lectrons 2

pour leur fairemĂ©moriser de l’informationdans des circuits combinantĂ©lectronique et magnĂ©tisme.Plus concrĂštement, la spintronique « a donnĂ©naissance Ă  plein d’autresnouveaux effets physiques en

dehors de la cĂ©lĂšbre magnĂ©torĂ©sistancegĂ©ante 3, dit FrĂ©dĂ©ric Nguyen Van Dau,directeur de l’UnitĂ© mixte de physiqueCNRS / ThalĂšs 4. Certains phĂ©nomĂšnes,comme le “transfert de spin”, permettentmĂȘme d’envisager des mĂ©moiresfonctionnant sans que l’on ait besoind’appliquer localement le champmagnĂ©tique pour les Ă©crire, commeaujourd’hui. Cette technique devraitfaciliter le dĂ©veloppement de la filiĂšre desmĂ©moires dites MRAM qui prĂ©sentent

Certaines Ă©quipes fourmillent d’imagination pour exploiter le pouvoir dĂ©polluant des nanoparticules d’oxydes mĂ©talliques (fer, titane, cĂ©rium, aluminium
), histoire de traiter les eaux usĂ©es ou d’assainir des solscontaminĂ©s. « Une surface enduite d’un nanofilmd’oxyde de titane, lorsqu’elle est exposĂ©e Ă  la lumiĂšre du soleil, rend inactifs les polluantsorganiques (pesticides) et les micro-organismespotentiellement pathogĂšnes (bactĂ©ries, virus)contenus dans l’eau. Cette technique reste toutefois marginale et n’est exploitĂ©e que pour le traitement d’effluents hĂ©bergeant un nombre limitĂ© d’espĂšces polluantes »,explique Jean-Yves Bottero, chercheur au Centre

europĂ©en de recherche et d’enseignement de gĂ©osciences de l’environnement (Cerege) 1. Un autre procĂ©dĂ© consiste Ă  fabriquer des membranes cĂ©ramiques Ă  base de nanoparticules d’oxy-hydroxyde de fer (les ferroxanes) pour la nanofiltration d’effluentsliquides polluĂ©s. Une « chimie verte » porteused’espoirs, en particulier pour les pays en voie de dĂ©veloppement oĂč l’eau est souvent impropreĂ  la consommation. MĂȘme si ces travaux n’ont pas encore franchi le seuil des labos.

1. Unité CNRS / IRD / Université de Provence / UniversitéPaul-Cézanne / CollÚge de France.

Ô Jean-Yves Bottero, [email protected]

Ô JĂ©rĂŽme Rose, [email protected]

AnnĂ©e aprĂšs annĂ©e, la finesse descircuits intĂ©grĂ©s n’en finit plus de battredes records. La voilĂ  qui affichedĂ©sormais en production quelque 45 nm 1,contre 90 nm en 2004, l’objectif visĂ© par l’industrie du silicium Ă©tant dedescendre Ă  15, voire 10 nm. L’intĂ©rĂȘt?Plus les Ă©lĂ©ments de base des circuits– les transistors – sont petits, plus on peuten mettre sur une puce. Et plus on gagneen puissance de calcul.Alors pour pousser les circuits auxconfins de la miniaturisation, les Ă©quipes« dĂ©frichent toutes sortes de pistes,comme l’utilisation de transistors Ă  basede nanotubes de carbone ou de nanofilsde silicium, ou encore Ă  base degraphĂšne, un cristal composĂ© d’atomesde carbone » dit Jean-Marie Lourtioz,directeur de l’Institut d’électroniquefondamentale. Les experts Ăšs nanosciences tentent aussi de dĂ©velopper des structures Ă  l’échelleatomique ou molĂ©culaire. « Utiliser un et un seul atome ou une et une seulemolĂ©cule comme brique Ă©lectroniqueĂ©lĂ©mentaire et disposer ainsi d’un modede traitement de l’information nettementplus rapide est la voie ultime », dit HenriMariette, responsable d’une Ă©quipe CEA-CNRS Ă  l’Institut NĂ©el du CNRS. Pour

Les nanos voient L’AVENIR EN VERT

Les « peapods », à base de nanotubesde carbone,forment une famillede nouveauxmatériaux dont lesapplications sontaussi prometteusesque variées.

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L’Eldorado de L’ÉLECTRONIQUE

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Vue intérieuremontrant les supportssur lesquels sont fabriquées ces nanostructures.

Les transistors à nanotube de carbone uniquedeviennent de plusen plus performants.La montée enfréquence de cesdispositifs augmenteleur capacité detraitement.

Exemple de nanostructures Ă  basede copolymĂšres servantĂ  concevoir des cellulesphotovoltaĂŻques.

Machine sous ultra-vide permettantd’élaborer desnanostructures Ă  basede semi-conducteurs(puits, fils et boĂźtesquantiques).

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Un microscope à fluorescencepermet de suivrele déplacement demolécules au seinde cellules.

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Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009 Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

par exemple, peut contenir jusqu’à dix millionsde milliards de nanoparticules qui n’ont pas toutesla mĂȘme taille, la mĂȘme rĂ©activitĂ© chimique, lamĂȘme stabilitĂ© dans le temps. » CaractĂ©riser ladistribution de chaque paramĂštre (taille, forme,persistance dans les tissus
) dans un Ă©chantillondemeure un casse-tĂȘte, puisque « tout type denanoparticule prĂ©sente une toxicitĂ© potentielle spĂ©-cifique dĂ©pendant de son cycle de vie, poursuit lemĂȘme chercheur. Il faudrait cinquante ans,estime-t-on, pour tester, avec les moyens humainset techniques actuels, la toxicitĂ© de toutes les nano-particules dĂ©jĂ  commercialisĂ©es. » Mais peut-on d’ores et dĂ©jĂ  assurer que les nano-matĂ©riaux constituent une rĂ©elle menace sani-taire? Rien ne permet de l’affirmer, ni le contraired’ailleurs. « Les nanomatĂ©riaux doivent ĂȘtre consi-dĂ©rĂ©s comme potentiellement dangereux, ainsi quel’indique le rapport de l’Agence française de sĂ©curitĂ©sanitaire de l’environnement et du travail paru enjuin 2008 7, rĂ©sume Éric Gaffet. Des tests de toxi-citĂ© pratiquĂ©s sur des modĂšles animaux et cellulai-res montrent une dangerositĂ© spĂ©cifique de certainsnanomatĂ©riaux et le franchissement de certainesbarriĂšres biologiques. Mais il est pour l’instant trĂšsdifficile d’extrapoler ces rĂ©sultats Ă  l’homme. »Sait-on se protĂ©ger des nanoparticules, lorsquecelles-ci se retrouvent sous forme d’aĂ©rosols? L’ef-ficacitĂ© des systĂšmes actuels, celle, notamment,des filtres Ă  fibres disposĂ©s dans les systĂšmes deventilation ou les masques respiratoires queportent les opĂ©rateurs, est globalement satis-faisante. Les filtres les plus performants par-viennent Ă  capturer plus de 99,99 % des parti-cules de 4 nm. Les particules entre 100 et500 nm, elles, sont moins faciles Ă  piĂ©ger, ce qui

dĂ©ment l’idĂ©e trĂšs rĂ©pandue selon laquelle seul« l’effet tamis » 8 conditionne l’efficacitĂ© des fil-tres. Mais les progrĂšs sont lĂ  : « En utilisant desfiltres Ă  fibres chargĂ©es Ă©lectriquement et en jouantainsi sur les effets Ă©lectrostatiques pour modifier latrajectoire des particules et favoriser leur capture, onparvient dĂ©jĂ  Ă  neutraliser entre 95 % et 99 % desgrosses nanoparticules », dit Dominique Thomas,du Laboratoire des sciences du gĂ©nie chimique(LSGC) du CNRS.Dernier point : les scientifiques rĂ©flĂ©chissent-ils assez Ă  l’impact Ă©thique et sociĂ©tal de leursrecherches ? Pas vraiment, au goĂ»t de la phi-losophe et historienne des sciences Berna-dette Bensaude-Vincent, du comitĂ© d’éthiquedu CNRS (Comets). « Les chercheurs françaisreconnaissent la nĂ©cessitĂ© d’évaluer la toxicitĂ©Ă©ventuelle des nanotechnologies, dit-elle. Mais laplupart d’entre eux Ă©prouvent encore des rĂ©ticen-ces Ă  parler de la façon dont elles pourraient chan-ger nos comportements sur le long terme. » Et deregretter qu’aucun lieu, « sauf dans quelqueslaboratoires, ne soit Ă  la disposition des chercheurspour qu’ils puissent y faire Ă©tat de leurs ques-tionnements, de leurs Ă©tats d’ñme, de leurs dou-tes ». Favoriser le dialogue direct entre lesscientifiques et le public est une autre nĂ©ces-sitĂ©, plaide Jacques BordĂ©, du Comets. « Celasuppose une formation des chercheurs afin queceux-ci apprennent Ă  regarder leur recherche, etĂ  en parler, autrement que sous l’unique angledu dĂ©fi scientifique, mais aussi sous l’angle desenjeux Ă©thiques pour notre monde. RĂ©flĂ©chir surla finalitĂ© des nanotechnologies ne diminue enrien la crĂ©ativitĂ© des Ă©quipes. La nanoĂ©thique peutmĂȘme la stimuler. »

1. « Il y a plein de place en bas. »2 UnitĂ© CNRS / UniversitĂ© Paris-XI.3. UnitĂ© CNRS / École polytechnique.4. Le microscope Ă  effet tunnel utilise une aiguillemĂ©tallique ultrafine que l’on promĂšne Ă  une distance de quelques atomes seulement de la surface Ă  Ă©tudier. Les atomes prĂ©sents Ă  la surface de l'Ă©chantillon sont ainsirepĂ©rĂ©s, rĂ©vĂ©lĂ©s sur l’écran de l'appareil et peuvent ĂȘtremanipulĂ©s. Alors que le microscope Ă  force atomiquefonctionne selon le mĂȘme principe, mais sert Ă  explorer les Ă©chantillons non conducteurs, en particulier, la matiĂšrebiologique.5. UnitĂ© CNRS / UniversitĂ© de Poitiers.6. Groupe de recherche faisant partie de l’Institut de recherche sur les archĂ©omatĂ©riaux (CNRS / UniversitĂ© de technologie de Belfort-MontbĂ©liard / UniversitĂ©Bordeaux-III / UniversitĂ© d’OrlĂ©ans).7. Le rapport intitulĂ© NanomatĂ©riaux et sĂ©curitĂ© au travailest disponible en ligne sur le site de la Documentationfrançaise.8. On parle d’effet tamis, lorsque la taille d’une particuleest supĂ©rieure Ă  celle des pores l’empĂȘchant ainsi de lestraverser.

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À LIRE> Les nanotechnologies, deDominique Vinck, coll. « IdĂ©esreçues », Ă©d. Cavalier bleu, 2009

> Nanosciences, La révolutioninvisible, de Christian Joachim et Laurence Plévert,éd. Du Seuil, 2008

> Nanomonde, Des nanosciences auxnanotechnologies, de RogerMoret, CNRS Éditions, 2006

> Bio-nano-éthiques?Perspectives critiques sur les bionanotechnologies,de Vanessa Nurock, RaphaëlLarrÚre et Bernadette

Bensaude-Vincent, Ă©d. Vuibert,2008

> Les nanosciences : Tome 3, Nanobiotechnologies et nanobiologie, de MarcelLahmani, Patrick Boisseau,Philippe Houdy, Ă©d. Belin, 2007

> Les nanosciences : Tome 2,Nanomatériaux et nanochimiede Marcel Lahmani, CatherineBréchignac et Philippe Houdy,éd. Belin, 2006

EN LIGNE> Nanotechnologies et santé un dossier de la collectionSagascience du CNRS

www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosnano/accueil.htm

À VOIR> Nanosciences,Nanotechnologies (2008,160 min) de HervĂ© Colombani,Marcel Dalaise, Alain Monclinet François Tisseyre, produit par CNRS Images –http://videotheque.cnrs.fr/index.php?urlaction=doc&id_doc=1909

Contact : VĂ©ronique Goret(Ventes), CNRS Images –VidĂ©othĂšque TĂ©l. : 01 45 07 59 69– [email protected]

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACTSÔ Bernadette [email protected]

Ô Jacques BordĂ©, [email protected]

Ô Alain Costes, [email protected]

Ô Éric Gaffet, [email protected]

Ô Pierre Guillon, [email protected]

Ô Christian [email protected]

Ô StĂ©phanie Lacour, [email protected]

Ô Jean-Michel [email protected]

Ô Robert Plana, [email protected]

Ô Dominique [email protected]

Ô Claude [email protected]

La solution absolue contre la pollutionautomobile, la pile Ă  combustible (PAC)utilisant de l’hydrogĂšne pur, donc negĂ©nĂ©rant aucun rejet, finira-t-elle par voir lejour en partie grĂące aux nanotechnologies?Les chercheurs ont de quoi se frotter les mains s’agissant, entre autres, de la maniĂšre de stocker le gaz qui prĂ©tendĂ  la succession des Ă©nergies fossiles. Lerecours Ă  des matĂ©riaux poreux reprĂ©sente

sans aucun doute lasolution la plus fiable etla plus Ă©conomique. Celapermettrait d’une part de confiner l’hydrogĂšne,d’autre part de lerelarguer facilement pour

qu’il se combine avec l’oxygĂšne de l’air,phĂ©nomĂšne indispensable Ă  la productiond’électricitĂ© alimentant le moteurfonctionnant avec la PAC. Parmi cesmatĂ©riaux, les nanoformes de carbone(c’est-Ă -dire toutes les structures decarbone), « du fait de leur faible masse etde leur grande capacitĂ© d’adsorption,s’avĂšrent de trĂšs sĂ©rieux candidats, ditMarie-Louise Saboungi, directrice duCentre de recherche sur la matiĂšre divisĂ©e (CRMD)1. En ce moment,les travaux se concentrent sur lesnanocornets de carbone dĂ©couverts dans les annĂ©es 1990. Il s’agit de matĂ©riauxde deux Ă  trois nanomĂštres de longueur quis’agrĂšgent pour former des structures en

forme de dahlia de 80 Ă  100 nanomĂštresde diamĂštre. Ils prĂ©sentent desinteractions avec l’hydrogĂšne beaucoupplus fortes que les nanotubes de carbone.Ces minuscules cornets piĂšgent donc plus facilement l’hydrogĂšne que leurscousins ». Et ce n’est pas tout. Alors que les nanotubes de carbone exigentd’ĂȘtre stockĂ©s Ă  des tempĂ©ratures basses(infĂ©rieures Ă  – 200 °C), les nanocornetsretiennent la plupart de l’hydrogĂšneadsorbĂ© jusqu’à des tempĂ©ratures del’ordre de 20 °C. ProblĂšme : leur coĂ»t defabrication relativement Ă©levĂ© Ă  ce jour
 1. UnitĂ© CNRS / UniversitĂ© d’OrlĂ©ans.

Ô Marie-Louise Saboungi, [email protected]

Des nanos pour STOCKER L’ÉNERGIE

De toutes les nanoparticules sorties de la manche des physicochimistes au cours de ces derniĂšres annĂ©es, les nanocristaux semiconducteurs (ou« boĂźtes quantiques ») sont les prĂ©fĂ©rĂ©esdes biologistes. Ces objets se composentde quelques centaines Ă  quelquesdizaines de milliers d’atomes arrangĂ©sselon un ordre cristallin, et leur taille estgĂ©nĂ©ralement comprise entre 2 et 8 nm. Ils peuvent servir de sondes capablesd’explorer et visualiser des processusbiologiques Ă  l’échelle d’un petit nombrede molĂ©cules. Pour l’instant l’exploit n’estpossible que dans des cellules en culturemais Ă  terme les chercheurs se prennentĂ  rĂȘver d’une utilisation in vivo.

La ruse? Arrimer ces boĂźtes quantiques Ă  des molĂ©cules biologiques telles que des protĂ©ines (enzymes, anticorps) ou des acides nuclĂ©iques (ADN, ARN).Puis, les exciter avec de la lumiĂšre (un laser, par exemple). Elles deviennentalors fluorescentes, et l’on peut choisirleur longueur d’onde d’émission en jouantsur leur taille (plus les nanoparticules sont petites, plus l’émission est dĂ©calĂ©e vers le bleu), donc distinguer un processusbiologique d’un autre. « Cesnanoparticules agissent en fait comme de minuscules ampoules que l’on peutsuivre Ă  la trace au microscope, plusieursdizaines de minutes d’affilĂ©e, expliqueMaxime Dahan, du Laboratoire Kastler-

Brossel (LKB) 1. Elles nous renseignent en temps rĂ©el sur le mouvement et laposition des acteurs biologiques auxquelselles sont couplĂ©es. Ces techniquesd’imagerie Ă  l’échelle d’une nanoparticuleindividuelle, Ă  peine Ă©mergentes il y a cinqans, se sont largement perfectionnĂ©esdepuis et trouvent des applications de plus en plus nombreuses. Elles nous permettent de “regarder” non plusseulement la membrane, mais aussi ce qui se passe Ă  l’intĂ©rieur de la cellule,une rĂ©gion jusqu’ici trĂšs difficile d’accĂšs.À terme, en attachant des sondes de diffĂ©rentes couleurs Ă  diffĂ©rentesprotĂ©ines, il sera possible d’enregistrersimultanĂ©ment le mouvement de tous ces acteurs, d’étudier leurs interactions in vivo » et de mieux apprĂ©hender la complexitĂ© des mĂ©canismes intimes des organismes vivants. Rendre l’imagerie biologique ultrasensible,identifier des tumeurs les plus petites, Ă  l’échelle de la centaine de milliers de cellules plutĂŽt que du milliard, aider les chirurgiens Ă  localiser, pendant uneintervention, des lĂ©sions mĂ©tastatiquesdifficiles Ă  identifier : l’avenir de ce type de nanoparticules semble tout tracĂ©.

1 UnitĂ© CNRS / École normale supĂ©rieure / UniversitĂ©Pierre-et-Marie-Curie.

Ô Maxime [email protected]

Les nanocornets,des structures enforme de dahlia,promettent d’ĂȘtre de bons candidatspour le stockage de l’hydrogĂšne.

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BientĂŽt, le monde entier sera fou de couleur, etLumiĂšre en sera responsable. » Telle Ă©tait l’in-tuition du photographe amĂ©ricain AlfredStieglitz, lors de la commercialisation de la

plaque autochrome en 1907. Le succĂšs fut bien aurendez-vous pour le premier procĂ©dĂ© industriel dephotographie en couleurs. Et pour les frĂšresLumiĂšre, qui en vendront des millions en plusieursdĂ©cennies. Pour mieux comprendre toutes les facet-tes de ce produit, deux chercheurs ont dĂ©cidĂ© de leressusciter, plusieurs dizaines d’annĂ©es aprĂšs lafin de sa production.Bertrand LavĂ©drine et Jean-Paul Gandolfo sontdonc partis sur les traces des LumiĂšre. Respecti-vement directeur du Centre de recherche sur laconservation des collections 1 et professeur Ă  l’Écolenationale supĂ©rieure Louis-LumiĂšre, ils ont recrĂ©Ă©les Ă©tapes de fabrication de l’autochrome. D’abordla sĂ©lection de minuscules grains de fĂ©cule de pom-mes de terre, leur teinture en violet, vert ou orange,leur mĂ©lange. Puis, sur une plaque de verre vernie,

le saupoudrage de millions de ces grains et de noirde carbone pour combler les interstices. Enfin lelaminage – le pressage de la plaque – et un secondvernissage. La derniĂšre Ă©tape est la plus difficile Ă recrĂ©er Ă  la main sur de petites plaques, dans laquasi-obscuritĂ© du laboratoire. La pose d’une Ă©mul-sion noir et blanc au gĂ©latino-bromure d’argent,substance sensible Ă  la lumiĂšre, ultime couche del’autochrome, est en effet particuliĂšrement dĂ©licate.Le dispositif repose en fait sur la « synthĂšse additive »des couleurs, principe qui permet de recrĂ©er tou-tes les nuances colorĂ©es Ă  partir de seulement troiscouleurs (rouge, vert et bleu) et qui sera Ă©galementmis Ă  profit pour les Ă©crans de tĂ©lĂ©vision. Dansl’autochrome, la couche photosensible est impres-sionnĂ©e par les rayons lumineux, prĂ©alablementfiltrĂ©s par les grains de fĂ©cule teints. AprĂšs la prisede vue et le dĂ©veloppement, les grains d’argent decette couche vont masquer plus ou moins certainesfĂ©cules colorĂ©es. « Celles-ci Ă©tant extrĂȘmement fines,l’Ɠil ne peut les discerner. Et il se crĂ©e alors dans l’Ɠil

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PHOTOGRAPHIE

LumiĂšre surl’autochromeLa famille LumiĂšre n’a pas innovĂ© que dans le cinĂ©ma. Dans la photographie aussi, ses inventions ont comptĂ©. À l’aube du XXe siĂšcle, elle commercialise la plaqueautochrome, premier procĂ©dĂ© industriel de photographie en couleurs, Ă  base de
 fĂ©cule de pommes de terre. Deux chercheurs viennent d’apporter un Ă©clairage sur ceproduit conçu non sans mal et longtemps protĂ©gĂ© par le secret.

1 Autoportrait autochromed’Édouard Blanc, ingĂ©nieurchimiste aux usines LumiĂšre de Monplaisir (Lyon), vers 1907.

2 Auguste et Louis LumiĂšre,inventeurs et industriels, en 1895.

3 4 5 6 7 PlusieursĂ©tapes de la reconstitution d’une autochrome : sĂ©chage puis tri de la fĂ©cule, solutionscolorantes pour la teinture,saupoudrage de noir de carbone et enduction du second vernis.

8 9 Essais d’autochromes, vers 1902-1905, avec plaquenĂ©gative (8) et plaque positive (9),au laboratoire de Louis LumiĂšre.

10 Une presse destinĂ©e au « laminage » – l’écrasement des grains – a Ă©tĂ© restaurĂ©e et classĂ©e monument historique.

11 FĂ©cules laminĂ©es. LouisLumiĂšre dĂ©couvrit l’intĂ©rĂȘt du « laminage » accidentellement,en rayant d’un ongle le rĂ©seau defĂ©cules. RĂ©sultat : une meilleuretransparence.

12 SchĂ©ma d’une plaqueautochrome. « On expose par ledos la plaque ainsi prĂ©parĂ©e, ondĂ©veloppe et on inverse l’imagequi prĂ©sente alors, partransparence, les couleurs del’original photographiĂ© »,expliquait Louis LumiĂšre en 1904.

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un mĂ©lange optique des diffĂ©rentes couleurs defĂ©cule
 d’oĂč rĂ©sulte la palette de couleurs de l’auto-chrome », prĂ©cise Bertrand LavĂ©drine.L’image apparaissait en visionnant le positif trans-parent dans un appareil, ou en le projetant commeune diapositive. Simple, en apparence. Mais il aquand mĂȘme fallu sept ans Ă  la puissante sociĂ©tĂ©familiale LumiĂšre, spĂ©cialisĂ©e dans la photo et lecinĂ©ma, pour passer du principe de l’autochrome(formulĂ© en premier par le Français LouisDucos du Hauron) Ă  sa rĂ©alisation indus-trielle. Le choix de la fĂ©cule par exem-ple, grande spĂ©cificitĂ© de l’invention, anĂ©cessitĂ© des mois de rĂ©flexion. Lesgrains de pommes de terre ont Ă©tĂ© prĂ©-fĂ©rĂ©s Ă  ceux de riz, qui s’imprĂšgnentmoins bien des colorants.Bertrand LavĂ©drine et Jean-PaulGandolfo ont bataillĂ© pendant desannĂ©es, eux aussi. Pour faire toute lalumiĂšre sur ces autochromes, ils n’enont pas seulement testĂ© la fabrication.Comme ils le racontent dans L’autochrome LumiĂšre,ils ont aussi interrogĂ© les enfants de tĂ©moins del’époque, dĂ©cortiquĂ© des cahiers de laboratoire,analysĂ© les colorants d’anciennes plaques. Et Ă©tu-diĂ© une presse de laminage, que les LumiĂšre, sansdoute pour en garder l’exclusivitĂ©, n’avaient pasbrevetĂ©e. Le laminage – une phase capitale qui, enĂ©crasant les grains les uns contre les autres, aug-mente la transparence de leur rĂ©seau– Ă©tait bien Ă©vo-

quĂ© dans un brevet, mais de façon Ă©va-sive. Dans l’ignorance, les concurrentsrestaient donc Ă  distance. Il le fallait : Ă la lisiĂšre des XIXe et XX e siĂšcles, la pho-tographie, dont l’invention fut annon-cĂ©e en 1839, est en effervescence. Denombreuses expĂ©rimentations portentsur la couleur, dĂ©fi principal, problĂšmeprioritaire. Les recherches se sont accĂ©-lĂ©rĂ©es avec les progrĂšs de la science surla reconstitution des couleurs et lesphĂ©nomĂšnes lumineux.

Avec l’autochrome, la photographieprend enfin des couleurs. Maistout n’est pas si rose. Le procĂ©dĂ©s’avĂšre fragile, la production d’unclichĂ© autochrome difficile. Le

temps de pose, de l’ordre de laseconde, exclut presque l’instantanĂ©itĂ©.

MalgrĂ© cela et leur prix Ă©levĂ©, en trente ans, desmillions de plaques autochromes, dont le verre seraremplacĂ© par un support souple en 1931, sont ache-tĂ©es dans le monde. Ce n’est qu’au milieu des annĂ©es1950 que l’invention tombera en dĂ©suĂ©tude : l’usineLumiĂšre cesse la fabrication de ses films Alticolor,descendants directs de la plaque autochrome. Uneplaque que nous pouvons dĂ©sormais mieux conser-ver, car nous la connaissons mieux.

Mathieu Hautemulle

Ô Pour en savoir plusLes auteurs ont aussi contribuĂ© au site : www.autochromes.culture.frDans le dossier Sagascience « Art et Sciences » :www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosart/decouv/indexFLASH.htmlÀ voir : Les autochromes LumiĂšre, rĂ©alisĂ© par François Tisseyre,CNRS Images, 2005http://videotheque.cnrs.fr/index.php?urlaction=doc&id_doc=1787

1. Centre CNRS / ministĂšre de la Culture et de lacommunication / MusĂ©um national d’histoire naturelle.

13 Paris, 1918. L’auteur, AugusteLĂ©on, a travaillĂ© pour les Archivesde la planĂšte, vaste tĂ©moignagephoto- et cinĂ©matographique del’époque, fondĂ©es par le banquierAlbert Kahn. Aujourd’hui, le musĂ©eAlbert-Kahn conserve quelque72 000 autochromes.

14 Des enfants dans le rĂŽle depetits soldats. Autochrome deLĂ©on Gimpel, collaborateur depresse, en 1915.

15 Sur cette autochromed’Édouard Blanc (1908), champs etforĂȘt contrastent avec lescoquelicots.

16 Gabriel Doublier, responsabled’une usine Ă  Paris, pose devantles machines destinĂ©es aumĂ©lange des fĂ©cules, en 1931.

17 18 19 Fécule de pomme deterre non triée (17), triée et teintée(18) et fécule de riz non triée (19).

CONTACTÔ Bertrand LavĂ©drineCentre de recherche sur la conservation descollections, [email protected]

L’autochromeLumiĂšreSecret d’atelier et dĂ©fis industriels

Par Bertrand LavĂ©drine et Jean-Paul Gandolfo, avec la participation de Christine Capderou et Ronan GuinĂ©e.Éd. du ComitĂ© des travaux historiques et scientifiques, coll.ArchĂ©ologie et histoire de l’art, mars 2009, 400 p., 23 x 26 cm.

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Antoine Billot, professeur d’économiemathĂ©matique au sein du laboratoire« Paris Jourdan sciences Ă©conomi-ques » 1 Ă  l’universitĂ© Paris-II, membre

junior de l’Institut universitaire de France, etaccessoirement MĂ©daille de bronze du CNRS,existe-t-il vraiment ? À quelques heures Ă  peinedu rendez-vous fixĂ© Ă  son bureau de l’universitĂ©PanthĂ©on-Assas, la question a de quoi laisserperplexe. Certes, au tĂ©lĂ©phone, une voix mascu-line a bien acceptĂ© l’entretien. Mais au fil despages consultĂ©es sur Google, point d’AntoineBillot ! Ou plutĂŽt si. Un Ă©trange homonyme, Ă©cri-vain, auteur de nombreux romans traduits enhĂ©breu, grec et italien, colonise sans vergogne les10 premiĂšres pages du moteur de recherche.Pour retrouver la piste du chercheur, il faut se ren-dre sur le site de Paris-II. Et lĂ , surprise ! Sur lapage « enseignant » s’étale Ă  nouveau la photo del’écrivain cannibale de Google. Une tĂȘte d’éter-nel Ă©tudiant Ă  la BHL, avec sa chevelure mi-longue, un brin romantique. Car c’est bien notrechercheur. Un Ă©trange Dr Jekyll et Mister Hyde,Ă©conomiste le jour et romancier la nuit. Mais qu’allait donc faire ce passionnĂ© de littĂ©ra-ture en Ă©conomie ? MystĂšre
 MĂȘme cet expertde la « thĂ©orie de la dĂ©cision et de l’incertain » n’ensait trop rien. Sous le feu des questions, il prendsa machine Ă  remonter le temps. Et se souvientd’un jeune bachelier « bon en maths et en philo »,s’intĂ©ressant surtout Ă  la politique. PersuadĂ© quel’économie y mĂšne. « En rĂ©alitĂ©, j’étais totalementignorant de ce qu’était la science Ă©conomique, admet-il en riant. D’ailleurs, je n’ai pas compris grand-chosedurant mes deux premiĂšres annĂ©es de fac. » Le vraidĂ©clic se produit en maĂźtrise d’économĂ©trie, endĂ©couvrant La thĂ©orie de la Valeur, de GĂ©rardDebreu, ouvrage publiĂ© en 1959 et rĂ©fĂ©renceabsolue des annĂ©es 1970. « Ça m’a fascinĂ© ! Ildisait des choses fondamentales sur le marchĂ©, surles comportements des agents Ă©conomiques – consom-mateurs, entreprises, etc. » Plus prĂ©cisĂ©ment, cettethĂ©orie dĂ©montre que la libre concurrence per-met d’obtenir l’équilibre simultanĂ© de l’offre etde la demande sur tous les marchĂ©s. Le jeune Ă©tu-

diant fait sa thĂšse en introduisant dans cettepure abstraction un soupçon de mathĂ©matique :« La thĂ©orie de Debreu n’analyse le comportementque d’une frange de gens ultra-rationnels alors quela rĂ©alitĂ© Ă©conomique me semblait beaucoup plusnuancĂ©e. C’était cela pour moi le nouveau dĂ©fi en Ă©co-nomie : rĂ©concilier la rigueur de l’abstraction et le foi-sonnement du rĂ©el. » Antoine Billot adapte doncun outil mathĂ©matique – la thĂ©orie des sous-ensembles flous – afin de capturer l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©et l’imprĂ©cision des comportements. Sa thĂšse,soutenue en 1988, est immĂ©diatement publiĂ©echez un Ă©diteur amĂ©ricain. Et l’étudiant reçoit lamĂ©daille de bronze du CNRS en 1989. Antoine Billot explore ensuite les nouveaux modĂš-les mathĂ©matiques naissants dans le paysageĂ©conomique. De la thĂ©orie de la dĂ©cision Ă  celledes « jeux coopĂ©ratifs », en passant par la « thĂ©o-rie de l’espĂ©rance d’utilitĂ© », il dĂ©veloppe sans relĂą-che des outils pour analyser, par exemple, l’in-certitude liĂ©e aux croyances individuelles desacteurs Ă©conomiques. ParallĂšlement, il s’en-thousiasme pour la jeune neuro-Ă©conomie. « Onplace des personnes dans un IRM et on observe lesmouvements dans leur cerveau au moment oĂč ilsprennent une dĂ©cision. Par exemple, cela permet desavoir si, Ă  l’intĂ©rieur du cerveau, la notion de ris-que est localisĂ©e au mĂȘme endroit que la notion de

RENCONTREAVEC 31

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

gain. Si ce n’est pas le cas, il n’y a plus de raison objec-tive de les rĂ©unir dans un mĂȘme axiome Ă©conomi-que. La neuro-Ă©conomie laisse la porte ouverte Ă tant de nouveaux types de modĂ©lisation ! »Mais pas assez cependant pour nourrir le besoinde gymnastique intellectuelle de ce boulimiquede travail. Celui qui avoue aimer se retrouverloin de ses bases parisiennes lorsqu’il enseigneen SuĂšde, en IsraĂ«l, aux États-Unis ou en Italie,a finalement trouvĂ© une autre Ă©chappatoire Ă son quotidien d’économiste. Une vie de roman.Les siens
 Depuis 2003, annĂ©e de sa rencontreavec le psychanalyste et Ă©crivain Jean-BertrandPontalis, Antoine Billot publie un livre tous lesdeux ans. Roman, rĂ©cit autobiographique ou arti-cles psychanalytiques, l’économiste s’essaie Ă tout. Il prend un malin plaisir Ă  rĂ©habiliter lepauvre Charles Bovary, mari d’Emma, qui devientsous sa plume un cynique manipulateur. Ouimagine la rencontre de Ludwig Wittgensteinavec Adolf Hitler, adolescents, Ă  Linz, dans LedĂ©sarroi de l’élĂšve Wittgenstein. Les critiques littĂ©-raires l’encensent. Antoine Billot rĂ©cidive en2008 avec La conjecture de Syracuse, un romanrelatant l’affrontement de deux mathĂ©maticienssur fond de guerre d’AlgĂ©rie. Son prochain« sujet » ? « Musset, rĂ©pond-il l’air gourmand.C’est un torturĂ© pour qui tout est vain. Pas un sim-ple romantique, hein. Mais un vĂ©ritable passionnĂ©,un passionnĂ© mĂ©lancolique. »

Camille Lamotte

1. UnitĂ© CNRS / EHESS, Paris / École normale supĂ©rieure,Paris / École nationale des Ponts et ChaussĂ©es, Paris.

Antoine Billot

Comme un roman

Économiste

CONTACTÔ Antoine BillotParis Jourdan Sciences Ă©conomiquesAntoine Billot, [email protected]

“C’était cela pour moile nouveau dĂ©fi enĂ©conomie : rĂ©concilier la rigueur de l’abstractionet le foisonnement du rĂ©el. ”

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l’acoustique mais aussi la sĂ©curitĂ© et la santĂ©.L’exposition a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e en avant-premiĂšresur le campus CNRS de Gif-sur-Yvette dans lecadre des JournĂ©es europĂ©ennes du patrimoineles 19 et 20 septembre derniers. Elle est au siĂšgedu CNRS Ă  Paris depuis le 1er octobre. Puis elleentamera un tour de France via Lyon, Strasbourg,Caen, Poitiers, Nancy
 oĂč elle sera prĂ©sentĂ©edans des centres de culture scientifique, des col-lĂšges, des lycĂ©es, des universitĂ©s, des campusCNRS et des collectivitĂ©s locales. DerniĂšre Ă©tapeprĂ©vue : Bordeaux dans le cadre du festival CinĂ©-mascience du 1er au 6 dĂ©cembre.

En quoi le numĂ©ro d’octobre de La revue pourl’histoire du CNRS est-il spĂ©cial?A.K. : Ce numĂ©ro, qui coĂŻncide aussi avec les dixans de la revue, est exceptionnel Ă  plus d’un titre.Sur la forme tout d’abord, il passe d’un formatmagazine traditionnel A4 Ă  un format A3 avecun traitement de l’information qui s’apparenteĂ  celui d’un quotidien national. Photos, des-sins de presse et vulgarisation y tiennent ainsiune place importante pour en faire un numĂ©roparticuliĂšrement attrayant et facile Ă  lire. Sur lefond, il dĂ©crit la trĂšs grande diversitĂ© des recher-ches menĂ©es au CNRS via de nombreux tĂ©moi-gnages de chercheurs qui exposent en toutelibertĂ© ce que le Centre leur a apportĂ©. Par leurintermĂ©diaire, le lecteur dĂ©couvre les choix desociĂ©tĂ© effectuĂ©s par le CNRS et son engagementdans les dĂ©bats de son Ă©poque : environne-ment, dĂ©veloppement durable, santĂ©, rĂŽle desexperts, importance de la recherche fonda-mentale, sciences humaines, communication...Jeux mathĂ©matiques et mots croisĂ©s scien-tifiques en font mĂȘme un numĂ©ro ludique !Nous l’avons tirĂ© Ă  47 000 exemplaires pourune diffusion Ă  l’ensemble des personnels duCNRS. Il sera Ă©galement disponible au colloque,au festival CinĂ©mascience de Bordeaux, auxRencontres « Science et citoyens » de Poitierset sur l’ensemble des manifestations prĂ©vues le19 octobre.

D’autres Ă©vĂšnements sont doncprogrammĂ©s?A.K. : Ce jour-lĂ , des Ă©vĂšnementsseront en effet organisĂ©s dans lescentres du CNRS sur tout le terri-toire. Ils prendront la forme d’ani-mations sur les lieux de vie, tels les restaurantsadministratifs. Menu, dĂ©coration et objets sou-venirs seront aux couleurs des 70 ans. L’objectifest de crĂ©er davantage de lien entre les person-nels qui travaillent parfois sur des sujets trĂšsdivers, et de renforcer le sentiment d’apparte-nance Ă  un seul et mĂȘme grand centre de recher-che pluridisciplinaire. Le calendrier des mani-festations est disponible sur un site internet crĂ©Ă©spĂ©cialement pour l’anniversaire Ă  l’adressewww.cnrs.fr/70ans. On y trouve aussi toutes lesinformations nĂ©cessaires sur le colloque : pro-gramme, biographie des intervenants, bulletinsd’inscription
 et des extraits vidĂ©o seront mis enligne fin octobre. Par ailleurs, on peut y tĂ©lĂ©-charger le numĂ©ro spĂ©cial de La revue pour l’his-toire du CNRS avec quelques articles enregis-trĂ©s en audio pour les malvoyants, et y consulterdes extraits phares du livre de Denis Guthleben.Le site propose Ă©galement une visite virtuelle de

l’exposition de photos et le calendrier de sa tour-nĂ©e en France. Enfin, huit cahiers photo et un filmillustrant l’histoire du CNRS, ainsi que des filmsanciens, seront Ă  la disposition des internautes.Bref, tout le nĂ©cessaire pour fĂȘter dignementl’évĂšnement !

Propos recueillis par Jean-Philippe Braly

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1. Lire « Le CNRS a 70 ans », Le journal du CNRS, n° 236,septembre 2009.2. La Big Science est un terme employĂ© pour qualifierl’évolution qui s’est produite aprĂšs la deuxiĂšme guerremondiale dans les pays industrialisĂ©s, avec la mise en placede projets scientifiques importants, liĂ©s Ă  de trĂšs grandsinstruments nationaux ou internationaux.

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ANNIVERSAIRE

Il y a 70 ans naissait le CNRS

devrait s’intensifier, la forme des laboratoireschanger, la tĂ©lĂ©recherche pourrait se dĂ©velop-per
 Tous ces thĂšmes seront abordĂ©s de maniĂšretrĂšs vivante autour de tables rondes auxquellesparticiperont des historiens, et plus gĂ©nĂ©rale-ment des chercheurs, ingĂ©nieurs et techniciensqui travaillent dans les disciplines dures, leshumanitĂ©s et les mĂ©tiers de l’administration. Ilsnous feront partager leur passion, vĂ©ritablemoteur de leurs activitĂ©s de recherche. Mais cettejournĂ©e ne sera pas qu’un Ă©vĂšnement interne.Issus de la sphĂšre scientifique, politique et mĂ©dia-tique, plusieurs intervenants extĂ©rieurs au CNRSapporteront Ă©galement leur contribution. OuvertĂ  tous, ce colloque sera retransmis en direct surwww.cnrs.fr. À cette occasion, un livre spĂ©ciale-ment Ă©crit pour cet anniversaire sera prĂ©sentĂ© 1.

De quoi traite cet ouvrage?A.K. : Intitulé Histoire du CNRS de 1939 à nos

jours, Une ambition nationale pour lascience, il retrace les Ă©vĂšnements

qui ont marquĂ© le centre derecherche durant ses soixante-dix annĂ©es d’existence. Le livreaborde ainsi tout un pan de

l’histoire de la science fran-çaise et, ce faisant, de

l’histoire contempo-raine. Car les per-

sonnels du CNRSn’ont jamais vĂ©cudans une tourd’ivoire, hierpas plus qu’au-jourd’hui ! Ilsont participĂ© Ă  la mobilisation

pour la seconde guerre mondiale, subi les affresde l’occupation nazie, rebĂąti Ă  la LibĂ©ration
 Aufil des pages, on dĂ©couvre ainsi Ă  quel point l’his-toire du Centre est intimement liĂ©e Ă  la conjonc-ture politique : importance accordĂ©e par le gĂ©nĂ©-ral de Gaulle Ă  la recherche scientifique,rĂ©organisation de la recherche publique sousFrançois Mitterrand
 On y apprend aussi com-ment le CNRS s’est investi dans la gestion des ins-truments de la « Big Science » 2 avec la crĂ©ationd’instituts nationaux, a mis en place des pro-grammes interdisciplinaires pour mieux rĂ©pon-dre aux demandes sociĂ©tales, a multipliĂ© les par-tenariats, valorisĂ© ses dĂ©couvertes, appris de sesĂ©checs
 Écrit par l’historien Denis Guthleben,attachĂ© scientifique au ComitĂ© pour l’histoire duCNRS, cet ouvrage passionnant fait apparaĂźtre leCNRS tel qu’il est et a toujours Ă©tĂ© : un labora-toire du mouvement perpĂ©tuel oĂč recherche etpolitique de la recherche n’ont jamais cessĂ© d’ĂȘtreremises sur la paillasse.

Autre Ă©vĂšnement, une exposition de photositinĂ©rante et Ă©tonnante, par la pĂ©riode del’histoire du CNRS qu’elle retrace
 A.K. : Il s’agit en effet d’une pĂ©riode assez mĂ©con-nue : sa « prĂ©histoire » ! Quarante et un clichĂ©stotalement inĂ©dits de l’entre-deux-guerres consti-tueront cette exposition nommĂ©e « Quoi de neufdans le passĂ©? ». Extraits des trĂ©sors enfouis dansles sous-sols de la photothĂšque du CNRS, ils prĂ©-sentent les inventions des personnels de l’Officenational des recherches scientifiques et des inven-tions de Meudon, les lointains ancĂȘtres des cher-cheurs du CNRS. Sorte de Moulinsart francilien,ce lieu ressemblait plus Ă  un concours LĂ©pinepermanent qu’à un centre « high-tech » pourchercheurs de pointe ! Le public dĂ©couvrira ainsides photos d’inventions des annĂ©es 1920 et 1930,

qui nous paraissent aujourd’hui aussi bien uti-les, que parfois farfelues ou cocasses : simula-teur de vol, taxi anti-Ă©crasement, voiture Ă©lec-

trique, ailes battantes pour dĂ©coller verticalement,mur d’isolation phonique, clignotant Ă  cĂąbles,

radeau à hélice, lave-vaisselle rudi-mentaire, casque acoustique pourmalentendants
! Au total sept thé-matiques sont couvertes : du déve-

loppement durable Ă  la vie quotidienne,en passant par l’optique, les matĂ©riaux,

INSITU INSITU

BRÈVE

Paris prĂ©sente la mĂ©tĂ©oDu 20 au 25 octobre, Paris accueille le 6e forum international de la mĂ©tĂ©o. CĂŽtĂ© grand publictout d’abord, chacun pourra participer, au fil des cinq secteurs thĂ©matiques (mĂ©tĂ©o, climat,environnement, Ă©nergies, espace), Ă  des expĂ©riences, des animations et jeux interactifs ouencore s’exercer Ă  la prĂ©sentation d’un bulletin mĂ©tĂ©o comme Ă  la tĂ©lĂ©vision. Mais le forumest aussi un Ă©vĂšnement scientifique de premier ordre, avec le colloque « La ville face auchangement climatique » qui se tiendra le vendredi 23 octobre, et au cours duquel plusieurschercheurs du CNRS interviendront. L’organisme, avec son Institut national des sciences del’Univers (Insu), est d’ailleurs partenaire du forum international organisĂ© par la SociĂ©tĂ©mĂ©tĂ©orologique de France (SMF). > Pour en savoir plus : www.smf.asso.fr/fim09.html

L’exposition « Quoi de neuf dansle passĂ© » est accessible en lignepour une visite virtuelle.

Un numĂ©ro spĂ©cial de La revue pour l’histoiredu CNRS va paraĂźtre pourcĂ©lĂ©brer l’occasion.

L’ouvrage « Histoire duCNRS de 1939 Ă  nos jours »,(Ă©d. Armand Collin), pourtout savoir sur l’organisme.

CONTACTÔ AndrĂ© KaspiComitĂ© pour l’histoire du CNRS, [email protected]

Au cƓur des cĂ©lĂ©brations des 70 ans du CNRS,un grand colloque aura lieu Ă  Paris le 19 octobreprochain. Quels seront les thĂšmes abordĂ©s lorsde cette rencontre ouverte Ă  tous?AndrĂ© Kaspi : PlacĂ© sous le haut patronage duprĂ©sident de l’AssemblĂ©e nationale, le colloque« La recherche, une passion, des mĂ©tiers :construire l’avenir » sera l’évĂšnement phare desfestivitĂ©s. Son objectif est de prĂ©senter la maniĂšredont les mĂ©tiers de la recherche ont Ă©voluĂ© au fildes annĂ©es, et l’horizon vers lequel ils s’oriententpour l’avenir. En effet, on n’était pas chercheurau bon vieux temps du savant Jean Perrin, fon-dateur du CNRS, comme on l’est aujourd’hui, nicomme on le sera demain ! Les instruments sesont beaucoup modifiĂ©s, la recherche s’est inter-nationalisĂ©e, le dialogue avec la sociĂ©tĂ© s’estaccru, de nouvelles thĂ©matiques Ă©mergent, lesmĂ©thodes de travail se transforment
 Et dans lesannĂ©es Ă  venir, la globalisation de la recherche

Le 19 octobre, le CNRS soufflera ses soixante-dix bougies. Pour l’occasion, le ComitĂ© pour l’histoiredu CNRS a concoctĂ© un programme Ă  la hauteur de l’évĂšnement : colloque, parution d’un livre,exposition de photos, numĂ©ro spĂ©cial de La revue pour l’histoire du CNRS
 Le prĂ©sident du ComitĂ©, AndrĂ© Kaspi, lĂšve le voile sur les festivitĂ©s.

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rĂ©pandre sur le terrain aplani ;et enfin apporter du sol des« coussouls » voisins et le rĂ©pan-dre sur le terrain afin, toujours,d’introduire des graines, des bul-bes et rhizomes d’espĂšces step-piques. Ces travaux seront finan-cĂ©s par CDC BiodiversitĂ©, leCNRS et la rĂ©gion Paca.AprĂšs la phase de restauration,suivra une phase de gestion surtrente ans de cet espace qui serain fine rendu aux moutons. « Avecce projet, on a lĂ  un vrai lien entrerecherche fondamentale et rechercheappliquĂ©e. Y participer nous per-met d’étudier les espĂšces de la steppesur un modĂšle expĂ©rimental gran-deur nature, insiste ThierryDutoit. Jamais je n’aurais rĂȘvĂ©d’une telle occasion ! »Mais, cette expĂ©rience devraitaussi mener Ă  une nouvelle pra-tique Ă©cologique en France : « lacompensation Ă©cologique par l’of-fre ». Car depuis la loi de 1976relative Ă  la protection de lanature, les opĂ©rateurs doivent

prouver qu’ils ont tout fait pour rĂ©duire les dĂ©gĂątsoccasionnĂ©s par leur activitĂ© industrielle, et sipossible « compenser » leur action sur l’envi-ronnement. Pour ce dernier devoir, il pourraleur ĂȘtre proposĂ© d’acheter des « unitĂ©s de com-pensation » de la plaine de Crau, Ă©quivalentes Ă celles qu’ils vont faire disparaĂźtre. Une pratiquedissuasive : Ă  35 000 euros l’hectare, les pro-moteurs de projets pourraient ĂȘtre tentĂ©s demoins dĂ©truire la nature


Kheira Bettayeb

1. Institut CNRS / IRD / universités Aix-Marseille-I et -III /université Avignon.

Pour retrouver la végétationinitiale de ce sol, de la terredes steppes voisines y seraépandue.

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

MRCT

Créée en 2000, unique en son genre, la Mission des ressources etcompétences technologiques (MRCT) du CNRS mÚne des actionstransversales autour des technologies. Ses objectifs : fédérer lescommunautés qui les utilisent et favoriser le partage de savoir-faire.

Les technologies en partage

Du technicien au chercheur en passant parl’ingĂ©nieur, quelles que soient les disci-plines et les thĂ©matiques de recherche,tous sont confrontĂ©s un jour ou l’autre

Ă  des outils ou des savoirs technologiques. Pourfavoriser leur maĂźtrise par le plus grand nombre,la Mission des ressources et compĂ©tences tech-nologiques (MRCT) du CNRS coordonne l’in-ventaire des technologies et des savoir-faire quileur sont associĂ©s, au sein – pour l’essentiel – del’établissement. Et en facilite la diffusion dans leslaboratoires. Pour ce faire, la Mission soutient des rĂ©seauxde compĂ©tences technologiques. « Aujourd’hui,nous comptons 17 rĂ©seaux nationaux et une tren-taine de relais rĂ©gionaux qui assurent une veilletechnologique dans leur domaine de compĂ©tence, prĂ©-cise Michel Cathelinaud, responsable adjoint dela MRCT pour les affaires technologiques. Entout, 500 laboratoires sont concernĂ©s, ce qui reprĂ©-sente 6000 agents. » Des exemples de rĂ©seaux exis-tants ? Nous pouvons citer le rĂ©seau des mĂ©ca-niciens qui, avec ses 1 000 membres, regroupe300 laboratoires, ou le dernier-nĂ©, le rĂ©seau desmicroscopies Ă  champs proches qui compte pourle moment 150 membres. Chaque rĂ©seau, Ă  tra-vers son groupe de travail, recense les outils etmĂ©thodes utilisĂ©s et partage les expertises et

expĂ©riences acquises au cours de sĂ©minaires.D’autre part, des documents technologiques sontconçus et publiĂ©s pour mieux transmettre lesconnaissances.Autre facette de ces rĂ©seaux, celle plus Ă©tonnantede laboratoires virtuels de recherche. En effet, desprojets de recherche ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© lancĂ©s, la thĂ©-matique devant ĂȘtre obligatoirement et par dĂ©fi-nition technologique. Par exemple, le rĂ©seau« Hautes pressions », dans le cadre du pĂŽle decompĂ©titivitĂ© mondial LyonbiopĂŽle, vient de lan-cer le projet Hyperbar. Son but : la mise au pointd’un nouveau procĂ©dĂ© industriel d’inactivationphysique de bactĂ©ries et de virus pour la fabri-cation de vaccins. « C’est l’exemple parfait d’unrĂ©seau expert identifiĂ© comme un laboratoire. Cer-tains rĂ©seaux proposent des projets ANR ou desgroupements de recherche. D’autres vont jusqu’àdes dĂ©pĂŽts de brevets. Cela illustre l’importance dela mise en relation des diffĂ©rents acteurs et surtoutl’émulsion que cela engendre », ajoute MichelCathelinaud.« Nos actions sont transversales et bĂ©nĂ©ficient Ă l’ensemble des disciplines scientifi-ques, poursuit-il. Notre objectif estde faire profiter les membres desrĂ©seaux des avancĂ©es technologiqueset de mutualiser les moyens autour

d’équipements ou de projets d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. »C’est dans cette optique que la MRCT com-mandite des actions nationales de formationrĂ©servĂ©es prioritairement au personnel du CNRS.« Le nombre de rĂ©seaux croĂźt et les actions de for-mations deviennent plus ambitieuses, expliqueFrancine Bizot, responsable adjointe de la MRCT.Depuis 2004, 150 actions ont Ă©tĂ© financĂ©es par ladirection des ressources humaines du CNRS aubĂ©nĂ©fice de 5 000 stagiaires. » Cette annĂ©e aurontdonc lieu, parmi la trentaine de formations pro-grammĂ©es, la JournĂ©e thĂ©matique 2009 desmicroscopies Ă  sonde locale, l’Atelier de forma-tion sur la microĂ©lectrode Ă  cavitĂ© ou encore lesJournĂ©es nationales des cristaux pour l’optique.En plus de ces formations, de nombreux forums,ateliers et sĂ©minaires sont organisĂ©s. « Les rĂ©seauxsont trĂšs actifs. Ceux qui les animent sont des volon-taires. Certes, rejoindre un rĂ©seau s’ajoute Ă  l’acti-vitĂ© professionnelle, mais l’engouement est rĂ©el. » EntĂ©moignent les nombreux laurĂ©ats des mĂ©dailleset Cristals du CNRS impliquĂ©s dans le pilotagedes rĂ©seaux.Et Michel Cathelinaud de rappeler « qu’il n’y a quele CNRS capable de telles activitĂ©s transversales etcomplĂ©mentaires car toutes les disciplines y sontreprĂ©sentĂ©es. La MRCT est unique au niveau natio-nal et international ». Actuellement, de nouveauxrĂ©seaux concernant la mĂ©trologie ou encore le cal-cul scientifique sont en construction. Et certai-

nes réflexions sont menées pourdes projets à visée internatio-nale, notamment le réseau surles technologies des plasmasfroids qui approfondit ses échan-ges avec le Québec. Plus large-ment, dans le cadre du plan stra-tégique « Horizon 2020 » duCNRS, la MRCT a précisérécemment plusieurs pistes àexplorer : les relations internesau réseau, les liens entre lesréseaux et les industriels ouencore le développement desrelations européennes et inter-nationales.

Nadia Daki

Ô Pour en savoir plushttp://www.mrct.cnrs.fr

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Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

ÉCOLOGIE

PrĂšs de Fos-sur-Mer, des chercheurs du CNRS participent Ă  la restauration d’une ancienne steppe quiavait Ă©tĂ© remplacĂ©e, il y a trente ans, par un verger industriel de 357 ha. Une opĂ©ration d’envergure
qui pourrait aussi dĂ©boucher sur un nouveau comportement des industriels.

Un Ă©cosystĂšme reprend ses droits

On connaissait les restaurateurs detableaux, qui redonnent aux peinturesanciennes leur Ă©clat d’antan. Voici Ă  prĂ©-sent les restaurateurs d’écosystĂšmes


mĂ©diterranĂ©ens, pour ĂȘtre exact. Dans la plainede Crau, prĂšs de Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-RhĂŽne, plusieurs acteurs, dont les chercheursde l’Institut mĂ©diterranĂ©en d’écologie et de palĂ©o-Ă©cologie (Imep)1, travaillent en effet d’arrache-piedpour restaurer un paysage naturel de 357 hectaresqui avait Ă©tĂ© remplacĂ© par un verger industrieldans les annĂ©es 1980. « C’est le plus grand chan-tier de ce type en France! », souligne Thierry Dutoit,professeur d’universitĂ© et chercheur Ă  l’Imep.BĂ©nĂ©ficiant de dix millions d’euros sur trenteans, le projet a Ă©tĂ© lancĂ© par CDC BiodiversitĂ©,une filiale de la Caisse des dĂ©pĂŽts. Outre le CNRS,il implique aussi le ministĂšre de l’Écologie, del’énergie, du dĂ©veloppement durable et de lamer, des collectivitĂ©s territoriales, des universi-tĂ©s, des centres de recherche, des associations deprotection de la nature, des usagers locaux.ConcrĂštement, il vise Ă  rĂ©habiliter un Ă©cosys-tĂšme tout Ă  fait unique qui avait Ă©tĂ© remplacĂ© parle verger industriel : le « coussoul », une terre nĂ©ede l’interaction millĂ©naire entre le climat mĂ©di-terranĂ©en, des sols pauvres et les troupeaux demoutons, formant ainsi la seule steppe arided’Europe de l’Ouest. Un terrain Ă©cologiquementtrĂšs important, puisqu’il constitue le seul habi-tat possible pour certaines espĂšces, tels les oiseauxayant besoin de milieux pierreux ouverts, commel’outarde canepetiĂšre ou le ganga cata. Tout a commencĂ© en 2008 quand CDC Biodi-versitĂ© a acquis les 357 hectares d’anciens vergers.« Nous avons Ă©tĂ© trĂšs rapidement contactĂ©s par laCDC car Ă  l’origine nous travaillions sur les espĂš-ces steppiques ; nous tentions notamment de savoirpourquoi il y a tant d’espĂšces dans ces commu-nautĂ©s vĂ©gĂ©tales : 70 espĂšces de vĂ©gĂ©taux Ă  fleurspar mĂštre carré  », prĂ©cise Thierry Dutoit. LapremiĂšre phase de l’opĂ©ration a durĂ© de janvierĂ  septembre 2009. Elle a consistĂ© Ă  rĂ©habiliterune fonction de l’écosystĂšme, celle d’accueillir desoiseaux. Pour ce faire, il a fallu retirer les200 000 pĂȘchers et les 100 000 peupliers quiconstituaient le verger industriel ; ainsi que les1000 kilomĂštres de tuyaux en PVC du rĂ©seau d’ir-rigation. Puis arbres et PVC ont Ă©tĂ© broyĂ©s etrecyclĂ©s. Ensuite il a fallu aplanir le terrain recou-vert de buttes pour en faire un sol de steppe,c’est-Ă -dire un terrain plat. « Nous sommes inter-

venus ici pour dire Ă  quelle profondeur il fallait limi-ter l’aplanissement des buttes, faire respecter les lisiĂš-res avec la vĂ©gĂ©tation steppique qui a survĂ©cu autouren bordure du verger, ou encore dĂ©finir les pĂ©riodesd’activitĂ© des bulldozers en fonction du cycle de viedes oiseaux. Il ne fallait pas de travaux lors de la nidi-fication, par exemple », raconte Thierry Dutoit.La prochaine Ă©tape doit commencer en octobre :Ă  prĂ©sent, il s’agit de restaurer expĂ©rimentalementla vĂ©gĂ©tation steppique initiale du site faite de che-veux d’ange, de thym, et de bien d’autres espĂš-ces. Les biologistes du CNRS ont pensĂ© procĂ©deren plusieurs Ă©tapes : tout d’abord, semer, sur leterrain rĂ©habilitĂ©, des espĂšces vĂ©gĂ©tales dites« nurses », favorables Ă  la prĂ©sence des fourmisqui vĂ©hiculent les graines de vĂ©gĂ©tation steppi-que des « coussouls » voisins ; ensuite, faire un« transfert de foin », c’est-Ă -dire prĂ©lever desgraines de terrains steppiques voisins et les

CONTACTÔ Thierry DutoitInstitut mĂ©diterranĂ©en d’écologie et depalĂ©oĂ©cologie, [email protected]

CONTACTÔ GĂ©rard LeliĂšvreDirecteur de la Mission des ressources etcompĂ©tences technologiques (MRCT), [email protected]

INSITU INSITU

1. RĂ©seau de technologie des hautes pressions / HP2. RĂ©seau des technologies femtoseconde / Lasur3. RĂ©seau des Cristaux massifs, micro- nano-

structures et dispositifs pour l’optique / CMDO+4. RĂ©seau des technologies et procĂ©dĂ©s de

croissance cristalline / Cristech5. Réseau « Optique et photonique » / ROP6. Réseau des plasmas froids / PF7. Réseau « Nanorgasol » 8. Réseau des utilisateurs de la microélectrode à

cavitĂ© / Umec9. RĂ©seau des technologies du vide / RTVIDE10. RĂ©seau des mĂ©caniciens / RDM11. RĂ©seau des Ă©lectroniciens 12. RĂ©seaux d’administrateurs systĂšmes et rĂ©seaux /

Resinfo13. RĂ©seau des professionnels de l’information

scientifique / Renatis

14. Réseau « Qualité en recherche » / QeR15. Réseau des centres communs de microscopie /

RCCM16. Réseau « Microscopie photonique de

fluorescence multidimensionnelle » / MFM17. Réseau « Champs proches »

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LES 17 RÉSEAUX DE LA MRCT

La MRCT, permet de fédérerdes communautés autour dessavoir-faire technologiques.Ci-dessous, une presse multi-enclume pour les recherchesmenées à hautes pressions.

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certain sur l’environnement atmosphĂ©rique et lapollution sonore des transports aĂ©riens. AutresphĂ©nomĂšnes Ă©tudiĂ©s : la traĂźnĂ©e visqueuse, cetteforce de rĂ©sistance exercĂ©e par l’air sur le vĂ©hi-cule en mouvement. « Nous tentons de prĂ©dire etde rĂ©duire cette derniĂšre ainsi que les dĂ©collementsd’écoulements prĂšs des parois des vĂ©hicules qui sontaussi gĂ©nĂ©rateurs de tourbillons », explique PatrickBontoux. Une tĂąche complexe, mais le jeu envaut la chandelle : la rĂ©duction de ces effets (enjouant sur la gĂ©omĂ©trie du vĂ©hicule) entraĂźneune Ă©conomie du carburant nĂ©cessaire Ă  l’avan-cĂ©e du vĂ©hicule. Ce sont ainsi six ouvrages, prĂšs de 200 publi-cations et une quinzaine de colloques qui ont Ă©tĂ©organisĂ©s depuis 2004. Pour l’heure, le GDRE« MĂ©canique des fluides numĂ©rique » a dĂ©jĂ contribuĂ© Ă  une meilleure comprĂ©hension desmĂ©canismes physiques ainsi qu’à l’amĂ©liora-tion des techniques et des modĂšles utilisĂ©saujourd’hui dans l’industrie. Ces avancĂ©es repo-sent sur des liens tissĂ©s un Ă  un avec divers

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

HORIZON Ils ont choisi la France et le CNRS36

Il vient d’URSS, un pays « qui n’existe plus ».Mais dans son bureau pourtant austĂšre del’universitĂ© Paris-XIII Ă  Villetaneuse, oĂč unetour d’ordinateur le dispute Ă  une bibliothĂš-

que Ă  moitiĂ© vide, aucune place pour le spleen.La piĂšce est bien Ă  l’image du bonhomme: spar-tiate. Car depuis 30 ans, Vladimir Solozhenko,directeur de recherche au CNRS et spĂ©cialiste desmatĂ©riaux sous trĂšs hautes pressions et tempĂ©-ratures ne fait strictement que cela, en vĂ©ritablepassionnĂ©. Seule faille Ă©motionnelle cependant,ses premiĂšres annĂ©es d’études au dĂ©partementde chimie de l’universitĂ© de Moscou, la « meilleured’Union soviĂ©tique ». Vladimir Solozhenko, plu-tĂŽt avare de sentimentalisme, en parle volon-tiers, avec bonheur et nostalgie. « J’ai commencĂ©mes recherches trĂšs jeune, Ă  l’ñge de 20 ans, et publiĂ©mon premier article deux ans plus tard. J’en Ă©taisle seul auteur. On Ă©tait trĂšs libre, on pouvait suivrenos propres idĂ©es. AprĂšs ma soutenance de thĂšse en1984, je suis parti Ă  l’Institut des matiĂšres ultra-dures de l’AcadĂ©mie des sciences d’Ukraine, Ă  Kiev.L’industrie de coupe et d’usinage cherchait des appli-cations pour remplacer le diamant. C’est devenul’objet principal de mes recherches. »

Car dans cet univers impitoyable, le diamantnaturel n’est plus Ă©ternel depuis longtemps. Lesuper-abrasif, considĂ©rĂ© comme le matĂ©riau leplus dur au monde, montre en effet des limitesune fois soumis Ă  de fortes tempĂ©ratures lors dela coupe : par exemple, il n’est pas stable et rĂ©a-git chimiquement avec des matĂ©riaux ferreux.Devant la nĂ©cessitĂ© d’une nouvelle gĂ©nĂ©rationde matĂ©riaux ultradurs, Vladimir Solozhenko sepenche sur un matĂ©riau moins dur que le diamantmais plus rĂ©sistant Ă  la chaleur et Ă  l’oxydation,le nitrure de bore cubique (c-BN). Il le mĂ©langeavec du carbone pour obtenir un matĂ©riau Ă  la foisstable chimiquement et plus dur que le c-BN : lecarbonitrure de bore cubique. Mais pour effectuerune synthĂšse au niveau atomique, il faut exposerle « mĂ©lange » des Ă©lĂ©ments Ă  une trĂšs hautetempĂ©rature et Ă  une trĂšs haute pression. Or Ă  Kiev,les moyens techniques sont limitĂ©s. Un intenseprogramme international de recherche se metdonc en place. Vladimir Solozhenko passe la moi-tiĂ© de son temps loin de Kiev. D’abord au synch-rotron de Hambourg, puis en France Ă  Paris,Bordeaux et Ă  l’European Synchrotron RadiationFacility (ERSF) de Grenoble1. Ou encore aux États-

Unis. GrĂące aux images par rayonsX obtenues ausynchrotron de Grenoble, les chercheurs contrĂŽ-lent en temps rĂ©el comment rĂ©agit la structure del’échantillon. Et Ă  2 000 °C, pour une pression250 000 fois supĂ©rieure Ă  celle de l’atmosphĂšre,ils obtiennent enfin, en 2001, le matĂ©riau le plusdur aujourd’hui connu, aprĂšs le diamant. Maisentre-temps, le monde de Vladimir Solozhenkovole en Ă©clats. En 1991, l’URSS n’est plus. Lechercheur, qui travaillait Ă  Kiev, devient de faitautomatiquement citoyen d’Ukraine. Alors quel’économie du pays s’effondre et que nombre decollĂšgues lĂąchent leurs recherches pour survivre,Vladimir continue grĂące Ă  ses collaborations extĂ©-rieures. Mais le maintien du labo tient Ă  un fil.Il dĂ©cide de postuler en France. « Le CNRS est viteapparu comme la meilleure option. Avec l’appui deBrigitte Bacroix et Jean-Pierre Petitet, nous avonsmontĂ© une structure de recherches au Laboratoiredes propriĂ©tĂ©s mĂ©caniques et thermodynamiques desmatĂ©riaux du CNRS en 2003. Et grĂące aux fonds del’ANR, nous avons pu nous Ă©quiper et faire rapide-ment des avancĂ©es importantes. Ainsi, l’installationd’une presse dite “multi-enclume” a permis d’attein-dre les plus hautes pressions accessibles de nos jourssur des volumes macroscopiques de matĂ©riaux. »Plus ascĂšte que jamais, Vladimir fait du labo sanouvelle patrie. « Je ne suis pas sĂ»r d’avoir un jourcroisĂ© un Français autre que scientifique, avoue-t-iltimidement. D’ailleurs, je ne parle pas votre langue. »Ses yeux d’apatride vacillent un moment. « Maisici, je suis redevenu ce que je prĂ©fĂ©rais, un employĂ© auservice de l’État. J’aime servir un pays. »

Camille Lamotte

1. L’ESRF est une des plus intenses sources de rayon X au monde. Dix-neuf pays participent à son financement et à son fonctionnement.

CONTACTÔ Vladimir SolozhenkoLaboratoire des propriĂ©tĂ©s mĂ©caniques etthermodynamiques des matĂ©riaux, [email protected]

BRÈVES

Le Conseil européen de la recherche (ERC) a dévoilé la liste des 219 lauréats, sur 2503 candidats,du 2e appel à projets pour les bourses « jeuneschercheurs ». En tout, 26 travaillent dans desorganismes français, dont 9 chargés de recherche au CNRS : 6 en sciences de la vie, 2 en sciencesphysiques et ingénierie, et 1 en sciences humaines et sociales. La France est le 2e pays, derriÚre le Royaume Uni, et au premier rang en sciences de la vie. Le prochain appel à projets se clÎt entre finoctobre et début décembre selon les disciplines.> Pour en savoir plus : http://erc.europa.eu

Bourses europĂ©ennesDeux laboratoires internationaux associĂ©sont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s Ă  la rentrĂ©e. Le premier, intitulé« MatĂ©riaux inorganiques fonctionnels »,renforce une collaboration vieille de vingt ans entre des Ă©quipes rennaises,notamment du Laboratoire « Scienceschimiques de Rennes » 1, et chiliennes. Il s’agit de poursuivre les recherches sur les matĂ©riaux dits actifs pour des domainesaussi variĂ©s que l’optique, l’énergie, le transport et le stockage de l’information. Le LIA franco-maghrĂ©bin de mathĂ©matiques

et de leurs interactions, lui, a Ă©tĂ© fondĂ© entre le CNRS, l’École polytechnique et lesuniversitĂ©s de Nice-Sophia-Antipolis, de Pauet des Pays-de-l’Adour, de Clermont-Ferrand,d’une part, et plusieurs organismes d’AlgĂ©rie,du Maroc et de Tunisie d’autre part.Ensemble, les partenaires favoriseront les projets de recherche en mathĂ©matiquesen multipliant leurs collaborations et enparticipant Ă  la formation des doctorants.1. Laboratoire CNRS / UniversitĂ© Rennes-I / École nationalesupĂ©rieure de chimie de Rennes / Insa Rennes.

Création de deux nouveaux LIA

Groupement de recherche européen HORIZON 37

Aucune erreur d’aiguillage ni incidenttechnique Ă  signaler. Depuis une ving-taine d’annĂ©es, Français et Allemandsdu CNRS et de la Deutsche For-

schungsgemeinschaft (DFG) pilotent avec brioun programme de recherche innovant en dyna-mique des fluides. Leur objectif? La rĂ©duction desphĂ©nomĂšnes de turbulence dans les transportsaĂ©riens et terrestres. Il s’agit d’apprĂ©hender trĂšsfinement les phĂ©nomĂšnes de turbulence der-riĂšre les moteurs d’avion et les voitures, et derĂ©duire les perturbations sonores qui en rĂ©sultent,notamment dans les jets des turborĂ©acteursd’avions civils. À la clĂ© : un meilleur aĂ©rodyna-misme et une consommation allĂ©gĂ©e de carbu-rant, pour les avions comme pour les voitures.De programmes d’échange bilatĂ©raux en projetscommuns pour aboutir Ă  la crĂ©ation du Groupe-ment de recherche europĂ©en (GDRE) « MĂ©cani-que des fluides numĂ©rique » pour la pĂ©riodeactuelle 2004-2011, les deux pays n’ont cessĂ©depuis la fin des annĂ©es 1980 de coordonner lesefforts des deux communautĂ©s autour de thĂ©-matiques toujours plus ciblĂ©es. Vingt ans plustard, ce sont dix-neuf Ă©quipes portĂ©es par quatorzelaboratoires français et allemands 1 qui partici-pent Ă  ce programme de haut vol pour un bud-get global estimĂ© Ă  2,5 millions d’euros par an,financĂ© d’un cĂŽtĂ© par le CNRS, le ministĂšre de laRecherche et l’Onera, de l’autre par la DFG.« Cette initiative associe Ă©troitement les connais-sances en mĂ©canique des fluides et acoustique, enmodĂ©lisation et en calcul haute performance »,confie Patrick Bontoux, directeur du Laboratoirede MĂ©canique, modĂ©lisation et procĂ©dĂ©s propres(M2P2) 2, Ă  Marseille. L’une des approches scien-tifiques les plus prometteuses est la simulation desgrandes Ă©chelles (SGE). Cette sorte de maillagenumĂ©rique permet de simuler les plus gros tour-billons, qui sont les plus Ă©nergĂ©tiques, tout enmodĂ©lisant les plus petits, qui passaient Ă  traversles mailles du calcul. Le GDRE doit ce savoir-faire notamment Ă  la mise en Ɠuvre de puissancesde calcul importantes dans les centres nationaux3

et Ă  l’acquisition rĂ©cente par le CNRS des super-calculateurs vectoriel NEC SX8 et IBM Blue Gene.Ce dernier, au 9e rang mondial, dĂ©gage une puis-sance de calcul Ă©quivalente Ă  plus de 15000 ordi-nateurs portables de derniĂšre gĂ©nĂ©ration.La SGE permet ainsi d’isoler et d’étudier desphĂ©nomĂšnes particuliers comme les jets Ă  lasortie de moteurs d’avion, qui ont un impact

organismes et sociĂ©tĂ©s comme Dassault Aviation,Snecma, Rolls Royce, MTU, Airbus, Renault,le CEA, le Cnes, la DGA, EDF et l’Onera.Au-delĂ , l’objectif est de « faire de la simulationnumĂ©rique un langage commun au niveau euro-pĂ©en ». Des discussions sont en cours pour unĂ©largissement du GDRE aprĂšs 2011. Le nouveaupartenariat Prace (« Partnership for AdvancedComputing in Europe ») propose de structurerles moyens de calcul Ă  l’échelle europĂ©enne surplusieurs centres internationaux.

SĂ©verine Lemaire-Duparcq

1. Parmi les laboratoires participants, on peut citer : cĂŽtĂ© français, les LEA de Poitiers, LMFA de Lyon, M2P2 de Marseille, LMF de Nantes, LEGI et LJK de Grenoble,IMFT de Toulouse, LJAD de Nice, LIMSI et, cĂŽtĂ© allemand,le RWTH de Aachen, TU de Berlin, Darmstadt, Munich,Dresde, ainsi que les universitĂ©s de Stuttgart, Karlsruhe,Hamburg et Erlangen.2. CNRS / UniversitĂ©s Aix-Marseille-I, II et III / CentraleMarseille.3. Institut du dĂ©veloppement et des ressources en informatique scientifique (Idris), Centre informatiquenational de l’enseignement supĂ©rieur (Cines), centre de calcul recherche et technologie (CCRT).

La France et l’Allemagne sont associĂ©es dans un programme derecherche innovant en dynamique des fluides. L’objectif? RĂ©duire lesphĂ©nomĂšnes de turbulence dans les transports aĂ©riens et terrestres.

MÉCANIQUE DES FLUIDES

Les mécanos du numériqueVladimir Solozhenko

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Les chercheurs du GDRE« MĂ©canique des fluidesnumĂ©rique » Ă©tudient les phĂ©nomĂšnes de turbulencedans les transports. En haut,modĂ©lisation derriĂšre un moteurd’avion et ci-contre autour d’unevoiture (figurĂ©e en gris).

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GUIDE Livres38

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

Ce dĂ©but de XXIe siĂšcle voit se mondialiser lesmigrations, phĂ©nomĂšne qui a triplĂ© d’impor-tance en quarante ans et qui constitue laseconde Ă©popĂ©e migratoire de l’ñge moderneaprĂšs la grande pĂ©riode des annĂ©es 1880-1930.Consultante pour la Commission europĂ©enne,le Conseil de l’Europe et le Haut Commissariataux rĂ©fugiĂ©s, l’auteure analyse ici causes etconsĂ©quences de ce flux humain qui pose avecacuitĂ© la question du « vivre ensemble », des risques environnementaux,de la gouvernance mondiale et, in fine, de la reconnaissance d’un droit Ă la mobilitĂ© comme droit fondamental de l’homme.

Catherine Wihtol de Wenden, Ă©d. Puf,septembre 2009, 272 p. – 26 €

Dans cet essai issu de vos travauxsur la perception et l’action, vousdites y « oser une thĂ©orie de la sim-plexitĂ© » : en quoi consiste ce nou-veau concept?Il faut distinguer simplexitĂ© et sim-plicitĂ©. Dans toutes les activitĂ©shumaines, scientifiques ou sociales,nous sommes Ă  la fois Ă©merveillĂ©set Ă©crasĂ©s par la complexitĂ©. D’oĂčl’élaboration de « thĂ©ories de la com-plexitĂ© » – et de multiples tentativespour simplifier qui conduisent, autantdans l’étude du vivant que dans cellede la vie sociale, Ă  une caricature. Orla biologie, la physiologie, et les neu-rosciences ont Ă©tabli l’existence deprocessus Ă©lĂ©gants, rapides, effica-ces pour l’interaction du vivant avecle monde. Ces processus ne sont pas« simples » mais Ă©laborent des « solu-tions », des comportements rapides,fiables, qui tiennent compte de l’ex-

pĂ©rience passĂ©e et qui anticipent surles consĂ©quences futures de l’ac-tion. Ils sont simplexes, comme le fild’Ariane. Ces solutions exigent par-fois un « dĂ©tour » – elles ont un prix –,mais donnent l’apparence d’unegrande facilitĂ©. J’ai esquissĂ© Ă  partird’un terme utilisĂ© dans d’autrescontextes comme la gĂ©ologie, lesmathĂ©matiques, le design ou l’ingĂ©-nierie, une « thĂ©orie de la simplexitĂ© »afin de rendre compte de ce qui est,Ă  mon avis, l’une des propriĂ©tĂ©s lesplus originales du vivant.

Quelques exemples de ces proces-sus simplexes?Ils existent Ă  diffĂ©rents niveaux del’organisation du vivant. Par exem-ple, le trĂšs petit nombre de « motifs »qui sont utilisĂ©s dans les construc-tions molĂ©culaires de protĂ©ines, lasĂ©lection et le filtrage neuronal par

l’attention, ou encore les « lois deminimum d’énergie » utilisĂ©es par lecerveau pour contrĂŽler muscles etarticulations dans le comportementmoteur. On retrouve ces processussimplexes dans les fonctions cogni-tives les plus Ă©levĂ©es : la spĂ©ciali-sation des systĂšmes de mĂ©moires etla multiplication des mĂ©canismesneuronaux dans le traitement de l’es-pace (imaginer ou se rappeler un tra-jet), le rĂŽle de l’inhibition, la relationentre raison et Ă©motion. Et, Ă  unniveau symbolique et culturel, le rĂŽledu geste comme solution simplexe(et non simple) pour communiquerdes sentiments par exemple. Ce livre porte, aussi, sur la questionde l’Umwelt, le fait que chaqueespĂšce ne vit que dans « son »monde. Or, l’originalitĂ© du cerveauhumain est d’ĂȘtre un crĂ©ateur demondes. Les « dĂ©tours » des pro-cessus simplexes correspondentaussi Ă  cette inventivitĂ© du cerveauet de l’esprit humain, aux frontiĂšresde ce que les neuropsychologuesappellent la « pensĂ©e magique » qui

crĂ©e des mondes « possibles ». C’estpourquoi ce livre se termine par unbouquet d’extensions du concept Ă des domaines aussi divers que l’uti-lisation du dessin par les Ă©crivains, laconfiguration d’un coin de rue, l’in-clinaison d’un toit ou la gĂ©omĂ©tried’un jardin.

Vous semblez avoir voulu avec l’éla-boration de ce concept rĂ©pondre Ă une interrogation inquiĂšte del’homme face Ă  son monde?Oui, nous sortons d’un siĂšcle dominĂ©par le verbe et la norme oĂč a triom-phĂ© l’esprit de gĂ©omĂ©trie contre l’es-prit de finesse et qui a oubliĂ©, au pro-fit d’une raison dĂ©sincarnĂ©e, ce quej’appelle l’homme sensible, larichesse de l’« Ă©coumĂšne » 1, le rĂŽlede l’émotion. J’ai suggĂ©rĂ© des pis-tes pour reconstruire notre identitĂ©mise Ă  mal par l’extraordinaire com-plexitĂ© du monde, notre Ă©cartĂšlemententre le local et le global, l’accĂ©lĂ©-ration du temps vĂ©cu. Tout cela enremettant au centre la notion d’acte,puisque je suis un physiologiste.

Propos recueillis par A.L.

1. ÉcoumĂšne : concept forgĂ© par AugustinBerque pour dĂ©crire les lieux de vie enĂ©chappant Ă  la seule description factuelle dela gĂ©ographie, de l’économie et en rĂ©insĂ©rantle vĂ©cu de l’homme sensible.

Membre de l’AcadĂ©mie des sciences, Alain Berthoz est professeur au Col-lĂšge de France, oĂč il est directeur adjoint du Laboratoire de physiologie dela perception et de l’action (LPPA, CNRS / CollĂšge de France).

3 questions à


Le point de dĂ©part : l’analyse d’un corpus de textes de gran-des entreprises et la mise en perspective historique destrois formes de mobilisation de l’éthique par le systĂšmecapitaliste – Ă©thique protestante Ă  la naissance du capita-lisme rationnel moderne, Ă©thique progressiste dans la phasede rationalisation du travail industriel au XIXe siĂšcle et actuelleĂ©thique Ă©conomique des firmes. L’auteur analyse ici avec briola singularitĂ© d’une mobilisation dans laquelle l’éthique estinstrumentalisĂ©e car produite par les acteurs Ă©conomiques

pour des finalitĂ©s Ă©conomiques. RĂ©sultat : une inquiĂ©tante Ă©rosion des valeurs.Alors, une question se pose : le capitalisme ne serait-il pas en lui-mĂȘme l’une dessources de dĂ©moralisation de la sociĂ©tĂ©?

Anne Salmon, CNRS Éditions, septembre 2009, 264 p.– 25 €

La combinaison de deux phĂ©nomĂšnes du capitalisme actuel(puissance de la finance devenue force planĂ©taire et entrĂ©e desĂ©conomies industrielles dans l’ùre de la « sociĂ©tĂ© de la connais-sance » grĂące aux nouvelles technologies), devait ĂȘtre « pro-fitable Ă  tous ». La crise rĂ©cente a dĂ©menti cette vision. Cet essaiprĂ©sente un capitalisme loin des analyses dominantes. Acca-parant connaissances et ressources financiĂšres au profit d’une mĂȘme minoritĂ© depays et d’acteurs, il engendre un appauvrissement des connaissances et de leur dif-fusion. Les auteurs explorent ici les conditions d’une possible alternative.

Le savoir et la financeLiaisons dangereuses au cƓur ducapitalisme contemporainDominique Plihon et El Mouhoub Mouhoud, Ă©d. LaDĂ©couverte, coll. « Cahiers libres », septembre 2009,240 p. – 18 €

AprĂšs Trois leçons sur la sociĂ©tĂ© post-industrielle, toujours avec un grand talent devulgarisateur et une grande Ă©rudition, Daniel Cohen montre ici comment l’économiefaçonne la sociĂ©tĂ© au fil du temps et sur toute la planĂšte. Pour ce faire, il dresse une

vĂ©ritable fresque, de l’Empire romain aux traders deWall Street, des sociĂ©tĂ©s agraires du XIXe siĂšcle aurĂšgne des services immatĂ©riels de notre Ă©poque.Des questions lancinantes en filigrane : commentl’Occident, qui a arrachĂ© une part de l’humanitĂ© aurĂšgne de la faim et de la misĂšre, a-t-il pu finir sacourse dans le suicide collectif des deux guerresmondiales? Quel est le poison, « le vice cachĂ©, quia anĂ©anti l’Europe? » et « les tragĂ©dies europĂ©ennespourraient-elles se rĂ©pĂ©ter, en Asie ou ailleurs? ».Une histoire de l’humanitĂ© oĂč l’on voit les disparitĂ©sde toutes sortes ne faire que stimuler le capitalisme.

La prospĂ©ritĂ© du viceUne introduction (inquiĂšte) Ă  l’économieDaniel Cohen, Ă©d. Albin Michel, septembre 2009, 288 p. – 19 €

Éd. Odile Jacob, septembre 2009, 220 p. – 23 €

Alain Berthoz La simplexité

Superbement illustrĂ© avec plus de200 documents inĂ©dits provenant desarchives de l’armĂ©e, cet ouvragedĂ©crypte, de la RĂ©volution française Ă nos jours, un mythe rĂ©publicain fran-çais – celui du « hĂ©ros mort pour lapatrie », avec son cortĂšge de rĂ©cits et delĂ©gendes sur les « gueules cassĂ©es » –et l’évolution de ce mythe vers un « zĂ©romort ». Que reprĂ©sentent ces rites sacri-ficiels Ă  l’heure de la mondialisation et de l’intĂ©gration euro-pĂ©enne et quelle place auront-ils dans l’avenir?

Gilles Boetsch et Éric Deroo (dir.), CNRS Éditions,coll. « Corps », septembre 2009, 240 p. – 35 €

Faisant partie des parutions de l’automne cĂ©lĂ©brant le 70e anniversaire de lamort de Freud, ce Dictionnaire comble une lacune : il n’existait, en effet,

aucun travail sur l’ensemble des Ɠuvres psychanalyti-ques et post-freudiennes. Et, dans un moment oĂč la psy-chanalyse est contestĂ©e ou concurrencĂ©e par les thĂ©ra-pies comportementales et cognitives, cet ouvrage montrecombien il est utile de ne pas remplacer les textes par un« bottin de symptĂŽmes ».À travers l’étude de 340 Ɠuvres (quelque 140 textes deFreud, livres et articles fondateurs et quelque 200 Ă©critspost-freudiens), l’auteur restitue dans ce monumentalouvrage la substance des textes de la psychanalyse.

Paul-Laurent Assoun, Ă©d. Puf, septembre 2009, 1488 p. – 39 €

Le sacrifice du soldat

En 1997, le Tribunal pĂ©nal international pour l’ex-Yougosla-vie (TPIY) formulait Ă  la fois juridiquement (« crime », « vic-

time ») et philosophiquement (« enattaquant l’homme, est niĂ©e l’hu-manitĂ© »), la spĂ©cificitĂ© du crimecontre l’humanitĂ©, notion dĂ©jĂ  ins-crite dans le statut du Tribunal deNuremberg mais restĂ©e inexploitĂ©ejuridiquement. Cet ouvrage fait lepoint sur cette dĂ©nomination pĂ©nale,en explore la richesse, les ambiguĂŻ-tĂ©s et les dĂ©veloppements proba-bles dans les annĂ©es qui viennent.

Mireille Delmas-Marty, Isabelle Fouchard, EmanuelaFronza et Laurent Neyret, Ă©d. Puf, coll. « Que sais-je? », septembre 2009, 128 p. – 9 €

Dictionnaire des Ɠuvrespsychanalytiques

Moraliser le capitalisme?

Entreprise originale et inĂ©dite que cette rĂ©union des leçonsinaugurales du CollĂšge de France portant sur le MoyenÂge et la Renaissance en un seul volume. Trente et unechaires sont reprĂ©sentĂ©es (certaines totalement oubliĂ©es)occupĂ©es par des noms illustres –Jules Michelet, Focil-lon, Chastel, Duby, Étienne Gilson
 Un passionnant ensem-ble oĂč l’on assiste, non seulement au dĂ©veloppementmoderne des sciences historiques mais Ă  la naissance dela philologie et de l’histoire de l’art en France. L’évolutiond’une vie intellectuelle Ă  travers la discontinuitĂ© des pres-tigieuses leçons dont le choix ne prĂ©sente qu’un impĂ©ratif :« accompagner la recherche en train de se faire ».

Textes rassemblĂ©s par Pierre Toubert et Michel Zinkavec la collaboration d’Odile Bombard, Ă©d. Fayard,juin 2009, 672 p. – 32 €

Moyen Âge et Renaissanceau Collùge de France

Le crime contre l’humanitĂ©

La globalisation humaine

Page 21: Les promesses

Jean-ClaudeGall, Ă©d.L’Harmattan,coll. « Biologie,Ă©cologie,agronomie »,aoĂ»t 2009,174 p. – 16,50 €

GUIDE Livres40

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

LES JUIFS AMÉRICAINSAndrĂ© Kaspi, Ă©d. Seuil, coll. « PointsHistoire », septembre 2009, 320 p. – 9€

INQUIÉTANTE ÉTRANGETÉLaurent Danon-Boileau, Ă©d. Puf, coll.« Monographies et dĂ©bats depsychanalyse », aoĂ»t 2009, 216 p. – 21€

LA MÉTAPSYCHOLOGIE DE FREUDExposĂ© critiqueAlain Delrieu, Ă©d. Economica, coll.« Psychanalyse et pratiques sociales »,juillet 2009, 232 p. – 29€

AU CƒUR DU FONDAMENTALISMEEnzo Bianchi et Gilles Kepel, Ă©d. Bayard,octobre 2009, 70 p. – 13€

SOCIOLOGIE DES PROFESSIONSFlorent Champy, Ă©d. Puf, coll. « Quadriges– Manuel », septembre 2009, 240 p. – 15€

L’HOMME ET LA MORTL’invention de la sĂ©pulture durant laPrĂ©histoireAnne-Marie Tillier, CNRS Éditions, coll.« Le passĂ© recomposĂ© », septembre 2009,168 p. – 12€

LA FIN DES BÊTESUne ethnographie de la mise Ă  mort desanimauxCatherine RĂ©my, Ă©d. Economica, coll.« Études sociologiques », 210 p. – 25€

29 NOTIONS POUR SAVOURER ETFAIRE SAVOURER LA SCIENCEPierre LĂ©na, Yves QuĂ©rĂ© et BĂ©atriceSalviat, Ă©d. Le Pommier, coll. « ÉducationLa main Ă  la pĂąte », septembre 2009,500 p. – 29€

CES PRÉJUGÉS QUI NOUSENCOMBRENTGilles Dowek, Ă©d. Le Pommier, coll« Manifestes », septembre 2009, 108 p.– 10€

Retrouvez les publications de CNRS Éditionssur le site : www.cnrseditions.fr

AUTRES PARUTIONS

Prenant en compte les rĂ©centes extensions du mot « handicap » (perted’autonomie en raison de l’ñge, victimes de crises Ă©conomiques
), Eth-nologie française consacre l’un de ses « Dossiers » Ă  l’analyse des mul-tiples discours actuels pour « parler » du ou des « handicap(s) », confron-ter les attitudes des familles Ă  celles des professionnels et relier textesde lois et expĂ©riences concrĂštes en montrant les nombreux Ă©carts sur-venant entre normes et reprĂ©sentations.

Coord. AndrĂ© Rauch, Ethnologie française, 2009 / 3 – Juillet,Ă©d. Puf, 196 p. – 22 €

Quatre ans ont passĂ© depuis la loi du 11 fĂ©vrier 2005« pour l’égalitĂ© des droits et des chances, la parti-cipation et la citoyennetĂ© des personnes handica-pĂ©es ». Mais les enfants comme les adultes handi-

capĂ©s ont toujours des difficultĂ©s d’accĂšs Ă  l’écoleet Ă  l’emploi. Un Ă©tat des lieux pour une question quientre dans une Ăšre nouvelle : celle de la citoyennetĂ©dĂ©mocratique.

Autrement capablesÉcole, emploi, sociĂ©tĂ© : pour l’inclusion des handicapĂ©sÉric Plaisance, Ă©d. Autrement, coll. « Mutations », septembre 2009, 208 p. – 20 €

Des premiĂšresbactĂ©ries Ă  l’hommeL’histoire de nos origines

Les premiĂšres for-mes de vie sontapparues sur laTerre il y a presque quatre milliards d’an-nĂ©es. Ce sont des organismes micros-copiques : les bactĂ©ries. Une chaĂźneininterrompue d’espĂšces vivantes lesrelie Ă  l’émergence de l’homme il y aquelques millions d’annĂ©es Ă  peine.Parce que la diversitĂ© de la biosphĂšre etla place qu’y occupe l’homme ne sontintelligibles qu’à la lumiĂšre des trans-formations advenues au fil de cesdurĂ©es gĂ©ologiques, l’auteur, gĂ©ologueet palĂ©ontologue, retrace l’histoire del’Univers Ă  partir de ces bactĂ©ries fos-siles pour parvenir jusqu’à nous, « abou-tissement provisoire de cette histoireinachevĂ©e ».

Sur le thĂšme « que donne Ă  voir la musique,que donne Ă  entendre l’Ɠil? », ce numĂ©ro encouleurs de Terrain propose un ensemblede variations illustrĂ©es montrant comment levisuel et le sonore musical peuvent conver-ger en de multiples modalitĂ©s : de Messiaenet Scriabine Ă  Paul Klee en passant par les

chants des Itcha du Bénin qui« font voir une montagne », lesexpériences de musiciens tra-vaillant en duo avec leur ordina-teur ou les trajectoires sur le sol des instru-mentistes défilant au carnaval de Tarabucoen Bolivie.

Terrain, n° 53, septembre 2009, Ă©d. ministĂšre de la Culture et de lacommunication / MSH, septembre 2009, 176 p. – 16 €

Voir la musique

Bien que le politique s’empare aujourd’hui du sujet, raresĂ©taient les recherches faisant foi sur les violences Ă  l’école Ă©lĂ©-mentaire, cette zone d’ombre se doublant, de plus, d’un pointaveugle : celui des Ă©coliers. À partir d’une enquĂȘte de victi-mation et de violence auto dĂ©clarĂ©e menĂ©e dans le NordauprĂšs de 2000 Ă©lĂšves par des entretiens et des observationsde terrain, l’auteure montre le poids des variables socio-Ă©co-nomiques et met en Ă©vidence l’importance capitale du climatscolaire sur la variation du phĂ©nomĂšne de violence selon lesĂ©coles. Des donnĂ©es surprenantes pour l’esquisse de pre-miers contours de la violence en milieu scolaire.

CĂ©cile Carra. Éd. Puf, coll. « Éducation et sociĂ©tĂ© »,septembre 2009, 192 p. – 19 €

Violences Ă  l’école Ă©lĂ©mentaireL’expĂ©rience des Ă©lĂšves et desenseignants

HandicapsEntre discrimination et intégration

Ces deux musĂ©es prĂ©sentent pour la premiĂšre fois enOccident des collections uniques sur l’art bouddhi-que. Le musĂ©e Guimet rĂ©unit des piĂšces prĂȘtĂ©es pardes temples et des monastĂšres du royaume duBhoutan oĂč le tantrisme est la religion offi-cielle. Des Thangkas (tissus peints ou bro-dĂ©s), des sculptures mĂ©talliques, des objetsliturgiques du VIIIe s. au XIXe s., et des vidĂ©os surla danse rituelle dĂ©peignent l’histoire du pays.À Nice, des Ɠuvres sauvĂ©es de la destruc-tion massive des temples mongols qui eutlieu en 1928 illustrent l’art bouddhique enMongolie et au Tibet, entre le XVe s. et leXVIIIe s. OĂč l’on apprend comment les lamasdevinrent les dirigeants du Tibet et com-ment les Mongols se convertirent.

GUIDE 41

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

EXPOSITIONS Rubrique réalisée par Céline Bévierre

Faire tenir un chĂąteau de sable sur une plagerelĂšve pour vous de l’exploit ? Vous serez sur-pris de dĂ©couvrir les diffĂ©rentes utilisationsde la terre en tant que matĂ©riau de construc-tion, depuis la Grande Muraille de Chinejusqu’aux rĂ©alisations les plus rĂ©centes.MatiĂšre la plus rĂ©pandue dans le monde,employĂ©e dans les premiĂšres citĂ©s dĂ©cou-vertes en ancienne MĂ©sopotamie, la terrecrue revient aujourd’hui sur le devant de lascĂšne pour ses propriĂ©tĂ©s Ă©conomiques etĂ©cologiques. Des expĂ©riences et des mani-pulations ludiques aident Ă  comprendre les potentialitĂ©s de la matiĂšre granu-laire. AprĂšs une approche gĂ©ologique et physique, les usages architecturauxet artistiques du matĂ©riau sont mis en valeur avec le « Sensitive wall ». Cetespace multimĂ©dia interactif dĂ©voile la beautĂ© et la diversitĂ© architecturales deshabitations et des constructions en terre. Pour complĂ©ter, le « Jardin desƓuvres » expose des crĂ©ations de deux artistes contemporains.

Du 6 octobre 2009 Ă  juin 2010, CitĂ© dessciences, Paris (XIXe).TĂ©l. : 01 40 05 70 00– www.cite-sciences.fr

Au pays du Dragon :arts sacrĂ©s du BhoutanDu 7 octobre 2009 au 25 janvier 2010, MusĂ©e GuimetParis (XVIe).TĂ©l. : 01 56 52 53 00 –www.guimet.fr

ET AUSSI

TAPIS ET TEXTILES DU NIL À L’EUPHRATEDu 23 octobre 2009 au 28 fĂ©vrier 2010, MusĂ©e Bargoin, Clermont-Ferrand (63).TĂ©l. : 04 73 42 69 70.

Quels liens y a-t-il entre letextile et
 la chimie, lamĂ©canique, le gĂ©nie civilou la mĂ©decine ? À Saint-Étienne et Bourgoin-Jallieu,des films, des expĂ©rienceset des objets du quotidiendĂ©montrent les diffĂ©rentesapplications des textilesdans les secteurs indus-triels. L’accent est mis sur

les perspectives environnementales et les textiles du futur, del’« ordinateur prĂȘt-Ă -porter » aux nanotextiles.À Clermont-Ferrand, des productions textiles de populationssĂ©dentaires et nomades provenant de l’oasis de Siwa, du dĂ©sertdu SinaĂŻ Ă  l’Euphrate, des ateliers d’Alep ou de Damas rĂ©vĂšlentcette fois les secrets d’un savoir-faire et des coutumes tribales.

Textiles techniques, matĂ©riaux du 21e siĂšcleDu 15 octobre 2009 au 16 mars 2010, musĂ©es d’Art et d’industrie de Saint-Étienne et musĂ©e de Bourgoin-Jallieu (38).TĂ©l. : 04 77 49 73 00 / 04 74 93 00 54.

Homme ou animal? DĂšs le dĂ©but du parcours, le visiteur se retrouve face Ă  des portraitsde grands singes qui jettent le trouble. Sculptures, photographies, modules interactifs etjeux dĂ©voilent peu Ă  peu les comportements et les mƓurs des gorilles auxquels le visi-teur se voit directement comparĂ©. Un deuxiĂšme espace, « Sur les traces de l’homme »,dĂ©crit les diffĂ©rentes thĂ©ories dĂ©veloppĂ©es au cours de l’histoire et leurs limites pour ten-ter d’éclaircir le mystĂšre de l’humanitĂ©.

EspĂšce d’humainJusqu’au 14 mars 2010, Forum dĂ©partemental des sciences de Villeneuve d’Ascq(59).TĂ©l. : 03 20 10 36 36 – www.forumdepartementaldessciences.fr

MÉTÉORITES ET ASTÉROÏDES Jusqu’au 14 janvier 2010, Collection desminĂ©raux de l’universitĂ© Pierre-et-Marie-Curie, Paris (Ve). TĂ©l. : 01 44 27 52 88Vous rĂȘvez d’un voyage sur Mars ou sur laLune ? La Collection vous offre un avant-goĂ»ten vous invitant Ă  toucher des fragmentsissus de mĂ©tĂ©orites de la planĂšte rouge, de

notre satellite et de diversastéroïdes. Vous découvrirez

notamment comment lesscientifiques exploitentles informations tiréesde ces pierres tombées

du ciel.

L’ÂME DU VIN CHANTE DANS LESBOUTEILLESJusqu’au 20 octobre 2010, musĂ©e d’Aquitaine,Bordeaux (33). TĂ©l. : 05 56 01 52 00– www.bordeaux.frCette exposition dont l’intitulĂ© reprend uncĂ©lĂšbre vers de Charles Baudelaire retraceavec poĂ©sie l’histoire du vin Ă  travers sescontenants, de l’AntiquitĂ© Ă  nos jours enOccident. Amphores, barriques, bouteilles,orfĂšvreries, calices
 Les rĂ©cipientsinforment sur l’évolution du contrĂŽle, duservice, du commerce et des pratiquesculturelles liĂ©s au vin. Une exposition Ă  visitersans modĂ©ration !

ET AUSSI

Textile lumineux notamment tisséde fibres optiques.

Ma Terre premiĂšre : pour construire demain

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Statue mongole de ladéesse Shyama Tara ouTara verte.

ET AUSSI

TRÉSORS DU BOUDDHISME AU PAYS DE GENGIS KHANJusqu’au 15 novembre 2009, MusĂ©e des arts asiatiques,Nice (06).TĂ©l. : 04 92 29 37 00 – www.arts-asiatiques.com ©

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Page 22: Les promesses

GUIDE42

Le journal du CNRS n° 237 octobre 2009

EN LIGNE

C’est un site original que vient de met-tre en ligne le groupe de recherchesur l’histoire du droit des colonies dulaboratoire « Dynamique du droit »(CNRS / UniversitĂ© Montpellier-I). SonthĂšme ? Les « colonisations juridi-ques » ou l’histoire du droit dans cer-tains pays, Ă©tudiĂ© sous l’angle colo-nial. Conçu pour tous, des chercheurs aux simples curieux, ce siteparticuliĂšrement bien agencĂ© et riche en informations prĂ©sente de nombreuxouvrages et articles ainsi que l’actualitĂ© sur les recherches en cours. Cer-taines rubriques attirent l’attention comme les « PĂ©pites des colonies », pagequi regroupe des dessins satiriques ou encore des extraits du Code noir,premiĂšre rĂ©glementation de l’esclavage.

www.histoiredroitcolonies.fr

EN LIGNE

Histoire du droit des colonies

Claude HagĂšge, professeur au CollĂšge de France oĂč il occupe la chaire inti-tulĂ©e « ThĂ©orie linguistique », mĂ©daillĂ© d’or du CNRS en 1995, connaĂźt une cin-quantaine de langues et a publiĂ© plus d’une dizaine d’ouvrages. Dans Lecombat entre l’écrivain et sa langue, ce grand linguiste nous emmĂšne Ă  larecherche des mots. En citant des extraits de MallarmĂ© ou de Racine, et enprenant des exemples de la langue d’esperantoou du langage oral courant, Claude HagĂšgemontre comment l’écrivain ou le poĂšte bousculel’ordre des mots, leur classification, leur his-toire, et mĂšne une recherche pour exprimer leplus justement possible ses Ă©motions.

Collection Ă  voix haute, Ă©ditions Gallimard, septembre 2009, 15 €.

La Mission pour la place des femmes au CNRS et l’association Femmes& Sciences organisent une journĂ©e de confĂ©rences et tables rondes sur laquestion de la valorisation des carriĂšres des femmes en entreprise et dansla recherche publique. Le phĂ©nomĂšne du « plafond de verre » qui empĂȘcheles femmes d’atteindre les postes les plus Ă©levĂ©s sera mis en avant en rap-pelant ses manifestations et ses conditions d’apparition.

Le 10 octobre 2009, universitĂ© Paris-VI. Inscription gratuite etobligatoire – www.cnrs.fr/mdpf

COLLOQUE

CarriĂšres des femmes en entrepriseset dans la recherche publiqueQuelles solutions pour les valoriser?

Les fouilles archĂ©ologiques effectuĂ©es sur le site deShillourokambos, de 1991 Ă  2004, ont apportĂ© des Ă©lĂ©-ments prĂ©cieux sur les origines de Chypre. Unereconstitution du plus ancien village nĂ©olithique del’üle a pu ĂȘtre reproduite en images de synthĂšse.

FILM

CD

Shillourokambos,les origines deChypre

Cette confĂ©rence d’AgnĂšs Guillot, chercheuse Ă  l’Institut des systĂšmesintelligents et robotiques (Isir, CNRS / UniversitĂ© Paris-VI) est accessible Ă partir de 10 ans. Il y sera question de robots, d’« animats » ou encore de l’in-telligence artificielle qu’il est nĂ©cessaire de dĂ©velopper pour que ces ani-maux robotiques ou leurs pendants virtuels puissent se mouvoir, et mĂȘmeinteragir avec les humains. Venez dĂ©couvrir comment la science-fictions’invite dans la rĂ©alitĂ© grĂące Ă  la recherche.

ConfĂ©rence. Samedi 10 octobre 2009, Nouveau ThĂ©Ăątre de Montreuil(93).TĂ©l. : 01 48 70 48 90 – www.nouveau-theatre-montreuil.com

JEUNESSE

Un zoo robotique pour le futur?

L’ÉVÈNEMENT

Du 8 au 11 octobre 2009, Blois (41).TĂ©l. :02 54 56 09 50 – www.rdv-histoire.com

Une nouvelle fois, vous avez rendez-vous avecl’Histoire. Et plus particuliĂšrement cette annĂ©eavec celle du corps humain. De nombreuxdĂ©bats et confĂ©rences animĂ©s par des person-nalitĂ©s du monde scientifique, dont plusieurs duCNRS, aborderont ce sujet relativement neufen histoire, sous tous les angles : de l’alimenta-tion Ă  la sexualitĂ©, en passant par le sport, lamaladie, la naissance, le travail, la souffrance ouencore la beautĂ©. 25000 personnes sont atten-dues durant ces quatre jours oĂč se tiendrontĂ©galement un grand salon du livre d’histoire, uncycle de films et d’autres Ă©vĂšnements.

Le combat entre l’écrivain et sa langue, par Claude HagĂšge

12e Rendez-vous de l’HistoireLe corps dans tous ses Ă©tats

De Jean Guilaine (2009, 52 min), coproduit parPassĂ© simple et CNRS Images. Prix 20 € / 45 €

(usage privĂ© / institutionnel).Pour commander : http://videotheque.cnrs.frRenseignements : [email protected] / 01 45 07 59 69.

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Micro-dinosUn origami digne d’un fan de Jurassic Park qui se serait piquĂ© de reproduire la longue marche des dinosaures? Il ne s’agit pourtant ni de papier, ni de mastodontes des temps anciens. Ces microstructures desemiconducteur Ă  base de phosphure d’indium, prises sur le vif par Jean-LouisLeclercq, de l’Institut des nanotechnologies de Lyon 1 sont, en temps normal,destinĂ©es Ă  confiner la lumiĂšre. Elles devraient former des « ponts » de 100 Ă  200micromĂštres de longueur pour seulement 10 micromĂštres de largeur.Celles-ci, cependant, ont eu un petit accident. Il arrive, en effet, que l’un des ancrages du pont cĂšde et que ce dernier s’enroule sur lui-mĂȘme, prenant alors une forme Ă©trange. Cette image a obtenu le premier prix du concours de photographies organisĂ© en juillet dernier lors du colloque du Laboratoireinternational associĂ© en nanotechnologies et nanosystĂšmes (LIA-LN2) quirĂ©unit l’Institut des nanotechnologies de Lyon, le Laboratoire des technologiesde la microĂ©lectronique 2 de Grenoble et deux laboratoires canadiens, leCentre d’excellence en gĂ©nie de l’information de l’universitĂ© de Sherbrooke etle Laboratoire de micro- et nanofabrication Ă  l’Institut national de la recherchescientifique (Canada). F. D.1. Institut Insa Lyon / École Centrale de Lyon / UniversitĂ© Lyon-I.2. Laboratoire CNRS / UniversitĂ© Grenoble-I / Institut polytechnique de Grenoble.

ÉTONNANTES IMAGES

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