6
LA PETITE GAZETTE DU PROGRAMME LEADER Pas encore trentenaires, Samuel et Jérémie sont agriculteurs et fils d’agriculteurs à la Chaloupe. Dans l’exercice de leur activité, ils tentent de perpétuer la tradition familiale en apportant une petite touche de modernité. Tous deux membres de l’association agricole de la ravine Bras Mouton, ils ont ainsi initié une opération locale d’aménagement de terroir (OLAT) avec deux exploitants voisins afin de réaliser des travaux de création d'une retenue collinaire collective et de chemins d'exploitation. Soutenu au titre du programme Leader, le projet est aujourd’hui en passe d’être réalisé. A terme, il aboutira à la création d’une retenue collinaire supplémentaire d’une capacité de 5 000 m 3 et de chemins d’accès aux exploita- tions pour un total de 580 mètres linéaires. Portraits de deux jeunes exploitants ambitieux qui se donnent les moyens de réussir ! SOUTIENS DE FAMILLES Tèr des Hauts, magazine de l’association AD2R. Directrice de publication : Françoise Wong Pin. Comité de rédaction : Françoise Wong Pin, Jean-Claude Tatard, Anne Cobelli, Christophe Viret. Réalisation : Stylobic. Rédaction : Astrid Bourdais. Maquette : Elixir. Impression : Color Print. Tirage : 2 500 exemplaires. Photos (page 1 à 7) : Nelson Navin. Photos (page 8 à 12) : DR. Dépôt légal à parution. Date de publication : décembre 2013. Numéro ISSN : 1962-4905. 12 SUPPLEMENT NUMERO 6 AU MAGAZINE TER DES HAUTS Bac STI en poche, Samuel s’est installé à son compte en janvier 2006 lorsque sa mère est tombée malade. Il a alors passé son diplôme d’agriculteur et repris l’élevage familial de vaches allaitantes. Problème : il faut 9 mois pour produire un veau, autant de temps sans retour sur inves- tissement… En parallèle, Samuel s’est donc lancé dès 2008 dans la vache laitière. Sur 40 ha, il élève 40 allaitantes qui sont une forme de pari sur l’avenir, et 20 laitières qui lui assurent un revenu mensuel fixe. “Aujourd’hui, il faut être un gestionnaire, savoir trouver des aides et des crédits car on ne peut plus vivre simple- ment de son travail. Mais si on est malin, l’avenir nous tend les bras.” Samuel Grondin : 29 ans Après un BEP et un Bac pro au lycée agricole de Saint- Joseph, Jérémie a été pendant un an et demi ouvrier agricole dans une porcherie du Tévelave. En 2009, il a voulu s’associer avec son père, éleveur de truies au Plate. Il a donc acheté un terrain de 1.5 ha à la Chaloupe et construit un bâtiment hors-sol pour 12 truies. Désormais, le père gère les opérations de naissage au Plate et le fils élève les porcins à la Chaloupe. En parallèle, Jérémie s’est lancé dans l’élevage de poulets. “Il reste à bâtir une retenue collinaire et un système d’alimentation automatique, mais on est enfin en rythme de croisière. Après des années de paperasse, je commence à apprécier mon métier.” Jérémie Bègue : 26 ans 2013 Ile de La Réunion Décembre # 21 > Radiographie Une jeunesse méconnue Le paradoxe du jeune des Hauts Les jeunes ont la parole > Supplément Leader Le talent n’attend pas Soutiens de familles Tèr Hauts des Programme de développement des Hauts ruraux Etre jeune dans les Hauts

Le paradoxe du jeune des Hauts Les jeunes ont la …reunion.drjscs.gouv.fr/sites/reunion.drjscs.gouv.fr/IMG/...Le paradoxe du jeune des Hauts Les jeunes ont la parole > Supplément

  • Upload
    others

  • View
    5

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Le paradoxe du jeune des Hauts Les jeunes ont la …reunion.drjscs.gouv.fr/sites/reunion.drjscs.gouv.fr/IMG/...Le paradoxe du jeune des Hauts Les jeunes ont la parole > Supplément

LA PETITE GAZETTE DU PROGRAMME LEADER

Pas encore trentenaires, Samuel et Jérémie sont agriculteurs et fils d’agriculteurs à laChaloupe. Dans l’exercice de leur activité, ils tentent de perpétuer la tradition familiale enapportant une petite touche de modernité. Tous deux membres de l’association agricole dela ravine Bras Mouton, ils ont ainsi initié une opération locale d’aménagement de terroir (OLAT)avec deux exploitants voisins afin de réaliser des travaux de création d'une retenuecollinaire collective et de chemins d'exploitation. Soutenu au titre du programme Leader, leprojet est aujourd’hui en passe d’être réalisé. A terme, il aboutira à la création d’une retenuecollinaire supplémentaire d’une capacité de 5 000 m3 et de chemins d’accès aux exploita-tions pour un total de 580 mètres linéaires. Portraits de deux jeunes exploitants ambitieux quise donnent les moyens de réussir !

SOUTIENS DE FAMILLES

Tèr

des

Hau

ts,

mag

azin

e de

l’as

soci

atio

n AD

2R.

Dire

ctri

ce d

e pu

blic

atio

n :

Fran

çois

e W

ong

Pin.

Com

ité d

e ré

dact

ion

: Fr

anço

ise

Won

g Pi

n, J

ean-

Clau

de T

atar

d, A

nne

Cobe

lli,

Chri

stop

he V

iret.

Réa

lisat

ion

: St

ylob

ic.

Réda

ctio

n :

Astr

id B

ourd

ais.

Maq

uett

e :

Elix

ir.Im

pres

sion

: C

olor

Prin

t. T

irage

: 2

500

exe

mpl

aire

s. P

hoto

s (p

age

1 à

7) :

Nel

son

Nav

in.

Phot

os (p

age

8 à

12) :

DR.

Dép

ôt lé

gal à

par

utio

n. D

ate

de p

ublic

atio

n :

déce

mbr

e 20

13.

Num

éro

ISSN

: 1

962-

4905

.

12 S U P P L E M E N T N U M E R O 6 A U M A G A Z I N E T E R D E S H A U T S

Bac STI en poche, Samuel s’est installé à son compte enjanvier 2006 lorsque sa mère est tombée malade. Il a alorspassé son diplôme d’agriculteur et repris l’élevage familialde vaches allaitantes. Problème : il faut 9 mois pourproduire un veau, autant de temps sans retour sur inves-tissement… En parallèle, Samuel s’est donc lancé dès2008 dans la vache laitière. Sur 40 ha, il élève 40allaitantes qui sont une forme de pari sur l’avenir, et 20laitières qui lui assurent un revenu mensuel fixe.“Aujourd’hui, il faut être un gestionnaire, savoir trouverdes aides et des crédits car on ne peut plus vivre simple-ment de son travail. Mais si on est malin, l’avenir noustend les bras.”

Samuel Grondin : 29 ansAprès un BEP et un Bac pro au lycée agricole de Saint-Joseph, Jérémie a été pendant un an et demi ouvrieragricole dans une porcherie du Tévelave. En 2009, il avoulu s’associer avec son père, éleveur de truies au Plate.Il a donc acheté un terrain de 1.5 ha à la Chaloupe etconstruit un bâtiment hors-sol pour 12 truies.Désormais, le père gère les opérations de naissage au Plateet le fils élève les porcins à la Chaloupe. En parallèle,Jérémie s’est lancé dans l’élevage de poulets. “Il reste àbâtir une retenue collinaire et un système d’alimentationautomatique, mais on est enfin en rythme de croisière.Après des années de paperasse, je commence à appréciermon métier.”

Jérémie Bègue : 26 ans20

13Ile

de La

Réun

ionDé

cemb

re

#21> Radiographie Une jeunesse méconnue Le paradoxe du jeune des Hauts Les jeunes ont la parole

> Supplément Leader Le talent n’attend pas Soutiens de familles

TèrHautsdes

Programme de développement des Hauts ruraux

Etre jeune dans les Hauts

Page 2: Le paradoxe du jeune des Hauts Les jeunes ont la …reunion.drjscs.gouv.fr/sites/reunion.drjscs.gouv.fr/IMG/...Le paradoxe du jeune des Hauts Les jeunes ont la parole > Supplément

DOSS

IER

2

SPÉC

IAL JE

UNES

Avec une population qui croît de 1,2 % par an depuis 2006, soit nettement plusqu’en France métropolitaine (+0,5%), La Réunion se place au 3ème rang des régionsles plus dynamiques en terme de démographie. A l’horizon 2040, la populationdépassera le million d’habitants et 27 % d’entres eux auront moins de 19 ans(sources Insee) ! A l’autre bout des chiffres, force est de constater que les jeunesvivent en concentré les problèmes dus au contexte économique et social. 60 % dela tranche d’âge de 15 à 24 ans est au chômage, 3 500 jeunes quittent le systèmeéducatif chaque année sans qualification, 50 % des élèves sont boursiers, 11 000 sontillettrés… Dans les Hauts, 36 000 jeunes de 15 à 29 ans sont d’autant plus concernéspar ces problématiques qu’ils font face à des difficultés accrues en termes d’accèsaux transports, à la formation, au logement, aux bassins d’emploi et même auxsoins. "Les jeunes des Hauts cumulent les difficultés que rencontre la jeunesseréunionnaise dans son ensemble", souligne Ronan Boillot, le sous-préfet encharge de la cohésion sociale et de la jeunesse. "Il n’y a pas une jeunesse mais biendes jeunesses, et toutes les initiatives pour mieux les connaître, comme celle del’AD2R, sont intéressantes", poursuit-il. Saisi par le ministre des Sports, de laJeunesse, de l’Education populaire et de la Vie associative, ainsi que par le ministredes Outre-mer pour mener une démarche spécifique sur la jeunesse à La Réunion,le préfet - avec son sous-préfet Ronan Boillot - a posé les premiers jalons de ceplan Jeunesse. "La création de l'Agence réunionnaise de la Jeunesse s'accompagned'une mobilisation de l'ensemble des forces de l'Etat, du Département et de la Région

AN 2014

3

SPÉC

IAL JE

UNES

LES JEUNES AU CENTRE DETOUTES LES ATTENTIONS

L’année 2014 marque un tournant dans les politiques publiques consacréesà la jeunesse. La création d’une Agence Réunionnaise de la Jeunesse réunissantl’Etat, la Région et le Département marque la première étape vers une nouvellemanière de travailler : plus de cohérence pour de meilleurs résultats. L’AD2Rs’inscrit elle-aussi dans cette perspective, avec une étude spécifique sur lesjeunes des Hauts. Objectif : mieux les connaître pour mieux identifier lespistes d’actions à mener.

Qui sont nos jeunes ?

Pour Pierre Bourdieu, "la jeunessen’est qu’un mot" (Questions desociologie, Editions de Minuit).Difficile en effet de définir la jeunesseen termes biologique, social oudémographique. Selon la définitionde l'Unesco, "les jeunes constituentun groupe hétérogène en constanteévolution, et l’expérience d’"êtrejeune" varie énormément selon lesrégions et au sein même des pays."Difficile à définir, cette catégorie dela population est également l’unede celles qui subit le plus frontale-ment les effets de la crise. En 2012,selon une étude récente de l’INSEE,40,3 % des jeunes actifs réunionnaisde 15-34 ans n'ont pas trouvéd'emploi, ce taux de chômage desjeunes étant le plus élevé de France,et parmi les plus élevés d'Europe.Pour mieux comprendre qui sont lesjeunes des Hauts et afin de menerdes actions plus pertinentes à leurbénéfice, l’AD2R a décidé de menerune grande enquête auprès d’eux.En voici les premiers résultats dansce nouveau numéro de Ter des Hauts.

La rédaction

EDITO

pour agir en cohérence et en transversalité sur la problématiquedes jeunes de La Réunion", précise le sous-préfet. "C’est unedémarche cohérente, non concurrentielle et on pourrait même direapolitique". Ainsi, l’un des objectifs de cette instance en coursde création sera de coordonner l’ensemble des actions que mènechacune des parties. Un guichet unique sur le thème de lamobilité, plus facilement repérable par les jeunes, pourrait en êtreune application concrète.

Des jeunes que l’on connaît mal

2014 place donc la jeunesse sous les feux des projecteurs.Preuve : parallèlement à "L’année de la Jeunesse", initiée par laRégion, et au "Plan Ambition Jeunesse", initié par le Département,le Pôle de Formation et d’Information des Hauts de l’AD2R a menéune enquête sur les "Jeunes des Hauts" afin de prendre encompte cette frange de la population qui fera La Réunion et lesHauts de demain. "Le travail que nous avons mené en préalablesur la mise en perspective des Hauts pour la période 2014-2020nous a interpellé, souligne Christophe Viret, commissaire àl’aménagement des Hauts. En effet, nous avons remarqué queles jeunes étaient peu représentés dans les espaces d’échangesclassiques, qui sont dominés par les porteurs de projets. Or, nousavons besoin de mieux les connaître, de recueillir leur sentimentpar rapport à leur situation dans les Hauts. C’est comme cela quenous pourrons identifier leurs besoins, les leviers de mobilisationet les outils à mettre en place." L'enquête menée par l'AD2R adonné une place à la parole de cette jeunesse. Il s’agit maintenantde l’écouter.

DOSS

IER

Page 3: Le paradoxe du jeune des Hauts Les jeunes ont la …reunion.drjscs.gouv.fr/sites/reunion.drjscs.gouv.fr/IMG/...Le paradoxe du jeune des Hauts Les jeunes ont la parole > Supplément

DOSS

IERSP

ÉCIAL

JEUN

ES

5

DOSS

IERSP

ÉCIAL

JEUN

ES

4

L’enquête a été menée en face à faceen septembre et octobre 2013 auprèsde 275 jeunes répartis dans les quar-tiers des Hauts en fonction de leurpoids démographique et à égalitéd'hommes et de femmes. Ils sont âgésde 15 à 19 ans (37%), 20 à 24 ans(37%) et 25 à 29 ans (26%).Majoritairement célibataires (17%sont en ménage, 22% ont desenfants), ils sont 4/5 à vivre chezleurs parents. Deux-tiers d'entreeux sont natifs du quartier tandisque 1/5 y sont installés depuismoins de 5 ans. Dans la famille,50% des parents sont en emploi(en grande majorité employés ououvriers) et la moitié des jeunes ontun frère ou une sœur en emploi.

RADIOGRAPHIE

Concernant les métiers les plus large-ment exercés par les jeunes des Hauts,une dichotomie homme / femmeapparait nettement. Les emplois liésà l’agriculture et à la forêt (9%), àl’environnement (22%) et auxmétiers du secondaire (9%) sont trèsmajoritairement le fait des hommes,alors que les femmes sont employéesprincipalement dans les métiers dusocial et de l’enfance (18%). Ces orientations sont en partie liéesau fait que l'offre de formations

qualifiantes est très active dans lesmétiers du social et de l’environne-ment. Au final, ces secteurs sont ceuxqui offrent le plus d’opportunitésd’emploi immédiat. Le tourismerural et les emplois de commerce etde services concernent quant à euxrespectivement 13% et 15% desjeunes interrogés ; à noter aussi que9% des jeunes sont en responsabilitéd’entreprise. D’une façon générale,les jeunes sont plutôt satisfaits deleur travail : c’est le métier qu’ilsveulent faire (24%), ils aiment lecontact humain, le travail avec lesenfants (27%), la bonne ambiance(17%). Mais un jeune sur cinq exprimeun sentiment plus mitigé : c’est unemploi par défaut, une solutiond’attente pour avoir un salaire. Quantà ceux qui n’ont pas d’emploi, il s’agitd’une situation récente pour lesdeux-tiers d’entre eux.

Pour l’avenir, deux-tiers des jeunesvisent des métiers courants : agricul-ture / élevage, métiers du secondaireou de l’armée et de la sécurité pourles hommes; métiers du social et desservices pour les femmes. Ils sont aussi 13% à vouloir dirigerleur propre entreprise et 9% à viserdes métiers tels que pilote d’avion,hôtesse de l’air, journaliste, avocat,musicien… Pour accéder à l’emploifutur, la majorité des jeunes estimenécessaire de passer par une forma-tion, jugeant que leur niveau actueln’est pas suffisant.

Très majoritairement, les jeunes ontune vision positive de la vie dans leurquartier, même s’ils regrettent lemanque d’animation, de loisirs, destructures sportives, d’associations :15% des jeunes font partie d’uneassociation et 13% des garçons sontdans une équipe sportive. Quand lavision du quartier est négative, cesont d'abord les jeunes femmes,notamment les 20-24 ans, qui sontles plus critiques. Côté équipements,82% des jeunes enquêtés ont unordinateur, 78% sont sur Internet et69% fréquentent les réseaux sociaux :une manière de dépasser le cadre unpeu limité du quartier. En dehors deces moments, les temps de loisirs sepassent le plus souvent sans activitésbien définies : bat karé, rester assisà discuter, faire du sport…

Si certains ont un peu de mal à seprojeter dans l'avenir, les souhaitssont dans l’ensemble assez clairs :un travail, une famille, une maison,subvenir à ses besoins. La vision del’avenir diffère entre hommes etfemmes : les hommes, surtout lesplus âgés, le voient majoritairementdans leur quartier ou dans lesHauts, parfois en ville, en France ouà l’étranger. Les femmes se disentmoins attachées au quartier ou auxHauts et voient plus souvent leur futuren ville, dans les Bas, voire en France.Mais un départ hors du quartier oude l'île n’est pas forcément définitif :le désir de changer de vie s'accom-pagne souvent d'une perspective deretour...

Le panel Les secteurs d’emploi desjeunes

Quel métier pour demain ?

Vivre dans le quartier

Où vivre demain ?

D’UNE JEUNESSE MECONNUE Pour savoir comment venir en aide aux jeunes, il faut les connaître.Et pour mieux connaître sa jeunesse, il faut l’écouter. C’est pourquoil’AD2R a choisi de lancer une enquête sur les 15 -29 ans des Hauts.Objectif : les faire s'exprimer sur leur situation, le regard qu’ils portentsur leurs quartiers et la manière dont ils se projettent dans l’avenir.

Page 4: Le paradoxe du jeune des Hauts Les jeunes ont la …reunion.drjscs.gouv.fr/sites/reunion.drjscs.gouv.fr/IMG/...Le paradoxe du jeune des Hauts Les jeunes ont la parole > Supplément

DOSS

IERSP

ÉCIAL

JEUN

ES

7

DOSS

IERSP

ÉCIAL

JEUN

ES

6

En amont de l'enquête quantitative (voir double-page précédente),trente-deux témoignages recueillis sur le terrain ont permis d'apporterdes indications sur la perception que les jeunes ont de leur situationdans les Hauts, sur leur parcours scolaire et professionnel, sur leursaspirations pour l’avenir. Des indications précieuses car ces jeunesde 15 à 29 ans ont rarement l’occasion de s’exprimer. "Les animateursterritoriaux de l’AD2R ont surtout tendance à voir des gens actifsd’un certain âge. Des gens qui ont un projet et qui sont enrecherche de solutions pour le mener à bien. Nos rapports s’attardentessentiellement sur cette population et finalement très peu sur lajeunesse", souligne Christophe Viret, le commissaire à l’aménagementdes Hauts de La Réunion. Ce qui saute aux yeux à la lecture de ces entretiens, c’est la visionplutôt positive qu’ils ont de leur quartier et l’attachement qu’ilsexpriment vis-à-vis des Hauts. Beaucoup ne s’imaginent pas vivreailleurs, apprécient la tranquillité, la fraîcheur et les paysages desHauts, la solidarité entre habitants. D’autres revendiquent leursracines, plantées là et pas ailleurs. A contrario, la vision de la villeet des Bas reste peu positive : ce sont des lieux de "délinquance",de "drogue", de "zamal", de "violence", d’"individualisme" ; autantde points négatifs comparés à la vie calme des quartiers des Hauts."Les Hauts se perçoivent en opposition avec les Bas, avec l’universde la ville, des immeubles et des voitures, où se perd le contact avecla nature", souligne le sociologue Jean-Marie Elliautou. "Un monde

LE PARADOXE DU JEUNE DES HAUTS

des Bas dont l’influence peut être ressentiecomme perturbatrice du mode de vie desquartiers", précise-t-il. "L’enquête sem-ble en effet montrer que les jeunes sonttrès attachés à leur quartier, constateChristophe Viret. Il faut cependant êtreprudent sur les conclusions à tirer. Lecôté positif, c’est qu’on aurait pu crain-dre qu’ils soient en situation de rejet. Or,ce n’est pas le cas. Mais pour certains, cetattachement peut également traduire lefait que la vie dans le quartier est leurseul moyen de subsistance, et qu’aucuneprojection ailleurs ne leur semble possible".

Des quartiers sans animation

Pour autant, la ville offre bien des avan-tages. Une majorité de jeunes s'y rend"régulièrement", certains y vont même"fréquemment". Tous apprécient l’offrede services et de loisirs, la possibilité derencontres. L’univers de la ville s’inscrit

"naturelles" dans lesquelles les jeunes desHauts pourraient trouver leurs références.Même quand elles existent, les opportu-nités de continuer une activité familialesont restreintes au regard des contraintesmodernes de l’activité. Les jeunes souli-gnent aussi le peu d’aides disponibles àl’insertion professionnelle dans cettepériode transitoire de construction descompétences ; formations et aides à larecherche d’emploi ne sont pas toujoursaccessibles, renforçant un certain senti-ment d’abandon (“na point personne i férien pou nou”) !

donc en opposition avec des quartiers des Hauts atones, qui n’offrentque peu de possibilités d’occupation pour les jeunes : peu de loisirs,peu d’opportunités d’emploi, peu de structures (associations,groupes…). D’autant plus que nombre d’initiatives ne sont pasassez pérennes ou "à la page”. Comme les jeunes de la ville, lesjeunes des Hauts vivent à l’heure du numérique : ordinateur, Internetet Facebook leur offrent un horizon de vie qui dépasse le monde unpeu étriqué du quartier.

Une scolarité peu structurante

Dans l’ensemble, l’itinéraire scolaire ne parait pas susciter beaucoupd’appréciations positives : en dehors de quelques matières "utiles"et de relations plutôt bonnes avec les camarades, l'enseignementserait trop éloigné du concret Les études post-collège se font majo-ritairement dans les filières professionnelles, soit en référence austatut familial (agriculture notamment), soit en fonction d’un projetpropre au jeune, ou dans d’autres voies dont le jeune n’a pastoujours la maîtrise. L’orientation n’est pas aisée dans un milieurural des Hauts qui ne génère plus les filières professionnelles

Tunnel de lave dans la coulée de 2004 Forêt de l'Aventure, au Maïdo

Pendant deux mois, en amont de l’enquête quantitative menée avec le bureaud’études GB2, les animateurs territoriaux de l’AD2R ont interrogé de façonapprofondie une trentaine de jeunes des Hauts. Témoignages et analyse.

Page 5: Le paradoxe du jeune des Hauts Les jeunes ont la …reunion.drjscs.gouv.fr/sites/reunion.drjscs.gouv.fr/IMG/...Le paradoxe du jeune des Hauts Les jeunes ont la parole > Supplément

DOSS

IERSP

ÉCIAL

JEUN

ES

8

DOSS

IERSP

ÉCIAL

JEUN

ES

9

A 25 ans, Emilie porte un projet qui lui fait croire en son avenir. Dans les Hauts deSaint-Benoît, sur le terrain familial qu'elle aime tant à Grand-Etang, elle a ouvertrécemment une entreprise d'activités de loisirs. "Mes parents sont tombés amoureuxde cet endroit il y a trente ans. C’est peut-être cet amour-là qu’ils m’ont transmis",explique-t-elle. Pourtant, les Bas, elle connaît. Avant de décéder brutalement d’uncancer en 2006, le père d’Emilie tenait une auto-école dans le centre de Saint-Benoît."Après l’école, j’allais au bureau, je répondais au téléphone, je me chargeais duplanning." Une fois au lycée, en filière STG, c’est en bus et à pied qu’elle remonte chezelle : "je marchais 2 km pour rentrer chez moi. J’avais des mollets d’enfer !" Mais la gestionn’est pas vraiment son truc. Ce qu’elle veut, c’est pouvoir un jour reprendre la terrede ses parents. Cet objectif en ligne de mire, Emilie s’inscrit au Brevet Professionnel REA(Responsable d’exploitation agricole). "J’étais passionnée, j’ai appris des tas de choses.J’ai hésité à poursuivre avec le BTS en France, mais ma vie est ici et je n’ai pas vouluquitter ma mère et mon copain." Pour elle, l’isolement des Hauts n’est pas une excusevalable pour ne rien faire : "tout est à moins de trente minutes". La preuve : grâce audispositif NACRE d'aide à la création d'entreprises, Emilie est désormais l'heureusegérante d'une structure nommée DevilSide Paintball. Tout un programme !

LES JEUNESONT LA PAROLE

Jean-Fred résume bien le paradoxe desjeunes des Hauts. Il n’imagine pas vivreailleurs qu’au Tévelave, où il habite depuisl’âge de 8 ans, au frais dans une petitekaz a tèr. Et pourtant, le manque destructures adaptées aux jeunes lui pèse."Lé dommage que na point rien pouroccupe les p’tits jeunes ici en haut, aucuneassociation, pas de salle de sport, pas demaison de quartier, même point degabier !" regrette-t-il. Après un parcoursscolaire assez chaotique, mais qui lemène malgré tout jusqu’à un niveau CAPde maçonnerie, Jean-Fred est aujourd’huien contrat d’apprentissage avec l’associationHibiscus. Une formation en entretien ethygiène qui, espère-t-il, lui permettrade trouver du travail : "na touzour besoindomoun pour nettoyer". Pour lui, le dés-œuvrement des jeunes, les commérages,le manque de travail, sont les problèmesprincipaux des Hauts. "Les jeunes ne s’ensortent pas si on ne vient pas les aider.Mais mon chance, c'est que moin lé motivé"Une force qui lui permet de ne pas resterau bord du chemin et d’aller de l’avant.

A bientôt 18 ans, Thibault a la positive attitude. Ce fils d’agriculteura le goût du travail et le sens pratique. En Première scientifique aulycée Pierre-Poivre de Saint-Joseph, il aime "les mathématiques, lachimie et les sciences de l’ingénieur". Mais il a aussi des talents sportifs.Membre de la sélection réunionnaise de handball pendant trois ans,il était aux portes du pôle Espoir de Saint-Denis. "Mé moin la préfèr rèstdann filièr jénéral. Moin lé pa parti car mi sa pa fé un avenir dans lesport". Premier de la classe, il se concentre sur ses études et donneun coup de main à son oncle, éleveur à La Plaine des Grègues, pendantles vacances. Ici, c’est son quartier. "Ma famille la toujours habité la Plaine des Grègues. Mon kartié létranquille, mi entend personnellement avec tout le monde." Thibaultreconnaît pourtant que "l’ambiance lé mort car na point d’occupation".Mais pour lui, ce n’est pas un problème. Ce qui compte, c’est l’école.Et quand il veut sortir, c’est vers les Bas que le jeune homme sedirige. "Lé Hauts lé pas un contrainte, avec une voiture nous descendedans les bas pour nos sorties entre amis. Créer des loisirs dans lesHauts, selon mwin, i marcherait pas. Quand nous descende nous voitautre chose." Pour autant, Thibault ne renie pas son quartier, plusfrais, plus tranquille. Un jour, Thibault sait qu’il partira. Mais il voitplus loin que les Bas : "I dérange pas mwin d’aller au Canada ou enAustralie pour faire mes études ou travailler. Dans mon domaine, mipense pas faire un avenir à La Réunion."

Emilie : l’avenir est dans son jardin

Jean-Fred : "Ma la jamais pensé aller ailleurs"

Thibault : itinéraire d’un enfant appliqué

Page 6: Le paradoxe du jeune des Hauts Les jeunes ont la …reunion.drjscs.gouv.fr/sites/reunion.drjscs.gouv.fr/IMG/...Le paradoxe du jeune des Hauts Les jeunes ont la parole > Supplément

DOSS

IERSP

ÉCIAL

JEUN

ES

10

Il est parti pour mieux revenir. Et c’est ce qu’il conseille auxjeunes mafatais ! Ruddy, 27 ans, est originaire d’Aurère. Il y vitjusqu’à l’âge de cinq ans avant de descendre dans les Bas puisde partir en Métropole. Quand il rentre à La Réunion, il a 13 anset devient résident permanent à Aurère. Il passe son Brevet descollèges, obtient un Bac STI génie civil, puis travaille durant troisans comme ouvrier en bâtiment et charpentier. L'un de ses rêves :devenir pilote d’hélicoptère. Mais en attendant de le réaliser unjour, Ruddy a intégré en 2008 l’équipe du Parc national. "Moinlé fier à 100 % de mon travail", souligne-t-il. "Moin lé pour ledéveloppement de Mafate". Gîtes, camping, projets d’habitation :Ruddy est là pour aider les Mafatais à monter leur projet. Il connaîtles réglementations ; celle du parc national, mais également del’ONF, de la mairie… "En 5 ans, on a fait aboutir une quaran-taine de projets sur mon secteur", ajoute-il fièrement. "Mafateest le cœur habité du Parc national : notre rôle, c’est de pro-mouvoir la culture, sensibiliser les gens à l’histoire et à l’art devivre dans les Hauts. Mon travail est complètement lié à monenvironnement et c’est ce que j’aime". Fier de son patrimoineculturel, historique et naturel, Ruddy revendique son choixd’habiter à Mafate. Mais pour lui, il reste encore beaucoupd’actions à mener pour tisser des liens entre les "gens desHauts". Fort de cette conviction, il crée en 2003 avec quelqueshabitants d'Aurère l’association "Mèt ansanm" pour promouvoirla musique du cirque. C’est ainsi qu’est né "Kabar Mafate", quiréunit chaque année plus de 1 000 personnes au mois d’octobreautour de la musique et des produits du cirque. "C’est aussi uneéco-manifestation pour sensibiliser les gens au problème desdéchets", souligne le jeune homme. Pour lui, l’avenir de Mafatese jouera à ce niveau : gestion des déchets, distribution en eauet en électricité, développement d’une économie tournée vers letourisme, formation des jeunes à l’accueil des visiteurs…"Mafate est une terre d’avenir à condition qu’on y mette lesmoyens. Mafate i peut être un laboratoire intéressant dans tousles domaines. On veut atteindre l’autonomie énergétique d’ici2020-2030 ? Si on réussit à Mafate, ce sera vraiment un exemple."Surtout, Ruddy n’oublie pas l’Histoire. "Depuis le marronnage,

Enfants de la Plaine des Cafres, Christelle et Christian Ah-Pine ont créé début2012 une société de conception, d’impression et de vente d’objets publicitaires ;la SARL Emblem Heart, basée sur le lieu même où ces jeunes époux ont grandi.Pour y parvenir, ils ont sollicité dès juin 2012 le concours du programmeLeader, qui s’est engagé à financer 60 % du projet. Deux ans après sa création,l’entreprise est à peu près sur ses rails. Le chiffre d’affaires doit encore êtredéveloppé, mais Christelle et Christian ont consolidé leur emploi. Ce faisant,ils répondent à un enjeu prioritaire du PDHR qui est de "créer de l’emploi etle conforter pour vivre et travailler dans les Hauts". Mais derrière l’objectifd’aménagement du territoire, c’est le parcours des deux jeunes gens quiinterpelle. Passionnés de graphisme et de communication, ils se sont donnéles moyens de s’en sortir, à commencer par une scolarité sans faute et plutôtfutée. Titulaire d’un CAP en communication graphique depuis 2007, Christiana ainsi décroché un Bac Pro au lycée professionnel de Saint-Pierre avant desuivre, en 2009 et 2010, une formation en 3D à l’ESMA de Toulouse. Plusieursstages chez des entreprises réunionnaises réputées (Empreinte Locale, ArtMedia, Luvi Ogilvy) lui ont ensuite apporté l’expérience professionnelle nécessaire

pour se lancer à son compte. Poursa part, Christelle s’est d’abordtournée vers l’Australie, où elle adécroché un master en marketingen 2008. De retour à La Réunion,elle a ensuite obtenu une licenceà l’IAE puis un BTS de managementdes unités commerciales. Elle a enfinterminé sa formation avec deuxans de stages et de missions ausein d’enseignes aussi renomméesque DBO ou Nestlé. Désormaisgérants associés, Christelle etChristian savent qu’ils n’auraientpas pu monter leur petite entreprisesans le soutien familial, qui anotamment pris la forme d’uneavance sur les fonds à investir etla mise à disposition gracieuse d’unlocal. Mais du côté de la famille,le soutien n’aurait sans doute pasété le même si les deux jeunesn’avaient affiché un tel dynamismeet une réelle envie de s’en sortir !

Ruddy : "Mafate c’est la liberté"

511

LA PETITE GAZETTE DU PROGRAMME LEADERS U P P L E M E N T N U M E R O 6 A U M A G A Z I N E T E R D E S H A U T S DECEMBRE 2013

S U P P L E M E N T N U M E R O 6 A U M A G A Z I N E T E R D E S H A U T S

L’obtention d’une aide du programme Leader n’est pas conditionnée à l’âge du porteurde projet. Mais dans ces territoires des Hauts où la jeunesse est si fortement représentée,

force est de constater quede nombreux projets portéspar elle sont finalementsubventionnés. Quelquesexemples à suivre.

LE TALENT N ’AT TEND PASLE NOMBRE DES ANNÉES !

Jérôme : dans les pas du père

lé pareil. Band’na la quitté lé Bas pourrecherche la liberté. Bin les Hauts c’estla suite de la modernisation. Aller versquelque chose de plus équilibré, revenirvers l'essentiel. Une terre de liberté, denature, de rêves."

Âgé de 25 ans, Jérôme est agriculteur àla Chaloupe Saint-Leu. Digne fils de sonpère, c'est vers l'élevage qu'il s'est tournéaprès avoir obtenu son BEP et son BacPro au lycée agricole de Saint-Joseph.Mais la rareté du foncier l’a contraint àse lancer dans le poulet plutôt que dansla vache, comme papa. Il a donc déposéune demande de droit à produire en2010 auprès d’Avi-Pôle, la coopérativedes producteurs de volailles péi, et l’aobtenu en 2011. En attendant, il estdevenu aide familial sur les prairies dupère. En 2012, il a enfin pu démarrerson activité avicole. "Heureusement, jevis chez mes parents. Ils m’ont apportéun bout de terrain, la garantie des prêtsbancaires, l’apport personnel… J’aimeraisbien obtenir un nouveau droit à produire,mais il faut rester prudent. Le terrainfamilial n’est pas extensible : il faut enlaisser à mon petit frère et à ma petitesœur." Le jeune homme a la tête surles épaules et déjà un projet de vie bienlancé ! Preuve : désormais présidentd'une OLAT regroupant cinq éleveurs dela Chaloupe, il vient d'obtenir unfinancement du programme Leaderpour la création ou la réhabilitation de4 retenues collinaires et de 750 mlinéaires de chemins d'exploitations !