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Un pas de deux pour une histoire d'amour illuminée par la clarté blafarde d'une nuit transfigurée.
Les 12 et 13 octobre 2015
Lundi 12.10 20h00
Mardi 13.10 19h00
Salle Charles Apothéloz
Durée : 40 min
Danse
Anne TeresA De KeersmAeKerVerklärte Nacht
« Je suis très romantique de nature. Ce qui explique ma quête permanente de formes fortes et de contraintes structurelles, afin de cadrer et de canaliser mes inclinations intérieures - en l'occurence : la passion amoureuse »
Anne Teresa De Keersmaeker, à propos de Verklärte Nacht
Les arts se croisent et s’enrichissent les uns les autres à Vidy. Cet automne, trois artistes font résonner la musique sur la scène du théâtre et la font dialoguer avec la danse, la chanson et la vidéo.
À venirFAse, Four movemenTs To The music oF sTeve reichMercredi 9 décembre à 20h et jeudi 10 décembre à 19h
9.12 : navette gratuite pour Genève à l’issue du spectacle
Travaillant sur la musique minimaliste du compositeur américain Steve Reich, Anne
Teresa De Keersmaeker a mis en place avec cette chorégraphie les fondamentaux
de sa danse en liant mouvement et musique : l’un et l’autre reprennent de façon
semblable motifs et rythmes en les déphasant progressivement. L’exécution
parfaite de cette partition abstraite devient hypnotique tout en dégageant une
sensualité déroutante.
« Un manifeste esthétique, une œuvre majeure dans le répertoire contemporain. » Paris-Art
en 2ème pArTie De sAisonvorTex TemporumLes 1
er et 2 juin 2016
Avec l’ensemble Ictus sur le plateau, Vortex Temporum lie la musique de Gérard
Grisey à un contrepoint pour sept danseurs.
« La conspiration magique de la musique et de la danse atteint un niveau rare d’équilibre. » Le Monde
Anne Teresa de Keersmaeker, figure majeure de la danse contempo-raine, est reconnue internationalement pour avoir, notamment, renou-velé profondément les liens entre chorégraphie et musique. Après avoir étudié la danse à Mudra, l’école de Maurice Béjart à Bruxelles, puis à New-York, elle fait ses débuts de chorégraphe avec Fase, Four Movements to the Music of Steve Reich en 1982, qui est devenue une référence dans l’histoire de la danse.
Anne TeresA De KeersmAeKer À viDyPour inaugurer la présence d’Anne Teresa De Keersmaeker tout au long de la saison 15/16 au Théâtre de Vidy, une exposition est proposée autour du spectacle Verklärte Nacht.
AuTour Du specTAcle
Vidy accueille une partie de l’exposition des partitions chorégraphiques d’Anne
Teresa De Keersmaeker présentées ce printemps au BOZAR, Palais des Beaux-Arts
de Bruxelles. Ces travaux préparatoires définissent le rapport de chaque danse à
l’espace et au temps. Ils explicitent l’intérêt de la chorégraphe pour les mouvement
fondamentaux du corps (marcher, parler, respirer), la façon dont se tressent parti-
tions musicales et écritures chorégraphiques dans ses créations ainsi que son intérêt
pour la géométrie et les suites mathématiques.
WorK on pAperExposition de partitions
chorégraphiques
Jusqu’au 7 novembre
La Kantina
Entrée libre
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suiTe Du cycle « DAnse eT musiQue Au ThÉÂTre »
yAn DuyvenDAKSound of Musicdu 27 au 31 octobreThéâtre/Danse/Musique
Une grande comédie musicale avec
des danseurs de Broadway qui parle de
chômage, de réchauffement climatique
et de techno-addictions : c’est la
réponse de Yan Duyvendak à la ques-
tion : « Comment créer avec, pendant,
malgré la crise ? »
« Le stimulant mariage des plaies et des paillettes. » Le Temps
oliviA peDroliUncertain clarityle 5 novembreMusique/Vidéo
Pour ce spectacle à Vidy, Olivia Pedroli
invite quatre musiciens afin de déve-
lopper les thématiques contrastées de
deux créations récentes : son disque
A Thin Line, et l’installation-vidéo
Préludes pour un loup.
« Des chansons inspirant le rêve. » L’Express
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Anne Teresa De KeersmaekerChORéGRAPhIE
Chorégraphie :
Anne Teresa De Keersmaeker
Musique :
Arnold Schönberg, Verklärte
Nacht, op. 4 par le New York
Philarmonic, dirigé par Pierre
Boulez
Lumière :
Luc Schaltin
Anne Teresa De Keersmaeker
Costumes :
Rosas
Rudy Sabounghi
Dramaturgie musicale :
Georges-Elie Octors
Alain Franco
Coordination artistique
et planning :
Anne Van Aerschot
Directeur technique :
Joris Erven
Technicien :
Michael Smets
Avec :
Samantha van Wissen
Boštjan Antončič
Nordine Benchorf
Production :
Rosas, Bruxelles
Coproduction :
Ruhrtriennale
Les Théâtres de la Ville
de Luxembourg
Rosas est soutenu par la
Communauté Flamande
Première le 16 août 2014 à la
Ruhrtriennale
Avec les équipes
de technique, de production,
de communication
et d’administration du
Théâtre de Vidy
En 1980, après des études de danse à
l'école Mudra de Bruxelles, puis à la
Tisch School of the Arts de New York,
Anne Teresa De Keersmaeker (née en
1960) crée Asch, sa première chorégra-
phie. Deux ans plus tard, elle marque
les esprits en présentant l’une des
pièces majeures de cette époque : Fase,
Four Movements to the Music of Steve
Reich. En 1983, De Keersmaeker choré-
graphie Rosas danst Rosas et établit à
Bruxelles sa compagnie de danse
Rosas. A partir de ces oeuvres fonda-
trices, Anne Teresa De Keersmaeker
a continué d’explorer, avec exigence
et prolixité, les relations entre danse
et musique. Elle a constitué avec
Rosas un vaste corpus de spectacles
qui s’affrontent aux structures musi-
cales et aux partitions de toutes les
époques, de la musique ancienne à la
musique contemporaine en passant
par les expressions populaires. Sa pra-
tique chorégraphique est basée sur les
principes formels de la géométrie et
les modèles mathématiques, l'étude
du monde naturel et des structures
sociales — ouvrant de singulières
perspectives sur le déploiement du
corps dans l’espace et le temps.
Entre 1992 à 2007, Rosas a été accueilli
en résidence au théâtre de La Monnaie /
De Munt à Bruxelles. Au cours de cette
période, Anne Teresa De Keersmaeker
a dirigé plusieurs opéras et de vastes
pièces d’ensemble qui ont depuis inté-
gré le répertoire des compagnies du
monde entier. Dans Drumming (1998) et
Rain (2001) — spectacles auxquels
collabore l'ensemble de musique
contemporaine Ictus — s’épanouis-
sent de vastes structures géométri-
ques, aussi complexes dans leurs
tracés que dans leurs combinaisons,
qui s’entremêlent aux motifs obsé-
dants du minimalisme de Steve Reich.
Ces fascinantes chorégraphies de
groupe sont devenues des icônes,
emblématiques de l’identité de Rosas.
Au cours de sa résidence au théâtre de
La Monnaie, Anne Teresa De Keers-
maeker présente également le spec-
tacle Toccata (1993) sur des fugues et
partitas de J.S. Bach, dont l'œuvre
constitue un fil rouge dans son travail.
Verklärte Nacht (écrit pour quatorze
danseurs en 1995, adapté pour trois
danseurs en 2014) dévoile l'aspect
expressionniste du travail de la choré-
graphe en valorisant l’orageuse
dimension narrative associée à ce
sextuor à cordes de Schoenberg,
typique du postromantisme tardif.
Elle s’aventure vers le théâtre, le texte
et le spectacle transdisciplinaire avec I
said I (1999), In real time (2000), Kas-
sandra – speaking in twelve voices
(2004), et D'un soir un jour (2006).
Elle intensifie le rôle de l'improvisa-
tion dans sa chorégraphie en travail-
lant à partir de jazz ou de musique in-
dienne dans des pièces telles que
Bitches Brew / Tacoma Narrows (2003)
sur la musique de Miles Davis, ou
Raga for the Rainy Season / A Love
Supreme (2005).
En 1995, Anne Teresa De Keersmaeker
fondait l'école P.A.R.T.S. (Performing
Arts Research and Training Studios)
à Bruxelles en association avec La
Monnaie / De Munt.
Les récentes pièces d'Anne Teresa De
Keersmaeker témoignent d'un
dépouillement qui met à nu les nerfs
essentiels de son style : un espace
contraint par la géométrie ; une oscilla-
tion entre la plus extrême simplicité
dans les principes générateurs de
mouvements — ceux de la marche par
exemple — et une organisation choré-
graphique riche et complexe ; et un
rapport soutenu à une partition (musi-
cale ou autre) dans sa propre écriture.
En 2013, De Keersmaeker revient à la
musique de J.S. Bach (jouée live, tou-
jours) dans Partita 2, un duo qu’elle
danse avec Boris Charmatz. La même
année, elle crée Vortex Temporum sur
l’oeuvre musicale du même nom écrite
en 1996 par Gérard Grisey, très carac-
téristique de la musique dite spectrale.
L’ancrage de l’écriture gestuelle dans
l’étude de la partition musicale y est
poussé à un degré extrême de sophis-
tication et favorise un méticuleux
dialogue entre danse et musique,
représenté par un couplage strict de
chaque danseur de Rosas avec un
musicien d’Ictus. En 2015, le spectacle
est totalement refondu pour l’adapter
au format muséal, durant neuf
semaines de performance au centre
d'art contemporain WIELS de Bruxel-
les, sous le titre Work/Travail/Arbeid.
La même année, Rosas crée Golden
Hours (As you like it), à partir d’une
matrice textuelle (la pièce Comme il
vous plaira de Shakespeare) qui sert de
partition implicite aux mouvements,
affranchissant pour une fois la mu-
sique de sa mission formalisante et lui
autorisant la fonction d’environne-
ment sonore (il s’agit de l’album
Another Green World de Brian Eno,
1975).
Dans Carnets d'une chorégraphe, une
monographie de trois volumes publiée
par Rosas et les Fonds Mercator, la
chorégraphe dialogue avec la théori-
cienne et musicologue Bojana Cvejic
et déploie un vaste panorama de
points de vue sur ses quatre oeuvres
de jeunesse ainsi que sur Drumming,
Rain, En Atendant et Cesena.
La nuit transfigurée (Verklärte Nacht)
Deux personnes vont dans le bois nu et froid ; la lune les accompagne, ils la regardent.
La lune court au-dessus des grands chênes, aucun nuage ne trouble la lumière du ciel
vers laquelle tendent les cimes noires. Une voix de femme dit :
Je porte un enfant, et il n'est pas de toi, je marche à côté de toi, dans le péché.
J'ai gravement péché envers moi-même ; je ne croyais plus au bonheur
et pourtant je désirais ardemment une vie accomplie, le bonheur d'être mère
et obéir à mes devoirs ; et puis je me suis dévergondée, et frissonnante j'ai laissé mon sexe
être étreint par un étranger et je m'en suis pourtant absoute.
Maintenant la vie se venge, maintenant toi, ô toi, je t'ai rencontré.
Elle va d'un pas gauche, elle regarde en l'air, La lune l'accompagne ; son regard sombre se noie dans la lumière.
Une voix d'homme dit :
L'enfant que tu as conçu ne dois pas être un fardeau pour ton âme, ô vois comme le monde entier resplendit !
Il y a une clarté qui baigne tout ici, tu flottes avec moi sur une mer froide,
et pourtant une chaleur particulière vibre de toi à moi et de moi à toi ;
elle va transfigurer le fils de l'étranger, tu enfanteras pour moi, comme s'il venait de moi,
tu as mis du soleil en moi, tu as fait de moi-même un enfant.
Il étreint ses fortes hanches, leur souffle se mêle dans les airs,
deux êtres vont dans la nuit claire et vaste.
Richard Dehmel, 1869 | Traduction de l’allemand au français © Pierre Mathé, 2010
Anne TeresA De KeersmAeKerVerklärte Nacht
« Effrontément romantique » : tel est
le terme employé par Anne Teresa De
Keersmaeker pour qualifier sa réponse
chorégraphique à Verklärte Nacht
d’Arnold Schoenberg (1899), une œuvre
musicale nimbée de couleurs autom-
nales, hautement romantique en effet,
et par ailleurs première grande partition
de celui qui deviendra l’emblème d’un
intransigeant modernisme musical. Et la
chorégraphe d’ajouter : « Je suis très
romantique de nature. Ce qui explique
ma quête permanente de formes fortes
et de contraintes structurelles, afin de
cadrer et de canaliser mes inclinations
intérieures - en l'occurence : la passion
amoureuse. »
Près de vingt ans après son premier
Verklärte Nacht, en 1995, la chorégraphe
donne aujourd’hui une nouvelle lecture
de l’oeuvre poignante de Schoenberg —
non pas le sextuor original de 1902, mais
la somptueuse ré-écriture pour orchestre
à cordes, réalisée bien des années plus
tard par le compositeur lui-même. Dans
sa première version, De Keersmaeker
déployait tous les ingrédients d’un
romantisme flamboyant : des teintes
sépia caressées de mélancoliques
lumières automnales, un superbe décor,
six couples et deux danseuses solistes.
Dans la nouvelle version, elle se
concentre sur l’essentiel : un plateau de
danse nu, parfaitement neutre, une
certaine objectivité de l’éclairage et un
seul couple en scène, à peine accompa-
gné d’un troisième homme dans le
tableau d’ouverture. Nous voici au plus
près d’une épure tragique : un triangle
amoureux.
C’est en 1899 qu’Arnold Schoenberg,
encore jeune et parfaitement inconnu,
fait ses débuts de compositeur avec cette
Verklärte Nacht dont la musique suit
tous les replis du poème éponyme de
Richard Dehmel. Une femme se pro-
mène avec son amant dans la lumière
lunaire, et lui fait l’aveu qu’elle attend
un enfant d’un autre homme, qu’elle
n’aime pas. Le triangle se reconfigure
alors sur l’enfant à naître : l’homme
réagit avec une générosité bouleversante
– et plutôt surprenante, si nous la rap-
portons aux canons du dix-neuvième
siècle : il assure à la jeune femme que
leur amour mutuel transfigurera
(verklären) l'enfant à naître, et qu'elle
peut désormais le porter comme s'il était
sien.
De Keersmaeker a suivi ce fil narratif et
lui a donné corps. Le lyrisme irradiant
des couples sculptés par Rodin a enrichi
son matériel chorégraphique ; certains
autres gestes, ou certaines poses,
proviennent d'un manuel destiné aux
hommes voulant assister leur femme
pendant le travail de l'accouchement.
Sur un plan plus formel, il faut pointer
l’importance de la figure de la spirale
(ascendante ou descendante) qui prévaut
dans tout le spectacle, qu’il s’agisse de
l’élaboration des mouvements ou du
traitement de l’espace.
« Il m’importait beaucoup de trouver un
délicat équilibre entre le plan des formes
et des structures, d’une part, et le plan
des qualités expressives, voire des dé-
tails concrets, de l’autre », dit encore la
chorégraphe. « Le "narratif" n’est pas un
tabou pour moi. Je vois Verklärte Nacht
comme une étape dans ma recherche sur
l’écriture en duo. Un duo est narratif par
nature : il suggère une relation entre
deux corps, certes, mais aussi, irrémé-
diablement, entre deux personnes. C’est
particulièrement vrai dans Verklärte
Nacht, qui s’appuie sur un axe narratif
très caractérisé : deux êtres humains
transcendent leurs existences par la
grâce de la compréhension mutuelle et
de la confiance en l’autre. Une histoire
« romantique », si vous voulez, mais plus
simplement : une histoire de générosité
et d’émotion vraie. »
WAnnES GySELinCk