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L’utilisation du décor patrimonialisé du Vieux-
Québec par les événements
Rapport de recherche
Juillet 2019
Présenté à
L’Office du tourisme de Québec
Par
Monsieur Mathieu St-Pierre, M.Sc.
Candidate au doctorat en sciences géographiques
Université Laval
avec la contribution de
Madame Pascale Marcotte, Ph.D.
Université Laval
Toute correspondance doit être transmise à Pascale Marcotte, Ph.D., Professeure au département de géographie; Chaire de recherche en partenariat sur l’attractivité et l’innovation en tourisme (Québec et Charlevoix), Pavillon Abitibi-Price, local 3149_C, Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique, Université Laval, Québec (Québec) G1V 0A6, [email protected]
2
Table des matières
Liste des tableaux ____________________________________________ 2
Introduction ________________________________________________ 3
L’image du site patrimonial du Vieux-Québec : une patrimonialisation plus
que centenaire ______________________________________________ 4
Les événements touristiques, un phénomène mondial et croissant _____ 6
Les types d’événements _______________________________________ 7
Les événements dans le site patrimonial du Vieux-Québec ___________ 8
L’utilisation du décor patrimonial par les événements ______________ 10
Choisir un site d’événement pour son décor patrimonial ____________ 11
Un événement sur un site du patrimoine mondial de l’UNESCO _______ 13
Conclusion ________________________________________________ 13
Bibliographie ______________________________________________ 15
Lexique ___________________________________________________ 17
Liste des tableaux
Tableau 1 : Évolution de l’image patrimoniale du Vieux-Québec (source : Mathieu St-Pierre) ______ 5
Tableau 2 : Impacts des événements __________________________________________________ 6
3
Introduction
Le Vieux-Québec, avec son cachet historique et les événements qui s’y tiennent, est un facteur
d’attractivité touristique de première importance pour la région de Québec. En effet, selon le Plan
stratégique de destination de l’Office du tourisme de Québec « Le Vieux-Québec et les
fortifications de Québec demeurent les attraits les plus populaires auprès des touristes » (2017
p.13). Les événements et festivals, qui se déroulent sur l’ensemble du territoire de la région de
Québec, s’inscrivent pour leur part au 11e rang des attraits recherchés par les touristes. Malgré
cette différence d’intérêts, les deux produits contribuent à l’image touristique de la région. Ils y
contribuent chacun à leur façon, en offrant des produits distincts et rejoignant des clientèles
spécifiques, mais ils peuvent aussi profiter de leur présence mutuelle.
Ce rapport, issu d’un mémoire de maîtrise portant sur le processus de patrimonialisation du Vieux-
Québec (St-Pierre, 2018), vise à démontrer comment les événements s’appuient et profitent de la
patrimonialisation du Vieux-Québec pour offrir des expériences touristiques distinctives et en
assurer leur promotion.
Dans le cadre de leur séjour, les touristes culturels sont à la recherche de sites et de monuments
ayant une importance culturelle. Leur intérêt et leur demande en matière de patrimoine favorisent
la patrimonialisation de certains secteurs des destinations visitées (Lazzarotti 2017). Les touristes
participent ainsi aux constructions patrimoniales et identitaires de ces destinations (Morisset
2011). À ces liens entre patrimoine et touristes culturels s’ajoutent également les effets produits
par les événements qui se déroulent sur le territoire (Alexandre-Burhis et al. 2013). Les événements
peuvent être un gage de qualité, et contribuer à définir une image favorable de la ville tout en
renforçant son rayonnement ou son attractivité (Piquerey, 2017; Pradel 2017). Ils attireront ainsi
une clientèle qui n’aurait peut-être pas d’intérêt pour le patrimoine, et qui le découvrira sur place.
La diffusion d’images représentant le patrimoine de la ville pendant ou après un événement
contribue aussi au processus de patrimonialisation d’un site. Ces images participent à la
valorisation du « décor ». Mais plus encore, le décor participe à la valorisation de l’événement. Ce
dernier sera d’autant plus attirant pour les participants s’il se produit dans un cadre exceptionnel.
Même les événements qui ne portent pas sur thématique historique, tel que les événements
sportifs, profitent de cette plus-value patrimoniale, de son cadre photogénique, valorisé, reconnu.
Ce rapport s’attarde donc sur cette question liant le patrimoine, le tourisme et l’événementiel. Il
sera d’abord question d’une brève description de la construction de l’image patrimoniale du site
patrimonial du Vieux-Québec, suivie d’une explication des types d’événements se tenant sur le site
ainsi que la façon dont ces événements utilisent l’image patrimoniale du Vieux-Québec et des
effets qui peuvent en découler.
4
L’image du site patrimonial du Vieux-Québec : une patrimonialisation plus que centenaire
La patrimonialisation du site patrimonial du Vieux-Québec, ou plus communément appelé le Vieux-
Québec 1, a commencé dès la fin du 19e siècle par les différentes restaurations, rénovations et
protections qui ont été mises en place (voir Tableau 1). La somme des constructions, rénovations
et reconstructions établies dans le sillage de la patrimonialisation a entraîné la création d’un décor
patrimonial, de « décor de carte postale » caractéristique du site. Ce décor est aujourd’hui
considéré comme s’il avait toujours existé ainsi, gommant les différentes époques de construction,
les restaurations et les différentes philosophies de restauration qui les ont dirigées. Ce « décor »
est aujourd’hui accepté et attendu comme tel par les touristes et les résidents. Il est véhiculé par
les outils de commercialisation touristiques, aussi bien que par les photos prises et reprises par les
touristes.
L’inscription sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO a aussi contribué à la
patrimonialisation du Vieux-Québec, notamment en mettant en exergue les outils règlementaires
et en formalisant en une unité spécifique la trame urbaine ancienne, son architecture et la richesse
qu’on lui connait aujourd’hui. Si la labellisation de l’UNESCO a joué un rôle important dans le
discours portant sur la nécessaire protection des richesses architecturales et urbaines, on peut
raisonnablement penser que cette unification de la trame urbaine aurait eu lieu sans cette
labellisation puisque les démarches de patrimonialisation étaient déjà enclenchées depuis fort
longtemps, et notamment grâce à la réglementation associée à la déclaration du site comme
arrondissement historique par le Gouvernement du Québec en 1963.
Aujourd’hui, plusieurs réglementations visent la protection de ce site patrimonial, et certaines
d’entre elles encadrent les activités touristiques, comme les événements, qui s’y produisent. Par
exemple, il n’est pas possible pour un événement, sans autorisation spéciale, d’installer de
l’affichage promotionnel sur les édifices patrimoniaux ni d’utiliser un immeuble comme
adossement à une construction, et ce, afin d’éviter de dénaturer le site.
1 Ce rapport ne se limite pas au secteur historique officiellement reconnu, mais comporte également certains sites ou aménagements à proximité et dont la restauration ou la mise en valeur contribue à l’attractivité du secteur.
Tableau 1 : Évolution de l’image patrimoniale du Vieux-Québec (source : Mathieu St-Pierre)
6
Les événements touristiques, un phénomène mondial et croissant
La mise en place d’événements est au cœur de l’animation des quartiers historiques. Phénomène
mondial, ces événements contribuent à faire vivre le patrimoine, le décor, l’objet patrimonial
(Arellano 2006; Berthold et Verreault 2006).
Dans ce document, l’événement est défini comme :
1) Une manifestation d’une durée limitée (de quelques heures à une année);
2) Attachée à un secteur d’activité principal (ex. culture, sport), et auquel d’autres secteurs
peuvent se greffer;
3) Un rassemblement d’hommes et de femmes, de résidants locaux et de visiteurs, dans un lieu
pour une célébration collective (Danglade 2011);
4) Proposant des sensations souvent uniques, d’ordres symboliques ou sensoriels (Alexandre-
Bourhis et al. 2013).
Quoique les événements jouissent d’un préjugé favorable, leurs retombées peuvent être positives
comme négatives. Le tableau suivant synthétise ces retombées :
Tableau 2 : Impacts des événements
Avantages Désavantages
Répercussions économiques par les dépenses touristiques, sociales et culturelles par l’animation et la dynamisation de la vie de quartier.
Qualité de vie des citoyens réduite par diverses sources de pollution (bruit, déchet, congestion automobile), la fermeture de rues nuisant à la circulation locale, l’augmentation de la densité d’utilisateurs des lieux publics et de services.
Attraction de visiteurs pour l’événement. Surexposition d’une parcelle (souvent petite) du territoire qui peut affecter le patrimoine en dépassant parfois la capacité d’accueil d’un site.
Allongement du temps de séjour des visiteurs.
Congestion touristique dans les lieux centraux où se situent les événements, pouvant influencer négativement les citoyens, les commerces riverains et le patrimoine.
Participation à l’image touristique d’une destination. Il peut également être un outil de modification de l’image touristique.
Risque de perte d’authenticité et d’intégrité de la destination ainsi que du patrimoine utilisé par une commercialisation excessive ou une privation des espaces.
Outil de différenciation et de distinction sur l’échiquier mondial par la diffusion d’images au niveau international.
Image souvent tronquée et réduite de la destination à la période et aux sites de l’événement.
Influence le choix d’un visiteur pour une destination.
Synthèse réalisée à partir de Alexandre-Bourhis et al. (2013) ; Augier (2011) ; Danglade (2011) ; Lusso et Grégoris (2014) ; Getz et Page (2016); Marquis (2015) et St-Pierre (2018).
7
Les types d’événements
Plusieurs types d’événements sont identifiés dans les écrits scientifiques, et sont présents dans le
Vieux-Québec. En ordre d’importance quantitative, citons les événements culturels, festifs,
sportifs, commémoratifs, diplomatiques, économiques et religieux.
Événements culturels
Attractions ou activités ayant comme élément constitutif la création artistique (Arnaud 2014 ;
Vauclare 2009). La création peut être plus ou moins présente, mais doit obligatoirement en
faire partie.
« L’événement culturel matérialise par sa programmation dans un espace et un temps
particuliers un projet culturel et artistique en lien avec un territoire et des objectifs en termes
de développement de ce dernier et de mobilisation d’un public » (Vauclare 2009 : 3).
Événements festifs
Ont pour objectifs le plaisir, le divertissement ou les relations sociales (Blin 2012 ; Getz 2008).
Moments de fête, de convivialité, de distraction et d’émotions collectives (Blin 2012).
Occasions d’animer des lieux, notamment lors des périodes creuses (Fournier 2010), d’animer
la ville, dont certains secteurs moins utilisés, de faire descendre les habitants dans les rues (Blin
2012).
Peuvent générer une transgression des règles établies, comme la consommation d’alcool dans
les rues (dans un périmètre prédéterminé), de marcher dans la rue, d’y jouer de la musique.
Événements sportifs
Développement des pratiques sportives lors d’un événement et extension des territoires
sportifs aux espaces publics des villes (Blin 2012).
Deux types de personnes participent aux événements sportifs (Getz 2008) :
o Les participants à la compétition, parfois davantage motivés par le défi que par la victoire
(à l’exception des événements sportifs professionnels)
o Les partisans assistant à l’événement, et retirant leur plaisir de l’effort d’autrui en
s’identifiant aux compétiteurs ou tout simplement dans un effet de nostalgie.
Événements commémoratifs :
Rassemblements populaires qui célèbrent une personne ou un événement en lien avec une
ville ou un pays (Arellano 2006; Frost 2012).
Promotion de l’identité nationale en engageant le participant dans un patrimoine joué ou dans
un espace public significatif (Arellano 2006).
8
Ou promotion de l’histoire nationale au cœur des événements commémoratifs, par exemple
lorsqu’il s’agit d’une fête à l’échelle du pays (Frost 2012).
Événements diplomatiques (deux types)
Présence de dirigeants (premiers ministres, présidents, ministres, diplomates, etc.) de
plusieurs États ou de plusieurs membres importants du même État. Ils prennent souvent la
forme de rencontres ou d’un sommet ayant pour but d’établir des relations diverses
(économiques, militaires, politiques, etc.) entre des pays ou à l’intérieur même du pays.
Présence d’une ou de plusieurs personnalités étrangères, ayant une notoriété diplomatique ou
politique certaine, qui sont en visite sur le territoire. Leur visite est ponctuée de rencontres
avec des dirigeants du pays ainsi que des apparitions publiques (discours, commémorations,
inaugurations).
Événements économiques :
Ont pour objectif d’établir de nouvelles relations économiques entre deux ou plusieurs acteurs
privés ou étatiques.
Se manifestent par des réunions, des rencontres, des conventions, des expositions et des foires
(Getz 2008 ; Mair et Jago 2010).
Ont normalement un thème lié à un secteur spécifique de l’économie.
Événements religieux
Rituels de fête.
Visite d’un lieu sacré ou célébration d’un événement spécial (Getz 2008).
Peuvent être en lien avec le lieu d’arrivée d’un pèlerinage.
Événement spécial à connotation religieuse sur un territoire.
Ont une signification plus personnelle et génèrent des sentiments profonds chez les
participants (Getz 2008 ; Iqbal et al. 2016).
Participation des croyants, mais également d’autres personnes dans une démarche spirituelle
ou par curiosité.
Les événements dans le site patrimonial du Vieux-Québec
Le Vieux-Québec a assisté à une augmentation significative des événements2 dans les années 1980,
avec en tête, les festivités du 450e anniversaire de la découverte du Canada par Jacques Cartier
2 Tous les événements se trouvant en partie ou en totalité sur le territoire à l’étude ou à proximité (Plaines
d’Abraham, Vieux-Port, sur le fleuve à proximité du Vieux-Port, Saint-Roch, Saint-Jean et colline
9
(1534 -1984). La croissance de l’événementiel a par la suite été exponentielle et a culminé en 2008
dans le cadre du 400e anniversaire de la fondation de Québec, puis en 2017 avec le 150e
anniversaire de la Confédération canadienne. Ce développement de l’événementiel n’est pas
propre à la Ville de Québec. Effectivement, « depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le
principe du festival a connu un prodigieux essor dans les pays occidentaux » (Laville 2014 : 13) et «
pendant les années 1980 et 1990, le nombre et la taille des festivals ne cessent de croître »
(Ronstrom 2014 : 31). Connu sous le terme de « festivalisation », ce phénomène est lié à la volonté
d’accroitre l’attractivité des destinations, notamment par l’animation les quartiers, mais également
au fait que ces événements s’inscrivent et reproduisent un décor esthétisé et unique,
photogénique, favorisant l’attractivité touristique.
Dans le secteur du Vieux-Québec, un total de 117 événements annuels, sporadiques ou uniques
ont été recensés pour la période 1960-2017. Hormis le Carnaval de Québec, très peu d’événements
et à de faibles fréquences, ont eu lieu avant 1960.
La majorité des événements dénombrés sont de type culturel (51,3%), suivis des types festif
(17,6%), sportif (10,9%), commémoratif (8,4%) et plus marginalement les événements
diplomatiques (6,7%), économiques (2,5%) et religieux (2,5%). La dominance des événements
culturels est claire depuis les années 1970, leur émergence s’inscrivant dans la vague des
rassemblements populaires tels que Woodstock en 1969. Ce type de rassemblement se manifeste
principalement sous la forme d’activités annuelles ou biennales, comme le Salon des métiers d’art
de Québec depuis 1980, les Rendez-vous ès trad depuis 1992, la Manif d’art depuis 2000, le Festival
d’opéra de Québec depuis 2011, le Festival de cinéma de Québec depuis 2011. Plusieurs
événements uniques sont aussi comptabilisés dans ces événements culturels, tels que les
spectacles à grand déploiement sur les Plaines d’Abraham (ex. Céline Dion, AC/DC, The Wall), ou le
grand symposium en 2004.
Les événements festifs sont en constante augmentation depuis 1998 (ex. La fête Arc-en-ciel de
Québec depuis 1999, le Marché de Noël allemand depuis 2008, le Festibière de Québec depuis
2010, le Dîner en blanc depuis 2011). Ce type d’événement ne connait pas de baisse quantitative
puisque ces événements festifs présentent des éditions chaque année (aucun événement festif
biennal ou quadriennal) et que seulement deux événements festifs ont disparu depuis 1970.
L’année 1998 marque le début des deux premiers événements sportifs annuels d’envergure sur le
territoire : la compétition de canot à glace (aujourd’hui Grand défi Chez Victor) et le Marathon des
Deux Rives (aujourd’hui Marathon SSQ). Avant cette date, seule la Transat Québec/Saint-Malo était
Parlementaire) ont été compilés. Les événements ont été retenus selon les critères suivants : d’une durée de un jour à un an, rassemblant une grande quantité de personnes de tout horizon, une grande diffusion d’images, de portée internationale (soit dans leur programmation ou dans leur rayonnement), les événements ayant transformé le territoire à la suite d’investissements massifs, ceux ayant des retombées économiques ou sociales importantes, ceux ayant de fortes externalités positives et ceux ayant une saveur unique ou symbolique majeure.
10
présentée tous les quatre ans. Depuis, on assiste à une multiplication et une croissance de
l’envergure de ce type d’événements sportifs. Encore une fois, cette augmentation suit la tendance
internationale, alors que les événements sportifs sont en hausse constante partout dans le monde
depuis les années 1990.
Les événements plus marginaux sur le territoire à l’étude (commémoratifs, diplomatiques,
économiques et religieux) apparaissent plus sporadiquement à travers les années puisqu’il s’agit,
en règle générale, d’événements uniques. Citons les visites royales (Reine Élisabeth II en 1964 et
en 1987, le couple princier William et Kate en 2011), l’ouverture de la porte sainte de Québec en
2014 et 2016, les différents sommets (Sommet des Amériques à Québec en 2001, Sommet de la
Francophonie en 1987 et 2008), les Grands voiliers en 1984, 2014 et 2017.
En somme, la fonction événementielle a évolué grandement au cours des 60 dernières années.
D’un seul grand événement tenu en 1960, 117 événements de toutes sortes se sont tenus ou se
tiennent toujours sur le territoire à l’étude, dont 61 pour l’année 2017 (année de commémoration
du 150e anniversaire de la Confédération canadienne). Le legs de toutes ces fêtes sur le territoire
de Québec contribue à la promotion touristique internationale de la ville notamment grâce aux
investissements contribuant à la bonification du décor patrimonial, tout en laissant un héritage
matériel, comme de meilleures infrastructures utilisées les années suivantes pour la tenue d’autres
événements (pensons notamment aux aménagements du Vieux-Port).
L’utilisation du décor patrimonial par les événements
Certains événements mobilisent le décor patrimonial pour réaliser ou promouvoir leurs activités.
Une analyse de l’emplacement principal de l’événement (utilisation directe du décor) et de la
promotion visuelle (utilisation indirecte) des grands événements a été réalisée afin d’évaluer
l’ampleur de l’utilisation du décor patrimonial par l’industrie événementielle.
Il apparaît que :
19 des 117 événements (16,2%) tenus entre 1960 et 2017 utilisent le décor patrimonial dans
une évocation historique 3.
32 des 117 (27,4%) utilisent un site à valeur patrimoniale forte (ex. Le Morrin Centre, le Petit
Séminaire, la place Royale) pour tenir leur événement, sans pour autant en faire une évocation
historique.
33 des 70 4 événements (47,1%) analysés utilisent le décor patrimonialisé dans leur promotion
visuelle (affiche ou vidéo).
3 Il s’agit des événements qui ont « une interprétation de la réalité historique reconstituée qui doit permettre
à l’artiste de transcender l’objet historique et patrimonial (au sens large) et de le vivre, tout comme de le faire vivre au participant » (Berthold et Verreault, 2006 : 105). 4 47 événements dont les publicités sont introuvables ont été enlevés de la liste.
11
Le décor est ainsi utilisé directement par certains événements, et indirectement, par la promotion
visuelle, pour d’autres. Le décor est principalement utilisé selon deux représentations du territoire
qui sont intrinsèquement liées aux deux critères d’inscription du site de l’arrondissement du Vieux-
Québec à la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, soit celles d’une ville coloniale fortifiée et
préservée, ainsi que le « berceau urbain des francophones en Amérique du Nord » avec la place
Royale (Arellano 2006 : 313).
Le décor est amené à la vie par les événements qui s’y déroulent, et qui l’utilisent directement en
y donnant une connotation historique. Les participants voient ainsi le site « revivre » en activant
leur mémoire historique grâce aux reconstitutions historiques ou tout simplement par des
déguisements des participants. L’intérêt et le déploiement des événements à connotation
historique ont commencé au début des années 1990, par la mise en place des Médiévales de
Québec (1993 et 1995), devenues les Fêtes de la Nouvelle-France (première édition en 1997, et
sise sur la place Royale) et les reconstitutions de À l’assaut de la Capitale (première édition en 1994,
avec pour décor les fortifications). La fréquence et la diversité de ces événements historiques ont
également connu une hausse dans la première décennie du nouveau millénaire par les visites
fantômes de Québec (2001), les promenades fantômes de Québec (2005), le festival celtique de
Québec (2005) et ont comme point culminant les festivités du 400e anniversaire de la fondation de
Québec en 2008 avec l’utilisation de l’ensemble du décor du Vieux-Québec pour accueillir des
activités.
Plusieurs événements utilisent également le décor patrimonial de la ville pour accentuer la
représentation de Québec comme une ville « à l’européenne ». Un cas illustre est le Marché de
Noël allemand de Québec. Son slogan « Européen à souhait! » (Marché de Noël allemand de
Québec 2017) promet une ambiance aux saveurs de l’ancien continent, une ambiance appuyée et
redoublée par ce décor. D’autres lieux patrimoniaux du Vieux-Québec sont également utilisés pour
leur image de carte postale. Par exemple, le Morrin Center pour le festival d’écrivains ImagiNation
(depuis 2010) ou le festival QuébeCrime (2012 et 2013).
Choisir un site d’événement pour son décor patrimonial
La fonction événementielle du Vieux-Québec contribue à diffuser son image patrimoniale, mais elle
s’appuie aussi sur la patrimonialisation du territoire pour assurer sa réussite. La patrimonialisation
est en effet utilisée tant pour fournir un décor immersif à connotation historique, que comme
soutien à l’image promotionnelle par le biais du « décor de carte postale ».
Certains événements utilisent donc le décor de manière plus iconographique. Leur but n’est alors
pas de faire vivre le patrimoine, mais de l’utiliser à des fins esthétiques ou commerciales, pour des
événements qui ne sont pas de nature historique ou patrimoniale. Par exemple, les fortifications
12
et la place Royale sont régulièrement utilisées comme lieu d’accueil d’événements ou dans la
promotion visuelle, et ce, sans que l’histoire de la ville ne soit évoquée. Les édifices phares comme
le Château Frontenac ou les portes Saint-Jean ou Saint-Louis sont « exhibés » pour leur caractère
typique ou spectaculaire, mais surtout pour leur unicité, facilitant ainsi l’association métonymique
de l’événement avec son emplacement. La représentation du Château Frontenac fait
immédiatement penser que l’événement se déroule à Québec.
Certains événements choisissent des sites situés dans le site patrimonial du Vieux-Québec afin
d’avoir également des images promotionnelles esthétisées, iconiques, à vendre en plus de leur
programmation. De grands événements tels que le Red Bull Crashed Ice (2006-2015), le Grand Prix
cycliste de Québec (depuis 2010) et le Festival d’été de Québec (depuis 1968) font partie des
événements qui appuient une partie ou la totalité de leur promotion sur ce décor patrimonial.
Bien entendu, le choix des sites d’activités dépend d’un ensemble de facteurs : capacité d’accueil,
accessibilité, infrastructures et équipements techniques, sécurité des lieux. Toutefois, certains
choix d’emplacement se font parfois au détriment de la logistique organisationnelle, et des
logiques sociales et spatiales, afin de pouvoir justement profiter de ce décor d’exception.
Un exemple éloquent est celui du Red Bull Crashed Ice, dont la tenue obligeait la fermeture de la
Côte de la Montagne, une rue résidente et un axe de communication majeur puisqu’il s’agit d’un
lien stratégique entre la haute-ville et la basse-ville, et ce, pendant près de cinq semaines.
Opération certes illogique au niveau social et logistique, portant ombrage à la valeur patrimoniale,
mais dont l’efficacité promotionnelle a fait ses preuves. En effet, grâce à la diffusion de la course,
le patrimoine a pu rayonner dans différents médias, aussi bien durant qu’après l’événement grâce
à la diffusion des vidéos sur les médias sociaux, et parce que son aspect spectaculaire a servi
d’argumentaire pour maintenir l’événement à Québec pour de nombreuses éditions. La diffusion
du patrimoine s’est aussi réalisée à plusieurs échelles, ces images étant diffusées tant sur le plan
local qu’international. En prenant appui sur le patrimoine, l’événement, par définition temporaire,
a acquis une forme de pérennité.
Le Marathon SSQ a également choisi de changer son parcours afin de profiter du décor patrimonial.
Alors que jusqu’en en 2017, ce marathon débutait à Lévis pour se terminer dans le Vieux-Port de
Québec, le parcours annoncé pour l’édition de 2018 visait à mettre en valeur l’ensemble du décor
de la ville en passant pour les quartiers centraux (Patoine, 2017). Chantal Lachance, vice-présidente
de GESTEV (organisateur de cet événement), vantait la beauté du décor lié à ce nouvel itinéraire
en soulignant que ce nouveau tracé faisait « du Marathon SSQ la course « carte postale rêvée »
(idem).
13
Si certains événements ont eu des effets négatifs pour la population locale, d’autres événements
présentent un rayonnement aussi important, mais dont l’ombrage sur le patrimoine et sur la
qualité de vie des citoyens est réduit. Par exemple, le Grand prix cycliste de Québec diffuse et utilise
également des images du décor patrimonial du Vieux-Québec dans le cadre d’un événement sportif
international fort médiatisé. Si le Red Bull Crashed Ice occasionnait des effets négatifs pendant
environ cinq semaines à chaque édition, le Grand prix cycliste réduit ces externalités négatives à
deux jours.
Un événement sur un site du patrimoine mondial de l’UNESCO
Le gage de qualité du label du patrimoine mondial de l’UNESCO et la valeur universelle
exceptionnelle qu’il prône ne sont pas directement utilisés par l’industrie événementielle.
Seulement 2 des 115 (1,7%) grands événements réalisés après l’inscription du site patrimonial sur
la Liste en 19855 (d’où la suppression de 2 événements) utilisent le label du patrimoine mondial de
l’UNESCO dans leur promotion ou sur leur site internet. Le label est peu utilisé certainement parce
que la plupart des acteurs ne savent pas s’ils peuvent l’utiliser. De plus, le nom est long, donc peu
commode en publicité (Bourdeau et Marcotte, 2017). Par contre, le fait que les images du Vieux-
Québec soient présentes dans la promotion des événements en démontre une autre forme de
valorisation du site patrimonial.
Il est également possible d’affirmer que l’événementiel peut prolonger la patrimonialisation en
alimentant la représentation de Québec comme berceau de l’Amérique française. L’exemple des
Fêtes de la Nouvelle-France et des Promenades fantômes de Québec est probant. Effectivement,
ces deux événements se tournent vers l’histoire de la Nouvelle-France en utilisant son décor
patrimonialisé, rappelant l’époque du régime français, et son rôle de « berceau de l’Amérique
française ».
Conclusion
Les événements et le patrimoine sont des produits touristiques dont les logiques temporelles
(temporaire par opposition à permanent), de variété (programmation changeante par opposition
à une offre statique), d’implication (plus active par opposition à contemplative) diffèrent, et qui
peuvent rejoindre des clientèles à priori très différentes.
Toutefois, on constate que les événements profitent, directement ou indirectement, de la
patrimonialisation du quartier historique. Ce décor restauré, esthétisé, protégé est l’écrin qui
5 Date d’inscription de l’arrondissement historique du Vieux-Québec à la Liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO.
14
accueille des activités à connotation historique, et l’écran qui reflète une image particulière et
unique.
S’il n’existe pas de méthode reconnue permettant de comptabiliser l’utilisation d’un décor, il
apparaît que les organisateurs d’événements ont bien saisi la valeur ajoutée que représente la
possibilité d’organiser et de vendre leur événement dans un site bien doté en infrastructures, bien
soutenu par les services publics, sécuritaires, mais aussi et surtout photogénique pour en assurer
le succès commercial. La dimension iconique du Vieux-Québec facilite l’association avec la
destination. Une destination de qualité, qui a su conserver et mettre en valeur ses richesses.
Les événements, notamment sportifs, attirent aussi de plus en plus de clientèles variées, une
clientèle pour qui la pratique d’une activité ou l’assistance à un événement ne sont pas
nécessairement suffisantes pour la convaincre de s’y déplacer. La beauté du décor, la possibilité
de contempler un site majestueux ou significatif contribuent à la valeur de l’événement. La
patrimonialisation ne sert pas qu’à attirer des touristes culturels, mais aussi les organisateurs
d’événements qui y voient une valeur ajoutée à leur programmation, un moyen de rendre tangible
un produit par essence éphémère et intangible.
15
Bibliographie
Alexandre-Bourhis, N. et al., 2013. Les conditions d’une relation bénéfique entre tourisme et événementiel : Le cas de Deauville, station balnéaire normande. Téoros, 32 (1), pp. 123-132.
Arnaud, C., 2014. Manager les territoires dans la proximité : approche fonctionnelle des événements culturels. Revue d’Économie Régionale & Urbaine, Armand Colin, octobre (3), pp. 413-442.
Arellano, A., 2006. Les Fêtes de la Nouvelle-France de Québec ou le renouvellement festif du fait français. Dans Morisset, L. k. et Dieudonné, P., dir., Patrimoines pour le XXIe siècle : Regard du Québec et de la Bretagne, Éditions Nota bene, pp. 313-336.
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Lexique
Patrimonialisation : processus social de construction patrimoniale ou de reconstruction du lien avec le
passé. La patrimonialisation produit le patrimoine, un objet de mémoire choisi et valorisé. Cette
production peut mettre de l’avant, ou occulter, certaines parties de l’histoire ou de l’identité d’un
peuple ou d’un territoire. Le choix de conserver et de transmettre certains « objets » dépend des
valeurs et des besoins contemporains.
Décor patrimonialisé : paysage, urbain ou rural, issu de la restauration et de la rénovation
architecturale, et créant un environnement esthétique, cohérent et valorisé. Le décor
patrimonialisé est issu du processus de patrimonialisation. À partir de la sélection et de la
reconstruction de certains objets architecturaux, il reconstruit l’image d’un lieu, en crée une nouvelle
représentation, un « décor » (effet de « carte postale »).
Événement touristique : Manifestation thématique temporaire (moins d’une année), regroupant
résidents et visiteurs, et proposant des activités ou sensations uniques ou particulières.