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LES LÉGENDES SAINTES DE PROVENCE ET LE MARTYROLOGE D'ARLES—TOULON (vers 1120) Les traditions provençales actuelles revendiquent la venue par mer à Marseille de Maximin, l'un des 72 disciples du Sau- veur, de Marie - Magdeleine la pénitente et de Lazare le ressus- cité, suivis de leur soeur Marthe, des Maries Jacobé et Salomé, des servantes Marcelle et Sara et de Sidoine l'aveugle - né. Le culte de ces saintes et saints vénérés respectivement les 19 janvier, 9 avril, 8 juin, 22, 29 juillet, 23 août, 17, 22 octo- bre et 17 décembre provient, ainsi établi, des diocèses d'Arles, de Marseille, d'Aix et d'Avignon. D'après cette croyance, La- zare est le premier évêque de Marseille, Maximin et Sidoine sont les deux premiers évêques d'Aix: de plus, les corps de la Magdeleine, de Maximin et de Sidoine se trouvent à Saint- Maximin, celui de Marthe à Tarascon, ceux des Maries Jacobé et Salomé aux Saintes de Camargue. Depuis longtemps, la question est de savoir si ces traditions sont conformes à la vérité historique, autant que cette vérité peut être connue. En dehors des sources historiques proprement dites 4ui sont très rares, quand elles ne font pas défaut, l'attention des histo- riens ne s'est peut-être pas assez portée sur les livres litur- giques et spécialement sur les martyrologes régionaux afin de voir s'il serait possible d'en tirer des faits précis. Les archives 2 Document il 1 Il Il III l 111 ^^ 0000005607648

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LES LÉGENDES SAINTES DE PROVENCE

ET LE MARTYROLOGE D'ARLES—TOULON

(vers 1120)

Les traditions provençales actuelles revendiquent la venuepar mer à Marseille de Maximin, l'un des 72 disciples du Sau-veur, de Marie-Magdeleine la pénitente et de Lazare le ressus-cité, suivis de leur soeur Marthe, des Maries Jacobé et Salomé,des servantes Marcelle et Sara et de Sidoine l'aveugle -né.

Le culte de ces saintes et saints vénérés respectivement les19 janvier, 9 avril, 8 juin, 22, 29 juillet, 23 août, 17, 22 octo-bre et 17 décembre provient, ainsi établi, des diocèses d'Arles,de Marseille, d'Aix et d'Avignon. D'après cette croyance, La-zare est le premier évêque de Marseille, Maximin et Sidoinesont les deux premiers évêques d'Aix: de plus, les corps de laMagdeleine, de Maximin et de Sidoine se trouvent à Saint-Maximin, celui de Marthe à Tarascon, ceux des Maries Jacobéet Salomé aux Saintes de Camargue.

Depuis longtemps, la question est de savoir si ces traditionssont conformes à la vérité historique, autant que cette véritépeut être connue.

En dehors des sources historiques proprement dites 4ui sonttrès rares, quand elles ne font pas défaut, l'attention des histo-riens ne s'est peut-être pas assez portée sur les livres litur-giques et spécialement sur les martyrologes régionaux afin devoir s'il serait possible d'en tirer des faits précis. Les archives

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Document

il 1Il Il IIIl111 ^^0000005607648

468LES LÉGENDES SAINTES DE PROVENCE

ecclésiastiques remontant, en général, au X8 siècle, cc sont lesdocuments d'ordre diplomatique fournis par elles qu'ils ont sur-tout cherché à utiliser. Quand ils l'ont fait, ils n'ont pas toujourspris garde à la nécessité, pour la critique diplomatique, de sé-parer très distinctement les documents en deux catégories: sui-vant qu'il subsistent en originaux reconnus authentiques ou que,perdus, ils sont simplement contenus dans des transcriptions-postérieures, plus ou moins dignes de foi. Quelquefois, l'obser-vation de cette règle empêche de tomber dans l'erreur; il s'agitdu cas où la comparaison des deux séries de documents ainsiconstituées fait constater que la teneur de ceux de la secondeprésente une différence constante, sinon une contradiction for-melle, avec les résultats incontestables fournis par l'examen deceux de la première, c'est-à-dire des originaux. Dans ce cas, laprudence commande de s'en tenir aux originaux et de n'user destranscriptions postérieures qu'avec circonspection, jusqu'au mo-ment où il sera possible d'en démontrer exactement l'interpo-lation ou le caractère complètement apocryphe.

Par exemple, en ce qui concerne Maximin, Magdeleine etLazare, la règle précédente devrait être appliquée aux actes di-plomatiques fournis pour appuyer la tradition.

En effet, tout d'abord, en parcourant les 120 pièces justi-ficatives fournies par le Gailia G/tristiona novsszma pour lediocèse d'Aix, la première impression est que cette tradition setrouve admise, entièrement, dès l'épiscopat de Rostaing de Fos,c'est-à-dire avant la fin du XI siècle, puis, qu'elle est accueillie,d'une manière indiscutable, par Pascal II le 28 mars 1102 etqu'il en est encore fait une ment

ion explicite, le 7 août 1103.

Mais, par contre, il faut reconnaître que d'autres documents lapassent absolument sous silence: notamment l'acte très autiien-tique de l'arclievque Pierre Uaufridi, ancien moine de St Vic-tor, par lequel ce prélat, à la demande du prévôt Benoît, aug-

7 ET LE MARTYROLOGE D'ARLES-TOULON.469

mente considérablement les concessions de son prédécesseur Ros-taing et constitue définitivement la mense du chapitre de sonéglise cathédrale dédiée à Notre Dame, de l'oratoire

SI Sauveur

et (lu baptistère St Jean. Cet acte important se place entre lesannées 1082 et 1101. 11 en est de même du concile provincialtenu à Aix en 1112 par l'archevêque et ses suffragants dansl'église Notre Dame, des privilèges concédés à l'église d'Aix parAlexandre 111(21 juin 1175), Urbain III (28 octobre 1186), Cèles-tin III (18 mai 1191) et enfin (lit d'Ildefonse (mars 1185):tons ces documents d'importance capitale sont muets. A la vé-rité, les privilèges apostoliques énumèrent, parmi les biens dela mense canoniale et ait ou 4 e rang, une église de St Maxi-mm, mais comme ils énumèrent plus loin celle de St Mitre, parmiprès de cent autres, sans indiquer que la légende du 1 sièclefût reçue. Le contre-scel de l'archevêque Gui de Fos (1186-1212) est la preuve indiscutable que S t Maximin était considérécomme un ancien évèque d'Aix et qu'il était le patron de sonéglise cathédrale; mais il ne peut faire connaître l'époque desa vie et n'est pas une preuve que la légende du l er siècle fûtreçue. En résumé, trois documents de la fin du XI" et du débutdu XlIe siècle expriment la légende; tous les autres, d'une im-portance au moins égale comme substance, la passent sous si-lence. L'attention se porte ainsi plus spécialement sur les troispremiers. Le document le plus ancien, d'ordre diplomatique, quifixe expressément la légende (le Maximin, Magdeleiiie et Lazarest donc le mandement de l'évêque d'Aix Rostaing de Fos et

du prévôt de son église Benoît sollicitant les aumônes des fi-dèles pour mener à bien la reconstruction, sur un plan beau-coup plus vaste, de l'église du Sauveur d'Aix dont l'étroitesseétait telle que dix hommes à peine pouvaient y prier. Ce mande-ment sans date ni souscriptions devrait se placer entre les années1056 et 1082. Mais il suffit de le lire pour remarquer combien sa

470LES LÉGENDES SAINTES DE PROVEXCE 8

rédaction est singulière: en admettre l'authenticité paraît diffi-

cile; les noms de l'évêque 1-lostaing et du prévôt Benoît qui y

figurent se retrouvent dans l'acte postérieur très authentique

par lequel l'archevêque Pierre Gaufridi constitue la mense ca-

noniale. L'hypothèse la plus vraisemblable est que le mande-

nient suspect de Rostaing est un acte apocryphe forgé en partie

sur celui de Pierre Gaufridi et lui empruntant les deux noms

d'évêque et de prévôt qu'il emploie. C'est le moment de re-

marquer que, par un hasard bien singulier, tandis que les pri-

vilèges apostoliques de 1175, 1186, 1191 et le précepte comtal

de 1185 - tandis, en im mot, que les actes muets sur la lé-

gende - sont encore conservés en ori ginaux, par contre le

mandement suspect de Rostaing de Fos, le privilè ge de Pas-

cal II concédant le pallium à Pierre III, archevêque d'Aix le

28 mars 1102 et la consécration de l'église nouvelle de St Sau-

veur placée entre l'ancienne église N. D. et le baptistère St Jean

à la date du 7 août 1103, - c'est-à-dire les trois actes qui seuls,

mentionnent la légende de S I Maximin et Ste Magdeleine -, par

une fatalité déplorable, n'existent plus qu'à l'état de transcrip-

tions postérieures. A la vérité, les textes du privilège de Pascal II

et de la consécration de 1103, bien différents de celui du man-

(lenient de Rostaing, paraissent authentiques dans leur ensemble,

qui est correct: mais rien n'empêche, a priori, que les phrases

ou membres de phrases relatives aux saints provençaux aient

été interpolés dans les transcriptions actuellement connues de

ces deux actes.

La conclusion est donc que si on examine les 17 pièces an-

térieures au XIII' siècle fournies par le Gallia (Jhristiana no-vissima pour Péglise d'Aix et que si on les divise en deux classes

suivant que leurs originaux sont conservés on non, il y a lieu

de remarquer que tous les originaux sont muets, que, d'autre

part, trois actes existant en copies mentionnent la légende. L'un

9 ET LE MARTYROLOGE D'ARLES-TOULON.471

d'eux, de la seconde moitié du XI' siècle,paraît très probablementapocryphe et forgé, en partie, sur un acte authentique posté-rieur; les deux autres, qui datent du début du XIP siècle, sonttrès probablement authentiques, mais il se peut que la légendey ait été interpolée après coup.

Voilà quels sont les résultats fournis par les documentsd'ordre diplomatique et il faut, en conséquence, manier avecprudence les textes dont les originaux n'existent plus. Mais s'entenir à eux serait insuffisant; les martyrologes n'ont pas tousdisparu, notamment et par ordre de date ceux d'Avignon, d'Ar-les et d'Aix subsistent, d'autant plus précieux que ce sont desoriginaux. Or, ces manuscrits composés expressément pour leschapitres des églises cathédrales ont, par eux-mêmes, un caractèretout aussi officiel que les actes d'ordre diplomatique émanés deschancelleries épiscopales ou capitulaires.

Eu attendant de présenter une étude complète de ces troismartyrologes - qu'il est intéressant de comparer, car le 1e estdu X[°, le 2 e du XII ,, et le 3e du XIID siècle (1) -, il faut ence moment décrire le manuscrit de la Reine Christine qui con-serve l'exemplaire du martyrologe primatial d'Arles à l'usagede l'église cathédrale suffragante de Toulon, puis faire quelquesconstatations sur son contenu, notamment en ce qui concerne leslégendes saintes de Provence. Ce sera un contrôle à peu prèscontemporain du privilège de Pascal II et de la consécration deSt Sauveur d'Aix.

Le Ms. Reg. lat. 540 de la Bibliothèque Vaticane porte audos de sa reliure en maroquin rouge, les pignatte des Pigna-telli qui la datent d'innocent XII (12 juillet 1691-27 septem-bre 1700). 11 se compose, actuellement, de 187 if. en parchemin

(1) L'édition des parties originales du martyrologe de Toulon seprépare, en particulier, depuis le 19 décembre 1896 et sera bientôtprête h paraître.

472LES LÉGENDES SAINTES DE PROVENCE 10

assez fort, auxquels 4 autres ont été ajoutés au XV e siècle:ce qui en porte le nombre à 191. Ces 191 if. forment 25 cahiers;le ler ne compte plus que 6 if., le 24es qui termina d'abord lemanuscrit, en a seulement S (if. 183-187), et le 25 e, de qua-lité très inférieure, n'en compte que 4. Les 23 premiers sont si-gnés, en général à l'encre noire, quelquefois à l'encre rouge(n III, XIII, Xliii, XVII, XVIII, XVIIII, XXI, XXII, XXIII)par exception, les cahiers 1, 10 et 20 ne le sont pas; quantau 12 f', il devait l'être, mais la signature a été effacée.

Une première numérotation, du XVC siècle, part du r s y"jusqu'au f° 29 y0 (1-XXII) pour passer au f0 30 r° jusqu'auf0 158 r° (XXIII-CL); cette numérotation n été continuée auXVIe siècle du fb 159 r° jusqu'au t Il 182 o (CXLIV-CLXXI).

Une seconde numérotation, de la le moitié du XVIIO siècleet dont les caractères offrent quelque analogie avec ceux quimarquent la cote des mss. de la bibliothèque de Paul Petau,part du î 1 r° et s'arrête au f" 33 r°, où elle cesse pour adoptervraisemblablement la première qui ne différait que d'une unité.Dans cette seconde numérotation les if. 1-4 actuels sont lesif. 2-5, et les if. 5-33 actuels sont les if. 7-35.

Comme la troisième numérotation actuelle 1-191, date éga-lement du XVII siècle, il s'ensuit que les if. primitifs 1 et 6 dumanuscrit ont disparu pendant ce siècle.

Sur le f° 1 r° actuel, les deux mentions suivantes:

numero 308. N. Pet.1656

volumen CCCVIII 11011 Petaviaiiuniniartyrologiuin Àntiquuiu quod fuitEcclesiae Catiiedralis T 1

Par conséquent, la disparition des if. 1 et G, n eu lieu avant1656, date du récolement des mss. de la Reine qui ne prove-

11ET LE MARTYROLOGE D'ARLES-TOULON.478

naient pas des Petan, et alors, par une erreur résultant de ladisparition du f0 I primitif où se trouvait probablement la cotede Petau, le bibliothécaire de la Reine crut qu'il ne lui avaitpas appartenu. Cette erreur est évidente, car l'identification du-Ms. Reg. lat. 540 actuel avec un manuscrit de Petau s'impose,si l'on consulte les catalogues anciens de la Bibliothèque de laReine.

D'abord, à la date du 11 octobre 1655, on peut relever lamention suivante dans le catalogue dressé à Anvers par Isaac\Tossius des manuscrits qu'il avait achetés d'Alexandre Petaupour la Reine (1) et qui se trouvaient alors rangés en 7 cais-ses (A-G):

Catalogus librorum manuscriptoruin Serenissimœ ChristinaReginœ Suecia qui Antuerpia reperiuntur.

Alii tractatus Ilistorioe sacra.

Martyrologium antiquom. 139, 1257, 1258

Et hujus quoque catalogi Bibliothecœ Serenissin D. Chri-stinœ usque ad jiumerum pa ginie 232 qui continet librosquns a Petavio Senatore Pansus emi, quique in varus re-clusi sunt capsis rationem nie redditurum polliceor, qui hacmanu mea signavi.

Antuerpie, XI octobris 1655.Isaacus Vossius

Ce martyroiogium antiqu.um se trouve, ensuite, au nombredes 2145 mss. de la Reine dont Lue Hoistenius accuse réception

(1) BibI. Vat. Ms. Vat. lat. 8171. Index par ordre de matières desmanuscrits (if. 1-232). Tous ne sont pas suivis d'un chiffre de cote,ou bien, quelquefois, les cotes sont postérieures, mais en ce qui con-cerne le martyrologium 'intiquum (f0 108) il est facile de se rendrecompte que le n° 139 est de la main même de Vossius. Cette remarqueest essentielle.

474LES LÉGENDES SAINTES DE PROVENCE

Rome le 13 avril 1660 (1). Enfin, le 27 octobre 1690, il

figure encore dans Je Catalogue des 2111 mss. de la Reine

acquis par Alexandre VIII et parmi ceux versés à la Biblio-

thèque Vaticane; le Préfet de la Bibliothèque, Schelstrate, l'iden-tifie avec le martyrologe de Toulon (2):

La Santita di Nostro Signore Alessandro VIII, havendo conil proprio (lenaro couiparata la lil)raria della Regina diSuetia, lia donato alla libraria Vaticana gli Codici niano-scritt,i ..........in fede di die ho sottoscritto iLnome proprio, questo di 27 ottobre 1690.

Ernanuel a Sehelstrate,Primus Custos Bibliot. Vaticaii.

Libri manoscripti

139. Martyrologium Eeclesia Tolensis in 4U0 varia reshistorie insertip sunt.

C'est ce no 1:39 qui est mis précisement, après coup, eumarge de l'un des 'ucirfyrologia antiqua possédés par Petati,dans le catalogue de sa bibliothèque dressé les 3 et 4 mai1645 (3).

Pendant que ce nianuscrjt de Petau, acquis par la Reine

Christine et porté, par conséquent, avant le il octobre 1155,

de Paris à Anvers, se trouvait encore dans les Pays-Bas, il fut

consulté par le P. Godefroy Henischeiiius à propos des Saintsde Brescia et en particulier des SS. Faustin et .Jovite. Le pas-

(1) Bibi. Vat. Ms. Vat. lat. 8171, f0 232 y0, et Ms. Vat. lat. 776t,f0 1, f0 117v0.

(2) Bibi. Vat. Ms. Vat. lat. 7188, f0 38 r° et f0 43 y0.(3) Bibliotlieca Bibliothecarnm manuscrip€oreenl nova.., de Mont-

faucon, t. 1. J'arisiis MDCCXXXJX. Le catalogue des manuscritsd'Alexandre I'otaa dressé les B et 4 mai 1646 se trouve aux pp. 61-9Get, en particulier, la mention des martyrologes anciens qu'il possédaith la p. 79. Les numéros mis en marge ne sont pas ceux de Pet au, ilsdatent de la Reine et sont, par conséquent, l'indication d'un récole-ment postérieur, fait après qu'elle en eût pris possession.

13 ET LE MARTVROLO(E D 'ÀRIE TOULON.475

sage suivant du t. 2 de février des Acta Sanctormu paru en

16(1) est à citer:

Est idem Adonis martyrologium inter libros Mss. Serenis-simm Christine Reginm Suecim quod fuit olini Eccleshe Te-lonensis in Provincia ejusque aliquos Episcopos alibi iguotosin priorihus fouis suggerit: ac multa per totum annum deSanctis Brixianis et ad huile XV Februarii illustre horummartyruni elogium ex uberiore aliquaVita quam modo ha-beamus profert, cum bac conclusione: " quorum missa ha-betur in Gelasio solummodo (2).

Soixante ans plus tard, les passages du martyrologe del'union relatifs aux Saints de Brescia furent relevés de nouveaupar les bibliothécaires de la Vaticane et leur transcription certifie,à in date du 30 juin 1718, qu'il ne portait plus alors le n' 139mais le n° 435 (3). Ce numéro 435, en 1745, était devenu celuidu martyrologe de Ste Colombe de Sens (4): et le martyrologe

de Toulon reçut finalement le ji° 540 qu'il porte dans le cata-logue actuel du fonds latin de la Reine dont la rédaction estpostérieure au 16 décembre 1731 (5).

En résumé, le martyrologe de Toulon a successivementfait partie de la Bibliothèque de Petau, avec une cote in-connue, puis en 1655 de la Bibliothèque de la Reine Christine

(1) Ce volume était prêt k être imprimé, k Anvers le 3 avril 1657,comme en témoigne la Facultas Superiorum, délivrée k cette date'

(2) Acta SS. ed. novissima (Palmé) februarii t. 2 (XV februariip. 807, n° 6.

(3) Brixia sacra. Pontificum brixianorum series.... J. H. Grado-nici. Brixiœ, MDCCLV, P. xlvi.

(4) Maïtyrologinni Adonis... opera... Dominici Georyii ... Parsprima. Rornœ MDCCXL V. L'auteur dit aux pp. 19 et 21: « rnarty-rotogium sanctœ Columbœ soeculi iX, in Bibliotlzeca Reginœ ,Sueco-rum, nO 435, a Bollandianis tom. VII mensis junii edituin ». (Voirle texte de ce Martyrologe de Si- Colombe: Acta SS. Junii, t. VI,

Palmé, pp. 818-827).(5) La composition du ms. Reg. 2007 qui y est porté le prouve.

476LES LÉGENDES SAINTES DE PROVENCE 14

avec le n° 139, comme provenant de Petau, puis en 1656 avecle n° 308, par erreur, comme n'en provenant pas, enfin de laBibliothèque Vaticane, au fonds (le la Reine, avec les n suc-cessifs 139, 435 et 40.

Au point de vue du texte, ce manuscr i t qui mesure, enmoyenne, 255 mm de large sur 385 - 11, de haut, se compose, chronologiquement, de quatre éléments.

A. Les if. 1-187 sont d'une seule main, qui paléographique-ment, paraît être de la fin du XI" ou du début du X1l° siècle:

4 y0. Le Calendrier où manquent les deux premierset les deux derniers mois disparus avec lesif. primitifs 1 et 6 dans la première moitié duXVIIC siècle:Procedunt duplices in martia tempora pisces.Kalendas Marti.

que precedit XV kalendas deceniber.2° if. 5 y0 - 6 r". Deux tableaux relatifs an comput de l'année

lunaire, le premier pour les lunes pleines, lesecond pour les lunes caves, valables pour cha-cune des années du cycle de 19 ans et desépactes.

30 if. 6 y0 - 7 y0 Notions de comput relatives aux mois, aux ré-guliers solaires qui commencent en mars, auxconcurrents calculés au 24 mars, aux épactescalculées au 22 mars, aux réguliers lunairesqui commencent en septembre selon l'usageégyptien, aux clefs des cinq fêtes mobiles (Sep-tuagésime, Quadragésime, Pâques, Rogations etPentecôte), aux termes de ces fêtes, au cycle de19 années lunaires dont 12 communes et 7 em-bolismiques (la lune embolismique de la 36 nais-saut, selon l'usage romain au 2 décembre, cellesde la 6 au 2 septembre, de ]-a au 6 mars,de la ii 6 au 4 décembre, de la 146 au 2 no-

15ET LE MARTYROLOGE D'ARLES-TOLLOX. 477

vembre, de la 176 au 2 août et de la 1 au6 mars) (1), enfin à la longueur des années solai-res et lunaires:Januarius, Augustus et Deceniber .......

et finit idus aprelis.

D'après les réguliers solaires, il est visible que le martyro-loge fait commencer l'année lunaire en mars, c'est-à-dire en re-tard sur le premier janvier; d'après les réguliers lunaires, il faitcommencer l'année solaire en septembre, c'est-à-dire en avancesur le premier janvier (2).

L'indication relative au début de l'année lunaire fournie parles réguliers solaires est précisée P le dernier paragraphe (3)

De annis solaribus et communibus atque embolismis.Annus solaris habet dies CCCLXV.Annus communis habet dies CCCLIIII.Annus embolismus habet dies CCCLXXXIILI.Pritnus annus communis incipit a XV kalendas mai et finitimnis aprelis.Secundus annus conimunis incipit nonis aprelis et finit VIIIkalendus aprelis.Tercius annus embolisuins incipit VIII (4) kalendas aprelis etfinit idibus aprelis.

II en résulte que le début de l'année lunaire est pris auterme pascal, c'est-à-dire au 14e jour de la lune de Pâques,

(1) Bedœ, De Temporum ratione, cap. XL V. (Patr. lat., t. XC,col. 487-488).

(2) Aunus solaris vel civilis est dum sol CCCLXV diebvs et qua-dra nIe zodiacum peragit quen Romani a bruma, Hehrœi ab œquinoctioverno, Groeci a solstitio, Egyptii inchoant ab antumno. Annus lu-flans coumunis XII lunis, id est diebus CCCL[V, embolismus Ire-deciin lunis et diebus trecenhis ocluaginta quatuor iniplentur, a Innapaschali sumentes initium. (Becl, De Teraporibus liber, cap. IX, Patr.lat. t. 90, col. 284).

(3) f0 7 y0.(1) Le texte porte, par erreur: VIII idus.

478 LES LÉGENDES SAINTES DE PROVENCE 1E

c'est-à-dire successivement au 17 avril, au 5 avril et au 25 marspour les 1, 2-e et 3 années du nombre d'or.

Pendant le X11c siècle, cela correspond aux années 1101-1103, 1120-1122, 1139-1141, 1158-1160, 1177-1179, 1196-1198; si le nombre d'or était pris au 1-janvier, ce seraient les19, 1 et 21, années du cycle, mais comme il est pris 4 moisplus tôt, au début de l'année solaire, suivant l'usage égyptien,ce sont bien les 2o et 31e années du cycle, ainsi que le ditle martyrologe.

Il est vraisemblable que le scribe n'aurait pas indiqué ledébut des trois premières années lunaires, si sa transcription n'enavait pas été à peu près contemporaine; par conséquent, si lemanuscrit est du X[1° siècle, il n'est, peut-étre, pas trop hasardéde supposer qu'il faut le rapporter aux environs des années1101, 1120, 1130, 1158, 1177 et 1196 plutôt que de toute autre.

4° if. 8 y0 - 9 y0 Préface du martyrologe (1):(rubrique:) INCIPIT F.XPLANACIO EX LIBRIS .............

(incipit)p[oPulus] xpistianus memorias martyrum

(explicit:)............meniorie celebratar.50 if. 9 y0 - 18 7 m° Martyrologe (2):

(rubrique:) Incipit libellus de festivitatibus sunctoruiii mar-tyrunl apostolorum et reliquorum sanctorum (mcmapostoli vel successores corumu lire notaveruut. Prin-cipium lani sancit tropicus capricornus. Letaniemdicende. Mensis lanuarjus habet (lies XXXI. LunaXXX. Nox horas XVI. dies horas VIII.

(incipit:) a K[alendis] IÂNVARIl. Octave domini .....

(explicit:)...............imphoriani et fortunati.

(1) Pair, lai,, t. 123, col. 179-180.(2) Pair. lai., t. 128, col. 205-420.

17ET LE MARTYROLOGE D'ARLES-TOULON. 479

40 f 187 r° -(iiicipit:)fle electione duoruin dorninorum et duorum re-

guorum et duarum viarum volo vohis(explicit:). . . . . . . . . . . . obnixe queso.

X partir du f0 8 y0, le texte est à deux colonnes; les ligneset les marges sont réglées à la pointe: à l'extrémité des margesSe voient les incisions du compas qui ont permis d'assurer larègle; les lignes sont à 11 nlm, chaque page en contient de

'lO à 33 par colonne, généralement 31. Chaque colonne a 801111nde large en moyenne; la marge intérieure mesure 25mm, la

marge extérieure 50 mm; l'espace entre les 2 colonnes est de17 ", la marge supérieure mesure 25 mlii, la marge inférieure

Ømni• Les titres sont en rubrique; au début de chacun des Gpremiers mois, une grande initiale d'environ 75"de haut sur

0 m111 de large tracée en noir, garnie de rouge et rehaussée dejaune. Au début du texte, l'initiale mesure m(nie 15" de haut.Ces initiales sont fort belles, composées d'entrelacs avec, auxextrémités, des tètes d'animaux et des feuilles polygonales. Dansle corps du texte, les initiales des paragraphes sont rehausséesd'un trait rouge et mesurent 7mm de haut: en général, les lettresdu texte ont 3mm de haut: il est en minuscule, les titres sonten capitales mélan gées d'onciales; on peut remarquer que leshastes des f, r, s et z ne dépassent pas le bas de la ligne;seuls les q, p, q, y et z le dépassent. Le (1 initial s'écrit: d, etdans l'intérieur des mots: ; quand deux de ces lettres se sui-vent, elles s'écrivent: Zd; l'y est pointé, l's ronde n'est employée,eu dehors des titres, que très rarement; l'œ est le plus souventcédillé: q, très rarement ae. Les jambages des m, n, u sont lé-gèrement renflés à leurs extrémités ce qui donne à l'ensembleune apparence d'irrégularité qui disparaîtra dans le cours duXlIe siècle. Dans le corps des mots se trouve le groupe et en

abrégé: &. Les abréviations sont peu volumineuses; l'encre est

480r.i:s LÉGENDES SAINTES DE PROVENCE 18

très noire. Le texte des six premiers mois est beaucoup plussoigné que celui des six derniers.

Il faut noter que le scribe du martyrologe a transcrit, enmême temps, trois mentions historiques à relever:

P> 91 y,,Au 11 des calendes d'août:Eodein die capta est Hierusalem.

f0 158 r°Au 8 des ides de novembre:Eo etiam (lie deposicio domni Stephani Aptensis epi-scopi (lui sedit in episcopatu annis XXXV, menses X,dies XX.

f0 180 y0Au 18 des calendes (le janvier:Eodern die dedicatio sancti Sepuicri.

Cela prouve (lue la transcription du martyrologe est posté -rieure à l'époque où fut connue en Provence la prise de Jéru-salem, le 22 juillet 1099.

B. Tout ce qui précède est de la même main, c'est-à-diredu début du XII", siècle; plus tard, sur le f0 5 r° qui primit-vement était blanc, une nouvelle main transcrivit un grand ta-bleau pour le comput, valable de 1140 à 1159 et correspon-dant à un cycle de 19 ans du nombre d'or. Mais il y a lieude remarquer que, contrairement au paragraphe du f0 7 v o, lenombre d'or est désormais pris en janvier ou en mars et nonplus au mois de septembre précédent. On avait donc abandonnél'usage égyptien pour le début de l'année solaire. Ce tableauétant valable pour les années 1140-1159, il est vraisemblablequ'il fut transcrit vers 1140: d'ailleurs la main beaucoup plusrégulière que celle du texte est, paléographiquement, du milieudu XIIe siècle.

C. A partir du Xl1e jusqu'au XVIC siècle, le rnaryroIogea servi de point de départ à un nécrologe où se trouvent mê-lées quelques mentions purement historiques. Ces mentions his-toriques ou nécrologiques se trouvent, soit sur le fo 8 r° qui était,

19ET LE MARTYROLOOE D'ARLES-TOULON. 481

primitivement, blanc, soit du 1° 9 y0 au fb 187 r" entre les arti-cles journaliers du martyrologe ou sur les marges du manuscrit.

Voici les plus anciennes qui sont à citer pour fixer la datede la transcription du manuscrit: dans ce but, il faut en exa-miner la paléographie:

1°f°8r°Petrus Arielathensis canonicus Dei gratia Tub-nensis epo ecclesuam beate Marie Tolonensis, Deoinspirante, suscepit regendam Auno ab incarnationedomini mo co lxvuu. viii idus Januarii, luna xxiii,epacta noua, indiciorie prima.

Entre le 16 et le I des calendes de mai:Ipso die, obiit Rainiundus archiepiscopus Areha-tensis.

Entre le 16 et le 15 des calendes de juin:Obii t domnus Gu illeim us Sancti Martini episcop uset Petrus Dorle canonicus.

Entre le 4 et le 3 des ides de juillet:O. W illelmusTolonensis epc.centulli.-

Au 16 des calendes d'août:Eodem die presens civitas Toboni a Sarracenis de-structa fuit in qua cecli xpistuanorum et eo ampliusigne et gladio perierurit, currente tune anno do-mninice ixiearnationis millesimo centesinio septuage-simooctaro(1).

C) , f° 100 y0

Au 3 des nones d'août:Eodem die fuit presens civitas Thoboni vice secundacombusta n Sarraceimis currente anno Domini mil-lesimo centesimo nonagesiino sexto.

Entre le 2 des calendes et les calendes de sep-° f0 122 i-0

tembre:rostagniIEocleui die obiit doninus \ illelmusiho-

lonensis epiSCOpUS.

20 f0 44 r°

30 f0 60 r°

4° f 0 88 V0

50 f 89 V0

(1) Ce mot a tt récrit.

482LES LÉGENDES SAINTES DE PROVEVCE 2080 P. 158 r° Entre les nones et le 8 des ides de novembre:

Eodem die obiit domnus Airninus Tolonensis epis-cop u s.

90 p 173 y0Aux calendes de décembreObiit Domnus Petrus Isnardi archiepiseopus.

Voilà les plus anciennes, il faut également relever la plusrécente: aux if. 40 V 0 - 41 r°, une longue mention relative aux29 mars et 19 novembre 1387 prouve qu'à cette dernière date,le martyrologe était encore à Toulon.

Si chacune des neuf mentions précédentes était contempo-raine de l'événement qu'elle rapporte, la plus ancienne seraitla 8e qui indique la mort de l'évêque Aimin (ap. 1110, av. 1117)et elle prouverait que la transcription dudu martyrologe est anté-rieure à cette date, niais les caractères petits et très réguliersde cette mention décèlent une époque plus avancée du X1l° siè-cle, peut-être antérieure d'aspect, toutefois, à la 5e qui relate unévénement de 1178. Sauf cette 80 mention, chacune des autres,tracée d'une main différente, semble contemporaine à l'événe-ment auquel elle se réfère. La 7° est celle qui, paléographique-ment, paraît la plus ancienne, puis la 46, puis la 20 ou la 30,

puis enfin la 5e Il est remarquable que les noms patronymiquesBostagni de la 76, et Centulli de la 4° ont été ajoutés aprèscoup, par une main qui paraît être précisément celle qui a tracéla 8°. Ainsi donc, les mentions auraient été transcrites, dansl'ordre approximatif suivant, chacune par une main différenteet au moment même, sauf pour Airnin.

30 août [ap. 1117]. Obit (le l'évêque Guillaume Rostaing.12 ou 13 juillet [ap. 1117]. Obit de l'évêque (]uillauine

Centulli.10 avril [1156]. Obit de Raimond archevêque d'Arles.17 ou 18 mai [ap. 1117]. Obit de l'évêque Guillaume de

Saint-Martin.

21ET LE MARTYROLOGE D'ARLES-TOULON.483

6 janvier 1169. Intronisation de Pierre, chanoine d'Arles,comme évêque de Toulon.

5 novembre [1110-1117]. Obit de l'évêque Aimin.17 juillet 1178. Prise de Toulon par les Sarrasins.30 novembre ou ler décembre [1189]. Obit de Pierre lsnard

archevêque d'Arles, ancien évêque de Toulon.3 août 1196. Prise de Toulon par les Sarrasins pour la se-

conde fois.Il en résulte que le martyrologe a été transcrit après 11101

puisqu'il est postérieur à la mort d'Aimin dont l'obit n'a pu yêtre inséré au moment même, mais qu'il est antérieur à 1150puisque l'obit de Raimond, archevêque d'Arles, paraît avoir ététranscrit immédiatement au moment de sa mort. Or plus haut,l'hypothèse n été émise que le manuscrit devait être rapportéaux environs de 1101-1103, ou 1120-1122, ou 1139-1141; commela date 1101-1103 est impossible, en raison de la transcriptiontardive de l'obit d'Aimin, il faut croire que la transcription dumartyrologe date, environ, de 1120-1122. La date 1139-1141serait trop basse d'abord à cause de l'aspect paléographique deson texte, puis à cause du temps qu'il faut laisser aux troisévêques Guillaume Rostaing, Guillaume Centul li et Guillaumede Saint-Martin pour vivre entre la transcription du marty-rologe de leur église et l'arrivée de leur successeur Pierre Isnarden 1169; étant donné surtout que l'obit des deux premiers estvraisemblablement antérieur à 1156 et a été inséré sur le mo-ment.

Non seulement, du XIIc au XV[e siècle, des mentions nécro-logiques relatives à Toulon ont été transcrites sur les margesdu martyrologe, mais un fait encore plus intéressant, c'est quecertains articles du martyrologe, relatifs aux saints de Provence,ont été complétés du XlIl c au XT1e siècle, notamment:

3

484LES LÉGENDES SAINTES DE PROVENCE 22

1' f° 94 y0

Au 7 des calendes d'août se trouve une additionqui parait être du XV O siècle:Item, eodern de natale beate Anne avie Xpisti.

20 fo 95 y0

Au 4 (les calendes d'août se trouve une additionprobablement de la même époque:Eodem die, iii Galliis, in pago Tarascoçi, SanctaMartha hospita xpisti, soror Marie Magdalene etLazari episcopi Massiliensis quem xpistus a mortuissuseitaviL

30 fo 113v0

Au 14 des calendes de septembre, addition duX1110 siècle:Ipso eodem die, in territorio Tholonensi, in marislittore, natalis gloriosissimi martiris Mandrie et so-cioruin ejus.

40 f0 145 y0 Au 5 des nones d'octobre, addition du XID siècle:liodem die translatio sancti Cipriani Tolonensisepiscopi.

5° f 150 r°

Au 17 des calendes de novembre, une additiondu XVI° siècle:Ipso die, apud Massilliam, natalis sancti Cannatifillii regis et regine Aquensis cujus (1) Massiliensisepiscopus fuit.

D. Les if. 188-191. Ces quatre feuillets sont une additiondu XVC siècle contenant la fin du texte qui débute au f° 187 r°et que le scribe du XII'-' siècle avait laissé inachevé au r 187 y0.

(incipit:)Primus gradus est...................

(explicit:)et suum regnum ascondite. Amen.

Voilà donc l'histoire et la description du Ms. lleg. lat. 540.Eu résumé, transcrit vers 1120 pour le chapitre cathédral de

(1) Sit.

23ET LE MARTYROLOGE D'ARLESTO1JLON. 485

Toulon et complété par quelques mentions postérieures du XIT°au XVP siècle, il reçut également des mentions nécrologiques:ces mentions prouvent qu'il se trouvait encore à Toulon le 19 no-vembre 1587. Aliéné à la fin du XVP ou au début du XVIIesiècle, il est acquis par Petau: de la bibliothèque de cet ama-teur, il passe, après 1645 et avant le 11 octobre 1655, danscelle de la Reine Christine où les Bollandistes le consultent,puis en 1690, il entre à la Bibliothèque Vaticane qui le pos-sède encore.

Ce n'est pas ici le lieu d'étudier la composition du textede ce martyrologe; les constatations qui résultent d'un examen,m ime superficiel, permettent de dire que son fonds primitif con-cerne surtout les églises des Gaules, niais plus spécialement laprovince de Lyon; un détail caractéristique désigne même, dansla province de Lyon, le diocèse de Langres. (1) A ce fonds se sontaoutées des additions successives: les premières, de la secondenioiLio du IX I, siècle, concernent la province de Milan et, en par-ticulier, l'église de Brescia. Les secondes, forcément postérieures,dénotent une influence romaine et sont marquées, soit par (lesemprunts au Liber Pontificniis au sujet de la biographie et del'enivre des papes, soit par l'observation de la liturgie contenuedans les sacramentaires gélasien et grégorien ou l'appendice dugélasien; en effet, le martyrologe n'omet jamais d'indiquer quelssont les saints (but les ineses figurent soit dans les doux soitdans l'un d'eux seulement. Enfin les dernières sont certainementrelatives à la province primatiale d'Arles et plus particulière-

(1) Voir, au 18 des calendes do décembre, la translation de l'bvèquede Besançon, St Antido, faite d'abord de Maimont ou St Seine, dansle diocèse de Langres, à Quiney, puis k Brescia, à la fin de 885 ouau début de 886, date du pillage de la Bourgogne par les Normands(if. 162 y0 - 163 T0)

486LES LÉGENDES SAINTSS DE PROVENCE 24

ment à l'église d'Apt (1): elles descendent, au moins, jusqu'aumilieu du XI" siècle (2). Il est évident que, si les additions pré-cédentes dénotant une influence romaine ne sont pas indépen-dantes, elles se rattachent à ces dernières et non pas aux additionspremières de Brescia.

En résurtié le martyrologe de 'foulon, composé d'un pre-mier fonds surtout lyonnais, et d'abord en usage dans le paysbourguignon, sinon dans le diocèse même de Langres dut, de840 à 886 (3) être transporté à Brescia, peut-être par les fon-dateurs du monastère des SS. Faustin et Jovite, peut-être plustard en même temps que le corps de St Antide ancien évêquede Besançon, par Aimou qui y devint abbé du monastère des 88.Faustin et Jovite; ensuite, il dut revenir en Provence, augmentédes additions de Brescia, soit dès la seconde moitié du X° siècle,soit plutôt au début du XIe par les soins de St Etienne évêqued'Apt que l'on sait avoir fait plusieurs voyages en Italie, notani-nient à Home et à Volterra. Finalement, vers 1120, sousic pontificat de son successeur Laugier d'Agout dont les rela-tions de famille avec le littoral sont connues, il fut transcrit àl'usage de l'église de Toulon, avec ses dernières additions apté-siennes.

Or, quelles sont les mentions relatives aux légendes saintesde Provence renfermées dans son texte? Les voici:

(1) Jusqu'au 6 novembre 1OJ7, l'église métropolitaine d'Aix dontApt était un évêché suffragant dépendit du siège primatial d'Arles(Gall. Christ. norissima, t. I, col. 53).

(2) Au moins jusqu'au 6 novembre 1016, date de l'obit de l'évêqued'Apt Etienne.

(3) C'est l'évêque de Brescia Rampert qui, appelant de Gauleun abbé et un moine pour fonder oit inoitastère, y transféra le 9 mai 843les corps de . Faustin et .lovite: (Acta SS. Februarii t. . 2. (Palmé.)pp. 809-810'.

25ET LE MARTYROLOGE D'ARLES-TOULON.487

f0 16 y0 A, 14 des calendes de février:Marie et Marthe sororuni Lazari quarum missa inlibro Gelasii continentur.

f° 42 r° Au 5 des ides d'avril, rien n'est relatif aux Saintes Ma-ries Jacobé et Salomé.

r 71 ïO Au 6 des ides de juin, rien n'est relatif à St Maximin.10 91 y0 Au 11 des calendes d'août:

Natalis Sancte Marie Magdalene de qua, ut euvan-gelium refert, septein deutonia ejecit Dorniuus cujusprecibus exorafus quatriduanum fratrem vivum ab in-feris resuscitavit. Que etiam inter alia dona insigniaXpistuin a mortuis resurgentem prima videre nieruit.

f0 95 0 Au 4 des calendes d'août, rien n'est relatif à SainteMarthe.

fo 114 y0 An 10 des calendes de septembre, rien n'est relatifSaint Sidoine.

fo 150 r° Au 16 des calendes de novembre:Marthe sororis Lazari et beati Aristionis qui unusfuit de lxx. xpisti discipnlis ..............In Galliis, civitate Aurasica, sancti Florentii episcopi.

1 0 152 y0 Au 11 des calendes de novembre:Item beate Saloine que in evangelio legitur cum reli-quis sanctis feminis circa Domini sepulturam sollicita.

r I -O v Au 16 des calendes de janvier:Item, eodem die, beati Lazari quem Dominus quatri-luanuni suscitavit a mortuis. Item beate Marte so-roris ejus oh quorum venerabilem meinoriani extrudaecclesia non longe n Betania ubi e vicinio donius eorumfuit consecrata.

Ces mentions sont remarquables à deux points de vue: d'a-bord, en raison de leur brièveté, puis en raison de leur carac-tère d'ex tranéité.

Elles sont toutes tirées d'Adon ou de ses additions, sauf lapremière qui est évidemment suggérée par le sacramentaire gé-lasien: c'est dire qu'elles n'ont aucun caractère provençal. Or, il

488LES LÉGENDES SAINTES DE PROVENCE

suffit de signaler ce que le martyrologe renferme d'original relati-vement aux Saints Cassien (10 des calendes d'août), Eonius, évêqued'Arles (16 des calendes de septembre), Donat, prêtre au dio-cèse de Sisteron (13 des calendes de septembre), Marcien, prêtreet abbé près d'Apt (10 des calendes de septembre), Césaire,évêque d'Arles (6 des calendes de septembre), Castor évêque d'Apt(11 des calendes d'octobre), '\Téran, évêque de Cavaillon (ides denovembre) et à Sle Martia, d'Arles (3 des ides d'août) pour prou-ver que le martyrologe d'Arles-Toulon ne manque pas de fixerpar des textes qui lui sont propres les traditions particulièresde Provence.

Le silence du martyrologe, en ce qui concerne les légendessaintes de Maximin, Lazare, Magdeleine, Marthe, Sidoine et desMaries, telles qu'elles sont actuellement établies, amène forcé-ment à une conclusion:

1 0 Vers 1120 ces légendes n'existaient pas encore en Pro-vence, ou du moins, n'étaient pas officiellement reçues dans lesdiocèses d'Arles, d'Apt et de Toulon. Elles furent accueilliespar l'église de Toulon tardivement,tardivement, en ce qui concerne SainteMarthe.

2' Vrai semllablement, les documents d'Aix antérieurs etd'ordre diplomatique dont les ori ginaux n'existent plus et qui,seuls, mentionnent ces légendes, sont, le premier apocryphe (1),et les deux autres interpolés (2).

(1) Gallia Christiana novissima. Jnstruuta ecclesie Aquensis,I. Il est difficile de croire qu'un acte de la seconde moitié du

XI" siècle pût porter, non seulement le sceau épiscopal, mais encorecelui du chapitre et surtout celui du prévôt..

(2) 28 mars 1102. Les mots: «Marie Magdalene, Maximini epis-copi et confessons » ont dû être interpolés. (Gail. Christ. noviss. lnstr.cccl. Aqveasis, n° III).

7 août 1103. La phrase: « Sed quoniam... dedicatuin est» a dûétre interpolée. (Gail. Christ. uoiss. Instr. cccl. Aqensix, n" 1V).

27ET LE MARTYROLOGE D'AliLE8-TOUîON. 489

30 11 existait alors dans le diocèse d'Aix une église SaintMaximin et à Tarascon une église Sainte Marthe sans que leslégendes de ces saints relatives au I siècle puissent s'en réclamer.

40 L'antique traditioii officiellement admise par les diocèsesd'Arles, d'Apt et de Toulon était encore, uniquement, que lesGaules et à plus forte raison la Provence avaient été évangé-lisées au IOL siècle par Trophime, disciple immédiat des ApôtresPierre et Paul: en vertu de cette tradition à peu près incom-patible avec celle de la venue d'un des 72 disciples du Christ,Trophime portait le titre d'Apôtre des Gaules (1).

Rome, 2-1e décembre 1897.

(1) Voir, au 4 des calendes de janvier, la vie de St Trophime(f° 179 vo). Cette tradition n été acceptée, on le sait, clés le V I siècle.(Fastes épiscopaux, par l'abbé Duchesne, t. I, p. l7).

Tiré k 250 exemplaires

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