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Conseillère fédérale, présidente de la Confédération Doris Leuthard Pascale Kramer Ecrivain Chancelière, Etat de Genève Anja Wyden Guelpa Emilia Pasquier Directrice du Foraus Fatma Samoura Secrétaire générale de la FIFA Nouria Hernandez Rectrice de l’UNIL Directrice d’economiesuisse Monika Rühl Romaine Morard Productrice d’«Infrarouge», RTS Pauline Gygax Productrice de films Corine Mauch Maire de Zurich Marina Rollman Humoriste Anne-Sophie Pic Cheffe étoilée Présidente de Caran d’Ache Carole Hubscher Experte de la prévention des discriminations Caroline Dayer Sylvie Durrer Directrice du Bureau fédéral de l’égalité Tatyana Franck Directrice du Musée de l’Elysée Louiza Becquelin Dessinatrice Abir Oreibi Directrice générale de Lift Anne Reiser Avocate Cheffe de la division récolte de fonds et relations donateurs, CICR Carla Haddad Mardini Fiona Frick Marianne Janik Directrice de Microsoft Suisse LES FEMMES FONT Le Temps, édition du lundi 06 mars 2017 dédiée aux femmes – N° 5753 – CHF 3.80 – France 3.50 – J.A. 1002 Lausanne – www.letemps.ch La parole aux femmes Cheffes d’entreprise, politiciennes, avocates, artistes ou universitaires: on trouve des expertes dans tous les secteurs. Et pourtant, dans «Le Temps», comme dans beaucoup d’autres médias, elles sont bien moins citées que les hommes. Ce numéro spécial a pour objectif de renverser cette tendance. La rédaction a sélectionné une quarantaine de femmes à la pointe dans leur domaine et leur a donné carte blanche pour parler des thèmes qui les intéressent, les touchent ou les font réfléchir. Toute la conception de cette édition est unique: des textes aux illustrations, en passant par la maquette réalisée par une équipe de la HEAD – Genève. Pied de nez aux clichés, elles ont aussi choisi d’enlever la cartouche magenta. Autrement dit, pas de rose dans les photos de ce journal des femmes. La cartouche magenta est épuisée 771423 396001 9 10010 Directrice d’Ikea Suisse Simona Scarpaleggia Directrice générale d’Unigestion

LES FEMMES FONT - sismondi.ch · LES FEMMES FONT Le Temps, édition du lundi 06 mars 2017 dédiée aux femmes – N° 5753 – CHF 3.80 – France € 3.50 – J.A. 1002 Lausanne

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Conseillère fédérale,présidente de la Confédération

Doris Leuth

ardPascale Kramer

Ecrivain

Chancelière, Etat de Genève

Anja Wyden GuelpaEmilia Pasquier

Directrice du Foraus

Fatma Samoura

Secrétaire générale de la FIFA

Nouria HernandezRectrice de l’UNIL Directrice

d’economiesuisse

Monika Rühl Romaine Morard

Productrice d’«Infrarouge», RTS

Pauline Gygax

Productrice de films

Corine Mauch

Maire de Zurich

Marina RollmanHumoriste

Anne-Sophie Pic

Cheffe étoiléePrésidentede Caran d’Ache

Carole Hubscher

Experte de la préventiondes discriminations

Caroline Dayer

Sylvie Durrer

Directrice du Bureau fédéral de l’égalité

Tatyana Franck

Directrice du Musée de l’Elysée

Louiza BecquelinDessinatrice

Abir OreibiDirectrice générale

de Lift

Anne Reiser

Avocate

Cheffe de la divisionrécolte de fonds et relations donateurs, CICR

Carla Haddad Mardini

Fiona Frick Marianne Janik

Directrice de Microsoft Suisse

LES FEMMES FONTLe Temps, édition du lundi 06 mars 2017 dédiée aux femmes – N° 5753 – CHF 3.80 – France € 3.50 – J.A. 1002 Lausanne – www.letemps.ch

La parole aux femmesCheffes d’entreprise, politiciennes, avocates, artistes ou universitaires: on trouve des expertes dans tous les secteurs. Et pourtant, dans «Le Temps», comme dans beaucoup d’autres médias, elles sont bien moins citées que les hommes.

Ce numéro spécial a pour objectif de renverser cette tendance. La rédaction a sélectionné une quarantaine de femmes à la pointe dans leur domaine et leur a donné carte blanche pour parler des thèmes qui les intéressent, les touchent ou les font réfléchir.

Toute la conception de cette édition est unique: des textes aux illustrations, en passant par la maquette réalisée par une équipe de la HEAD – Genève. Pied de nez aux clichés, elles ont aussi choisi d’enlever la cartouche magenta. Autrement dit, pas de rose dans les photos de ce journal des femmes.

La cartouche magenta est épuisée

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Directriced’Ikea Suisse

Simona Scarpaleggia

Directrice générale d’Unigestion

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Marie-Claude Martin, Mathilde Farine et Christelle Maillard

Le Temps a réuni, autour de Doris Leuthard, une sage-femme, Claire Ajoubair, et une pilote de ligne de Swiss, Christine Lüthi Schneider. Des métiers considérés soit comme très masculins, soit comme très féminins, pour parler des clichés dans le monde pro-fessionnel, des obstacles et des avantages d’être une femme. L’occasion pour celle qui occupe cette année la fonction de présidente de la Confédération de parler de ses convictions et de sa définition du féminisme.Le Temps: Petite fille, rêviez-vous du métier que vous faites aujourd’hui?

Doris Leuthard: La politique m’intéressait parce que mon père était au Grand Conseil du canton d’Argovie, mais je n’avais pas imaginé cette pro-fession pour moi. J’aimais bien l’idée d’être archi-tecte, mais je suis toujours restée très ouverte à ce que le monde m’apportait.

Claire Ajoubair: Au départ, comme beaucoup d’enfants, j’avais envie de faire des grandes découvertes, en étant archéologue, par exemple. Le projet de devenir sage-femme est né quand j’avais environ 18 ans.

Christine Lüthi Schneider: Je n’ai jamais rêvé d’être pilote, faute d’exemple. En revanche, j’ai tou-jours été quelqu’un de décidé. A 6 ans, mon père a refusé de m’accompagner à un match de foot. J’ai mis mon manteau et j’y suis allée. Comme il n’y avait pas de femme pilote quand j’avais 20 ans, j’ai fait hôtesse de l’air, ce qu’il y avait de plus proche…

LT: A quel moment avez-vous eu un déclic?CLS: J’étais hôtesse et je me préparais à prendre le bus qui nous amenait à l’avion, quand tout à coup j’ai vu une fille qui portait des galons sur les épaules. A partir de cette seconde, je me suis dit que je serais moi aussi pilote. J’avais 21 ans.

DL: Ce n’était pas un personnage mais un événement: le rejet en 1992 de la votation sur l’Espace européen (rires). Voilà ce qui m’a politisée! Il fallait vraiment que je m’engage pour changer les choses.

CA: J’ai commencé par des études d’infirmière. Le déclic s’est produit quand je suis allée en salle de naissance et que j’ai vu la belle émotion d’une femme qui venait d’accoucher.

LT: Etre une femme a-t-il été un avantage dans votre carrière?CA: Dans ma profession c’est presque une évi-dence, puisque le premier homme diplômé l’a été il y a une dizaine d’années à Genève. Dans le suivi global, être une femme est un plus, car j’ai plu-sieurs casquettes: celle de sage-femme mais aussi celle de femme et de mère.

CLS: Pour moi, cela n’a pas été un avantage. Quand j’ai commencé l’école de pilote chez Swissair, la plupart des instructeurs étaient issus de l’armée. Mon training captain, ex-pi-lote militaire, m’a dit à la fin des deux ans de formation, alors que j’avais les mêmes com-pétences, que j’avais passé les mêmes tests et réussi les mêmes examens que mes collè-gues masculins: «Maintenant, le charme ne suffit plus, il faudra commencer à travailler…»

DL: Je pense qu’au début c’était plutôt un avan-tage, parce que chaque parti politique cherchait des jeunes femmes. Ensuite, il faut se faire sa place. Quand j’ai commencé, les gens disaient: «Cette petite, la jeune, elle est sympa.» Mais rarement que je maîtrisais les dossiers. Lorsqu’on est une femme, on est constamment observée, surveillée. Il faut vraiment travailler, être à la pointe des dos-siers, pour arriver à se faire respecter.

DL: En tant que sage-femme, vous n’avez pas beaucoup de concurrents, sauf peut-être les médecins. Comment cela se passe-t-il?

CA: Comme indépendante, je suis moins confron-tée à ce problème. Dans le monde hospitalier, le corps médical a longtemps été dominé par le mas-culin. Et il y avait cette idée que la responsabilité de l’homme était supérieure à la nôtre. Il faut pas-ser par-dessus et transformer cela en force.

LT: Est-ce qu’une femme vous a servi de modèle au début de votre carrière?CLS: Oui, cette première femme pilote. Je ne la connaissais pas, mais elle avait le même nom que moi.

DL: Pour moi, c’était la Lucernoise Josi Meier, ancienne parlementaire fédérale. J’ai toujours été impressionnée par son courage et son indépendance. Elle disait ce qu’elle pensait. C’était mon idole. Elle est décédée maintenant, mais j’ai eu l’honneur de faire sa connaissance.

CA: Ce sont les sages-femmes qui m’ont précédée, et plus particulièrement dans l’accouchement à domicile. Elles sont arrivées à aider les femmes chez elles, alors que les gens disaient qu’il y a un danger à accoucher hors du milieu hospitalier.

LT: Pensez-vous servir de modèle à des femmes plus jeunes?DL: Je reçois beaucoup de messages de femmes qui me remercient. Je trouve que c’est absolument génial et cela m’apporte une grande énergie. Il est très important d’encourager les jeunes à suivre leurs rêves.

CA: Les petites filles s’identifient souvent à la sage-femme. J’ai plutôt besoin de faire comprendre aux femmes que si elles attendent un enfant, elles sont capables de le mettre au monde. De plus en plus de femmes – même celles qui ont fait de longues études – ont des doutes sur leurs capacités à être mère.

CLS: J’entends souvent des passagères me dire que c’est la première fois qu’elles voient une femme dans un cockpit. Elles aimeraient essayer, mais ont peur. Je les rassure en leur disant que je ne pen-sais pas non plus y arriver. Sur 1400 pilotes, nous sommes environ 60 femmes. Ce qui est très peu par rapport à d’autres compagnies en Europe, qui ont ouvert leurs formations plus vite aux femmes.

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«C’est génial d’être une femme»INTERVIEW «Le Temps» a réuni, autour de la présidente de la Confédération, une sage-femme et une pilote de ligne de Swiss. Des métiers considérés soit comme très masculins, soit comme très féminins, pour parler des clichés dans le monde professionnel et des carrières des femmes

«Mon «training captain», ex- pilote militaire, m’a dit à la fin des deux ans de formation: «Maintenant, le charme ne suffit plus, il faudra commencer à travailler…»Christine Lüthi Schneider, pilote de ligne

Doris Leuthard et Claire Ajoubair. (Annette Boutellier)

Christine Lüthi Schneider. (Annette Boutellier)

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interviewlundi 6 mars 2017

LT: On dit souvent que les métiers de femmes sont moins bien rémunérés. Qu’en est-il pour une sage-femme?

CA: En faisant du suivi global, c’est assez confor-table. Je pense qu’en Suisse le salaire permet d’assumer ce soin, alors que dans d’autres pays, comme la France, les sages-femmes sont très mal payées, précisément pour les dissuader d’exer-cer. En revanche, le peu d’hommes sages-femmes sont souvent plus à même de faire des formations postgrades et donc d’augmenter leurs revenus.

LT: La maternité péjore-t-elle l’évolution des salaires?CA: Parmi les femmes que je rencontre, celles qui ont des postes à hautes responsabilités doivent retourner très vite travailler. Et les bas revenus aussi, pour ne pas perdre leur job. Entre deux, les femmes de classe moyenne essaient de trouver des aménagements et réduisent souvent leur temps de travail. C’est là que se creuse le fossé des inégalités salariales. Mais je vois très peu de femmes qui ne veulent pas du tout revenir à leur vie professionnelle. On me dit souvent: comment fais-tu avec tes enfants? On dirait, particulière-ment en Suisse, qu’il faut soit être à la maison avec ses enfants, soit choisir une carrière au détriment des enfants. Mais pourquoi? Les enfants sont très heureux que leur mère soit heureuse.

DL: Lorsqu’une femme devient mère, elle choisit le moment de retourner travailler. Mais après une pause d’un an ou deux, et à la vitesse où le monde va, il est difficile de revenir sur le marché. Il faudrait pourtant que toutes ces qualités déployées pen-dant cette période, qualités sous-estimées, deviennent des arguments à valoriser. En revanche, il est difficile de travailler à temps partiel et d’avoir une fonction à très haut niveau. Je crois beaucoup à la notion de partenariat: il faut pouvoir compter sur le père pour prendre aussi en charge les tâches familiales.

CA: On devrait s’inspirer des pays nordiques, où le couple partage le temps de congé parental. Cela dit, la femme doit prendre un temps de repos, ana-tomiquement parlant.

DL: Le congé paternité est important. Il faudrait au minimum en offrir la possibilité. A la Confédération, les conditions sont meilleures. Dans mon département, nous trai-tons les pères et les mères de la même façon, cela pourrait être un modèle pour les cantons et les communes. C’est valable aussi pour le secteur privé. Quand on cherche des talents, de telles offres peuvent faire la différence. Si les entreprises ratent cette opportunité, à la longue cela leur sera défavorable.

CLS: Chez Swiss, les femmes sont bien protégées. Elles peuvent choisir de voler ou de travailler au sol si elles sont enceintes, et peuvent prolonger leur congé maternité par un congé sans solde de plu-sieurs mois, Swiss prenant en charge les heures de simulateur pour réactiver leur licence de pilote, le tout sans pression. Je suis à 75%: on peut travail-ler à temps partiel sans avoir peur de perdre son travail.

DL: En tant que pilote, considérez-vous les coûts de la formation comme un handicap pour les femmes?

CLS: Pas seulement pour les femmes! J’ai eu de la chance parce qu’au temps de Swissair, nous étions payés pendant notre formation, laquelle était prise en charge par la compagnie. Aujour d’hui, il n’y a plus de salaire et le coût de la formation (environ 135 000 francs) est en partie financé par le pilote, par Swiss qui accorde un crédit remboursable sous forme de déduction de salaire, et par des subven-tions cantonales et fédérales.

CLS: Mme Leuthard, vous arrive-t-il de faire des concessions quand vous êtes en visite dans certains pays? On a vu Michelle Obama refuser de mettre un voile devant le prince d’Arabie saoudite. Comment réagissez-vous dans ce genre de situations?

DL: Vous m’avez déjà vue avec un voile? Non! C’est par principe. Dans le privé, cela peut être différent. Mais, au niveau politique, je veux être respectée comme personne et non pas discriminée en raison de mon sexe. Je ne visite pas les Etats qui ne res-pectent pas les femmes. J’ai été en Arabie saou-dite, mais dans une tenue normale. Si ce n’est pas possible, je n’y vais pas.

«Dans le suivi global, être une femme est un plus, car j’ai plusieurs casquettes: celle de sage-femme mais aussi celle de femme et de mère»Claire Ajoubair, sage-femme

LT: Vous sentez-vous féministe?DL: Chaque fois que je peux défendre l’intérêt des femmes, je le fais. Je vois les différences de trai-tement entre hommes et femmes. Je vois aussi que des jeunes femmes pensent que certaines choses sont normales alors qu’on a dû lutter pour les obtenir. Et qu’il faut encore travailler pour les améliorer. Et avoir à l’esprit cette notion de parte-nariat, de partage des tâches, de non-discrimina-tion, d’égalité de traitement. Si vous me dites que c’est cela être féministe, alors oui, je suis féministe.

CLS: Il me paraît important que des femmes de ma génération rappellent aux plus jeunes le travail d’émancipation accompli par les féministes historiques. Je constate une tendance à la régression.

CA: On m’a toujours dit que c’est en voyant com-ment la femme accouche que l’on sait comment elle est traitée. J’ai beaucoup voyagé, notamment en Afrique. Dans certains pays, on voit des vio-lences immenses faites aux femmes. En Suisse, on est bien loti, mais il faut se battre pour conserver certains droits.

LT: Que devraient faire les médias pour que la cause de l’égalité, du partenariat et des non-discriminations soit plus lisible?

CLS: Il faudrait faire plus de portraits de femmes, faire appel à elles comme expertes, renouveler les intervenants – on voit toujours les mêmes –, éviter les clichés.

DL: Je pense la même chose. Dans mon département, qui est technique, on manque de femmes ingénieurs. Comment les attirer? Si l’on parle de femmes pilotes, d’hommes sages-femmes, cela permet une diversité dans la représentation. On dit toujours que les équipes mixtes sont plus performantes, mais il y en a peu.

CLS: Cela dit, dans les médias ou ailleurs, il faut des années pour changer les mentalités. Je me prome-nais tout à l’heure à Berne, je vois passer un tram et je me dis: «Tiens, une femme conductrice.» Même moi, comme pilote, je me fais encore ce genre de réflexions.

CA: D’autant plus que cela commence à la naissance. On se projette, on est condition-née et il est difficile de sortir du carcan: il faut accepter d’avoir une fille qui joue mieux au foot que son frère, qui, lui, est meilleur en danse.

DL: Mais il faut quand même le dire: c’est génial d’être une femme! Pensez aux possibilités que nous avons et que les hommes n’ont pas. Par exemple – et moins sérieusement – vous, Madame, vous portez une jupe rouge. Imaginez-vous un conseiller fédéral en rouge? Je n’aimerais jamais être un homme! Ce qui ne va pas, ce sont les inéga-lités professionnelles, mais il faut être fières de nos compétences et de nos différences. Je me sou-viens que lors du WEF nous étions sept femmes, dont la secrétaire aux Affaires étrangères, et nous devions rencontrer une délégation du Sri Lanka. Le président du Sri Lanka m’a dit… (elle fait une pause). Non, je ne peux pas le dire! Mais ils étaient très impressionnés, ça leur a fait peur. J’ai trouvé cela génial.

Doris Leuthard. (Annette Boutellier)

Claire Ajoubair Age: 33 ans Profession: sage-femme en milieu extra-hospitalierLieu de naissance: Saint-Pol-sur-Mer (France)

Christine Lüthi Schneider Age: 53 ansProfession: Pilote de ligne chez SwissLieu de naissance: Neuchâtel

Doris Leuthard Age: 53 ansProfession: Avocate, conseillère fédérale,présidente de la ConfédérationLieu de naissance: Merenschwand (Argovie)

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Edito

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lundi 6 mars 2017

Aurélie Coulon

Le journal Le Temps existe sous ce nom depuis 1998 et le quoti-dien a toujours contenu une à deux pages nommées Opinions ou Débats consacrées aux idées extérieures, provenant d’hommes et de femmes qui ont la volonté d’exprimer leurs pensées pour participer au débat public. Pour ce numéro spécial, nous nous sommes intéres-sés à la place laissée aux femmes et prise par les femmes pour faire entendre leurs opinions depuis 1998.

Dans notre analyse, 10 598 articles publiés entre mars 1998 et décembre 2016 dans les pages Opinions ont été retenus, avec une moyenne d’environ 600 articles par année – sauf pour 2008, où une anomalie dans l’archivage numérique fait chuter à 59 le nombre total d’articles disponibles. Nous avons ensuite comptabilisé les articles écrits par des femmes et ceux dont l’auteur est un homme. Les articles avec deux coauteur(e)s ont été pondérés par 0,5. Enfin, nous n’avons pas pris en compte les articles avec trois auteur(e)s ou plus. Le nombre d’articles d’opinion de femmes a été rapporté au nombre total d’articles pour chaque année (voir graphique).

Pic à vingt-sept pour cent%L’étude que nous avons menée montre que l’évolution de la propor-tion d’opinions de femmes est assez stable au cours des années, avec une oscillation de la courbe autour des 15% d’articles écrits par des plumes féminines. La part des opinions de femmes a augmenté de manière notable en 2016, atteignant 27%.

Ces chiffres ne reflètent de loin pas la parité de la société puisqu’en 2015, selon l’Office fédéral de la statistique, la population suisse était équitablement répartie entre hommes (49,5%) et femmes (50,5%). Cependant, Le Temps ne fait pas figure de plus mauvais élève: toute la classe médiatique semble avoir du mal à rendre les femmes aussi visibles que les hommes. En 2015, le Projet mondial de monitorage des médias (GMMP) a recensé les femmes dans 22 136 reportages publiés, diffusés ou twittés dans 114 pays par 2030 maisons d’in-formation distinctes. Sur les 45 402 personnes interviewées, seule-ment 24% étaient des femmes, 19% citées en tant qu’expertes. Le chiffre était le même il y a cinq ans. Que ce soit dans les journaux, sur Internet ou à la télévision, les opinions relayées par les médias sont donc majoritairement celles des hommes.

Quelles sont les causes du faible taux de représentation des femmes dans les médias? «En premier lieu, il y a les vieux réflexes et la rou-tine professionnelle des journalistes qui mobilisent toujours le même réseau, explique Marie-Christine Lipani, chercheuse et sociologue des médias à l’Université de Bordeaux-Montaigne. Et ce phénomène est renforcé par la vitesse de travail qui s’accélère dans les rédactions.»

Choix d’idéesLa journaliste Joëlle Kuntz a dirigé les pages Opinions du Temps entre 1998 et 2011. Elle détaille le processus de sélection des articles: «On ne choisissait pas des hommes ou des femmes mais surtout des idées parmi la production intellectuelle du moment. Mais on se sen-tait aussi très concernés par la question de l’équilibre des genres sans réussir à la résoudre, car il n’y avait pas autant de femmes que d’hommes visibles dans la politique et à l’université.»

L’ancienne journaliste publiait à la fois des articles envoyés spon-tanément au journal et d’autres dont elle était l’instigatrice. «Je pas-sais beaucoup de temps dans les clubs de femmes, entre autres, à des soirées, à lire énormément pour recueillir toutes les nouvelles idées pertinentes, témoigne Joëlle Kuntz. Je demandais à des femmes d’écrire, mais ce n’était pas toujours facile pour elles de prendre volontairement la plume pour dire ce qu’elles pensaient. Elles avaient aussi très peu de temps, entre leur travail et la vie de famille.»

Rôle proactifSelon Marie-Christine Lipani, ce rôle proactif des journalistes est crucial pour l’égalité des sexes dans les médias: «Les mots et les images ont une importance, dit-elle. Les médias ont un rôle déter-minant dans la répartition des pouvoirs pour tous les secteurs de la société. Ils sont des prescripteurs des nouvelles normes et représen-tations. Tant qu’ils renvoient une image non valorisante des femmes, on continuera de donner aux petites filles et aux petits garçons une image biaisée.»

Et l’excuse de ne pas avoir trouvé d’expertes féminines à inter-viewer ne tient plus, selon la chercheuse française, car «les femmes ont pénétré tous les corps de métiers, même ceux où l’entre-soi masculin était très fort, comme en politique ou dans l’armée.» Des initiatives se multiplient aussi pour aider au travail de recherche de nouvelles voix, telles que la plateforme française Expertes.eu ou l’an-nuaire suisse lancé ce lundi sur le site du Temps.

«Dans ce domaine, Le Temps a été jusqu’à aujourd’hui aussi mauvais que les autres médias, commente Stéphane Benoit-Godet, rédacteur en chef du quotidien de Suisse romande. On a du mal à repérer les femmes crédibles. Mais la nouvelle génération de journa-listes trouve cela insupportable et de bonnes pratiques commencent à se mettre en place. On doit fixer des règles et des quotas.» Toutes les personnes interrogées sont optimistes: «Les initiatives citées et l’éducation des jeunes générations auront leur effet, conclut Marie-Christine Lipani. Ce n’est qu’une question de temps.»

Des experts et très peu d’expertes dans les pages du «Temps»

Emilia Pasquier, directrice du think tank Foraus

En 2017, souhaitons que nos politiques se posent les véritables questions. Quel modèle de société voulons-nous créer pour les générations de demain? A l’heure où des dirigeants de pays occi-dentaux remettent brutalement en cause les droits fondamentaux des femmes, espérons que les politiques aient le courage de s’engager pour une Suisse moderne.

Une politique moderne est une politique adap-tée à son temps. La réalité d’aujourd’hui nous invite à ouvrir les yeux: la plupart des citoyens ne consi-dèrent aujourd’hui plus «normal» les groupes poli-tiques ou économiques uniquement masculins. Prônée depuis trente-cinq ans, l’autorégulation en termes de représentation féminine a clairement échoué. Il est temps d’agir.

Une politique moderne est une politique qui refuse la discrimination. Le système économique actuel perpétue des inégalités flagrantes entre hommes et femmes. Combien de temps encore nos représentants refuseront-ils de s’engager pour une Suisse en marche vers une réelle égalité des chances?

Cette année, le pays tient une opportunité parfaite: les parlementaires débattront de la révision du droit de la société anonyme. Cette refonte requiert que les entreprises recherchent 30% de femmes pour les conseils d’administra-tion et 20% pour la direction des sociétés cotées en bourse. Cette mesure modérée – la loi ne pré-voit en effet aucune sanction en cas de non-res-pect – fait déjà hérisser les poils de certains par-lementaires, qui, calculette en main, s’inquiètent des risques économiques. Ils auraient tort de se limiter à des calculs froids et mathématiques. Le refus de la votation sur la réforme de l’imposition des entreprises (RIE III) devrait le leur rappeler: le citoyen veut une économie en adéquation avec les valeurs de son époque.

En termes légaux, la réforme sera somme toute assez modeste, mais le parlement a une chance d’afficher sa volonté de rendre notre économie plus alignée sur nos valeurs. Nous sommes une nation fondée sur quatre langues nationales, alors vivons pleinement cette diversité et affirmons ces principes d’égalité, de modernité et de pragma-tisme qui font la Suisse.

Et pour ceux qui ne souhaiteraient pas lâcher leur calculette, l’économie les confortera: les équipes mixtes restent statistiquement toujours plus performantes!

La chance d’une Suisse moderne

ÉGALITÉ Une analyse des archives du «Temps» révèle que moins de vingt pour cent des articles d’opinion sont écrits par des femmes. Néanmoins, une hausse est observée en 2016

Proportion d’articles par des hommes/femmes dans les pages Opinions et Débats du «Temps»

hommes

femmes

0%

19981

19992000

20012002

20032004

20052006

20072008

20092010 2011

20122013

20142015

2016

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

1 1998: comptage à partir du mois de mars / 2 2008: lacune dans l’archivageSource: LT

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Sur le WebRetrouvez toutes nos vidéos de l’événement du «Temps des femmes», dont le sketch de l’humoriste Marina Rollman

Un quiz sur l’égalité

Notre base de données des expertes de Suisse romande

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Et maintenant? L’édition que vous tenez entre vos mains est unique. C’est une première étape, pas une opéra-tion isolée avant un retour à la routine. Par ce numéro spécial, Le Temps veut montrer son engagement pour une plus grande place des femmes dans ses colonnes.

La deuxième étape commence aujourd’hui sur notre site: nous lan-çons une base de données regroupant des centaines d’expertes de tous les domaines. Appelée à grandir, elle est consultable par tous.

Car l’égalité que l’on appelle de nos vœux dans la société doit aussi exister dans les médias. Mathilde Farine

Ambassadrice canadienne à Genève

Rosemary McCarneyBessora

Ecrivain

Barmaid au Bleu Nuit

Olivia Hairay

Madeleine Mercier

ŒnologueProfesseure à la HEAD

et graphiste

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Alumna de la HEAD

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Alumna de la HEAD

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Alumna de la HEAD

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Etudiante à la HEAD

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Etudiante à la HEAD

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Etudiante à la HEAD

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Etudiante à la HEAD

Jodi

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Sage-femme

Claire Ajoubair

Pilote de ligne, Swiss

Christin

e Lüthi

Les Indociles

Eléonore Varone

Les Indociles

Julia Taramarcaz

Les Indociles

Hélène Bessero

Les Indociles

Djemila Carron

Les Indociles

Emilie Bender

Podcast Crépidules

Alessandra Cencin

Podcast Crépidules

Linn Larsdotter

Groupe de recherche universitaire PostCit

Sophie Pagliai

Directrice du Cercle des administratrices

Marianne Aerni Adrienne Corboud Fumagalli

Responsable du Social Media Lab de l’EPFL

Claudine Esseiva

Secrétaire générale des Femmes PLR

Livia Leu

Ambassadrice, responsable du centre de prestations

Relations économiques bilatérales du SECO et déléguée du Conseil

fédéral aux accords commerciaux

Groupe de recherche universitaire PostCit

Mélanie Pétrémont

Groupe de recherche universitaire PostCit

Noémi Michel

Groupe de recherche universitaire PostCit

Jovita dos Santos Pinto

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Actu

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2017

Richard Werly, Paris

Ils ont enduré l’après-midi de pluie et de bourrasques. Drapeau trico-lore sous le bras, ils poursuivent leurs conversations sur les trottoirs, dans les cafés, ou en marchant pour retrouver voitures, bus ou domicile.

Tous viennent d’assister, place du Trocadéro, à l’ultime démons-tration de force de François Fillon. Ils savent qu’au moment où ce dernier renouvelait – avec la tour Eiffel en arrière-plan – «ses excuses aux Français» pour avoir «commis des erreurs», l’hypothèse d’un plan B pour le remplacer a pris de l’ampleur au siège des Républicains (LR), où un bureau politique doit se réunir aujourd’hui à 18 h.

Florence, avocate dans les beaux quartiers de Paris, montre les nouvelles sur l’écran de son téléphone portable à un groupe de jeunes arborant le t-shirt «Les étudiants avec Fillon». Huées. Quolibets. L’annonce d’une initiative de l’ancien maire de Nice Christian Estrosi, sarkozyste, déclenche une salve d’invectives. L’entretien de Penelope Fillon au Journal du Dimanche, dans lequel cette dernière encourage son mari à «tenir jusqu’au bout», est en revanche salué. «Tous ces élus, tous ces barons de la droite pressés de sauver leur tête aux législatives de juin doivent comprendre que pour nous, c’est Fillon ou rien», s’énerve la juriste quadragénaire. Un couple de retraités s’ap-proche. Ils ont rangé leur drapeau dans un fourreau en plastique. «La primaire a été faite pour nous donner la parole. On l’a prise. On a élu Fillon. On ne reculera pas…»

La manifestation du Trocadéro devait permettre à l’ancien premier ministre de rester en position de force face aux plus de 250 élus et cadres LR qui l’ont maintenant abandonné, et à ceux qui, comme l’an-cien président Nicolas Sarkozy, croient sa campagne définitivement «cramée». Mission accomplie. Même si l’affluence était sans doute loin des 200 000 manifestants revendiqués, la place était bleu-blanc-rouge. Message reçu. Tout plan B sera interprété par les fillonistes comme un inacceptable coup de force. Habilement, le candidat de la droite a d’ailleurs «remis son sort» entre les mains de son camp poli-tique, qu’il a appelé à faire, comme lui, «un examen de conscience».

André est restaurateur dans la Sarthe, le département de François Fillon. Militant LR, il s’en prend aux «hautes sphères du parti»: «A la primaire, Fillon les a tous battus. Lui, l’éternel second, l’outsider, a été élu avec 66% des voix. Et maintenant, on nous explique que Juppé

serait la solution?» Zoom arrière. On interroge ces fillonistes sur l’af-faire en cours: les soupçons d’emplois fictifs de Penelope Fillon; la convocation par les juges le 15 mars, la promesse initiale du candidat de renoncer s’il est mis en examen (ce qui n’est pas sûr), le risque de miner l’Etat de droit qu’un président est supposé protéger; les divi-sions dans le camp conservateur… «C’est trop tard. On va peut-être dans le mur, mais on ne peut plus reculer, répond Hubert Juquin, la cinquantaine, analyste financier. Fillon-président devra encore plus prouver qu’il n’a rien à se reprocher. Et qui sont-ils pour le juger? Sarkozy a des casseroles bien plus graves. Juppé a été condamné [en 2004, pour les emplois fictifs de la mairie de Paris, ndlr]. Estrosi a été accusé de détournement de fonds publics [dans l’affaire du golf de Nice, ndlr]. Ils croient qu’on est sourds et aveugles?»

A neuf semaines du premier tour, le 23 avril, et à deux semaines de la date butoir pour le dépôt des candidatures, le 17 mars, la réa-lité politique transpire. Le fait que dans deux sondages récents, Alain Juppé soit donné gagnant au premier tour, interpelle ces électeurs et militants de droite. Sauf qu’un fossé s’est creusé. François Fillon a su incarner l’état d’urgence économique, le retour des valeurs conser-vatrices, et ce mot «liberté» que tous ont scandé dimanche. «En un mot, Fillon est vraiment de droite. Et c’est ce que nous voulons pour la France», clame André, le restaurateur sarthois. Nadia, une de ses voisines, septuagénaire au manteau de fourrure détrempé, va plus loin. Elle agite son drapeau bleu-blanc-rouge et menace de «voter Marine» si «Fillon est tué».

Nadia a combattu le mariage pour tous. Elle se dit catholique et «fière de l’être». Son mari acquiesce.

L’alternative FN? «C’est un vrai risque pour la droite française», estimait un peu plus tôt devant nous, sur le plateau de Kiosque sur TV5 Monde, l’éditorialiste du Figaro Yves Thréard. «Remplacer Fillon, c’est pousser vers Le Pen une partie de ses soutiens.» Autre son de cloche: le dépit. A l’intérieur du Coq, la brasserie chic du Trocadéro, un groupe échange à voix haute. Tous promettent de ne pas aller voter si le plan B Juppé est activé. La droite française qui rêve de plan B est prise au piège du «Fillon ou rien».

La manifestation de soutien à François Fillon, hier à Paris. (AFP photo/Geoffroy van der Hasselt)

La droite française à l’épreuve du «Fillon ou rien»FRANCE Pour les élus de droite qui ont décidé de lâcher le vainqueur de la primaire, le temps presse. Dimanche à Paris, François Fillon les a sommés de faire leur «examen de conscience»

Frédéric Lelièvre, Pékin

Oubliez les inquiétudes de l’an passé. La Chine se remettait tout juste de son deuxième krach bour-sier en six mois et un possible atterrissage bru-tal de sa croissance hantait tous les esprits. Les Cassandre se sont trompées.

Dimanche matin à Pékin, à l’ouverture de la ses-sion annuelle de l’Assemblée populaire nationale (APN), le premier ministre s’est avancé sûr de lui. Les «redoutables défis» ont été surmontés, a-t-il déclaré. Dans le rapport annuel du gouvernement, Li Keqiang a rappelé que le bénéfice des entreprises industrielles a augmenté de 8,5%, après un recul de 2,3% en 2015. Et qu’avec un produit intérieur brut (PIB) en hausse de 6,7%, la Chine a contribué à 30% de la croissance mondiale l’an passé.

La réunion de l’APN dure un peu moins de deux semaines. Cette grand-messe est l’occasion de dévoiler des chiffres clés pour l’économie. Il n’est pas question que la croissance devienne un pro-blème car cette assemblée est aussi la dernière réunion avant le congrès du Parti communiste cet automne, qui marquera le début du deuxième mandat du président Xi Jinping et le renouvelle-ment d’une série de postes clés à la tête du pays.

Pour 2017, Li Keqiang a annoncé une croissance du PIB d’«environ 6,5%», soit presque autant que l’an dernier. Le chiffre est proche des attentes des analystes. Ceux d’UBS à Hongkong la prévoient à 6,4%, selon un rapport de la division de gestion de fortune de la banque. Si la Chine veut atteindre son objectif d’une société «modérément prospère» à la fin de la décennie, c’est-à-dire doubler son PIB entre 2010 et 2020, elle est mathématiquement tenue de viser une telle croissance. Pour s’en assu-rer, le premier ministre s’est engagé à continuer d’«appliquer une politique budgétaire de relance», notamment dans les infrastructures.

Même s’il est le plus faible depuis 1990, cet objectif reste supérieur à ce que la Chine devrait

obtenir si elle changeait son modèle économique. Pékin ambitionne de moins dépendre de l’investis-sement et de davantage utiliser la consommation comme levier de son développement. Or un tel changement, de l’avis de nombreux économistes, implique un net ralentissement de la conjoncture, au moins à court terme.

Dans ces conditions, Pékin ne peut s’en sor-tir qu’en achetant la croissance à crédit. «Chaque année, il faut toujours plus de dette pour atteindre cet objectif», analyse Michael Pettis, professeur de finance à l’Université de Pékin, qui anticipe un nou-veau bond de l’endettement cette année. La dette chinoise est passée de 160% du PIB au milieu des années 2000 à près de 280% l’an passé.

«Risques systémiques»Li Keqiang a pourtant promis que les «risques systémiques sont sous contrôle». Pour conte-nir l’envolée des crédits, la banque centrale vient d’ailleurs de serrer la vis sur le marché moné-taire. Michael Pettis estime qu’elle prend ce sujet «au sérieux, mais cela veut juste dire que la dette va continuer à croître ailleurs, dans d’autres sec-teurs de l’économie». Le professeur estime que la consommation ne peut encore prendre le relais de la croissance car les Chinois ne disposent pas d’assez de revenu. Après des années de recul, la consommation des ménages stagne à moins de 40% du PIB depuis 2005.

Enfin, le grand discours de politique générale n’a pas manqué de viser, indirectement, le pré-sident américain et ses projets de taxes sur les produits fabriqués en Chine. «La mondialisation économique correspond aux intérêts fondamen-taux de tous les pays du monde», a fait valoir Li Keqiang. Ajoutant: «Nous nous opposerons à toute forme de protectionnisme.»

La Chine abaisse à peine son objectif de croissancePRÉVISIONS En 2017, le PIB devrait croître d’«environ 6,5 pour cent», soit presque autant que l’an dernier, a annoncé dimanche le premier ministre Li Keqiang. Pékin vise la stabilité avant une réunion politique cruciale cet automne, quitte à faire encore gonfler la dette

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Actu du week-end

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lundi 6 mars 2017

Xavier Lambiel

Un peu avant 17h30, journalistes et photographes sont fermement priés de quitter le quartier général de l’UDC, installé dans un petit café de la vieille ville. Après une attente fiévreuse, les résultats de Sion et de Martigny viennent de tomber. Pour 2000 voix, ils per-mettent au socialiste Stéphane Rossini de subtiliser la cinquième place de l’élection au gouvernement à Oskar Freysinger. Si la situation n’évolue pas au second tour, le ministre UDC ne sera pas réélu. Face aux micros, «soufflé et surpris», il n’imagine pas que ce vote puisse sanctionner son attitude ou son bilan. Il pense plutôt que «la straté-gie n’était pas la bonne».

Début janvier, le conseiller d’Etat invitait le dissident démo-crate-chrétien Nicolas Voide sur la liste de l’UDC. Dans les semaines qui ont suivi, un combat acharné a déchiré Oskar Freysinger et Christophe Darbellay. Ce dimanche, la révolution conservatrice n’a pas eu lieu. Les militants du PDC se sont mobilisés et le combat a lar-gement tourné à l’avantage du démocrate-chrétien. Pour Christophe Darbellay, «la stratégie d’Oskar Freysinger a été un flop monumen-tal» et «le Valais n’est pas le pays de Donald Trump». Il espérait une voix de plus que le ministre et il en obtient plus de 20 000. Il distance aussi son vieil adversaire Nicolas Voide de plus de 25 000 voix.

Toute la journée, une sorte d’effervescence euphorique a pro-gressivement gagné le petit café où les démocrates-chrétiens ont installé leurs ordinateurs et leurs calculettes. La machine fonctionne toujours. Les verres s’entrechoquent. Christophe Darbellay en tête, les trois candidats du parti majoritaire remportent facilement l’élec-tion au gouvernement, laissant tous leurs adversaires à plus de 15 000 voix. Président du parti, Serge Métrailler sourit: «Les petites fourmis ont bien travaillé.» Pour le conseiller d’Etat Jacques Melly, classé second, «le vote sanctionne aussi l’attitude d’Oskar Freysinger» et «c’est un juste retour des choses».

Une tension fébrile semblait ronger le conseiller d’Etat UDC à mesure que les premiers résultats s’égrainaient. Oskar Freysinger, le mieux élu des cinq ministres en 2013, chute au sixième rang, der-rière les deux candidats socialistes. Un peu partout dans le canton, son électorat a considérablement diminué. A Savièse, sur ses terres,

il est même battu par Stéphane Rossini. Coprésident de l’UDC, Cyrille Fauchère juge que «le travail de sape contre Oskar Freysinger a fonc-tionné». Son homologue Jérôme Desmeules dénonce le soutien des démocrates-chrétiens aux candidats socialistes: «Il n’y a plus qu’un seul vrai parti de droite en Valais.»

Présidente du Parti socialiste, Barbara Lanthemann jubile: «Ce résultat est inespéré.» Des applaudissements bruyants accueillent Stéphane Rossini. Le vote de ce dimanche aurait pu mettre un terme à la carrière de l’ancien président du Conseil national. Finalement, il talonne sa colistière Esther Waeber-Kalbermatten, quatrième du premier tour de scrutin. Pour le candidat, «les Valaisans veulent des ministres compétents et capables de compromis, pas des gens qui agitent la république sans rien produire». Il insiste: «Il faut désormais réfléchir à la stratégie qui permettra de sortir définitivement Oskar Freysinger du gouvernement au second tour.»

Dans les petites rues de la vieille ville de Sion, les politiciens écha-faudent des scénarios plus ou moins vraisemblables pour le scrutin du 19 mars prochain. Minés par des scores décevants qui les classent aux huitième et onzième places, les libéraux-radicaux tenteront vraisemblablement leur chance avec Frédéric Favre, qui devance son colistier Claude Pottier de quelque 6000 voix. Ils auront néanmoins besoin d’alliés. Grands vainqueurs dimanche, les démocrates-chré-tiens ne se prononcent pas pour l’instant. Le second tour pourrait se transformer en duel pour la cinquième place entre Oskar Freysinger et Stéphane Rossini.

Les socialistes n’ont jamais obtenu qu’un siège au gouvernement, arraché au PDC en 1997. Ils se réuniront aujourd’hui pour décider de leur stratégie. Stéphane Rossini entend manifestement poursuivre la lutte: «Je vois mal comment on pourrait demander à un candidat qui se classe parmi les cinq premiers de renoncer au second tour.» Pour le coprésident de l’UDC Jérôme Desmeules, «les Valaisans ne vou-dront jamais de deux socialistes au gouvernement». Oskar Freysinger compte en profiter pour mobiliser son électorat au second tour: «Je me battrai jusqu’au bout et si les Valaisans ne veulent plus de moi, je ferai autre chose.» �

Oskar Freysinger, hier. (KEYSTONE/Olivier Maire)

Les Valaisans sanctionnent Oskar FreysingerÉLECTIONS CANTONALES Quatre ans après un plébiscite historique, Oskar Freysinger se classe à la sixième place de l’élection au gouvernement, derrière les deux candidats socialistes. Personne n’est élu. Christophe Darbellay et les démocrates-chrétiens remportent largement le premier tour de scrutin

Le PLR suisse soutient du bout des lèvres la Stratégie énergétique 2050 du Conseil fédéral. Ses délégués rassemblés samedi à Fribourg ont voté pour de jus-tesse, par 175 voix contre 163 et 5 abstentions.

Cette stratégie vise un tournant vers une Suisse sans énergie nucléaire. Un premier paquet sera soumis au peuple le 21 mai à la suite du référen-dum de l’UDC. Aucune nouvelle centrale ne serait construite. L’énergie de l’atome serait progressive-ment remplacée par celle produite par le vent, le soleil, l’eau ou les déchets. Ménages et entreprises devraient réduire leur consommation d’énergie.

Le PLR s’était déjà montré divisé sur cette stra-tégie, tant lors des débats aux Chambres fédé-rales l’automne passé que dans la conférence des présidents des partis cantonaux récemment. La présidente du PLR, Petra Gössi, y est elle-même opposée. Samedi, elle a demandé que les débats se déroulent dans la sérénité: «Montrez-vous pas-sionnés, certes, mais équitables. Pas de coups bas.»

De fait, les intervenants ont argumenté avec vigueur. Les partisans du projet ont vanté son pragmatisme et ses perspectives d’innovation, tandis que les opposants dénonçaient un bri-colage, coûteux en taxes pour les entreprises et la population. Quant au conseiller fédéral Didier Burkhalter, il ne s’est guère épanché sur le sujet. Il a rappelé que selon le Conseil fédéral, la Stratégie 2050 est la bonne réponse aux défis de la politique énergétique: un approvisionnement sûr, bon mar-ché et durable pour le pays.

Le chef du Département fédéral des affaires étrangères a axé son discours sur les craintes et les opportunités liées à la mondialisation. Conflits géopolitiques, remise en question des valeurs libé-rales et montée du nationalisme sont des signes préoccupants, a-t-il souligné. – ATS

Petit oui libéral-radical à la Stratégie énergétique 2050VOTATION Les délégués du parti n’ont pas caché leurs divisions lors de leur assemblée à Fribourg

Xavier Lambiel Après une longue guerre, le premier tour des élections valaisannes sacre le démocrate-chrétien Christophe Darbellay. Face aux conser-vateurs, l’ancien conseiller national a choisi de jouer la carte du pro-gressisme. Il a gagné parce qu’Oskar Freysinger inspire une profonde lassitude aux Valaisans. Pour ses adversaires, le ministre UDC récolte ce qu'il a semé.

Elu triomphalement il y a quatre ans, Oskar Freysinger pourrait bien être éjecté du gouvernement. Il a manifestement déçu les nombreux électeurs qui avaient voté pour lui. Les grands bouleversements qu’il avait annoncés n’ont jamais eu lieu et son bilan reste controversé. En menant une campagne très agressive, il a fini par fédérer une large majorité des Valaisans contre lui.

La gauche profite particulièrement de ce vaste ras-le-bol qu’Oskar Freysinger a su progressivement susciter dans son canton. Les socia-listes placent leurs deux candidats parmi les cinq mieux élus du pre-mier tour de scrutin. Désormais, Stéphane Rossini peut rêver de chasser l’UDC hors du gouvernement le 19 mars prochain. Ce serait historique.

Vieux canton de droite, le Valais pourrait bientôt être gouverné par trois démocrates-chrétiens et deux socialistes. Cette situation iné-dite poserait de sérieux problèmes. Avec les libéraux-radicaux, ce sont deux partis importants qui pourraient se voir privés d’un siège au Conseil d’Etat. Face aux caméras, Oskar Freysinger martèle que la guerre n’est pas terminée.

La révolution progressiste

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LUNDI 6 MARS 2017 LE TEMPS

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Carla Haddad Mardini, cheffe de la division récolte de fonds et relations donateurs, CICR

Souffle coupé, nous posons notre regard sur les façades des immeubles criblées de balles et éventrées par des centaines d’obus et de mortiers, les vitres cassées, des fils électriques à perte de vue confirmant la sensation de chaos et de désolation. Nous sommes à Tripoli, dans le nord du Liban, la deuxième ville du pays. Les quartiers de Jabal Mohsen et de Bab al-Tabbaneh, dans la banlieue urbanisée de Tripoli, sont caractérisés par des tensions entre deux communau-tés, l’une alaouite, la minorité chiite à laquelle appartient le président syrien Bachar el-Assad, et l’autre sunnite, qui soutient l’opposition dans la Syrie voisine. Ces tensions ont souvent dégénéré en violence armée pendant la guerre civile libanaise et plus récemment en épi-sodes meurtriers pendant le conflit syrien. La rue de Syrie sert de ligne de démarcation entre les deux communautés.

Le but de la visite est de rencontrer un groupe de femmes alaouites et sunnites qui ont réussi l’impossible. Calmer les antagonismes et l’animosité historique entre les deux communautés. Apaiser les esprits et construire des ponts. Semer peut-être les germes de la réconciliation. En utilisant un vecteur puissant: la cuisine.

Un lieu miraculeusement épargnéNous entrons dans un bâtiment en bon état comme s’il avait été miraculeusement épargné par la violence. Une jeune femme libanaise nous reçoit. Elle travaille pour une ONG locale soutenue par le Comité international de la Croix-Rouge et dirige un projet simple: offrir un espace neutre et protégé ainsi que les conditions matérielles pour que les femmes des deux communautés puissent se retrouver, cui-siner et échanger.

A notre arrivée dans l’espace de la cuisine, les odeurs des petits plats libanais confectionnés avec le plus grand soin nous donnent l’eau à la bouche. Six femmes préparent des sandwiches au poulet avec des épices. L’hygiène est impeccable. Elles mettent du cœur à la tâche. La cuisine de ces femmes a eu tellement de succès qu’elles ont pu agrandir l’affaire en acceptant au fur et à mesure des commandes plus importantes. Le jour de notre visite, elles s’activent sur une commande de plusieurs centaines de sandwiches pour un orphelinat dans un village voisin.

Indépendance financièreLes femmes nous expliquent qu’elles ont été formées à la cuisine, et qu’elles ont acquis des compétences qui leur donnent désormais une indépendance financière. Elles sont fières de pouvoir subvenir aux besoins de leur famille.

Mère de famille de 51 ans, Wafa Hazouri était tombée en dépres-sion, quand les affrontements faisaient rage dans son quartier. Son mari, chauffeur de taxi, ne pouvait presque plus travailler. Leur seul source de revenu était sur le point de se tarir. «Travailler dans cette cuisine ne permet pas seulement de payer les factures mais cela m’a sorti de l’isolement et de la dépression. Mes entants sont tellement heureux pour moi», dit-elle.

Au Liban, les femmes sont les vecteurs de la réconciliation

«Je me suis engagée à ne pas participer à des conférences où il n’y a pas de femme»

PROCHE-ORIENT Cheffe de la division de la mobilisation des ressources au Comité internatio-nal de la Croix-Rouge (CICR) à Genève, Carla Haddad Mardini s’est récemment rendue au Liban. Un retour aux sources, elle qui y a grandi pendant la guerre civile et alors que le pays reste une caisse de résonance aux conflits et tensions des Etats voisins

GENÈVE INTERNATIONALE Rosemary McCarney, ambassadeure canadienne auprès des Nations unies, est l'une des membres d'un réseau novateur né à Genève pour lutter contre la sous-re-présentation des femmes dans les organisations internationales et les missions diplomatiques

Rosemary McCarney, ambassadeure canadienne en Suisse

De nombreux jeunes me demandent: «Comment puis-je faire ce que vous faites?» Malheureusement, je dois les décevoir chaque fois qu’ils me posent la question. Il n’y a pas de réponse simple ou de chemin précis. Ce n’est certainement pas Google Maps qui peut indiquer comment se rendre à Genève à titre d’ambassadeure et représentante permanente du Canada auprès des Nations unies et de la Conférence du désarmement. J’ai été chanceuse de vivre une vie très internationale. J’ai enseigné le droit international, travaillé à la Banque mondiale, à l’USAID, à l’Agence canadienne de dévelop-pement international et dans le secteur privé, et j’ai écrit plusieurs livres sur des questions sociales ou qui touchent les enfants du monde entier, comme l’accès à l’école. Chanceuse, certes, mais j’ai travaillé à cette fin avec détermination depuis mon adolescence.

Le parcours d’une femme qui souhaite poursuivre une carrière internationale nécessitera des efforts particuliers. Les femmes sont moins nombreuses sur le marché du travail à l’étranger, et encore moins à occuper un poste diplomatique haut placé. En 2015, Genève a vu la création d’un réseau de dirigeants d’organisations interna-tionales, d’ambassadeurs ou de dirigeants d’ONG pour promou-voir l’égalité des genres. Les ambassadeurs de cette cause sont les «International Gender Champions» (IGC) et cette initiative a été reprise à New York. Ce réseau a fait plusieurs constats. En 2016, seule-ment 22% des ambassadeurs à Genève étaient des femmes. De plus, de 2006 à 2016, le nombre de femmes membres du personnel diplo-matique à Genève a progressé de seulement 4%. L’IGC a calculé qu’à ce rythme, il faudrait 40 ans pour atteindre la parité entre les sexes.

Un outil originalPour accélérer cette très lente trajectoire, l’IGC veut favoriser la parité des sexes au sein des organismes des Nations unies et des missions permanentes, et ce à tous les échelons. Ces «champions de l’égalité» entre les sexes ont pris des engagements publics précis visant à encou-rager une culture qui intègre une politique d’égalité entre les sexes relative à l’attribution des marchés, la promotion de processus élec-toraux ouverts, transparents et équilibrés sur le plan des nominations

Le bâtiment se trouve sur la ligne de front et possède deux entrées. Une de chaque côté qui permet aux femmes de s’y rendre en toute sécurité. On nous explique que depuis que ce projet existe, lorsque les combats reprennent, ce bâtiment est épargné. Les combattants respectent ce lieu neutre, qui, par sa fonction, s’est affranchi des ten-sions historiques.

Investissement modesteJabal Mohsen et Bab al-Tabbaneh sont deux quartiers de banlieue qui ont été systématiquement oubliés par l’effort de développement. Même après la guerre civile. Les communautés qui y habitent n’ont pas réussi à s’affranchir du cercle vicieux de la pauvreté, de la vio-lence et de l’absence d’opportunités.

Le projet de cuisine de Jabal Mohsen et Bab al-Tabbaneh offre peut-être une piste intéressante pour construire une économie durable dans des quartiers défavorisés. Les ingrédients du succès? Un investissement modeste, un concept fédérateur qui dépasse les clivages et qui mobilise des talents. Une des femmes nous a confié: «En faisant ce travail, j’ai retrouvé ma dignité.» Belle leçon de rési-lience pour les générations futures.

nationales de femmes à titre de titulaires de poste et de membres d’organismes d’experts. L’outil le plus original et novateur est un enga-gement de parité (Panel Parity Pledge) au sein des innombrables panels et conférences organisés au sein de la Genève internationale.Pourquoi une telle exigence? Parce que 50% de la population a droit à une visibilité équitable à titre de conférencières et d’expertes lorsque l’on discute de politiques mondiales aux Nations unies. Les champions de l’égalité qui prennent part aux activités internationales à Genève ont convenu de ne plus participer aux groupes de discus-sion à moins qu’une femme ne soit présente à la table de conférence à titre d’experte. Les membres de l’IGC se sont engagés à mettre en œuvre un processus plus respectueux et réfléchi afin d’identifier les expertes qui pourraient participer aux discussions. Un processus qui, comme tous les efforts menant à l’égalité entre les sexes, deviendra au fil du temps, nous l’espérons, habituel.

Savoir prendre des risquesCes initiatives aideront certainement, mais les jeunes femmes devront faire leurs propres expériences et acquérir des titres de compétence diversifiés pour réussir à atteindre ces postes exigeants. Chacun peut se bâtir une boîte à outils. Il faut à la base réussir des études de qua-lité et ensuite être prête à prendre des risques de carrière et sortir des sentiers battus recommandés par plus d’un. De plus, il importe d’avoir l’ambition de faire évoluer les choses. Avoir bien sûr le cou-rage de défendre ses opinions à haute voix, et ce de façon respec-tueuse, lorsque les choses ne vont pas. Enfin, il faut également être dotée des valeurs et des principes fondamentaux qui permettent de se remettre en question fréquemment, ainsi que de la confiance et de la force de saisir les opportunités et de relever les défis.

Quant aux jeunes hommes, ils devront veiller à ce que la parité entre les sexes soit au cœur de leurs valeurs et de leurs principes tout au long de leur carrière. Ainsi, ils deviendront à leur tour d’ar-dents défenseurs de la parité entre les sexes, tout comme le sont les leaders hommes et femmes qui participent aux activités internatio-nales à Genève aujourd’hui.

A Tripoli, on cuisine pour apaiser les tensions entre sunnites et alaouites. (Laura Salvinelli)

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La blague de Marina Rollman

On voit que ça carbure en mesures fortes et efficaces à l’ONU, j’en veux pour preuve ce programme décapant: «(…) ainsi que l’engagement de toutes les organisations à Genève de res-pecter un engagement visant à encourager» mais, trêve de bille-vesées, Madame l’ambassadrice, DONNEZ-NOUS LE NUMÉRO DE JUSTIN TRUDEAU.

lundi 6 mars 2017

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PENSIONS Un bras de fer autour de la réforme «Prévoyance vieillesse 2020» se joue actuelle-ment au parlement. Le débat existe jusque dans les organisations de femmes

L’avenir des retraites divise les femmes

Claudine Esseiva, secrétaire générale des femmes PLR

L’espérance de vie des femmes et des hommes ne cesse de s’allon-ger. Il faut aujourd’hui garantir des pensions bien plus longues qu’au moment de la création du système de prévoyance professionnelle. En 2030, il manquera 8,9 milliards de francs dans le Fonds AVS. Les années entre 2020 et 2050 s’annoncent particulièrement probléma-tiques avec une génération des baby boomers qui aura atteint l’âge de la retraite.

Au parlement, chargé d’adopter une version définitive de la réforme «Prévoyance vieillesse 2020», un bras de fer a lieu entre les différents partis, entre le Conseil national et le Conseil des Etats, mais aussi au sein des organisations de femmes. Si tous les acteurs admettent que des réformes sont nécessaires, la manière de com-penser la baisse des rentes divise.

Le nœud du problèmeDe gauche à droite, impossible de réconcilier les milieux patronaux et les organisations syndicales qui campent sur leurs positions. Il est pourtant impératif d’assurer le financement de l’AVS à long terme, en prenant les mesures qui s’imposent pour équilibrer durablement recettes et dépenses, afin que les générations futures bénéficient elles aussi des assurances sociales, véritable bannière de notre cohé-sion nationale.

Comment compenser la baisse des rentes? Par une hausse men-suelle de 70 francs des rentes AVS, selon la version préconisée par le Conseil des Etats et défendue par la gauche, le PDC et le PBD. Pour leurs représentants, c’est la seule solution susceptible de rallier une majorité. Dans le camp adverse, le PLR, l’UDC et les Vert’libéraux plaident pour une hausse des cotisations de prévoyance profession-nelle, une variante acceptée par le Conseil national.

Temps partielPour l’organisation faîtière des sociétés féminines suisses Alliance F, impossible de trancher entre les deux variantes. Le fossé s’est creusé au sein des organisations de femmes. Les coprésidentes d’Alliance F, les conseillères nationales Kathrin Bertschy (Vert’libéraux) et Maya Graf (Verts), défendent deux avis divergents.

A gauche, les organisations veulent lier l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans avec l’égalité salariale et ne sont pas prêtes à accepter une augmentation de l’âge de la retraite sans compensation. Pour elles, la revendication d’une augmentation des rentes AVS de 70 francs est primordiale.

De l’autre côté de l’échiquier politique, pour les représentantes des partis du centre droit et de la droite, prévoir un âge de la retraite identique pour les femmes comme pour les hommes est une évi-dence. On souhaite en revanche une réforme pour celles et ceux qui travaillent à temps partiel en proposant la suppression de la déduc-tion de coordination. Le Conseil national a validé cette proposition le 27 février. Environ 70% des femmes en Suisse exercent une activité professionnelle à temps partiel. Avec la suppression complète de la part couverte par le 1er pilier, soit 7/8 de la rente maximale de l’AVS par an, les employées à mi-temps et les personnes avec de bas reve-nus seraient indiscutablement mieux protégées dans la prévoyance professionnelle obligatoire.

Au final, ce débat pose une véritable question de société. Voulons-nous mettre en place les incitatifs pour que travailler permette à chacune et chacun d’améliorer ses revenus? Ou préférons-nous aug-menter les rentes indépendamment des choix de vie individuels? Si le référendum est demandé, comme l’annoncent déjà les milieux de gauche, ce sera à la population suisse de trancher.

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lundi 6 mars 2017

HISTOIRE Vestige de l’Ancien Régime, la commune bourgeoise reste teintée d’élitisme. A Berne, l’organisation a créé la Maison des générations, un lieu de rencontre ouvert à tous

La Bourgeoisie de Berne à feu doux

Sylvie Durrer, responsable du Bureau fédéral de l’égalité

Comme si le fédéralisme suisse, avec ses trois niveaux (Confédération, canton et commune) n’était pas suffisamment complexe, certains cantons possèdent un quatrième niveau: la commune bourgeoise, survivance de l’Ancien Régime. A l’origine, la Bourgeoisie réunissait les habitants originaires de la commune ou les anciens bourgeois, par opposition aux nouveaux habitants.

La nouvelle Constitution fédérale de 1848 changea la donne. Tout citoyen suisse, pour autant qu’il soit de sexe masculin, devint citoyen et eut la possibilité d’exercer ses droits politiques dans sa commune de domicile. Dès lors, les Bourgeoisies perdirent de leur importance.

Preuve en est avec Mathieu et Margrit, deux habitués de la Bourgeoisie de Berne. Tous les vendredis, ils jouent à la pétanque dans les jardins de cette maison baroque aux allures de palais. Margrit découvre avec surprise que Mathieu est bourgeois, tandis qu’elle ne l’est pas: ils n’avaient jamais abordé le sujet. Chaque année, quelque 40 nouveaux membres intègrent la Bourgeoisie.

Comme celle de Berne, certaines ont continué de prospérer, de jouer un rôle majeur dans le financement d’institutions sociales et culturelles. Elles contribuent au maintien des traditions et du patri-moine. Actuellement entité de droit public, la Bourgeoisie de Berne, qui réunit 10 561 femmes et 7 779 hommes, détient une fortune consi-dérable: objets immobiliers, terrains forestiers et agricoles, banque, EMS, bibliothèque ou restaurants. Grâce à ses revenus immobiliers, elle peut financer divers projets sociaux et culturels. Sa dernière créa-tion est la Maison des générations, située à l’entrée de la vieille ville.

Brassage des générationsL’institution regroupe, en un même lieu, une garderie, une consulta-tion pour jeunes parents, un établissement pour personnes âgées, un espace culturel, une chapelle, un centre de congrès, des bureaux pour des associations, un café bar associatif et un restaurant public. L’enjeu? Encourager les générations à se rencontrer et à échan-ger. C’est actuellement le projet phare de la Bourgeoisie de Berne. «Il a été préféré à d’autres plus lucratifs, comme un centre commercial, explique Henriette von Wattenwyl, chancelière et première femme à occuper ce poste. Il n’était pas envisageable que l’inscription qui figure sur le fronton de l’entrée «Christo in pauperibus» ouvre sur des boutiques de luxe.»

Car l’organisation vise avant tout à soutenir les plus faibles et à encourager la culture dans toute sa diversité, grâce à un patri-moine préservé et valorisé. «La Maison des générations doit incarner cette mission», poursuit la chancelière. Malgré son utilité publique, la Bourgeoisie continue de susciter une certaine méfiance. Il y a quelques années, son expropriation avait même été envisagée, comme c’est le cas aujourd’hui pour celle de Fribourg.

Cette réticence apparaît lors d’une rencontre avec Ursula et Elisabeth, deux jeunes retraitées, qui ont choisi le café bar de la Maison des générations pour préparer un voyage en Californie. «Un Etat qui n’a pas voté Trump», soulignent-elles. En féministes affichées, les deux amies visiteront l’Université de Berkeley, berceau du post-féminisme. Seule la Bourgeoisie les divise. Tandis qu’Ursula souligne son utilité et la modernité de la Maison des générations, Elisabeth met en avant le caractère conservateur, élitaire et peu transparent de l’organisation. Reproche connu pour Henriette von Wattenwyl qui rappelle que toute personne peut faire acte de candidature.

Ouverture au publicPatric, un jeune père croisé à la sortie de la garderie, dont la famille habite Berne depuis longtemps, apprendra avec grande surprise qu’il est possible de devenir bourgeois. L’organisation est ouverte, mais l’appartenance est rarement signalée, sauf dans le cas des familles patriciennes que la particule distingue, par exemple, les von Graffenried, von Greyerz ou von Wyttenbach.

Till Grünewald, le directeur de la Maison, musicien de jazz reconnu, est conscient du travail qu’il reste à faire pour que les échanges deviennent plus denses et insiste lui aussi sur la valeur symbolique de l’entrée commune. Toutefois, là où le directeur voit un signe d’égalité, d’autres ressentent une forme de passage sous le joug. Comme si la Berne cantonale et la Berne municipale étaient assujetties à la Berne bourgeoisiale…

Le 30 mars prochain, la Bourgeoisie remettra son prix de la culture, doté de 100 000 francs, à la fondation Gosteli, dont l’ob-jectif est de garder vivante la mémoire des nombreuses femmes qui se sont battues pour l’égalité en Suisse. Car comme le rappelle Henriette von Wattenwyl, «la tradition ne consiste pas à conserver des cendres, mais à entretenir une flamme». De quoi réconcilier Ursula et Elisabeth, les deux féministes du café bar?

Un concert organisé par la Maison des générations. (Thomas Walser)

C M Y K

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Suisse

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La Suisse, alliage unique d’éléments des plus divers. (123rf)

12Corine Mauch, maire de Zurich

Il y a tout juste deux semaines, le président autri-chien Alexander Van der Bellen était de passage en Suisse. A la recherche du secret du succès helvé-tique, il s’est intéressé tout particulièrement à la force d’innovation de notre pays. Ses visites l’ont mené à Bâle, sur le site de l’entreprise Roche, puis à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich.

Oui, l’innovation a pris une importance cruciale pour la Suisse au cours des dernières années. De multiples exemples le prouvent. Mais cette capa-cité à développer de nouveaux modèles, de nou-velles techniques, ne doit pas se limiter à la tech-nologie et à la science. Nous devons nous montrer innovants en tant que société et répondre à cette question: comment voulons-nous vivre ensemble? Car la qualité de notre cohabitation constitue le socle de notre succès, en tant que société.

A ce titre, j’estime que les villes sont un lieu d’innovation aussi bien économique que sociale. C’est pourquoi, avec d’autres maires des villes de Genève, Lausanne, Berne, Bienne, Bâle, Lugano, Lucerne, Saint-Gall et Winterthour, nous étudions l’idée d’une nouvelle Exposition nationale, qui s’oc-cuperait précisément de ces questions. Un tel évé-nement permettrait aux dix plus grandes villes de Suisse d’échanger avec le reste du pays.

Précieuse diversitéCar la Suisse est un alliage unique des éléments les plus divers. Quatre langues, de multiples tradi-tions et mentalités, plusieurs religions, des régions urbaines et rurales. Mais aussi des jeunes, des vieux, des riches, des pauvres, des personnes nées ici et des immigrés. La Suisse, c’est tout cela à la fois.

Chaque jour, quelque 250 000 personnes viennent à Zurich pour travailler, se former ou se divertir. Comment permettre à tous de vivre ensemble de la meilleure manière? Cette ques-tion a toujours été au cœur des préoccupations des villes. Leurs habitants partagent un espace restreint. Ils convergent de partout et imprègnent leur environnement, qu’ils transforment en pôle d’échanges culturels et économiques. Les villes sont à la fois berceau et pionnières de l’évolution.

Société en mutationD’autant que la Suisse change à toute vitesse. Nous avons traversé une crise financière globale. L’interconnexion digitale et économique ne cesse de progresser. La migration et l’érosion des res-sources vont transformer profondément notre quotidien professionnel et familial. Que signifient ces changements pour notre pays? A quel mode de vie aspirons-nous dans notre patrie, comment cohabiter?

Depuis la première édition de 1883, les expo-sitions nationales ont offert à chaque généra-tion de Suisses une occasion de se confronter au passé et au présent de leur pays. La génération actuelle mérite aussi son Expo. Ce serait l’oc-casion de créer quelque chose ensemble, dans le respect de l’environnement, et d’aborder les changements comme une chance: c’est dans cet état d’esprit que nous voulons inviter la Suisse à se questionner sur elle-même. Car c’est ainsi qu’elle est devenue un pays capable de faire face aux défis posés par l’avenir.

Les villes, foyers de l’innovation sociétaleCOHÉSION La maire de Zurich, Corine Mauch, s’associe à neuf autres maires pour lancer une nouvelle Exposition nationale. L’occasion pour la Suisse, dit-elle, d’affronter les défis d’avenir et de resserrer ses liens

Romaine Morard, productrice d’«Infrarouge» sur la RTS

«Quand je présenterai Infrarouge, il y aura davantage de femmes à l’antenne…» Oh! je l’ai dite souvent, cette phrase. Et avec quelle conviction! Avec moi, c’était sûr, les choses allaient changer. Fini les plateaux fleurant bon la testostérone, bienvenue aux politiciennes, entrepreneuses, syndicalistes et autres expertes compétentes de Suisse romande et de Navarre.

Sauf que… ce n’est pas le cas. La conviction est toujours là, mais la réalité est plus cruelle. Des émissions entièrement masculines, on en a fait. Des émissions avec une femme triomphalement dénichée pour évi-ter l’affront du plateau unisexe, on en a fait aussi… Et chaque semaine, ou presque, cette question qui revient: alors, on a combien d’invitÉes?

Est-ce qu’on ne cherche pas assez? On pourrait se contenter de cette explication mettant en avant – c’est d’actualité – la mauvaise foi journalistique, mais manifestement le problème est plus profond.

Arrêtons-nous sur les politiciennes, puisque Infrarouge est bien souvent consacrée à la chose publique. 33% de conseillères natio-nales pour cette législature, 15% de sénatrices. C’est déjà mal parti pour nous. L’économie? Pas mieux: 16% de femmes dans les conseils d’administration des 100 plus grandes sociétés suisses, 6% dans les directions. Les universités? 80% des professeurs sont des hommes. Et même du côté des syndicats, il faut chercher la femme!

Alors qu’est-ce qu’on fait? Un annuaire des femmes? Un quota fixe par émission? Une «spéciale femmes» de temps en temps?

Ou alors, on devient un tout petit peu plus ambitieux. Et on sort tout l’arsenal: places en crèche, déduction des frais de garde, flexibi-lité dans le travail, pour hommes et femmes. Et, allez, soyons fous: on évite les syncopes à chaque annonce de grossesse dans l’entreprise, on ne reproche pas les congés maternité dans le CV, on ne demande pas d’avoir un piquet de garde pour enfants malades… Bref, le petit kit de base – il est connu – pour tenter de faire sauter ce fichu plafond de verre. Et pour enfin équilibrer le plateau d’Infrarouge.

«Ça y est, elle nous sort les poncifs!» Oui. Pardon. Mais maternité et vie professionnelle ne vont (toujours) pas de pair. Enfanter est un frein, c’est un fait. Les femmes de ce pays sont bien formées, mais souvent s’arrêtent. Et, du coup, elles sont peu à squatter les pages des journaux et les plateaux télé.

Je crois que ça mérite un débat, un de ces mercredis soir. On l’a sans doute déjà fait. Pas grave. Et puis ça tombe bien, cette année, le 8 mars, c’est un mercredi. Et pour cet Infrarouge au moins, on n’aura pas de peine à trouver des invitÉes.

Des femmes sur les plateaux de télévision

C M Y K

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lundi 6 mars 2017

CITOYENNETÉ En Europe, les électeurs montrent des signes de lassitude face à un processus démocratique qu’on dit affaibli. Traverse-t-on une crise ou une rénovation?

INTERVIEW Ancienne présidente de la section helvétique du Parlement européen des jeunes, Nora Wilhelm, 23 ans, a lancé un projet pour que la Suisse mette sa culture de la coopération au service du développement durable

«La Suisse s’est construite en collaborant»

La démocratie face au défi de l’évolution

Anja Wyden Guelpa, chancelière de l’Etat de Genève

En France et en Allemagne, les élections nationales approchent. Ces grands rendez-vous démocratiques font, pour nombre d’électeurs et d’observateurs, l’objet de suspicions. Il en découle une forme de fatigue démocratique qui favorise l’essor du populisme et de l’abs-tentionnisme. Comment l’expliquer?

Pour Yves Charles Zarka, professeur de philosophie à l’Univer-sité Paris-Descartes-Sorbonne, l’accélération du rythme du monde et la lenteur du processus démocratique en seraient les causes: «La démocratie suppose le temps, le privilège de la raison, la capacité à déterminer le bien commun au-delà de la prochaine échéance élec-torale. Mais cela, la démocratie dégradée en technicisation biaisée du pouvoir, d’une part, et sollicitation des humeurs du peuple, d’autre part, en est incapable.» 1 Sommes-nous vraiment face à une crise de la démocratie? On n’a pourtant jamais autant publié d’ouvrages ou de blogs fourmillant de propositions pour «rénover», «redynamiser» ou «hacker» nos démocraties. Petit tour d’horizon.

Elire au hasard?Selon David Van Reybrouck, auteur d’un tonitruant Contre les élec-tions, «nous avons réduit la démocratie à une démocratie repré-sentative et la démocratie représentative à des élections». Or, selon Nicolas Grimaldi, «si chaque citoyen est détenteur de la souveraineté nationale, pourquoi ne tirerait-on pas au sort ceux qui auraient, pour une législature, la charge de représenter les autres»? 2 Les Athéniens, quelques cantons suisses et les cités italiennes ont connu de telles pratiques par le passé. En Suisse, ce principe est défendu notamment par Génération Nomination, une association créée en 2015, qui y voit la garantie d’une meilleure représentativité des citoyens dans les organes dirigeants.

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Emilia Pasquier, directrice du thinktank Foraus

En octobre dernier, Nora Wilhelm réunissait 350 jeunes de toute l’Europe autour du thème Young and Innovative Ideas for a Sustainable Future, sous la houlette de Didier Burkhalter. La Genevoise d’origine argovienne de 23 ans s’engage aujourd’hui dans un nouveau projet pour réconcilier la Suisse avec ses racines coopératives. Rencontre avec une jeune femme à l’énergie communicative.

Que vous a appris l’organisation d’un événement international tel que la 83e session du Parlement européen des jeunes à Laax sur le rapport entre la jeune génération et la politique étrangère?

Ma génération a grandi dans un monde globalisé et connecté, un monde où, par exemple, la parti-cipation de la Suisse à l’ONU va de soi. Au fil des dernières décennies, l’interdépendance entre les nations a augmenté, tout comme l’urgence des défis globaux. C’est ce qui explique que les jeunes de mon âge remettent moins en question le besoin de collaborer au niveau international.

Selon vous, que peut faire la Suisse pour s’engager sur ce terrain?Notre pays s’est construit en collaborant. Nous pourrions revaloriser ce patrimoine en nous éloi-gnant du sensationnalisme et de la polarisation politique. Il me semble en effet important de se reconnecter et de promouvoir les valeurs fonda-mentales sur lesquelles la Suisse a bâti sa richesse. Des valeurs comme la participation, la collabo-ration, l’inclusion des minorités et, bien sûr, le consensus.

Parlez-nous de votre nouvelle initiative, «Collaboratio helvetica».Notre objectif est de créer des espaces de collabo-ration afin de développer des projets d’innovation durable. Le caractère participatif est central. Nous constatons en effet que les problèmes auxquels nous faisons face aujourd’hui découlent souvent de systèmes économiques, politiques et sociaux à l’œuvre à l’échelle mondiale. Nous sommes convaincus qu’il est essentiel d’apprendre à tra-vailler ensemble et de manière systémique pour trouver des solutions. Ce n’est donc pas un hasard si le projet est soutenu par Engagement Migros, qui promeut des projets pionniers pour notre société en mutation.

Nora Wilhelm, 23 ans, à l’origine du projet «Collaboratio helvetica». (Magali Girardin)

Dans quel domaine souhaitez-vous implanter cette culture de la collaboration?Nous avons choisi les objectifs de développement durable de l’ONU. Ces objectifs sont une oppor-tunité, car ils représentent une vision commune vers laquelle avancer. Concrètement, nous allons rassembler des personnes de tous horizons – aca-démie, ONG, secteurs privé et public – autour d’un objectif. Ce mélange d’«alliés improbables» per-mettra d’identifier des points d’action et de lancer des projets de collaboration qui aideront à réaliser les défis onusiens. A long terme, nous espérons, avec cette approche, revitaliser la culture de la collaboration en Suisse.

L’égalité est le cinquième objectif fixé par l’ONU en matière de développement durable. Comment chacun d’entre nous peut-il contribuer à l’atteindre?

Cela passe par la prise de conscience que le lan-gage contribue à perpétuer des discriminations. Il est important de réaliser qu’à chaque fois que l’on a recours à des expressions stigmatisantes, même inconsciemment, on renforce des stéréotypes pour nous et pour tous ceux qui nous écoutent. Essayer de contrer ces réflexes est un premier pas.

Derrière les termes de «démocratie digitale», de «cyberdémocratie» ou d’«e-démocratie», on trouve une myriade de propositions repo-sant sur les «civic-tech», soit l’ensemble des applications ou tech-nologies qui favorisent l’expression démocratique, plus instantanée, plus rapide et plus participative. Selon Matthias Lecoq, fondateur de la Fabrique de l’espace, «proposer, débattre ou voter devient ainsi accessible au plus grand nombre et permet la mise en place de pro-cessus collaboratifs à grande échelle».

Viser la cohérenceRécemment, Pierre Rosanvallon décrétait dans Le Bon Gouvernement: «Nos régimes peuvent être dits démocratiques, mais nous ne sommes pas gouvernés démocratiquement. C’est le grand hiatus qui nourrit le désenchantement et le désarroi contemporain.» Blocage des institutions, stérilisation et neutralisation du débat seraient autant de signes avant-coureurs du passage d’un pouvoir par et pour le peuple (démo-cratie) à une «a-cratie», par renoncement délibéré ou par incapacité à exercer le pouvoir.

Mais pour la philosophe Cynthia Fleury, auteur des Pathologies de la démocratie: «Il n’y a pas de fatalité, et l’idée d’un déclin ou d’un cré-puscule de la démocratie demeure un cliché dont il faut décidément s’extraire; le défi que tout régime politique doit relever est celui de la cohérence.» Cohérence entre le discours démocratique et le régime dont il doit découler. Pour que cette adéquation soit obtenue, il faut engager le débat pour faire évoluer notre démocratie.

1 Yves Charles Zarka, «Métamorphoses du monstre politique», 2016.2 Nicolas Grimaldi, «Le Crépuscule de la démocratie», 2014.

La blague de Marina Rollman

Ma réserve sur le tirage au sort se base sur mon expérience de la colocation. Je sais ce qu’il advient d’un lavabo aux mains d’un citoyen lambda. J’ai vu la mort dans les yeux. Laissons ces gens en dehors du budget d’Etat.

Et puis à l’heure où une gaine pour mandarine remplie de sau-cisses de veau est chef de la plus grande armée du monde… Et où en France une femme s’apprête à entraîner plus de 60 millions de personnes dans le règlement de son Œdipe… Que dirait-on plutôt d’un examen psychia-trique pour élus?

C M Y K

Hyade Janzi
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Débat

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Le pouvoir de l’injure

Un 8 mars postcolonial

ANALYSE Entre celles qui perdurent et celles qui gravitent en obsolescence programmée, les injures reflètent un indicateur socioéconomique. Caroline Dayer, experte de la prévention des discriminations à Genève, vient de publier un ouvrage sur le sujet

ANALYSE Le groupe PostCit propose une sélection d’événements fictifs, entre réformisme et utopie, qui conçoivent les luttes actuelles en lien avec les expériences, les savoirs et les résis-tances de celleux qui furent placé.e.s sous le joug de l’esclavage et du colonialisme

Caroline Dayer, chercheuse et formatrice

L’injure a le pouvoir de blesser et de dévaloriser. Utilisée comme un signe de ponctuation, elle est banalisée mais pas banale. Elle désigne et assigne, personnellement et collectivement. Elle laisse des bles-sures en héritage, touche en plein cœur et marque le corps, au fer rouge. Plaque tournante du trafic des violences ordinaires, l’injure se tapit comme un sniper, elle prend par surprise et au dépourvu, au piège et assiège.

Le spectre de l’injure capture et fait raser les murs. Drone de la police du genre, il plane comme une épée de Damoclès et sonne comme un rappel à l’ordre patriarcal quand il s’abat. Instrument de contrôle et outil de sanction, l’injure participe de l’artillerie des oppressions. Du trottoir au miroir, dans ses ricochets répétés, elle défigure et préfigure la toile d’araignée dans laquelle les proies sont «attrapées par la chatte».

Face aux discours haineuxS’ériger face aux discours haineux et à la rhétorique injurieuse conduit à diverses accusations: celle de manquer d’humour, voire d’être frigide, celle d’exagérer, celle d’être hystérique, celle de vivre au pays des Bisounours. Pourtant, ce sont précisément les discrimi-nations qui sont dénoncées et qui ne dépeignent en rien des ventres de peluches colorées arborant une fleur ou un soleil.

Ce sont bien des arcs-en-ciel qui ont été fusillés à Orlando et une bulle de liberté qui a éclaté. Le passage sous silence du caractère homophobe et transphobe de la plus grande tuerie de masse dans l’histoire des Etats-Unis fut assourdissant.

Pas de fait alternatif au violLes pierres comme l’acide continuent d’être jetés au visage de femmes injustement considérées comme infâmes. Il n’y a pas de fait alternatif (alternative fact) au viol, il n’est pas un «accident». En temps ordinaire ou de guerre, il constitue une arme de destruction massive. Face aux flots de fausses informations (fake news), l’urgence est à la pensée et à la critique étayée.

L’injure n’est que la pointe de l’iceberg des violences sexistes et sexuelles qui se déclinent de façon plus ou moins audible, visible et dicible, des préaux aux réseaux sociaux, de la rue au stade de foot, du bar au foyer, du contexte professionnel à l’arène politique. Elle ne laisse aucun espace indemne et prend chair dans toutes les sphères.

Dénigrer le fémininLes injures sexistes, homophobes et transphobes règnent au som-met du hit-parade; elles ont en commun de dénigrer ce qui est consi-déré comme féminin dans une société donnée. Le harcèlement de rue et au travail, le déni et les coups, les inégalités salariales et les attaques envers le droit des femmes à disposer de leur corps ne sont pas des électrons libres mais des expressions du sexisme. Ce dernier – en tant que système idéologique hiérarchisant – ne fonctionne pas de manière isolée mais s’articule notamment avec le racisme, le clas-sisme, l’hétérosexisme.

Jovita dos Santos Pinto, Noémi Michel, Sophie Pagliai, Mélanie Pétrémont

Et si le 8 mars était l’occasion de prendre au sérieux les approches cri-tiques de la «race» et de la postcolonialité pour penser les droits des femmes et de toute personne altérisée dans le monde? Le groupe de recherche PostCit* vous propose une sélection d’événements qui appré-hendent les luttes actuelles en lien avec les expériences, les savoirs et les résistances de celleux qui furent placé.e.s sous le joug de l’esclavage et du colonialisme.

Inauguration de l’Espace de la mémoire présenteCette installation met en scène les hologrammes d’afro-descendantes incontournables. Henriette Alexander (1817-1895), connue pour son jour-nal interrogeant sa condition de femme noire en Suisse, est assise à son bureau en pleine rédaction. Face à elle, Tilo Frey (1923-2008), l’une des premières conseillères nationales, élue en 1971 à la suite de l’introduction du vote des femmes, place son bulletin de vote dans l’urne au Palais fédé-ral. Cette installation sera inaugurée sur la place de Neuve, à Genève, et remplacera le buste d’Henry Dunant, fondateur de la société coloniale suisse à Sétif (Algérie). Elle s’inspire d’autres monuments publics dédiés aux militantes, telle que la statue de Solitude (1772-1802), résistante à l’esclavage érigée aux Abymes (Guadeloupe). L’Espace accueillera ensuite d’autres figures d’émancipation au gré des débats publics.Le 8 mars à 11h, place de Neuve

Une experte du regard à la rencontre des élèvesLors de leur cours d’éducation antiraciste, les élèves du secondaire pour-ront écouter une conférence au sujet d’Amanoua Kpapo, performeuse albinos de la troupe Togo-Mandingo qui parcourut l’Europe et l’Asie au début du XXe siècle. Comment Kpapo arriva en Europe depuis Accra? Quelle fut la nature de son travail dans les zoos humains, si populaires

en Suisse? Comment l’exhibition d’une altérité «sauvage» a-t-elle formé un regard qui exotise et déshumanise les corps non blancs aujourd’hui encore? Comment ces pratiques coloniales impactent-elles le racisme et le sexisme actuels? Telles seront les questions abordées par la rappor-teuse spéciale pour la promotion du regard décolonisé, qui est aussi l’une des descendantes de Kpapo.Le 8 mars à 14h15, sur la scène de la rue du Village suisse.

Un rapport sur la désobéissance à la matrice coloniale des violences«Désobéissons pour enfin respecter toute existence qu’elle soit noire, rom, féminine, trans, queer, handicapée/à capacité différente, travailleur.se du sexe, asexuelle, enfantine, animale, végétale, etc.» Tel est le résultat sans appel du rapport publié par la Coalition sur les violences et traumas inter- et intra-espèces de différentes générations. Selon celle-ci, «à partir de la colonisation et du capitalisme, la vie à protéger est construite sur le modèle soit-disant universel et rationnel de l’HB +, à savoir l’homme blanc, cisgenre, hétérosexuel, bourgeois, de culture chrétienne, marié et valide, seulement 15% de l’humanité actuelle! Les vies «déviantes» se retrouvent contrôlées, isolées, amoindries voire exterminées par des pra-tiques qui normalisent la violence à leur égard (chasse aux «sorcières», profilage racial, psychiatrisation, industrialisation de la production ali-mentaire, etc.).» En tournée mondiale, la Coalition fera halte à la frontière franco-suisse. Une occasion en or pour participer à un mouvement plané-taire d’alliance des colères et des résistances.Le 8 mars à 19h, dans l’Espace pour les migrations/déplacements d’hier et d’aujourd’hui (ex-douane de Moëllesulaz).

* PostCit rassemble des chercheur.e.s, des artistes, des activistes et toute autre personne intéressé.e dans le but de produire des réflexions trans-disciplinaires autour des problématiques liées à la «race» et la postcolo-nialité. https://www.unige.ch/sciences-societe/incite/index.php?cID=77

LE TEMPS

PodcastA découvrir absolument: le podcast des Crépidules, du nom d’un mollusque à l’hermaphrodisme suc-cessif. Tous les quinze jours, Linn et Alessandra proposent un nouvel épisode de leur «éthique féministe» à travers des thèmes aussi variés qu’un film d’animation qui fait polémique, l’histoire de la contraception, le rôle des sorcières ou le sexisme comme stratégie politique pour accéder au pouvoir. Le podcast, média déjà reconnu dans la culture anglophone, permet de faire entendre des voix largement sous-représentées et se veut une alternative aux flux médiatiques instantanés et réactifs. Le dernier épisode est consacré à l’his-toire de l’allaitement en Occident.

https://crepidules.comLire l’article en ligne: www.letemps.ch/societe/

2017/03/05/crepidules-voix-feminismes

GenèveLa Ville de Genève organise, du 6 au 12 mars, une semaine dédiée à l’égalité hommes-femmes. Le thème de cette année? «Ne nous libérez pas, on s’en charge». Un voyage à travers l’égalité, le genre et les féminismes dans le monde. Une table ronde sur ce sujet aura lieu le 9 mars à la Bibliothèque de la Cité.

www.semaine-egalite.ch

Résister par les réseauxLes réseaux sociaux sont devenus indispensables dans la lutte contre les discriminations. On l’a vu notamment avec la Marche mondiale des femmes du 21 janvier, où des millions de personnes se sont mobilisées contre les propos misogynes de Donald Trump. Invitée par WIN (Women’s International Networking), la Norvégienne Gry Tina Tinde, coor-dinatrice de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, suivie par 32 000 followers sur Twitter, expliquera comment mieux utiliser les RS dans un but mili-tant. Son intervention, en anglais exclusivement, sera suivie d’un atelier pratique. Le 8 mars à 18h, au Beau-Rivage Palace de Lausanne.

www.winconference.net

Start-upComment transformer une idée en start-up? Le Club de femmes entrepreneures a décidé d’en-courager les femmes qui souhaitent se lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat. D’où l’organi-sation d’un hackathon 100% féminin où expertes et conseillères aideront une quinzaine de parti-cipantes à finaliser leur projet en deux jours. Le Women Kick Off se déroulera du 10 mars (18h30) au 12 mars.

www.femmes-entrepreneurs.ch/

L’agenda indispensableA la fois agenda de tous les événements à venir et revue de presse de toute l’actualité féministe en Suisse romande, tout savoir sur: https://actuelles.ch/

Quelques infos à savoir

Entre celles qui perdurent et celles qui gravitent en obsolescence programmée, les injures reflètent un baromètre géopolitique, un indicateur socioéconomique. Elles tracent des barrières et charrient des stigmatisations. Le fait de traiter une ministre de guenon en lui criant de manger sa banane témoigne de leur ténacité et de leur impunité. L’injure dit davantage de la personne qui la profère que de sa cible.

Indignation collectiveL’injure force à l’armure, forge la posture et entraîne le combat. Elle provoque le refus de sa légitimation. Elle appelle à l’indignation indi-viduelle et à la mobilisation solidaire. Elle devient un pivot de révolte, un vecteur de contestation. Elle cristallise les énergies et ravive les combats ancestraux.

Le sexisme n’a pas de frontières et c’est aux discriminations qu’il s’agit de barrer la route et non à l’égalité. Des situations de vulné-rabilité aux luttes émancipatrices, de résistance en créativité, le problème consiste à continuer d’estimer que ce sont les femmes le problème. Il s’agit de rappeler que le gène de l’aspirateur n’existe pas, celui du talon aiguille non plus.

Quant aux aiguilles à tricoter, elles ne devraient pas avoir à servir la clandestinité de l’IVG mais permettre de confectionner des bon-nets bigarrés. Des vagues féministes aux ressacs au goût de backlash, de divergences en convergences, la vivacité et la diversité des cou-rants poussent à récuser les horizons éborgnés et la (re)production de dominations, à cultiver les mémoires et à faire l’histoire.

Les manifestations qui marchent dans les traces pionnières des différents fuseaux horaires œuvrent pour davantage de justice sociale. Elles visent à construire des ponts et non des murs. Ce 8 mars 2017 est marqué par le travail souterrain du quotidien qui se mue en pancartes à travers les océans, confluant vers le respect des droits humains et activant des sillons de coalition.

Vernissage: «Le pouvoir de l’injure. Guide de prévention des violences et des discriminations» le 8 mars 2017 entre 18h30 et 20h30 au Bal des Créateurs (rue de l’Arquebuse 25).

lundi 6 mars 2017

La blague de Marina Rollman

Le «politiquement correct», c’est quand quelqu’un parle d’une minorité de manière désobligeante et que la mino-rité en question propose à cette personne d’aller plutôt manger des gravats.

C’est là que généralement le génie de la gaudriole en ques-tion module son propos avec un argument dont le plumage n’a d’égal que le ramage, «c’est de l’humour», dont l’équivalent si le blagueur a moins de 9 ans est «caca boutchi».

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MANIFESTE L’association Les Indociles, fondée en 2014, réunit cinq femmes, une scénographe, une comédienne, une historienne, une docteure en droit et une historienne de l’art. Elle a pour but de lutter contre différentes formes de discrimination. Elles nous proposent leur Manifeste dada, une liste des 32 raisons d’être féministes

De la nécessité d’être féministe en trente-deux points et un poème

Les Indociles

La docilité est une «disposition à se laisser instruire, conduire par». Il s’agit d’un «comportement soumis», d’une «tendance à obéir». Nous concevons l’indocilité comme un refus de la soumission, une forme de désobéissance, de résistance, d’indépendance face à cer-taines normes sociales et juridiques qui façonnent notre société.

Parce que nous croyons que notre sexe, quel qu’il soit, ne devrait pas déterminer notre liberté d’action et nos choix.

Parce que la féminité n’est pas le propre des femmes.

Parce que la masculinité n’est pas le propre des hommes.

Et inversement.

Parce que «girls just want to have fun.»

Parce que le sexisme aujourd’hui est beaucoup plus insidieux que lors des premières luttes. Vigilance!

Parce que si Oskar Freysinger était une femme, elle «revendiquerait l’inégalité».

Parce que nous souhaitons questionner les normes dont sont empreintes nos sociétés, poin-ter du doigt certaines absurdités, décons-truire certains discours.

Parce que , comme Virginie Despentes, nous aussi nous voulons écrire et créer pour «les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbai-sables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf».

Parce que La Femme, ça n’existe pas. A part le groupe de musique évidemment.

Parce qu’ un homme sur deux est une femme.

Parce que tout le monde connaît, fréquente, vit avec, travaille avec une personne se reconnais-sant en tant que femme. Il s’agit de penser individuellement et collectivement une société qui respecte et se montre fière de sa diversité.

Parce que se faire appeler «mademoiselle» sous-en-tend qu’on devient femme quand on se marie.

Parce que les hommes se déclarant (pro-)féministes sont trop rares et qu’il faut toujours se méfier de ceux qui disent «adorer» les femmes.

Parce que l’égalité, ce n’est pas une opinion poli-tique mais un droit. Tout comme le fait de ne pas se faire harceler dans la rue, de ne pas être violée, de ne pas être frappée par son conjoint ou sa conjointe, d’avoir le même salaire que les hommes, d’avorter, de se vêtir comme on le souhaite, etc. Des droits, pas des opinions.

Parce que dire des femmes qu’elle sont plus fragiles, plus délicates, plus belles, plus charmantes, plus mystérieuses (…) est une façon de les garder à une place inférieure.

Parce que tout le monde est féministe, non?

Parce qu’ il a fallu attendre les années 70 pour voter, les années 80 pour ouvrir un compte en banque sans l’accord de son mari, les années 90 pour qu’une loi fédérale sur l’égalité hommes-femmes soit entéri-née, les années 2000 pour que le droit du divorce soit révisé, l’avortement dépéna-lisé, les violences dans les couples pour-suivies d’office, l’assurance maternité enfin acceptée.

«fille femme nénette poulette croquette jambonnette jarret et fermeté qui dans l’os ne l’a pas mangé… il va falloir vous méfier gare au frigo où tu veux nous entreposer les seins des nicolas sont toujours encore là pour dessaler les envies sans respect montons nos crosses et cassons la croûte le croûton de ces vieux dictons tentons ensemble une nouvelle recette avec des fèommes, des fillçons et des garlettes»

Parce que les femmes ont leur place dans la rue, à vélo, à pied ou en patins à roulettes, sans se faire interpeller par des remarques sur la présence de leur corps dans l’espace public.

Parce qu’ un jour on m’a dit: «Dans le sexe, l’homme donne et la femme reçoit.»

Parce que ne pas vouloir d’enfant pour une femme est encore suspect.

Parce que non, nous ne laisserons pas notre fémi-nisme être utilisé à des fins racistes, clas-sistes, LGBTIQphobes. Notre féminisme inclut les femmes dont le corps est mar-qué par la différence raciale, les femmes voilées, les femmes non hétérosexuelles, les femmes trans*, les femmes queer, les femmes de basses couches sociales. Toutes les personnes qui se définissent de bonne foi comme des femmes.

Parce qu’ en 2015, on demande encore au nouveau premier ministre canadien pourquoi il a décidé d’avoir un gouvernement paritaire.

Parce que le viol en droit suisse est encore défini comme la pénétration d’un pénis dans un vagin. Peut mieux faire.

Parce que quand on dit «l’écrivain», «le professeur», «l’avocat», «le pompier», «le policier», c’est un homme que nous imaginons, pas une femme. Et que la représentation est essentielle dans une construction identitaire.

Parce que si vraiment cela n’avait aucune impor-tance, on ne passerait pas autant de temps à nous expliquer pourquoi le mas-culin neutre englobe tout le monde.

Parce que «j’ai piscine», ça veut dire non.

Parce qu’ à l’heure du politiquement correct où tout le monde se dit pour «l’égalité», nous nous revendiquons féministes.

Parce que nous préférons être heureuses plutôt que normales.

Parce que notre plaisir est révolutionnaire.

Parce que nos bodies are perfect.

Parce que la pénétration n’est pas obligatoire.

Parce que la pauvreté ne doit pas être une condition féminine.

2017, soyons féministes:

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16«De nouvelles méthodes rendent les modifications du génome beaucoup plus accessibles»BIOLOGIE Pour Nouria Hernandez, rectrice de l’Université de Lausanne et responsable de la page Sciences pour «Le Temps des femmes», le grand public n’est pas suffisamment au fait des nouvelles possibilités offertes par les outils génétiques

Pascaline Minet

Des champignons qui ne brunissent pas quand on les découpe, des moustiques qui ne transmettent pas le paludisme, des chats hypoallergéniques et des vaches résistantes aux maladies… tous ces organismes sont devenus réalité grâce aux progrès récents du génie génétique. Mais ces manipulations du vivant sont-elles souhaitables? Et com-ment les encadrer pour éviter les dérives? Pour la généticienne Nouria Hernandez, rec-trice de l’Université de Lausanne et responsable de la page Sciences pour Le Temps des femmes, il est urgent que la société se saisisse de ces questions. D’autant plus que de telles techniques sont désormais applicables chez l’être humain.

Vous estimez qu’il existe un décalage entre le grand public et les scientifiques au sujet des modifications génétiques. A quel niveau?

Il me semble que la société n’a pas encore pris la mesure de toutes les possibilités offertes par le génie génétique. De nombreux progrès ont été réa-lisés ces dernières années, avec la mise au point de nouvelles méthodes qui rendent les modifications du génome beaucoup plus accessibles. Je pense notamment à la technique dite «Crispr-Cas9», qui permet d’inactiver un gène ou de le modifier faci-lement et avec beaucoup de précision. C’est une authentique avancée par rapport aux anciennes approches. Il est important de souligner qu’elle est issue de la recherche fondamentale sur les méca-nismes de défense des bactéries. Une magnifique invention!

Mais cette méthode a aussi sa part d’ombre: certains s’inquiètent de son utilisation chez l’être humain.

Ce qui fait le plus peur, c’est qu’on emploie Crispr-Cas9 sur des cellules sexuelles (spermatozoïdes et ovules) ou des embryons humains à un stade très précoce. On donnerait alors naissance à des bébés génétiquement modifiés, qui, en grandis-sant, auraient la possibilité de transmettre la modi-fication génétique à leurs propres enfants. L’intérêt d’une telle approche est d’éradiquer une maladie génétique non seulement chez un individu, mais aussi dans sa descendance. La méthode n’est pas encore tout à fait au point, mais elle a déjà fait l’objet d’expérimentations: en 2015, une équipe chinoise l’a employée avec un succès mitigé sur des embryons porteurs d’une grave maladie génétique du sang. Si ce type de manipulation est controversé, c’est qu’il ouvre la porte à des changements géné-tiques non plus seulement chez des personnes iso-lées, mais au sein même de la lignée humaine.

Etre recruté par un algorithme

Ghislaine Bloch

Les algorithmes deviendront-ils des outils de recrutement? «L’intelligence artifi-cielle occupera une place de plus en plus importante dans la gestion des ressources humaines», estime Boris Beaude, professeur en sociétés, cultures et humanités numé-riques à l’Université de Lausanne.

Une start-up comme Riminder, en France, propose des logiciels qui analysent les candidats. Sa solution centralise les CV reçus et sélectionne ceux qui correspondent aux attentes de l’employeur. Le système consiste à mettre en relation offres d’emploi non pourvues et candidats, via un modèle mathématique qui va calculer le taux de com-patibilité entre l’offre et le candidat. Puis le logiciel évalue les candidatures par ordre de pertinence. Des sociétés, telles Atos ou Crédit Agricole, utilisent ce type de solution.

Craintes de dérives du systèmeEn Suisse, même si la tendance est à l’utilisation d’outils de gestion pour le suivi admi-nistratif des dossiers, les entreprises sont encore relativement rares à faire appel à des logiciels qui analysent les CV et notent les profils. Au CERN, en matière de recrutement, on fait appel depuis 2011 à Sonru, un outil qui permet de faire des entretiens automati-sés par vidéo. «Nous sommes une organisation européenne à la pointe de la technolo-gie, mais chaque candidat est respecté et son CV est traité par un être humain et non par une machine. En revanche, une fois les CV sélectionnés, nous réalisons dans 95% des cas un premier entretien en ligne grâce à Sonru. Les questions sont préenregistrées par écrit. L’avantage, c’est que le candidat peut y répondre à l’heure qui lui convient et quel que soit le pays où il se trouve», explique Anna Cook, responsable adjointe de l’ac-quisition de talents au CERN.

Si ce n’est pas le but visé de Sonru, d’autres logiciels permettent d’analyser les entretiens, en se concentrant sur le stress perceptible dans la voix, les micro-ex-pressions ou la vitesse d’élocution. Boris Beaude cite l’exemple d’IBM, qui prévoit de développer la puissance de calcul de Watson, déjà très utilisé dans le domaine de la santé, aux exigences complexes des ressources humaines. Il craint les dérives du sys-tème. «Utilisées aveuglément, ces approches peuvent être d’une rare violence sociale. Comme dans toute technique, le déploiement de l’intelligence artificielle se situe entre l’émancipation et l’asservissement, avec une touche de fourvoiement, inévitable dans un premier temps. Une entreprise qui décide de déléguer une part de la gestion de ses ressources humaines à une intelligence artificielle doit en cela s’assurer que les valeurs de cette intelligence artificielle sont adaptées à sa propre culture d’entreprise.»

lundi 6 mars 2017

Louise Ducatillon

LOGICIELS L’intelligence artificielle occupera une place de plus en plus impor-tante dans la gestion des ressources humaines

Quelles sont les questions éthiques soulevées par ces nouvelles possibilités?On considère souvent qu’une modification géné-tique est acceptable si elle améliore significa-tivement la santé d’une personne. Mais dès lors qu’une telle modification peut se transmettre à la génération suivante, alors on prend une décision pour des personnes qui ne sont pas encore nées! Il faudrait s’assurer, avec encore plus de certitude qu’aujourd’hui, qu’il n’y aura pas d’effet secondaire inattendu lié à la correction génétique. Il serait aussi nécessaire de définir quelles sont les mani-pulations acceptables. Le fait de supprimer un gène qui cause une grave maladie transmissible – la mucoviscidose par exemple – semble posi-tif. Mais qu’en est-il si la modification génétique permet seulement d’atténuer des symptômes, de telle sorte qu’un enfant ne va pas mourir, mais qu’il va vivre avec de lourds handicaps? Les modi-fications génétiques envisagées pourraient par ailleurs dépasser le cadre strictement médical: souhaite-t-on concevoir des êtres humains moins agressifs, sans tendance à l’obésité ou aux addic-tions? Toutes ces possibilités sont aujourd’hui théoriquement envisageables. C’est pourquoi il est indispensable de mettre au point un cadre juri-dique qui les réglemente.

Les manipulations génétiques touchant des êtres humains sont particulièrement sen-sibles. Mais les outils génétiques sont pour l’heure surtout employés pour améliorer des plantes et des animaux. Ne doit-on pas là aussi se poser la question de ce qui est acceptable ou pas?

Certainement! On ne doit pas se permettre n’im-porte quoi en matière de manipulations géné-tiques, en particulier chez les animaux, que je ne peux personnellement pas considérer comme des objets. Le fait de modifier génétiquement des plantes me pose moins problème. J’estime que les OGM seront indispensables pour nourrir notre planète dans le futur, et cela particulièrement dans le contexte des changements climatiques. Le débat sur ces plantes est souvent biaisé, car il est associé à celui sur les multinationales qui les com-mercialisent. Mais je ne pense pas que la situation actuelle soit figée: en matière de génie génétique comme sur d’autres sujets de société, les mentali-tés évoluent vite!

SciencesLa blague de Marina Rollman

Ça va être compliqué d’expli-quer aux travailleurs de demain que le capitalisme a un visage humain quand, dans les faits, ils devront reporter leur plainte pour mobbing à l’enfant démo-niaque d’une photocopieuse et d’une essoreuse à salade.

Alors oui, ça pourrait bien se passer. Ou ça pourrait finir comme Minority Report. Dans la mesure où Idiocracy et 1984 d’Orwell se sont tous deux matérialisés en 2016, est-ce vraiment le moment de tenter notre chance?

C M Y K

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Technologie

Adrienne Corboud Fumagalli, responsable du Social Media Lab de l’EPFL

Microsoft est presque une anomalie au milieu des Facebook, Google, Apple ou encore Amazon. Le groupe était donné pour condamné lorsque des concurrents sont venus attaquer Windows et Office. Mais ces logiciels ont résisté et Microsoft s’est développé dans l’informatique en nuage, ou cloud computing. Marianne Janik, directrice de Microsoft pour la Suisse, répond aux questions d’Adrienne Corboud Fumagalli, respon-sable du Social Media Lab de l’EPFL.

Le cloud computing, ou l’informatique en nuage, est le point de rencontre de tous les grands acteurs de la technologie. Microsoft, venant du logiciel, est très présent sur ce marché, tout comme Apple, venant du hardware, Google, venant de la publicité… Comment pouvez-vous vous différencier sur ce marché?

Nous disposons d’une stratégie fondée sur plu-sieurs piliers. D’abord, nous concevons le cloud computing comme une plateforme collaborative pour augmenter la productivité tant dans le milieu de l’entreprise que pour les particuliers. De plus, nous proposons un cloud intelligent, en offrant toute une palette de services simples à utiliser, tant pour la PME que pour les clients privés. Notre but est de démocratiser au maximum le cloud pour en faire bénéficier le plus grand nombre, tant ses possibilités sont énormes. Et nous voulons en parallèle relier notre cloud intelligent à des tech-nologies telles que le machine learning et l’intel-ligence artificielle. Je pense que c’est ce qui nous différencie de la concurrence: proposer le cloud pour tout le monde, à des coûts abordables, via notre forte expertise dans ce domaine.

En parallèle, on observe que tout se déplace vers le mobile et que peu importe le terminal que l’on utilise, le consommateur s’attend à pouvoir avoir accès partout aux mêmes services…

Absolument. Microsoft a reconnu peut-être un peu tard l’importance du mobile, mais nous sommes aujourd’hui pleinement investis dans ce marché et nos solutions sont reconnues. Les clients s’at-tendent en effet à être connectés en permanence, peu importe l’heure, le lieu ou le terminal: à nous de proposer des solutions adéquates. Encore une fois, nous voulons servir tant la clientèle pro-fessionnelle que la clientèle privée. C’est aussi notre grande force, d’être présents sur ces deux marchés.

«Microsoft ne veut pas entrer sur le marché de la publicité»

Pourquoi il faut apprendre le code aux enfants

TECHNOLOGIE Marianne Janik, directrice de Microsoft pour la Suisse, explique la stratégie de sa société: démocratiser le cloud, qui offre d’immenses possibilités

Marianne Janik, directrice de Microsoft pour la Suisse. (Vanessa Püntener)

Adrienne Corboud Fumagalli, responsable du Social Media Lab de l’EPFL. (Delphine Schacher)

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Les géants de la technologie sont principalement américains. Comment perçoivent-ils la position européenne sur la protection des données? On imagine que, vu de la Californie, les Européens et leurs demandes pour protéger la vie privée sont vus comme des empê-cheurs de faire des affaires…

Pas forcément. Pour nous, il est clair que les sensibili-tés sont différentes dans plusieurs parties du monde et cela ne nous pose aucun problème. Nous respec-tons les lois locales, nous offrons des choix à nos clients. Microsoft a beau être une société américaine, nous avons l’habitude des spécificités européennes ou asiatiques, par exemple. Cela permet d’établir un lien de confiance avec nos clients, un lien essentiel pour réaliser des affaires.

Actuellement, les consommateurs ont l’impression de ne rien pouvoir obtenir des géants de la Silicon Valley sans devoir leur fournir des données personnelles. C’est en quelque sorte le prix à payer pour utiliser des services en grande partie gratuits…

Microsoft suit une voie totalement différente. Ce n’est pas dans notre ADN de proposer des services gratuite-ment en échange de données de nos clients. Nous avons beaucoup réfléchi et nous sommes arrivés à la conclu-sion que nous sommes une entreprise d’ingénieurs, de gens qui écrivent du code de logiciels et qui développent des plateformes. Nous ne sommes pas à l’aise sur le mar-ché de la publicité et nous ne voulons pas y entrer. Nous ne voulons pas non plus entrer sur les marchés de nos clients, en créant par exemple des voitures autonomes pour des robots. C’est exclu. Par contre, nous voulons aider tous nos clients en leur proposant des plateformes pour travailler et collaborer de manière plus efficace, pour qu’ils entrent dans de nouveaux marchés.

Qui sont les concurrents de Microsoft, aujourd’hui?Cette concurrence est beaucoup plus variée qu’on ne le pense. Il existe de très nombreuses sociétés, sou-vent de petite taille, qui concurrencent certains de nos services. Il y a bien sûr Amazon et Google sur le marché du cloud computing, mais le marché de la collaboration et de la productivité a attiré de très nombreux acteurs avec qui la concurrence est aussi intense que saine.

Revenons au mobile. Microsoft a totalement raté le virage de la téléphonie, puis le rachat de Nokia a tourné au fiasco, et pourtant Microsoft est en croissance et en pleine santé finan-cière. Cela semble surréaliste…

Peut-être, vu de l’extérieur. Mais nous avons réussi à sans cesse nous réinventer, et l’arrivée de notre nou-veau directeur, Satya Nadella, il y a un peu plus de deux ans, a été extrêmement bénéfique à la société. Il amène beaucoup d’enthousiasme et de passion au sein de Microsoft, en faisant évoluer la société tout en s’appuyant sur des valeurs extrêmement solides. Depuis, Microsoft a totalement réussi à prendre le virage du mobile en proposant tous ses services sur des smartphones ou des tablettes.

Votre assistant personnel s’appelle Cortana, celui d’Amazon Alexa, on se souvient du film «Her»… Pourquoi les assistants personnels ont-ils tous un prénom féminin?

C’est une bonne question, je me suis fait récemment la même réflexion… Derrière cela, il y a sans doute la notion de service, qui est souvent associée à une femme, ce qui ne devrait désormais plus être le cas… A mon avis, la connotation féminine devrait et va dis-paraître assez rapidement. Ce ne sont que les débuts de l’intelligence artificielle, je suis convaincue que les prochaines générations de ces assistants n’auront pas de genre.

Croyez-vous que, dans un avenir très proche, l’interaction entre humains et machines sera inévitable et permanente, avec des chatbots s’insérant par exemple dans nos conversations?

Je crois vraiment que ces assistants seront de plus en plus importants et utiles. Mais il faudra aussi permettre à des internautes qui ne souhaitent pas inter agir avec des machines de le faire. C’est très important, car tout le monde n’aura pas envie de converser avec des machines.

La blague de Marina Rollman

Chère Madame Janik, je ne suis pas sûre d’être parfaitement au point sur le cloud, mais j’ai cru comprendre que c’était un espace de stockage dématéria-lisé. Ayant moi-même un pro-blème récurrent de chaussettes se dématérialisant pendant les lessives, j’aurais voulu connaître la démarche pour les re-télé-charger. Bien à vous.

Abir Oreibi, directrice de Lift

Lift: Lab a consacré une journée à la question de l’éducation. A tra-vers un workshop réunissant experts et professionnels du secteur et surtout grâce aux enfants, premiers concernés par le sujet, qui sont venus réfléchir aux modèles éducatifs de demain, j’ai pu constater certaines tendances émergentes dans ce domaine: la nécessité de laisser s’épanouir des compétences telles que la créativité, la trans-disciplinarité et l’adaptabilité ou encore, comme nous le propose le professeur de l’EPFZ Manu Kapur, également présent à Lift: Lab, la possibilité de développer de nouvelles formes d’apprentissages, comme la Productive Failure, une approche disruptive proposant un apprentissage par l’erreur.

Dans un monde en pleine mutation, où l’avènement des techno-logies a déclenché une 4e révolution industrielle, notre devoir vis-à-vis des générations futures est celui de l’anticipation. Anticiper, en imaginant les compétences nécessaires aux jeunes qui arriveront demain sur le marché du travail. Anticiper, en dessinant aujourd’hui notre futur, afin de pouvoir former les jeunes générations et les pré-parer avec succès à leur avenir.

Nous savons que, dans les pays industrialisés, à moyen terme, près de 50% des emplois vont disparaître. Nous savons égale-ment que deux tiers des enfants qui entrent à l’école aujourd’hui exerceront des métiers que nous ne connaissons pas encore. Je suis convaincue qu’il faut trouver les moyens de mettre les technologies à profit, plutôt que de se sentir menacés par elles, car aujourd’hui, nous avons dépassé la question du «si» pour nous poser la question du «comment».

Nous avons, en Suisse, la chance d’avoir des personnes enga-gées, qui ont lancé des initiatives privées offrant des programmes de codage ou d’entreprenariat, tels que Kidimake ou Graines d’entre-preneurs. Mais trop peu d’enfants ont actuellement accès à ces pro-grammes, qui mériteraient d’être dé ployés à beaucoup plus grande échelle et d’être surtout accessibles aux élèves de l’instruction publique.

La prise de conscience est donc urgente et j’appelle nos diri-geants à mesurer l’importance des enjeux et la nécessité de s’adap-ter aux mutations en cours. Je suis convaincue qu’il faut rapidement rassembler les acteurs à même de mener des réflexions sur ces sujets. Il faut ensuite concrétiser les conclusions en les appliquant à notre système scolaire, afin que nos enfants puissent développer les compétences nécessaires pour devenir des adultes adaptés au monde de demain.

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LAUSANNE10 h 30: Mme Renée Favrat-Voutaz; La Conversion; centre funéraire de Montoie, chapelle A.14 h: Mme Marie-Berthe Périllard-Maréchaux; Lausanne; temple de Saint-Jacques.14 h: M. Herbert Urech; Lausanne; église Saint-François.

VAUDCorsier-sur-Vevey – 14 h: M. Bernard Jornod; temple.Le Lieu – 13 h 30: Mme Denise Julmy-Humberset; temple.Pully – 10 h: M. Philippe Degoumois; église du Prieuré.Roche – 14 h: M. André Morex; temple.

FRIBOURGBulle – 14 h: M. Grégory Pierre Michel Perrenoud; église Saint-Pierre-aux-Liens.Fribourg – 14 h 30: M. Alphonse Gugler; église Saint-Jean.Promasens – 14 h 30: M. Eric Buchs; église. NEUCHÂTELBevaix – 14 h: M. Roland Guinnard; église catholique.La Chaux-de-Fonds – 11 h: M. Jean-Philippe Monard; centre funéraire.La Chaux-de-Fonds – 14 h: M. Daniel Vuilleumier; centre funéraire. VALAISEvionnaz – 16 h: M. José Manuel

Tavarez Soarez; église.Plan-Conthey – 17 h: M. Luis Arias; église.St-Léonard – 17 h: M. Jean-Pascal Mertenat; église.

GENÈVECarouge – 14 h 30: Mme Marianne Demal; église Sainte-Croix.Chêne-Bougeries – 14 h: M. Aloys Muller; temple.Genève – 13 h 30: Mme Danielle Chambas; centre funéraire de Saint-Georges.Genève – 14 h: Mme Elsa Prevedello; mission catholique italienne.Thônex – 11 h: Mme Ginette Gut-Currat; église Saint-Pierre.

CONVOIS FUNÈBRES

18Carnet

Editeur/RédactionLe Temps SAPont Bessières 3, Case postale 6714CH – 1002 Lausanne Tél + 41 21 331 78 00Fax + 41 21 331 70 01

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ISSN 1423-3967No CPPAP: 0413 N 05139

Journal imprimésur papier certifié FSC®

Cette édition spéciale a été réalisée dans le cadre d’un workshop à la HEAD – Genève, Haute école d’art et de design.

Direction artistique: Pauline PiguetRéalisation de la maquette: Jodie Aeschlimann, Fanny Blanchet, Shadya Emery, Seda TürkRéalisation graphique du numéro spécial: Rebecca Metzger, Pauline PiguetIllustration: Louise Ducatillon, Eléa Rochat Typographie: Andrea Anner, www.andreaanner.ch

Profondément touchée par les témoignages de sympathie et d’affection reçus lors du décès de

Monsieur Ernest BRÜTSCHsa famille remercie très sincèrement toutes les personnes qui l’ont entourée soit par leur présence, leur soutien, leurs dons ou leurs messages de condoléances et les prie de trouver ici l’expression de sa vive reconnaissance.

MURITH

DEUIL

REMERCIEMENTS

NUMÉROS D’URGENCEAmbulances: Tél. 144Police Secours: Tél. 117Sauvetage du lac: Tél. 117Pompiers: Tél. 118Secours routier: Tél. 140La Main tendue: Tél. 143Centre d’information toxicologique: Tél. 145Aide pour enfants Pro Juventute: Tél. 147REGA: Tél. 1414Air Glaciers: Tél. 1415

HÔPITAUX ET CLINIQUESGENÈVEHUG: Tél. 022 372 33 11HUG Urgences adultes: Tél. 022 372 81 20HUG Urgences de gyné- cologie et d’obstétrique: Tél. 022 372 42 36HUG Urgences ophtalmologiques: Tél. 022 372 84 00HUG Urgences pédiatriques: Tél. 022 372 45 55HUG Urgences psychiatriques: Tél. 022 372 38 62HUG Prévention suicide:

Tél. 022 372 42 42HUG Ophtalmologie: Tél. 022 382 84 00Hôpital de La Tour: Tél. 022 719 61 11Centre médico-chirurgical des Eaux-Vives: Tél. 022 718 03 80Centre médico-chirurgical Grand-Pré: Tél. 022 734 51 50Clinique de Carouge: Tél. 022 309 45 45Clinique La Colline: Tél. 022 702 21 44Clinique Générale-Beaulieu: Tél. 022 839 54 15Clinique des Grangettes: Tél. 022 305 01 11Urgences adultes: Tél. 022 305 07 77Urgences enfants: Tél. 022 305 05 55Clinique et permanence d’Onex: Tél. 022 709 00 00Clinique dentaire de Genève: Tél. 022 735 73 35 Garde pédiatrique de Lancy: Tél. 022 879 57 00 (Jour) Tél. 0844 022 022 (Soir sur RDV)

SOS médecins à domicile: Tél. 022 748 49 50SOS Infirmières: Tél. 022 420 24 64

VAUDCHUV: Tél. 021 314 11 11Hôpital de l’enfance: Tél. 021 314 84 84Hôpital ophtalmique: Tél. 021 626 81 11Centrale des médecins de garde du canton de Vaud: Tél. 0848 133 133Clinique Cecil: Tél. 021 310 50 00Clinique La Longeraie: Tél. 021 321 03 00 Clinique de Montchoisi: Tél. 021 619 39 39 Clinique Bois-Cerf: Tél. 021 619 69 69 Clinique de La Source: Tél. 021 641 33 33 Clinique de Genolier: Tél. 022 366 90 99 Centre hospitalier Yverdon: Tél. 024 424 44 44 Hôpital Saint-Loup: Tél. 021 866 51 11 Hôpital d’Orbe: Tél. 024 442 61 11

Hôpital La Vallée, le Sentier: Tél. 021 845 18 18Hôpital Riviera, Vevey: Tél. 021 923 40 00Hôpital Riviera, Montreux: Tél. 021 966 66 66Centre hospitalier de La Côte, Morges: Tél. 021 804 22 11 Hôpital de Rolle: Tél. 021 822 11 11 Hôpital de Gilly: Tél. 021 822 47 00 Clinique La Lignière, Gland: Tél. 022 999 64 64 Hôpital de Nyon: Tél. 022 994 61 61 Hôpital du Pays-d’Enhaut, Château-d’Œx: Tél. 026 923 43 43 Hôpital du Chablais, Aigle: Tél. 024 468 86 88 Policlinique médicale univer-sitaire: Tél. 021 314 60 60 Permanence PMU-Flon: Tél. 021 314 90 90

TÉLÉPHONES UTILES

Ses enfants, Pierre, Vincent, Marie, Françoise et Daniel, NathalieSes petits-enfants, Julie, Mathieu et Kim, Fabrice, Sarah et Mathieu, Diane, Auriane, Charlotte et Anthony Madame Gisèle Dumont, ses enfants, petits-enfants et arrière-petite-filleMadame Marie-Christine Zanetta, ses enfants et petit-filsMonsieur et Madame Philippe Mossaz, leurs enfants et petits-enfantsLes enfants et petits-enfants de feu Monsieur et Madame Didier et Monique TerrierMonsieur et Madame Raymond et Agnès Bernasconi, leurs enfants et petits-enfantsMadame Nelly Cottier, ses enfants et petits-enfantsMadame Martine Crausaz et sa familleLes enfants et petits-enfants de feu Monsieur Victor ThévenetLes enfants, petits-enfants et arrière-petite-fille de feu Madame Mirta BellonMonsieur et Madame Bruno Florinetti

ainsi que les familles Bianchi, Induni, Hugard, parents et amis

ont la tristesse de faire part du décès de

MADAME CHRISTIANE BERNASCONINÉE DUMONT

survenu le 5 mars 2017 à l’âge de 90 ans.

Christiane repose en la Chapelle de la Cluse (Murith), 89, boulevard de la Cluse, à Genève.

La cérémonie religieuse aura lieu en l’église Notre-Dame-des-Grâces du Grand-Lancy, le jeudi 9 mars à 14 heures. L’inhumation suivra au cimetière du Grand-Lancy.

La famille remercie du fond du cœur l’ensemble du personnel de l’EMS Les Mouilles pour sa gentillesse, ainsi que sa qualité d’écoute et de soins.Un merci également au Docteur François Courvoisier et à l’équipe médicale de l’unité 7CL de l’Hôpital.

En lieu et place de fleurs, un don peut être fait auprès de Caritas Genève, CCP 12-2726-2,ou de la communauté Emmaüs, CCP 12-1222-2. MURITH

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19Innover pour rester au sommetENTREPRISES La Suisse compte de nombreuses PME perfor-mantes, parfois éclipsées par les grandes multinationales. Exemple avec deux entreprises qui se démarquent par leur esprit d’innovation

Monika Rühl, directrice d’economiesuisse

La Suisse s’est hissée dans les premiers rangs de l’innovation et de la compétitivité sur le plan mondial, selon plusieurs classements. Cela n’allait pas de soi pour une nation pauvre en matières premières, avec un marché intérieur exigu et une industrie des plus traditionnelles. Et pourtant, ces handicaps ont été transformés en forces grâce à l’esprit d’entreprise, au goût de la qualité et à un réseau d’accords commer-ciaux aux quatre coins du monde. Mais le pays ne peut pas rester sur le podium par incantation. Federer et Wawrinka cherchent sans cesse à se dépasser. Il en va de même pour les entreprises et leurs équipes.Les habitudes de consommation et les technologies évoluent sans cesse, en être à l’origine est la devise de bien des PME dans des secteurs des plus traditionnels. La Suisse regorge de ces «perles» cachées, qui contribuent au dynamisme de l’économie et à offrir à la population une qualité de vie parmi les plus élevées du monde. Rester ouvert, à l’affût des opportunités, sans tabous mais avec le souci du bien collectif, cela fait partie des principes qui permettront à la Suisse de continuer à vendre ses produits hors de ses frontières malgré leur prix sensiblement plus élevé.

Forster Rohner, spécialiste du textile, et Elite, fabricant de mate-las, sont deux exemples d’entreprises helvétiques qui montrent cet esprit d’innovation.

Econ

omie

lundi 6 mars 2017

La Suisse regorge de ces «perles» cachées, qui contribuent au dynamisme de l’économie

Forster Rohner commercialise des textiles techniques. (Forster Rohner)

L’association de la lumière et du textile«Il n’y a guère d’endroit plus cher que la Suisse pour innover vu les coûts salariaux.» Caroline Forster, qui codirige l’entreprise familiale de broderie saint-galloise créée en 1904 et comptant 850 employés, sait de quoi elle parle. Elle évolue dans un secteur, le textile, qui doit se battre avec une concurrence étrangère des plus féroces. Cela n’effraie pas Forster Rohner, qui a fait un pari risqué en misant sur la commercialisation de textiles techniques. En 2009, elle donne carte blanche à une équipe entièrement consacrée à l’innovation, qui planche pendant deux ans à l’intégration de cellules photovoltaïques dans des étoffes. Parapluies, rideaux et accessoires de mode pour-raient en être dotés. La piste est abandonnée et l’équipe se tourne notamment vers le LED. Le succès est au rendez-vous. Intégrer de la lumière active dans du textile impose des restrictions techniques. Il s’agit d’avoir une source d’électricité portative. La solution est trou-vée: intégrer les câbles dans les broderies et recourir à une petite pile amovible. Tout en s’assurant de pouvoir laver le tissu.

Coopération avec des écolesLes composants électroniques ont été développés en interne, avec le concours d’ingénieurs de la NTB Interstaatliche Hochschule für Technik Buchs et de designers textiles de la Haute Ecole de Lucerne. «L’accès à une main-d’œuvre très qualifiée et l’expertise des univer-sités et des hautes écoles sont essentiels», souligne Caroline Forster. Une série de rideaux réalisée pour la marque Création Baumann voit le jour. Puis, en 2015, les tenues de soirée de la marque Akris illu-minent les passerelles grâce à des paillettes LED brodées, une tech-nique unique au monde. C’est le début de l’aventure. Outre la mode et la décoration, le potentiel dans le domaine photovoltaïque ou pour les capteurs tactiles et autres senseurs intégrés est inexploré. Dans le domaine médical aussi, on peut imaginer des ECG ou de la luminothérapie.

L’automobile pour révolutionner la literieVotre partenaire se plaint de vos ronflements? Le fabricant de mate-las Elite a trouvé la solution. La petite entreprise familiale fondée en 1895 ne manque pas d’inventivité. Lorsque François Pugliese la rachète en 2006, il ne connaît rien au secteur de la literie, avoue-t-il. Cet ancien responsable financier de Honda Suisse veut redynamiser le produit en capitalisant sur le savoir-faire. Il achète un nouveau parc de machines qui permet de fournir aux clients des produits entièrement personnalisés. Un peu à l’image d’une voiture avec ses options. L’entreprise, basée à Aubonne, mise sur le confort et la dura-bilité: sélection rigoureuse de matières premières nobles auprès de fournisseurs locaux, dans la mesure du possible, et approche écolo-gique qui tient compte du cycle de vie du produit, de l’extraction des matières premières au recyclage, en passant par la fabrication, la dis-tribution et l’utilisation.

A la mainDans les ateliers, tout respire la tradition. La plupart des tâches sont encore effectuées à la main. Et pourtant, c’est à l’innovation qu’Elite doit son formidable développement. En 2009, elle lance une véri-table révolution dans le secteur de la literie, inspirée de l’industrie automobile. L’achat de lits représentant un investissement impor-tant pour les hôteliers, Elite leur propose un système de leasing. Ils disposent de lits de haute qualité en ne payant que leur utilisation effective – entre 50 et 60 centimes par nuit d’utilisation – grâce à un capteur de pression dans le matelas. Les hôteliers sont gagnants et Elite peut faire découvrir le confort de ses matelas à de très nom-breux clients potentiels.

La PME, qui emploie 65 personnes, collabore avec l’Ecole supé-rieure du Bois Bienne pour le développement d’un ressort en bois. Sa dernière invention a été développée avec l’ETH de Zurich; des micros analysent le ronflement et un mécanisme intégré dans le lit fait bou-ger l’utilisateur jusqu’à l’arrêt du trouble. L’entreprise ne compte pas s’arrêter là et aspire à contribuer à la lutte contre l’apnée du sommeil.

Livia Leu, ambassadeure, responsable du centre de prestations Relations économiques bilatérales du Seco et déléguée du Conseil fédéral aux accords commerciaux

En juillet 2015, après des années de tractations diplomatiques, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne, d’une part, et l’Iran, d’autre part, sont parvenus à un accord pionnier sur le programme nucléaire iranien. Dès sa mise en œuvre en janvier 2016, une grande partie des sanctions internationales ont été levées ou suspendues.

La Suisse a soutenu la recherche d’une solution diplomatique au conflit nucléaire, que ce soit avec des propositions pour débloquer les pourparlers ou en accueillant les négociations sur son territoire. En même temps, notre pays a mené une politique de sanctions nuan-cée. En parallèle, la Suisse a établi des canaux de paiement pour les biens humanitaires.

Chute du commerceA la suite des sanctions internationales de 2006, le commerce bilaté-ral a perdu en intensité (les échanges se sont chiffrés à 360 millions de francs en 2013, contre 800 millions en 2005). Cette tendance s’est inversée après la mise en œuvre de l’accord nucléaire, le volume des échanges ayant atteint 520 millions de francs l’an dernier.

Avec près de 80 millions d’habitants, un niveau d’éducation élevé et de vastes richesses minières, l’Iran dispose d’un potentiel écono-mique prometteur. Son besoin de rattrapage, notamment en matière d’infrastructures, offre aux entreprises suisses de nouvelles opportu-nités commerciales. Malgré le grand intérêt manifesté par le monde des affaires, les expectatives d’une réintégration rapide de l’Iran dans l’économie mondiale n’ont été que partiellement remplies. Beaucoup d’intermédiaires financiers restent prudents, notamment en raison du maintien des sanctions américaines contre Téhéran.

Le Secrétariat d’Etat à l’économie cherche, avec d’autres offices fédéraux, à clarifier le mieux possible les règles régissant le com-merce et à renforcer la sécurité juridique – cela non seulement dans l’intérêt de l’économie, mais également pour contribuer à une mise en œuvre réussie de l’accord nucléaire.

Première visiteEn février 2016, Johann Schneider-Ammann, accompagné de repré-sentants des milieux économiques et scientifiques, a été le premier président de la Confédération à effectuer une visite présidentielle en République islamique d’Iran. Avec son homologue, Hassan Rohani, il a adopté une feuille de route dont l’objectif est d’approfondir les rela-tions bilatérales. Cet instrument institutionnalise des dialogues éco-nomique et financier, et vise la ratification de l’accord de commerce bilatéral signé en 2005 qui cherche à améliorer la sécurité juridique pour les firmes helvétiques.

Après plusieurs années de rapprochement entre l’Iran et l’Occi-dent, l’incertitude a gagné du terrain ces derniers mois, notamment au vu des prises de position critiques de la nouvelle administration américaine. La prochaine élection présidentielle en Iran aura lieu en mai avec une issue incertaine et intimement liée au sort de l’accord nucléaire. Du point de vue de la Suisse, cet accord continue à repré-senter un jalon décisif pour le Moyen-Orient et au-delà, et sa mise en œuvre revêt une grande portée politique et économique.

L’accord avec l’Iran, un jalon décisif pour la SuisseAprès plusieurs années de rapprochement entre l’Iran et l’Occident, l’incertitude a de nouveau gagné du terrain ces derniers mois, notamment au vu des prises de position critiques de la nouvelle administration américaine

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Economie

Le «Swiss made» est tout sauf neutreCOMMENTAIRE Pour que le label helvétique reste un précieux avantage comparatif, il faut des entreprises engagées, un courage politique marqué et un soutien durable des autori-tés. Sans quoi la suissitude n’est qu’une vue de l’esprit

Simona Scarpaleggia. (Dominic Büttner)

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Mathilde Farine

L’entreprise est suédoise, mais l’initiative a commencé en Suisse, ou peut-être, inconsciemment en Italie. Se sentant comme une «extraterrestre» lors de ses débuts de cadre à IKEA Italie, Simona Scarpaleggia, une fois nommée à la direction de la filiale suisse du géant de l’ameublement, a voulu atteindre l’égalité homme-femme dans les postes de direction.

Objectif atteintUn objectif «pas du tout difficile» à atteindre. Aussi parce que la res-ponsable dit être partie avec «une bonne base – il y avait déjà des femmes cadres – et l’état d’esprit était favorable à cette politique». Qui a tellement bien fonctionné qu’elle a été étendue à l’échelle du groupe, qui s’est lui aussi fixé l’objectif d’atteindre 50% de cadres féminins, de même que l’égalité salariale d’ici à 2020. «C’est à la fois ambitieux et réjouissant, parce que cela signifie qu’on a déjà fait beaucoup de chemin», explique Simona Scarpaleggia. La filiale suisse du géant suédois a reçu une certification la présentant comme la première du monde à avoir atteint l’égalité dans les salaires et dans les postes de cadre.

L’importance de la diversité dans les entreprises a déjà été démontrée par les études scientifiques, poursuit celle qui officie à Spreitenbach (AG), à quelques kilomètres de Zurich. «Elles ont mon-tré qu’elles rendent le travail et la performance des employés meil-leurs», explique-t-elle, citant des études de Stanford et de la Harvard Business Review. «Ce qui donne clairement un avantage compétitif aux entreprises», assure l’Italienne, qui rappelle aussi que l’inclusion et la diversité permettent avant tout de créer un environnement de travail dans lequel les personnes réussissent parce qu’elles se sentent bienvenues, respectées, soutenues et appréciées.

UBS aussiAu niveau politique, ce point de vue est partagé. Plusieurs pays ont introduit des quotas, qui obligent les entreprises à compter un cer-tain nombre de femmes dans leur conseil d’administration et, plus rarement, dans leur direction générale. Le Conseil fédéral a égale-ment lancé un projet allant dans ce sens, suscitant une vive opposi-tion de la droite et des associations faîtières d’entreprises.

Pourtant, les entreprises elles-mêmes se fixent de plus en plus d’objectifs, toutefois rarement aussi ambitieux que ceux d’IKEA. UBS Wealth Management, par exemple, souhaite voir un tiers de ses postes de cadre occupés par des femmes, en même temps qu’elle aimerait améliorer son offre à ses clientes. Il faut dire qu’en Suisse, avec 6,7% des postes de cadre supérieur occupés par des femmes, selon une étude de Credit Suisse, la marge de progression est grande.

La solution britanniqueEn Grande-Bretagne, plutôt que de se voir imposer des mesures, les plus grandes entreprises ont pris les devants. En 2011, le gouvernement leur a donné jusqu’en 2015 pour atteindre 25% de femmes dans leurs conseils d’administration. Faute de quoi de vrais quotas, avec de vraies sanctions, seraient introduits. Cette semi-loi a eu son effet: les admi-nistratrices sont passées de 12 à 26% et l’objectif a été relevé à 33% d’ici à 2020, tandis que les directions générales doivent viser les 20%.

Dans certains cas, il ne s’agit pas forcément de postes de direction, mais aussi de métiers où les femmes sont très peu représentées. EasyJet, par exemple, s’est fixé fin décembre dernier l’objectif de recruter au moins 20% de femmes pilotes d’ici à 2020 après avoir recruté l’une des pionnières de la profession, ce qui a suscité une avalanche de candida-tures féminines. D’après la Société internationale des femmes pilotes, 3% seulement des pilotes de ligne dans le monde sont des femmes.

Indice des entreprises les plus diversesThomson Reuters a lancé un indice qui mesure l’inclusion et la diver-sité dans les entreprises. Les pharmas suisses Roche et Novartis y occupent la première et la troisième place, tandis que Nestlé, 13e, est la troisième société suisse à figurer parmi les 25 entreprises les mieux classées. On y trouve aussi Michelin (2e), Johnson & Johnson (4e), Eli Lilly (7e). La technologie se fait plus rare, à l’exception notam-ment de Cisco (9e) et de Microsoft (22e).

Simona Scarpaleggia estime que les objectifs sont un moyen impor-tant de mesurer le progrès, de façon transparente et visible, ce qui per-met d’affaiblir les résistances. Elle rappelle cependant que «la diversité n’est pas un projet marginal que l’on peut mener à côté du reste. Elle doit être ancrée au cœur de l’organisation, dans sa culture et ses valeurs.»

Carole Hubscher, présidente de Caran d’Ache

Depuis le 1er janvier de cette année, une nouvelle loi encadre l’uti-lisation du terme «Swiss made». Désormais, seuls les produits dont au moins 60% de la valeur a été réalisée sur le territoire helvétique peuvent s’en prévaloir. Un gage de crédibilité et de qualité? De manière générale, oui. Mais il ne constitue pas une fin en soi (lire sur notre site, www.letemps.ch: «Ma journée 100% suisse»).

Si la définition plus stricte du «Swiss made» est un progrès, elle ne comble pas les attentes de tous les entrepreneurs. Le dynamisme et la capacité de résilience du tissu économique suisse repose sur la diversité de ses acteurs et de ses corps de métiers. Nombre de socié-tés helvétiques sont fermement attachées à maintenir leur produc-tion et les emplois dans le pays. Mais elles ont trop souvent l’impres-sion de ne pas être écoutées lorsqu’elles évoquent la détérioration de leurs conditions-cadres.

Que l’on ne s’y trompe pas, le «Swiss made» a un prix. Il néces-site un courage politique et un soutien concret, de la part des auto-rités mais aussi d’institutions telles que la Banque nationale suisse (BNS). Sans quoi la suissitude, censée rimer avec valeur, innovation et créativité, risque de se transformer en une pure vue de l’esprit. Or, de nombreuses entreprises n’ont pas attendu 2017 pour aller bien au-delà de la désormais nouvelle exigence «Swiss made». Elles le font parfois depuis des siècles.

La face cachée de la suissitudeA l’heure de la rationalisation des coûts à outrance et des marges érodées par le franc fort, une telle posture est-elle raisonnable sur un marché mondialisé? Certainement. Tout d’abord, il existe des savoir-faire, comme certains métiers d’artisanat traditionnel, qui ne sont pas délocalisables. La diversité des expertises en Suisse constitue une richesse que peu de pays peuvent offrir. Ensuite, dans la mesure où des fleurons de l’économie helvétique fondent leur réputation sur leurs racines genevoises, grisonnes, bâloises ou tessinoises, le succès devient indissociable du «Swiss made».

Plus qu’un investissement, le label suisse est un élément diffé-renciateur. Une garantie de haute valeur ajoutée. Peuvent en témoi-gner des capitaines d’industrie qui l’ont sans doute constaté lors de voyages à l’étranger. Par exemple en Chine, où les parents soucieux de la santé de leurs enfants privilégient les produits estampillés de la croix blanche sur fond rouge. Tout simplement parce que, pour ces consommateurs asiatiques, de telles marchandises sont synonymes de vertus, mais aussi gages de confiance absolue.

La matière grise, une ressource naturelle typiquement helvétiqueLe «Swiss made» est une véritable revanche sur un marché où la concurrence se distingue trop souvent par une fabrication de piètre qualité. Ainsi, le «Swiss made» est une marque de confiance inesti-mable qu’il est primordial de protéger et de défendre au même titre qu’une AOP viticole.

Rappelons aussi que la créativité est souvent stimulée par la contrainte. Fabriquer sur le territoire helvétique pousse les forces vives du pays à se réinventer sans cesse. Face à des coûts de pro-duction supérieurs, aussi bien en termes de main-d’œuvre que d’in-frastructures, la seule réponse viable pour une entreprise demeure l’innovation. Soit, justement, la matière première de la Suisse.

lundi 6 mars 2017

Ikea, mode d’emploi de la diversité en kitÉGALITÉ La patronne suisse du meuble suédois a pu atteindre la parité dans les postes de direc-tion. Plutôt que de se voir imposer des quotas, d’autres sociétés prennent aussi les devants

Propos recueillis par Marianne Aerni, directrice du Cercle suisse des administratrices et conseillère stratégique auprès de la direction de la HEG-Genève

La robotisation provoque beaucoup d’inquiétude, et certains parlent de la fin de l’emploi. Qu’en pensez-vous?Tout changement génère une certaine panique. Lors de la révolution industrielle, le mouvement des luddites avait par exemple «brûlé les machines», par crainte de perdre leur emploi et leur mode de vie. Au cours du XXe siècle, l’évolution technologique a conduit à plusieurs reprises déjà à ce type de crise. La peur face aux robots a la même origine, elle est liée à la nature humaine qui craint l’inconnu. Mais, par le passé, ces crises ont finalement toujours généré de nouveaux emplois liés à de nouveaux modes de production. Le changement n’est pas toujours destructeur. La différence aujourd’hui, c’est la vitesse de ce changement, une vitesse que nous n’avons jamais connue. Dès lors, tout va dépendre de notre capacité de réaction et d’adaptation, ainsi que des mesures prises. Il est donc trop tôt pour juger si les circonstances actuelles auront ou non un impact réellement négatif à moyen et long terme. Personnellement, je suis optimiste. Les humains ont toujours surmonté ce type de transformation. La question, c’est la proportion de personnes qui «seront laissées sur le bord de la route», c’est cela qui inquiète.

En quoi consiste cette transformation du travail?Cette transformation est liée à plusieurs facteurs, bien au-delà des robots et de l’évolution technologique, avec des changements sociaux importants. Au niveau démographique par exemple, avec l’allongement de l’espérance de vie, ou au niveau du climat, avec cer-tains Etats, côtiers par exemple, qui disparaîtront et des travailleurs qui devront migrer. Tous ces changements auront un impact majeur sur notre mode de vie.

Quelles mesures devraient être prises pour s’adapter à ces changements, notamment pour réduire la proportion de laissés-pour-compte?

Il s’agit surtout de repenser l’Etat social. Choisirons-nous d’assurer une protection universelle, basée sur le principe de solidarité à la Bismarck, ou entrerons-nous dans un système totalement individua-liste? La capacité à reconvertir les personnes qui auront perdu leur emploi est aussi importante. Le domaine de la santé et la care eco-nomy se développeront et absorberont une grande partie des tra-vailleurs. L’adaptation aux changements climatiques et la préserva-tion de l’environnement devraient également générer de nouveaux emplois dans le secteur primaire.

Quel est le rôle de l’OIT? Traditionnellement, l’OIT fournit une assistance au niveau normatif et technique dans le domaine du travail. Aujourd’hui, face à ces trans-formations, nous avons décidé de mener une réflexion plus globale pour déterminer des tendances et identifier des solutions.

«Tout changement génère une certaine panique»EMPLOI La révolution 4.0 et la robotisation sont souvent perçues comme une menace pour l’emploi. Pour mieux comprendre les enjeux liés à ces phénomènes, Maria-Luz Vega, coordi-natrice de l’unité «Avenir du travail» à l’Organisation internationale du travail, répond aux questions de Marianne Aerni, directrice du Cercle des administratrices

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INNOVATION Les métiers de la finance changent sous l’effet de l’innovation, qu’elle se mani-feste dans le développement du Big Data ou de l’intelligence artificielle. Si certaines évolu-tions technologiques menacent les experts de l’investissement, d’autres peuvent s’avérer très utiles pour qu’ils se réinventent

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FinanceComment devenir un gérant d’actifs 2.0?

Fiona Frick, directrice générale d’Unigestion

Au cours des dernières années, les innovations numériques ont transformé de nombreux secteurs. C’est maintenant au tour du ges-tionnaire financier de se réinventer. Les gérants d’actifs doivent se demander ce qu’ils ont à offrir à leurs clients qu’un robot, une plate-forme de réseaux sociaux ou un algorithme n’est pas en mesure de proposer à leur place. Or, paradoxalement, c’est aussi la technologie qui leur fournit de nouvelles opportunités. Exemples.

Le Big Data: un nouveau filonLa recherche financière constitue l’un des moteurs dont dispose le gérant d’actifs pour construire de la performance sur les actifs qu’il gère. Auparavant, le gestionnaire ne pouvait s’appuyer que sur un nombre limité de sources données telles que rapports annuels de sociétés, statistiques économiques publiques ou rapports exigés par les régulateurs. Aujourd’hui, les sources de données dont dispose le gestionnaire pour faire sa recherche et arriver à une décision d’inves-tissement se sont démultipliées: capteurs météo, réseaux sociaux, images satellite, vidéos en ligne, transactions en ligne ou signaux GPS. Le Big Data se réfère à cette explosion du volume d’informa-tions disponibles: 90% des données existant dans le monde ont été créées lors des trois dernières années.

Le gérant doit faire évoluer sa recherche financière pour intégrer l’analyse de ces nouvelles sources de données. Le fait que ces don-nées sont publiées en temps réel permet de développer des indica-teurs bien plus avancés que par le passé. Ainsi, des images satellite sur les sites de construction permettent de mieux comprendre l’état du marché immobilier dans une région. De même, les messages sur les réseaux sociaux permettent d’appréhender l’appétit au risque des investisseurs, et donc potentiellement les tendances du marché financier.

Alliance avec des fintechsNéanmoins, la multiplication des données, leur vélocité mais aussi la complexité des formats rendent leur utilisation difficile pour le gérant. De plus, quantité ne rime pas toujours avec qualité. Voilà donc un nouveau pan du métier du gestionnaire qui se crée: il doit développer un savoir-faire pour trier cette masse de nouvelles infor-mations, les analyser et leur donner du sens. Son rôle sera de trans-former ce nouveau filon de données en informations pertinentes, au-delà du bruit ou même des «fake news».

Aujourd’hui, le gestionnaire peut s’allier avec des sociétés tech-nologiques pour se faire aider dans son travail. Différentes fintechs se sont développées autour de l’analyse de ces nouvelles sources de données. A titre d’exemple, la société Ravenpack permet de filtrer les nouvelles provenant des médias traditionnels et des médias sociaux et de les classer en fonction d’un score qui pondérera la nouveauté de l’information, sa pertinence et, enfin, l’émoi qu’elle provoquera sur le marché en fonction du volume traité sur le titre s’y rapportant. D’autres sociétés se spécialisent dans l’analyse de données satellite, comme Rezatec ou Orbital Insight. Toutes ces entreprises peuvent aider le gestionnaire à détecter des événements pertinents, nou-veaux et inattendus – qu’ils se situent au niveau d’une société, d’un indicateur macroéconomique ou d’une évolution géopolitique.

L’intelligence artificielle et l’investissementL’intelligence artificielle, qui a pour but de répliquer l’humain dans la mise en œuvre de ses capacités cognitives, est un autre développe-ment qui va aussi intéresser les gérants d’actifs.

De manière générale, il est probable que toute tâche mentale qui nécessite moins d’une seconde de réflexion puisse être automatisée dès aujourd’hui au moyen des techniques d’intelligence artificielle déjà disponibles. Par exemple, il y a quelques semaines, un ordinateur a battu des joueurs professionnels de poker, après avoir surpassé l’homme au jeu de go et aux échecs.

Le poker présentait un défi supplémentaire par rapport à d’autres jeux, à savoir que le joueur ne dispose que d’une information incom-plète pour prendre sa décision. Cette caractéristique le rapproche de l’acte de gestion sur les marchés financiers, car la décision d’investis-sement se fonde aussi sur une information asymétrique. Est-ce la fin programmée du gestionnaire d’actifs, qui se verra remplacé par un robot prenant les décisions d’investissement? Rien ne le démontre actuellement.

Ambiguïtés dans la financeNotamment parce que l’intelligence artificielle a encore ses limites. A titre d’exemple, chaque programme se spécialise dans une tâche mais n’a pas la faculté d’exploiter un apprentissage acquis dans un contexte pour le transférer dans un autre contexte. De même, ces programmes ont du mal à gérer le concept d’ambiguïté. Or, les mar-chés financiers sont des environnements complexes où les décisions sont interdépendantes et où les émotions des intervenants guident les mouvements.

L’intelligence artificielle peut être considérée comme une poten-tielle suite de la gestion quantitative ou de la gestion algorithmique. En finance, les premières utilisations se font dans le trading, où cer-tains algorithmes peuvent décider comment traiter des ordres en fonction de la volatilité ou du volume présent sur le marché à l’ins-tant même. A la différence près que si, dans la gestion quantitative, le gérant enseignait à la machine comment chercher, dans l’intelli-gence artificielle, la machine est censée apprendre toute seule.

Retravailler la relation à la machineLa plupart des modèles d’intelligence artificielle dans la finance utilisent le «machine learning»: on donne à la machine des don-nées entrantes et des résultats obtenus. Son but est ainsi de dire quelles sont les données entrantes qui prévoient le plus de résul-tats obtenus, par exemple quelles sont les données de marché qui annoncent le plus les futurs mouvements du marché. Néanmoins, le problème avec ces programmes est que les raisonnements obtenus peuvent devenir obsolètes et que l’humain ne comprend pas à ce stade comment la machine arrive à son raisonnement. Bref, le gérant et la machine sont comme un couple qui se com-prend mal. Cela sera le nouveau défi pour les gestionnaires d’actifs dans les prochaines années: retravailler leur relation à la machine et sans cesse évoluer pour pouvoir dominer l’intelligence artifi-cielle. La technologie ne peut être déterministe. L’humain doit lui donner un sens.

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CultureCINÉMA C’est à l’automne 2016, à la première du film palestinien «3000 Nuits à Paris». Elles sont trois sur scène: la réalisatrice, la productrice et elle, Jane Roger, la distributrice. Sortir ce film sur les prisons politiques en Israël, pour elle qui est juive, c’est courageux, culotté, c’est tout elle

Pascale Kramer, écrivain

Distributrice, qu’est-ce que c’est comme métier?Derrière un film, on sait généralement qu’il y a un réalisateur et un producteur, pas qu’il y a un distri-buteur. Pourtant, sans lui, il n’y aurait pas de sor-tie en salles. Le distributeur achète au producteur les droits de commercialisation sur un territoire, il assure la promotion du film, et prend 25% des recettes après déduction des taxes et de la part de l’exploitant de la salle de cinéma. Le métier a complètement changé depuis que les cinémas sont passés au tout numérique. Avant, le distribu-teur faisait faire des copies du film en argentique. Chacune coûtait 1000 euros. Il fallait donc la faire tourner dans les cinémas pour la rentabiliser. Le numérique nous a permis d’économiser sur les copies, mais il a occasionné d’autres frais, notam-ment une contribution à l’équipement des salles en numérique: 500 euros pour chaque sortie en salle. Si le film passe trois fois dans la semaine, ça n’est pas rentable et on renonce.

Pourquoi avoir choisi ce métier à risque?J’ai fait des études de sociologie et de sciences politiques, mais j’avais besoin de concret. Je connaissais le monde du cinéma par mon père, le cinéaste Jean-Henri Roger, qui a travaillé avec Godard, et je me suis lancée dans la production avec un réalisateur et producteur africain. Nous n’arrivions pas à trouver de distributeur, alors nous avons décidé de faire la distribution nous-mêmes. Moi-même ayant grandi au Congo, nous nous sommes lancés dans la distribution de films africains, caribéens, noirs américains. Nous avons échoué. Ce genre de films est bien accueilli dans les festivals, mais impossible de passer la barrière de la salle, les exploitants partent du principe que ça ne marchera pas. Je suis donc partie pour tra-vailler chez des distributeurs confirmés, puis en 2014, à 41 ans, j’ai créé JHR Films à Paris, en hom-mage à mon père. J’ai commencé par un film afri-cain. 3000 Nuits est mon 10e film.

Vous avez notamment deux films suisses à votre catalogue…Oui, For This Is My Body de Paule Muret et Le Conte des sables d’or de Sam et Fred Guillaume, un film d’animation qui sort le 12 avril. Cela s’est fait par le réseau. Je connais Paule Muret par le directeur de

«Derrière un film, il y a aussi un distributeur»

la photographie suisse Renato Berta, un grand ami de mon père, et le gérant de ma société est proche des frères Guillaume, il va produire leur prochain film. C’est très atypique pour nous de distribuer un film d’animation. Mais c’est bien de se diversifier, et ça va nous permettre de souffler. Les salles ont des programmes jeune public sur plusieurs mois, on peut voir venir sans être toujours en attente du couperet du lundi, quand le chiffre des entrées salles tombe.

Comment faites-vous vos choix?Contrairement aux gros distributeurs, je n’ai pas les moyens d’acheter les films à fort potentiel. Mais grâce à mon réseau, je peux dénicher et obtenir de bons films. Beaucoup de documentaires, comme Toto et ses sœurs, sur une fratrie d’enfants roms, qui a reçu de nombreux prix. Souvent, les films s’achètent sur scénario. Cela m’arrive, mais je me garde le droit de me retirer si le film au final n’est pas bon. Il m’arrive aussi de refuser des films de qualité si je sais que je n’arriverai pas à les faire exister. Le même film n’aura pas la même carrière en fonction du distributeur.

Pourquoi le choix risqué de «3000 Nuits»?Je suis juive, mon grand-père a été déporté, je me sentais légitime pour sortir le film, on ne pouvait pas m’accuser d’antisémitisme. Toute la communauté arabe a été très intéressée. On aurait pu en faire un film communautaire, mais ce n’était pas l’objectif non plus. J’ai eu des refus de certaines salles à Paris. Nous avons fait 15 000 entrées, ce n’est pas énorme, mais le film a eu un beau succès d’estime. Mon plus grand succès à ce jour, c’est L’Homme qui réparait les femmes, sur le docteur Mukwege, qui opère des femmes mutilées par les viols de masse perpétrés par les milices armées en République démocratique du Congo. Nous avions commencé avec neuf salles, nous en étions à 40 au bout de trois semaines. Ce n’était pas gagné d’avance, pourtant. Mais, comme pour 3000 Nuits, c’était important de sortir ce film. A l’instant où j’ai serré la main de Denis Mukwege, j’ai su que je devais faire le film. C’est la condition pour moi, je dois croire au film à 250%.

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CultureCINÉMA Pauline Gygax, productrice de «Ma Vie de Courgette», a sélectionné huit œuvres réalisées par des femmes qui l’ont marquée

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«Toni Erdmann» de Maren Ade (Sony Pictures Classics, 2016).

«Party Girl» de Marie Amachoukeli, Claire Burger, Samuel Theis (Pyramide Films, 2015).

«Bande de filles» de Céline Sciamma (Pyramide Films, 2013).

«Des Epaules solides» d’Ursula Meier (PCT Prod, 2003).

«No Home Movie» de Chantal Akerman (Zeugma, 2014).

«Bridesmaids», écrit par Kristen Wiig (Universal, 2012).

«Girls» de Lena Dunham (HBO, 2012-2017).

«La Leçon de piano» de Jane Campion (Miramax, 1993).

Pauline Gygax, cofondatrice de Rita Productions

«Toni Erdmann» de Maren Ade (2016)Parce que Maren Ade est une des réalisatrices les plus passionnantes de sa génération, et parce que ce portrait du monde actuel au travers de ces retrouvailles père-fille en dit plus que n’importe quel débat de politique européenne.

«No Home Movie» de Chantal Akerman (2014)Parce que l’œuvre de Chantal Akerman est fonda-mentale, parce qu’elle sait mieux que personne filmer l’indicible, ici faire ses adieux à sa mère. Et parce que ce sera son dernier film.

«Bande de filles» de Céline Sciamma (2013)Parce que bien avant Divines, Céline Sciamma s’est confrontée avec finesse à la question du détermi-nisme (de genre, d’origine) dans les banlieues. Son film le plus virtuose, et le plus méconnu peut-être. Et parce que le cinéma, comme la politique, c’est une histoire de courage.

«Girls» de Lena Dunham (2012-2017)Parce qu’en six saisons, Dunham a réinventé la représentation des femmes à l’écran, et parce que sa série est un délice d’écriture. Parce qu’elle donne envie d’avoir 25 ans à nouveau.

«Party Girl» de Marie Amachoukeli, Claire Burger, Samuel Theis (2015)Parce que ce portrait bouleversant d’Angélique est comme une chanson de Ferré, comme un «C’est extra» à la fois hyper- frontal et d’une douceur infi-nie, et parce que ce bijou n’a pas volé sa Caméra d’or 2014.

«Bridesmaids», écrit par Kristen Wiig (2012)Parce que trop peu de femmes s’autorisent la légi-timité de l’humour et parce que cette comédie américaine à la fois classique et brillante a fait date dans l’histoire du genre.

«Des Epaules solides» d’Ursula Meier (2003)Parce que ce premier téléfilm nous a fait découvrir les promesses de son talent, notamment de direc-tion d’acteurs, et parce que nous avons beaucoup de chance qu’elle soit Suisse. Parce qu’elle devrait tourner plus souvent!

«La Leçon de piano» de Jane Campion (1993)Parce que Jane Campion est un génie de la mise en scène, parce que ce film a marqué fondamentale-ment ma route et mon adolescence et éveillé ma foi en la puissance évocatrice du cinéma.

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Culture

Marie-Pierre Genecand

Le nom est costaud et le principe l’est tout autant. Pour la cinquième année consécutive, la Fête du slip amène à Lausanne un air de sédi-tion en matière de genres et de sexualités. Festival «sexy et intel-ligent» emmené par Viviane et Stéphane Morey, la manifestation, qui vient de courir sur trois week-ends et dans sept lieux de la ville, vise toujours le même objectif: «Redonner à la culture sa dimension démocratique, de lieu d’échange d’idées, d’expériences et de contra-dictions.» A l’affiche, de la danse, de la musique, des installations, des performances et du porno alternatif, soit du porno dans lequel la femme quitte son statut d’objet pour devenir sujet.

La démarche semble folklorique? C’est faux. 2016 a été marquée par un phénomène de «backlash», ou retour en arrière inquiétant en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. L’élection de Donald Trump, conservateur opposé à l’avortement, la «manif pour tous» militant en France contre les projets d’union civile pour les

homosexuel(le)s, ou les positions de l’UDC en Suisse sur le viol sont autant d’assauts antiféministes qui alertent. «Il est donc capital d’entretenir les valeurs du dialogue et du vivre-ensemble, de savoir reconnaître en nous ces «autres» que l’on croit si différent(e)s», cla-ment les organisateurs. Et le mérite de la Fête du slip, c’est de mener cette croisade en totale décomplexion, avec des propositions allu-mées qui font réfléchir sans plomber. L’ultime rendez-vous du festi-val? Une soirée de danse au Théâtre Sévelin, le 10 mars prochain. On découvrira la réalité compliquée d’un Kurde transsexuel, une céré-monie d’auto-confession où quatre danseurs exposeront leur his-toire personnelle et une création explosive autour du corps parfait et de la monstruosité. Le tout se terminera sur le dancefloor, avec les sets de Stastava, présentée comme une «diggueuse de premier ordre». Ça va secouer.

Fête du slip, à Lausanne jusqu’au 10 mars.

La Fête du slip lutte contre les couturesqui limitent

24Pascale Kramer, écrivain

Il y a ce premier roman, La Dernière Ronde, lu il y a six ans dans le cadre du Prix des cinq continents. C’est une plongée dans l’univers mental d’un champion d’échecs russe qui, en fin de carrière, croit voir venir sa chance de décrocher un titre mondial. Tout se passe le temps du tournoi, les parties sont décrites coup après coup, on les vit par cet homme, le cœur battant. Ilf- Eddine, l’auteur de ce livre bluffant de maîtrise, est Algérien et n’a alors que 34 ans. Il a été découvert par les Editions Elyzad à Tunis, Elyzad comme Elisabeth Daldoul, la fondatrice.

La cinquantaine radieuse et généreuse, Elisabeth Daldoul est un panachage d’identités. Née à Dakar d’une mère française et d’un père palestinien, elle a grandi entre trois cultures, dit-elle: «D’un côté la culture d’une famille venue de Palestine installée au Sénégal depuis trois générations, de l’autre la culture française de ma mère, et celle du Sénégal à l’époque de Senghor le catholique. J’ai été nourrie par toutes ces valeurs et cette interculturalité.» Après quelques années à Paris où elle termine ses études et travaille à RFI, elle retourne à Dakar, où elle rencontre son futur mari, Faouzi, qu’elle suit à Tunis.

La mère de Faouzi y dirige Clairefontaine, une ancienne librairie religieuse qu’elle a reprise à la fin des années 1970, et dont elle a fait la librairie francophone de référence. «Quand ma belle-mère a décidé de lever le pied, Faouzi a repris la librairie et développé trois autres points de vente. Je me suis occupée de l’un d’eux pendant quatre ans. C’est comme ça que j’ai rencontré les lecteurs. C’était à l’époque de Ben Ali, le contexte était pesant, as phyxiant intellectuellement. La Tunisie se recroquevillait sur elle-même, je me suis dit qu’il fallait faire connaître nos auteurs à l’extérieur et ceux d’ailleurs en Tunisie. C’était mon idée avec Elyzad, créer une passerelle entre les cultures puisque j’ai cela en moi.»

Au début, Elisabeth Daldoul jongle entre les cours qu’elle donne à l’Institut français et sa maison d’édition. Elle commence par publier un roman tunisien, en 2002, Tunis Blues d’Ali Bécheur. «A l’époque, chaque livre devait recevoir le visa du censeur après impression, il pouvait rester bloqué pendant des mois pour une seule phrase. Il est plus facile de faire passer des choses avec la fiction, en jouant avec les métaphores. Je pense que les personnes chargées de la censure ne prenaient pas le temps – ou n’avaient pas la compétence – de décrypter ce qui était dit entre les lignes.» Fidèle à son projet, elle publie la Française Anne-Christine Tinel, une première tentative dont l’accueil est en demi-teinte. «Il était difficile de susciter la curiosité pour des auteurs inconnus.» Elisabeth Daldoul poursuit pourtant son idée de publier des auteurs non tunisiens (le Togolais Théo Ananissoh, le Mauritanien Beyrouk, qui a reçu le Prix Kourouma au Salon africain de Genève l’année dernière…).

Très vite, compte tenu de l’étroitesse du marché tunisien et dési-reuse de faire circuler les textes dans l’espace francophone, Elisabeth Daldoul investit le marché européen en prenant des diffuseurs-dis-tributeurs en France, Suisse et Belgique. Une vraie gageure pour un éditeur du Sud en raison du coût: 56 à 60% du prix du livre. «C’est ce qui décourage souvent l’édition du Sud. Les éditeurs trouvent plus rentable de faire des coéditions ou de vendre des droits, à l’ins-tar de ce que fait Barzakh [l’éditeur algérien de Kamel Daoud], par exemple.» Etre diffusé en Europe implique aussi de se conformer aux exigences de qualité dans la fabrication des livres, et de respecter les calendriers des «rentrées littéraires» qui rythment le marché du livre. «C’est un défi dans nos pays du Sud, où nous sommes confron-tés à des soucis techniques, économiques…» Un défi aussi de fabri-quer des livres de qualité. «Notre dinar a tellement dévalué que les imprimeurs ont réduit les importations de papier, du coup le choix est restreint. Alors on feinte. La couverture à rabats, c’est pour éviter qu’elle ne gondole. Les illustrations très colorées sont là pour mas-quer les irrégularités du papier. Les cahiers cousus, c’est pour éviter que les pages ne se dé tachent.» Le résultat est convaincant. L’objet livre est à la hauteur des textes, qui trouvent leur public, sont chroni-qués dans Le Monde, Libé, Le Figaro… et remportent des prix.

Plus difficile en revanche d’investir les autres marchés africains. Les livres ne franchissent pas les frontières, faute d’accords sur les politiques douanières, bancaires et d’un réseau de distribution orga-nisé. «Les nôtres sont distribués au Maroc, mais via notre diffuseur français, et du coup le prix est prohibitif. Ils sont un peu présents à Dakar, mais c’est moi qui les amène dans mes valises quand je retourne au Sénégal. On essaie des coéditions, mais mes auteurs n’intéressent pas forcément les éditeurs d’Afrique de l’Ouest.» Pourtant les esprits s’ouvrent peu à peu, grâce à des gens comme Elisabeth Daldoul, qui tend des passerelles. Et grâce à l’air du temps. «La liberté qui s’est exprimée au moment du Printemps arabe s’est ressentie également dans l’édition et la librairie. La révolution a fait sauter les cadenas, ça a créé un appel d’air. Les gens ont eu envie d’écrire. Entre 2011 et 2013, les librairies croulaient sous les livres, des livres d’histoire, de témoignage, de politique, sur la Constitution, les droits de l’homme. Aujourd’hui, la société civile oppose une belle résistance à la pression religieuse, surtout les femmes, et pas seulement les intellectuelles.» Les jeunes aussi résistent et s’ouvrent sur l’extérieur. «A la dernière Foire du livre de Tunis, des jeunes plus nombreux se sont montrés curieux pour les livres d’auteurs d’ailleurs, cela me réjouit.»

Le Printemps arabe a inspiré une génération d’auteursLIVRES Difficile voire impossible de trouver dans nos librairies un livre publié en Afrique. Ceux des Editions Elyzad à Tunis font exception. Grâce à l’esprit d’ouverture et à l’inventivité d’Elisabeth Daldoul, une femme qui incarne généreusement la francophonie

SEXUALITÉS «L’autre, c’est moi» pourrait être le credo de ce festival lausannois qui, depuis cinq ans, décloisonne sans morosité les genres et les sexualités. Dernière soirée ce vendredi à Sévelin. Et ça va secouer

La blague de Marina Rollman

La pornographie actuelle a d’autres torts que le plébis-cite des faux ongles carrés: elle forme d’affreux amants. Son obsession de la pénétration accomplie avec l’entêtement d’un aspirateur Roomba bloqué dans un coin est non seulement d’un ennui criminel, mais aussi anatomiquement maladroite. Il faut effectivement s’éloigner du porn mainstream pour voir qu’atteindre le plaisir féminin avec les méthodes couramment dépeintes a plus ou moins le même taux de réussite que cas-ser un œuf avec des moufles.

(Editions Elyzad)

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Fiction

(Louiza Becquelin)

25La fille de l’aigle (pour que son souvenir demeure)RÉCIT Bessora, écrivain née à Bruxelles d’une mère suisse et d’un père gabonais, raconte le quotidien d’une femme de 30 ans en 2050 et sa lutte pour sa survie

Bessora, écrivain

– Vous vous appelez… Olive Riesen. Née le 15 octobre 2020 à Aubonne.

Mes données personnelles défilent devant ses prunelles gelées. Mes archives aussi: QI déprimé, échec au concours Béta. C’était le 15 octobre 2030, je m’en souviendrai toute la vie qu’il me reste: perdue, la possibilité d’une connexion éternelle. Mon droit de vivre s’éteint le 15 octobre 2050. Dans huit jours, j’ai trente ans.

Longtemps, j’ai accepté l’idée de sacrifice: dépasser sa petite per-sonne pour des personnes plus grandes que soi. Les Bétas me sem-blaient des phares éclairant nos chemins.

Trente ans, ça me paraissait loin.

Et puis j’en ai eu vingt-neuf.

Premières démarches entamées par voie électronique, il y a six mois. Sept administrateurs, quatre bureaucrates et vingt-deux messages plus tard, me voilà devant une juge en chair, en os et en polymère. Ses nanorobots lui nageant dans le sang, elle dissèque mon historique et autres affaires privées.

A l’abri de son pseudo (Megabot20), la représentante de la commu-nauté pèse le pour et le contre de ma survie. La communauté discute mon cas en toute neutralité: suppression ou maintien de l’utilisateur Olive Riesen?

Qu’en disent les règles d’admissibilité?

De temps en temps, elle me jette un regard apitoyé: chez moi, le nanite est destructeur, et ce n’est pas beau à voir. Le programme s’est enclenché il y a six mois. Mon système immunitaire s’autodétruit. Aujourd’hui, mon corps est en miettes. Je suis une vieillarde bonne à jeter.

Selon quels critères impartiaux serais-je admissible à la prolongation de mon existence?

Et c’est à elle, à jamais mise à jour et constamment augmentée, à elle, somme de parties qui ne forment plus un humain, à elle, déshumaine assumée, d’en juger humainement.

La notoriété de l’utilisateur Olive Riesen justifie-t-elle le maintien de son profil?

Quid de son exemplarité?

Ils pourront me fouiller autant qu’ils veulent, mes archives sont nettoyées de mes délits les plus graves: en effet, j’ai trois gamins. Clandestins et artificiels, ils sont 100% bio.

Des enfants, j’en voulais à tout prix. Sans ovaires, ce n’était pas gagné, mais une cellule souche bien travaillée a produit les trois ovules nécessaires. Mes enfants sont made in India, et vierges de tout nanite (pour le moment).

Liane, Liv et Rima habitent avec moi, dans un Airbus désaffecté sur le tarmac de l’aéroport de Genève. Aucun danger, jamais vous n’y ver-rez un Béta. Depuis qu’ils ont résolu les problèmes de pollution par la téléportation, l’aéroport, c’est la zone.

Alors les Bétas, qui ne croient en rien au-dessus d’eux, les Bétas, qui ne voient rien hors leurs écrans, ne savent pas que, juste au-dessus de leur tête, des avions parfois reprennent leur vol.

– Votre profil n’est pas dénué d’intérêt, admet Megabot20 au vu de mes archives trafiquées. Mais la communauté s’interroge: pour quelles raisons ne voulez-vous pas le voir supprimé? Et l’au-delà?

– C’est une hypothèse, Madame la Juge. Je ne suis pas tentée d’aller la vérifier.

– Les philosophes ont pourtant écrit de belles choses.

– Sans doute. Mais si je dois mourir, j’aimerais en avoir l’initiative.

– Vous ne pouvez pas supprimer votre profil vous-même.

Elle me questionne encore, mais je ne peux pas avouer que je vou-drais simplement voir grandir mes enfants. La raison est bonne, mais elle est hors critères. Dire autre chose:

– C’est que je rêve, Madame la Juge.

Son sourcil se hérisse, et avec le sien tous les sourcils de la communauté.

Le rêve, les Bétas l’ont perdu. Depuis que les nanites ont pris les com-mandes de leur imaginaire, les Bétas ne rêvent plus. Ils ne créent pas non plus. Ils consomment. Les Bétas sont des estomacs de chair, d’os et de polymère. Le rêve est désormais affaire de mortels. Voilà une chose que la communauté nous envie, et que, en principe, nous nous réservons.

– Laissez-moi vivre, Madame la Juge, et je vous peindrai mes rêves.

Je veux accompagner mes enfants hors connexion.

Je les veux découvrant les Indes et l’Afrique sans téléportation.

Je me veux mère, grand-mère, arrière-grand-mère de clandestins. Mes petits sans-profil viendront boire le thé le dimanche après-midi à l’aéroport, et la communauté n’en saura rien. Nous siroterons nos tisanes en privé, dans les tasses en porcelaine de mes ancêtres.

Ils étaient les fils de l’aigle, des mercenaires farouches.

– Je vous peindrai mes rêves, Madame la Juge… le mystère de la vie qui s’en va.

Elle réprime un rictus. On dirait de la frustration. Contre elle, l’éternité ne peut rien.

Et maintenant

Peindre le temps qui reste

A J-1, arrive ce message:

Suite au jugement N° A-0065-*K8ç}, rendu le 13 octobre 2050 par Megabot20 au nom de la communauté, la fondation vous informe: Olive Riesen, née le 15 avril 2020 à Aubonne, sera enlevée à l’affection des siens le 4 février 2114, dans sa 95e année. Le domicile mortuaire est d’ores et déjà fixé à Pully.

Paola Zuckerberg-Page, porte-parole de la fondation GAFA-WIKI- MOZILLA

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La blague de Marina Rollman

Le vrai mal de l’époque n’est pas le divorce, mais la surpopulation, dont on constate les effets dra-matiques sur l’écologie et dans la queue à la poste…

Dans un bug évolutif ironique, nous sommes l’espèce de l’her-méneutique et du design post-moderne et restons pourtant dotés des instincts reproductifs de l’amibe: il faut procréer!

Puis, une fois que c’est fait, on se réjouit que ça parte à l’école et on engage des baby-sitters. La solution? L’enfant commun sur un modèle à mi-chemin entre Vélib’ et kibboutz.

Anne Reiser, avocate

En 2015, 22,9% des enfants sont nés hors mariage et 41,4% de divorces ont été prononcés. En 2014, 29% des couples vivaient avec des enfants. En 2007, 14 700 mineurs ont vécu le divorce de leurs parents et 17% des adolescents vivaient avec un seul parent.

2017, elle, est une année cruciale pour les parents en voie de séparation. Le 1er janvier est entré en vigueur le nouveau droit de la prise en charge de l’enfant: celui-ci peut désormais récla-mer au parent non gardien le financement de sa garde par l’autre parent ou par un tiers, que ses parents soient mariés ou non. L’enfant à garder étant mineur, doit-il être représenté par un cura-teur pour obtenir de son parent non gardien la couverture des besoins de celui qui a sa garde, vu le conflit d’intérêts qui l’oppose au parent gardien, comme la loi semble l’exiger? Le Tribunal fédéral voit les choses autrement: c’est le parent gardien qui n’était pas marié avec l’autre parent qui doit agir jusqu’au 31 décembre 2017, pour obtenir une augmentation de la contribution de l’enfant com-prenant ses propres coûts de subsistance… En cas de concubinage, jusqu’alors, aucun entretien du parent gardien n’était admis judiciairement.

Retour en arrière: le 1er janvier 1988, le nou-veau droit des effets généraux du mariage et des régimes matrimoniaux a consacré le principe d’égalité des droits entre homme et femme au sein de la famille. Jusque-là, le mari était le chef de famille; il avait l’administration des biens de son épouse, qui ne pouvait, sans son accord, ni exer-cer une activité lucrative, ni ouvrir un compte en banque. Il décidait du domicile familial et recevait les deux tiers du bénéfice de l’union conjugale qu’il gérait. En 1988, l’épouse a acquis le droit d’admi-nistrer ses biens, comme son mari, et son droit au bénéfice de l’union conjugale est passé à la moitié.

En 2000, le nouveau droit du divorce fit dispa-raître le divorce pour faute. L’époux à qui pouvait jusque-là être imputée la rupture du lien conjugal

put désormais réclamer le divorce lui aussi: il suf-fisait qu’il mette fin à la vie commune et que la séparation dure quatre ans, période ramenée à deux ans en 2004.

Avec la disparition du divorce pour faute, l’in-demnisation du dommage et de la perte de sou-tien causés par la rupture laissa la place à un droit à l’entretien qui ne devait plus être qu’exception-nel: chacun devait tout mettre en œuvre pour regagner l’indépendance économique éventuelle-ment perdue à la faveur du mariage. Le clean-break d’inspiration germanique devenait la règle, et la solidarité post-divorce entraînant des versements de contributions alimentaires ne devait plus être que temporaire. Le Tribunal fédéral y mit cepen-dant des garde-fous: l’époux qui avait mis de côté sa carrière pour s’occuper des enfants ne devait pas être obligé de recouvrer une activité lucrative avant que le cadet des enfants n’ait atteint l’âge de 10 ans; une activité n’était exigible, depuis, qu’à temps partiel jusqu’à l’avènement des 16 ans de cet enfant, et elle devait être déployée à temps plein depuis lors. L’époux contributeur financier, de son côté, devait conserver son minimum vital.

En 2017, avec le nouveau droit de l’entretien, la question des revenus de tout parent gardien, et ainsi de la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, devient donc brûlante: selon les chiffres publiés en 2011 par l’Office fédéral de la statistique (OFS), parmi les ménages mono-parentaux qui sollicitent l’aide sociale, 95,4% sont en effet constitués de femmes avec enfants. Car, en 2010 comme maintenant, les enfants sont en grande majorité confiés à leur mère après une séparation et il est notoire que beaucoup de pères perdent tout contact avec eux dans les deux ans suivant la rupture.

FOYER Le nouveau droit de la prise en charge de l’enfant vient d’entrer en vigueur. L’occasion de rappeler les révolutions qu’a connues le droit de la famille depuis 1988

Egalité des droits dans la famille: un état des lieux

Anne Reiser

Sur le plan économique d’abord: doit-on considérer comme un pas en avant le fait que les mères n’ont apparemment réussi qu’à pas-ser d’une dépendance à l’égard du mari à une dépendance à l’égard de l’enfant pour assurer leur survie matérielle? Le rapport d’Ave-nir Suisse sur la parité salariale publié en 2015 montre qu’elles ont rattrapé les hommes en termes de niveau de formation, mais choi-sissent encore des activités moins bien payées, «compatibles» avec une vie de famille. Est-ce tolérable, sachant que leur formation a été financée par la collectivité et qu’en cas de séparation, leur manque choisi de rétribution sera compensé soit par le père de l’enfant, soit par l’aide sociale?

Sur le plan du pouvoir dans la famille: si doit être considéré comme chef de famille celui qui préside à l’allocation de ses ressources, ne doit-on pas admettre que désormais, sur ce plan, l’enfant est devenu le chef de la famille? Dans l’affirmative, qu’en est-il de l’autorité que ses parents sont censés exercer sur lui pour son bien?

Sur la place des hommes dans la famille et dans la société: il conviendrait peut-être de s’interroger un jour sur les violences faites à nos garçons… Les suicides représentent un tiers de tous les cas de décès chez les hommes âgés de 20 à 29 ans. Entre 2009 et 2013, la proportion de suicides masculins était de 80%. Selon l’Office fédé-ral de la statistique, cette alarmante surreprésentation des hommes s’expliquerait par «l’image de la masculinité véhiculée par la société, qui est associée à la dureté, à la réussite et à la performance». Sur le plan des libertés: alors quoi? L’avènement des droits des femmes doit-il nécessairement passer par le sacrifice du droit des enfants à l’enfance, et du droit des hommes au respect de leurs propres droits? Sommes-nous incapables de nous dresser pour nous-mêmes sans manipuler ni écraser les autres? Ne valons-nous tous pas mieux?

Les droits des femmes,à quel prix?PARITÉ Le chemin parcouru depuis 1988 vers l’égalité des droits dans la famille interroge

lundi 6 mars 2017

(Louiza Becquelin)

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Art de vivre

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Anne-Sophie Pic, cheffe étoilée au Beau-Rivage Palace de Lausanne

Les écrevisses du lac, carottes plurielles, bouillon infusé aux bourgeons de sapin, géranium et café bourbon pointu

IngrédientsLes écrevisses:· 20 pc d’écrevisses vivantes· Pm d’huile de colza· Pm d’eau

Le beurre d’écrevisse:· 500 g de carcasses d’écrevisses· 500 g de beurre doux

Le beurre géranium et sapin:· 100 g de beurre· 1 g de sel· 5 g de sapin (bourgeons de sapin ou jeunes pousses)· 5 g de géranium

Le jus de carotte infusé:· 300 g de jus de carotte· 15 g de bourgeons de sapin· 15 g de géranium· 30 g de fanes de carottes

La sauce:· 150 g de jus de carotte infusé· 20 g de beurre géranium et sapin· 4 g de café bourbon pointu

Les copeaux de carottes:· 1 pc de grosse carotte orange· 1 pc de grosse carotte blanche· 1 pc de grosse carotte jaune· 1 pc de grosse carotte violette

La purée de carotte:· 500 g de carottes fanes· 200 g de jus de carotte

La finition:· Pm de fleurs de couleur· Beurre d’écrevisse

Pour 4 personnesPréparation: 1 h 45Cuisson: 15 min

Recette1. Les écrevisses:Dans un sautoir, faire chauffer l’huile presque fumante. Faire sauter les écrevisses préalablement châtrées, mettre un couvercle. Déglacer avec un pochon d’eau pour aider la cuisson. Une fois qu’elles sont cuites, débarrasser sur de la glace pour stop-per la cuisson, puis les décortiquer. Réserver.

2. Le beurre d’écrevisse:Faire colorer les carcasses d’écrevisses concas-sées dans un sautoir 4 min, puis les laisser sécher au four à 180 °C pendant 10 min. Ajouter le beurre en petits morceaux puis le laisser fondre et infuser dans les carcasses. Récupérer le beurre puis le fil-trer à travers un linge étamine. Réserver.

3. Le beurre géranium et sapin:Réduire le beurre en pommade puis ajouter le sapin (bourgeons de sapin ou jeunes pousses) et le géranium haché frais, laisser infuser au frais pen-dant 8 h. Ajouter 1 g de sel, puis passer au tamis. Réserver.

4. Le jus de carotte infusé:Laver les carottes dans une eau vinaigrée à 5% pendant 10 min, les éplucher. Les passer à la centri-fugeuse. Hacher les bourgeons de sapin, le géra-nium et les fanes de carottes. Mettre le tout dans un sac sous vide avec le jus de carotte et faire le vide à fond, laisser infuser pendant 24 h au frais. Passer au tork puis au linge étamine. Réserver.

5. La sauce:Faire chauffer le jus de carotte, mettre à infuser le café bourbon pointu légèrement concassé, laisser infuser 1 min puis monter au beurre géranium et sapin. Passer à la passette fine.

6. Les copeaux de carottes:Laver et éplucher les carottes, tailler des copeaux à la machine à jambon mandoline. Tailler des rectangles de 1,5 cm de large sur 6 cm de long, conserver les parures pour faire le jus de carotte et le bouillon de légumes. Mettre les copeaux sous vide après les avoir légèrement assaisonnés et mettre un morceau de beurre géranium et sapin. Cuire dans un four vapeur à 83 °C pendant 17 min. Débarrasser dans une eau glacée.

7. La purée de carotte:Eplucher et émincer finement les carottes. Dans un sautoir, faire suer les carottes avec une pincée de sel. Une fois bien suées, ajouter le jus de carotte. Une fois cuites, mixer au thermomix en s’assurant de ne pas mettre trop de liquide de cuisson.

8. La finition et le dressage:Faire sauter les copeaux de carottes avec le beurre géranium et sapin, rouler les copeaux de carottes et les farcir de purée de carottes. Disposer 5 copeaux dans une assiette lune menu en panachant les cou-leurs. Sauter les écrevisses au beurre d’écrevisse et les disposer entre chaque rouleau de carottes et mettre la pince au centre. Emulsionner la sauce, mettre de l’émulsion au centre de l’assiette.

Les écrevisses selon Anne-Sophie PicGASTRONOMIE La cheffe étoilée nous livre en détail une de ses recettes fétiches

ŒNOLOGIE Selon les clichés, les femmes n’apprécieraient que les vins doux, comme un muscat ou un sauternes. Pourtant, elles sont également sensibles à la finesse et au romantisme des vins rouges

Madeleine Mercier, œnologue

Les femmes et le vin, deux termes qui, de prime abord, ne sont guère associés, bien que, depuis quelque temps, notre sensibilité, qui diffère de celle des hommes, ait su devenir un atout. Il y a de cela une quarantaine d’années, des pionnières nous ont ouvert la voie en Suisse. Et quelles dames, des icônes qui produisent des vins d’exception! Une révolution est en cours, les femmes osent vivre leur passion et produire des vins à leur image.

Mais qu’est-ce qui rend le vin des femmes différent? Au début, il a fallu prouver notre légitimité. Mais peu à peu, notre sens de la dégustation plus affûté, notre délicatesse et le respect avec lequel nous prenons soin du raisin nous ont permis d’élaborer un produit authentique et sensuel. Il y a une part de romantisme et de finesse dans les vins féminins.

Le plus sensibleExiste-t-il alors un vin particulier, que les femmes préfèrent? Les vins doux… selon les cli-chés. C’est une question sensiblement plus complexe, il y a en effet autant de goûts que de personnes, hommes ou femmes. Plutôt qu’un vin «spécial» pour les femmes, il y a un vin pour chaque situation. Le traditionnel blanc pour l’apéro, le rouge pour un bon repas, sans oublier le surmaturé pour le dessert. Mon coup de cœur, un pinot noir, le plus sensible, le plus délicat des vins rouges. C’est le cépage qui exprime le plus le terroir, la terre de ses origines. Il y a des notes de fruits rouges, une belle acidité, des tanins souples et un bel équi-libre en bouche, un cru tout en dentelle. Et si je devais en choisir un en particulier, ce serait le pinot noir Pur Sang de Louis-Philippe Burgat, du domaine de Chambleau (NE).

La vie est ponctuée de moments heureux. Le vin tente d’apporter un petit supplément d’âme à ces instants. Tous nos sens sont en éveil pour apprécier un vin. L’ouïe lors du débou-chage de la bouteille, la vue pour apprécier l’éclat d’un nectar, l’odorat lorsque l’on approche le verre de son nez et, enfin, le goût et le toucher lorsque le cru effleure nos lèvres pour y faire éclater sa plénitude. �

Le pinot noir, vin des dames

Olivia Hairay, barmaid au Bleu Nuit

Quel est le cocktail des femmes? Difficile à définir, surtout pour moi qui prône le choix des cocktails en fonction non pas du genre, mais plutôt de la per-sonnalité. Finalement, j’ai opté pour le «(It’s) Damn Fresco», pour sortir des stéréotypes des boissons sucrées composées de vodka, de fruits rouges, etc. Car il est frais, pétillant et pas trop alcoolisé. Parfait pour les premiers apéritifs du printemps qui arrive.

Cette mixture est donc pour les femmes d’au-jourd’hui, épicuriennes, sûres de leur choix. Elles pourront également la concocter pour leurs invi-tés, femmes et hommes.

Ingrédients3,5 cl de gin Tanqueray; 102 cl de liqueur de fleur de sureau; piment; céleri; 1 cl de jus de cédrat (ou citron); 7 cl de Cava Misolfa Brut Bio.

MéthodeShaker les ingrédients, excepté le Cava (sinon gare à l’explosion). Ensuite, ajouter le Cava dans le shaker. Remplir un verre, type tumbler ou double old-fashioned, avec de la glace (plus la glace est de bonne qualité et importante, moins il y aura d’eau dans votre drink). Filtrer le liquide dans le verre. Décorer le verre d’une branche de céleri, d’un zeste de cédrat (ou citron non traité, car c’est plutôt dif-ficile à trouver) et d’une belle tête de menthe.

Comment faire sa liqueur de fleur de sureau au piment et céleri maison?Pour créer cet alcool fort, il vous faudra:70 cl de liqueur St-Germain, facile à trouver dans le commerce; 5 branches de céleri, pour appor-ter de la fraîcheur et un côté végétal; 3 piments habanero, ils sont puissants et titillent le palais; 3 piments padron.

MéthodeRincer tous les ingrédients. Pour les piments haba-nero, frotter également l’intérieur et enlever les graines des piments, car c’est ce qui apporte le piquant. Couper tous les ingrédients en petits mor-ceaux. Mettre les morceaux et la liqueur St-Germain dans un récipient hermétique. Bien mélanger et fermer le récipient. Au bout de 24 heures, retirer les piments. Au bout de 48 heures, filtrer égale-ment le céleri. Conserver le liquide dans une bou-teille en verre bien fermée.

MIXOLOGIE La recette du frais et pétillant Damn Fresco, composé de sureau et de piment, pour rompre avec le stéréotype des boissons sucrées agrémentées de fruits rouges

Le cocktail des femmes épicuriennes

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Spor

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28«Etre une femme dans un monde masculin est une force»FOOTBALL Secrétaire générale de la Fédération française, Brigitte Henriques prépare la Coupe du monde féminine 2019 en France. Un poste privilégié pour observer les avancées du football féminin

Propos recueillis par Fatma Samoura, secrétaire générale de la FIFA

Ancienne joueuse internationale, secrétaire générale de la Fédération française de football (FFF), Brigitte Henriques est un symbole de l’essor désormais irréversible que connaît le football féminin depuis quelques années. Elle nous explique les avancées réalisées dans ce domaine, l’engouement qui accompagne les préparatifs de la Coupe du monde 2019 en France et les obstacles encore nombreux à franchir.

Le football féminin est en pleine expansion, à en juger par le nombre croissant de fans et de filles de plus en plus jeunes qui pratiquent ce sport jusque-là dominé par les hommes. Mais peut-on aujourd’hui parler d’une discipline rentable?

C’est vrai qu’en France, le football féminin connaît une progression spectaculaire, notamment au niveau du nombre de joueuses licenciées, qui est passé de 53 000 en 2011 à 118 000 en 2017. Ce qui signifie qu’il y a aujourd’hui une vraie demande pour la pratique du football. Cet engouement a commencé pour nous à partir de la médiatisation de notre équipe de France lors de la Coupe du monde 2011. Pour la première fois chez nous, c’est la qualité du jeu et l’accessibilité des joueuses qui ont séduit non seulement les médias mais aussi le grand public. Après cinq ans, je ne suis pas certaine que l’on puisse parler de discipline rentable, mais aujourd’hui nous sommes à l’équilibre budgétaire pour notre équipe de France, à hauteur de 4 mil-lions d’euros. Nos recettes proviennent des droits TV, des sponsors et de la billetterie, avec plus de 80% de places payantes.

L’engouement se reflète-t-il au niveau du public dans les stades et à la télévision? Lorsque notre équipe de France joue, nos stades sont remplis. Le record est de 25 000 spectateurs et la moyenne d’affluence sur les quatre dernières années est de 12 000. Pour nos clubs de D1, l’af-fluence a également progressé, allant de 700 à 6000 parfois, et les demi-finales de l’Olympique Lyonnais en Ligue des champions attirent parfois 22 000 spectateurs. Au niveau des audiences, nous avions eu un pic de 5 millions lors des quarts de finale de la Coupe du monde au Canada contre l’Allemagne; nos audiences TV sont autour de 500 000 spectateurs. Nous avons aussi deux dif-fuseurs pour la D1 féminine, Eurosport et France Télévisions.

Fatma Samoura

Khalida Popal a commencé à jouer au football à l’âge de 16 ans. «Au début, l’objectif était tout simplement de sortir de la maison et de s’amuser, comme tous les jeunes de mon âge, se souvient-elle. Mais lorsqu’on a commencé à nous attaquer, cette démarche a pris une autre tournure, la pratique du football est alors devenue pour nous autres un instrument pour le combat des femmes pour construire une société plus inclusive, plus égalitaire et qui respecte les droits des femmes.»

De quatre ou cinq lorsqu’elles ont commencé à jouer en 2004, le nombre de jeunes femmes pratiquant le football en Afghanistan est aujourd’hui passé à plus de 2000. Le chemin fut long et ardu: «La pra-tique du football par les femmes était une nouveauté à laquelle notre société n’était pas préparée. Nombreuses ont été les réactions néga-tives, pas uniquement de la part des hommes, aussi de la part des femmes. Nous avons reçu de nombreux avertissements et fait l’objet de harcèlements. Certaines professeures de l’école où nous jouions se sont opposées à notre choix et certaines de mes camarades ont été renvoyées», se remémore Khalida Popal.

Elles n’ont jamais baissé les bras: plusieurs équipes se sont mises en place et, finalement, une équipe nationale féminine a vu le jour grâce au soutien de la Fédération afghane de football, Khalida Popal assumant le rôle de capitaine de l’équipe.

L’équipe nationale leur a fourni une visibilité sans précédent. Avec le temps, le football, par le biais des médias, s’est converti en une plateforme pour encourager les femmes à assumer un rôle plus prépondérant au sein de la société.

Un dribble pour la libertéPORTRAIT Le football a fait de Khalida Popal une personne menacée en Afghanistan.Obligée de fuir, elle milite pour les femmes depuis le Danemark

lundi 6 mars 2017

Khalida Popal, footballeuse. (FIFA)

Que pensez-vous des revendications de certaines joueuses qui réclament des revenus égaux à ceux des hommes?

Aux Etats-Unis, les revendications des joueuses sont légitimes, parce qu’avec le nombre de titres de l’équipe nationale et ce que cette équipe rap-porte économiquement à la fédération, elles sont dans leur droit de réclamer des revenus plus conséquents. Chez nous, c’est différent, les joueuses n’ont pas la même valeur marchande. On ne peut donc pas comparer.

Dans un peu plus de deux ans, la France va organiser la Coupe du monde féminine de la FIFA. Que représente un tel événement pour la France et pour le football féminin en général?

Cet événement représente vraiment en France la cerise sur le gâteau, qui concrétise une vraie révolution de notre discipline depuis 2011. Durant cinq ans, grâce à la politique volontariste de Noël Le Graët et de son équipe, nous avons rattrapé notre retard, qui était conséquent. 2019 va per-mettre à la France de devenir une nation de réfé-rence et de passer un second cap pour marquer l’histoire du football. Au-delà du sport, comme notre fédération est citée en exemple aujourd’hui par rapport à la progression spectaculaire de la proportion des femmes dans toutes les familles du football, c’est vrai que 2019 est un rendez-vous social et sociétal important.

Le football reste un sport très masculin, particulièrement au niveau de la direction des fédérations et des clubs. Pour obtenir de vrais changements, faut-il imposer des politiques de féminisation, voire des quotas?

Nous sommes le meilleur exemple montrant que notre fédération, en n’imposant rien, a réussi à faire bouger les lignes. Noël Le Graët a montré l’exemple en nommant pour la première fois des femmes à des postes importants (Florence Hardouin comme directrice générale et moi-même comme secré-taire générale), et en prenant comme engagement prioritaire durant le mandat de donner un élan décisif au développement du football féminin et à la féminisation du football. Le plan fédéral de fémi-nisation a alors été élaboré sans obligation, c’était juste une invitation, non une imposition. Notre équipe de France a été une excellente vitrine pour l’ensemble de nos acteurs de terrain, ce qui a per-mis de convaincre et de donner envie. Les quotas crispent souvent les acteurs, car le réservoir de femmes n’est pas toujours identifié. C’est ce que notre fédération s’est efforcée de faire pendant quatre ans, notamment en identifiant, en valori-sant et en accompagnant toutes les femmes qui désiraient s’engager dans le football – avec par exemple l’action «Mesdames, franchissez la bar-rière» –, que ce soit au niveau des dirigeantes, des éducatrices, des arbitres ou des joueuses.

Vous affichez un parcours assez exceptionnel pour une femme au sein du football, avec un passage réussi dans l’administration du sport après une carrière de joueuse. Alors que nous allons célébrer la Journée internationale de la femme, quel conseil donne-riez-vous aux femmes qui ambitionnent de faire carrière dans le sport?

Le meilleur conseil serait: vivre sa passion libre-ment jusqu’au bout; considérer qu’être une femme dans un environnement historiquement masculin est une force, car inviter chacun ou chacune à s’ou-vrir à la mixité est une belle opportunité d’optimi-ser ses différences.

L’équipe nationale féminine suscite de plus en plus d’intérêt en France. (AFP)

En 2009, Khalida Popal est devenue la première femme employée par la Fédération afghane. Un nouveau pas franchi dans sa carrière qui, là encore, ne s’est pas fait sans difficulté. C’était une surprise pour tous les employés, ils n’avaient jamais eu de femme comme collègue. Leur orgueil en a pris un sacré coup. «Il n’est pas facile d’être la première femme à apporter le changement, il faut faire face à de nombreux problèmes. Mais si tu n’abandonnes pas, si tu restes ferme dans tes convictions et si tu continues à croire en tes objectifs, tu finiras par réaliser de nombreuses choses.»

Khalida Popal a commencé à recevoir des menaces de mort, sa famille s’est aussi vue menacée. La situation a continué à se dégra-der au point de devenir intenable. Elle a décidé de fuir et de deman-der l’asile en Europe, l’une des épreuves les plus difficiles de sa vie, admet-elle. Elle passera plusieurs mois dans un centre d’accueil pour réfugiés, sans aucune perspective, et sombrera dans la dépression. Elle finit par obtenir l’asile au Danemark.

Aujourd’hui, avec le soutien de sa famille qui l’a rejointe, elle a repris son combat, celui de la lutte contre la discrimination des femmes. Khalida Popal a mis sur pied sa propre organisation, Girl Power, qui soutient les femmes, notamment réfugiées, et les aide à s’intégrer par le biais du sport. Elle soutient les footballeuses en Afghanistan en organisant des rencontres et compétitions à l’étran-ger. Même si son rêve est de retourner dans son pays et de voir l’équipe afghane participer à une Coupe du monde.

Fatma Samoura a sélectionné son «11 de cœur» des sportives qui l’ont marquée

Abby Wambach Etats-Unis, football

Mia Hamm Etats-Unis, football

Marta Brésil, football

Martina NavratilovaTchécoslovaquie et Etats-Unis, tennis

Serena Williams Etats-Unis, tennis

Billie Jean King Etats-Unis, tennis

Nadia Comaneci Roumanie, gymnastique

Yelena Isinbayeva Russie, athlétisme, saut à la perche

Nawal El Moutawakel Maroc, athlétisme, 400 m haies

Marie-José PerecFrance, athlétisme, 400 m

Surya Bonaly France, patinage artistique

«11 de cœur» des sportives

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Tatyana Franck, directrice du Musée de l’Elysée

�La photographe et écrivaine Ella Maillart (1903-1997) est passée à la postérité par ses récits de voyage en Asie centrale, dont les photographies sont aujourd’hui déposées au Musée de l’Elysée. Dans les années 1930, elle a notamment docu-menté les habitants de cette région du monde alors peu connue sous nos latitudes. Admirative de l’esprit libre de cette voyageuse exception-nelle, je suis sensible à son talent, son humanité et sa délicatesse. Si j’ai sélectionné cette image

représentant des membres d’une tribu nomade, c’est que j’en apprécie la puissance mais aussi la tendresse avec cette famille et leur cheval au repos qui suggèrent une suspension du temps. Son cadrage avec l’ouverture du paysage par-vient à renforcer ce sentiment d’espace infini si caractéristique de ces steppes. Je me réjouis de bientôt découvrir sur les écrans romands le film qui retrace les pérégrinations de cette femme remarquable.

Les pérégrinations d’une femme remarquable

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