Upload
philippe-grosbois
View
35
Download
1
Embed Size (px)
Citation preview
Conférence 11/10/2012 Institut Municipal Angers (France) (Cinélégende)
Les états modifiés de conscience : de l’intérêt et des dangers de l’utilisation des hallucinogènes aux applications thérapeutiques (rêve éveillé, hypnose, imagerie mentale)
PrésentationCette conférence s’inscrit dans le prolongement des projections du documentaire « Rites, rythmes et transe » et du film de Ken Russel « Au-delà du réel ».En effet, le dénominateur commun entre les rites magico-religieux traditionnels, les recherches en laboratoire sur les effets de l’isolement sensoriel et l’utilisation psychothérapeutique des hallucinogènes réside dans l’état modifié de conscience induit chez les participants, les sujets des expériences ou les patients.Nous verrons qu’il y a une continuité anthropologique entre les rites initiatiques des sociétés traditionnelles et certaines psychothérapies contemporaines comme l’hypnose ou l’utilisation de diverses formes d’imagerie mentale comme le rêve éveillé.
ConférencierPhilippe Grosbois,maître de conférences en psychologie, anthropologue de la santé, Institut de Psychologie et Sociologie Appliquées, Université Catholique de l’Ouest, Angers, [email protected]
Les états modifiés de conscience : de l’intérêt et des dangers de l’utilisation des hallucinogènes aux applications thérapeutiques (rêve éveillé, hypnose, imagerie mentale)
Les sujets furent plongés dans un réservoir d'eau spécialement aménagé où ils étaient isolés non seulement de la lumière et du bruit, mais encore de l'information qu'on tire d'ordinaire du fait qu'on s'appuie sur une surface quelconque…/…Se trouvant dans l'eau, beaucoup entendaient nettement un bourdonnement d'abeilles, des chants d'oiseaux, des voix humaines, de la musique. D'autres apercevaient de brusque lueurs, diverses figures géométriques, voire des scènes entières: l'un voyait une procession d'écureuils, sac sur l'épaule, marchant dans un champ enneigé, d'autres assistaient à un match de basket-ball ou à des épreuves de natation, d'autres encore voyaient des gouttes d'eau tomber du plafond. Les sujets avaient l'impression que leur corps changeait de place, que leur tête et leurs mains se détachaient du tronc, qu'à côté d'eux apparaissait leur sosie… 1
GAGARINE et LEBEDEV, dans leur petit ouvrage paru dans les années 60 intitulé
« La psychologie et le cosmos », font ce récit d'expériences de ce type provoquant des
déformations subjectives du schème corporel et une imagerie mentale riche d'affects et de
significations.
Le sujet, soudain, sent sa jambe droite s’allonger démesurément jusqu’au bout de la pièce et sa jambe gauche, au contraire, rétrécir ; il perçoit son corps comme se dédoublant, l’un au-dessus et l’autre au-dessous du divan ; ses mains, qu’il sait être là, sont perçues comme étant ailleurs. « Je sais », dit-il, « que mes mains sont immobiles sur le divan mais je les perçois en l’air… » ou : « Je les sens derrière mon dos… » ou : « J’ai quatre mains, c’est idiot, j’en ai deux à droite et deux qui sont à gauche et je ne sais plus laquelle est la vraie… ».Un autre sujet dira : « Je me sens complètement disloqué, c’est drôle, complètement en biais. Je n’arrive plus à me sentir sur le dos, comme si je flottais. La tête flotte toute seule. Mon corps est à quelques mètres au-dessus du sol mais il n’est pas droit. Il n’est pas horizontal. Je suis à 45°, le plan des jambes incliné à 45° vers la gauche et le plan du corps incliné à 45° vers la droite… et puis alors, les bras, ils sont comprimés, alternativement comprimés et détendus comme si j’étais soumis à des pulsions… Et maintenant cela devient de plus en plus difficile à essayer de définir la position relative… J’ai l’impression que je suis une énorme hélice et que tout tourne dans des sens différents… Ce qui est certain, c’est que je n’arrive pas à retrouver l’équilibre… Maintenant j’ai l’impression que le haut du corps se retourne comme si le dos venait en l’air et le ventre en bas… J’ai froid… » 2
André VIREL, psychologue et thérapeute qui a utilisé entre les années 50 et 2000
diverses méthodes psychothérapiques fondées sur le rêve à l’état de veille (rêve éveillé dirigé,
1 GAGARINE Y., LEBEDEV V. Les mystères du silence in La psychologie et le cosmos, Moscou, Mir, 1969, trad., p. 226-227.2 VIREL A. Décentration in Vocabulaire des Psychothérapies, op. cit., p. 89-90.
2
onirothérapie, imagerie mentale), décrit cette mise en condition comme étant proche des états
dits d’isolement sensoriel induits dans les laboratoires russes de médecine aérospatiale ; il
s’appuie sur ce qu’il nomme la décentration3 mise au point par lui dans les années 1970. Il la
décrit ainsi : le sujet est habituellement allongé, les yeux fermés, dans une pièce obscure ou
aux éclairages très atténués. Il lui est demandé d’oublier ce qu’il peut savoir de la
concentration et de la relaxation. Ici, en effet, le sujet doit s’abstenir de tout effort : « Toute
attention doit s’effacer pour une attente. » Le but de la mise en condition n’est pas la
recherche d’un état de relaxation, puisqu’il s’agit d’accepter les contractures qui précèdent
généralement, et parfois de façon douloureuse, le stade de « dissociation de l’image
corporelle ».
La décentration conduit ainsi à une perception désintégrée du corps réel dont le sujet
garde pourtant conscience. Peu à peu vont surgir des images, d'abord corporalisées, puis des
images mentales discontinues, enfin des paysages cohérents dans lesquels le sujet va imaginer
se mouvoir, habitant un corps imaginaire comme dans les rêves hypniques. On peut ainsi dire
que l'image naît du corps dans un décor (dé-corps) imaginaire dans lequel le sujet projette sur
un mode le plus souvent visuel les difficultés psychiques qu'il avait précédemment incarnées
sur un mode cénesthésique. Le sujet passe par des phases critiques qui représentent d’une
certaine façon un apprentissage de la peur et de l’angoisse, à savoir se désolidariser de son
Moi corporel réel au profit de la constitution d’un Moi corporel imaginaire. Cette perte des
repères corporel et spatio-temporel correspond à un lâcher-prise, un vertige, une sorte de
transe. Le monde extérieur devient ainsi moins prégnant et le sujet est plus réceptif aux
sensations corporelles.
Comme dans les diverses techniques hypnothérapiques, le thérapeute peut suggérer une
sorte de voyage à l’intérieur du corps : « Vous imaginez que vous êtes au bout de vos pieds,
dans vos orteils » ou bien « Vous imaginez que vous êtes une petite bulle et, à partir de vos
orteils, vous allez remonter lentement à l’intérieur de votre corps ». Si le sujet éprouve des
difficultés à se vivre à l’intérieur de lui-même, il peut lui être proposé d’emprunter certaines
voies anatomiques, circulation du sang, tracés osseux. « Vous remontez lentement en essayant
de rester au niveau de la sensation, afin de sentir ce qui se passe à l’intérieur du corps ». 3 terme vraisemblablement emprunté à Jean PIAGET quand il parle de l’accès de l’enfant à une forme d’intelligence sensori-motrice lui permettant de se situer comme un objet parmi les autres en un univers formé d’objets permanents, structuré de façon spatio-temporelle et siège d’une causalité à la fois spatialisée et objectivée dans les choses. Cf. PIAGET J., INHELDER B. La psychologie de l’enfant, Paris, Presses Universitaires de France, 1966, p. 15.
3
Pour certains sujets, cette prise de conscience corporelle peut faire naître une certaine
angoisse. Ce voyage corporel habitue ainsi le patient à verbaliser ses sensations, ce qui lui
permet de rester en contact verbal avec le thérapeute. Ce parcours corporel s’achève souvent
par les doigts : « Quand vous arrivez au bout de vos doigts, vous restez là, en attente. Vous
allez sentir comme des petits cœurs quoi battent au bout des doigts… Vous êtes en attente,
disponible à tout ce qui va venir de votre corps ». En général, le thérapeute ne donne pas plus
de précisions afin de ne pas induire ce qui va être vécu sur le plan corporel. Il s’agit d’une
sorte de « règle fondamentale » analogue à celle de FREUD mais sur le plan des sensations :
« Laissez venir ce qui vient dans votre corps », « Accueillez les sensations comme elles
viennent ».
Il arrive fréquemment que le sujet ressente des douleurs, des contractures, des crampes,
le plus souvent passagères. Ces phénomènes somatiques peuvent n’avoir aucun lien avec
l’histoire du sujet mais il arrive que certaines douleurs soient plus précises, en liaison avec le
vécu actuel ou passé, voire associées par le sujet à un traumatisme corporel dont la douleur
évoque alors le souvenir :
Cécile me fut adressée par son médecin pour des douleurs dorsales qui ne cédaient à rien. Après plusieurs séances en face à face, elle accepte une première séance de décentration qui s’arrête rapidement, avec un refus véhément de poursuivre. Elle avait ressenti, au niveau de la cage thoracique, une violente douleur au niveau de la base du poumon droit. Elle m’apprend alors, ce qu’une anamnèse approfondie n’avait pas révélée, qu’elle avait dû subir, à l’âge de quinze ans, une lobotomie de la base du poumon droit. L’angoisse, liée à l’évocation de ce traumatisme, représentait pour elle ce qu’elle avait dû subir au cours de la période ayant nécessité l’intervention.
Ces somatisations apparaissent surtout au cours des premières séances mais, de façon
générale, on observe, comme nous l’avons mentionné plus haut, des sensations subjectives de
déformation corporelle. Celles-ci permettent ainsi au sujet d’affronter certains nœuds
conflictuels de son passé :
Une jeune femme m’est adressée par sa diététicienne pour des problèmes de boulimie nocturne qui perturbent les régimes réclamés par la patiente et la maintiennent dans un poids que Danièle juge excessif. Les séances sont dans un premier temps verbales, entrecoupées progressivement de courtes séances de décentration. Les effets se traduisent, comme souvent, par une meilleure mémorisation des rêves nocturnes qui deviennent plus nombreux, mas dont elle se sent peu concernée. Au cours d’une séance, elle sent son corps gonfler et en ressort mal à l’aise. Le rêve hypnique qui suit la laisse affligée : elle voyait une sorte de gros ours informe qui pleurait, gisant dans une pièce délabrée et sale.
4
Ce rêve représente un tournant de la psychothérapie. Pour la première fois, elle ose, du moins symboliquement, se reconnaître. Puis elle admet : cet ours, c’est elle. La séance suivante lui fait vivre corporellement son angoisse à se laisser aller dans la vie : elle se sentait glisser sur une pente et luttait très fort pour rester accrochée au divan…/… La décentration qui suivit fut très différente et porta uniquement sur ses mains : elle sentait ses paumes retournées et eut envie de les cacher sous ses cuisses. Ce fut alors un flot de souvenirs : elle se revit petite fille, à l’école, lorsqu’elle devait présenter ses mains à l’institutrice pour qu’en soit vérifiée la propreté. Le sentiment d’humiliation revécu alors provoqua une abréaction salvatrice.
La perte de repères spatio-temporels induits par la décentration – mais librement
acceptés par le sujet - correspond à une sorte de désintégration du « schème corporel » qui
précède le surgissement de l’univers onirique sous forme d’images d’abord discontinues puis
de scénarios – comparables à ceux évoqués à propos de la méthode des images de
GUILLEREY, du rêve éveillé dirigé de DESOILLE, de l’imagerie affective guidée de
LEUNER ou de la méthode phantasmatique du psychanalyste Pierce CLARK - constitués
d’objets et de personnages dans un décor imaginaire. Cette phase de décentration a pour
objet d’abaisser la vigilance du sujet, de modifier la perception qu’il a de lui-même, de faire
disparaître le cadre de référence perceptive et, par conséquent, d’ouvrir à des vécus de
conscience riches en contenu et enfin d’amener le sujet à s’installer dans un état hyponoïde
estompant toute vie de relation différenciée.
Cette séquence onirique ne constitue qu'une partie du traitement qui fait appel aux
phases successives suivantes : une phase maïeutique (anamnèse, comptes rendus oraux ou
écrits des séances précédentes par le patient et relation de ses expériences de vie sur un mode
proche des psychothérapies d'inspiration psychanalytique), une phase de mise en condition
(décentration), une phase onirique (scénarios imaginaires) et une phase de maturation (très
longue, qui correspond au temps pendant lequel le sujet intègre sur les plans psychique et
relationnel les changements liés au vécu affectif de la psychothérapie) comparable au
processus de « perlaboration » de la cure psychanalytique.
Le morcellement de l’image corporelle, cette dissolution de l’unité du Moi corporel et
du Moi spatio-temporel induit par la décentration représente une sortie du temps historique
équivalent à un passage symbolique par la mort mais qui comporte l’espoir d’une naissance.
En effet, face à cette disparition de sa conscience du monde et de lui-même, le sujet oppose
5
une sorte d’exorcisme source de la naissance d’un autre monde et d’un autre Moi: un monde
imaginaire et un Moi imaginaire:
L’imagerie mentale onirique abolit la mort. Le corps accouche de l’image. L’univers et le corps sont ressuscités. L’image les incarne sous forme de symboles.Les sensations du corps morcelé, désintégré, de la néantisation font place à des images oniriques, à un environnement imaginaire que le rêveur voit surgir devant lui. C’est là que se situe le dédoublement du rêveur en un moi corporel imaginaire et un espace-temps imaginaire, autre projection de lui-même, symbolique non seulement de son espace-temps actuel mais de tous les espaces-temps qu’il a vécus. 4
Dans cette perspective, nous nous risquerons à établir une analogie entre la décentration
et les rites initiatiques pratiqués au moment de la puberté que les ethnologues et les historiens
des religions ont étudiés dans les sociétés traditionnelles, dans la mesure où ces rites
constituent le passage d’une indifférenciation à une différenciation, l’initié étant réintégré à la
société avec un nouveau statut social. Ce que l’homme des sociétés traditionnelles vit au cours
de ces rites diffère bien évidemment par bien des points – notamment sur les plans social,
culturel et religieux - de ce que le rêveur vit au cours de telles approches psychothérapiques
mais certaines analogies structurelles permettent d’oser la comparaison sur le plan de la
perception du corps et de l’espace-temps.
Ces rites marquent en effet la répétition périodique d’un retour à l’intemporel.
Inversement, dans l’intervalle des rites, le corps de chacun ressuscite dans le temps et dans
l’Histoire. Le rite opère ainsi une coupure dans le temps chronologique ; éternel retour, il
transforme l’instant en nouvelle origine. 5 L’historien des religions Mircea ELIADE met en
évidence que le rite d’initiation équivaut à une mort symbolique qui s’inscrit dans le corps et
est suivie d’une seconde naissance.
Comme l’écrit l’historien des religions Mircea ELIADE : Philosophiquement parlant,
l’initiation équivaut à une mutation ontologique du régime existentiel…/… 6
Dans son approche des mythes et de leur fonction primordiale de maîtrise du temps
chronologique, ELIADE garde en effet de la psychanalyse freudienne deux idées qui vont 4 VIREL A. Hommage au docteur Marc GUILLEREY de Lausanne, pionnier des psychothérapies par les images mentales oniriques, Psychologie Médicale, 1989, 21, 10, p. 1501-1507.5 GROSBOIS P. Initiation et techniques psychothérapiques d’imagerie mentale, Psychologie Médicale, 1984, 16, 7, 1231-1233.6 ELIADE M. (1956) Initiation, rites, sociétés secrètes, Paris, Gallimard, 1959, trad., p. 12 et 17.
6
dans le sens de sa recherche : d’une part, la béatitude de l’origine et des commencements de
l’être humain, qui se trouve être un thème assez fréquent dans les religions archaïques, d’autre
part, l’idée que, par un retour en arrière, on peut réactualiser certains évènements décisifs de
la première enfance, et donc opérer un retour individuel au temps de l’origine, ce que réalisent
nombre de rituels initiatiques des sociétés archaïques.
ELIADE évoque l’usage notamment thérapeutique de ce retour au temps initial dans le
cadre de nombreux rites magico-religieux traditionnels, soulignant que « la régénération qui
s’effectue dans le tréfonds de la psyché ne trouve sa plus complète explication que du moment
où nous apprenons que les images et les symboles qui l’ont provoquée expriment – dans les
religions et les mystiques – l’abolition du Temps. » 7
On comprend facilement pourquoi, dit ELIADE, le patient revient symboliquement en
arrière : il est « rendu contemporain de la Création »; il revit donc « l'état de plénitude
initiale ». Celui-ci considère qu’on ne répare pas un organisme usé, on le refait ; le patient
doit naître de nouveau, et récupérer ainsi l’énergie et les potentialités dont dispose l’être
humain au moment de sa naissance. Ce « retour en arrière » est rendu possible, selon lui, par
le souvenir du patient lui-même. C'est en effet devant lui et pour lui que l'on récite le mythe
cosmogonique : c'est le patient qui, en se remémorant l'un après l'autre les épisodes du mythe,
les revit. ELIADE souligne ainsi d’une part la continuité anthropologique des pratiques
magico-religieuses des sociétés traditionnelles avec les psychothérapies contemporaines,
d’autre part le fait que ce qu’il nomme la « mutation ontologique » - à l’œuvre tant dans les
rites qu’en psychothérapie - s’opère « à la suite d’une rupture qui déclenche des sentiments
ambivalents de peur et de joie, d’attirance et de répulsion ». 8
Cette perspective rejoint par ailleurs les travaux anthropologiques de Claude LÉVI-
STRAUSS sur l’efficacité symbolique dans lesquels il montre les liens entre chamanisme et
psychanalyse, du fait qu’il s’agit dans les deux cas « d’amener à la conscience des conflits et
des résistances restés jusqu’alors inconscients » 9 par une abréaction. D’autre part, LÉVI-
STRAUSS compare la méthode du chaman avec la pratique du rêve éveillé de DESOILLE -
pour laquelle il souligne que les troubles psychopathologiques sont accessibles au langage des
7 ELIADE M. (1948) Mythes, rêves et mystères, Paris, Gallimard, 1957, p. 150.8 ELIADE M. (1948) ibid., p. 146.9 LÉVI-STRAUSS C. L’efficacité symbolique , Revue de l’Histoire des religions, 1949, 135, 1, p. 5-27, réédité in Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1958, p. 205-226.
7
symboles – et la méthode de réalisation symbolique de SÈCHEHAYE qui, pour résoudre un
complexe de sevrage, adopte une position symboliquement maternelle en mettant en contact
la joue de sa patiente avec le sein de la psychanalyste, jouant sur la charge symbolique d’un
tel acte ayant valeur à ses yeux de langage. 10 Il précise par ailleurs que peu importe que le
mythe soit individuel ou social dans ces pratiques thérapeutiques.
Dans les rites de passage des sociétés traditionnelles, il s’agit pour l’initié de passer
d’un statut social à un autre, de l’enfance à l’âge adulte, par l’intermédiaire d’un rite
symbolisant la mort de cet ancien statut. En onirothérapie, il s’agit de permettre au sujet de
perdre les repères qui étaient les siens (corporels, spatiaux et temporels), ce qui le confronte à
une sorte de mort symbolique : faire le deuil d’un état ancien pour accéder à une naissance à
un état nouveau. Ce passage, ce vécu de la perte de l’état ancien est accepté comme prix à
payer pour les compensations qu’apporte l’état nouveau. Dans le vécu thérapeutique, ces
compensations prennent la forme d’un surgissement spontané d’images venant colmater la
brèche ouverte par ce vécu de perte. 11
Toutes les expériences « au cours desquelles le sujet a l’impression que le
fonctionnement habituel de sa conscience se dérègle et qu’il vit un autre rapport au monde, à
lui-même, à son corps, à son identité » 12, ont été regroupées sous le terme d’ « états modifiés
de conscience » ; leur étude a commencé à la fin du XVIIIe siècle avec MESMER et l’école
du magnétisme animal et s’est poursuivie par les travaux sur l’hypnose et, au cours des années
1960, par des recherches sur l’expérience hallucinogène, sous l’influence du mouvement
psychédélique et de la culture hippie. LUDWIG dégage en 1966 diverses caractéristiques de
ces états modifiés de conscience :
- des perturbations dans la concentration, l’attention, la mémoire, le jugement,
avec un retour à des modes de pensée plus archaïques ;
- une perturbation du sens du temps, avec des impressions d’arrêt du temps,
d’accélération ou de ralentissement temporel ;
- l’impression d’une perte du contrôle de soi et de l’ancrage dans le réel ;
10 SÈCHEHAYE M.A. La réalisation symbolique, Revue suisse de Psychologie et de Psychologie Appliquée, 1947, suppl. n° 12.11 GROSBOIS P. L’expérience initiatique en psychothérapie, Nouvelle Revue de Psychologie, op. cit., p. 54.12 LAPASSADE G. Les états modifiés de conscience, Paris, Presses Universitaires de France, 1987, p. 5.
8
- des changements importants dans l’expression des émotions accompagnant la
diminution du contrôle conscient et des inhibitions : émotions extrêmes, peurs
intenses, sentiment de détachement ;
- des distorsions de l’image du corps : sentiment de dépersonnalisation, avec une
coupure entre le corps et la conscience, sentiment d’irréalité et de dissolution des
limites entre soi-même et les autres, le monde extérieur ; impression que certaines
parties du corps sont déconnectées ou déformées ; impression de vertige ;
- des perturbations de la perception, des hallucinations, un accroissement de
l’imagerie visuelle et de l’hyper-acuité perceptive, une perturbation des
cœnesthésies, l’attribution d’une expérience sensorielle à un autre organe
sensoriel ;
- des changements dans la signification attribuée à l’expérience, les sujets
accordant à celle-ci une signification accrue de leurs idées et de leurs
perceptions ;
- le sentiment de l’ineffable, les sujets se disant parfois incapables de mettre en
mots la nature et l’essence de leur expérience. 13
D’après SALEM, la dissociation amplifie la perception de certaines composantes de
l’expérience vécue tout en diminuant la perception d’autres composantes. Par ailleurs, il
constate que plus la transe est profonde, plus forte sera la dissociation, et plus grande la
probabilité des réponses inconscientes. Le schéma corporel, spatial et temporel, s’en trouve
ainsi modifié, en même temps que se manifeste une autre qualité de vigilance et de perception
personnelle du moi fondée sur ces sources. Le sujet peut avoir par exemple des difficultés à
faire la distinction entre l’extérieur et l’intérieur, entre le passé et le présent, entre ses
comportements conscients et inconscients. Pourtant, paradoxalement, il « se voit » en transe et
conserve le contrôle de cet état. La fonction de l’induction apparaît donc pour SALEM
comme facilitant la dissociation entre conscient et inconscient. La dissociation psychique
apparaît ainsi non plus seulement comme un état pathologique mais comme un ensemble de
modifications sur le plan de la cognition et de la conscience d’un sujet.
LAPASSADE, dans ses études sur les rites de possession dans les sociétés
traditionnelles, considère que la croyance en la possession suppose comme base potentielle
une capacité de dissociation mais que cela ne signifie pas nécessairement que le sujet dit
13 LAPASSADE G. op. cit., p. 77-79.
9
possédé souffre, au départ, d’un trouble dissociatif; la dissociation induite artificiellement par
le rite implique, selon lui, une capacité de dissociation inscrite dans le psychisme humain. Il
est ainsi amené à faire la distinction entre le trouble de personnalité multiple - défini par la
classification nord-américaine du DSM IV (Disease Scale of Mental Illness) comme une
« dissociation (pathologique) de l’identité » - et la possession. Il considère le trouble de
personnalité multiple comme un trouble interne au sujet qui en est atteint alors que la
possession serait un dédoublement qui advient de l’extérieur lorsqu’une entité étrangère, selon
les croyances du groupe, fait irruption dans la vie d’un possédé et s’y installe soit de manière
quasi-permanente en cas de possession subie soit dans des circonstances culturellement
définies et contrôlées comme c’est le cas avec la possession ritualisée.
Alors que notre culture voit dans la dissociation une pathologie endogène, la culture de la possession ritualisée produirait cette même dissociation par des apprentissages.Il n’y aurait donc pas à chercher derrière les pratiques des possédés rituels et des médiums, dans leur histoire personnelle, une dissociation pathologique qui ferait l’objet, ensuite, d’un traitement traditionnel; dès le début, les troubles sont vus non comme des symptômes mais comme des signes d’une élection…/… 14
Dans une étude psychologique sur l’histoire du concept de dissociation, de MESMER à
FREUD et de la possession démoniaque au traitement de l’hystérie, il souligne que « les
thérapeutes occidentaux, quand ils sont confrontés à des troubles de ce type, s’efforcent de
mettre fin à la dissociation en travaillant à la réunification de la personne », alors que « les
guérisseurs des sociétés à possession ritualisée choisissent au contraire de maîtriser la
dissociation par son institutionnalisation ». 15
Nous considérons que les psychothérapies utilisant l’imagerie mentale onirique
représentent également une sorte d’institutionnalisation – dans un contexte socialisé non plus
rituel collectif mais interindividuel voire groupal – de la transe et que la position du
thérapeute occidental peut être comparée, du point de vue anthropologique, au guérisseur
traditionnel, dans la mesure où il se présente comme le garant d’un « rituel » thérapeutique au
sein duquel il y a maîtrise de la dissociation induite par le dispositif. Il en est de même pour le
psychanalyste et le chaman qui n’ont pas de constitution psychique particulière mais sont des
personnages chargés d’une responsabilité professionnelle par leurs pairs qui ont contribué à
leur formation au sein d’instances – écoles ou parcours initiatique – implantées dans une
14 LAPASSADE G. op. cit., p. 99 et 103-104.15 LAPASSADE G. La découverte de la dissociation, Paris, Loris Talmart, 1998, p. 101-102.
10
société donnée et qui sont l’émanation de celles-ci. Nous évoquons ici l’exemple du
chamanisme car l’une des plus anciennes controverses anthropologiques est lié au fait de
savoir si le chaman est un individu perturbé (névrosé, psychotique) ou au contraire un sujet
doué, équilibré et adapté. En effet, comme le souligne MITRANI, « la tendance à attribuer
une origine pathologique au chamanisme et à réduire ses manifestations à une exploitation de
phénomènes hystériques et épileptiques apparaît dès les premières études consacrées à ce
sujet dans la seconde moitié du XIXe siècle ». 16
Il ajoute que la personnalité et le comportement particuliers du chaman ont constitué en
effet un sujet d’étude privilégié pour les psychologues et les psychiatres, intéressés par l’étude
comparative interculturelle des troubles mentaux ainsi que les relations entre culture et folie.
Il cite ainsi divers auteurs entre 1940 et 1970 qui considèrent que le chaman souffre
d’hystérie, du fait qu’il « contrôle l’état de dissociation (la transe), qu’il joue un rôle
important socialement et qu’il est distingué au sein du groupe des individus désignés comme
“fous“ ». Il faut voir ici l’influence de la majorité des auteurs nord-américains qui considèrent
la transe comme l’un des « altered states of consciousness » et la définissent comme une
dissociation pathologique, rapprochant les signes cliniques de celle-ci de la possession et de
l’hystérie. Il faut noter en outre que le terme « altered » a en anglais une connotation plus
péjorative – du côté de l’altération - que le terme français « modifié » – plus neutre - pour
qualifier l’état de conscience.
Ces états se caractérisent en fait par des modifications au niveau cognitif ainsi que
l’apparition d’une imagerie mentale vive. Ils peuvent apparaître spontanément, être provoqués
par des drogues, des pratiques rituelles, induits de façon expérimentale comme dans
l’isolation sensorielle, se rencontrer dans les états de transe, l’état d’hypnose, le rêve, la
rêverie, les états hypnagogiques mais aussi à l’état de veille lors d’activités faisant appel à des
automatismes (conduite automobile, écriture automatique). Ils sont présents également chez le
patient dans divers cadres psychothérapiques comme la psychanalyse ou le rêve éveillé dirigé.
Il s’agit d’un mode de fonctionnement normal de la conscience, ne devenant pathologique que
dans certaines circonstances comme dans les crises d’hystérie, les personnalités multiples et
les états délirants. 17
16 MITRANI P. Aperçu critique des approches psychiatriques du chamanisme, Diogène, 1992, 158, p. 130-147.17 COLLOT E. Hypnose et communication dissociée en thérapie in BOUGNOUX D. (dir.) La suggestion. Hypnose, influence, transe, Paris, Les Empêcheurs de Penser en Rond, 1999 , p. 65-68.
11
C’est dans le contexte culturel des années 1960 que s’est développé aux Etats-Unis le
mouvement hippie prônant, entre autres, la consommation libre et massive de substances
hallucinogènes et renouant avec l’usage traditionnel et rituel des plantes psychédéliques. C’est
aussi l’époque à laquelle des psychologues américains ont repris et approfondi la notion d’
« altered states of consciousness » (états modifiés de conscience), la situant au carrefour de
recherches sur l’hypnose, les effets de l’isolement sensoriel, les drogues psychédéliques et les
techniques de méditation. Ceci nous amène à aborder un autre point de comparaison : celui du
lien qui peut être établi entre l’utilisation psychothérapique de l’imagerie et l’utilisation
psychothérapique de substances hallucinogènes, dans la mesure où l’association de
psychodysleptiques à la psychothérapie a permis de mieux saisir la nature et l’efficacité du
processus thérapeutique. Le LSD 25, en particulier, a représenté une médiation thérapeutique
qui a apporté une contribution non négligeable à la compréhension psychodynamique et
psychopathologique des états de conscience. Le vécu de l’expérience hallucinogène présente
en effet des analogies avec le vécu corporel et spatio-temporel induit par la décentration en
onirothérapie d’intégration. Allan WATTS résume ainsi cette expérience :
Ce que nous savons, positivement et scientifiquement, sur les substances psychédéliques, c’est qu’elles amènent certaines modifications de la perception sensorielle, du niveau et du ton des émotions, de la sensation de l’identité, de l’interprétation des données fournies par les sens, et des sensations de temps et d’espace. La nature de ces modifications dépend de trois variables : la substance elle-même (type et dosage), l’état psychophysiologique du sujet et le contexte social et esthétique de l’expérience. 18
C’est OSMOND, au Canada, qui commença au début des années 1950 à traiter
systématiquement à l’aide du LSD 25 des patients alcooliques. Par la suite, de nombreux
thérapeutes firent appel au LSD 25, selon deux modalités :
La première consiste en une seule expérience psychédélique à forte dose, après une
préparation psychothérapique du patient visant à le familiariser avec les effets des
hallucinogènes - afin qu'il n'en ait pas (trop) peur a priori - et à renforcer l’alliance
thérapeutique. L'effet recherché est celui d'une expérience d’ordre mystique faite d'un
sentiment d’unité souvent précédé de l'impression d’agoniser, de mourir puis de renaître
spirituellement. Cette « renaissance » s'accompagne généralement d'un sentiment de
18 BAILLY J.C., GUIMARD J.P. Essai sur l’expérience hallucinogène, Paris, Belfond, 1969, p. 239.
12
transcendance, de paix, d’amour, avec parfois l’apparition de souvenirs archaïques de
l'enfance, traumatiques ou agréables. Cette stratégie thérapeutique a été d’ailleurs employée et
l’est encore dans certains services de cancérologie nord-américains auprès de patients atteints
de métastases, ayant un espoir de survie estimé à environ 3 mois et présentant, par ailleurs, un
état dépressif, une angoisse importante et des douleurs physiques rebelles à une approche
médicale classique. Les changements les plus notables résident dans une acceptation plus
grande de la mort à venir ainsi qu'une diminution notable de la douleur, donc des doses
d'antalgiques, notamment des morphiniques.
La seconde méthode de traitement psychothérapique faisant appel aux hallucinogènes
emploie des doses plus faibles mais répétées, afin de faciliter, au cours d'une psychothérapie,
l’émergence de processus jusque-là inconscients. L'effet escompté est celui d'une
« accélération » du processus psychothérapique. 19 Le LSD a également été utilisé en séance
de groupe.
Les rares échos actuels de pratiques psychothérapiques utilisant des produits
hallucinogènes viennent de cliniciens français et nord- et sud-américains qui, soit continuent à
employer des hallucinogènes lors de séances individuelles dites « prolongées » - de 7 à 8
heures, au sein d'un cadre psychothérapique plus large combiné à une approche d'inspiration
psychanalytique - soit ont renoncé aux hallucinogènes mais utilisent des techniques dites de
« régression » aboutissant à des effets présentant des analogies avec les effets hallucinogènes
(isolement sensoriel, imagerie mentale, hypnose, transe). 20
La perspective anthropologique nous fournit un autre axe de réflexion, complémentaire
aux approches psychodynamique et psychopathologique. En effet, l’utilisation du LSD 25 en
psychothérapie illustre le caractère opératoire de la pensée magique au sein de la relation
thérapeutique, processus que nous pourrions considérer a priori comme absent en raison des
effets biochimiques objectivables des hallucinogènes au niveau cérébral. L'anthropologue
Claude LÉVI-STRAUSS, nous l’avons déjà vu, évoquait en 1958 l'importance de l'efficacité
symbolique des pratiques traditionnelles magico-religieuses, montrant par là que les rites à
19 SOLIÉ P. Indications concernant la psychothérapie et le LSD 25, in BAILLY J.C., RUTTEN G. Dossier LSD, Paris, Belfond, 1974, p. 61-66.20 FONTANA A.E. et al. Psicoterapia con alucinogenos, Buenos Aires, Losada, 1965.FONTANA A.E. , LOSCHI J.A. Sesion prolongada, una comprension espacio-temporal de la psicoterapia, Barcelona, Gedisa, 1982.
13
dimension thérapeutique sont liés à un ensemble de croyances culturelles telles que les
modalités de représentation de la santé, de la maladie et de ses causes. 21 De la même façon,
ce qui nous semble être opérant dans les psychothérapies contemporaines réside moins dans la
réalité pseudo-objective d'un modèle théorique que l'adhésion subjective à ce modèle (à la fois
par le thérapeute et le patient), en d’autres termes l'efficacité symbolique du système de
représentation conceptuel des difficultés ou des troubles du sujet.
Appliquée à l'utilisation du LSD 25 en psychothérapie, une telle contextualisation
anthropologique restaure, à côté des facteurs biochimiques, l'importance du contexte
socioculturel de l'expérience lysergique. FURST écrit en 1972 à ce propos :
Lorsque l'on concentre la recherche sur un « principe actif », isolé artificiellement, comme la mescaline, on ignore l'interaction existant entre les divers constituants chimiques d'une plante vivante et l'on méconnaît l'interdépendance qui lie les effets pharmacologiques de la plante au mode d'être culturel de l'organisme social. Le facteur culturel gagne encore en importance si l'on soupçonne, avec certains chercheurs, que les substances psychédéliques peuvent agir comme éléments déclenchants, comme catalyseurs d'expériences intérieures dont elles ne sont pas à proprement parler la cause. WEIL suggère que l'effet pharmacologique de ces substances peut être considéré comme neutre, mais qu'il est interprété positivement ou négativement selon le contexte socio-psychologique, idiosyncrasique ou culturel. 22
Pour appuyer les propos de WEIL, FURST évoque d’ailleurs les états de transe obtenus
par les indiens d'Amérique à l’aide de simple tabac, états semblables à ceux que produisent les
plantes « véritablement » psychédéliques comme le psylocybe, l'amanite tue- mouche ou le
yagé. Cet exemple du tabac renvoie d’ailleurs à celui du haschisch qui voit ses effets
potentialisés par l'apprentissage en petit groupe des modalités quasi rituelles de sa préparation
et de son utilisation chez les toxicomanes. L'étude des rituels magico-religieux traditionnels
nous montre ainsi la complexité du processus psychothérapique. L'utilisation du LSD 25 en
psychothérapie inscrit de la même façon l'expérience lysergique dans une certaine conception
philosophique du monde, de la maladie et de la mort. Comme dans le cadre de ces rituels,
l'expérience hallucinogène dans un cadre psychothérapique fait appel à des procédés
symboliques permettant, par déplacement sur une autre scène - celle de l'imaginaire -
l'élaboration des conflits intrapsychiques et l'émergence d'éléments psychiques non
conscients.
21 LÉVI-STRAUSS C. Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1958.22 FURST P.T. et al. La chair des dieux. L'usage rituel des psychédéliques, Paris, Seuil, 1974.
14
C'est pourquoi certains ont comparé l'expérience hallucinogène à une expérience
initiatique, du point de vue phénoménologique, du moins, car dans nos sociétés
contemporaines, le contexte de ce type d'expérience est individuel (comme chez les
toxicomanes) ou duel (comme en psychothérapie) et n'a pas de signification rituelle au sens
des sociétés traditionnelles. Le lien phénoménologique qui nous semble néanmoins exister
entre l'utilisation rituelle et l'utilisation psychothérapique des hallucinogènes réside dans le
fait que cette expérience inscrit le sujet de façon intense et dramatique dans des interrogations
aiguës sur le sens du réel, de la vie, de la maladie, de la mort et de l'univers qui l'entoure.
15