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Le non-dit du conflit israélo-arabe. Les clés cachées du

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LE NON-DIT DU CONFLIT

ISRAÉLO-ARABE

Les clés cachées du problème

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Alberto B. Mariantoni Fred Oberson

LE NON-DIT DU CONFLIT

ISRAÉLO-ARABE Les clés cachées du problème

Pygmalion Gérard Watelet Paris

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Sur simple demande aux Éditions Pygmalion/Gérard Watelet, 70, avenue de Breteuil, 75007 Paris

vous recevrez gratuitement notre catalogue qui vous tiendra au courant de nos dernières publications.

© 1991, Jaca Book à Milan @ 1992, Éditions Pygmalion/Gérard Watelet, Paris, pour l'édi- tion en langue française. ISBN 2-85704-376-7

La loi du 11 mars 1957 n'autorisant aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple ou d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa premier de l'article 40).

Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

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Le cœur du problème est en Terre sainte, à Jérusalem. Tant que la ville sainte sera un terrain d'affrontement, le Proche-Orient restera un volcan qui peut exploser à tout moment.

Michel Sabbah, Patriarche latin de Jérusalem.

Quotidien Al-Fajr, 24 décembre 1990.

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AVANT-PROPOS

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UN ÉCRAN DE FUMÉE

Cet ouvrage est l'aboutissement de la rencontre d'Al- berto Mariantoni, journaliste, politologue de formation, spécialiste du monde arabe, et de Fred Oberson, essayiste, spectateur curieux, représentatif du monde et de la cul- ture occidentale.

La forme de l'interview résulte d'un débat réel de plu- sieurs heures entre les auteurs à propos de la guerre du Golfe. Une série d'analyses et de réflexions d'Alberto Mariantoni sont intégrées à l'ouvrage pour rendre plus accessible la complexité des arguments soulevés.

Selon Mariantoni, la guerre du Golfe a été le dernier épisode d'une suite logique de tragédies qui ont boule- versé et ensanglanté le Proche et le Moyen-Orient depuis plus de quarante ans.

Jamais guerre ne fut aussi médiatisée. Jamais conflit ne fut aussi peu expliqué. Officiellement, les coalisés défendaient le droit international. Officieusement, les intérêts économiques sur le pétrole primaient. Que de contrevérités, de prétextes dans cette « Tempête du désert » ! Difficile de démêler cet écheveau où mondes

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arabe et occidental se sont affrontés. Et le simple specta- teur de s'y perdre complètement.

Les auteurs ont donc estimé nécessaire de remonter le cours de l'histoire pour apporter au lecteur tous les éclaircissements sur l'état de crise et de dégradation dans lequel vit cette région.

Ce livre ne se contente pas de raconter une histoire qui vient de loin... mais de l'expliquer sans pour autant la justifier. Un parcours qui permet de mieux comprendre la réalité complexe du monde arabe. Depuis les guerres israélo-arabes jusqu'à la guerre du Golfe, en passant par l'arrivée au pouvoir de Kadhafi, la révolution islamique en Iran, la guerre civile libanaise ou le problème palesti- nien et l'Intifada, cet itinéraire dresse un portrait impi- toyable d'un univers finalement méconnu.

Mariantoni affirme que la création artificielle de l'État d'Israël en 1948 — ce qu'il nomme « le big bang » — est à l'origine, directe ou indirecte, de tous les bouleversements et les réactions en chaîne qui ont secoué cette partie du monde.

Cet essai permet aussi de mieux cerner la personnalité de Saddam Hussein et de se faire une opinion sur le clan des al-Takriti. Il donne des clés pour mieux connaître leurs voisins arabes ou perses et mieux comprendre quels jeux ils jouent et quelles alliances contre nature ils ont scellées.

Avec toujours en toile de fond le problème palestinien, il remet en cause le rôle des pétromonarchies. Mais aussi, sans concessions, il dévoile les véritables desseins et motivations d'Israël. Rompant avec l'hypocrisie érigée en dogme, ce livre est indispensable pour faire enfin saisir les réalités complexes d'un univers où les mirages du désert faussent trop souvent les jugements.

Enfin, l'objectif principal de cet ouvrage est de démon- trer que la crise moyen-orientale n'est qu'une suite de mystifications plus condamnables les unes que les autres. Le journaliste de terrain laisse la place à l'analyste politi- que pour dévoiler les mécanismes complexes qui ont permis aux grandes puissances, les États-Unis en tête,

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d'exercer leurs influences et leurs pressions. La politique américaine y est notamment décortiquée sans complai- sance.

Oberson se pose toutes les questions du spectateur engagé. Sans craindre de déplaire aux uns et aux autres, Mariantoni ose apporter les vraies réponses et démonte les rouages d'une guerre programmée. Bannissant les faux-semblants utilisés par des journalistes muselés par la censure et « timides » face à la réalité du Moyen-Orient, il dissèque les véritables enjeux au niveau planétaire.

Le constat final n'est guère réjouissant. Plus que jamais, le «nouvel ordre mondial» est à la merci des États-Unis. La tragédie kurde, la pax syriana au Liban, le bras de fer israélo-américain, cherchant à imposer la forme de la représentativité des Palestiniens à la Confé- rence de Paix, ne sont que les premières séquelles de l'après-guerre.

Finalement, Saddam Hussein n'a-t-il pas eu raison, du moins partiellement, dans son discours du 12 août 1990, de lier tous les problèmes du Proche et Moyen-Orient à son invasion du Koweit ? En ne refusant pas de négocier avec le « bourreau de Bagdad », n'aurait-on pas pu faire l'économie d'une guerre, avec toutes les pertes en vies humaines et les destructions encourues ?

Genève-Paris, mai 1992.

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INTRODUCTION

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1. DE LA MAURITANIE A L'AFGHANISTAN,

UN TABLEAU PLUTÔT INQUIÉTANT

— Cela fait plus de vingt ans, Alberto Mariantoni, que vous parcourez le Proche et le Moyen-Orient ainsi que l'Afrique du Nord. Quel tableau pouvez-vous nous bros- ser de cette région ? — Un tableau pessimiste d'une région où règnent l'arbi- traire et l'injustice, où les droits les plus élémentaires de l'homme sont bafoués. Une région où la menace de guerre extérieure est latente et où les affrontements poli- tiques et sociaux internes sont monnaie courante depuis plus de quarante ans. Il est nécessaire cependant d'affiner le constat pays par pays pour tenter, en résumé, d'y voir clair.

La Mauritanie, officiellement république islamique et démocratique, est toujours régie par une dictature mili- taire. Les promesses de pluralisme politique faites à la population par le colonel Maaouya Ould Taya (le nou- veau maître du pays) lors de son investiture en avril 1992, ne semblent pas, pour le moment, avoir changé grand- chose au système policier de toujours. Ce qui vous laisse

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imaginer le régime auquel sont soumis ses habitants... tant sur le plan des libertés que sur celui de l'économie moribonde. Malgré une interdiction officielle du gouver- nement, la traite des esclaves et le commerce des Hara- tines (les descendants des esclaves noirs) sont toujours pratiqués dans les coins les plus reculés du pays. Les islamistes de l'Imam Sidi Yahya (chef du parti Oumma), en dépit de la dure répression qu'ils subissent, continuent à menacer de près le pouvoir, en s'appuyant sur les exclus et les opprimés des bidonvilles de Nouakchott. La guerre, entre la Mauritanie et le Sénégal, peut éclater d'un jour à l'autre.

Dans l'ex-Sahara espagnol, malgré les engagements formels de l'ONU à propos de l'autodétermination des habitants de ce territoire, la guerre continue. Commencée le 20 mai 1973 lors des affrontements d'El-Khanga, entre Espagnols et Sahraouis, elle se poursuit toujours avec le Maroc voisin qui a annexé une large partie de ce terri- toire et s'entête, depuis 1975, à ne pas vouloir reconnaître la RASD, la République arabe sahraouie démocratique, proclamée unilatéralement par le Polisario le 27 février 1976 et jusqu'ici reconnue par 63 États.

Au Maroc, notre « ami » le roi Hassan II est toujours entouré de la même oligarchie féodalo-financière : son oncle, le général Moulay Hafid, Reda Guedira (ex- Premier ministre), David Amar (ancien président de la communauté israélite de Casablanca et actuel président du holding Omnium Nord-Africain, l'entreprise privée du roi), Karim Lamrani (Premier ministre), M'hamed Baha- nini (la « mémoire vivante » du roi), Driss Basri (ministre de l'Intérieur), Moulay Ahmed Alaoui (ministre d'État, directeur des principaux journaux marocains de langue française, Maroc-Soir et le Matin du Sahara). La moitié du territoire marocain est pratiquement la propriété d'une seule personne : Sa Majesté le roi. La prétendue liberté de presse et d'opinion comme le multipartisme sont placés sous haute surveillance. La guerre contre le peuple sahraoui a asséché les caisses de l'État, sans résoudre le conflit. La jeunesse est désœuvrée, ce qui lui

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donne parfois des idées de rébellion écrasées aussitôt dans le sang. Grâce à l'apport du tourisme et du revenu de 550 000 travailleurs marocains en France, l'économie est tenue à bout de bras.

Après vingt-six ans de pouvoir sans partage en Algérie, le FLN a subi de graves déboires politiques, économiques et sociaux en 1988. Le pays des figues de Barbarie est en pleine déconfiture ! Pour éviter au pays une révolution islamique des adeptes du FIS, le Front islamique du salut, le président Chadli Bendjedid a autorisé le multi- partisme et le retour au pays des anciens leaders en exil, tels Hocine Aït Ahmed et Ahmed Ben Bella. Après le raz de marée islamiste aux élections administratives de juin 1991, les militaires restés fidèles au souvenir de Boume- diene ont repris le contrôle de la situation. Ils ont pro- clamé la loi martiale, « défenestré » Chadli Bendjedid et remis en cause le processus démocratique que ce dernier avait engagé. Plus de 4 000 responsables islamistes ont été arrêtés et le FIS a été dissous.

Le « Haut Comité d'État » n'est autre qu'une junte put- schiste à qui les militaires ont donné une certaine légiti- mité à sa politique en plaçant à sa présidence Mohamed Boudiaf, un « revenant » de 73 ans, exilé au Maroc durant 30 ans. Cet ancien militant démocrate et anti- militariste du mouvement indépendantiste algérien a été le fondateur, en 1962, du Parti de la Révolution socialiste et le détenteur de la carte N° 1 du FLN.

Tout porte à croire que ce Haut Comité d'État a reçu l'assentiment complice des principaux gouvernements de l'Occident qui, par cette caution, espèrent avoir évité, du moins dans l'immédiat, l'avènement d'une République islamique en Algérie. Ils font fausse route, car l'actuel gouvernement algérien n'a aucune légitimité constitu- tionnelle, ne s'appuie sur aucune base populaire et ne paraît pas en condition de pouvoir appliquer une politi- que efficace et crédible. En effet, ce n'est pas par la répression et les multiples actions de police que ce gou- vernement pourra continuer indéfiniment à se maintenir au pouvoir.

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Malgré la mise au rancart du « Combattant suprême », le vieux Habib Bourguiba, en 1987, la Tunisie et le régime du président Ben Ali continuent de dégénérer. Une promesse de libéralisme jamais tenue avait pourtant fait place aux « tempêtes de sable » engendrées par Bour- guiba dans les dernières années de son pouvoir. Puis, très vite, Ben Ali s'est souvenu qu'il avait été élève de l'école militaire française de Saint-Cyr, ancien chef de la Sûreté tunisienne et ministre de l'Intérieur. Le régime est devenu comme son chef : policier et inquisiteur. Il engendre tous les maux d'un tel système, comme l'absence de liberté de presse et d'opinion ou de garanties légales et constitu- tionnelles. La société tunisienne est en effervescence, les conflits sociaux redoublent d'intensité, la répression s'in- tensifie et les prisons sont pleines. Tapis dans l'ombre, les fondamentalistes du groupe Ennahda guettent le pou- voir. L'explosion générale peut se produire à tout moment.

Officiellement libre et régie par la « Jamahiriya » (le système des congrès populaires), la Libye est gouvernée par une dictature politico-militaire issue du coup d'État du 1 septembre 1969. Après une période florissante postrévolutionnaire, l'économie libyenne est de plus en plus dépendante de l'initiative publique et de la seule res- source du pays : le pétrole. De tous les pays du Maghreb, c'est pourtant de loin le plus prospère, mais l'homme de la rue ne semble pas de toute évidence en profiter. La liberté d'opinion n'est de mise que pour ceux qui se ran- gent du côté du régime kadhafien. Pour les autres, c'est la galère. La suspicion règne à tous les niveaux. Les inté- rêts privés de certains dirigeants s'entremêlent sans ver- gogne avec ceux de l'État. Le clientélisme et la corrup- tion font la loi. Le suivisme et «l'omerta» sont de rigueur. La violence gratuite et l'arbitraire sont une constante. Tout cela se passe bien entendu... à l'insu du « Guide » de la révolution qui vit retranché dans la région de Syrte, au milieu de sa tribu des Kadhafeda. Officiel- lement, Kadhafi se veut au-dessus de la mêlée, un vrai nationaliste arabe, soucieux de l'indépendance et du

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bonheur de son peuple. En réalité, il n'est désormais qu'un simple surmené, manipulé au cours de ces der- nières années par une clique d'affairistes appartenant à sa famille ou à son entourage.

Cela ne va guère mieux en Egypte, malgré une image de marque apparemment débonnaire et son alignement sur la politique de l'Occident lors du conflit du Golfe. Le régime égyptien demeure une dictature politico-militaire soutenue et manipulée par un « iceberg » d'affairistes et de spéculateurs autochtones liés à la finance internatio- nale et à la politique de Washington. Le pouvoir est monopolisé par le NPD, le Parti national démocrate qui a réduit le parlement au rôle de figurant. Dix ans après l'assassinat de Sadate en 1981, les « lois d'urgence » ins- taurées à l'époque ont été reconduites le 18 mai 1991... Ce qui permet au Raïs égyptien de mettre en prison les dangereux révolutionnaires et terroristes « islamiques ». En réalité, la plupart de ces prisonniers ne sont que des citoyens de tous bords, exaspérés et mécontents du régime. L'ami américain, le président George Bush, vient de donner un ballon d'oxygène à son ami Moubarak en annulant des dettes militaires qui se chiffraient en mil- liards de dollars. Pour services rendus lors du conflit du Golfe ! Cela ne saurait sortir le pays du désastre écono- mique, mais cela permet de repousser momentanément les émeutes populaires qui pourraient bien se reproduire comme en 1977.

Le centre-nord du Soudan, à majorité musulmane, est contrôlé par une junte militaire pro-islamiste, dirigée par le général Omar Hassan al-Béchir. Grâce aux liens privi- légiés qui unissent ce général à Hassan al-Tourabi (le chef du Front national islamique soudanais), la capitale du pays, Khartoum, est devenue, ces derniers temps, la plaque tournante du courant musulman radical, ainsi que la principale base opérationnelle du Congrès populaire arabe et islamique (CPAI). Cette sorte d'Internationale verte centralise et coordonne la stratégie générale et les activités politiques d'environ 50 mouvements islamistes dans le monde.

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Le Sud-Soudan, chrétien-animiste, est en pleine révolte. A la guerre civile qui continue de saigner le pays depuis l'époque de Nimayri s'ajoutent la malnutrition due au sous-développement agricole et industriel et les épi- démies par manque d'infrastructures sanitaires. Ce pays est l'un des plus sous-développés de la planète, tant sur le plan matériel que moral.

On serait tenté de croire que le seul pays « occidental » de la région qui soit placé sous une bonne étoile, celle de David, est Israël. Et pourtant, depuis sa création en 1948, l'État juif vit en état de guerre permanente avec ses voi- sins arabes. Le climat engendré par l'Intifada dans les ter- ritoires occupés rend la situation plus explosive que jamais depuis 1987. La réaction des Palestiniens s'expli- que par le régime qu'ils ont eu à subir en Cisjordanie, à Gaza, au Golan et à Jérusalem-Est au cours de ces vingt- cinq dernières années. Ce ne furent que vexations, expul- sions, arrestations, confiscations des terres, destructions d'habitations et massacres en tout genre.

A l'intérieur de l'État proprement dit, et bien qu'il soit officiellement démocratique, le système politique israé- lien n'en est pas moins ouvertement discriminatoire. Il pratique une distinction systématique entre les citoyens nationaux juifs et les citoyens arabes installés dans le pays avant la guerre des Six Jours en 1967 (16 % de la population). La discrimination s'exerce à tous les niveaux: politique, religieux, administratif, financier, social, éducatif, culturel. Pour ne citer qu'un exemple, 92 % des terres appartiennent à l'État juif qui ne les loue qu'aux seuls Israéliens de religion juive. Le refus systé- matique des dirigeants israéliens de dialoguer avec l'OLP ou de se soumettre aux résolutions de l'ONU démontre à l'évidence, malgré la Conférence de Madrid, que le climat de guerre perdurera encore longtemps dans cette région.

Faisons le bilan de la situation du Liban après quinze ans de guerre civile : cent mille morts, trois cent mille blessés, deux millions d'exilés, un million de personnes déplacées, cinquante milliards de dollars de destructions.

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Aujourd'hui le Liban a officiellement retrouvé la « paix »... pardon, « la pax syriana » ! Quarante mille hommes de l'armée syrienne occupent toujours 85 % du territoire libanais. Les 15 % restants sont contrôlés par les Israéliens et leurs alliés libanais. Les moukabarats de Damas sont présents partout, y compris dans les bureaux et les appartements du « président » Elias Hraoui et du « gouvernement » d'Omar Karame Le gouvernement fantoche de Beyrouth obéit au doigt et à l'œil au prési- dent syrien Hafez el-Hassad, avec la bénédiction du roi Fahd d'Arabie Saoudite et de ses amis de la Ligue arabe.

Le parlement libanais ne correspond plus à rien. Il a été élu en 1972 — donc avant le conflit — par 12 % de la population et continue de « siéger » contre vents et marées en usurpant le mandat qui ne lui était confié que jusqu'en 1976 ! Après le décès ou le départ de quarante députés, les parlementaires remplaçants ont été désignés d'office par Damas... Inutile de dire que la liberté de presse et d'opi- nion, comme le respect des droits de l'homme, appartien- nent au passé. Après les accords de Taëf en 1989, l'élimi- nation du général Aoun en 1990 et la signature de l'accord syro-libanais de mai 1991, le Liban a perdu sa liberté et son indépendance pour n'être plus qu'un simple protecto- rat syrien. Avec l'aval tacite des États-Unis et des puis- sances occidentales. A quand l'annexion pure et simple de l'ancien Liban au « Bilad Ech-Cham », la Grande Syrie ?

En Syrie, la « secte » religieuse des « nusayris » ou « alaouites » représente moins de 12 % de la population, ce qui ne l'empêche pas de détenir l'intégralité des pou- voirs de l'État avec le président Hafez el-Assad et sa famille, passés maîtres dans l'élimination arbitraire de tous opposants sans exception. La Syrie n'est qu'un gigantesque camp de concentration à l'échelle nationale où la liberté, la démocratie et la justice ont été bannies une fois pour toutes du vocabulaire. C'est un univers orwellien où chacun espionne et soupçonne tout le monde, ce qui ne semble pas pour autant hanter les nuits

1. Omar Karame a démissionné le 7 mai 1992.

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des responsables de l'administration Bush qui jugent ce régime indispensable à la stratégie américaine.

Avant le dernier conflit du Golfe, la Syrie n'était ni plus ni moins que la copie conforme de son voisin irakien.

L'Irak, en plus, connaît aujourd'hui les affres terribles de l'après-guerre: environ 150 000 morts, des destruc- tions incalculables, 2 millions de Kurdes réfugiés dans des « no man's land » sous protection indirecte de l'ONU, des milliers de chiites irakiens massacrés par la répression brutale de l'armée de Bagdad ou en fuite vers l'Iran voisin.

Et pourtant, Saddam et le clan des al-Takriti sont tou- jours au pouvoir.

En Arabie Saoudite, le pouvoir est entre les mains d'une seule famille, le clan des Soudairi. A sa tête figurent les sept fils de Hassa bint Ahmed al-Soudairi et d'Abdul- Aziz ibn Saoud: l'actuel roi Fahd; le ministre de la Défense Sultan ; le ministre de l'Intérieur Nayef ; le vice- ministre Ahmed ; le gouverneur de Riyad, Salman ; le principal homme d'affaires du pays, Abdul-Rahman ; et l'« Arabic lover » Turki, actuellement en disgrâce auprès de la Cour.

On trouve ensuite le demi-frère du roi Fahd, Abdallah ibn Abdul-Azis ibn Saoud, membre du clan Shammar, prince héritier et vice-Premier ministre, et un neveu du roi, Saoud ibn Faysal, ministre des Affaires étrangères. A l'échelon inférieur, les autres parcelles du pouvoir sont contrôlées par les fils des susnommés : Saoud ibn Fahd, directeur des services de renseignements ; Mohammed ibn Fahd, gouverneur des provinces Est du royaume ; Kha- led ibn Sultan, commandant en chef de l'aviation ; Ban- dar ibn Sultan, ambassadeur à New York, auxquels se joignent les nombreux neveux, beaux-frères, cousins et demi-cousins de la famille régnante. En fait, un exemple classique de démocratie... familiale !

Le même scénario se répète dans l'ensemble des pétromonarchies du Golfe où le pouvoir est détenu par une poignée de nantis qui prennent les caisses de leurs États pour leur propre porte-monnaie. Dans ces États,

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régis par des dictatures prétendument de droit divin, les rois, les émirs, les cheikhs ont tous les droits, y compris celui de vie et de mort sur leurs sujets.

La Jordanie, peuplée à plus de 60 % de Palestiniens, est un pays à part, au Proche-Orient. C'est un royaume qui existe officiellement depuis le 24 avril 1919. Le monarque qui y règne depuis quarante ans, est le roi Hussein II : un descendant à la fois du prophète Mohammad (par sa fille Fatima et son petit-fils Hassan) et des puissants émirs Banu-Hachem, une tribu arabe qui, dans le passé, a gardé les lieux saints de La Mecque pendant huit siècles.

En Jordanie, officiellement, il n'y a pas de véritables partis politiques, bien que 27 organisations différentes se soient empressées depuis 1989 de demander au gouverne- ment les autorisations nécessaires pour exercer leurs acti- vités.

Pour l'instant, les principales forces politiques sont représentées à l'intérieur de la Charte nationale, une espèce de « Conseil des Sages », composé par 60 personna- lités jordaniennes, qui est le véritable « périmètre » politi- que et constitutionnel admis par le régime hashémite.

Ces derniers temps, à cause de la lourde crise économi- que (selon l'économiste Fahed Fanek, environ 175 000 familles jordaniennes vivraient au-dessous du seuil de pauvreté) qui sévit dans le pays, la Jordanie a commencé à glisser vers l'intégrisme, aussi bien politique que religieux.

Cependant, si l'on exclut les quelques centaines d'isla- mistes appartenant au Tahir, au Beit al-Mokadass, à la Jihad islamique et à la Dawa, ainsi que les quelques dizaines de Wahhabites pro-saoudiens, toutes les autres formations politiques jordaniennes (y compris les Frères musulmans) semblent afficher — à quelques nuances près — leur allégeance au roi.

Après la Guerre du Golfe, le roi Hussein — tradition- nellement considéré comme le plus sûr allié de l'Occident — a été mis carrément en quarantaine par Washington, prin- cipalement à cause de ses prises de position en faveur de Saddam. Situation qui lui fait de plus en plus craindre que

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la solution palestinienne puisse être réglée par la création d'un Etat sur... son territoire. Les deux Yémen, récemment unifiés, sont à la merci

des intégristes et des islamistes. Des foules de plus en plus nombreuses — dangereusement grossies par plus de six cent mille anciens travailleurs yéménites chassés d'Arabie Saoudite au début de la guerre du Golfe — réclament l'application de la Charia (la loi musulmane) et la récu- pération des trois provinces du nord du pays annexées par Riyad dans les années 30.

L'Iran de Rafsandjani (le nouveau shah) vit en pleine dictature politique. Les promesses de la révolution ne sont plus qu'un vernis. Le clientélisme du pouvoir favo- rise une minorité richissime, face à une masse de « mos- tazafins » (déshérités) de plus en plus nombreuse. Les vieilles méthodes de la Savak — avec leur corollaire d'as- sassinats d'opposants politiques à l'étranger, comme le leader kurde iranien Gassembou à Vienne, le frère de Massoud Radjani à Genève, Boroumand et Baktiar à Paris, etc. — sont plus que jamais de retour. Et l'inté- grisme religieux (à ne pas confondre avec l'islamisme révolutionnaire prêché par Khomeyni) s'affirme aussi rétrograde que le wahhabisme saoudien.

Un peu plus à l'est, reste l'Afghanistan. Oubliée par l'opinion publique et rangée au placard par les chancelle- ries des pays occidentaux, entre le départ des Soviétiques (1989) et les trois ans de « règne » de Mohammed Nadji- boullah (l'ancien homme fort de Moscou), cette région du monde est encore et toujours en proie au désarroi. Ceci malgré l'effondrement du régime communiste afghan et la prise de Kaboul, en avril 1992, par les moud- jahidin modérés du commandant Massoud et les forma- tions intégristes de Gulbuddin Hekmatyar. Les luttes intestines entre les différents groupes de l'an- cienne résistance ne semblent pas sur le point de s'apai- ser. En particulier, entre les principales formations mili- taires des moudjahidin sunnites, comme le Hezb-I-Islami (parti islamique) d'Hekmatyar, le Jamiat-I-Islami (la Société de l'Islam) de Borhauddin Rabbani, le Hezb-I-

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Islami de Yunnus Khales, le Giabba (Front de libération national) de Seggatullah Mojaddedi, le Ittihad-I-Islami (Alliance islamique) d'Abdul Rassul Sayyaf, le Madjaz-I- Islami (Front national islamique) de Pir Sayyed Ahmed Gaylani ou le Harekat-I-Enghelab-I-Islami (le Mouve- ment de la révolution islamique) de Nabi Mohammedi. Mais aussi entre ces groupes et les différentes formations militaires chiites (également opposées entre elles), comme le Sepah-I-Pasdaran (l'Armée des gardiens de la révolu- tion islamique), le Nasr (l'Exemple islamique), le Harekat-I-Islami (le Mouvement islamique), le Fajr (l'Aurore), le Madjima Velayate-e-Fahri (la Ligue des partisans du gouvernement du théologien), le Shahis Haji Nouruz Ali (les Martyrs d'Ali), le Hezb Islami Raad (le Parti islamique) et l'Andjoman Doaye Nodbeh (l'Associa- tion de la prière).

Difficile, dans ces conditions, de prévoir l'avenir de l'Afghanistan. Surtout lorsque l'on sait que les tradition- nels affrontements tribaux et ethniques entre Pachtouns (5 à 6 millions d'individus), Tadjiks (3 millions environ), Hazaras (2,5 millions), Ouzbeck (2 millions), Turkmènes (moins d'un million) et Paloutches, ont de plus en plus tendance à s'entremêler aux profondes et ancestrales divergences politiques et religieuses — entre sunnites (80 % de la population), chiites (19 % environ) et indus (1 /%) — qui existent au sein de la population de ce pays.

2. VOIR LES PROBLÈMES EN FACE

— De la Mauritanie à l'Afghanistan, le tableau que vous dressez est pour le moins catastrophique. Comment ces pays en sont-ils arrivés là ?

— Pas facile de répondre à cette question. En effet,

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Dans un esprit de totale impartialité, « Tribune Libre » n'a d'autre ambition que de contribuer à l'expression et à la diffusion d'idées et d'opinions les plus diverses sur des sujets contemporains d'intérêt majeur. « Tribune Libre » ne prétend donc nullement adhérer obligatoirement à tous les points de vue confrontés. Son objectif est de permettre à ses auteurs d'exposer intégralement leurs positions, de présenter la défense et la pluralité de sensibilités susceptibles de soulever opposition ou contradiction, mais surtout d'ouvrir et d'élargir des débats, d'inciter à la réflexion et de combler parfois un manque d'informations préjudiciable à la juste analyse des grands problèmes de société.

Selon Alberto Mariantoni, la guerre du Golfe n'a été que la consé- quence implacable d'une série de séismes provoqués à l'origine par la fondation de l'Etat d'Israël en 1948. Depuis cette date, les tragédies se sont enchaînées, ensanglantant le Proche-Orient, le Moyen-Orient et le Maghreb. Première tentative d'approche globale et analytique d'une situation inévitablement explosive, ce livre, rédigé de manière directe et acces- sible, a pour mérite essentiel de démêler un écheveau de faits trop sou- vent méconnus ou occultés. Ne ménageant personne, ni l'Occident et en particulier les Etats-Unis, ni Israël, ni l'O.N.U, ni les Nations arabes et musulmanes dans leur diversité, Mariantoni ne se contente pas de raconter une histoire qui vient de loin, mais il l'éclaire et l'explique sans complaisance. Un parcours qui permet de mieux cerner la réalité et l'effrayante complexité du problème, depuis les premiers affronte- ments israélo-arabes jusqu'à l'après-guerre du Golfe que nous vi- vons actuellement, en passant par l'arrivée au pouvoir de Nasser et de Kadhafi, la révolution islamique en Iran, la guerre civile libanaise, la question palestinienne et l'Intifada. Selon l'auteur, révolté de voir la justice inégalement appliquée selon les intérêts en cause, la crise qui perdure n'est souvent que le fruit de combinaisons et de mystifications hautement condamnables. Sans craindre de déplaire aux uns et aux autres, démontant les rouages mas- qués d'une guerre programmée, il ose énoncer sans détour les réponses dérangeantes. Autopsie décapante en faveur d'un objectif unique : contribuer, autant que faire se peut, à l'évolution nécessaire des esprits dans l'espoir d'un dénouement le plus équitable possible pour toutes les populations concernées.

Alberto B. Mariantoni, de nationalité italienne, né à Rieti en 1947, polito- logue et journaliste spécialiste du monde arabe et musulman dont il a per- sonnellement interviewé les plus grands leaders. Collabore ou a collaboré notamment à des organes de presse tels que : Panorama, Corriere della Sera, Radio Vatican, Avvenire, le Journal de Genève, Le Matin de Lausanne, le Figaro, le Point.

Fred Oberson, de nationalité suisse, né à Fribourg en 1939, essayiste, auteur de plusieurs ouvrages en faveur des minorités, défenseur des idées euro- péennes.

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