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INTRODUCTION
Plus de mille substances médicamenteusesont été impliquées dans la survenue d’unehépatotoxicité... laquelle constitue la causedu retrait de la dite substance dans 28% descas. L’incidence de la toxicité hépatique parsubstance considérée reste faible (1/10 000 –1/100 000) mais dans une population donnée,les hépatites aiguës médicamenteuses consti-tuent la cause de près de 50% des hépatitesaiguës survenant après l’âge de 50 ans.
CLASSIFICATION – MÉCANISMES
La pathogénie des atteintes hépatiquesmédicamenteuses reste mal connue pour ungrand nombre d’entre elles. On peut assezgrossièrement les classer en toxicité directe,toxicité indirecte ou toxicité par surchargeet/ou accumulation.
– On parle de toxicité directe lorsque l’ef-fet toxicité est lié à la substance elle-même ouà un de ses métabolites (paracétamol, isonia-zide,...).
Dans le cas d’une toxicité liée à un méta-bolite dit «réactif», la gravité en est moduléepar la quantité de métabolite formé. Celle-ciest souvent liée à l’activité des enzymes d’uneou de plusieurs familles du CytochromeP450, qui elle-même, dépend de facteurs gé-nétiques, d’environnement et/ou de l’in-fluence d’autres substances médicamen-teuses prises simultanément.
– On parle de toxicité indirecte lorsquel’effet toxique de la substance est imprévi-
sible, non reproductible chez l’animal etvraisemblablement d’ordre immunologique.Dans ces cas dont les mécanismes précis res-tent largement inconnus, il est probablequ’un métabolite réactif de la substance mé-dicamenteuse se fixe sur une protéine cellu-laire (on parle de protéine «alkylée») et enmodifie les caractéristiques antigéniques. Laprotéine alkylée liée au complexe HLAconstituerait la cible des lymphocytes immu-nocompétents responsables d’un phénomè-ne de cytotoxicité (1). Cette hypothèsepathogénique pourrait expliquer le fait quecertaines toxicités indirectes peuvent égale-ment être modulées par le métabolisme mé-dicamenteux et/ou divers facteurs génétiquescomme la présence de certains haplotypes ducomplexe d’histocompatibilité.
– On parle de toxicité par surcharge et/ouaccumulation dans le cas de médications quiont la propriété d’être accumulées dans cer-taines cellules du foie (comme la vitamine Aqui est stockée dans les cellules parasinu-soïdales) ou qui induisent l’accumulation, enquantités anormales, de divers produits demétabolisme ou de dégradation (stéatose liéeau maléate de perhexiline, phospholipidoselysosomiale liée à l’amiodarone).
– Enfin, certaines substances médica-menteuses exercent leur toxicité par desmécanismes particuliers dont certains sontsuspectés (inhibition de la bêta-oxydationmitochrondriale responsable d’une stéatosemicrovascuolaire) ou qui restent mal connus(cholestases d’origine hormonale, apparitionde différents types de tumeurs,...).
LOUVAIN MED. 119: S19-S22, 2000.
S19
1 Service de Gastro-entérologie, Cliniques UniversitairesSt-Luc, 1200 Bruxelles.
LES ATTEINTES HÉPATIQUES D’ORIGINE MÉDICAMENTEUSE
A. GEUBEL1
LOUVAIN MED. 119: S19-S22, 2000.
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TYPES ET PRÉSENTATION CLINIQUE
Sur le plan clinique, les hépatotoxicitésmédicamenteuses peuvent être classées en:– hépatites aiguës et chroniques;– granulomatoses;– affections de «surcharge» (stéatose,
phospholipidose) ou d’accumulation (vita-mine A);
– affections vasculaires (thromboses vei-neuses, maladie veino-occlusive, péliose);
– tumeurs (adénome, hépatocarcinome, cho-langiosarcome, angiosarcome);
– cholangites.
L’hépatite aiguë médicamenteuse res-semble à une hépatite aiguë virale. Le syn-drome grippal est généralement absent. Unrash cutané et/ou une éosinophilie sanguinepeuvent suggérer le diagnostic. La toxicitéest directe (comme dans le cas du paracéta-mol) ou immuno-allergique (AINS, anti-dépresseurs,...). La biologie montre une«cytolyse» marquée ou, plus souvent, desanomalies de type «mixte» («cytolyse» etcholestase). Le pronostic de ces hépatitesaiguës est variable. L’affection évolue le plussouvent vers la résolution à l’arrêt de la mé-dication responsable. Certains cas (10 à 20%)évoluent cependant en hépatite fulminanteou subfulminante de pronostic sévère. Parmiles «nouvelles» substances impliquées dans lasurvenue d’hépatites aiguës, notons la dioxy-amphétamine (Ecstasy) (2), certaines cyto-kines (interleukine 2, interférons), la tianep-tine, la ciprofloxacine, la sulfasalazine (3),l’atrium (Seroxat®) (4), la fluoxetine (Pro-zac®) (5) et diverses substances végétalescomme Lycopodium serratum, Teucrium fo-lium et Chelidonium majus (6).
Certaines médications sont susceptiblesd’induire une hépatite chronique qui pré-sente toutes les caractéristiques de l’hépa-tite auto-immune, y compris la présenced’auto-anticorps (anticorps anti-nucléaires,anticorps anti-muscle lisse, anticorps anti-LKM)... et l’évolution cirrhogène si la théra-
peutique est poursuivie. La minocycline s’estrécemment ajoutée (7) à la liste des médica-tions susceptibles d’induire ce type de ta-bleau clinique, sérologique et histologique(papavérine, oxyphenisatine, alphaméthyl-dopa, isoniazide,...).
Un grand nombre de médications sontsusceptibles d’entraîner une granulomatosehépatique se manifestant par une «cholestaseanictérique» (minime élévation des transami-nases et élévation marquée des gammaGT,LAP et phosphatases alcalines). Le tableauinitial peut être marqué par un syndrome fé-brile accompagné de douleurs de l’hypo-condre droit et d’ictère mimant l’angiocholi-te... ou une hépatite aiguë alcoolique. Dans lecas de la carbamazepine, un rash cutané ini-tial est présent et suggère l’origine médica-menteuse du tableau clinique (8).
Les affections de surcharge se manifestentfréquemment comme des hépatopathiesd’origine alcoolique (perhexiline, amiodaro-ne). Dans le cas de la vitamine A, l’intoxica-tion aiguë entraîne des signes d’hypertensionportale (splénomégalie, ascite,...). L’intoxica-tion chronique est responsable d’une fibrosehépatique progressive, d’une cirrhose et oud’anomalies vasculaires liées à l’obstructionsinusoïdale. Les perturbations biologiqueshépatiques sont peu marquées, généralementde type cholestatique (9). Le diagnostic desformes chroniques est histologique, la no-tion de prise ancienne voire très ancienne devitamine A étant souvent difficile à retrouverà l’anamnèse.
Les affections vasculaires d’origine médi-camenteuse atteignent soit les gros troncsveineux comme les veines sus-hépatiques(syndrome de Budd-Chiari) soit les veinescentro-lobulaires (maladie veino-occlusive).Les substances entraînant ces lésions vascu-laires sont responsables d’une endothélite etsecondairement de thromboses vasculaires.La présentation clinique est dominée parl’ascite, l’hépatomégalie et l’hypertension
portale. Les médications responsables sontsurtout des immunosuppresseurs (azathio-prine) et/ou des cytostatiques (6-thiogua-nine, mitomycine C, BCNU, cyclophos-phamide,...). Plus de 350 dérivés végétauxcontenant des alcaloïdes du groupe de la pyr-rolizidine sont aussi capables d’induire detelles lésions. Les pathologies hépatiquesvasculaires liées à la prise d’infusions végé-tales ont pris dans certaines régions du globedes proportions épidémiques (maladie vei-no-occlusive de la Jamaïque, maladie veino-occlusive liée à l’héliotrope en Europe Cen-trale,...). Le fait que certains végétaux utilisésen tisanes dans nos régions (comme laconsoude) contiennent de tels alcaloïdes doitrendre prudent quant à la consommation deproduits d’herboristerie «artisanale».
Le risque tumoral lié à la consommationde certaines médications est faible et il estprobable que les contraceptifs hormonauxactuels faiblement dosés n’entraînent pasd’accroissement du risque de voir survenirdes adénomes hépatiques.
Les cholangites d’origines médicamenteu-se sont marquées par une évolution particu-lière. Après un épisode initial d’hépatitegénéralement peu marqué, survient une cho-lestase croissante, généralement ictérique dedurée prolongée qui s’accompagne souventd’un prurit sévère et d’une altération de l’étatgénéral. Les symptômes persistent durantplusieurs mois, parfois durant plusieurs an-nées. L’histologie hépatique montre uneatteinte inflammatoire variable des canauxbiliaires de petit calibre (cholangiolite etcholangite) qui peut aller jusqu’à leur des-truction partielle (on parle de «paucité cana-laire») ou plus rarement, jusqu’à leur des-truction complète suivie de l’apparition enquelques mois ou années d’un tableau de cir-
rhose biliaire secondaire (10). Plus d’unetrentaine de substances médicamenteusesont été associées à des lésions des canaux bi-liaires (hypoglycémiants oraux, carbamazé-pine, amoxycilline – acide clavulanique,...).Une étude belge multicentrique récemmentpubliée suggère clairement que l’hépatite liéeà l’association amoxycilline-acide clavula-nique trouve sa pathogénie dans une idio-syncrasie immunologique étroitement asso-ciée aux antigènes HLA de classes II (11).
CONCLUSION
En pratique, devant toute affection hépa-tique clinique et/ou biologique, la démarcheanamnestique devrait toujours viser à exclu-re une origine médicamenteuse. Les difficul-tés rencontrées dans cette démarche tiennentau fait que certaines substances sont «ou-bliées» ou ont perdu vis-à-vis du public leur«statut» de médicament (contraceptifs oraux,préparations vitaminiques, «vasculoprotec-teurs»,...) et qu’il est souvent difficile d’im-puter les anomalies observées à la prisemédicamenteuse (12). Le fait que l’hépato-toxicité de certains médicaments se manifes-te après plusieurs mois de traitement oumême parfois plusieurs semaines après leurarrêt constitue une autre difficulté... à laquel-le il faut encore ajouter les incertitudesconcernant la toxicité potentielle mal connueou encore inconnue de nouvelles substancesmises sur le marché. Il convient donc derester extrêmement vigilant, de consulter ra-pidement, en cas de doute, une banque dedonnées actualisée de pharmacovigilance etd’interrompre aussi vite que possible toutesubstance suspecte de toxicité hépatique.
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES