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Les antioxydants et la protection contre la lumière solaireAerenhouts Dirk, Barel Andre, Taeymans Jan, Clarys Peter, VUB
Notre peau exerce de nombreuses fonctions. Elle transmet des signaux, règle la température de notre corps, sert
de système de défense immunitaire et protège des lésions mécaniques (coups) et chimiques (acides), des micro-
organismes (champignons, bactéries et virus), et des irradiations ultraviolettes (UV). La peau empêche en outre que
notre organisme ne se déshydrate et assure la production de vitamine D.
NutriFacts 2013
oxydatif, la dégradation de la matrice extracellulaire et
un risque accru de cancer de la peau.
Les ERO et la peroxydation des lipides générées par les
UVA provoquent également des dégâts à l’ADN, fut-ce
de façon indirecte. Les espèces réactives de l’oxygène
sont associées à l’initiation, mais aussi à la promotion
et à la progression de la croissance tumorale. Les fac-
teurs indirects favorisant l’apparition d’un cancer sont
les cytokines inflammatoires ainsi que les mutations
oxydatives de l’ADN et des protéines. Un stress oxydatif
continu sur une tumeur cancéreuse peut déclencher
l’activation de facteurs de transcription ainsi qu’une in-
stabilité génétique. Un tel stress peut contribuer au dé-
veloppement de la malignité tumorale.
L’épiderme est la couche extérieure de la peau et comporte les kératinocytes, les mélanocytes et les cellules senso-
rielles. Les kératinocytes sont formés dans la couche inférieure, basale, de l’épiderme par division cellulaire continue.
Ils ont une forme cubique et migrent progressivement vers la surface après la division cellulaire. Au cours de ce
processus, les cellules s’aplatissent progressivement en perdant leur noyau, leurs organelles et leur cytoplasme. Dès
lors, elles atteignent la surface comme cellules mortes, pour former la couche cornée et finalement se desquamer.
La libération dans le milieu extracellulaire du contenu de ces cellules crée à cet endroit un climat intercellulaire riche
en lipides, faisant office de barrière contre les intrus, mais qui retient aussi l’eau dans le corps.
Les mélanocytes sont des cellules parsemées parmi les kératinocytes dans la couche basale de l’épiderme. Ils
produisent de la mélanine. Les granules de mélanine sont produits lors de l’exposition de la peau à la lumière UV, et
transmis aux kératinocytes avoisinants. Cette mélanine ira s’insérer entre le noyau (avec son ADN) et la surface, afin
de protéger le matériel génétique des cellules par absorption du rayonnement ultraviolet. Ainsi, avec ses nombreu-
ses couches de kératinocytes pleins de mélanine, ses organes sensoriels et sa barrière intercellulaire, l’épiderme
remplit de nombreuses fonctions propres à la peau.
Sous l’épiderme se trouve le derme, et, contrairement à l’épiderme, le derme est bien vascularisé. C’est d’ailleurs
par ces vaisseaux du derme que les cellules basales de l’épiderme sont approvisionnées en nutriments. En plus
des nombreux vaisseaux, le derme contient également des fibroblastes, des cellules qui élaborent les fibres de
collagène et d’élastine qui forment la matrice extracellulaire. Les fibres de collagène assurent la solidité et la texture
de la peau, alors que les fibres d’élastine lui confèrent sa souplesse et son élasticité, de sorte que la peau reprend
toujours sa forme normale.
La lumière solaire comprend tout un spectre de lon-
gueurs d’ondes, parmi lesquelles nous distinguons la
lumière visible, entre 400 et 700 nm. On distingue 3
groupes dans le rayonnement ultraviolet. Les UVA ont
une longueur d’onde de 320 à 400 nm, les UVB entre
280 et 320 nm et les rayonnements UVC entre 100 et
280 nm. Suite à leurs caractéristiques physiques diffé-
rentes, ces trois groupes de rayonnement possèdent
des propriétés diverses. En principe, les UVC, totale-
ment absorbés par l’atmosphère, n’atteignent pas la
surface de la Terre. Les rayonnements UVB nous atteig-
nent bel et bien et pénètrent jusque dans l’épiderme
où ils provoquent des dégâts à l’ADN. Les rayonne-
ments UVA pénètrent plus profondément encore et
peuvent eux aussi léser l’ADN. Ils sont surtout à l’origine
de la production d’espèces réactives ou dérivés ré-
actifs de l’oxygène (ERO ou DRO, ou encore ‘reactive
oxygen species’, ROS, des Anglo-Saxons). Les lésions et
le vieillissement de la peau suite à la lumière solaire
apparaissent après exposition au rayonnement UV et
se caractérisent par une inflammation, un coup de so-
leil, un œdème du derme et de l’épiderme, un stress
Les lésions et le vieillissement de la peau suite à la lumière solaire apparaissent après ex-position au rayonnement UV
Il est cependant difficile de prouver de telles proprié-
tés positives avec des arguments suffisamment solides.
La disponibilité biologique et les processus métabo-
liques font qu’il n’est pas simple d’apporter la preuve
de l’effet d’un aliment ou d’un supplément nutritionnel.
Des études in vitro et sur l’animal ne suffisent de toute
évidence pas pour confirmer ou infirmer les effets pré-
tendus des nutraceutiques. Des études observationnel-
les sur l’homme ne peuvent contrôler tous les facteurs
intervenants et ne conviennent dès lors pas plus pour
établir une relation de cause à effet entre un nutra-
ceutique et son action présumée. Seules des études
interventionnelles d’une qualité méthodologique suf-
fisante (comportant suffisamment de sujets, randomi-
sées, contrôlées par placebo, en double aveugle) en
sont capables. Etant donné qu’une prise unique d’un
nutraceutique ne fait pas d’effet, des études longitu-
dinales sont nécessaires. Et dans ces études longitu-
dinales, où des sujets prennent quotidiennement un
nutraceutique à plus long terme, il importe de surveiller
scrupuleusement si les sujets participant à l’étude res-
pectent les consignes imposées. On peut contrôler à
l’aide d’échantillons de sang ou en vérifiant les embal-
lages si le nutraceutique est effectivement pris comme
prescrit. Il importe en outre de tenir compte d’influences
saisonnières et un contrôle total de tous les paramè-
tres confondants envisageables n’est guère possible.
Les études qui explorent les effets de l’exposition de la
peau aux rayons UV font souvent appel à des métho-
des de mesure sophistiquées, comme des mesures
par ultrasons, des biopsies de la peau avec analyse
histologique, la photométrie de la peau (mesure de la
couleur) et la détermination de la dose minimale d’UV
provoquant un coup de soleil (sensibilité aux UV).
La peau vieillie par la lumière solaire présente une
surface parcheminée, avec des rides profondes et
des taches jaunâtres. Les caractéristiques intrinsèques
d’une peau vieillie sont la nécrose épidermique, la
diminution des taux de collagène et de glycosami-
noglycanes (des molécules qui assurent la viscosité),
une baisse du tonus et de l’élasticité de la peau. A un
stade avancé, on parle d’élastose solaire.
Après la mélanine produite par les mélanocytes,
les antioxydants présents dans la peau forment une
deuxième ligne de défense en neutralisant les radicaux
libres des ERO. Enfin, si l’ADN a été lésé malgré tout,
des enzymes réparatrices particulières pourront encore
le réparer éventuellement avant la prochaine division
cellulaire. Les antioxydants endogènes présents dans la
peau sont notamment l’acide lipoïque, le glutathion, la
mélatonine et le coenzyme Q. Les antioxydants primai-
res apportés par la circulation sanguine sont les caroté-
noïdes, les polyphénols, les vitamines E et C.
Nous savons bien que la meilleure protection contre
les UV consiste à se mettre à l’ombre à temps et à
appliquer régulièrement une crème solaire avec un
filtre UV suffisamment efficace. En outre, les crèmes
solaires actuelles contiennent également des antioxy-
dants dont on présume qu’ils pénètrent dans la peau
pour y exercer leur effet protecteur. Malheureusement,
ces antioxydants ne traversent pas tous la barrière lipi-
dique et la couche cornée de kératinocytes, ou alors
ils ne pénètrent pas assez profondément. C’est pour-
quoi il pourrait être plus efficace d’administrer des anti-
oxydants par voie alimentaire et de les amener dans
les tissus cutanés via le sang.
L’effet potentiel des nutriments sur la protection de la
peau contre les dégâts issus des rayonnements UV
est reconnu par l’Autorité européenne de Sécurité des
Aliments (EFSA pour European Food Safety Authority).
Les nutraceutiques sont des aliments ou substances qui
apportent un avantage médical ou de santé, notam-
ment la prévention et le traitement de maladies et af-
fections. Dès lors, l’industrie alimentaire met de plus en
plus de produits sur le marché qui, surtout à partir de
leur effet antioxydant, allèguent une protection contre
le vieillissement de la peau par la lumière solaire et/ou
l’apparition de cancers de la peau.
Les résultats chez l’homme vont dans le même sens.
Il est en outre démontré que l’emploi combiné d’une
crème à base de thé vert, appliquée quotidiennement
sur la peau, simultanément à la prise d’un supplément
de thé vert, assurait de meilleures propriétés élastiques
de la peau après 8 semaines.7
Les caroténoïdes sont présents dans la peau, où ils en
déterminent le teint, avec l’hémoglobine et la méla-
nine présente. Ils ont en outre un potentiel antioxydant
important et ils exercent une influence sur l’expression
génétique au niveau cellulaire. Les deux équations sui-
vantes montrent comment un caroténoïde peut neu-
traliser en deux étapes un radical libre souvent rencon-
tré dans la peau :
(1) 1O2 + CAR ➜ O2+ 3CAR
(2) 3CAR ➜ CAR + chaleur1O2 = oxygène moléculaire singulet;
O2 = oxygène à l’état basal;
CAR = caroténoïde à l’état basal; 3CAR = caroténoïde triplet excité
Il existe de nos jours suffisamment d’arguments scienti-
fiques pour admettre que la vitamine E (α-tocophérol),
les polyphénols (flavonoïdes) et les caroténoïdes
(β-carotène, lycopène et lutéine) sont des nutriments
qui exercent dans la peau un effet protecteur contre
l’exposition aux UV.1,2,3,4
L’alpha-tocophérol est présent dans différentes
couches de la peau et est connu pour ses propriétés
antioxydantes vis-à-vis des acides gras polyinsaturés
de la membrane cellulaire. Il est capable d’exercer un
effet sur l’expression génique. La vitamine E est souvent
administrée en association avec un autre antioxydant,
la vitamine C, destinée à neutraliser à son tour la vita-
mine E oxydée. Des sources adéquates de vitamine E
sont les noix et les graines comme les amandes et les
graines de tournesol ainsi que les huiles correspondan-
tes, mais aussi les légumes verts comme les épinards
et les brocolis, qui sont des aliments consommables en
quantités plus appréciables.
Les flavonoïdes sont un groupe important parmi les po-
lyphénols. Plusieurs flavonoïdes sont déjà identifiés com-
me d’importants protecteurs contre les rayonnements
UV. L’épicatéchine et la catéchine se retrouvent dans
les fèves de cacao et dans le thé vert, un peu moins
dans le thé noir. Les baies et les fruits rouges sont égale-
ment de bonnes sources de flavonoïdes. Plusieurs étu-
des ont montré que les flavonoïdes du cacao présents
dans le chocolat ont un effet protecteur en réduisant
considérablement la sensibilité aux rayonnements UV.5,6
Malheureusement, les flavonoïdes se perdent dans la
plupart des chocolats suite à l’échauffement du ca-
cao lors du processus de production. Nous devrions
dès lors consommer des quantités exagérément im-
portantes de chocolat (noir) pour obtenir suffisamment
d’antioxydants. Il est démontré que le thé vert ou noir
exerce chez la souris un effet réducteur sur les tumeurs.
NutriFacts 2013
futures devront montrer quelles en sont les doses acti-
ves et quelles sont leurs interactions avec les autres nu-
triments. La prudence reste cependant de mise, car les
nutraceutiques ne sont pas à même d’égaler les effets
de se mettre à l’ombre à temps et de l’application régu-
lière d’une bonne crème solaire. L’utilisation combinée
d’une crème solaire avec un apport suffisant à long ter-
me d’antioxydants combinés peut apporter une meil-
leure protection par rapport à l’emploi de seulement un
des deux éléments. Enfin, il est plus sûr d’assurer un ap-
port suffisant grâce à la consommation d’une variété
d’aliments adéquats riches en antioxydants plutôt que
par la prise de suppléments nutritionnels, évitant ainsi le
risque d’un surdosage éventuel.
Références :1. Anunciato TP & da Rocha Filho PA. Carotenoids and polyphenols in nutricosmetics, nutraceuticals, and cosmeceuticals. J Cosmetic Dermatol 2012, 11(1), 51-54.2. Evans JA & Johnson EJ. The Role of Phytonutrients in Skin Health. Nutrients 2010, 2, 903-28.3. Stahl W & Sies H. Carotenoids and protection against solar UV radiation. Skin Pharmacol Appl Skin Physiol 2002, 15(5), 291-6.4. Stahl W & Sies H. Photoprotection by dietary carotenoids: concept, mechanisms, evidence and future development. Mol Nutr Food Res 2012, 56(2), 287-95.5. Heinrich U, Neukam K, Tronnier H, Sies H, & Stahl W. Long-term ingestion of high flavanol cocoa provides photoprotection against UV-induced erythema and improves skin condition in women. J Nutr 2006, 136, 1565-69.6. Williams S, Tamburic S, & Lally C. Eating chocolate can significantly protect the skin from UV light. J Cosmet Dermatol 2009, 8(3), 169-73.7. Chiu AE, Chan JL, Kern DG, Kohler S, Rehmus WE, & Kimball AB. Double-blin- ded, placebo-controlled trial of green tea extracts in the clinical and histo- logic appearance of photoaging skin. Dermatol Surg 2005, 31, 855-60.8. Stahl W, Heinrich U, Aust O, Tronnier H, & Sies H. Lycopene-rich products and dietary photoprotection. Photochem Photobiol Sci 2006, 5, 238-42.
Le β–carotène, le lycopène et la lutéine sont des caro-
ténoïdes différents associés à la protection de la peau
contre les ERO. Il semble cependant ardu de définir
séparément leurs rôles respectifs du fait que les études
concernées ont souvent étudié une association de
divers caroténoïdes. Le β-carotène inhibe la peroxy-
dation lipidique, et on présume qu’il peut interrompre
les réactions oxydatives successives qui en découlent
dans l’épiderme après son exposition aux UV. Les fruits et
légumes de coloration jaune et orange sont de bonnes
sources de β-carotène. Le lycopène est surtout présent
dans la tomate et il est démontré in vitro qu’il dispose
de propriétés antitumorales. Plusieurs études sur l’être
humain ont démontré que le β-carotène ainsi que le
lycopène diminuent la sensibilité aux UV.viii On retrouve
également la lutéine dans l’épiderme et le derme, où
elle aussi contribue au teint de la peau, et surtout à la
couleur de l’iris. Des essais sur l’animal montrent que
la lutéine offre une protection contre l’apparition et le
développement du cancer de la peau. Le jeune
d’œuf, le maïs, les poivrons jaunes et les légumes à
feuilles vertes sont les principales sources de lutéine.
Nous pouvons donc conclure qu’il existe suffisamment
d’arguments scientifiques sur l’action protectrice de
la vitamine E, des polyphénols et des caroténoïdes
contre l’exposition aux UV et leurs effets. Des études