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n e STRATIFICATION EPlDEMlOLOGlQUE DU PALUDISME A MADAGASCAR i -le. - MOUCHET J.(l), BLANCHY S. (2), RAKOTONJANABELO A. (*I, RANAIVOSON G.(*), RAJAONARIVELO E(2), LAVENTURE S.R, ROSSELLA M. t4), AKNOUCHE F. tS) - RESUME 1 'île de Madagascar, constitue une sous-régionde la Région Afro-tropicale,malgré le fort endémisme de la faune. Les trois vecteurs de paludisme Anopheles gambiae S.S., An. arabiensis et An. funestus sont identiques A ceux du continent, ce qui suggère une introduction recente. Par contre aucun des anophèles endémiques n'est vecteur, Plasmodiumfalciparum est le parasite largement dominant mais la prévalence de P. vivax lié à l'é/ément ethnique d'origine asiatique n'est pas négligeable. P. malariae et P. ovale occupent une place mineure. On retrouve a Madagascar des faciès épidémiologiques analogues au continent africain. Le faciès equa- torial, surla côte orientaleest caractériséparune forte transmissionpérenne 2 l'origine d'un paludisme stable entraînant le développement d'une forte prémunition. Le facièstropical sur la côte ouest est le siège d'une transmissionsaisonnièrependantplus de six mois paran, entraînanf la stabilité de la maladie etla prémunition des populations. Les trois espèces d'anophèles sont présentes dans ces deux faciès. Dans le faciès du sud, la transmission est saisonnière pendant moins de quafre mois et même de deux mois, dans /'extreme sud. II semble qu'An. arabiensis soit le seul vecteurprésent.Le paludisme instableprend des allures épidémiques certaines années ,touchant s&&e/fie'nt toutes les classes d'âge en l'absence de prémunition. Le facièsdes Plateaux, entre 7 O00 et 7 500 m, a été victime d'épidémies meurtrières en 7987-88, touchant toutes les classes dâge. An. arabiensis et An. funestus assurent la transmissionsaisonnièred'un paludisme instable. La riziculturebase de l'economie malgache semble avoir été à l'origine de l'introductionde P. falciparum sur les P lafeaux. Actuellement elle fournit, directement ou non, la plupart des gifes des Anophèles. La croissance récente des villes a englobé les rizières sur les Plateaux. Malgré l'abondance des anophèles dans les quartiers excentrés le poids de la maladie reste très inférieur a la zone rurale. Des migrations intérieures amènent régulièrement des autochtones non prémunis, venant des zones instables (plateaux et sud) dans les sites agricoles des zones stables où ils sont très exposés au risque palustre. Les traitements antipaludiques des années 7950 et 7960 ont modifié la physionomie du paludisme sur les plateaux et la situation acfuelle est probablement différente de celle qui prévalait avant les campagnes de masse. La chloroquine après des années d'utilisation, souvent en sous-dosage,reste efficacepour le traitementdes malades. Une revue des stratégies de lutte antipaludiques applicables aux diverses situations épidémiologiques termine cet article. Mots-clés : Paludisme - Facteurs épidémiologiques - Climat - MADAGASCAR. SUMMARY I Madagascar is considered as a sub-region of the Afrotropical geographical Region in spife of the h@h endemicity of 95 % of the invertebrates. Nevertheless the three malaria vectors An. gambiae S.S. , An. arabiensis and An. funestus are quite similar to those of the continental Africa. This support the hypothesis of their recent introduction. Plasmodium falciparum is the dominant parasite but the prevalence of P. vivax is not negligible. It is linked to the Asian component of the human population. P. malariae and P. ovale are of minor importance. The main epidemiological "facies" of Africa are found in Madagascar. The equatorial facies on the East Coast is characterized by a high transmission all year long. In the tropical facies on the West Coast transmission is seasonal (7months at least). In both areas, malaria is stable and the inhabitants acquire a high immunity before the age of ten ; most of the severe cases touch children below 7 O. The three vectors can be found but An. gambiae S.S. is dominant. In the exophilic southern facies the transmission is seasonal (two to four months). The on& vector is An. arabiensis. Malaria is unstable and severe epidemics occur during the years of high rainfall. All age groups are vulnerable because the population is not immune In the Plafeaux facies above 1 O00 m., malaria is unstable, Severe epidemics occured in 1987- 1988. The vectors are An. Arabiensis and An. funestus . Theoccurenceof P. falciparum the Plateaux seems linked to the developmentof irrigation of rice farming O 1 O00 1407 - 50 O.R.S.T.O.W. Fonds Documesta\rt'

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n e

STRATIFICATION EPlDEMlOLOGlQUE DU PALUDISME A MADAGASCAR

i -le. -

MOUCHET J.(l), BLANCHY S. (2), RAKOTONJANABELO A. (*I, RANAIVOSON G.(*), RAJAONARIVELO E(2), LAVENTURE S.R, ROSSELLA M. t4), AKNOUCHE F. tS)

-

RESUME 1 'île de Madagascar, constitue une sous-région de la Région Afro-tropicale, malgré le fort endémisme de la faune. Les trois vecteurs de paludisme Anopheles gambiae S.S., An. arabiensis et An. funestus sont identiques A ceux du continent, ce qui suggère une introduction recente. Par contre aucun des anophèles endémiques n'est vecteur, Plasmodium falciparum est le parasite largement dominant mais la prévalence de P. vivax lié à l'é/ément ethnique d'origine asiatique n'est pas négligeable. P. malariae et P. ovale occupent une place mineure. On retrouve a Madagascar des faciès épidémiologiques analogues au continent africain. Le faciès equa- torial, surla côte orientale est caractérisé parune forte transmission pérenne 2 l'origine d'un paludisme stable entraînant le développement d'une forte prémunition. Le faciès tropical sur la côte ouest est le siège d'une transmission saisonnière pendantplus de six mois paran, entraînanf la stabilité de la maladie etla prémunition des populations. Les trois espèces d'anophèles sont présentes dans ces deux faciès. Dans le faciès du sud, la transmission est saisonnière pendant moins de quafre mois et même de deux mois, dans /'extreme sud. II semble qu'An. arabiensis soit le seul vecteurprésent. Le paludisme instable prend des allures épidémiques certaines années ,touchant s&&e/fie'nt toutes les classes d'âge en l'absence de prémunition. Le faciès des Plateaux, entre 7 O00 et 7 500 m, a été victime d'épidémies meurtrières en 7987-88, touchant toutes les classes dâge. An. arabiensis et An. funestus assurent la transmission saisonnière d'un paludisme instable. La riziculture base de l'economie malgache semble avoir été à l'origine de l'introduction de P. falciparum sur les P lafeaux. Actuellement elle fournit, directement ou non, la plupart des gifes des Anophèles. La croissance récente des villes a englobé les rizières sur les Plateaux. Malgré l'abondance des anophèles dans les quartiers excentrés le poids de la maladie reste très inférieur a la zone rurale. Des migrations intérieures amènent régulièrement des autochtones non prémunis, venant des zones instables (plateaux et sud) dans les sites agricoles des zones stables où ils sont très exposés au risque palustre. Les traitements antipaludiques des années 7950 et 7960 ont modifié la physionomie du paludisme sur les plateaux et la situation acfuelle est probablement différente de celle qui prévalait avant les campagnes de masse. La chloroquine après des années d'utilisation, souvent en sous-dosage, reste efficace pour le traitement des malades. Une revue des stratégies de lutte antipaludiques applicables aux diverses situations épidémiologiques termine cet article. Mots-clés : Paludisme - Facteurs épidémiologiques - Climat - MADAGASCAR.

SUMMARY I

Madagascar is considered as a sub-region of the Afrotropical geographical Region in spife of the h@h endemicity of 95 % of the invertebrates. Nevertheless the three malaria vectors An. gambiae S.S. , An. arabiensis and An. funestus are quite similar to those of the continental Africa. This support the hypothesis of their recent introduction. Plasmodium falciparum is the dominant parasite but the prevalence of P. vivax is not negligible. It is linked to the Asian component of the human population. P. malariae and P. ovale are of minor importance. The main epidemiological "facies" of Africa are found in Madagascar. The equatorial facies on the East Coast is characterized by a high transmission all year long. In the tropical facies on the West Coast transmission is seasonal (7months at least). In both areas, malaria is stable and the inhabitants acquire a high immunity before the age of ten ; most of the severe cases touch children below 7 O. The three vectors can be found but An. gambiae S.S. is dominant. In the exophilic southern facies the transmission is seasonal (two to four months). The on& vector is An. arabiensis. Malaria is unstable and severe epidemics occur during the years of high rainfall. All age groups are vulnerable because the population is not immune In the Plafeaux facies above 1 O00 m., malaria is unstable, Severe epidemics occured in 1987- 1988. The vectors are An. Arabiensis and An. funestus . The occurence of P. falciparum oñ the Plateaux seems linked to the development of irrigation of rice farming

O 1 O00 1407 -

50 O.R.S.T.O.W. Fonds Documesta\rt'

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in the XIXh century. Most of the anopheles breeding places on the Plateaux are dependant on rice cultivation. Urban development has brought the inhabitants of the suburbs in close contact with rice fields. Despite the high number of anopheline bites the number of malaria cases remains by far lower than in the neighbouring rural areas. Regional migrations inside the Island bring non-immune populations, from the south and the plateaux, in highly malarious areas of the coast, where the migrants are exposed to high risk. In spite of 40 years of uncontrolled use, chloroquine can still cure most, if not all, of malaria cases. Control measures appropriated to the different areas of Madagascar are discussed. Keywords. : Malaria - Epidemiologic factors - Climate - MADAGASCAR.

I- INTRODUCTION

L'échec du programme d'éradication du paludisme dans les années 1970 a mis en lumière la très grande variabilité du paludisme dans le monde.

Les mêmes méthodes appliquées à des contextes épidémiologiques différents ont conduit à des succès incontestables ou à des échecs, complets ou partiels.

II faut adopter une stratégie et des metho- des appropriées à chaque condition épidémiolo- gique, écologique et économique.

Cette politique suppose en préalable la défi- nition dans chaque pays, voire chaque province, de "strates" présentant des conditions similaires où la même stratégie de lutte pourrait &tre appliquée (1,18,23).

Nous avons tenté de réaliser cette stratification à Madagascar en nous appuyant sur les périmètresdéfinispour lazone afro-tropicale( 19).

Les critères de variabilité sont liés 8 l'espèce plasmodiale mais surtout au niveau et au rythme de latransmission qui, ala fois, provoquent l'infection humaine et le développement de la prémunition.

On peut ainsi distinguer trois niveaux dans une échelle de stratification :

- niveau biogeographique prenant en compte les espèces de vecteurs et les parasites présents.

- niveau regional où les climats et les reliefs déterminent les modalités de la transmission et par conséquent les grands faciès épidémiologiques.

d

(1) Consultant, Ministère de la Coopération, 59 Rue d'Orsel, 7501 8 Paris. (2) Unité de Surveillancce Epidémiologique, Ministère de la Santé de Madagascar. (3) Institut Pasteur de Madagascar.

- niveau local et anthropique qui prend en compte les variations locales, en particulier celles liées aux activités humaines.

Les critères d'ordre économique, voire politique, n'interviennent qu'au moment de la mise en oeuvre des opérations de lutte.

II- LE NIVEAU BIOGEOGRAPHIQUE

1. Vecteurs

L'Afrique et Madagascar appartiennent à la région afro-tropicale caractérisée par la présence de trois espèces d'anophèles, Anophelesgambiae S.S., An. arabiensis et An. funestus, qui sont d'ex- cellents vecteursdu paludisme et, en particulier, de Plasmodium faleiparum.

Bien que Madagascar constitue un sous- continent oÙ plus de 90% des invertébrés sont endémiques, les trois vecteurs africains s'y retrou- vent, identiques aux formes du continent. Ils ont donc eté introduits bien après la dérive de la Grande He il y a plus de 1 O0 millions d'années. On ne peut pas exclure l'hypothèse que certaines formes aieni éié introduites paï I't-icrmme.

Aucun des anophèles endémiques de Madagascar n'est vecteur, ce qui s'explique, au plan de I'évolution, par l'absence de primates supérieurs avant l'arrivée de l'homme.

Jusqu'à la fin des années 1950, Anopheles funestus et An. gambiae étaient considérés comme les vecteurs de l'île puis ce dernier fut scindé en un certain nombre d'espèces. Deux d'entre elles An. gambiae sensu stricto et An. arabiensis sont pqésentes dans l'île. Leurs répar- titions respectives sont objets de controverses

(4) Médecin du Centre Médical Catholique d'Analaroa. (5) Pharmacien Biologiste VSN de l'hôpital de Fort Dauphin.

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liées aux méthodes d'identification. Chauvet (6), déterminant les spécimens d'après les soies larvaires assignait à An. gambiae S.S. une distri- bution très vaste incluant les Plateaux. Ralisoa et Coluzzi(20) séparant les deux espèces par exa- men cytogénétique excluaient An.gambiae S.S. des Hautes Terres. Toutefois la situation présente ne préjuge pas de la répartition des deux espèces avant les traitements insecticides. An. gambiae S.S. occupe actuellement les régions côtières orientales et occidentales (au nord de Morombe), à l'exclusion des Plateaux et du sud aride. Les gîtes larvaires sont les collections d'eau de pluie ensoleillées et leurs homologues anthropiques, ri- zières après le repiquage et fosses d'emprunt de terre. Les femelles très anthropophiles sont rela- tivement exophiles sur la Côte Est. Ce comporte- ment fut invoqué pour expliquer les échecs de la lutte antivectorielle dans les années 1950. Son indice sprorozoi'tique est toujours supérieur à 1 Yo.

An. arabiensis occupe toute l'île. Sur les Plateaux où il dépasse 1500 m, il est quelquefois le seul vecteur présent. II apparait tôttev saison, lors des premières pluies et du refiiquage du riz, puis se maintient jusqu'à la fin de la saison pluvieuse. Dans le Sud c'est le seul vecteur; il y a un caractère très saisonnier. Ses gîtes sont structurellement voisins de ceux de l'espèce précédente. Bien qu'il pique l'homme il est surtout zoophile. Les indices sporozoi'tiques relevés ces dernières années sont inférieurs a 0,5 %.

Les récoltes dans les villages ne démontrent pas toujours le rôle des rizières comme site de pro- duction. Là oÙ elles sont bien drainées et entrete- nues il y a peu d'An. funesfus dans les maisons riveraines comme a Soavina dans le Betsileo. Au Burkina Faso, dans les villages construits au milieu du périmètre rizicole bien drainé de la Vallée du Kou il n'y a pas d'An. funesfus (22). Le rôle des rizières demande donc a être réévalué dans la perspective dune lutte antivectorielle intersectorielle par amé- nagement du l'environnement.

Trèsanthropophile et endophile An.f unesfus est un très bon vecteur bien que son indice sporozoi'tique sur les Plateaux soit actuellement inférieur a 1% (8). Son comportement en fait la victime toute désignée des traitements insecticides int radomiciliaires.

D'autre espèces ont été sporadiquement in- criminées mais ne sauraient jouer qu'un rôle local quasi négligeable :

- An. mascarensis, espèce endémique zoophile, trouvée une fois infectée Sainte Marie (10).

- An. merus (du complexe An. gambiae) si- gnalé dans les mangroves de la côte Est.

- An. squamosus et An. coustani, très abondants dans les zones rizicoles, mais appa- remment sans aucun r61e (1 l).

An.funesfus est, jusqu'ici, considére comme une espèce monotypique. La littérature signale son ubiquité à Madagascar sauf dans le domaine clima- tique du Sud au-dessous de I'isohyète 500 mm (1 1). D'après plusieurs auteurs il aurait disparu des plateaux après les pulvérisations intradomiciliaires des années 1950 (2,5,12,17); ce phénomène est d'autant plus plausible qu'il s'est produit dans d'autres pays d'Afrique. Apartirde quelle époque a- t-il reconquis les Hautes Terres? En 1967 Rajaonarivelo (communication personnelle) I'ob- serve en nombre dans la cuvette marécageuse de Soavina dans le Betsileo. Lors de I'épidémie de 1987 on constate sa présence dans la plupart des villages des Plateaux et certains auteurs considè- rent même que son retour est a l'origine de I'épidémie , assertion largement nuancée par Blanchy et a/(3) et Fontenille et al (8, 9); en effet I'épidémie s'est manifestée dans des villages oÙ il était très rare voire absent.

Les gîtes larvaires d'An. funesfus sont des collections d'eau stagnante a végétation dressée. Les marais et les drains mal entretenus, sont des sites de production bien connus. Le rôle des rizières lorsque la végétation est drue, avant la moisson, reste discuté. La capture des larves, très élusives, ~

est de faible rendement avec les méthodes utilisées.

2.2- Les parasites.

En l'absence des primates supérieurs, le seul Plasmodium de mammifère recensé à Madagascar est P. coulangesi parasite des lémuriens. Les Plasmodium humains ne résultent pas d'une évolution autochtone. Ils sont d'origine exogene et ont été introduits par l'homme.

Les peuples de Madagadcar ont deux origi- nes, la côte orientale d'Afrique et l'Indonésie; ils se sont ensuite plus ou moins brassés. Les premiers sont dénués de l'antigène Duffy, caractère associe à la résistance a P. vivax. Les seconds possèdent cet antigène et sont sensibles à f. vivax qui se retrouve en proportion non négligeable a Madagascar. Tous les Africains, évoluant dans un milieu saturé en f . falcipammont sélectionné une remarquable aptitude a bâtir une solide prémunition. On est moins bien renseigné en ce qui concerne les Asiatiques. A Madagascar on observe une domi- nante africaine dans la population des basses ter- res à très forte endémicité palustre et une dominante asiatique dans les hautes terres àfaible endémicité voire sans paludisme. Nous ne discuterons pas ici le rôle éventuel du paludisme dans la migration des Indonésiens, issus de régions maritimes, vers les hautes terres, milieu nouveau pour eux mais l'argu-

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ment ne peut être passé sous silence. I l est certain

populations merina et betsileo des Plateaux mais de nombreux facteurs, autres qu'ethniques, entrent en jeu. Que reste +il des caractères physiologi- ques originaux de populations qui se sont fortement brassées?

I que I'épidémie de 1987-88 a frappe surtout les

Les quatre espèces plasmodiales coexistent dans des proportions qui ont fortement varié selon les époques.

P. falciparum ne fait pas de discrimination; il est le parasite dominant dans toutes les ethnies de Madagascar. II semble qu'il n'ait fait son apparition sur les Hautes Terres, sous forme épidémique qu'a la fin du XIXè siècle (3). II a ensuite coexisté avec f . vivax en proportions égales jusqu'à la campa- gne d'éradication des années 1950 qui a fait quasi- ment disparaître les autres espèces (1 4). Dès 1962 f . falciparum représentait plus de 99 Yo des cas dépistés (1 7), proportion que l'on retrouve actuelle- ment dans les études de morbidité (21).

P. vivax est présentà Madagascar mais il est toujours minoritaire par rapport à l'espèce précé- dente.

f . ovale décrit depuis 1935 est à nouveau retrouvé par Le Bras (1 5) puis par Lepers (1 6) mais reste marginal comme f . malariae; chacune de ces espèces ne représente pas plus de 1 à 3 O/O des lames positives selon les lieux et les saisons et a peu d'impact clinique apparent.

111- LE NIVEAU REGIONAL

Dans toute la Région Afro-tropicale, les pré- cipitations et la température sont les déterminants de la transmission du paludisme, plus ou moins longue, plus ou moins intense, suivant les grandes zones climatiques et phytogéographiques. Cette transmission, en même temps qu'elle propage la maladie, provoque l'immunité sans laquelle les sujets habitant dans les zones de forte transmission ne pourraient pas vivre.

A Madagascar Humbert et Cours-Darne ainsi que Donque (7,13) reconnaissent six domai- nes climatiques (figure 1).

Domaine de l'Est : pluviosité élevée, dé- passant 3 mètres par endroits, sans saison sèche marquée, àécarts diurnes et annuels de température peu marqués; température moyenne du mois le plus frais supérieure à 20"; hygrométrie constam- ment élevée.

Domaine du Sambirano (Nord-Ouest) :plus de 2 mètres de précipitations, saison sèche de 3 à

4 mois avec cependant quelques précipitations, écarts diurnes faibles; écarts annuels marqués; température moyenne du mois le plus frais supé- rieure a 20"; degré hygrométrique constamment élevé.

Domaine du Centre : altitude de 800 à 1700m, pluviosité moyenne de 800 mm a 1,5 mB- tres, température moyenne de 18,4" à Tananarive; saison sèche bien tranchée de 5 A 6 mois, avec brouillards et condensations occultes; écarts diur- nes (1 2" a 25") et annuels marqués; temperature moyenne du mois le plus frais comprise entre 1 O et 15".

Domaine des Hautes Montagnes : altitude supérieure a 1700 m, pluviosité supérieure à 2 mètres: absence de saison sèche; température moyenne du mois le plus frais comprise entre 5 et 1 O"; gelées nocturnes en saison fraîche; tempéra- ture et degré hygrométrique sujets àde très rapides et importantes variations journalières. I I n'y a géné- ralement pas de paludisme dans ce domaine.

Domaine de l'Ouest et du Nord : pluviosité moyenne de 800 à 1500 mm; saison dépassant 7 mois, sans condensations, écarts diurnes et annuels élevés; température moyenne du mois le plus frais toujours supérieure à 20"; hygrométrie supérieure à 60%.

Domaine du Sud : pluviosité faible, moins de 700 mm et même moins de 400 mm sur la plus grande partie de la région: pluies irrégulières et orageuses groupées sur 2 mois; écarts diurnes et annuels trèsforts; température moyennedu mois le plus frais comprise entre 15 et 20".

A Madagascar la typologie du paludisme inspirée du modèle défini pour l'Afrique (1 9) permet de distinguer 4 faciès épidémiologiques (figure 1).

1 Le facies equatorial

II se caractérise parune transmission pérenne et un paludisme stable dont les vecteurs sont An. gambiae S.S. et An. funestus. La stabilité est due à la forte anthropophilie et à l'espérance de vie éle- vée des vecteurs (taux de survie quotidien de 92-95 O/.). Cette strate concerne les domaines de l'Est et du Sambirano. Les manifestations cliniques apparaissent surtout chez les enfants au-dessous de 1 O ans et les neuropaludismes au-dessous de 5 ans, même si l'infection est généralisée àtoutes les classes dâge. La faible morbidité des adultes té- moigne de l'acquisition d'une prémunition égale- ment indiquée par la diminution de la densité parasitaire et de l'indice plasmodique avec I'âge.

En 1989 Abouche (0bs.pers.) a étudié, sur une année,"un échantillon aléatoire de 621 mala-

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des fiévreuxà Fort Dauphin sur la Côte Est. L'index plasmodique passait de 30 Yo chez les enfants, moins de 19 Yo chez les adultes, la moyenne géométrique de la densité parasitaire diminuait également de plus de 20.000 parasites par pI chez les moins de 5 ans B moins de 5.500 chez les 15 ans et plus. 16 YO des enfants et 11 % des adultes fiévreux avaient au moins 5.000 P. fakiparum par Pl.

2- Facies tropical

II est caractérisé par une transmission sai- sonnière longue, de plus de 6 mois B t'origine dun paludisme stable entraînant une prémunition dès I'âge de 1 O ans. La prévalence parasitaire, variable suivant les localités est supérieure à 50 Yo à la fin de l'été austral.

Les trois espèces de vecteurs : An.g ambiae S.S., An. arabiensiset An. funestus sont présentes.

Ces faciès intéresse le domaine de l'Ouest,

3- Facies du Sud

au nord de Morondava. '6 ! I

Ce faciès déborde très largement le domaine du sud des géographes. II englobe toute la partiede l'île au sud dune ligne Morondava-lhosy, à I'excep- tion de la côte est. Les caractères géoclimatiques spécifiques de Madagascar ne permettent pas de reprendre la typologie retenue pour le continent africain. Ce faciès est un compromis entre les faciès sahélien et austral du fait d'un hiver marqué qui synergise les effets de la saison sèche.

Cette région est la plus mal connue de Madagascar au plan du paludisme. Le seul vecteur confirmé est An, arabiensis. La limite sud de An. gambiae S.S. est mal établie. Grjebine (1 1) consi- dère An. funestus comme absent.

Dans ces conditions, la saison de transmis- sion liée aux précipitations diminue de 4 mois à moins de 2 mois dans l'extrême sud. Dans I'Androy certaines années il ne pleut pratiquement pas. Les vallées fluviales où les gîtes persistent longtemps sont des sites de concentration et de pérennisation des anophèles en saison sèche.

Le paludisme est très instable et des épidé- mies meurtrières édatent lorsque des fortes pluies succèdent à des années sèches; elles touchent toutes les classes d'âgel la pppulation était peu ou pas prémunie.

4- Facies des Plateaux

Les plateaux du centre de Madagascar, sont constitués par des séries de cuvettes mal drainées,

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bordées de croupes arrondies, qui s'étage de 800- 900 m jusqu'à 2.000 m. C'est donc une région d'une extrême hétérogénéité. Sur la façade ouest la tran- sition avec la région côtière s'effectue progressivement par un dégradé de plateaux en- taillés de larges vallées. Sur la façade orientale la transition avec la c6te équatoriale est brutale. La cuvette du lac Alaotra a 800 m d'altitude participe plus du faciès equatorial que celui des Plateaux. D'un point de vue épidémiologique on considère comme appartenant au faciès des Plateaux, les régions au-dessus de 1 .O00 m.

Le paludisme saisonnier est généralement instable mais peut acquérir une certaine stabilité dans des cuvettes au climat plus clément comme la région du lac ltasy ou d'Ankazobe. Au-dessus de 1.500 m, la transmission est exceptionnelle.

Cette difficulté à définir le faciès épidémio- logique reflète l'hétérogénéité de la transmission qui se concentre dans les dépressions. D'une façon générale il se rapproche du faciès austral du Zimbabwé.

Les vecteurs sont An. arabiensis et An. funesfus, la première espèce étant plus largement distribuée que la seconde, limitée aux dépressions. Le devenir des anophèles pendant l'hiver austral a été peu investigué; on sait seulement qu'il n'y a pas de transmission.

Les conditions de I'épidémie de 1987 ont été largement discutées par Blanchy et a l (1993) (3); les traitements insecticides des années 1950 puis de 1987-9Oont modifié la situation épidémiologique, ajoutant à la difficulté de dégager les elements épidémiologiques de base.

Dans le secteur médical d'Analaroa. situé entre 1.200 et 1.600 mètres d'altitude à 80 km au nord de Tananarive on a exploité 11.346 consul- tations effectuées de Septembre 1990 à Septem- bre 1991 et 652 hospitalisations de 1982 à 1992 concernant 40 % d'enfants et 60 % d'adultes de 15 ans et plus. Parmi les consultants pour fièvre, le paludisme était responsable de 67,3 % des cas chez les enfants et de 59 Yo chez les adultes; pour les hospitalisations une sur cinq était due au palu- disme chez les enfants, une sur quatre chez les adultes. 83 % des cas se produisaient en période chaude de janvier a mai. La morbidité spécifique en hospitalisation était de 4,3 % chez les enfants et de 3,4 Yo chez les adultes avecdes létalités spécifiques respectivesde 21,6Y0 et de 17,8 Yo. La similitude de la morbidité dans toutes les classes d'âge signait l'absence de prémunition.

Razanamparany (21) au service de pédiatrie a Tananarive a montré les importantes variations de la morbidifé palustre représentant de 4% à 22 YO

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des hospitalisations selon les années.

A Ambohimangakely (1 5 km de Tananarive) les syndromes palustres étaient associ6s à plus de 47 o/o des décès lors de I'épidémie en 1988, mais à moins de 15 Yo en 1990 après qu'un traitement insecticide intradomiciliaire de la zone eut été eff ec- tué en novembre 1989 et 1990 (3).

IV- NIVEAU ANTHROPIQUE

Lorsque le paludisme est stable comme dans le faciès tropical et équatorial, les facteurs locaux eVou anthropiques peuvent jouer sur le niveau ou la durée de la transmission sans que cela ait d'impor- tantes répercussions sur la morbidité compie tenu de la prémunition.

En zone instable (Sud et Plateaux) les fac- teurs anthropiques sont capables de supprimer la transmission ou au contraire de la stabiliser; I'inci- dence ou la gravité du paludisme pourront ainsi varier localement et/ou temporairement, nécessi- tant une surveillance épidémiologique.

Les facteurs anthropiques qui jouent un rôle dans I'épidémiologie du paludisme sont : les modi- fications du réseau hydrographique, l'habitat, l'urbanisation, les mouvements de populations et les opérations de lutte antipaludique.

1- Modification du reseau hydrographique

L'économie rurale malgache est basée sur la riziculture et l'élevage des bovins.

II semble que le développement de l'irriga- tion sur les Plateaux soit concomitant de I'appari- iion de F. iaiciparumau ígeme siècie (3). Eiie s'esi généralisée à tel point que les rizières constituent I'axe de I'économie des Plateaux. Permettant deux récoltes par an elle allonge la durée de la période de transmission et fournit des gîtes pour les vecteurs: An. arabiensis pullule après le repiquage. An. funestus trouve dans les drains, surtout s'ils sont mal entretenus, des biotopes analogues aux marais à papyrus, ses gîtes naturels. Le palusdisme des Plateaux est indissolublement lié à la riziculture.

Dans le Sud le long des fleuves, Mandrare, Onilahy et Mangoky, la creation de périmètres irrigués est de nature à modifier le paludisme ins- table de cette région.

Le rôle des impluviums, destinés à recueillir et à conserver l'eau de pluies a probablement été surestimé dans I'Androy (24).

2. L'habitat

contaminés dans un pays où la majorité des gens s'enferment dès la nuit venue. Son accessibilité au vecteur est donc un élément essentiel de la trans- mission. A cet égard la distance entre les habita- tions et les gîtes à anophèles est un facteur essen- tiel. Le regroupement des habitats au fond des dépressions augmente le risque de contamination des occupants.

De plus l'intérieur de la maison presente un microclimat plus chaud, d'au moins 3°C que le milieu extérieur (Laventure et Rajaonarivelo, comm.pers.). Le cycle sporogonique du parasite chez des moustiques endophiles est raccourci et peut réaliser là où la température extérieure, trop basse, l'interdirait.

La présence de bétail au rez-chaussée des maisons est récente, provoquée par ie désir de soustraire les boeufs aux voleurs. II est probable qu'elle augmente la température dans la maison. Par ailleurs elle est attractive pour des anophèles , plutôt zoophiles, qui, néanmoins, peuvent être amenés à piquer les humains à leur portée. II semble que cette stabulation dans les habitations ait joué un rôle dans I'épidémie de 1987-88 (3).

3. Urbanisation

En ville la transmission diminue de la péri- phérie au centre par suite de la diminution des espaces disponibles pour les gîtes larvaires et la pollution des eaux de surface par les effluents domestiques.

En zone stable les indices paludométriques urbains diminuent de façon centripète, de même que la prémunition. Les accès cliniques sont moins iréquenis mais plus graves.

Les trois principales villes de Madagascar : Tananarive (620.000 h), Antsirabe (1 10.000 h) et Fianarantsoa (97.000 h) sont situées sur les Pla- teaux en zone de paludisme instable. Lacroissance urbaine s'est effectuée, en partie, au dépens des espaces cultivés et les faubourgs indentés de ri- zières, sont le siege d'une transmission importante. D'autre part, nombre de citadins ont gardé des propriétés ruralesoù ils se rendent chaque semaine, y contractant, éventuellement, un paludisme de week-end.

A Tananarive une étude de morbidité sur 2.250 consultations externes en août 1990 (saison froide sans transmission) et mars 1991 (saison chaude de transmission) a montré que le paludisme représentait 1 Yo des consultations dans le premier cas et 1,4 o/o des cas dans le second. Ces valeurs sont tres faibles en regard de celles recueillies a Analaroa (3), en zone rurale de la même région.

La maison, est le lieu oÙ les individus sont

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Toujours a Tananarive sur 2.1 05 hospitalisations pédiatriques, le paludisme ne re- présentait que 2,6 Yo des entrants et 0,3 Yo des décès (63 cas dont 8 neuropaludisme avec 6 dé- cès) sur l'ensemble de l'année 1990.

4-4- Mouvements de populations

la Grande Ile est le siège d'importantes mi- grations intérieures, définitives ou saisonnières.

Un courant s'établit entre la côte sud-est à faciès équatorial vers le nord et l'ouest à faciès tropical. Les migrants étant prémunis dès le départ ne sont guère affectés par leur nouvelle installation.

Un autre courant s'établit entre les régions de I'Androy dans le sud à paludisme instable, vers l'ouest et le nord a paludisme stable. Les migrants courent un risque important.

Les migrations les plus importantes (800.000 personnes en 1968) concernent les habitants des Plateaux surpeuplés qui se rendent dans les zones de développement agricole du moyen ouest ou dans le bassin du lacAlaotra,t'est àdire de régions instables vers des aires de paludisme stables. Ces déplacements sont d'abord saisonniers, pour le repiquage puis la récolte du riz. Ces travailleurs sont victimes d'une morbidité importante sur les lieux de travail ainsiqu'à leur retour au village où ils peuvent être a l'origine de petites épidémies. Ulté- rieurement ces migrants peuvent s'installer défini- tivement sur des nouvelles terres dans leurs lieux de migration.

4.5- Les op6rations de lutte antipaludique

Les opérations de lutte antipaludique qui se sont déroulées de 1950 à 1970 ont temporairement modifié le paysage épidémiologique de Madagas- car (1 7).

Les pulvérisations intradomiciliaires de DDT associées a une chimioprophylaxie de masse avaient, sinon éliminé, au moins amené àun niveau négligeable le paludisme sur les Hautes Terres. Ce résultat s'est maintenu pendant pres de 20 ans, après la cessation des opérations.

Dans les régions côtières les résultats des mêmes stratégies ont été beaucoup plus modestes.

La rétrospective des opérations de lutte antipaludiques fournit un véritable plaidoyer en faveur de l'adaptation des mesures de lutte aux situations épidémiologiques. Elle constitue un guide précieux dans la définition des stratégies actuelles de lutte.

La longue histoire de la chimioprophylaxie est aussi riche d'enseignement sur le développe-

ment de la résistance. Actuellement, on constate, dans 742 tests in vivo, (protocole standard OMS) 83,3 Yo de sensibilité normale, 8,5 Yo de résistance a la chloroquine de niveau R, et 8,2 o/o de niveau R,; aucune r6sistance de niveau R, n'a été observée. Les tests in vitro ont révélé 78,3 % de chloroquino- sensibilité (4).

Apres plus de 40 ans d'utilisation de la chloroquine, ce medicament reste efficace dans le traitement des malades.

La mortalité importante lors de I'épidémie de 1987 a été due au manque de disponibilité de la chloroquine mais pas à la résistance de P. falciparum.

Vm CONCLUSION

Le paludisme a Madagascar est apparu a l'époque historique ou protohistorique lors de son peuplement bipolaire, d'Asie et d'Afrique par l'homme. Ses vecteurs sont venus du continent africain à une période qu'il est impossible de pré- ciser mais probablement pas très ancienne puisqu'ils n'ont pas subi d'évolution spécifique ni subspécifique.

Aussi n'est4 pas surprenant que la grande île aux reliefs et aux climats contrastés, présente -en réduction tous les types de paludisme du con- tinent africain a peine modifiés par les caractéris- tiques locales.

Dans ces conditions les stratégies et métho- des de lutte antipaludique sont superposables a celles proposées pour l'ensemble du continent (1 8).

Dans le faciès équatorial et tropical la chloroquinothérapie présomptive systématique des cas fébriles chez les enfants et les populations 8 risque, en particulier les migrants, constitue la base de l'action. La lutte antivectorielJe par pulvérisation intradomiciliairesde DDT s'est montrée peu efficace dans le passé. Les améliorations que pourraient apporter des insecticides plus performants (organo- phosphorés, pyréthrinoÏdes) demandent a être êvaluées sur le terrain. Mais le prix élevé de ces produits risque d'être un obstacle à leur emploi.

Dans le sud, le risque épidémique impose la nécessité d'une surveillance épidémiologique pre- nant en compte les facteurs climatiques et anthropiques. Des traitements intradomiciliaires au DDT, en début de saison des pluies, seraient pro- bablement très efficaces mais restent à évaluer. La chloroquinothérapie présomptive s'impose en pé- riode de pluies et a la suite de celles-ci.

Sur les plateaux la lutte antivectorielle par pulvérisations intradomiciliaires doit s'ajouter a la

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chloroquinothérapie présomptive, au moins tant que la situation reste à haut risque. II ne faut cependant pas oublier que de tels traitements dans les années 1950 avaient eliminé le paludisme pour de nombreuses années. On ne peut écarter I'hypo- thèse optimiste de résultats similaires.

Dans toutes les situations la protection indi- viduelle par moustiquaires imprégnées de pyréthrinoïdes est une mesure recommandée. Adoptée par l'ensemble des communautés elle serait de nature a reduire considérablement le poids du paludisme.

Les méthodes de lutte antilarvaire par pois- sons larvivores, réduction des sources et aména- gement de l'environnement demandent à être évaluées au plan de leur efficacité en santé publi- que, avant d'être conseillées (18).

Les problèmes de lutte antipaludique à Ma- dagascar sont identiques a ceux du continent afri- cain mais à échelle réduite.

Remerciements Nous remercions le Pr. J. ROUX, Directeur de l'Institut Pasteur de Madagascar, et le Service du paludisme de I'IPM. Nous sommes reconnaissants au personnel de l'unité de Surveillance Epidé- miologique (USEPI) du Ministère de la Santé de leur aide constante.

Ce travail a pu être exécuté grâce au soutien financier du Ministère Français de la Coopération qui a soutenu USEPI et l'Institut Pasteur. Nous exprimons notre gratitude à ses responsables.

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Figure 1 : Les faciès épidémiologiques du paludisme a Madagascar

Types de domaines climatiques Est et Sambirano

Ouest et Nord

Centre

Sud

Facies de transmission palustre

Faciès équatorial

Faciès tropical

Faciès des Plateaux

Faciès du Sud

Haute Montagne (pas de paludisme)

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