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Les Indes néerlandaises

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Histoire des Indes néerlandaises. Méthodologie de la colonisation.

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Le temps des Indes néerlandaises

Les Hollandais ont eu, pendant trois siècles et demi, les Indes orientales

devenues aujourd'hui l'Indonésie.

, PAR PHILIPPE RAGGI

Grands navigateurs, les Portu­gais ont ouvert les premiers à l'Europe les portes de l'Asie et ont établi au début du xvre siècle, dans cette partie

du globe, un «État de l'Inde orientale » devenu ensuite «État portugais de l'Inde». Il s'agissait d'un chapelet de comptoirs qui constituaient la base d'une puissante tha­lassocratie, maîtresse de l'océan Indien, où elle avait supplanté le trafic musulman.

L!i"uption des Hollandais Les revenus tirés du commerce des épices

ne pouvaient que susciter des convoitises et, au début du xvrr< siècle, ce sont les marins des Provinces-Unies qui viennent déloger les Portugais. Après la première visite, en 1596, d'une flotte hollandaise dans l'archi­pel indonésien, les Bataves effectuent leur premier voyage aux Moluques en 1599.

Moins de trois ans plus tard, la VOC (Vere­nigde Oost-Indische Compagnie), la Com­pagnie hollandaise des Indes orientales, voit le jour. En 1605, les nouveaux venus sont maîtres des Moluques. Les Portugais sont chassés de la région en 1660, en se mainte­nant toutefois à Timor. La fondation de l'Empire est due à un homme d'exception, Jan Pieterszoon Coen, officier de la VOC et bientôt gouverneur général des Indes néer­landaises de 1619 à 1623 et de 1627 à 1629. Dès lors, le développement du territoire -lequel prendra le nom d'Indonésie à partir des années 1920- sera concomitant à celui du capitalisme. À la différence des Portu­gais, jamais les Hollandais ne s'intéresseront à la culture des peuples avec lesquels ils sont entrés en contact. La période allant de 1600 à 1940 voit la succession de diverses phases, lesquelles ne peuvent être dissociées de ce qui se passe en Europe.

Départ d'un navire de la Compagnie des Indes orientales qui assura pour une bonne part la prospérité néerlandaise au xv11• siècle (tableau de Hendrick Cornelisz Vroom).

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L'essor et la chute de la Compagnie des Indes

Formée en 1602, avec un capital d'envi­ron 6,5 millions de guilders (florins), la VOC est une société anonyme moderne et attractive, typique du capitalisme naissant. Elle possède des pouvoirs quasi gouverne­mentaux, est en mesure de conduire des guerres, de négocier des traités, de frapper monnaie, et d'établir des colonies. Pendant deux siècles, les Indes orientales ne furent pas colonisées par la République des Pro­vinces-Unies, mais par une société ano­nyme, ce qui change tout: les rapports établis avec les territoires conquis et avec les habitants ne sont pas les mêmes. Les popu­lations indigènes appelleront d'ailleurs les colons: « kompeni » (ceux de la Compa­gnie). Jusqu'en 1800, la VOC sera la plus importante compagnie européenne, béné­ficiant d'un monopole dans le commerce des épices (essentiellement le poivre, lacan­nelle et le clou de girofle). Pendant près d'un siècle, elle paiera à ses actionnaires des dividendes annuels très importants 0 l.

À partir de 1692, le déclin de la Compa­gnie est sensible et elle sera finalement dis­soute en 1798. La République Batave, qui s'est substituée aux Provinces-Unies en 1795, prendra ses dettes à son compte (134 mil­lions de guilders) en échange des territoires qu'elle détenait aux Indes. C'est ainsi que la «république-sœur» de la République fran­çaise, née du traité de La Haye, a acquis son domaine colonial en Asie. La compagnie avait dû faire face, tout au long du xvme siècle, aux luttes qui opposaient les différents prétendants au trône du royaume de Mataram, à Java. Ces conflits impli­quaient fatalement les Hollandais, con­traints de choisir ceux qui servaient au mieux leurs intérêts. La quatrième guerre anglo-hollandaise ( 1780- 1784) marqua de plus la fin de la suprématie néerlandaise dans les eaux indonésiennes conséquence lointaine de l'abandon à l'Angleterre, dès la fin du xvrre siècle, de la prépondérance maritime et coloniale. Le traité de Paris de

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La forteresse de Batavia vetS 1.650. Les Hollandais ont remplacé les Portugais qui n'ont conservé de l'archipel indonésien que l'ile de Timor.

1784, posant le principe de la liberté des mers, modifia la situation monopolistique dont avaient bénéficié les Hollandais. Ils durent désormais composer non seulement avec les Britanniques et les autres nations européennes, mais aussi avec un nouveau venu, les États-Unis d'Amérique.

L'Empire français et ses lendemains

La période allant de 1800 à 1830 corres­pond à des années de confusion et d'incer­titude. En 1795, une révolution hollandaise inspirée par la révolution française, porta au pouvoir une éphémère République batave (1795- 1806). Cela suffit à modifier la poli­tique coloniale avec l'introduction dans ces territoires lointains des idées de liberté, d'égalité et de libéralisme économique. La République batave prit fin avec l'installation en 1806 sur le trône du «royaume de Hol­lande » de Louis Bonaparte, frère de Napo­léon. Entré en conflit avec l'empereur à propos du Blocus continental, il abdiquera quatre ans plus tard, son royaume étant dès lors annexé au «Grand Empire ». Aux Indes orientales, la période française est surtout marquée par l'action du gouver­neur général Herman Willem Daëndels, un militaire hollandais qui avait participé aux guerres de la Révolution. Une fois sur

place, Daëndels fut très entreprenant: il combattit la corruption avec une grande vigueur, n'hésitant pas à destituer tel ou tel fonctionnaire. Il redécoupa Java en neuf «préfectures», organisa la défense du terri­toire, créa des routes, mit au pas les princes javanais, institua une direction des Eaux et Forêts pour fournir les matériaux néces­saires à la construction navale militaire, développa les effectifs de «l'armée impé­riale » et mit en place une flottille pour lutter contre les pirates.

Il ne put cependant surmonter les diffi­cultés nées du blocus anglais, qui interdisait les échanges commerciaux avec l'Europe, et dut faire face à la sourde hostilité des plan­teurs hollandais, des compradores chinois '2'

et des princes locaux. Peu à peu, la colonie ne fut plus en mesure de vivre de ses revenus et son capital fut bientôt entamé. Daëndels recourra même à l'impression de papier­monnaie et, au moment de son départ, la situation financière était catastrophique.

L'Angleterre prit possession en 1811 des Indes orientales mais les restitua à la Hol­lande en 1815. Le Britannique Stamford Raffles supprima les corvées, les livraisons forcées, (à l'exception du café en raison de son haut rendement), mais imposa aux Java­nais, sur le modèle du land revenue de l'Inde britannique, le paiement d'une landrente.

Elle fut maintenue par les Hollandais lors de leur retour. Cette période d 'incertitudes vit l'administration coloniale incorporer au sein de son appareil davantage de repré­sentants des élites locales. Mais la guerre de Java ( 1825-1830) marquait en même temps la résistance aux Hollandais. À Sumatra, c'est à une rébellion d'inspiration wahha­bite, la guerre des Padri (1821 -1838), qu'ils

Herman Willem Daendels (1.763-1.81.8). Louis · Bonaparte, devenu roi de Hollande, lui confia la défense des Indes orientales. Surnommé le "Na~ léon batave", il quittera Java en 1.81.1..

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Soumission d'un prince indigène aux autorités hollandaises à l'issue de la gue"e de Java qui vit se révolter une partie des populations de l'ile.

devaient faire face. Pour l'anecdote, cette guerre verra intervenir pour la première fois dans cette région d'Asie du sud-est un nouvel acteur: les États-Unis (JJ .

Le système des cunures forcées

nir ce régime draconien, les Hollandais s'ad­joignent l'aide des régents javanais et de leurs agents chinois. La mise en œuvre de ce système est toutefois limitée à quelques régions de l'immense archipel (Java, côte Ouest de Sumatra, Nord de Célèbes).

portation (café et sucre), avec au résultat un total de 300 millions de guilders pour la période allant de 1840 à 1859. Ce système, «essentiellement mercantiliste » selon Edmond Chassigneux, aura des admira­teurs chez les Britanniques, mais aussi chez les Américains: le consul des États-Unis à Batavia suggéra à son gouvernement l'ap­plication du régime hollandais aux esclaves américains libérés.

La période libérale (187D-1900}

Le «système des cultures» permit d'éta­blir les bases de la future période dite « éco­nomique libérale » qui vit le pouvoir injecter massivement du capitai pour mettre en place des cultures de rente. Ce système fut caractérisé par le népotisme: tant les entrepreneurs du gouvernement, les planteurs privés, les agents commerciaux et les fonctionnaires civils hollandais étaient souvent issus des mêmes familles. Ce qui provoqua la colère de certains capitalistes hollandais qui se voyaient exclus de cette «clique de Java» et qui, constatant la nature lucrative de ces affaires, voulaient y avoir

Après la guerre de Java, au cours de laquelle se termine la conquête de l'île, on voit s'imposer le «système des cultures » (kultuurstelsel). Johannes Van Den Bosch, nommé en 1830 gouverneur général, connaissait bien la politique de l'esclavage aux Antilles et avait pour mission de renta­biliser au maximum l'exploitation des Indes orientales. Convaincu que la production locale ne pourra jamais concurrencer celle des colonies à esclaves tant que les Javanais seront laissés libres de cultiver à leur guise, il instaure le kultuurstelsel. Ce système de monocultures repose en fait sur la culture forcée: les paysans doivent produire cinq fois plus qu'avant 1830. Le pouvoir colonial établit pour cela un système planifié des productions destinées à l'exportation, qui marquera durablement l'agriculture indo­nésienne. Le gouvernement se fait céder par les villages indigènes un cinquième de leurs basses terres et réclame de chaque homme adulte un cinquième de son travail, soit 60 à 65 jours de corvées par an. De plus, les pro­duits obtenus sont obligatoirement cédés à l'État à un prix fixés d'avance. Pour mainte-

Van Den Bosch modifie l'administration en profondeur. Les carrières seront fonction du succès des cultures d'État. Il y aura des primes à la production et rapidement des abus: les cadres savent que l'on tolérera tous leurs agissements si le rendement des cul­tures est bon. De là, corvées, taxes illégales, vols et mauvais traitements, sans compter les cas de famine. La structure des villages est bouleversée; le chef de village, autre- _.,.111!1111~

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fois honoré, devient un simple agent au service de l'État. Si l'on excepte le ministre des Colonies et le roi, personne, en Hollande, ne s'intéresse aux questions coloniales.

Le «système des cultures » fut néan­moins un incontestable succès .. . si l'on se place du point de vue du capitalisme hollandais. Il permit une production massive de produits coloniaux d'ex-

Gouverneur des Indes néerlandaises à partir de 1.830, Johannes van den Bosch (1.78(}.1.844) va imposer aux paysans indi­gènes, pour rentabiliser l'agriculture locale, le système des monocultures d'exportation (portrait réalisé vers 1.829 par Cornelis Kruseman).

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La culture de la canne à sucre est l'une des principales ressources des Indes néerlandaises. Les expor­tations qu'elle permet assurent à la colonie d'importants revenus.

leur part. Ce fut la vraie raison pour laquelle le système des cultures fut abandonné en 1870 et non, comme il a été dit souvent, pour des causes morales. Durant la période libérale, l'exploitation fut d'ailleurs accrue. L'arrêt du système des cultures sera progres­sif et lié à la mise en place des lois agraires. En 1870, le sucre sera retiré des cultures for­cées, puis bientôt le girofle, la muscade, le thé mais pas le café, cette «bouée qui sou­tient les finances de l'Inde » '41•

Durant cette période, on constate, en pre­nant l'exemple de l'industrie sucrière, une évolution du capitalisme, passé de la libre concurrence à un capitalisme de cartel. À la fin du XIXe siècle, la plupart des entreprises sucrières s'étaient agrégées en un seul conglomérat. Elles se partageaient le marché, décidaient du volume de la pro­duction, fixaient les prix et se répartissaient les profits. Jusqu'aux années 1870,80 à 90% de la valeur totale des exportations allaient en Hollande. Avec la fin du système des cul­tures, cette part chuta rapidement et l'on vit se développer les exportations vers l'Asie (Singapour, la Chine, l'Inde et le Japon).

Le rapide développement de l'économie de plantations alla de pair avec l'expansion européenne en Asie du sud-est (Anglais en Birmanie et en Malaisie, Français en Indochine, Américains aux Philippines). L'amélioration des transports et des com­munications, particulièrement l'ouverture du Canal de Suez en 1869, contribua aussi à ce développement.

L'économie coloniale d'Asie du sud-est atteignit une croissance sans précédent entre 1870 et 1920. En 1890, était créée la compagnie royale pour l'exploration des ressources pétrolières dans les Indes hol­landaises. En 1907, elle fusionna avec Shell (Britannique) pour devenir la Royal Dutch Shell qui contrôlait près de 85 o/o de la production en hydrocarbures dans la région avant le second conflit mondial. Cette période vit aussi, entre 1873 et 1903, la guerre d'Aceh (dans le nord de Suma­tra), le plus long et le plus sanglant des conflits que dut affronter la Hollande dans l'archipel.

La période tt de la voie morale» (1 900-1 930)

À l'aube du xxe siècle, les moralistes ren­contrèrent des problèmes de conscience, du fait de la paupérisation, née du système d'ex­ploitation, de la population indigène des Indes orientales. Les dernières décennies de la domination hollandaise furent ainsi dominées par le thème de la réforme. Cepen­dant, la «politique éthique» (ou «politique de la voie morale») relevait davantage du calcul économique que de la nature «bien­veillante» de la bourgeoisie hollandaise.

Ne pouvant compter uniquement sur les expatriés pour faire fonctionner une colo­nie en fort développement, l'administra­tion hollandaise créa davantage d'écoles pour les indigènes, afin que ces derniers deviennent de bons travailleurs, mais aussi

des médecins, des employés de bureau, des enseignants, des administrateurs locaux. On mit en place une politique vis-à-vis de l'islam (religion majoritaire dans l'archipel) visant à favoriser l'islam pacifique des notables pour mieux rejeter celui des fana­tiques wahhabites. En 1908, naissait une sorte d' imprimerie nationale (ou plutôt gouvernementale), le Balai Pustaka. Il permit entres autres choses, de standardi­ser les langues locales et en particulier le malais ; cela eut pour effet de rendre plus efficace l'administration de la colonie. En 1914, il y avait 680 bibliothèques, 1618 en 1920 et 2528 en 1930. Cette période mar­qua le début de l'intelligentsia indoné­sienne, comme celui du prolétariat. Elle vit aussi la naissance des antagonismes eth­niques internes entre les Chinois et les Indonésiens relevant du groupe malais.

La montée du nationalisme et la création de l'Indonésie (1930-1945)

Après la grande dépression, le sucre cessa d'être le principal produit d'exportation pour être supplanté par le caoutchouc et le pétrole. Au cours des années 1930,les Hol­landais commencèrent à prendre du champ vis-à-vis de la politique «de la voie morale » qui avait eu une conséquence

Une maréchaussée coloniale a été mise sur pied par les Hollandais pour maintenir l'ordre à Java et dans l'archipel.

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inattendue, susceptible de menacer les fon­dations même de la société coloniale: l'émergence du nationalisme indonésien, qui se dote en 1928 d'un parti, le PNI (Fartai Nasional Indonesia), avec à sa tête lé jeune Soekarno.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Japon envahit l'Asie du sud-est: Hong Kong tombe le 25 décembre 1941, puis la pénin­sule malaise (8 décembre 1941-31 janvier 1942) et Singapour, le 15 février 1942. Le 10 janvier 1942, les armées nippones enva­hissent l'Indonésie; deux mois plus tard, le 8 mars, après quelques affrontements, l'ad­ministration hollandaise et l'armée royale des Indes néerlandaises cessent le combat. Pour les Indonésiens, la défaite des Ho lian­dais prouve que l'homme blanc n'est pas invincible face à un peuple asiatique.

La stratégie japonaise à Java était fondée sur la mobilisation du mouvement natio­naliste. Dans les autres parties de l'archipel, les occupants s'appuyaient plutôt sur les chefs traditionnels locaux. Les nationalistes devinrent bientôt «les porte-paroles des programmes japonais». Pour cela, ils utili­sèrent des méthodes déjà utilisées lors de la mobilisation de la société nippone dans les années 1930 (militarisme, culte de l'auto­rité, organisations de masse, etc.). Ainsi furent créés la PETA <s> à Java et le Giyugun à Sumatra, deux organisations paramili­taires appelées à recruter les jeunes Indo­nésiens. Un autre mouvement, politique

celui-là, aura une importance capitale pour le futur de l'Indonésie indépendante: le Putera (Pusat Tenaga Rakyat, le Centre du pouvoir populaire). Créé en 1943, financé par les Japonais, il aura pour chef Soekarno, futur premier président de la République d'Indonésie de 1945 à 1967. Ces organisa­tions devinrent les pépinières des futurs cadres militaires et politiques de l'Indoné­sie indépendante et ce, durant plusieurs décennies. Les jeunes officiers de ces mou­vements seront grandement influencés par l'idéologie japonaise de l'époque.

Le pays n'en fut pas moins systématique­ment dépouillé de ses richesses (pétrole, bois, caoutchouc) par les Japonais et, dès la fin 1942, des heurts opposaient les occupants aux habitants à cause du travail forcé <6>.

Le 7 septembre 1944, suite aux déclara­tions du Premier ministre Japonais Koiso, l'Indonésie se voyait promettre l'indépen­dance. Les nationalistes s'engouffrèrent dans la brèche, Soekarno en tête. Si la plu­part des nationalistes soutenaient le Japon depuis 1942, c'était parce qu'ils étaient choyés par l'occupant et que c'était pour eux la meilleure voie pour aboutir à l'indé­pendance. La fin de la guerre donna l'a van­tage aux nationalistes aguerris lesquels, aux derniers jours du conflit, n'obéissaient plus qu'à leurs mots d'ordre et non à ceux de Tokyo. En témoigne le soulèvement de la PETA en février 1945 contre l'armée du Soleil-Levant.

Le 17 août 1945, l'indépendance de l'Indonésie est proclamée. Les nationalistes se sont appuyés sur l'occupant japonais pour parvenir à leurs fins.

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Soekarno (1901-:1970) fut le fondateur du Parti nationaliste indonésien. Arrêté, il sera libéré par les Japonais en 1942 et deviendra le père de l'indépendance.

La naissance de l'Indonésie Le 1er juin 1945, Soekarno faisait adopter

les principes fondamentaux de la constitu­tion indonésienne: l'État serait républicain et unitaire. L'indépendance était prévue pour le 24 août mais, le 15, le Japon capi­tule après les bombardements nucléaires de Nagasaki et d'Hiroshima. Les jeunes nationalistes ne veulent pas marchander l'indépendance de leur pays. Ils poussent Soekarno et, le 17 août 1945, celui-ci pro­clame l'indépendance de l'Indonésie. Le nouveau régime n'a que quelques semaines pour assurer son pouvoir avant l'arrivée des Alliés (septembre 1945).

Entre le 17 août 1945- date de la décla­ration d'indépendance unilatérale- et 1949 - date de la reconnaissance officielle de l'indépendance à l'ONU - l'Indonésie va connaître une période de troubles <7>.

Les Anglais débarquent le 16 septembre 1945, suivis de troupes hollandaises. L'ad­ministration néerlandaise est rétablie par­tout où les troupes anglaises s'installent. Jusqu'à la fin de 1945, les affrontements se multiplient entre Hollandais et Indoné­siens. L'ancienne puissance coloniale ne veut pas lâcher prise et fait valoir ses droits

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alors que les États-Unis jouent la carte de la décolonisation. Les nationalistes indo­nésiens, de leur côté, s'agrippent à leur jeune nation qu'ils ont proclamé indépen­dante et luttent pour cela les armes à la main. Ce fut une guérilla durant laquelle s'illustrèrent des figures atypiques comme celle de Raymond Westerling CsJ. Les Hol­landais cherchaient à diviser les nationa­listes et créaient de multiples états dans cet archipel de plusieurs milliers d'îles, tous étant regroupés sous le strict contrôle des Pays-Bas. Utilisant à leur profit des membres indonésiens de la KNIL (armée royale des Indes néerlandaises), ils cher­chaient à diviser pour régner, créant ici et là des foyers hostiles à Soekarno et à son jeune gouvernement installé à Jakarta.

Il ne faut pas oublier de mentionner, dans cette période troublée, le PKI (le Parti communiste indonésien) qui s'oppose à tout accord avec la Hollande et qui tente de prendre le pouvoir par les armes en n'hési­tant pas à affronter l'armée indonésienne. Ces attaques sont vues par les militaires anticommunistes indonésiens comme un «coup de poignard dans le dos » au moment même où des tractations étaient en cours avec la Hollande et que le gouver­nement de Soekarno tentait d 'asseoir sa légitimité sur l'ensemble du territoire.

Durant cette période, les États-Unis feront pression sur les Pays-Bas pour qu'ils renon­cent à leur ancienne possession ultrama­rine c9J. Après les accords de Linggadjati (mars 1947) et ceux du USS Renville (jan­vier 1948 ), la pression internationale aidant (ONU), les accords de la Table Ronde (La Haye, novembre 1949) organisent fina­lement le transfert de la souveraineté et la création d'un Commonwealth appelé Union hollando-indonésienne (27 dé­cembre 1949).Le 17 août 1950, tous les États artificiels créés dans la région se rallient alors à Java et à Sumatra pour former un État uni­taire C10l. Le 10 août 1954, l'Indonésie déclare la suppression de l'Union. C' en était fini de toute dépendance vis-à-vis des Pays-Bas.

Dans le contexte de la guerre froide, Soe­karno choisit la voie du «non-aligne­ment ». Mais en fait de non-alignement, Jakarta a un tropisme nettement socialiste, voire communiste, Soekarno donnant de plus en plus de gages à ces mouvements pour asseoir son pouvoir. L'armée indoné­sienne (la Tentara Nasional Indonesia), à l'origine de la création de l'État indonésien, foyer du nationalisme et garante de la Constitution, s'en inquiète. Les commu­nistes et l'armée s'affronteront bientôt. En 1965,le général Suharto s'empare du pou­voir pour le conserver jusqu'en 1998. •

Philippe Raggi e Chercheur en géopolitique, Philippe Raggi est directeur du département Asie du sud-est de l'Académie internationale de géopolitique. Il a publié en 2000, Indonésie, la nouvelle donne, aux éditions !!Harmattan.

l.Lesdividendes s'élevaientà 125%en 1610,50%

en 1642,36% en 1671,34% en 1673. Ils baisseront

à 15 % dans les années les plus mauvaises.

2. Comprador: Chinois servant d'intermédiaire

dans des opérations financières et marchandes

entre des Européens et des Chinois.

3. À la bataille de Kuala Batee, au sud-est d' Aceh en

février 1832, soixante-six ans avant l'intervention

américaine aux Philippines.

4. Le café disparaîtra finalement du système des

cultures .. . en 1918. 5. PETA: Pembela Tanah Air, l'armée des volon­

taires défenseurs de la patrie.

6. Un rapport des Nations Unies a avancé le chiffre

de 4 millions de personnes décédées à cause de la

famine et du travail forcé, dont 30 000 civils euro­

péens internés. 7. La périodeentrecesdeuxdates (1945 et 1949) est

communément appelée par les Indonésiens la

Revolusi, la révolution.

8. Raymond Westerling, Mes Aventures en Indoné­sie, Hachette, 1952, et Dominique Venner, Wester­

ling. Guérilla Story, Hachette, 1977.

9. Au même moment, en Indochine, alors que la

France tente de rétablir sa souveraineté, les États­

Unis aident financièrement et fournissent des

armes au Vietminh communiste de Ho Chi Minh

(mission du major Patty).

10. L'Indonésie est indépendante, mais la partie

occidentale de la Papouasie Nouvelle-Guinée reste

sous tutelle hollandaise. Elle intégrera finalement

la République indonésienne en 1962.

Orientation bibliographique e Bernard Dorléans, Les Français et l'Indonésie

du xVI' au XX" siècle, Éd. Kailash, 2002. e Edmond Chassigneux, Van den Bosch in Les

Le général Suharto, qui a pris le pouvoir en Indonésie en 1.965, en visite cinq ans plus tard aux Pay!rBas Techniciens de la colonisation (XIX"-XX" siècles) • où il est reçu par la reine Juliana et le prince Bernhard. PUF, 1946.

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