12
Éditeur responsable: Paul VAN GOSSUM, Échevin de l’Information - avril 1999 Recherches et rédaction : Michel HAINAUT et Philippe BOVY Documents d’archives et photographies : Jacques GUILMIN Réalisation : Laurence MONTENS D’OOSTERWYCK Graphisme : Angélique BOURGOIS Impression : Imprimerie communale d’Ixelles Ce fascicule a été élaboré en collaboration avec : LE CERCLE DHISTOIRE LOCALE D’IXELLES asbl Président : Gustave Fischer Si vous souhaitez recevoir les premières promenades de la série ou vous inscrire pour les suivantes, vous pouvez: - soit contacter le service de l’Information au 515.61.56 ou 515.61.91; - soit venir chercher votre copie à la Maison communale. Si vous vous intéressez au passé d’Ixelles, prenez contact avec le Cercle d’histoire locale au : 515.64.02 du lundi au vendredi de 9h à 12h et de 14h à 16h Yves de JONGHE d’ARDOYE, Bourgmestre, Député bruxellois Marinette DE CLOEDT, Échevin de la Culture, Paul VAN GOSSUM, Échevin de l’Information et des Relations avec le Citoyen et les membres du Collège échevinal vous proposent une promenade: À la découverte de l’histoire d’Ixelles (5) Le quartier Tenbosch (1)

Le quartier Tenbosch (1) - Ixelles · 2019. 1. 17. · Tenbosch, accessible par le côté droit de la rue Defacqz. Elle ser-vit d'abord de terrain d'exercices à la Garde Civique

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le quartier Tenbosch (1) - Ixelles · 2019. 1. 17. · Tenbosch, accessible par le côté droit de la rue Defacqz. Elle ser-vit d'abord de terrain d'exercices à la Garde Civique

Éditeur responsable: Paul VAN GOSSUM, Échevin de l’Information - avril 1999

Recherches et rédaction : Michel HAINAUT et Philippe BOVY

Documents d’archives et photographies :Jacques GUILMIN

Réalisation : Laurence MONTENS D’OOSTERWYCK

Graphisme :Angélique BOURGOIS

Impression :Imprimerie communale d’Ixelles

Ce fascicule a été élaboré en collaboration avec :

LE CERCLE D’HISTOIRE LOCALE D’IXELLES asblPrésident : Gustave Fischer

Si vous souhaitez recevoir les premièrespromenades de la série

ou vous inscrire pour les suivantes, vous pouvez:

- soit contacter le service de l’Information au 515.61.56 ou 515.61.91;

- soit venir chercher votre copie à la Maison communale.

Si vous vous intéressez au passé d’Ixelles, prenez contact avec le Cercle d’histoire

locale au : 515.64.02du lundi au vendredi

de 9h à 12h et de 14h à 16h

Yves de JONGHE d’ARDOYE, Bourgmestre,

Député bruxellois

Marinette DE CLOEDT,Échevin de la Culture,

Paul VAN GOSSUM, Échevin de l’Information et des

Relations avec le Citoyen

et les membres du Collège échevinal

vous proposent une promenade:

À la découvertede l’histoired’Ixelles (5)

Le quartier Tenbosch (1)

Page 2: Le quartier Tenbosch (1) - Ixelles · 2019. 1. 17. · Tenbosch, accessible par le côté droit de la rue Defacqz. Elle ser-vit d'abord de terrain d'exercices à la Garde Civique

Cet itinéraire amène-ra le lecteur-prome-neur à franchir l'ave-nue Louise, percéebruxelloise entredeux parties du terri-toire ixellois. Il par-courra les ruesenclavées entreBruxelles-Ville etSaint-Gilles. Entre1875 et 1905, cequartier a fait l'objetd'un aménagementconcerté. Forméd'artères rectilignes,à l'architecture rela-tivement homogè-ne, ses demeuresbourgeoises voisi-nent avec de nom-breux garages, héri-tiers d'une longuetradition carrossièregénérée par la proxi-mité de la Forêt deSoignes. La topony-mie locale qui ne doitplus rien aux déno-minations sponta-nées y a été établie,notamment en fonc-tion d'une proposi-tion du Conseillercommunal HenriMarichal.

Ledéveloppement duquartier Tenbosch,entre 1875 et 1905, estessentiellement lié à lacréation de l'avenueLouise qui eut lieu endeux étapes.

En 1843, la porte, d'au-cuns préfèrent le motplace Louise, marquepour quelques annéesencore la limite entreville et faubourg tandisque le goulet est percésur des terrains appar-tenant aux sieursJourdan et De Joncker.

Durant les années sui-vantes, ces deux parti-culiers sollicitent lacréation d'une voiemonumentale reliant laPorte Louise au Bois dela Cambre. Leur entre-prise connaît d'abord lesuccès, soutenue par leroi Léopold II et la Villede Bruxelles, mais estcombattue par Ixellesdont le Conseil com-munal avance en 1847,non sans quelque bonsens, "qu'une avenue

régulière et montante nesaurait offrir aux prome-neurs autant d'attraitsque la route accidentéequi conduit de la Porte deNamur au Bois de laCambre par les Étangsd'Ixelles, en longeant cebeau vallon qui fait l'ad-miration des étrangers".

On connaît la suite.Après les revers deJourdan et De Joncker,la Ville de Bruxelles estamenée en 1856 àreprendre elle-même leprojet. En 1861, dans lafoulée, le ministreFrère-Orban proposel'incorporation àBruxelles du site del'artère projetée et duBois de la Cambre,considérant que laCommune d'Ixellessera suffisammentdédommagée par lapossibilité qui lui seraofferte de créer unquartier neuf auxabords de l'avenue. Enavril 1864, les tribu-naux font prévaloircette solution et l'ave-

nue est bientôt tracéesous le nom d'avenuedu Bois de la Cambre.Dès 1865, les travauxde nivellement sonteffectués et la voieprend, peu après, lenom d'avenue Louiseen l'honneur de laprincesse Louise deBelgique (°1858-†1924),fille du roi Léopold II.Elle deviendra rapide-ment la promenade àla mode, au détrimentde la vénérable AlléeVerte.

1 L’avenue Louise

Rond point Louise

Avenue Louise

2 3

Page 3: Le quartier Tenbosch (1) - Ixelles · 2019. 1. 17. · Tenbosch, accessible par le côté droit de la rue Defacqz. Elle ser-vit d'abord de terrain d'exercices à la Garde Civique

Cette voie, dont seulsles nos 5 à 59 et 26 à 28se trouvent en territoi-re ixellois, fait partiedu vaste plan de trans-formation du quartiercompris entre la récen-te avenue Louise et leschaussées de Charleroiet de Waterloo, votépar le Conseil commu-nal en 1863 et approu-vé par Arrêté royall'année suivante.

Elle porte le nom dujuriste Eugène Defacqz,né à Ath en 1797 etmort à Ixelles en 1871.Il habitait à Tenboschun château situé dansle prolongement de larue Mercelis, au som-

met d'une éminence deterrain, arasée lors desopérations ultérieuresde lotissement.Membre du Congrèsnational au coursd'une carrière poli-tique qui n'excéda pasune dizaine d'années,il fut avocat général,conseiller à la Cour deCassation et présidentde cette même Cour. Ilenseigna le droit cou-tumier à l'Universitéde Bruxelles de 1834 à1839. Il siégea àl'Académie Royale deBelgique de 1866 à samort, il présida aussiaux destinées duGrand Orient deBelgique. Son père, Louis, notai-re à Ath, se signaladurant l'occupationfrançaise, notamment àJemappes en 1792,pour devenir par lasuite commissaire duDirectoire dans la villeoù il avait sa charge.

La rue Defacqz comptanombre de riverains

célèbres, au premierrang desquels Odilon-Jean Périer (°1901-†1928), poète délicat,chantre de Bruxelles etde l'avenue Louise etpetit-fils du généralThys à qui une rue estdédiée dans un autrequartier d'Ixelles. Ilséjourna longtemps aun° 50 avant de s'instal-ler avenue Louise en1926. Citons quelquesvers extraits du"Citadin" :

Voici pour mon repos laplace Stéphanie

Votre haute fontaine ôPorte de Namur

et les Jardins du Roipénétrés par l'azur

Il anima le cercle litté-raire "le Cénacle" à par-tir de 1918 et fondaavec ses amis FranzHellens, Robert Mélot

du Dy (°1891-†1956) etRobert Goffin (°1898-†1984) la revue littérai-re "le Disque Vert". Unefontaine rend homma-ge au poète avenueLouise dans le parterredes araucarias. Y sontgravés ces vers :

Je t'offre un verre d'eauglacée,

N'y touche pas distraite-ment,

Il est le prix d'une pen-sée sans ornement.

L'avocat Alex Pasquier,qui occupa le n° 45, sedistingua à la foiscomme auteur d'ou-vrages juridiques,essayiste et romancier.Il se consacra notam-ment à l'étude del'œuvre d'EdmondPicard et de MauriceMaeterlinck. On luidoit plusieurs romanset, curieusement, un"Petit Prince, conte de féepour grandes personnes",daté de 1919.

Trois figures politiquesmajeures habitèrent larue Defacqz.

Paul Janson résida aun° 73 où une plaquerappelle son souvenirsur un immeuble érigéen lieu et place de sonhabitation. Personnali-té marquante de laChambre, il s'imposacomme le chef de filedu libéralisme progres-siste. Orateur puissant,il lutta pour le suffrageuniversel comme pourl'école gratuite et obli-gatoire. Il était le pèrede l'avocat et hommepolitique libéral Paul-Émile Janson, figurequi sera évoquée plusloin au cours de cettepromenade.

Albert Devèze (°1881-†1959) habita, lui, len° 48 de la rue.Longtemps député

libéral de Bruxelles, saqualité d'ancien com-battant le fit désignernotamment commeministre de la Défensenationale. En mai 1940,il fut consulté par le roiLéopold III, avec leministre Joseph Pholienet le procureur généralRaoul Hayoit deTermicourt, afin depréciser les termes dela capitulation.

2 La rue Defacqz

Couverture du disque vert

Paul Janson

4 5N° 50 rue Defacqz

Page 4: Le quartier Tenbosch (1) - Ixelles · 2019. 1. 17. · Tenbosch, accessible par le côté droit de la rue Defacqz. Elle ser-vit d'abord de terrain d'exercices à la Garde Civique

Ixelles l'a honoré enraison de son passageau Conseil communal.Le square à la ren-contre des avenuesAdolphe Buyl etArmand Huysmans aété baptisé de son nom;son buste, œuvre deMarcel Rau (°1886-†1966), y figure.

Un autre riverain,Henri Rolin (°1891-†1973), homme poli-tique socialiste et pro-fesseur à l'Univer-sité de Bruxelles,représenta plusieursfois la Belgique à desconférences internatio-nales. Délégué sup-pléant et conseillerjuridique à la Sociétédes Nations, il s'atta-cha à défendre la paixpar le droit; il fut aussiprésident de la Coureuropéenne des Droitsde l'Homme.

En plus de ces célébri-tés, l'artère qui nousoccupe recèle troisfleurons de l'architec-ture Art nouveau, dusà Paul Hankar (°1859-†1901).

Élève et collaborateurd'Henri Beyaert (°1823-†1894), condisciple deVictor Horta entre 1882et 1884 à l'Académiedes Beaux-Arts deBruxelles, Hankarconçut des façades quiséduisent par leur sim-plicité et leur rationali-té, relevées souventpar la polychromie desmatériaux employésaccentuée parfois par

ses sgraffites. Saformation desculpteur-orne-mentaliste, com-plétée dans l'atelierde G. Hontstout àSaint- Josse-ten-Noode, l'a conduità apporter tous sessoins à la décora-tion intérieure desimmeubles conçuspar lui, ainsi qu'àl'ameublement qu'illeur destinait.

N° 48 : façade Art nouveau

Détails

6 7

N° 71 : détail de la façade ArtNouveau

N° 48 : détail de la façade

Page 5: Le quartier Tenbosch (1) - Ixelles · 2019. 1. 17. · Tenbosch, accessible par le côté droit de la rue Defacqz. Elle ser-vit d'abord de terrain d'exercices à la Garde Civique

Paul Hankar dessinales plans de demeuresparticulières maisaussi de nombreusesmaisons de commerce,susceptibles par défini-tion d'être modifiéessuivant les évolutionsde la mode et du goûtdu public. Pour cetteraison, les nos 71 (sapropre habitation),50 (celle d'Odilon-Jean Périer puis de lafamille Janssens) et48 (maison d'AlfredCiamberlani classée en1983) constituent deprécieux témoignagesde son œuvre.

Alfred Ciamberlani(°1864-†1956), peintresymboliste fondateuravec Jean Delville(°1867-†1953) du cercle"Pour l'Art ", se spécia-lisa dans la peinturemurale et décora entreautres le Musée deTervueren et l'hôtelcommunal de Saint-Gilles.

Alors que le quartierétait déjà largementloti, subsista long-temps la plaine deTenbosch, accessiblepar le côté droit de larue Defacqz. Elle ser-vit d'abord de terraind'exercices à la GardeCivique.

R o d o l p h e - Wi l l i a mSeeldrayers (°1876-†1955), sportif polyva-lent de l'époquehéroïque, fondateur etprésident de l'Unionbelge de Football etprésident du Comitéolympique et interfé-déral belge, y assista en1893 à son premiermatch de football,joute dont l'apparentebrutalité l'écœura. Ilrevint heureusementsur cette opinion.

Un peu plus tard, vers1906, le "Buffalo BillWild West" y déployases fastes colorés etexotiques. Sous ladirection du maîtrede cérémonie WilliamCody, 200 cow-boys etIndiens, 175 animauxfirent revivre àTenbosch, à raison dedeux représentationspar jour, les combatsépiques de la Conquêtede l'Ouest...

8 9

N° 71 : détails.

Page 6: Le quartier Tenbosch (1) - Ixelles · 2019. 1. 17. · Tenbosch, accessible par le côté droit de la rue Defacqz. Elle ser-vit d'abord de terrain d'exercices à la Garde Civique

Cette rue figuraitcomme ses voisinesdans le plan générald'alignement de 1864.Jusqu'en 1872, elleporta le nom de ruedu Damhouder, titre

donné au responsabled'un noyau habité àproximité d'une digue.Cette appellation,comme d'autres topo-nymes du quartier,évoque une fonction

médiévale. Plus tard,on la baptisa rue deLivourne, comme sesvoisines les rues deFlorence et de Turin,future rue Paul-ÉmileJanson.

En 1892 subsistaitencore un tronçon del'ancien chemin vicinaldu Beau Site qui unis-sait les rues deLivourne et Defacqz,dans le prolongementde cette dernière.L'échevin des Travauxde l'époque s'en émuten des termes qui nesont pas sans rappelerla langue chère àMonsieur Beulemans:«Messieurs, nous avonsreçu une pétition de plu-sieurs propriétaires rive-rains du chemin vicinaln° 11, dit du Beau Sitequi reste encore exister(sic)...». Cela ne devaitplus durer puisqu'en1895, un Arrêté royaldécréta la suppressionde cet ultime vestigecampagnard du quar-tier.

Au coin des ruesde Livourne et deFlorence se dresse l'an-cien hôtel Otlet, classépar Arrêté royal en1984, et construit parOctave Van Ryssel-berghe (°1855-†1927).Ce dernier, frère dupeintre Théo VanRysselberghe (°1862-†1926), conçut surtoutde grands hôtels dansdes cités balnéairestelles que Westende,Cherbourg ou Monte-Carlo. Le propriétairePaul Otlet (°1868-†1944), qui laissa sonnom au bâtiment, étaitsociologue et docteuren droit. Il jeta avec sonami Henri Lafontaine(°1854-†1943), parle-mentaire socialiste,vice-président duSénat et prix Nobel dela Paix en 1913, lesbases de la bibliologiemoderne et fonda leMundaneum, dont laVille de Mons vientd'accueillir les collec-tions encyclopédiques.Ce fut Henry Van deVelde (°1863-†1957) quise chargea des vitraux

et de décoration inté-rieure de l'hôtel Otlet,terminé en 1900.

Van Rysselberghe aencore signé son habi-tation personnelle,sise, elle, au n° 83 dela rue de Livourne.Comme pour l'hôtelOtlet, l'architecte aévité la stylistique del'Art nouveau et saprofusion décorative.

Léon Alexis Maximebaron Chazal occupa len° 122 de la rue. Il étaitle fils du baron PierreChazal, lieutenantgénéral et ministre dela Guerre de 1847 à1850 et de 1859 à 1866.Cet exilé français s'étaitvu accorder en 1844

10 11

Hôtel Otlet, loggia côté rue deLivourne.

Hôtel Otlet, loggia côté rue deFlorence.

Hôtel Otlet, façade côté rue deLivourne.

3 La rue de Livourne

Hôtel Otlet, façade côté rue deFlorence

Page 7: Le quartier Tenbosch (1) - Ixelles · 2019. 1. 17. · Tenbosch, accessible par le côté droit de la rue Defacqz. Elle ser-vit d'abord de terrain d'exercices à la Garde Civique

par les Chambresbelges la grande natu-ralisation pour servicesrendus lors de laRévolution de 1830. Onse souvient de son duelavec le député anver-sois Delaet en 1865, quil'amena devant la Courde Cassation, seulehabilitée à juger unministre. Cette procé-dure, alors tout-à-faitexceptionnelle, sembleconnaître de nos joursune vogue inattendue.Le père du général,Jean-Pierre Chazal,député de la Conven-tion, fut appelé, le der-nier, à se prononcer surle sort du roi Louis XVIet opta pour la mortavec sursis.

Le nom d'AlbanChambon (°1847-†1928) est aujourd'huibien oublié. Pourtant,cet architecte-ornema-niste français fut asso-cié à plus d'un projeturbanistique initié parle roi Léopold II.L'aménagement deplusieurs établisse-ments de villégiature à

Ostende et à Spanotamment lui futconfié. On lui doitaussi les plans del'Hôtel Métropoleinauguré en 1894 ettoute sa décorationintérieure, principaltémoignage de sonactivité. Chambon,secondé par ses filsGaston et Fernand,employa jusqu'à 200ouvriers et artisansdans leurs ateliers desnos 128 et, plus tard,158-160 de la rue.

En 1920, les construc-teurs Schoofs et Cie,établis 114 rue deLivourne, lancèrent uncurieux véhicule auto-mobile à trois roues,baptisé "automobiletteTorpille", sans doute enraison de sa formepointue, due à sesdeux places en tan-dem, mais ils ne ren-contrèrent que peu desuccès. À proximité,dans les années '30, lafirme Pilette commer-cialisa au n° 96 la voi-ture Essex avant queles ÉtablissementsBeherman-Demoen,

encore présents dans lequartier, installent aumême endroit uneentreprise de locationde voitures sans chauf-feur.

Le sentier du "VeldLos" offrit son tracé àcette voie dédiée, aprèsrectification, à l'avocatMaximilien, Jean, JosephVeydt (°1823-†1873).

Professeur à l'Uni-versité de Bruxelles,échevin à Ixelles etdéputé permanent dela Province de Brabant,il s'opposa avec vigueurà l'amputation du terri-toire d'Ixelles queconstituait la percée del'avenue Louise. Aprèssa mort, ses amispublièrent des mor-ceaux choisis de sonœuvre car il touchaaussi à la littérature. Ilavait été avec JulesBouillon en 1857 le fon-dateur de la premièreinstitution laïque pourjeunes filles, l'École desPères de Famille de lachaussée de Wavre.

L'autorité communaleenvisagea durant l'an-née 1877 de prolongerla rue jusqu'à celle duBailli mais ce projet

demeura sans suite.L'historien Frans VanKalken situe l'emplace-ment de l'Arbre bénitau croisement Veydt-Defacqz, à l'endroit oùle chemin du Beau Site,aujourd'hui disparu,recoupait le vénérableKruisweg, autre che-min vicinal. Signalonsque ces deux sentiersse croisaient une pre-mière fois, en-deçà dela future avenueLouise, au carrefouractuel des rues duBeau Site, de la Vanneet de la Longue Haie.Là aussi se dressait untilleul, "faux" arbre

bénit que bien desesprits superstitieuxn'hésitaient pas à parerdes mêmes vertuscuratives que le "vrai"...Sous le feuillage abon-dant de ce dernier, l'onétendait, après la pluie,des enfants fiévreux,afin que les gouttesd'eau bienfaisantesruisselassent sur eux.Une petite chapellevotive avait été érigéeau pied de l'arbrevénéré; elle fut démolieen 1807 et l'Arbre bénitlui-même abattu en1865. D'aucuns ledisaient vieux de sixsiècles environ.

12 13

4 La rue Veydt

Arbre bénit (Gonthier)

Page 8: Le quartier Tenbosch (1) - Ixelles · 2019. 1. 17. · Tenbosch, accessible par le côté droit de la rue Defacqz. Elle ser-vit d'abord de terrain d'exercices à la Garde Civique

Comme ses voisines, larue Veydt s'ouvrit elleaussi à l'industrie auto-mobile. Les Établisse-ments Pilette, mention-nés précédemment,représentaient au n° 15en 1930 les voituresPackard, avec unevitrine de prestigeouvrant sur l'avenueLouise. Plus tôt dans lesiècle, en 1912, lessieurs Deschrijver etBlanchart étaientagents pour le Brabantde la Fabrique Natio-nale d'Armes deGuerre de Herstal,devenue la F.N. qui, àcet endroit, se conten-

tait de commercialiserdes véhicules automo-biles.

Cette rue, prolongéedès 1877 jusqu'à la ruedu Bailli, porte le nomde l'éminent juristeCharles Faider (°1811-†1893).

Magistrat, membre etprésident de l'Aca-démie Royale deBelgique, il fut ministrede la Justice dans lecabinet libéral d'Henride Brouckère (°1801-†1891) et promoteurd'une loi sur la pressequi visait à tempérerles excès de celle-ci àl'endroit de NapoléonIII. Plus prosaïque-ment, Victor Hugo,dans ses "Choses vues",rapporte que Faiderhantait assidûment unestaminet de la rue dela Chancellerie, alorsrue des Crombras, d'oùon mandait l'avocatgénéral en ces termes:"Allez le chercher chezTrinette !"...

C'est la proximité dudomicile familial, ruede la Longue Haie, et

de la rue Faider quiinspira son nomd'artiste au cinéasteJacques Feyder, néFrédérix (°1887-†1948).Le futur réalisateur de"La Kermesse héroïque",désireux d'abord de seconsacrer au théâtre,dut se résoudre àquitter la maisonpaternelle avec l'in-terdiction d'user dunom de son géniteurdans l'exercice de sonmétier d'artiste. Il choi-sit pour pseudonymele nom d'une rue voisi-ne, assorti d'une légèred é f o r m a t i o northographique.Époux de Fran-çoise Rosay,Jacques Feydersigna des filmsraffinés et sen-sibles comme"Le Grand Jeu"ou "PensionMimosas" et serévéla un des pré-curseurs du réalis-me poétique fran-çais.

Les Établissements BelAuto et Pilette (encorelui !) reliaient la rueFaider à la mouvancede la carrosserie et del'industrie mécanique.

14 15

5 La rue Faider

Jacques Feyder

Page 9: Le quartier Tenbosch (1) - Ixelles · 2019. 1. 17. · Tenbosch, accessible par le côté droit de la rue Defacqz. Elle ser-vit d'abord de terrain d'exercices à la Garde Civique

Un atelier de menuiserie équipé d'une machi-ne à vapeur les y avaitprécédés depuis 1901,au grand dam des rive-rains. L'autorité com-munale, saisie, dut s'in-cliner devant l'avis sur-prenant de la Dépu-tation permanente duBrabant qui autorisa lapoursuite de cette acti-vité.

Le journaliste JeanFosty (°1911-†1974)habita le n° 101 de larue. Brièvement séna-teur à la fin de sa vie,on retiendra surtoutson action de résistant.Intégré dès 1940 auréseau Zéro, il supervi-sa à partir de 1942 l'ac-tion des groupementsdes deux Luxembourget leur liaison avec l'or-ganisation Zéro France.Il prit une part active àla libération de Paris.

L'architecte AlbertBuissonnet a conçul'habitation du n° 37.Cet édifice de styleéclectique, daté de1880, rassemble trèsharmonieusement des

influences diverses, del'échauguette médiéva-le au mariage de labrique rouge et de lapierre chère aux néo-renaissants. Précisonsque les tenants del'éclectisme considé-raient cette voiecomme une libérationpour l'artiste par lacombinaison des stylesqu'elle impliquait. Len° 86 donne accès aupetit parc Faider: ils'agit en fait de l'inté-rieur d'un îlot bordépar les rues Faider,Paul-Émile Janson, deLivourne et du Bailli.

Le n° 83 présente unefaçade remarquabledans le style Art nou-veau. Elle est l'œuvred'Albert Roosenboom(°1871-†1943) et alliepierre, fer et briqueémaillée. Classée parArrêté royal en 1981,elle constitue une ex-ception dans la carrièrede cet architecte, égale-ment professeur àl'Académie d'Ixelles: ils'illustra davantagedans un style rocailleempreint de distinction.

16 17

N° 37 : panneau surplombant lafenêtre du première étage.

N° 37 : détails

N° 83 : détails de la façade ArtNouveau.

Page 10: Le quartier Tenbosch (1) - Ixelles · 2019. 1. 17. · Tenbosch, accessible par le côté droit de la rue Defacqz. Elle ser-vit d'abord de terrain d'exercices à la Garde Civique

Cette artère, ouvertesous le nom de rue dela Tenderie, s'appelarue de Turin à partir de1894 pour ne prendresa dénominationactuelle qu'après laSeconde Guerre mon-diale. On la prolongeaen 1899. Son tracé sesuperpose partielle-ment jusqu'à la rueFaider à l'ancien che-min du Beau Site, déjàévoqué précédemmentet parfois nomméHooiweg à cet endroit.

Paul-Émile Janson(°1872-†1944), fils del'homme politique libé-ral Paul Janson (°1840-

†1913), occupa plu-sieurs domiciles àIxelles dont il fréquen-ta d'ailleurs l'Athénée.Le 19 fut l'un d'eux.

Jeune avocat, il défen-dit avec son confrère etconcitoyen FernandCocq les séides de l'in-quiétant commissaireCourtois. Rappelonsque ceux-ci, à l'instiga-tion du commissairefélon, avaient assassinéde nuit, pour la voler,une rentière de la ruede l'Arbre bénit.

L'année 1911 vit Paul-Émile Janson embras-ser une cause plusprestigieuse, sinonplus aisée: la princesseLouise de Belgique(°1858-†1924) attaqual'État belge à propos dela succession de sonpère feu le roiLéopold II dans laquel-le elle s'estimait lésée.En cette délicate affai-re, les défenseurs de laprincesse surent faireprévaloir ses droits.

Janson siégea long-temps comme députéet sénateur et détintplusieurs portefeuillesministériels de 1920 à1940, présidant mêmele cabinet de 1937 à1938. Resté en Franceaprès la capitulation, ilfut déporté par l'occu-pant et mourut dansun bagne nazi.

Parmi p lus ieursfaçades intéressantesde la rue, s'impose, aun° 6, celle de l'hôtelconstruit pour ÉmileTassel, professeur àl'Université de Bru-xelles. Achevé en 1895,cet immeuble conçupar Victor Horta portel'empreinte du maîtrejusque dans sa décora-tion. Il suscita d'em-blée des réactionsallant de la réprobationinconditionnelle à lacuriosité ou à l'admira-tion... Lors de sa réa-lisation, l'architecteemploya pour la pre-mière fois le métalcomme structure

visible de l'habitation,les lignes de la décora-tion, fresques et ferron-nerie, assurant la sym-biose avec l'architectu-re. Horta signait là sapremière réalisationArt nouveau, précé-dant les hôtels Solvay,Winssinger et sapropre maison-atelierde la rue Américaine.Le propriétaire du lieudécéda en 1920 et lesoccupants successifs nemaintinrent pas stricte-ment l'intégrité deslieux. L'architecte JeanDelhaye acquit le bienen 1976, obtint lamême année son clas-sement et entreprit dele restaurer. Cette tâchefut menée à bien avecdifficulté du fait queVictor Horta, ayantabandonné les concep-tions Art nouveauaprès la PremièreGuerre mondiale, avaitdétruit la majeure par-tie des archives concer-nant cette période deson travail.

18 19

6 La rue Paul-Émile Janson

Hôtel Tassel : bow-window.

Hôtel Tassel : détail des fenêtresdu fumoir.

Hôtel Tassel : façade

Page 11: Le quartier Tenbosch (1) - Ixelles · 2019. 1. 17. · Tenbosch, accessible par le côté droit de la rue Defacqz. Elle ser-vit d'abord de terrain d'exercices à la Garde Civique

Cette voie constitue enquelque sorte la colon-ne vertébrale de ce quel'on pourrait appeler lequartier des fonctionsmédiévales. Un bailliétait un agent du Roichargé d'affaires admi-nistratives et judici-aires dans les limitesd'un bailliage.

Cette rue, ouverte à lamême époque que sesvoisines, débouche surl'église de la Trinitébâtie ultérieurement etqui sera évoquée plusloin. Jusqu'à l'angle dela rue de Livourne, l'onse trouve en territoirebruxellois, ce qui expli-que la présence d'uncommissariat de laVille de Bruxelles à cetendroit.

Depuis sa création,cette voie a toujoursconnu une vocationcommerciale et consti-tue, de ce point de vue,l'artère vitale du quar-tier. Ainsi, entre 1895 et1910, y dénombrait-on

la pâtisserie Nihoul, enprovenance de la rueNeuve, la mercerieDeselle, le chausseurBomhals, le tailleurFlasschoen. Le sieurDenis Pottier de la"Distillerie des Augus-tins", enseigne qui seraexplicitée plus avant, yvendait au détail lesspiritueux que lesbourgeois cossusa c c o m p a g n a i e n tvolontiers d'un cigareacheté chez Flémal-Prévot. Quant auxdames, elles préfé-raient sans doute lesfriandises délicatesprovenant de la mai-son Gillardin.

Les professionnels dela traction chevaline etles amateurs de pra-tique équestre s'appro-visionnaient en avoineet fourrages chezVandermaelen cepen-dant que les Établisse-ments Wenmaekers,soucieux d'être asso-ciés à toutes les étapesd'une vie, louaient des

voitures de granderemise pour baptêmes,mariages et ... enterre-ments. Durant laPremière Guerre mon-diale s'ouvrit au n° 68la salle "le Théâtre duFilm", vouée au cinémaet à l'opérette, quidevint après 1920 lecinéma "Idéal" et, après1945, le "Mogador" jus-qu'à sa fermeture vers1970.

En mai 1881, le ban-quier et philanthropeprotestant GeorgesBrugmann (°1829-†1900) signa uneconvention avec uncomité présidé par lebaron Victor d'Huartvisant à créer au carre-four des rues de laCulture (de nos jours larue Franz Merjay) etdu Haut-Pont une égli-se placée sous levocable de la Trinité,dogme admis à la foispar les catholiques etles protestants. On secontenta d'une modes-te chapelle en briquesrecouverte de tuiles,instituée église parois-siale dès 1886.

En août 1891, leConseil communalexamina une demandedu Conseil de fabriquede l'église qui propo-sait la constructiond'un sanctuaire plusvaste, compte tenu dedéveloppement duquartier, axée sur laréédi f i ca t ion à

Tenbosch de la façadede l'ancien temple desAugustins. Cet édificeavait été démoli pourouvrir les boulevardsdu centre, à hauteurde la place deBrou ckère. Aussitôt,le conseiller libéralChomé, anticléricalintransigeant, mit engarde certains de sescollègues suscep-tibles de se rallier à ceprojet : "On a toujoursvu l'opinion publiqueblâmer avec énergie laconduite de ces libérauxardents en périodeélectorale, qui parailleurs bâtissentdes églises pourfaire valoir leurspropriétés pri-vées...". La propo-sition, soutenuepar l'échevinPaul Janson, n'enfut pas moinsacceptée au moisde novembre sui-vant, sous réservede l'obtention desubsides de la Pro-vince et de l'État.

L'ancien temple desAugustins, construitentre 1610 et 1615 parJacques Francart(°1583-†1651) en stylebaroque flamand sur lesite de la place deBrouckère actuelle. Ilavait connu les vicissi-tudes de la tourmenterévolutionnaire de1796 à 1802, abrité leculte catholique maisaussi luthérien en 1814,et calviniste pendant lapériode hollandaise.L'église avait servid'ambulance au lende-

20 21

7 La rue du Bailli L’église de la Trinité

Page 12: Le quartier Tenbosch (1) - Ixelles · 2019. 1. 17. · Tenbosch, accessible par le côté droit de la rue Defacqz. Elle ser-vit d'abord de terrain d'exercices à la Garde Civique

main de la bataille deWaterloo et MariaMalibran s'y était pro-duite pour la dernièrefois en Belgique le 10avril 1836.

L'intérieur du bâtimentavait même été réamé-nagé pour en faire unbureau central desPostes en 1875. Celui-citransféré dans ses nou-veaux locaux de laPlace de la Monnaie, lavénérable église gênaitla percée des boule-vards centraux à cetendroit, ce qui amenale Collège échevinal dela Ville de Bruxelles à

en décréter la démoli-tion.

Heureusement, parl'entremise du ministreAuguste Beernaert(°1829-†1912), laparoisse de Tenboschs'en vit offrir la façade,à charge pour elle d'as-sumer les frais detransport et de recons-truction. En juillet1893, les premièrespierres numérotéesarrivèrent à destina-tion et, lorsque laconsécration eut lieuen 1895, seules quatretravées soutenaient lafaçade réédifiée du

sanctuaire. Pourmener à bien laconstruction dutransept et duchœur, la Com-mune refusa toutsubside, en dépitdes pétitions etmanifestations desparoissiens. Cettesituation ralentitl 'aboutissementdes travaux dep a r a c h è v e m e n tqui ne furent ter-minés qu'en 1908.L'église devint en

1933 le sanctuairebelge de l'Ordre sou-verain de Malte,dont deux vitrauxarmoriés illustrent laprésence.

Le délai imposé entreles deux cycles de tra-vaux se révéla désas-treux pour la stabilitéde l'édifice: une res-tauration fut entrepri-se en 1962, sans grandrésultat puisque la par-tie achevée en 1908continua à se dissocierde sa devancière.A p r è s m a i n t e scontroverses, le bâti-ment a été fermé auculte en 1997 pour desraisons de sécurité, pardécision du bourg-mestre d'Ixelles.

22 23