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161 Guide des liants minéraux utilisés dans la construction et la restauration Introduction Distinc tion entre la chimie minérale et la chimie organique Au cours des deux premiers milliards d’années de l’existence de la terre, on ne trouve à sa surface que des substances minérales. La terre est née de la condensation d’un mélange de matière intergalactique et de matières issues de l’explosion d’une supernova. L’écorce terrestre, plus légère que les matières profondes, est constituée à plus de 99 % d’éléments oxydés (SiO2, Al2O3, Fe2O3, CaO, Na2O, K2O, …). La chimie qui régla la transformation de la matière à la surface de la terre durant les deux premiers milliards d’années, est une chimie purement « minérale ». Les choses changent, il y a deux milliards et demi d’années, avec l’apparition de la vie, rendue possible par l’abaissement de la température de la surface terrestre. Des bactéries et des micro-algues s’attaquent aux matières contenant des oxydes de carbone et parviennent à rompre, par photosynthèse, la liaison R-C-O au profit d’une liaison R-C-H2. Cette réaction constitue la base de la chimie « organique », produite par des « organismes » (vivants). La liaison CH est la clé du monde vivant : elle est à la base de la structure des protéines et de pratiquement toutes les autres molécules qui constituent les cellules vivantes. Dans le domaine qui nous occupe, il est très important de distinguer les liants qui relèvent du monde minéral et ceux qui relèvent de la famille des composés organiques. - Les liants minéraux sont généralement obtenus par traitement à haute température de matière minérale, et font prise en présence d’eau. Le carbone ne s’y rencontre que sous la forme oxydée de CO2 (carbonate). - Les liants organiques sont synthétisés par des organismes vivants, ou par la science de l’homme, au départ de matière minérale ou de matière organique préexistante. Leur mode de prise est complexe, et le carbone s’y rencontre principalement sous la liaison CH. Les liants ont, selon leur appartenance, des propriétés très différentes : les premiers sont généralement poreux et capillaires, les seconds sont le plus souvent étanches et hydrophobes. Les liants minéraux et organiques sont normalement compatibles avec tous les supports minéraux ; les liants minéraux ne sont quasi jamais compatibles avec les supports organiques. Cela signifie pratiquement qu’un support minéral ayant reçu un traitement organique ne pourra plus recevoir le moindre traitement minéral avant l’enlèvement complet du traitement

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Guide des liants minéraux utilisés dans la construction et la restauration

Introduction

Distinction entre la chimie minérale et la chimie organique

Au cours des deux premiers milliards d’années de l’existence de la terre, on ne trouve à sa surface que des substances minérales. La terre est née de la condensation d’un mélange de matière intergalactique et de matières issues de l’explosion d’une supernova. L’écorce terrestre, plus légère que les matières profondes, est constituée à plus de 99 % d’éléments oxydés (SiO2, Al2O3, Fe2O3, CaO, Na2O, K2O, …). La chimie qui régla la transformation de la matière à la surface de la terre durant les deux premiers milliards d’années, est une chimie purement « minérale ».

Les choses changent, il y a deux milliards et demi d’années, avec l’apparition de la vie, rendue possible par l’abaissement de la température de la surface terrestre. Des bactéries et des micro-algues s’attaquent aux matières contenant des oxydes de carbone et parviennent à rompre, par photosynthèse, la liaison R-C-O au profit d’une liaison R-C-H2. Cette réaction constitue la base de la chimie « organique », produite par des « organismes » (vivants). La liaison ≡C−H est la clé du monde vivant : elle est à la base de la structure des protéines et de pratiquement toutes les autres molécules qui constituent les cellules vivantes.

Dans le domaine qui nous occupe, il est très important de distinguer les liants qui relèvent du monde minéral et ceux qui relèvent de la famille des composés organiques.

- Les liants minéraux sont généralement obtenus par traitement à haute température de matière minérale, et font prise en présence d’eau. Le carbone ne s’y rencontre que sous la forme oxydée de CO2 (carbonate).

- Les liants organiques sont synthétisés par des organismes vivants, ou par la science de l’homme, au départ de matière minérale ou de matière organique préexistante. Leur mode de prise est complexe, et le carbone s’y rencontre principalement sous la liaison ≡C−H.

Les liants ont, selon leur appartenance, des propriétés très différentes : les premiers sont généralement poreux et capillaires, les seconds sont le plus souvent étanches et hydrophobes. Les liants minéraux et organiques sont normalement compatibles avec tous les supports minéraux ; les liants minéraux ne sont quasi jamais compatibles avec les supports organiques. Cela signifie pratiquement qu’un support minéral ayant reçu un traitement organique ne pourra plus recevoir le moindre traitement minéral avant l’enlèvement complet du traitement

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organique. Si cet enlèvement est impossible, il ne pourra plus recevoir que de nouveaux traitements organiques, en gardant bien à l’esprit que les traitements organiques ne sont pas toujours compatibles entre eux. La diversité croissante des produits de synthèse rend les choses de plus en plus complexe, d’autant que certaines formules nouvelles s’écartent des familles classiques. Les silanes SiH4, par exemple, ne répondent pas strictement à la définition d’un produit organique mais en ont le comportement : le silane SiH4 est hydrophobe, alors que la silice SiO2 est hydrophile. Le fait que de très nombreux liants sont aujourd’hui vendus sous forme de mélange préparé, et non pas d’un produit pur, ne simplifie pas les choses. Certains liants « minéraux » - et vendus comme tel, contiennent trop souvent une part importante de matières organiques, dont la nature est rarement précisée, au nom de la protection d’un quelconque secret de fabrication. La mise en œuvre de tels produits peut rendre problématiques les interventions ultérieures.

Dans le cadre de travaux de restauration et d’entretien de bâtiments historiques, il faut toujours privilégier les filières purement minérales, et éviter au maximum la mise en œuvre de produits organiques – exception faite de l’utilisation d’huiles siccatives naturelles.

Tous les liants n’ont pas les mêmes propriétés, ils n’offrent pas tous les mêmes performances, ne sont pas tous compatibles entre eux, et doivent donc être mis en œuvre à bon escient.

Le présent ouvrage souhaite faire le tour de la question. Il se limite à la description des liants minéraux, qui font prise en milieu ambiant. Les liants faisant prise à haute température et / ou sous haute pression (limon, silice fusibles, …) assurant la fabrication des briques, des grès cérame, du verre, des pierres à meule artificielle, etc., ne seront pas décrits. Il n’abordera pas non plus, sauf dans la partie historique, les matériaux produits industriellement à basse température (pierre factice, bloc béton, béton cellulaire, éléments préfabriqués, …).

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Les liants minéraux

I. L’histoire des liants minéraux

1. L’ARGILE

Les mortiers et enduits mis en œuvre dans les temps les plus reculés, ne contenaient aucun liant.Dans la ville de Çatal Hüyük, en Turquie, le « plâtre » qui recouvre les murs, sols et plafonds construits il y a 8000 ans, est de l’argile blanche trouvée sur place et appliquée telle quelle. Le mortier des murs est constitué de terre mélangée à des cendres et à des débris d’ossements, mais sans un quelconque liant qui permet d’augmenter la consolidation naturelle de l’argile après séchage.En Europe les constructeurs du Néolithique utilisent également l’argile crue pour recouvrir les sols et les parois de leurs constructions, faites d’éléments de bois et de clayonnage, ou élevées en pierres sèches. De la paille était généralement utilisée pour armer l’argile.

Dans nos régions, la technique du bois et du torchis connut son apogée au Moyen Age, pour ensuite lentement décroître et disparaître totalement à l’avènement du 20e siècle.

L’argile a été récemment remise à l’honneur pour son exceptionnelle inertie thermique latente, et sa capacité de réguler le climat intérieur des immeubles. Elle est aujourd’hui mise à contribution pour la réalisation d’enduits intérieurs, ou la construction de « bâtiments en béton d’argile ».

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2. La PIERRE RE-AGGLOMEREE

Au début des années 1980, le professeur français Davidovits, spécialiste en géopolymères lançait l’idée que les pyramides d’Egypte auraient pu être construites partiellement à l’aide de pierres artificielles, réalisées au départ d’une pierre naturelle désagrégée, et d’un liant naturel résultant du mélange de natron, de « mafkat », de chaux et d’argile kaolinitique.

Nous n’entrerons pas dans le débat, sauf pour faire remarquer que cette hypothèse ne peut être réfutée par la chimie : les ingrédients sont effectivement réactifs et étaient présents en abondance dans l’Egypte ancienne. (Le développement chimique est fourni dans la partie II.)La technique serait apparue lors de la construction du complexe de Saqqarah en 2650 avant JC et aurait été par la suite perdue faute d’un approvisionnement suffisant de l’une des matières premières, le « mafkat ».

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3. Le PLÂTRE

Les Egyptiens ont probablement été les premiers à utiliser le plâtre, obtenu par la cuisson du gypse à 120°C. Ils s’en sont notamment servi pour le jointement des blocs de parement en marbre de la pyramide de Chéops (2600 av. J.-C.).La température de cuisson exceptionnellement basse explique sans doute la découverte du plâtre comme liant.Le plâtre a été mis en œuvre sans discontinuer de l’antiquité à nos jours, essentiellement comme enduit intérieur ou extérieur (plâtre-chaux), mais aussi, en France, à partir du 17e siècle, comme mortier pour monter les maçonneries de pierre où les voûtes de briques. Le marbre artificiel développé au 18e siècle en Allemagne (stucmarmor) et en Italie (scagliola) est fait de plâtre, de colorants et de colle animale.

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4. La CHAUX AERIENNE

La chaux est apparue dans le courant du 2e millénaire avant notre ère.

Elle est obtenue par la cuisson entre 850°C et 1000°C de roche calcaire pure ou de coquillages marins.Il est intéressant de noter que le verbe « calciner », qui signifie brûler à haute température a précisément pour origine étymologique le terme latin « calx, calcis » désignant la chaux.La chaux « vive » obtenue par « calcination » est « éteinte » par adjonction d’eau, et fournit la « chaux hydratée » ou « chaux aérienne ».La chaux hydratée ne peut faire prise qu’au contact de l’air, en réagissant avec le gaz carbonique ambiant (d’où son nom de « chaux aérienne »).

En un premier temps, la chaux sert surtout à la confection d’enduit.

Elle entre avec le plâtre et la poudre de marbre, dans la composition des stucs, que les architectes grecs utilisaient dès le 7e siècle avant J.-C. pour couvrir l’aspect rude des murs construits en pierre calcaire ou en tuf. Ces murs étaient montés en blocs de pierre ajustés sans mortier, ou en pierres ébauchées, liées par un mortier fait de terre et d’argile.Ce sont les Romains qui, dès le 2e siècle avant notre ère, vont développer l’usage du mortier de chaux et répandre la technique dans toutes les régions de l’empire. Ils ont systématisé l’usage du mortier pour assurer les joints des appareils de brique ou de pierre. La technique est toujours en usage aujourd’hui.

Les Romains préféraient largement une autre technique, le « blocage » : seul les parements extérieurs des murs sont dressés en pierres de taille, le centre étant rempli par un mortier additionné de gravier et de débris de pierre ou de brique appelé « blocage » (plus rarement : garni, fourrure ou cailloutage). L’appareil extérieur n’est donc pas traversier, et le parement est souvent d’épaisseur très réduite, le mur étant alors monté à l’aide d’un coffrage coulissant. Sur le plan pratique, le dispositif permettait de construire des murs très épais et de formes complexes en faisant l’économie de la taille de la pierre, souvent onéreuse et compliquée (seule une face en effet devait être parfaitement dressée).

Caton l’Ancien (243-149 av. J.-C.) a qualifié cette technique « d’opus caementicum », décrivant une construction « ex calce et caementis » que l’on peut traduire par « faite de chaux et de cailloux ». C’est une erreur de traduction qui a assimilé le terme « caementis » à un liant, et donné naissance au terme actuel de « ciment ».L’inconvénient de l’opus caementicum provient de la prise par carbonatation de la chaux aérienne, qui ne peut se faire qu’au contact de l’air. La porosité du mortier est donc un facteur essentiel, à contrôler lors de la mise en œuvre. Vitruve insiste sur les justes proportions à respecter : trois volumes de sable fin pour un volume de chaux, ou cinq pour deux, selon la qualité du sable.

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Fig 1 : Principe du « béton romain »

Fig 2 : Temple de la Fortune à Préneste – exemple de « béton romain »

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Les romains ont pratiqué très tôt l’addition d’adjuvants, d’origine organique, à leurs enduits, mortiers ou bétons :- le vinaigre et le marc de raisin permettaient d’accélérer la prise ;- le lait améliorait l’adhérence des enduits, et l’œuf celui des badigeons ;- le sang augmentait le pouvoir liant des matières ;- les cires rendaient les mortiers moelleux et facilitaient le lissage des enduits ;- les huiles et les bitumes natifs rendaient imperméables les enduits des cuves, mais ne

résolvaient pas la lente mise en solution de ces enduits.

En outre pour les murs très épais, ils ne servaient à rien : la chaux aérienne ne faisait pas prise au cœur de ces ouvrages. Elle était par ailleurs soluble dans l’eau et ne convenait pas pour assurer l’étanchéité des aqueducs et des citernes, ou pour assurer des fondations en contact avec l’eau. On chercha donc très tôt à produire un liant hydraulique, c'est-à-dire résistant à l’eau et faisant prise sous l’eau, sans apport de l’air extérieur.

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5. La CHAUX HYDRAULIQUE ARTIFICIELLE (POUZZOLANIQUE) ou « BETON ROMAIN »

Il est apparu très tôt que des adjonctions permettaient d’améliorer la prise et la stabilité du mortier de chaux, en particuliers de la rendre insensible à l’action de l’eau. L’enduit, assurant l’étanchéité des citernes construites à Jérusalem au 10e siècle avant notre aire, sous le régime de Salomon, est fait de chaux hydraulique.

Dans l’île grecque de Santorin, on ajoutait au mélange chaux-sable une quantité de poudre volcanique qui conférait au mortier la propriété d’être stable à l’eau, et de durcir partiellement sans apport de gaz carbonique.

Cette caractéristique appelée « hydraulicité », peut être obtenue au départ d’autres matériaux, notamment la brique ou la tuile pilée. La technique, développée par les Phéniciens a été utilisée pour les citernes de Jérusalem déjà citées : sans cet apport, l’enduit de chaux se serait lentement dissout dans l’eau des réservoirs.La « terre de Santorin » était connue hors de l’île. Elle a été notamment retrouvée dans les stucs qui ornaient l’Héphaïstéion (Théséion) d’Athènes.

Les Romains ont pratiqué à grande échelle l’adjonction à la chaux d’argile cuite et surtout de pouzzolane. La plus grande stabilité à l’eau des matières ainsi obtenues est due à une réaction plus ou moins lente entre la chaux et la silice colloïdale et l’alumine contenues dans les produits mentionnés, avec formation d’hydrosilicates et d’hydroaluminates dont la nature est comparable à celle des produits qu’on obtient par hydratation des liants hydrauliques modernes. (Voir partie II)

La pouzzolane est une roche volcanique qui provient de la région de Naples et dont les principaux gisements ont été exploités près de la ville de Pozzuoli. Elle confère au mortier de chaux des propriétés hydrauliques naturelles. Voici ce qu’en dit Vitruve (1er siècle av. J.-C.) dans le chapitre VI de son livre deuxième : Il y a une espèce de poudre à laquelle la nature a donné une vertu admirable ; elle se trouve au pays de Baïes et dans les terres qui sont autour du mont Vésuve. Cette poudre, mêlée avec la chaux et les pierres cassées, rend la maçonnerie tellement ferme, que non seulement dans les édifices ordinaires, mais aussi sous l’eau, elle durcit.

Les Romains ont pu mettre en œuvre des mortiers d’une exceptionnelle qualité, restée dans bien des cas inégalée jusqu’à l’invention des ciments modernes. Ceci a donné naissance, de longue date, a une légende selon laquelle cette qualité était liée à des secrets de fabrication ou à des adjuvants spéciaux. La chose n’a cependant jamais pu être mis en évidence : la qualité des mortier anciens doit être attribuée essentiellement à la parfaite cuisson et extinction des chaux, au respect des proportions et à l’homogénéité des mélanges, ainsi qu’à une mise en œuvre particulièrement soignée (notamment le compactage).

Le Moyen-âge et l’Age Classique ont perpétué les méthodes et les techniques romaines sans apporter de réelles innovations.

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Au cours de ces périodes la qualité des mortiers n’a cessé de diminuer, essentiellement du fait de mises en œuvre peu soignées. L’utilisation de tuile pilée est parfois observée, toutefois avec une activité pouzzolanique souvent faible.

Toutes les argiles cuites ne présentent pas la même réactivité : celle-ci dépend de la nature du matériau de base et de la cuisson – les meilleurs résultats étant obtenu à des températures plus basses que celles de la cuisson des briques et des tuiles. Les fragments de terre cuite rendent cependant les mortiers plus perméables à l’air et facilitent dès lors la carbonatation. Au Moyen Age, le même effet était parfois recherché par l’adjonction de charbon de bois pilé.

On pratique l’adjonction des mêmes adjuvants que les Romains, en les complétant avec, l’eau de vie, l’urine et les graisses animales. Les premières expériences d’enduit et de mortier armés de paille et de soies animales (poil de vache) furent pratiquées avec un résultat inattendu d’améliorer la carbonatation des chaux ! Aucune matière pouzzolanique efficace ne fut mise en évidence : seule la pouzzolane en provenance d’Italie permettait de mettre en œuvre une chaux hydraulique fiable. Son approvisionnement était évidemment onéreux, et les guerres européennes le rendaient souvent aléatoire. La découverte par les Hollandais des propriétés pouzzolaniques d’un tuf volcanique de la vallée du Rhin, le trass d’Andernach, leur permit de conduire leurs grands travaux de canaux et de digues.

En France, ce n’est qu’en 1780 que Fargas de Saint-Fonds met en évidence l’effet pouzzolanique d’un tuf du Vivarais.

L’Angleterre, désespérant de trouver sur son territoire une quelconque matière pouzzolanique se lance sur d’autres pistes qui vont conduire à la découverte de la chaux hydraulique « naturelle ».

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6. La CHAUX HYDRAULIQUE NATURELLE

6.a. Les ciments naturels ou « ciments romains »

Chargé en 1756 de la construction du phare d’Eddystone en Cornouailles, John Smeaton se donne pour objectif de mettre au point une chaux résistante à l’action de la mer : « que la mer se brise sur l’édifice et non l’édifice sous la mer ! ». Il observe que les pierres calcaires, craies et marbre qui ne laissent aucun résidu sous l’action de l’acide sont incapables de produire, après calcination, une chaux capables de durcir sous l’eau. La calcination de la pierre d’Alberthaw fournit par contre une chaux durcissant sous l’eau, et cette pierre, dissoute dans l’acide laisse un résidu de 5 à 20 % d’argile. Il en conclut que « la présence d’argile dans le calcaire doit être l’un des facteurs principaux sinon le seul qui détermine l’hydraulicité ».

L’influence de la tradition vitruvienne a évidemment retardé la découverte des liants hydrauliques, car dans la littérature romaine on insiste sur le fait que pour obtenir une bonne chaux il faut partir d’un calcaire très pur. Par conséquent les calcaires argileux étaient systématiquement bannis. Pire : l’amélioration des fours au Moyen Age, permettait la calcination de matières « impures », de roches calcaires contenant une faible quantité d’argile. La température plus élevée provoquait en effet la recombinaison des argiles et du calcaire sous forme de boules de matière dure que les chaufourniers appelaient « grappier » et rejetaient comme déchet. Débarrassée du grappier, la matière obtenue était finement broyée. Finement broyé, le grappier aurait fourni une chaux hydraulique efficace – précisément l’objet des recherches de Smeaton. Ce dernier n’est pas le seul a faire des recherches : en 1774, l’ingénieur français Antoine Joseph Loriot, déclare avoir inventé un « mortier hydraulique imperméable à l’eau ». Il ne fut jamais produit industriellement. Les travaux de Smeaton ne seront publiés qu’en 1791, et stimulent évidemment la recherche. Celle-ci s’orientant mal : les recherches du Suédois Bergmann attribuent le phénomène d’hydraulicité à la réaction sur la chaux des oxydes de fer et de manganèse, et non pas de l’argile.

En 1796, l’anglais Parker prend un brevet pour un liant qu’il obtient par calcination, à faible température, de galets qu’il récolte dans des sédiments argileux de l’île de Sheppey, à l’embouchure de la Tamise. Ces galets sont connus par les géologues sous le nom de « nodules de septaria ». Ils sont caractérisés par un mélange de calcaire et d’argile. Le liant produit est d’abord vendu sous le nom de « ciment Parker », mais par un souci de publicité, l’inventeur lui donne le nom de « ciment romain », alors que la matière n’a rien de commun avec celle qui était mise en œuvre dans l’Antiquité.

Le secret du « ciment romain » traverse la Manche, en 1802, lorsqu’un Anglais du nom de Smith, apprend aux autorités françaises, la présence sur la côte boulonnaise de galets identiques à ceux qu’utilise Parker. L’exploitation de ces galets fournira un liant connu sous le nom de « plâtre-ciment » ou de « ciment de Boulogne », ou encore de « ciment romain nouveau de Boulogne », qui connaît un réel succès malgré la rareté de la matière première. On orienta, de ce fait, les recherches vers d’autres « pierres à chaux » marneuses.

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C’est dans ce contexte que Vitalis, professeur de chimie et secrétaire de l’Académie de Rouen réfute en 1806 la thèse de Bergmann :

« Il résulte de cette analyse que les pierres à chaux de Senonches et de Sainte-Catherine sont de vraies marnes calcaires dans lesquelles la craie prédomine, il est vrai, mais où l’argile joue un rôle très important ; c’est cette proportion d’argile qui, suivant moi, rend maigre (employé pour hydraulique) la chaux de ces deux espèces de pierre, d’où il suit que la présence de l’oxyde de manganèse n’est pas du moins la seule condition pour obtenir une chaux de cette espèce, puisque cette analyse prouve que les pierres dont il s’agit ne contiennent point de manganèse. »

La recherche de matières marneuses aptes à produire des « ciments naturels » semblables au ciment Parker se poursuit en France et dès 1823, Philibert Lacordaire exploite un filon de roche marneuse proche de Pouilly en Auxois pour produire un ciment romain qui porte son nom ou celui de « Pouilly ». Ce liant se caractérise par sa couleur noire. Toujours en Bourgogne, le « ciment de Vassy » est produit dès 1835, à Vassy les Avallon.

En 1842, on découvre dans la région de Grenoble, un filon homogène de roche marneuse connu sous le nom de « filon de Porte de France », qui fut exploité dès 1846 par Dumollard et Viallet. Ce ciment fut suivit par le « ciment d’Uriol » produit par Berthelot, et le « ciment de la Pérelle » produit par la société Vicat.

La mode du « ciment naturel » se répandit rapidement en Europe essentiellement vers la Russie, l’Allemagne, la Pologne, la Tchéquie et dans une moindre mesure vers l’Espagne et l’Italie. En Belgique, il fut produit dans la région de Tournai sous le nom de « ciment romain » ou de « ciment pouzzolanique ». Il fut également abondamment produit en Amérique du Nord.

Ces premiers liants ont le plus souvent les caractéristiques des ciments prompts actuels. Leur temps de prise étaient généralement très courts, et dépendaient essentiellement de la nature des roches calcinées : si elles étaient pauvres en aluminates, le temps de prise pouvait être de l’ordre de plusieurs heures ; si elles étaient riche en aluminates, il pouvait être réduit à quelques dizaines de minutes (comme le plâtre, d’où le nom de « plâtre ciment »). Cette dernière qualité fit qu’elles furent abondamment utilisées dans toute l’Europe pour produire des ornements et des enduits de façade.

Dans de nombreuses grandes villes d’Europe – Londres, Madrid, Berlin, Cracovie, Prague, Vienne, Budapest, même Turin et Milan (la Galeria Victor Emmanuel II) – de grands monuments, mais aussi des constructions mineures doivent leur expression architecturale à la mise en œuvre du « ciment romain ».

En France, dans la région de Grenoble, la technique déborda la production d’ornements de façades pour s’orienter vers celle d’éléments constructifs : les pièces produites n’ont plus seulement un rôle d’ornement plaqué sur la façade, mais sont des pierres ornées jouant un rôle porteur dans la structure de l’édifice. On pourrait les considérer comme les premiers éléments « préfabriqués ».

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Supportée par 52 colonnes prémoulées, la villa « Casamaures » construite en 1855, en style néo-mauresque, en est, à Grenoble, le meilleur exemple.

Fig 3 : La villa "Casamaures" à Grenoble - 1855

De nombreux édifices privés, mais aussi publics ont bénéficiés du procédé : l’église de Cessieu (1850), l’église de Champier (1853), l’église de St. Bruno de Voiron (1857-1871) et celle de St. Bruno de Grenoble (1869-1875) mélangent à des degrés divers les pierres naturelles et artificielles.

L’usage du ciment naturel ou « ciment romain » se perdit au début du 20e siècle.

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Fig 4 : Eglise St-Bruno de Voiron - 1857-1871

Il fut récemment remis à l’honneur pour ses excellentes propriétés mécaniques et son faible coût de production, faisant l’objet d’un projet de recherche financé par la commission européenne,

Les ciments « naturels » ou « romains » sont en réalité des chaux hydrauliques et n’ont rien de comment avec nos ciments portland. Ils se distinguent cependant de ce que nous appelons aujourd’hui les « chaux hydrauliques naturelles », et pour comprendre la différence, nous devons revenir quelque peu en arrière.

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6.b. Les chaux hydrauliques artificielles et naturelles issues du procédé « Vicat »

Chargé en 1812 de la construction du pont de Souillac, sur le Lot, l’ingénieur français Louis Vicat (1786-1861) est confronté au problème de réaliser des fondations dans le lit de la rivière. Tout comme Smeaton, il étudie les mélanges de calcaires purs et d’argile et démontre que les propriétés hydrauliques dépendent des composés qui se forment pendant la cuisson entre la chaux et les constituants de l’argile. Il constate que sous l’action de la chaleur, il y a tout d’abord déshydratation de l’argile puis décomposition du calcaire et enfin combinaison entre la chaux, la silice et les oxydes de fer et d’alumine. Suivant la teneur en argile, la température et la durée de cuisson, la réaction est plus ou moins complète et les produits obtenus plus ou moins hydrauliques. Notons que Vicat a toujours considéré la température de frittage comme une limite infranchissable : à partir de 1200°C, le mélange commence à se liquéfier et se présente, après refroidissement sous la forme d’une masse solide, vitrifiée, qu’il jugeait impropre à l’utilisation.

Vicat développe une technique de production de chaux hydraulique qu’il appelle « chaux factice » et qui n’est pas liée à la nature de la roche calcinée mais dépend d’un mélange de chaux pure et d’argile qu’il peut contrôler.

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Fig 4 : Pont de Souillac - 1822

« L’opération, écrit Vicat, consiste à pétrir de la chaux éteinte avec une certaine quantité d’argile grise ou brune ou plus simplement de terre à briques, et à tirer de cette pâte des boules qu’on laisse sécher pour les faire cuire ensuite au degré convenable. On conçoit déjà qu’étant maître des proportions on l’est également de donner à la « chaux factice » le degré d’énergie que l’on désire, et d’égaler ou de surpasser à volonté les meilleures chaux naturelles. »

En pesant les différents composants de la matière qu’il calcinait, Vicat pouvait produire toutes les matières intermédiaires entre la chaux purement aérienne et la chaux éminemment hydraulique. Il pouvait calculer la quantité exacte de l’eau nécessaire à l’extinction de la part de chaux aérienne, sans affecter la part hydraulique. Il peut en outre agir sur la rapidité de prise du liant en limitant les composés alumineux.

Les travaux de Vicat, en s’écartant de l’empirisme de ses prédécesseurs, constituent les véritables bases scientifiques qui fixent les règles de fabrication et l’emploi des chaux hydrauliques.

Par la suite, les chaux hydrauliques seront produites, soit par calcination d’une roche argilo-calcaire dont le rapport argile/calcaire est parfaitement connu, soit par calcination d’un mélange précisément dosé de roche calcaire (ou argilo-calcaire) et d’argile. Les premiers produits sont traditionnellement appelés « chaux hydrauliques naturelles », les seconds « chaux hydrauliques artificielles », - à ne pas confondre avec la chaux hydraulique obtenue par addition de pouzzolane.

Vicat ne déposa jamais le moindre brevet : il préférait la « gloire d’être utile à la fortune ». Son objectif était de mettre au point un matériau peu coûteux, facile à mettre en œuvre, avec lequel on pourrait réaliser des ouvrages équivalents aux ouvrages réalisés en pierre de taille. Le béton qu’il propose est un mélange de chaux hydraulique, de sable et d’agrégats, rejoignant ainsi le béton romain – le vrai ! Le sable et les agrégats pouvaient être extraits sur le chantier même, où dans une proximité immédiate, évitant de ce fait le coût du transport, parfois sur de longues distances, de la pierre de taille. - matériau par lui-même onéreux.

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Vicat mit sa science en œuvre pour réaliser, en 1822, le pont de Souillac, non seulement les fondations mais également la totalité du gros oeuvre. Cet ouvrage d’art en béton « non armé » fut suivi de bien d’autres. L’un de ses épigones, l’ingénieur François-Martin Lebrun (1799 – 1855), invente la « pierre hydraulique », obtenue par coulage d’un béton de chaux. En 1829, il commença la construction de sa maison personnelle, à côté de son usine de Marsac sur Tarn, en mettant en application un béton non armé, coulé et corroyé entre des coffrages en bois, pour les voûtes des caves, pour les murs de façade (de 90 cm d’épaisseur), pour les escaliers, etc. La technique connut des déboires : de nombreuses fissures se déclarèrent, liées au retrait trop important du béton. Ce n’est qu’en 1851 que le problème fut résolu par un mélange correct eau-chaux. La maison existe toujours. Lebrun réalisa d’autres ouvrages dont les voûtes des caves de l’Hôtel de Ville de Gaillac, les voûtes des églises de Cazals et de Varen, divers ponts, etc.

C’est surtout François Coignet (1814-1888) qui popularisa la technique et breveta en 1855, la technique du « béton aggloméré ». Il proposait de pilonner vigoureusement le béton frais entre deux banches, en s’inspirant des techniques du pisé. Coignet mit son brevet à contribution pour réaliser des ouvrages d’art (l’aqueduc de Vannes, le phare de Port-Saïd d’une hauteur de 55m) mais aussi de nombreux immeubles : sa maison personnelle en 1852 (sur laquelle nous reviendrons), un immeuble de 6 étages, rue Miromesnil à Paris en 1867, les murs se soutènement du cimetière de Passy, etc. Sa première construction d’importance fut en 1862, l’église du Vésinet, qui se solda par un échec. Le promoteur de la cité-jardin du Vésinet, Alphonse Pallu, imposa la technique nouvelle à son architecte Louis-Auguste Boileau. Ce dernier n’en tira aucun parti, et se contenta d’utiliser le procédé pour imiter l’aspect d’un appareil en pierre « noble ». Les façades se couvrirent rapidement de tâches grisâtres, probablement liées à l’utilisation de mâchefer comme agrégat. Dégradé, l’aspect extérieur de l’édifice trahit l’illusion et suscite la colère de l’architecte, qui devient un ardent détracteur du procédé.

La technique du béton non armé se développa également Outre-Manche. Les premiers immeubles le mettant en œuvre furent construits dans le Kent, en 1840, London Road à Swanscombe (démoli) et en 1841, Cornel Avenue à Northfleet. Edifiés par des cimentiers industriels, ils devaient servir à promouvoir la nouvelle technique. Nous y reviendrons.

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7. Le CIMENT PORTLAND

7.1. La mise au point du ciment portland En 1824, l’Anglais Joseph Aspdin, maçon à Wakefield, prend un brevet pour le ciment qu’il produit, ciment qu’il affirme être « aussi dur que la pierre de Portland ». Aspdin obtenait une matière performante en calcinant de la roche marneuse jusqu’à liquéfaction, à 1200°C. En broyant ensuite finement la matière vitrifiée refroidie – le « clinker » - il obtenait un liant d’excellente qualité.

Il est copié, en 1835, par son concurrent Isaac Charles Johnson, qui en produisant une matière identique, profite de l’invalidité du brevet d’Aspdin, et finit par se déclarer le véritable inventeur du « ciment portland ».

En réalité, ni Joseph Aspdin, ni Johnson n’ont découvert le ciment portland tel que nous le connaissons aujourd’hui. Il faut attendre 1840, pour que le fils de Joseph Aspdin, William Aspdin, pousse la calcination largement au-delà de 1250°C, et qu’apparaisse, dans le clinker, l’alite qui caractérise génériquement le ciment « portland ». Une grande confusion existe au cours des premières décennies de la découverte : les liants produits sont généralement des matières intermédiaires entre une chaux éminemment hydraulique et un « portland authentique ». Ils contiennent souvent des scories issues d’un mauvais mélange de base.

L’importance d’une « clinkérisation » parfaite, poussée au-delà de 1400°C apparaît lentement et ne sera mise en évidence qu’en 1871 par l’Américain David Saylor.

La méconnaissance de la composition idéale de la matière de base ne permettait en outre pas de produire un clinker homogène. En 1880 seulement, l’Anglais J.Grant démontre que ce ne sont que les parties les plus dures et les plus denses de ce clinker qui fournissent les ciments les plus performants.

En 1887, le chimiste Français Henri Le Chatelier, analyse le clinker au microscope et met en évidence qu’il est formé de trois composants principaux, se distinguant par leur structure cristalline. Il en soupçonne la nature chimique, mais celle-ci ne sera clairement identifiée que 10 ans plus tard par le minéralogiste Suédois Tornebohm, qui leur donne le nom d’alite, de bélite et de célite (voir glossaire). Les études qui en découlent permettent de déterminer la composition du mélange de base type, fournissant les meilleurs clinkers.

Le ciment n’est cependant pas encore au point : les premiers véritables « portland » se caractérisent souvent par une prise extrêmement rapide – parfois inférieure à 10 minutes – dues à la présence de composants alumineux très réactifs. Pour être mis en œuvre dans des quantités importantes, ils nécessitaient l’usage de retardateurs de prise, souvent coûteux, et défavorables au niveau des performances finales.

Le chimiste français Edouard-Louis Candlot étudie à partir de 1881, l’effet des accélérateurs et retardateurs de prise pour les liants hydrauliques. Il découvre l’effet retardant du gypse par sa réaction avec composés alumineux et la formation de l’éttringite ou sel de

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Candlot. Ce n’est que vers 1890 que se répand la technique de mélanger du gypse au clinker avant broyage. Le gypse réagit avec les composés alumineux sans engendrer le raidissement du mélange et sans diminuer ses performances finales.

Enfin, dernier né de la famille des ciments, le ciment alumineux fondu fait son appariton en 1908.

7.2. La mise au point du béton armé L’idée d’utiliser des armatures pour reprendre les efforts en traction dans les maçonneries remonte au Moyen Age. On observe de très nombreux exemples de pose de chaînes, en bois d’abord, en fer ensuite, destinées à reprendre les charges obliques engendrées par les œuvres portées (arcs, voûtes, toitures, …). La technique culmine au 18e siècle, où l’on en vient à réaliser de véritables poutres en appareil de pierre armée (notamment à Ste. Geneviève de Paris, actuellement le Panthéon).

Il n’est donc pas étonnant que dès 1774, Antoine Joseph Loriot suggère d’armer les mortiers avec des barres de fer. En 1792, le Français Loudun imagine la mise en œuvre de planchers composés d’un treillis métallique noyé dans un mortier de chaux.. L’idée sera reprise en 1807 par Fleuret et en 1824 par l’ingénieur colonel Raucourt de Charleville sans jamais être suivies de réalisations significatives.

En 1843, Victor Labrouste réalise les voûtes de la bibliothèque Ste. Geneviève en mettant en œuvre du plâtre armé d’un treillis métallique.

En 1844, en Angleterre, Henry Hawkes Fox et James Barret déposent un brevet pour réaliser des planchers comportant des profils de fonte en T renversé, noyés dans un béton de chaux. Il s’agit d’un succédané de planchers à voussettes de briques, dans lequel l’essentiel des charges passe par les profils de fonte : le béton ne collaborant pas avec la fonte, on ne peut considérer qu’il s’agisse de « béton armé ».

Le pionnier est fort probablement Joseph Louis Lambot qui a fabriqué les premiers objets relevant du principe du béton armé. Lambot est cultivateur à Miraval, et fabrique en 1845 des caisses pour des orangers et des réservoirs « imputrescibles » avec du fil de fer et du mortier. En 1849, il réalise une barque avec le même procédé et dépose en 1855 un brevet pour le « ferciment , une combinaison de fer et de mortier pour les constructions navales et les caisses à fleurs ». Le jardinier Joseph Monier, à qui l’on attribue souvent la paternité de l’invention, affirme avoir construit, en 1848, avec le même procédé, des caisses horticoles, mais ce n’est qu’en 1867 qu’il dépose son premier brevet.

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Fig 5 : Joseph Louis Lambot

Fig 6 : Joseph Lambot - Barque en « ferciment » - 1849

Entre temps, en 1852, François Coignet pose pour la première fois des poutrelles et des barres métalliques dans son « béton aggloméré » pour réaliser sa maison personnelle au n° 72 de la rue Charles Michels à St. Denis. C’est incontestablement le premier immeuble en béton armé du monde. Le liant utilisé n’était encore que de la chaux hydraulique, mais additionné d’une faible quantité de ciment portland, pour accélérer la prise. (L’immeuble existe toujours, mais il est aujourd’hui à l’abandon et quasiment ruiné.) Coignet ne dépose pas de brevet : il paraît donc évident qu’il n’ait pas réalisé l’importance de son innovation….

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Fig 7 : François Coignet - Maison personnelle à St-Denis - 1852

En 1854, en Angleterre, W.Wilkinson construit à Newcastle un petit immeuble de deux étages, dont les planchers sont réalisés en béton armé. Il dépose en même temps un brevet pour « la construction d’immeubles à l’abri de l’incendie ». Dans son brevet, il précise que les barres de métal doivent être posées dans les zones où la traction se développe dans le béton; en coupe, il donne à ses armatures la forme d’une chaînette. Wilkinson est généralement considéré comme le « père du béton armé », Coignet n’ayant pas déposé de brevet !

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Fig 8 : Brevet W.Wilkinson 1854

Ayant étendu ses activités à celle de cimentier-rocailleur, Joseph Monier dépose de nombreux brevets, dont un, en 1873, qui couvre la « construction de ponts et de passerelles en ciment armé ». En 1875, il réalise le premier pont en « ciment armé », au château de Chazelet, près de St. Benoit-sur-Sault, dans l’Indre : l’ouvrage en « rocaille » a une portée de 13m80 pour 4m25 de large.

Fig 9 : Joseph Monier

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Fig 10 : Joseph Monier - Pont en ciment armé - Château de Chazelet - 1875

L’entrepreneur François Hennebique (1824-1921) s’intéresse à la technique vers la fin des années 1870. En 1880, il dépose un brevet pour des dalles de ciment armé de fers ronds. Il est le premier à comprendre que, dans le béton armé, les armatures doivent reprendre tous les efforts qui ne sont pas de la compression pure (traction, efforts tranchant et rasant), mais aussi les charges excessives en compression. Il développe un système de ferraillage très élaboré, et introduit l’usage des étriers, des barres relevées, etc. Le système fera l’objet d’un brevet déposé en 1892 (et invalidé en 1903, au profit de celui de Monier).

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Fig 11 : François Hennebique

Fig 12 : Brevet Hennebique - 1892

Hennebique réalise, en 1894, le premier pont « moderne » en béton armé à Wiggen, en Suisse.Sa « villa témoin », construite entre 1901 et 1904 à Bourg-la-Reine est un catalogue de toutes les prouesses techniques que le nouveau matériau permettait de réaliser. Classique en façade avant, elle est étonnamment moderne en façade arrière, multipliant les terrasses en encorbellement et les dispositifs en porte-à-faux. Des portées importantes, des différences de niveaux et des saillies illustrent la souplesse du matériau. Une tour minaret de 40m du haut porte un château d’eau qui distribue l’eau dans les serres et les jardins établis sur la toiture-terrasse.

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Fig 13 : Hennebique – Villa témoin - 1901

Fig 14 : Hennebique – Villa témoin – façade arrière

Pour être complet, il faut encore citer le « système Cottancin » : l’ingénieur Cottancin dépose son brevet en 1889. Il ne croit pas à l’adhérence du ciment sur l’acier, et développe un système d’armature composé d’un fil d’acier fin, unique, plié et replié sur lui-même jusqu’à former une toile dense. Il propose de réduire les coques et les voiles de béton à 5 cm d’épaisseur et de les raidir par des nervures appelées « épines-contreforts ». Les structures de béton s’ancrent par ailleurs dans des maçonneries de briques perforées, dont les perforations reçoivent le prolongement des armatures. Le procédé est performant, mais coûteux, et ne survivra pas à la 1ère guerre mondiale.

Les exemples de réalisation en béton armé sont trop nombreux pour être cités ici. Parmi les œuvres les plus remarquables, d’avant la 1ere guerre, il faut citer l’église St.Jean de

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Montmartre, construite entre 1897 et 1904 par Anatole de Baudot et Cottancin ; les Magasins Félix Potin construits en 1902 à Paris par Ausher et Hennebique ; et la Halle du Centenaire (Jahrhunderdhalle), construite en 1913, à Breslau en Prusse Orientale (Actuellement Hala Stulecia, à Wroclaw en Pologne). L’édifice, réalisé entièrement en béton armé, s’inscrit dans un carré de 100 mètres sur 100, et comporte une coupole de 50m de haut pour une portée de 65m. Le potentiel limité des calculs de structure de l’époque conduisit les ingénieurs à réaliser la coupole sous la forme d’arcs indépendants.

Fig 15 : Auscher et Hennebique – Magasins Félix Potin – Paris - 1902

Fig 16 : Jahrhunderdhalle – Breslau - 1913

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Aux Etats-Unis, le premier pont en béton armé date de 1889, le Lake Alford Bridge à San Francisco ; il fait moins de 7m de portée. Le premier immeuble tour, l’Ingalls Tower, comptant 15 étages, est achevé en 1903, à Cincinnati. Citant les Etats-Unis, on ne peut passer sous silence l’étrange délire de Thomas Edison, qui dès 1908, imaginait de résoudre la crise du logement avec un projet de maisons « de style François 1er », qui pourraient être construites par un robot en moins de 24 heures : tout aurait été réalisé en béton, non seulement le gros œuvre, mais aussi les châssis de fenêtre, l’équipement des salles de bain et des cuisines, les meubles du salons, de la salles à manger et des chambres à coucher, - même le piano et le phonographe auraient été en béton, -teintés dans la masse, évitant ainsi la nécessité de les remettre en peinture. L’entreprise connut un début de réalisation mais se solda par une faillite retentissante !

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Fig 18 : Lake Alford Bridge – San Francisco -1889

Fig 19 : Ingalls Tower - Cincinnati – 1903

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Fig 20 : Thomas Edison - « concrete houses » - 1908

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8. Les CIMENTS SOREL ET DERIVES

Le chimiste français Sorel met au point, en 1855, un « ciment à deux composantes : l faut en effet mélanger de la poudre d’oxyde de zinc à une solution de chlorure de zinc pour obtenir en quelques minutes une matière dense, « plus dure que la pierre calcaire ». La prise peut être ralentie par l’adjonction de borax, et la matière peut accueillir une très grande variété de charges, d’agrégats et de colorants.

Le nouveau ciment fut au départ mis en œuvre pour produire des pierres artificielles et des carrelages, pour reproduire des œuvres d’art par moulage, pour élaborer des mastics de réparation de la pierre naturelle, etc. Ses performances mécaniques se révèlent supérieures à celles du ciment portland, mais il résiste mal à une exposition prolongée à l’eau.

Sorel poursuit ses recherches, se tournant vers d’autres métaux que le zinc. En 1867, il dépose un brevet pour le « ciment Sorel », où le zinc est remplacé par du magnésium. Le produit résiste un peu mieux à l’eau, mais ne présente pas, dans ce domaine, la même durabilité que le ciment portland. La résistance à l’abrasion du ciment Sorel est cependant trois fois supérieure à celle des meilleurs portland, et cette qualité se révèle idéale pour la réalisation de revêtement de sols.

Les recherches se poursuivent, et portent cette fois sur le remplacement des chlorures par des sulfates : la tenue à l’eau est légèrement améliorée, mais le problème n’est pas résolu. De plus, les performances mécaniques sont inférieures aux ciments aux oxychlorures.

En 1879, ce sont les composés phosphates qui font leur apparition. Ils mélangent des oxydes métalliques à uns solution d’acide phosphorique (plus rarement à une solution de phosphate métallique. Les recherches portent aussi sur les oxydes métalliques contenant un cation à fort potentiel ionique (zinc, calcium, magnésium, aluminium…) ces nouveaux ciments trouvent leurs premières applications dans le domaine de la médecine dentaire, et ne gagnent que lentement le domaine de la construction. Ils sont pourtant insolubles et développent de hautes résistances mécaniques, mais leur prise est difficile à contrôler et se révèle trop souvent incomplète. L’acide phosphoriques et les phosphates métalliques ont cependant été utilisés comme adjuvants aux ciments Sorel traditionnels : ils y créent des phosphates insolubles, pouvant remplir les pores des ciments Sorel et les rendre ainsi quasi insensibles à l’action de l’eau.

Ce n’est qu’en 1947, que l’on a mis au point, aux Etats-Unis, un ciment « phosphomagnésien » réellement performant : la formule fait appel à un mélange d’oxyde de magnésium, de phosphate monoammoniacal et de polyphosphate d’ammonium. L’objet poursuivi était de mettre au point un béton à prise rapide destiné au gunitage.

Pour résumer, les ciments Sorel et leurs dérivés sont très diversifiés, mais se caractérisent tous :- par une prise généralement rapide et (très) exothermique ;- par une porosité ouverte quasi nulle ;

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- par une résistance très élevée à la compression et à la traction, à l’abrasion, et –souvent- aux hautes températures.

Ils peuvent recevoir les charges les plus diverses : sable, poudre de verre ou de marbre, fillers, sciure de bois, fibres naturelles, limaille de fer, colorants, etc. Ils ont été mis en œuvre pour produire des éléments moulés, pour réaliser des sols coulés résistants, pour produire des mastics de réparation de pierre ou de béton, pour poser des bétons par gunitage, pour réaliser des bétons réfractaires, etc. Outre atlantique, ils sont utilisés depuis les années ’70 pour la réparation rapide et le colmatage des bétons sur autoroutes, tabliers de ponts, etc.

Les ciments Sorel n’ont jamais connu l’essor des chaux et des ciments portland, sans doute faute d’avoir trouvé un créneau favorable à leur production industrielle. Malgré leurs qualités incontestables, la complexité de leur chimie et la rigueur des conditions de mise en œuvre qu’elle entraîne n’en ont jamais fait des concurrents crédibles au ciment portland. Ils occupent cependant une place incontournable dans la panoplie des liants minéraux.

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9. Les SILICATES

Les silicates fusibles sont été de tous temps utilisés pour la fabrication du verre, mais aussi, au 19e siècles, pour la production de pierres factices (procédé Bérard en France), de pierres à meules (procédé Ramsone et Parsons en Angleterre, étendu à la fabrication de pierres factices et à la production d’œuvre d’art aux Etats-Unis), etc. Leur mise en œuvre nécessite l’utilisation de fours ou d’autoclaves. Ils ne seront donc pas décrits dans cet ouvrage.

Les silicates solubles par contre font prise à température ambiante.

9.a. Les silicates alcalins Sous certaines conditions, les silicates alcalins peuvent engendrer de la silice colloïdale, autrement dit un gel de quartz, qui se solidifie en précipitant. La matière est décrite déjà au 14e siècle par l’alchimiste allemand Basilius Valentinus, qui la dénomme « liquor silicium ». L’alchimiste n’en était pas l’inventeur, et son usage peut donc remonter à bien avant lui.

Le principe de fabrication consiste à cuire à très haute température un mélange de silice pure et de natron, ou de potasse ou encore de chaux. La matière obtenue est soluble dans l’eau. Le liant qui en résulte est efficace : il produit une matière opaline par évaporation de l’eau. Le procédé de fabrication fut mis au point en 1825 par le chimiste Munichois Füchs. Il permettait d’obtenir des silices colloïdales très fluides, appelées « wasserglas », qui mélangées à des pigments, étaient mises en œuvre comme peintures. Sur des supports minéraux, elles se révélaient très durables, et avaient, par leur transparence, des vertus « stéréochromiques ». Elles avaient, en outre, des vertus ignifuges sur les matériaux ligneux.

Le procédé fut amélioré en France, par le chimiste Léon Dallemagne, essentiellement pour produire des durcisseurs de pierre. Ces procédés furent mis en œuvre pour la première fois en 1852, sur les façades de Notre-Dame de Paris, et du Palais du Louvre.

Le chimiste Munichois Adolf Wilhem Keim perfectionne les modes de production du «wasserglas » et dépose, en 1878 un brevet qui est à l’origine des peintures minérales encore vendues aujourd’hui sous la marque « Keim ».

9.b. Les silicates d’éthyle Les silicates d’éthyles ont été synthétisés pour la première fois dans la première moitié du 19e siècle, mais n’ont jamais été produit industriellement avant le milieu du 20e siècle. Ils sont aujourd’hui largement utilisés comme durcisseurs de pierre.

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10. Le PLOMB

Le plomb est connu depuis la haute antiquité. Son usage comme liant se développe au Moyen Age. Le plomb pouvait être fondu sur le chantier même, et présentait l’immense avantage, par rapport à la chaux aérienne, de faire prise immédiatement. Il fut donc mis à contribution pour réaliser l’assemblage des balustrades et garde-corps en pierre, des remplages de fenêtres et de toutes les structures pouvant se révéler fragiles avant la prise complète des joints.

Il fut égalent abondamment mis à contribution pour assurer le scellement des tenons, broches, agrafes, et tirants dans les maçonneries de pierre

Le plomb est très souple et adhère bien à la pierre. Ces propriétés en font un liant performant, particulièrement pour les maçonneries fortement exposées aux intempéries.

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II. La fabrication, la composition chimique et le mécanisme de prise des liants minéraux

1. L’ARGILE

L’argile est un liant naturel qui peut se montrer très performant, à condition d’être correctement mis en œuvre. Ses propriétés ont été, au cours du 20e siècle injustement ignorées.

1.1. La fabrication de l’argile

Il n’y a pas véritablement de fabrication : l’argile est un sédiment naturel qui provient de la dégradation chimique et mécanique de roches ignées, telles que les feldspath ou les silices. Elle est constituée de particules extrêmement fines, dont le diamètre maximal est inférieur à 0,004 mm (4µm).

Il existe une très grande diversité d’argiles et toutes ne conviennent pas à la confection de liants performants.

Les argiles présentent généralement une structure en feuillets, appelées phyllosilicates, et formées d’une alternance de plans de silice SiO2 (tétraédrique) et de plans d’alumine Al2O3 (octaédrique). L’épaisseur des feuillets varie en fonction du rapport silice/alumine, mais aussi en fonction de la présence d’autres oxydes métalliques (fer, magnésium, sodium, potassium, nickel, …). Les géologues classent les argiles en trois grandes familles selon l’épaisseur des feuillets : 0,7nm, 1nm, 1,4nm. (Une quatrième famille d’argile, rare, présente une structure fibreuse : sépiolites, palygorskite.).

Cristal d’argile : feuillet Si-Al

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Microparticule d’argile. Structure en feuillets Si-Al

L’argile consolidée peut contenir quatre types d’eau se différenciant par leur mode de liaison à la matière solide :

- l’eau « combinée » est liée chimiquement aux molécules d’argile ; elle figure dans la formule chimique décrivant la matière ; elle a une densité de 1,2 et ne peut être extraite qu’en portant la matière à haute température.

Microparticule d’argile : eau combinée

- l’eau « interstitielle » n’est pas liée chimiquement, mais est retenue entre les feuillets, dans les plans « interfeuillets », par des liens « hydrogène » ; elle s’évapore difficilement et seulement lorsque le taux d’humidité relative descend en dessous de 30% ; son évaporation provoque un important retrait ;

Microparticule d’argile : eau interstitielle

- l’eau « adsorbée » est physiquement liée à la surface de la matière solide, essentiellement sur les parois des capillaires ; la couche d’eau adsorbée peut atteindre voire dépasser une épaisseur de 6 molécules d’eau, retenues par des liens hydrogènes ; elle s’évapore facilement lorsque le taux d’humidité relative descend en dessous de 50% ; elle condense si le taux d’humidité relative dépasse 50% ; son évaporation provoque un retrait de la matière ;

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Microparticule d’argile : eau adsorbée

- l’eau « libre) est celle qui peut occuper les capillaires lorsque la matière est mouillée, ou subit la condensation de la vapeur contenue dans l’air ambiant ; son évaporation est facile et ne provoque aucun retrait.

Microparticule d’argile : eau libre

Les argiles très gonflantes ne conviennent pas à la confection de liant, parce qu’elles peuvent présenter un important retrait après séchage et qu’elles se désagrègent facilement lors d’une hydratation accidentelle.Un test simple permet de vérifier si une argile est gonflante ou non. Il suffit de disperser un échantillon dans un excès d’eau : si, après 10 minutes, l’eau est toujours trouble et comporte des particules en suspension, l’argile est gonflante et impropre à l’utilisation comme liant.

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- Les kaolinites Al2Si2O5(OH)4 sont les argiles les moins gonflantes qui soit. L’épaisseur de leurs feuillets est de 0,7 µm.

- Les halloysites Al4Si4O10(OH)8.4H2O sont légèrement gonflantes. L’épaisseur de leur feuillets secs est de 0,7mm, et hydratés de 1 µm.

- Les argiles les plus fréquentes sont les illites KAl3Si3O10(OH)2. Elles sont moyennement gonflantes. L’épaisseur de leurs feuillets est de 1 µm.

- Les montmorillonites NaMgAl5Si12O30(OH)6 sont les argiles les plus gonflantes et ne doivent pas être utilisées pour réaliser des liants. L’augmentation de l’épaisseur des feuillets peut dépasser les 100 %. La bentonite fait partie de la famille des montmorillonites.

L’adjonction de sable de rivière à l’argile permet de diminuer, voire de stabiliser le phénomène de retrait. L’adjonction de silt augmente sensiblement la cohésion de la matière durcie. Le silt est formé de particules limoneuse ou siliceuse fines, dont le diamètre maximal ne dépasse pas 0,06mm (60µm).

Il ne faut pas nécessairement partir d’argile pure pour réaliser un liant. Dans la pratique, n’importe quelle terre peut convenir, pourvu qu’elle soit à dominance argileuse ou limoneuse, qu’elle ne soit pas trop gonflante, et qu’elle ne contienne pas de détritus organiques. Des essais doivent, dans ce cas, être effectués pour déterminer le meilleur rapport eau/argile et le meilleur mélange argile/sable.

Les mélanges d’argile doivent être malaxés pour obtenir la plus grande homogénéité possible.

Pour réaliser des torchis ou des bétons de terre, les pailles, fibres végétales, copeaux de bois et autres agrégats doivent être malaxés avec l’argile avant leur mise en œuvre.

1.2. Les mécanismes de prise de l’argile

Il n’y a pas a proprement de prise, puisqu’il n’y a pas de réaction chimique. L’argile est constitué de particules extrêmement fines, dont le diamètre ne dépasse pas 4µm, et peut descendre à des dimensions inférieures au µm. Le malaxage va provoquer le contact intime de ces particules, l’effet lubrifiant de l’eau facilitant l’installation des particules les plus petites dans les vides existants entre les particules plus grandes. L’évaporation de l’eau entraîne l’établissement de contacts francs entre les particules, et permet dès lors d’établir d’une interaction électrique de faible intensité entre des molécules appartenant à des particules différentes. Cette interaction est connue sous le nom de « forces de Van der Waals ». Ces forces sont très faibles par rapport à celles qui se développent au sein d’une liaison chimique, mais comme les particules sont très fines, les points de contacts sont très nombreux, et leur surface peut devenir considérable. La surface cumulée des particules contenues dans 1cm3 d’argile représente des dizaines, voire des centaines de m2. Même si la surface cumulée des contacts ne représente qu’un faible pourcentage de cette surface, elle est suffisante pour que l’interaction qui s’y exerce assure la cohésion de la matière.Pou s’en convaincre, il suffit de suivre le raisonnement suivant : le sable, lorsqu’il sèche après avoir été mouillé, développe une très faible cohésion due au force de Van der Waals. Il s’effrite au moindre toucher. Imaginons une argile dont les grains sont en moyenne 300 fois plus petits que ceux du sable. Un volume d’argile contiendra donc 9 000 000 de fois plus de

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grains qu’un même volume de sable, et le nombre de liaisons de Van der Waals y sera 9 millions de fois plus important que dans le sable !

Certaines argiles développent des résistances mécaniques considérables. Les performances mécaniques dépendent directement de la granulométrie.

Les liants argileux étant tombés en désuétude, aucune étude n’a jamais été menée, mais les meilleurs résultats sont probablement obtenus par un mélange d’argile (φ < 4µm) et de silt (4µm< φ < 63µm).

1.3. Les différents types d’argile

L’argile est vendue sur le marché en sacs prêt à l’emploi, exactement comme le plâtre. Rien n’empêche cependant de se servir dans la nature, pourvu que la matière respecte les propriétés décrites plus haut.

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2. Le PLATRE

Le plâtre est un liant atypique puisqu’il est utilisé le plus souvent pur, sans agrégats.Sa prise est suivie d’un gonflement, alors que pour tous les autres liants, la prise est suivie d’un retrait.

2.1. La fabrication du plâtre

Il est obtenu par cuisson de gypse. Le gypse est une roche sédimentaire évaporé tique. Il se forme en milieu marin, et précipite lors de l’évaporation de l’eau de mer. L’évaporation complète des mers fermées, isolées de l’océan par des mouvements géologiques, peut produire des bancs importants.

La cuisson produit de la bassanite à partir de 163°C, et de l’anhydrite a partir de 163°C :

128°CaSO4.2H2O → CaSO4.1/2H2O + 1 H2O

163°

de 130° à 180°C : - en atmosphère ouverte le gypse donne un plâtre, de faible résistance à la compression : 2 à 8 MPa ;- sous 2 à 3 atmosphères, le gypse fournit un plâtre à prise lente, qui nécessite moins d’eau de gâchage, parce que formé de cristaux plus gros, et dont la résistance à la compression est supérieure : 15 à 40 MPa ;

de 150° à 250°C : le gypse se transforme en anhydrite CaSO4 soluble qui reforme, en présence d’eau, un demi-hydrate ;

de 400° à 600°C : le gypse produit une matière qui ne fait plus prise : le CaSO4 cristallise en effet en système orthorhombique et devient très difficilement soluble (l’explication est donnée au point 3.a.1.3 L’importance de la température de calcination);

de 600° à 700°C : les cristaux d’anhydrite broyés et mélangés à des catalyseurs (chaux, divers sulfates, dolomite anhydre, laitier alcalin) donnent un liant à prise lente appelé « ciment d’anhydrite » (résistance de 15 à 40 MPa) ;

de 800° à 1100°C : le CaSO4 se dissocie partiellement en CaO et SO3. Le CaO joue le rôle de catalyseur et fournit un plâtre à prise lente, appelé « plâtre à plancher ». Sa résistance mécanique n’est pas supérieure à celle du produit précédent mais il se caractérise par une faible sensibilité à l’eau.

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200

CaSO4. H2O → CaSO4 + H2O

2.2. Les mécanismes de prise du plâtre

La prise du plâtre se fait par mélange dans l’eau. Le demi-hydrate de sulfate de calcium est très soluble dans l’eau (10 gr par litre à température ambiante). Les molécules dissoutes dans l’eau réagissent avec celle-ci pour reformer du gypse et sa mise en solution produit des ions Ca et SO en suspension dans l’eau de gâchage. Lorsque la concentration des ions atteint

la saturation, une partie d’entre eux précipite pour former des chaînes :

― Ca ― O ― SO2 ― O ― Ca ― O ― SO2 ― O ―

Ces chaînes vont s’hydrater pour former:

― Ca ― O ― S(OH)4 ― O ― Ca ― O ― S(OH)4 ― O ―

et noté CaSO4.2H2O.

Le dihydraté CaSO4.2H2O est nettement moins soluble que le demi hydraté CaSO4.½2H2O, et précipite rapidement, libérant la place pour la mise en solution d’autres molécules de demi hydraté.

Dans les structures microcristallines qui en résultent, l’ion Ca occupe le centre d’un site octaédrique dont :

- 2 sommets opposés sont occupés par un ion O lié directement à un ion S ;- 4 sommets sont occupés par des ions hydroxydes OH fournis par le complexe S(OH)

Le plâtre cristallise dans le système monoclinique sous la forme de fines aiguilles qui s’enchevêtrent avant de se souder ensemble après l’évaporation de l’eau en excès. Les cristaux forment alors une structure rigide, dont la solidité varie en fonction de la quantité d’eau de gâchage, du temps de séchage et de la qualité de la matière première.

2.3. Les différents types de plâtre

On trouve sur le marché :

- le « plâtre gros de construction », utilisé pour les couches de fond.- le « plâtre fin de construction », mis en œuvre pour la finition. - le « plâtre de moulage » est un plâtre pur qui ne se distingue que par la finesse de

sa mouture. Il contient parfois des adjuvants destinés à facilité leur pose ou à améliorer leur adhérence (plâtre-colle).

- le « ciment d’anhydre »

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201

- le « plâtre de plancher », déjà cité, n’est plus produit aujourd’hui, mais peut se rencontrer dans des bâtiments anciens, au cours de restaurations.

- Le « plâtre chaux » est de la bassanite additionnée, par immersion, d’une solution d’alun, qui est ensuite recuite. Mélangé à de la poudre de calcaire ou de marbre, à des colorants et/ou à des colles, il sert à la confection d’ouvrages en stuc ou en scagliola (marbre artificiel). L’alun est une pierre naturelle soluble dans l’eau chaude. Sa composition générale est :KAl(H4SO6)2.8H2O

- le « plâtre boraté » est également un plâtre utilisé pour la confection de stucs. Il est obtenu par l’addition d’une petite quantité de borate de soude naturel : Na2B4O7.10H2O (borax) ou Na2B4O7.4H2O (kernite).

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202

3. La CHAUX AERIENNE

Le cycle de la chaux aérienne suit les trois phases suivantes :

1 - la calcination de la roche calcaire produit de la chaux vive avec une perte de gaz carbonique : CaCO3 → CaO + CO2

2 - l’extinction à l’eau de la chaux vive produit de la chaux éteinte :

CaO + H2O → Ca(OH)2

3 - la carbonatation, au contact de l’air, de la chaux éteinte produit le durcissement de la matière par reformation de calcite :

Ca(OH)2 + CO2 → CaCO3

3.1. La fabrication de la chaux aérienne

La chaux est obtenue par calcination de roches calcaires à une température de 850°- 1000°C.

3.1.1. La calcination :

Le calcaire pur se décompose à entre 850°C et 900°C avec une perte de poids de 44% du à l’éventement du CO2.

850-900°CCaCO3 → CaO + CO2

La réaction est lente lorsque la température de cuisson est trop proche de la température de décomposition. Mais si elle dépasse 1000°C, le produit obtenu est de moindre qualité, du fait d’un processus de restructuration cristalline que nous analyserons plus loin.

3.1.2. L’extinction : La chaux vive doit être hydratée avant l’emploi :

CaO + H2O → Ca(OH)2

L’opération, qui porte le nom d’extinction, se fait avec un fort dégagement de chaleur et un foisonnement qui s’accompagne d’une augmentation de volume de 20%.

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203

L’extinction peut se faire de deux manières :- soit par excès d’eau, dans des cuves ou des fosses. La matière obtenue est une pâte

grasse qui peut être conservée telle quelle pendant une très longue période, à condition de rester totalement immergée. Le PH de cette pâte est de 13,5.

- soit avec la quantité d’eau strictement nécessaire pour la réaction. La matière sèche obtenue en fin d’opération est finement broyée et mise en sac.

La chaux obtenue par la seconde méthode est généralement de moins bonne qualité que la première : elle peut en effet contenir des nodules de CaO, qui en s’hydratant tardivement peuvent provoquer des gonflements après la prise du mortier ou de l’enduit. Elle peut également s’éventer : carbonater partiellement sous l’effet de l’air qui peut circuler facilement au sein de la matière poudreuse.

3.1.3. L’importance de la température de calcination

La thermolyse de la calcite débute vers 850°, mais est généralement conduite à des températures plus élevées, généralement 1000°. Elle peut dans certains cas être poussée jusqu’à 1500°, -voire au-delà-, la température de fusion de la chaux étant de 3000°.

Les températures élevées produisent des matières de moins en moins réactives et de plus en plus difficiles à éteindre. L’explication tient dans la transformation que subissent les cristaux de chaux par élévation de température.

Les molécules de Ca0 qui se libèrent de la calcite sont fortement polarisées et s’orientent dans l’espace pour s’assembler selon un ordre précis, comparable grosso modo à celui des briques dans une maçonnerie. La chaux cristallise dans le système cubique. Autrement dit, chaque molécule de Ca0 occupe, dans le cristal un espace de forme cubique.

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Au sein du cristal, la liaison privilégiée d’un cation Ca++ pour un anion O-- disparaît : chaque ion Ca++ entre « en contact » avec 6 ions O-- (un à gauche, un à droite, un devant, un derrière, un au dessous, un au dessus) La répartition des charges électriques des ions est donc symétrique et équilibrée, tout au moins à l’intérieur du cristal. Un ion Ca++ établi sur une surface perd une de ses liaisons ; s’il est établi sur une arête, il en perd deux, et s’il se retrouve sur un sommet, il en perd trois.

Un ion Ca++ situé sur un sommet -on parle techniquement d’un « site de Lewis »- est donc moins stable qu’un ion qui dispose de 4, 5 ou 6 liaisons avec le cristal. Il est en outre fortement polarisé, puisque les 3 liaisons dont il dispose sont dissymétriques et ne sont donc pas compensées électriquement. Lors de l’extinction, il sera la cible préférée des molécules d’eau ; en se libérant, il crée de nouveaux sites de Lewis, et la réaction s’accélère.

Une chaux calcinée à basse température produit des cristaux irréguliers, comportant de nombreuses lacunes, et donc une abondance de sites de Lewis. Une telle chaux peut réagir de manière brutale, voire explosive, au moment de l’extinction.

Si on augmente la température de cuisson (même après la transformation de calcite en chaux), les cristaux vont se réorganiser, combler les lacunes sur les arêtes et les faces, donc tendre vers une forme cubique idéale : ils répondent ainsi à une loi physique leur permettant de résister aux hautes températures.

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Les cristaux soumis à de hautes températures sont donc plus gros, présentent des surfaces lisses et des sites de Lewis réduits au nombre minimum. Ils réagissent lentement à l’extinction. Une bonne température de cuisson sera donc un compromis permettant une extinction dans les meilleures conditions de sécurité et d’efficacité. Les chaux produites à basse températures sont plus légères (fleur de chaux) que celles produites à des températures plus élevées.

La perte de réactivité de la matière produite à hautes température a déjà éte évoquée pour le plâtre (voir 2.a La fabrication du plâtre). Le phénomène est semblable à celui de la chaux, toutefois dans un système cristallin nettement plus complexe.

3.2. Les mécanismes de prise de la chaux aérienne

La prise a lieu en deux phases, l’une rapide et l’autre très lente :- Un durcissement partiel va se faire par évaporation de l’eau. La finesse des grains de

chaux hydratée est telle qu’il se développe des forces de cohésion suffisantes pour conférer au matériau une certaine résistance (semblable à celle de l’argile dans les briques crues). En s’évaporant, l’eau libère un fin réseau capillaire, qui permet la pénétration du gaz carbonique.

- Un durcissement lent et définitif se fait ensuite par carbonatation :

Ca(OH)2 + CO2 → CaCO3 + H2O

La carbonatation ne se produit pas sous toutes conditions :

Elle ne peut se faire en l’absence d’eau. La réaction ne peut en effet se produire qu’après la formation d’ions Ca et HCO , ions qui ne peuvent être

engendrés en dehors d’un milieu aqueux ;

Elle ne se produit pas dans un milieu saturé d’eau : l’eau ne peut en effet contenir qu’une faible quantité de CO2 dissout ;

La carbonatation est optimale lorsque l’air en présence contient entre 60 et 80% d’humidité relative : elle se produit alors dans le milieu aqueux formé par l’eau adsorbée.

Ceci nous indique qu’un mortier de chaux aérienne va carbonater en 2 temps :

Rien ne se passera en présence de l’eau de gâchage. Cette eau va s’évaporer, et la carbonatation va progresser en suivant le front d’évaporation de cette eau. Elle ne sera évidemment pas complète à la fin de l’évaporation de l’eau de gâchage ;

La carbonatation progresse en suite chaque fois que la matière sera parcourue par un air contenant entre 60 et 80 % d’humidité relative.

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La carbonatation n’est donc pas un phénomène aléatoire : elle se produit toujours, mais à des vitesses variables, qui dépendent essentiellement :

de la distance de la matière à la surface en contact avec l’air extérieur ;

de l’humidité relative de l’air extérieur.

Un mortier trop compact, trop peu poreux, fait avec peu d’eau ne durcira cependant jamais en profondeur. La carbonatation peut durer des années, voire des siècles. Cela signifie que le mortier aura la faculté de se déformer plastiquement, sans fissure, pendant une longue période. Cet avantage a contribué grandement à la réussite de la construction des cathédrales gothiques.

Du fait de la carbonatation, le PH du mortier tombe de 12,5 à l’état frais, à environ 7 – 8 après durcissement complet.

3.3. Les différents types de chaux aériennes

Les chaux aériennes sont vendues sous le sigle CL pour « Calcite Lime » en anglais (anciennement XA pour « Chaux Aérienne ». Les sigles CL 90, CL 80, CL 70, …, désignent des chaux contenant 90%, 80%, 70%, …, de matière active.

La chaux aérienne peut être fournie :- soit sous forme de poudre ensachée,- soit sous forme de pâte conservée sous l’eau.

La chaux vive ne se trouve plus sur le marché, pour des raisons invoquées de sécurité.Les chaux en pâte, conservées sous l’eau, et âgées de 3 à 7 ans sont toujours nettement plus performantes que les produits fournis en sac. Cela s’explique par une hydratation parfaite de la matière. Ce type de chaux est cependant difficile à trouver chez nous, du fait des coûts élevés liés au stockage.

L’ « eau de chaux » désigne l’eau qui « surnage » à la surface d’une marre de pâte de chaux. C’est une solution saturée en chaux dissoute, qui se révèle généralement être un durcisseur de pierre efficace. Elle ne doit pas être confondue avec les badigeons, eaux fortes ou patines, qui sont des mélanges d’eau et de chaux. L’eau de chaux saturée ne contient que 1,7 gr/l de chaux Ca(OH)2.

La firme allemande IBZ Freiberg met depuis peu sur le marché une dispersion de Ca(OH)2 dans une solution d’alcool (éthanol, propanol ou pentan). Le produit contient de 5 à 50 gr/l de Ca(OH)2. Après évaporation de l’alcool, la chaux carbonate sans problème.

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4. La CHAUX DOLOMITIQUE

La chaux dolomitique est une chaux aérienne obtenue par calcination de calcaire magnésien, contenant de 5 à 35 % de magnésite MgCO3, ou de roche dolomitique contenant de 36 à 46 % de magnésite. La chaux dolomitique ne présente pas d’avantages par rapport à la chaux « calcique ». Elle a la réputation d’être plus plastique et plus facile à travailler. Elle n’est, en réalité, mise en œuvre que dans les régions ou les roches magnésiennes ou dolomitiques sont abondantes.

4.1. La fabrication de la chaux dolomitique

4.1.1. La calcination :

La thermolyse de la dolomite MgCa(CO3)2 se fait en deux temps : la périclase se libère d’abords, la chaux ensuite :

-la périclase se libère à partir de 650°

MgCa(CO3)2 → MgO + CaCO3 + CO2

-à 850° la libération de la périclase est complète et la thermolyse de la calcite commence

MgO + CaCO3 → MgO + CaO + CO2

La température de cuisson est généralement poussée jusqu’à 900° voire au-delà. A cette température, la chaux CaO se montre très réactive, mais la périclase MgO a déjà entamé le processus de restructuration cristalline décrite plus haut (voir 3.a.1.3).

Le périclase se montre dès lors nettement moins réactif que la chaux.

4.1.2 L’extinction :

La chaux dolomitique doit être éteinte comme la chaux calcique :

MgO + CaO + 2H2O → Mg(OH)2 + Ca(OH)2

Pour être complète, l’extinction demande une immersion de plus de 24 heures, alors qu’elle meut être quasi instantanée pour la chaux. La périclase hydratée Mg(OH)2 appelée brucite, carbonate tout comme la chaux éteinte, mais avec des temps de réaction beaucoup plus longs.

4.2. Les mécanismes de prise de la chaux dolomitique

La prise se fait de la même manière que celle de la chaux calcique

4.3. Les différents type de chaux dolomitiques

Page 48: Les liants

208

Les chaux dolomitiques sont produites sous les mêmes formes que la chaux calcique.Le sigle DL (dolomite lime) remplace le sigle CL (calcite lime) sur les produits vendus

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5. Les CHAUX HYDRAULIQUES et les CIMENTS NATURELS

Dans un mortier de chaux aérienne, c’est la réaction entre la chaux hydratée Ca(OH)2 et le gaz carbonique de l’air qui assure la prise du mélange.

Dans le cas de la chaux hydraulique, la prise peut être partiellement assurée par la même réaction, mais surtout par la réaction entre la chaux CaO, et la silice SiO2 et / ou l’aluminium A2lO3. Comme pour la chaux aérienne, la réaction ne peut se produire qu’en présence d’eau, mais contrairement à celle-ci, dans le cas de la chaux hydraulique, l’eau participe à la construction du système cristallin qui assure la rigidité du mélange faisant prise.

La constitution d’un système cristallin associant les oxydes de calcium, de silicium et, dans une moindre mesure, d’aluminium est une condition essentielle dans la prise des chaux hydrauliques. Ces systèmes sont multiples et dépendent autant des mélanges en présence que des conditions physiques de leur constitution. Ils existent de manière naturelle, et dans le cas des chaux hydrauliques, le modèle de référence est celui de la tobermorite. La tobermorite est un minéral associant le calcium Ca et le silicium Si, et fut pour la première fois décrite dans des échantillons découverts dans le village de Tobermory sur l’île de Mull en Ecosse.

Pour bien comprendre le mécanisme de prise des chaux hydrauliques, il est indispensable d’étudier ce modèle, ses composantes, et son mode de formation.

5.a. Introduction à la chimie des liants hydrauliques

La chimie des liants hydraulique fait appel à un grand nombre de molécules différentes, dont les propriétés changent en fonction de leur structure cristalline, comme nous avons pu le voir avec les matières pouzzolaniques.

5.a.1. Les composants des chaux hydrauliques

5.a.1.1 Le siliciumDans un silicate, le silicium met en jeu quatre liaisons qui ont un caractère à la fois ionique et covalent. L’ion de Si se trouve au centre d’un tétraèdre dont les sommets sont quatre atomes d’oxygène ionisés O-. Un tétraèdre SiO ou Si(OH)4 est noté Q0 (Q comme quartz).

Un tétraèdre peut être également lié par un des ses oxygènes à un autre tétraèdre : il sera noté Q1. S’il est lié à deux tétraèdres, il sera noté Q2 , à trois, Q3 et à quatre Q4.Un cristal de quartz est formé d’un ensemble de tétraèdres Q4.

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210

5.a.1.2. Le calciumLe calcium se fixe sur les sommets des tétraèdres. Un tétraèdre Q0 peut accueillir deux ions Ca qui occupent chacun deux sommets, ou encore quatre ions Ca qui occupent chacun un sommet, et qui assurent la liaison avec les tétraèdres voisins.

Un tel système cristallin comprend donc 2 ions Ca pour 1 ion Si et 4 ions d’oxygène, soit Ca/Si = 2.

Si le système comprend des tétraèdres Q1, Q2 ou Q3, le rapport Ca/Si diminue nécessairement.Toutes les combinaisons sont théoriquement possibles. Elles dépendent cependant des conditions dans lesquelles les cristaux se sont formés. Nous y reviendrons.

5.a.1.3. L’aluminium et le ferL’aluminium agit comme un substitut du silicium, et en présence de calcium, il se révèle en général plus réactif que le silicium.

Le fer par contre joue généralement le rôle d’un substitut du calcium ou de silicium, mais avec une réactivité nettement moindre. Nous verrons cela plus loin.

5.a.2. L’hydrolyse

Pour que le calcium réagisse, à température ambiante, avec le silicium, il faut qu’ils se rencontrent sous forme d’ions en solution dans un milieu aqueux.

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211

5.a.2.1. L’hydrolyse de la chauxLa chaux CaO s’hydrolyse suivant la formule :

CaO + H2O Ca++ + 2OH

5.a.2.2. L’hydrolyse de la siliceSous certaines conditions seulement, la silice SiO2 s’hydrolyse suivant la formule :

SiO2 + 2H2O H2SiO + 2H

ou encore :

SiO2 + 2H2O SiO + 4H

Il est clair que le quartz ne se décompose nullement dans l’eau : le cristal est généralement stable et totalement insensible aux attaques hydriques, sauf si la forme cristalline est imparfaite et qu’il est mis en présence de cations forts.

Le quartz, à température ambiante est cristallisé dans le système rhomboédrique. Porté à température, il se transforme suivant les phases suivantes :

- à 573°C, il adopte le système hexagonal- à 870°C, il se transforme en tridymite β, de système monoclinique- à 1470°C, la tridymite β se transforme en cristobalite β, de système cubique- à 1710°C, la cristobalite se liquéfie.

Si la matière est refroidie très lentement, la transformation se fera en sens inverse.

Par contre, si le refroidissement est brutal, la matière se figera dans une structure donnée, qui peut se révéler stable ou métastable. Refroidie rapidement, la silice liquide gardera une structure vitreuse et mettra environ 30 millions d’années pour se transformer en quartz.

A température ambiante, la cristobalite α est stable dans le système rhomboédrique, et se transforme en quartz si elle est portée à 270°C. La tridymite α existe également dans le système rhomboédrique, et se transforme en quartz à 117°C.

Le refroidissement peut également faire que la matière chauffée se fige sous la forme d’une structure désordonnée, intermédiaire entre le système cristallin de la cristobalite et de la tridymite, ou de la tridymite et du quartz. Une telle structure se révèle généralement « métastable » et sensible à l’hydrolyse. La sensibilité sera d’autant plus grande que la matière aura été réduite en fine poudre et présentera donc une surface importante à l’attaque hydrique.

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Des matières siliceuses instables et donc hydrolysables peuvent être d’origine naturelles – c’est le cas des cendres volcaniques connues sous le nom de « pouzzolanes » - ou être produites artificiellement – cendres volantes de haut fourneaux, terres cuites, … -.

5.a.2.3 L’hydrolyse des aluminosilicatesSous certaines conditions également, des molécules associant la silice SiO2 et des oxydes métalliques tels que CaO, Al2O3 et Fe2O3 peuvent s’hydrolyser et engendrer des ions Ca , H2SiO , AlO et Fe2O .

Des minéraux associant ces éléments existent naturellement, mais se révèlent peu réactifs. Ils sont donc produits artificiellement à très haute température et refroidis brutalement, de manière à leur conférer une structure cristalline métastable. Ce sont les constituants essentiels de la chaux hydraulique naturelle et des ciments.

5.a.3. La réaction Ca-Si

Dans la chaux hydraulique naturelle, l’eau attaque la surface des grains de silicate calcique nCaO.mSiO2 et en libère les ions Ca et H2SiO . Ceux-ci vont précipiter à des

concentrations différentes. En règle générale, les H2SiO précipitent en premier, pour former

des chaînes de tétraèdres Q2.

Les ions Ca viennent ensuite s’installer entre les sommets restés libres des tétraèdres. Chaque ion Ca chasse un ion H+ et un hydroxyde OH qui réagissent entre eux pour former de l’eau.

La réaction engendre, autour du grain, un gel dans lequel s’assemblent les cristaux. Ceux-ci prennent la forme de fines aiguilles et se développent perpendiculairement à la surface du grain. Ils grandissent jusqu’à épuisement de la matière anhydre fournie par le grain, autrement dit à la dissolution complète du grain.

La croissance des cristaux est au départ rapide et ralentit rapidement parce que la densité du gel limite progressivement l’accès de l’eau de gâchage à la surface du grain. Le raidissement et le durcissement final de la matière se produit lorsque les aiguilles touchent les agrégats (ou les aiguilles voisines) et s’y soudent.

Si, au cours de la prise, l’eau de gâchage s’évapore complètement la réaction s’arrête et le durcissement est imparfait. Même après une réhydratation la réaction ne peut plus reprendre : les cristaux qui se sont formés autour des grains sont insolubles, et empêchent l’accès de l’eau à la matière anhydre.

Un séchage trop rapide de l’eau de gâchage entraîne ce que l’on appelle la « brûlure » de la matière.

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Dans la chaux hydraulique artificielle, les grains de silice SiO2 côtoient les grains de chaux Ca(OH)2. L’eau de gâchage libère des ions à la surface des deux types de grains. Les ions de H2SiO précipitent sous forme de chaînes de Q2, qui restent attachées au grain de silice.

Ces chaînes sont contaminées par les ions Ca qui nagent librement dans l’eau de gâchage. Le gel se forme donc exclusivement autour des grains de silice, et la prise se produit comme décrit précédemment.

La matière cristalline produite par la réaction s’appelle la tobermorite.

5.a.4. La structure de la tobermorite

La tobermorite possède une structure en feuillet. Il existe cependant trois polymorphes de tobermorite, appelés α, β et γ, qui se distingue à la fois par leur rapport Ca/Si, et par l’espacement de leurs feuillets. (de 14,11 à 9 Ǻ)

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5.a.4.1. La tobermorite α : rapport Ca/Si < 1La tobermorite est constituée de plans de calcium, accrochés à des chaînes de tétraèdres de silicium, de longueur théoriquement infinie. Les chaînes sont constituées d’un motif répété de trois tétraèdres, appelé « dreierket » (chaînon triple, en allemand) : deux tétraèdres sont liés au plan des calciums ; le troisième appelé tétraèdre pontant, est tourné de 180° et ne porte pas de calcium.

Interfeuillet ———

Plans des Siliciums —

Plans des calciums — —

Plans des Siliciums —

Interfeuillet ———

La tobermorite α : rapport Ca/Si = 0,666

Il faut observer que, dans le plan des calciums, les ions de Ca sont équidistants, et occupent une position centrale entre les quatre sommets libres de deux tétraèdres voisins. La taille des ions Ca impose le plissement de la chaîne de tétraèdres et la présence des tétraèdres pontants.

Un des deux sommets libres des tétraèdres pontants est établi dans le plan appelé «interfeuillet ». Ce plan comprend également des molécules d’eau, qui sans créer des liaisons supplémentaires, participent à la cohésion du cristal, en assurant une meilleure distribution des charges électrovalentes.

Ces molécules résultent de la formation du cristal par hydratation, et lui sont intimement liées. A côté de ces molécules, le cristal peut également contenir de l’eau simplement adsorbée.

Dans la configuration décrite ci-dessus, le cristal de tobermorite α comprend 2 atomes de Ca pour 3 atomes de Si. Le rapport Ca/Si est donc égal à 0,66.

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215

Si lors de la formation, la concentration relative Ca/Si est supérieure à 0,66, les ions Cas’installent dans le plan de l’interfeuillet et assurent la liaison entre deux sommets voisins des tétraèdres pontants. Ils portent le nom de Ca « labile ».

Interfeuillet ———

Plans des Siliciums —

Plans des calciums — —

Plans des Siliciums —

Interfeuillet ———

La tobermorite α : rapport Ca/Si = 0,833

Dans cette configuration, à l’équilibre le rapport Ca/Si est de 0,833 (2,5 Ca 3 Si).

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216

5.a.4.2. La tobermorite β : 1 < Ca/Si < 1,5Une concentration relative supérieure à 0,833 entraîne la rupture de la chaîne des tétraèdres Q2. La présence d’un Ca labile fragilise en effet les liaisons des tétraèdres pontants avec les tétraèdres voisins. Les ions Ca surnuméraires vont dès lors occuper les sites des liaisons rompues entre les tétraèdres pontants et les couples de tétraèdres liés au plan de calcium et des liaisons se forment entre les plans des calcium : les deux plans se soudent pour ne plus en former qu’un seul.

Interfeuillet ——Plans des Siliciums —

Plans des calciums —Plans des Siliciums —

Interfeuillet ———

La tobermorite β : rapport Ca/Si = 1,333

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5.a.4.3. La tobermorite γ : 1,5 < Ca/Si < 2Sous la poussée des ions Ca , les tétraèdres pontants finissent par se libérer totalement, et à l’équilibre, la structure cristalline ne comporte plus que des doublons Q1 et des tétraèdres Q1 et compte 4,5 atomes de Ca pour 3 atomes de Si, soit un rapport Ca/Si égal à 1,5.

La tobermorite γ : rapport Ca/Si = 1,5

Si concentration relative Ca/Si dépasse 1,5, ce sont les doublons de Q1, liés au plan des calciums qui se séparent, et à terme, le système ne comporte plus que des tétraèdres Q0 liés à leurs voisins par des ions Ca .

Le rapport Ca/Si est alors de 2, et au-delà de cette concentration, les ions Ca précipitent pour former de la portlandite Ca(OH)2, sans liaison avec le système cristallin de la tobermorite γ.

La distinction entre les plans de calcium, de silicium et l’interfeuillet devient incertaine, et le cristal formé perd sa structure en feuillet.

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La tobermorite γ : rapport Ca/Si = 1,8333

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5.a.4.4. Le rôle de l’aluminium dans la tobermoriteL’hydratation d’un mélange de chaux Ca(OH)2, de silice SIO2 hydrolysable et d’aluminium Al2O3 hydrolysable peut conduire à la formation de chaînes de tétraèdres semblables à celles de la tobermorite α, mais où le tétraèdre pontant est remplacé par une structure tétraédrique d’alumine comportant en son centre un ion Al et à ses sommets trois ions O .

L’hydratation d’un mélange comportant de la chaux, ainsi qu’un mélange de deux atomes de silicium pour un atome d’aluminium peut dès lors conduire à des structures cristallines semblables à celles de la tobermorite.

∆ gris : silicium ∆ vert : aluminium

5.a.4.5. Le rôle du fer dans la tobermoriteContrairement à l’aluminium, qui dans la structure de la tobermorite se substitue au silicium, le fer se substitue au calcium, pour occuper soit la place d’un ion calcium labile, soit d’un ion calcium participant au plan des calciums.

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220

O rouge : calcium O bleu : fer 5.a.5. Les aluminates calciques

Les aluminates calciques participent également à la prise des chaux et des ciments. Ils se rencontrent sous la forme de : CaO.Al2O3, 3CaO.Al2O3, 5CaO.3AlO3 ou 12CaO.7Al2O3.

Les aluminates calciques sont beaucoup plus réactifs que les silicates ou que les aluminosilicates calciques. Cela s’explique par le fait que les composés produits par l’hydratation de grains silico-calciques ou aluminosilico-calciques adhèrent à ces grains et forment une couche assez dense pour ralentir la vitesse de pénétration de l’eau nécessaire à l’hydrolyse. Les composés issus de l’hydratation de grains alumino-calciques, par contre, se détachent et laissent libre la surface des grains permettant la poursuite de l’hydrolyse.

La précipitation d’ions Ca et 2AlO dans l’eau de gâchage conduit à la formation de

CaO.Al2O3.10H2O, cristallisé dans le système hexagonal. La forme CaO.Al2O3.10H2O est métastable, et en présence d’ions calciques, elle se convertira en :

CaO.Al2O3.10H2O + 2 Ca + 4 OH 3 CaO.Al2O3.6H2O + 6H2O

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221

La forme intermédiaire 2 CaO.Al2O3.8 H2O est elle aussi métastable.

3 CaO.Al2O3.6H2O cristallise dans le système cubique centré et est la seule forme stable dans la famille des alumino-silicates hydratés.

La notation cimentière

Les professionnels des liants hydrauliques donnent une notation simplifiée des différentes molécules intervenant dans la composition de leurs produits.Par convention, ils écrivent :

C pour CaO S pour SiO2

A pour Al2O3

F pour Fe2O3 H pour H2O

pour SO

Exemple : C4-A-F ou C4AF désigne un ferroaluminate tétracalcique 4 CaO.Al2O3.Fe2O3.2

Dans la suite du texte, nous utiliserons indifféremment les 2 notations.5.b. Les chaux hydrauliques artificielles pouzzolaniques

5.b.1. La fabrication de la chaux pouzzolanique

Il ne s’agit pas à proprement parler d’une « fabrication », mais bien d’un mélange : depuis l’Antiquité il a été observé que l’adjonction de certains matériaux, n’ayant aucune propriété liante en eux-mêmes, permettait d’accroître les performances du mortier à la chaux aérienne : la prise pouvait se faire sous l’eau, sans apport d’air, et le mortier durci devenait de plus insoluble dans l’eau.

Ces matériaux ajoutés ont pris le nom générique de « pouzzolanes », du nom d’un tuf volcanique exploité par les Romains dans la région de Pozzuoli près de Naples.

Les matériaux pouzzolaniques sont des roches naturelles ou artificielles, qui se caractérisent par une structure cristalline métastable, ce qui les rend sensibles à l’hydrolyse voir § II 5.a.2.2). Ce sont en général des aluminosilicates qui ont été refroidis brutalement, après avoir été porté à haute température.

Comme nous l’avons vu plus haut, portée à haute température, la matière subit des transformations à la fois chimiques et cristallines. Pour les aluminosilicates, - autrement dit, pour les argiles – les transformations suivent généralement le modèle le plus simple -, celui de la kaolinite. Vers 900°C, la kaolinite Al2O3.2SiO2.2H2O se transforme en mullite 3Al2O3.2SiO2 et en tridymite SiO2 :

3 Al2O3.2SiO2.2H2O → 3Al2O3.2SiO2 + 4 SiO2 + 6H2O

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222

La cuisson s’accompagne d’une modification de l’état cristallin : la kaolinite, cristallisée dans la système triclinique, se transforme en mullite orthorhombique et en tridymite monoclinique.

Si la cuisson est poussée largement au dessus de 900°C, la transformation de la kaolinite en mullite et tridymite est complète. Si, de plus, la matière est refroidie suffisamment vite pour empêcher la réversion, la mullite et la tridymite gardent leur structure cristalline à température ambiante et se révèlent extrêmement stable : la mullite et la tridymite sont les constituants essentiels de la terre cuite, de la brique notamment.

Si, par contre, la cuisson atteint à peine 900°C, la transformation est incomplète, et si la matière est refroidie brutalement, elle garde une structure indéfinie, faite d’un mélange de ce qui n’est plus tout à fait de la kaolinite, et pas encore de la mullite, ni de la tridymite. Une telle matière contient des cristaux imparfaits, métastables, et donc sensibles à l’hydrolyse en présence de cations forts. Finement broyée, elle peut se révéler réactive en présence de chaux. Cette réactivité définit son caractère « pouzzolanique »

Les pouzzolanes peuvent être d’origine naturelle, ou être produites artificiellement :

Les pouzzolanes naturelles :Elles sont toujours d’origine volcanique, expulsées sous formes de cendres ou de poussières dans l’atmosphère, et donc refroidies brutalement. Elles forment des bancs de roches « pyroclastiques » meubles, de faible cohésion ou parfois compactes, et doivent être réduites à l’état de poudre fine. Les plus utilisées sont : la pouzzolane de la baie de Naples, le trass de l’Eiffel, la terre de Santorin, certains tufs, la gaize crue, etc.)

Les pouzzolanes artificielles :- Les cendres volantes : ce sont des cendres très fine, formées des résidus de la

combustion de la houille pulvérisée ou de la lignite dans les centrales thermiques.- Les argiles et les schistes calcinés : elles sont cuites à des températures variant entre

600°C et 900°C, et leur qualité dépend de la composition de la matière de base, des conditions de calcination et des conditions de refroidissement.

Les romains obtenaient une chaux hydraulique en mélangeant des briques ou des tuiles pilées à la chaux aérienne. Ils utilisaient pour cela les briques et les tuiles mal cuites, impropres à la mise en œuvre. C’est ce que n’avaient pas compris les bâtisseurs du Moyen-Âge, qui n’ont jamais obtenu une chaux hydraulique par adjonction de brique pilée : ils broyaient en effet des briques parfaitement cuites, dans lesquelles les composés argileux transformés en mullite et en tridymite, avaient perdu leur propriétés réactives.

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223

5.b.2. Les mécanismes de prise des chaux hydrauliques artificielles pouzzolaniques

La prise va se faire en trois temps :

1. Un durcissement partiel du à l’évaporation de l’eau de gâchage excédentaire et au développement des forces de Van der Waals entre les grains.

2. Un durcissement relativement rapide dû à la combinaison, en présence de l’eau, entre la chaux et les aluminosilicates.

L’hydratation du mélange de chaux Ca(OH)2 et d’aluminosilicates xAl2O3.ySiO2 par l’eau de gâchage entraîne l’hydrolyse des composantes.

xAl2O3.ySiO2 + zCa(OH) + wH2O → xAlO + yH2SiO + zCa + (z-2x-

y)OH

En précipitant les ions vont former un gel qui en perdant son eau excédentaire donne naissance à une structure solide, amorphe ou nanocristalline, formée de :

-nCaO.SiO2.mH2O-6nCaO. Al2O3.4 SiO2.6mH2O-3CaO. Al2O3.6H2O

Les C-S-H et C-A-S-H ont une morphologie semblable à celle de la tobermorite. Le rapport n = Ca/Si+Al ne dépasse jamais 1,4 et les classe donc dans les formes α et β de la tobermorite.

Le C3AH6 se forme en générale plus rapidement que les composés précédents, et si la proportion d’alumine est importante dans le mélange, il peut engendrer un raidissement de la matière dans les premières heures.

3. Un durcissement lent du à la carbonatation de la chaux excédentaire :

Ca(OH)2 + CO2 → CaCO3 + H2O 5.c. Les chaux hydrauliques naturelles et artificielles - Les ciments naturels

5.c.1. La fabrication des chaux hydrauliques naturelles et artificielles, et des ciments naturels

Les chaux hydrauliques peuvent être obtenue de trois manières différentes :

1. La cuisson de roches calcaires faiblement argileuses fournit la chaux hydraulique naturelle.

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2. La cuisson d’un mélange d’argile et de roche calcaire finement broyée (procédé Vicat) fournit la chaux hydraulique artificielle.

3. La cuisson de marnes ou de roches marneuses finement broyées fournit les ciments naturels, romain ou prompt, qui appartiennent à la famille des chaux hydrauliques naturelles.

La température de cuisson peut varier de 800° et 1200°, et la durée de la cuisson peut s’étendre de 2 à plus de 30 heures. Ces différents paramètres (mélange, température et durée de cuisson) influencent les propriétés et la qualité des différentes chaux. L’expérience montre que les meilleures chaux sont obtenues à des températures basses, entre 800° et 1000°, et avec des durées de cuisson n’excédant pas quelques heures.

5.c.1.1. Les chaux hydrauliques naturelles et artificielles.Le procédé permet de contrôler le dosage des matières premières, et de produire des chaux au caractère hydraulique plus ou moins prononcé.

5.c1.1.1. La calcination :La calcination suit les étapes suivantes :

100° : - l’eau contenue dans la matière s’évapore500° : - l’argile se déshydrate

xSiO2.yAl2O3.zFe2O3.nH2O → xSiO2.yAl2O3.zFe2O3 + nH2O

800°-900° : - la calcite se transforme en chaux CaO3 → CaO + CO

- la chaux qui réagit graduellement avec les composés de l’argile pour produire essentiellement :

- de la bélite α’ : 2CaOSiO2 ou C2-S - de la gehlénite : 2CaO.Al2O3.SiO2 ou C2-A-S

- accessoirement : - de l’aluminate calcique : CaO.Al2O3 ou C-A - des traces de ferrite calcique : CaO.Fe2O3 ou C-F

- et selon le dosage :- de la chaux excédentaire CaO.

900°-1000° : - la chaux excédentaire CaO perd progressivement de sa réactivité.

5.c.1.1.2. La trempe :La phase de refroidissement de la matière calcinée doit être la plus rapide possible, car sa vitesse a une influence déterminante sur la qualité des matières hydrauliques. Un

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refroidissement trop lent peut en effet diminuer fortement la réactivité de la bélite 2CaO.SiO2 ou C2S.

Il existe 5 polymorphes de la bélite, qui se distinguent par la structure, notamment leur système cristallin, et dépendent de la température à laquelle la matière est portée :

Température ambiante → bélite γ : orthorhombique → 500°C 500°C → bélite β : monoclinique → 650°C 650°C → bélite α : monoclinique → 1160°C

1160°C → bélite α : monoclinique → 1420°C

1420°C → bélite α : triclinique

Refroidie lentement, la bélite α retrouvera, à température ambiante, la structure de la bélite γ. La bélite γ est insensible à l’hydrolyse et le passage au système cristallin monoclinique de la bélite β s’accompagne d’un important accroissement de volume. Par contre, si elle est refroidie brutalement, la bélite α ’ conservera à température ambiante, la structure de la bélite β, instable à cette température, et donc sensible à l’hydrolyse. L’environnement, autrement dit, les impuretés contenues dans le mélange ou les matières hétérogènes en contact avec la bélite peuvent également avoir une influence sur la structure refroidie et la rendre, de ce fait, plus ou moins réactive.

5.c.1.1.3. L’extinction :La chaux excédentaire CaO doit être éteinte avant la mise un œuvre du mélange. Sans une extinction parfaite, le mélange est susceptible de foisonner lors de sa mise en œuvre : l’extinction provoque, en effet, une forte augmentation de volume de la chaux. L’opération est délicate, un déficit en eau conduit à une extinction incomplète et un excès d’eau peut entraîner le démarrage des réactions hydrauliques et dégrader les propriétés du produit.

Un mélange cuit à une température nettement supérieure à 900° est plus difficile à éteindre, la chaux réagissant moins rapidement à l’hydratation. On observe que, moyennant un dosage précis, on peut produire une matière qui ne contient pas de chaux résiduelles : le produit ne contient que des silicates et des aluminosilicates assurant une prise purement hydraulique. Un tel produit ne doit donc pas être éteint.

5.c.1.2. Les ciments naturels, romain et prompt.Le « ciment romain » a été mis au point au 18e siècle et n’a de romain que le nom : ce type de chaux était totalement inconnu dans l’Antiquité ! Il résulte de la calcination de roches finement broyées.

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Les roches exploitables sont en général des marnes stratifiées, formées au cours du jurassique, du crétacé ou de l’éocène. La roche doit contenir plus de 40 % de matière calcaire, sous forme de calcite, de chaux libre ou de chaux liée à la matière argileuse (wollastonite, rankinite, etc.)

La calcination de la pierre marneuse peut se faire à des températures plus basses que celles nécessaires à un mélange. En effet, le contact intime entre la calcite, le quartz et les matières argileuses, favorise la formation de bélite et de gehlénite.

5.c ;1.2.1. La calcination :

Les phases de la calcination sont les suivantes :

500°C - Déshydratation des matériaux argileux 600°C-800°C - Formation progressive de bélite 2CaO.SiO2 et dégradation

lente de la calcite en chaux 800°C-1000°C - Formation progressive de gehlénite 2CaO.SiO2.AlO3

- Disparition de la calcite vers 870°C

A 1000°C, le mélange de matière calcinée comprend en moyenne :

60 % de bélite : 2CaO.SiO2

15 % de gehlénite : 2CaO.SiO2.AlO3

5 % de chaux : CaO 20 % de matière amorphe

En fonction de la température de cuisson et la nature de la composition chimique des roches marneuses, la matière peut également contenir :

- de la wollastonite CaO.SiO2

- du gypse CaSO4

- de l’ aluminosulfate tétracalcique 4CaO.Al2O3.CaSO4.- de la brownmillérite 4CaO.Al2O3.Fe2O3 (uniquement si la cuisson est poussée à

température élevée)

Les études menées dans le cadre du projet de recherche ROCEM, financé par la Commission Européenne (Cinquième programme 2003-2006) ont montré que le ciment romain le plus performant est obtenu en limitant la température de cuisson à 820°C.

Le mélange comprend dans cette configuration : 40 % de bélite α : 2CaO.SiO2

10 % de chaux : CaO3 % de gehlénite : 2CaO.Al2O3.SiO2

12 % de calcite : CaCO3

35 % de matière amorphe.

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227

Il peut paraître paradoxal qu’avec un volume de matière réactive moindre (53 % ou lieu de 80 %), on obtienne, à basse température, une chaux plus performante. Plusieurs raisons peuvent expliquer le phénomène :

- il semblerait que la bélite β obtenue après refroidissement d’une bélite α ’ chauffée à 820° soit plus réactive que celle obtenue au départ d’une matière chauffée à une température plus élevée ;

- la partie amorphe contient davantage de matière pouzzolanique susceptible de réagir avec la chaux libre ;

- la gehlénite est une matière très réactive, dont la prise trop rapide peut nuire à la mise en œuvre, ainsi qu’aux performances à long terme.

La cuisson du « ciment prompt naturel » produit encore de nos jours par la société Vicat, est cependant portée à 1200°C.

Faute d’information sur les ciments prompts anciens, nous ne pouvons qu’émettre l’hypothèse que les caractéristiques de ciments « naturels », romain ou prompt, dépendent essentiellement de la composition des matières exploitées, et que la température de cuisson était déterminée de manière à leur conférer les meilleures performances.

5.c.1.2.2. La trempe :Les ciments naturels doivent bien entendus être trempés comme les chaux hydrauliques.

5.c.1.2.3. L’extinction :L’extinction dépend de la teneur en chaux de la matière : tous les ciments naturels ne doivent pas être éteints. L’expérience montre que le ciment romain ne doit pas l’être, même s’il contient de la chaux libre en faible quantité : le foisonnement éventuel, généralement faible, ne nuit pas à la mise en œuvre.

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5.c.2 : La prise des chaux hydrauliques naturelles et artificielles, et des ciments naturels

5.c.2.1. Le processus chimique :La prise des chaux hydrauliques naturelles est semblable à celle des chaux hydrauliques artificielles. La prise se fait également en deux temps.

1) L’addition d’eau au mélange de bélite 2CaO.SiO2 ou C2-S, de gehlénite 2 CaO.Al2O3.SiO2 ou C2-A-S, et d’aluminate calcique CaO.Al2O3 ou C-A entraîne l’hydrolyse de ses composants. Ceux-ci se retrouvent sous forme d’ions Ca++, H2SiO

et AlO en solution dans l’eau de gâchage.

En précipitant, les ions forment un gel, qui, en perdant son eau excédentaire, donne naissance à une structure solide, amorphe ou nanocristalline, formée de :

- nCaO.SiO2.mH2O- 6nCaO.Al2O3.4SiO2.6mH2O- 3CaO.Al2O3.6H2O-

Les C-S-H et C-A-S-H ont une morphologie semblable à celle de la tobermorite. Le rapport n = Ca/(Si+Al) ne dépasse cependant jamais 1,4 et les classe donc dans les formes α et β de la tobermorite. Pour le ciment romain, le rapport n est compris entre 1,2 et 1,4 : la matière durcie comprend donc essentiellement de la tobermorite β.

Le C3-A-H6 se forme en général plus rapidement que les composés précédents et assure la première phase de durcissement de la matière.

2) Le processus de durcissement final se fera, conjointement avec l’hydratation, par la carbonatation de la chaux excédentaire.

5.c.2.2. Le temps de priseLa prise d’un mortier de ciment romain par exemple suit les étapes suivantes :

- un durcissement rapide, qui, en 15 minutes confère au mortier une résistance à la compression pouvant aller jusqu’à 4 MPa ; le phénomène est dû à la haute réactivité des composés alumineux présents dans la pâte ;

- une phase d’induction, qui peut durer une semaine au cours de laquelle la résistance mécanique n’augmente plus ; le phénomène peut être ralenti par l’adjonction d’acide citrique.

- une phase d’accélération, au cours de laquelle la matière acquiert une résistance à la compression de 15 MPa au bout de 3 semaines ;

- une phase de décélération longue puisqu’il faut un an avant que la résistance ne dépasse 20 MPa ;

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229

- une phase de consolidation lente qui peut durer plusieurs décennies voire plusieurs siècles : des échantillons vieux de 100 ans présentent une résistance à la compression supérieure à 50 MPa ; il faut cependant pour cela que la matière soit maintenue dans des conditions d’humidité favorables.

Toutes les chaux hydrauliques suivent une courbe de durcissement semblable, avec des durées et des résistances mécaniques variables.

Ceci nous indique :- que la résistance mécanique des chaux n’augmente que lentement et qu’elles

gardent de ce fait la faculté de se déformer plastiquement durant une longue période ; elles peuvent donc absorber sans dommage les nombreuses déformations qui dans un premier temps accompagnent inévitablement la construction ou la restauration des édifices ;

- que, maintenues dans des conditions d’humidité favorables, la structure des chaux évolue sur de très longues périodes : elles gardent sans doute la faculté de se régénérer partiellement là où elles auraient été dégradées mécaniquement (microfissures).

5.c.3. Les différents types de chaux

Les caractéristiques des chaux hydrauliques peuvent être mesurées par « l’indice de Vicat »

5.c.3.1 L’indice de Vicat :Indissociable des chaux hydrauliques, cet indice permet de mesurer l’indice d’hydraulicité du produit au départ de la formule suivante :

i =

On observe que : - si le mélange ne contient ni silicate, ni aluminate, ni ferrite, l’indice d’hydraulicité

vaut i = 0 et correspond à une chaux purement aérienne et n’ayant aucune propriété hydraulique ; elle est désignée sous le nom de « chaux grasse ».

- si le mélange contient un tiers de silicate, d’aluminate et/ou de ferrite, l’indice d’hydraulicité vaut i = 0,5 et correspond à un mélange sans chaux résiduelle : la proportion est, en effet, celle d’un mélange de bélite 2CaO.SiO2 et de gehlénite 2CaO.Al2O3.SiO2. La chaux « éminemment hydraulique » est encore désignée sous le nom de « chaux maigre ».

Les indices compris entre 0 et 0,5 correspondent à des matières qui combinent les propriétés des chaux aériennes et des chaux hydrauliques.

Une chaux éminemment hydraulique, ne contient plus, après hydratation complète, de chaux excédentaire. Pour obtenir un tel résultat, il faut que la matière première soit parfaitement dosée. En effet,

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- la formation de tobermorite au départ de la bélite produit de la chaux excédentaire :

bélite : 2CaO.SiO2 : n = Ca/Si = 2tobermorite : nCaO.SiO2.mH2O : n = Ca/Si < 1,4

- la formation de l’aluminate hydraté au départ de la gehlénite consomme de la chaux :

gehlénite : 2CaO.SiO2.Al2O3 : n = Ca/Al2O3 = 1aluminate : 3CaO.Al2O3.6H2O : n = Ca/Al2O3 = 3

Il est donc impossible d’obtenir une chaux éminemment hydraulique au départ d’une matière argileuse pauvre en alumine : la matière hydratée contiendra de la chaux, ou de la calcite, après carbonatation.Par contre, l’hydratation d’une matière première trop riche en alumine entraînera la précipitation des ions AlO2- excédentaires sous forme de gibbsite Al(OH)3. La gibbsite diminue les performances mécaniques de la matière.

L’indice sur l’échelle de Vicat du ciment romain est compris entre 0,6 et 0,7. Il se situe au-delà de la chaux éminemment hydraulique.

5.c.3.2. Les produits disponibles sur le marché :Les chaux hydrauliques naturelles NHL (Natural Hydraulic Lime) sont obtenues par calcination de roches contenant une quantité variable d’argile :

- un taux d’argile inférieur à 8 % fournira une chaux faiblement hydraulique ;- un taux compris entre 8 et 14 % fournira une chaux moyennement

hydraulique ;- un taux compris entre 14 et 22 % fournira une chaux éminemment

hydraulique.

La norme classant les chaux hydrauliques naturelles ne se préoccupe cependant pas du taux d’hydraulicité de la matière, mais bien de ses résistances à la compression nominales, minimales et maximales. Le tableau ci-dessous donne les résistances devant être obtenues après 28 jours :

- NHL 2 : de 2 à 7 MPa- NHL 3,5 : de 3,5 à 10 MPa- NHL 5 : de 5 à 15 MPa.

La borne supérieur est bien entendu le marqueur le plus important puisque c’est lui qui détermine le taux d’hydraulicité : plus cette valeur est haute, plus la chaux est hydratante. Si l’on veut travailler avec une chaux faiblement hydraulique (NHL 2), il faut veiller à ce que la résistance attendue après 28 jours ne dépasse pas 7 MPa.

Les chaux artificielles HL (Hydraulic Lime) sont soumises à la même norme que les NHL, et ce qui fixe donc les caractéristiques mécaniques des chaux HL 2, HL 3,5 et HL 5. Ces

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chaux sont obtenues par cuisson d’un mélange d’argile et de roche calcaire, ou par mélange de chaux hydrauliques et de fillers calcaires, de laitier de haut fourneau, de pouzzolanes, de grappiers, etc. Leur mode de prise est totalement hydraulique.

Le « ciment romain » appartient à la famille des NHL. Il se caractérise par le fait qu’il est obtenu par calcination d’une roche marneuse contenant plus de 22 % d’argile. Sa mise en œuvre demande de ce fait une moins grande quantité d’agrégats. Il est aujourd’hui malheureusement très difficile à trouver sur le marché.

Le « ciment naturel prompt » ou CPN fait partie de la même famille et n’est plus produit que par la société Vicat.

Les chaux de mélange comprennent :- La chaux NHL-Z produite par Lafarge est un mélange de NHL 5 et de ciment

blanc.- Le ciment laitier à la chaux CLX composé d’un mélange de chaux et de laitier de

haut fourneau. L’appellation de ciment qui lui est généralement attribué est injustifiée.

- Il existe également sur le marché une très grande variété de mélanges « prêts à l’emploi » pour enduit, mortier de rejointoiement, similipierre, etc. Outre les chaux et les agrégats, ces mélanges peuvent contenir du ciment portland ainsi que des liants ou adjuvants organiques (qui sont rarement décrits au nom du sacro-saint secret de la fabrication). Il faut être prudent avant de les mettre en œuvre mais il ne faut pas nécessairement les rejeter : certains peuvent se montrer très performants, au-delà même de leur facilité de pose.

5.d. : Le liant des pierres « ré-agglomérées » (géopolymère égyptien).

Selon le professeur Davidovits, ce liant aurait été inventé par Imhotep, l’architecte du complexe funéraire de Djoser à Saqqarah.

5.d.1. La fabrication du géopolymère:

La fabrication ne demande que de rassembler différents ingrédients :- de la cendre de bois et de végétaux, qui contient naturellement de la chaux vive

CaO ou de la chaux éteinte Ca(OH)2 ; cendre doit être très fraîche, sans quoi la chaux présente perdrait de sa réactivité par carbonatation.

- du natron Na2CO3 : le natron est un sel naturel que l’on trouve en abondance dans la vallée du Nil.

- de la roche argilo-calcaire désagrégée : ce type de roche associant l’argile et le calcaire est abondant à proximité des pyramides. Peu compacte elle se désagrège très facilement sous l’effet de l’eau (effet gonflant de l’argile). L’argile présente est essentiellement du kaolin ; Al2Si2O5(OH)4.

- du « mafkat » : cette matière était extraite de mines situées dans le Sinaï.

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Elle se composait essentiellement d’alumino-silicates de cuivre : turquoise - CuAl6P4O16(OH)8.4H2O, de chrysocolle CuSiO3.nH2O, etc.

5.d.2. La prise du géopolymère :

Les ingrédients étaient mélangés dans des bassins remplis d’eau suivant un dosage précis de cendres, de natron et de mafkat représentant moins de 5% du volume.

Il s’en suivait les réactions suivantes :

1. Ca(OH)2 + Na2CO3 → CaCO3 + 2NaOH

La chaux réagit avec le natron pour produire de la calcite et de la soude. La calcite, en cristallisant, agit comme liant ; la soude participe à la réaction suivante :

2. Al2Si2O5(OH)4 + 2NaOH → Na2O.2SiO2.Al2O3.nH2O

La soude réagit avec le kaolin pour donner de l’hydrosodalite, qui, en précipitant, assure l’action liante. La réaction dépend évidemment du degré de sensibilité de la kaolinite à l’hydrolyse. Cette sensibilité n’est pas évidente. En l’occurrence, le « mafkat » jouerait le rôle de catalyseur. Nous n’en dirons pas plus. La réaction a été reproduite en laboratoire par le professeur Davidovits. Sur le plan chimique, rien ne nous interdit de penser que ce liant ait pu être mis en œuvre avec succès.

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6. Le CIMENT PORTLAND

6.1. La fabrication

Les ciments « Portland » sont obtenus, tout comme les chaux hydrauliques, au départ d’un mélange de roches calcaires et d’argiles finement broyées.

6.1.1. La calcination :

La calcination suit les étapes suivantes :

100 °C - l’eau contenue dans le mélange s’évapore 500 °C - l’argile se déshydrate

xSiO2.yAl2O3.zFe2O3.nH2O → xSiO2.yAl2O3.zFe2O3 + nH2O 800°C-900°C - la calcite se transforme en chaux

CaCO3 → CaO + CO2

- la chaux réagit graduellement avec les composés de l’argile pour produire :

de la bélite : 2CaO.SiO2 ou C2-S de la gehlénite : 2CaO.Al2O3.SiO2 ou C2-A-S de l’aluminate calcique : CaO.Al2O3 ou C-A de la ferrite calcique : CaO.Fe2O3 ou C-F.

1200°C-1250°C - apparition de la phase liquide du mélange. - formation graduelle de :

l’aluminate tricalcique (ou célite) 3CaO.Al2O3 ou C3-A la brownmillérite 4CaO1.Al2O3.Fe2O3 ou C4-A-F

- disparition conjointe de C-A, de C-F ou C2-A-S

1300°C - formation graduelle de l’alite 3CaO.SiO2 ou C3-S 1450°C - arrêt du processus de cuisson et trempe.

Le « clinker » ainsi formé est constitué de :

50-70% : alite 3CaO.SiO2 ou C3-S 15-30% : bélite α 2CaO.SiO2 ou C2-S 5 -15% : aluminate tricalcique (ou célite) 3CaO.Al2O3 ou C3-A 5 -10% : brownmillérite 4CaO1.Al2O3Fe2O3 ou C4-A-F

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234

Il peut également contenir des impuretés sous forme de traces d’oxyde tels que NaO, KO, MgO, TiO2, Mn2O3, etc. On observe que, sur l’échelle de Vicat, l’indice du ciment portland est de 0,35 à 0,4. Ceci est paradoxal : le ciment portland a un caractère purement hydraulique !

6.1.2. La trempe :

Comme pour la chaux hydraulique, le refroidissement du clinker doit être le plus rapide possible de manière à garder les propriétés réactives de l’alite et de la bélite. L’alite est le principal constituant du clinker. Il en existe 7 polymorphes qui se distinguent, comme pour la bélite, par leur structure, notamment le système cristallin, et dépendent de la température à laquelle la matière est portée :

Température ambiante → alite T1 triclinique → 620°C

620°C → alite T2 triclinique → 920°C920°C → alite T3 triclinique → 980°C980°C → alite M1 monoclinique → 990°C

990°C → alite M2 monoclinique → 1060°C1060°C → alite M3 monoclinique → 1070°C1070°C → alite R rhomboédrique → 1200°C

1200°C → fusion

La trempe transforme l’alite R en un mélange d’alite M1 et M2 monoclinique, qui se révèle très réactive, et la bélite α en bélite β, tout comme pour la chaux hydraulique naturelle.

Le broyage du clinker est une opération également importante, le finesse de la poudre obtenue ayant une influence sur les performances du ciment : si la poudre est trop grosse, la prise sera lente et restera incomplète ; si elle est trop fine le retrait du béton ou du mortier sera important.

On mesure la finesse d’un ciment appelée « finesse Blaine » par une surface spécifique qui représente la surface totale exprimée en cm2 des grains contenus dans un gramme de ciment. Plus cette surface est grande, plus les grains sont fins. Dans la pratique, la finesse du broyage est limitée à 5 000 Blaine (5 000 cm2 par gramme).

6.2. La prise du ciment portland

6.2.1. Le processus chimique :

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Comme pour les chaux hydrauliques, la prise se fait par hydratation des composants du mélange :

6.2.1.a. L’Hydratation de l’alite 3CaO.SiO2 ou C3-SL’alite est beaucoup plus réactive que la bélite. Après hydrolyse, les ions Ca++ et H2SiO

précipitent pour former une structure nanocristalline torbermoritique nCaO.SiO2.mH2O. Le rapport Ca/Si est cette fois compris entre 1,66 et 1,95, correspondant à une torbermorite γ. La formation de tobermorite γ s’accompagne de celle de portlandite Ca(OH)2. L’alite fournit en effet 3 atomes de Ca pour 1 Si, alors que la tobermorite en consomme moins de 2. Les ions Ca++ et OH excédentaires précipitent donc et cristallisent dans un système hexagonal. La portlandite constitue, pour un ciment ordinaire, 20 à 30 % du volume de la pâte durcie. Du fait de la structure compacte et peu poreuse des bétons et des mortiers de ciment, la portlandite est peu sensible à la carbonatation. Elle contribue peu à la résistance mécanique de la matière. Sa structure présente des feuillets qui ne sont liés entre eux que par les atomes d’hydrogène fixés sur les atomes d’oxygène. L’attraction entre les feuillets est faible et le clivage de la matière est facile.

6.2.1.b. L’hydratation de la bélite 2CaO.SiO2 ou C2-SL’hydrolyse de la bélite se produit conjointement à celle de l’alite, mais avec une vitesse nettement plus faible. En un premier temps, la bélite C2-S contribue donc à la construction de la tobermorite γ C-S-H par l’alite C3-S. Après épuisement de l’alite, l’hydratation de la bélite produira de la tobermorite β et de la portlandite.

6.2.1.c. L’hydratation de l’aluminate tricalcique (célite) 3CaO.Al2O3 ou C3-AL’aluminate tricalcique 3CaO.Al2O3 est extrêmement réactif et peut s’hydrater en quelques minutes. La réaction est contrôlée par l’ajout, après broyage du clinker, de 1 à 5 % de sulfate de calcium, sous forme de gypse CaSO4.2H2O, de bassanite CaSO4.1/2H2O, ou d’anhydre CaSO4.

L’hydrolyse du mélange conduit à :

3CaO.Al2O3 + 3CaSO4.2H2O + 11 H2O → 6 Ca++ + 2AlO + 3SO + 4OH + (n+3)H2O

La présence d’ions SO empêche donc la formation de C3-A-H6.

En précipitant, les ions vont donner naissance à l’éttringite :

3CaO. Al2O3.3 CaSO4.32 H2O + (n-29) H2O

L’éttringite apparaît sous forme de petites aiguilles, ou d’oursins et sa cristallisation s’accompagne d’une forte expansion. Celle-ci peut se faire sans dommage dans une pâte non encore durcie. Contrairement à ce qui se passe pour le C3-A-H6, la formation de l’éttringite n’entraîne pas de raidissement de la pâte.

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La part de gypse ajoutée à la poudre de ciment est, en règle générale, insuffisante pour réduire la totalité de C3-A en éttringite. Après épuisement du gypse, le C3-A excédentaire peut après hydrolyse :

- soit s’attaquer à l’éttringite et la transformer en monosulfoaluminate calcique 3CaO.Al2O3 .CaSO4.12H2O ou C3-A-C- H12

- soit précipiter sous forme de 3CaO.Al2O3.6H2O- La quantité de gypse est aujourd’hui calibrée de manière à ne pas être épuisée avant un

laps de temps variant entre 10 et 24 heures : la formation du C3-A-H6 se fait alors sans dommage dans une matière déjà largement raidie par la formation de la tobermorite.

6.2.1.d. L’hydratation de la brownmillérite 4CaO.Al2O3.Fe2O3 ou C4-A-F

L’hydratation du C4-A-F est semblable à celle du C3-A mais la vitesse de réaction est plus lente. Il réagit également en un premier temps avec le gypse pour former des composés ou le fer Fe se substitue partiellement à l’aluminium Al pour former les phases hydratées suivantes : 3CaO.(Al,Fe)O3.3CaSO4.32H2O ou C3-(AF)-C3- -H32

3CaO.(Al,Fe)O3.CaSO4.12H2O ou C3-(AF)-C3- -H2

3CaO.(Al,Fe)O3.6H2O ou C3-(AF)-H6.

6.2.2. Le temps de prise :

- Pour les ciments portland, la phase d’induction, qui correspond à l’hydrolyse de la matière anhydre ne dure que quelques heures.

- La phase d’accélération est également très courte et s’étend rarement au-delà de 24 heures après le gâchage.

- La phase de décélération qui suit, s’amortit généralement au bout de 28 jours. Après 2 jours de prise, la résistance à la compression de la matière varie entre 5 et 20 MPa. Après 28 jours, elle varie entre 30 et 55 MPa. Ces valeurs sont nettement supérieures à tous les résultats obtenus par les chaux et les ciments romains.

- La phase de densification progressive n’accroît que fort peu les valeurs atteintes après 28 jours.

6.3. Les différents types de ciments portland

Ce que nous venons de décrire est le ciment portland normal, constitué de plus de 95% de clinker. De nombreuses matières réactives peuvent être mélangées au clinker pour créer des « ciments modifiés » aux caractéristiques variables, mais adaptées pour répondre de manière performantes aux sollicitations de leur environnement.

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Le mélange peut comprendre :

- La matière de base, le clinker, noté K

- Le laitier, noté S, provenant des hauts fourneaux.Le laitier est le résultat de la fusion de la gangue des minerais de fer introduits dans le haut-fourneau. Il est porté à la température de 1500° et refroidi brutalement. La trempe produit une matière métastable, potentiellement réactive composée en moyenne de : CaO : 38 à 46 % SiO2 : 31 à 36 % Al2O3 : 9 à 18 % MgO : 4 à 10 % Traces de FeO, MnO, SO2, …

- La pouzzolane, noté Z désigne les matières naturelles d’origine volcanique (essentiellement xAl2O3. ySiO2 métastable)

- Les cendres volantes, notées V : elles sont les produits pulvérulents de grandes finesses, provenant du dépoussiérage des gaz de combustion des centrales thermiques. Elles ont des propriétés essentiellement pouzzolaniques (essentiellement xAl2O3. ySiO2 métastable)

- La fumée de silice, notée D les fumées de silice sont formées de particules très fines de silice amorphe. Elles proviennent de la réduction du quartz par du charbon dans des fours à arc électrique, utilisés pour la production de silicium et d’alliages de ferrosilicium (essentiellement ySiO2 métastable)

- Les cendres calciques, notées W : ce sont des cendres volantes provenant également des centrales thermiques, mais comprenant des composés calciques. Elles ont de ce fait des propriétés hydrauliques et pouzzolaniques (essentiellement xCaO.yAl2O3.zSiO2 métastable).

- Les schistes calcinés, notés L : ce sont des schistes portés à des températures de l’ordre de 800° et finement broyés. Ils ont des propriétés hydrauliques et pouzzolaniques (essentiellement xCaO.yAl2O3.zSiO2 métastable).

- Des fillers, notés F. Les fillers sont des charges non réactives. Ils agissent sur les propriétés physique des matières (maniabilité, pouvoir de rétention d’eau, …).

Le mélange de ces matières premières permet la composition d’un nombre infini de ciments aux qualités et performances variables. La norme européenne distingue 5 catégories notées CEM de I à V :

- CEM I : ciment portland normal ou CPA. Il contient plus de 95% de clinker.

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- CEM IIA et IIB : ciment portland composé ou CPS. Ils contiennent de 65 à 95 % de clinker K, et une teneur en laitier S inférieure à 21%, en pouzzolane V inférieure à 35% et en fumée de silice D inférieure à 10%.

- CEM IIIA et IIIB : ciment métallurgique ou de haut-fourneau ou CHF. Il contient de 20 à 64 % de clinker K et de 36 à 80 % de laitier S.

- CEM IIIC : ciment de laitier et clinker ou CLK. Il contient de 5 à 19 % de clinker K et de 81 à 95 % de laitier S.

- CEM IVA et IVB : ciment pouzzolanique ou CPZ. Il contient de 45 à 90 % de clinker K et de 10 à 50 % de pouzzolane Z.

- CEM VA et VB : ciment permétallurgique ou ciment au laitier et aux cendres ou CLC. Il contient de 20 à 64 % de clinker K, de 18 à 50 % de laitier S et de 18 à 50 % de cendres siliceuses V.

Les mélanges ont pour but essentiel :

- d’abaisser les coûts de fabrication, nombre de matières étant des déchets de fabrication : laitier, cendres volantes, fumée de silice, etc.

- d’augmenter la résistance mécanique des bétons (CEM III et CEM V).- d’améliorer le comportement des bétons aux hautes températures ou dans un

milieu agressif (CEM IV et CEM V). L’adjonction de matière pouzzolanique limite la formation de portlandite qui se décompose à haute température et se dissout en présence d’eau légèrement acide ou d’eau de mer ; l’addition de pouzzolane Z réduit le pH des bétons et de ce fait la protection des armatures contre la corrosion.

Parmi les autres ciments de mélanges ou spéciaux contenant du ciment portland, il faut citer :

- le ciment blanc, qui doit sa couleur à l’absence de ferrite dans ses constituants.- le ciment de fer, constitué d’un mélange de ciment portland et de 20 à 35 % de

laitier S.- le ciment à maçonner noté CH ou ciment « bâtard », composé d’un mélange de

ciment portland, de chaux et de différents adjuvants servant à faciliter le travail de pose des maçonneries,

- les ciments à basse chaleur d’hydratation, caractérisés par leur faible teneur en alite et en aluminates tricalciques.

- les ciments à haute résistance initiale CPHR ou notés R.- le ciment pouzzolano-métallurgique « Fouilloux ».- les ciments sursulfatés CSS contenant plus de 80% de laitier de haut fourneaux

et moins de 20% de gypse- les ciments à faible teneur en alcalis, etc.

Les ciments sans clinker portland :

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- le ciment laitier à la chaux CLX, composé d’un mélange de laitier et de chaux ; ses propriétés le rapproche plus d’une chaux hydraulique que d’un ciment composé.

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7. Les CIMENTS ALUMINEUX

Le ciment alumineux ou « alumineux fondu » occupe une place à part. Il n’est pas une chaux hydraulique, parce que sa cuisson passe par la phase de clinkérisation. Il n’appartient pas à la famille des ciments portland parce qu’il ne contient pas d’alite.

Il offre une bonne résistance aux hautes températures et est utilisé pour les bétons réfractaires.

Les ciments alumineux sont de couleur noire.

7.1 La fabrication du ciment alumineux :

Le ciment alumineux fondu est obtenu au départ de la calcination de roche calcaire et de bauxite. La bauxite est une matière argileuse qui contient au moins 40% d’aluminium sous forme de gibbsite Al(OH)3, de diaspore α – Al(OH) ou de boehmite γ – AlO(OH).

7.1.1. La calcination :La calcination se fait à des températures plus basses que pour le ciment portland : elle est poussée jusqu’à la fusion mais ne dépasse jamais 1300° C. Elle produit principalement des aluminates et des polyaluminates calcique : CaO.Al2O3 (C-A), CaO.2Al2O3 (C-A2), et 12CaO.7Al2O3 (C12-A7) :

n CaCO3 + m (Al(OH)3 + Al(OH) + AlO(OH)) →x CaO.Al2O3 + y CaO.2Al2O3 + z 12CaO.7Al2O3 + n CO2

Du fait des « impuretés » contenues dans la bauxite, le mélange contient également : - de la gehlénite 2CaO.Al2O3.SiO2 (C2-A-S) et de l’alite 2CaO.SiO2 (C2-S) - un faible pourcentage de brownmillérite 4CaO.Al2O3.Fe2O3 (C4-A-F) et de ferrite 6CaO.2Al2O3.Fe2O3 (C6-A2-F) qui lui donnent sa couleur noire caractéristique.

7.1.2. la trempe :Comme pour le ciment portland, le refroidissement du clinker doit être fait le plus rapidement possible

7.2. Les mécanismes de prise du ciment alumineux

La prise est extrêmement rapide et fortement exothermique : un ciment alumineux peut développer en 24 heures une résistance équivalente à celle d’un ciment portland en 28 jours.

La prise se fait en deux temps :-l’hydratation des aluminates et des polyaluminates calciques produit des aluminates calciques hydratés et de l’alumine hydratée :

m CaO.Al2O3 + n CaO.2Al2O3 + p 12CaO.7Al2O3 + q H2O →

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x CaO.Al2O3.10H2O + y 2CaO.Al2O3.8H2O + z Al2O3.3H2O

-les aluminates calciques et bicalciques cristallisent dans le système hexagonal, mais sont métastables ; ils se transforment en aluminate tricalcique :

3 CaO.Al2O3.10H2O → 3CaO.Al2O3.6H2O + 2 Al2O3.3H2O + 18 H2O

3 2CaO.Al2O3.8H2O → 3CaO.Al2O3.6H2O + Al2O3.3H2O + 9 H2O

-l’aluminate tricalcique cristallise dans le système cubique et est stable ; ils est insoluble et résiste particulièrement bien aux hautes températures et aux acides.

La conversion des aluminates s’accélère à température élevée, et en présence d’eau, donc lorsque le rapport eau/ciment est élevé. La conversion s’accompagne d’une perte de résistance.

Du fait de sa haute chaleur d’hydratation, le ciment alumineux peut être mis en œuvre par temps froid : jusqu’à -10°C.

7.3. Les différents types de ciment alumineux

Les bétons de ciment alumineux résistent aux hautes températures, ainsi qu’aux sulfates, à l’eau de mer, et aux effluents acides –jusqu’à un pH de 4-, mais sont particulièrement sensibles aux solutions fortement alcalines.

Il existe plusieurs types de ciments alumineux, appropriés à leur usage :- le ciment « standard » est noté CA ;- le ciment normalisé pour les travaux en eau de mer est noté PM- le ciment normalisé pour résister à des eaux à haute teneur de sulfate est noté ES.

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242

8. Les CIMENTS SOREL et DERIVES

La chimie des ciments Sorel met à contribution des dizaines de molécules différentes. La description extensive de leurs méthodes de fabrication et de leurs mécanismes de prise dépasse le stade de cette publication, et n’apporterait guère d’information utile. Leur prise est généralement très (trop) rapide, et ils doivent recevoir des retardateurs. Il existe des dizaines de retardateurs possibles : le sujet nous entraînerait trop loin et ne sera pas abordé.

8.1. La fabrication des ciments Sorel et dérivés

Les composantes de base des ciments font appel : - à des oxydes métalliques : ZnO, MgO, CaO, Al2O3 , ….. - à des sels métalliques solubles : ZnCl2, ZnSO4, MgCl2, MgSO4, CaSO4, … - à des composés phosphatés : H3PO3, NH4H2PO4, (NH4)2HPO4, (NH4)3HP2O7, Al(H2PO4)3, NaH2PO4,…

Les oxydes métalliques sont produits au départ de minerais naturels, - par oxydation de blende (sphalérite) ZnS, ou par calcination de smithsonite ZnCO3 pour la zincite ZnO ; - par la calcination de calcite CaCO3 et de magnésite MgCO3 pour la chaux CaO et la périclase MgO ; pour certains ciments, la périclase MgO doit être cuite à plus de 1500° pour la rendre la moins réactive possible. Les chlorures sont produits par synthèse chimique.

Les sulfates existent naturellement sous forme hydratée de goslarite ZnSO4.7H2O, de kiesérite MgSO4.H22O, d’epsomite MgSO4.7H2O, de gypse CaCO3.2H2O, …

Les phosphates sont produits par synthèse chimique : acide phosphorique H2PO4, phosphate d’ammonium NH4H2PO4, phosphate diammonique (NH4)2HPO4), polyphosphate d’ammonium (NH4)3HP2O7, polyphosphate d’aluminium Al(H2PO4)3, phosphate de soude NaH2PO4, …

8.2. Les mécanismes de prise des ciments Sorel et dérivés

Du fait de leur très grande variété, les mécanismes de prise des ciments Sorel sont divers et complexe, mais répondent tous au même processus : le mélange d’une poudre basique dans une solution acide, dont la réaction produit un sel hydraté insoluble. La réaction ne fait pas appel à la mise en solution d’un composant, et peut se faire avec la quantité d’eau strictement nécessaire à la constitution des molécules de liant durci. La matière sera dans ce cas sèche des achèvement de la prise, et sera très peu poreuse, ou présentera un taux de porosité ouverte extrêmement bas.

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8.2.a. Les oxychlorures :

8.2.a.a. L’oxychlorure de zinc :La réaction entre la zincite et le chlorure de zinc donne un oxychlorure hydraté de zinc :

xZnO + yZnCl2 + zH2O → xZnO.yZnCl2.zH2O

Aucun renseignement n’a été trouvé sur les valeurs de x,y et z. Il semble par ailleurs que Sorel ait étudié des mélanges de zincite et de chlorure de magnésium ou d’autres métaux.

8.2.a.b. L’oxychlorure de magnésium :Le mélange de périclase et de chlorure de magnésium produit de l’oxychlorure de magnésium est stable sous plusieurs formes dont : MgO.MgCl2.6H2O, 3MgO.MgCl2.11H20, 5MgO.MgCl2.13H2O,… Les meilleures performances mécaniques sont fournies par la forme 5MgO.MgCl2.13H2O, qui pour être obtenue, réclame le dosage suivant :

5 MgO + MgCl2 + 13 H2O → 5MgO.MgCl2.13H2O

La température de cuisson de la périclase influence la vitesse de prise. Le produit n’étant pas absolument insoluble, il ne supporte pas une longue exposition à l’eau. Du fait de sa faible porosité, l’attaque est limitée à la surface du matériau. Sous l’action du gaz carbonique, celui-ci peut carbonater et se couvrir d’un sel insoluble, tel que l’hydromagnésite MgO.3MgCO3.4H2O ou MgCl(OH).MgCO3.3H2O.

Si le mélange est mal dosé, il peut y avoir un excédent de MgO ou de MgCl2. La périclase peut s’hydrater, et par expansion faire sauter la matière ; le MgCl2 soluble risque d’être délavé, entraînant une augmentation de la porosité.

8.2.a.c. L’oxychlorure d’aluminium :La matière existe, mais est difficile à mettre en œuvre, du fait qu’elle dégage de l’acide chlorhydrique lors de la prise (aucun renseignement sur la formule chimique de la prise). Elle est cependant mise en œuvre, dans le domaine de l’industrie métallurgique, pour sa bonne tenue aux hautes températures (1500°)

8.2.b. Les oxysulfates

8.2.b.a. L’oxysulfate de zincAucun renseignement sur la matière.

8.2.b.b. L’oxysulfate de magnésiumLe mélange de périclase et de sulfate de magnésium produit de l’oxysulfate de magnésium hydraté. Celui-ci peut adopter plusieurs formes, dont : 5MgO.MgSO4.8H2O,

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3MgO.MgSO4.11H2O, MgO.MgSO4.6H2O et MgO.2MgSO4.4H2O. Seule la deuxième forme est stable en dessous de la température de 35°. Elle est obtenue par le dosage :

3 MgO + MgSO4 + 13 H2O → 3MgO.MgSO4.11H2O

La matière ne résiste pas à une exposition prolongée à l’eau, et n’est pas susceptible de carbonater. Elle se révèle de plus corrosive pour les métaux.

8.2.b.c. L’oxysulfate de calciumL’oxysulfate de calcium n’existe pas sous forme de ciment Sorel, mais l’association CaO-CaSO4 existe bien dans le produit appelé « plâtre de plancher (voir II § 2.1.) déjà décrit plus haut.

Les chimies des cations Ca++ et Mg++ du fait de la différence de leurs rayons ioniques.

8.2.c. Les phosphates

8.2.c.a Le phosphate de zincL’acide phosphorique est un solide qui se présente généralement sous forme de poudre blanche, aisément soluble dans l’eau. C’est un acide faible.

Le mélange de zincite et d’acide phosphorique produit un polyphosphate hydraté de zinc. Seule l’hopéïte Zn3(PO4)2.4H2O se révèle stable :

3 ZnO + 2 H3PO4 + H2O → Zn3(PO4)2.4H2O

7.c.3.2. Le phosphate de magnésium.

Le mélange de périclase et d’acide phosphorique produit des polyphosphates et des phosphates hydratés de magnésium. Seule les formes Mg(H2PO4)2.nH2O ou n = 0, 2 ou 4 et MgHPO4.3H2O se révèlent stables :

MgO + 2 H3PO4 + nH2O → Mg(H2PO4) 2.(n-1)H2O

Toutes les matières ne sont pas toutes totalement insolubles, Mg(H2PO4)2.2H20 étant la phase la plus sensible à ‘hydrolyse.

8.2.c.b. Le phosphate de calciumLe mélange de chaux et d’acide phosphorique produit un polyphosphate hydraté de calcium. Seule l’hydroxyapatite Ca5(PO4)3.(OH) se révèle stable.

8.2.c.c. Les composés magnésium-phosphates d’ammonium ou « phosphomagnésiens »

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-Le mélange de périclase et de phosphate d’ammonium produit majoritairement de la struvite MgNH4PO4.6H20, et accessoirement de la schertélite Mg(NH4)2(HPO4)2.4H2O et de la dittmarite MgNH4PO4.H2O :

MgO + NH4H2PO4 + 5 H2O → MgNH4P 4.6H2O

-Le mélange de périclase et de phosphate diammonique produit de la struvite et partiellement du Mg3(PO4)2.4H2O. Le mélange de magnésie et de polyphosphate d’ammonium produit de la struvite. Dans les deux cas, la réaction libère de l’ammoniaque :

MgO + (NH 4)2HP4 + 6H2O → MgNH4PO4.6H2O + NH4(OH)

2 MgO + (NH4)3HP2O7 + 11 H2O → 2 MgNH4P 4.6H2O + NH4(OH)

L’adjonction dans le mélange d’une quantité de phosphate de soude NaH2PO4 permet de limiter le dégagement d’ammoniaque ; le phosphate de soude réagit avec l’ammoniaque pour produire de la soude et du phosphate d’ammonium, qui poursuit la réaction avec la magnésie :

NH4(OH) + NaH2PO4 → Na(OH) + NH4H2PO4

Les composés magnésium-phosphate d’ammonium ou « ciments phophomagnésiens » sont résistants à l’eau et aux hautes températures, et offrent d’excellentes performances mécaniques. La périclase doit être cuite à très haute température pour limiter sa réactivité. Ils sont malgré tout relativement bon marché, les polyphosphates de soude étant des fertilisant agricole largement produits.

Leur porosité quasi nulle fait qu’on les utilise comme matrice cimentaire pour stabiliser des déchets.

8.2.d. Les composés magnésium-polyphosphate d’aluminiumLe mélange de périclase et de polyphosphate d’aluminium produit des phosphates hydratés de magnésium et d’aluminium :

2 MgO + Al(H2PO4)3 + (n+1)H2O → 2 MgHPO4.3Hl2O + AlPO4.nH2O

L’adjonction de gibbsite Al(OH)3 augmente la concentration de phosphate d’aluminium hydraté dans le produit final et limite l’exothermie de la prise. Ce phosphate ne cristallise pas, mais reste en phase amorphe.

Le matériau est insoluble et non poreux ; il résiste très bien sur le plan mécanique, et reste stable jusqu’à 1000°C.

Un excès de phosphate peut conduire à la formation de polyphosphate Mg(H2PO4)2.2H2O, qui est soluble.

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8.2.e. Les composés magnésium-phosphate de soudeLe mélange de périclase et de phosphate de soude NaH2PO4, ou de polyphosphate (NaPO3)n produit un amalgame de phosphates hydratés de sodium et de magnésium, sans phase cristalline observable.

Pour les polyphosphates de soude (NaPO3)n, n doit être supérieur à 10. Plus n est élevé, plus le temps de prise est court et plus les résistances mécaniques sont élevées. Pour un n suffisamment grand, on rejoint les performances des ciments phophomagnésiens.

8.3. Les différents types de ciments Sorel et dérivés

La grande diversité des ciments Sorel a été déjà abondamment décrites. Certains ne se trouvent plus sur le marché, sinon de manière confidentielle.

Pratiquement tous les ciments Sorel sont vendus sous forme de deux composants à mélanger : l’un est solide (poudre), l’autre peut être solide ou liquide (solution acide). Le dosage doit être respecté avec rigueur.

Seuls les ciments « phosphomagnésiens » sont fournis sous forme de poudre ensachée, prête à l’emploi (ciment FEBSET 45)

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9. Les SILICATES

Les liants silicates sont basés sur les propriétés de la silice SiO2. Le sable, le quartz, le verre sont constitués de silice.

9.a. Les silicates alcalins

Les silicates alcalins sont obtenus par cuisson à haute température d’un mélange de silices et d’alcalins.

9.a.1. La fabrication des silicates alcalins :

On porte à haute température un mélange correctement dosé de silice SiO2 et de carbonates : K2CO3, natron Na2CO3 ou de plus rarement de calcite CaCO3.

A partir de 800°C, les carbonates se décomposent en libérant du CO2 et les alcalins commencent à réagir avec la silice. La cuisson est poussée jusqu’à 1 400°C pour fournir une matière cristallisée de type : K2O.nSiO2, Na2O.nSiO2 ou CaO.nSiO2, où n est généralement proche de 4 (ce rapport est réglé par le mélange de base).

Après la trempe, la matière est broyée, mélangée à de l’eau et chauffée, en autoclave, à 200°C sous 3 à 4 atmosphères.

En fonction de la quantité d’eau, on obtient un gel ou une matière liquide.Il existe d’autres processus de fabrication, mais leur description n’aurait, ici, aucun intérêt.

9.a.2. Les mécanismes de prise des silicates alcalins :

La prise des silicates alcalins est un phénomène complexe, qui dépend à la fois de l’exposition à l’air ambiant, de la nature des pigments et des charges éventuels ainsi que de la nature du support : - les radicaux alcalins K2O, Na2O et CaO réagissent avec le gaz carbonique de l’air CO2 pour

former des carbonates K2CO3, Na2CO3 et CaCO3 qui en précipitant, participe au pouvoir liant.

- libérée des radicaux alcalins, la solution de silice précipite pour former de l’opale SiO2.nH2O (silice hydratée amorphe).

- la solution de silice peut également réagir avec les charges et les pigments éventuels. Les pigments peuvent être des oxydes métalliques (CaO, CuSO4, Fe2O3, CrO3, etc.) produits industriellement, ou des terres naturelles (ocre, terre de Sienne, terre d’Ombre, etc.) qui contiennent des oxydes métalliques mélangés à de l’argile nSiO2.mAl2O3. Ces matières peuvent se montrer plus ou moins réactives avec la solution de silice pour former des composés complexes.

Page 88: Les liants

248

- La solution de silice peut également réagir avec le support. En présence de pierre calcaire ou d’un enduit à la chaux, la réaction suivante se produira :

SiO2.mH2O (sol) + CaCO3 → CaSiO3.nH2O + CO2 + H2O impliquant la formation de wollastonite hydraté amorphe.

- Le quartz servira de germe de précipitation à la silice soluble, qui s’y fixera. La solution réagit également avec les composés siliceux des matériaux argileux.

9.a.3. Les différents types de silicates alcalins :

Les liants silicates alcalins de potasse, de soude ou de chaux sont toujours livrés purs et peuvent être appliqués comme durcisseurs.

Les peintures minérales à base de silicates alcalins sont toujours livrés en deux composants : le liant et les charges pigmentaires, qui doivent être mélangés peu de temps avant l’application (maximum 5 jours). Les peintures dites « minérales » monocomposantes contiennent toujours un pourcentage important de matières organiques, et ne peuvent de ce fait plus être considérées comme purement minérales.

La marque Keim met cependant sur le marché deux peintures monocomposantes (« Dispersionssilikat farbe » et « Kieselsol farbe ») qui contiennent moins de 5 % de matière organique (dont une résine acrylique améliorant l’accrochage) qui pourraient être considérés comme appartenant à la famille des produits minéraux.

Toutes les autres peintures, même celles produite par Keim, doivent être considérées comme organiques.

9.b. Le silicate d’éthyle

Le silicate d’éthyle est un produit organique, mais qui, en précipitant, fournit une matière purement minérale.

9.b.1 : La fabrication du silicate d’éthyle

Le silicate d’éthyle est obtenu par la mise en solution du silicium métallique dans de l’alcool éthylique :

Si + 4(CH3-CH2OH) → (CH3-CH2)4SiO4 + 2 H2

Le silicium métallique est obtenu par carburation à haute température de la silice:

SiO2 + C → Si + CO

Page 89: Les liants

249

Une filière plus économique fait appel au tétrachlorure de silicium :

SiCl4 + 4(CH3-CH2OH) → (CH3-CH2)4SiO4 + 4HCl

Le tétrachlorure de silicium est obtenu par carburation de la silice dans une atmosphère de chlore:

SiO2 + 2Cl2 → SiCl4 + CO

La présence de chlore facilite la libération Si-O2 et permet d’abaisser la température de carburation. Par ailleurs, la réaction entre l’alcool et le tétrachlorure se fait spontanément à température ambiante.

9.b.2. Le mécanisme de prise du silicate d’éthyle

Le silicate d’éthyle réagit avec l’eau :

(CH3-CH2)4SiO4 + 2 H2O → 4(CH3-CH2OH) + SiO2

ou (CH3-CH2)4SiO4 + n H2O → 4(CH3-CH2OH) + SiO2.(n-2)H2O

L’alcool s’évapore et la silice précipite sous forme amorphe, hydrate ou non.

La condensation complète du silicate d’éthyle pur produit une masse de matière vitreuse ou opaline, extrêmement dure. Le silicate d’éthyle peur réagir avec le support et les éventuels agrégats, exactement comme les silicates alcalins.

9.b.3. Les différents types de silicates d’éthyle

Le silicate d’éthyle (CH3-CH2)4SiO4 est désigné sous le nom de silicate 28, parce qu’il contient 28 % de silicium (en masse). C’est une matière fluide qui convient comme durcisseur de pierres et de briques. Il peut cependant contenir des impuretés liées à un mauvais contrôle de la réaction de synthèse : les impuretés peuvent être de alcool éthylique et du silane SiH4. Le silane est un produit organique, aux propriétés hydrofuges, qui diminue de ce fait les propriétés purement minérales du liant. Le silicate d’éthyle peut être fourni partiellement condensé. Il comprend dès lors une plus grande quantité de silicium (jusqu’à 48 %). La matière est plus visqueuse, mélangée à des agrégats, elle sert à la fabrication de pièces moulées. Le procédé n’est pas utilisé dans le bâtiment.

Page 90: Les liants

250

10. Le PLOMB

Le plomb est un liant atypique : il doit être fondu et est utilisé pur, sans adjonction d’agrégats. Il est par ailleurs le seul liant minéral à ne pas être oxydé.

10.1. : La fabrication du plomb

Le plomb ne se trouve jamais à l’état pur à la surface de la terre, mais toujours sous forme composé : galène PbS, cérusite PbCO3, anglésite PbSO4, pyromorphite Pb5P3O12.Cl, etc. La galène est de loin le minerai le plus abondant. Porté à haute température en contact avec l’air, il se transforme en un mélange de litharge et d’anglésite, tout en libérant du dioxyde de souffre :

nPbS + nO2 → xPbO + yPbSO4 + SO

Le plomb mis en œuvre aujourd’hui est essentiellement de la matière recyclée.

10.2. : Le mécanisme de prise du plomb

Il n’y a pas de prise proprement dite, puisqu’il n’y a pas de réaction chimique. Le plomb fond à 328°C. Il est coulé à une température légèrement supérieure dans les joints dont les faces extérieures ont été préalablement colmatées à l’argile. La « prise » par refroidissement est immédiate. Le refroidissement entraîne un rétrécissement sensible. Les joints sont généralement finis à la paille de plomb : la paille de plomb est mâtée à froid, de manière à compléter les lacunes éventuelles et assurer un bon serrage de surface.

10.3. : Les différents types de plomb

Le plomb est vendu pur, soit sous forme de lingots ou de feuilles destinés à être fondus, soit sous forme de paille destinée à être mâtée.

Page 91: Les liants

161

III : Performances comparées et mise en œuvre durable des liants minéraux

1. Les PARAMÊTRES

1.1. La température de fabrication des liants minéraux

Tous les liants minéraux proviennent de la calcination de matières calcaires, argileuses et argilo-calcaires, ou de la déshydratation de matières gypseuses. Les températures de cuisson sont les suivantes :

- argile : température ambiante- plâtre : 150°C- plomb : pose à 360°C, production à température plus élevée- ciment romain : 800°C – 1000°C (1200°C)- chaux aérienne ou hydraulique : de 900° C à 1200°C- silicate : 1400°C- ciment portland : 1450°C.- ciment phosphomagnésien : jusqu’à 1500°C pour le composant magnésique

Le ciment portland est le matériau de construction dont la fabrication est de loin la plus énergivore. La mise en œuvre d’un mètre cube de béton nécessite 1850 KWh contre 200 KWH pour un mètre cube de parpaings. On estime à 6% la part de production mondiale de CO2 provenant des cimenteries.

Page 92: Les liants

162

1.2. Les composants des matières réactives et des matières durcies

L’argile et le plomb ne subissent aucune modification chimique : l’argile durcit par séchage, le plomb par refroidissement. Les silicates font prise par précipitation de silice SiO2.

La prise et le durcissement de tous les autres liants minéraux résulte essentiellement de la réaction entre des ions basiques et des ions acides en solution dans un milieu aqueux. Malgré la grande diversité de liants, très peu d’ions –cations et anions- différents sont mis à contribution. Ce sont essentiellement :

-cation Ca2+ et anion SO42-pour le plâtre ;-cations Ca2+, Mg++ et anions CO32-, SiO42-, AlO2-, Fe2O42- pour les chaux et les ciments portland ;-cations Zn2+, Mg2+, Ca2+, AlO+ et anions Cl2-, SO42-, PO43- pour les ciments Sorel. Les molécules, qui se forment dans un milieu aqueux, cristallisent en associant toujours des molécules d’eau à leur structure. Ces molécules d’eau s’y fixent par des liaisons covalentes, et ne peuvent être extraites qu’à des températures supérieures à l’ébullition. (Seules les molécules comprenant l’anion CO ne s’hydratent pas).

Tableau des différentes composantes des matières sèches et hydratées

Type de liant

Principaux composantsPrincipaux composants

Type de liant Avant la prise Après la prise complète

argile - argile Al2Si2O5(OH)4 - argile Al2Si2O5(OH)4

plâtre - anhydrite CaSO4

- bassanite CaSO4.1/2H2O- gypse CaSO4.2H2O

chaux aérienne - chaux éteinte Ca(OH)2 - calcite CaCO3

chaux hydraulique artificielle

- chaux éteinte Ca(OH)2

- matières siliceuses et argileuses solubles SiO2 et

yAl2O3.xSiO2

- calcite CaCO3

- tobermorite α et βnCaO.SiO2mH2O n <1,4

- aluminate tricalcique hydraté3CaO.Al2O3.6H2O

- ferrite tricalcique hydratée3CaO.Fe2O3.6H2O

chaux hydraulique naturelle

- chaux éteinte Ca(OH)2

- bélite β 2CaO.SiO2

- gehlénite 2CaO.Al2O3.SiO2

accessoirement :- aluminate calcique CaO.Al2O3

- ferrite calcique CaO.Fe2O3

- calcite CaCO3

- tobermorite α et βnCaO.SiO2mH2O n <1,4

- aluminate tricalcique hydraté3CaO.Al2O3.6H2O

- ferrite tricalcique hydratée3CaO.Fe2O3.6H2O

Page 93: Les liants

163

ciment romainciment naturel

prompt

- bélite β 2CaO.SiO2

- gehlénite 2CaO.SiO2.Al2O3

- aluminate calcique CaO.Al2O3

- chaux CaOaccessoirement : - brownmillérite

4CaO.Al2O3.Fe2O3

- gypse CaSO4

Aluminosulfate tétracalcique4CaO.Al2O3.CaSO4

- tobermorite β nCaO.SiO2mH2O

1 < n<1,4- aluminate tricalcique hydraté

3CaO.Al2O3.6H2O- ferrite tricalcique hydratée

3CaO.Fe2O3.6H2O

ciment portland - alite 3CaO.SiO2

- bélite β 2CaSiO2

- aluminate tricalcique 3CaO.Al2O3

- brownmillérite4CaO.Al2O3.Fe2O3

- gypse CaSO4.2H2O

- tobermorite γnCaO.SiO2mH2O 1,66 < n < 1,95

- tobermorite βnCaO.SiO2mH2O n<1,4 1,30 < n < 1,66- portlandite Ca(OH)2

- aluminate tricalcique hydraté3CaO.Al2O3.6H2O

- éttringite3CaO.Al2O3.3 CaSO4.32H2O

- ferrite tricalcique hydraté3CaO.Fe2O3.6H2O

ciment alumineux fondu

Essentiellement aluminatetricalcique 3CaO.Al2O3. nH2O

Essentiellement aluminate hydratétricalcique 3CaO.Al2O3. nH2O

ciment de mélange Tous les mélanges possibles des composants décrits ci-dessus

Tous les mélanges possibles des composants décrits ci-dessus

silicates alcalins K2O.nSiO2, Na2.nSiO2,CaO.nSiO2

SiO2.nH2O, CaSiO3.nH2O, K2CO3,

Na2CO3, CaCO3

silicate d’éthyle (CH3-CH2)4SiO4 SiO2, SiO2.nH2Oplomb plomb Pb plomb Pbciments Sorel voir § 7.2. voir § 7.2

Page 94: Les liants

164

1.3. Résistance à la compression et temps de prise

Pour rappel : le mégapascal Mpa est une unité de mesure de pression ou de tension équivalent à une force d’un million de newton N s’exerçant sur une surface d’un mètre carré.1 MPa = 106 N/m2 = 1 N/mm2 = 10 kg/cm2

Les liants minéraux peuvent être utilisés seuls sous forme de lait, de peinture, de coulis, … ou en mélange avec des agrégats sous forme de mortier, d’enduits, de béton, …, quelques fois additionnés d’adjuvants.

Un premier principe à retenir est que la résistance à la compression d’un matériau diminue toujours lorsque la porosité augmente, et cela quelque soit la nature du liant.

→ La résistance mécanique des différentes matières dépend essentiellement : - de la nature du liant- de leur teneur en agrégats- de la nature de ces agrégats, de la granulométrie- de la teneur en eau initiale- des conditions de la mise en œuvre : gel, évaporation ou évacuation trop rapide de

l’eau de gâchage (température trop élevée ou trop basse, ensoleillement, vent, contact avec un support trop sec ou trop poreux, …)

- du serrage de la matière : corroyage, vibration, etc.- de l’environnement de la matière : teneur en eau chronique, milieu agressif, etc.- de l’addition d’adjuvants- de l’âge de la matière, etc.

→ Le temps de prise et de durcissement dépend essentiellement :- de la nature du liant- de la teneur en eau initiale- de l’addition d’adjuvants- pour les matières contenant de la chaux aérienne, de la porosité, de la teneur en eau

chronique, et du rapport entre le volume de la matière et sa surface exposée à l’air libre.

Ce qu’il faut retenir essentiellement c’est que : - Les performances de l’argile dépendent de la granulométrie de la matière.

- Les chaux aériennes font prise très lentement et n’atteignent jamais des résistances à la compression élevée. La valeur de 12 MPa doit être considérée comme un maximum, même si des valeurs de l’ordre de 30 MPa ont pu être obtenues qu’après de nombreuses décennies, et avec une hygrométrie suffisante pour assurer une carbonatation complète.

Page 95: Les liants

165

- Les chaux hydrauliques font prise assez rapidement et peuvent atteindre des valeurs de résistance à la compression, supérieures à 30 MPa. Leur temps de prise et leur résistance dépend de leur teneur en silice soluble : la NHL-2 contenant moins de 8% de silice soluble atteint au minimum 2 MPa après 20 jours alors que la NHL-5 contenant plus de 12% de silice peut atteindre 15 MPa après seulement 3 jours. Tout comme la chaux hydraulique, elle subit un lent durcissement qui peut s’étendre sur de nombreuses décennies. La résistance est due à la formation de calcite et de tobermorite.

- Le ciment romain fait prise plus lentement que les chaux hydrauliques, mais atteint des résistances supérieures, de l’ordre de 20 MPa après un an et parfois supérieure à 40 MPa après un durcissement complet (plusieurs décennies). La résistance est due à la formation de tobermorite β.

- Le ciment prompt en quatre minutes ! Il peut recevoir des retardateurs de prise ; sa résistance ne dépasse pas 19 MPa.

- Les ciments portland font prise très rapidement. Leur résistance nominale, de l’ordre de 30 à 60 MPa est supérieure à celle des chaux hydrauliques, et est atteinte généralement en moins de 28 jours. Leur durcissement n’entraîne à long terme qu’une faible élévation de ces valeurs nominales. La résistance est due essentiellement à la formation de tobermorite γ (à court terme) et β (à long terme). La portlandite, l’éttringite et les composés alumineux ou ferreux interviennent peu dans la résistance totale. Certain bétons peuvent atteindre 200 MPa, et en laboratoire dépasser 500 MPa de résistance maximale à la compression.

- Les ciments alumineux font prise extrêmement rapidement (moins d’un jour, début de prise après 1h30), et n’évoluent plus après. Leur résistance finale est de l’ordre de 60 MPa.

- Les ciments Sorel sont, en matière de rapidité de prise, les champions toutes catégories : sans retardateur de prise, un ciment au phosphate de zinc peut développer, en moins d’une demi-heure, une résistance à la compression variant entre 75 et 100 MPa ! Les performances sont extrêmement variables d’une matière à l’autre, mais restent toujours supérieures aux ciments portland standards. Le ciment phosphomagnésien FEBSET 45 atteint 20 MPa après une heure seulement et développe généralement 60 à 70 MPa en résistance finale.

Tous les ciments Sorel offrent des résistances exceptionnelles à l’abrasion.

- Les silicates ne sont pas prévus pour produire des volumes de matière durcie –encore que cela pourrait se faire. Les mesures de leurs résistances à la compression n’ont jamais été publiées.

- Le plomb développe une résistance à la compression de 5 MPa, mais une maçonnerie montée en plomb résiste à des contraintes nettement supérieures.

Page 96: Les liants

166

Le tableau ci-après fait la synthèse des valeurs de résistance à la compression et des temps de prise.

Résistance à la compression en MPaRésistance à la compression en MPaRésistance à la compression en MPaRésistance à la compression en MPaRésistance à la compression en MPaRésistance à la compression en MPaRésistance à la compression en MPaRésistance à la compression en MPaRésistance à la compression en MPaRésistance à la compression en MPaRésistance à la compression en MPaRésistance à la compression en MPaRésistance à la compression en MPa28 jours28 jours28 jours28 jours28 jours28 jours28 jours28 jours28 jours 1 an1 an de 10 à 100 ansde 10 à 100 ans

argile 10j.pas d’information

10j.pas d’information

10j.pas d’information

10j.pas d’information

10j.pas d’information

10j.pas d’information

10j.pas d’information

chaux aérienne 28j.de 2 à 4 MPa →

28j.de 2 à 4 MPa →

28j.de 2 à 4 MPa →

28j.de 2 à 4 MPa →

28j.de 2 à 4 MPa →

28j.de 2 à 4 MPa →

28j.de 2 à 4 MPa →

28j.de 2 à 4 MPa →

28j.de 2 à 4 MPa → de 10 à 12 MPade 10 à 12 MPade 10 à 12 MPade 10 à 12 MPa

chaux hydraulique artificielle

28j.de 4 à 15 MPa →

28j.de 4 à 15 MPa →

28j.de 4 à 15 MPa →

28j.de 4 à 15 MPa →

28j.de 4 à 15 MPa →

28j.de 4 à 15 MPa →

28j.de 4 à 15 MPa →

28j.de 4 à 15 MPa →

28j.de 4 à 15 MPa → de 12 à 15 MPade 12 à 15 MPade 12 à 15 MPade 12 à 15 MPa

chaux hydraulique naturelle

20 j.de 2 à 4 MPa

20 j.de 2 à 4 MPa

20 j.de 2 à 4 MPa

20 j.de 2 à 4 MPa

20 j.de 2 à 4 MPa

20 j.de 2 à 4 MPa

20 j.de 2 à 4 MPa

20 j.de 2 à 4 MPa de 12 à 15 MPade 12 à 15 MPade 12 à 15 MPade 12 à 15 MPade 12 à 15 MPa

NHL-2

20 j.de 2 à 4 MPa

20 j.de 2 à 4 MPa

20 j.de 2 à 4 MPa

20 j.de 2 à 4 MPa

20 j.de 2 à 4 MPa

20 j.de 2 à 4 MPa

20 j.de 2 à 4 MPa

20 j.de 2 à 4 MPa de 12 à 15 MPade 12 à 15 MPade 12 à 15 MPade 12 à 15 MPade 12 à 15 MPa

NHL-3,5 8j.de 3,5 à 10 MPa

8j.de 3,5 à 10 MPa

8j.de 3,5 à 10 MPa

8j.de 3,5 à 10 MPa

8j.de 3,5 à 10 MPa

8j.de 3,5 à 10 MPa de 12 à 15 MPade 12 à 15 MPade 12 à 15 MPade 12 à 15 MPade 12 à 15 MPade 12 à 15 MPade 12 à 15 MPa

NHL-5 3j.de 5 à 15

MPa

3j.de 5 à 15

MPa

3j.de 5 à 15

MPade 20 à 25 MPade 20 à 25 MPade 20 à 25 MPade 20 à 25 MPade 20 à 25 MPade 20 à 25 MPade 20 à 25 MPade 20 à 25 MPade 20 à 25 MPade 20 à 25 MPa

ciment romain 8 j.de 2 à 4 MPa

8 j.de 2 à 4 MPa

8 j.de 2 à 4 MPa

8 j.de 2 à 4 MPa

8 j.de 2 à 4 MPa

28j.de 13 à 16 MPa

28j.de 13 à 16 MPa

28j.de 13 à 16 MPa

28j.de 13 à 16 MPa

28j.de 13 à 16 MPa

1 an<22 MPa

1 an<22 MPa 40 MPa et plus

ciment prompt 2j10 MPa

2j10 MPa

28j19 MPa

28j19 MPa

28j19 MPa

28j19 MPa

28j19 MPa

pas d’augmentation significative

pas d’augmentation significative

pas d’augmentation significative

ciment portlandnormal

2j.d e 1 0 à 1 2 , 5 M P a MPa

2j.d e 1 0 à 1 2 , 5 M P a MPa de 30 à 62,5 MPade 30 à 62,5 MPade 30 à 62,5 MPade 30 à 62,5 MPade 30 à 62,5 MPade 30 à 62,5 MPade 30 à 62,5 MPade 30 à 62,5 MPa pas d’augmentation

significativepas d’augmentation

significativepas d’augmentation

significativerapide de 13 à

20 MPade 13 à20 MPa

de 30 à 62,5 MPade 30 à 62,5 MPade 30 à 62,5 MPade 30 à 62,5 MPade 30 à 62,5 MPade 30 à 62,5 MPade 30 à 62,5 MPade 30 à 62,5 MPa pas d’augmentation significative

pas d’augmentation significative

pas d’augmentation significative

ciment de laitier à la chaux

7j.de 5 à 10 MPa

7j.de 5 à 10 MPa

7j.de 5 à 10 MPa

7j.de 5 à 10 MPa

7j.de 5 à 10 MPa

28j.de 10à 16 MPa

28j.de 10à 16 MPa

28j.de 10à 16 MPa

28j.de 10à 16 MPa

28j.de 10à 16 MPa pas d’augmentation

significativepas d’augmentation

significativepas d’augmentation

significativeciment alumineux fondu

2j.50 MPa

2j.50 MPa

28j.60 MPa

28j.60 MPa

28j.60 MPa

28j.60 MPa

28j.60 MPa

28j.60 MPa

28j.60 MPa

28j.60 MPa

pas d’augmentation significative

pas d’augmentation significative

pas d’augmentation significative

ciment Sorel phosphomagnésien

20 MPa 1 heure

50 MPa 1j50 MPa 1j50 MPa 1j

55MPa 28j55MPa 28j55MPa 28j55MPa 28j55MPa 28j55MPa 28j55MPa 28j55MPa 28j55MPa 28j

plomb 0j.5 MPa

1.4. La résistance à la traction et à l’adhérence

La résistance à la traction et l’adhérence des argiles dépendent de la granulométrie de la matière.

Page 97: Les liants

167

La résistance à la traction des chaux aériennes ou hydrauliques est généralement très faible : la valeur de 2 MPa peut être considéré comme un maximum, pour les chaux hydrauliques. Elle est inférieure pour les chaux aériennes, de l’ordre de 0,6 MPa. Pour un ciment romain, elle oscille autour de 1,6 MPa.

La valeur de 2 à 3 MPa doit par contre être considérée comme un minimum pour les matières à base de ciment portland ou du plâtre. L’adhérence de ces matières sur un support minéral est en général égale à leur valeur de résistance à la traction. L’adhérence des chaux aériennes ou faiblement hydrauliques est favorisée par la rugosité du support et nécessite parfois, dans le cas d’enduits, la pose d’un gobetis au ciment.

Les ciments Sorel développent des résistances à la traction généralement supérieures à 6 MPa et peuvent atteindre, voire dépasser 10 MPa. Les meilleures résistances à la traction ne donnent pas nécessairement les meilleures adhérences : il peut en effet arriver, avec certains ciments Sorel, que la croissance des cristaux se fasse sans grande affinité avec le support. Effectuer des essais préalables est toujours prudent.

La résistance à la traction du plomb est de 5 MPa. Son adhérence dépend de la rugosité des matériaux et de la température de pose ; elle dépasse rarement 2 à 3 MPa.

Le tableau suivant donne les résistances à la traction des principaux liants. L’adhérence est toujours inférieure à ces valeurs.

plâtre >2 MPachaux aérienne 0,6 MPachaux hydraulique <2 MPaciment romain 1,6 MPaciments portland >2 MPaciments Sorel >6 MPaplomb 5 MPa

1.5. Le retrait et la fissuration

A l’exception du plâtre, qui gonfle durant la prise, tous les liants minéraux subissent un retrait sensible, qui peut être limité par un choix adéquat d’agrégats ou être compensé par des adjuvants

Le retrait des argiles dépend du caractère gonflant des matières de base, et de la quantité de sable ajouté au mélange pour compenser le phénomène. Le retrait se manifeste par des fissures importantes.. Du fait de leur faible cohésion, les chaux aériennes ou hydrauliques ne se fissurent pas par retrait : leur faible résistance à la traction répartit en de milliers microfissures espacées de quelques millimètres.

Page 98: Les liants

168

Pour le ciment portland, les fissures apparaissent là où les tensions internes cumulées dépassent la résistance à la traction plus élevée de la matière : le phénomène se traduit par un faïençage présentant des fissures apparentes, espacées d’une dizaine à quelques dizaines de centimètres. Le phénomène affecte principalement les mortiers de rejointoiement et les enduits trop riches en liant. Le retrait normal est de l’ordre de 0,5‰ pour le béton et de 2‰ pour les mortiers de ciment. Il peut être nettement plus élevé si les matières ont été mal mises en œuvre.

La grande diversité des ciments Sorel fait qu’ils ne réagissent pas tous de la même manière au retrait. Ils présentaient à l’origine un retrait parfois important. Les produits mis aujourd’hui sur le marché sont en général parfaitement compensés.

Le retrait du plomb est immédiat. Il est de l’ordre d’un millième de millimètre par millimètre d’épaisseur du joint. Il se fait sans fissuration transversale.

Page 99: Les liants

169

1.6. La porosité et la perméabilité

1.6.a. La porosité

La porosité peut être « ouverte » et accessible aux fluides extérieure, ou « fermée », et donc inaccessible à ces fluides. Seul un matériau présentant une porosité ouverte, pourra voir ses propriétés modifiée par les variations climatiques environnante.

Lors du séchage de l’argile, l’eau de malaxage libère un réseau capillaire important résultant de l’espace qu’elle occupait. Ce réseau représente pas volume important : 40 à 50% de la matière ; il est très fin, continu et fortement ramifié, permettant une circulation optimale de l’air dans la matière. Contrairement à une idée généralement reçue, l’argile est plus poreuse que le sable : la porosité d’un sable fin varie entre 30 et 35%.

Le plâtre est toujours mis en œuvre avec une quantité d’eau de gâchage largement supérieure à celle strictement nécessaire à son hydratation. Sa porosité correspond donc au volume de l’eau excédentaire et varie entre 40 et 60%.

La carbonatation de la chaux, qui assure la prise des chaux aériennes libère de l’eau :

Ca(OH)2 + CO2 → CaCO3 +H2O

Le volume d’eau que la matière doit évacuer après la prise est donc supérieur au volume d’eau de gâchage. L’évaporation de l’eau libère des pores, qui, liés entre eux, forment un important réseau capillaire et permettent la migration de la vapeur vers la surface. Ce réseau capillaire rend la matière « respirante », autrement dit hautement perméable à la vapeur d’eau.

A l’opposé, la prise des ciments portland consomme une partie importante de l’eau de gâchage. En effet, lors de leur formation :

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- la tobermorite fixe plus d’une molécule d’eau par ion Ca++

- la portlandite fixe une molécule d’eau par ion Ca++

- l’aluminate tricalcique en fixe deux, ….

Dans une matière durcie, mise en œuvre avec un rapport eau / ciment de 0,5-0,6 :- plus de 40% de l’eau de gâchage participe à la cristallisation et est liée chimiquement

à la structure nanocristalline ;- 25% de l’eau de gâchage devient « interstitielle » et se fixe faiblement à la structure ;

cette eau ne s’évacue à température ambiante que si le taux d’humidité relative de l’air tombe en dessous de 30%.

- moins de 35% de l’eau de gâchage s’évapore donc à température ambiante, suivant un réseau capillaire beaucoup plus ténu que celui qui se développe dans une matière à base de chaux aérienne.

Le rapport eau / ciment de 0,6 est habituel pour les bétons ; il est plus élevé (jusqu’à 1) pour les mortiers de pose, mais dans ce cas, l’eau de gâchage est en partie absorbée par les briques et les parpaings secs. La porosité des mortiers reste cependant supérieure à celle des bétons.

Les ciments Sorel sont généralement gâchés avec la quantité d’eau strictement nécessaire à l’hydratation de leurs composants. Leur porosité est donc extrêmement faible, puisqu’ils ne contiennent pas d’eau qui puisse s’évaporer ; elle correspond à la quantité d’air inclus dans le mélange lors du gâchage.

Ce qu’il faut retenir, pour les chaux et les ciments,c’est que :

- la porosité augmente avec le rapport eau / liant et diminue avec l’hydraulicité ;- la résistance mécanique diminue avec la porosité et augmente avec l’hydraulicité.

La chaux hydraulique présentera une porosité accessible toujours supérieure à 20% et pourra exceptionnellement atteindre 40%, mais au détriment de la résistance.

Le meilleur compromis porosité / résistance est certainement fourni par la chaux NHL-2 ou par le ciment romain qui présentent des porosités accessibles de l’ordre de 25-30 % pour un bon comportement mécanique.

La porosité ouverte d’un mortier de ciment portland jeune est toujours supérieure à 15% et peut atteindre 30%. Les bétons portland présentent les porosités les plus basses, de 6 à 20 %, ceci du fait du faible rapport eau / ciment du mélange.

Par comparaison, la porosité ouverte de la terre cuite varie entre 20 et 40 %.

Le tableau suivant donne la valeur de la porosité des principaux liants :

argile 40-50%plâtre 40-60%

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sable fin 30-35%mortier/enduit de chaux aérienne 25-40%mortier/enduit de chaux hydraulique 25-35%mortier/enduit de ciment romain 25-30%mortier de ciment portland 15-25%béton de ciment portland 6-20%ciments Sorel <5%

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1.6.b. La perméabilité

La perméabilité ne doit pas être confondue avec la porosité ouverte. Celle-ci comprend l’ensemble des pores reliés à la surface par un réseau capillaire ; elle est, en volume, inférieure à la porosité totale, qui prend en compte les pores fermés (bulles d’air, pores de gel, …). Les pores fermés sont inaccessibles aux fluides extérieurs, et n’intervient donc pas dans le phénomène de perméabilité.

La perméabilité augmente avec :- la porosité ouverte du matériau- le diamètre des pores et des capillaires- le maillage des capillaires- la différence de pression entre les faces du matériau.

Il y a une corrélation effective entre la perméabilité et la porosité, puisque l’on constate que plus la porosité diminue plus le diamètre des pores et des capillaires est faible. Les deux facteurs se conjuguent pour réduire la circulation des fluides dans les matériaux, les diamètres faibles limitant fortement la vitesse de circulation des fluides.

L’âge peut également influencer la perméabilité des matériaux. La perméabilité des matières contenant des ciments portland diminuera avec le temps, et ceci s’explique par le phénomène suivant : le ciment portland produit, par l’hydratation de l’alite et de la bélite, de la portlandite, qui peut représenter jusqu’à 30% de la matière hydratée. La carbonatation, rapide lorsque la porosité est élevée, réduit légèrement la porosité ouverte de la matière, mais contribue surtout à colmater les capillaires et à réduire leur maillage. La perméabilité, des matières contenant du ciment portland sera de ce fait toujours inférieure à celle des matières ne contenant que de la chaux, peu sensible au phénomène de colmatage.

La perméabilité d’une matière dépend également de la nature de cette matière ainsi que du type de fluide qui la traverse : air sec, vapeur d’eau, ou eau (liquide).

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1.6.b.a. La perméabilité à l’air sec :La perméabilité à l’air sec est indépendante de la nature de la matière, et est directement proportionnelle à la porosité ouverte de la matière : plus la porosité ouverte est importante, plus la perméabilité à l’air sec est grande.

1.6.b.b. La perméabilité à la vapeur d’eau :Lorsque de l’air chargé de vapeur d’eau pénètre dans les pores d’une matière sèche, une partie de la vapeur d’eau va se condenser et se fixer à la surface des pores sous forme d’eau adsorbée. Inversement, si de l’air sec traverse une matière humide, l’eau adsorbée s’évapore et est emportée par l’air sous forme de vapeur. Il y a donc un échange permanent entre l’eau fixée sur les parois des pores et la vapeur d’eau contenue par l’air qui traverse les pores.

L’air ne doit pas nécessairement « circuler » dans la matière : le moteur des échanges est en fait la pression exercée par la vapeur d’eau contenue dans l’air, pression (légère) qui s’additionne à la pression atmosphérique. Si l’eau condense dans la matière, la pression de vapeur diminue et entraîne l’arrivée de vapeur extérieure ; si par contre l’eau s’évapore dans la matière, la pression va augmenter et expulser la vapeur vers l’extérieur ; si la pression de vapeur augmente dans l’air extérieur, la vapeur va pénétrer dans la matière et s’y condenser ; inversement, si elle diminue, la matière va évaporer de l’eau adsorbée, etc.

Les échanges sont d’autant plus importants que :-la surface des pores est grande ;-la différence de pression de vapeur entre l’air extérieur et l’air contenu dans la matière est grande ;-la différence de température entre l’air et la matière est élevée.

Une matière (froide), en contact avec un air (chaud) particulièrement humide concentre par condensation une grande quantité d’eau adsorbée. La saturation de la matière apparaît lorsque la quantité d’eau fixée à la surface des pores atteint une épaisseur de 5 ou 6 molécules d’eau. Lorsque la saturation est atteinte, la quantité d’eau contenue dans la matière n’augmente plus, sauf si l’humidité relative de l’air atteint le point de rosée : l’eau condensée se dépose alors sous forme d’eau libre.

Lorsque la porosité ouverte d’une matière est faite de pores extrêmement fins –l’argile ou la terre cuite, par exemple- l’eau adsorbée peut, en augmentant, boucher les capillaires les plus fins, et freiner ainsi la circulation de la vapeur dans la matière Il peut arriver, à saturation, que la vapeur ne puisse plus circuler : la matière n’évolue dès lors plus ; en particulier, elle ne peut plus sécher, sauf au départ d’un front d’évaporation qui s’établirait en surface, en contact avec un air plus sec.

Le changement de phase eau/vapeur se fait toujours avec échange de chaleur : la condensation de la vapeur en eau adsorbée libère des calories ; l’évaporation de l’eau adsorbée consomme des calories.

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1.6.b.c. La perméabilité à l’eau :Pour bien comprendre le phénomène de perméabilité à l’eau, une petite expérience s’impose. Remplissons un sac de tissus avec du sable sec, et trempons le dans l’eau : l’eau va envahir la totalité des vides du sable. Retirons le sac de l’eau : une partie de l’eau contenue dans le sable va s’écouler librement à travers le sable et le tissus du sac, mais si nous ouvrons le sac, nous observerons que le sable est mouillé. Toute l’eau ne s’est donc pas évacuée : il reste le volume de l’eau adsorbée à saturation. Cette eau ne peut s’évacuer que par évaporation : elle ne participe donc pas à la perméabilité, puisqu’elle ne peut pas s’écouler librement.

Si l’on mesure la quantité d’eau qui s’est écoulée librement, on observe qu’elle ne représente que 35 à 45% du volume d’eau ayant pénétré dans le sable sec. L’eau adsorbée représente 55 à 65% de ce volume. Le sable est considéré comme une matière très perméable à l’eau ; le volume réellement perméable –la perméabilité effective- représente 10 à 15% du volume total.

Avec une porosité ouverte de 40 à 50%, l’argile est une matière plus poreuse que le sable (porosité ouverte de 30 à 35%). A saturation, l’eau adsorbée par l’argile occupe 95 à 98% de la porosité ouverte, ne laissant à l’eau libre qu’un volume potentiel restant de 2 à 5%. La perméabilité effective de l’argile représente donc moins de 2% du volume total de la matière. Au-delà d’une certaine épaisseur, ce faible pourcentage ne permet pas l’organisation d’un réseau capillaire continu, et l’argile se comporte comme un matériau parfaitement étanche à l’eau. Elle est mise en œuvre pour assurer l’étanchéité des canaux et des étangs artificiels.

9 Eau fixée : comparaison argile / sable

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10 Eau libre : comparaison argile / sable

Les mortiers et enduits à la chaux aérienne ou hydraulique ne sont pas imperméables à l’eau. Ils sont impropres à réaliser l’étanchéité d’ouvrages en contact chronique avec l’eau. Il peuvent cependant recevoir des adjuvants organiques qui les rendent imperméables.

Les enduits de façades à la chaux ont cependant la réputation d’être « parfaitement imperméables à l’eau ». Ce n’est pas tout à fait faux, mais le propos doit être nuancé. L’eau de pluie qui frappe une façade enduite, est absorbée par l’enduit et dispersée à l’intérieure de la matière sous forme d’eau adsorbée. Si la pluie est abondante, les pores en surface vont saturer et freiner la pénétration de l’eau, entraînant son ruissellement sur la façade. Contrairement à ce qui se passe sur les parois d’une citerne pleine, aucune pression ne s’exerce sur l’eau de ruissellement pour la forcer à infiltrer la matière : seules les tensions capillaires sont responsables de la pénétration de l’eau dans la matière. Cette pénétration reste donc superficielle, et l’eau adsorbée est facilement évacuée avec le retour du soleil.

Les mortiers, enduits et bétons de ciment portland ne sont pas imperméables à l’eau, mais présentent une perméabilité effective très faible.

Les ciments Sorel et phosphomagnésiens sont totalement imperméables à l’air, à l’eau et à la vapeur d’eau.

Les silicates sont perméables à l’air, à l’eau et à la vapeur d’eau.

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1.7. La résistivité thermique, l’inertie de masse et l’inertie latente

En dehors de quelques produits industriels (blocs de béton cellulaire, de béton léger, …) les liants minéraux ne permettent pas de produire des matières réellement efficaces sur le plan de l’isolation thermique. En terme de performances, on peut classer, par ordre décroissant, l’argile, le plâtre, les chaux et les ciments. Le béton armé est le matériau le moins performant qui soit.

Pour des raisons d’économie d’énergie, les bétons de terre et les bétons chaux-chanvre sont aujourd’hui remis à l’honneur. Ce sont en fait des matières peu coûteuses, qui peuvent de ce fait compenser leurs faibles performances thermiques par une augmentation de l’épaisseur des parois extérieures.

Le pouvoir isolant des matériaux n’est cependant le seul paramètre à prendre en considération. Au niveau du confort thermique, la température de la surface des murs et cloisons joue un rôle important : la perception par l’occupant de la température « ambiante » dépend à la fois de la température des parois et de la température de l’air. Le corps humain est en effet sensible autant au rayonnement infrarouge provenant des objets environnant qu’à la température de l’air. La température perçue est égale à la moyenne arithmétique des températures des surfaces et de l’air.

La température de surface intérieure des murs dépend de trois facteurs :

- l’inertie thermique de masse du bâtiment- l’isolation thermique du bâtiment- l’inertie thermique latente des matériaux.

Seule l’inertie thermique latente intéresse les matériaux que nous étudions. Pour bien comprendre ce que cette notion contient, il nous faire brièvement définir les deux premières.

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1.7.a. L’inertie thermique de masse :

L’inertie thermique de masse est la capacité des matériaux à absorber un flux thermique, à le stocker et à le restituer de manière diffuse. Elle dépend surtout de la masse des matériaux mis en œuvre, mais aussi de leur nature, de leur conductibilité thermique de leur chaleur spécifique. L’inertie de masse d’un bâtiment aura pour conséquence qu’au printemps, de jour, il fera plus frais à l’intérieur qu’à l’extérieur, et que le phénomène s’inversera en automne.

Les matières produites à base de ciment portland ont en général une meilleure inertie thermique (de l’ordre de 0,5 KWh/m3.K°) que celle produites à base d’autres liants minéraux (0,3 à 0,45 KWh/m3.K°). Utilisées comme enduit, elle n’ont qu’une faible incidence sur l’inertie thermique totale d’un bâtiment.

1.7.b. L’isolation thermique :

Un immeuble construit avec des matériaux légers, hautement isolants se comporte exactement de la même façon, à la condition expresse cependant qu’il n’y ait pas d’échange entre l’air extérieur et l’air intérieur. Faute d’inertie thermique, la température de surface d’une paroi faite de matériaux hautement isolants sera toujours égale à celle de l’air ambiant. Si l’air extérieur pénètre, cette température sera celle du mélange air intérieur/air extérieur et à terme, l’effet recherché sera perdu. C’est ce qui explique qu’un bâtiment parfaitement isolé de l’intérieur est facile à chauffer en hiver, mais impossible à garder frais en été, du moins sans installation réfrigérante.

Les matières à base de ciment portland sont en général moins isolante (1 à 1,5 W/m.K°) que les matières à base d’autres liants minéraux (0,3 à 0,7 W/m.K°). Utilisées comme enduit, en faible épaisseur, elle n’ont cependant que peut d’influence sur l’isolation générale d’un bâtiment.

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1.7.c. L’inertie thermique latente :

L’inertie latente est un phénomène que se conjugue à l’inertie de masse. Pour le comprendre, il faut rappeler que l’air ambiant contient une certaine quantité de vapeur d’eau, appelée humidité relative ; un solide poreux contient à la fois :

- de la vapeur d’eau au sein de ses pores, en quantité égale à celle de l’air ambiant ;- de l’eau adsorbée, fixée sur la surface de ses pores.

Il existe une relation d’équilibre entre l’humidité relative de l’air ambiant et la quantité d’eau liée contenue dans un matériau (voir § 1.6.b.b)

Le mécanisme de l’inertie latente est dès lors le suivant :- lorsque la température diminue dans une pièce, l’humidité relative monte ; la

pression de vapeur augmente dans les pores et provoque la condensation de la vapeur sous forme d’eau adsorbée. Le passage de l’état de vapeur à l’état d’eau adsorbée libère des calories, ce qui entraîne l’échauffement de la paroi ;

- inversement lorsque la température de l’air augmente, l’humidité relative baisse, la pression de vapeur diminue dans les pores et l’eau adsorbée s’évapore, entraînant un abaissement de la température de la paroi

L’inertie latente contribue donc de manière naturelle et généralement efficace à la régulation hygrométrique et thermique du climat intérieure.

L’échange vapeur/eau adsorbée se fait sur les parois des pores de la matière. L’inertie latente d’un matériau est donc d’autant plus grande que la surface d’échange est importante. Pour qu’une matière soit performante en matière d’inertie latente, il faut donc qu’il présente :

- une porosité ouverte importante ;- un réseau poreux formé de capillaires fins et ramifiés ; à porosité ouverte égale,

un tel réseau présentera une surface accessible plus grande qu’un réseau formé de cavité de grandes dimensions.

En matière de surface d’échange, l’argile se retrouve largement un tête, suivi du plâtre et de la chaux aérienne. Ce sont, avec la terre cuite, les matériaux les plus performants au niveau de l’inertie thermique latente. Les chaux hydrauliques sont légèrement moins performantes. Les ciments portland se retrouve en queue du peloton, juste devant les ciments Sorel.

Utilisée comme enduit (intérieur) et en forte épaisseur, l’argile et dans une moindre mesure le plâtre ou la chaux aérienne, peuvent avoir une influence déterminante sur le climat intérieur d’un bâtiment.

Pour que l’inertie thermique latente puisse donner son plein effet, il ne faut cependant jamais créer d’écran entre l’air ambiant et la paroi poreuse. Il ne faut donc jamais peindre les enduits intérieurs avec des peintures organiques, qui constituent toujours (quoiqu’en disent les vendeurs) un frein important à la migration de la vapeur. Les peintures silicates, et certaines colles à tapisser posées très épaisses peuvent également agir comme de véritables bouche-pores de surface… Les peintures à l’argile et les laits de chaux se révèlent les plus efficaces.

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1.8. Les coefficients de dilatation thermique et hydrique

1.8.a. La dilatation thermique :

Les coefficients de dilatation thermique des matières liées au ciment portland sont nettement plus élevés que ceux des matières liées à l’argile, au plâtre ou à la chaux. La différence peut aller du simple au double comme l’indiquent les valeurs des coefficients d’un :

- argile, plâtre et mortier à la chaux grasse : 5.10-6/°C- mortiers à la chaux hydraulique : 5 à6.10-6/°C- mortier/béton au ciment portland : 11.10-6/°C.- plomb : 29.10-6/°C

La différence entre le ciment portland et la chaux hydraulique doit être attribuée à la présence de tobermorite γ, dont la structure cristalline est beaucoup plus compacte que celle de la tobermorite α ou β.

1.8.b. La dilatation hydrique :

Les dilatations hydriques des chaux et ciment portland sont équivalentes : la différence entre une matière sèche et une matière soumise à 100% d’humidité relative varie entre 2 et 4 ‰, quel que soit le liant. La faible perméabilité à la vapeur des mortiers et des bétons portland les rend cependant moins sensibles aux variations de l’humidité extérieure que les matières liées à la chaux.

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1.9. Le module d’élasticité et la plasticité

Pour rappel : le module d’élasticité E est la pression qu’il faudrait exercer sur un échantillon de matière pour réduire sa longueur de 100% ou la tension qu’il faudrait lui appliquer pour l’allonger de 100%. La matière n’étant déformable à l’infini, le module E est une fiction de l’esprit, mais qui fonctionne bien dans le domaine des déformations faibles.

Les valeurs du module d’élasticité des matières varient selon les mêmes facteurs que leurs résistances mécaniques. Il existe une corrélation entre la rigidité et la résistance, mais elle n’est pas strictement linéaire. Tout comme pour la résistance à la compression, la valeur du module d’élasticité diminue lorsque la porosité augmente.

Les valeurs extrême sont de :

- plâtre : 3 à 6 GPa- mortier de chaux aérienne ou légèrement hydraulique : 4 à 6 GPa- plomb : 5 GPa- mortier/bétons de ciment portland : 20 à 40 GPa

La déformation plastique est une déformation permanente qui affecte la matière, soit lorsque la limite de contrainte élastique est dépassée, soit lorsqu’une matière est exposée à une contrainte élevée lors d’une longue période. Le phénomène affecte particulièrement les mortiers jeunes à la chaux aérienne ou légèrement hydraulique, qui du fait de leur faible résistance à la compression, peuvent être soumis à des contraintes proches de leur limite élastique. Il ne constitue pas nécessairement un handicap : les déformations plastiques se produisent sans dommages majeurs, même dans des matières âgées, et permettent une répartition optimale des contraintes et en empêchant leur concentration.

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1.10. La solubilité des matières et leur PH

Les principaux composants des matières indurées ne réagissent pas de la même façon en présence de l’eau. Certaines sont solubles, d’autres non :

- les argiles sont insolubles, mais elles peuvent s’hydrater : l’hydratation entraîne le gonflement, l’effritement et, à saturation, la perte de cohésion de la matière ;

- les tobermorites et les aluminates hydratés sont insolubles ;- la silice issue de la réaction des silicates est insoluble ;- les composés de phosphates d’ammonium sont insolubles ;- les oxychlorures, les oxysulfates et certains phosphates métalliques sont solubles

dans l’eau claire ;- le gypse et la portlandite sont solubles dans l’eau claire ;- la calcite est quasi insoluble dans l’eau claire, mais elle l’est dans l’eau légèrement

acide.

La solubilité du gypse, de la portlandite et de la calcite est faible : les solutions saturent avant d’atteindre 2%.

La portlandite Ca(OH)2 est une base forte, et confère aux matières qui en contiennent en abondance un PH élevé, - jusqu’à 13,5. C’est le cas des bétons portland, des mortiers portland, et des enduits, mortiers et badigeons à la chaux grasse avant leur carbonatation complète.

Le plâtre est acide : au contact de l’eau, le gypse libère des ions basiques Ca++ forts ainsi que des ions acides HSO4- également forts. Le HSO4- peut se montrer très corrosif pour certains métaux (fer, cuivre,zinc…), même si le plâtre n’est que légèrement humide.

Le pH des ciments Sorel dépend de leur dosage :- ils sont basiques lorsqu’il contiennent des oxydes métalliques en excès ; la

zincite, la chaux, la brucite,… s’hydratent et se transforment en bases fortes : Zn(OH)2, Ca(OH)2, Mg(OH)2,…

- ils sont acides lorsqu’ils contiennent en excès des chlorures ou des sulfates métalliques ; ceux-ci peuvent libérer des anions Cl2-, HSO4-,… ;

- les ciments à base de phosphate sont généralement neutres à légèrement basiques.

Les autres liants (argile, calcite, tobermorite, aluminates, …) sont neutres.

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1.11. La résistance aux hautes températures

La résistance aux hautes températures est le domaine réservé des aluminates : -les mortiers et les bétons de ciments alumineux sont stable jusqu’à 1300°C et se comportent bien jusqu’à 1600°C ; il faut, dans ce cas, que les charges et les agrégats soient également résistants à ces températures : le corindon et la chamotte doivent remplacer le sable et les graviers calcaires.-les ciments au magnésium-polyphosphate d’aluminium sont stables jusqu’à 1000°C.

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2. CHOIX du LIANT et MISE en ŒUVRE DURABLE

2.1. Les mortiers de pose

En principe, tous les liants peuvent être utilisés pour la confection des mortiers de pose.

Depuis le début du siècle dernier, l’usage des mortiers au ciment portland s’est généralisé pour la réalisation des maçonneries neuves. Cet usage parait largement justifié par la haute résistance à la compression et la forte adhérence que fournit le ciment portland. C’est une idée fausse : ces facteurs ne jouent aucun rôle déterminant dans la stabilité des maçonneries traditionnelles.

2.1.1. Le rôle des mortiers de pose

2.1.1.1. Le transfert des charges :Le rôle essentiel du joint de mortier est de transférer aux tas inférieurs les charges supportées par les tas supérieurs. Ces charges peuvent être considérables et se traduire en centaines, voir en milliers de tonnes. La contrainte que subit le joint est une pression, qui correspond au poids total des charges, divisé par la surface du joint. Dans les maçonnerie traditionnelles, la section des murs et des piliers est toujours surabondante.

Ceci explique pourquoi les contraintes de compression qui se développent dans les structures traditionnelles sont généralement faibles, et dépassent rarement la valeur de 2 MPa. Un mortier à la chaux aérienne, -le plus faible des liants-, assure largement cette contrainte après quelques semaines seulement. Pour donner une image, la valeur de 2 MPa correspond à la pression qui se développe au pied d’une colonne de briques, de section constante, de 100 mètres de haut. L’image ne vaut bien entendu que si l’on fait abstraction des contraintes extérieures, telles que la pression du vent.

Des contraintes de l’ordre de 10 MPa – et même de 5 MPa – sont exceptionnelles dans les ouvrages en maçonnerie et ne se rencontrent que localement dans des structures audacieuses. L’effondrement d’une maçonnerie traditionnelle ne survient jamais par un dépassement de la résistance à la compression des matériaux, mais bien par l’apparition d’un mécanisme du à un décentrement des charges, sur lequel nous reviendrons.

2.1.1.2. La répartition homogène des contraintesLa répartition homogène des contraintes est probablement le rôle le plus important du mortier dans une maçonnerie, -et sans doute le plus oublié. Le rôle essentiel d’un mortier est de transmettre, les contraintes d’un tas supérieur vers un tas inférieur, et cela de la manière la plus homogène possible, -autrement dit, sans concentrations locales de contraintes.

Le montage à sec, sans mortier, se fait par contact ponctuel de pierre à pierre : les points de contact peuvent être nombreux, mais leur surface est toujours faible du fait des défauts de planéité des matériaux mis en œuvre. Lorsque les charges sont élevées, les contraintes peuvent devenir localement extrêmement élevées, parce qu’elles se limitent aux surfaces

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réduites des points de contact. Des ruptures par un dépassement local, ponctuel des contraintes maximales sont donc à craindre.

Le mortier de pose empêche précisément l’apparition de contraintes ponctuellement élevées : il forme un matelas plastique qui répartit uniformément les contraintes avant de faire prise.

Le principal bénéfice qu’apportent les mortiers ne se situe cependant pas là : les structures jeunes subissent des déformations liées à leur mise en contrainte progressive. Les contraintes augmentent avec l’avancement de la construction et la mise en service de l’édifice. Les tassements liés à la mise en charge ne sont jamais homogènes : ils sont importants dans les massifs fortement chargées, et faibles dans les massifs qui ne le sont pas. Ils peuvent être très importants au niveau des fondations, lorsque le sol travaille à la limite de sa capacité portante. La répartition des déformations n’est donc jamais homogène, et les désordres n’apparaissent pas, du moins tant que le différentiel des contraintes peut être absorbé par l’appareil mis en œuvre. Un mortier peu cohérent, faiblement résistant, se déformera plastiquement s’il est soumis à une contrainte trop élevée : sa déformation plastique entraînera la répartition des contraintes élevées sur les plages voisines. Les contraintes de rupture ne seront de ce fait jamais atteintes localement. Le processus permet des déformations importantes sans aucune suite dommageable, et garantit un bon équilibre des contraintes au sein des massifs.

2.1.1.3. L’importance de l’adhérence des mortiersDans les structures traditionnelles, l’adhérence des mortiers à leur support ne joue aucun rôle positif et ne peut en aucun cas être prise en compte dans un calcul de stabilité. Les mortiers faiblement adhérents et plastiques permettent un glissement – infinitésimal - d’un tas par rapport au suivant, surtout si les joints sont épais. La déformation qui s’en suit répartit au maximum les tensions et empêche leur concentration. Le phénomène affecte particulièrement les maçonneries de brique –où le volume des joints est important par rapport au volume de briques

Les mortiers faiblement cohérents et faiblement adhérents empêchent donc la concentration de tensions importantes et, par conséquent, l’apparition brutale de fissures ou de lézardes.

2.1.2 Les types de mortiers de pose

2.1.2.1. Les mortiers à base de sable et d’agrégatsPour réaliser des mortiers, les chaux et les ciments ne sont jamais utilisé purs, mais toujours mélangé à du sable de rivière (à grains anguleux), et parfois à d’autres agrégats (matières colorantes, …).

La résistance à la compression et l’adhérence ne sont pas des critères suffisants pour décider du choix du liant. Préférer la chaux hydraulique au ciment portland ne relève pas nécessairement d’une vision passéiste des choses, et démontre généralement une bonne connaissance des matériaux et de leurs performances.

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Il faut rappeler en effet que les cathédrales et les grands édifices gothiques ont été montés à l’aide de mortier à la chaux aérienne, caractérisé par une faible résistante initiale à la compression, et une adhérence nulle. La lenteur de la prise permet à l’œuvre de se déformer plastiquement – sans qu’elle ne se détériore – pendant une très longue période : les déformations plastiques n’ont aucune influence sur leur durcissement et les performances finales du mortier. L’appareil peut donc sans dommage absorber les déformations engendrées par des tassements différentiels importants. Il n’y a jamais apparition brutale de fissures ou de lézardes, comme cela peut se produire dans des structures rigidifiées par un mortier à forte adhérence. La non adhérence des mortiers fait en outre que les structures ne travaillent qu’en compression pure et que les excentrements de charge s’y manifestent très tôt par de légers bombements, par des hors d’aplomb, ou par des ouvertures de joints.

La rapidité de l’apparition des déformations a très souvent permis aux bâtisseurs d’intervenir et de procéder – en cours de construction -, à des recentrements de charges, et cela bien avant que la situation ne devienne critique. Il est certain que si les maîtres d’œuvre du moyen âge n’avaient eu à leur disposition que des mortiers à base de ciment portland, ils n’auraient jamais pu réaliser les prouesses techniques que nous admirons encore aujourd’hui : du fait de la rigidité des ciments portland, les tassements différentiels et les excentrements des charges se seraient manifestés beaucoup trop tard, et de manière trop brutale pour que les bâtisseurs puissent intervenir à temps et tirer une réel enseignement des désordres.

Cette réflexion n’enlève rien aux qualités des ciments portland. Ils permettent une mise en œuvre rapide et efficace de l’œuvre, mais ils doivent être réservés à des structures qui, du fait de leur conception, ne sont pas susceptibles de mouvements différentiels même peu importants.

Si c’est le cas, il vaut mieux opter pour les chaux hydrauliques ou les liants bâtards.

La mise en œuvre de ciments naturels, prompt ou romain, de ciments Sorel et autres ne se justifie généralement pas pour la réalisation de maçonneries neuves.

2.1.2.2. Les mortiers au liant purLe plâtre, contrairement à une idée reçue, peut constituer un excellent mortier de pose : il peut être aisément préparé, fait prise en toute circonstance, et surtout gonfle en faisant prise. Les joints au plâtre furent abondamment mis en œuvre au 18e siècle pour réaliser l’appareil de très grands blocs de pierre : la fluidité du plâtre permettant de réaliser des joints extrêmement fins, assurant une bonne répartition des pressions du fait de l’expansion de la matière.

Le matériau est très performant dans la mise en œuvre des voûtes : son expansion assure un excellent serrage des blocs et sa prise rapide ne mobilise les gabarits que pour un temps très court. Leur enlèvement n’entraîne en outre aucune déformation de mise en charge. Les voûtes très plates, qui caractérisent l’architecture du 18e siècle, étaient très souvent montées au plâtre. Le matériau est malheureusement sensible à l’eau : le plâtre est soluble dans l’eau pure, et doit, de ce fait, être protégé. Sous nos climats, il ne convient pas aux maçonneries extérieures,

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et sous des latitudes plus clémentes, les façades montées au plâtre doivent être protégées de la pluie par des corniches saillantes.

Le plomb est particulièrement bien adapté au scellement d’appareils de pièces dont la stabilité doit être assurée sur un laps de temps très court (balustrades, remplage de fenêtres gothiques, mise en œuvre d’acier et de tirants métalliques, etc.).

L’argile et la terre peuvent constituer d’excellents mortiers de pose, mais leur faible stabilité à l’eau les rend impropres à cet usage sous nos latitudes.

2.1.3. La durabilité des mortiers de pose

La durabilité des mortiers dépend de la stabilité de leurs liants :-l’argile est « liquéfiable » ;-la calcite (chaux aérienne) et le gypse (plâtre) sont solubles ;-la tobermorite et les aluminates (chaux hydraulique, ciment portland,…) sont insolubles ;-la plupart des composants des ciments Sorel sont insolubles ;

Les mortiers de ciment portland sont inaltérables. L’altérabilité des mortiers de chaux hydraulique, de ciment romain ou de ciments Sorel dépend essentiellement de leur contenance en matières solubles (calcite,…) et de la fréquence de leur contact avec l’eau : sans ce contact, ils sont inaltérables. Cette observation vaut aussi pour le plâtre.

Les mortiers à la chaux grasse ont la mauvaise réputation de ne pas être durables, et de perdre leur cohésion avec le temps. Ce n’est pas tout à fait faux, mais il faut pour cela que le mur soit soumis à une humidité chronique, et qu’il soit donc infiltré par l’eau de pluie ou par des remontées capillaires, ou régulièrement « rincé » par des éclaboussures. La calcite, mise en solution, migre vers la surface, et y est emportée par le ruissellement de l’eau de pluie. Le mortier perdant sa cohésion, le joint s’évide, parfois sur une profondeur de plusieurs centimètres.

Le phénomène est très lent et n’est observé que sur des bâtiments âgés, le plus souvent ruinés. Il ne touche généralement que les maçonneries montées avec un matériau d’œuvre perméable (briques anciennes, …) ou avec des pierres non taillées, l’irrégularité de la surface facilitant les infiltration.Le remède à l’ouverture des joints consiste à gratter la matière pulvérulente et à rejointoyer. L’opération est généralement sans danger : un mortier, même faiblement cohérent garde toujours un pouvoir portant supérieur à 2 MPa.

La chaux grasse n’est évidemment pas le meilleur liant à mettre en œuvre pour monter des maçonneries enterrées ou en contact avec l’eau.

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En conclusion, tous les liants hydrauliques peuvent être mis à contribution dans la fabrication des mortiers de pose. L’emploi du ciment portland s’est généralisé depuis le début du 20e siècle, et les milieux professionnels se montrent aujourd’hui très réticents vis-à-vis des mortiers n’en contenant pas. Le mortier portland l’emporte sur tous ses concurrents sur le plan de l’insolubilité, de l’adhérence, de la rigidité et la résistance à la compression, mais un excès d’adhérence et de rigidité peut se révéler contre productif dans un très grand nombre de circonstances. Le ciment portland est également le liant dont la production consomme le plus d’énergie et contribue le plus à l’augmentation du CO2 dans l’air.

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2.2. Les mortiers de réparation, de rejointoiement et de ragréage

2.2.1. Les mortiers de réparation

Lorsque des réparations doivent être effectuées dans des maçonneries anciennes, une règle de précaution veut que les mortiers de pose mis en œuvre aient les mêmes caractéristiques physiques que les mortiers en place : ce qu’il faut éviter, c’est que les parties réparées constituent des points durs dans la structure. Une maçonnerie ancienne, montée à la chaux aérienne, présente généralement des joints fortement carbonatés. Il n’y a dans ce cas pas d’inconvénient à utiliser des mortiers à la chaux hydraulique, ou au ciment romain, dont les caractéristiques mécaniques rejoindront après plusieurs mois celles de la chaux aérienne vieillie. Ces matières permettent donc, par leur délai de prise, à la structure d’absorber les tassements et les déformations liées aux interventions de chantier, et ne restent pas trop longtemps inactives dans une structure portante chargée. Il n’est pas utile de mettre en œuvre de la chaux aérienne : sa prise est trop lente, et sa grande plasticité n’apporte rien à une structure qui a déjà trouvé son état d’équilibre.

Par contre, les mortiers au ciment portland sont à proscrire : leur prise est trop rapide, et fige une situation de chantier ; leur trop grande rigidité peut créer des points durs dans une structure habituée à se déformer élastiquement.

2.2.2. Les mortiers de rejointoiement

Une seule règle est à observer, les mortiers de rejointoiement doivent être :- moins résistants à la compression et moins rigides que le mortier de pose ;- avoir des coefficients de dilatation thermique et hydrique le plus proche possible de

la pierre ou de la terre cuite constituant la maçonnerie.

La surface des murs peut devenir le siège de contraintes importantes, et si le rejointoiement ne se comporte pas de la même façon que le reste de la maçonnerie, il finira par être expulsé.

C’est le cas, par exemple, des ouvrages anciens rejointoyés au mortier portland :

- les joints de surface, étant plus rigides que le mortier de pose, vont concentrer les contraintes de pression / tension lors des variations ou des décentrements des charges cycliques ;

- les joints se dilatant thermiquement davantage que les pierres ou les terres cuites, ils vont engendrer des contraintes importantes au niveau de leur surface de raccord lors des variations de température ;

- les joints étant fort peu poreux, ils vont se dilater beaucoup moins sous l’action de l’eau que des matériaux poreux comme la brique ou certaines pierres tendres.

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La répétition cyclique de contraintes d’ordre mécanique, thermique et hydrique entraîne à terme la désolidarisation du joint et de son support, et dès lors « l’expulsion » du joint. L’utilisation du ciment portland est donc à proscrire dans les mortiers de rejointoiement, même si leur adhérence exceptionnelle paraît en faire un matériau performant : un mortier peu adhérent, mais n’engendrant aucune contrainte se révèlera toujours plus durable.

2.2.3. Les mortiers de ragréage :

Les paramètres physiques et mécaniques des mortiers de ragréage, ou « mastics à pierre », doivent toujours se rapprocher le plus possible de ceux de leur support. Il faut être particulièrement attentif à :

-la porosité ouverte : si le support présente une porosité ouverte importante (grès, certains calcaires, terre cuite,…), le mortier de ragréage devra rejoindre cette caractéristique. Le choix se portera sur les chaux hydrauliques (qui existent sous forme de mélanges prêts à l’emploi). Les ciments portland sont à éviter, même sous forme de mélange bâtard. Les ciments Sorel sont performants mais ne conviennent que pour les supports non poreux (pierre bleue, petit granit, calcaires denses,…)

-les coefficients de dilatation thermique et hydrique : les mortiers de ragréages doivent « travailler » de la même manière que leur support. Les ciments portland sont donc à éviter absolument.

-la texture et la composition chimique du support : le critère n’est pas primordial, mais détermine la manière dont le matériau va vieillir et se patiner ; il est généralement important que le support et le mortier de ragréage se patinent uniformément. Il n’y a pas de formule miracle : il faut se renseigner sur les applications antérieures (anciennes) du mortier proposé. Les mortiers « prêts à l’emploi » doivent pouvoir fournir des chantiers de référence.

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2.3. Les enduits

Un bon enduit doit :- être respirant et perméable à l’air et à la vapeur ;- être imperméable à l’eau ;- être moins rigide que son support ;- présenter des coefficients de dilatation proches de ceux de son support- être réversible, et donc peu adhérent pour pouvoir être retiré aisément- éventuellement présenter une inertie latente importante, si c’est un enduit intérieur.

A la lecture de ce cahier des charges, il apparaît immédiatement que le ciment portland est à proscrire pour les enduits, qu’ils soient intérieurs ou extérieurs.

2.3.1. Les enduits extérieurs

Les enduits extérieurs les plus durables et les plus performants sont réalisée par :

- des mortiers à la chaux légèrement hydraulique NHL-2 ;- des mortiers de ciment romain ou de ciment prompt ne comportant pas plus de 2

parts de sable pour 3 parts de liant ;- des mortiers de mélange ciment prompt/chaux NHL-2, ou autres ;- des mortiers à la chaux aérienne, mais ils sont plus difficiles à réussir du fait de

la lenteur de la prise.

La durée de vie de tels enduits correctement posés peut être de plusieurs siècles. Le fait qu’ils sonnent creux localement ne signifie nullement qu’ils soient en fin de vie. Il s’agit d’une évolution normale des enduits à la chaux, et les chutes liées à des décollements intempestifs ne sont généralement pas à craindre, sauf si l’enduit devient localement pulvérulent.

Les enduits au plâtre-chaux furent abondamment mis en œuvre dans la région parisienne. L’enduit se composait traditionnellement de 3 parts de plâtre grossier, de 2 parts de sable fin et d’une part de chaux aérienne. Facile à poser, il permettait de récupérer d’importantes irrégularités, autorisant sans problème des épaisseurs de 8 à 10 cm ! Il doit cependant être mis à l’abri de pluies trop abondantes, notamment par des corniches très saillantes. En effet, même si la grande porosité conférée par la chaux lui permet généralement d’absorber sans dommage les effets de la recristallisation du gypse mis en solution, il supporte mal l’humidité chronique. Une imperméabilisation superficielle, par un traitement au silicate de fluor (fluatation) ou au silicate de soude était souvent pratiquée. La pose d’une peinture traditionnelle, empêchant généralement la précipitation du gypse à la surface est totalement déconseillée.

L’addition de plâtre à la chaux hydraulique est à éviter : une réaction à long terme entre le plâtre et les composés alumineux de la chaux est toujours à craindre.

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L’argile peut être mise en œuvre comme enduit extérieur, mais un tel enduit doit être protégé de la pluie, et demande généralement un ragréage quasi annuel. Un mélange d’un sixième d’argile, d’un tiers de silt et d’une moitié de sable grossier donne les meilleurs résultats. Un chaulage régulier permet de lui assurer une bonne durabilité.

Les enduits au ciment portland, même bâtard, ne conviennent en aucun cas.

2.3.2. Les enduits intérieurs

Les enduits intérieurs les plus fréquemment mis en œuvre sont faits :- de plâtre pur- d’un mortier de chaux légèrement hydraulique, couvert d’une couche de finition

au plâtre pur.

Ces enduits sont durables et performants au niveau de l’inertie thermique latente.

L’argile devrait être remise à l’honneur pour ses très hautes performances en matière d’inertie latente.

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2.4. Les bétons

2.4.1. Les bétons non armés

Des bétons non armés ont été réalisés depuis les temps les plus reculés, mettant en œuvre tous les liants possibles.

Avant de procéder à la restauration de bétons historiques, il faut réaliser une analyse pétrographique et chimique poussée de la matière en place, ceci dans le but de la reproduire au mieux, et d’éviter une différence de comportement entre la matière en place et la matière nouvelle. La technique pourrait être réhabilitée, Des recherches sont actuellement effectuées sur des béton de terre stabilisés par une faible quantité de ciment portland, sur des bétons de chaux et de chaume, etc.

2.4.2. Les bétons armés

Un béton armé ne peut être réalisé qu’aux conditions suivantes :- la matière minérale doit avoir un coefficient de dilatation thermique proche de celui des

armatures ;- la matière minérale doit adhérer aux armatures- la matière minérale doit protéger les armatures de la corrosion- pour pouvoir tirer le meilleur parti des performances des armatures, la matière minérale

doit être la plus résistante et la plus rigide possible.

A la lecture de ce cahier des charges, on constate immédiatement que les chaux ne conviennent nullement pour la confection de bétons armés de fer ou d’acier et que le liant le plus performant est le ciment portland.En effet, le béton obtenu au départ du ciment portland- a un coefficient de dilatation thermique égal, voire supérieur à celui de l’acier ;- adhère parfaitement aux armatures en acier ;- développe un PH élevé, de l’ordre de 12 – 12,5, qui bloque la progression de la corrosion ;- développe une résistance et une rigidité exceptionnelle.

Les liants à chaux ne disposant d’aucune de ces qualités ne conviennent donc pas à la mise en œuvre de bétons armés.

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2.5. Les peintures et les durcisseurs

2.5.1. Les peintures

Tous les liants décrits conviennent à la fabrication de peintures minérales, mais il faut garder à l’esprit qu’une peinture minérale n’adhère que sur des supports minéraux, en aucun cas sur des supports organiques. Une façade peinte, ne fut ce qu’une seule fois, avec une peinture organique ne pourra plus jamais recevoir de traitement minéral, -sauf, exceptionnellement, des peintures « minérales » adjuvantées de liants organiques.

2.5.1.1 L’argileL’argile pure permet de produire des peintures lavables et résistantes à l’abrasion. Les peintures adhèrent sur les supports minéraux et sur les supports organiques poreux (bois, textile, papier, etc.). L’argile n’accepte que 5 à 8 % de pigments naturels. Au-delà de cette concentration, il faut prévoir une fixation (silicate) ultérieure.

2.5.1.2. Les chauxLes chaux hydrauliques conviennent autant que la chaux aérienne. Sur un enduit, on choisira une chaux identique à celle qui a servi pour monter le support.

La luminance de la chaux aérienne est supérieure à celle de la chaux hydraulique (Cl : 0,85 ; NHL : 0,75).La peinture peut être posée épaisse ou liquide : différents traitements peuvent être appliqués ; suivant le rapport volumique liant/eau. Ce rapport détermine également la quantité maximale de pigment (terre ou oxyde) qui peut être ajoutée au mélange. Le pourcentage indiqué dans le tableau correspond au rapport entre le poids des pigments et le poids des chaux

Type Rapport liant/eau Pourcentage de terre

PigmentOxyde

chaulage 1/1 / /badigeon 1/ 2 à 3 25 % 15 %eau forte 1/4 à 6 65 % 35 %

patine 1/10 à 20 95 % 55 %

En dehors de l’alun, qui aide à la carbonatation de la chaux, il n’existe pas d’adjuvants minéraux pour la chaux.

Le chaulage des charpentes et œuvres en bois a été anciennement pratiqué pour prévenir la ponte des insectes lignivores et la germination de spores de champignons.

Notons enfin que seul la chaux aérienne a, du fait de son pH élevé avant prise, en effet biocide important. Elle a de ce fait été abondamment utilisée pour assainir les murs et en éradiquer la vermine.

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2.5.1.3. Les cimentsSeul le ciment blanc est mis en œuvre sous forme de peinture. Les autres ciments ne présentent aucun intérêt dans le domaine.

2.5.1.4 Les silicatesLes silicates alcalins ou éthyles fournissent des peintures minérales durables et éprouvées. Ils ne peuvent être appliqués sur des supports imperméables.

2.5.2 Les durcisseurs

Tous les liants ne conviennent pas comme durcisseurs. Les ciments et les chaux hydrauliques se révèlent de mauvais durcisseurs, parce que les grains d’alite et de bélite qui les constituent sont, malgré leur finesse, trop gros pour être entraînés au sein de la matière par l’eau de gâchage. Ils restent à la surface pour y former une pellicule durcie. Il en est de même pour l’argile – malgré son extrême finesse ! – et pour les particules d’anhydrites du plâtre.

Seuls la chaux aérienne et les silicates peuvent se révéler efficaces.

Le succès de l’opération dépend également du support, qui doit être perméable au produit, et donc poreux et capillaire. Une pierre calcaire est généralement moins capillaire qu’un grès.

2.5.2.1 La chaux aérienneLa chaux aérienne – en solution dans l’eau de gâchage - peut être entraînée sous forme d’ions aussi loin que l’eau pénètre. La matière la plus active est bien sûr « l’eau de chaux », surnageant à la surface d’une pâte immergée. L’eau de chaux ne contient cependant que 1,7 gr/l de chaux. Pour être efficace, le traitement nécessite la répétition des applications. En répétant les applications, on augmente cependant le risque de voir remonter à la surface des sels solubles contenus dans le support. Si ces sels sont expansifs, ils risquent de détériorer la matière proche de la surface – celle qu’il s’agit précisément de consolider.

La solution peut être fournie par le produit vendu sous le nom de CaLoSil par la firme Freiberg. Le CaLoSil est une dispersion de chaux colloïdale dans une solution d’alcool. Il contient de 5 à 50 gr de chaux par litre. L’avantage du produit est double :

- chaque application introduit dans le support à durcir plus de matière active que l’eau de chaux ;

- l’alcool ne met pas un solution les sels éventuellement présent ; aucune migration n’est donc à craindre.

2.5.2.1. Les silicatesLe silicate d’éthyle est certainement le meilleur durcisseur que l’on puisse trouver sur le marché. Il a l’avantage, par rapport aux silicates de potasse et de soude, de ne pas introduire

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dans le support des matières qui peuvent réagir avec le souffre atmosphérique et engendrer des sels expansifs (arcanite K2SO4 et thénardite Na2SO4).

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2.5.3. Les Hydrofuges

En matière d’hydrofugation, les matières organiques sont plus performantes que les matières minérales.

Il ne faut cependant pas négliger les propriétés des chaux et des ciments : un badigeon freine fortement la pénétration de l’eau dans le support, tout en étant beaucoup plus perméable à la vapeur qu’un hydrofuge organique.

La chaux aérienne fournit l’hydrofuge minéral le plus performant.

Les silicates n’ont aucun effet en la matière, mais le silicate d’éthyle a des propriétés hydrofuges considérables avant d’avoir fait prise. Il faut donc respecter un délai de quelques semaines entre l’application d’un silicate d’éthyle et d’un traitement à base de liant minéral.

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IV. Les mécanismes de dégradation des liants

1.— Le plâtre :

Trempé dans un volume d’eau, un bloc de plâtre durci CaSO4.2H2O va se dissoudre à raison de 2 gr. par litre. Après saturation, si l’eau n’est pas renouvelée ou ne s’évapore pas, il ne se passera plus rien.

Par contre si l’eau est sans cesse renouvelée, le plâtre subira un délavage et fondra littéralement sous l’effet de la circulation de l’eau.

Si la circulation s’arrête et si une évaporation se produit, les ions Ca++et SO4—en solution dans l’eau cristalliseront dès que le niveau de saturation sera atteint. Ils fixeront deux molécules H2O et formeront des efflorescences en surface, ou engendreront des pressions internes si la cristallisation se fait dans le matériau.

Un cycle répété imprégnation-assèchement provoque très rapidement la dégradation du plâtre par perte de cohésion interne.

Le plâtre humide peut également être dégradé par des micro-organismes (bactéries) relevant du cycle du souffre.

2.— La chaux :

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Les mortiers et les enduits de chaux ont une composition et une texture analogue à celles d’un grès calcareux, et vont dès lors subir des mécanismes de dégradation semblables à ceux de la pierre. La très grande porosité des mortiers de chaux aérienne facilite leur délavage par l’eau de pluie.

3.— Le ciment :

3.a. : Les mortiers et bétons.

Les mortiers de ciments sont compacts et faiblement poreux. Leurs constituants – les aluminosilicates hydratés - sont pour l’essentiel insolubles dans l’eau, mais certains d’entre eux sont sensibles à l’action des acides.(CO2, SO3). Seule la chaux hydraté (Ca(OH)2 que contient le ciment ayant fait prise peut être dissoute par l’eau qui circule à l’intérieur des fissures et microfissures des matériaux. L’évaporation de l’eau à la sortie du matériau entraîne la précipitation de la chaux sous forme de concrétions de calcite (CaCO3) :stalactites, voiles, boursouflures, etc…

La faible porosité des mortiers les protège relativement bien de l’attaque des polluants aériens (CO2, SO3). Ils sont cependant rapidement détruits s’ils sont mis en contact avec du plâtre humide (formation d’ettringite ou sel de Candlot avec C3A).

3CaO.Al2O3 + 3(CaSO4.2H2O) + 25H2O → 3CaO.Al2O3.3CaSO4.31H2O

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3.b. : Le béton armé.

Le béton est un matériau composite, associant des armatures en acier et un béton minéral. L’assemblage se détruit si l’un ou l’autre de ses composants se désagrège. Dans le béton armé, l’élément le plus fragile est généralement l’acier.

A ) La carbonatation.

Lors de la prise du ciment, la transformation des silicates bi- et tricalciques en tobermorite libère une quantité de chaux hydratée.

3CaO.SiO2 + 2CaO.SiO2 + xH2O → 3CaO.2SiO2.3H2O + yCa(OH)2

Au contact du gaz carbonique, la chaux hydratée se transforme en calcite :

Ca(OH)2 + CO2 → CaCO3

Cette réaction se fait sans dommage pour le béton en place et sans affecter sa résistance. La résistance mécanique de la matière en est même parfois sensiblement augmentée.

La réaction modifie par contre fortement l’état acido-basique de la matière. La chaux hydratée est en effet une base forte, qui se neutralise sous l’action du gaz carbonique : le PH de Ca(OH)2 est de 12,5, et tombe à 8-7 pour le CaCO3. Ce phénomène entraîne vers le bas le PH de l’ensemble du béton, qui, en dessous de la valeur de 9, n’assure plus la passivation des armatures métalliques.

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Bruxelles : tour de l’église St Augustin avant restauration.

Du fait de la faible porosité ouverte du béton (entre 10 et 20%) la carbonatation est relativement lente. Elle progresse rapidement à proximité de la surface pour ralentir ensuite : la migration possible du gaz carbonique y devient de plus en plus difficile.

Cette migration est en outre bloquée par la présence d’eau : un béton plongé en permanence dans l’eau ne subit pas le phénomène de carbonatation. On observe que les surfaces régulièrement battues par la pluie subissent moins le phénomène que les surfaces protégées de la pluie.

Dans un béton exposé à l’air, on observe donc la progression d’un « front de carbonatation », partant des surfaces exposées à l’air et caractérisée par une brusque élévation du PH à la transition entre le béton affecté et le béton sain.

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Lorsque le front de carbonatation atteint ou dépasse le niveau des armatures, celle-ci peuvent s’oxyder.

L’oxyde de fer étant particulièrement expansif, la rouille peut provoquer la fissuration du béton de surface et à terme l’éclatement de celui-ci.

• La corrosion de l’acier :

Le fer se corrode en milieu aqueux, au contact de l’oxygène. La première étape de la corrosion de l’acier est une réaction électrochimique de type :

Fe → Fe++ + 2 e-

Accompagnée d’une réaction de neutralisation des électrons :

H2O + 1/2O2 + 2 e- → 2OH-

Le fer précipite dès lors sous la forme d’hydroxyde ferreux Fe(OH)2, qui s’oxyde ensuite en oxydes ferriques hydratés : la goethite (FeO.OH) et la limonite FeO(OH)nH2O.

Ces oxydes cristallisent dans le système orthorhombique et peuvent former une couche solide qui protège le métal en ralentissant la vitesse de corrosion.

- Dans un milieu fortement alcalin (PH > 9), la précipitation de la goethite empêche la réaction de continuer et protège le métal contre toute corrosion ultérieure : le métal est passivé.

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- Lorsque le milieu perd son alcalinité, la corrosion peut se poursuivre par dissolution de la couche d’oxyde, qui se transforme en limonite amorphe (FeO(OH)nH2O ou Fe2O3.nH2O). La limonite amorphe est très expansive, ce qui entraîne la fissuration du béton et favorise la pénétration de l’eau. Le volume de la rouille peut atteindre 10 à 20 fois le volume de l’acier initial.

- Les oxydes -hématite Fe2O3 et magnétite Fe3O4- cristallisent respectivement dans les systèmes rhomboédrique et cubique, et ne sont pas expansifs

Il faut rappeler que la corrosion du fer ne peut avoir lieu qu’en présence d’une eau chronique. La corrosion n’est pas un phénomène instantané. La durée de l’exposition du métal à l’eau dépend essentiellement du caractère acide de l’eau et de l’alliage du métal. Certains aciers fortement alliés se corrodent très rapidement, alors que d’autres, placés dans les mêmes conditions, ne se corrodent jamais (acier « inox »)

Ce phénomène est connu de longue date : c’est pour des raisons de durabilité qu’Eiffel préférait construire ses ouvrages en fer puddlé plutôt qu’en acier. Certaines fontes de fer nécessitent une exposition très longue avant de se corroder de manière significative. C’est ce qui explique que les plaques d’égout ne rouillent pas : la pluie ne dure jamais assez longtemps. L’on a même produit avec succès des tuiles en fonte, qui se sont révélées d’une durabilité exemplaire !

La corrosion peut être également accélérée ou ralentie par le potentiel électrique auquel est soumise la pièce de fer.

Le diagramme de Pourbaix ci-dessous, donne les activités des espèces ioniques en solution, 10-6 mol / l en fonction du PH du mélange et de son potentiel électrique.2

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B ) La chloruration.

Les chlorures (NaCl, CaCl2) ont une action corrosive sur les armatures. Ils peuvent, même en l’absence de carbonatation, provoquer la rouille expansive de l’acier en contact avec l’eau, et entraîner la destruction du béton d’enrobage.

Les chlorures peuvent avoir principalement deux origines :

- l’adjonction de CaCl2 lors de la mise en œuvre du béton, de manière à accélérer la prise ou éviter les effets du gel. Cette « technique » n’est plus appliquée, mais elle a pu l’être dans des bâtiments anciens.

- le sel de déverglaçage des routes qui peut entraîner, par percolation, des dégâts aux ouvrages d’arts (pont, viaducs…) ou aux structures en contact avec la circulation automobile (parking à étages…).

C ) Mauvaise mise en œuvre :

La dégradation dénaturée du béton peut également provenir d’une mauvaise mise en œuvre, notamment :

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- Mauvais mélange E / C :

- Mauvaise qualité du ciment : Le ciment peut être de mauvaise qualité et contenir des teneurs parfois élevées de CaO et de MgO.

Le CaO s’hydrate rapidement, le MgO très lentement. Tout deux provoquent, par hydratation, des gonflements importants dans un ouvrage qui a déjà fait prise.

- Impuretés contenues dans les agrégats :

- Sulfates (gypse, anhydrite ou pyrite) qui provoquent une expansion (sel de Candlot). L’eau de gâchage peut également contenir des sulfates.

- Matières organiques : perturbent la prise et le durcissement ; diminuent également l’adhérence entre la pâte de CP et les agrégats.

- Roches réactives : certaines pierres de silice colloïdale ou microscristalline, telles que opale, calcédoine,… provoquent une expansion tardive en réagissant avec les alcalis du ciment. Il y a formation de verre soluble qui, sous forme gélatineuse, migre dans la masse du béton. Sous l’effet de pressions internes d’origine osmotique, le béton gonfle, se fissure et perd toute cohésion.

- Certains verres : plots, carreaux,… sont aussi réactifs. Les surfaces de verre peuvent être protégées par une membrane étanche.

- Mauvais compactage

- Mauvaise position des armatures

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Glossaire de minéralogie et de chimie

Anglésite PbSO4

Akermanite 2CaO.Mg7O.2SiO2

Alcalis K2O, Na2O, CaOAlcool éthylique CH3CH2OHAlite R 3CaO.SiO2 rhomboédriqueAlite M 3CaO.SiO2 monocliniqueAlite T 3CaO.SiO2 tricliniqueAluminate RAlOx

Alumine Al2O3

Alun KAl(H4SO6)2.8H2OAmmoniac NH3

Ammoniaque NH4OHAmmonium NH4+

Anhydrite CaSO4 Arcanite K2SO4 Argile xAl2O3.ySiO2.zFe2O3.nH2O, particules < 4 µmBassanite CaSO4.1/2 H2OBélite α 2CAO.SiO2 tricliniqueBélite α 2CAO.SiO2 monocliniqueBélite β 2CAO.SiO2 monocliniqueBélite γ 2 CAO.SiO2 orthorhombiqueBoehmite AlO(OH)Borax Na2B4O7.10H2OBrownmillérite 4CaO.Al2O3.FeO3

Brucite Mg(OH)2

Calcite CaCO3

Carbonate R.CO3

Célite 3CaO.Al2O3

Céruse 2PbCO3.Pb(OH)2

Cérusite PbCO3

Chaux CaOChaux hydratée Ca(OH)2

Chlorure R.ClChrysocolle CuSiO3.nH2OCristobalite SiO2 quadratiqueDiaspore Al(OH)3 orthorhombiqueDittmarite MgNH4PO4H2ODolomite CaMg(CO3)2

Epsomite MgSO4.7H2OEttringite 3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O

Page 137: Les liants

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Gehlénite 2CaO.Al2O3.SiO2

Gibbsite Al(OH)3 monocliniqueGoslarite ZnSO4.7H2OGypse CaSO4.2H2OHalite NaClHalloysite Al4Si4O10(OH)8.4H2OHopeïte Zn3(PO4)2.4H2OHydromagnésite MgO.3MgCO3.4H2OHydrosodalite Na2O.2SiO2Al2O3.nH2OIllite KAl3Si3O10(OH)2

Kaolin Al2Si2O5(OH)4

Kaolinite Al2Si2O5(OH))4 ou Al2O3.2SiO2.2H2OKiesérite MgSO4.H2OKernite Na2B4O7.4H2OLitharge PbOMagnésie MgO ou Mg(OH)2

Magnésite MgCO3

Merwinite 3CaO.MgO.2SiO2

Montmorillonite NaMgAl5Si12O30(OH)6

Natron Na2CO3

Opale SiO2.nH2OPériclase MgOPhosphate R.HnPO4

Phosphorique (acide) H3PO4

Portlandite Ca(OH)2

Potasse K2O-KOHPotasse (carbonatée) K2CO3

Propanol CH3-CH2-CH2OH, ou CH3-CHOH-CH3

Pyromorphite Pb5P3O12.ClQuartz SiO2 rhomboédriqueRankinite 3CaO.2SiO2

Sable SiO2 , grains > 62 µm Schertélite Mg(NH4)2(HPO4)2.4H2OSilicate RSiOx

Silice SiO2

Silt SiO2 , xAl2O3.yAl2O3.zFe2O3.nH2O , 4 µm < particules < 62 µmSoude Na2O, Na(OH)Smithsonite ZnCO3

Sphalérite (blende) ZnSSulfate R.SO4

Struvite MgNH4PO4.6H2OSylvite KClTetrachlorure R.Cl4

Page 138: Les liants

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Thénardite Na2SO4

Tobermorite α n CaO.2SiO2.mH2O 0,5 < n < 1

Tobermorite β n CaO.2SiO2.mH2O 1 < n < 1,5

Tobermorite γ n CaO.2SiO2.mH2O 1,5 < n < 2Tridymite SiO2 monocliniqueTurquoise CuAl6P4O16(OH)84H2OWollastonite CaO.SiO2

Zincite ZnO

Page 139: Les liants

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Table des matières

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