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w Infiniment petit : la science change d’échelle © Commissariat à l’énergie atomique, 2008 Direction de la communication Bâtiment siège 91191 Gif-sur-Yvette – www.cea.fr ISSN 1637-5408. w Le nanomonde 18 w Le nanomonde DE LA RECHERCHE À L’INDUSTRIE PLONGÉE DANS LE NANOMONDE TECHNOLOGIES POUR L’INFORMATION ET LA COMMUNICATION NANOMATÉRIAUX UNE MÉDECINE À L’ÉCHELLE NANO POUR UN DÉVELOPPEMENT CITOYEN LA COLLECTION 1 w L’atome 2 w La radioactivité 3 w L’homme et les rayonnements 4 w L’énergie 5 w L’énergie nucléaire: fusion et fission 6 w Le fonctionnement d’un réacteur nucléaire 7 w Le cycle du combustible nucléaire 8 w La microélectronique 9 w Le laser 10 w L’imagerie médicale 11 w L’astrophysique nucléaire 12 w L’hydrogène 13 w Le Soleil 14 w Les déchets radioactifs 15 w Le climat 16 w La simulation numérique 17 w Les séismes 18 w Le nanomonde

Le Nanomonde

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w Infiniment petit : la science change d’échelle

© Commissariat à l’énergie atomique, 2008Direction de la communicationBâtiment siège91191 Gif-sur-Yvette – www.cea.fr

ISSN 1637-5408.

w Le nanomonde18 w Le nanomonde

D E L A R E C H E R C H E

À L’ I N D U S T R I E

PLONGÉE DANS LE NANOMONDETECHNOLOGIES POUR L’INFORMATIONET LA COMMUNICATIONNANOMATÉRIAUXUNE MÉDECINE À L’ÉCHELLE NANOPOUR UN DÉVELOPPEMENT CITOYEN

LA COLLECTION

1 w L’atome2 w La radioactivité3 w L’homme et les rayonnements4 w L’énergie5 w L’énergie nucléaire : fusion et fission6 w Le fonctionnement d’un réacteur nucléaire7 w Le cycle du combustible nucléaire8 w La microélectronique9 w Le laser

10 w L’imagerie médicale11 w L’astrophysique nucléaire12 w L’hydrogène13 w Le Soleil14 w Les déchets radioactifs15 w Le climat16 w La simulation numérique17 w Les séismes18 w Le nanomonde

Infiniment petit : la science change d’échelle 18 w Le nanomonde

w SOMMAIRE 32

À l’échelle du nanomètre

Depuis quelques dizaines d’années, lesrecherches s’orientent vers l’infiniment

petit : le nanomonde. Le nanomètre représenteun milliardième de mètre, 50000 fois pluspetit que l’épaisseur d’un cheveu! C’est ce quipermet de nous rapprocher de la taille d’unatome: 0,1 nm. Dans la nature, cette échelleest courante : au niveau des assemblagesd’atomes pour former des molécules, desprotéines, et au niveau de leurs interactions.On comprend mieux qu’à cette taille, il esttout à fait possible de manipuler la matière,atome par atome, de la fabriquer, d’améliorerses propriétés chimiques, physiques ouélectroniques.

“Associant les compétences des chercheursen chimie, physique et biologie, plusieursvoies prometteuses s’ouvrent à la science.”

Associant les compétences des chercheurs enchimie, physique et biologie, plusieurs voiesprometteuses s’ouvrent à la science dans l’universdes matériaux, de l’électronique ou de lamédecine. Le résultat est déjà visible à traverstrois exemples: les objets communicants, cesobjets du quotidien dotés d’une interface decommunication et de logiciel embarqué, lesbiopuces et les systèmes mécaniques miniatures.Ce nouveau champ de recherche est le premierà prendre en compte simultanément lesdéveloppements technologiques et lesrépercussions sanitaires, environnementales et sociales. Cela devrait permettre d’anticiperles risques potentiels et de faire évoluer des réglementations spécifiques en fonctiondes progrès des connaissances et desrecherches en cours.

PLONGÉE DANS LE NANOMONDE 4Top-down et bottom-up 5Des outils très fins et précis 6

TECHNOLOGIES POURL’INFORMATION ET LA COMMUNICATION 9

L’évolution de lamicroélectronique 10Comment repousser les limitesde la loi de Moore? 12La démarche bottom-up àpartir de nanocomposants 13

NANOMATÉRIAUX 16Influence de la structure 17Des nanos au service de l’énergie 19

UNE MÉDECINE À L’ÉCHELLE NANO 21Un diagnostic plus rapide 22

Des traitements plus efficaces 24Autres innovations 26

POUR UN DÉVELOPPEMENTCITOYEN 27Des applications dans tous les domaines 28Risques potentiels 29Questions éthiques 30

w INTRODUCTION 3

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Membranes pour piles à combustible,nanocomposants pour l’électronique etcriblage moléculairesont trois exemplesd’applications parmid’autres en liaisonavec le quotidien.

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Conception et réalisation: – www.specifique.fr – Photo de couverture: images de nanofils de silicium obtenues par micro-scopie électronique à balayage. © P. Gentile/CEA – Frise de la couverture: D. Vinçon/CEA – P. Stroppa/CEA– Illustrations: Yuvanoé –Impression: Imprimerie Euroland – 05/2008

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Cartographie chimique de nanoparticules magnétiques.

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L’ESSOR CONSTANT DE LA MINIATURISATION VA DE PAIRAVEC LA MISE AU POINT DE NOUVEAUX MICROSCOPES, OUVRANTLA VOIE AUX NANOSCIENCES ET AUX NANOTECHNOLOGIES.

Les possibilités offertes par la miniaturisa-tion avaient été perçues très en amont, dès1959, par le physicien Richard PhillipsFeynman. Celui-ci avait émis l’hypothèse quel’homme pouvait manipuler les atomes et lesutiliser soit pour stocker de l’information,soit pour créer des systèmes fonctionnels.L’idée était là, mais pas les instruments per-mettant de vérifier cette hypothèse.En appliquant à l’électronique une loi éco-nomique datant de la fin du XIXe siècle, GordonMoore, cofondateur d’Intel, estimait en 1965que la cadence de miniaturisation des tran-sistors intégrés sur une même puce suivraitune pente régulière. En 1974, une pucecontenait 4 transistors intégrés. Aujourd’hui,cette même puce en contient des dizainesde millions, chacun de la taille de 100 nm.En 2020, selon la courbe de cette « loi deMoore », les transistors devraient atteindre10 nm ! Grâce à cette miniaturisation, les industriels frac-tionnent le cœur des processeurs en plusieurssous-unités travaillant parallèlement, augmen-tant ainsi les fonctionnalités des processeurs.

TOP-DOWN ET BOTTOM-UPCette volonté de miniaturisation est celle dela voie descendante, ou top-down. Le maté-riau est découpé, sculpté, gravé pour atteindrela dimension souhaitée, grâce à l’instru-mentation élaborée et améliorée parl’homme, en vue d’atteindre le micromètre,puis le nanomètre.

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Plongée dansle nanomondePlongée dansle nanomonde

Première mondiale: en 1999, un transistor MOS expérimentalde 20 nanomètres est réalisé.

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“Selon la loi de Moore,d’ici à 2020, la taille

des transistors devraitatteindre 10 nm, contre

100 nm aujourd’hui.”

À l’inverse, la voie ascendante, ou bottom-

up,permet d’assembler atome par atome desagrégats, puis des molécules, pour construirela matière. Cette voie est similaire à cellesuivie par la Nature qui, à partir de molé-cules simples, a formé le monde du vivantdurant les 4 milliards d’années d’évolution.L’étude du nanomonde englobe : • les nanosciences, qui étudient la compositionde la matière, son assemblage et ses propriétés

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w PLONGÉE DANS LE NANOMONDE 7

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6 w PLONGÉE DANS LE NANOMONDE

atome par atome, la surface d’un matériau. Ilest uniquement utilisé pour l’observation dela surface des matériaux conducteurs.Une tension électrique, créant un courantd’électrons, est exercée entre la pointe et lasurface. La surface est donc balayée à une dis-tance de quelques nanomètres, la pointe cap-ture les électrons qui transitent grâce à l’effettunnel. Les variations de ce « courant tunnel »sont enregistrées et traitées par un ordinateurfournissant une image du relief de la matière,atome par atome (voir encadrés).Ses inventeurs, les Suisses Gerd Binnig etHeinrich Rohrer, du laboratoire de recherched’IBM à Zurich, ont été couronnés par le prix

Chaque « bosse » de cette surface correspond

à une molécule. ©C

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LA PHYSIQUE QUANTIQUE

Le monde nano est àl’interface du mondequantique et du mondemacroscopique – on parle à son sujet de dimensionmésoscopique. Ses lois sont parfoiscelles de la physiqueclassique (basée sur les théories deNewton du début duXVIIIe siècle) et parfoiscelles de la physiquequantique.La physique quantique est apparue au XXe siècle.Elle doit son nom au principe du quanta de Planck, qui permetd’exprimer toutemanifestation de l’énergie par une valeur« discrète », appeléeaussi « quantum »(unité indivisible).

La physique quantiquedéfinit un monde « en escalier » où toutest quantifiable. Lesatomes peuvent avoirplusieurs états, chacunassocié à un niveaud’énergie différent. Le passage d’un état à l’autre ne peut se faireque si l’atome reçoit une quantité d’énergieprécise et suffisante.Cette énergie peut venir de la lumière, sous forme de« paquets » de photonsde longueurs d’ondedifférentes.En physique classique, il existe deuxphénomènes distincts : la particule et l’onde. En physique quantique,ces deux phénomènescoexistent : l’électron

n’est pas seulement une particule chargéeélectriquement maiségalement une onde, tout comme le photon,particule que l’on trouve

dans la lumière. Enfonction du contexte, un électron peut donc se présenter soit sousforme de particule, soitsous forme d’onde.

Quantronium: première réalisation d’un bit quantique sur unepuce électronique.

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L’EFFET TUNNELLa mécanique quantique prédit des comportements inhabituelsdont l’effet tunnel est un bonexemple. D’après les lois de la mécanique classique, une ballene peut pas passer par-dessus une colline si on ne lui donne pas une énergie initiale suffisante.La mécanique quantique a montréqu’un électron peut franchir la colline sans qu’on lui apporte de l’énergie: il peut passer de l’autre côté comme s’il avaittrouvé un tunnel.Cet effet est visible naturellement dans les phénomènes deradioactivité. Ainsi, lorsque le radium 226 se transforme en radon 222 en émettant un rayonnement alpha…

intimes à l’échelle du nanomètre ;• les nanotechnologies, qui correspondentaux techniques et outils utilisés pour étudierces nouvelles propriétés de la matière et pourréaliser de nouveaux dispositifs, objets etsystèmes qui les exploitent.

DES OUTILS TRÈS FINS ET PRÉCISPour manipuler des objets aussi petits, lesoutils doivent être très fins et précis.Le microscope à effet tunnel est l’un des pre-miers instruments créés afin de « voir » lesatomes à la surface de la matière. Cet ins-trument comporte une pointe métalliqueextrêmement fine qui permet de cartographier,

Le microscope à effet tunnel

En physique classique, le ballon lâché depuis le point A ne peut monter plus haut que le point B (loi de la dynamique).

En physique quantique, l’électron, arrivé au point B, peut, par effet tunnel, atteindre le point C situé de l’autre côté de la colline.

Courant d’électrons

Courant d’électrons

Déplacements

Échantillon

Pointe

SPINTRONIQUE, PHOTONIQUE, ÉLECTRONIQUEMOLÉCULAIRE… AUTANT DE TECHNOLOGIES À L’ÉTUDEPOUR MINIATURISER DAVANTAGE LES TRANSISTORS.

Technologies pourl’information et la communication

Technologies pourl’information et la communication

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9w PLONGÉE DANS LE NANOMONDE

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Nobel de physique en 1986.Ce microscope permet aujourd’hui de déplacerchaque atome, comme un « pic à atome »,en augmentant la tension électrique.Le microscope à force atomique permet d’obser-ver des matériaux non conducteurs, tels que les matériaux céramiques, polymères oubiologiques.S’appuyant sur un dispositif semblable àcelui qui équipait la tête de lecture des tourne-disques, il est 100 % mécanique. La pointede ce microscope est fixée sur un bras delevier flexible, qui est en interaction avec la

surface du matériau. Elle balaye la surfaceen suivant à très faible distance le relief. Ladéformation du levier, éclairé par un laser,est mesurée par un photodétecteur et enre-gistrée sur un ordinateur.Dans un grand nombre d’expériences, leschercheurs ont recours à la puissance decalcul des supercalculateurs pour modéliserl’assemblage atomique et restituer ses pro-priétés propres. L’objectif est d’augmenter lesconnaissances en sciences de la matière oudu vivant et de constituer en amont desassemblages inédits ou de contrôler certainespropriétés.

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Vue, à travers un hublot, d’un microscopeà force atomique (AFM) fonctionnant sous ultravide.

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Superposition d’images: la surfaceobservée au microscope à effet tunnels’accorde avec le modèle des seulsatomes d’aluminium la composant.

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Bras de levier

DéplacementÉchantillon

Le microscope à force atomique

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les fonctionnalités. Cette technique de photoli-thographie est limitée par les phénomènes dediffraction et de longueur d’onde du faisceaude lumière utilisé.Des améliorations sont en coursde test pour augmenter la précision. Par exemple,la longueur d’onde des lumières utilisées à tra-vers les pochoirs a été diminuée pour descendredu bleu au bleu profond puis à l’ultraviolet. Maisde nouvelles lentilles doivent être mises au pointpour focaliser cette lumière de plus en plus éner-gétique. La résolution spatiale a été doublée entirant parti du caractère ondulatoire de la lumièreet du principe d’interférence. Le renforcementsélectif des ondeslumineuses mène àune exposition accruede la résine photosensible, tandis que leur annu-lation laisse des structures dans l’obscurité.On peut également graver des motifs sur lespuces au moyen de faisceaux d’électrons, maisles dessins doivent alors être tracés les unsaprès les autres. La lithographie à faisceaud’électrons (e-beam) permet d’atteindre unerésolution nanométrique, car la longueur d’ondedes électrons est de l’ordre de quelques nano-mètres. C’est idéal pour produire le pochoirinitial qui sera réutilisé des milliers de fois enlithographie optique, ou pour la fabrication decircuits expérimentaux en laboratoire… maispas pour la production en masse de puces.La photolithographie atteindra ses limitestechniques lorsque les détails les plus finsmesureront de 10 à 20 nm, ce qui devraitarriver à l’horizon de 2015. À cette échelle,

des effets dus à la physique quantique semanifesteront et perturberont le fonctionne-ment des circuits ; par exemple, des élec-trons pourront sauter d’un « fil » à l’autrepar effet tunnel (voir encadré page 7).Outre les limites physiques, les investisse-ments nécessaires pour construire des usinescapables de graver des circuits aussi finsdeviendront prohibitifs (estimés aujourd’huià plus de 5 milliards d’euros). La voie top-down, qui aura poussé jusqu’à l’extrême laminiaturisation du transistor MOS (Metaloxide semiconductor), devrait atteindre seslimites vers 2020.Un changement de technologie devrait alorss’imposer : ce sera le début de la véritablenanoélectronique, qui prendra en compte lespropriétés de la matière à cette échelle. Lescomposants de base ne seront plus les mêmes.

Les technologies pour l’information et la com-munication recourent comme matériau de baseaux nanocomposants. Ceux-ci sont fabriquésde deux manières (voir page 5).La voie descendante, ou top-down, permet deréduire le plus possible les dimensions du com-posant que l’on veut fabriquer. C’est la voie suiviepar l’électronique depuis quarante ans.L’exemple le plus remarquable en est le circuitintégré sur puce.La voie ascendante, ou bottom-up, permet deconstruire des molécules ou des assemblages ato-miques complexes, intégrés ensuite dans de plusgrands systèmes. Elle vise à fabriquer plus petit,moins cher et avec une qualité accrue. C’est l’unedes voies d’avenir à plus ou moins long termepour dépasser les limitations de la loi de Moore.

L’ÉVOLUTION DELA MICROÉLECTRONIQUELe silicium, matériau de base de toute l’indus-trie électronique, est un élément abondant,puisqu’il est extrait du sable par purification(94 % de la croûte terrestre est composée desilice!). Il est cristallisé sous la forme de bar-reaux de 20 à 30cm de diamètre, lesquels serontdécoupés en tranches de moins d’un millimètred’épaisseur. Sur ces tranches sont fabriquées enmême temps des centaines de puces, par photo-lithographie. Celle-ci consiste à reproduire, dansune résine photosensible, le dessin des circuits àréaliser, à l’image de pochoirs que l’on pourraitsuperposer pour obtenir des circuits de plus enplus complexes. Ces motifs compliqués sont

générés en une seule exposition. Les détails sontimprimés sur le substrat quand la lumière passeà travers les ouvertures d’un masque, définissantd’une manière précise et reproductible des mil-lions de transistors. Les traits les plus fins obtenusaujourd’hui industriellement ont une épaisseurde 45 nanomètres, ce qui permet de disposer etde connecter des millions de composants de base– les transistors – par circuit et de multiplier ainsi

On parle d’interférencelorsque deux ondes demême type se rencontrent.

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Une plaque de silicium 200 mm contenant des circuitsélectriques.

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Observation des motifs gravés grâce à un microscope optique.

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COMMENT REPOUSSER LESLIMITES DE LA LOI DE MOORE?Plusieurs options sont possibles pour pro-longer la voie de la miniaturisation, dont voicideux exemples.La spintronique réalise le mariage entre l’électro-nique et le magnétisme. Alors que l’électroniqueactuelle est entièrement basée sur la manipu-lation de la charge électrique portée par les élec-trons, la spintronique utilise leur spin. Lesélectrons ont troisparticularités phy-siques: leur masse, leur charge et leur spin. Pourcette dernière caractéristique intrinsèque, toutse passe comme si le moment magnétique del’électron s’apparentait au sens de rotation internede celui-ci autour d’un axe fixe imaginaire. Pourles électrons, le spin ne peut prendre que deuxvaleurs: +1/2 spin dit « up » ou -1/2 spin dit

« down », correspondant ainsi au fait qu’il nepeut tourner que dans un sens ou dans l’autre.On peut utiliser cette propriété pour obtenir desfonctionnalités nouvelles, par exemple pourcoder, traiter ou transmettre une information.Une grande variété de dispositifs innovants uti-lisant le spin des électrons peut être réalisée.Ces dispositifs combinent des matériauxmagnétiques qui servent de polariseur ou ana-lyseur en spin et des matériaux conducteurs,isolants ou semiconducteurs.Des dispositifs spintroniques sont déjà utilisésdans les disques durs d’ordinateur. Il s’agit decapteurs dont la résistance électrique varie enfonction du champ magnétique appliqué. Ilspermettent de relire l’information magnétiqueenregistrée sur le disque magnétique. La spin-tronique permet d’envisager de pousser lacapacité de stockage sur les disques durs au-delà du térabit (1015 bits) par pouce carré,c’est-à-dire 155 milliards de bits/cm2.D’autres applications industrielles sont en trainde voir le jour.Ainsi, des mémoires magnétiquespeuvent être réalisées sans aucune pièce mobile(contrairement aux disques durs). Ces mémoiressont formées d’un réseau de piliers magnétiquesde dimension nanométrique, eux-mêmes consti-tués de couches magnétiques dont le sens del’aimantation (+1/2 ou -1/2) détermine l’étatdu bit (respectivement 0 ou 1). Non seulementces mémoires vives ne disparaissent pas en casde coupure d’alimentation (non-volatilité), maiselles sont très rapides (écriture et lecture nedurent que quelques nanosecondes) et sont

Moment magnétique de l’électron

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insensibles aux rayonnements ionisants. Ellespermettent de concevoir des ordinateurs quel’on pourrait éteindre et allumer instantanémenten gardant toute l’information à l’écran. D’autresapplications sont en cours de développementpour la réalisation de composants radiofré-quence pour les télécommunications et lesréseaux sans fil.La photonique utilise la lumière pour coder l’in-formation. Tous les systèmes actuels (une puced’ordinateur, un circuit intégré, un transistor) sontbasés sur le transport, le confinement et les pro-priétés physiques de l’électron. Mais si, pour allerplus vite, il était remplacé par le photon? Celui-ci, outre qu’il se déplace à la vitesse de la lumière(300000 km/s), provoque peu de dissipation dechaleur lors de son déplacement.Mais, avant d’employer les photons comme moyende codage d’information dans une puce, il fautmettre au point tous les composants de la chaîne,de l’émetteur au récepteur, en passant par lesguides et les modulateurs. Le silicium, vedette

Banc de mesure de composants spintroniques

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de la microélectronique, est une piètre sourcede lumière… à l’état macroscopique. La solu-tion est venue de la nanostructuration : soumisaux lois étranges du monde quantique, uncristal de silicium, réduit à une dizaine de nano-mètres, voit ses performances d’émission for-tement modifiées ! Pour guider ces photons,pas question d’utiliser des fibres optiques oudes miroirs aux dimensions millimétriques,mais un dispositif bien plus efficace : le cristalphotonique. Constitués en perçant de minus-cules trous de manière périodique dans unsemi-conducteur, ces cristaux réfléchissent etdirigent la lumière. Ils peuvent aussi la filtrer,en agissant sur des longueurs d’onde particu-lières et permettent de la confiner dans unvolume extrêmement faible (quelques cen-taines de nm). La modulation, le multiplexage

et le décodage dessignaux sont lestrois domaines oùde nombreux pro-grès sont en courspour aller vers l’or-dinateur à pho-

tons. C’est cette possibilité de multiplexage qui,en permettant les calculs parallèles, représentele « plus » de l’ordinateur photonique.

LA DÉMARCHE BOTTOM-UP ÀPARTIR DE NANOCOMPOSANTSCette nouvelle approche est envisageable poursurmonter les obstacles de la miniaturisation. Ellefait appel à des connaissances fondamentales

“Des mémoires vivespersistantes et rapidesgrâce à la spintronique.”

•Modulation : codage des signauxoptiques par l’information àtransmettre.

•Multiplexage: division d’une voiede transmission communeen plusieurs voies distinctespouvant transmettre simultanémentdes signaux indépendantsdans le même sens.

MINATECPôle d’excellence européen en micro et nanotechnologies.Autour de l’Institut Léti* du CEA est organisé un campusregroupant institutions universitaires et entreprises privées.Officiellement inauguré en juin 2006 et situé à Grenoble,Minatec met à leur disposition des salles blanches et une plateforme de nanocaractérisation unique en Europe,pour un investissement d’un milliard d’euros sur dix ans.*Laboratoire d’électronique et des technologies de l’information.

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de physique et de chimie et permet de concevoirles composants entièrement nouveaux de l’élec-tronique moléculaire.Si la fabrication atome par atome de nano-composants est possible, elle est inenvisa-geable industriellement sans la maîtrise deprocédés d’auto-assemblage de la matière,car elle prendrait un temps infini. À défaut deconstruire un circuit et ses nanocomposants,ce qui serait trop long et trop cher, les cher-cheurs envisagent la conception d’entités molé-culaires dotées de fonctions électroniquescapables de s’organiser seules. Pour les fabri-quer, ils disposent de quatre briques de base :les molécules de synthèse, faciles à obtenir,les biomolécules comme l’ADN, les nanopar-ticules métalliques ou semi-conductrices et

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les nanotubes de carbone. Mais la voie de l’auto-assemblage est difficile: il faut réussir à contrôlerle positionnement des briques.Des charges positives et négatives s’attirent :si l’on ajoute des molécules chargées néga-tivement à la surface d’un wafer, elles vontattirer les moléculeschargées positivementgreffées à la surfacede nanotubes, créant ainsi des nanocompo-sants. Reste à résoudre le problème des jonc-tions entre ces composants et le reste ducircuit ; faute de quoi, l’électronique molé-culaire en restera là, malgré des perspectivestrès séduisantes.En 1974, la première diode moléculaire a étéréalisée sur une couche de molécules indivi-duelles. Non plus faite en silicium, elle a étéobtenue par la mise en contact de deux mor-ceaux de semi-conducteurs : l’un des maté-riaux comporte de nombreux électrons, alorsque le deuxième en est extrêmement pauvre.Des molécules qui présentent cette même asy-métrie ont ensuite été conçues ; puis un tran-sistor dans lequel le canal était formé d’unede ces molécules.Ce dispositif a donné des preuves flagrantesdu comportement quantique des électrons.On peut aussi concevoir un transistor à un seulélectron. Le principe consiste à ajouter unespace en matériau semi-conducteur entre lasource et le drain du transistor, où seul unnombre déterminé d’électrons peut s’accu-muler. Quand une tension électrique est appli-

quée entre la source et le drain, l’espace seremplit, puis le courant ne passe plus (phé-nomène de blocage de Coulomb). Lorsque l’onapplique une tension sur la grille du transistor,un nouvel électron peut entrer, tandis qu’unautre sort de cet espace. Ainsi, en modifiantla tension de grille, on réalise de l’électroniqueà un seul électron.

w TECHNOLOGIES POUR L’INFORMATION ET LA COMMUNICATION

En chimie et en science des matériaux, l'allotropie est la propriété de certains corps simples d'exister sousplusieurs formes cristallines ou moléculaires. Par exemplele carbone, qui apparaît sous une forme non structurée: la mine de crayon, ou structurée: le diamant. La mine decrayon est composée d’un empilement de feuilletsmonoatomiques d’atomes de carbone disposés en hexagones. Si l’on isole un seul feuillet de la structure, on obtient du graphène, qui présente des propriétés de transport électronique remarquables. Si l’on enroule ce feuillet sur lui-même, il peut prendre la forme d’unnanotube. Le nanotube a des propriétés mécaniques etélectriques surprenantes qui promettent des applicationsnombreuses et une industrialisation dans un avenir proche:• le nanotube est 100 fois plus résistant et 6 fois plusléger que l’acier. Il peut donc être utilisé pour fabriquerdes matériaux composites hautes performances et remplacer les traditionnelles fibres de carbone :raquettes de tennis ou clubs de golf sont des exemplesd’applications grand public.• en fonction de l’angle d’enroulement du feuillet degraphite, le nanotube est soit un excellent conducteurd’électricité, soit un semi-conducteur. Les conducteurspourront être utilisés dans la fabrication de nanofilsélectriques, ou comme nano-électrodes dans les écransplats de télévision ou d’ordinateur. Un nanotube semi-conducteur et un conducteur assemblés pourront être utilisés comme éléments de base pour fabriquer des composants électroniques nanométriques.

GRAPHÈNE ET NANOTUBE DE CARBONE

Lorsque l’on applique une tension déterminée sur la grille, un électron peut entrer dans « l’île de Coulomb » tandis qu’unautre en sort. Il s’établit dans le transistor un courant dontl’intensité dépend du nombre d’électrons présents dans l’île.

Un circuit d’expérimentation en électronique quantique.

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“Le photon, qui se déplace à la vitesse de la lumière, pourrait remplacer l’électronpour coder les informations dans une puce.”

Galette ultrafine, le plussouvent de silicium, oùsont gravés les composants.

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Nanotube de carbone multifeuillet.

Ile de Coulomb

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Plus un objet est petit, plus sa surface externeest importante par rapport à son volume. Lesobjets nanométriques sont caractérisés par unnombre d’atomes en surface identique au nombred’atomes en volume. Les phénomènes de sur-face jouent donc un rôle désormais prédomi-nant. Le monde naturel l’illustre bien (voirencadré page suivante) : ainsi, un insecte peutmarcher sur l’eau mais, grossi 500 fois jusqu’àla taille d’un éléphant, il n’en serait plus capable.De plus, ce qui se passe à l’interface entrechaque élément constitutif est aussi trèsimportant. Plus il y a d’éléments, plus la sur-face d’échange augmente. Celle des objetsnanométriques est par conséquent immense.

w NANOMATÉRIAUX

L’observation des matériaux au microscope faitapparaître leur composition, leur structure,granulaire ou fibreuse, et leurs défauts. Ellerévèle, par exemple, que les alliages métalliquessont constitués d’agrégats de grains de taillemicrométrique.

INFLUENCE DE LA STRUCTURELa structure détermine les propriétés optiques,mécaniques, électriques, magnétiques, ther-miques… des matériaux. En faisant coïnciderl’échelle d’homogénéité des matériaux avecl’échelle d’action de phénomènes physiques,on peut modifier certaines de leurs caracté-ristiques. Ainsi, un verre millistructuré esttransparent mais pas superhydrophobe, tandisqu’un verre microstructuré est opaque maistoujours pas superhydrophobe. Seul un verrenanostructuré est transparent et superhydro-phobe.Les nanomatériaux sont donc volontairementfaçonnés à cette échelle : ils sont constituésd’éléments nanométriques qui vont leurconférer la propriété recherchée. Ils peuventse présenter sous forme de nanopoudre ou comprennent des nanoparticules intégréesdans une matrice ordinaire (on parle alors dematériaux composites). En diminuant la taille des grains, on obtientdes matériaux plus légers et ayant de meilleurespropriétés mécaniques, par exemple plus résis-tants. Les matériaux obtenus sont plus mal-léables car les grains glissent plus facilementles uns par rapport aux autres.

Réacteur de l’installation pilote de synthèse de nanopoudrespar la méthode de pyrolyse laser en flux, en coursd’installation.

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CONSTRUIRE DES NANOMATÉRIAUX AUX PROPRIÉTÉSNOUVELLES POUR L’ÉNERGIE, LES TRANSPORTSET D’AUTRES APPLICATIONS DE LA VIE QUOTIDIENNE.

Nanomatériaux Nanomatériaux

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Infiniment petit : la science change d’échelle 18 w Le nanomonde Infiniment petit : la science change d’échelle 18 w Le nanomonde

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la surface d’un objet en matériau ordinaire avecdes procédés comme le sol-gel ou le dépôt enphase vapeur. Les objets nanométriques « naturels » sontdepuis toujours présents dans notre environ-nement. Les grains d’argent des émulsionsphotographiques, la poudre à base d’encre deChine, les colorants des verres (de certainescathédrales par exemple) contiennent desnanoparticules. Mais les objets dérivant desnanotechnologies ne sont fabriqués que depuisquelques années. Aujourd’hui, plus de350 produits grand public sont commercia-lisés pour lesquels le constructeur mentionneau moins un élément dérivé des nanotechno-logies. Parmi eux, on compte des cosmé-tiques, des systèmes électroniques et desproduits ménagers et sportifs.Pour beaucoup d’applications, des nanoparti-cules aux propriétés déterminées sont inclusesdans une matrice, créant ainsi un matériaucomposite fonctionnel. Tout, ou presque, estenvisageable : béton ultraléger, résistant etauto-cicatrisant, film de polyéthylène anti-bactérien (en incluant des nanoparticules d’ar-gent) et imperméable aux rayons UV (grâce àdes nanoparticules de dioxyde de titane),crèmes solaires incorporant, elles aussi, desnanograins de dioxyde de titane pour l’absorption des UV dangereux pour la peau,céramiques nanorenforcées rendues bio-compatibles, matières plastiques à base depolymères rendues conductrices, ininflam-mables ou plus résistantes…

priété, les nanocristaux de semi-conducteurs,souvent appelés quantum dots, peuvent êtreutilisés dans le marquage moléculaire ouencore comme marqueurs d’objets précieux etde produits commerciaux.On peut ainsi utiliser la réactivité ou les pro-priétés de certaines nanoparticules pour obtenirdes surfaces fonctionnalisées : vitres autonet-toyantes, miroirs antibuée, revêtements anti-bactériens et/ou fongicides… Pour cela, il fautdéposer une couche de ces nanoparticules à

DES NANOS AU SERVICE DE L’ÉNERGIEL’apport des nanomatériaux et des matériauxnanostructurés est stratégique dans le domainede l’énergie nucléaire du futur, en particulierdans les projets liés aux réacteurs de « Géné-ration IV ». En effet, qu'il s'agisse des nouveauxalliages métalliques renforcés par une disper-sion très fine d’oxyde (aciers ODS) ou de com-posites à matrices céramiques (CMC), lesperformances de ces matériaux reposent surleur nanostructuration. Elles permettent parexemple aux premiers de renforcer leur résis-

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Il est ainsi possible de modifier les propriétésd’un matériau en le façonnant à cette échelle.Par exemple, le cuivre formé de nanocristauxest trois fois plus résistant mécaniquementqu’en microcristaux. Une poussière de nano-tubes « en vrac » a une immense surfaced’échange avec son environnement : plusieurscentaines de mètres carrés par gramme. Celapermet notamment d’augmenter l’efficacitédes catalyseurs de l’industrie chimique ou despots d’échappements pour le même volumede matière.Certains matériaux réémettent de la lumièrevisible quand ils sont éclairés : c’est le phé-nomène de photoluminescence. Sous desrayons ultraviolets, la couleur émise par des

nanocristaux de séléniure de cadmium changeen fonction de leur dimension, passant du bleupour des grains de 2 nm au vert pour 3 nm,puis au rouge pour 5 nm. Dotés de cette pro-

Les polymères sont transparents: ce sont les nanocristaux dis-persés dans le polymère qui sont fluorescents sous lampe UV.

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Le gecko, petit animal qui ressemble à un lézard,a la propriété étonnante de courir au plafond ! En examinant de très près la surface de sespattes, on a découvert qu’elle est constituée d’un tapis de fibres très serrées qui lui donnecette superadhérence. Des chercheurs sont entrain d’en copier la structure pour reproduire cet effet de nano-velcro…

La feuille de lotus, quant à elle, présente unepropriété étonnante : elle est superhydrophobe.L’étude nanométrique de sa surface met enévidence une nanostructure qui fait glisser lesgouttes, et permet de comprendre comment etpourquoi, même plongée dans l’eau, elle paraîttoujours sèche. L’intérêt de cette recherche est de pouvoir fabriquer des verres hydrophobes quipourraient équiper les véhicules et la lunetterie.

LA NATURE INSPIRATRICE

Écran vidéo à base de nanotubes de carbone réalisé en 2005.L’image affichée est extraite du film La Ruée vers l’or de

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“L’apport des nanomatériaux et des matériauxnanostructurés est stratégique dans le domainede l’énergie nucléaire du futur.”

Préparation des cellules solaires photovoltaïques souples à l’Institut national de l’énergie solaire.

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tance lors de leur utilisation en environnementsévère ; aux seconds de présenter une conduc-tivité thermique élevée. Le développement pourle nucléaire de ces matériaux nanostructuréspermettra la diffusion de connaissances, desavoir-faire technologique et d’innovation dansd’autres secteurs industriels.Les nouvelles technologies de l’énergie intè-grent aussi ces recherches. Premier exemple: les cellules photovoltaïques.Les dispositifs actuels en silicium cristallinconvertissent au maximum 16 à 18 % de lapuissance du Soleil en énergie électrique,mais la fabrication des cellules est coûteuse,complexe, et exige de grandes précautions. Lesnanotechnologistes élaborent des structuresphotosensibles flexibles, à partir de plastiquesconducteurs, actuellement en phase de test. Pour les piles à combustible, le polymère des

membranes a été rendu plus résistant méca-niquement, chimiquement et thermiquement.Les particules de platine, qui jouent le rôle decatalyseur, ont été remplacées par des nano-particules, permettant ainsi d’économiser dumétal précieux.Le champ des possibles est immense. À l’évi-dence, des secteurs comme l’aéronautique etl’aérospatiale, toujours à la recherche de maté-riaux légers et ultra-performants, seront de grosutilisateurs. Les moyens de transport terrestres,maritimes et aériens seront plus légers, empor-teront plus de charge utile tout en consom-mant moins d’énergie et donc en polluantmoins. L’industrie textile connaîtra aussi sansdoute des bouleversements : de nombreuxscientifiques travaillent déjà sur des tissus« intelligents ».

Céramique de carbure de titane testée comme matériau pourles gaines des réacteurs de 4e génération.

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LES NANOTECHNOLOGIES SONT AU SERVICEDE LA MÉDECINE POUR LA PRÉVENTION,LE DIAGNOSTIC ET LE TRAITEMENT.

Une médecineà l’échelle nanoUne médecineà l’échelle nano

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rurgicales. Enfin, elles permettront de sup-pléer aux fonctions altérées ou perdues touten diminuant les risques d’effets secondairesliés aux traitements. Intervenant à l’échellemoléculaire, les nanosciences et les nano-technologies présentent donc des atouts inté-ressants.

UN DIAGNOSTIC PLUS RAPIDELes nanosciences permettent de mieuxcomprendre l’organisation et la structure descellules, jusqu’aux protéines et à l’ADN.L’ADN est une molécule consti-tuée de deux brins enroulésl’un autour de l’autre. Chaque brin est unesuccession de nucléotides. Chaque nucléotideest constitué de trois éléments liés entre eux :un phosphate, lié à un sucre pouvant porterquatre bases azotées différentes– l’adénine (A),la thymine (T), la cytosine (C) et la guanine(G). Comme sur un jeu de construction, unbrin « s’apparie » à l’autre brin s’il y a com-plémentarité : A s’appariant avec T, et C avecG uniquement. En génétique, étudier cetteimbrication (que l’on appelle « séquence ») etidentifier les parties présentant des défautsou des mutations permet de comprendre l’ori-gine des maladies génétiques et la prédispo-sition de certaines personnes à des maladiesdonnées.

De nombreuses recherches sont actuellementmenées dans le domaine de la santé afin dedisposer d’outils de prévention, de diagnosticou de traitement, rapides et adaptés.Il s’agit notamment de réaliser un diagnosticde plus en plus précoce et fin, de suivre etd’adapter les traitements en fonction de leurefficacité, ou encore de cibler précisémentles médicaments vers les organes ou les tissusatteints, à moindre coût. Ces recherchesvisent aussi à optimiser les interventions chi-

Robot de dépôt sur lamelles pour la production de lots utilisésen génomique.

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1. Séparation des cellules

3. Préparation et marquage de l’ADN cible

5. Hybridationsondes/ADNcible lorsqu’ilssontcomplémentaires

5 bis. Un éclairagelaser révèleles sitesd’hybridation en« allumant » lesmarqueurs

6. Un scannerpermet de lirela biopuce

2. Extraction de l’ADN

4. Mise encontact del’ADN ciblemarqué avecla biopuce

L’ADN, support du génome humain, peut par-fois présenter des défauts lors de sa repro-duction. Sa mutation ou des incohérencespeuvent alors induire la survenue de cancers.Trouver des technologies qui permettent dedéceler des tumeurs à un stade très précoce,alors même qu’elles sont indécelables avecles moyens d’imagerie médicale actuels, estun enjeu majeur. Le principe de fonctionnement des biopucesrepose sur l’hybridation de l’ADN, selon laquelleles brins complémentaires se reconnaissent ets’apparient pour former une double hélice.Par exemple, quand on cherche à identifier uneséquence d’acide nucléique responsable d’unemaladie : • des fragments d’acides nucléiques, obtenuspar synthèse chimique, reproduisent cetteséquence et sont donc désignés par la termi-nologie « sondes ». Ils sont greffés selon unordre précis sur un support solide en verre,en plastique ou en silicium pour former unréseau dense et régulier de microsurfaces.Chaque sonde peut contenir de 40 à 60 bases.Une puce peut contenir plusieurs centainesde milliers de sondes ;• cet échantillon est traité chimiquement pouren extraire un acide nucléique appelé ARNmessager ;• dans un mélange biologique complexe, cesARN messagers sont mis en contact avec lesfragments d’acides nucléiques « sonde » etleurs liaisons sont analysées, par une méthodede fluorescence.

Acide désoxiribo-nucléique

Le concept des puces à ADN date de 1990 etrelève d’une approche pluridisciplinaire: micro-électronique, chimie des acides nucléiques,microfluidique, biologie, bio-informatique,microsystèmes et analyse d’images.L’objectif final est de proposer un traitementpréventif avant l’apparition des premiers symp-tômes. Elles permettent maintenant de testerdes centaines de milliers de gènes.

“Les biopuces ou pucesà ADN permettentaujourd’hui de testerdes centaines de milliers de gènes.”

PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT D’UNE BIOPUCE

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infecté, est un véritable enjeu. Grâce auxnanotechnologies, ce rêve pourrait devenirréalité. Aujourd’hui, les médicaments pris par voieorale ou intraveineuse se dissolvent dans l’or-ganisme avant d’atteindre leur cible. Il fautdonc administrer une forte dose au patientpour être sûr qu’une dose résiduelle atteignela zone malade. De plus, certaines interac-tions avec des organes « sains » ainsi que deseffets secondaires peuvent survenir. La conception de nanotransporteurs, utilisés pourla vectorisation des médicaments, présente

deux intérêts : franchir les bar-rières biologiques et, grâce à un

encapsulage, permettre aux molécules thé-rapeutiques d’atteindre leur cible sans aucunedéperdition.Les recherches en physique et en chimie tentent d’imaginer et de tester les formes deces nanotransporteurs pour qu’ils protègent lasubstance active (le médicament) et que celle-ci soit libérée pendant un temps et dans unespace donnés. D’autres méthodes à l’étude

consistent à intégrer les médicaments dansdes nanocapsules qui libèrent leur contenuselon un temps calculé, suite à une stimula-tion de l’organisme ou extérieure. Par exemple,les troubles liés à l’insuline pourraient ainsiêtre plus facilement traités.Utiliser des formulations médicamenteusesde la taille de nanoparticules (beaucoup pluspetites que les cristaux couramment utilisés)permet une assimilation plus rapide et plusciblée. Il est d’ailleurs possible, au moyen demarqueurs spécifiques, de suivre le parcoursde ces nanoparticules dans l’organisme et devérifier leur action sur les cellules malades.En thérapeutique, l’un des intérêts de la minia-turisation des systèmes d’analyse est de pou-voir tester rapidement un très grand nombre demolécules dans des systèmes in vitro. Ce cri-blage à haut débit permet d’identifier plus

Tri des liposomes et recueil des suspensions colloïdales en toxicologie.

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“Sur une surface dequelques centimètrescarrés, les analysessont menées enquelques heures aulieu de plusieurs mois.”

Transport ciblé.

litres par exemple. Ils permettent de réduire lescoûts (des réactifs et des solvants), les surfaces,l’énergie consommée. De plus, comme ces labo-ratoires sur puce sont mobiles, ils peuvent toutà fait s’utiliser en dehors d’un laboratoire spé-cialisé, par un médecin en consultation parexemple. En cas d’infection, ils permettentd’identifier rapidement l’agent responsable (virusou bactérie), de le caractériser et d’apporter rapi-dement un traitement efficace. Ces microsystèmes sont également utiliséspour les contrôles agroalimentaires (commele suivi des bactéries productrices de fermentslactiques) et environnementaux (analyse bac-térienne de l’eau de consommation, détectiond’agents infectieux dans l’alimentation, l’airou l’eau).Les « puces à cellules » ou « cell-on-chip »sont des microsystèmes qui sont destinés àmanipuler très précisément dans toutes lesdirections spatiales possibles et à analyser indi-viduellement des cellules vivantes inférieuresou égales à quelques microns. Cette techniquepermet l’étude à l’échelle d’une cellule deseffets d’une drogue ou de la transfection d’ungène ou encore lacompréhension desinteractions entrecellules…

DES TRAITEMENTS PLUS EFFICACESPouvoir distribuer un médicament à la doseadéquate, précisément sur l’organe ou le tissu

Elles ont l’avantage d’automatiser, de minia-turiser et de paralléliser les différentes étapesutilisées en biologie. Ainsi, sur une surface dequelquescentimètres carrés, les expériences sontmenées en quelques heures au lieu de plusieursmois auparavant ou pourront être multipliéesdans un temps donné. Outre les diagnostics etles traitements préventifs, les biopuces serventégalement à déterminer la résistance aux anti-biotiques de certains microbes ou bactéries etde poursuivre les recherches pour les améliorer.En recherche pharmaceutique, elles repré-sentent des outils précieux pour mieux com-prendre l’action des médicaments, leur efficacitéou leurs effets indésirables ou secondaires.Dans la même famille, il existe les « laboratoiressur puce » ou « lab-on-chip ». Ce sont des labo-ratoires miniaturisés réalisant des analyses auto-matisées et en parallèle sur de très petitsvolumes, une goutte de sang de quelques nano-

Les tests de détection de toxines sont très simplesd’utilisation et seront donc utiles aux pompiers et urgentistes.

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Introduction d’un matérielgénétique étranger,notamment viral, dans unecellule, afin de l’intégrer au génome de cette cellule.

LES USAGES ET LES IMPACTS DES NANOTECHNOLOGIESFONT L’OBJET DE NOMBREUSES ÉTUDES PORTANTSUR LA MAÎTRISE DES RISQUES POTENTIELS.

Pour un développementcitoyen

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rapidement de bons candidats médicaments.En effet, actuellement, pour plus de100000 molécules testées in vitro, seulesquelques-unes seront testées chez l’animal, invivo.Ces microsystèmes permettent donc de dis-poser plus rapidement de traitements efficacesen évaluant un plus grand nombre de molécules.

AUTRES INNOVATIONS Les greffes sont fréquemment rejetées par lesystème immunitaire du patient. Il est doncenvisagé d’encapsuler les cellules greffées dansune membrane semi-perméable, constituée dematériau rendu biocompatible par l’emploi de

nanocomposés sélectionnés. Les nanoporeslaisseraient ainsi entrer les substances nutri-tives et sortir les substances sécrétées par legreffon. En revanche, les anticorps, plus grosque les nanopores, ne pourraient pas passer labarrière. Dans le cas des prothèses, l’objectif est de fabri-quer des matériaux qui ne se dégradent pas etpeuvent durer au-delà des dix ans actuels. Lesrecherches sont menées sur les nanomatériauxcomposites, plus résistants que les métaux.Une autre voie étudie la possibilité d’aider unorgane défaillant par un implant de taille nano-métrique ou sa stimulation au moyen d’unmaillage nanostructuré. En cultivant ses cel-lules in vivo, on peut aider ce tissu à se régé-nérer en créant des connexions nanométriquesentre chaque cellule afin d’obtenir un ensembleconstruit et viable, comme cela a été pratiquépour l’épiderme ou pour le cartilage.

Robot de criblage qui permet, en comparant les moléculesavec les 17000 composés de la chimiothèque, de découvrir les inhibiteurs de nombre de toxines.

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Des nano-émulsions, développées par le CEA et le CNRS, pour des applications dans la vectorisation des médicaments, sont formées de gouttelettes d’huile. Le cœur de ces nano-émulsions peut contenir des substancesactives. Non toxiques, elles sont« biocompatibles » et traversent les barrièresbiologiques pour atteindre la tumeur à traiter.Les chercheurs travaillent également surl’interface eau/huile pour augmenter lareconnaissance spécifique avec la tumeur.

DES NANOGOUTTES D’HUILEPOUR TRANSPORTER LES MÉDICAMENTS

“Disposer plus rapidement de traitementsefficaces en évaluant un plus grand nombrede molécules.”

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Brésil ou la Chine y consacrent des investisse-ments importants, et de nombreux autres pays,qui possèdent déjà une infrastructure universi-taire et industrielle, comme l'Afrique du Sud,la Thaïlande ou l'Argentine font également dela recherche en nanotechnologies.

RISQUES POTENTIELSLa notion de risque lié aux nanotechnologiescomporte deux aspects : le danger (issu de latoxicité) et l’exposition. Les recherches entoxicologie sont là pour évaluer les dangersréels ou supposés. L'étude de la pollution urbaine recherche sonimpact sur la santé humaine, notamment leseffets des particules ultrafines émises par lesvéhicules diesel. Sur le même schéma, d'autresétudes qui font état d'interactions entre nano-particules et cellules incitent à la prudenceen cas d’inhalation, de pénétration par voiecutanée ou digestive. Une démarche d’antici-pation est donc mise en place. Dans les ateliers de production et de mise enœuvre, si les nanoparticules sont constituéesde matière toxique (métaux lourds par exemple),elles peuvent exposer les hommes aux mêmesrisques que sous forme macroscopique. Unrisque potentiel supplémentaire est lié aux pro-priétés spécifiques des nanoparticules : sur-face multipliée, réactivité chimique… Desrecherches sont donc menées actuellementpour étudier le devenir des nanoparticules etnanofibres si elles étaient inhalées. Les bonnespratiques de travail sont très similaires à celles

recommandées pour tout produit chimiquedangereux, mais elles revêtent une importanceparticulière en raison de la grande capacitéde diffusion des nano-objets dans l'atmo-sphère. Dans le milieu industriel, il faut conce-voir des procédés qui minimisent les étapesd’exposition potentielles, par exemple en réa-lisant la collecte des nano-objets en phaseliquide afin de garantir leur non-diffusion encas d’incident. Il faut aussi veiller à automa-tiser les étapes du procédé, capter les polluantsà la source, filtrer l'air des locaux avant rejetdans l'atmosphère, et équiper individuelle-ment chaque travailleur d'une protection res-piratoire et cutanée.

La diffusion des rayons X aux petits angles permet decaractériser l’organisation spatiale des nanoparticules et leur agrégation, éléments fondamentaux dans la compréhension des mécanismes de toxicologie.

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DES APPLICATIONS DANS TOUS LES DOMAINESLes nanotechnologies devraient permettre decréer des objets rendant plus de services enutilisant moins de matière première etd’énergie. Elles pourraient ainsi amoindrirl’impact environnemental de certaines indus-tries (comme celles liées à l’énergie) ou acti-vités (comme les transports ou les technologiesde l’information). Parallèlement à leur apport dans le domainedes nouvelles technologies de l’énergie (voirp. 20), elles contribueront à diminuer laconsommation d’énergie en améliorant le ren-dement énergétique d’objets courants. Ainsi,citons des matériaux plus légers et résistantsutilisés pour les véhicules, le remplacementdes lampes à incandescence par des diodesélectroluminescentes (beaucoup moins gour-mandes en électricité), le remplacement desécrans cathodiques par des systèmes à cris-

taux liquides (dix fois moins consommateurs)…Enfin, un des enjeux, et non des moindres,est de développer des composants nanoélec-troniques faible consommation pour des sys-tèmes de calcul efficaces énergétiquement ;13 % de l’électricité mondiale est aujourd’huiconsacrée à ce secteur !Les nanotechnologies peuvent contribuer à ladétection des pollutions : des nano-capteursfiables, rapides et peu onéreux permettront detraquer toutes sortes de molécules organiquesou minérales indésirables dans l'eau, l'air oule sol. Une fois détectées, il faut remédier àces pollutions ; qu'il s'agisse du traitement deseaux ou de la conception de nouveaux cataly-seurs pour emprisonner les nanoparticules desfumées des moteurs d'automobiles, des réac-teurs d'avions, des cheminées d'usines… Un panel international de spécialistes a listé lesdix applications des nanotechnologies jugéescomme les plus intéressantes pour les pays envoie de développement: énergie (nouvelles cel-lules solaires et piles à combustible), agricul-ture (nanofertilisants), traitement de l'eau(filtration, décontamination, désalinisation), dia-gnostic médical, délivrance de médicaments,emballage et stockage des aliments, remédia-tion de la pollution atmosphérique, matériauxde construction, suivi de paramètres biologiques(glycémie, cholestérol), détection des insectesnuisibles et des vecteurs de maladies. Certainesd'entre elles ne sont pas trop compliquées,chères ou demandeuses d'infrastructures etpeuvent être développées sur place. L'Inde, le

Prototype de détecteur de gaz toxiques pour l’environnement.

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“Des recherches en toxicologie évaluent les dangers réels ou supposés des nanotechnologies.”

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dans le monde, les responsabilités des cher-cheurs vis-à-vis de la société et les réactionsque suscitent en son sein les nouveautés tech-niques. L’excellence scientifique et l’innova-tion doivent être accompagnées des mesuresde précaution correspondant aux incertitudessur les nouveaux produits issus des nanotech-nologies. S’ils souhaitent assurer l’acceptabi-lité des fruits de leurs recherches, les chercheurssont tenus à prendre en considération les inté-rêts des différents acteurs. De multiples rap-ports tentent ainsi d’évaluer les impactspotentiels des nanotechnologies sur la société,par exemple, le rapport britannique « Nano-sciences et nanotechnologies : opportunités etincertitudes » réalisé en 2004. Il recommanded’appliquer le principe de précaution, toutcomme le rapport du Comité de la préventionet de la précaution français en 2006, suivi parcelui de l’Agence française de sécurité sani-taire et de l’environnement au travail. L’Office

parlementaire d’évaluation des choix scienti-fiques et technologiques a organisé plusieursconcertations sur les nanotechnologies et établiun rapport «Nanosciences et progrès médical »,incitant à mener les recherches sur les nano-sciences et nanotechnologies en parallèle aveccelles sur les risques et impacts éventuels.Depuis 2005, la Commission européenne alancé un Plan stratégique européen afin demener une réflexion approfondie sur les risques,les usages et les impacts des nanotechnolo-gies. Mi-2007, elle a proposé l’adoption d’uncode de conduite sur le même sujet, qui a étépublié en février 2008. La Commission a éga-lement mis en place en mars 2008 le nouvelObservatoire européen des nanotechnologies.Pour la France, cet observatoire s’appuiera surl’OMNT et le LARSIM (voir encadré ci-dessous).

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DES STRUCTURES D’ÉTUDES POUR LES NANOS AU CEA

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Dans le cas du consommateur, il s’agit d’éviterqu’il soit mis en contact avec un produit poten-tiellement dangereux. Ainsi, tout est mis enœuvre pour que les produits grand public necontiennent pas de nanoparticules libres etpour éviter qu’un produit n’en génère, parexemple lorsqu’il vieillit ou se dégrade.Des questions se posent sur les effets poten-tiels des nanoparticules manufacturées dansl’environnement (comportement, mécanismesde dégradation) et l’impact de leur dispersionsur les écosystèmes (danger éventuel pourcertaines espèces). Des recherches visant àétudier leur écotoxicité sont mises en place.De nombreux États, comme les États-Unis etla France, se mobilisent pour évaluer et maî-triser les risques liés aux nanoparticules et leurseffets secondaires éventuels ; prenant encompte leurs caractéristiques, leurs possiblesvoies de contamination, les moyens de pro-tection, les moyens de production, le com-portement des nanopart icules dansl’environnement… En Europe, le CEA s’est associé en 2005 avecdes partenaires R&D de l’industrie chimiqueet technologique pour constituer un « projetintégré » baptisé Nanosafe 2. Ce projet sedécompose en quatre axes de développement :

• technologies de détection et de caractérisa-tion des nanoparticules dès l’étape de pro-duction ;• réseau international pour constituer une basede données sur les effets des nanoparticulessur l’organisme et l’environnement ;• filières industrielles entièrement intégrées,dont l’objectif est de produire sans mettre encontact le précurseur de la nanoparticule(aérosol, gaz, liquide) et le composant final ;• études d’analyses du cycle de vie et de filièresde recyclage, afin de maîtriser les effets surla santé et l’environnement, en association avecla Commission européenne de normalisation.Pour la première fois, les répercussions sanitaires,environnementales et sociales sont considéréeset étudiées parallèlement au développement destechnologies et à la mise en place de méthodessûres de production des nanoparticules. Cettesimultanéité devrait permettre l’anticipation etla maîtrise des risques potentiels associés et faireévoluer des réglementations spécifiques en fonc-tion des progrès des connaissances et desrecherches en cours.

QUESTIONS ÉTHIQUES POSÉESPAR LES NANOSCIENCES ET LES NANOTECHNOLOGIESPar rapport à la problématique des nanotech-nologies, la réflexion éthique dépasse les limitesde la pure déontologie, définie comme unensemble de comportements et de règles pro-fessionnelles. L’éthique analyse les change-ments que la recherche scientifique introduit

OMNT: Observatoire des micro- et nanotechnologies.La mission de cet observatoire, lancé en 2005 àl’initiative du CEA et du CNRS, consiste à réaliser en continu une veille scientifique et technologiquedans le domaine des micro- et nanotechnologies. Il s’appuie pour ce faire sur un réseau de plus de 230 experts français et européens. Ainsi, il peutinformer les organismes et ministères concernés et fournir aux industriels une information pertinente et actualisée.

LARSIM : le Laboratoire des recherches sur lessciences de la matière a vu le jour au sein du CEA en 2007. Premier laboratoire du CEA dédié à laphilosophie des sciences, le LARSIM a pour butd’étudier et de mieux faire comprendre les enjeux de la recherche scientifique contemporaine.Parallèlement à son travail sur la place de la sciencedans la société, le LARSIM mène un programme derecherche en fondements de la physique.