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La splendeur divine Introduction à l'étude de la mentalité mésopotamienne MOUTON & CO PARIS • LA HAYE MCMLXVI11 CENTRE DE RECHERCHES HISTORIQUES. Civilisations et Sociétés 8 MOUTON & CO PARIS • LA HAYE MCMLXV111

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La splendeur divine

Introduction à l'étude de la mentalité mésopotamienne

MOUTON & CO PARIS • LA HAYE MCMLXVI11

C E N T R E DE R E C H E R C H E S H I S T O R I Q U E S .

Civilisations et Sociétés 8

MOUTON & CO PARIS • LA HAYE MCMLXV111

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EN SOUVENIR DE LOUIS GERNET

Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique

© 1968 Mouton & Co and École Pratique des Hautes Études. Printed in France.

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Liste des abréviations

< AAA Annals of Archaeology and Anthropology. < ABL R . F. HARPER, Assyrian and Babylonian Letters. < ADO G Abhandlungen der Deutschen Orient-Gesellschaft. < AfO Archiv für Orientforschung. < AK Archiv für Keilschriftforschung. < AKA L . W . K I N G , The Annals of the Kings of Assyria, I . < ANET J . B . PRITCHARD, Ancient Near-Eastern Texts relating to the

Old Testament, 2« éd. < AnOr Analecta Orientalia. < AnSt Anatolian Studies. AO suivi d'un chiffre : numéro d'inventaire des tablettes du Musée

du Louvre. < AOF H . WINCKLER, Altorientalische Forschungen, I - I I I . < AOS American Oriental Series. < AOTU Altorientalische Texte und Untersuchungen, I . < ASKT P . HAUPT, Akkadische und Sumerische Keilschrifttexte (Assy-

riologische Bibliothek, I ) . < BA Beiträge zur Assyriologie. < BASOR Bulletin of the American Schools of Oriental Research. < BBS L. W . K I N G , Babylonian Boundary Stones. < BiOr Bibliotheca Orientalis. BM suivi d'un chiffre : numéro d'inventaire des tablettes du

British Museum. < BRM Babylonian Records in the Library of J. Pierpont Morgan. < BSGW Berichte... der Sächsischen Gesellschaft der Wissenschaften. < CAD The Assyrian Dictionary of the University of Chicago.

Liste des abréviations i x

-' CT Cuneiform Texts from Babylonian Tablets in the British Museum, (cité d'après les planches).

< HSS Harvard Semitic Series. < HUCA Hebrew Union College Annual. < JAOS Journal of the American Oriental Society. < JCS Journal of Cuneiform Studies. < JNES Journal of Near Eastern Studies. < JRAS Journal of the Royal Asiatic Society. K suivi d'un chiffre : numéro d'inventaire des tablettes de la

collection Kouyunjik, au British Museum. < KAH L. MESSERSCHMIDT et O. SCHRÖDER, Keilschrifltexte aus Assur

historischen Inhalts. < KAR E . EBELING, Keilschrifttexte aus Assur religiösen Inhalts. < KB Keilinschriftliche Bibliothek. < LKA E . EBELING, Literarische Keilschrifttexte aus Assur. < LKU A . FALKENSTEIN, Literarische Keilschrifttexte aus Uruk. < LSS Leipziger Semitistisehe Studien. < LTBA L. MATOUS et W. VON SODEN, Die lexikalischen Tafelserien der

Babylonier und Assyrer. < M AO G Mitteilungen der Altorientalischen Gesellschaft. < MIO Mitteilungen des Instituts für Orientforschung. < M VA G Mitteilungen der Vorderasiatisch-Ä gyptischen Gesellschaft. < OECT Oxford Editions of Cuneiform Texts. < OIP Oriental Institute Publications. < OLZ Orientalistische Literaturzeitung. < PSBA Proceedings of the Society of Biblical Archaeology. < ( I - V ) R H . RAWLINSON, The Cuneiform Inscriptions of Western Asia. < RA Revue d'Assyriologie et d'Archéologie Orientale. < RHA Revue Hittite et Asianique. < SBH F. REISNER, Sumerisch-babylonische Hymnen nach Thon

tafeln griechischer Zeit (cité d'après le numéro). < SO Studia Orientalia. < TCL Textes Cunéiformes du Musée du Louvre. < UET Ur Excavations, Texts. < UMBS The University of Pennsylvania. The University Museum,

Publications of the Babylonian Section. < VAB Vorderasiatische Bibliothek. VAT suivi d'un chiffre : numéro d'inventaire des tablettes de Musée

de Berlin. < VS Vorderasiatische Schriftdenkmäler der Königlichen Museen zu

Berlin. < WKZM Wiener Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes. <WO Die Welt des Orients. < WVDOG Wissenschaftliche Veröffentlichungen der Deutschen Orient-

Gesellschaft. < YOSR Yale Oriental Series, Researches. < ZA Zeitschrift für Assyriologie ( N F = Neue Folge).

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2 La splendeur divine

splendeur « numineuse », propre aux dieux e t à leurs appar tenances : t emple et ses diverses part ies , s ta tues divines, mobilier e t t résor du dieu. Les rois, ainsi que certains objets privilégiés en son t aussi parfois également nan t i s . Il nous faut, d ' au t r e pa r t , a d m e t t r e q u e les mo t s que nous t radu isons pa r « splendeur», « éclat», ava ien t pour les Accadiens un sens précis que leurs équivalents français on t pe rdu depuis longtemps . Ceux-ci, que nous ut i l isons cou rammen t dans no t re langage quot idien, sont vidés de leur signification propre e t sont dévalués d u po in t de vue religieux et même psychologique. Il es t vra i q u ' u n phénomène analogue ava i t eu lieu, en par t ie au moins , chez les Accadiens eux-mêmes : à l 'usage, les dist inctions en t re les différents t e rmes semblent s 'être émoussées et, plus t a rd , une cer taine confus ion 1 a fini par s 'établir .

Examinons d ' abord les t e rmes don t il sera quest ion dans les pages qu i su ivent : celui qui pa ra î t le plus propre à désigner la splendeur est namrirrû. Dér ivé de la racine nmr qui signifie « être lumineux », « briller », namrirrù est u n subs tan t i f 3 d 'un t y p e assez rare formé pa r le redoublem e n t de la troisième consonne. Il est employé t rès souven t au pluriel. Les listes l ex icograph iques 3 le donnen t comme un s y n o n y m e de sarûru : la splendeur céleste ; il es t employé dans les t ex t e s religieux pour expr imer la lumière que dégage un être divin ou semi-divin, ou encore un objet qui par t ic ipe de la n a t u r e su rhumaine de son possesseur, comme les a rmes d ' un dieu * ou les mur s d 'un temple . On dira, p a r exemple, du dieu N a b û qu ' i l est précédé pa r l 'éclat (namrirrû) qui émane de sa personne», ou que la déesse I s ta r diffuse son namrirrû sur la te r re t o u t entière». Ou

* Tout ce qui est sumérien dans le texte et dans les notes, au lieu d'être imprimé, suivant l'usage, en caractères espacés, a été écrit en italique et souligné, afin de le distinguer de l'accadien.

Que le lecteur ne s'étonne pas de cette présentation inusuelle. Il ne s'agit pas d'une innovation, mais de la nécessité de se conformer à des considérations strictement typographiques.

1. On note parfois un certain flottement dans la traduction en accadien du terme sumérien correspondant. On traduira, par exemple, ni-gal par puluhtu (J3RM IV, n° 8, ligne 29 : ni-gal-zu : pu-luh-ta-ka), ou par melammu (Orientalia NS XVII, 1948, planche 43, ligne 10 : planche 47, ligne 9) au lieu de namrirrû, ou encore su-zi-me-lâm

par puluhtu melammu (IV R 27, n° 4 = if .4980, cf. Additions et corrections, p. 6) au lieu de Salummatu melammu. Voir pour ces termes, p. 3 sq.

2. Cf. W. VON SODEN, Grundriss der akkadischen Grammatik, p. 63, § 55 r ; p. 76,

§ 61 h : plurale tantum.

3. LTBA I I , n° I, col. IV, ligne 33. 4. kak-ku Sa nam-ri-ir-ri ra-mu-â : « arme environnée de splendeur •. Ainsi com

mence une incantation qui fait partie de la série mts pl ; cf. K. F. MULLER , M VA G 41, p. 57. Cf. plus loin, p. 105, note 11.

5. KAR 104, lignes 9-10' ( E . EBELING, I Quellen zur Kenntnis der babylonischen Religion », MVAG 23, 1918, p. 73) : nam-ri-ir-ri la-ni-Su pa-na-Su al-ku : « la splendeur de sa forme va au-devant de lui ».

6. Cf. S . SMITH, RA X X I I , 1925, p. 57, ligne 11 : nam-ri-ir-ru-Hu irsitim'""

rapaZtim"1» sa-ah-pu : « son éclat recouvre la vaste terre ». Voir pour ce sens du verbe sahâpu, plus loin, p. 18-19.

Introduction 3

encore à une époque plus récente, sous les Sargonides, que les murs de Ninive sont source de namrirrû : du-ù-ru sa nam-ri-ru-sû na-ki-ri sah-pu : «murai l le dont l 'éclat recouvre l ' ennemi» . 7 E n sumérien, namrirrû s'écrit N l . G A L , c 'est-à-dire : g rand N i ; Nf .GAL expr ime souvent la lumière merveilleuse qu ' un temple projet te sur les contrées proches e t l o in t a ines . 8 Le t e rme namurratu qui a le même sens que namrirrû s 'écrit aussi avec le sumérogramme NÎ .GAL : nl-gal-su-tag-ga : na-mur-ra-ta zu-'u-nu : (le dieu Ningirsu) qui est «pa ré de s p l e n d e u r » . 9

N i est la composante essentielle d 'un au t r e m o t sumérien qui signifie également la splendeur : N l . H U S , en accadien rasubbatu, c 'est-à-dire : le N i du feu, H U S signifiant feu, e t aussi, pa r extension, ce qui est rouge-f e u . 1 0 N l . H U S : rasubbatu est donc la splendeur f l a m b o y a n t e 1 1 qui se dégage du feu e t des ma té r i aux incandescents . Une idée de puissance e t de perfection est inhérente à N l . H U S , qui désigne éga lement les qual i tés exprimées pa r des adjectifs comme gitmaiu : noble, parfai t , e t mugdasru : fort, va i l lant .

U n des sens pr inc ipaux de N i est : craindre, avoir peur, ce qui correspond en accadien à palâhu, d 'où dér ivent les t e rmes puluhtu e t pulhu, en sumérien N i , N i . T E . Les dict ionnaires t r adu i sen t N i : puluhtu pa r : crainte, terreur , cra inte religieuse, révérence que cer tains ê t res inspirent par leur puissance, d 'où le sens dérivé de majesté . E n réal i té , les choses — nous le verrons — sont moins simples, et le lien qui relie les différentes significa t ions de ce m o t semble, de pr ime abord, assez difficile à saisir. S'il est évident que puluhtu doit ê tre t r a d u i t dans un t rès g rand nombre de cas par : cra inte , t e r r e u r l s , respect, il y a des passages où N i : puluhtu, ne peu t avoir ce sens. J e citerai un exemple tiré du poème de Gilgames : dans la t a b l e t t e I X , colonne II , lignes 6 et suivantes , il est quest ion de l 'homme et de la femme Scorpions qui ga rden t les por tes d 'où sort et où ren t re

7. C'est le nom du mur que Sennachérib a construit, cf. D . D . LUCKENBILL, The

Annals of Sennachérib, OIP I I , p. 111, col. V I I , ligne 66). W . VON SODEN, Analecta

Biblica 12, 1959, p. 363, considère que le transfert à la muraille d'une notion jusqu'alors réservée au monde divin est une innovation des Sargonides ; pourtant, déjà dans une inscription de Samsuiluna, les murs de KiS sont pourvue de melammu ; cf. infra, p. 6, note 28 ; p. 18, note 4.

8. Cylindre A de Gudea ( F . THUREAU-DANGIN, Les Cylindres de Gudea, p. 62, col. X X I X , lignes 13-14 ; p. 22, col. I X , ligne 17).

9. KAR 97, revers, ligne 7. 10. TÛG.HU5.A : huSSû est un vêtement rouge-feu qui joue un rôle dans certains

rituels, voir plus loin p. 107 et note 21. 11. Cf. l'adjectif raSubbu(m), qui signifie «flamboyant >; comparer l'hébreu reiep :

flamme (L. KOEHLER, Lexicon in Veteris Testamenti Libros, p. 911 b). 12. Par exemple, lorsque, dans le poème de GilgameS (tablette X I , ligne 92), Utana-

piStim veut exprimer la terreur qu'il a ressentie devant les conditions atmosphériques du jour par où débute le déluge, il dira que le jour était effroyable à voir : ut -mu a-na i-tap-lu-si pu-luh-te i-Si.

Isabelle
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4 La splendeur divine

le Soleil. Ce sont , pa r définition, des êtres solaires, resplendissants : « leur puluhtu est effroyable, leur regard est la m o r t », e t — ajoute-t-on — leur splendeur ter r ib le (melammu galtu) recouvre les mon tagnes . Quand Gilgame§ les aperçoi t , « à cause du r a y o n n e m e n t et de l 'éclat f l amboyant » (lignes 10-11 : pu-luh-ta u ra-sub-ba-ta) que ces ê t res dégagent , «i l couvr i t sa face (ligne 11 : i-te-rim pa-ni-su).13 Sa n a t u r e a u x trois q u a r t s divine lui p e r m e t toutefois de supporter , après u n premier m o m e n t d ' incer t i tude , le pouvoir i r r ad i an t du couple Scorpion.

D a n s ce passage, puluhtu, à la ligne 7 e t à la ligne 10, désigne év idemm e n t u n e qua l i t é de ces êtres merveil leux, du m ê m e t y p e que rasubbatu c'est-à-dire u n e i r radia t ion lumineuse d 'une g rande in tens i té .

De même , lo rsqu 'à propos d 'un démon 1 », on affirme que puluMa-su za'irat, une t r aduc t ion de puluhtu pa r « t e r r e u r » ou « cra inte » semble difficile à a d m e t t r e . L 'expression « la t e r reur qu ' i l inspire est hostile » " n ' a u r a i t pas de sens. P o u r t a n t , le fait d 'accoler l 'adjectif za'irtu à puluhtu p e u t être significatif dans la mesure où il nous p e r m e t de comprendre q u e la force qu i se manifes ta i t p a r puluhtu n ' é t a i t p a s pa r elle-même nécessairement mal fa isante puisqu 'on a senti la nécessi té de l 'associer à u n adjectif comme «host i le». De ce fai t la t r a d u c t i o n de puluhtu pa r « te r reur » se révèle, du moins dans ce cas, comme inadéqua te . E n réali té puluhtu est essent iel lement u n e manifes ta t ion de puissance surhumaine . C'est u n e i r radia t ion qui p e u t ê t re dévas ta t r ice ou bienfaisante : ce n 'es t pas pa r hasa rd qu 'on n o m m e pulhu le v ê t e m e n t qu i habil le la s t a tue du dieu S a m a s l 7 , le Soleil resplendissant sans lequel a u c u n e vie n 'es t possible sur ter re , le juge suprême auquel rien n ' échappe , impi toyab le envers les

13. Gilgamei, tablette IX, col. II, lignes 10-11 : i-mur-Sû-na-ti-ma pu-luh-ta u ra-Sub-ba-ta i-te-rirn pa-ni-Su. Je suis ici la lecture i-te-rim que von Soden a donnée, avec un point d'interrogation, dans son Akkadisches HandwOrterbuch, p. 64b. La lecture traditionnelle i-te-kil pa-ni-Su : « sa figure s'assombrit » (cf. en dernier E . A. SPEISER

dans J. B. PRITCHARD, ANET, 2« éd., p. 88, et A. H E I D E L , The Gilgamesh Epie and the Old Testament Parallels, p. 65, tandis que A. L. OPPENHEIM, Orientalia N S XVII, 1948, p. 46, traduit : « he shields his face only [for a moment] ») ne résiste pas devant le fait que pana, comme René Labat me l'a fait remarquer, est un pluriel et peut difficilement de ce fait être pris pour le sujet d'i-le-rim. Voici la traduction que donne de ce passage R. LABAT, Les écrivains célèbres, L'Orient ancien, L. Mazenod édit., p. 118 : « Lorsque GilgameS aperçut leur effrayant aspect et leur splendeur terrible, if couvrit son visage, puis reprenant courage, s'approcha vers eux ».

14. Cf. dans les visions d'Ezéehiel (I, 13 et VIII, 2), les êtres de feu. 15. CT XVI, 23, ligne 338 sq. On fait ensuite allusion au cri du démon et à la bave

empoisonnée dont il asperge les hommes. 16. C'est la traduction donnée par CAD 21, Z, p. 14a ; < his terror is hostile ». 17. L. W . K I N G , BBS, pl. XCIX, col. II, ligne 42 : *>pu-ul-hu. En réalité, il s'agit,

dans ce kudurru, de la remise en ordre des vêtements de Sama 5, de sa parèdre Aia et de son cocher, le dieu Bunene. Le vêtement pulhu qui est cité le premier est probablement destiné à habiller SamaS.

Introduction 5

criminels mais secourable pour les j u s t e s . 1 8 Lorsque ce t te force i r rad ian te é m a n e d 'un être démoniaque don t la na tu re est néfaste e t non, comme celle des dieux, ambiva len te , ses effets ne peuven t ê t re qu ' i r rémédiablem e n t m a u v a i s pour les hommes e t pour leur en tourage , j u s q u ' a u x champs , a u x p lan tes et au bétai l . C'est là le sens de l 'expression puluhta-su za'irat que nous avons citée plus h a u t . U n passage d 'un h y m n e nous pe rme t t r a peu t -ê t re de clarifier encore ce que les Babyloniens voula ien t expr imer p a r puluhtu : « Seigneur, t a divinité, comme le ciel lointain e t la mer vas te , es t remplie de puluhtu » . 1 4 Le dieu auquel on s 'adresse en ces t e rmes est Sîn, la Lune . Dans les lignes qui précèdent il a déjà é té qualifié de « jeune t a u r e a u sauvage a u x cornes épaisses, a u x membres accomplis, à la ba rbe br i l lante , qui regorge de viril i té e t d 'épanouissement ». *> E n disant que la mer, le ciel et la lune sont « pleins de puluhtu », les Babyloniens exprim a i e n t la somme de sen t iments qu ' i l s éprouvaien t aussi bien en con temp l a n t la lune que d e v a n t l ' insaisissable et infinie splendeur de la mer ou de la v o û t e céleste. L ' impression d ' immensi té e t de renouvel lement que la mer e t le ciel donnent , la fascination que l 'éclat incomparable de la L u n e exerce sur lui, le Babylonien les t r a d u i t pa r le m o t puluhtu, en r é s u m a n t e t en réduisan t ainsi au dénomina teur c o m m u n le p lus modes te , la crainte , l ' a t t i t ude de l ' homme d e v a n t l 'un ivers divinisé. Les listes lexicographiques considèrent , d 'une par t , namrirrû, birbirrû e t melammu comme des synonymes de sarûru : la splendeur céleste et , d ' au t re pa r t , melammu comme u n synonyme de pulhu, substant i f de m ê m e racine e t de sens t r è s proche de puluhtu.ai Nous ver rons p a r la sui te que la synonymie en t re melammu e t puluhtu se manifeste éga lement ail leurs q u e dans les vocabulaires . Or, melammu, en sumérien ME.LÀM, est p roprement , l 'éclat don t sont parées certaines divinités. L e sumérogramme semble indiquer qu' i l s 'agit d 'un ét incel lement propre a u feu. Le deuxième signe, LÂM, ind iquan t sans doute l ' incandescence, on pour ra i t comprendre

18. W . G. LAMBERT, Babylonian Wisdom Literature, Hymne à SamaS, p. 128-130, lignes 56 sq.

19. IV R 9, ligne 29 (S. LANGDON, OECT VI, p. 6) : be-lum i-lut-ka ki-maSami' ru-qu-ti tam-iim ra-pa-ai-tam pu-luh-tam ma-lat. On peut rapprocher ce passage des lignes 23-25 de l'inscription de Harran (C. J. G A D D , AnSl VIII, 1958, p. 60), où il est également question à plusieurs reprise de la puluhtu de Sln (voir, plus loin, p. 79, n. 92) : Sa pu-luh-ti ilu-ti-Sù rabtti iaml' u irsiti" ma-lu-û ki-ma zi-mi-Sû Samt" u irsiti" sah-pa : « c'est du rayonnement de ta ( = de Sîn) divinité que les cieux et la terre sont pleins ; suivant son apparence, les cieux et la terre en sont (plus ou moins) couverts ». Au sujet de SamaJi, on dira : pu-luh-ti ilu-ti-ka ma-ta-a-ti [sah-pu (?)] : du rayonnement de ta divinité les pays [sont recouverts (?) ]. Cf. J. L A E S S 0 E , Studies on Assyrian Ritual and Séries « btt rimki », p. 53, ligne 12 A.

20. IV R 9, lignes 20-21 : bu-ru ek-du sû qar-ni kab-ba-ru Sâ meS-ri-ti suk-lu-lum ziq-ni uq-ni-i zaq-nu ku-uz-bu u la-la-a ma-lu-û.

21. B. MEISSNER, Beitràge zum assyrischen Wôrterbuch, I, p. 70, ligne 5 sq. ; W. VON

SODEN, Die akkadischen Synonymenliste, n» 2, col. I, ligne 58 : me-lam-me : pu-ul-ha.

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6 La splendeur divine

ME.LÂM comme le M E (en accadien parsu), c 'est-à-dire la fonction, la propr ié té du feu, ou de ce qu i est b rû lan t . M C'est u n r a y o n n e m e n t qui p a r t du h a u t et qui couvre le ciel et les mon tagnes . D a n s le passage d 'un h y m n e à I s t a r d ' époque néo-babylonienne, on l ' invoque comme « pr incesse des A n u n n a k i , qu i po r t e la puluhtu, d a m e d o n t le melammu couvre le ciel » . 2 3 . Cet te i r rad ia t ion est ici centrée a u t o u r de la t ê t e de la divini té » , peu t -ê t re au tou r de son t u r b a n - t i a r e (agû) : ainsi lorsque le dieu Ea , dans Enùma élis, t a b l e t t e I, lignes 68 e t su ivantes , saisit Apsû, après avoir délié son b a n d e a u , il lui a r rache son t u r b a n (is-ta-hat a-ga-siï) et enlève son melammu (me-lam-me-su it-ba-la) pour s'en parer l u i - m ê m e . 2 5

Mais ME.LAM : melammu expr ime aussi l 'éclat qu i se dégage de cer tains édifices comme, pa r exemple , du temple que Gudea cons t ru i t pour le dieu Ningirsu M , ou encore de la por te édifiée pa r le m ê m e ensi ou de la murai l le d 'une v i l l e . 2 8

Il semble parfois que , pour expr imer l 'éclat de la personne divine, comme celui que sa présence confère a u x temples , u n seul m o t signifiant la splendeur ne suffise pas : on recour t alors au b inôme pul(u)h(t)u melammu, en sumérien NÎ .ME.LAM, qu 'on t r adu i t , faute de mieux, p a r « terr ible splendeur » 2 9 .

Un a u t r e t e r m e désigne la splendeur : salummatu. Dérivé de la racine sémit ique slm, qui signifie : ê tre intègre, ê tre complet , d 'où : aller bien, ê t re en bonne san té ; salummatu semble être une propr ié té de ce qui est

22. A. DEIMEL, Sumerisches Lexikon, II, 172 ; le signe BIL représente peut-être une torche, dans la phase la plus archaïque de l'écriture : cf. A. FALKENSTEIN, Archaische Texte aas Uruk, p. 93, n° 338.

23. S . SMITH, RA XXII, 1925, p. 58-60, col. II, lignes 7-10 : ru-ba-a-tim "A-nun-na-ki na-Sâ-at pu-lu-uh-tim be-el-tim Sa mé-lam-mu-Su Sa-mu-û ka-at-mu.

24. De Nannar, le dieu Lune, on dit : en-gal me-làm-ma sag-lla : « seigneur grand, qui porte le melammu » (UET I, N" 139 [Rlmsln], ligne 2) ; même épithète pour Enlil (Ibid., N« 144, ligne 2) yde la déesse Ninsianna, fille d'Anu et d'Urag, on dit : nin-me-lâm-zu sag-lla : t dame qui lève haut la tête dans son (mot à mot : ton) melammu • (A. FALKENSTEIN, ZA N F XVIII, 1957, p. 73, note à la ligne 27) ; du Lamassu : Sa,me-lam-mu-su Sâ-qu-û : « (dieu) dont le melammu est élevé » (V R 52, col. I, ligne 22) ; de même pour Sln et ASsur, mais au lieu de melammu, c'est leur namrirrû qui est haut : pour Sln, cf. I R 9, ligne 5-6 : bel a-gi-i Sa-qu-u nanvirrt, et pour ASSur, CT XXXV, 44, ligne 2.

25. R. LABAT, Le Poème de la Création, p. 84. Voir plus loin, p. 29 sq. 26. Cf. F . T H U R E A U - D A N G I N , Les Cylindres de Gudea, cylindre A, p. 22, col. IX,

ligne 16; p. 38, col. XVII, ligne 18. 27. Ibid., p. 54, col. XXVI, ligne 1. 28. Par exemple, le mur de KiS, que Nabonide se vante d'avoir reconstruit, s'appelait

me-lâm kur-kur-ra dul-la : « splendeur qui couvre les pays » (RA XI, 1914, p. 112, ligne 2). 29. Dans une inscription de l'époque de Rlmsln de Larsa, le dieu Nergal est appelé :

« seigneur puissant... dont le ni-me-lâm est parfait » (en-mah... ni-me-làm su-riu7 : UET I, N» 141, lignes 1-3). Au dieu Ninurta, Anu fait don de puluhtu melammu au milieu du ciel, voir infra, p. 21, note 47.

Introduction 7

parfai t , in tac t . Ses sumérogrammes SU et SU.ZI (ou S U . S I 2 9 ' " ) qui signifient : corps, et : corps normal , régulier, solide, paraissent refléter la même idée d ' intégri té et de normal i té que salummatu. Salummatu est une qual i té des dieux. On exal tera la déesse I s t a r en disant : « que le r a y o n n e m e n t ét incelant de t a to rche brille dans le c i e l» . 3 0 Nergal est, pa r exemple, ha-lip sd-lum-ma-ti : enveloppé de s p l e n d e u r . 3 1 Salummatu est également une qual i té des rois ; il figure pa rmi les « objets» (le t rône , le t u rban , l 'arme) dont les dieux se dessaisissent en faveur du roi au m o m e n t de son i n v e s t i t u r e . 3 2 D ' au t r e par t , la couronne qu 'Asarhaddon dédiera au dieu Assu r est la-bis me-lam-mu za-in bal-tu na-si sa-lum-ma-tu hi-it-lu-up nam-ri-ri : « revêtue de splendeur, parée de vi ta l i té , chargée d 'un halo lumineux, recouverte d 'éclat » . 3 3

Tels sont les t e rmes pr inc ipaux à pa r t i r desquels nous allons t en t e r de préciser ce qu 'es t la « splendeur» dont il est quest ion d a n s les t ex tes religieux mésopotamiens.

Comme t o u t ce qui est sacré, ce t te splendeur est en même temps , par essence, bienfaisante et néfaste, favorable et dangereuse. De ce fait, elle suscite chez celui qui la contemple ou l 'aperçoit u n mélange de crainte e t d ' admira t ion tel qu ' i l en est comme paralysé.

De l 'ambivalence de puluhtu, rasubbatu, salummatu, namrirrû ou melammu, les inscriptions royales assyriennes nous fournissent à chaque in s t an t des exemples. La splendeur éc la tante des dieux protec teurs de l 'Assyrie agit , en effet, toujours comme une force qui est bonne et mauvaise au même ins tan t . Alliée fidèle e t suprêmement efficace des souverains assyriens, elle se comporte comme un ouragan dévoran t envers leurs ennemis qu'elle renverse, submerge et dét rui t . Les dieux prennent p a r t à la batai l le personnellement sous la forme de l 'éclat qu ' i ls dégagent . Aussi m e proposé-je, compte t enu de cet te ambivalence, de laisser de côté le qualificatif « terrible » dont les t r aduc t eu r s font inévi tablement suivre le m o t « splendeur», chaque fois qu' i l s 'agit de t radu i re rasubbatu, namrirrû, salummatu, puluhtu ou melammu, parce qu' i l donne une colora t ion affective unilatérale à ces te rmes , sauf na ture l lement les cas où,

29 bis. Pour une lecture SU. L1M. Cf. A. FALKENSTEIN, ZA NF XXI, 1962, p. 53 et n. 164.

30. F. THUREAU-DANGIN, RA XI, 1914, planche à la p. 151, revers, ligne 35 : $à-lum-mat di-pa-ri-ki Sit-pu-tut ina qé-reb samê" lit-tan-pah.

31. B . A. VAN PROOSDIJ, L.W. King's Babylonian Magic and Sorcery, N° 46, ligne 15. 32. R. BORGER, Die Inschriften Asarhaddons, p. 81, revers I, ligne 52 : ina rêSSarrûti-ia

dA-num agâ-Sû ''Enlil "''kussâ-Su dNin-urla «'•kakka-s'u "Nergal s"a-lum-mat-su û-Sat-li-mu-in-ni-ma : « Au début de mon règne, Anum de sa couronne, Enlil de son trône, Ninurta de son arme, Nergal de son halo lumineux, ils m'ont gratifié ». De même, ibid., p. 46, lignes 36-37 : ''Nergal dan-dan-ni ilâni uz-zu na-mur-ra-lum à Sâ-lum-ma-tum ii-ru-kà Si-rik-ti : « Nergal, le plus puissant des dieux, m'a fait don d'un fier éclat et d'un halo lumineux ».

33. Ibid., p. 83, lignes 33 sq.

CASSIN. 2

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8 La splendeur divine

dans le t ex t e même, le m o t signifiant « splendeur » est accompagné d 'un

adjectif qui le qualifie dans ce sens, comme pa r exemple galtu, ezzu ou

ekdu.

D'au t res t e rmes e x p r i m a n t des t ypes part icul iers d 'éclat seront également évoqués au cours de cet te é tude . Comme sarûru ou comme bir-birrû, pa r exemple, t ous les deux souvent appl iqués au Soleil, l 'un désignan t son éclat et l ' au t re le r a y o n n e m e n t lumineux que la gloire solaire dégage lorsqu'elle est à demi-cachée par une mon tagne ou u n nuage . Le fait qu' i ls const i tuent , en un certain sens, des te rmes « techniques» ne leur a peut -ê t re p a s permis d 'acquér i r une valeur religieuse. Aussi ne peuvent- i ls intéresser m a recherche qu ' ind i rec tement .

Bien que l 'é tude des t e rmes signifiant ce t y p e de splendeur numineuse se limite au seul domaine mésopotamien , je serai amenée à é tabl i r des comparaisons avec des t e rmes analogues qu i figurent dans d ' au t re s langues sémit iques e t le cas échéant , non sémitiques.

Il est, pa r exemple, impossible de ne pas tenir compte à propos du t e r m e rasubbatu du nom du démon bibl ique Resep . Le rapprochement s ' impose d ' a u t a n t p lus que rasubbatu, comme nous le ver rons plus loin, désigne souvent l 'éclat qui é m a n e du dieu N e r g a l . 3 4 Or, selon une t ab le t t e t rouvée à Ras -Samra , Nergal serai t ident ique à R e s e p . 3 5 L a fonction de ce dernier, en t a n t qu 'é lément b rû l an t , ressor t i ra i t également du passage de Deu té ro -nome X X X I I , 24 : « Ils seront consumés par la famine, mangés par Resep . » Le propre du feu est d 'ê t re d é v o r a n t 3 8 : le passage fait allusion aux flammes personnifiées p a r Resep comme à un des moyens que Yahwé emploiera pour détruire le peuple rebelle.

34. Voir infra, p. 20. 35. RSp = nè-eri-gal (E. W E I D N E R , AfO XVIII, 1956, n» 20-24, p. 170). A . CAQUOT,

(Syria XXXVI, 1959, p. 99), remarque que R5p est appelé «portier»: tgr, du Soleil, dans un autre texte d'Ugarit (Syria XXVIII, 1951, p. 25). Sur Resep, voir A . CAQUOT,

Semitica, VI, p. 53 sq.

36. lehûmt : « ils seront mangés ». Ce verbe a le même sens que lahâmu en accadien (cf. Vf. VON SODEN, Akkadisches Handivôrterbuch, p. 527 b : zu sich nehmen, essen) qui signifie en outre : manger par petits morceaux, goûter ; cf. L . F . HARTMAN et A . L .

OPPBNHBIM , On Beer and Brewing Techniques in Ancient Mesopotamia, p. 15 et note 39.

CHAPITRE I

Splendeur et masque une hypothèse

L' in té rê t que les historiens de la religion suméro-accadienne on t accordé en général à l 'éclat en t a n t que manifes ta t ion de la divinité ne semble p a s ê t re allé au-delà de la cons ta ta t ion du fait su ivan t : on a admis comme a l lan t de soi que les divinités des Sumériens et des Accadiens ava ien t été, pour la p lupar t , des divinités i r rad ian t une lumière qui suscitait la crainte , la t e r reur même, dans le cœur des fidèles. On a pa ru croire de ce fait que la terreur , la peur, é ta i t le sen t iment qu ' inspi ra i t invar iablement t o u t e forme de splendeur, celle qu 'on a t t r i bua i t au ciel ensoleillé, à un temple nouvel lement construi t ou reconstrui t , a u t u r b a n du dieu, à la Lune ou à la déesse lâ tar . E n réalité, on n ' a pas dépassé le s tade de la t raduc t ion pure e t simple des t e r m e s ; mais comme on t radu isa i t d 'une façon semblable les différents t e rmes désignant l 'éclat, il en est résul té une certaine monotonie dans les textes . Mais, il est vrai , d ' au t r e pa r t , qu ' i l est t rès difficile de t radu i re ces te rmes en d o n n a n t à chacun un sens différent. T o u t au plus, peut-on essayer de t radu i re chaque t e rme pa r le m o t français qui semble se rapprocher le plus du t e r m e sumérien e t accadien ; mais la chose n ' es t pas toujours aisée, e t le fait que les Mésopotamiens eux-mêmes

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10 La splendeur divine

employaient parfois, soit un te rme , soit l ' au t re pour désigner le même

phénomène lumineux est de na tu re à rendre la t â che d u t r aduc teu r encore

plus difficile. Il y a quelques années u n e hypothèse in téressante , séduisante m ê m e

par certains côtés, mais p a r t r o p uni la téra le dans son ensemble, a é té émise sur puluhtu e t melammu.1 Son b u t é t a i t de comprendre l 'arr ière-p lan psychologique et social de la splendeur des d ieux mésopotamiens . L ' au teur en é t a i t un éminen t philologue dont rien de ce qu ' i l écrit ne peu t laisser indifférent, A.L. Oppenheim. Son in te rpré ta t ion pa r t a i t de l ' analyse philologique du m o t puluhtu, mais au lieu de se fonder sur le m o t accadien et de s 'a r rê ter au sens de la racine plh d 'où il dérive, il essayai t de déterminer le sens de puluhtu en p a r t a n t du sumérogramme N Î d o n t puluhtu est la t r aduc t ion accadienne. A ce sujet, A .L . Oppenheim rem a r q u a i t que N i est t r a d u i t en accadien non seulement pa r puluhtu, ma is également p a r zumru : corps, e t pa r ramânu, qu i désigne l ' ident i té personnelle, c 'est-à-dire « soi-même », ipse. L ' au t eu r , d ' a u t r e par t , m e t t a i t en évidence q u ' u n a u t r e t e r m e désignant hab i tue l lement la splendeur, salummatu, a p p a r a î t en relat ion, du fait de son sumérogramme, avec le corps ; en effet, le sumérien SU, don t salummatu est une t r aduc t ion en accadien, signifie l 'enveloppe corporelle, la peau. E n outre , SU in terv ient aussi dans le sumérogramme SU.ZI qui est t r a d u i t également par salummatu.

Quant à melammu, que les listes lexicographiques donnen t comme synon y m e de pulhua, A.L. Oppenheim a t t i r a i t l ' a t t en t ion sur la relat ion qu ' i l cons ta ta i t en t r e ce t e r m e e t le t u r b a n . Il r emarqua i t , d ' au t re par t ; que melammu se cons t ru i t su r tou t avec le verbe nasû, qui a le sens général de : porter . Cet te double cons ta ta t ion lui suggérait a v a n t t o u t que melammu est en re la t ion avec la t ê t e e t plus par t icu l iè rement avec le visage. D ' u n démon, on dira pa r exemple que « sa fière figure est ceinte de melammu » (sa pâni ezzu melammu kissuru).3 D ' au t r e s démons, on précise qu ' i ls ne peuven t être reconnus ni dans le ciel ni sur la t e r re parce qu' i ls sont couve r t s de melammu (sunu ina samê u irsitim ul illamadu melammu kalmû sunu).4 Qu'est-ce donc que ce melammu que l 'on por te sur la figure et qui permet a u x démons de passer p a r t o u t sans être reconnus, se demande l 'auteur , sinon un m a s q u e ou une cagoule ? D'ai l leurs, l ' au t re t e rme puluhtu, qui appara î t souvent associé à melammu, semble également dans plusieurs cas faire allusion à un déguisement . L a preuve en serai t qu' i l se const rui t le plus souvent avec le verbe labâsu : ê t re vê tu . E n outre , la racine verbale plh qui a le sens de : craindre, aura i t , à la forme lïl/l.supluhu, selon

1. A. L. OPPENHEIM , « Akkadian pul(u)h(t)u and melammu », JAOS 63,1943, p. 31-34. 2. Voir supra, p. 5, note 21. Cf. également E . EBELING, Tod und Leben nach den

Vorstellungen der Babylonier, p. 26, ligne 13 et note c. 3. CT XVI, 25, ligne 49. 4. CT XVI, 44, ligne 93.

Splendeur et masque : une hypothèse 11

A.L. Oppenheim, le sens d e : se déguiser. U n passage du poème d ' I r r a " en fournirai t une preuve : dans la qua t r ième t ab l e t t e a u x lignes 55-58, il est quest ion des kurgarrû e t des assinnû, deux catégories d 'ê t res efféminés , don t « Is ta r , pour effrayer les gens, a changé la viril i té en fémini té ». A la t r aduc t ion tradi t ionnelle de ana supluhu : « pour effrayer », A.L. Oppenhe im sus t i tue : « pour por ter un puluhtu », e t comprend t o u t le passage comme faisant allusion au déguisement féminin don t les kurgarrû e t les assinnû se seraient parés pour jouer un d rame sacré d e v a n t les ado ra t eu r s d ' I s t a r . Puluhtu au ra i t donc le sens de masque . Si, d ' au t r e pa r t , on réfléchit que les sumérogrammes N Î et N Î . T E on t également t ous les deux le sens de puluhtu (masque) et de ramânu (ipse), on t rouvera i t en Mésopotamie un cheminement de pensée analogue à celui des langues classiques avec prosopon-persona. A.L. Oppenheim faisait r emarque r à ce propos que le t e r m e habi tue l en accadien pour désigner le remplaçan t , le subs t i tu t , le double d 'un homme, voire le spectre, est dinânu, qui s 'écrit en sumérien N lG .SAG. lL .LA, ce qui ne peu t signifier qu'« une chose qu 'on por te sur la tê te .»

Grâce au sumérien NlG.SAG. lL .LA, nous serions donc condui ts à établ ir pour dinânu la même équa t ion que pour puluhtu. Si le t u r ban , la coiffe ou la cagoule désignent le subs t i tu t , le double d 'un homme, on au ra i t aussi bien avec puluhtu qu ' avec dinânu des témoi gnages non équivoques que chez les Accadiens la not ion de personne peu t ê t re en r a p p o r t avec celle de masque . Une le t t re assyrienne d 'époque sargonide nous fournirai t u n exemple p r o b a n t de ce qu i précède en nous p e r m e t t a n t de voir employé, dans u n contex te précis, le m o t puluhtu avec le sens de personne. D a n s ce t te le t t re «, le roi Assurbanipal en s 'adressant à l 'un de ses plus hau t s officiers, Bêlibni, lui reproche d'avoir q u i t t é le palais sans en avoir reçu l 'ordre, e t il a joute : « ...at-tasa "man-za-az pâni-ia at-ta ù pu-luh-la-a ti-du-u lib-bu-û a-ga-a-'a te-te-pu-us u sd la i-du-u ak-ka-a-a-i ip-pu-us », phrase qui, selon Oppenheim, devai t ê tre t r adu i t e ainsi : « Tu as agi de la sorte, toi qui es un de mes officiers e t qui connais ma puluhtu. Comment agirait-il donc celui qui ne connaî t pas (ma puluhtu) ? » Cette t raduc t ion a depuis é té révisée pa r Oppenheim. 7 II me semble intéressant toutefois de faire é t a t des remarques

5. La référence est donnée ici d'après la dernière édition du poème, P. F. GÔSSMANN

OESA, Das Era-Epos (1955), p. 28 sq. qui a paru postérieurement à l'article d'Oppenheim. • Sutéens et Sutéennes jetant leurs cris de guerre ont réveillé l'Eanna, les castrats et les invertis dont Utar pour effrayer les gens a changé la virilité en féminité, les porteurs d'épée, de poignards, de stylets, de silex qui pour réjouir le cœur d'IStar commettent des abominations ». On retrouve les kurgarrû en rapport avec des épées et des massues également dans un autre passage (ZA XXIX, 1914-15, p. 198, ligne 17). Cf. W. VON SODEN, Akkadisches Handwbrterbuch, p. 510 b, s.v. Voir infra, p. 12, note 8.

6. ABL, n» 291, lignes 13-18, transcription et traduction dans L. WATERMAN,

Royal Correspondance of Ihe Assyrian Empire, I, p. 202.

7. Voici la traduction de ce passage telle que la donne CAD 4, E, 1958, p. 194 6 :

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12 La splendeur divine

que le passage de ce t te l e t t re lui inspirai t a u m o m e n t où il écrivai t l ' é tude don t il est quest ion ici.

A.L. Oppenheim considère que, dans ce passage, il est difficile d ' a d m e t t r e pour puluhtu le sens de c ra in te ou de révérence qu 'on lui donne hab i tue l lement . Dire q u ' u n e cer ta ine manière d 'agir qui serait déjà repréhensible de la p a r t de que lqu 'un qui ne connaî t p a s la puluhtu du roi, est abso lument inadmissible de la p a r t d 'un fonctionnaire du palais qui la connaî t , ne peu t avoir u n sens que si l 'on donne à puluhtu le sens de : personne e t si l 'on in te rprè te la phrase ainsi : « Toi qui es à mon service et qui de ce fait me connais personnel lement , commen t as- tu pu agir de la sorte ? » Tel est le ra i sonnement d 'A.L. Oppenheim.

P o u r puluhtu aussi bien que pour melammu, la pensée jouera i t cont inuel l ement sur d e u x p lans différents. Puluhtu comme melammu désignerai t t a n t ô t la splendeur e t le r a y o n n e m e n t que dégage la divini té , t a n t ô t p lus concrè tement le masque . Mais dans les deux cas, le r a y o n n e m e n t e t le masque about i ra ien t en définitive inévi tab lement à la not ion de personne.

Voilà, b r ièvement exposée, la thèse d 'A.L. Oppenheim. On vo i t à quel po in t elle es t r iche d 'é léments n o u v e a u x e t originaux. El le a, à mes yeux, le mér i te essentiel d 'avoir cherché pour la première fois à donner au m o t puluhtu u n sens au t re que celui qui lui é t a i t c o m m u n é m e n t a t t r ibué , en concen t ran t la recherche sur le sumérogramme N i , p lu tô t que sur la racine plh.

Il est pa r contre difficile d 'ê t re d 'accord avec l ' au teur sur de n o m b r e u x poin ts ; a v a n t t o u t sur la t r aduc t ion qu ' i l donne du passage du poème d ' I r ra , t a b l e t t e IV, lignes 55-56, où il veu t voir, dans supluhu non p a s le sens habi tue l d'insuffler la crainte , mais de por te r u n puluhtu, en c i tan t , à l ' appui de son hypothèse , des passages où il appa ra î t r a i t que les kur-garrû et les assinnû po r t a i en t des masques e t des parures féminines •

< you are my personal attendant, and you know what respect is due to me, (and still) you acted in this way — ho w (then) will someone act who does not know (such respect) ? » Par contre, la traduction du même passage, deux ans plus tard, dans le t. 7, I-J ( 1 9 6 0 ) ,

de CAD se rapproche davantage de celle de l'article de JAOS. La voici à titre d'intor-mation : « you, who are a personal attendant of mine and know well the respect due to pie, have acted like this, how would someone act who is not f amiliar (with the respect due to me) ». Comme les deux volumes ont été établis sous la direction d'A. L. Oppenheim, ces fluctuations de traduction doivent refléter, au moins je le présume, sa façon de voir.

8 . A. L. OPPENHEIM, ibid., p. 3 2 , note 5 . — A. FALKENSTEIN, Literarische Keil

schrifttexte aus Uruk, n° 5 1 , ligne 1 8 : ^kurgarrû riS-Su i-rak-kas : « le kurgarrû a mis un masque autour de sa tête ». — F . T H U R E A U - D A N G I N , Rituels Accadiens, p. 1 1 5 ,

traduit la ligne 7 : "kurgarrû '"assinnû s'a be-li-e dNa-ru-du rak-su : « les kurgarrû

et les assinnû habillés des vêtements de la déesse Narudu ». Au lieu de be-li-e, il semble qu'il faille lire til-li-e ; il ne s'agit pas, en tout cas, de vêtements de la déesse, mais d'un élément de son attirail guerrier (cf. W . VON SODEN, Akkadisches Handworterbuch,

p. 1 2 0 b, s.u. bêlu II, et également E. SALONEN « Die Waffen der alten Mesopotamiern », SO 3 3 , 1 9 6 5 , p. 1 5 2 : bêlu), dont les castrats et les invertis sont revêtus. Nergal est ap-

Splendeur et masque : une hypothèse 13

et en a rguan t , d ' au t re par t , que la t raduc t ion t radi t ionnel le de ces lignes ne se justifie point parce que ces catégories d ' individus ne pouvaien t en aucun cas être un objet de crainte , mais p lu tô t de dérision. E n effet, d a n s la l i t t é ra ture mésopotamienne , on cons ta te une a t t i t ude amb i va len te vis-à-vis des ê t res efféminés, a t t i t u d e qu i est faite de mépr is et, en m ê m e temps , de considérat ion », mais dans laquelle, toutefois, il n 'es t nul lement quest ion de crainte ou de peur . E n réal i té , si les lignes du poème d ' I r r a font allusion à la peur que les assinnû e t les kurgarrû inspirent a u x gens, c'est parce que leur compor tement évoque irrésist iblement la pe r t e de la virilité qui est sentie comme u n e terr ible puni t ion infligée p a r la divini té . C'est là un thème de malédict ion c o n s t a n t 1 0 e t u n i v e r s e l 1 1

pelé : seigneur des til-li-e u qa-Sa-ti : des épées (?) et des flèches ( L . W . K I N O , J5JBS, n° VIII, pl. LI, col. IV, ligne 22). Pour les armes des kurgarrû, des épées et des massues, cf. C. FRANCK, ZA XXIX, 1914-1915, p. 198, ligne 17, et VS II, 29, ligne 13. Cf. également B. LANDSBEHGER, WZKM 57,11961, p. 22, qui traduit ["\K UR. GAR.RAm" Sa

tuSâri imallilu : « die (kastrierte) Tempelgaukler, die Krieg spielen ». Il s'agirait, selon B. Landsberger, d'un simulacre de combat joué par les castrats du temple dans un but rituel, n ne faut pas oublier, d'autre part, le rôle que les kur-gar-ra ont dans la célébration du hiéros gamos à l'époque de la première dynastie d'Isin, cf. à ce propos A. F A L -

KENSTEIN , et W. VON SODEN, Sumerische und akkadische Hymnen und Gebeten, n» 18,

p. 93, lignes 72-75. 9. Il suffit de rappeler, pour donner une idée de cette ambivalence dont est entouré

le kurgarrû, que le dieu Enki le crée à partir de la saleté de ses ongles (dans le mythe sumérien de la descente d'Inanna aux enfers), et que, pourtant, le même mythe atteste l'importance de son rôle social : c'est au kurgarrû et au kalaturru que le dieu confie la mission de ramener la déesse sur la terre.

10. Voir par exemple le traité conclu entre le roi assyrien Assurnirari V et le roi Mati'ilu d'Arpad (cf. E. F . W E I D N E R AfO VIII, 1932-1933, p. 22-23). Si Mati'ilu n'observe pas le traité, que son sort soit celui d'une prostituée et que ses soldats deviennent des femmes, de sorte que l'arc leur tombe des mains (voir l'interprétation qu'E. F . W E I D N E R , ibid., donne de la dernière partie de cette malédiction. Cf. également les inscriptions de Tukulti-Ninurta I, n» 9 et 12 dans W E I D N E R , AfO, Beiheft 12). Sur une stèle d'Asarhaddon, est également menacé de la perte de sa virilité celui qui effacera l'inscription gravée, ou mettra, à la place du nom du roi, son propre nom, ou bien dé-placera la stèle, ou la cachera, ou la jettera dans le feu ou dans le fleuve : VS I, 78, revers, lignes 55-56 ; cf. R. BORGER, Die Inschriflen Asarhaddons, p. 99 : 'IStar be-let

qabli u tahazi zik-ru-su sin-niS-a-niS lu-Sa-lik-ma : « Qu'IStar, la reine du combat et de la bataille, change sa virilité en féminité » (de sorte qu'on le traîne ligotté aux pieds de ses ennemis). En outre, dans le grand traité d'Asarhaddon (D. J . WISEMAN, The Vassal-

Treaties of Esarhaddan), parmi les malédictions qui doivent frapper celui qui transgressera le serment de fidélité à Assurbanipal, trois paragraphes concernent le même sujet : lignes 453-454 : « Qu'IStar, dame de la lutte et de la bataille, brise votre arc dans une bataille âpre, qu'elle lie votre bras » ; lignes 573-575 ; « puissent-ils (les dieux par lesquels vous avez prêté serment) briser votre arc et vous faire tenir aux pieds de vos ennemis, puissent-ils faire que votre arc glisse de vos mains » ; lignes 616-617 : «puissent-ils vous obliger à tourner comme un fuseau ; puissent-ils faire de vous que vous soyez comme une femme devant vos ennemis. »

11. Voir, entre autres, le thème général des soldats habillés en f emmes,;qui ne peuvent que faiblir devant l'ennemi (cf., par exemple, l'article « Kleidung » dans Religion in

Geschichte und Gegenwart, III, p. 1067).

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14 La splendeur divine

don t on menace ceux qui se r endra i en t coupables d 'une t r a n s gression.

Il est également impossible d 'accepter l ' in te rpré ta t ion que A. L. Oppen-heim propose pour melammu, comme signifiant le masque . D a n s les passages que nous avons cités 1 2, les démons ne peuven t être r econnus parce qu ' i l s sont couver ts par le melammu. Mais il n 'es t pas nécessaire pour a u t a n t d 'y voir une preuve du por t d ' un masque . Le propre de la lumière i r rad ian te est d 'ê t re éblouissante e t de protéger ainsi des regards la source d 'où elle jaillit . « Seigneur, don t la splendeur ne peu t ê t re regardée 1 3 » : c 'est ainsi que l 'on invoque Marduk , qui est u n dieu, comme nous le ver rons pa r la suite, par t icu l iè rement r iche de melammu.

Qu'il suffise de penser au thème bibl ique e t post-bibl ique de Yahwé, qu i ne p e u t être vu à cause de son r ayonnemen t . E n outre , cer ta ins passages de r i tuels dans lesquels A. L . Oppenhe im a cru reconnaî t re des allusions a u po r t r i tuel d 'un masque (puluhtu), de la p a r t du p rê t re exorciste (mas-masu), p e u v e n t t rès bien ê t re compris sans qu ' on donne au m o t puluhtu le sens précis e t concret de masque «.

Ega lement insoutenable me semble la double filière qu 'A .L . Oppenheim a établ ie en p a r t a n t de puluhtu-melammu d 'une pa r t , e t de dinânu d ' au t r e pa r t , en vue d ' abou t i r para l lè lement au sens de personne pa r l 'entremise du masque . N l G . S A G . Î L . L A n 'es t p robab lement pas plus la cagoule ou le masque que ne le sont puluhtu ou melammu.

Il m e semble en out re que pour pa rven i r à la not ion de personne, l ' intervent ion du m a s q u e 1 5 en t a n t que chaînon in termédia i re en t r e le t u r b a n ou la coiffe e t le double ou le subs t i tu t (dinânu), n ' é t a i t nul lement nécessaire. Le t u r b a n et, en général , t o u t ce qui décore e t exal te la t ê te , sont des symboles de la personne parce que , pour les Mésopotamiens, la t ê t e e t su r tou t la face sont la personne. Nous reviendrons sur ce po in t plus longuement dans un a u t r e c h a p i t r e . 1 8

J e crois pa r contre que le sens de personne donné à puluhtu pa r A.L. Oppenheim dans la le t t re d 'Assurbanipa l à Bêlibni peut , en par t ie , se justifier, sans toutefois qu'i l y a i t besoin ici non plus d ' invoquer le

12. Cf. supra, p. 10.

13. KAR 101, col. II, ligne 4 : [en me]-lâm-bi igi-nu-un-bar-[ri\. Ce passage est rendu en accadien à la ligne suivante par : be-lum sd bir-bir-ru-lu la in-nam-ma-ru : « seigneur dont le birbirrû ne peut être regardé », birblrrû est ici l'équivalent accadien de me-lâm

en sumérien. Cf. à ce sujet, supra, p. 2, note 1. 14. Cf. chap. VIII, p. 103 sq. 15. Il est regrettable qu'A.L. Oppenheim n'ait pas connu l'étude fondamentale de

Marcel Mauss sur la notion de personne (« La notion de personne, celle de 'moi' », dans Journal of the Royal Anthropological Institute 68, 1938, p. 263-281). Cela lui aurait probablement permis d'élargir la notion de masque, dont il réduit les significations complexes à une seule : le masque de déguisement.

16. Voir notamment chap. IV, p. 48 sq. et chap. VII, p. 84 et 91.

Splendeur et masque : une hypothèse 15

masque . Nous ver rons dans la suite p a r quel cheminement différent j e suis arr ivée à une in te rpré ta t ion de ce passage qui est, somme t o u t e , assez proche de celle de ce savant , bien que ses implications conceptuelles et menta les soient t o u t à fait différentes. Cet te analyse de l ' a r ticle d 'A.L. Oppenheim ne doit pas induire le lecteur en erreur ; en réal i té , si je re je t te l ' in terpré ta t ion qu 'A .L . Oppenhe im a donnée de puluhtu-melammu, la lecture de son article a é té pour moi t rès féconde. A m e s yeux , le po in t de dépar t de l ' au teur est exact . E t , en définitive, c 'es t cela qu i impor te . E n posan t le problème de puluhtu en des t e r m e s en t iè rement différents, il a renouvelé la ques t ion et il a mont ré , fa i t essentiel, qu ' i l é ta i t possible de chercher à t r ave r s les tex tes , l ' a r t icula t ion des concepts .

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CHAPITRE II

Terminologie de la splendeur

Not re premier objet sera d 'examiner en détai l comment s 'ar t iculent d a n s le langage les t e rmes qui désignent le caractère éc la tan t de tel ou te l dieu. D ans ce bu t , l ' é tude des verbes qui accompagnent et « ac t ionnent » habi tue l lement les t e rmes namrirrû, rasubbatu, salummatu, puluhtu e t melammu sera essentielle. Un essai de classification de ce genre, su r tou t lorsqu' i l s 'agit de réali tés aussi m o u v a n t e s et difficiles à définir que celles d o n t il est quest ion ici, sera nécessairement ar ide ; mais il n 'es t pas possible d'en commencer l 'é tude a u t r e m e n t que par la mé thode que j ' a i suivie.

P o u r clarifier les idées, disons qu 'en règle générale il est question de splendeur dans deux types de proposit ions.

— D ans le premier type , la splendeur, sujet de la phrase, a p p a r a î t comme un ét incel lement qui, a y a n t son point de dépar t dans le corps du dieu ou dans l 'une de ses appar tenances ( temple ou armes), s ' irradie vers l 'extérieur.

— Dans le deuxième type, au contraire , c'est le corps du dieu qu i concentre sur lui-même la lumière, — qu' i l en soit le foyer ou qu'i l la reçoive d'ailleurs — et se t rouve ainsi enveloppé dans une gloire comme pa r une chape ét incelante.

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18 La splendeur divine

Dans le premier cas, on emploie en sumérien des verbes comme ûs :

se dresser ; lal : diriger ; dul : couvrir ; sub: é tendre , je ter ; ou ri : envelopper.

On dira à propos du temple d'Enlil , l 'Ekur , « l 'é t incelante maison » :

ni-me-ldm-bi an-ne ùs-sa : «son splendide éclat s 'élève j u s q u ' a u ciel » 1 ; ou

à propos du temple de Ningirsu, que Gudea édifie : me-lâm-hus-bi an-ni

im-ûs : « sa splendeur f lamboyante s'élève j u s q u ' a u ciel » 2 ; ou encore, à

propos du m ê m e temple : é-me-ldm-bi an-ni ùs-sa : « t e m p l e don t l 'éclat

s'élève j u s q u ' a u c i e l» . 3 P o u r signifier que l 'éclat divin ne se dresse pas

vers le ciel, mais recouvre la terre comme u n t ap i s de lumière, on se sert ,

dans le cyl indre de Gudea , aussibien du verbe dul : é-nin-nu ni-bi kur-kur-ra

tùg-dim im-dul : « l 'En innu , dont l 'éclat (ni) couvre les cont rées comme u n

m a n t e a u » «, que du verbe sub : ni-me-ldm-bi kalam-me sub-a :« (le temple)

don t le splendide écla t s 'é tend sur le p a y s de Sumer » », e t que du verbe

ri : é-ma ni-gal-bi kur-kur-ra mu-ri : « m o n t emple don t l 'éclat (nt-gal)

enveloppe les contrées »«, é-a ni-gal-bi kalam-ma mu-ri : « l e t emple don t

l 'éclat (ni-gal) enveloppe le pays de S u m e r » . 7

E n accadien, c'est le verbe sahâpu qui désigne su r tou t l 'action irrad ian te de la lumière qu i émane d 'un être surnature l , ma i s on emploie également katàmu : couvr i r s , e t sakânu : p lace r . 9 Sahâpu ne signifie pas en lui-même u n ac te hostile : il désigne en premier lieu l 'act ion de se dép loye r I 0 , de s 'allonger, et c 'est de ce sens principal que dérive celui d 'é tendre e t

1. A. FALKENSTEIN, Sumerische Gôtterlieder I, p. 15, ligne 78. 2. F . T H U R E A U - D A N G I N , Les cylindres de Gudea, p. 22, cylindre A, col. IX, ligne 16. —

A. FALKENSTEIN et W. VON SODEN, Sumerische und akkadische Hyrnnen und Gebete,

p. 146. 3. Ibid. cylindre A, p. 38, col. XVII, ligne 18. 4. Ibid., cylindre A, p. 62, col. XXIX, ligne 18 et col. XXVII, lignes 6-7. De même

dans la formule de la vingt-quatrième année de Samsuiluna (PEISER, OLZ, 1910, p. 427 sq.) lit-on bàd kiSu-a bàd me-làm-bi kur-kur(-ra 'dul-la) : « la muraille de KiS, muraille dont l'éclat couvre les contrées ».

5. Ibid., cylindre B, p. 100, col. XXIV, ligne 10. 6. Ibid., cylindre A, p. 22, col. IX, ligne 17. 7. Ibid., cylindre A, p. 62, col. XXIX, lignes 14-15. 8. Par exemple, le dieu Ninurta dira : [p]u-luh-ti mé-lam-mi-ia ik-tu-um-[ku-nu] : « mon

éclatante splendeur vous a couverts »(lugale ud melambi nirgal: KAR 14, col. II, ligne 47). De même Sargon ; cf. F . T H U R E A U - D A N G I N , Unerelation de la huitième campagne de Sar-

gon, TCL III, pl. IV, ligne 69. On rencontre parfois le verbe kaSâ : couvrir ; cf. l'hymne à Anu publié par A. T . CLAY, BRM IV, n" 8, ligne 29 : me-lâm-zu kur-kur-ra su-sù-me-en :

me-lam-mu-ka ma-ta-a-ti ka-Su-û : « ta splendeur couvre les pays. » 9. Voir infra, p. 77, et note 81. Cf. également KAR 69, ligne 22 ( E . EBELING,

MAOG I, 1925, p. 18) : «Stn bilu mé-lam-me-e ana libbi-ki ii-kun : « Sin, le seigneur, a placé sur toi (Istar) la splendeur ». W. VON SODEN, Akkadisches Handwôrterbuch, p. 643 a, considère que melammu désigne ici un vêtement étincelant d'apparat. Voir [infra, p. 24.

10. Cf. W. G. LAMBERT, Babylonian Wisdom Literature, p. 318, note 5.

Terminologie de la splendeur 19

enfin de recouvrir . Les démons « é tendent leur splendeur dans les q u a t r e direct ions (et) [brûlejnt comme le feu » (a-na sa-a-ri ir-bit-ti me-lam-me

sah-pu kima i-sd-ti ù-[ha-am-ma-tu]).11 Lorsque Tégla tphalasar I e r déclare que « son melammu recouvre l ' un ive r s» 1 3 , il veut indiquer par là l ' é tendue de sa puissance sans que son propos a i t une nuance part icul ière d 'agressivi té , de la m ê m e manière que l 'on dira du Soleil : « t a splendeur (sarûru)

recouvre (la terre) comme un filet » 1 3 . P a r contre, Assurbanipal d i t a u sujet de Tarqu que « l 'éclat divin d 'Assur et d ' I s t a r l 'a submergé» (nam-ri-

ri AsSur u 'Istar is-hu-pu-su)14 de la même façon que ses prédécesseurs ava ien t déjà évoqué le pulhu-melammu d 'Assur seul, ou d 'Assur e t de Marduk , pour expliquer le succès des armées assyriennes. Parfois c'est, l 'éclat des a rmes divines d 'Assur qui obt ien t le même effet foudroyan t sur l 'ennemi : ra-sub-bat kakki Assur bêli-ia is-hu-pu-suIS ; no tons à ce propos que la m ê m e expression ava i t déjà é té employée par Sennaché-r i b . 1 5 L 'emploi du verbe tabâku : verser, donne l ' impression, dans u n contex te similaire, que l 'éclat divin est senti en quelque sorte comme u n e subs tance liquide et b rû lan te qu ' on peu t répandre sur l 'ennemi afin de le terrasser : na-mur-rat kakkt"1 'Assur u 'Istar ez-zu-ti sa I-Su II-su III-su

it-bu-ku eli ^"Elamti" : « l 'éclat des a rmes furieuses d 'Assur e t d ' I s t a r qu i a é té r épandu jusqu ' à t rois fois sur l 'E lam ». "

Mais parfois l 'é t incellement qui se dégage d 'un dieu prend des formes plus subtiles : c'est u n e i r radiat ion qui précède ou qui suit la présence divine. On invoque N a b û en l ' appe lan t be-lum rabû" sa mé-lam-mu-su

e-tel-lum nam-ri-ir-ri la-ni-su pa-nu-su al-ku : « Seigneur puissant don t l e melammu est celui d 'un prince, l 'éclat de son corps va au -devan t de lui » . 1 8

D a n s un au t re passage, on observe que, m ê m e q u a n d le dieu a disparu , son éclat persiste. Il est évident , en ce cas, que le compor tement q u e l 'on a t t r ibue au dieu est suggéré pa r l 'observat ion des phénomènes lumi neux qui précèdent ou suivent l 'appar i t ion dans le ciel de l 'astre a v e c lequel N a b ù est dans une relat ion t rès étroi te , la Lune .

11. E . REIN-ER, Surpu, AfO, Beihfet X I , 1958, tablette V I I , lignes 7-8. 12. Prisme ( L . W. K I N G , AKA, p. 23), lignes 40-41 : m-mu ni-pir-du-ù Sa me-lam-

mu-su kibrâti (UB"") â-sah-ha-pu : «jour resplendissant dont le melammu s'étend sur les quatre parties (du monde) ».

13. W. G. LAMBERT, op. cit., p. 126, ligne 5 : [sah]-puki-maSu-uS-[ka]l- l[i Sa-]ru-

ru-ka.

14. Prisme, I, ligne 80. A. C. PIEPKORN, Historical Prism Inscriptions of Ashurba-

nipal, p. 32.

15. Ibid., I I , ligne 8 : «L 'éclat flamboyant de l'arme d'Assur, mon seigneur, l 'a recouvert »..

16. D. D. LUCKENBILL, OIP. I I , p. 169, col. I I , ligne 45. 17. M. STRECK, Assurbanipal, VAB V I I , 2, p. 62, col. V I I , lignes 53-54. 18. KAR 104, ligne 10 ; cf. également lugal-e ud me-lam-bi nir-gàl : Sarru ûmu Sa

melammu-Su e-tel-lum : « le roi. tempête, dont le melammu est celui d'un prince ». 19. KAR 104, ligne 14.

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I 20 La splendeur divine Terminologie de la splendeur 21

D a n s les mani fes ta t ions lumineuses du second type , on peu t grouper, comme nous l 'avons déjà dit, des exemples où l 'éclat , au lieu de s'irradier vers l 'extérieur, semble se concentrer t o u t ent ier sur l 'objet d o n t il émane — qu ' i l s'agisse de la personne du dieu, ou bien de son temple , ou encore de ses a rmes . C'est p a r des expressions comme « ê t re couver t », « enveloppé », « pa ré », « r e v ê t u », « rempli » d 'éclat q u e les Sumériens aussi bien que les Accadiens expr imeron t l 'ét incellement mervei l leux que la lumière p rodui t a u t o u r de l 'obje t r ayonnan t .

Ainsi, de Ningirsu on dira : sa ra-sub-ba-ta ra-mu-ù, en sumérien ni-hus

ri-a : « celui qui est couver t de splendeur f l amboyan te » 2 °, et la même expression est employée également pour E n l i l 2 1 e t pour le dieu N a n n a ( S î n ) . 2 2 Marduk , dans u n au t r e tex te , est appe lé ra-mu-ù pul-ha-a-ti" :

« couver t d 'éclat», t a n d i s qu ' Ià tar est sa sa-lum-ma-tu ra-ma-at : « celle qui est couver te d ' un éc la tan t h a l o » . 3 4 L ' a r m e divine est également «envi ronnée d 'écla t» (kak-ku sd nam-ri-ir-ri ra-mu-iï).™

T o u t à fait f réquent est l 'emploi de verbes comme halâpu : couvrir, envelopper, en sumérien gin : Nergal est t a n t ô t ha-lip ra-sub-ba-ti28 t a n t ô t ha-lip sd-lum-maM27 ; Iâ tar est nam-ri-ri ha-al-pat*>, expression qu 'on emploie aussi pour le roi Sargon d'Assyrie, lequel est appelé zi-ka-ru dannu

ha-lip na-mur-ra-ti29 : « mâle puissant enveloppé d 'éclat » ; ou comme labâsu,

en sumérien mu : ê t re vê tu . Nergal , de même q u ' A s a l l u h i 3 0 et N a b û 3 1 , est sd lit-bu-su nam-ri-ri32 : « celui qui est revê tu d 'éclat», t and i s que Ninur t a est sa pu-luh-tû lil-bu-su33 : « celui qui est r evê tu de r ayonnemen t » et IStar sa... ra-sub-ba-tu lab-sat : « celle qui est r evê tue de splendeur flamb o y a n t e » . 3 4 Le roi Asa rhaddon di t de lu i -même qu ' i l est « r evê tu d'éclat » : la-bis na-mur-ra-te.38 On dira d 'un être a p p a r u en rêve qu' i l « est

20. KAR 97, revers, ligne 7. 21. IV R 27, ligne 4. 22. Selon une prière bilingue (IV R 25, col. III, ligne 49), Nanna « est entouré de

melammu, (sa) forme est environnée d'éclat flamboyant » (mé-lam-me Su-ta-as-hur bu-un-

na-an-ni-e ra-Sub-ba-tû ra-mi).

23. JRAS, 1932, p. 39, revers, ligne 22 ; sumérien : ligne 21 : ni-le ne-ib-ri-a.

24. KAR 57, col. I, ligne 5. 2*5. K. F. MÛLLER, MVAG 41, 3, 1937, p. 57, ligne 1. 26. J. BÔLLENRUCHER, Hymnen und Gebete an Nergal, LSS, I, 6, n» 8, ligne 2.

Cf. supra, p. 8.

27. B . A.VAN PROOSDIJ, L.W. King's Babylonian Magic and Sorcery n° 46, ligne 15. 28. J. A. CRAIG, Assyrian and Babylonian Religious Texts, I, n° 7, ligne 6. 29. D . G. LYON, Keilschrifttexte Sargon's, p. 2, ligne 7. 30. E . EBELINO, Tod und Leben nach den Vorstellungen der Babylonier, I ,p. 24, ligne 1. 31. CT XXXV, 48, revers, ligne 9. 32. B . A. VAN PROOSDIJ, op. cit., n° 46, ligne 15. 33. Ibid., n" 2, ligne 13. 34. KAR 57, I, ligne 5. 35. R. BOROER, Die Inschriften Asarhaddons, § 53, p. 81, ligne 44 ; § 65, p. 96, ligne 21

et p. 100, ligne 3.

couver t de splendeur, revê tu de r ayonnemen t» (mé-lam-me ha-lip la-bis pu-ul-h[a-t]i).38 Nabuchodonosor di t à propos d 'une chapelle de M a r d u k d a n s l 'Ësagil : « D 'or br i l lant (comme) une parure de splendeur, je l 'ai r evê tue » (hurdsi nam-ri li-ik-nim me-lam-mi û-sa-al-bi-is-su)37 et N a b o -

j n ide se glorifie d 'avoir r evê tu le temple Éulmas' d 'un halo lumineux

j (sa-lum-ma-at ù-sal-bis).38 Un au t r e verbe f réquemment employé avec un sens proche de halâpu et de labâsu, est zânu, en sumérien tag, qui signifie : embellir, décorer, parer, et, enfin : pourvoir , couvrir : Is tar , pa r exemple, est zu- na-at na-mu-ra-ti : « parée d 'éclat » 3 9 ou encore melamme zu-'-na-at : «parée de s p l e n d e u r » . 4 0

De même Marduk, dans le passage de l ' hymne cité plus h a u t 4 1 , est ( me-lam-me zu-'-nu : « paré de splendeur », tandis que Ningirsu est na-mur-

ra-la zu-'-nu.42

D ' a u t r e par t , ces verbes dont nous venons d 'examiner l 'emploi à la forme passive, nous les t rouvons également à la forme ac t ive . Ils signifient alors l 'action par laquelle un dieu confère l 'éclat à un au t r e dieu ou à un mor te l privilégié, ou encore à un objet. Ainsi, lorsque T i a m a t pa r e d 'éclat les dragons qu'el le a créés, on dira : su-ut pu-ul-ha-ti i-za-nu (Enûma élis, t ab l e t t e IV, ligne 1 1 5 ) 4 3 ; ou encore à propos de Gibil, le feu, que le dieu Ea l'« a pa ré d 'une splendeur e f f royab le» 4 4 ; ou à propos du roi Nabonide , que le dieu Nusku û-za-'-in-su me-lam-mé sarru-û-tu : « l 'a paré de la splendeur de la royau té » . 4 8 On d i t également que le dieu N a b û a rendu l 'aspect du roi Nabuchodonosor resplendissant e t qu ' i l l 'a revê tu de r a y o n n e m e n t : pu-ul-ha-a-ta ù-sa-al-bi-is-su.48 A propos du dieu Ninur ta , on emploie u n e t ou rnu re moins usi tée : pu-luh-ti me-lam-me lA-nu-um ina qe-reb samê' a-na si-rik-ti is-ruk-sû : « le dieu A n u lui donna en don au milieu du ciel la splendeur r a y o n n a n t e » . 4 7

La comparaison de l 'éclat avec u n vê t emen t de lumière qui recouvr i ra i t

36. Ludlul bel nêmeqi III, ligne 12 (cf. W . G . LAMBERT, Babylonian Wisdom Lite-

rature, p. 48).

37. S . LANGDON, Die neubabylonische Konigsinschriften, VAB IV, p. 126, col. III,

! ligne 6. i 38. LANGDON, op. cit., p. 258, col. II. ligne 8 ; AfO XIX, 1959-1960, p. 62, ligne j 39.

39. Cf.V. SCHEIL , « Le poème d'AguSaya •, RA XV, 1918, planche de la p. 176, col. I, ligne 24.

40. E . EBELING, Die Gebetserie « Handerhebung », p. 152, ligne 3. 1 41. Cf. supra, p. 20, la référence à la note 23. ! 42. KAR 97, revers, ligne 7 (sumérien : ni-gal su-tag-ga).

43. R. LABAT, Le Poème de la Création, p. 130.

44. BA V, p. 648, ligne 5 : me-làm-huS su-tag- [tag] -ga : MIN ez-zu-fi û-za-'i-nu-uS.

45. E . DHORME, RA XI, p. 110, ligne 16 = CT XXXVI, 21, 1, ligne 16. 46. PSBA 20, 1898, p. 154, ligne 10. 47. B . HROZNY, MVAG 8, 1903, planche Il.ligne 6. Cf. plus haut, p. 20, note 33.

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22 La splendeur divine

la personne du dieu ou son t e m p l e 4 8 cède parfois le pas à une a u t r e image

non moins évocatr ice : c'est celle qui considère l 'éclat p lu tô t comme une

émana t ion lumineuse qui se proje t te vers l 'extér ieur que comme un

simple r evê temen t . On appellera le t emple d ' I s t a r de Hal lab 4 9 é kalam-

ia-ni-gùr; « le t e m p l e qui dans le pays (de Sumer) est rempl i d ' éc l a t» ; de

même on invoquera Nergal comme «le seigneur grand» ni-me-ldm gùr-ru :

« qui est plein de r a y o n n a n t e splendeur » . 8 0

A propos du dieu Sîn, on emploiera en accadien l 'expression malû namrirrl*1 : «plein d ' é c l a t » ; ou à propos d ' I s t a r ou de la déesse parèdre de Nabû, T a s m ê t u , on dira : malât namrirrî52 ; ou encore à propos de Ninur ta , on se servira de l 'expression : sd nam-ri-ri sit-pu-ru ma-lu-û pul-ha-a-ti : « celui qui est ceint d 'éclat (et) plein de r ayonnemen t ». « Nabuchodonosor déclare que N a b û « a fait que l ' aspect du roi (c 'est-à-dire :1e sien) déborde d 'un halo lumineux au-dessus des gens» (bu-na-an-ni sarri e-li te-ni-si-e-tm sd-lum-ma-tut us-ma-al-l[i]).54 Q u a n t a u dieu Adad , on expl iquera sa splendeur en d isan t : « le dieu K u t u s a r a fait déborder t o n corps d 'éclat » (us-mal-la gat-ta-ka na-mur-ra-ia).55

48. Voir, par exemple, ce qu'on dit de l'éclat de Ninurta : pu-luh-ti (variante : tu)

me-lam-me-ka É dEn-lll ki-ma sû-ba-li ik-tum : « ta splendeur rayonnante a couvert le temple d'Enlil comme un vêtement » ( B . HROZNY, MVA G 8,1903, planche II, ligne 30).

49. Nom de l'année dans un contrat de Larsa (cf. F. T H U R E A U - D A N G I N , RA XV (1918), p. 22).

50. Inscription de Kudur-Mabuk, RA IX, 1912, p. 122, col. I, ligne 3. 51. Assurnasirpal II (L. W. King, AKA, p. 243), lignes 4-5 : dStn er-Sa bel a-gi-e

malû" nam-ri-ri : « Sln, qui sait tout, seigneur de la tiare, plein d'éclat ». 52. IStar : E. EBELING, Die Gebetserie i Handerhebung », p. 152, ligne 3. Tasmêtu :

AfO XVI, 1953-1954, p. 306, ligne 12. Cf. aussi A. T. CLAY, Miscellaneous Inscriptions,

n" 31, ligne 2 (et duplicats) : nin ni-gal gùr-ru : « dame, pleine d'éclat ». Le temple du dieu Adad dans la ville de Zaban s'appelait bttuSa namrirrû-$û Sade'"" malû : « Le temple qui remplit les montagnes de son éclat ». Cf. E. EBELING, Orienlalia NS XVII, 1948, planche 43, ligne 9 = planche 45, ligne 14 = planche 47, ligne 8.

53. I R 32 (= 29), col. I, ligne 13. Pour le verbe Sitpuru avec le sens de ceindre, cf.

Wr G. LAMBERT, Babylonian Wisdom Literature, p. 231. Dans l'hymne à SamaS (W. G. LAMBERT, op. cit. p. 136, ligne 171) les monstres marins ("Lâh-mu S[u-ut tam]ti)

sont « pleins de rayonnement » : Sâ ma-Ia-û pu-luh-ta. On pourrait rapprocher Lahmu de Léviathan, qui est aussi une sorte de monstre marin, dont la peau et les yeux dégageraient, selon le Talmud (Baba Batra, 74 b, f), une splendeur qui dépasse en intensité la lumière du soleil (cf. L. GINZBERG, Legends of the Jews I, p. 27 ; V, p. 47, notes 123-128). En outre, le vêtement de lumière qui recouvrait Adam et Eve avant la chute, était fait de la peau de Léviathan. Ce serait également l'étincellement émanant du monstre qui causerait la phosphorescence de la mer. Comparer la description qu'en donne Job XLI, 10 et 23-24.

54. PSBA 20, 1898, p. 157, revers, ligne 9. Voir infra, p. 72, n. 57. 55. B . A. VAN PROOSDIJ, op. cit., n° 21, revers, ligne 59.

CHAPITRE III

Le panache de lumière

Pour no t re recherche, ce sont su r tou t les manifes ta t ions lumineuses d u deuxième t y p e qui sont révélatr ices.

Il résulte en effet des exemples que je viens de citer que namrirrû, rasubbatu, puluhtu e t salummatu, t o u t en é t a n t des phénomènes lumineux d'origine e t de na tu re diverses, on t ceci en c o m m u n de signifier t o u s l 'éclat don t la divinité est couver te (ramû, katâmu), don t elle est enveloppée (halâpu), don t elle est revê tue (labâsu), don t elle est pa rée (zânu), don t elle est remplie (malû). Leur caractère essentiel est de r e présenter un ét incel lement qu i p e u t aussi bien avoir son siège d a n s une pa r t i e déterminée du corps de la divinité, qu ' émane r de l 'ensemble de sa personne.

Si nous observons m a i n t e n a n t le t e rme melammu dans ses r appo r t s avec le dieu qui émet la splendeur, il appara î t au contrai re qu' i l s 'agit la p lupa r t du t emps d 'un scinti l lement localisé dans une par t ie du corps divin. U y a t o u t lieu de croire en effet que le melammu pa r t a i t de la t ê te de la divinité. Effect ivement les verbes le plus f réquemment accolés à melammu sont, comme A.L. Oppenheim l ' ava i t déjà fait r emar quer, nasû : porter , et apâru : coiffer, placer sur la t ê t e . Lorsque T iama t , dans YEnûma élis, t ab l e t t e I, ligne 136 et suivantes , t ransforme en dieux les dragons, on déclare : usumgallê na-ad-ru-ii pul-ha-a-ti û-sal-bis-ma me-lam-me-ma us-tas-sa-a i-li-is um-tas-si-il : « elle revêt i t les dra-

CASSIN. 3

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24 La splendeur divine

gons impé tueux de r ayonnemen t s et leur fit por ter le melammu, les r e n d a n t ainsi semblables à des d i e u x » . 1 De même, dans le poème d ' I s t a r e t de Saltu, on célèbre I s t a r comme la déesse t rès puissante à qui le dieu Anu a conféré les insignes de la royau té divine (sceptre, t rône e t couronne) e t les qua l i tés souveraines, et on ajoute : « Il lui fit por ter la splendeur, l 'éclat f lamboyant e t la b ravoure» (û-sa-ds-si-i-si ma4e-em-mi ra-su-ub-ba-ta-am ù qù-ur-dam).3 De m ê m e dans u n r i tuel pour la fête du Nouvel An à B a b y l o n e 3 , on prescrit que le dixième jour Marduk te-di-iq be-lu-ti-su i-na-an-di-iq i-na-as-si me-lam-mu : « sera revê tu de son v ê t e m e n t princier et por tera le melammu ». Il est vra i que la présence dans ce contex te du verbe nasû, qui possède un sens général de « porter», n 'es t p a s à elle seule un a rgumen t suffisant pour décider si melammu est une splendeur qu i concerne un iquemen t la t ê t e de la divini té . Mais d ' au t r e s passages où melammu est régi pa r des verbes comme apâru, par exemple, qu i est le t e r m e technique pour désigner l 'action de se couvrir la t ê t e d 'un t u r b a n (agû) ou d 'y placer u n bandeau (parsigu), para issent par contre plus p roban t s . Une phrase comme celle que prononce le roi Adadni râ r i I I * : les d ieux me-lam-me sarru-ti i-pi-ru-ni : « m e coiffèrent du melammu de la royau té» , semble aller dans le même sens.

En outre , la présence parfois auprès de melammu du verbe kasàru : lier, ceindre, doi t nous inci ter à penser que le melammu pouva i t ê tre conçu comme quelque chose de concret qui se liait au tour de la t ê t e de la divinité, comme u n e sorte de couronne ou de b a n d e a u d 'où s 'élevait u n n imbe. Des noms propres comme Nim-me-ldm : « celui (c 'est-à-dire le dieu), don t le melammu est élevé », m o n t r e n t que le propre du melammu é ta i t d 'ê t re u n r a y o n n e m e n t é m a n a n t « d'en h a u t » 5 , ainsi que l ' indiquent d ' au t re p a r t de nombreuses ép i thè tes d iv ines . 9

1. Le même passage se retrouve dans la tablette U, aux lignes 23-24. Je ne vols pas la nécessité de lire, au lieu d'uStoJSa, uS-daS-Sa-a, comme le fait CAD 3, D, p. 130 b.s.v.

deSû, et de traduire : « she provided him abundantly ». Notons en outre que CAD,

ibid., considère uSumgallê comme un singulier, tandis que CAD 7,1-J,p. 91b, suit l'interprétation traditionnelle qui en fait un pluriel.

2. VS X, n° 214, col. IV, ligne 8. Cf. H. ZIMMERN , « IStar und Saltu, ein altakkadi-sehes Lied », BSGW 68, 1916, p. 14. L'octroi de la bravoure à IStar se justifie d'autant mieux dans ce contexte que Saltu est l'hypostase de la bataille.

3. G. REISNER, SBH, n» 145, col. II, ligne 3. Dans une prière du type « Élévation de la main » à Nergal, celui-ci est dit : te-di-iq me-lam-mu na-mur-rat ka-sir. J. Nougayrol (RA XLI, 1947, p. 38, ligne 5) traduit : « ceint d'un vêtement nimbé d'un éclat effroyable ». Namurratu est considéré comme une émanation du tediq melammu. E . E B E

LING (Die akkadische Gebetsserie « Handerhebung », p. 118) scinde la phrase en deux et traduit « revêtu de melammu et ceint de splendeur ». Dans la même prière, deux lignes plus loin (ligne 7), Nergal est dit : me-lam-mu na-mur-rat ka-sir.

4. Cf. infra, p. 72, n. 50._

5. F . T H U R E A U - D A N G I N , Recueil des tablettes chaldéennes, n° 20, ligne 4. 6. Cf. p. 6, note 24, à propos du Lamassu.

Le panache de lumière 25

E n outre , l 'équivalence proposée par les vocabulaires ent re melammu et illukw fournit incontes tab lement un a r g u m e n t d 'un certain poids. Illuku désigne en effet une pierre précieuse, u n bijou é t incelant e t en même t e m p s u n article d 'habi l lement ou une parure de la t ê t e qui convenai t a u x femmes aussi bien q u ' a u x h o m m e s . 8 II est probable qu ' i l luku signifiait d 'abord une pierre précieuse, et qu 'ensui te le t e rme a fini par être appl iqué à un tissu b rodé et parsemé de pierres de ce nom. La lecture sumérienne nat mul-ug ou nat mu-lu-ug-za-gin insiste sur l 'aspect é t incelant de la pierre. Il ne semble pas qu'ici za-gin doive être in terpré té dans le sens p ropre de lapis, de pierre bleue, ma i s p lu tô t comme pierre é t i n c e l a n t e . 9 A noter qu.'illuku est aussi appelé bijou d'or (il-lu-uk liq-tï), et que d ' au t r e p a r t illuku avec le sens de parure est synonyme de lubâru sâmu : vê t emen t rouge-brun (et non bleu).

Ce qui précède nous pe rme t t r a peut-ê t re de mieux comprendre certa ines allusions contenues dans les tex tes . Lorsque , à propos de Nabû , on d i t qu ' i l est « u n dieu don t le melammu possède la splendeur salummatu » (ilu sa me-lam-mu-su sa-lum-ma-ta i-su-û)™, ou bien, lorsqu'à propos de Marduk, on déclare qu' i l a la t ê t e coiffée d 'une t i a re don t le melammu est orné de splendeur rasubbatu (a-pir a-gi-e sd me-lam-mu-sû ra-sub-ba-ta za-'a-nu) «, il est évident que ce t te surabondance de te rmes pour signifier l 'éclat don t la t ê t e du dieu est parée, n 'es t pas seulement une clause de style, mais qu ' i l s 'agit d 'expressions qu i sont employées à bon escient et qui possèdent u n sens t o u t à fait précis. J ' en vois une p reuve dans le fait que, j u squ ' à ce moment , je n 'a i rencont ré ce t y p e d'expressions qu ' avec le t e rme melammu et j ama i s avec les au t re s te rmes namrirrû, puluhtu, salummatu e t rasubbatu, e t que, d ' au t re par t , elles sont i rréversibles : on ne dira point , pa r exemple, que le namrirrû ou la puluhtu de tel dieu possède du melammu.

Si nous résumons m a i n t e n a n t les données concernant le melammu que nous avons recueillies dans les pages qui précèdent , nous avons vu premièrement qu'i} semble se différencier des au t re s types de splendeur

7. Selon CT XVIII, 12, lignes 67-69. 8. Cf. A . L . OPPENHEIM, JNES VIII, 1949, p. 189, note 28, et CAD 7, I-J, p. 86 b.

9. Voir infra, p. 114 sq.

10. Cf. KAR 101, ligne 7. 11. Cf. AfO XVII, 1955-1956, p. 313 B, ligne 7. Il s'agit du même passage que dans

Assur 4125, dont E. Ebeling a publié la transcription et la traduction dans Tod und

Leben p. 24-25. A la ligne 5, on lit : a-pi'r a-gi-e Sa me-lam-m[u-Sû] ra-Sub-ba-tu za-'a-

[nu]. A la ligne précédente, on lit : nam-ri-ir lit-bu-Sù ma-lu-û pul-ha-a-ti : < vêtu d'éclat, rempli de rayonnement ». Cf. G. MEIER, ZA NF XIII, 1941-1942, p. 242, ligne 5. SamaS, le Soleil, est appelé : celui qui « remplit de rayonnement le turban, habillement de royauté, la tiare élevée, signe princier» (ma-li NI TÛ G.S A G'"' lu-bu-uS-ti Sar-ru-tim

a-ga-am si-ra-am si-ma-at be-lu-tim). Cf. KAR 19, revers (?), lignes 7-8 ; E. EBELING,

Orientalia NS, XXIII, 1954, p. 211-212.

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26 La splendeur divine

pa r u n e localisation p lus f réquente sur la t ê t e du dieu, et deuxièmement , que sa synonymie avec des t e r m e s comme illuku, semble suggérer qu ' i l p e u t consister en un bijou ou en u n e pa ru re de t ê t e . Ces deux données concordent p le inement avec le caractère que nous avons reconnu en dernier lieu a u melammu, d ' ê t re parfois un objet d 'où l ' i r radia t ion lumineuse se propage, p lu tô t que l ' i r radia t ion elle-même.

Ce po in t cons t i tue un acqui t pour no t re recherche. Comme première

conséquence, il v a nous pe rme t t r e de poser u n jalon qu i peu t , en une

cer ta ine mesure , a ider à comprendre 1? signification d 'expressions aussi

r épandues que nl-me-ldm, en accadien pul(u)h(t)u melammu, ou plus

r a r e m e n t su-zi-me-ldm.11 L 'appos i t ion côte à côte de ni : puluhtu, ou de

su-zi : salummatu, à me-ldm : melammu, devient plus compréhensible, si

nous envisageons que le deuxième te rme , me-ldm, qui posai t u n e énigme

difficile à résoudre, ne désigne pas une qual i té divine du même t y p e

que la première, ni ou su-zi, mais que me-ldm : melammu est en quelque

sor te le siège du ni : puluhtu ou du su-zi : salummatu, de sorte que ni-me-

Idm e t su-zi-me-ldm cons t i tuent en réali té le condensé d 'expressions du

t y p e de celles que nous avons é tudiées plus h a u t 1 3 : melammu sa puluhtu

isû ou melammu sa salummatu isû.

12. Cf. supra, p. 2, note 1. L'expression ni-su-zi est également attestée deux fois dans CT XXXVI, 28-30, lignes 11 et 37 (cf. A. FALKENSTEIN, ZA N F XV, 1949, p. 106» 108, 125, 130) au lieu de su-zi.

13. Cf. supra, p. 25.

CHAPITRE IV

Lumière et chaos : la souveraineté divine

D an s les chapi t res qui précèdent , t ou t e s nos déduct ions sur les r appo r t s en t re melammu e t les au t re s t ypes d 'éclat on t é té t i rées presque exclus ivement d 'un seul genre de l i t t é ra tu re . C'est la phraséologie plus ou moins s téréotypée des hymnes e t des incanta t ions , par laquelle on exalte la puissance de tel ou tel dieu, qui nous a permis de voir dans melammu un éclat d 'une na tu re différente des aut res .

Nous allons m a i n t e n a n t examiner le rôle que le melammu joue parfois dans cer tains mythes .

Cela nous conduira a v a n t t o u t à un premier résul ta t : nous pourrons cons ta te r si l ' in terprétat ion que nous venons de donner du melammu dans les chapi t res précédents , se vo i t confirmée par ces analyses. Mais, en outre , en examinan t a t t e n t i v e m e n t les circonstances myth iques d a n s lesquelles le melammu se t r ouve impliqué, nous serons amenés à étudier les r a p p o r t s qui exis tent ent re l 'éclat d 'un dieu et les au t re s manifestat ions de sa personnal i té ; il en résultera parfois u n e exégèse plus rigoureuse et exacte de certains my thes don t la signification s t ructura le n ' ava i t pas é té suffisamment dégagée.

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28 La splendeur divine

N o u s choisirons a v a n t t o u t des passages d 'un m y t h e t rès connu, celui des origines du monde , qui fait l 'objet du poème Enûma élis.1 D a n s Enûma élis, t a b l e t t e IV, lignes 57-58, on décrit l 'aspect d 'un dieu aussi chargé de melammu q u e Marduk . On nous présente le dieu en t ra in d ' achever ses prépara t i fs en vue du comba t qu ' i l doi t livrer, en t a n t que c h a m pion des jeunes dieux, cont re T i a m a t et Kingu . B a r d é d ' a rmes magiques , les v e n t s e t le filet d 'Anu enroulés au tou r du corps et prê t s à in tervenir au m o m e n t décisif, la ha rpe à la main , les chevaux déjà a t te lés au char , le dieu n ' a p lus q u ' à revêt i r la cuirasse fulgurante : nahlapti apluhti pulhàti halipma.2 L a t r aduc t ion : « Il s 'était vê tu de l'égide, cuirasse de splendeur », ne rend que par t ie l lement e t pauv remen t le fragor guerrier de la ph rase accadienne dans laquelle la répét i t ion a l te rna t ive de m o t s t i rés des racines hlp e t plh p rodu i t u n effet de ru t i l an te sonorité. Après quoi, le dieu se pa re du melammu f l amboyan t : me-lam-mi-su ra-sub-ba-ti a-pi-ir ra-su-us-su, l i t t é ra lement : « De son melammu de splendeur f lamboyante , sa t ê t e est recouver te» . Le melammu, qui complète ici l ' équipement de Marduk , intéresse u n i q u e m e n t la t ê t e du dieu, d o n t il est dest iné à augm e n t e r la puissance guerrière en lui conférant le r a y o n n e m e n t propre au feu. Notons , en out re , que , dans ce passage, le melammu a p p a r a î t comme la source du r a y o n n e m e n t rouge-feu (rasubbatu), e t non comme le r ayonne m e n t lui-même, de la m ê m e manière que dans le commenta i re théologique de la fête d u Nouvel An don t il a é té quest ion plus h a u t . s

P r o c é d a n t à rebours , r emontons m a i n t e n a n t au premier chan t de

1. Pour le texte du musée de Berlin, cf. E . EBELINQ, AOTU II, 4, p. 2 sq. Pour les fragments de Sultantepe, cf. 0. R. GURNEY et J . J . FINKELSTEIN, The Sultantepc Tablets

I, planche I sq. Pour la traduction, cf. R. LABAT, Le Poème de la Création, 1935, et A . H E I D E L , The Babylonian Genesis, 2 e éd., 1951.

2. Ligne 57. R. L A B A T , Le Poème de la Création, p. 127, traduit ce passge : «Marduk comme vêtement s'est vêtu d'une cuirasse redoutable », et A . H E I D E L , The Babylonian

Genesis, p. 39 : « He was clad in a terrible coat of mail ». Nalilaptu semble avoir consisté en une cape plus ou moins longue que les hommes aussi bien que les femmes portaient sur la robe. Le sumérogramme G Û . È indique probablement qu'il s'agissait d'un survêtement, une sorte de poncho, qu'on sortait par la tête. Mme H. Lewy, se fondant sur le fait que parfois sa confection n'exigeait que des quantités assez modestes de laine, traduit nahlaptu par écharpe (Orientalia NS XXVIII, 1959, p. 10, note 1). Ce vêtement faisait également partie de l'habillement des prêtres et, dans ce cas, il a été traduit par stolé, étole (Cf. W. SCHBANK, Babylonische Siihnriten, p. 33). Mais on connaît aussi la nahlaptu tdhazi, pour le combat, destiné aux hommes (cf. CT XVIII, 12, ligne 82) et, dans les textes relatifs à l'armement, on trouve mention de nahlaptu pour chevaux ( A . SALONEN, Hippologica Accadica, p. 149, considère qu'il s'agissait dans ce cas d'un « Panzerhemd als (Jberwurf » : couverture pour la partie antérieure du cheval). Notons enfin qu'on emploie encore nahlaptu pour désigner un objet dont on recouvre les murailles d'une ville, par exemple des feuilles de cuivre. Dans le passage de l'isnûma eliS qui nous intéresse ici, où il est question d'un dieu, il me semble que la meilleure façon de rendre la nahlaptu rutilante de Marduk soit de traduire « égide ».

3. Voir supra, p. 25 et note 11.

Lumière et chaos : la souveraineté divine 29

V Enûma élis, à ces vers (lignes 80-104), dans lesquels on exal te également l 'aspect exceptionnel du même dieu, mais en le décr ivant au moment de sa naissance, à peine issu de l 'union du dieu L a h m u (Ea) et de la déesse Lal jamu (Damkina) . Après l 'avoir mon t r é comme merveilleux, parfai t et supérieur aux au t r e s dieux dès la première enfance — (ligne 86) la nourrice qui veille sur lui (l')a rempl i de r a y o n n e m e n t : pul-ha-a-la us-ma-al-li4 — bicéphale e t pourvu de ce fait de qua t r e yeux e t de qua t re oreilles, le t e x t e poursui t , quelques lignes p lus loin : « Revê tu du melammu de dix dieux, il é ta i t d 'une force s u b l i m e 5 , les splendeurs (pulhâtum) é t a n t t ou t e s ensemble accumulées sur lui ». « De m ê m e que le redoublement des yeux e t des oreilles a pour b u t de souligner la grande acuité de vue et d'ouie, d 'où l ' intensité de vigilance et d ' en tendement , du dieu ' qui vient de naî t re au sein de l 'Apsû, la mult ipl icat ion pa r dix de son melammu veu t rendre compte du formidable panache de lumière qu' i l i rradie. E n effet, dans ce passage, le pluriel pulhâtum désigne les éclats p rodui t s par les d ix melammu, mais cet embrasement décuplé qui se dégage de lui a, dans Enûma élis, t ab l e t t e I, revers , lignes 102-104, une signification précise. Il indique que ce dieu, qui voi t mieux et entend mieux que les au t re s dieux parce qu' i l a q u a t r e yeux et qua t re oreilles, est aussi le plus fort et le plus v igoureux parce qu ' i l est dix fois plus é t incelant qu ' un autre . E n d 'au t res termes, le t e x t e suggère un r a p p o r t direct ent re le degré d ' i r radiat ion lumineuse et la force phys ique du d i e u . 8

Le même r a p p o r t en t re melammu, d 'une par t , e t force et puissance

4. Cf. W . G. LAMBERT, AfO X I X , 1959-1960, p. 62, ligne 39 : 'Nin-men-na ba-ni-lu

Sâ-lum-ma-lù. û-$al-m[a-a-ka] : « Ninmenna, celle qui crée, t'a fait entourer d'une auréole lumineuse » et plus loin, ligne 41 : « Damgalnunna a rempli ton aspect (JKAL = bâStu) d'éclat (namrirrû) ».

5. R. LABAT, op. cit., p. 87.

6. Ce passage peut maintenant être compris grâce à un fragment de Sultantepe qui fournit le début de la ligne 104. Texte de Berlin : la-biS me-lam-me eS-ret ilu Sa-qis" it-bur

[pul]-ha-a-ti ha-mat-si-na e-li-sa kam-ra. O. R. GURNEY et J . J . FINKELSTEIN, The

Sultantepe Tablets, I , planche I I , I, revers, lignes 102-103 : la-bi$ mé-lam-mi eS-ri-it

ilâni"" iâ-qiS i[t-bur] pul-ha-lum ha-am-mat-Si-na e-li-Su kam-[ra]. A. H E I D E L , op. cit.,

p. 22 : « He was clothed with the rays of ten gods, exceedingly powerful was he ; the terror inspiring majesty with its consuming brightness (?) rested upon him •. W. VON SODEN, Akkadisches Handworterbuch I , p. 57 b, propose une lecture et-pur Çpr, 1/2, au lieu d'a(pur) et il traduit le passage : « er ist hoch bedeckt ».

7. R. PETTAZZONI, L'Onniscienza diDio, p. 124-125, signale, à propos du bifrontisme de Marduk et d'autres dieux, les statuettes protosardes représentant des guerriers avec deux paires d'yeux et de bras : « Fanormalité des yeux (et des bras) est ici seulement un moyen iconographique pour exprimer naïvement qu'on a atteint ou qu'on désire atteindre une plus grande force visuelle ou une plus forte combativité ».

8. La relation qui existe entre force et lumière est d'ailleurs établie par des verbes comme, par exemple ba'dlu, qui signifie à la fois : être anormalement gros, être fort et être lumineux (en parlant des astres). Cf. WEIDNER, RA, X I , 1914, p. 126, note 1, et W . VON SODEN, Akkadisches Handworterbuch s.v.

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30 La splendeur divine

divine, d ' au t r e pa r t , se fait jour dans l 'épisode de la lu t t e du dieu E a cont re Apsû e t M u m m u d a n s Enûma élis, t a b l e t t e I, lignes 61 e t su ivantes . Apsû, le p rocréa teur de tous les dieux, a décidé, conseillé pa r M u m m u , d ' anéan t i r les j eunes dieux, ses fils qui t roub len t son repos pa r leur condui te b r u y a n t e e t agi tée. Mais, pa rmi ces derniers, Ea , le dieu qui sai t t o u t (hasis mimma), déjoue le complot : il verse sur Apsû le sommeil e t l ' endor t profond e m e n t (ligne 64 : sit-tam ir-te-hi-su sa-lil tu-ub-ba-tum) 9 , grâce à u n e incant a t i o n supérieure qu ' i l réci te et fait demeurer sur les eaux (ligne 63 : im-ni-sum-ma ina mê û-sab-si). Il pa rv ien t ainsi à délier le bandeau d 'Apsû (ligne 67 : ip-tur rik-si-sû), à lui enlever son t u r b a n (is-ta-hat a-ga-su) e t à en a r racher le melammu (ligne 68 : me-lam-me-su it-ba-la). Apsû a pe rdu désormais t o u t pouvoir ; E a se coiffe à son t o u r du melammu (su-û ù-ta-di-[iq]), enchaîne Apsû e t le m e t à m o r t (ligne 69 : ik-me-su-ma Apsâm"" i-na-ra-as-sû). C'est dans Apsû désormais q u ' E a é tab l i ra sa demeure , ce qui rev ient à dire qu ' i l est devenu, p a r sa victoire, le dieu des eaux souterra ines e t pro tondes .

La présence de ce réci t dans la première t a b l e t t e de l'JSnûma élis se justifie p le inement . Il const i tue, en effet, u n épisode centra l des l u t t e s qu i opposent l 'une à l ' au t re les générat ions divines, t h è m e au tou r duque l se cons t ru i t la première pa r t i e du poème. Il a u r a comme double conséquence la guer re que T i a m a t fera aux dieux afin de venger la m o r t d 'Apsû e t la nécessité pour les dieux d ' invest ir u n champion qui p renne leur défense face à T i a m a t . Selon la version babylonienne de la légende, ce sera Marduk, fils d 'Ea . Il ré tab l i t l 'ordre d a n s le m o n d e divin p a r sa v ictoire sur T i a m a t e t procède ensuite à la créat ion de la te r re et de l ' homme.

Mais revenons a u x protagonis tes du conflit qui oppose Apsû e t M u m m u a u x jeunes dieux. Les deux é léments qui forment le couple Apsû-Mummu se différencient e t se complè ten t en m ê m e t emps . Apsû est une force b r u t e sans discernement, une masse imposan te ma i s iner te . M u m m u , au contra i re , se révèle déjà comme capable d 'un embryon d 'organisat ion intellectuelle, mais son rôle ne dépasse pas certaines l imites. C'est lui qui ourd i t le complot . Il est donc doué de réflexion et d ' intell igence, mais son pouvoir s 'arrête là. Son rôle est d'organiser, ma i s non d'agir . Il est le conseiller d 'Apsû, mais il ne dispose d 'aucune au tonomie d 'act ion. Cela est si vra i que , lorsque Apsû est endormi par Ea (ligne 66), M u m m u « t o u t en é t a n t éveillé, reste abasourd i », sans réact ion, e t se laisse après la m o r t d 'Apsû, ligoter sans opposer de résistance.

Ces t ra i ts de la personnal i té de Mummu semblent en accord avec ce qu 'en dit D a m a s c i u s 1 0 : « J e conçois Moumis (var iante : Mumis) comme é t a n t le m o n d e intelligible (VOT)T6Ç X6O-U.OÇ) qui dérive de deux pr incipes : Apason et Tau the» .

9. Pour une lecture tubbâtu, au lieu de (ubqittu (cf. LABAT, op. cit., p. 82), voir CAD

16, S, p. 68 b. 10. DAMASCIUS , éd. Ch. E. Ruelle, I , p. 321 sq.

Lumière et chaos : la souveraineté divine 31

M u m m u est la forme des choses : plus loin, dans ï'Enûma élis, t a ble t te V I I , ligne 121 a, mummu signifie la forme des nuages : mu-um-mu er-pe-e-ti lis-tak-si-ba-am-ma : « Qu 'Adad déchire ( l i t téra lement : coupe) la forme des nuages» afin de donner à l ' humani té sa subsistance. Ainsi qu 'A. Heidel l 'a mis en l umiè re 1 1 , bit mummi est l 'atelier a t t e n a n t au temple où l 'on res taure les s ta tues divines, c 'est-à-dire le lieu de leur renouvel lement : asar têdisti. BU mummi appa ra î t comme le lieu où l 'on donne — ou redonne — la forme a u x objets. Ce qui explique auss i q u ' E a , le va inqueur de Mummu, devienne après sa victoire le créa teur de t ou t e chose : mummu bon kala.12

T o u t au t r e appa ra î t le dieu E a . C'est a v a n t t o u t une puissance divine d 'un t y p e beaucoup plus évolué. Le réci t de V Enûma élis le m o n t r e dès le d é b u t comme le ma î t r e de l 'é lément humide . P a r u n e ant ic ipat ion fréquente dans le m y t h e , E a a p p a r a î t ici tel qu ' en réali té il deviendra lorsqu'i l au ra incorporé les ve r tus de son adversaire . C'est donc déjà un dieu puissant don t le pouvoir s'allie a u savoir e t à l ' intelligence, e t aussi à la possession de secrets inaccessibles qui p e r m e t t e n t de dominer l 'adversaire dans des cas où la force ou la sagacité seule n ' y serai t pas parvenue . C'est, en effet, son « incan ta t ion supérieure » qui plongera Apsû dans le sommeil.

La raison de la r a n c u n e d 'Apsû envers les jeunes dieux, selon le récit de Ï 'Enûma élis, réside d a n s le fait que ceux-ci t roublent , pa r leur agi ta t ion, son sommeil ( tab le t te I, lignes 21-25) : « Or voici que s 'entendirent les dieux frères pour t roubler T i a m a t pa r des mouvemen t s désordonnés. E t ils t roublèren t de fait les sens de T i a m a t en s ' éba t t an t au sein des célestes demeures . Leurs cris ne faiblissaient pas au cœur même de l 'Apsû» (21 in-nin-du-ma at-hu-u ilâni"' 2 2 e-su-u ti-amtam°"-ma na-mus-su-nu is-tap-pu 2 3 da-al-hu-nim-ma sa ti-amat kar-as-sa 2 4 i-na su-'a-a-ru qé-reb A N . D U R U N . N A 2 5 la na-si-ir ina Apsî ri-gim-su-un). D e v a n t cet te a t t i t ude , T i a m a t ne réagit pas , elle reste m u e t t e (su-qam-mu-maf) ; pa r contre, Apsû appelle M u m m u et décide d'aller chez T i a m a t et de lui exposer ses griefs. E t voici en quels t e rmes Apsû s 'exprime au sujet des jeunes dieux (lignes 37-40) : « Leurs agissements me renden t malade , de jour je ne puis reposer, de nui t je ne puis dormir. J e veux les anéant i r afin de me t t r e un t e rme à leurs agissements. E t que règne le silence pour qu'(enfin) nous puissions dormir » ( 3 7 im-tar-sa-am-ma al-kat-su-nu e-li-ia3&

ur-ri-is la su-up-su-ha-ku mu-si-is la sa-al-la-ku3^ lu-us-hal-liq-ma al-kat-su-nu lu-sa-ap-pi-ih*0 qu-lu lis-sa-kin-ma i ni-is-lal ni-i-ni). Une première impression se dégage de la lecture de ce passage de l'Enûma élis : le

11. JNES VII, 1948, p. 98-105 ; pour bit mummi, cf. p. 101. 12. VS I , n» 37, col. I I I , lignes 4-5.

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32 La splendeur divine

conflit en t re généra t ions divines semble revêt ir ici u n e forme t rès humaine . Comme dans u n e famille de simples mortels , l 'agi ta t ion e t le vaca rme des jeunes finissent pa r indisposer et irri ter les pa ren t s qu i asp i ren t à la t r a n quillité e t au repos. Voilà donc la manière selon laquelle les Accadiens envisageaient les re la t ions familiales de leurs dieux pr imord iaux . E n réalité, ce t te cons t a t a t i on facile e t superficielle r isque de masque r le sens vérit ab le du thème , et s'en contenter équ ivaudra i t à passer à côté d 'un des aspects les p lus i m p o r t a n t s du m y t h e des origines sans en comprendre la signification.

Des al lusions précises au besoin de sommeil des d ieux appara i s sen t dans d ' au t res m y t h e s accadiens. A v a n t t o u t dans le m y t h e d 'At rahas i s : sur la te r re « devenue de p lus en plus vas te , les hommes se sont mult ipl iés », la t e r re résonne de leur vaca rme «comme une lyre». Le dieu souverain Enli l est i n q u i e t 1 3 de ce vaca rme et se concerte avec les d ieux assemblés pour décider des mesures à prendre . On cons ta te donc un parallélisme r emarquab l e avec le passage de VEnûma élis où Apsû, en proie à l 'éner-vement , s 'adresse à T i a m a t pour arrê ter avec elle un plan cont re les jeunes dieux. L a seule différence réside dans le fai t que, dans le m y t h e d 'Atrahas is , il ne s 'agit p lus de dieux tu rbu len t s ma i s des h o m m e s qui, créés pa r la déesse Mami afin de pourvoir aux besoins des dieux, sont devenus t rop n o m b r e u x 1 4 . De même, les paroles qu 'Enl i l adresse a u x dieux à ce sujet sonnen t à peu près comme celles d 'Apsû à T i a m a t : « La clameur des hommes s 'est enflée ; à cause de leur brui t , j ' a i pe rdu le s o m m e i l » . 1 8

Aussi bien d a n s Enûma élis que dans le m y t h e d 'Atrahas is , le t h è m e du b ru i t qui t rouble le sommeil des dieux semble, en somme, le corollaire d 'un a u t r e t h è m e qui se t r ouve être dans Enûma élis celui de la jeunesse exubé ran te des d ieux nouveaux par r appor t a u x anciens et, dans le m y t h e d 'At rahas is , celui du fourmil lement des mul t i tudes humaines sans cesse accrues, con t re lequel les dieux n ' o n t d 'au t res ressources que le recours à la des t ruc t ion . On peu t même dire que, dans un certain sens, le conflit

1 3 . Cf. J. L A E S S 0 E , BiOr. X I I I , 1 9 5 6 , P . 90 B : 3 ma-tum ki-ma li-i i-Sa-ab-bu 1i-na

hu-bu-ri-Si-na i-lu it-la-a'-da-ar : • LA TERRE RÉSONNAIT COMME UNE LYRE, LE DIEU ÉTAIT

INQUIET À CAUSE DE LEUR BRUIT >.

1 4 . LE THÈME DU BRUIT PRODUIT PAR L'HUMANITÉ, EN EXPANSION CONTINUELLE ET IRRÉDUC

TIBLE, SE RETROUVE ÉGALEMENT, COMME A . H E I D E L , The Gilgamesh Epie, P. 226 , L'A INDIQUÉ,

DANS LE MYTHE D'IRRA (KAR 1 6 8 , COL. I, LIGNE 4 1 ) : ki-i Sâ niSt™" da-âd-me hu-bur-Si-na

eli-ka im-tar-su : « SI LE BRUIT DES HABITANTS (DE LA TERRE) DEVIENT PÉNIBLE POUR TOI ...

ILS POURRONT ALLER À TES CÔTÉS • ; AINSI PARLE LE DIEU ANU EN CONFIANT À IRRA LES TERRIBLES SEPT

(LIGNES 23 -24 ) « LES HÉROS SANS PAREILS,... DE SOUCHE ÉTRANGE, REMPLIS D'ÉCLAT t (ma-lu-ù

pul-ha-a-ti).

1 5 . Ik-ta-ab-ta ri-gi-im a-wi-lu-ti i-na hu-bu-ri-Si-na ù-za-am-ma Si-it-ta ( S . SMITH,

RA X X I I , 1 9 2 5 , P. 67 sq. ; J. L A E S S 0 E , loc. cit., LIGNES 7-8) . SELON LA VERSION ASSYRIENNE

(CT X V , 4 9 , COL. I I I , LIGNES 7-8) : eli ri-gi-me-Si-na at-ta-a-dlr ina hu-bu-ri-Si-na la i-sa-

ba-ta-ni Si-tu : < À CAUSE DE LEURS CRIS JE SUIS ÉNERVÉ, À CAUSE DE LEUR VACARME JE N'ARRIVE

PAS À DORMIR • ; VOIR ÉGALEMENT ibid., LIGNES 2-3 ET 40-41 .

Lumière et chaos : la souveraineté divine 3 3

des générat ions est présent dans les deux cas : en effet, le déluge que les dieux décident d 'envoyer a u x hommes peu t être in te rpré té en définitive comme la fin d 'une cer ta ine espèce d 'humani té , celle d ' a v a n t le déluge, qui se différencie de celle qui suivra le déluge pa r divers caractères : ta i l le , durée de la vie e t aussi condui te h é r o ï q u e I S , ma is le thème de l 'opposit ion en t re les généra t ions successives n 'es t pas, ici, d i rec tement lié a u t h è m e du sommeil des dieux. Nous dirons p lu tô t que conflit des générat ions e t désir de repos des dieux sont, l 'un e t l ' aut re , des aspects particuliers, m a i s essentiels d 'un m y t h e beaucoup plus vaste , qui est celui des origines. Comme nous le ver rons pa r la suite, le t h è m e du sommeil des dieux, s u r lequel va por ter no t re recherche dans les pages qui suivent , nous p e r m e t d'éclairer cer ta ins côtés, habi tue l lement laissés dans l 'ombre, de ce m y t h e .

A v a n t tou t , u n e quest ion se présente à l 'esprit : commen t in te rpré te r , dans u n contex te divin, des m o t s aussi p le inement humains que : sommeil , repos, silence, e t leurs contrai res : é t a t de veille, agi ta t ion et bru i t ? L e besoin de res taurer ses forces p a r le repos e t le sommeil ne peu t être, en effet, compris que comme u n e nécessité i ncomban t à un être mor te l comme l 'homme, e t non immorte l comme le d i e u . 1 7 Aussi, lorsque Gilgames , dans sa quê te de r immor t a l i t é , compara î t devan t son ancêtre U t a n a p i s t i m qui est devenu, par la volonté des dieux, un des leurs, celui-ci le soumet à u n e première épreuve afin de juger de son ap t i t ude à deveni r immorte l . Il devra, p e n d a n t six jours et sept nui ts , ne pas dormir . Mais auss i tô t assis, Gilgames s 'abîme dans u n t rès profond sommeil qui dure ra exac tement le nombre de jours p e n d a n t lesquels il au ra i t dû, au contraire , rester éveillé. U tanap i s t im , s 'adressant à sa femme, cons ta te alors, non sans ironie, en lui ind iquan t le héros endormi : « Vois cet homme qui désire r immor t a l i t é , le sommeil comme u n brouil lard s 'étend ( l i t téralement : es t soufflé) sur lui» (Gilgames, version assyrienne, t ab le t t e X I , lignes 203-204). Il est évident , a v a n t tou t , que par ler de désir de sommeil ou de repos, à propos d 'un être divin, équ ivau t à considérer que son organisme peu t subir des hau t s e t des bas de vi ta l i té , à l ' instar d 'un être h u m a i n . 1 8 Déjà, dans le m y t h e du viol d ' I n a n n a 1 9 pa r le jardinier Sukall i tuda, on voya i t

1 6 . CE THÈME EST PRÉSENT, EN TOUT CAS, DANS LE RÉCIT DU DÉLUGE TEL QU'IL APPARAÎT DANS

LE POÈME DE GILGAMES (TABLETTE X I , LIGNES 2-3) ET DANS LA GENÈSE ( V I , 4) .

1 7 . PLUTARQUE, Des opinions des philosophes, V I I : LE SOMMEIL NE CONVIENT POINT

AUX DIEUX PARCE QUE L'IMMORTALITÉ ET LE SOMMEIL, QUI EST SI PROCHE DE LA MORT, SONT

INCOMPATIBLES.

1 8 . MÊME ZEUS, CHEZ LES GRECS, C'EST-À-DIRE LA PUISSANCE DIVINE SOUVERAINE, PEUT

SUCCOMBER AU SOMMEIL ; MAIS IL S'AGIT ALORS D'UN SOMMEIL PROVOQUÉ : Iliade, X I V , 3 5 2 sq.

1 9 . CETTE LÉGENDE ( S . N . KRAMER, L'histoire commence à Sumer, P . 1 1 1 - 1 1 4 ) NOUS

OFFRE, EN QUELQUE SORTE, UN PROTOTYPE DE hiéros gamos. BIEN QUE SUKALLITUDA PROFITE DU

SOMMEIL DE LA DÉESSE POUR DEVENIR SON AMANT, IL N'EN EST PAS MOINS UN ANCÊTRE DU ROI-

JARDINIER AIMÉ PAR LA DÉESSE, SARGON. L E PEUPLIER sarbatu (populus euphratica), QUE

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34 La splendeur divine

la déesse, a t t i r ée pa r les beaux ombrages des a rbres que le jardinier a p lan tés a u t o u r de son enclos, s 'étendre sur le sol e t céder au sommeil . Cela ne signifie p a s qu ' en ra i sonnant ainsi les Accadiens é tabl issaient forcément une compara ison en t re le compor tement des d ieux e t le leur, mais p l u t ô t qu ' i l s pensa ien t que, sur le plan divin, il y ava i t , co mme sur le p lan huma in , des degrés de vi ta l i té et de puissance, ce qui est impl iqué, a v a n t t o u t , pa r le fai t que, dans les mythes , des dieux nous appara i ssen t plus énergiques e t p lus pu issan ts que d 'aut res . Ils a d m e t t a i e n t également que les dieux pouva ien t être, eux aussi, à la merci d 'une défaillance qui les pr iva i t , t e m p o r a i r e m e n t au moins, de leur vigueur . Toujours dans cet te perspect ive, les y e u x clos d 'un dieu endormi leur appara issa ien t comme le s y m p t ô m e d ' u n e dégradat ion p a s s a g è r e 2 0 ou définitive de sa puissance, u n e mise en veilleuse de sa vi ta l i té . Le dieu plongé d a n s le sommeil, même lorsqu' i l s 'agit d 'un sommeil provoqué, comme dans Enûma élis, t a b le t te I, ligne 64, s'offre sans défense a u x coups de ses ennemis. Ainsi, Apsû est déjà v i r tue l lement vaincu au m o m e n t m ê m e où il sombre dans l ' engourdissement que l ' incanta t ion d 'Ea a p rovoqué en lui. L a per te de la t ia re e t du melammu, et la mise à m o r t consécutive, ne feront que rendre définitive sa déchéance et sa défaite.

Mais, d ' au t r e pa r t , les y e u x clos ne sont p a s seulement u n signe de détér iora t ion des facultés d iv ines ; ils sont, en par t ie au moins , la cause de cet te déchéance . Le dieu qui dort perd, en effet, u n e de ses qual i tés essentielles, la vigilance ; il n 'es t plus celui qu i voi t t o u t e t qui, de ce fait, sai t t o u t . 2 1 D a n s l 'univers men ta l des Mésopotamiens , le sommeil divin const i tue ainsi l ' an t i thèse de l 'omniscience. C'est parce que les Sumériens e t les Accadiens envisageaient le sommeil divin sous cet angle que le fait de dormir n 'es t j amais , pour u n dieu, u n phénomène na ture l , agréable e t bienfaisant , comme il l 'est pour les hommes , mais , au contraire , u n acc ident p e n d a n t lequel, si courte en soit la durée, t ou t e s sortes d ' ava t a r s peuven t lui arr iver.

A v a n t t ou t , un dieu qui dort, ou m ê m e qui aspire au sommeil, es t toujours u n dieu berné, u n dieu que l 'on t r o m p e a i sément e t don t les décisions, j u s t e m e n t parce qu'elles proviennent d 'un ê t re divin d o n t la vigilance n ' es t p lus a u x aguets , peuven t ê t re dé tournées de leur b u t . Comme, pa r exemple , dans le m y t h e d 'Atrahas is , où le propos d 'Enli l ,

Sukallituda a planté, est un élément typique des noces divines (voir, par exemple, le rôle joué par le platane de Gortyne dans les noces de Zeus et d'Europe, THÉOPHRASTE,

Histoire des plantes, I, 9, 5).

20. Comme c'est le cas pour Inanna, voir supra, p. 33. 21. Le lien idéologique que les langues classiques établissent entre le fait de savoir

et de voir : olSa-video {cf. R. PETTAZZONI, L'Onniscienza di Dio, p. 5), peut être décelé également dans les langues sémitiques. Le même verbe 'mr qui désigne en accadien, en ugaritique et en éthiopien, l'action de voir, signifie en hébreu, en araméen et en arabe, faire connaître, parler, nommer.

Lumière et chaos : la souveraineté divine 35

un des pr inc ipaux dieux omniscients , de détruire les racines mêmes d e l ' human i t é sera mis en échec p a r la volonté efficace d 'Ea qui s ' ins t i tue p ro tec teur de l ' homme en la personne d 'Atrahasis . U n cheminement d e pensée analogue s 'exprime d a n s les plaintes e t les lamenta t ions q u e profèrent des hommes sur qui t r o p de malheurs se sont a b a t t u s . M e t t a n t en doute l'efficacité des d ieux qui sont censés les protéger, eux e t leur ville, ils i nvoquen t E n l i l 2 2 en ces t e rmes : « Celui qui dort , le Seigneur qui do r t , j u squ ' à quand dormira-t- i l ? L a Grande Montagne, le Père, le dieu Mulli l qui dort , j u squ ' à quand (dormira-t- i l ?) Le Berger, celui qui décide l e s destins, qu i dort , j u squ ' à q u a n d (dormira-t-i l ?) », invocation si p roche de celle q u ' I s r a ë l 2 3 , dans la détresse de l'exil, adresse à Yahwé qui semble l 'avoir abandonné . E t m ê m e lorsqu 'on exal te le « Père Enlil , t o u j o u r s vigilant», on ajoute, non sans anx ié t é : « J u s q u ' à quand t e s yeux ne r e p o seront-ils pas ? »2*. Mais, la p lupa r t du t emps , le sommeil divin est cons i déré par les Accadiens comme u n faux sommeil, ou comme un sommeil s i léger qu'i l pe rme t au dieu de conserver tou te sa vigilance. On dira de Nerga l qu '« ï l appor t e le sommeil à celui qui ne peu t pas dormir, (mais) lu i , res te éveillé même lorsqu' i l semble d o r m i r » 2 8 , ou d 'Enli l « qu ' i l est éveil lé même lorsqu' i l a l'air de dormir » . 2 6 Ainsi pa r ce biais : le sommeil léger e t vigilant, ils pa rvena ien t à concilier les chutes de vitali té, qui sembla ien t une loi inéluctable de la na tu re , avec la vi ta l i té inépuisable qu ' i ls a t t r i bua ien t à leurs dieux.

Ces réflexions é t a n t faites sur la signification du sommeil divin, r e v e nons à l 'épisode de la l u t t e ent re Apsû e t les jeunes dieux qui ava i t é t é notre po in t de dépar t . U est manifeste que les cons ta ta t ions auxque l les j ' a i é té conduite , ne semblent pas t rès bien cadrer avec la personnal i té d 'Apsû telle qu'elle ressort de la première par t ie de YEnûma élis. Chez Apsû, en effet, le désir de sommeil e t de repos n 'es t cer ta inement p a s l e signe d 'un é t a t d'affaiblissement passager e t ne vise pas à r e s t a u r e r des forces en déclin, mais il est p lu tô t l 'aspirat ion à un é t a t qui semble pour Apsû aussi normal que le sont le m o u v e m e n t et l 'agi tat ion chez d ' au t res dieux. Apsû est, en effet, l 'eau souterraine s tagnante e t d o r m a n t e e t exprime, au même t i t r e que T iamat , le monde silencieux et figé d e l 'avant-créat ion, ce monde où les choses n ' on t pas encore de nom.

Mais, dans ce chaos originel où rien n ' es t délimité, ni différencié,

22. IV iî 1, col. I, lignes 27 sq. Cf. F . THUREA.U-DA.NGIN, Rituels Accadiens, p. 26. 23. Psaume XLIV, 24-25 : « Réveille-toi 1 Pourquoi dors-tu, Seigneur ? Réveille-

toi... •. Et aussi Psaume CXXI, 4 a-b : « Non, il ne sommeille ni ne dort, celui qui garde Israël ». Voir aussi I Rois XVIII, 27, où Élie dit ironiquement à propos de Ba'al : « Crie à haute voix car il est dieu... peut-être qu'il dort et il se réveillera ».

24. G. R E I S N E R , SBH, n" 131, lignes 48 sq. Cf. CAD 7, I-J, p. 154 a. 25. OECTVl, p. 1, lignes 4-5 : mu-Sa-as-lil da-[al-pi...] Sdsa-lal sar (l)-[ra-a-ti] sal-la.

Cf. CAD 16, S, p. 68 a. 26. Cf. CAD 7, I-J, p. 67 a.

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36 La splendeur divine

où eaux supérieures e t inférieures mêlent leurs flots, progress ivement s 'accomplit u n e cer ta ine différenciation des choses. A u x anciennes forces du monde inorganisé v o n t s 'ajouter m a i n t e n a n t des forces nouvelles qui sont issues des premières . Ces forces nouvelles sont déjà la préfigurat ion du monde fu tur qui ne pour ra naî t re que de e t pa r la défaite des forces du chaos e t où chaque dieu au ra son domaine p ropre , bien dél imité : ciel, ter re , eau, a tmosphère . De cet te défaite du chaos , la l u t t e en t re Apsû e t E a n 'es t que le premier épisode ; le su ivan t sera la guerre à out rance que T i a m a t , pr ivée d 'Apsû, livre à ses enfants .

Cette opposit ion fondamenta le ent re indifférencié e t différencié, les Accadiens on t t e n t é de l 'expr imer en rep résen tan t co mme des mons t r e s les êtres chao t iques e t en donnan t , au contraire , a u x dieux de l 'univers organisé une forme proche de celle de l 'homme.

Mais, sur u n p lan différent de celui de la représen ta t ion p las t ique , sur le p lan du langage, lorsque les Accadiens on t voulu expr imer la t r a n s formation du m o n d e originel pa r la défaite e t l ' encha înement des forces chaot iques , ils on t utilisé, pour décrire la succession des événements , des couples de not ions opposées e t corrélatives comme, par exemple, l ' immobil i té des forces chaot iques , pa r opposit ion au m o u v e m e n t des dieux nouveaux , ou le silence qui enveloppe le m o n d e inorganisé pa r opposition au b ru i t qui se dégage du m o n d e des formes.

Il en ressort une double classification, cosmogonique e t conceptuelle : d 'un côté, l ' avant -c réa t ion avec ses corollaires, immobil i té , silence e t fixité ; de l ; au t r e , le monde organisé, différencié e t an imé , donc m o u v a n t , sonore e t en expansion continuelle. D 'un côté, le m o n d e chaot ique du silence, de l ' au t re , celui qui est régi pa r le son e t pa r la parole dans sa double accept ion de souffle, qui t race des direct ions dans l ' e space 2 7 , et de nom, qu i définit, donc crée les choses. Dès lors, nous comprenons mieux le sens du te rme hubûru qui revient dans t o u s les passages où il es t quest ion du désir de repos des dieux, pour désigner j u s t emen t le b ru i t qui t rouble leur t ranqui l i té . Hubûru expr ime aussi bien la résonnance provoquée pa r t o u t ce qui croît et se mult ipl ie d a n s un espace l imité, par exemple, les h o m m e s sur la terre , que le b ru i t que les jeunes dieux foryt en se dép laçan t d 'un lieu à un au t re par opposit ion au silence de ce qui gî t immobile . Hubûru a p p a r a î t ainsi comme la manifes ta t ion même de la v i e 2 8 pa r opposit ion au silence de ce qui ne v i t pas ou qui a cessé de vivre .

27. Cf. L . D Ù B R , Die Wertung des gottlichen Wortes im Alten Testament und im

antiken Orient, MVAG 42, 1938 : la parole est inséparable du souffle (p. 147 sq.). Sur le rôle des vents, fils d'Anu, dans la création, cf. J . et H . L E W Y , « The Week and the Oldest West-Asiatic Calendar», HUCA XVII, 1942-1943, p. 9 sq.

28. C'est également le cas pour un terme comme haôibu qui désigne la rumeur joyeuse et pacifique que font les gens en vaquant à leur besogne quotidienne. Cf. CAD 6. H, p. 16 a et \V. VON SODEN, Akkadisches Handworterbuch, p. 305 a. Voir R. LABAT, Un

calendrier babylonien. Des travaux, des signes et des mois, p. 166, § 85.

Lumière et chaos : la souveraineté divine 37

fies remarques analogues peuven t être suggérées par la p lupar t des termes qui désignent en accadien le silence. Saqummatu et sahurratu (suharratu, sahrartû) exp r imen t l 'un e t l 'autre , quel que fût leur sens originel, le silence figé de ce qui est immobile, inerte , de sorte que la notion de silence semble indissoluble de celle d ' immobili té, fixité, s tupeur .

Le langage qui en résul te p e u t nous sembler « s téréotypé e t convent ionnel ». En réalité, il ne l ' é ta i t pas pour les Accadiens, puisqu ' i l leur per m e t t a i t de me t t r e en évidence .une relation qu'ils sentaient nécessaire ent re divers facteurs. Ainsi, le m y t h e qui raconte la descente d ' I s t a r a u x enfers, après avoir décr i t quelle est la condit ion des m o r t s — revêtus , comme des oiseaux, de plumes, a y a n t pour nourr i ture de la poussière e t de la fange — para i t résumer la s i tua t ion en disant que sur ce monde de ténèbres le silence s'est r é p a n d u : su-har-ra-a-tu tab-ka-at29, et, pa r silence, t o u t u n complexe de réali tés liées l 'une à l ' au t re é ta i t sous-entendu.

D 'au t res contextes m y t h i q u e s i l lust rent le r appor t que j ' a i mis en évidence en t re le silence e t le chaos. Prenons , p a r exemple, le m y t h e du déluge : lorsque U t a n a p i s t i m , le septième jour après le déferlement des eaux, observe pour la première fois pa r la lucarne, le t emps qu'i l fait, il voi t que « s 'étai t é tab l i le silence e t t ou t e s les popula t ions é ta ien t changées en boue » . 3 0 Le déluge a t ransformé la terre en un champ de limon qui rappelle, pa r ce r ta ins côtés, le monde de l 'avant-créat ion tel que les Accadiens devaient l ' imaginer, assez semblable à l 'é tendue boueuse formée pa r le Tigre e t l ' E u p h r a t e à leur embouchure . E t sur ce t te boue de mor t , plane le silence.

Il est significatif que dans les tex tes historiques on recour t également à l ' image du silence lorsqu'on veu t décrire les effets dévas ta teurs de la guerre. Les rois assyriens du premier millénaire, Sargon «, S e n n a c h é n b 3 2 , A s s u r b a n i p a l 3 3 , l 'emploient à plusieurs reprises p o u r

29. Dans une des deux versions seulement : KAR 1, ligne 8. Le verbe tabâku qui est employé, dans ce passage et dans d'autres encore, avec des subtantifs comme Saqummatu, sahurratu, Salummatu, etc., exprime surtout l'action de verser, répandre un liquide, ou bien des graines, entières ou en farine.

30. GilgameS, Tablette XI , lignes 132-133 : Sâ-kin qu-lu ù kul-lat te-ni-Se-e-ti i-tu-ra

a-na ti-it-ti.

31. F. THUREAD-DANGIN, Une relation de la huitième campagne de Sargon, TCL III,

ligne 251, à propos des habitants de la province de Sangibutu en Urartu : Su-har-ra-tu it-ta-bi-ik-su-nu-ti-ma. Pour les mots qui suivent, cf. la restitution de W. VON SODEN, AfO XII , 1938-1939, p. 146 (duplicat : Assur 17681 b) : ig-l[ud-du ta-ha}-zi : « et ils

craignirent la bataille ». Le refus de se battre serait ici la conséquence de la peur qui paralyse l'ennemi. Même sens à la ligne 40. Voir également la ligne 158.

32. D . D . LUCKENBILL, OIP II, p. 59, ligne 29 : eli ugârêm"-Su-un hab-su-ti Sa-hur-

ra-tut at-bu-uk : » sur leurs champs luxuriants je répandis le silence ». 33. M. STRECK, VAB VII, 2, p. 24, col. II, lignes 3-4 et duplicats : « je conquis cette

région, en dix et cinq jours de marche, je (la) ravageai et j'y répandis le silence » (Sâ-qu-um-ma-tu at-bu-uk).

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38 La splendeur divine

mont re r soit l'effet pa ra lysan t de la peur que leur a rmée p rovoque sur l 'ennemi, soit l ' é tendue des dest ruct ions qu ' i ls accomplissent sur les peuples va incus . Mais déjà a u p a r a v a n t , vers la fin du deuxième millénaire, à propos de Babylone envahie pa r u n e a rmée é t rangère M , la m ê m e image a p p a r a î t : « à droite e t à gauche, en a v a n t e t en arr ière, ( l 'ennemi) r avagea comme le déluge, il fit rempl i r de silence le centre de la ville e t son pour tou r , les campagnes e t les collines, en r e n d a n t t o u t indiscernable de la p l a i n e » . 3 5 L'allusion au déluge é ta i t déjà de n a t u r e à nous faire saisir l ' é tendue du désastre qu ' ava i t subi le p a y s ; en fa isant in tervenir le silence qui envahi t le centre de la ville e t ses faubourgs, la c ampagne env i ronnan te et les collines, ce passage précise que Babylone , c 'est-à-dire l 'é lément essentiel du pays , n 'exis te plus , q u e le site qu'el le occupai t est devenu iden t ique au désert . Ce sont , sinon les mêmes te rmes , du moins les mêmes concepts que nous t rouvons , à envi ron un demi-millénaire de dis tance, dans le passage d 'une inscription d 'Assurbanipal . Il s 'agit ce t te fois du t r a i t e m e n t infligé par l 'a rmée assyrienne à l 'E l am e t à ses h a b i t a n t s . Après avoir énuméré pêle-mêle procédés symbol iques (comme le sel et le sihlû que l 'on verse sur les villes e t les campagnes d ' E l a m pour les rendre semblables a u désert) , e t réels (comme les pillages e t les dévas ta t ions des temples , des t o m b e s royales e t des palais), le passage se te rmine pa r ces lignes : «Les ânes sauvages , les gazelles, t ou tes les bê tes sauvages sans exception hab i t è r en t en pa ix dans ces villes grâce à moi . De la vo ix humaine , de l 'empreinte des pas des bovins et du pe t i t bétai l , du cri j oyeux de Valâla, je pr ivai leurs c h a m p s ».3* Il est évident que ces lignes, empre in tes d 'une cer taine b e a u t é grave e t austère 3 7 , cons t i tuent en quelque sorte la conclu-

3 4 . H. WINCKLER, AOF, I, p. 5 3 8 sq. Il est difficile de donner un nom à cet envahisseur de la Babylonie. S'agit-il, comme H. "Winckler le pensait, de l'Elam, à l'époque de Kudurnahhunte ? L'invasion élamite avait laissé dans l'esprit des Babyloniens le souvenir d'une expérience nivellatrice. Cf. TADMOR, JNES XVII, 1 9 5 8 , p. 1 3 7 - 1 3 8 .

3 5 . IV R 2 0 , n° 1 , lignes 3 sq. : im-na ùëu-me-la pa-ni à ar-ku uS-bi-i' a-bu-ba-niS-ma

libbi âli a-hat âli si-i-ru ba-ma-a-ti iâ-qu-um-ma-tu û-s'am-li-ma û-Sâ-li-ka na-mu-iS. La

ligne 3 se retrouve à peu près identique dans l'inscription de la stèle de Nabonide (cf. VAB IV, p. 2 7 2 , col. II, lignes 8 - 1 0 ) dans le passage qui a trait à la dévastation de l'Assyrie par les Mèdes.

3 6 . J . A Y N A R D , Le Prisme du Louvre AO 1 9 . 9 3 9 (Bibliothèque de l'Ecole Pratique

des Hautes-Études, fasc. 3 0 9 ) , pl. XV, col. V, lignes 6 8 - 7 1 : serrimu sabâli""1 ù-ma-am siri [ma-la ba-Su-u] par-ga-niS û-Sar-bi-sa [qé-reb-Su-un] ri-gim a-mc-lu-li ki-bi-is

al[pé""'uséni]si-si-Wa-la-latâbiûs-[a-am-ma-augârim"Su-un]. Dans le prisme Rassam ( M . STRECK, VAB VII, 2 , col. VI, lignes 1 0 1 - 1 0 4 ) , il y a interversion des lignes 6 8 - 7 1 du prisme du Louvre ; de sorte que le passage sur les animaux sauvages qui paissent paisiblement, vient après celui sur le silence qui règne désormais sur les champs.

3 7 . Il faut rapprocher cette description qu'Assurbanipal nous offre d'un pays dévasté, des lignes du Ludlul bel nêmeqi (tablette I, lignes 1 0 1 - 1 0 2 ) qui font allusion, dans des termes semblables, non à un malheur collectif, mais individuel : ina qer-bé-ti-ia û-Ses-su-u 'a-la-la ki-i âl na-ki-ri uS-qa-me-mu dll : • Us ont écarté de mes champs Yalâla, ils ont

réduit au silence ma ville comme une ville ennemie » (W. G. LAMBERT, Babylonian Wisdom Literature, p. 3 6 ) .

Lumière et chaos : la souveraineté divine 39

ston de ce qui précède. Dans l 'esprit du roi assyrien, grâce aux agissements de son armée, l ' E l a m n 'es t plus, il a é té effacé en t a n t que pays hab i t é : à la vie quot id ienne d 'un peuple sédentaire, symbolisée aussi bien par la voix des hommes s ' en t re tenan t pais iblement entre eux e t pa r le chant ou les cris des moissonneurs 3 a , que par la présence des an imaux domestiques, le bœuf de labour e t les t r o u p e a u x de brebis e t de chèvres, s'est subst i tuée la brousse avec ses bêtes sauvages qui, sans être t roublées par aucune présence humaine , envahissent les sites où s 'élevaient a u p a r a v a n t les villes élamites. T o u t le passage est donc un développement et un commenta i re de ce t te formule laconique : « le silence s'est répandu », que l 'on re t rouve pa r ailleurs dans ces mêmes insc r ip t ions . 3 9 En ins t i tuan t un r appor t en t re le silence et la brousse, ces lignes nous p e r m e t t e n t en outre de considérer un au t r e aspect de la relat ion que j ' ava i s indiquée plus h a u t 4 0 en t re le silence e t le chaos, la brousse n ' é t a n t en définitive qu 'une forme, en quelque sorte mineure e t pe rmanen te , du chaos.

Nous avons vu que dans l 'esprit des Accadiens le silence ava i t des réson-nances mult iples ; il pouva i t définir des s i tuat ions différentes, les unes d 'ordre cosmique, comme le re tour au monde de l 'avant-créat ion après le déferlement des eaux du déluge sur la terre , les au t re s d 'ordre « nat ional », comme les désastres de la guerre qui t ransforment les p a y s vaincus en brousse et en désert . Mais c'est encore au t e rme « silence » que les Accadiens on t recours lorsqu'ils désirent définir d 'un m o t une s i tua t ion individuelle dominée par la souffrance, la désolat ion. Nous en t rouvons u n exemple dans une prière adressée à la déesse I s t a r 4 1 afin qu'el le t i re celui qui l ' implore de l ' é ta t de détresse dans laquelle il se débat , afin que le regard du dieu pro tec teur se tourne à nouveau favorable vers lui. Dans la dernière par t ie de cet te prière fort longue, l ' énumérat ion des maladies e t des malheurs qui accablent l ' implorant se te rmine par ces quelques lignes : « Silencieux est mon espace sacré, silencieux est mon t emple ; sur m a maison, sur m a por te et sur mes champs , le silence s'est r é p a n d u » . 4 2 A noter que l'on emploie, pour désigner le

3 8 . Voir sur alâla, CAD 1, A , p. 3 2 8 b - 3 2 9 a. Sur les cris rituels, lire les remarques si pertinentes de L. GERNET, 'You-You - en marge d'Hérodote', dans le volume pour le Cinquantenaire de la Faculté des Lettres d'Alger, p. 1 - 1 2 .

3 9 . Voir supra, p. 3 7 - 3 8 , notes 3 2 - 3 4 .

4 0 . Voir supra, p. 3 6 sq. 4 1 . L. W . K I N G , The Seven Tablets of Création, II, pl. L X X I (transcription et tra

duction : P. J E N S E N , KB V I / 2 , p. 1 2 4 ; traduction nouvelle de W . von Soden dans A . F A L KENSTEIN et W . VON SODEN, Sumerische und akkadische Hymnen und Gebete, n" 6 1 ,

p. 3 2 8 sq.

4 2 . Revers, lignes 7 5 - 7 6 : Su-har-ru-ur sa-gi-e-a Su-har-ru-rat a-sir-ti eli biti bâbi u

qar-ba-a-ti-ia sâ-qu-um-ma-ti tab-kat. Cf. supra, p. 3 8 , note 37 . Pour une traduction de

bâbu par : quartier, au lieu que par : porte, cf. CAD 2, B, p. 2 3 a.

CASSIN. 4

Page 23: LaSplendeurdivineIntroductionaletudedelamentalitemesopotamienne

40 La splendeur divine

silence qu i s'est a b a t t u sur l 'homme et sur ce qui l 'entoure , le substant i f saqummalu, t and is que pour les lieux, de culte, on se ser t de l'adjectif suharruru : silencieux. " Le Babylonien qui implore la déesse se sent a t t e i n t aussi bien d a n s sa personne e t dans ses biens q u e d a n s ses r a p p o r t s avec le sacré. Au silence qui règne dans la maison e t dans les champs fait p e n d a n t le silence du dieu protecteur , qui ne répond plus a u x appels du suppl iant . On remarquera que dans cette prière, l 'évocation du silence conclut l ' énumérat ion des maladies qui accablent celui qu i implore le secours de la déesse. Comme si le silence qui s ' appesan t i t m a i n t e n a n t sur les appar t enances du suppl iant étai t l'effet de la longue série de m a u x qui ne cessent de l 'accabler. De la même manière dans les inscr ipt ions his tor iques le silence est le résul ta t des dévas ta t ions de l 'envahisseur. Il es t en out re r emarquab le que pour expr imer u n e si tuat ion d 'ordre pr ivé (homme malade) ou collectif (guerre e t défaite), des te rmes qui définissent u n espace servent de t ruchement . Dans les inscript ions h is tor iques , la ville et sa campagne et les collines sur lesquelles le silence se r épand symbolisent l ' anéant issement de t o u t e une popula t ion ; dans la prière, l 'espace sacré e t le temple de l ' imploran t aussi bien que sa maison, sa por te e t ses champs devenus muets , r é sumen t la t ragique s i tua t ion de l ' homme sur lequel s 'acharnent la malchance e t la malad ie . Le même r a p p o r t ent re silence et chaos, ma i s avec des résonnances b e a u c o u p p lus é tendues , p e u t ê t re décelé dans le m y t h e de l 'oiseau Anzû don t le t hème central est le vol des précieuses t ab le t t e s de la destinée (tàp-SimâU) du dieu souverain Enlil. La conséquence de ce larcin est lourde pour les dieux e t pour les hommes : la r o y a u t é divine, privée de l ' i n s t rumen t qui lui pe rmet de s 'acqui t ter de sa fonction, é tabl i r le destin de chaque h o m m e e t de chaque chose, cessera d 'exister et, de ce fait, la source de t o u t e au tor i té se t rouvera tar ie . Le m o n d e organisé basculera t o u t entier dans le chaos par la faute de l'oiseau voleur . A u t o u r de ce motif de conte se greffent ainsi des é léments de la t r ad i t ion m y t h i q u e des origines du monde . Pour les Accadiens a u s s i " , la victoire sur le chaos n 'es t pas définitive — les monstres créés par T i a m a t sont seulement captifs e t domest iqués , et non pas tués — elle peu t donc ê t re remise en quest ion à t o u t ins tan t . Dans le cas qui nous occupe, il suffit que le dieu souvera in soit mis dans l 'impossibilité d 'exercer sa fonction pour que le monde se t rouve ramené à l ' é ta t d'où la volonté créatr ice du dieu

43. Même souci de varier les termes dans G. R E I S N E R , SBH, n° 24, revers, ligne 17 : a-hwlap btti ù-tul-la-Sù uS-qa-am-ma-mu ri-'i-û-Sâ uS-ha-ra-ar : tahulap pour la maison

dont le gardien est silencieux, dont le berger est muet •. 44. Cf. V . SCHEIL, RA X X X V , 1938, p. 20 et J . NOUGAYROL, RA X L V I , 1952, p. 88.

E . EBELING, RA X L V I , 1952, p. 26, a pu, grâce à LKA I, restituer un certain nombre de passages du mythe. Pour la lecture Anzû au lieu de Zû, voir B . LANDSBERGER, WZKM 57, 1961, p. 1-21.

45. Pour les Hébreux, cf. J. PEDERSEN, Israël I-II, p. 472-474.

Lumière et chaos : la souveraineté divine 41

l 'avait t i ré . Voici comment le t ex te décrit l ' anéant issement des pouvoirs réguliers (parsiï) qui régissent les hommes et les dieux :

Il (Anzû) a rav i la souveraineté e t t o u t pouvoir est en friche, Le Père , leur souverain, Enlil, est silencieux, Le silence se répand , ( tou t ) se t a i t . L 'un ivers t o u t entier des Igigi est bouleversé. Le sanctua i re es t dépouillé de sa splendeur. «

D a n s ces cinq lignes, le silence est men t ionné trois fois. Avan t tout , le dieu Enlil , qui a é té dépouillé de son pouvoir (enlillûtu), se t a i t e t son mut i sme est d ' a u t a n t plus significatif qu ' i l s 'agit du dieu souverain dont la voix a une v e r t u créatr ice e t efficace. " Le silence se répand alors comme u n e subs tance l iquide à pa r t i r de sa source, e t envah i t tou t . L 'univers est devenu, ou mieux est redevenu, mue t . E t , en même t emps que cesse t o u t brui t , la splendeur (namurratu) du temple s 'obscurc i t . 4 8

Le monde du silence est également le m o n d e de l 'obscurité. Silence et obscuri té appara issen t ici comme deux phénomènes complémentaires, conséquence immédia te de l ' é ta t d ' impuissance dans lequel se t rouve le dieu Enli l à la sui te du vol des tab le t tes .

L a corrélat ion é t ro i te que le m y t h e d 'Anzû nous pe rme t de saisir ent re obscur i té e t silence, n ' e s t p a s u n phénomène isolé. Lorsqu ' i l s 'agit de la Lune , la relat ion entre le silence et l 'obscuri té semble découler de source. Un m y t h e accadien relatai t , en effet, les a t t aques en par t ie couronnées de succès des terribles Sept, les «Ven t s Mauvais» (utukkî lemnûtï)" fourriers d 'épidémies et de ruine, contre la Lune , le dieu Sîn. Les Sept avec la complicité d 'au t res dieux parv iennent au ciel et assiègent le croissant lunaire ; alors « la lumière de Sîn devient t rouble e t le dieu reste silencieux ; nu i t e t jour, il es t sombre e t n 'habi te plus sa demeure princière » . M

46. V . SCHEIL, loc. cit. p. 20, tablette I I : uen-lil-lu-tam i-te-ki-im na-du-u pa-ar-

sù ^a-bu-um ma-li-ik-Su-nu Su-ha-ru-ur "En-lil 3it-ta-at-ba-ak s~a-hur-ra-tum Sa-ki-in

qà-lum 'û-te-eS-si kûl-la-at ka-li-Su-nu I-gi-gi iki-is-sû iS-ta-ha-at na-mu-ur-ra-az-zu. 47. L. DURR, op. cit., p. 4 sq.

48. La version vieux-babylonienne, à la ligne 3, au lieu de Sâ-hur-ra-tum (version de Ninive, CT X V , 39, colonne I I , ligne 23) a : na-mu-ur-ra-tum, qui est certainement une erreur, pour : ïahurratum. Si on gardait namurralum, le sens de la ligne 3 serait contradictoire avec celui de la ligne 5 : namurrata tabdku signifie, en effet, qu'on verse (sur le monde, dont le temple est le centre) cette splendeur dont, à la ligne 5, on dira précisément que le temple a été dépouillé.

49. R . C. THOMPSON, The Deuils and Eoils Spirits of Babylonia, planche X I X et p. 88 sq.

50. Ibid., p. 94-95. CT X V I , 20, ligne 97 sq. : [na-)mi[r-]ta< id-da-li-ih-ma sâ-qu-um-mc's i-me (mûs'a u) ur-ra a-dir ina Su-bal be-lu-ti-Sû ul a-§ib.

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42 La splendeur divine

L a Lune « parle» en effet a u x hommes par son é c l a t ; dès lors son obscurcissement ne peu t que coïncider avec son m u t i s m e . On peut , de ce fait, se d e m a n d e r si la prescript ion que l'on rencontre à plusieurs reprises dans les hémérologies de garder le silence les jours où la L u n e ou u n au t r e as t re est censé se t rouver en difficulté, n ' a pas pour b u t de conformer l ' a t t i t u d e des hommes à celle de l 'astre en danger. T o u t à fait caractér is t ique à ce sujet est l ' interdict ion qui est faite au roi de par ler au cours d 'une éclipse de Lune qui au ra i t lieu au cours du mois de S i w a n . 8 1 La même interdict ion se re t rouve au cours du mois de Tesr i t °2, n o t a m m e n t à l 'occasion de l 'éclipsé de Soleil, et au cours du mois d 'Elu l i n t e r ca l a i r e 5 3 . Le premier de ce mois le roi doit se ta i re , ne p a s prononcer un mot , même dans un lieu secret, ne pas sortir en char, ne pas changer de vê tement . Il lui est en out re défendu de se nourr i r de me t s qui au ra ien t cuit sur le feu et de pain qu i a u r a i t cui t d a n s la c e n d r e . 8 4 Des prescript ions similaires se r e t r o u v e n t pour le 22 d ' E l u l . 8 8

Les r i tes qui en toura ien t l 'éclipsé lunaire, si l 'on accorde foi à u n docum e n t t rès impor t an t , bien que tardif, qui concerne la ville d ' U r u k 8 B , se déroula ient p e n d a n t deux jours, à savoir le jour m ê m e où l'éclipsé ava i t lieu e t le lendemain . De ce t ex t e il ressort que les prê t res kalû é ta ien t les maî t res de cérémonies auxquels é ta i t dévolue la t â che de dire prières e t incan ta t ions , d 'accomplir u n certain nombre d 'ac tes r i tuels e t en ou t re de fixer les conduites à tenir pa r la foule d o n t le rôle é ta i t , au moins

51. P . J E N S E N , KB VI, 2, p. 242 sq. ; CT IV, 5. Les prescriptions varient selon le mois où l'éclipsé se produit. Si l'éclipsé a lieu au mois de Siwan, troisième mois du calendrier, lignes 11 sq. : « que le roi maudisse son fils, qu'il ne parle pas avec son héritier ; il versera de la farine devant Sln ; qu'il se taise, il ne parlera pas à haute voix, mais qu'il adresse une prière à Ninurta ». Voir à propos de cette prescription mon étude à paraître dans Studi in onore di E. Volterra.

52. Cf. R. LABAT, Hémérologies et ménologies d'Assur, p. 120, ligne 12 : « Il ne dira pas

un mot et il ne récitera pas non plus le psaume de pénitence ». La même consigne de silence se retrouve pour le premier de Tesrit (cf. ibid., p. 112, ligne 17) et pour le 26 de Nisan intercalaire (ibid., p. 72, ligne 33). L'énumération des très nombreuses défenses qui caractérisent le 7 de TeSrit, le jour le plus dangereux de l'année, et dont la plupart sont relatives à une activité extérieure à la maison, se termine par l'injonction :

'« Dans sa demeure qu'il se taise, qu'il reste silencieux » (ibid., p. 174, ligne 37).

53. IV R 32 sq., col I, ligne 33. 54. Ibid., ligne 30. 55. Ibid., col. II, ligne 39. Selon XAi î 177, revers, col. 3, 20 (R. LABAT, op. cit. , p . l 6 8 ) ,

le 2 de Tesrit on ne doit pas manger de viande cuite. On trouve la même prescription pour le 5 de Tesrit (R. LABAT, op. cit., p. 170, ligne 44). Voir également la lettre d'époque assyrienne, R. F . HARPER, ABL, n» 553, revers, ligne 2, où l'on défend au roi de ne rien manger qui ait touché le feu.

56. Texte publié, transcrit et traduit par A. CLAY, BRM, IV, n» 6 (duplicat : R. C. THOMPSON, Catalogue of Laie Babylonian Tablets, p. 29 sq), dont E. Ebeling a

donné une transcription et une traduction nouvelles dans Tod und Leben nach den Vorstellungen der Babylonier, p. 91 sq.

Lumière et chaos : la souveraineté divine 43

pendan t le premier jour , p répondéran t . Le deuxième jour étai t , pa r contre, consacré en grande par t ie a u x purifications exécutées pa r les prêtres , l 'éclipsé é t a n t sentie comme une souillure, dont il fallait débarrasser les temples e t a v a n t t o u t le t emple du dieu Sîn. «

Le t e x t e commence p a r une lamenta t ion récitée par le kalû où il est d 'abord quest ion de la déesse Ningal , la parèdre du dieu Sîn, appelée « la femme, la vache sauvage qui a é té chassée de son temple et de sa ville», puis en s 'appelant l 'esclave de la déesse, le p i è t r e pleure sur son propre é t a t en ces t e rmes : « J e suis celui qui va et vient sans pa ix ni repos, celui qui dans sa détresse ne mange p a s de pain, ni ne bo i t d 'eau ; sur m a maison s 'étale le sable du désert et s 'est déversée la poussière. 0 puissant , le pleureur ne peu t pas re tenir ses la rmes » . 8 8 On t rouve ensuite une allusion au prince qui gî t é tendu sur le sol p e n d a n t que le ven t qui souffle en t e m p ê t e couvre de sable sa figure. P lus loin, celui qui souffre est assimilé à une b a r q u e en provenance de Te lmun qui s'est embourbée dans le marais , ou à u n e ba rque makurru qui au lieu d'offrandes ne por te que de la douleur. «• Te lmun, l 'actuel Bahra in , en t re tena i t d 'é t roi tes relat ions commerciales, à l 'époque vieux-babylonienne, avec Ur, la ville du dieu Sîn. 8» Quan t à la ba rque makurru ici ment ionnée , elle est l 'embarcat ion t yp ique du dieu L u n e et, en m ê m e temps , le croissant lunaire. Cette double assimila t ion témoigne du r a p p o r t que le ri tuel établ issai t ent re le réc i tan t e t le dieu, c 'est-à-dire la Lune prisonnière dont la ba rque (échouée ou chargée à contresens) est le symbole.

A l ' incanta t ion font suite des r i tes qui doivent être exécutés au momen t où la L u n e commence à perdre sa clarté. A la por te de chaque temple e t a u x carrefours, on doit instal ler un pe t i t au te l en br ique dit garakku sur lequel on placera du bois de différentes essences. Au d é b u t de l'éclipsé, un prê t re de h a u t rang, di t êrib bîti «, al lumera une torche et m e t t r a le feu au bois de l 'autel qu i doi t brûler sans cesse jusqu 'à- la réappar i t ion de la Lune . E n même t e m p s t o u t e une série de ri tes caractér is t iques seront exécutés : offrandes a u x mor t s et a u x dieux Anunnak i sur des champs en jachère et dans des fleuves sans eau ; en outre les hab i t an t s du pays a r ra cheront leurs t u r b a n s 8 2 et se couvr i ront la t ê t e avec leurs vê tements , compor temen t qui a son p e n d a n t dans l ' a t t i tude requise 1 à cet te occasion des prê t res kalû, lesquels seront habillés de lin et auron t eux aussi la tê te

57. Revers, lignes 32 sq. 58. Lignes 2-8. 59. Lignes 12-13. 60. Voir A. L. OPPENHEIM, JAOS 74,1954, p. 6-17, et W. F. LEEMANS, Foreign Trade

in the Old-Babylonian Period, p. 18 sq.

61. Ligne 16. Pour la fonction du êrib btti, cf. CAD 4, E, p. 290-292 b. .,<-62. Ligne 21 : a-di antalû à-nam-mar niSê™" mâti su-bat qaqqadi-Sû-na Sâ-ahC>)-tu

ina lu-bar-ra-Sû-nu qaqqad-su-nu kit-mu. Cf. CAD 16, S., p. 224 b. -••

Page 25: LaSplendeurdivineIntroductionaletudedelamentalitemesopotamienne

44 La splendeur divine

couver te de leurs vê t emen t s déch i r é s . 8 3 II s 'agit v ra i semblab lement de

r i tes de deuil, mais il est probable qu' i l faut voir également dans ce t te

façon de s 'accoutrer p e n d a n t l'éclipsé une volonté de s'identifier à la

L u n e obscurcie, capt ive . Le t u r b a n que l 'on a r rache fait penser en effet

à la t ia re (agû) de la Lune dont elle est dépossédée p e n d a n t l 'éclipsé. M

Ainsi att ifés, la foule et les prêtres , chacun de leur côté, pousseron t

des cris en guise de lamenta t ion et c lameront de tou tes leurs forces : « Que

le siège, le meur t r e , la révolte et l'éclipsé n ' approchen t pas d 'Uruk , de

ses temples et des temples des dieux de T i r a n n a ! » . 6 5 La m ê m e invocat ion

sera criée par sept ar t i sans choisis pa rmi les « sages » du pays . P o u r t o u t e

la durée de l 'obscurcissement, ils crieront sans cesse. Dès que la L u n e

réappara î t , on verse de la bière sur le feu de l 'autel pour l 'é teindre.

On pourra i t sans difficulté t rouver ma in t s r appo r t s ent re les r i tes e t les

incan ta t ions qui les accompagnent . E n cr iant que le siège, le m e u r t r e ,

la révol te e t l 'éclipsé se t i ennen t écar tés de leur ville, les h a b i t a n t s e t les

p rê t res d 'Uruk m e t t e n t sur le même plan qua t r e fléaux entre lesquels ils

devaient sentir un rappor t . E n t r e le siège e t l'éclipsé le r app rochemen t

est évident : l 'éclipsé é t a n t le résul ta t du siège de la Lune pa r les «démons

mauva i s» . L ' un e t l ' au t re représentent une r u p t u r e de l 'ordre qui suppose

échange et a l te rnance : le siège empêche les échanges n o r m a u x dans

l 'espace en t re la ville et l 'extérieur ; l 'éclipsé r isque de suspendre les

phases du cycle lunaire et d 'empêcher la mesure du t emps . Le m e u r t r e

est lui aussi assimilable à l'éclipsé, laquelle est sentie comme u n m e u r t r e —

tempora i re , il est vra i — de la L u n e . 5 8 Quan t à la révolte , elle est u n e

infraction grave à l 'ordre, analogue à l'éclipsé qui désoriente le cosmos,

en r a m e n a n t le m o n d e organisé à la phase indifférenciée, q u a n d les

choses « n ' a v a i e n t pas de n o m » . 8 7

63. Ligne 44 : ina lu-bar-(ra)-sû-nu nu-uk-su-tu qaqqad -su-nu kât-mu.

64. Un autre rituel (CT XVII, 19) contient au sujet de SamaS, le Soleil, la même prescription, ligne 34 : « Lorsque SamaS entre dans sa maison (c'est-à-dire lorsque le Soleil n'est plus visible dans le ciel), couvre-toi la tête avec ton vêtement ».

65. Ligne 22. Tiranna était à l'origine une ville distincte d'Uruk dont elle est devenue plus tard un faubourg.

66. Voir aussi le passage dans Ch. VIROLLEAUD, L'Astrologie chaldéenne, Stn, X X X V , ligne 52-53 : antalû ri-ih-su mur-su mu-tum galle""' rabûtim" dIMIN.BI ma-har 'Stn

it-la-nap-ri-ku ; > éclipse, inondation, maladie, mort : ce sont les grands démons, le» Sept qui se tiennent sur la route devant Sln. •

67. Mon insistance à éclairer les divers aspects du lien que les Accadiens sentaient entre silence et chaos, entre silence et brousse, entre silence et maladie ou malheur, n'implique pas qu'il faille réduire une notion aussi riche que celle de silence à ces seules associations. Au contraire, souvent le silence, loin de représenter un des aspects du retour du monde à l'indifférencié ou d'être un signe de désagrégation sociale ou individuelle, apparaît comme un moyen de restaurer l'ordre troublé. Dans ce cas le fait de s'abstenir de parler s'insère dans toute une série d'actes qui ont pour but le détachement du monde et la concentration intérieure.

Un texte historique d'un type assez particulier nous donne un exemple de cette

Lumière et chaos : la souveraineté divine 4 5

L'allusion que l 'on fait dans ce t ex te a u x portes verrouillées que l 'on

n 'ouvre qu ' au lendemain de l'éclipsé, a v a n t le lever du Solei l 6 8 , m o n t r e

que l 'act ion ri tuelle p rena i t en considération deux catégories d 'espace

qu i é t a ien t n e t t e m e n t distinguées. D 'une pa r t , le palais, les temples ,

les maisons et, d ' au t re pa r t , la rue e t les carrefours. Espaces clos et socia

lisés s 'opposant aux espaces o u v e r t s . 6 9 A ces deux catégories d 'espace

s ' adap ten t deux condui tes différentes ainsi qu 'en témoignent , out re ce

ri tuel , l 'ensemble des hémérologies. Le sable du désert qui s 'étale d a n s

la maison signifie nivellement, mor t , chaos, re tour à la poussière p r imor

diale ; de même l 'absence de me t s cuisinés sur le feu est, comme le

silence auque l s 'as t re int le roi dans les hémérologies, le propre d 'une s i tua

t ion de désagrégation soc ia le . 7 0

« valeur » du silence. Il s'agit d'une inscription sur une stèle récemment découverte à Harran (cf. C. J. G A D D , AnSt. VIII, 1958, p. 46-47, H I, B). Elle nous renseigne sur le comportement d'une prêtresse grâce à qui la faveur du dieu Sin qui s'était éloignée de Babylone, lui fut à nouveau rendue. La prêtresse en question est Adda-guppi, la mère de Nabonide qui fut roi de Babylone : en parlant à la première personne, elle se livre à une description de la ville délaissée par Sln qui, en colère, a abandonné son temple et s'en est allé au ciel. « Afin de calmer le courroux de mon dieu et de ma déesse, un vêtement de laine fine, un bijou d'argent ou d'or, un vêtement neuf, du parfum et de l'huile odorante, je n'ai pas approché de mon corps, mais d'un vêtement déchiré je m e suis habillée et mes sorties étaient silencieuses. Je chantais leur (c'est-à-dire : des dieux) louange et l'exaltation de ma ville et de ma déesse était constamment dans mon cœur, leur garde j'assurais et tout ce qui était bon je ne le réservais pas, mais je l'apportais aux dieux » (col. I, lignes 20-28). L'opposition que ce passage établit, d'une part, entre toute apparence de luxe, (parfum, tissu fin, vêtement neuf, huile) et, d'autre part, le vêtement en lambeaux typique d'une attitude de pénitence et de deuil, et le silence que la prêtresse observe lorsqu'elle sort — elle s'abstient de tout colloque avec les autres habitants de la ville — me semble significative. Deux ordres de comportement sont mis en parallèle : on énumère d'une part les abstentions : ni parfum, ni laine fine, ni huile, ni paroles ; d'autre part, les actes positifs : prière, louange de la ville et des dieux, offrande aux dieux des objets dont on se prive. Il y a, en réalité, opposition et corrélation entre les deux ordres de comportement : les actes du premier type se valorisent religieusement grâce à ceux du deuxième type et inversement. En effet, le vœu de pauvreté auquel se résoud Adda-guppi est d'autant plus efficace qu'elle dédie aux dieux ce dont elle se tient écartée. De même le fait de s'abstenir de toute conversation profane apparaît comme exalté par la prière que la mère de Xabonide ne cesse d'adresser aux dieux et par la louange de la ville. Tout son comportement indique qu'elle tourne délibérément le dos au monde des hommes afin de pouvoir plus efficacement atteindre les dieux. Pour la signification positive du silence pendant l'accomplissement d'un rite, voir le rituel BRM IV, n» 7.

68. Ligne 31. S'agit-il de portes verrouillées pour la nuit ou bien depuis le début de l'éclipsé ? Le texte ne contient aucune allusion à un rite qui aurait lieu à l'intérieur d'un-temple ou d'une maison. C'est aux portes des temples et aux carrefours qu'on installe les autels et c'est dans les rues que les prêtres et la foule crient.

69. Il s'agit — est-il besoin de le souligner ? — de notions toutes relatives. Une rue d'une ville est un espace ouvert par rapport à une maison, mais la ville et ses rues est un espace clos par rapport à la campagne et à la brousse.

70. Aujourd'hui encore dans certaines régions de l'Italie méridionale, notamment dans les Pouilles, lorsque l'équilibre de la famille est mis en cause par un deuil, on reste à l'inté-

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46 La splendeur divine

Avec l 'absence de feu domest ique et le silence qui sont de r igueur dans le palais, cont ras te , dans la rue, l 'agi ta t ion de la foule qu i va e t v ien t en se l a m e n t a n t t and i s que le feu cont inue à brûler sur les aute ls . Les cris poussés par les gens d 'Uruk sont à rapprocher de ce que nous app rend le folklore : ils jouen t le même rôle que le b ru i t p rodui t pa r des casseroles e t d ' au t re s objets en fer ou en cuivre que l 'on a cou tume de frapper dans de t r è s nombreux pays à l 'occasion d 'une é c l i p s e . n On a pensé que ce v a c a r m e é ta i t dest iné à effrayer les forces maléfiques qui t i ennen t la Lune en leur pouvoir . D ' u n e par t , l 'originalité de ces « concerts» est qu ' i l s sont p rodu i t s en général pa r des objets de tou te sorte, no rma lemen t employés à d ' au t r e s fins. D ' a u t r e pa r t , les observa teurs anciens e t modernes signalent que ces vacarmes on t lieu toujours à l 'extér ieur et non dans l e sma i sons . L a fonction de ces t i n t a m a r r e s est de faire le plus de b ru i t possible. Les cris de la foule d 'Uruk ava ien t le même bu t .

E n t r e la condui te silencieuse du roi d a n s son palais e t les cris que la foule pousse dans les rues, il y a la même opposit ion q u ' e n t r e le foyer é t e in t dans le palais e t le feu qui brûle dans la rue . De même que le b ru i t ob t enu , soit à par t i r d ' ins t ruments hétérocli tes (folklore universel) , soit en poussan t des vociférations (rituel d 'Uruk) , appa r t i en t à u n t o u t a u t r e domaine que la parole qui ordonne e t organise, e t la m u s i q u e 7 2 qui in t rodu i t l 'ordre dans des sons, de même le feu qu 'on al lume e t qu ' on a l imente j u s q u ' a u m o m e n t où la Lune r éappa ra î t a p p a r t i e n t à u n t o u t a u t r e domaine que le feu du foyer. Il n ' a pas pour rôle de remplacer la Lune disparue, ainsi qu 'on l'a souvent soutenu. Il es t un feu pr imaire , é lémentai re , u n feu d ' a v a n t la création e t l 'organisat ion du monde , en quelque sorte, la semence du feu. Lorsque la Lune r éappa ra î t dans le ciel, on é te in t avec précaut ion ce feu don t on n ' a plus besoin ~3, on empor te les cendres à l 'extér ieur de la ville et on les j e t t e dans le fleuve.

rieur de la maison et on s'abstient pendant plusieurs jours d'allumer le feu de cuisine. Ce sont les voisins qui tour à tour nourrissent la famille éprouvée en leur apportant des mets qu'on appelle il cansule (le reconfort) ; cf. G. TANCREDI, Folclore Garganico, p. 170. Les parents adoptent parfois la même attitude lors du mariage d'une fille ; cf. FINAMORE Curiosità popolari tradizionali, 1894 : cette coutume existait dans les Abruzzes, à Atessa.

71. Cf. R. LASCH, Archiu fur Religionswissenschafi III, 1900, p. 141. Les Irlandais et

les-Gallois courent d'ici et de là pendant l'éclipsé parce qu'ils croient aider la Lune par leur agitation et par le bruit qu'ils font en tapant sur des casseroles et autres objets en métal. Une attitude semblable a été observée en Turquie (Césarée), en Arménie, en Iran, en Grèce et en d'autres pays.

72. Le rituel d'Uruk prescrit, ligne 42 sq., que le jour de l'éclipsé, on sorte d'un édifice appelé btt-ammuSmu divers instruments de musique, des tambours de divers types (manzû, halhallatu, lilissu). Devant l'un d'eux (lilissiz), on dispose des petits tas de farine et on installe à côté des vases remplis d'eau et d'un liquide appelé « Larmes de tamaris ». Parmi les lamentations que le prêtre kalû récite, une devait être accompagnée par des battements de tambours.

73. Voir à ce sujet ce que C. LÉVI-STRAUSS, Le cru et le cuit, p. 304, rapporte sur des rites pratiqués pendant l'éclipsé de la Lune par des Indiens. Les tisons ardents que les

Lumière et chaos : la souveraineté divine 47

Ces observa t ions sur le bru i t et le feu à l ' é ta t na ture l , « sauvage » sont corroborées pa r d ' au t re s t ex tes qui associent d 'une p a r t la lumière et la parole, e t d ' au t re p a r t la lumière et le son produi t pa r des ins t ruments r i tuels .

Des hymnes cont iennent des allusions précises à la parole divine comme source de lumière : qi-bit-ki nu-û-ra : «ton ordre est lumière», dit u n h y m n e à la gloire d ' I s t a r . 7 4 Mais encore plus impor tan t s , à mon avis , sont cer ta ins passages des incanta t ions bilingues suméro-accadiennes ta i san t par t ie de la même série utukkî lemnûti où sont relatés les malheurs du dieu Sîn en proie a u x « démons mauvais» . Dans ces i n c a n t a t i o n s 7 5 , en effet, les not ions de « vibrat ion » lumineuse e t sonore appara issent étroit e m e n t associées. « Que le 'bronze fort ' du héros Anu puisse déraciner Tout -Mal grâce au son de sa terrible splendeur»: urudunigkalagû*qar-ra-du A-nim sd ina ri-gim me-lam-mi-sù gal-tû mimma lim-nu i-na-as-sa-hu).76

Une va r i an t e de ce passage est également significative; elle dit en effet : « Que le 'bronze fort ' du héros Anu te confère le son de son melammu » (urudunigkalagû* qarrad dAnim rigim melamme-su listakkanka).77 Le «bronze fort» du dieu Anu, ici invoqué comme source t o u t à la fois de lumière resplendissante e t de sonorité musicale, est p robab lement le gong, le urudunigkalagû, don t une incanta t ion di t qu ' i l « est pourvu d 'une voix puissante» (sa rigimsu dannu).™

A l'idée de mat iè re lumineuse e t br i l lante que suscite imméd ia t emen t la ment ion du bronze se superpose celle de musique que l'on obt ient en f rappant le gong, d u t y p e , peut-ê t re , de celui que l 'on p e u t observer sur un fragment

femmes enterrent sont des semences de feu qu'on garde au [cas où la Lune ne réapparaîtrait pas. Inutile de souligner les correspondances entre les composantes mythiques et rituelles de l'éclipsé telles qu'elles résultent de mon analyse et celles que Lévi-Strauss a dégagées dans son ouvrage, notamment au chapitre I de la cinquième partie, p. 291-305.

74. B. A. V A N PROOSDIJ, L. W. King's Babylonian Magic and Sorcery, n», 8 ligne 2.

La parole de Yahwé est lumière ; cf. L. D U R R , D I > Wertung des gbttlichen Wortes, p. 75 sq.

75. CT XVI , 24, col. I, lignes 25-28 et K. 166, lignes 10-11, d'après une copie de F. H . Weissbach ; cf. A. FALKENSTEIN, Die Haupttypen der sumerischen Beschworung,

literarisch untersuchl, LSS NF 1, p. 91 et note 6.

76. CT XVI , 24, col. I, lignes 27-28. Le sumérien (lignes 25-26 = lignes 39-40 dans le texte reconstitué par Falkenstein ) a : urudu-nig-kala-ga ur-sag-an-na-gé za-pa-âg me-lam-a-ni (duplicat : me-ldm-m[a]) hu-luh-ha nig-hul ba-ab-sire-ra. (Le texte reconstitué

par Falkenstein a, après me-lâm-ma, hu-um-ma-dah-{e}.) De ce passade existent plusieurs duplicats (dont le plus important est UMBS I, 2, n» 127, col. II) et variantes {cf. A. FALKENSTEIN, loc. cit.).

77. K. 166, lignes 10-11. Le sumérien a : urudu nig-kala-ga ur-sag-an-na-gé za-pa-âg

me-lâm-a-ni ù-um-ma-gar-gar.

78. AfO XIV, 1941-1944, p. 146, ligne 20. h'urudunigkalagû est assimilé dans ce passage à Adad, le dieu de l'orage, « seigneur de l'éclair ». Cela n'a rien de surprenant : à la relation perceptible dans la « nature » entre éclair et tonnerre fait pendant, dans la « culture », le gong qui associe l'éclat lumineux du bronze au grondement du métal qu'on frappe.

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48 La splendeur divine

d 'un vase en s téa t i te d'origine inconnue (d 'Uruk ?) *» et sur un f ragment de stèle p r o v e n a n t des fouilles de Lagas . »» On ne sai t plus si c 'est le son qu i crée la lumière ou inversement . On pour ra i t dire comme Ariel dans le deuxième Faust, devan t le jour qui v ien t de na î t re : « Les por tes des rochers s 'ébranlent avec brui t , le char de P h œ b u s roule avec fracas. Quel v a c a r m e appo r t e la lumière I Brui t de t r o m p e t t e , b ru i t de fanfare ; l 'œil clignote, l 'oreille est éb louie . . .» . 8 1

De la fragilité et de la précari té de ce monde , le m y t h e d 'Anzû, auquel nous venons de nous référer, fournit un exemple à plusieurs égards instructif. Il a v a i t suffi, pour que t o u t sombre d a n s le chaos, que l'oiseau, servi teur d 'Enl i l e t gardien de la por te du sanc tua i re , profite d 'un m o m e n t oppor tun pour commet t r e son forfait et su rprendre le dieu Enlil au ba in . Cette c i rconstance d u ba in n 'es t d 'ail leurs pas sans in térê t pour no t re enquê te . C'est év idemment le m o m e n t où le dieu se t rouve dans une s i tuat ion de moindre résistance parce qu ' i l est nu. E n réali té, selon la le t t re du t ex te , l 'oiseau agi t après que le dieu ai t déposé son t u r b a n et l 'a i t placé sur un siège : i-nu-ma "En-lil i-ra-mu-ku mêm" ellûti""'sdh- tu-ma i-na '"kussî a-gu-su sak-nu : « Lorsque le dieu Enlil se lava i t avec les eaux pures après avoir ô té son t u r b a n et l 'avoir déposé sur u n s iège» . 8 2 Or, le fait de men t ionne r la déposit ion du tu rban , qui est sans relat ion directe avec l 'objet du vol — c'est-à-dire les t ab le t t e s de la destinée que le dieu por te p e n d a n t e s sur sa p o i t r i n e 8 3 — et de s'y a t t a r d e r — détail du siège — indique, pa r contre, qu ' i l existait , dans l 'économie du récit, un lien en t re la faiblesse t empora i re du dieu et le fait qu ' i l se t r ouva i t t ê te nue , sans t u rban . L 'absence de couvre-chef chez le dieu const i tue donc, à elle seule, la vraie nud i t é . No tons que c'est d'ailleurs pa r le t u r b a n ou la t iare à cornes q u ' u n dieu ou un roi héroïsé (Narâmsîn , Ibbisîn) se différencient d 'un simple mor te l dans les scènes où dieux e t hommes sont représentés côte à c ô t e . 8 4 II n 'es t peut -ê t re pas inutile de comparer le rôle dé t e rminan t

7 9 . Cf. L. H E U Z E Y , RA IX, 1 9 1 2 , pl. III, p. 8 6 - 8 7 , reproduit depuis à plusieurs reprises. Il semble s'agir d'une sorte de très grand disque dentelé, dressé entre deux hommes d'allure efféminée, qui frappent dessus alternativement avec la main ouverte.

*80 . Même représentation que sur le vase, voir ibid., p. 8 7 , figure de gauche. 8 1 . Acte I, vers 5 7 - 6 1 : Felsenthore knarren rasselnd.

Phôbus Râder rollen prasselnd ; Wclch Getôse bringt das Licht I Es trommetet, es posaunet, Auge blintzt und Ohr erstaunet...

8 2 . CT XV, 3 9 , col. II, lignes 1 8 - 1 9 . Je tiens à remercier tout particulièrement ici René Labat qui a attiré mon attention sur ce passage du bain qui m'avait échappé.

8 3 . Cf. Enûma eliS, tablette III, lijme 1 0 5 , où l'on voit Tiamat attacher sur la poitrine de Kingu les tûp-Simâti.

8 4 . Cf. à ce propos l'interprétation que J. Nougayrol (Analecta Biblica 1 2 , 1 9 5 9 , p. 2 8 1 ) donne de l'empreinte d'un cylindre représentant deux personnages qui se font

Lumière et chaos : la souveraineté divine 49

que joue le t u r b a n , dans ce passage du m y t h e d 'Anzû, à ce que nous apprend le poème d ' I r r a à propos de la s ta tue du dieu Marduk dans son temple babylonien de l 'Esagil . Lorsque le dieu veut qu i t te r son réceptacle dans le temple , sa demeure ter res t re , il enlève le t u r b a n princier (a-ge be-lu-ti-su is-ta-hat ; le même verbe sahâtu que dans Anzû I, ligne 19, et dans Enûma élis, t ab le t t e I, ligne 68) dont la s t a tue est coiffée ; celle-ci, privée de la présence divine, est alors comme mor te . Inversement , c'est en recoiffant la s t a tue (sukuttu)m de son tu rban (a-ge be-lu-ti-is an-na-ad-qu-ma" : « a p r è s que j ' a i recoiffé le t u rban princier» — c'est Marduk qui parle) , que le dieu réintègre son siège dans le t emple . P a r cet acte , l ' au tor i t é e t l 'ordre pour ron t être res taurés et, p a r t a n t de ce microcosme, le temple , ils se diffuseront pa r ondes successives sur tou t e la terre .

Aussi bien dans le m y t h e d ' I r ra , en ce qui concerne la s t a tue du dieu, que dans le m y t h e d 'Anzû, pour le dieu lui-même, la vi tal i té divine pa ra î t localisée e t concentrée plus précisément dans la t è t e e t dans le tu rban qui la pare e t la différencie. Dans ces deux exemples, le t u rban divin est d i rec tement en r a p p o r t avec l 'ordre et l ' au tor i té dans l 'univers. C'est pa r le tu rban , leur

face : l'un, entièrement nu, mais enturbanné, avec un tissu replié sur le bras gauche, tend un petit gobelet (ibid., p. 2 7 9 ) à l'autre personnage, plus petit, qui se tient dans l'attitude d'un fidèle. La légende explique que le cylindre est un don du roi Ibbisln d'Ur à son maître des comptes Urningin-GAR. La scène refléterait, selon J. Nougayrol, un moment de la vie de cour du maître des comptes, représenté ici comme assistant au bain du roi.

8 5 . P. F . GOSSMANN OESA, Era-Epos, III, ligne 4 6 ; cf. pour l'interprétation de ce passage, W . G. LAMBERT, AfO, XVIII , 1 9 5 7 - 1 9 5 8 , p. 3 9 9 a.

8 6 . Le mot Sukuttu que nous traduisons ici suivant W. G. LAMBERT, AfO, XVIII , p. 3 9 9 a, par « statue », signifie généralement objet précieux et aussi trésor. GÔSSMANN OESA, op. cit., p. 1 2 - 1 3 , lignes 1 2 2 , 1 3 9 , 1 4 1 ; p. 9 5 - 9 6 , ligne 1 2 7 ; p. 9 8 - 9 9 , lignes

1 4 0 , 1 4 2 , et passim, traduit Sukuttu par « Schatz » et il explique dans une note (p. 4 4 ) qu'il s'agit vraisemblablement de la tiare qui couronnait la tête du dieu, tandis que CAD 4 , E, p. 6 4 b, traduit Sukuttu dans ce contexte par « bijou ». Il ne me semble pas qu'il puisse s'agir ici ni de la tiare du dieu, ni d'un bijou. Marduk dans la première tablette aux vers 1 3 9 sq., explique comment il s'est attelé après le déluge à la remise en ordre de l'univers. Il dit à ce propos qu'il prend dans sa main, à la façon d'un fermier, de la semence des créatures vivantes, et qu'après avoir construit un temple, il y a installé son Sukuttu, qui avait été bousculé au moment du déluge et dont l'aspect était, de ce fait, terni. Puis, il ajoute : « je confiai à Girra (le dieu du feu) la tâche de faire resplendir mes traits et de nettoyer mes vêtements. Après que le dieu se fut acquitté de sa tâche, je recoiffai mon turban seigneurial et repris ma place (dans le temple) ». Il me paraît évident qu'ici le mot sukuttu ne peut faire allusion qu'à une statue du dieu Marduk dont les traits et les vêtements avaient été salis pendant la catastrophe qui s'était abattue sur le temple et sur le pays abandonné par son dieu. Sukuttu aurait ainsi un sens proche de celui du mot grec agalma qui, après avoir désigné l'objet « précieux », noble, a fini par signifier également la statue de divinité. Cf. L. GERNET, « La notion mythique de la valeur », Journal de Psychologie, 1 9 4 8 , p. 4 2 0 sq.

8 7 . P. F . GOSSMANN OESA, op. cit., tablette I, ligne 1 4 2 .

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50 La splendeur divine

symbole , q u ' A n u e t Enlil , dieux souverai ns, sont représentés sur les s t è l e s 8 S . On pour ra i t citer à l ' appui ma in t s faits anciens e t modernes qui m e t t e n t en relief l ' impor tance accordée au couvre-chef comme symbole d ' au to r i t é e t de puissance : c'est en coiffant et en décoiffant ses généraux du t u r b a n que le caliphe manifestai t l 'octroi de sa faveur ou signifiait qu' i ls é ta ient t ombés en d i s g r â c e . 8 9 Le t u r b a n se t rouve ainsi ê t re le centre au tou r duquel s 'ordonne t o u t en ensemble de gestes ri tuels qui ponc tuen t les a l te rnances du pouvoir e t du prestige.

Rien d ' é t o n n a n t donc, pour notre propos, à ce que ce soit j u s t emen t le symbole de l 'autor i té , le tu rban , qui serve de suppor t et de point de d é p a r t en m ê m e t e m p s au melammu. Lorsque , selon une ancienne légende, N i n u r t a accède à la souveraineté divine, « les dieux, ses pères, lui r enden t h o m m a g e dans l 'Ekur , ils lui offrent en don le sceptre, le t rône , e t le palù, du melammu de la royau té ils le p a r e n t » (ilâni"""' abê""'-sû i-na qé-rib é-kur itta'adu '""- su '"hatta ^kussâ palà iddanu-sù melam sarru-u-ti'ù-za-d-nu-su).90 C'est déjà le r i te de l ' in t ronisa t ion tel que les inscr ipt ions assyriennes e t babyloniennes du premier millénaire nous le feront c o n n a î t r e . 9 1

Nous en t revoyons ainsi une des directions a u moins où va s 'orienter no t re enquête . Nous savons déjà que le faisceau lumineux qui surgit de la t ê t e de la divinité est d ' a u t a n t plus éc la tan t que le dieu est fort et puissant . N o u s comprenons mieux, pa r la connexion du melammu avec le t u r b a n , la signification « sociale » qu ' a ce rayon lumineux qui se dégage de la t ê t e divine. D a n s le melammu royal de Marduk, la va leu r symbol ique du t u r b a n nous a p p a r a î t comme exaltée et amplifiée : c 'est le képi du général et le panache du Roi Soleil. Mais il y a aussi à la base — ne l 'oublions pas , nous y reviendrons plus loin — une concept ion énergét ique du m o n d e qu i é tab l i t u n e relat ion é t roi te ent re ce qui brille plus in tensément e t ce qui es t plus fort et plus puissant . Lorsque M a r d u k est décrit, dans Y Enûma élis, comme « habil lé du melammu de dix dieux et, de ce fait, ex t r ême-

8 8 . Cf. E. DOUGLAS VAN B U R E N , Symbols of the Gods in Mesopolamian Art, p. 1 0 4 sq.

Lorsque Sargon d'Assyrie, en 7 1 4 , avance avec une partie de ses troupes contre le roi Urzana qui s'est montré à son gré un vassal trop indépendant, dans la ville de Musaçir, siège du sanctuaire du dieu Haldia, on procède, pour écarter la menace, a un rite extraordinaire. Après avoir sacrifié « de lourds bœufs et des moutons gras, sans compter... ils (c'est-à-dire les prêtres du temple) coiffèrent Haldia, son dieu, de la tiare seigneuriale et lui firent tenir le sceptre royal d'Urartu •. En investissant le dieu du pouvoir suprême sur leur pays, pouvoir dont la tiare et le sceptre sont les symboles, ils éliminent l'intermédiaire habituel entre le dieu et le pays, le roi, et ils espèrent de ce fait écarter plus efficacement la menace qui approche de la ville. Cf. F . T H U R E A U - D A N G I N , Une relation de la huitième campagne de Sargon, pl. XVII , lignes 3 4 2 sq.

8 9 . J . PEDERSEN, Der Eid bei den Semiten, p. 1 7 , 5 - 1 7 6 .

9 0 . KAR 3 0 7 , revers, lignes 2 2 - 2 4 . Cf. E. EBELING, Tod und Leben nach den Vorstel-

lungen der Babylonier, I, n° 7 , p. 3 6 . Ninurta a déjà la couronne d'or sur la tête (ligne 2 0 ) . 9 1 . Voir plus loin, p. 7 2 sq., à propos de Nabonide et d'Asarhaddon.

Lumière et chaos : la souveraineté divine 51

m e n t vigoureux, les splendeurs é t a n t toutes ensembles accumulées sur lui » M , chaque m o t de ce passage acquier t m a i n t e n a n t un sens précis. L e panache lumineux qui se dégage de ses dix melammu le désigne, en effet, comme le plus fort e t le plus digne pa rmi les dieux, ses pairs, d ' assumer les lourdes charges de la souveraineté divine.

9 2 . Cf. supra, p. 2 9 , note 6

Page 29: LaSplendeurdivineIntroductionaletudedelamentalitemesopotamienne

5 2 La splendeur divine

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES CONCORDANCES ET D E S OPPOSITIONS FONDAMENTALES

CHAOS COSMOS

Monde primordial Monde organisé

Déluge (mdiffé-rentiation postdiluvienne)

Interruption de la souveraineté divine.

Immobilité (sommeil-

mort)

Mouvement (état de veille-

vie)

Etablissement de la souveraineté divine.

Désert

Poussière

Immobilité (sommeil-

mort)

Mouvement (état de veille-

vie) Espace délimité

(villes et champs) Irrigation régulière

Stérilité

Obscurité (nuit, foyer

éteint, opacité)

Lumière (jour, feu,

éclat, polychromie)

Fertilité (huile, lait, miel, etc.)

Eclipse

Siège

Défaite-Captivité

Silence

Obscurité (nuit, foyer

éteint, opacité)

Lumière (jour, feu,

éclat, polychromie)

Bruit (chant, son

rituel, prière, discours)

Alternance régulière du jour et de la nuit.

Commerce interurbain.

Victoire-Paix. Silence

Bruit (chant, son

rituel, prière, discours) Péché

Maladie

Bruit (chant, son

rituel, prière, discours)

Pureté

Santé-Beauté

CHAPITRE V

Humbaba

N o u s venons de signaler le lien que le passage d'Enûma élis, t ab le t t e I,

l ignes 103-104, convenablement in terpré té , révèle ent re les dix melammu,

qui pa ren t la t ê t e de Marduk au m o m e n t de sa naissance dans la demeure

abyssale d 'Ea , et la souveraineté .

Nous allons m a i n t e n a n t examiner d 'au t res contextes my th iques dans

lesquels la mult ipl ici té des melammu appa ra î t associée à d ' au t res fonctions.

Le réci t de la l u t t e qu i oppose Gilgames et Enk idu au demi-dieu H u m b a b a

dans le poème de Gilgames, t ab le t t e I I I , peu t nous fournir à ce sujet

ample mat ière à réflexion. Sur les flancs et les cimes d 'une mon tagne

t rès élevée, «séjour divin, piédestal d ' I i n i n i » 1 , qui est sans doute le

L i b a n 2 , s 'étend u n e forêt de cèdres merveilleuse et impénét rable . Comme

si l ' inaccessibilité du lieu ne suffisait pas à le préserver, les dieux, e t sur-

1. Version assyrienne : R. G. THOMPSON, The Epie of Gilgamish, 1 9 3 0 , tablette V, col. I, ligne 6 : ma-Sab ilâni m" pa-rak aIr-ni-ni.

2. Le fragment vieux-babylonien provenant du temple B de SamaS à Iséali (ancienne Nêribtum) et qui se trouve actuellement à l'Institut Oriental de Chicago, a été publié, transcrit et traduit par T . BAUER, dans JNES XVI, 1 9 5 7 , p. 2 5 4 sq. La ligne 1 3 du revers mentionne Sa-ri-a à La-ab-na-an dans lesquels il faut sans doute reconnaître l'Hermon et le Liban

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54 La splendeur divine

t o u t le dieu souverain Enlil , ont confié la garde de ce t te forêt à un être à l 'aspect ter r i f iant « dont le cri est un déluge, don t la bouche est un feu, don t l 'haleine est la m o r t » 3 , Humbaba ou H u w a w a (dans les versions v ieux-babyloniennes) . Contre cet être invincible, Gilgames et son ami E n k i d u p r é p a r e n t minut ieusement u n e expédi t ion qui doi t leur assurer u n e r enommée éternelle. C'est en effet la gloire que Gilgames cherche à obtenir en t u a n t H u m b a b a . Nous ver rons que, selon la version assyrienne, la l u t t e victorieuse contre H u m b a b a semble être le b u t principal de l ' expédi t ion. A plusieurs reprises, le t ex t e insiste en outre sur les bienfaisants effets de la m o r t du monst re don t la conséquence serait de chasser du p a y s t o u t le ma l que Samas h a i t . 4 Mais, en réali té, les allusions mu l tiples a u x cèdres que Gilgames coupera 5 après avoir t u é le mons t re — il a b a t effect ivement les arbres avan t et après l 'avoir t u é — donnen t à penser que le b u t principal e t réel de l 'expédit ion n ' é ta i t pas t a n t de débarrasser le pays de H u m b a b a que de se procurer du bois d 'essence rare et des pou t r e s maîtresses pour les cons t ruc t ions d 'Uruk , mais ceci ne pouva i t se faire sans q u ' a u p a r a v a n t H u m b a b a fût mis hors du jeu . Celui-ci surveille la forêt merveilleuse en la p a r c o u r a n t selon un t ra je t cons tan t ; « là où a cou tume de passer H u m b a b a , il y a une piste : les chemins sont frayés, la voie est a p l a n i e » . 8 Mais nous apprenons aussi qu'i l peu t laisser passer plusieurs jours sans parcour i r la piste. Les deux amis r e s t en t embusqués dans les buissons, espérant le surprendre à son passage, m a i s l ' a t t en t e sera vaine. E n réal i té , H u m b a b a possède un moyen efficace pour surveiller la forêt sacrée sans avoir à la parcourir . « Pour qu ' i l veille à la conservat ion de la forêt des Cèdres, Enli l l 'a do té de sept pulhâtim», dit la version vieux-babylonienne de Y a l e . 7 Ce septup le éclat , don t est paré H u m b a b a par les dieux, const i tue une sorte de p h a r e pu i s san t qui éclaire et fouille minu t ieusement t ous les recoins du bois et p e r m e t ainsi à H u m b a b a de voir quiconque violerait les limites de son domaine .

3 . Version vieux-babylonienne de Yale, publiée par M. JASTROW et A . T . CLAY, An Old Babylonian Version ofthe Gilgamesh EpicYOSR IV, 3 , 1 9 2 0 , tablette III. col. III,

ligne 1 4 - 1 6 : 'Hu-wa-wa ri-ig-ma-Su a-bu-ba pi-Su 'Gibil-ma na-pi-iS-Su mu-tum ; col. V,

lignes 1 6 - 1 7 . 4 . Version assyrienne, tablette III, col. Il, ligne 1 8 : u mimma lim-nu sa ta-zi-ru

(variante : -zir) û-hal-laq ina mâti : « jusqu'à ce qu'il bannisse de la terre tout le mal que tu ( = SamaS) exècres ».

5 . Yale, tablette III, col. III, ligne 4 ; col. V, ligne 6 . 6. Version assyrienne, tablette V, col. I, lignes 4 - 5 . Humbaba s'apparente par là

aux êtres surnaturels, aux géants du type Talos, gardien de l'île de Crète, qui parcourt le pourtour de l'île régulièrement trois fois par jour (ou par an, APOLLONIUS de RHODES, Argonautica, IV, 1 6 4 1 sq.

7. Yale, tablette III, col. IV, lignes 1-2 : aS-Sum su-ul-lu-m[u ki-is-ti erèni] pu-ul-

l}à(1)-tim sebt(7)-su [i-Si-im-su dEn-lil] ; cf. W . VON SODEN, ZA N F X I X , p. 2 1 3 ; version

assyrienne, tablette II, col. V, lignes 1-2 : aS-Su Sul-lu-mu [kiS]ti """erini ana pul-ha-a-

ti Sa UKU m «' (dans un autre fragment : LU""') i-Sim-Su dEn-lil, et ligne 5 .

Humbaba 55

Nature l lement , l 'éclat don t est do t é H u m b a b a n ' a pas seulement ce t t e fonction, somme t o u t e assez pacifique et défensive, de lui pe rme t t r e d 'accomplir la t âche que le dieu lui a confiée. Le septuple éclat doit aussi , grâce à la t e r reur qu' i l inspire, anéan t i r t ou t désir de mon te r à l ' assaut de la m o n t a g n e chez celui qui serait assez téméraire pour avoir conçu ce dessein. Il doit servir de repoussoir contre l 'envahisseur, semblable en ceci aux y e u x immenses , au gorgoneion, que l'on g rava i t parfois sur les murs e t les por tes des villes de l ' an t iqui té , dont le double rôle é ta i t de voir l 'ennemi qui approcha i t et d'être vu de lui de sorte qu 'en agissant en même t e m p s phys iquemen t e t magiquement , il pouvai t , au même m o m e n t qu' i l découvra i t l 'ennemi, le tenir , grâce à son pouvoir fascinant e t pé t r i fiant, à l ' écar t de la v i l l e . 8 II y a du reste, en t re les sept éclats de H u m b a b a e t les yeux mult iples , ou l'œil unique , don t sont pou rvus les gardiens myth iques , p lus d 'un poin t de comparaison. * Le faisceau lumi neux, que H u m b a b a dégage, est u n éclat du même type que celui de l'œil, mais dans une tona l i t é infiniment supérieure, comme élevé à la n"1™ p u i s s a n c e . 1 0

Le r app rochemen t de la septuple puluhtu avec des yeux qui voient t o u t , me semble ressort ir aussi du fait que, dans un cas comme dans l ' au t re , il s 'agit d ' a t t r i b u t s qui font par t ie in tégran te de la personne. Il semble en effet hors de dou te que la septuple puluhtu jaillit de la t ê t e de H u m b a b a . 11 s'agit ainsi du même faisceau lumineux pulhâtum qui émane des dix melammu don t est parée la tê te de Marduk dès sa naissance. La seule

8 . R. D . B A R N E T T , «Some Contacts between Greek and Oriental Religions» (Éléments orientaux dans la religion grecque ancienne), p. 1 4 5 , compare Humbaba à Méduse et

considère que sa puluhtu « seems to be connected with snakes, which strengthens him ». Cf. Clark HOPKINS, « Assyrian Eléments in the Perseus-Gorgon Story », American Journal of Archeology, X X X V I I I , 1 9 3 4 , p. 3 4 8 sq. Le pouvoir terrifiant et, de ce fait, ambigu — favorable, parce qu'apotropaïque, pour les uns, dangereux pour les autres — du masque de Humbaba ne peut être contesté. Toute une littérature l'atteste.

9 . L'œil unique a la même signification que les yeux multiples, c'est-à-dire que, grâce à sa terrible intensité, il voit tout. Les trois Grées, qui sont un doublet des trois Gorgones, n'ont qu'un œil pour elles trois (de même qu'elles n'ont qu'une seule dent), mais cet œil est d'autant plus puissant qu'il est seul. De ce fait, l'œil unique est un attribut des gardiens des trésors : par exemple, les Arimaspes (HÉRODOTE, III, 1 1 6 , 2 ; IV, 2 7 ; cf. ESCHYLE, Prométhée, 8 0 5 ) .

1 0 . Avant tout, il y a le fait général que le pouvoir fascinant et maléfique de l'œil tient certainement en partie à son éclat qui tranche nettement sur la matité du visage.

Un fait germanique illustre bien le pouvoir paralysant de l'œil. Le regard d'Olus Vegetus est si étincelant qu'il transperce celui qui vient pour le tuer pendant qu'il est au bain. C'est seulement lorsque Olus Vegetus se couvre la figure que le meurtre peut être accompli (G. DUMÉZIL, La fonction guerrière, p. 8 5 - 8 6 ) .

Aussi pourrait-on dire que l'œil, en tant que source d'éclat redoutable, se trouve, par rapport à l'éclat puluhtu dont est nanti Humbaba, dans la même position, par exemple, que le turban, en tant qu'emblème du pouvoir sur le plan social, par rapport à melammu : dans les deux cas, avec puluhtu comme avec melammu, il s'agit d'une amplification exagérée d'attributs dont la signification symbolique est la même.

CASSIN. 5

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56 La splendeur divine

différence est que, dans le cas de Marduk, ses pulhâtum sont sur tou t le signe d ' une formidable puissance e t d 'une except ionnel le énergie qu i le désignent de ce fait comme ap te à exercer la fonction souveraine, t and i s que , p o u r H u m b a b a , ils doivent servir à décupler ses possibilités de vigilance sur l 'espace sacré dont il a la garde.

Il est bien possible que le fragment X.8591 1 1 ne fasse p a s allusion à un gardien de la forêt au t r e que H u m b a b a . A ce sujet, les remarques de J . K inn ie r WiJson me semblent sensées. 1 1 Le fragment en quest ion fait p robab l emen t allusion à une version du c o m b a t en t re H u m b a b a , d 'une pa r t , et Gilgames et Enk idu , d ' au t re par t , différente de celle que nous connaissons par ailleurs. Il est, par contre, exclu que les T Û G . G Û . È soient la m ê m e chose que les sept nt-te de la version sumér ienne ou que les sept pu-ul-hà-tim de la version de Yale, comme le v e u t J . Kinnier Wilson. u Le T Û G . G Û . È : nahlaplu que H u m b a b a s ' apprê te à r e v ê t i r 1 4 , qu 'on en tende pa r ce t e r m e une cape ou une cot te de mailles, est un objet qui p ro tège celui qu i le porte , qui a un rôle défensif, et non, comme le ni-te : puluhtu, un moyen offensif.

Il nous faut m a i n t e n a n t insister sur un a u t r e aspect . Ce faisceau lumineux , p a r t a n t de la t è t e de H u m b a b a , qu i éclaire la g rande forêt, p rodu i t u n e clar té qui est aussi visible de l 'extér ieur . Selon un fragment v ieux-babylonien «, lorsque Gilgames, après avo i r pr is congé de sa mère , la déesse Ninsun, qu ' i l a é té consulter a v a n t son expédi t ion, s'en v a vers la m o n t a g n e des cèdres, le t e x t e di t l i t t é ra lement qu '« i l dirigea ses p a s vers le melammu», c 'est-à-dire vers l 'éclat que dégage le melammu de H u m b a b a e t qu 'on peu t voir de loin. Melammu est employé ici presque comme synonyme de la forêt des cèdres.

L 'éc la t , puluhtu ou melammu, de H u m b a b a se t r o u v e ainsi au centre de l 'épisode, mais l ' importance qu 'on lui accorde provien t de facteurs qui , d a n s un cer ta in sens, sont contradictoires . D ' u n e pa r t , nous voyons qu ' i l cons t i tue l 'obstacle majeur que les deux amis doivent franchir pour pa rven i r aux cèdres, et qu' i l doit, de ce fait, ê t re neutral isé ; mais , d ' au t r e pa r t , il est aussi le seul moyen d 'éclairer la forêt touffue ; et,

- 11. R. C. THOMPSON, op. cit., tablette V, col. V. 12. J . K I N N I E R W I L S O N , dans P. GARELLI, GilgameS et sa légende, p. 102 sq. La version

vieux-babylonienne d'Iscali ( T . BAUER, JNES XVI , 1957, p. 255, ligne 8 du revers) a : Hu-wa-wa ma-sa-ra-am : « Huwawa, le gardien », ce qui peut faire penser que le massar kiidti « le gardien de la forêt », de K. 8591, ligne 12, et Humbaba ne font qu'un seul personnage.

13. Ibid., p. 107. Pour T Û G . G Û . È : nahlaptu, voir plus haut, p. 28, note 2. 14. K 8591, lignes 7-8 : « [Il va se] vêtir de sept T Û G . G Û . È , il en a revêtu [un], six

restent à mettre ». Pour la traduction de ce fragment, nous suivons celle qu'en donne R. LABAT, dans Les écrivains célèbres, l'Orient ancien, Ch. Mazenod, édit., p. 98.

15. Publié par J . J . A. VAN D I J K , Sumer XV, 1959, pl. 3, ligne 9 et p. 10 : [i-n]u-mi

ik-ru-bu-us'-Zi a-na mé-e-lam-mi ii-ta-kan s~e-[pi]-$u : « Lorsqu'il l'eût (sa mère) saluée, vers la splendeur il dirigea ses pas ».

Humbaba 57

dans la mesure où il pe rmet à Gilgames et à Enk idu d 'y voir clair, on doit veiller à ce qu' i l ne soit pas dé t ru i t .

La forêt est, dans un cer ta in sens, un labyr in the : pour Gi lgames, comme pour Thésée, à la difficulté de tuer le mons t re s 'ajoute celle, peu t -ê t re plus grave, de re t rouver , après l 'avoir t ué , le chemin vers la sort ie p a r m i le réseau des voies t o u t e s pareilles s 'entrecroisant et s i l lonnant l 'espace. L ' o b s c u r i t é 1 8 dans laquelle se t rouve plongé ce lieu, double en quelque sorte le caractère d ' inextr icabi l i té e t rend inévi table les errances du héros. Mais t a n d i s que , dans la légende grecque de Thésée, l 'objet , qui pe rme t d'éclairer les ténèbres du labyr in the et qui sauve le héros, es t la couronne l u m i n e u s e 1 7 qu 'Ar i adne lui donne, dans la légende acca-dienne de l 'expédit ion a u x cèdres, c'est le mons t re lui-même, H u m b a b a , qu i po r t e sur lui la source d e lumière écla i rant la forêt.

Le t h è m e angoissant de l 'obscuri té acquiert , dans le f ragment de la version v ieux-babylonienne de Chicago, u n e in tens i té par t icul ière . Ici, con t ra i rement a u x au t r e s versions, Gilgames expr ime n e t t e m e n t sa peu r q u e la m o r t de H u m b a b a n ' en t ra îne aussi l ' ext inct ion de l 'éc la t mervei l leux dont il est do t é : « Le melammu sera pe rdu dans la confusion, le melammu sera pe rdu et , de ce fait, l 'éclat s ' o b s c u r c i r a » 1 8 ; ces paroles mon t r en t , en outre , que, pour Gilgames, la m o r t du mons t re n 'es t pas u n e fin en soi e t qu'el le p e u t m ê m e compromet t r e l 'issue de l 'entreprise en plongeant la forêt de cèdres dans l 'obscuri té .

Mais les paroles de Gi lgames éveil lent encore no t re in té rê t pour d ' au t re s raisons. D 'une pa r t , elles font allusion au melammu de H u m b a b a comme s'il s 'agissait d 'un objet t o u t à fait i ndépendan t de celui qui le possède. C'est un élément qui v ien t à l 'appui de l 'hypothèse que nous avions émise p lus h a u t 1 9 , selon laquelle le melammu pouvai t , dans certains cas, être considéré comme un bijou que l 'on por ta i t sur le t u rban . Ajoutons que ce caractère d 'autonomie , que les paroles de Gilgames confèrent au melammu, ressort également de la réponse que lui fait E n k i d u : « P rends l 'oiseau, camarade , e t où i ront ses pe t i t s ? Le melammu, nous le chercherons après .

16. L'obscurité qui règne dans une forêt de cèdres, sert de terme de comparaison à Sargon d'Assyrie, cf. F. THUREAU-DANGIN, Une relation de la huitième campagne de

Sargon, p. 4, ligne 16. A propos de l'obscurité du labyrinthe, voir ce que Pline (Histoire naturelle, 36, 13) dit au sujet du temple funéraire d'Amménémès III qu'il considère comme le prototype du labyrinthe de Dédale.

17. Le thème de la couronne lumineuse d'Ariadne est probablement aussi ancien que celui du fil qui permet à Thésée de se guider à travers le labyrinthe. Il se trouve déjà sur un vase géométrique. Selon PAUSANIAS, V, 19, 1, sur le coffre de Cypselos, on voyait représenté le même épisode. A une époque tardive, les deux éléments, le fil et la couronne lumineuse se superposeront.

18. T. B A U E R , JNES XVI , 1957, p. 254, ligne 11-12 : me-li-im-mu i-ha-[al-l]i-qû

i-na e-Si-tim me-li-[i]m-m[u] i-ha-al-li-[q]û-ma nam-ri-ru i-r[u-p]u.

19. Cf. supra, p. 24 sq.

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58 La splendeur divine

Comme les pe t i t s (de l'oiseau capturé) , ils s 'éparpi l leront dans l 'herbe ». 2° On voit , grâce à cet te comparaison que, pour E n k i d u , le melammu est quelque chose d 'aussi dis t inct de celui qu i le possède q u ' u n oisillon peu t l 'être de sa m è r e . 2 1 Mais en outre , Gilgames, en e x p r i m a n t ses cra intes que le melammu de H u m b a b a ne vienne à s 'égarer d a n s la bagar re (ce qui a u r a i t comme conséquence, selon lui, d 'é te indre l 'éclat — namrirrû — qu' i l dégage e t de plonger ainsi la forêt dans les ténèbres) , m o n t r e qu ' i l y a, dans son esprit , une dist inction t rès n e t t e en t re melammu et namrirrû, e t que le r a p p o r t qu ' i l suppose en t re les deux est comparab le à celui qu i existe, pa r exemple, ent re une lampe e t la lumière qu 'el le proje t te . E t ce t te dis t inct ion, que nous apercevons dans les paroles de Gilgames, v ient , elle aussi , à l ' appui de notre thèse qu i vo i t » dans le melammu la source de l 'éclat p lu tô t que l 'éclat lui-même.

Le rôle i m p o r t a n t que le melammu joue dans le réci t de l 'expédit ion a u x cèdres est, ainsi que nous venons de le voir, doub lemen t fonctionnel. Le melammu, par l 'éclat qu ' i l dégageai t servai t en m ê m e t emps de phare , éclai rant la forêt ténébreuse, et d 'obstacle qui en garant i ssa i t l ' inviolabili té. Sur ce point , t ou tes les versions sont d 'accord. La version v ieux-babylonienne de Yale pa re H u m b a b a de sept pulhâtim au lieu du melij

2 0 . T. B A U E R , JNES, XVI , 1 9 5 7 , p. 2 5 4 - 2 5 5 : « eb-ri i-sû-ra-am ba-ar-ma e-Sa-

am-ma i-la-ku wa-at-mu-Su Tranche : i me-li-im-mi wa-ar-ka-tam i ne-iS-te-i a ki-i-ma

wa-at-mu ir-ta-nap-pu-du i-di-Si-im. La comparaison que fait Enkidu entre Humbaba et son melammu., et l'oiseau et ses poussins, appelle en outre des remarques d'un autre genre. Le sens général du dicton est qu'il faut penser à l'essentiel sans se laisser distraire par ce qui est secondaire. Il correspond à notre « toute chose en son temps ». Cette réponse, empreinte de la fausse sagesse des proverbes et des lieux communs, dépeint bien le personnage qui l'émet. Un être un peu simple, aux vues courtes, pour lequel l'immédiat seul compte. A l'ancien bon sauvage, dominé par ses instincts, la civilisation citadine n'a apporté qu'une couche très superficielle de savoir vivre. Il trace lui-même son bref destin par son comportement emporté et imprévoyant. Il n'est, à aucun moment, un personnage tragique ; par contre, ces traits de caractère aident, dans une certaine mesure, à mettre en relief la complexité dramatique du personnage principal du poème, Gilgames qui, au contraire, réfléchit sur les conséquences de la mort de Humbaba. Chez GilgameS — dans la version sumérienne du moins — même une certaine pitié

•pour le monstre qu'il va tuer se fait jour et semble l'emporter, et arrêterait son bras qui va frapper, si Enkidu, par ses conseils, ne le poussait sur la voie de la violence.

2 1 . Les paroles qu'Enkidu adresse ensuite à GilgameS peuvent, malgré la lacune, renforcer cette interprétation : Sa-a-tu tu-àr ne-ir-ma mu-ta[b-bi-]il-Su ne-ir [....S]u :

« C'est lui (Humbaba) qu'il faut frapper à plusieurs reprises, son attirail, tu le frapperas [,...l]ui ». Si mutabbilu, que je traduit par « attirail », fait allusion, comme je le suppose, au melammu de Humbaba, le melammu serait ici encore un objet ou un attribut qui peut être dissocié de celui qui le porte. La restitution de la lacune pose plus d'un problème ; il se pourrait qu'il faille restituer : w[a-ar-ki-S]u et traduire : après lui, comme le fait R. LABAT, Les écrivains célèbres, L'Orient ancien, L . Mazenod, édit., p. 1 0 3 , qui

toutefois traduit mutabbil-Su par : son serviteur.

2 2 . Cf. supra, p. 2 5 .

Humbaba 59

emmu de la version vieux-babylonienne de Chicago. 2 3 Mais, même dans ce cas, il n 'es t a u c u n e m e n t ques t ion d 'une contradict ion parce que pulhâtim

désigne ici les écla ts qui é m a n e n t du melammu de H u m b a b a , et le n o m b r e ? , qui sui t le m o t pulhâtim, indique que le melammu est, pourra i t -on dire, une rad iance à sept r ayons . Nous avions donc raison de c o n s i d é r e r " qu' i l s 'agissait du m ê m e phénomène que dans l ' E n û m a élis, où il est d i t que Marduk é t a i t paré du melammu de dix dieux et que les éclats (pulhâ

tum) de ce melammu s 'assemblaient sur sa tê te . Les sept puluhtu, qui é m a n e n t de Humbaba , se r e t rouven t d 'ai l leurs

dans la rédact ion sumérienne du récit qui por te le t i t re : « GilgameS e t le pays des v ivan t s» ou « du v ivan t» (en sumérien kur-lû-li-la-sè)28 e t dont on possède m a i n t e n a n t la plus grande par t ie . L 'expédit ion a u x cèdres présente, dans la version sumérienne, un caractère collectif qu'elle pe rd ra lorsqu'elle sera incorporée dans l 'épopée du Gilgames sémit ique. Ici, Gilgames e t Enk idu , accompagnés par c inquante compagnons , p a r t e n t pour la forêt sacrée afin de couper des cèdres et de pourvoir U r u k d 'une mat iè re première don t la Mésopotamie étai t t o t a l ement dépourvue . Le caractère collectif de l 'entreprise se re t rouve dans u n au t r e récit de Gilgames : celui don t l ' aba tage de l 'arbre huluppu de la déesse I n a n n a const i tue le motif p r i n c i p a l . 2 8 Le b u t économique de l 'expédit ion vers la forêt des cèdres est plus ne t t emen t exprimé dans la version sumérienne que dans les versions sémitiques, ainsi que W.G. L a m b e r t 2 7 l 'a fait r e marquer . Malgré les obscuri tés du tex te , un certain nombre de faits res-sor tent de l 'ensemble, qui von t nous permet t re de mieux comprendre la signification e t le rôle des « éclats » de H u m b a b a . Le déroulement de l 'action, selon l ' in te rpré ta t ion de J . J . A . van Dijk, est le su ivan t : « Les jeunes d 'Uruk , que les t ex t e s n o m m e n t les concitoyens (dumu-uru-na-ki,

mot à mo t : les enfants de la ville), ont vraisemblablement pris pied dans

2 3 . A laquelle vient s'ajouter maintenant le fragment publié par J . J . A. VAN D I J K , voir supra, p. 5 6 .

2 4 . Cf. supra, p. 5 5 , note 1 5 . 2 5 . J. J . A. VAN D I J K , < Le dénouement de 'GilgameS au bois de cèdres' selon LB

2 1 1 0 », dans P. GARELLI, GilgameS et sa légende, p. 6 9 , a établi qu'il existait au moins deux versions principales du récit : une version longue (a) d'environ 2 4 0 lignes, et une plus courte (b), d'à peu près 8 0 lignes. « Il semble que la transmission du récit ait reposé, en grande partie, sur la tradition orale des conteurs populaires et des maîtres d'écoles qui ont usé d'une grande liberté en dictant le texte à leurs élèves. Ainsi s'explique le fait que des recensions très divergentes, contemporaines de ce texte, aient été retrouvées dans le même endroit ». LB 2 1 1 0 a été publiée dans Tabulae cunéiformes a F. M. Th. de Liagre Bohl collectae, II, n» 4 . Cette tablette permet de compléter le texte que S. N . Kramer avait publié, transcrit et traduit dans JCS I, 1 9 4 7 , p. 3 sq.

2 6 . S. N . KRAMER, « GilgameS and the Huluppu-Tree », Assyrian Studies, 1 0 , ligne 9 9 . 2 7 . « GilgameS in Religious, Historical and Omen Texts and the Historicity of

GilgameS », dans P. GARELLI, GilgameS et sa légende, p. 4 9 .

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60 La splendeur divine

la forêt. H u m b a b a , qui les a aperçus, « décoche con t re eux son premier

ni-te » (ligne 52 : [ni-te-a-ni disa-kam-ma] mu-na-[ra-ba]). Ce passage a é té re

construi t d ' après les lignes 55 ,58 ,61 ,64 ,67 ,70 , et su ivantes , qui r e l a ten t com

m e n t Gilgames e t ses compagnons essuient successivement sans en souffrir,

le r a y o n n e m e n t des six au t re s ni-te que H u m b a b a leur décoche l 'un après

l ' au t re , d a n s un va in effort pour leur bar re r la rou te de son domaine . Disons

t o u t de sui te que les sept ni-te émanent , ainsi que les lignes 110 et su ivantes

nous l ' apprendron t , des sept me-ldm (melammu) don t est parée la tê te de

H u m b a b a . On voi t immédiatement , l ' impor tance que ce t ex t e revêt pour no t re recherche e t la confirmation qu' i l appor t e à l 'hypothèse que nous avions formulée plus h a u t . 2 8 Mais, a v a n t d 'en cont inuer l ' examen, je voudra is insister sur un point par t icul ièrement significatif.

Nt-te, qui correspond en accadien à puluhtu, est, comme nous venons de

le dire, le r ayon de lumière éc la tante dardé pa r H u m b a b a sur les in t rus . Nous avions déjà signalé le rôle de la lumière aveuglan te comme ins t ru m e n t d ' in t imidat ion , mais le t e x t e sumérien confère peu t -ê t re au ni u n

caractère plus accusé d ' a rme offensive que ne le faisait pour puluhtu

la version de Yale. Chaque ni-te semble avoir u n c h a m p d 'act ion délimité :

il est efficace seulement dans une port ion de la forêt des cèdres. De sorte

que l 'espace qu i sépare l 'orée de la forêt de la demeure de H u m b a b a se

t rouve par tagé , p a r r a p p o r t a u x ni-te, en sept zones, sur chacune des

quelles domine un nt-te.

A propos de la rencont re de Gilgames avec le couple des Scorpions, dans la t a b l e t t e I X , colonne I I I du poème, nous avons déjà vu 2 9 que la puluhtu, e t l 'éclat f l amboyant (rasubbatu) qui émana i en t de ces derniers, é t a ien t si puissants que Gilgames fermait les y e u x pour u n m o m e n t ; mais il poursu iva i t ensui te son chemin à la rencont re des deux êtres mervei l leux. Cet te démarche est le signe — ainsi que l ' homme Scorpion l ' indique à sa compagne — que le sang qui coule dans les veines de Gilgames est, en par t i e au moins, d'origine d i v i n e . 3 0 Le fait de pouvoir suppor te r la v u e de la lumière, qui est in te rpré té dans ce passage comme la marque d 'une descendance divine, se re t rouve au centre de différentes épreuves ordal iques don t le b u t est de prouver , soit la légit imité d 'un lignage (l 'aigle éprouve la légit imité de ses aiglons en les t o u r n a n t vers le soleil auss i tô t n é s ) 3 1 , soit la pure té , voire l ' innocence d 'un individu

28. Voir supra, p. 25, n. 10 et 11. 29. Cf. supra, p. 3-4.

30. Tablette I X , col. I I , lignes 13-16. L'homme Scorpion crie à sa compagne : « Celui qui s'avance vers nous, son corps est chair des dieux » et la lemme Scorpion répond : « deux tiers de lui sont divins, mais un tiers est humain ».

31. LUCAIN, Pharsale, I X , 902-906 ; SILIUS ITALICUS, Puniques, X , 108-111 ; CLAU-

DIEN, Panégyrique pour le troisième consulat d'Honorius, préface, 1-4.

Humbaba 61

O/tidrash a u P s a u m e XLV, 3 : seulement les jus tes peuven t regarder la sekinû, les aut res , pa r exemple N a d a b et Abihu, selon Nombres 111,4, en m e u r e n t 3 1 "'•), ou encore sa piété (commentaire d ' I rénée à Exode IX ,35 e t à Mat th ieu X I I I , verset 13 sq. : « Un seul dieu les a faits : ceux qu i ne croient pas , il les a frappés de cécité, de même que le soleil, sa c réa ture , aveugle ceux qui ne peuven t pas regarder sa lumière pa r la faiblesse de leur vue » 3 1<"). Dans le récit de l 'expédition aux cèdres qui nous occupe ici, Gilgames et ses compagnons ne sont pas a t t e in t s par les ni-te de H u m b a b a , p robab lemen t grâce à un charme protecteur qu 'un dieu ( U t u - S a m a s ? E n k i ?) leur a donné et, dans leur cas, il ne s'agit v ra i semblab lement pas d 'une épreuve à laquelle ils sont soumis. Il est vra i que la marge qui sépare une épreuve ordalique d 'un simple exploit héroïque, est souvent é t roi te ; en t re le fait de t r iompher d 'un danger grâce a u x ve r tu s de son sang, ou grâce à la possession d 'un tal isman, ou encore grâce à un s t ra tagème, il est souvent difficile d 'é tabl i r une démarcat ion rigide e t de décider ce qui const i tue u n e ordalie et ce qui n 'en est pas une . D a n s l ' invulnérabil i té de Gilgames et de ses compagnons pa r r appor t a u x rayons fulgu ran t s de H u m b a b a , un point mér i te de retenir not re a t t en t ion . A chaque ment ion d 'un des sept nt-te décochés va inement par le mons t re , le t e x t e

a joute invar iab lement q u ' u n arbre de la forêt a é té coupé : « Ils

coupèrent ses branches , ils les lièrent, les couchèrent au pied de la

m o n t a g n e » 3 2 , de sorte que les arbres a b a t t u s pa r les compagnons de

GilgameS sont sept comme les ni-te lancés pa r H u m b a b a cont re eux .

Le jumelage de ces deux actes fait penser que, pour l 'économie du réci t ,

il pouva i t y avoir u n lien de cause à effet ent re eux, e t que chaque

victoire sur les ni-te habi l i ta i t , dans un certain sens, à l 'accomplissement

de cet acte, en t re tous sacrilège et plein d'hubris, qu ' é t a i t l ' aba tage d 'un arbre dans une forêt sacrée.

E n conclusion, on peu t dire que la lut te de Gilgames contre H u m b a b a , v u e sous cet angle, présente des éléments ordaliques dans la mesure où le fait de suppor te r va i l l amment la lumière aveuglante e t terr i f iante que dégage H u m b a b a , peu t être considéré comme une habi l i ta t ion du héros et, en m ê m e temps , comme une justification de l 'acte sacrilège qu ' i l s ' apprê te à accomplir en coupant les arbres sacrés.

31 bis. S. AALEN, Die Begriffe « Lient » und « Finsternis », im Alten Testament,

p. 316, notes 5, 6, 7, 8. 31 ter. Contre les hérésies, livre IV, chapitre X X I X , 55. 32. La première partie de la ligne 53 (cf. J . J . A . VAN D I J K , ibid., p. 70) est recons

titué d'après les lignes 60, 63, 66, 69. A partir de la ligne 60, il n'est plus question, dans le texte, de lier les branches du cèdre : « Ils coupèrent ses branches, son côté ils coupèrent (aussi et) le couchèrent au pied de la montagne ». Cf. J . J . A . VAN D I J K , ibid., p. 74, notes 60-62, qui estime que pa a ici le sens de « tronc » et non de « branche » comme aux lignes 53 et 57.

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62 La splendeur divine

De ce sacrilège, les cèdres const i tuent l 'objet essentiel, e t il es t facile de reconnaî t re ici le thème légendaire classique d u mor te l qui , dans un accès de délire « hubr i s t ique », saccage un ja rd in ou u n bosque t d i v i n . 3 3

Mais a u t o u r de ce thème , des éléments t y p i q u e m e n t mésopotamiens v i ennen t se greffer qui confèrent au récit des carac tères d o n t l ' in terpréta t ion n 'es t possible qu ' en fonction des condi t ions locales d 'exis tence.

Le cèdre (erènu) é ta i t cer ta inement l ' a rbre le plus ma jes tueux que les Mésopotamiens a ien t j ama i s connu. Sa taille, souvent ex t r ao rd ina i r emen t élevée, en faisait une vér i tab le colonne un i ssan t la te r re au ciel. E t pour t a n t , dans ce t y p e de l i t t é ra tu re sapientiale, qui se pla î t à imaginer des « contes ts » en t re les m é t a u x , les a n i m a u x ou les arbres sur l ' a t t r ibu t ion de la souveraineté , le cèdre n ' es t presque pas m e n t i o n n é . 3 4 Ce détai l nous fait comprendre a v a n t tou t , que, pour les Mésopotamiens , le cèdre, cont ra i r e m e n t au palmier , au t amar i s , à l'olivier, r ep résen ta i t quelque chose de t o t a l e m e n t é t ranger au sol de leur pays .

Ce caractère exot ique contr ibua, sans doute , à cristall iser, au tou r du cèdre, les é léments qui fixeront sa « personnal i té» m y t h i q u e en l 'associant à t o u t ce qui est divin, comme la s ta tue du dieu e t son temple , mais aussi à cer taines prérogat ives royales. Au roi, le cèdre fourni t non seulement la mat iè re première dans laquelle est taillé le symbole du pouvoir , le s c e p t r e 3 5 , ma is également — élément peut-ê t re encore p lus significatif — des par t ies essentielles de l 'archi tecture du palais , comme le toi t , les pout res e t les colonnes du bit hilani. Parfois le pa la is est en t i è rement revê tu en

3 3 . Voir, par exemple, l'hymne à Déméter de Callimaque (traduction de E. Cahen, collection G. Budé, p. 3 0 6 ) . Vers 2 5 - 6 0 : « (Les Pelasges) avaient consacré à Déméter un beau bois d'épaisse futaie ; la flèche n'y eut pas trouvé sa route. Les pins, les grands ormes, les poiriers, les beaux pommiers s'y pressaient ; une eau comme de l'ambre bondissait dans le canal des sources. La déesse avait la passion de ce lieu comme d'Eleusis, et de Triopas comme d'Enana. Mais le bon génie des Triopides leur devint ennemi ; et le vouloir mauvais s'empara d'Erysichton. Il partit, vingt hommes avec lui, tous en force d'âge, des géants, bons pour mettre à ras toute une ville, portant haches et cognées ; ils coururent, effrontés, au boiy de Déméter. Il y avait là un peuplier, un arbre puissant, à toucher le ciel ; les nymphes y faisaient leurs ébats à l'heure de midi. Frappé d'abord, il rendit par toute la futaie un son plaintif. Déméter sentit qu'on maltraitait ses bois : « Qui donc, dit-elle irritée, qui donc ose abattre mes beaux arbres '? » La déesse prend l'aspect de la prêtresse gardienne du bosquet sacré et se présente, guirlande et pavots à la main, la clef pendue à l'épaule, et essaie de calmer la furie sacrilège d'Erysichton et de ses compagnons. « Enfant — dit-elle — qui abats les arbres consacrés, arrête, mon enfant, fils tant chéri de tes parents, arrête, retire tes hommes ; crains le courroux de Déméter vénérable, de qui tu pilles les biens sacrés ». Mais l'autre... lui dit « Va-t'en, que je ne t'enfonce pas ma hache dans la peau ». Ces bois vont faire la couverture de la salle où j'offrirai jour sur jour à mes amis, à satiété, des délicieux festins ».

3 4 . Cf. le « contest » entre le Palmier et le Tamaris, dans G. W. LAMBERT, Babylonian Wisdom Literature, p. 1 5 5 sq. Le cèdre est nommé dans une fable, ibid. p. 1 6 5 , ligne 2 .

3 5 . Cf. H . ZIMMERN, Beitràge zur Kenntnis der babylonischen Religion, 2 , planche

face, X X X I X , ligne 9 et p. 1 1 6 .

Humbaba 63

bois de c è d r e . 3 9 Si j ' ins is te sur des aspects si connus de l 'emploi du bois de cèdre, c'est que son util isation pra t ique nous permet d 'en t revoi r éga lement un arrière-plan impor t an t de la pensée m y t h i q u e e t religieuse. Le cèdre entre , en effet, dans cette catégorie de richesses pour lesquelles la not ion de valeur m y t h i q u e va de pair avec celle de valeur économique. Cela t i en t à divers facteurs. Avan t tou t , peut -ê t re , au facteur géographiq u e : l 'é loignement et l ' inaccessibilité de montagnes élevées comme le T a u r u s , l 'Amanus , l 'He rmon ou le Liban, en imposant des exédit ions difficiles et coûteuses pour y parveni r , pe rme t t a i en t que se tisse au tou r de ce t a rbre t o u t une l i t t é ra tu re légendaire don t nous pouvons cueillir des br ibes par-ci par- là .

C 'é ta i t Anu qui ava i t p lan té à l'origine les cèdres du Liban , « ce t t e exubéran te forêt de M a r d u k » . 3 ' C'est le Liban, la montagne des cèdres, qui est appelé « séjour divin, piédestal d ' I rnini » ; en outre , ce sont les dieux qui révèlent a u x rois la présence de cèdres dans des endroi ts inconnus aux mor te ls . Ainsi Assur et Is tar annoncent à Sennachérib 3 8 que, d a n s u n coin caché du m o n t Sirara (Hermon) , se t r o u v e n t des cèdres d ' une tai l le ext raordinai re , grâce auxquels ce roi pour ra te rminer la const ruc t ion du palais qu' i l a commencé. Aussi, pour Sargon l 'Ancien, selon la t radi t ion , c 'é tai t le dieu Dagan, lui-même qui ava i t livré au roi « le pays supérieur aussi loin que la forêt des cèdres e t les m o n t s d ' A r g e n t » . 3 9

Les facteurs qui res t re ignaient les possibilités de circulation du bois de cèdre en faisaient, en m ê m e temps, l 'objet d 'un commerce exclus ivement royal . Chacun a présent à l 'esprit l 'accord entre Salomon e t H î r am, roi de Tyr<°, pour la construct ion du Temple de Jérusa lem. On appela i t « Maison de la Forê t du L iban », une salle du palais don t le plan e t l 'archit e c t u r e imita ient , sans doute , une forêt de cèdres. On t rouve parfois m e n t ion du fait que les rois assyriens laissaient aux ouvriers du cru le soin d e

3 6 . Voir, par exemple, le palais de Téglatphalasar I" à Assur. Cf. L. W . K I N O , AKA, p. 1 4 6 , col. V, ligne 1 4 .

3 7 . Inscription de Nabuchodonosor. Cf. S. LANGDON, VAB IV, p. 1 7 4 , col. IX, ligne 1 6 .

3 8 . D. D. LUCKENBILL, OIP II, p. 1 2 0 , ligne 3 8 . 3 9 . A. POEBEL, Pennsytoania Babylonian Séries V, p. 3 4 , col. VI, ligne 2 0 sq.

4 0 . Rois V, 1 9 sq. Selon une tradition, cf. L . GINZBERG, Legends of the Jews III, p. 1 6 3 sq., le cèdre que Hîram envoya à Salomon, aussitôt que le parfum d'encens du Temple parvint jusqu'à lui, recommença à verdir et à donner des fruits qui servirent à nourrir les prêtres jusqu'au jour où Manasseh amena une idole dans le temple. Les légendes talmudiques insistent sur le côté surnaturel du cèdre : dans Berakhot 1 5 , Dieu aurait pris un plant de cèdre et l'aurait planté au paradis (employant ainsi une technique similaire à celle des rois assyriens, cf. R. F. HARPER, ABL, n» 8 1 4 , ligne 9 ) . Selon une autre légende ( L . GINZBERG, op. cit. I, p. 2 1 sq. ; II, p. 1 7 3 ) , le mur qui sépare de l'autre monde serait formé par des cèdres.

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64 La splendeur divine

couper les arbres s a c r é s . 4 1 Ce sont les rois d ' A m u r r u qui , pour Senna-chérib, « confiant dans le pouvoir auguste des d ieux », a b a t t r o n t sur le m o n t Amanus , des cèdres destinés à recouvrir le. to i t du nouveau p a l a i s . 4 2 Peu t -ê t re la vér i table raison était-elle qu'i l va la i t mieux que des é t rangers ne t ou chassent pas à ces arbres . Même les rois ne devaient s'en approcher qu 'avec des ma ins p u r e s . 4 3 Toutes ces précaut ions é ta ien t d ' a u t a n t plus nécessaires que les cèdres n 'é ta ien t pas seulement considérés comme des arbres , mais aussi comme des êtres v ivan t s et animés. L 'on assimilai t à un m e u r t r e le fait de les couper : dans la version v ieux-babylonienne , on emploie, en effet, pour désigner l 'acte d ' aba t t r e les cèdres, le verbe qui signifie « tue r» , et que l 'on réserve d 'hab i tude exclusivement aux v ivan t s : nêrum. **

L a fin de l 'épisode de « Gilgames au pays du v i v a n t », décri t comment les deux amis, après avoir enveloppé la t ê t e de H u m b a b a dans un tissu de lin (?), von t la présenter à Enlil . Les ra isons de cet acte nous échappen t complè tement . Mais cela se situe en dehors de not re recherche. Ce qui est, pa r contre , essentiel pour nous est la dis t r ibut ion des sept me-ldm qu 'Enl i l dé tache de la t ê t e de Humbaba , à sept ent i tés p a r m i lesquelles : la m o n t a gne, le fleuve, le lion et la déesse Nungal , appara issen t comme certaines. Cela indique, a v a n t tout , que, même après la m o r t de H u m b a b a , les me-ldm demeuren t v ivan ts . Il s 'agit donc bien, comme nous l 'avions

souligné, d 'un objet indépendan t de celui qui le possède et le. por te , e t qui est, pa r soi-même, efficace.

41. Tukulti-Ninurta I " d'Assyrie fait couper par les Gutéens les cèdres qui devaient servir à couvrir le nouveau palais à Assur. Cf. E. W E I D N E R , Die Inschriften Tukulti-Ninurtas l. und seiner Nachfolger, AfO, Beiheft 12, 1959, p. 7, ligne 13. De même I Rois V, 20 b : Salomon dit à Hiram : « Tu sais qu'il n'y a personne parmi nous qui s'entende à couper le bois comme les Sidoniens ».

42. Cf. OIP II, loc. cit.

- 4 3 . Nabuchodonosor dans l'inscription de Wâdi-Brlsâ. Cf. S. LANGDON, VAB IV, p. 158, col. VI, lignes 16-17 : < des puissants cèdres du Liban, leur forêt, avec mes mains pures j'ai coupés ». Cf. aussi ibid., p. 152, col. IV, lignes 4-8.

44. Version vieux-babylonienne de Chicago, revers, lignes 12, 16-17 b. 45. L'objet dans lequel GilgameS et Enkidu enveloppent la tête de Humbaba semble

être dans une version (ligne 98) : "»Â. KÂP.A, c'est-à-dire apluhtu. Cf. G. W. LAMBERT Babylonian Wisdom Literature, p. 231. Dans l'autre version, par contre, la lecture Sà-gada-lâ semble probable : dans une toile de lin. Gada Dilmun ù-lâ constitue une offrande aux morts dans ALLOTTE DE LA F U Y E , Documents présargoniques, 73, V ; 77,

II, tandis que gada ù-lâ est un apport de prêtres dans Urukagina, cône C, V, et dans NIKOLSKY, Documents de la Collection Likkatchev, I, n» 304, II (Je dois ces références à

l'amabilité de Y. Rosengarten).

CHAPITRE VI

Le melammu et la fonction royale

J u s q u ' à ce point , les seuls êtres don t nous avons cons ta té la faculté d ' é m e t t r e , à l ' ins tar des astres, de la lumière resplendissante, sont les dieux, ou encore ces sortes de « génies » qui, sans avoir toutes les qual i tés des dieux, sont néanmoins nant i s de cer tains a t t r ibu t s divins, comme pa r exemple H u m b a b a \ L a h m u 2 ou bien les dragons (usumgallê) que Tiamat , pour le besoin de la cause, rendra semblables à des d i e u x . 3

Nous allons désormais tou rne r notre a t ten t ion vers l 'éclat don t para is sent pourvus des hommes, donc des êtres mortels , mais qui, par leur condition et leur fonction, s 'élèvent au point le plus h a u t de la py ramide sociale. La distance qui sépare les rois des aut res hommes est telle qu ' i l s en v iennent à recevoir en pa r t age quelques-unes des propriétés des dieux. Mais il n 'es t pas dans m o n in tent ion d 'ouvrir un déba t sur la quest ion épineuse e t t rès discutée du caractère divin que la royau té a pu assumer

1. Voir supra, p. 54 sq. 2. Voir supra, p. 22, n. 53. 3. Enûma eliS, tablette I, ligne 136. Voir supra, p. 23.

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66 La splendeur divine

à cer taines époques en Mésopotamie ; mon seul bu t est en effet d 'é tudier

la signification de la notion d 'éclat lorsqu'elle devient u n a t t r i b u t non

plus d 'une divinité, mais d 'un morte l ; de voir ensuite si, dans ce contex te

particulier, elle s 'enrichit de nuances nouvelles e t différentes de celles

que nous avons considérées jusqu ' ic i , et si, de ce fait, il est possible de

mieux comprendre les images menta les e t les associat ions qu ' évoqua i t

la qualification d'« être éc la tan t », le fait de « resplendir ». Le plus ancien roi

men t ionné dans les chroniques « his tor iques » comme possédant u n halo

lumineux est Sargon d 'Akkad . A son sujet, aussi bien la Chronique4 que

les Omina' de Sargon et de Narâms în , après avoir affirmé qu ' i l d u t

son ascension à la grâce d ' I s t a r , déclarent qu ' i l fut u n roi sans égal

(sd-ni-na u ma-hi-ri ul i-sï)6 et qu ' i l « déversa son halo lumineux sur les

contrées» (sd-lum-mat-su eli mâtâti'"" it-bu-uk).7 Les copies que nous

possédons de la Chronique aussi bien que des Omina sont d 'époque t a r

dive. 8 L'allusion qui y est faite au salummatu qui se dégageai t de Sargon

ne peu t être de ce fait considérée comme r e m o n t a n t d 'une façon cer ta ine

à une t radi t ion ancienne concernan t le fondateur du premier E m p i r e

s é m i t i q u e . 9 II se pourra i t aussi que le rédac teur tardif a i t a t t r i bué à

Sargon 1 0 une qual i té d o n t se p réva len t assez c o m m u n é m e n t les rois assy

r iens et babyloniens dans la première moit ié du premier millénaire :

Assurnas i rpal I I , Sa lmanasar I I I , Asarhaddon et Nabonide . Mais nous

savons d ' au t re p a r t que le r a p p o r t ent re la splendeur salummatu : su-zi,

c'est-à-dire le halo lumineux e t parfai t qu i entoure la Lune , le « fruit »

(inbu), e t le roi, est cer ta inement t rès ancien, p robab lement aussi ancien

que la t radi t ion qui fait r emonte r à Nanna-Su 'en , le dieu Lune , le rôle

de dispensateur de la royau té : il est « le père. . . qu i désigne le roi, qu i

confère le sceptre, qui fixe un destin de longue durée » (nabû sarrûti nâdin

4 . L. W. K I N G , Chronicles Concerning Early Babylonian Kings, II, p. 2 - 3 , face,lignes 2 - 3 .

5 . Ibid., p. 3 1 , face, VII, ligne 2 3 . 6. Chronique, ligne 2 . Par contre les Omina ont (toc. cit.) : Sa-ni-na GABA.RI ul iSi

( T U K U ) .

7. Aussi Chronique, lignes 2 - 3 . Par contre les Omina (loc. cit.) ont une lacune après e / i .Xa fin du dernier signe de la forme verbale qui suivait indique qu'il ne s'agissait pas du verbe tabâku.

8 . On en possède deux copies, l'une, assyrienne, provenant de la bibliothèque d'Assur-banipal, et l'autre, néo-babylonienne. Cf. L. W. K I N G , op. cit., I, p. 2 5 sq.

9 . Cf. L. W. K I N G , op. cit., I, p. 1 sq. ; sur la valeur historique de ces rédactions tardives, cf. A. U N G N A D , Subartu, § 3 3 .

1 0 . Il est vrai que selon un omen vieux-babylonien par le foie, Sargon serait celui « qui s'est frayé une voie à travers les ténèbres et à qui une lumière est apparue » (amût Sarruktn Sa ikletam ihbutuma nûram imuru, cf. W. G. SCHILEIKO, AfO V, 1 9 2 8 -

1 9 2 9 , p. 2 1 5 , ligne 8 ) ou amût Sarruktn Sa ikletam iliikuma nûrum usiaSSum : « présage de Sargon pour qui, lorsqu'il marchait dans les ténèbres, une lumière a surgi • (RA X X V I I , 1 9 3 0 , p. 4 9 , lignes 1 6 - 1 7 ) .

Le melammu et la fonction royale 67

hatti sa simti ana ûmê ruqûti isimmu)li ou encore «le pè ie N a n n a r qu i

réalise pa r fa i t ement la royau té» (abu ''Nannar sa sarrûlu rabis suklulu). "

« Su'en t ' a placé fermement la couronne sur la tê te ; puisses-tu la por te r

pour toujours», ainsi dit u n h y m n e à la gloire du roi L ip i t i s ta r d ' I s i n . 1 3

D a n s un t e x t e bil ingue suméro-accadien, le roi « fils de son dieu» est celui

« qui , comme la lune nouvelle, assure la vie du p a y s » 1 4 et qui « por te le

halo lumineux (salummatu) au tou r de sa tê te , comme la lune qui se re

nouvelle t o u j o u r s » . 1 3 Ailleurs le roi émet le souhai t q u e les grands dieux

lui confèrent une vie qui se renouvelle chaque mois comme la L u n e . 1 8

U n a u t r e é lément pour ra i t avoir contr ibué à fixer au tour de Sargon,

déjà à l 'époque ancienne, des t rad i t ions concernant sa splendeur. C'est

le caractère « universel » de sa royau té . Pour la première fois, en effet,

dans l 'histoire de la Mésopotamie, Sargon est un roi qui gouverne « les

qua t r e régions», c 'est-à-dire la to ta l i té du monde. » Ses successeurs en

feront a u t a n t . Le concept de dominat ion de l 'univers qui ava i t é t é

jusqu 'a lors l ' apanage des seuls d ieux est désormais appl iqué au roi . Il

se peu t que par ce même biais d ' au t res qual i tés jusqu 'a lors pu remen t divi

nes, comme le fait de resplendir , d 'ê t re précédé ou en touré pa r un halo

lumineux, deviennent des a t t r i b u t s de ce roi.

Un passage d 'un poème épique d o n t on ne possède q u ' u n f r a g m e n t 1 8 ,

exal te un roi, qui pour ra i t ê tre Narâmsîn , en ces t e rmes : « Ta radiance est

1 1 . IV R 9 , ligne 3 4 . Cf. E. G. P E R R Y , « Hymnen und Gebete an Sin », LSS II , 4 E éd., p. 2 , et, en dernier, A. SJOBERG, Der Mondgott Nanna-Suen in der sumerischen Uberlieferung, p. 1 6 7 .

1 2 . Ibid., ligne 8. 1 3 . H . ZIMMERN, KSnig Lipit-Ischtar's Vergottlichung, p. 1 5 , ligne 4 5 . — A. F A L -

KENSTEIN et W. VON SODEN, Sumerische und akkadische Hymnen und Gebete, n° 2 0 ,

p. 1 0 4 .

1 4 . CT XVI , 2 1 , ligne 1 8 5 : Sar-ru mûr ili-Sû Sâ ki-ma na-an-na-ri i>Stn na-piS-ti mâti û-kal-lu.

1 5 . Ibid., ligne 1 8 8 : ki-ma na-an-na-ri id-di-Si-i ina re-Si-Sû Sà-lum-ma-ti [iS-Si], 1 6 . Cf. l'inscription de Samsuiluna publiée dans VS I, n» 3 3 , col. IV, lignes 8 - 1 0 , dont

L. W. K I N G , The Letters and Inscriptions of Hammurabi, I, n» 9 7 , col. IV, lignes 8 8 -

9 0 , a publié un duplicat. 17 . Omina II, ligne 6 : kibrat arba'i ikSudud" : «il (Sargon) soumit les quatre régions».

Sargon est aussi « celui qui parcourt les quatre régions » (mu-ta-li-ik ki-ib-ra-a-at ir-bi-li-in, cf. A. CLAY, BRM IV, tablette 3 , n" 4 , lignes 3 - 4 [pour le duplicat, cf. W. W. HALLO, Early Mesopotamian Titles, AOS 5 3 , p. 5 3 ] ) . On peut rapprocher ce titre, dont des savants contestent l'authenticité (cf. H. HIRSCH, AfO X X , 1 9 6 3 , p 6 b, 4 ) , de la datation qu'on retrouve dans deux textes de l'époque d'Urnammu ( F . T H U -READ-DANGIN, Die sumerischen und akkadischen Konigsinschriften, p. 2 2 8 et N. SCHNEI

DER, AnOr. 1 3 , p. 1 1 ) : < année où le roi Urnammu a parcouru le pays selon une direction Sud-Nord ». Il s'agissait peut être d'un rite de prise de possession renouvelée de la part du roi sur son domaine.

1 8 . Cf. H. G. GÙTERBOCK, AfO XIII , 1 9 3 9 - 1 9 4 1 , p. 4 6 - 4 9 .

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68 La splendeur divine

un feu, ta voix est un tonnerre» (birbirrû-ka girri rigim-ka19 addum).™ Si l 'on rapproche cet te appel lat ion héroïque de cer ta ins carac tères du personnage royal de Narâmsîn , comme, p a r exemple, le déterminat i f divin qui précède son n o m 2 1 , ou la t iare à cornes, emblème t y p i q u e des dieux, qu ' i l po r t e sur la stèle de sa victoire sur les Lul lubi », on peu t en effet penser que le roi qui est chan té dans ce f ragment comme a y a n t e m p r u n t é à Samas sa rad iance et à Adad, l 'orage, sa clameur, est bien Narâms în . D'ai l leurs la comparaison en t re le roi et le Soleil v a devenir , à l 'époque de la troisième dynas t ie d 'Ur et de la première dynas t ie d ' Is in, un t h è m e f réquent de glorification du roi. U n h y m n e dédié à Sulgi23 le décr i t fa isant son ent rée dans l 'Ekisnugal , le temple du dieu L u n e à Ur, « (comme) le Soleil qui éclaire les h o m m e s » . 2 1 E t t and i s que Su'ilisu e t B u r s î n 2 9

sont appelés « Soleil de S u m e r » , 2 8 L i p i t i s t a r 2 7 est glorifié comme « le roi qui lève, altier, la tê te . . . , qui va comme le Soleil, lumière du p a y s de Sumer » . 2 8 P a r m i les hau te s fonctions auxquel les le dieu Enl i l dest ine un a u t r e roi d ' Is in , qui est peut -ê t re Bursîn 2 9 , il y a celle d 'ê t re le Soleil des « t ê tes n o i r e s » . 3 0 L ' ins is tance que l 'on m e t à établ i r un r a p p o r t en t r e le roi e t le So le i l 3 1 s 'explique en t re au t re s raisons pa r la croyance que le Soleil est le juge suprême des actions des hommes . Or, n 'oubl ions pas que les rois de ce t te époque on t l ' ambi t ion d 'ê t re des «rois de just ice». U r -n a m m u , le fonda teur de la troisième dynas t ie d 'Ur, et L ip i t i s ta r d ' Is in sont l'un et l ' au t re des au teu r s de coutumiers . Q u a n t à Sulgi, il est , d a n s un hymne , « le frère e t l ' ami d 'U tu (le dieu Soleil à Sumer) , avec

1 9 . Pour le mot rigma : cri, clameur, avec le sens de voix, cf. E. I. GORDON, Sumerian Proverbs, p. 2 0 2 , note 3 .

2 0 . AfO XIII , 1 9 3 9 - 1 9 4 1 , p. 4 6 , col. II, revers, ligne 1 . 2 1 . Cf. W . W . HALLO, loc. cit., p. 5 3 ; A . FALKENSTEIN, BiOr. VII, 1 9 5 0 , p. 5 8 ;

Th. JACOBSEN, ZA N F XVIII , 1 9 5 7 , p. 2 . 2 2 . Cf. C. ZERVOS, L'Art en Mésopotamie, pl. 1 6 5 .

2 3 . A . FALKENSTEIN, ZA, N F XVI, 1 9 5 2 , p. 6 4 sq.

2 4 . Ibid., p. 6 6 , ligne 4 9 . 2 5 . Ils sont respectivement le deuxième et le septième rois de la première dynastie

d'Isin. 2 6 . Pour Su'ilisu, cf. E. CHIERA, Sumerian Texts of Varied Content, OIP XVI , 6 5 ,

col: V, ligne 1 8 : "utu-ke-en-ge-ra ; pourBursin, cf. F . T H U R E A U - D A N G I N , Die sumerischen

und akkadischen Kônigsinschriften, p. 1 9 8 e, lignes 1 0 - 1 1 : dingir-zi <>utu-kalam-ma-na :

« dieu droit, Soleil de Sumer ». 2 7 . Lipitistar est le cinquième roi de la même dynastie. 2 8 . TCL XVI , 8 7 ( H . DE GENOUILLAC, RA X X V , 1 9 2 8 , p. 1 4 9 ; A . FALKENSTEIN,

Sumerische Hymnen und Gebete, n» 2 7 ) , lignes 1 - 3 . Pour Iddindagan, cf. TCL XVI , 8 8 ( H . DE GENOUILLAC, RA X X V , 1 9 2 8 , p. 1 4 4 sq. ; W . H . P. ROMER, Sumerische « K6-

nigshymnen » der Isin-Zeit, p. 2 1 0 ) , ligne 2 2 .

2 9 . Cf. "W. H . P. ROMER, op. cit., p. 3 8 et note 2 1 . 3 0 . UMBS V, 7 4 , col. II, lignes 1 1 - 1 4 ( W . H . P. ROMER, op. cit., p. 3 8 ) .

3 1 . Voir encore, pour Urninurta, CT X X X V I , 2 8 - 3 0 , ligne 2 6 ( A . FALKENSTEIN, ZA N F XV, 1 9 4 9 , p. 1 0 8 ) .

Le melammu et la fonction royale 69

lequel, à U r et à Nibru (Nippur) , pendan t la fête es-es, il boi t une boisson en iv ran te dans le palais don t An a établ i les ass i ses» . 3 2

Mais il es t p robab le que dans ce t te assimilation du roi au Soleil, des facteurs a u t r e s que m o r a u x interviennent , et n o t a m m e n t le r ayonnemen t qui se dégage de la personne du souverain. Celui-ci, en effet, ne se conten te plus seulement d'ériger pour les dieux des demeures resplendissantes, il fait désormais pa r t i e de cet univers é t incelant qui est la prérogat ive des dieux.

D a n s les h y m n e s composés à la gloire de tel ou tel roi de cet te époque, on peu t observer des allusions au ni, au ni-hus, a u su-zi, au ni-su-zi,

au me-ldm, au ni-me-ldm du r o i . 3 3 Dans un h y m n e à Sulgi, c 'est pa r la

comparaison du roi à un lion, animal solaire pa r excellence, que l 'on est condui t à exal ter le pouvoir i r rad ian t de Sulgi.34 Mais le plus souvent l 'éclat est é n u m é r é parmi les qual i tés surhumaines octroyées a u roi p a r les d ieux. Ainsi, lorsque An, par exemple, fixe le destin de Lip i t i s ta r , il lui confère, en t re au t res choses, d 'ê t re « comme une t empê te mugissan te qu i se lève» et d 'ê t re environné « d 'un halo l u m i n e u x » . 3 5 Grâce à l 'ordre d ' I nanna , le r a y o n n e m e n t d ' I smedagan est si pu issan t qu' i l recouvre de son me-ldm t o u t e une v i l l e . 3 8 L ' i r radia t ion lumineuse don t bénéficie le

roi a le pouvoir de submerger ses ennemis : « que t o n me-ldm puisse comme

u n lourd nuage recouvrir le pays qui ne t ' e s t pas soumis », décrète An pour U r n i n u r t a d ' I s i n . 3 7 Ces quelques exemples don t on pour ra i t allonger la

32. Cf. A . FALKENSTEIN, ZA N F XVI, 1952, p. 70, lignes 80 sq., et Sumerische

Hymnen und Gebete, p. 118. Dans les lignes suivantes, Sulgi boit et mange avec son épouse, la déesse Inanna, pendant que des musiciens chantent en s'accompagnant avec des tambourins.

33. ni : dingir(1)-ni-gùr : dieu qui porte le rayonnement : cf. W. H. P. ROMER, op. cit., p. 14, col. 11, ligne 4 (Lipitistar) et A . FALKENSTEIN, ZA N F XVI, 1952, p. 68, ligne 56 (Sulgi) ; sipa-ni-gùr : cf. W. H. P. ROMER, op. cit., p. 16, col. III, ligne 2 (Urninurta) ; ni-gal : TCL XVI , 48, ligne 33, cf. W. H. P. ROMER, op. cit., p. 31 (Lipitistar) ; su-zi : W. H. P. ROMER, op. cit., p. 14, col. I, ligne 36 (LipitiStar) ; nl-su-zi: CT X X X V I , 28-30, ligne 30, A . FALKENSTEIN, ZA N F XV, 1949, p. 108 (Urninurta) ; me-lâm : ibid., ligne 43 et TCL XV, 9, ligne 112 (Ismedagan) ; ni-me-lâm : CT X X X V I , 31-32, revers, ligne 6, A . FALKENSTEIN, ZA N F XV, 1949, p. TÎ6\

34. Cf. A . FALKENSTEIN, ZA N F XVI, 1952, p. 68, ligne 56 : pirig-gim ki-lugal-gub-

ta ni il-la-mu-dè : « comme un lion sur le siège royal, vêtu de rayonnement ». De même LipitiStar (TCL XVI , 48, ligne 13, cf. W. H. P. ROMER, op. cit., p. 30) dit : « (un qui a) l'aspect d'un lion terrible, regorgeant de force vitale, je suis » hi-li dm-dm-a-me-en).

35. VS X, 199, col. I, ligne 36 : ud-gù-di sag-bi zi-zi-gim su-zi hé-me-da-ri, Cf. W. H. P.

ROMER, op. cit., p. 14.

36. TCL XV, 9 (et duplicats), col. III, ligne 112 : kul-abat" me-lâm-mu duh-lu-da :

« ma splendeur (c'est le roi qui parle) couvre Kullab ». Cf. W. H. P. ROMER, op. cit.,p. 45. 37. CT X X X V I , 28-30, ligne 43 : me-lâm-zu im-dugud-dugud-da-gimkur-nu-Se-ga-zu.

Cf. A . FALKENSTEIN, ZA N F XV, 1949, p. 108, ligne 43.

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70 La splendeur divine

l iste, si leur répét i t ion ne r isquai t d 'ê t re fastidieuse pour le lecteur , suffisent, je crois, à mon t re r que la splendeur des dieux est devenue à ce t t e époque une qual i té de la personne du roi. P lus ta rd , lorsque avec l ' avènemen t de la première dynas t ie babylonienne , la notion de r o y a u t é se sera dépouillée de cer tains caractères qui faisaient du roi u n être plus proche des dieux que des hommes, lorsque le roi babylonien, t o u t en r e s t a n t u n ê t re à pa r t , regorgeant d 'une puissance e t d 'une vi ta l i té ext raordinai res , exercera son pouvoir sur un plan qui lui e s t propre , la splendeur n ' en cont inuera pas moins à faire par t ie des regalia que les dieux confèrent a u roi. H a m m u r a b i se glorifiera dans le prologue a u x lois d 'ê t re le « Soleil de Baby lone », « celui qui fait lever la lumière sur le pays de Sumer e t d ' A k k a d » 3 8 , il est «le grand dragon pa rmi les r o i s 3 9 . . . qui a en touré E m e t e u r s a g de melammu» (mu-us-ia-ds-hi-ir me-li-im-mi e-me-te-ur-sag).19

De m ê m e , une des malédict ions don t H a m m u r a b i menace celui qui s 'aviserai t d ' endommager la stèle sur laquelle il a écrit ses lois, l ' empêchan t ainsi de « dire le droi t », concerne le melam sarrùti du coupable : que Anu pour le puni r «lui ret i re la splendeur royale» (ME.LÂM sar-ru-tim li-tei-ir-su)4I, en même t e m p s qu' i l brise son sceptre e t maudisse sa destinée.

Après H a m m u r a b i , son successeur Samsui luna utilisera u n e formule qui , à l 'époque, n'a pas encore beaucoup servi : « que le r ayonnemen t de la splendeur de m a royau t é couvre la to ta l i t é du ciel e t de la te r re » (pu-luh-ti M E . L Â M sar-ru-li-ia pa-at samê ù ir-si-tim lu ik-tum). «

E n revanche , ni les successeurs de Samsui luna, ni les premiers rois de la dynas t ie cassite qui a pris le pouvoir en Babylonie quelques années après la prise de Babylone (1594) par les t roupes h i t t i t es , ne semblent s 'être fait — ou s 'être laissé — a t t r ibue r une qual i té habi tue l lement réservée a u x dieux, celle de resplendir . Dans l ' é t a t actuel de nos recherches, il fau t descendre ju squ ' à Kurigalzu 1 e r pour que nous enten-dions à nouveau par ler du melammu comme a t t r i b u t de la royau té . Une inscription publiée, il y a déjà plus de t r e n t e ans, m e n t i o n n e 4 3 qu'« à Babylone, demeure

38. Code de Hammurabi : col. V a, lignes 4-9 ; cf. G. R. DRIVER et J . C. MILES, The Babylonian Laws, I, p. 12.

39. Ibid., col. II a, ligne 5 5 ; G. R. DRIVER et J. C. MILES, ibid., p. 8.

40. Ibid., col. II a, lignes 60-62 ; G. R. DRIVER et J. C. MILES, ibid., p. 8.

41. Ibid., col. X X V I b, lignes 48-49 ; G. R. DRIVER et J. C. MILES, ibid., p. 100.

42. H. WINCKLER, AOF III, 1, p. 130, col. IV, lignes 132-133 ; — L . W . K I N G , The Lelters and Inscriptions of Hammurabi, II, n° 97, ligne 79-83.

43. A. BOISSIER. RA X X I X , 1932, p. 96-97, sans indication de provenance de la tablette. K. BALKAN, Kassitenstudien, p. 119, qui attribue l'inscription à Kurigalzu III, a revisé et corrigé la lecture qu'A. Boissier avait donnée des lignes 4-6. Pour l'importance de Kurigalzu dans l'histoire de cette époque, cf. H. L E W Y , Annuaire de l'Institut de Philologie et d'Histoire orientales et slaves, XII I , p. 269 sq. ; E. CASSIN, Die altorienta-

lischen Reiche II, Fischer Weltgeschichte 3, p. 21 sq.

Le melammu et la fonction royale 71

du roi cassite, la ville éternelle, la citadelle solide, dans le temple de la déesse Sumal iya e t du dieu Suqamuna , les g rands dieux, ils (les dieux) on t r e n d u g rande la fonction de Kurigalzu ( l i t téra lement : sa fonction), l ' on t couver t de la parure de la splendeur (et) l 'ont invest i des insignes de la r o y a u t é » (ip-pa-am-ba-li pa-rak sar kas-si-i a-li sa-a-ti du-ru-us ta-ku-un-na-li i-na bi-it "Su-ma-li-ia à ''Su-qa-mu-na i-li ra-bu-li ù-ser-bu-û pdr-si-su û-te-eg-gi-nu-su te-gi-in mé-lam-mi û-se-ek-li-lu-su û-<su>-um sar-ru-ti). La ligne après «, Kurigalzu s ' int i tule sar kissati : roi de la to ta l i t é , c 'est-à-dire roi du monde «, appel la t ion qui ne figure j u squ ' à m a i n t e n a n t dans la t i tu la tu re d 'aucun roi cassite an tér ieur à Kur iga lzu 1 e r . 4 8 Or, il semble bien que le t i t re de sar kissati, dans plusieurs cas, au moins , et en part iculier dans celui de Kurigalzu, ne corresponde pas à u n e extension effective de l 'aire de souveraineté de Babylone , mais qu ' i l expr ime p lu tô t une revendicat ion symbol ique et p la tonique de l 'hégémonie sur l ' u n i v e r s . 4 7 On serait t e n t é de voir en t re ces deux faits, — le melammu don t est pa ré le roi Kurigalzu au m o m e n t du couronnement et le t i t r e qu ' i l po r t e de « roi du monde » — la même relation que j ' a i signalée, t o u t e propor t ion gardée, à propos de Sargon d ' A k k a d . 4 8 Le déter-minat i f divin qui, pour la première fois dans la dynas t ie cassite, précède le nom de Kurigalzu 4 9 , est normal dans ce contexte politico-religieux où il justifie la splendeur royale et la dominat ion sur l 'univers.

La pa ru re de melammu que Kurigalzu reçoit des dieux, en même t e m p s que les insignes de la royauté , p e n d a n t la cérémonie du sacre, annonce ce que les inscript ions assyriennes du premier millénaire nous app rend ron t . Voici en quels termes, pa r exemple, Adadni ràr i I I décrit son accession au t rône d'Assyrie, en 911 : «ap rès que les grands dieux euren t mi s dans ma main le sceptre qui guide les peuples, ils m'é levèrent au-dessus des rois couronnés et ils me coiffèrent du melammu de la royau té . Ils r end i ren t mon n o m excessivement grand au-dessus de ceux de tous les au t r e s seigneurs» (arki DINGIR"" ' GAL""" i-si-mu-ma "''hattu mur-le-i-al

4 4 . Ligne 7. 4 5 . Voir également le kudurru publié par L. W . KING, Babylonian Boundary Stones,

planche 2 , ligne 3 : LUGAL K l S ; Kurigalzu porte le même titre dans CT X X X V I , 6 , col. I, ligne 2 (pour la transcription et la traduction de cette inscription, cf. A. U N G N A D , AK, 1 , 1 9 2 3 , p. 2 9 sq.) et dans NIES-KEISER, Babylonian Inscriptions in the Collection of

James B. Nies, II, n» 3 3 , col. I, ligne 2 , qui est un duplicat fragmentaire de l'inscription prédécente.

4 6 . A l'exception de GandaS qui, dans l'inscription (apocryphe ?) BM 8 4 - 2 - 1 1 , 1 7 8 , est appelé Sar kib-ra-a-tâ àr-ba-a : roi des quatre parties du monde. Sur cette inscription très discutée et sur le sens de ce titre, cf. en dernier J. M. SEUX, RA LIX, 1 9 6 5 , p. 1 2 sq.

4 7 . Cf. S E U X , loc. cit., p. 9 .

4 8 . Voir supra, p. 6 7 . 4 9 . L. W . KING, BBS, n» I, ligne 4 ; RA X X I X , p. 9 5 , lignes 7 , 1 8 , p. 9 7 , lignes 4 , 1 0 .

CASSIN. 6

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72 La splendeur divine

nisê"""' a-na qa-ti-ia û-me-el-lu-ù eli L U G A L " " : " su-ut a-gi-e is-su-û-ni me-lam-me sarru-ti i-pi-ru-ni zik-ri sur-ba-a eli nap-har E N û-sa-te-ru).30 Melammu a p p a r a î t ici comme le signe définitif de la faveur divine et il est octroyé au souverain seulement après que celui-ci a i t accédé au pouvoir suprême. De la bienveil lance des dieux, le futur Adadn i -r à r i I I semblai t avoir joui depuis sa naissance. C'est lui-même qui le dit dans la même inscription, quelques lignes plus h a u t : « (les g rands dieux) o n t fait de m a naissance une naissance royale , ils on t parfai t la foi me de mon aspect physique e t ils on t versé, dans mon corps seigneurial, la sagesse » . 5 1 Ces lignes p rouven t que le melammu que les dieux conféreront au roi plus tard , au momen t du couronnement , est u n e qual i té dist incte de la parfai te beau té du corps et des dons de l 'esprit que le futur monarque semble posséder dès le berceau. Il en sera de même p o u r Nabonide lequel cite en dernier, p a r m i les dons que les dieux lui offrent, lorsque Marduk l 'appel le à la royau té , le melammu roya l don t N u s k u l 'a couver t : « le héros Nusku l 'a pa r é de la splendeur de la r o y a u t é » ('Nusku da-pi-nu û-za-'-in-su me-lam-mi sarru-û-tu).52 II semble en ê t re de même des au t res formes d 'éclat . Quand Asarhaddon est couronné roi, au même m o m e n t où le dieu Anu lui fait don du t u r b a n (agû), le dieu Enlil du t rône (kussû), le dieu Ninur ta des armes (kakkê), la splendeur salummatu, celle qui é m a n e de ce qui est par fa i tement pu r e t in tact , lui est conférée par le dieu N e r g a l . 5 3 La splendeur salummatu, don t d ' au t res rois a v a n t lui furent éga lement nant i s , comme, par exemple, Assurnas i rpa l I I 5 4 et Salmana-sar I I I " , qui po r t en t l 'épi thète d'apir salummati : coiffé d 'une gloire, semble dans ce passage faire par t ie des emblèmes r o y a u x dont la remise cons t i tua i t le sacre. Pour Asa rhaddon comme pour son lointain prédécesseur, Adadni râr i I I , l 'octroi de l 'éclat, qui p e r m e t t a i t au roi d'enrichir sa personnal i té de pouvoirs exceptionnels, à l ' instar des dieux, coincidait donc avec les d é b u t s de l 'ac t iv i té royale . «Je suis lumineux (namurraku)» »• l i t-on dans l ' inscription d 'Adadni ràr i I I . Le fait d 'ê t re éc la tan t côtoie le fait d 'ê t re royal, héroïque ou guerr ier ; il en est même la condition essent ie l le . 5 7

* 5 0 . KAH I I , n» 8 4 , lignes 7 - 9 . 5 1 . Ibid., ligne 5 - 6 . 5 2 . E . DHORME, RA X I , 1 9 1 4 , p. 1 1 0 , ligne 1 6 , cf. supra, p. 2 1 , note 4 5 . 5 3 . Voir supra, p. 7 , note 3 2 . 5 4 . L. W . K I N Q , AKA, p. 2 6 0 - 2 6 1 , lignes 1 9 - 2 0 ; cf. également p. 2 1 8 , ligne 1 3 ; p. 1 9 6 ,

ligne 9 . 5 5 . E . MICHEL, WO I I , 5 - 6 , 1 9 5 4 , p. 4 1 0 , lignes 3 - 4 (en partie reconstitués). 5 6 . Ligne 1 5 . De même Tukulti-Ninurta I I se glorifiera d'être resplendissant. Cf.

KAH. I I , n" 9 0 , ligne 1 8 '. Sa-lum-ma -[la -ku] : «je suis éclatant». 5 7 . Quant à Nabuchodonosor, Nabû « a fait qu'au-dessus des gens l'aspect du roi

apparaisse rempli de luminosité, il l'a revêtu de rayonnement, [il lui a fait porter| la splendeur de l'éclat » (bu-na-an-ni sarri e-li te-ni-se-e-ti Sâ-lum-ma-tut us-ma-al-I[i]

Le melammu et la fonction royale 73

De là résul tent des conséquences impor tan tes : la présence ou la simple approche du roi guerrier , paré d'éclat, aura pour effet de paralyser l 'ennemi ou de le cont ra indre à la fuite. U n conquéran t de la deuxième moi t ié du 1 3 e siècle, le roi d'Assyrie Tukul t i -Ninur ta I e r , qui s ' inti tule — et, à ce t te époque, c'est u n e innovat ion — 5 8 « Soleil de tous les peuples », dira, à propos de sa campagne cont re le pays d'Alzi, qu 'Eh l i -Tesup , le roi ennemi : « de mon rayonnement , il s 'arracha » (a-na i-di pu-luh-ti-ia is-hu-ul-ma).69 L 'on re t rouve dans cette expression un écho de l ' invocation à la divine masse d ' a rme : « entourée comme elle est d 'une furieuse splendeur, personne ne peu t s 'approcher de ses côtés » (melammu ezzûti sutashur ana idi-su mamma ul itehhî.80 C'est là le t hème de l ' insoutenable éclat de la personne royale , qui cont ra in t l 'ennemi à la fuite — ce fut réel lement le cas pour Ehl i -Tesup , lequel s'enfuit chez les Naïri — thème que les successeurs de Tuku l t i -Ninur t a enfleront j u squ ' à l 'hyperbole. Mais déjà un tex te d 'un t y p e particulier, l i t téraire e t historique à la fois, le poème épique à la gloire de Tuku l t i -Ninur t a I e r , évoque « la splendeur terr ible d o n t le roi recouvre la to ta l i t é de ses ennemis» (galtu melammu-su usahhapu naqab zaiari).81 De même, dans l 'apothéose de Tégla tphalasar I e r , on lit que « les splendeurs (melammu) terr ibles on t recouver t leurs (c 'est-à-dire : des ennemis du roi) figures » . 6 3 Le r ayonnemen t qui se dégage du roi fait pâlir d'effroi les ennemis e t les oblige à s'agenouiller d e v a n t le dieu Aâsur. Pourrai t - i l en ê t re a u t r e m e n t ? Voici comment ce même roi parle de lui-même : « J o u r resplendissant , dont la splendeur s 'étend sur les (quatre) par t ies du monde» (m-mu ni-pir-du-û sa me-lam-mu-su kibrâte(UB)"""'

pu-ul-ha-a-ta û-Sa-al-bi-ts-su me-lam-ma nam-ri-ir-r[u uS-taS-Sa], cf. STRONG, PSBA 2 0 ,

1 8 9 8 , p. 1 5 6 - 1 5 7 , lignes 9 - 1 0 ; H. ZIMMERN, Der allé Orient, V I I , 3 , 1 9 0 5 , p. 8 ) . La res

titution, hypothétique, de uStaSSa est fondée sur la ressemblance de ce passage avec Enûma eliS, tablette I , lignes 1 3 6 sq., cf. supra, p. 2 3 - 2 4 , n. 1 . CAD 2 , B, p. 3 1 9 b, traduit la

ligne 9 : « he made the features of the king more awe-inspiring than any human's » ; cette traduction qui donne à eli le sens (qu'il a souvent) de : plus que, nous amènerait à considérer que le roi possède, par la volonté du dieu Nabû, davantage de Salummatu que les autres mortels. Or, nous savons que les simples mortels n'en possèdent pas. C'est seulement aux rois —• et encore à certains d'entre eux — en raison de la souveraineté qu'ils exercent, que cette forme d'éclat divin est réservée. Le passage signifie que le roi Nabuchodonosor déborde d'éclat sur son peuple lequel ne le voit, comme un astre, que de bas en haut.

5 8 . Pour Hammurabi, voir supra, p. 7 0 . Sur ce titre, cf. H. BOSSERT, Orientalia NS X X V I , 1 9 5 7 , p. 5 7 sq ; D . O. EDZARD, Die Zweite Zwischenzeit, p. 7 1 - 8 0 , note 3 9 4 .

5 9 . Cf. E . W E I D N E R , AfO, Beiheft 1 2 , p. 4 , n" 1 , col. I V , lignes 6 - 7 ; R . BORGER, Einleitung in die assyrischen Konigsinschriften, p. 8 9 .

6 0 . I V R 1 8 , n» 3 , lignes 3 3 - 3 4 ; cf. K . F . MÛLLER, M V A G 4 1 , p. 5 7 .

6 1 . < Terrible est sa splendeur, elle s'étend sur la totalité des ennemis ». Cf. AfO X V I I , 1 9 5 7 - 1 9 5 8 , planche I V , col. I, ligne 4 .

6 2 . JVfe-(am-mu ek-du-tu bu-ni-Su-nu e-tar-mu. E . EBELING, LKA, n» 6 3 , revers,

ligne 2 1 .

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74 La splendeur divine

û-sah-ha-pu).63 Plus loin, Tégla tphalasar emploie, pour signifier sa bravoure , u n e locution plus rare : à propos de la campagne cont re Subar tu , il déclare en effet : «la splendeur de mon héroïsme» (me-lam qar-du-ti-ia)64 a enveloppé les villes ennemies à la seule annonce de mon approche . Melammu, dans cette acception ne semble pas lié à u n phénomène causé pa r la présence effective du roi, comme c 'étai t le cas dans les passages p récédemment cités. Les hab i t an t s de Subar tu on t seulement en tendu dire que le roi d'Assyrie a entrepris une campagne contre leur pays , e t cela est suffisant pour que la splendeur é m a n a n t du héros Tégla tpha lasar fasse son œuvre . Melam qarduti-ia pour ra i t ê tre t r a d u i t pa r : « la r enommée de mon héroïsme ».

Assurbanipal , en décr ivant son expédit ion contre le roi d 'Eth iopie , dira dans ses A n n a l e s 3 5 que, lorsqu'il marcha i t sur Memphis , son melammu royal é t a n t « t o m b é » sur Tarqu , celui-ci ne p u t t rouve r d ' au t re issue que la fuite e t a b a n d o n n a p réc ip i t amment Memphis pour Thèbes . Il est v ra i que le melammu royal opérait , dans ce cas, sur u n ennemi qui venai t déjà d 'ê t re ébranlé pa r la défaite que les armées assyriennes lui ava ien t infligée. A ce propos, il est in téressant de relever la tournure caractér is t ique qu ' emploie Assu ibanipa l dans les lignes qui précèdent immédia temen t celle que je viens de citer : « Ta rqu , a y a n t appr is à Memphis la défaite de ses armées, la splendeur namrirrû des dieux Assur e t I s t a r le submergea complè tement » 8 6 e t il fut frappé de s tupeur comme un ex ta t ique .

Dans ce passage, Assurbanipal semble considérer que la s tupeur p a r a lysante , dont est frappé son adversaire , n 'a pas p o u r cause directe la défaite qu ' i l lui a infligée, mais qu ' à t ravers le réci t du désastre mil i taire, Ta rqu a pr is sub i t ement conscience du pouvoir terr i f iant des dieux qui sout iennent Assurbanipal dans sa marche victorieuse. C'est cet te révéla t ion qui l 'a plongé dans l 'hébétude.

Parfois, les armes du roi sont décrites, comme celles des dieux, dans t o u t leur f lamboiement guerrier. A plusieurs reprises, Sa lmanasar I I I parlera de la namurratu de ses a rmes devan t laquel l 'ennemi recule effrayé (istu pdn namurrat '"kakkê-ia dannûte iplah).87 Parfois, u n au t r e terme appa -

' 6 3 . L. W. K I N G , AKA, p. 3 3 , lignes 4 0 - 4 1 .

6 4 . Ibid., col. III, ligne 4 . L'association de l'éclat et de la bravoure se retrouve ailleurs mais en rapport avec un dieu. Dans un hymne à Ninurta, de la première dynastie d'Isin, publié par S. N. KRAMER, H. KIZILYAY, M. ÇIG, dans Betleten XVI , 1 9 5 2 , pl. LIX-LX, transcrit et traduit par W. H. P. ROMER, Sumerische « Konigshymnen » der Isin-Zeit, p. 6 sq., ligne 8 : me-Iâm nam-ur-sag. Voir également à propos de la déesse Istar, le binôme rasubbalu-qurdu : VS X, n» 2 1 4 , col. IV ligne 9 , cf. H. ZÎMMERN, « Istar und Saltu, ein altakkadisches Lied », BSGW 6 8 , 1 9 1 6 , p. 1 4 , col. IV, ligne 9 .

6 5 . M . STRECK. VAS VII, 2 , p. 8 , ligne 8 5 . 6 6 . Ibid., p. 8 , ligne 8 4 . Ailleurs relatant la même victoire, le roi dira : hattu puluhtu

imqutsu (ibid., p. 1 5 8 , ligne 1 9 ) . 6 7 . E . MICHEL, WO I, 1 , 1 9 4 7 , p. 9 , lignes 1 1 - 1 2 .

Le melammu et la fonction royale 75

raî t : suriptu. Assurnas i rpa l I I dira, pa r exemple : pulhat bêlûti-a adi ^'Kardunias iksud"' suripat *'kakkêm'"""Kaldu usahhip eli sadâni""' sd ahat "Puratte namurrali atbuk : « Le rayonnement de ma seigneurie pa rv in t j u squ ' à la Babylonie , la suriptu de mes armes invest i t Ka ldu , sur les m o n t s qui bo rden t l ' E u p h r a t e j ' a i déversé mon é c l a t » . 9 8 E t son fils Salmanasar emploiera le même t e rme : su-ri-pdt kakkêm"-ia mé-lam bêlu"-ti-ia eli mât Nam-ri at-bu-uk : « la suriptu de mes armes, la splendeur de m a seigneurie j ' a i déversé sur N a m r i » . 8 9 E . Miche l 7 0 , qui est le dernier t r aduc t eu r en da t e des inscriptions de Salmanasar I I I , t r a d u i t suripat pa r « Eiseskâl te », en le considérant comme un pluriel de suripu : g l a c e . 7 1 P o u r t a n t , le con tex te semble bien indiquer que suripat expr ime, p lu tô t que la glace, la violence b rû l an t e des a rmes assyriennes. Le fait, en out re , que, dans cer ta ins passages des annales d 'Assurnas i rpal suripat ou surpatn fasse p e n d a n t à des te rmes comme melammu, puluhtu e t namurratu, semble rendre difficile une t raduct ion : froid-glacial ou glace. Melammu qui , dans les inscript ions royales assyriennes, est mis souven t en r a p p o r t avec la dest ruct ion pa r le feu des terr i toire conquis pa r le r o i , 7 3 appa ra î t également , dans les tex tes religieux, en relat ion avec le pouvoir calorifique du feu. La déesse I s ta r dit d'elle-même : « m o n melammu fait cuire les poissons dans l 'océan» (melammû-a ina apsîm nûrii [usabsalu]).74 Le melammu d 'Enl i l aura i t la même p r o p r i é t é . 7 5 Q u a n t

68. L. W. K I N G , AKA, p. 352, lignes 23-24. 69. G. G. CAMERON, Sumer, VI, 1950, planche II, revers, col. IV, lignes 23-25. 70. WO I, 6 ,1952, p. 473, note 2. Cf. WO III, 1964, planche 2, ligne 14 : Su-ur-ri-pât. 71. E. Michel se réfère à J. NOUGAYROL, Comptes rendus de l'Académie des Inscrip

tions, 1947, p. 265 sq. 72. L. W. K I N O , AKA, p. 237, lignes 37-38 : iSiu pa-an na-mur-at 'ukakkém"-ia

iur-pâ-at bilu-ti-ia e-da-ru-ma : « Devant l'éclat de mes armes (et) la Suriptu de ma seigneurie ils eurent peur ». Cf. une variante : ibid., p. 341, lignes 119-120.

73. Il suffira de citer un seul exemple parmi les innombrables que les inscriptions assyriennes nous proposent : Salmanasar III, à propos d'une de ses campagnes, se vante ainsi : « Comme le feu ( d G I S . B A R ) j'ai brûlé, le melammu (mé-lam) de ma seigneurie j'ai déversé sur eux » (cf. E . MICHEL, WO I, 6,1952, p. 472, lignes 6-7 ; variante : KAH II, 113, planche 6, ligne 15 : me-lam-me). Le même roi, à propos desacampagne contre le pays de Habhu, dans la vingt-neuvième année de son règne, dira : j'ai brûlé par le feu leur pays ; comme un déluge, je l'ai dévasté, pu-ul-hi me-lam-me eli-Sû-nu at-bu-uk : « le rayonnement de ma splendeur j'ai déversé sur eux » (Obélisque de Salmanasar III, cf. E . MICHEL, WO II, 3, 1954, p. 226, lignes 158-159 ; cf. aussi pour la trentième année, ibid., p. 230, ligne 185).

74. G. REISNER, SBH, n" 56, lignes 66-67 ; sumérien : me-làm-mu engur-ra kus mu-ni-ib-Set -Se». Les lignes précédentes (64-65) font allusion à l'aspect de la déesse

dans les cieux : (mu-uS)-mu an-ta nt-il : zi-mu-û-a inaSa-me-e pu-luh-[tum na-Su] : « mon aspect dans le ciel est chargé de rayonnement ».

75. H. ZIMMERN, Sumerische Kultlieder, p. 101, ligne 13 : dmu-ul-lil me-lam-iu engur-ra (variante : im-gu-ra) kus mu-ni-ib-ses-See. Le démon Asakku fait cuire le»

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76 La splendeur divine

a u x démons, «ils recouvren t la terre , dans les qua t r e direct ions, de melammu, b r û l a n t ( tout) comme le feu» (ana sari irbitti melamme sahpu kîma isdti uhammatu).76 On pour ra i t rapprocher cet te dernière expression de l ' image t rès connue qui m o n t r e , au débu t du réci t du déluge, les A n u n n a k i b r a n dissant des to rches (issu diparâtï) et embrasan t le pays avec le namrirrû (ina namrirrî-sunu uhammatu) que les torches d é g a g e n t . 7 7

Ajoutons encore que, dans cer tains passages des annales d ' A s s u m a sirpal, sur(ï)pat est u n e propr ié té , non plus des a rmes du roi, ma i s de sa bêlûtu : « D e v a n t l 'éclat de mes armes et la suriplu de ma seigneurie ( l 'ennemi) eu t peur » (istu pan na-mur-ra-at 'ukakkêm"-a u su-ri-pdt bêlu-ti-a e-dùr-ma)7S, expression qu 'on p e u t m e t t r e en parallèle avec un passage de l ' inscription de Salmanasar I I I où le roi, après avoir di t qu ' i l a fait pleuvoir sur l 'ennemi la flamme de son épieu, a joute : « D e v a n t l 'éclat de mes a rmes (et) le melammu de ma seigneurie, il eu t peur » (istu pàn na-mur-rat 'u'kakkêmrt-ia me-lam-me sd bêlu-ti-ia ip-lah.79

Suriptu e t melammu semblent donc désigner ici des phénomènes du m ê m e t y p e 8 0 . Il faut, en out re , penser que, pour les Assyriens à cet te époque, le feu res ta i t la g rande a rme de destruct ion des villes ennemies. L ' a r m e m e n t des soldats, e t su r tou t l ' équ ipement guerrier du roi, où le bronze en t ra i t encore p o u r une grande pa r t , deva ien t susciter des images du t y p e de celles qui a p p a raissent dans l'Iliade, au chant X X I I , lignes 134-135, à propos des a rmes d'Achille : « t o u t a u t o u r de lui le bronze resplendit , parei l à l 'éclat du feu a r d e n t ou du soleil à son lever» — éclat qui est la cause directe de la pan ique qui s 'empare d 'Hec to r à la vue de son ennemi —, et a u c h a n t X V I I I , lignes 23-26, lorsqu 'Athéna orne le front d'Achille d 'un nimbe d'or et fait jaillir de son corps une flamme resplendissante .

Dans ce langage imagé et, en même temps , cruel lement réaliste d o n t les inscriptions assyriennes nous offrent des spécimens inégalables, la puissance des dieux protec teurs de l 'Assyrie a p p a r a î t pa r m o m e n t s indissoluble de la puissance de son roi. L ' une et l ' au t re s ' in terpénét rent au point de ne plus faire qu 'une seule immense i r radiat ion à laquelle inexorablement les popula t ions ennemies doivent se soumet t re . Il y a des cas où le roi s 'exprime au sujet du pulhu melammu divin comme s'il

poissons dans la mer (apsû) avec le feu qu'il y allume ; cf. A. SCHOLLMEYER, Sumerisch-babylonische Hymnen und Gebete an Schamasch, n° I, col. II, lignes 4 3 sq. : ina libbi-Su

iSâtu iSarrap nûnt-Su uSabSal.

7 6 . E . R E I N E R , Surpu, AfO, Beiheft XI , 1 9 5 8 , VII, ligne 8. 7 7 . GilgameS, tablette XI , ligne 1 0 4 . 7 8 . L . W . K I N G , AKA, p. 3 4 1 , lignes 1 1 9 - 1 2 0 . Pour une variante, cf. supra, p. 7 5 R

note 7 2 . 7 9 . III R, S, col. II, ligne 6 8 . 8 0 . Voir, à propos du dieu Ninurta, son < arme dont le puluhtu melammu recouvre le

pays », et qui « comme le feu embrase les pays ennemi » (B. HROZNY, MVAG 8 , 1 9 0 3 , . pl. VI, lignes 2 6 , 2 9 ) .

Le melammu et la fonction royale 77

s'agissait, en quelque sorte, d 'un pouvoir qui appa r t i en t en propre au dieu, mais don t la mise en œuvre est parfois confiée au roi. P a r exemple , A s s u m a sirpal, en décr ivant la prise de Bît-Adini dira : « J ' a i dévasté , j ' a i dé t ru i t la ville, je l 'ai incendiée e t consumée par le feu, j ' a i placé sur Bî t -Adini la splendeui r ayonnan te d 'Assur , mon seigneur» (pulhi melamme Assur bêli-a eli Bît-Adini altakan).81 Le pulhu melammu du dieu Assu r n ' in te rv ien t — à ce qu' i l semble — que lorsque le p a y s ennemi est désormais rédui t en cendres. Il ne peut avoir de ce fa i t u n rôle dest ruc t eu r ; en aff i rmant qu ' i l a imposé sur Bît-Adini le pulhu melammu du dieu na t iona l de l 'Assyrie, le roi veu t signifier que le pays ennemi est entré , en raison de sa défaite, dans la zone d ' i r radiat ion don t le dieu Assu r es t le cent re et le poin t de dépar t , avec les conséquences poli t iques que cela laisse en tendre .

Mais le plus souvent , le pulhu melammu du dieu agi t de concer t avec le pouvoir i r rad ian t du roi pour écraser l 'ennemi. Dans le premier cas, on a des expressions de ce t y p e : namrirrî AsSur u Istar ishupu melamme sarrûti-a iktumusu : «L ' éc l a t d 'Assur et d ' I s t a r s 'est déployé (sur lui), la splendeur de m a royau t é l'a r e c o u v e r t » . 8 2 Parfois le pulhu melammu divin agi t seul : Sa lmanasar I I I dira, à propos de Mardukbêlusâ t i , que « le pulhu melammu d 'Assur (et) de Marduk l'a recouver t» (pulhe melamme sa Assur Marduk ishupusu).83 On pourra i t a isément mult ipl ier les exemples mais il s 'agit d 'expressions si communes que cela ne me semble pas nécessaire.

Si la splendeur royale appa ra î t ainsi souvent à la sui te de la splendeur divine, c'est qu'elles sont l 'une e t l ' au t re des émana t ions lumineuses de même na tu re . Mais, t o u t en é t a n t l 'une et l 'autre un ét incel lement décuplé d ' in tensi té vi ta le , elles sont néanmoins différentes. La splendeur dont bénéficie le roi n 'es t en réali té qu 'un prolongement de l ' i r radiat ion lumineuse que dégagent les dieux. Parfois, c'est un dieu part iculier qui confère au roi le melammu de la royau t é : Nabonide, comme nous l 'avons vu, le recevra du dieu N u s k u 8 4 , t and is que c'est l 'ensemble des dieux du ciel et de la te r re qui pourvoi t Assurbanipal de la splendeur royale grâce à laquelle il peu t détruire ses ennemis. «.

P l u t ô t que d 'un don, il serait d'ailleurs préférable de par ler d 'un prê t ou d 'un dépôt . De ce fait, l 'éclat qui environne le roi peu t subir des éclipses plus fréquentes que la splendeur du dieu. Un présage t i ré de l 'observat ion de la Lune (Sîn), don t l 'apodose seule nous est pa rvenue ,

8 1 . L . W . K I N G , AKA, p. 3 6 2 , ligne 5 4 . 8 2 . Assurbanipal, V A J 3 V I I , 2 , p. 8 , lignes 8 4 - 8 5 . 8 3 . Annales, WO I I , p. 1 5 0 , lignes 7 8 - 7 9 ; pulhu melammu d'ASsur seul : ibid., p. 2 2 2 ,

lignes 1 3 3 - 1 3 4 ; p. 2 2 6 , lignes 1 5 1 - 1 5 2 ; p. 2 3 2 , ligne 1 8 8 et passim. 8 4 . Cf. supra, p. 7 2 et n. 5 2 .

8 5 . M . STHECK, VAB V I I , 2 , p. 8 , col. I , ligne 8 6 ; p. 1 4 4 , col. V I I I , ligne 6 9 .

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78 La splendeur divine

m o n t r e que ce t te splendeur peu t décliner et d ispara î t re : « (telle é t a n t la position de l 'astre) , s'il s 'agit du roi, (cela signifie que) son melammu s'éloignera de lui». m Melammu dans cet te acception, t o u t en désignant l 'ét incellement de la force vi tale du roi, s ' apparen te à des not ions plus complexes, comme celle de la berâkhâ b i b l i q u e 8 7 , sans laquelle un roi ne peu t gouverner heureusement son peuple e t lui assurer la prospéri té . C'est à son melammu que le roi doit, en t e m p s de guerre, la victoire ; une défaite mont re ra i t imméd ia t emen t que la splendeur royale — que le roi a reçue, en t a n t qu ' in te rmédia i re ent re les dieux e t son peuple, au m o m e n t de son accession au t r ô n e — est, pour une raison connue ou inconnue, en déclin. D 'où peut-ê t re ce besoin don t témoignent les annales assyriennes e t b a b y loniennes, d 'exal ter , pa r une accumulat ion hyperbol ique de t e r m e s 8 8 , la puissance de l 'éclat qui environne le roi. « Fa is aller à m o n côté pour piller le pays des ennemis, la splendeur de t a radiance, u n e aura princière, le halo lumineux de la royauté» demande le roi Nabon ide au dieu S a m a s . 8 9

Cette splendeur peu t non seulement subir des éclipses, mais aussi décroître sans cesse jusqu ' à disparaî tre, comme ce fut le cas pour Ibbisîn d 'Ur 9 0 ; d 'où la cons ta ta t ion — qui est en réal i té un souhai t — que le

86. Ch. VIROLLEAUD, L'Astrologie chaldéenne, fasc. 9, suppl. XV, ligne 9 : Sarru mé-

lam-ma-Sù i-ni-is-s[i] ; cf. A. L. OPPENHEIM, JAOS 63, 1943, p. 31.

87. Bénir, c'est déclarer qu'une personne possède la chance : cf. L. KOEHLER, Lexicon in Veteris Testamenti Libros, p. 153 b. J. P E D E R S E N (Israël I-II, p. 182 sq., 190 sq.)

a mis en lumière le rapport qui existe, d'une part, entre berâkhâ et succès (tâSiyâ) (p. 517-518), et berâkhâ et fécondité, d'autre part ; à berekh correspond en accadien blrku, genou et giron, et sens connexes. Cf. dans les lamentations de la déesse sur Uruk ( C . FRANCK, ZA N F , V I , 1931, p. 87, lignes 31 a-b) : « (Mon fils) a ouvert mon giron • (bi-ir-ki-ia ip-te-ma ma-[ri]). Marcel COHEN a développé ce thème dans sa communication au congrès de Linguistique de La Haye (1928), intitulée : « Genou, famille et force dans le domaine chamito-sémitique » et publiée depuis dans Mélanges H. Basset (Publications de l'Institut des Hautes-Études Marocaines, t. XVII -XVIII , p. 23 sq.).

88. La glorification du roi assyrien apparaît également dans les monuments figuré» (cylindres, bas-reliefs) qui le représentent tantôt en vainqueur des peuples ennemis, tantôt en chasseur à la poursuite de lions et autres proies royales. Cf. pour le rapport entre éclat, guerre et chasse, mon étude dans Rivista Storica Italiana LXXVII , p. 445-455.

89. S. LANODON, Die neubabylonische Kbnigsinschriftcn, VAB IV, p. 260, col. II,

lignes 39-40 : me-lam-mu bir*bir-ru-ka zi-i-me be-lu-û-tu Sa-lam-ma-at Sarru-û-tu a-na

Sû-la-la mât '*nakri-ia Sû-lik-ki i-da-a-a lu-ur-hi-is mât a-a-bl-ia.

90. Cf. à ce propos, la signification attribuée à l'éclipsé de lune du 14 Addar, relatée par le traité Enûma Anu Enlil (C . VIROLLEAUD, L'Astrologie chaldéenne, Sln, X X X I I ,

(lignes 72 sq.) : « pour le roi de l'univers : dévastation d'Ur, destruction de ses murs... •. Selon J. SCHAUMBEROER, ZA N F XV, 1949, p. 56, cet omen ne serait pas en rapport avec Ibbisîn. Par contre, dans une lettre adressée à un gouverneur de Kazallu (cf. A. FALKENSTEIN, ZA N F XV, p. 60, et S. N . KRAMER, ANET, p. 480-481), Ibbisîn

fait état de la faveur divine qui s'est détournée de lui et couvre maintenant son ennemi Hbi'erra.

Le melammu et la fonction royale 79

halo lumineux (salummatu) qui environne le roi se renouvelle comme celui de la L u n e . 9 1

La relat ion en t re éclat, d 'une par t , et faveur divine et chance, d ' au t re pa r t , don t témoigne l 'apodose du présage que j ' a i cité, se t rouve confirmée pa r u n passage d 'un h y m n e à Sîn où il est dit : « Le pays dont t u as décidé la pérenni té , tu me t s en lui la puluhtu de ta grande divinité, e t ainsi ses bases sont fermes pour de t rès longs jours . Le pays , au contraire , don t t u as décidé la destruct ion, t u ret ires de lui t a puluhtu, e t ainsi pour de longs jours t u le voues à la ruine».*» Ici puluhtu semble signifier la pro tect ion divine ; en réali té il s 'agit de quelque chose de plus concret : l ' irradiat ion é m a n a n t du dieu s 'étend comme un nuage sur le pays auque l le dieu accorde sa faveur. Nous reviendrons plus loin sur ce t ex t e essentiel pour la compréhension de la notion de puluhtu. Pour l ' ins tant , ce qu ' i l convient de noter , c'est, a v a n t tou t , que le verbe que l 'on t r adu i t dans ce passage pa r «ret i rer» , est le même verbe nêsu que l'on rencontre dans l 'apodose du présage. D ' a u t r e pa r t , ce tex te nous pe rmet de mieux comprendre le sens de la malédiction don t H a m m u r a b i menace ceux qu i dé t ru i ra ien t ou feraient détruire la stèle où il a consigné ses lois : « cet homme, soit-il u n roi, ou un prince, ou un gouverneur , ou n ' impor te qui , qu i ai t un nom, que le grand Anu, le père des dieux, qui m ' a appelé à régner, lui ret i re la splendeur royale (ME.LAM sar-ru-tim) qu' i l brise son sceptre, qu ' i l maudisse sa destinée». Le caractère t ransi toire de l 'ét incellement qui en toure la personne du roi est mis ici en relief. Cela est d ' a u t a n t plus i m p o r t a n t qu' i l s 'agit d 'un document re la t ivement ancien, e t non récent , comme l ' hymne de Nabonide à Sîn ou même l 'apodose du présage.

La complexi té des not ions que recouvre le t e rme melammu a p p a r a î t avec plus de ne t t e t é encore si l 'on observe les significations que ce m o t acquier t lorsqu' i l qu i t t e le plan divin e t royal e t devient un a t t r i b u t de simples mor te ls ou de la na tu re

P a r u n remarquab le système de correspondances, de même que, sur le p lan le plus éminent qui soit, celui des dieux, le melammu, dont le

91. Voir, supra, p. 67. 92. Inscription de Harran, cf. C. J. G A D D , AnSt VIII, 1958, p. 60, H. 2, A e t B , col. II,

lignes 26-32 : mâtuSa libbi-ka aSab-Su ublu puluhtu ilûti-ka rabtti ina libbi-Su taSakkan-

ma ana ûmû ruqûti iSdê-Su ikunnû mâtu sa libba-ka hapu-Su ublu puluhta-ka ultu

libbi-Su tanassi-ma tanandiS ana ûmû ruqûti.

93. Cf. pour ce passage, supra, p. 70, note 41. n y a entre cette splendeur royale et le x'areno des rois sassanides plus d'un point de contact. « Les Iraniens se représentaient la grâce du créateur du ciel et de la terre (Ahura Mazda) comme une sorte de feu surnaturel, d'auréole brillante qui appartenait avant tout aux divinités, mais qui éclairait aussi les princes et consacrait leur puissance. X'areno, comme l'appelle l'Avesta, illumine les souverains légitimes et s'écarte des usurpateurs comme des impies qui perdent bientôt, avec sa possession, la couronne et la vie » ( F . CUMONT, Textes et monuments figurés relatifs aux mystères de Mithra I, p. 284). Voir aussi infra, p. 81, note 101.

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80 La splendeur divine

t u r b a n ou la tê te du dieu est le siège, s 'est révélé proport ionnel à sa force et à sa puissance divines, sur un plan inf iniment plus modes te , celui des mortels , le melammu appa ra î t en r a p p o r t avec la vi ta l i té et avec la santé . Melammu, à l 'échelle humaine , désigne en effet le visage de l 'ê tre bien por tan t , en un m o t sa bonne mine, la couleur rose de ses joues. Celui qui gémi t e t se p la in t des actes de sorcellerie qu 'on a perpét rés contre lui énumère , en t re au t res effets néfastes : 7 e-se-en-se-ri-ia» ik-pu-pu "'"irti id- i -pu 8 s i - i t (?)-mur pa-ni-ias it-ba-lu bu-un-na-an-ni-ia ù-nak-ki-ru 9li-ip-ti-ias û-da-i-mu ha-si-si-ias is-ba-tu10 di-ig-li-ias û-sam-tu-ù me-lam-mu-(ia*) is-du-du94 : « 7 Ils on t courbé mon dos, ils on t oppressé m a poitr ine, 8 i l s on t enlevé la vivaci té (?) de m a figure, ils on t changé mon a s p e c t , 9 ils o n t rendu m o n toucher désordonné, ils on t pr is m o n o u ï e , 1 0 ils on t diminué m a vue, ils ont enlevé m o n melammu». L a p l u p a r t de ces symptômes rev iennent f réquemment dans les t ex tes médico-magiques e t sont interprétés comme des conséquences typ iques d 'un ac te de sorcellerie. P a r contre , r a re est la men t ion du melammu dans ce contex te où il a, semble-t-il, le sens d 'aspect sain, visage éc la tant .

Le sys tème d'association entre santé , v igueur e t lumière ne s 'arrête pas là. Rebondissan t d u plan h u m a i n à celui de la n a t u r e , melammu en v ien t à s'identifier à la luxur iance de la végéta t ion . D a n s u n e prière à SamaS, le ma lade se tourne vers la terre (irsitu) e t la supplie de le libérer de la maladie qui l 'accable en lui donnan t à la place sa splendeur : « Que le ciel me libère, que la t e r r e m'accueille ( c 'est-à-dire qu'elle accueille m a plainte), qu'el le me donne son melammu et qu'el le p renne mon m a l » . 9 8

Mais ce n 'es t pas seulement à la te r re que le ma lade s 'adresse. Parfois il invoquera le fleuve en des te rmes i d e n t i q u e s . 9 8 Que le fleuve soit riche de melammu, nous le savions déjà. C'est au fleuve en effet qu 'Enl i l confère un des sept me-ldm e n t o u r a n t la t ê t e de H u m b a b a , après la m o r t de celui-

94. Cf. S. LANGDON, RA X X V I , 1929, p. 41, BM 78240, revers, lignes 7-10. KAR 80 {cf. E . EBELING, MVAG 23,1918,1, p. 27 sq.), revers, lignes 31-33, est (à part quelques variantes : ligne 31, après esenseru, on ajoute kima [u]n-qi : «comme un anneau »; bunnannt-ia unakkiru manque ligne 33 ; me-lam-me-iai) un duplicat de BM 78240. La lecture Si-da-ah (ligne 8) proposée par LANGODN, loc. cit., a été corrigée par CAD 2, B, p. 318 b, en £i-it{1)-mur : « excitement ». La relation entre melammu (JME.LAM) et santé apparaît également dans un diagramme magique publié par L. W. K I N G , ZA XI , p. 58, cf. E. REINER, JNES X I X , 1960, p. 153. Dans un passage du « Pauvre homme de Nippur » sur lequel René Labat a attiré mon attention, le héros du récit afin de se donner une prestance, se rase complètement le crâne et acquiert ainsi du melammu. Cf. O. R. GURNEY et J . J . FINKELSTEIN, The Sultantepe Tablets, I, n» 38, ligne 116.

95. KAR 267, revers, ligne 24 : [Samê' li]p-Sur-an-ni irsittm'(m lim-hur-an-ni lid-di-na

melamma-iâ-ma mursi-ia lit-bal, cf. E. EBELING, Tod und Leben, p. 142.

96. KAR 252, col. II, lignes 13-14 : unâru lim-hur-an-ni lid-di-na melarnma-Sâ-ma

lu[m-ni] lit-bal, cf. également, infra, p. 81, note 99. Selon E. EBELING, ZA N F XVII ,

1955, p. 174 ce serait encore au fleuve que le malade s'adresse dans un texte publié par R. C. THOMPSON, Assyrian Médical Texts, planche 72, revers, ligne 19.

Le melammu et la fonction royale 81

c i . 9 7 E n d e m a n d a n t au fleuve de lui donner son melammu, c 'est à son cha to iement et à la luminosi té de ses flots que le ma lade semble faire allusion. Des hymnes exa l ten t en ces termes l 'éclat du fleuve : « E a et Asalluhi t ' o n t fait don de l 'éclat e t du rayonnement d 'un feu v i o l e n t » . 9 8

Mais lorsqu 'on par le de melammu à propos d 'un fleuve, d 'au t res é léments que l 'éclat pur e t simple doivent être considérés. Il s'agit aussi des forces vivifiantes et fécondantes pour la te r re que ses flots charr ient . Mais lorsque celui qui souffre demande « que le fleuve me purifie, qu ' i l me donne [son] melammu » (nâru lul-lil-ni li-di-na me-lam-mu-[sâ])*>, il y a également dans cet appel un aspect qui ne doi t pas être négligé ; c'est parce qu ' i l est u n ins t rument infaillible de probat ion que le ma lade s 'adresse a u fleuve : il est le juge qu i sai t dist inguer ent re jus te et injuste, ent re bon e t mauva i s . Le fleuve purifie e t efface t ou t e souillure : aussi bien la calomnie, qui obscurci t le visage de l 'accusé, que la maladie qui rend t e rne e t sombre la figure de celui qu 'el le a t t e in t . Reconnaissance de l ' innocence comme re tour à la san té se révèlent pa r l 'éclat r e t rouvé sur la figure de celui que le fleuve a reconnu innocent e t pur .

Cet appel au fleuve laisse ent revoir entre différents p lans de pensée religieuse et morale , des interférences qui sont significatives à plus d 'un t i t re . A v a n t t ou t , il nous pe rme t d 'apercevoir la corrélation é t ro i te qu i existai t dans la menta l i t é des Mésopotamiens entre la not ion d 'éclat et de scinti l lement, d 'une pa r t , e t celle de couleur et de polychromie, d ' au t re p a r t . 1 0 0 E n outre , le fait que la te r re dans sa luxuriance, aussi bien que les eaux courantes du fleuve, aient du melammu, témoigne que, dans l 'esprit des Mésopotamiens, comme dans celui d ' au t res p e u p l e s , 1 0 1 les not ions d'éclat et de lumière sont indissolubles de celles d 'humidi té vivifiante et de fertilité. Des verbes comme hanàbu, qui signifient à la fois : croître à profusion, en pa r l an t du blé et de la végétat ion en général , et aussi :

9 7 . Cf. supra, p. 6 4 .

9 8 . L. W . KING, The Seven Tablets of Création, I , p. 2 0 1 , lignes 5 - 6 : i-Sà-tum uz-za

na-mur-ra-ti pu-luh-ti *É-a u 'Asal-lu-hi ii-ru-ku-nik-kim-ma. La traduction littérale de

ces lignes est : » Les dieux Ea et Asalluhi t'ont fait don d'un feu violent d'éclat et de rayonnement ».

9 9 . O. R . G U R N E Y et P. H U L I N , The Sultantepe Tablets, I I , n» 2 5 1 , revers ligne

3 7 .

1 0 0 . Voir infra, p. 1 1 4 sq.

1 0 1 . Ce lien est particulièrement sensible dans l'Avestâ. Les eaux, aussi bien celles d'en haut qui coulent du mont Hukairya, que celles d'en bas qui forment la mer Vou-rokaSa, sont riches de la splendeur X'areno. Le x'areno flotte sur la mer Vourokasa, siège de l'arbre de vie, où Franrasyan essaye vainement de l'atteindre. En outre, la déesse Anahita, dont les rapports avec l'élément humide sont connus, est considérée comme une divinité qui possède autant de X'areno que toutes les eaux qui coulent sur la terre réunies. Voir, en dernier, sur ce sujet, l'étude de GherardoGNOLI, «Un particolare aspetto del simbolismo délia luce nel Mazdeismo e nel Manicheismo », Annali de V Institua Unioersitario Orientale di Napoli N S X I I , 1 9 6 2 , p. 1 0 1 sq.

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82 La splendeur divine

resplendir , ou comme helûim, qui désigne en m ê m e t e m p s le fait de briller, d 'ê t re gai et aussi de faire l ' amour , ou encore comme habâsu, qu i a le double sens de gonfler, tuméfier , e t être joyeux e t qui s 'emploie pour désigner l ' exubérance de la splendeur d ' I s t a r 1 0 3 , le p rouven t .

Carrefour de représenta t ions associées par des liens que nous commençons à découvrir , le melammu suggère un parallèle avec le ganos grec. De celui-ci, Henr i J eanma i r e écri t en e f fe t 1 0 4 : « Il connote les not ions de joie, de lumière, d 'éclat e t de scinti l lement, de blancheur , mais aussi celle de l iquide (l 'eau et le vin), de graisse et de miel». J e ne puis m ' e m -pêcher de citer encore ce que J e a n m a i r e écri t a i l l eu r s 1 0 6 : « Ganos t émoigne de l 'association qu 'on établ issai t en t re les idées d 'éclat et de scint i l lement , d 'humidi té vivifiante, d 'a l iment succulent e t de joie. La pluie, les eaux courantes , les prairies arrosées, les fleurs on t du ganos, e t aussi le miel que les abeilles en ext ra ient , le lai t que donnen t les t rou peaux . Le v in est essentiel lement le ganos de la vigne ou le ganos de Dionysos». E t il ajoute : « C'est à son affinité avec le ganos que Dionysos doi t le don d'éveiller la joie qui est un des t r a i t s les plus m a r q u a n t s de sa personnal i té . . . Il est « polygethès », celui qu i dispense la joie à profusion ».

102. Cf. CAD 6, H, p. 169 a-b. 103. Sa-ru-ur-Sa hi-it-bu-us : sa splendeur est (aussi) exubérante (que celle de Sln,

son père), LKA, n» 23, revers (ou face ?), ligne 15, cf. CAD 6, H, p. 8 b-9 a. 104. Couroi et Comètes, p. 436.

105. Dionysos, p. 27 sq.

CHAPITRE VII

Palpitation lumineuse et force vitale

Nous avons vu dans le chapi t re précédent que le melammu pouva i t se définir comme une manifesta t ion intense de la vie sous tous ses aspects, sur tous les p lans : divin, royal, humain . Il est l 'éclat surna ture l qui n imbe la t è t e du dieu et qui irradie d ' a u t a n t plus for tement que le dieu es t plus pu issan t ; il est le rayonnement qui environne la démarche v ic torieuse du roi béni par ses dieux, il est le man teau mult icolore de la végétat ion qui recouvre la te r re , il est la force vivifiante des eaux tumul tueuses du fleuve, il est enfin le visage r a y o n n a n t de l 'homme bien po r t an t .

On pour ra i t dire — en reprenant , au moins en par t ie , à not re compte , une expression de J . B e r q u e 1 — que le melammu est une «pa lp i ta t ion lumineuse d 'existence».

Nous allons m a i n t e n a n t étudier les rappor t s qui exis tent ent re l 'éclat et la splendeur et des t e rmes qui signifient l 'épanouissement et la plénitude . L 'enseignement que l'on t irera de ce rapprochement sera double-

1. J . B E R Q U E , Les Arabes d'hier à demain, p. 22 : « Son wijdan, c'est-à-dire, si l'on

veut, sa palpitation d'existence ».

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84 La splendeur divine

m e n t instructif : il nous pe rmet t ra , d 'une pa r t , de faire appa ra î t r e des aspec t s de la notion d 'éclat sur lesquels jusqu ' ic i nous ne nous ét ions pas encore a r rê té s et, d ' au t r e par t , d 'approfondir ce que les Mésopotamiens en tenda ien t p a r exubérance et par plaisir lorsqu' i ls app l iqua ien t ces not ions à leurs dieux, a u x hommes e t à la na tu re .

Dans le m y t h e sumérien de la descente d ' I n a n n a a u x e n f e r s 2 , le t h è m e de la pa ru re de la déesse occupe une place i m p o r t a n t e . Il revient , en effet, à t ro is reprises au cours du récit : la première fois quand Inanna procède à sa toi let te , a v a n t de qu i t t e r le m o n d e des v i v a n t s 3 ; ensuite, q u a n t Net i , le port ier des enfers, annonce sa v e n u e à Ereskigal , sœur r ivale d ' I n a n n a et reine du monde infernal, e t fait à sa maî t resse une descript ion d ' I n a n n a 4 ; enfin, pour la dernière fois, q u a n d le m ê m e Neti , à chacune des sept por tes de la citadelle de la m o r t — en applicat ion des anciens règlements de ce lieu terr ible — dépouille Inanna d 'un é lément de sa p a r u r e . 5 Ce t h è m e essentiel se re t rouve , encore amplifié, dans la version accadienne du m y t h e « : au m o m e n t où la déesse qu i t t e le monde infernal e t t r averse la première porte , N a m t a r lui rend le subât bàlti sa zumrisa : l i t té ra lement , le cache-sexe de son c o r p s 7 ; au fur et à mesure qu 'el le t raverse les six au t r e s portes , on lui rend t o u s les objets qu 'on lui a enlevés. P a r contre, le d é b u t de la version accadienne du m y t h e semble ignorer le fai t que la déesse s'habille exprès pour descendre a u x enfers.

L 'o rdre d a n s lequel son t énumérés les objets q u ' I n a n n a m e t sur elle var ie selon les ve r s ions 8 , sauf en ce qui concerne les parures de la tê te , qu i son t citées p a r t o u t les premières. Il se p e u t que ce t te pr ior i té que tou t e s les versions confèrent à la t ê t e sur les au t r e s pa r t i e s du corps corresponde à une réal i té du ri te, c 'est-à-dire que l 'ordre cérémonial de la vestitio de la s t a tue divine exigeait que l 'on débu te en p a r a n t la t ê t e de la d i v i n i t é . 9

2. Voir 1? plus récente et complète édition, transcription et traduction de ce mythe par M. S . N. KRAMER, dans JCS V, 1951, p. 1 sq. La traduction publiée dans la deuxième édition d'ANET, p. 53-57, bien que ce volume ait paru en 1955, après la parution de l'article de S . N. Kramer, reproduit encore une traduction incomplète du mythe.

3. Lignes 17-25. 4. Lignes 103 sq.

'5 . Lignes 127 sq. 6. Cf. pour la version accadienne, la traduction de E . A. SPEISER dans ANET,

p. 107-109. 7. La traduction que CAD 16, S , p. 225 a, donne de subât bâtti : gorgeous garment,

me parait impossible. Voir, pour bâl/Stu, infra, p. 106 et 128, note 43. 8. Cf. S . N. KRAMER, IOC. cit., p. 2, note 12. 9. Lorsqu'une déesse, Ninsun, dans le poème de GilgameS, nous lait assister à son

habiller (tablette III, col. II, lignes 33-35), le turban vient en dernier. Par contre, quand on décrit, dans un passage (revers, lignes 41 sq.) du poème : L'exaltation d'Istar (voir infra, p. 92), l'investiture de la déesse par le dieu Anu, elle reçoit pour commencer le vêtement qui confère la suprématie parmi les dieux (tediq anûli), ensuite des parures magnifiques (tiqni sirûti), le sceptre (uluh So.rru.ti) et, en dernier, la tiare resplendissante

Palpitation lumineuse et force vitale 85

D a u s la version sémit ique du mythe , alors qu' i l n ' appa ra î t plus que la déesse s 'habille exprès pour descendre a u x enfers, cet ordre est toutefois ma in tenu . Net i enlève en premier le grand t u r b a n (agù rabiï) lorsqu'elle franchit le seuil de la première por te .

C'est en t o u t cas en coiffant la su-gur-ra qui est la «couronne de la plaine»

e t « en p r e n a n t le hi-li » pour «le placer sur sa figure », qu ' Inanna commence

à se parer . Elle prend ensuite le cercle et le bâ ton de lapis-lazuli l<>, fixe

en pendentif sur sa poi tr ine les pierres nunuz u , m e t u n anneau d ' o r 1 2 à

son doigt, lie a u t o u r de sa poitrine le tu-di-tum « Viens, viens, H o m m e » 1 3 ,

endosse le m a n t e a u princier, le palà », e t enfin farde ses yeux du fard qui

(agù tasrihtu). Ailleurs (VS X, 199, col. III, lignes 17-20, cf. A. FALKENSTEIN, BiOr. IX, 1952, p. 90 b) l'ordre est inversé : Inanna reçoit d'abord le ciel comme tiare, la terre comme sandale, le manteau étincelant et, en dernier, le sceptre. La priorité accordée à la tête résulte également des rituels magico-médicaux où l'on prescrit de commencer l'onction par la tête. Cf. F . KÔCHER, AfO X X I , 1966, p. 16, lignes 16-17. Selon le Talmud (Shabbat 61a), la tête doit être honorée la première parce qu'elle est « le roi des membres du corps ». C'est pour cette raison que lorsqu'on s'huile le corps, il convient d'oindre avant tout la tête.

10. Ligne 19 : gi-diS-ninda-eSé-gan-za-gtn. 11. Ligne 21 : ncu nunuz-tab-ba gaba-na [ba-ni]-in-si. Ces pierres nunuz, en accadien

erimmatu, qui figurent également dans la version sémitique, sont des pierres ovoïdales dont on faisait des colliers ou, comme il semble être ici le cas, des pendentifs.

12. Ligne 22. La version sémitique (CT XV, 42, ligne 51) a ici, au lieu de l'anneau d'or (har-guSkin), les bandeaux de ses seins (du-di-na-te Sa irti-Sa).

13. Ligne 23. L'appellation du tu-di-tum d'Inanna : lù-gâ-nu-gâ-nu montre qu'il est, dans ce cas, un emblème professionnel, qui nous rappelle l'inscription isuis-moi » imprimée sur le sol par les chaussures des prostituées grecques. Cf. DAREMBERG, SAGLIO et POTTIER, Dictionnaire des antiquités, s.u. meretrices, vol. 3, deuxième partie, p. 1828.

On traduit généralement tldudittu (m) par «pectoral », cf. CAD 3, D , p. 168b-170a. Les équivalences avec le sumérien que les vocabulaires nous proposent, montrent que cette traduction est peut-être trop restrictive. A part tu-di-dajtum, qui pourrait dériver de l'accadien tldudittu(m), l'équivalence avec nir suggère qu'il s'agissait d'un objet que l'on portait sur le cou, nir, en effet, signifie le joug (ntru) et aussi tarâsu : tendre. Grâce au vocabulaire «pratique» de Suse (cf. V. SCHEIL, RA, XVIII , 1921, p. 59, col. VII , ligne 44 : kuS-ib-tu-di-da) nous savons que le tldudittu pouvait descendre plus bas que la poitrine, sur les hanches et que le cuir entrait dans sa fabrication. Un autre point significatif est la légèreté de poids de cet objet (tel qu'il résulte des textes), bien qu'il soit souvent décoré de bronze, d'or ou d'argent ou encore de pierres semi-précieuses ou d'ivoire. On peut en déduire que le tldudittu consistait en une bande de laine ou de cuir à laquelle on attachait des fines lamelles de métal ou des plaques en lapis ou en ivoire. Enfin, le fait que dans le passage qui nous occupe, on ait eu besoin de préciser que l'objet que Neti enlève à la déesse c'étaient des dudinâte de sa poitrine (Sa irti-Sa.) prouve que le tldudittu pouvait aussi ceindre une autre partie du corps féminin.

14. Ligne 24. C'est la grande cape royale lui descendant jusqu'aux pieds, que la déesse porte largement ouverte sur le devant. Le palà est le symbole de la royauté des cieux et la déesse s'en recouvre après la cérémonie du bain, cf. A. FALKENSTEIN, ZA NF XI , 1945, p. 38. La version sémitique ignore le palà ; à sa place, on enlève à la déesse les anneaux des mains et des pieds.

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86 La splendeur divine Palpitation lumineuse et force vitale 87 )

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por t e l 'appel la t ion caractér is t ique de « 11 viendra , il v iendra » . 1 6 Au fur et à mesure q u ' I n a n n a entre plus p rofondément dans la citadelle ennemie, ces obje ts lui sont successivement enlevés dans l 'ordre où elle les a v a i t m i s sur elle ; q u a n d elle pa ra î t d e v a n t Ereskiga l , elle est nue, ma i s ce t t e nud i t é a dans le m y t h e une signification part icul ière . E n réal i té dès lors qu 'el le est nue, elle est v i r tue l lement va incue e t n ' au ra plus qu ' à ê t re clouée au m u r comme une poupée disloquée. C'est que les objets don t on l'a dépouillée ne sont pas seulement des a t t r i b u t s de sa personnalité, mais ils sont consubstant ie ls à son numen. Pr ivée d 'eux, elle est déjà un uzu-nlg-sig : corps-chose frappée, c o m m e di t la version sumérienne.

P a r m i les objets don t la déesse se pare , il en est u n su r tou t qui a pour

no t r e recherche une impor tance singulière. C'est le hi-li.15 Ce t e rme que

N . S. K r a m e r ava i t t r a d u i t d 'abord pa r « rad iance» ensuite par « per ru

q u e » 1 8 , et enfin par « b o u c l e » 1 8 , est une no t ion e x t r ê m e m e n t complexe.

N o u s le t rouvons employé dans des con tex tes d i v e r s ; a v a n t tou t , pour

désigner la volupté : « Dame , créée joyeusemen t p a r Ningal pour la

volupté» , ainsi commence un hymne à la déesse I n a n n a . 3 0 De Bau, on

déclare qu 'el le est «parée de volupté » : hi-li dus-dus.ai Le roi Sulgi dira de

lui-même, dans un hymne , qu' i l est « l ' é lu pour le plaisir d ' I n a n n a » M ,

15. Ligne 25 : ii'm-fte'-em-DU-'ie-em-DTJ igi-na ba-ni-in-gar : « du fard « il viendra, il viendra », elle plaça sur ses yeux ».

16. Ligne 18 : hi-li sag-ki-na Su-ba-ni-in-ti, que M. Kramer traduit, en dernier, par : « Locks (of hair) she fixed upon her forehead ». Voir infra, p. 91-92.

17. Proceedings of the American Philosophical Society 85, 1942, p. 293 sq.

18. Cette traduction, suggérée par A. FALKENSTEIN, AfO X I V , 1942, p. 117-118, a été retenue par M. Kramer dans AN ET, 1955, p. 54 b, ligne 104. Elle se fonde sur une inscription gravée sur une petite perruque votive en diorite ( H . WINCKLER, Untersu-chungen zur altorientalischen Geschichte, p. 157, n" 9) dédiée à la Déesse protectrice CLama) « pour la vie de Sulgi, le roi, seigneur d'Ur ». La phrase : hi-li nam-mi-ka-ni, qui avait été traduite par F. THUREAU-DANGIN, Sumerischen und akkadischen Kbnigsin-

schriften, p. 194, X,l igne 11, « als Schmuckstùck ihrer Weiblichkeit», a été ensuite interprétée par A. Falkenstein comme signifiant « perruque » (cf. pour cette traduction G. CASTELLINO, ZA N F XVIII , p. 34 sq. ; N. SCHNEIDER, Orientalia N S XIV, p. 12,

note 3). Je m'en tiens, quant à moi, à la traduction de Thureau-Dangin (suivie également par M . WITZEL, Orientalia N S XIV, p. 32). Je pense que la phrase hi-li nam-mi-ka-ni

s'applique à l'objet votif et s'explique par la nature particulière de celui-ci, la chevelure étant dans la personne, et surtout pour la femme, un des sièges préférentiels de la force vitale.

19. JCS V, 1951, m. 2, 15, commentaire aux lignes 14-25 (traduction suggérée par B. LANDSBERGER, Orientalia NS XIV, 1945, p. 32).

20. CT X X X V I , 33-34, 1-54, ligne 1 : nin "Nin-gal-e ul-e hi-li-U sigi-ga ; la ligne 3

est identique, sauf que, au lieu de nin, on cite le nom de la déesse Inanna. qui est la

fille de Ningal et de Sîn. Cf. A. FALKENSTEIN, ZA NF XIV, 1944, p. 105. 21. E. CHIERA, Sumerian Epies and Myths, I, col. II, ligne 25.

22. Cf. A. FALKENSTEIN, ZA NF XVI, 1952, p. 64-65, ligne 15 : hi-li-pà-da 'inanna-

me-en.

«reine de la volupté dans le ciel et sur la t e r r e » 2 3 , allusion év iden te a u

hiéros gamos dans lequel le roi é t a i t le pa r tena i re de la déesse. D u l i t

aussi sur lequel la cérémonie annuel le des noces divines é ta i t célébrée, on

van ta i t le pouvoir aphrodis iaque dans ces te rmes : « Sur ton lit resplen

dissant qui est plein de sensuali té » . M

Parfois, c'est le m o t « amour» qui semble rendre le mieux hi-li ; ainsi,

dans le chan t de Susin M , la prêtresse di t à son royal a m a n t : « Ton a m o u r

est agréable, doux comme le miel ». Hi-li, dans tou tes ces acceptions assez

proches l 'une de l ' au t re que nous venons de ment ionner , correspond assez

bien au m o t accadien kuzbu pa r lequel il est f réquemment t r a d u i t d a n s

les t ex tes bilingues. Cette cons ta ta t ion , loin de faciliter not re compré

hension de ce que les Sumériens en tendaien t pa r hi-li, ne fait en réal i té

que remplacer u n e difficulté pa r une au t re : parce que kuzbu est lui-

même un t e r m e a u x significations mult iples , t a n t ô t concrètes, t a n t ô t

p lus abs t ra i tes . Il est v ra i que l 'acception de volupté e t de plaisir

sexuel que nous avions reconnue à hi-li, s 'applique également à kuzbu. D e

même q u ' I n a n n a é ta i t considérée dans les hymnes sumériens comme la

dispensatr ice et la bénéficiaire du hi-li, de même la divinité sémit ique qu i

lui correspond, Is tar , est appelée « épouse des pays , celle don t la pléni

t u d e est vo lup té » ha-Urat mâtâti'"" sd la-lu-sâ ku-uz-bu M, expression qu i

n 'a rien de rhétor ique, malgré les apparences ; le lien é t roi t qu'elle affirme

entre la volupté de la déesse et la fertilité de la te r re est le fondement

23. Ibid., p. 70-71, ligne 82 : nin hi-li-an-ki-a. 24. Cf. A. FALKENSTEIN. , ZA N F XVIII , 1957, p. 59, ligne 19. 25. Cf. S. N . KRAMER, L'Histoire commence à Sumer, p. 188, lignes 2, 4.

26. K. 20, ligne 4. Cf. O. R. GURNEY, AfO X I I , 1938-1939, pl. VI et p. 368. Le terme lalû a des significations très proches de celles de kuzbu. Il désignela plénitude, en général, du bonheur complet, mais aussi la beauté et la perfection d'un édifice, d'un temple ou d'une statue, et, en rapport avec l'homme, le moment culminant de sa vie, sa plénitude virile, et aussi sa vigueur, sa force, aussi bien guerrière que sexuelle. Lorsque lalû se réfère à une femme ou à une déesse, c'est souvent le sens de : charmes, beauté, plénitude sexuelle qui s'impose. Mais pas toujours. A ce propos, il est remarquable de trouver ce terme employé dans des contrats d'adoption en fraternité (Haroard Semitic Séries V, 26, lignes 4-5 et X I X , 70, lignes 4-5) entre un homme et une femme. Cette dernière déclare devant les témoins : • De la rue, j'ai donné ma plénitude à un tel » ou encore « (En faveur d'un tel), de la rue ma plénitude qu'elle s'en aille ! » Malgré les apparences, plénitude ne semble pas avoir un sens sexuel à proprement parler, bien que le «rite • de l'adoption ait lieu dans la rue. Je serai plutôt enclin à voir dans lalû ici, la force de l'âge. D'autant plus que le rôle de l'adoptant semble être, dans ce cas au moins, celui d'un protecteur qui remplace un frère légitime, peut être défaillant, avec lequel il doit, lorsque la femme se mariera, partager sa tirhalu (prix d'achat). La rue intervient ici pour indiquer que la femme qui se fait adopter comme sœur par un étranger, est libre de le faire, qu'elle vient de la rue au sens propre. Voir poulie rôle qu'a l'espace non socialisé dans les rites de l'adoption, mon étude « Symboles de cession immobilière dans l'ancien droit mésopotamien », Année sociologique, 1952 (1955), p. 118 sq.

CASSIN. 7

Page 47: LaSplendeurdivineIntroductionaletudedelamentalitemesopotamienne

88 La splendeur divin

m ê m e du ri te de hiéros gamos.27 Même d a n s ce t te accept ion, il faut t racer

parfois une ligne de clivage en t re volupté e t puissance génératr ice . Lorsque

l 'on déclare à propos d 'un dieu (Ninur ta ) qu ' i l est « le héros don t le kuzbu

est sans fin » (sà ku-zu-ub-su la qa-tu-u, t r aduc t ion du sumérien hi-li-bi

nu-til-la™), il semble bien que l'on fasse allusion s u r t o u t à la puissance

génératr ice sans limite du dieu. Il convient de rechercher aussi dans une

direction t rès semblable, qui associe cet te fois la fertil i té du pays à la puis

sance génératr ice du roi, la signification de cer taines images, comme celle

de « la couronne de hi-li» : men-hi-li. Des rois comme S u l g i 2 9 e t H a m m u r a b i

en sont parés . Ce dernier, dans un h y m n e à sa propre gloire, déclarera :

« le bandeau (royal) m ' a é té donné, la couronne de hi-li j ' a i r e ç u » . 3 0

Parfois le hi-li est associé à la force vi ta le don t le roi , vu sous son aspect

de lion terrible, d é b o r d e . 3 1 Lorsque dans u n e invocat ion à I s ta r , une pros

t i tuée la prie de faire « que mes lèvres soient miel, que mes mains soient

vo lup té» (qa-la-a lu-ù ku-uz-bu)3i, il n ' y a pas de d o u t e sur le sens que

27. De Ninlil, la parèdre d'Enlil, on dit qu'elle est • la Grande Mère... luxuriance de l'ESarra, volupté de l'Ekur » (um-mu rabitum"""... bal-ti É-Sar-ra ku-uz-bu É-kur : IV R 27, cf. S . LANGDON, OECT VI , p. 16, ligne 19).

28. Cf. IV R 23 ,2 , lignes 11-12 et duplicat. 29. Tabulae cunéiformes a F.M. Th. de Liagre Boni collectae, II, n» 2, lignes 9-10. Cf.

J . J . A. VAN D I J K , BtÛr. X I , 1954, p. 86: sipa-zi Sul-gi-re Sà-ki-âga tûg-mas tûg mu-mut hi-li men tûg sag-gâ mi-ni-gâl : le pasteur légitime Sulgi, l'aimé, revêtit le vêtement MAe ; la couronne de luxuriance et le vêtement il fit tenir sur sa tête.

30. Cf. A. SJÔBEBO, ZA N F X X , 1961, p. 51, 65, note 17. Voir aussi l'expression que l'on rencontre dans un autre « hymne royal (CT X X X V I , 28-30, revers, ligne 41 ; cf. A. FALKENSTEIN, ZA N F XV, 1949, p. 112), à Urninurta : « puissent tous les pays te conférer la luxuriance » (kur-kur-re hi-li hu-mu-us-Si-ak).

31. TCL XVI , 48 (et duplicats), ligne 13. Il s'agit de LipitiStar d'Isin qui dit de lui-même : « (Un qui a) l'aspect d'un lion terrible, regorgeant de vitalité, je suis » (cf. A. FALKENSTEIN et W. VON SODEN, Sumerische and akkadische Hymnen und Gebeten, n° 28, p. 126) : uktin-pirig-huS-a hi-li dus-dus-a-me-en. Cf. en dernier, W. H. P. ROMER,

op. cil., p. 30 32. H. ZIMMERN, ZA X X X I I , 1918-1919, p. 174, revers, lignes 47-50. De même dans

l'hymne à IStar d'époque vieux-babylonienne ( F . T H U R E A U - D A N O I N , RA X X I I , 1925, p. 170, ligne 9) : Sa-ap-ti-in du-uS-Su-pa-at ba-la-tû-um pi-i-Sa : « douces comme le miel sont ses (d'IStar) lèvres, sa bouche est la vie «.Sur le lien très ancien entre le miel et l'amour, le chant de Susln, publié par N . S . KRAMER avec la collaboration de Mme Muazzeg ÇIG dans Belleten 16, p. 345 sq., offre maint exemple. Tantôt c'est l'amour de l'amant qui est doux comme le miel (làl) (cf. supra, p. 87 et note 25), tantôt c'est la chambre qui est i remplie de miel », ou encore on déclare que les caresses prodiguées sont « plus douces que le miel ». Dans le poème d'amour que W. G. LAMBERT vient de publier dans MIO XII , 2, 1966, pl. I, p. 148 sq., les paroles que la déesse Nanai adresse à son amant Muati reviennent comme un leitmotiv : « Doux comme le miel est l'amour que j'ai pour toi (da-du-ù-ka, ou bien : ton amour ?) ; elle regorge de miel, la volupté de ton amour [ku-zu]-ub ra-mi-ka : lignes 9-10, 11-12). Plus loin, dans le revers, ligne 14 : ku-uz-bi an-nu-û ti-bi lu-ur-ta-a-ma, que Lambert traduit : « here is my sex-appeal, stir yourself that I may make love with you 1 »

Palpitation lumineuse et force vitale 89

kuzbu a dans ce contexte . La même constatat ion peu t être t irée à propos

de M-li du passage du poème de Gilgames (version assyrienne, t ab l e t t e I,

colonne V, ligne 11)où l 'on d'écrit les filles d 'Uruk comme «regorgeant de

volupté , pleines de parfum » ( H I . L I [zu]-'u-nu [ma]-la-a ri-sd-[li]), ou q u a n d

on qualifie N a n â d 'Uruk , la déesse qui «regorge de plaisir e t de joie»

(sa H I . L I u ul-si za-'-na-lu)33, ou encore quand on appelle T a s m ê t u m ,

la compagne de Nabû , «déesse du plaisir et de l 'amour» (i-lat kuz-bi u

da-di) M , celle « qui regorge de volupté» (sa ku-uz-bu za-'-nat).33

On dira de Gilgames, dans le poème homonyme, que t o u t son corps

regorge d 'épanouissement (zu-'u -na [ku-u]z-ba ka-lu zu-um-ri-sù). M

C'est encore u n e acception proche de celle de volupté et de puissance

génératr ice, mais p o u r t a n t sensiblement différente, qu 'acquiè ren t aussi

b ien hi-li que kuzbu lorsqu' i ls en v iennen t à désigner la p lén i tude phy

sique d 'un ê t re humain à un m o m e n t de sa vie, lorsque la sève m o n t e

encore en lui comme dans u n jeune p lant . Dans u n hymne sumérien

on se servira du t e rme hi-li pour signifier l 'épanouissement juvéni le d ' un

berger auque l on compare la mère-brebis dans l 'étable, ou encore la grâce

in tac te d 'une jeune fille (à laquelle on donne comme comparaison l 'épi

de b lé d a n s le sillon). Mais, pa r u n cheminement inverse, hi-li p o u r r a

aussi expr imer la beau té ainsi que la profusion des tiges de « lin » prê tes à

être coupées, avec lesquelles on tissera le vê temen t pour I n a n n a . 3 8

Bien que , dans presque t ous les cas que nous avons cités, ce soient à

peu près les mêmes verbes qui reviennent , avec une préférence toutefois

pour du» ou gùr en sumérien, e t pour zânu en accadien, hi-li : kuzbu

est loin d 'avoir p a r t o u t la même signification. D a n s les derniers exemples ,

l 'accent est mis sur la jeunesse d 'un être, au comble de sa pléni tude sur

son acmé.38

3 3 . F . T H U R E A U - D A N O I N , RA XI , 1 9 2 4 , p. 9 6 , ligne 1. Nanâ était déjà appelée par Rimsîn « Dame du hi-li » ( F . THUREAU-DANGIN, Die sumerischen und akkadischen Konigsinschriflen, p. 2 2 0 , f, ligne 1 -2 ) .

3 4 . B. A. VAN PROOSDIJ, L. W. King's Babylonian Magic andSorcery, n ° 3 3 , ligne 2 0

et duplicata n° 1 , revers, ligne 2 . Un des appellatifs de cette déesse est Kuzbanltu ( K . TALLQVIST, Akkadische Gotterepithela, p. 4 7 1 ) .

3 5 . AfO XVI , 1 9 5 2 - 1 9 5 3 , p. 3 0 6 , ligne 1 2 . 3 6 . Version assyrienne, tablette I, col. V, ligne 17 . 3 7 . A. FALKENSTEIN, Sumerische Gbtlerlieder, p. 6 4 : du jeune berger, il est dit qu'il

est hi-li dus-dUB-o : « paré d'exubérance », tandis que la jeune fille « verte » (sig^ est hi-li gùr-ru-àm : « pleine d'exubérance ».

3 8 . Dans le fabliau de Dumuzi et Enkimdu, cf. J . J . A. VAN D I J K , La sagesse suméro-accadienne, p. 6 5 , gu-sar-ra hi-li gùr-ru : « Les tiges à fil, dans les plates-bandes, sont couvertes d'épanouissement ».

3 9 . Cf. M. CIVIL, The Message of Lû-dingir-ra to his Mother, JNES X X I I I , 1 9 6 4 ,

p. 2 , ligne 3 8 . Lû-dingir-ra envoie un message à sa mère $ât-I5tar, dont il donne le signalement ; suivent diverses définitions de la mère : elle est ceci, elle est cela, elle est

Page 48: LaSplendeurdivineIntroductionaletudedelamentalitemesopotamienne

90 La splendeur divine

Mais cet épanouissement n 'es t pas l ' apanage exclusif des être h u m a i n s ou

des dieux, la beau té lumineuse d 'un ciel pouva i t susciter la m ê m e image et

ê t re associé au hi-li. Dans le t emple E a n n a à Uruk , une chapelle dédiée à

la déesse N a n â por ta i t le nom d'é-hi-li-an-na : « la maison de la p lén i tude du

c i e l » . 4 0 Du temple q u e Gudea élève à Ningirsu dans la ville de L a g a s , on

disai t également qu' i l ava i t é té élevé « d a n s l ' épanouissement» (hi-li-a)n

e t on le compara î t à « u n e belle mon tagne , pleine d ' épanou i s semen t» . 4 2

P o u r signifier également la luxur iance de la végétat ion don t Sennachérib

ava i t en touré de tou tes p a r t s un nouveau temple , on ne t r ouva i t de t e rme

plus a d é q u a t que kuzbu.43 Mais, en out re , une œuvre d 'a r t , u n objet

façonné pa r les ma ins d 'un ar t i s te pouva i t par t ic iper au plus h a u t po in t

de cet te qual i té , ê tre enveloppé de p léni tude . Ainsi u n b a t e a u processionnel

appelé hé-dui est décri t dans u n e inscript ion de Nabuchodonosor comme

« couver t d 'épanouissement et rempl i d ' abondance » (sa ku-uz-ba za-na-tu

la-la-a ma-la-tu).44 Tég la tpha lasa r I I I s 'exprime dans des te rmes sembla

bles au sujet des lions et des t a u r e a u x qui ga rda ien t les por tes du p a l a i s . 4 8

Notons également dans ce même ordre de faits, le nom d 'une des por tes

du g rand temple de Babylone , l 'Ësagil : kd-hi-li-sù : la por te parée de

vo lup té ». "

comparée avant tout à des bijoux, ensuite à une statuette d'albâtre placée sur un piédestal de lapis,... elle est la pluie du ciel,... un jardin de délices,... un arbre U . T U G irrigué e t couvert de fruits, un fruit prémice et, ligne 38 : ra-a-tu.m$a a-na mu-[u]S-Sa-a-ri me-e ku-uz-bâ ub-bà-[lu] : « un canal qui amène des eaux luxuriantes aux parterres du jardin >.

40. Cf. RA XI , 1914, p. 98, ligne ô : la déesse est dite : a-Si-bat é-hi-li-an-na. 41. F . THIJB.EAU-DA.NGIN, Les Cylindres de Gudea, cylindre A , col. X X X , ligne 1. 42. Ibid. lignes 10-11. 43. D . D . LUCKENBILL, OIP II, p. 137, lignes 35-36 : il s'agit des jardins dont ce roi a

entouré le nouveau btt akltu : «... Je l'ai entouré avec un jardin d'abondance, un verger avec des fruits, et j'ai bordé ses côtés de parterres luxuriants » (mu-Sa-ri-e ku-uz-bi i-la-ti-Su û-Sal-me). Cf. p. 89, note 39.

44. S. LANGDON, Die neubabylonische Kônigsinschriften, VAB IV, p. 160, lignes 35-36. Le même roi déclare : « J'ai couvert de plénitude » (ku-uz-ba-am û-za-'-in) le temple de Sarpanitu (ibid., p. 90, ligne 33).

45. II R 67, ligne 79 : hi-it-lu-pu ku-uz-bu : couverts de luxuriance. 46. Pour le nom de cette porte, cf. l'inscription de Nabuchodonosor, S. LANGDON,

op. cit., p. 124, ligne 51, où kâ-hi-li-sù est interprété comme signifiant bdb ku-uz-bu, signe évident qvrele nom des portes écrit en sumérien était lu en cette langue (cf. à ce sujet W . G. LAMBERT, Babylonian Wisdom Literalure, p. 301, note 78-90). Selon Ludlul bel nlmeqi, tablette IV, ligne 90, il s'agissait de la onzième porte du temple : le passage où elle est mentionnée est un commentaire théologique qui s'efforce de trouver un rapport entre le nom de chacune des portes de l'Ësagil et l'état de celui que la faveur du couple divin titulaire du temple a tiré du malheur et de la souffrance et ramené à la vie. Comme si la grâce divine se manifestait sous une forme différente au passage de chaque porte, on expliquera qu'à la porte de l'abondance, il a trouvé l'abondance, à la porte de la vie, il a reçu la vie, et ainsi de suite. La relation entre le hi-li et le baiser au pied de la déesse Sarpanitu semble faire allusion à un rite.

Palpitation lumineuse et force vitale 91

Hi-li : kuzbu est présent dans t o u t ce qui a t r a i t à la beau té , à la sensua

lité e t à la perfection dans la na ture e t dans l ' a r t ; on pour ra i t le définir

comme le charme, la grâce, le pouvoir de séduction don t les dieux e t les

mor te ls aussi , à un m o m e n t cu lminant de leur vie, ainsi que cer tains

objets privilégiés, sont nant i s . Hi-li : kuzbu est, de ce fait, é t ro i tement

associé à t o u t ce qui me t en valeur et renforce l ' a t t ra i t , comme la parure e t les bi joux, mais , a v a n t tout , au maquil lage. I s ta r , dans un h y m n e d 'époque babylonienne ancienne, est invoquée comme celle qui « est revê tue de chan t s e t d 'amour , parée de 'fruit ' •", de maqui l lage e t de vo lup té » (sa-at me-li-si-im ru-à-ma-am la-ab-sa-alza-'-na-at in-bi mé-qi-a-am

ù ku-uz-ba-am).48 Meqû désigne ici plus spécialement le fard des paupières qui é ta i t dest iné à rehausser l 'éclat de l'œil, à l ' agrandir et à l 'allonger, et à augmen te r l ' intensité du regaid. Ce maquil lage, auquel les or ientaux ont de t o u t t emps conféré une grande impor tance e t qui est, pour eux, inséparable de l'idée de fête *>, é t a i t su r tou t à base d 'ant imoine , sim-bi-

zi-da : guhlu, que les Mésopotamiens impor ta ien t de l ' é t r a n g e r . 5 0 Le fait de se farder les yeux semblai t si essentiel que, dans les r i tuels de subst it u t i o n " , pour rendre le subs t i tu t (en général il s 'agissait d 'un animal , un chevreau par exemple) t o u t à fait ident ique au malade , don t on voulai t assurer la guérison par ce r i te , on l 'habillait , on lui m e t t a i t ses chaussures, on lui maqui l la i t les yeux d 'ant imoine e t on lui couvra i t la t ê t e de son t u r b a n . Souliers, fard e t t u r b a n appara issent ici, avec le vê tement , comme des éléments essentiels de la personne. L'association entre hi-li :

kuzbu e t t o u t ce qui peu t accroître la beau té e t la séduction, explique la présence de ce t e rme dans l ' inscription dédicatoire d 'une pe t i te pe r ruque en diorite, de l 'époque d 'Ur I I I» 2 , ac tuel lement au Bri t i sh M u s é u m . 5 3

Les cheveux é tan t , pour l 'homme comme pour la femme, l 'un des a t t r i b u t s où se manifeste avec le plus de force l 'épanouissement de la jeunesse, il é t a i t na tu re l qu 'une per ruque fût offerte à u n e déesse pour exalter sa

47. Voir infra, p. 95, la signification que inbu, fruit, a dans ce cas. Dans le poème d'amour publié récemment par W. G. LAMBERT (voir, supra, p. 88, note 32), au revers, ligne 8, on lit : in-bu in-bu si-ma-at pa-ni : « charme, charme, comme il sied à la figure ».

48. F. THUREAU-DANGIN, RA X X I I , 1925, p. 170, lignes 5-6 ; les lignes 7-8 répètent la même invocation en substituant IStar à Sût.

49. A propos de la forme et de la beauté de l'œil, cf. W. A N D R A E , WVDOG 39, p. 68. Pour le rôle du maquillage dans les fêtes, cf. J. J. A . VAN D I J K , ADOG, XVI, 1957-1958 (1960), p. 58.

50. Cf. W. F. LEEMANS, Foreign Trade in Old Babylonian Period, p. 16. 51. Cf. LKA, n» 79, ligne 12 ; KAR 245, ligne 11 et passim. Cf. E . EBELING, Tod

und Leben, p. 6-8. 52. F. T H U R E A U - D A N G I N , Die Sumerischen und akkadischen Kônigsinschriften,

p. 194 X, ligne 11. Cf. supra, p. 86, note 18. 53. On en verra une reproduction dans H . R . H A L L , La sculpture assyrienne au

British Muséum, pl. VIII , 7.

Page 49: LaSplendeurdivineIntroductionaletudedelamentalitemesopotamienne

92 La splendeur divine

féminité. Cependant hi-li n 'est ni une per ruque , ni une boucle de cheveux.

Il a é té r emarqué par S. N. Kramer que hi-li, de même que le fard pour

les yeux — et cet te coïncidence n 'es t peut -ê t re pas for tui te puisque nous

venons jus t ement de signaler le lien qui existe ent re le maquil lage et le

hi-li — ne figurent pas dans la version A du m y t h e d ' I n a n n a pa rmi les

objets dont Net i dépouille la déesse chaque fois qu'elle franchit une des

sept portes . 3 4 II se pourra i t que hi-li, dans ce passage, t o u t en a y a n t des

affinités étroi tes avec la parure , ne désigne pas u n objet part iculier ,

mais qu ' i l définisse une a t t i t ude déterminée, pa r exemple une expression

que la déesse donne à son visage afin de por te r à son plus h a u t point son

pouvoir de séduction. On devrai t , dans ce cas, t r adu i re hi-li sag-ki-na

su-ba-ni-in-ti : « elle pr i t sur son visage un(e expression de) ' charme '

infini », en d o n n a n t à « charme » son sens é t y m o l o g i q u e . 3 5

Le fait que hi-li, dans ce passage, se construise avec su-ti, en accadien

leqû : prendre , ne doit pas être considéré comme une preuve absolue qu' i l s 'agit d 'un objet matér ie l . D a n s un passage de Maqlûs8, dans un contexte t ou t différent, kuzbu se cons t ru i t aussi avec leqû. : prendre , mais avec le sens d 'enlever. C'est la sorcière qui, d 'un coup d'œil malé fique, prive la jeune fille de son charme juvénile e t de son pouvoir d ' a t t rac t ion .

Mais l 'expression kuzba leqû p eu t avoir une signification beaucoup plus concrète et désigner p roprement l 'acte sexuel, comme dans le passage du poème de Gilgames où les Anciens d 'Uruk conseillent la prost i tuée sur les moyens qu'elle doi t employer pour «civiliser» le sauvage Enk idu (version assyrienne, t ab le t t e I, colonne IV, ligne 9) : ur-ki pi-te-ma ku-zu-ub-ki lil-qi : «ouvre ton giron afin qu ' (Enk idu ) prenne ton kuzbu»; de m ê m e quelques lignes plus bas , ligne 16, quand la prost i tuée m e t à exécut ion ces conseils, ur-lam-mi sam-hat di-da-sd ur-sd ip-te-e-ma ku-zu-ub-sd il-qt : « la pros t i tuée défit sa ceinture, ouvr i t son gîron et il (Enk idu) pr i t son kuzbu».

Un passage de l ' hymne bilingue suméro-accadien, que Thureau-Dangin a int i tulé : «L 'exa l t a t ion d ' I s t a r » 8 7 , pe rmet peut -ê t re de préciser encore

54. Tandis que, dans un fragment (F), le hi-li est enlevé de dessus la déesse lorsqu'elle passe le seuil de la deuxième porte.

55. Voir toutefois, pour une hypothèse différente, infra, p. 96-97. 56. Cf. G. MEIEB, A/OBeiheft2, 1937, col. III, ligne 10 : i-na ni-kil-mi-Sa ku-zu-ub-Sa

il-qi : « par son regard, elle lui a pris son attrait ». 57. Publié dans RA XI , 1914, p. 140 sq. par F. Thureau-Dangin. Il en existe des

duplicats : TCL VI, 52 et LKU 135. Il ne s'agit pas d'un hymne, mais plutôt de la troisième tablette d'un poème destiné à exalter la puissance souveraine de la déesse Istar. La date de composition de ce texte, que Thureau-Dangin avait attribué à l'époque vieux-babylonienne, a été abaissée par A. Falkenstein (BiOr. IX, 1952, p. 88 sq.), qui

Palpitation lumineuse et force vitale 93

mieux ce qu ' é ta i t , dans ce contexte , le kuzbu don t nous avons déjà analysé successivement les sens de volupté et d 'épanouissement des êtres et des choses. Les dieux s 'adressent à Anu et, s ' inclinant devan t lui « comme des fauci l les» 5 8 , le pr ient d'élever Inanna à la dignité suprême en faisant d'elle son épouse et son égale : «A la jeune Inanna à qui t u as ravi son hi-li,

donne ton b i a s » . 5 9

Le verbe kar, qui est employé ici, signifie prendre , a r racher : hi-li kar

a donc un sens proche de hi-li su-ti, mais avec la différence que, dans la première expression, l 'accent est mis sur un aspect violent de l 'action, qui semble presque toujours faire défaut dans la seconde. Ce passage de l ' hymne fait cer ta inement allusion à un m y t h e dont le motif central é ta i t la séduction d ' Inanna par le Ciel, m y t h e don t nous n ' avons pour le m o m e n t d ' au t re s témoignagnes que celui-ci.

D ' au t r e s passages m o n t r e n t enfin que hi-li : kuzbu pouva i t avoir le sens précis e t concret de sexe.

D an s une par t ie d 'un t ex t e bilingue vieux-babylonien, publié, t ranscr i t e t t r a d u i t pa r Th . Pinches en 1898 8 0 , sont décrits les malheurs dont peu t être accablé un jeune homme depuis sa naissance. Il s 'agit d 'une sorte de compla in te du malchanceux, et pa rmi les coups du sort don t celui-ci est la cible, un certain nombre sont en r a p p o r t avec la vie sexuelle. Il est celui qui n ' a jamais pris femme (et-lu sa as-sd-tû la i-hu-zu)6l, qui n 'a pas, de ce fait, eu à élever d 'enfant (ma-ru la ù-rab-bu-û)ei, celui qui, dans le giron de sa femme, n ' a pas touché son sexe (et-lu sd ina su-un as-sd-ti-sû

ku-zu-ub la il-pu-tu)83, celui qui n 'a pas écar té le vê t emen t du gircn de sa

considère que le poème ne peut pas remonter plus haut que la deuxième dynastie d'Isin. D e l à tablette IV b du poème publié par S. Langdon dans RA XII , 1915, p. 73 sq., on connaît deux duplicats : VAT 16439 b (BiOr. IX, 1952, pl. 9) et if. 13. La tablette IV a a été publiée par A. FALKENSTEIN dans BiOr. IX, 1952, p. 88 sq.

58. Dans ce passage comme dans Genèse X X I , on exprime l'obséquiosité du courtisan devant son maître en recourant à une comparaison tirée de l'activité agricole : ici, les silhouettes recourbées des dieux devant le grand dieu du ciel sont comparées à des faucilles ; là, dans la Bible, les épis qui s'inclinent devant un épi plus grand, que Joseph a vus en rêve, suscitent immédiatement dans l'esprit des frères l'image de l'inférieur en grade qui se prosterne devant son maître.

59. RA XI , 1914, p. 144, ligne 7-7 a : ki-sikil Jinanna hi-li-bi mu-un-Si-ib-kar-ra d-

zu a-ri-an-Si-ib : a-na ar-da-tum dIS-tar Sa te-im-nu-Si id-ka i-din-Si. Les lignes 9-9 a

reprennent un thème semblable. Anu est appelé époux d'Istar dans l'hymne vieux-babylonien publié dans RA X X I I , p. 171, revers, ligne 13. Menu ou manu signifie : aimer, séduire. Un vocabulaire (CT XVIII , 31, ligne 15) donne mu-un-nu-u comme synonyme de kunzubu (voir infra, p. 95) : plein de séduction, séduisant. Cf. W . VON SODEN, Akkadisches Handioorterbuch, p. 645 a et 467 a.

60. Publié dans Transactions of the Victoria Institute X X V I , 1893, p. 153 sq. 61. Col. 1, ligne 15. 62. Col. I, ligne 16. 63. Col. I, lignes 17-18.

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94 La splendeur divine

femme (el-lu sd ina su-un as-sd-ti-sû su-ba-la la is-hu-tu)6*, celui qui a é té

chassé de la maison de son beau-père, c 'est-à-dire de la fête de ses noces

(et-lu sd ina bit e-mu-ti-sû su-sa-[a]).65

De tous ces passages, que nous venons d 'analyser , où kuzbu désigne,

soit l 'acte sexuel, soit le sexe, on pour ra i t dédui re que, dans cet te accep

tion t o u t à fait concrète, hi-li : kuzbu serai t un m o t réservé à la femme.

Or, il ne semble pas qu' i l en soit tou jours ainsi, t o u t au moins pour hi-li.

P a r exemple, dans les hémérologies se r a p p o r t a n t au mois de T e s r i t 6 6 ,

on prescri t , p e n d a n t certains jours de ce mois, de ne pas t raverser le fleuve ;

celui qu i le ferait deviendra impuissant . D a n s ce cas, on emploie l 'expres

sion H I . L I maqâtu. Or, ici le m o t H I . L I qu i devai t ê tre lu en accadien

kuzbu, s 'appl ique sans aucun doute à l ' homme.

P a r contre, le fait que le mot kuzbu soit employé, en accadien comme en

d ' au t res langues sémitiques, en hébreu pa r exemple, comme nom propre de

f e m m e 6 7 pour ra i t être un témoignage assez p r o b a n t que, pa r kuzbu, on dési

gna i t quelque chose de spécifiquement féminin. Kozbl est, en effet, le nom

de la j eune Madiani te qui, dans Nombres X X V , 15 ,18 , au m o m e n t de la fête

de Ba ' a l Pe 'ôr , est conduite par un Israéli te, Zimrî, dans la qubbah (où

elle sera tuée avec lui par Phinées , fils d 'Eléazar) . Ajoutons, d ' au t re

p a r t , que qubbah est t r a d u i t dans la L X X e t dans la Vulgate pa r kaminos

et lupanar — bien qu ' i l ne faille voir là q u ' u n e t r aduc t ion part iculière du

m o t qubbah suggérée peut-ê t re par le c o n t e x t e . 6 8

E n t r e hi-li : kuzbu et la yàp*4 grecque, un r app rochemen t peu t être

é tabl i : l 'un e t l ' au t re sont des manifes ta t ions de l 'épanouissement de la

vie, aussi bien dans l 'homme que dans la na tu r e . Même sous l 'acception

p u r e m e n t sexuelle qui est celle de kuzbu telle que nous venons de l 'étudier

en dernier lieu, il est possible de re t rouver des témoignages de l'affinité

qui existe en t re les deux notions. L a définition de xâpu; q u e P l u t a r q u e

donne dans Erotique 751 D , mér i te d 'ê t re citée comme t rès significative

à ce sujet. Voici comme il s 'exprime : « •/ip'-i est appelée par les Anciens la

soumission de la femme envers l 'homme» ; et , afin de préciser ce qu ' i l v ient

64. Col. I, lignes 19-20. 65. Col. I, lignes 21-22.

*66. CF. R. LABAT, HÉMÉROLOGIES ET MÉNOLOGIES D'ASSUR, p. 170 SQ. : KAR 177, revers 3, ligne 34 ; 2, ligne 32 ; 1, ligne 15.

67. C'est le cas pour des noms comme KUNZUBTUM, KUZÂBATUM, KUZDBATUM, CF. J. J. STAMM, DIE AKKADISCHE NAMENGEBUNG, p. 249 ; KUZBU ou H I . L I dans les noms théophores apparaît souvent en relation avec des déesses ( H I . L I - / s ï a r , AIA-KUZUB-MÂTIM, NINLIL-

KUZUB-NIST), parfois avec des dieux (NABÛ-KUZBU [variantes : KUZUB, HI .LI ] - [Mm) . 68. CF. sur QUBBAH et ses rapports avec la QOBBEH syrienne : H . INGHOLT, BERYTUS I I I ,

19, p. 85-89 ; F. CUMONT, ÉTUDES SYRIENNES, p. 263-276. Selon J. PEDERSEN, ISRAËL

I I I - I V , p. 686, la QUBBAH de N'ombres X X V , 8, pouvait peut-être servir pour le culte. J. MORGENSTERN, «The Ark, the Ephod and the Tent », HUCA X V I I , 1942-1943, p. 260-261, y voit une tente où les jeunes époux se retiraient afin de consommer le mariage, selon la coutume bédouine.

Palpitation lumineuse et force vitale 95

de dire, il a joute : c'est dans ce sens que P indare dit à propos d 'Hépha i s -

tos qu'« il est né d ' H é r a sans yàpic*-88 On ne peu t être plus clair et la y&pu;

ainsi définie a u n e signification t o u t e proche de cellede/u-/i™etdeft ' ! iz6u

qui, selon Thureau-Dangin , é ta i t la volupté que la femme donnai t à

l ' homme, en opposit ion à inbu, le fruit, qui expr imai t la volupté que la

femme t i ra i t de l ' h o m m e . 7 1

Mais l'affinité en t re hi-li : kuzbu mésopotamien et la yàçic, grecque p e u t

être poussée p lus loin. Comme le hi-li : kuzbu, celle-ci est associée, non

seulement à la joie e t au plaisir des hommes, à l 'épanouissement de la

na tu re , mais aussi à des activi tés art isanales, telles que celles du menu i -

nier, du t isserand, du sculpteur e t de l 'orfèvre. A propos du tissage, ce

passage de l ' hymne de Sulgi que nous avons cité plus h a u t 7 3 me semble

révéla teur : le « lit resplendissant de la déesse qui est plein de hi-li » évoque

sans doute , ou t re le t rava i l du bois e t les incrusta t ions d ' ivoire e t de méta l , également les couleurs écla tantes et les broderies mult icolores des couvertu res de la couche divine où s'accomplissait le hiéros gamos en t re la déesse et le roi. D ' au t r e par t , nous avons également déjà v u que des s ta tues en bronze ou en pierre pouvaien t être empreintes de hi-li.73

Il nous faut m a i n t e n a n t m e t t r e en relief la relation en t re hi-li : kuzbu

et les bijoux. L ' invocat ion aux pierres qui débu te pa r ces mo t s « grandes pierres, grandes pierres remplies de joyeuse séduct ion» (na* gai na* gai

NAT hi-li ma-az-za-na : abnû rabûti""' abnû el-si-is kun-zu-bu)1* nous

en fourni t un exemple. L'adjectif kunzubu que je t r adu i s pa r «remplies de s éduc t i on» 7 ' , au ra i t pu, dans ce contexte , aussi bien être rendu p a r «rempl ies de r ayonnemen t» ou « d 'ét incel lement». N o u s sommes t o u t

69. aveu x a P' T 0 > v - Selon une tradition attestée déjà par H É S I O D E , THÉOGONIE, 927, Héphaistos n'a pas de père, ayant été créé par Héra seule. CF. aussi PLUTARQUE, QUESTIONS CONVIVIALES, 685 A, à propos des vertus aphrodisiaques du sel : on aurait donné au sel le nom de Charités parce qu'il transforme la nécessité de manger en plaisir.

70. Dans un hymne, CF. E. CHIERA, « Sumerian Religious Texts », CROZER \THEOLOGICAL

SEMINARY BABYLONIAN PUBLICATIONS I, n» 1, planche VII, col. VI, ligne 26 ; pour ce texte voir, en dernier, W. H. P . RÔMER, OP. CIT., p. 128, la déesse Inanna porte le titre de « volupté des têtes noires », c'est-à-dire des hommes (HI-LI SAG-GU).

71. R A XI, 1914, p. 153, note à la ligne 7, et X X I I , 1925, p. 174, note 6. 72. P . 86, note 22. 73. Voir SUPRA, p. 90. 74. IV R 18, n" 3, col. IV, lignes 1 SQ. CF. K. F. MÛLLER, MVAG 41. 1936, 3, p. 58.

Il n'est pas certain que cette incantation, faisant partie de la même série MTS PT ait été récitée au cours du sacre du roi assyrien. Voir, à ce sujet, R . LABAT, LE CARACTÈRE RELIGIEUX

DE LA ROYAUTÉ BABYLONIENNE, p. 187.

75. Dans l'inscription d'un sceau-cylindre d'époque cassite (CF. S. LANGDON, R A XVI , 1919, p. 79, lignes 1-2), la déesse Bêlit Nippur est appelée «Dame remplie de séduction » (BE-EL-TUM KU-ZU-UB-TUM). CF. SUPRA, p. 92, note 54.

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96 La splendeur divine

proches de l'expression grecque zd:p'~ ù'ci1tzÀ5.l1-ltz't"o ltoÀÀ+, : « (bijoux) qui irradiaient un charme infini)), expression stéréotypée, mais justement à ce titre très importante, qui est employée par Hésiode (Théogonie 583) à propos des bijoux qu'Héphaistos a ciselés pour Pan dora, mais que l'on retrouve avant Hésiode, dans Iliade XIV, 183, à propos des bijoux dont se pare Héra au moment d'aller chez Zeus, et aussi dans Odyssée XVIII, 298, lorsqu'on décrit les bijoux offerts par Eurydamanthe à Pénélope. En disant dans l'invocation aux pierres qu'elles sont « pleines de séduction)), on exprime l'attrait que leur chatoiement exerce irrésistiblement sur qui les regarde. Ce pouvoir de séduction est analogue à celui que le maquillage confère à l'œil, dont il accroît l'éclat, ou bien à la peau du visage, dont il rend le teint plus chaud. Sur un autre plan, celui du langage, l'adjectif kunzubu-Jwzzubll, lorsqu'il sert à qualifier la parole, exprime la séduction consciemment trompeuse de certains propos, la flatterie, 7. et en définitive, aussi la déception qu'ils provoquent, et le mensonge. Dans ce cas, kunzubu traduit le sumérien gùn-gùn qui

a le senr:. de: être polychrome, tacheté et, en même temps brillant. 77 Des plOpOS flatteurs attirent et séduisent l'esprit de celui qui en est l'objet, de la même manière que le chatoiement d'un tissu polychrome charme et fixe le regard. La pensée joue ici entre des notions étroitement apparentées et, dans un certain sens, réversibles et réciproques.

La relation que nous venons d'indiquer entre bi-li: kuzbu, d'une part,

et les métaux et les pierres précieuses, d'autre part, est mise encore plus en relief par le fait que bi-li apparaît parfois, non seulement comme

l'éclat des bijoux, mais comme le bijou lui-même. C'est ainsi que dans un texte de l'époque séleucide, après avoir décrit minutieusement l'habillement rituel du roi au moment où il « prend la main des dieux)) 73, et énuméré trois hampes de couleurs diverses (sibiu, blanc et vert), on cite le HLLI • Inanna azkaru ···kunukku ....... kisâdi u sa-mar burâ~i. La prés~ence ici de cet objet, HI.LI d'Inanna, et le fait qu'il soit nommé avant le croissant, le sceau que le roi porte au cou et l'anneau d'or, semblent indiquer qu'il s'agissait d'un ornement et, très probablement, d'un bijou qui était en relation avec la déesse Inanna. 79 Il se pourrait

76. En parlant d'un chien qui flatte (son maltre), cf. W. G. LAMBERT, Baby/onian Wisdom Literature, p. 302, note aux lignes 103-106, et \V. VON SODEN, Akkadisches HandwiJrterbuch, p. 467 b, s.v. kazdbu(m).

77. Cf. CT XVIII 34, ligne 23 : KA -gùn -gùn -nu: MIN (kun:ubu) sa a-rna-Ii.

Cf. W. G. LAMBERT, ibid. De même en hébreu le verbe J:!br a le sens de rendre polychrome, d'embellir, et aussi de tenir des discours brillants. Voir infra, p. 117, note 69.

78. A. FALKENSTEIN, «Zwei Rituale aus seleukidischer Zeit., ADOG XY, 1956-1957 (1960), p. 40, ligne 11.

79. A. FALKENSTIiIIN (i bid., p. 4-1, note 11) renvoie pour .I.::lLLI : boucle, à B. LANDSBERGER, JCS V,1951, p. 15, et il ajoute: «Also 'Locke' wie sie Inanna trâgt '.

Palpitation lumineuse et force vitale 97

qu'il s'agisse de cet objet en forme de « boucle d'Hathofl> que l'on voit parfois porté en breloque au poignet ou en pendentif au cou de certains personnages. 80 Faut-il voir, dans ce bijou, le bi-li qu'Inanna prend pour

le mettre à son front ou sur son visage au m~ent d'entreprendre son voyage dans l'au-delà ? 81 Dans ce cas, mon essai d'interprétation sur bi-li comme signifiant, dans ce passage, un comportement ou une expres-

sion plutôt qu'un objet concret, tomberait, naturellement. Seules les découvertes futures nous diront peut-être un jour quelle est la vraie explication.

Lorsque S. N. Kramer traduisait en anglais bi-li par « radiance}), sa tra

duction, bien qu'inexacte, était somme toute conforme aux directions de pensée que je viens de tracer. Le plaisir, la joie, l'épanouissement sexuel, le sexe proprement dit, tout cet ensemble de sentiments, d'attitudes, d'objets qui constituent bi-li en sumérien et kuzbu en accadien, peut être

en définitive assimilé à une manifestation de lumière. Le fait de briller intensément peut aussi apparaître comme une manifestation de cet épanouissement que les MésopotallÙens appelaient bi-li : kuzbu. Nous

l'avons déjà noté plus haut 82 à propos des pierres précieuses qu'on dit remplies d'épanouissement, de kuzbu, pour signifier qu'elles étincellent intensément. Nous le notons également dans cette invocation à IStar où melammu, rasubbaiu et namrirrû apparaissent comme des notions presque interchangeables : « Elle est sublime, elle est sublime, elle est grande, parée de splendeur, celle qui regorge de flaboiement, la fille de Sin couverte de volupté, celle qui est pleine d'éclat)) (sar-bat sar-bat sur-bat melamme zu-'-na-at malat[·' rasubbatu] ma-rat 'Sîn IjLLI ul-lu-ba-at malar' namri-ri). 83

C'est dans une mentalité très proche de celle dont nous venons de dessiner les contours qu'il faut probablement chercher le sens du commentaire déroutant et inattendu que le Talmud donne du passage de Samuel, XXV, 20 : le verset décrit seulement la première rencontre entre David et la belle et sage A.bigail, qui vient à lui afin d'apaiser sa colère par un don de victuailles. Le verset dit: « Comme elle (Abigail), montée sur un âne, avançait dans un endroit couvert de la montagne, voici que, David et ses hommes descendant vers elle, elle les rencontra ». Or, voici comment le

80. E. DOUGLAS VAN BUREN, ArO IX, 1933-1934, p. 165-171, interprète le symbole de la • boucle. comme représentant un lange pour emmailloter le nouveau-né. Cf. le cylindre assyrien reproduit, ibid. à la page 168, fig. 5 : devant un dieu assis, se tient un adorant qui porte suspendu au poignet, comme une breloque, la • boucle •.

81. Voir supra, p. 85-86. 82. Cf. p. 95.

83. E. EBELING, Die akkadische Gebetsserie • Handerhebung., p. 152, K(onstantinope/) 534 c, lignes 2-4.

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98 La splendeur divine Palpitation lumineuse et force vitale 99

suivent leur chemin sans se laisser détourner , ni à droite, ni à gauche . Si le b u t est légitime, comme lorsqu'il s 'agit de redresser u n e injustice e t de répare r une offense — et, dans le cas de T a m a r e t d'Abigail , elles doivent l ' une et l ' au t re faire face à une si tuat ion injuste — peu i m p o r t e n t les moyens auxquels elles doivent recourir et si elles sont obligées de se m e t t r e provisoi rement hors de la norme. L 'une en se p ros t i t uan t à son beau-père l ' au t re en p r e n a n t le contre-pied de la volonté de son m a r i e t en v e n a n t offrir à un chef de bande , que son m a r i a repoussé, ce que ce ce dernier lui ava i t refusé, se m e t t a n t de la sorte à la merci d 'un é t ranger , agissent en opposit ion complète avec leur milieu, qui exige a v a n t t o u t que la femme soit soumise a u chef de famJle , père, beau-père ou mar i . L e u r condui te es t p rop remen t scandaleuse mais elle se situe à un niveau si élevé, celui de l 'action héroïque où l 'anticonformisme est nécessaire e t inévi table , que Yahwé sanct ionne leur conduite en r endan t fécond le v e n t r e de T a m a r e t en p e r m e t t a n t à Abigail, pa r la m o r t providentiel le de Naba l , de devenir l 'épouse légitime de David .

E n associant la nudi té e t la beau té à la luminosité, le commenta i re du Ta lmud à I Samuel X X V , 20 met l 'accent sur un aspect de la quest ion que nous n ' av ions pas encore eu l'occasion d 'aborder . On ne p e u t évid e m m e n t teni r compte d 'un essai d 'explication rat ional is te selon laquelle l ' a t t i rance que la beau t é d'Abigail exerce sur Dav id est telle qu 'en la suivant , celui-ci pa rv ien t à sortir du noir défilé, comme s'il s 'é ta i t agi d 'un pha re écla i rant la sombre n u i t . 8 8 D 'au t res exemples t i rés du Ta lmud m o n t r e n t sans ambiguï té que ce r a p p o r t ent re la beau té nue e t la lumière n 'es t pas ici un cas isolé e t une métaphore p o é t i q u e . 8 9 P a r ailleurs, nous connaissons d ' au t res s i tuat ions où la nudi té féminine joue un rôle don t les effets semblent , de pr ime aboid , difficiles à interpréter . A v a n t tou t , des faits a rabes . A l 'époque pré-islamique et p e n d a n t les premières années de l 'Hégire, les femmes représentées p a r une ou deux pa rmi les plus belles e t nobles d ' en t re elles — en général des filles de chefs — prenaien t une p a r t act ive a u x batai l les les plus impor tan tes , lorsque l 'avenir de leur clan é ta i t engagé. Leur rôle n ' é ta i t p o u r t a n t pas de se b a t t r e à côté de leurs compagnons . Installées dans une t e n t e en cuir rouge — la qobbeh préislamique — hissée sur un chameau de très h a u t e taille qu ' en toura ien t les plus braves de leur clan, ces femmes é ta ient guidées au plus fort de

8 7 . Genèse X X X V I I I , 1 4 . 8 8 . C'est le commentaire de M. Simon dans I. EPSTEIN, The Babylonian Talmud,

Megillah, 1 9 3 8 , p. 8 4 , note 6 , au passage en question. 8 9 . Cf. L. GINZBERG, Legends of the Jems II, p. 1 7 1 ; V, p. 1 1 4 , 2 2 1 . D'autres com

mentaires rabbiniques associent au contraire l'adultère aux ténèbres : on expliquera le passage de Nombres V, 1 5 selon lequel on ne doit pas verser de l'huile sur la femme suspectée par son mari d'avoir commis adultère : • parce que l'huile est lumière et moyen pour éclairer, et cette (femme adultère) aimait les ténèbres» (ODEBERO, IV Gospel, p. 1 4 4 ) .

t r a i t é Megillah u commente le passage : Abigail sur son âne éclaire pour Dav id la rou te obscure grâce à sa nudi té et « David m a r c h a dans sa lumière p e n d a n t dix milles». Si ce passage du Talmud é t a i t le seul à associer nud i t é e t lumière, nous ne nous y arrê ter ions pas , mais tel n 'es t pas le cas. Le t ra i té Berakhoth85 cite le cas de r abb i J o h a n a n , d o n t la pres tance é t a i t célèbre de son t emps , qui éclaira une chambre obscure en d é n u d a n t son bras .

Quel est l 'arr ière-plan de l 'histoire de David e t d 'Abigail ? Abigail es t la femme du riche Naba l auquel David demande un t r i b u t en vivres, en échange de la protect ion qu ' i l a accordée à ses bergers. L'exigence de Dav id est légitime : elle se situe dans u n monde de re la t ions réciproques, de don e t contre-don en t re des catégories sociales différentes : ici, le chef mil i taire, e r r a n t d 'un coin à l ' au t re du pays , exige d 'ê t re payé en re tour pour les services qu' i l a rendus à un riche propr ié ta i re de t roupeaux . L ' u n a la force physique, mais pas de quoi nourr i r ses hommes ; l ' au t re , p a r contre, possède la richesse, mais ne peu t la défendre qu ' en faisant appel à u n chef de bande . L a folie de Naba l , que son nom reflète en tou t e s l e t t r e s 8 6 , consiste j u s t emen t dans le fait de ne pas reconnaî t re la légi t imité de cet échange de services. Q u a n t à Abigail, sa sagesse, qui s 'oppose à la folie de son mar i Nabal , a d'ailleurs un double aspect . D ' u n e pa r t , en offrant à David, de la façon appropriée , les vivres qu 'on lui ava i t a u p a r a v a n t refusés, elle répare ad ro i t emen t l ' injustice de son m a r i envers Dav id e t calme ainsi son courroux. Mais, en agissant de la sorte, elle ne rend pas seulement un service à Nabal , elle évi te en out re que les ma ins de l 'oint de Yahwé ne soient tachées du sang de Naba l , que, sans son intervent ion , David au ra i t sûrement versé.

Son action la si tue ainsi sur le même plan que d ' au t re s femmes, jeunes , belles e t sages des anciens t e m p s d ' Israël . Comme, pa r exemple, T a m a r . Tou tes les deux sont des femmes décidées qui agissent en su ivan t leur convict ion int ime, profonde, sans p rendre conseil de personne. P o u r elles, le b u t seul compte : pour employer u n e locution biblique, on dira qu'elles

8 4 . Megillah 1 4 b (I. EPSTEIN, The Babylonian Talmud, Megillah, 1 9 3 8 , p. 8 4 ) .

Abigail, qui est la femme — et aussi l'opposée — de Nabal, le fou, est considérée par la Mischnah comme une des quatre plus belles femmes du monde (cf. ibid. 1 5 a), mais sa beauté est inséparable de sa sagesse (cf. J . P E D E R S E N , Israël I-II, p. 6 9 ) .

8 5 . Berakhoth 5 b. On pourrait citer également, à propos de l'éclat du visage du juste, un autre passage (JELLINEK, Bet-ha-Midrasch III, p. 3 3 sq. ; traduction : IV, p. 2 3 9 ) :

«... les justes, chacun par rapport à sa gloire, vêtus d'une robe royale en perles, et chacun siège tel un roi sur son trône d'or, et, en face de chacun, est une table de perles, et dans la main de chacun est une tasse d'or..., et l'éclat de leurs visages va d'un bout du monde à l'autre, comme l'éclat du soleil ».

8 6 . Sur les sens multiples de l'« insanité » dans la Bible, cf. l'excellent article de A. CAQUOT. Revue de l'histoire des religions CLV, p. 1 sq. Nabal est aussi l'avare ou plutôt celui qui ne sait pas être généreux, qui ne nourrit pas l'affamé ni ne désaltère l'assoiffé, selon Isaïe X X X I I , 6 b.

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100 La splendeur divine Palpitation lumineuse et force vitale 101

en sa faveur, mais sa nudi té , qui est l'essence même du ri te, reste cachée par les r i deaux de la ten te , à l 'abri des regards de ses fidèles comme de ses e n n e m i s . 9 2 P a r contre, il y a encore quelques années, dans certaines t r i b u s bédouines , ent re aut res les Rwala , l 'essentiel du ri te ancien ava i t survécu dans son i n t ég r i t é 9 3 , e t même là où il a disparu, les chan t s guerriers en ga rden t encore le souvenir v i v a c e . 9 4 La ten te , où une seule femme prend place, s 'appelle otfe, et, pa r ce nom, on désigne également celle qui l 'occupe — témoignage év ident du lien qui lie l 'une à l 'autre , la t en t e et la femme. L'otfe a p p a r a î t comme le reliquaire et le noyau v i ta l du clan. Si elle t o m b e a u x ma ins de l 'ennemi, celui-ci se hâ te ra de la détruire , r e n d a n t ainsi impossible la construct ion d 'une nouvelle otfe qui ne peu t se faire qu ' en ut i l i sant u n e pa r t i e de l ' anc i enne . 9 5 Celle qui anime, pa r sa présence, cet objet sacré a p p a r a î t comme une sorte de figure de proue du clan ou de la t r ibu . C'est à elle qu ' incombe la t âche de choisir la rou t e à suivre e t de guider le chameau vers le point où la batai l le aura lieu. Mi-déesse, mi-prêtresse, elle possède des pouvoirs d iv ina to i r e s 9 6 inhérents à sa fonction, et lorsqu'el le a p p a r a î t à la pointe du combat , se t e n a n t droi te dans l'otfe, les cheveux f lo t t an t sur les épaules, les épaules et la poi tr ine nues, ce caractè re rel igieux qui l 'entoure est por té à son plus h a u t po in t : elle est devenue, p a r le jeu des circonstances, l 'enjeu de la b a t a i l l e . 9 7 T a n t qu'elle est au pouvoir des siens, la victoire est toujours possible : parce qu'elle est la F o r t u n e guerr ière de son clan et parfois de sa t r ibu t o u t e e n t i è r e . 9 8

92. L'épisode de la nudité d'Aisha est relaté seulement dans la version persane de Tabarî (traduction de Zotenberg, III, p. 661).

93. Cf. J. MORGENSTERN, loc. cit., p. 161 sq.

94. Ibid., p. 177, note 41. 95. Ibid., p. 178.

96. Ibid., p. 179.

97. Ibid., p. 171 sq

98. Ibid., p. 184 sq. Dernièrement, J. MOREAU (« Les guerriers et les temmes impudiques », Mélanges H. Grégoire III, p. 283-300) a rapproché des laits arabes anciens, colligés par R. Geyer (Die arabischen Frauen in der Schlacht) et par Curtiss (Ursemi-

tische Religion, p. XVI et 34), un passage de la Germanie de Tacite (8,1), où l'historien romain rapporte que, chez les Germains, lorsque le sort d'une bataille semblait défavorable, des jeunes femmes, voire des jeunes filles, se dénudaient la poitrine en priant (constantia precum et objectu pectorum), afin d'exalter le courage de leurs compagnons et de leurs frères. Il est certain qu'il y a entre l'attitude des femmes arabes dans la bataille et celles des femmes des Germains, plus d'un point de comparaison. Chez les Germains — pour autant qu'on puisse en juger d'après Tacite — l'action de la nudité est infiniment moins réfléchie et moins structurée que chez les Arabes. Il s'agit presque d'un acte spontané, dont la force ne se concentre pas sur une ou deux personnes choisies pour tenir ce rôle, comme chez les Arabes. De ce fait, le caractère rituel est beaucoup moins accentué chez les Germains, encore que Tacite signale qu'ils croient qu'il y a chez les femmes quelque chose de divin et de prophétique.

la mêlée aux endroi ts où le sort de la batai l le semblai t dou teux , et là, les cheveux f lo t tan t l ibrement sur les épaules, la poi tr ine nue, elles essayaient pa r leur a t t i tude , comme par leurs chan t s et leurs cris, de por t e r au paroxysme le courage de leurs c o m p a g n o n s . 9 0 T o u t dans cet acte d ' impudeur héroïque fait penser à un r i te t rès ancien e t t rès réfléchi, où rien n 'est laissé au hasard . Il y a d 'abord le lien qui r a t t a c h e ces jeunes filles à la qobbeh, qui est un objet sacré en lui-même e t aussi en fonction des objets qui y sont conservés. Ce lien a p p a r a î t également en d ' au t res circonstances, t rès pacifiques celles-là, à l 'occasion, p a r exemple, d 'une procession. Les jeunes filles — à ce qu ' i l semble — sont censées représenter , dans ce qu' i l a de plus pres t igieux, au physique comme au moral , l 'é lément féminin de la t r ibu . Leur présence dans le c o m b a t à côté des hommes signifie que la t r i bu joue son va - tou t . La per te du chameau e t de son précieux chargement équ ivaud ra i t en effet à une défaite to ta le dont les effets ne seront pas effacés de longtemps . Les deux jeunes filles sont donc elles-mêmes des sacra, comme la qobbeh dont elles sont inséparables. E n les conduisant au plus fort de la mêlée, on poursu i t un double b u t : insuffler u n courage ex t rême a u x guerr iers pa r ce t te présence exa l t an te mais, en même temps , cont ra indre le sort à se m o n t r e r plus favorable. En effet, dévoiler a u x y e u x de t o u t le monde e t des ennemis en particulier, à l'occasion d 'une s i tuat ion cr i t ique pour le groupe auque l on appar t i en t , les par t ies du corps que ces femmes ga rda ien t d 'ordinaire soigneusement cachées, pour ra i t cons t i tuer une forme de devotio, u n ac te où s'ajoute au sacrifice de soi u n geste d 'ou t rance d ' a u t a n t plus efficace qu' i l est no rma lemen t in te rd i t . Le b u t poursuivi pa r ces femmes serai t de cont ra indre les guerriers, d o n t le courage défaille, à se hausser a u m ê m e niveau que leurs compagnes en u s a n t des formes normales de l 'héroïsme mâle, c 'est-à-dire vaincre e t mour i r . Mais, comme t o u t e devotio, il s 'agit ici d 'une action à efficacités mul t ip les , qui vise à influencer, non seulement les guerriers de la t r ibu , mais également les guerriers ennemis qu 'on cherche à démoraliser en leur faisant sentir que le geste de ces jeunes filles est u n engagement t o t a l . 9 1 Désormais , c 'est seulement en c a p t u r a n t les femmes ou en les t u a n t qu ' i ls peuven t espérer vaincre. C'est le m ê m e ri te, mais déjà t o u t à fait déna turé , qu 'Aisha accomplira contre Ali, lors de la batai l le du Chameau, en 656. Enfermée dans la t en t e rouge, un hotvdag, qui a é té installée sur un chameau, le Coran à côté d'elle, Aisha se dénude pour dé terminer le sort de la batai l le

90. Je renvoie à l'étude, la plus récente (1942-1943) et à la mieux documentée sur la question, de J. MORGENSTERN, « The Ark, the Ephod and the Tent », qui a paru dans HUCA XVII et X V I I I ; dans la première partie surtout (XVII , p. 157 sq. : sur la otfe ; p. 210 sq. : sur la qobbeh) sont réunis les témoignages les plus importants, anciens et modernes, sur cette institution.

91. Cf. J. MORGENSTERN, loc. cit., p. 220, qui rappelle le cas de Selma tel que le raconte Tabarî (version persane, traduction de Zotenberg, III, p. 252-254).

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CHAPITRE VIII

Couleur et éclat

Certains passages des ri tuels dans lesquels A. L. Oppenheim ava i t cru reconnaî t re des allusions a u po r t r i tuel d 'un masque (puluhtu) de la p a r t du prê t re exorciste masmasu 1, von t nous permet t re d 'é tendre encore le cercle des not ions qui nous a ident à comprendre ce que les Accadiens en tenda ien t par splendeur.

Dans un passage d 'une incanta t ion bilingue suméro-accadienne 2 , qui a é té t r a i t é à plusieurs reprises pa r différents savan t s », le prê t re masmasu s 'apprê te à exorciser l 'être démoniaque qui est censé avoir pris possession du corps du malade . Pour accomplir sa tâche, le p rê t re s'habille en rouge et s 'adresse au démon qu'i l va combat t re , en ces te rmes (lignes 68-71) : « na-ah-lap-ta sa-an-ta sa pu-luh-ti ah-ha-lip-ka su-ba-ta sa-a-ma su-bal nam-ri-ir-ri zu-mur ellu û-lab-bis-ka : « d 'une étole rouge de puluhtu, je me suis recouver t pour toi ; d 'un v ê t e m e n t rouge, d 'un v ê t e m e n t de namrirrû, j ' a i revê tu pour toi (mon) corps pur» . La t r aduc t ion du sumérien est

1. Cf. supra, p. 10, note 1. 2. C T X V I , 28.

3. W. SCHRANK, « Babylonische Suhnriten », L S S III, 1, 1908, p. 28; C. FRANCK, • Babylonische Beschwôrungen », L S S III, 3, 1908, p. 38-39; A. FALKENSTEIN, «Die Haupttypen der sumerischen Beschworung », L S S N F I , 1931, p. 27.

CASSIN. 8

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104 La splendeur divine

légèrement différente, t o u t en n ' a l t é r an t pas le sens fondamenta l du pas

sage. L e prê t re di t en effet : «d 'une étole rouge de r ayonnemen t (ni), il

(le dieu) m ' a recouver t ; d 'un vê t emen t rouge, d 'un vê t emen t d 'éclat (nl-

gal), il a r evê tu mon corps pur » (tùg-gû-k-sas ni-te-na-lil gù-mal ne-in-tùg

tûg sa-tùgs nt-gal-la-lll bar-kù-ga ne-in-tùg).

Le sumérien n ' insis te pas , comme l 'accadien, sur le fait que c'est pour la nécessité du comba t que le masmasu s 'habille en rouge. Ces lignes nous m o n t r e n t le masmasu s 'habi l lant complè t emen t de t issu rouge, lequel est di t à deux reprises source de splendeur (namrirrû e t puluhtu). Pa r d ' au t res r i t u e l s 4 nous savons que dans l ' é t ique t te ves t imenta i re des prê t res mésopotamiens , la couleur rouge é ta i t de r igueur pour affronter les puissances démoniaques . Dans un de ces r i t ue l s " on insiste sur la couleur uni formément rouge que devai t avoir la t enue cérémonielle du masmasu : nahlapla sanla ihhalap subâla sâma illabis : « il se couvrira d 'une étole rouge, il revêt i ra un v ê t e m e n t rouge». Non seulement le vê temen t devai t être rouge, mais éga lement cet te sorte de chasuble ou d'étole qui recouvra i t , p a r dessus la robe, les épaules e t la poi t r ine du prêtre . En outre , le commenta i re au r i tuel connu sous le n o m de « la mise en demeure de Marduk a u x démons » 6 donne deux expl icat ions possibles pour la ligne 6 : sd nam-ri-ir lit-bu-sû ma-lu-û pul-ha-a-ti : « (Marduk) qui est revê tu d'éclat , qui es t plein de r ayonnemen t» , à savoir : la première, c'est : « au sujet du Seigneur qui, à par t i r du mois de Saba t j u s q u ' au mois d 'Adar . . . est habil lé en L a h m u e t por te (ou, est plein de) Yanûiu » ; la seconde, qui est celle qui nous intéresse ici : « il di t cela au sujet du masmasu qui est équipé d 'un vêtement . . . rouge» (assum ''masmasi sa sâma saknun" iq-ta-bi). Ce passage est impor t an t parce qu 'en voulan t expliquer le namrirrû don t Marduk est revêtu , le t e x t e fait allusion au vê t emen t rouge m o n t r a n t ainsi que , dans l 'espri t de son au teur , l 'éclat et la couleur rouge sont si é t ro i t ement associés qu 'on peu t les m e t t r e sur le même plan et plus encore qu 'on p e u t expliquer l 'un pa r l ' au t re .

On a tendance à considérer que les Mésopotamiens a t t r i bua ien t une valeur funéraire à la couleur rouge. Ceci exige une mise au point . E n Mésopotamie, comme ailleurs, le rouge est le point de dépar t de not ions t rès anciennes et t rès complexes de richesse et de p o u v o i r . 7 C'est a v a n t

•1. Cf.. par exemple, H . ZIMMERN, Beitràge zur Kenntnis der babylonischen Religion, n" 2 6 , I, ligne 2 5 sq. ; I I , ligne 8 sq., R. F . HARPER, ABl, n" 2 4 , ligne 1 4 .

5. H . ZIMMERN, ibid. 6. Cf. W . G. LAMBERT, AfO X V I I , 1 9 5 4 - 1 9 5 6 , p. 3 1 3 , ligne 6. Les lignes suivantes

associent encore la splendeur au turban ( t 4« BAR [?). S I ) rouge. 7. Louis Gernet a mis en lumière cette association de l'étoffe rouge et en particulier

de la pourpre et de l'or dans son étude sur la « Notion mythique de la valeur en Grèce t, Journal de psychologie, 1 9 4 8 , p. 4 2 8 - 4 2 9 ; voir également, sur l'ambivalence du tissu rouge, p. 4 2 9 .

Couleur et éclat 105

tou t la couleur de base de la mat ière précieuse, objet de commerce et de don, la pourpre : tabarru (pourpre bleue) e t takiliu (pourpre violet te) , mais c'est aussi la couleur ét incelante de l 'or rouge ( K U . G I . H U S . A : hurâsu russu, hurâsu sâmiï)8 et celle du feu 9 ; aussi ou, peut -ê t re , a v a n t tou t , la couleur du sang. Le vê tement rouge, comme le v ê t e m e n t d ' o r 1 0 , est un vê temen t propre a u x dieux. Ainsi, lorsqu'on s 'apprê te à p ra t ique r sur un dieu le r i t e de « lavage de bouche » (mis pî) qu i doi t lui r edonner de nouvelles forces e t du mana, on dépose devan t sa s t a tue un vê t emen t rouge t and i s q u ' u n vê t emen t b lanc est placé à ses côtés. On a voulu voir dans ce dualisme chromat ique un symbole du r i te . Le vê t emen t rouge signifierait que, dans le r i te, le dieu doit ê tre considéré comme mor t , t and is que le v ê t e m e n t b l anc symboliserait sa renaissance. Cet te in te r pré ta t ion va beaucoup t r o p loin. Elle répondai t au désir qu ' ava i t , à ce t t e époque, son au teur , E . E b e l i n g " , d ' inclure le r i tuel du mis pî dans une théorie générale du «dieu qui m e u r t et qui rena î t» . Il est p robab lemen t exact que le vê t emen t rouge, placé devan t le dieu, et le v ê t e m e n t blanc, placé à côté de lui, do ivent me t t r e en évidence deux m o m e n t s essentiels du r i te . D ans la mesure où l'étoffe rouge qui représente le vê t emen t quotidien du dieu, s 'oppose à l'étoffe b lanche laquelle, dans ce r i t e comme ailleurs, est signe de purification e t de renouvel lement , leur présence à côté e t en face de la s t a tue divine t r a d u i t la t ransformat ion que le r i te du mis pî a fait subir au dieu, don t les forces on t é té renouvelées, mais on aura i t t o r t de chercher au t r e chose.

8. Quelquefois écrit sans hurâsu : sa-a-mu ru-u£-Sa-ù : (or) rouge couleur de flamme ( F . THUREAU-DANGIN, Une relation de la huitième campagne de Sargon, planche XVIII , ligne 3 7 1 ) . Pour l'or rouge, « rotglanzendes Gold », qui est un alliage spécial, cf. A. FALKENSTEIN, Sumerische Gôtterlieder I, p. 5 5 . On a aussi le KtJ.HliS où KIJ ne désigne pas l'argent, mais simplement le métal précieux ; cf. A. FALKENSTEIN, ibid., et H. LIMET, Le travail du métal au pays de Sumer au temps de la troisième dynastie d'Ur, p. 4 3 , note 1 et p. 4 6 .

9. Istar est invoquée comme « celle qui est revêtue de feu » ( d GIS.BAR lit-bu-Sat : Assurbanipal, VAB VII, 2 , p. 7 8 col. IX, ligne 8 0 ) . Parmi les plus anciens prophètes d'Israël, Déborah (Juges IV, 4 ) , qui est la femme de Lapidoth, est de ce fait appellée « femme de flamme (s) ». Cf. Traité Megillah. Baraq ne serait d'ailleurs qu'un autre nom de Lapidoth parce que «son aspect brillait comme des éclairs » (Megillah, 1 4 a).

1 0 . Pour le vêtement d'or comme vêtement divin et royal, cf. l'étude si riche de détails techniques d'A. L. OPPENHEIM, « The Golden Garments of the Gods », JNES VIII, 1 9 1 9 , p. 1 7 2 sq. Le vêtement d'or est, en réalité, la manifestation extérieure de la consubstantialité de l'or au dieu ; j'ai essayé d'attirer l'attention sur ce fait dans « Le pesant d'or », Rivista degli Studi Orientali X X X I I , 1 9 5 7 , p. 8 , note 5 , p. 1 0 - 1 1 .

1 1 . E . EBELING, Tod und Leben nach die Vorstellungen der Babylonier, I, p. 1 0 0 .

Pour une association du rouge et du blanc dans certains comportements rituels, cf. ibid., p. 1 2 9 , ligne 2 1 (association parallèle entre pierre rouge et lapis), ligne 2 2 et p. 1 5 0 , ligne 4 4 (tisser de la laine rouge avec de la blanche). — F . THUREAU-DANGIN, Rituels accadiens, p. 1 8 , ligne 1 4 .

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106 La splendeur divine

Se vêt i r de p o u r p r e 1 2 ne peu t signifier, de la p a r t d 'un morte l , qu ' une

os ten ta t ion intolérable de pouvoir : en généra l , celui qui ose se couvrir

d 'une étoffe rouge e t t ransgresse les l imites humaines en s 'arrogeant ce

qui cons t i tue la p a r t du dieu, suppor te lu i -même les conséquences de son

a c t e . 1 1 U n proverbe le dit : « L ' h o m m e sage se couvre d 'un cache-sexe

t a n d i s que le fou s 'habille d 'écar late » (na-an-duq er-sû su-bal bal-ti nu-'-ù ù-

lap da-me la-bis).14

Da ns le cas qui nous occupe ici, nous avons v u le masmasu, au m o m e n t

d 'affronter un démon, se parer complè t emen t de rouge e t de lumière. Le

con tac t avec le t i ssu rouge, dans la mesure où il const i tue une épreuve

redoutab le , une sorte de devotio, a la va leur d 'une ordalie qui confère à

l 'exorciseur les ve r tu s nécessaires pour t r iompher de l 'adversaire. Le

compor t emen t du masmasu pe rme t t r a i t des r approchemen t s lointains et

i n a t t e n d u s : avec le général romain , p a r exemple, qui , au m o m e n t de

l ivrer le comba t décisif, a p p a r a î t sur le c h a m p de bata i l le revê tu de son

paludamentum où le rouge domine ou encore, de nos jours — pourquoi

pas ? — avec le to re ro qui descend dans l ' a rène vê tu de «lumière», c'est-

à-dire d 'or . Dans ces exemples, don t la l is te pou r ra i t ê t re allongée à loisir,

la va leur ordal ique du tissu rouge ne fai t p a s de doute . T o u t comba t

difficile exige de celui qui le livre qu ' i l obt ienne , à t r a v e r s des épreuves

successives — et le po r t du v ê t e m e n t rouge en est ce r ta inement une — la

qualification religieuse qui lui p e r m e t t r a d'affronter l 'adversaire avec

les p lus grandes chances de le v a i n c r e . 1 6

12. Un témoignage du lien qui est senti encore de nos jours entre la pourpre et l'or, est fourni par la cérémonie de la pesée rituelle À laquelle est soumis l'Imam des Ismaelis, l'Agha Khan, l'année de son jubilé. Lorsque l'Agha Khan est apparu en janvier 1936 À Hasnabad À ses fidèles assemblés, pour s'asseoir sur le plateau de la balance qui lui était destiné, — l'autre étant réservé aux lingots d'or — il était vêtu de pourpre. Cette couleur de vêtement convenait parfaitement À celui dont la consubstantialité avec l'or allait se manifester par le moyen de la pesée. Cf. « Le pesant d'or », p. 10 et note 1.

13. Le mécanisme pour ainsi dire inéluctable de cet acte n'apparaît nulle part avec plus d'évidence que dans le tapis de pourpre que Clytemnestre (ESCHYLE, Agamemnon, 905-957) étale aux pieds d'Agamemnon au moment où il va passer le seuil du palais.

. Le roi hésite mais il finit par fouler de son pied la matière précieuse. Ayant ainsi agi, il est perdu. Et L. G E R N E T (Notion mythique de la valeur en Grèce, p. 429) note : « Aga

memnon consomme sa propre perte en s'assimilant aux dieux, en acceptant la consécration sinistre que réalise le contact avec l'étoffe de pourpre ».

14. RA XVII, 1920, p. 157, ligne 13 ; W. G. LAMBERT, Babylonian Wisdom Lilerature,

p. 228, lignes 13-14. CAD 17, S , p. 225 a, traduit par contre, ce proverbe : « the wise man wears a gorgeous garment, the fool is clad in a bloodstained rag ». Cf. pour subat bâlti, supra, p. 84 et note 7.

15. Jules César portait dans la bataille un paludamentum rouge. De bello gallico. VII , 88 (bataille d'Alésia) : « eius adventu ex colore vestitus cognito ».

16. L'étoffe rouge joue en Grèce un rôle, qui n'est pas sans nous rappeler celui du vêtement du maSmalu, dans des combats contre un ennemi dont on ne peut venir À bout qu'en utilisant des artifices magiques. Ainsi Médée se servira d'une étoffe de

Couleur et éclat 107

Nous venons de faire allusion, à propos du vê temen t divin, à l 'affinité

ex i s tan t en t re la pourpre e t l 'or. Ceci va nous pe rme t t r e une cons ta ta t ion

plus générale. Il y a en t re les deux mat ières précieuses une pa ren t é cer

t a ine , on pour ra i t dire des va-et-vient cons tan ts .

Argamannu qui désigne en accadien un t y p e de pourpre , est d o n n é

pa r un vocabula i re comme synonyme d'arqu™, appellatif de l'or, q u i

ser t à décrire la couleur du poil de certaines b r e b i s l 9 , re jo ignant en cela

l 'hébreu où admoni, qui signifie p roprement rouge ( L X X : J C U P P A X T ) ? ) , es t

employé pour désigner les cheveux b l o n d s . 2 0 De m ê m e l 'accadien hussu

définit aussi bien un t y p e d'or qu ' un v ê t e m e n t de p a r a d e r o u g e - f e u 2 1 :

j u s q u ' a u n o m d 'un cosmétique, IM. K Ù . G I , c 'est-à-dire, la poudre d ' o r

qui correspond en accadien à Mur pàniM, un fard, t rès p robab lemen t rouge ,

pourpre ('•») Sé irnixa T C O P Ç T P É I O ) contre le presque invulnérable Talos (APOLLONIUS D E

R H O D E S , Argonautiques, IV, 1661 sq.). De même, l'étoffe rouge qu'Amphitrite donne, avec la couronne, À Thésée, est peut-être en relation avec le combat qu'il va livrer au Minotaure.

17. En hébreu : argaman ; en persan, argaoân est le nom d'une fleur À laquelle on compare les joues d'un être jeune et heureux. Cf. M. MOKRI, Bizan-u ManCja, p. 31 .

18. C'est l'or jaune-vert. Cf. H . LIMET, op. cit., p. 43, note 1.

19. Cf. le vocabulaire HAR.ra : hubutlu, tablette X I I I (A.L. OPPENHEIM- L. F. H A R T -MAN, JNES TV, 1945, p. 162)nigne 102 : U D U . S I G 7 . S I G 7 : âr-qa.

20. Par exemple, À propos des cheveux de David (I Samuel XVI , 12) et d'Esau (Genèse L X X V , 25). J. DUCHEMIN, Pindare, poète et prophète, p. 196 et sq., remarque l e

même phénomène en grec À propos des boucles blondes de Jason qui 1 incendiaient tout son dos » ( P I N D A R E , Pythique, TV, 83).

21. Cf. CAD 6, H , p. 262 a ; W. VON SODEN, Akkadisches Handworterbuch, p. 361 b .

22. L'hypothèse émise par S. Langdon (Illustrated London News, 8 février 1930, p. 206) et reprise par R. C. Thompson (Dictionary of Assyrian Chemistry and Geology,

p. 32) et par R. J. Forbes (dans C. SINGER, E. J. HOLMYARD et A. R. H A L L , A History

of Technology I, p. 294), que les Sumériens se peignaient la figure en jaune, est basée sur un indice assez mince : la trouvaille d'une tête virile en terre cuite que L. Watelin avait faite en fouillant la « couche rouge » deKiS. Il s'agit d'une tête peinte en ocre jaune: la barbe, les cheveux, les sourcils, les cils et les pupilles des yeux sont peintes en noir. Selon S. Langdon, mais L. Watelin ne souscrit pas à cette hypothèse, la tête appartiendrait au niveau de Jemdet-Nasr et elle aurait été conservée comme un objet précieux pendant des siècles. Il est probable, en effet, que la tête peinte en jaune avait une qualification religieuse, mais ce fait constituerait plutôt un élément contre la thèse selon laquelle les Sumériens se fardaient habituellement de jaune-or. La contradiction entre le sumérien IM.KU.GI et l'accadien illur pdni pourrait s'expliquer, À mon avis , par un autre biais. Selon qu'on désigne par ce fard la poudre, qui en constitue l'élément de base, ou le cosmétique qu'on obtient, une fois ajoutés à cette poudre l'huile et d'autres ingrédients, il s'agira soit d'une poudre d'or, genre terre de Sienne, soit d'un fard rouge.

Selon C. de Landberg (Étude sur les dialectes de l'Arabie méridionale, I, Hadramût,

p. 79-80), les femmes d'Hadramout se peignent le corps, pour en rehausser la beauté, avec une décoction de safran des Indes et de memecylon tinctorum. Elles donnent comme raison de cet usage que cela rend la peau blanche et garantit du froid. C'est probablement en vue d'un emploi similaire qu'à Datînah, l'époux doit fournir à son épouse dans la période de Yinchoate marriage (c'est-à-dire pendant le temps où la jeune fille continue, bien que le mari ait déjà versé une partie du prix d'achat, à habiter chez ses pa-

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108 La splendeur divine

pour le visage. E n effet, illuru est le n o m d 'une fleur et d 'une baie rouge-sang. Sargon se v a n t e d 'avoir te int , avec le sang des ennemis la plaine, les m o n t s e t la campagne de la couleur de Y illuru.23

Les raisons de ce t t e assimilation sont mul t ip les : a v a n t t o u t — mais nous le verrons par la sui te M , ce n ' es t là q u ' u n des aspects de la question —• pourpre e t or sont l 'une et l ' au t re des mat ières du même t y p e et elles se s i tuen t sur un même plan. Si la pourpre est le sang, donc l 'essence de la vie, l 'or, mat ière solaire, est, comme j ' a i déjà eu l 'occasion de l ' indiquer ail leurs M , le semen des d i e u x 2 a , l 'étalon du p u r 2 7 , du jus te et du n o b l e . 2 8

I l semble d'ail leurs que l 'or ne soit devenu l 'é talon de la va leur économique que parce qu ' i l é t a i t d 'abord t o u t au t r e c h o s e . 2 3 Cet te vocation

rents), avec les vêtements et le beurre cuit, aussi du safran des Indes (C. de LANDBERG, ibid., II, Dallnah, 2 , p. 8 2 2 ) .

Parmi les cérémonies qui ont lieu lors du mariage chez les Arabes musulmans du petit village de Galilée, Artas, H. Granqvist (Marriage Conditions in a Palestinian Village, II, p. 1 1 3 - 1 1 5 ) décrit celle du maquillage et de la parure de la jeune mariée, qui ont lieu juste avant le moment où elle doit être mise en présence de celui qui est devenu son mari. La scène se passe dans la maison de l'époux où la jeune fille vient d'être amenée. Une femme particulièrement experte, entourée par les autres femmes de la maison, se servant d'une palette garnie de quelques cavités remplies de pâtes de diverses couleurs, étale avec ses doigts les fards sur le visage immobile, comme sans vie, de la mariée. En réalité, ce coloriage, accompagné par ci, par là, de dessins (soleil, lune, palmier) doit servir de fond de teint au tatouage qui va suivre, exécuté encore par la même femme avec une aiguille. Une fois le visage ainsi paré, on le recouvre entièrement d'une mince feuille d'or. Aussitôt après, la jeune fille se lève ; on place alors sur sa figure un tissu de laine rouge qui lui recouvre aussi le devant du corps jusqu'à mi-jambes (ibid., II, p. 6 6 - 6 7 , fig. 1 6 ) . La mariée est maintenant prête. L'époux est introduit dans la pièce, il s'approche d'elle et, à trois reprises, lui touche la figure du plat de son épée. Puis, s'y reprenant encore à trois fois, il soulève, avec la pointe de son épée, le tissu rouge qui la recouvre. Celle qu'il vient d'épouser lui apparaît alors masquée d'or comme une idole, la chaleur du tissu de laine ayant permis à la feuille d'or d'adhérer étroitement aux traits du visage. L'époux, s'aidant d'un mouchoir, enlève le masque de la figure de sa femme et elle apparaît tatouée, fardée, mais enfin humaine (ibid., II, p. 1 1 5 ) .

Dans ce cérémonial si archaïque, certainement antérieur à l'Islam, où l'on aperçoit différents plans de pensée religieuse, la convergence de l'or et du royal est évidente. La face d'or de la mariée est comme le symbole de la royauté éphémère dont chaque couple est investi au moment des noces, où, roi et reine — le vêtement de la mariée s'appelle, en effet, malake —, ils deviennent, comme dans une sorte de hiéros gamos, le point de convergence des forces productives de la nature et de l'espèce.

2 3 . IlluriS : cf. F . THUREAU-DANGIN, Une relation de la huitième campagne de Sargon,

p. 2 4 , ligne 1 3 5 : damé""* -Su-nu... as-ru-pâ il-lu-riS : « De leur sang... je teignis en rouge de la couleur de Yilluru ».

2 4 . Voir infra, p. 1 1 0 et 1 1 3 sq. 2 5 . Riuista degli Studi Orientali X X X I I , 1 9 5 7 , p. 3 - 1 1 .

2 6 . Ibid.. p. 1 0 , note 3 . 2 7 . Ibid., p. 1 1 , notes 3 - 4 . 2 8 . Ibid., p. 1 1 , note 5 . 2 9 . C'est un thème très général. Dans P I N D A R E , / " Olympique, 1 - 2 , » L'eau est la

plus utile de toutes les choses, mais l'or est un feu flamboyant qui répand son éclat, effaçant de loin la richesse orgueilleuse ». Comme le note J. DUCHEMIN, Pindare, p. 1 9 5 , il n'y a, dans cette définition de l'or, aucune allusion à sa valeur marchande.

Couleur et éclat 109

en quelque sorte congénitale de l 'or à s ' inst i tuer pierre de touche du divin et du royal , l ' amènera également à devenir en quelque sorte l 'emblème et le symbole de la réussite et de la promot ion sur le plan social. C'est u n t hème my th ique fréquent que celui du pauvre diable qui, b rusquement , à la suite d 'une action héroïque, t roque ses haillons p o u r des vê t emen t s princiers d 'or e t de pourpre . Mais l 'histoire aussi nous propose des exemples qui semblent coulés dans ce même moule. Ainsi, lorsque fut achevé le canal que Sennachérib s 'étai t engagé, par serment a u x dieux, à creuser dans un t e m p s t rès court , le roi fit habiller les ouvriers qui ava ien t accompli ce t te œuvre avec des vê t emen t s mult icolores et leur offrit des bagues et des épées d ' o r . 3 0 II est évident que, dans ce cas, la récompense a une valeur plus que matériel le . Le roi, en conférant vê t emen t s d 'un luxe royal , bagues et épées d 'or — don t ces terrassiers ne saura ient que faire — manifeste le désir d'associer à son succès ceux qui en on t é té les exécuteurs matér ie ls et de les ar racher ainsi, au moins symbol iquement , à leur humble condit ion. D a n s un sens, ces objets d 'or sont des décorat ions. Ils sont, en effet, les insignes d 'une classe, celle des nobles, les rabûte, qu i sont toujours désignés dans les inscript ions royales assyriennes comme ceux qui se t i ennen t dans des chars d 'argent , couver ts de vê t emen t s dorés, avec des bagues d'or a u x doigts et des épées d'or à leur flanc.

Le même schème, mais enflé cet te fois jusqu ' à l 'hyperbole, est présent dans la promesse que fera un jour un au t r e Sargonide, Assurbanipal , lorsqu' i l s 'engagera à donner son poids d 'or à celui qui lui ramènera , m o r t ou vif, un vassal révolté . J ' a i é tudié , il y a quelques années, la le t t re d 'Assurbanipal à son l ieu tenant Bêlibni, où il est quest ion de cet te «mise à pr ix » i nusue l l e . 3 1 La signification de cet te promesse royale, quelle qu ' a i t é té l ' intent ion réelle de son au t eu r — qu' i l a i t voulu vra iment , au cas de de l 'exécution de la condition requise, la remplir ou, au contraire , ne lui donner aucune suite — m ' a semblé être la su ivante : le fait de peser, contre de l'or, l ' individu qui a accompli une action d'éclat , revient à i endre manifeste, aux yeux de t o u t le monde , que celui-ci v a u t son pesan t d ' o r 3 2 ,

3 0 . D. D. LUCKENBILL, OIP II, p. 8 9 . lignes 5 0 - 5 2 . L'anneau et l'épée d'or sont également les insignes du porteur de l'ombrelle royale ; cf. infra, p. 1 2 7 . A Mari, de petites haches en argent, parfois plaquées d'or (J. BOTTÉRO, Archives royales de Mari VII, n» 2 4 9 ) , et d'autres objets (HÛB. TIL. L Â ) également en or (ibid. n" 1 5 6 ) , étaient donnés en cadeaux avec des vêtements à des fonctionnaires comme gratifications pour des services rendus (ibid., p. 1 8 5 ) .

3 1 . Voir Rivisla degli Studi Orientali, X X X I I , 1 9 5 7 , p. 3 - 1 1 . On retrouve le thème du poids de l'or dans la légende d'Ahiqar.

3 2 . De même, dans un midrash ( L . GINZBERG, Legends of the Jews IV, p. 6 6 ; VII ,

p. 2 3 2 , note 5 7 ) , Saul, après que la faute de son fils Jonathan fut rendue manifeste par l'aspect terne de la pierre représentant les Benjamites sur le pectoral du grand prêtre, lui permit de vivre parce que sa faute était due à son ignorance du jeûne qu'il aurait dû observer, mais il offrit à Dieu le poids de Jonathan en or. Jonathan, fils de roi, ne peut être racheté que par une rançon royale. Cf. Rivisla degli Studi Orientali, X X X I I , 1 9 5 7 , p. 1 0 .

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110 La splendeur divine

c'est-à-dire que « dans un systèmel fondé sur des équivalences en t re

des échelles de valeur, l ' homme, don t le contrepoids sur la balance est

un monceau d'or, ne peu t ê t re q u ' a u plus h a u t degré de la py ramide ,

il est consubstant ie l avec l'or, il est d ' o r » . 3 3

L'or, comme la pourpre — et à un degré supérieur à celle-ci — est la

p a r t des d i e u x . 3 4 T o u t ce qui est d'or leur convient p a r f a i t e m e n t . 3 8 Dans

le temple , les mur s de la cella du dieu ou de la déesse sont souvent recou

ver t s d 'or ; la s t a tue divine elle-même est parfois, au moins en par t ie , en

m é t a l précieux, ou s implement p laquée d 'une feuille d ' o r . 3 6 Mais ce sont

s u r t o u t les vê t emen t s somptueux , sur lesquels on est assez bien docu

m e n t é 3 7 , qui conféraient a u x s ta tues divines l 'éclat que la pierre, dans

laquelle elles é ta ient taillées, ne possédait pas . Bordés d 'or e t parsemés

de rose t tes (ajjaru)38 e t d ' au t re s motifs d 'or, d o n t le scint i l lement est

33. Rivista degli Sludi Orientali X X X I I , 1957, p. 10. 34. De cette propriété de l'or, on peut trouver un témoignage intéressant, parce

qu'inattendu, dans un passage de la série iqqur tpuS sur lequel M. René Labat a eu la gentillesse d'attirer mon attention. Je le cite en entier d'après la transcription et la traduction de M. R. LABAT, Un calendrier babylonien des travaux, des signes et des mois, p. 62, § 6, 1-4: [DIS]É. s[u DÙ-ma] ina Û R U SUMUN K U B A B B A R IGI É. BI N U D O E N É. B[I Û 5 (?) K]I. MIN hi-Sih-ti É-Sû É. G AL i-tab-bal [DIS] MIN GUSKIN IGI É[. B]I DÙ-su K l DINGIR ul qâ-bi EN É. BI O S : «[Si en construisant s]a mai[son], dans les anciennes londations, il trouve de l'argent : cette maison ne sera pas construite; le propriétaire de cette maison [mourra (?)] ; dilto, le Palais s'appropriera les matériaux (de construction) de sa maison. [Si] dilto, il trouve de l'or : cette maison, sa construction n'est pas approuvée par dieu ; le propriétaire de cette maison mourra ». Le texte établit une distinction entre la signification qu'a le fait de trouver, dans les fondations, de l'argent ou de l'or. Dans le premier cas, c'est le palais qui interviendra et saisira ses biens, dans le deuxième, c'est plus grave, il a mis la main sur la part du dieu.

35. D'où la défense de porter de l'or sur soi lorsqu'on prie (Islam) ou pour certains sacrifices : par exemple, en Egypte, pour le sacrifice au soleil (PLUTARQUE, De Iside et Osiride, 30) : l'or deviendrait immédiatement propriété du dieu. En Grèce, à Lyco-soura, on ne pouvait porter des bijoux d'or dans le sanctuaire, sinon pour les dédier à la déesse Despoina (DITTENBERGER, Sylloge, 2« éd., n" 939). La même prescription était en vigueur dans les mystères d'Andanie (ibid., n° 653) et, au sujet des jeunes filles, dans le culte d'Athéna sur l'Acropole. Cf. FRAZER, The Golden Bough, 3 e éd., IL, Taboo, p. 226, note 8.

36. Pour désigner le placage, les textes d'Or III (cf. H. LIMET, Le travail dumétal au pays de Sumer, p. 133 sq.) emploient indifférammentle verbe gar-ra (accadien : uhhuzu) : appliquer, pour indiquer le revêtement d'un objet en bois ou en autre matière par de l'or, de l'argent ou tout autre métal. Les Babyloniens et les Assyriens, par contre, semblent faire une distinction selon que le revêtement est en métal précieux (or et argent), ou en cuivre ou en bronze. Dans le premier cas, on emploie le verbe SulbuSu : revêtir (cf. W . VON SODEN, Akkadisches Handwôrterbuch, p. 524 b), dans le deuxième, le verbe hullupu : recouvrir. Faut-il voir dans cette diversité de verbes pour désigner la même action, un témoignage de la distinction très ancienne entre métaux nobles (kù veut dire : pur, saint) et les autres ?

37. A. L . OPPENHEIM, «The GoldenGarmentsoftheGods» JiYiESVIII, 1949, p.172s?. 38. Pour ce terme, cf. A. L. OPPENHEIM, Orientalia NS X X X I I , 1963, p. 407 sq.

Couleur et éclat 111

encore rehaussé par des pierreries de couleurs diverses, les vê t emen t s

divins manifes tent , sans équivoque, la consubstant ia l i té du dieu avec l'or.

Lorsque , dans des inscriptions gravées sur les stèles ou sur leurs s ta tues ,

les rois revendiquent , comme des act ions de gloire, le fait d 'avoir r endu

aux s t a tues divines leur aspect br i l lant ou d 'avoir ne t t oyé les vê t emen t s

salis des dieux, il ne faut pas voir dans ces paroles le reflet de préoccupa

t ions futiles. La remise en é t a t des parures des dieux, de même que la r e s t au

ra t ion e t l 'embell issement de leurs demeures, n ' é ta ien t pas sentis seulement

comme u n acte religieux et une manifestat ion de piété envers la divinité,

ma i s comme u n e vér i table res taura t ion de l 'ordre cosmique t roublé ,

o rdre d on t la s ta tue , en t a n t que réceptacle du dieu, cons t i tua i t un des

é léments essentiels. Tou te a t te in te à l 'aspect resplendissant de la s t a tue

ne pouva i t que se répercuter à pa r t i r de ce centre avec une force cent r i

fuge e t en ondes de choc successives, du t emple à la ville et de celle-ci a u

pays e t au monde e n t i e r . 3 9

Grâce à sa n a t u r e singulière et à son affectation a u x dieux e t a u x r o i s 3 9 w«,

l 'objet d 'or est devenu, d a n s certains contextes myth iques , le t y p e m ê m e

de l 'objet dangereux qui éveille des convoitises et don t la possession

s 'avère funeste. P a r t du dieu, il est la « p a r t m a u d i t e » . 4 0

39. De cette restauration de l'équilibre physique et moral du monde à partir de la statue du dieu, le poème d'Irra offre de très bons exemples ; cf. P. F . GOSSMANN O E S A , Dos Era -Epos, tablette I, 140 sq.

39 bis. Voir ce que G. DUMÉZIL, Tarpeia, p. 270, dit à propos du caractère qu'avait l'or avant l'apparition chez les Ases de Gullveig, « Ivresse de l'or », : « c'était l'or de l'âge d'or, et aussi cet or, symbole du pouvoir, de l'éclat, plutôt que matière économique, qui chez les vieux Scandinaves comme chez les Iraniens et chez bien d'autres peuples encore, était la chose du chef, du roi ».

40. J'emprunte cette expression à Georges BATAILLE, La part maudite, Paris, 1949. La part maudite est la part de richesse qui doit être consumée ou vouée aux dieux. Herem, qui est en hébreu la forme la plus puissante de malédiction (cf. J. P E D E R S E N ,

Israël, III-IV, p. 272), désigne ce qui doit être retiré de la circulation pour être livré à la destruction et ce qui doit être retranché de son usage quotidien, profane, pour être voué à un dieu. Consumation — qui est l'opposé de consommation — et sacralisation : les deux notions sont étroitement apparentées. Elles se recouvrent notamment dans l'épisode d'Achan (Josué VII). Celui-ci s'empare, après la prise de Jéricho, d'un lingot d'or, de quelques pièces d'argent et d'un manteau d'apparat, en transgressant ainsi le herem que Josué avait décrété avant la capture de la ville. Le texte précise (Josué VI, 19) que tout ce qui était en métal était qôdeS, sacré, réservé à Yahwé. En principe, la destruction des richesses (êtres vivants et objets) des villes conquises par Israël est présentée dans la Bible comme la condition nécessaire à ce que le peuple hébreu, lors de la conquête de Canaan, préserve sa pureté. La mise au ban de la ville que l'on va attaquer et prendre, apparaît comme un chaînon indispensable dans la progression victorieuse d'Israël. C'est la proclamation par Josué de la mise au ban qui permet la prise de Jéricho, et c'est la destruction massive de la ville — biens et habitants compris, — sauf Rahab et les siens — qui doit donner aux Hébreux la prochaine victoire sur Ai. Le résultat du sacrilège ne tarde pas à se faire sentir : trois mille hommes se font battre devant Ai ;

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112 La splendeur divine

Un mot accadien, asakku, expr ime par fa i t ement l 'ambiguï té de ce qui est réservé aux dieux. Dérivé du sumérien AZAG, son idéogramme K Ù . D I N G I R : kàs-pa ili*1 signifie ce qui est précieux au dieu, donc qu i lui est réservé. E n p a r t a n t du sens originaire de : p a r t réservée au dieu (ou au roi), asakku en est venu à désigner une chose in terdi te et il est, dans ce sens, synonyme de ikkibu : t a b o u , chose don t le contac t et, à p lus forte raison, la possession, ne peu t ê t re que néfaste. Ainsi, q u a n d Gilgames, après la m o r t d 'Enk idu , commence les cérémonies du deuil (voir infra, no te 45) et a r rache de son corps t o u t vê tement , il est di t qu' i l accompl i t ce geste asakkis, c 'est-à-dire qu ' i l a r rache ses hab i t s princiers comme s'il s 'é tai t agi d 'objets qui sont , pour lui, as-akku : dont le port , d a n s la s i tuat ion présente de deuil, lui es t in te rd i t .

Lorsque l 'or deviendra de plus en plus une valeur marchande e t même u n e m o n n a i e 4 2 , l 'objet d 'or cont inuera à garder t o u t son prestige et conserve ra son caractère d'agalma. 11 servira m ê m e en des cas exceptionnels à m a r q u e r la m u t a t i o n sociale don t l ' individu qui le possède a é té l 'objet .

Mais il y a plus. P o u r t o u t h o m m e v i en t un m o m e n t où le por t de l 'or cesse d 'être u n e manifesta t ion d 'a r rogance ; où, au contraire , le con tac t de l 'or, de dangereux qu' i l é ta i t , dev ien t bienfaisant . L 'or matér ial ise , en quelque sorte, l 'opposit ion en t re le m o n d e des v ivan t s et le monde des mor t s . P a r t du dieu, il est également la « p a r t du mor t ». Les quali tés qu 'on a t t r i bue c o m m u n é m e n t à l 'or et qui en o n t fait une mat iè re exceptionnelle, associée à t o u t ce qui est divin, à savoir : son incorruptibi l i té , sa couleur et son éclat inal térable , r enden t souhai table la création d'un lien en t re le m o r t et l 'or. E t ceci, grâce à un processus men ta l inverse de celui qu i faisait du por t d 'objets d 'or pa r un v i v a n t une os ten ta t ion de pouvoir .

T o u t se passe comme si la présence d 'obje ts en or à côté d 'un m o r t 4 3 ou

toutefois la situation est rétablie en détruisant Achan et les siens qui étaient devenus, à leur tour, par sontagion des objets dérobés, herem. Le but de la destruction massive des richesses qu'on vient de conquérir est d'accroître le pouvoir d'Israël, sa tchance ». Il s'agit, en définitive, d'une forme de potlatch dans lequel celui qui s'appauvrit en détruisant, investit sur un autre plan.

41. CT XLI, 33, face, ligne 9. 42. J'emploie le mot monnaie dans l'acception que Marcel MAUSS lui donnait

dans {'Essai sur le don, p. 68, note 1 (Année Sociologique, seconde série, 1923-1924, tome I). L'or est employé comme moyen de payement dans la deuxième moitié du II« millénaire non seulement dans les villes périphériques de la Babylonie, comme Nuzi, et en Syrie, à Alalah et à Ugarit, mais également en Babylonie, à Nippur, à Ur, à Dùr-Kurigalzu. Cf. D. O. EDZARD, < Die Beziehungen Babyloniens und Âgyptens in der Mittelbabylonischen Zeit und das Gold », Journal of Economie and Social Histonj ofthe Orient, III, 1960, p. 40-55.

43. On pourrait objecter que, même après la mort, l'or reste l'apanage des grands. Cela n'est pas exact. A KaniS, en Anatolie, on a découvert, dans les tombes des marchands assyriens, enterrés dans leur propre maison, des objets en or qui étaient « les appartenances » du mort (coiffes, boucles d'oreilles, épingles, poinçons, bagues) Cf. T. Ozoùç, « Ausgrabungen im Kultepe », p. 201, Tiirk Tarih Kurumu Yayinlarindan

V, n» 10, 1950.

Couleur et éclat 113

sur lui — le plus souvent sur son visage, la par t ie la plus essentielle de l 'ê tre 4 4 — pouvai t p rovoquer le t ransfer t des propr ié tés intr insèques de cet te mat iè re précieuse vers le mor t , comme si, grâce à l'or, on pa rvena i t à ga ran t i r au m o r t u n e sorte d ' incorrupt ibi l i té dans l 'au-delà.

C'est ce r ta inement l ' incorruptibil i té de l 'or que Gilgames veu t obtenir pour E n k i d u mor t quand , après avoir fait élever des l amenta t ions funèbres dans t o u t le pays , il convie les a r t i sans — forgeron, ciseleur, sculpteur, orfèvre, g raveur — afin d'ériger à son ami u n e s ta tue don t la poi t r ine sera en lapis, mais don t le reste du corps sera d ' o r . 4 5

Il fau t rechercher, dans cet te même direction, le sens de l ' ép i thè te que por te u n roi divinisé d 'Ur : alam-kù-gi Ut-dum ga tu-da : « image d 'or

créée dans un jour favorable » . 4 8

Un cheminement de pensée analogue peu t être décelé à propos de l'étoffe rouge. A son égard aussi se produi t un vér i table r e tou rnemen t de s i tuat ion, comme si les forces dangereuses pour le v ivan t , qui se dégagent d 'un t issu de flamme, se t ransformaient en forces vivif iantes e t favorables pour le m o r t . 4 7 C'est l 'association fréquente dans les r i tes ent re la couleur rouge et le mor t 4 9 qui a conduit cer ta ins savan t s à a t t r i bue r au rouge

44. Dans les tombes des marchands assyriens de KaniS, on a trouvé également de longues plaques en or qui servaient à couvrir les yeux et la bouche du mort ; cf. T . OZGUÇ ibid. A défaut d'or, l'argent pouvait remplir le même rôle, cf. Belleten, XVII , 1953, p. 113.

45. Fragment de Sultantepe, cf. O. R. G U R N E Y , JCS VIII , 1954, p. 94, etO.R. G U R N E Y et J. J. FINKELSTEIN, Sultantepe Tablets, I, planche XVIII , revers, lignes 17-20 : " [û <>]Gl5.GIN.MAS a-na màti ri-gim ul-te-?i '&MURUB n[sasinnu] i» [i^GOR.]

GUR ' iUD.BAN (erreur pour : KO. DiM ?) uKAB.SAR e-pu-us ib-r[i.].. 1 9 .. ib-na-a sa-lam ib-ri-Sû Sâ ib-ri-Sd mi-n[a-ti-$u...] 2 0 . . . s"d ^uqnt irat-ka iâ

hurâsi zumur-[ka] : 1 7 GilgameS poussa un cri dans le pays : « forgeron, [sculpteur], 1 3 métallurge, orfèvre, ciseleur, faites [une statue] de mon ami. 1 9 One statue de son ami selon les proportions de l'ami... 2 0 ... ta poitrine est de lapis, d'or est ton corps... » Au même épisode de la statue d'Enkidu fait probablement allusion le fragment K. 8281 (R. C. THOMPSON, The Epie of Gilgamish, planche 33) dont W. G. Lambert a publié récemment un duplicat, cf. P. GARELLI, Gilgamei et sa légende, p. 54.

Un passage du Livre des rêves d'Artemidore laisse apparaître un rapport qui n'est pas sans intérêt entre la statue d'or et le mort. Dans le paragraphe où cet auteur étudie les diverses significations du rêve d'être changé en or ou en argent (I, X I X , 50) il considère le cas où le rêveur est un malade : le rêve ne peut que signifier la mort, et il ajoute, comme aussi de rêver d'être de bronze, sauf pour l'athlète — qui vaincra aux jeux — et pour l'esclave — qui acquerra la liberté — parce que c'est seulement aux hommes libres qu'on élève des statues de bronze.

46. Cf. A. FALKENSTEIN, ZA, N F X, 1938, p. 2, ligne 3. Le mot sumérien alamdésigne en même temps la statue (en accadien : salmu) et l'aspect d'un être (en accadien : lânu).

47. D'où provient la coutume préhistorique si répandue au néolithique d'enduire d'une pâte rouge ou ocre les ossements des morts. Cf. J. DÉCHELETTE, Manuel d'archéologie préhistorique I, p. 470, 565-566.

48. Cf. E. EBELING, op. cit., p. 100. Dans le rituel du kalû, on enterre le taureau sacrifié dans un TOG.SAD.RA rouge. Cf. F . T H U R E A U - D A N G I N , Rituels accadiens, p. 4, II, ligne 19.

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114 La splendeur divine

u n e signification funéraire. Elle résul te , au contra i re , en g rande pa r t i e de la croyance que, le sang é t a n t la vie, le tissu rouge est doué d 'un pouvoir régénéra teur analogue à celui de la subs tance don t il possède la couleur. P h œ n i x , ne l 'oublions pas , est devenu un symbole d 'é tern i té .

D a n s l ' incantat ion que nous avons analysée plus h a u t 4 9 , le p rê t re masmasu es t d rapé dans une éc la tan te étoffe rouge . L ' insis tance que l 'on cons ta te à chaque ligne, à m e t t r e en évidence la corrélat ion en t re la couleur rouge e t l 'éclat — ligne 69 : nahlapfa santasa puluhti, ligne 71 : subâta sâmasubât namrirrî —, le fait, en out re , q u ' à la ligne 71 une parfai te assimilation s 'établisse en t re subâta sâma e t subât namrirrî, l 'un glosant l ' au t re , p rouven t , sans équivoque, que la couleur rouge est sentie ici comme la source de la double splendeur : puluhtu e t namrirrû. Il s 'agit d 'un scint i l lement qui fait corps avec la couleur, qu i lui est consubstant ie l . A propos d u t e rme rasubbatu qui , comme son sumérogramme l ' indique, désigne la splendeur incandescente qu i se dégage de la f lamme et des braises, nous avons déjà fait des remarques a n a l o g u e s . 6 0 Ceci va nous pe rme t t r e de saisir a v a n t t o u t un au t r e aspect de l 'association, que nous avons déjà consta tée , en t re l 'or e t la pourpre " : c'est, en effet, qu'elles sont l 'une e t l ' au t re des mat iè res solaires s a , don t l 'éclat est une des qual i tés essentielles. E n outre, cer ta ins jumelages qui, t o u t en é t a n t la rgement a t tes tés , a p p a raissaient comme incompréhensibles, deviennent , grâce a u x ja lons intermédiaires que nous venons de poser, t o u t à fait plausibles. Prenons , par exemple, ZA.GIN. Voici u n t e r m e qui désigne le bleu lapis-lazuli. E n effet, précédé du déterminat i f NA4 : pierre, il désigne la pierre semi-précieuse bien connue. Or, nous voyons que ZA.GIN est t r a d u i t en accadien aussi bien par uqnù : la couleur bleue, que par ellu 5 3 : pur , et aussi b lanc, par ebbu : purifié, pur , et par namru : br i l lant . Ainsi le t emple de Nippur , l 'Ekur , est appelé É .ZA.GÎN, ce qui'signifie : l ' é t incelantemaison " e t non la maison de lapis. De m ê m e ZA.GIN qualifie parfois la ba rbe

49. CF. p. 103-104. 50. Voir SUPRA, P. 3-4. 51* A ce sujet, on peut encore verser au dossier ce que JAMBLIQUE dit à propos de

l'enseignement de Pythagore (VIE DE PYTHAGORE, 153): «Si,dans le temple, il arrive qu'on verse du sang, il faut le purifier, soit avec de l'or, soit avec la mer», et il ajoute : • l'or -étalon de la valeur-étant la première chose née et, de toutes, la plus belle ». Le sang ne peut être purifié ici que par la substance qui a les plus grandes affinités avec lui, c'est-à-dire, l'or.

52. Les auteurs anciens, en parlant de la pourpre, insistent sur la relation qu'il y a entre la pourpre et le soleil ou la lumière, par exemple, POLLUX, ONOMASTICON I , 49 : le liquide dérivé du MUREX devenait plus brillant si exposé au soleil, et d'un rouge plus intense que le feu.

53. Sumérien : KÛ. CF., pour les synonymes D'ELLU, CAD 4, E , p. 102 b-103 a. 54. A. FALKENSTEIN, SUMERISCHE GÔTTERLIEDER, I, p. 15, ligne 7 7 .

Couleur et éclat 115

d 'un ê t re divin ma i s il s 'agit d 'une qualification qu i intéresse non la couleur, comme on s'y a t t endra i t , ni la mat iè re , mais p l u t ô t l 'éclat ». On dira, en effet, de Marduk dans un tex te b i l i n g u e 5 8 : sd ziq-na el-le-tû zaq-nu, en sumérien : sue-mû za-gln-na : «qui a une ba rbe bri l lante», où

elletu t r a d u i t za-gin-na. Ou encore, à propos d 'un b â t i m e n t sacré, on

dira : mus-zu mus-za-gin : « Ton aspect est u n aspect éc la tan t ». 5 7 On

objectera que, dans les exemples que j ' a i cités, e t don t la liste pour ra i t ê t re encore allongée, ZA.GIN est employé dans un sens imagé, poét ique , e t qu ' i l est difficile de bâ t i r u n e hypo thèse sur la percept ion de couleurs en s ' appuyan t sur une base si incer ta ine . Or, il se t rouve q u e le passage le p lus concluant en faveur de not re thèse n 'es t pas t i ré d 'un documen t de l i t t é ra tu re religieuse, mais d 'une pièce de comptabi l i té . Il s 'agit donc d 'un contexte t o u t à fait concret , où les m o t s sont employés dans leur sens propre . Selon les t e rmes de l 'édi teur de la t ab le t t e , F . T h u reau-Dangin 5 8 , il s 'agit d 'une sorte de compte récapitulat if é n u m é r a n t différentes quan t i t é s de laine : S lG.ZA.GÎN. Or, S ÎG.ZA.GÎN doit ê t re t r a d u i t pa r sipâtu uqnâtu » qui signifie, non pas : laine bleu lapis, comme on s'y a t t end ra i t , mais : laine bri l lante, laine t e in te (en rouge) : Si-pat sir-pi, sarâpu a y a n t le sens de te indre et, plus spécialement, de te indre en rouge . «• On pour ra i t penser qu 'on en est ar r ivé là en passan t de la laine bleue à la laine violette, e t de celle-ci à la pourpre violet te , en accadien takiltu, mais les vocabulaires qui assimilent sipâtu uqnâtu à argamannu61, qui est la pourpre rouge, m o n t r e n t qu ' en t r e deux objets de couleurs aussi fo r tement différenciées pour nous que le rouge e t le bleu, exis ta i t un lien qui é t a i t pour les Accadiens assurément plus i m p o r t a n t que leur diversi té chromat ique . J e crois qu' i l est possible de nous rendre compte de la n a t u r e de ce r a p p o r t si nous prê tons a t t en t ion a u fait que namru, bri l lant , dans les passages indiqués plus hau t , t r a d u i t ZA.GÎN. C'est probab lement à ce niveau, c'est-à-dire sur le plan de l 'éclat e t du scinti l lement,

5 5 . Voir, à ce propos, ce que J. DUCHEMIN, PINDARE, PC-ÈTE ET PROPHÈTE, p. 1 9 6 , dit à propos de l'or dans la Grèce ancienne : « le mot xpuo6ç semble avoir désigné à l'origine une notion visuelle, sans qu'il soit facile de décider si celle-ci était de l'ordre de l'éclat ou de l'ordre de la couleur ».

5 6 . K . D . MACMILLAN, S A V, p. 6 8 4 , n» 3 7 , lignes 1 4 SQ.CF. également BA X, 1 , p. 7 5 ,

n» 4 , ligne 1 3 - 1 4 . 5 7 . H . ZIMMERN, Z A NF V, 1 9 3 0 , p. 2 7 0 , n» 3 2 , ligne 6 . 5 8 . SYRIA XV, 1 9 3 4 , p. 1 3 8 , 1 4 0 SQ. J'emprunte aussi à l'auteur les références citées. 5 9 . V R 1 4 , face, ligne 1 1 cd. 6 0 . CF. CT XVIII , 1 7 (K. 9 8 9 2 ) , ligne 1 1 . Pour SARÂPU jdans l'emploi technique de

teindre ou de marquer en rouge la toison non encore arrachée, CF. P. ROST, DIE KEILSCHRIFTTEXTE TIGLAT-PILESER I I I , planche XVI, lignes 3 - 4 ( = 1 5 5 - 1 5 6 ) à propos des brebis dont la toison était teinte en couleur pourpre (ARGAMANNU), et, pour Nuzi, D . CROSS, MOVABLE PROPERTY, p. 2 6 .

6 1 . C T XVIII , 1 7 (K 4 2 1 1 ) , face, ligne 6.

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116 La splendeur divine

e t non sur celui de la nota t ion chromat ique , que les Accadiens é tabl issa ient une équivalence entre deux m a t i è r e s . 9 2 N o u s agissons de même lorsqu' i l nous arrive, pour définir des yeux t rès foncés e t br i l lants , de p rendre comme te rme de comparaison, t a n t ô t le jais , t a n t ô t le feu ; ce que nous désirons me t t r e en évidence, dans ce cas, c'est la qual i té d 'étincelle-m e n t que ces yeux présentent , qual i té que le jais e t le feu ont en commun, en faisant abst ract ion du fait qu ' i ls sont , l 'un, noir, e t l ' aut re , rouge.

C'est en par t ie à des considérat ions semblables à celles auxquelles nous venons d 'about i r grâce à ZA.GÎN : uqnû, que nous conduira l ' é tude d 'un a u t r e t e rme désignant la couleur. GUN exprime en sumérien — comme ses correspondants accadiens : birmu, barmu, burrumu, bitrâmu — la polychromie e t la bigarrure , aussi bien celle qui dérive de l 'a l ternance de deux ou plusieurs te in tes différentes dans un tissu ou dans le pelage d 'une bête , que celle qu i résulte d 'une broderie sur un vê temen t ou, peu t -ê t re , du contras te ent re différents types de t issage dans une même pièce de t i s s u 8 3 . Les yeux des dieux %sont souvent qualifiés comme é t a n t G Ù N . On t radu i t , en général , I G I . G U N pa r « yeux polychromes »:« héros légitime a u x yeux polychromes » . 6 4 Notons , en outre , que la « polychromie» de l'œil va de pair avec l 'éclat de la ba rbe (ZA.GÎN) : on s 'adressera à un roi divinisé en le dés ignant comme « le t au reau aux yeux polychromes , qui a une barbe br i l lante » . 8 5 II est probable que la polychromie qu 'on a t t r ibue a u x yeux des dieux, n'en, é ta i t pas exac tement une d a n s l 'esprit des Mésopotamiens. A v a n t t ou t , GUN est t r a d u i t en accadien aussi pa r sit'arum ou tit'arum qui signifie « ir idescent », « ét incelant ». Il s 'agi t d 'une quali té p ropre au regard des dieux ; d ' I s t a r on dit , en effet : ba-ni-à-asi-im-ta-à-sa bi-it-ra-a-ma i-na-sa si-it-a-ra : « belles sont ses couleurs, sc int i l lants ses yeux ir idescents » . 8 8 II est vra isemblable que GUN, p l u t ô t que pa r « polychrome » doive ê t re t r a d u i t parfois pa r « ir idescent » et parfois p a r « scintil lant ». Dans u n passage où on dit , à propos de l 'élève scribe : nig-zu-a-ni pa-ba-an-è igi mu-un-gùn-gùn-ù-dè, si on t r a d u i t : « lorsqu'il a m o n t r é ce qu ' i l sait , ses yeux deviennent poly-

62. Voir ce que H. F . JANSSENS, « Les couleurs dans la Bible hébraïque », Annuaire de l'Institut de Philologie et d'Histoire Orientales et Slaves XIV, 1954-1957, p. 147, dit à

propos des couleurs dans la Bible : • A s'en tenir aux données du texte, on peut se représenter la plupart des scènes bibliques en blanc et noir... Ce qui parait y dominer, c'est l'antithèse de la lumière et de l'obscurité ». v

63. Cf. W . VON SODEN, Akkadisches Handworterbuch, p. 105 : G U N : barâmu et ses

dérivés. Dans les vocabulaires, on énumère les couleurs dans l'ordre suivant : blanc, noir, rouge, bariolé, jaune. C'est à peu près dans le même ordre que sont décrites les couleurs du pelage du chien — noir, blanc, rouge, jaune, bariolé — dans l'énigme que le seigneur d'Aratta pose à Enmerkar, tandis que dans AO 17662, ligne 10-11 (cf. J . NOUGAYROL, R A XLI , 1947, p. 35) le jaune (arqu) vient après le bariolé.

64. A. FALKENSTEIN, ZA N F X, 1938, p. 5.

65. Ibid., p. 2, note 5. 66. F . T H U R E A U - D A N G I N , RA X X I I , 1925, p. 172, ligne 12.

Couleur et éclat 117

chromes», cela n 'a guère de sens, t and i s que, si on rend gùn pa r : é t in

celant , on comprend que la phrase exprime la satisfaction de l 'élève

don t le regard brille de joie parce qu' i l a répondu correctement a u x

ques t ions du m a î t r e . 0 7 Une aut re indicat ion, qu i va dans le même sens,

nous est fournie par l'adjectif banû qui t r a d u i t parfois GÙN. On dira ,

p a r exemple, en pa r l an t d 'un dieu : igi-gùn-gùn-ge:sd pa-ni ba-nu-u, «qui a

le visage beau » . 6 8 Le cheminement d' idées, qui va de la polychromie à l a beau té , s'est fait év idemment en passan t de la polychromie à l 'éclat e t , banû é t a n t un synonyme d'ellu : br i l lant , de l 'éclat à la b e a u t é . 8 9

Nous assistons de ce fait au même phénomène qu 'en grec, où des adjectifs comme poikilos et aiolos désignent, en même t emps que la polychromie, l ' iridescence e t l 'ét incellement, ainsi que me l 'a fait r e m a r q u e r Jean-P ie r re Vernant . Notons d'ail leurs qu 'en Mésopotamie burrumu, comme en grec poikilos, est employé pour qualifier un tissu ou u n v ê t e m e n t b rodé ; burrumu et poikilos s 'opposent à ce qu i est uniforme pa r r a p p o r t aussi bien à la couleur qu ' à la t e x t u r e . 7 0 Aussi, selon moi, n ' y a-t-il p o u r les Accadiens qu 'un seul verbe barâmu, e t non deux, comme on l ' a d m e t généra lement . En réalité, barâmu, au sens d ' impr imer un sceau ou u n cylindre sur l 'argile, et barâmu : rendre polychrome, bien que différenciés q u a n t à leur sumérogramme, sont, à l 'origine, un seul et même verbe e x p r i m a n t la même action, qui a pour effet de créer, dans un cas, grâce au relief, une réalité diversifiée qui se dist ingue de ce qui l 'entoure, d a n s l ' au t re cas, de créer cet te réalité, non plus par le relief mais pa r des t r a i t s ou des taches de couleurs différentes. Bitrâmu, de même que poikilos, désigne un éclat d 'un t ype p robab lement différent de ZA.GÎN : uqnû. Ce sont le cha to iement e t l ' iridescence p rodu i t s pa r l 'assemblage de c o u leurs différentes qu'i l t end à définir p l u t ô t que l 'éclat pur e t simple. G Ù N est un qualificatif du ciel : une divinité céleste est appelée en effet : Nin-gùn-an-na : la dame du ciel i r i de scen t . 7 1 En accadien, burûmû.

s 'applique aux étoiles mais il est également synonyme de ciel. Parfois nous consta tons le processus inverse, ce qui indique que, pour les Méso-

67. Cf. A. FALKENSTEIN, ZA N F X, 1938, p. 7.

68. CT X X V , 26, face (?), 21 b. 69. En hébreu, hbr correspondant, en accadien, à ebêru: se maquiller (la figure), a l e

sens de : décorer, rendre polychrome et embellir, et aussi (hiphil) : tenir des discours brillants (Job XVI, 4 b). Cf. également l'éthiopien hebr : polychrome, et l'arabe : hibr : peinture.

70. Lubullu birmu ou sa birme deviendra synonyme de : vêtement de prix, vêtement noble (cf. supra, p. 109) qu'on énumère avec complaisance parmi les prises de guerre. Il s'oppose, en ce cas, à lubulti qitê : vêtements de lin, étiquette sous laquelle on a fini par désigner, à ce qu'il semble, les vêtements de couleur unie.

71. Cf. a propos de cette divinité, Julius L E W Y , Amurritica (HVCA X X X I I , 1961, p. 43 sq.). Il s'agirait, pour ce savant, de l'aspect masculin à'IStar kakkabu : Vénus au lever du jour, qui serait distincte de 'Kabta : Vénus du soir.

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118 La splendeur divine

potamiens , le passage de l'idée d 'éclat à celle de bariolage est aussi aisé que l ' inverse. Les Mésopotamiens par le ron t souvent d 'écla t là où nous ne verr ions que la mult ipl ic i té de couleurs e t de nuances . Ainsi de l 'arc-en-ciel, qui es t pour nous le p ro to type du bariolage, les Mésopotamiens, fait é t range , ne re t i endron t que l 'éclat. On comparera le scint i l lement de tel dieu à celui de l 'arc-e-nciel : ni-le-a-ni d tir-an-na-gim. ™ De même

Ezéchiel (I, 28) dira à propos de la vision de Yahwe sur son t rône : « Comme l 'arc-en-ciel.. . te l é ta i t l 'aspect de l 'éclat qui l ' e n v i r o n n a i t » . ' 3 Il est vra i aussi qu ' en t r e l 'arc-en ciel ('tir-an-na) e t l 'éclat (ni-te), il devai t y avoir

des mail lons in termédiai res (comme nous avons v u t o u t à l 'heure au sujet de la synonymie en t re GÙN et banû) qui nous échappen t . Il est possible, pa r exemple, que la comparaison qui rev ien t parfois en t re le t u r b a n (agû) du dieu e t l 'arc-en-ciel, puisse j u s t e m e n t nous fournir un de ces maillons intermédiaires . Lorsqu 'à propos de N i n u r t a on déclare : « Ta t iare est l 'arc-en-ciel qui, comme l'éclair, lance des lueurs d e v a n t toi» (agûka 'manzat ina pânika kîma birqi ittanabriq) '*, cet te comparaison nous incite à penser a v a n t t o u t que le t u r b a n est un des poin ts essentiels où l 'éclat divin est localisé, mais aussi que le t u r b a n rappe la i t l 'arc-en-ciel par son aspect bariolé dû a u x pierres de couleurs différentes et, peut -ê t re , a u x broderies qui le garnissaient . E n bref, dans ce t te comparaison en t re t u r b a n e t arc-en-ciel, il y a télescopage en t re les not ions d'éclat et de polychromie, l 'une é t a n t é t ro i t emen t dépendan te de l ' au t re par le biais de l ' iridescence.

Ces observat ions nous conduisent à cons ta ter un aspect intéressant , d 'une por tée générale e t d 'une signification complexe, des rappor t s en t re le langage e t la religion.

D ' u n e pa r t , les Sumériens et les Accadiens o n t a t t r i bué à leurs divinités les qual i tés qui, dans leur esprit , pouva ien t expr imer au plus h a u t point le carac tère divin. Mais les mots pa r lesquels ils essayaient de définir le divin en le qualifiant, ils ne pouva ien t les t rouver que parmi les te rmes utilisés dans leur vocabulaire le plus quot idien. Du fait qu'i ls é ta ien t appl iqués aux dieux, ces mo t s on t acquis une valeur religieuse ; c'est celle-là qui nous intéresse et qu' i l s 'agit de déterminer . Ainsi, lorsqu 'un m o t comme ZA.GIN : uqnû, qui désigne, soit le lapis-lazuli, soit la couleur

72. A. FALKENSTEIN, SUMERISCHE GBLTERLIEDER I, p. 65, pense que le rapport, qui est Ici mis en évidence entre l'arc-en-ciel et NI-TE, indique que, pour les Mésopotamiens, l'apparition de l'arc-en-ciel était considérée comme un OMEN dangereux qui insufflait la crainte. Je crois, pour ma part, qu'ici NI-TE signifie simplement l'éclat merveilleux de la divinité.

73. A propos de ce passage d'Ézéchiel, CF. la remarque de J . F . JANSSENS, LOC. CIT., p. 146-147 : « De l'arc-en ciel, les anciens Hébreux n'ont vu, dirait-on, que la forme et le brillant ».

74. A. FALKENSTEIN, OP. CIT., p. 65, note 97.

Couleur et éclat 119

bleue, se réfère à u n dieu comme a t t r i b u t de sa ba rbe , il finira p a r n ' avo i r plus q u ' u n r a p p o r t t rès indirect , aussi bien avec la pierre précieuse qu 'avec la couleur bleue. Il sera employé pour indiquer t o u t au t r e chose, à savoir l 'éclat des poils de cet te barbe , ainsi que son abondance , qu i é ta ien t le signe d 'une puissance de vie e t d 'une virilité hors pair . »

75. Sur l'apparition de la barbe comme indice de l'âge d'homme, voir l'expression TIQNA ELÛ que j'ai relevée dans les TUPPISIMTI (testaments) à Nuzi, RA LVII, 1963, p. 118 et note 1. De même à Mari, Isme-Dagan demande à son frère Iasmal>-Addu : , N'y a-t-11 pas de poil sur tes joues 1 . (Û-UL SA-AR-TU-Û-UM I-NA LI-TI-KA) pour signifier : < N'es-tu pas un homme ? » (G. DOSSIN, ARCHIVES ROYALES DE MARI, I, n° 61, ligne 10).

CASSIN. 9

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Conclusion

Des pages qu i précèdent u n e conclusion m e semble ressortir . D a n s la pensée des Mésopotamiens, t o u t e forme intense de vi ta l i té — en p renan t ce m o t dans un sens t rès large : beauté , jeunesse, j o i e , 1 puissance, vigueur, aussi bien celle du guerrier que la vigueur sexuelle, t o u t ce qu i est débordemen t de vie, comme ce qui est par fa i tement p u r e t intègre — se man i feste pa r u n e émana t ion éblouissante de l u m i è r e . a E t réc iproquement , a u t a n t la b e a u t é et la sagesse sont lumineuses, a u t a n t la méchance té e t la folie son t opaques e t sombres. L 'ê t re démoniaque est no i r ; son apparence est comme celle d 'un ciel obscur (zîmusu samû uppûti) > ; non seulement dans son corps il n ' y a pas de lumière (ina zumrisu nûru ul ibassi)* ma is il est en quelque sorte réfractaire à la lumière, m ê m e la clar té du jour n 'a r r ive pas à le rendre lumineux : à l 'aurore, il devient de plus en plus sombre (sa ina namâri itenekkila)8 à l 'opposé des dieux,

1. Voir par exemple, l'association entre la joie (HADÛ : se réjouir) et l'éclat (NAMDRU :

briller) qu'établissent certains passages des hémérologies; L. MATOUS, 'L'almanach de Bakr-Awa', SUMER XVII , 1 9 6 1 , planche II et p. 3 8 , revers, col. VII, lignes 2 - 4 : INA ARAH

TESRITI UD l f c u n HA-DA-A Ù NA-MA-RU LII-TER-RI : « au mois de Tesrit, le premier jour, qu'il

atteigne le comble de la joie et de l'éclat ». 2 . Voir chap. VII, p. 9 5 , 9 7 sq. 3 . C T XVII , 2 5 , ligne 1 1 , à propos du démon du mal de tête. 4 . O . R . G U R N E Y , AAA X X I I , 1 - 2 , 1 9 3 5 , p. 7 6 , ligne 3 2 .

5 . C T XVII , 3 5 , ligne 8 0 - 8 1 : • (le démon) qui à l'aurore devient de plus en plu» sombre ».

Isabelle
Highlight
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122 La splendeur divine

pa r exemple d ' I s t a r , don t l 'éclat (Sarûru) est tel qu'el le resplendit m ê m e alors que le Soleil ou la Lune br i l lent dans le ciel.» Chez l 'être divin, l 'ombre elle-même es t lumineuse. De Ningirsu comme de Ninur t a , on di t que « le r a y o n n e m e n t de son ombre s 'étend sur Sumer » (puluhti sillisu ana mâti tarsat).7

Cette t endance cons tan te à considérer la lumière comme l 'expression privilégiée de la vie va de pair , ainsi que nous l ' avons consta té , avec la conception que la vie organisée est lumière, pa r opposit ion au chaos qu i n 'es t que ténèbres . Lo r squ 'un h y m n e affirme que l 'ordre d ' I s t a r est lumière 8 , cela signifie que la déesse dé t ien t le double pouvoir de créer les choses par la ve r tu de sa parole, en leur d o n n a n t u n nom aussi bien qu 'en dé l imi tan t leurs con tours grâce à la lumière qu 'el le pro je t te .

I l est m a i n t e n a n t possible de mieux comprendre la signification de cer tains te rmes qu i désignent la splendeur. Au débu t de ce t te é tude , après avoir noté qu 'auss i bien puluhtu que namrirrû et rasubbatu s 'écriva ien t avec des sumérogrammes don t N i est l 'é lément principal , à savoir N i , N l . T E (puluhtu), N Î . G A L (namrirrû), N Î . H U S (rasubbatu), nous avons souligné que l 'un des sens pr inc ipaux de NI e t de N I.TE é ta i t « corps » e t qu 'on pouva i t t r adu i r e ces sumérogrammes en accadien aussi bien pa r zumru que pa r ramânu.9 Nous avions ajouté que ce lien en t re le corps e t la lumière appara i ssa i t également à propos du sumérogramme SU qui a le sens de corps (zumru) e t de peau, d 'enveloppe corporelle (masku), e t qu i est t r adu i t en accadien par le t e r m e Salummatu. Cet te corrélation en t re le corps et la lumière , qu 'A .L . Oppenhe im ava i t mis en relief au débu t de son article, m ' a v a i t semblé un poin t impor tan t , mais je n ' ava i t pu à ce moment , t o u t en re j e t an t l ' in terpréta t ion qu 'en donna i t A. L. Oppenheim, expliquer les liens qu'i l pouva i t y avoir en t re deux enti tés aussi différentes que le corps, ou la peau, e t la splendeur.

C'est seulement a u t e rme de ce t t e é tude , après avoir approfondi la signification de la lumière et ses relat ions dans le processus d 'organisat ion du monde , avec le m o u v e m e n t e t le brui t , e t après avoir analysé les liens qui r a t t a c h e n t en t re eux lumière, éclat, couleur e t épanouissement vi ta l , que le r appor t en t re le corps et la lumière m 'es t devenu compréhensible. "En effet, qu 'es t -ce que le corps, pour les Mésopotamiens, sinon le con tour des objets (zumru signifie aussi bien le corps d 'un être humain , d 'un dieu

6. TCL V I , 5 1 , revers, ligne 1 8 : itti massarli Sa dStn u dSamaS Sarûrka lihnub : i que ton éclat resplendisse même lorsque Sln et SamaS veillent dans le ciel ».

7. Ningirsu : KAR 9 7 , revers, ligne 8 ; Ninurta : Lugal-e I , ligne 1 4 ; P . H A U P T .

ASKT, p. 8 0 , ligne 1 0 (sil-li-ka : de ton ombre). 8. B. A. V A N PROOSDIJ, op. cit., n°" 8 et 5 , ligne 2 1 : qi-bit-ki nu-ù-ra. Cf. supra, p. 4 7 .

9. A. U N O N A D , ZA NF I I , 1 9 2 4 , p. 2 7 1 sq. a émis l'hypothèse que le sens originaire de ramânu serait en réalité : pénis. Entre des mots comme lamassu et bâStu, d'une part, et dûtu et bunnannû, d'autre part, qui signifient aspect physique et virilité, il y a en accadien plus qu'une parenté, une réciprocité qui les fait employer comme synonymes.

Conclusion 123

ou d 'un objet qu ' une portion délimitée du terr i toire) , sinon la forme q u e leur confère la lumière ? 1 0

C'est en ce sens qu'i l nous faut in terpré ter les allusions fréquentes a u x démons comme à des êtres sans forme. Ils sont par na tu re , ainsi que n o u s l ' avons d i t p lus hau t , réfractaires à la lumière, donc informes : ils n ' o n t p a s de m e m b r e s , 1 1 ils n ' on t pas de t r a i t s , 1 2 ni de b o u c h e " » " ni d ' yeux , ni de nez », leur visage est comme s'il é t a i t recouver t pa r un in tense brouil lard. "

Les simples d 'espri t aussi, qui « prononcent des paroles sans su i t e auxquel les on ne peu t prê ter foi », sont comme les nuages d e s êtres sans physionomie définie. " Mais il y a plus ; dans une concept ion énergét ique du monde , la lumière est u n e manifestat ion d e force vi ta le . Tou t être est en même t e m p s source e t réceptacle d e lumière. Chaque être sain, normal est lumineux : « Tu as changé d e figure, d ' éc la tan te elle est devenue sombre» dit-on à celui sur leque l maladie et infortunes de tou tes sortes s 'accumulent . » « P a r ordre d e

10. On peut rapprocher de ce que je viens de dire à propos du rapport entre forme et lumière le verset de Job X X X V I I I , 14 à propos de la terre que révèle la lumière d e l'aurore : i elle prend forme comme l'argile sous le sceau ». Cf. E . CASSIN, « Le sceau » : un fait de civilisation dans la Mésopotamie ancienne », Annales, 1960, p. 746 et note 2 .

11. CT XVI , 27, ligne 11 : Sâ binâti la iSû (à propos du démon alû). 12. Ibid., ligne 15 : Sa ztmi la iSû. 12 bis. Ibid., ligne 9 : Sa pâ la iSû. 13. Ibid., ligne 14 : [a]-lâ - hul igi-kin - nu-tuk-a. 14. Ninurta, afin que l'oiseau Anzû qu'il s'apprête à combattre ne reconnaisse pas

son visage, le couvre de brouillard, gallaniS, c'est-à-dire, à la façon d'un démon gallu. Cf. E . EBELINQ, RA XLVI, 1952, p. 28, ligne 11 et J. NOUGAYROL, ibid., p. 96, l igne67.

15. Sak-la-a-ti Sâ li-Sâ-na da-bi-bu sa-l[ip-ti] Sâ ktma erpêti (IM-DIRI™») la i-Sa-a pa-na u b[a-b]a ; cf. W. G. LAMBERT, Babylonian Wisdom Literature, p. 136, lignes 167-168, qui traduit : . Scoundrels, the informers who speak mischief, who like clouds have no face nor... ». Je crois qu'il convient de laisser ici le sens de simples d'esprit à sakldti, pluriel de saklu, et de traduire : « qui disent des paroles non fiables » Sâ USâna dabibu salipti. Quant au dernier mot, bdba, CAD 17, S., s.u. saliptu, le traduit dans ce passage : « tail ». Panu u bâbu serait une expression idiomatique pour désigner une chose ou un ensemble de choses qui ne sont pas exactement définissables ni quant à la forme ni quant au nombre et qui, de ce fait, n'ont » ni devant ni derrière », ni commencement ni fin. La présence de ces deux lignes dans l'hymne à Sama§ ne semble pouvoir s'expliquer que comme une glose, cf. W. G. LAMBERT, op. cit., p. 323, note aux lignes 167-173. CAD 2, B, p. 26 a, traduit : panu u bâbu dans ce passage : « who ..cannot be controlled ».

16. Na-am-ru-tum zi-mu-ka uk-ku-US tu-Se-e-ma, cf. W. G. LAMBERT, op. cit., p. 70, ligne 15. Particulièrement significative, à ce sujet, me semble une des malédictions dont Asarhaddon menace ses vassaux s'ils transgressent le serment qui les lie au roi : « que les dieux par lesquels vous avez prêté serment rendent votre peau, la peau de vos femmes, de vos fils et de vos filles [foncée]. Puisse-t-elle être aussi noire que la poix e t que le naphte » (D. J. WISEMAN, The Vassal-Treaties of Esarhaddon, planche 44, lignes 585 sq., p. 73-74.

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124 La splendeur divine

Ea. . . e t de Samas , je suis devenu resplendissant» (ina amat dEa...u 'Samas annamru)17 dit l ' homme qui est pa rvenu à se libérer des griffes d 'une sorcière. Tandis q u e ummulu se di t de l 'aspect é te in t de celui don t les forces faiblissent : « m a force vi ta le a é té enlevée, mon aspect ( l i t téra lement : m a virilité) es t obscurci » . 1 8 E n revanche , le re tour de la san té e t du bonheur se manifeste pa r l 'éclat du visage : « mon aspect sombre devient l u m i n e u x » . 1 9 J e suis devenu pu r comme «celui qui resplendi t», c 'est-à-dire le Soleil, lit-on dans une incanta t ion 2° ; et la séquence elêlu-ebêbu-namâru : se purifier, devenir pur , resplendir, est un le i tmot iv r i tuel bien connu.

Il s 'agit là d 'une concept ion sans doute commune à d 'au t res peuples sémit iques. Lorsque dans u n e le t t re néo-babylonienne on lit : « le mâr sarri qui est venu à la maison a b u du lai t ; grâce a u x prières adressées à SamaS, son visage a resplendi » 2 1 on ne peu t s 'empêcher de rapprocher ce passage de I Samuel X I V , 27 où la m ê m e relat ion de cause à effet appara î t . J o n a t h a n , fils de Saul , ignorant que le roi a v a i t décrété un jeûne pour l 'armée, a violé u n in te rd i t : en passan t dans u n bois, il a enfoncé son b â t o n dans une ruche , puis il l 'a por té à sa bouche et a goûté le miel qui y é ta i t res té accroché : e t « ses yeux resplendirent» (verset 27 b) d i t le t ex te . La présence du miel dans ce passage est significative : il ne s'agit pas d 'une nour r i tu re ordinaire, mais de l 'a l iment sucré par excellence, source de v o l u p t é e t d ' e n i v r e m e n t , 2 2 don t la couleur jaune-or renforce encore et amplifie la va leur re l ig ieuse . 2 3 Dans ces condit ions, rompre le jeûne en g o û t a n t — ce qu i est encore plus g rave — à u n me t s chargé d 'une force part icul ière, ne p e u t être in te rpré té que comme un péché d 'une gravi té ext rême, ou bien comme un ac te en t r a înan t une qualification

17. G. MEIER, AfO, Beiheft 2 ,1937, p. 17, Maqlû, II, ligne 123. 18. Ludlul bel nèmeqi I, ligne 47. Cf. W. G. LAMBERT, op. cil., p. 32-33 : [i]n-ni-tir

ba-al-li du-û-ti ù-tam-mil. 19. Commentaire au Ludlul bel nimeqt III, cf. W. G. LAMBERT, ibid., p. 54 ligne k :

du-û-tum um-mul-tam it-ta-pir-di, suivi par l'équivalence : du-û-tu : bu-un-na-nu-u. 20. E-te-lil ki-rna nam-ru, cf. G. MEIER, op. cit., p. 24, Maqlû III, ligne 70. 21. Pa-ni-Sû ba-nu-à, CT X X I I , n» 63,ligne 9, cf. E . EBELING, Neubabytonische Briefe,

p, 38, lignes 5-11, et R. LABAT, Le caractère religieux de la royauté assyro-babylonienne, p. 69 note 107. Le passage est intéressant pour nous du fait qu'il associe les prières à Samas avec l'effet produit par le lait sur la figure du prince. Que pantSu banû soit en quelque sorte une expression stéréotypée ne diminue nullement — bien au contraire — l'intérêt de la relation de cause à effet que le passage établit entre le fait de boire du lait et la luminosité du visage. Pour banû avec le sens de : brillant, cf. supra, p. 117.

22. Cf. supra, p. 88 et note 32. Pour un dieu Miel, "LÂL, cf. AO 16652, J. Nou-GAYROL, RA XLI, 1947, p. 28.

23. Cf. Psaume X I X , 11 qui souligne le rapport entre, d'une part, l'or fin et le miel qui coule des rayons, et, d'autre part, l'ordre de Yahwe t qui fait resplendir les yeux » de celui qui lui obéit.

Conclusion 125

religieuse pour celui qui l'a c o m m i s . 2 4 A J o n a t h a n , qui appa ra î t dans ce récit comme un être comblé par la berâkhâ, c'est le deuxième t e rme de cet te a l te rna t ive qui s 'applique. Bien que sa transgression a i t en t ra îné le silence de Yahwe et que le t i rage au sort l 'ai t désigné comme coupable, le peuple s'oppose à ce qu' i l meure . Pour lui — comme pour le pr ince babylonien — la luminosi té des yeux, après avoir mangé une nourr i ture aux résonnances religieuses si mul t ip les que le miel ou le lait, ne peu t ê t re q u ' u n signe de la faveur divine.

Certes, il y a en dehors de la lumière d 'au t res manifes ta t ions de l 'énergie vitale. L 'odeur , pa r exemple, est une des qual i tés essentielles de l 'ê t re v ivan t . Lorsque Enk idu se prépare à descendre dans le monde souterra in , Gilgames lui conseille de s 'abstenir de por te r des chaussures et d 'o indre son corps. L a t race de ses pas sur le sol et son parfum le feraient immédiat e m e n t repérer comme un v ivan t pa rmi les m o r t s . 2 5 A plus forte raison lorsqu'i l s 'agit d 'un dieu, le par fum appara î t comme l 'une des manifest a t ions les plus p roban tes de sa p r é sence . 2 8 Les bois odorants , don t le

2 4 . Chaque terme des versets 2 6 et 2 7 mériterait que l'on s'y arrête ; l'armée passe dans une forêt où le miel est si abondant qu'il en coule par terre. Personne n'y touche, sauf Jonathan qui (verset 2 7 a) plonge la pointe de son bâton dans un rayon. Le terme employé pour bâton est malte qui signifie en outre : tribu, gens, c'est-à-dire descendance d'un ancêtre commun. Le bâton d'Aaron, dans Nombres XVII , qui bourgeonne, fleurit et mûrit des amandes d'un jour à l'autre, prouvant ainsi la légitimité du rôle de la tribu de Lévi, est aussi un matte. La signification sexuelle du geste de Jonathan est évidente. La L X X traduit dans ce passage malle par skeptron, terme qui est utilisé parfois dans un contexte qui justifie cette même double interprétation : par exemple dans le rêve prophétique de Clytemnestre (SOPHOCLE, Electre, 4 1 7 sq.) où la reine voit Agamemnon plantant son skeptron dans Hestia, le foyer, < et il en pousse un rameau dont toute la terre de Mycènes est ombragée » ; cf. L . GERNET, Le foyer commun, p. 2 7 .

L'information d'Hérodote, 1 , 1 9 8 , comme quoi à Babylone les cadavres étaient conservés dans le miel, tout en étant inexacte, met l'accent sur une des propriétés attribuées au miel d'être un véhicule vers l'immortalité. Le thème de l'enfouissement dans le miel semble signifier aussi une nouvelle naissance. Dans un mldrash, Asenah, la fille de Putiphar, amoureuse de Joseph, après sept jours de jeûne, reçoit la visite d'un être d'une extraordinaire beauté qui lui met dans la bouche du miel et lui prédit qu'à partir de ce moment son aspect sera transformé, son corps sera parfumé comme les fleurs éternelles du paradis, ses os exsuderont une essence comme les cèdres et sa beauté sera éternelle. Voir, en Grèce, la légende de Glaucos, fils de Minos, qui se noie dans un vase rempli de miel et ressuscite (cf., entre autres, H Y G I N , Fabulae, 1 3 6 ) , et celle de Cléomène, roi de Sparte,' qui conserve dans le miel la tête d'Archidamos, héritier légitime de l'autre maison royale, et la consulte avant chaque entreprise ( E L I E N , Variae historiae XII , 8 ) .

2 5 . Cf. S. N. KRAMER, JAOS, 6 3 , 1 9 4 4 , p. 2 1 a. 2 6 . Pour ir-Sim-dingir-ra : parfum divin, dont un dieu fait offrande à une autre divi

nité, cf. A. FALKENSTEIN, Sumerische Gbtterlieder, I, p. 1 0 2 , lignes 2 3 - 2 4 . Voir également l'épithète d'Amausumgalla (Dumuzi), dans le poème d'Enmerkar, cf. S. N. K R A MER, Enmerkar and the Lord of Aratla, ligne 6 6 : « parfum pur d'Inanna ». Pour le parfum comme signe évident du voisinage d'un dieu, cf. LOHMEYER, « Der gottliche Wohlgeruch », Sitzungberichte der Heidelberger Akademie der Wissenschaflen IX,

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126 La splendeur divine

plafond et les portes des temples é t a i en t bâ t is , t i ssa ient au tour des s t a tues divines une aura parfumée à laquelle s 'a jouta i t encore l 'odeur des b a u m e s que l'on versai t quot id iennement sur elles. Sennacherib, ent re au t res , par le du délicieux par fum que dégageaient les por tes du temple, en bois de cyprès, chaque fois qu 'on les ouvra i t ou qu 'on les f e r m a i t , 3 7 t and is que Sargon men t ionne le parfum du bois de genévrier (burâsu)38 dont le roi Ur§a d ' U r a r t u a recouver t le to i t de son palais . Le roi Nabon ide v a n t e les par fums exquis don t il a rempli le t emple au m o m e n t d'accueillir les divines m a jestés de S a m a s e t d'Aia. M Q u a n t au parfum qui se dégageai t de la personne du roi, qu 'on se souvienne de ce que P l u t a r q u e disai t à propos d 'Alexandre : « sa bouche et t o u t e la chair de son corps exhala ient u n souffle parfumé, de sorte que ses tun iques embauma ien t délicieusement » . 1 0 J e ne connais pas dans le domaine mésopotamien de documen t plus p r o b a n t que cet te le t t re écri te au roi de Mari, Zimrilim, pa r u n vassal , d a n s laquelle celui-ci lui dit : « J e sens d a n s ma maison le parfum de m o n maî t re . . . » . 3 1 II veu t signifier par ces propos que, m ê m e é t a n t chez lui, loin de Mari et du Palais où habi te son seigneur, il v i t q u a n d m ê m e en touré p a r les puissants effluves é m a n a n t de la personne du roi. C'est donc la fidélité à son maî t re , que d 'au t res ava ien t peu t -ê t r e mise en doute , qu'i l v e u t affirmer pa r ces p a r o l e s . 3 3

Comme la lumière e t comme l 'odeur qu ' i r rad ie la personne, l ' ombre est une manifes ta t ion de sa force v i ta le . Project ion de l 'ê t re sur l 'espace, son impor t ance e t son efficacité seront p lus ou moins g randes selon qu'elles é m a n e n t d 'un dieu, d 'un héros, d 'un roi ou d 'un h o m m e quelconque. Nous avons v u 3 3 à propos du dieu Ningirsu, p ro tec teur de Sumer, q u e l ' ombre qu ' i l é tend sur ce pays es t empre in te du r a y o n n e m e n t que son

p. 4 sq. Cf. E L I E N , De natura\ animalium, 12, 30 : Hera, après ses noces, prend un bain dans une source entre l'Euphrate et le Tigre : toute la localité aurait gardé le parfum de la déesse.

27. D . D . LUCKENBIIX, OIP II, p. 98, ligne 81.

28. TCL III, planche X, ligne 211. 29. VAB IV, p. 258, col. II, ligne 13 : ana nlribi iltltiSunu strti simai btti umalld

iriiu tâbi. On peut comparer les témoignages que nous fournissent les textes sur le parfum qu'entourait les statues des dieux dans les temples de la Mésopotamie avec ce qu'tin peut lire dans LUCIEN, De syria dea, § 30 à propos du temple de la déesse : le parfum divin que ce temple dégageait était si fort que les vêtements des visiteurs en gardaient pour toujours un relent subtil.

30. PLUTARQUE, Vie d'Alexandre, chap. IV. H ajoute que cette bonne odeur, selon la théorie de Théophraste, provenait d'une constitution extrêmement « chaude et enflammée >, ce qui peut expliquer également le fait que les lieux secs et chauds soient aussi ceux qui produisent les meilleurs parfums.

31. G. DOSSIN, RHA V, 1939, fasc. 35, p. 70-71, lignes 3-4 : e-ri-iS be-li-ia tà-ba-am i-na btli-ia e-si-in.

32. Les lignes qui suivent confirment d'ailleurs cette interprétation : (ligne 4) « Je suis un serviteur fidèle de mon maître, moi 1 ».

33. Cf. supra, p. 122.

Conclusion 127

corps divin dégage. Il y a dans ce t te expression p lus q u ' u n e mé tapho re ; l 'ombre par t ic ipe de tou tes les caractér is t iques du corps qui la p ro je t t e . Ainsi les démons qui ne son t pas lumineux, ne p ro j e t t en t q u ' u n e « o m b r e sombre » (ur-ru-up sil-la-su uk-ku-ul : « son (du démon) ombre est obscure (et) sombre ». « C'est peu t -ê t re là le sens d 'un proverbe , vér i tab le casse-tê te , q u ' u n e le t t re néo-assy r i enne 3 8 nous a légué.

L 'ombre du roi qui est « la vie du pays » qu ' i l gouverne, es t bonne (tâbu), favorable (damqu) 3«. Le roi est, en t e m p s de guerre, « l 'ombre de ,ses t roupes » (sulul ummânâte-Su). " De ce fait, t o u t ce qui sera en r a p p o r t avec l 'ombre du roi ou pourra concourir à augmen te r son effet bienfaisant p rendra une signification spéciale. Ainsi le parasol (TÛG sa silli), dès l 'époque de Sargon d 'Akkad , est un symbole r o y a l 3 8 po r t é pa r u n fonct ionnai re du roi qui, à l 'époque néo-assyrienne, é ta i t invest i d 'un anneau d 'or e t d 'une épée du même m é t a l 3 9 , insignes d 'un rang t rès élevé dans la hiérarchie. L 'ombrel le deva i t avoir encore le rôle d 'élargir l 'ombre royale , r iche d'effluves bienfaisants pour le peuple, et , en t emps de guerre, pour l 'armée. D é ta i t de ce fait indispensable de ne pas en gaspiller le pouvoir et d 'en réserver les bienfaits a u x seuls sujets du r o i . 4 0

Si le fait de se t rouver dans l 'ombre émise pa r le roi ou pa r son ombrelle cons t i tua i t pour le bénéficiaire une s i tuat ion except ionnel lement favorable, la raison en é ta i t que l 'ombre, émanat ion de la puissance royale, é ta i t considérée comme une chose aussi concrète q e la personne qui l 'émett a i t . C 'é ta i t réellement un aller ego. Ceci aide à comprendre la séquence

34. O. R GURNEY, AAA X X I I , 1-2, 1935, p. 76, ligne 32. 35. R. F . HARPER, ABL, n° 652, revers.lignes 9-13 : [S]a qa-bu-u-ni am-me-û [m]a-

a silli (GlS.GE») ili a-me-lu [u] silli ^a-me-le-e] [a-]me-lu : Sarru : Su-û [qi]-e mu-uS-Su-li Sâ ili. On a donné de ce dicton différentes traductions. La dernière en date est celle de W. G. LAMBERT, op. cit., p. 282 : « As a people say : 'Man is the shadow of a god, and a slave is the shadow of a man', but the king is the mirror of god ». D'autres ont voulu voir dans Sarru une glose d'amilu et ont traduit (lignes 10-13) : * l'ombre du dieu, c'est l'Homme et l'ombre de l'Homme, c'est l'homme. (L'Homme) c'est le roi qui est comme le miroir de dieu ». Cf. H. FRANKFORT, La royauté et les dieux, p. 390, note 1.

36. Cf. A. L. OPPENHEIM, BASOR 107, 1947, p. 7 sq. A propos du caractère bienfaisant de l'ombre du roi assyrien, on peut rapprocher ce que Actes V, 15 dit de l'ombre de Pierre : « on apportait les malades dans les rues, et on les plaçait sur les lits ou des nattes, afin que, lorsque Pierre passerait, son ombre couvrit au moins quelqu'un d'entre eux ».

37. D. D. LUCKENBILL, OIP II, p. 144, lignes 7-8 ; p. 136, ligne 22. On peut comparer avec Isaïe X X X , 2 où F«ombre de l'Egypte» désigne le pharaon.

38. Cf. E. NASSOUHI, « La stèle de Sargon l'ancien », RA X X I , 1924, p. 65. On le retrouve au revers d'une monnaie d'Hérode Agrippa (37-44 après J . - C . ) , où la royauté est représentée simplement par un parasol qui occupe tout le champ.

39. Cf. R. F . HARPER, op. cit., n» 1343, ligne 3.

40. Voir à ce sujet le récit des aventures d'un envoyé du pharaon auprès du roi de Byblos, dans A . JEREMIAS, DOS altes Testament im Lichte des AUen Orient, p. 213 et surtout p. 215, et dans A N E T , p. 25 sq.

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128 La splendeur divine

d 'appel la t ions que le fidèle en détresse lance à son dieu dont il revendique l 'aide. « T u es mon ombre (sillu), t u es m a force sexuelle (bâstu), t u es m o n démon bienfaisant (sêdu), t u es m a s t a tu re (gattu), t u es ma taille (padattu), t u es mon m u r (dûru) » . 4 1 P o u r l ' implorant , les cinq premiers te rmes sont s t r ict e m e n t synonymes . On p e u t dire que du poin t de v u e de la menta l i té méso-po tamienne , il n 'y a p a s de différence entre ces réal i tés : l 'homme const i tue u n t o u t e t bien que cer ta ines propriétés soient localisées dans une par t ie du corps p lu tô t que dans une au t r e , la force v i ta le don t il est le siège se manifestera aussi bien p a r la puissance de son ombre que par sa s t a tu re ou sa force sexuelle. Le t e r m e qu i désigne cet te dernière, bâstu, nous semble s u r t o u t significatif dans ce contex te : son sens premier est s e x e 4 2 : Sennachérib dira à propos du t r a i t e m e n t qu' i l a réservé aux guerr iers ennemis qui on t é té t ué s dans la batai l le : « J e coupai leur phal lus et détruisis leur sexe comme des binu de concombre mûr , je t rancha i leurs m a i n s » . 4 3 Mais bâstu désigne t r è s souvent l ' exubérance de vie don t u n

41. G. MEIER, AfO, Beiheft 2. 1937, Maqlû VIII, ligne 90-92. 42. Comme gattu, qui est un synonyme de lânu (LTBA II, 2, ligne 306), mais qui

semble avoir eu surtout le sens de taille, stature. Cf. CAD 5, G, p. 58 b et W. VON SODEN Akkadisches Handworterbuch, p. 283 b, s.u.

43. D. D. LUCKENBILL, OIP II, p. 46, col. VI, lignes 10-12 : sa-ap-sa-pa-te ù-na-kis-ma bal-ta-Sû-un a-bu-ut ki-ma bi-ni qiS-Se-e si-ma-ni û-na-kis qa-ti-su-an. Pour binu, cf. W . VON SODEN, Akkadisches Handworterbuch, p. 127 a ; CAD 2, B, p. 243 a, § 3 et p. 143 b, § 3, traduit ce passage ainsi : « I eut of their (the dead men's) beards and thus destroyed their proud looks (p. 143 b : their pride) I eut off their hands like 6irm(-s) of ripe cuncumbers ». Selon cette traduction de CAD, sapsapu au lieu du sens de phallus communément admis depuis H . HOLMA, Die Namen der Korperteile im Assyrisch-Babylonischen, p. 95, aurait celui Vie barbe. Cette traduction nouvelle demande un commentaire. Avant tout, le fait de couper une ou plusieurs parties du corps de l'ennemi mort est un acte assez général, accompli dans un but sur lequel les auteurs mêmes de ces mutilations se sont parfois expliqués. Ainsi Assurbanipal pendant sa cinquième campagne contre l'Elam tuera tous les Elamites qui ne lui ont pas rendu hommage. « Je tranchai leurs têtes, je coupai leurs langues ; je (les) rapportai en Assyrie afin de (les) montrer aux habitants de mon pays » (J. AYNARD. Le prisme du Louvre AO 19.939, p. 76, pl. VIII , col. III, lignes 51-52). C'est donc comme trophée que ces restes prennent le chemin de l'Assyrie. Il semblerait en outre, que ces mutilations dont la signification rituelle est évidente, pouvaient avoir, au moins dans certains cas, également un but i pratique » : le compte des pertes subies par l'ennemi. La traduction de sapsapu par « barbe » peut avoir été inspirée aux philologues de Chicago, d'une part, par le sens de lèvre inférieure que ce mot a en accadien, et par l'hébreu sapam, d'autre part, qui signifie barbe. A moins, naturellement, qu'un fragment inédit de vocabulaire leur ait permis d'établir ce sens. Il se peut aussi que les auteurs de CAD aient été influencés, peut-être inconsciemment, par la signification qu'ils donnent au mot bâStu : beauté, dignité, décorum, orgueil, et non sexe. Étant donné les valeurs qui dans les civilisations sémitiques sont attachées à la barbe (voir, supra, p. 119), le fait d'en priver les cadavres des ennemis ne peut en effet être interprété que comme un acte de mépris outrancier envers les morts et envers les survivants. Tout autre apparaît la signification de la mutilation du phallus, acte rituel dont le sens a été très bien compris par G. W I D E N G R E N dans son étude sur « L'émasculation rituelle chez les

Conclusion 129

être p e u t être rempl i . Il est de ce fait synonyme de génie bienfaisant e t gardien de l ' individu, lamassu. D ' au t r e pa r t , bâstu est en r a p p o r t auss i bien avec kuzbu, qui, ainsi que nous l 'avons vu, désigne l ' épanouissement su r tou t de la femme, qu 'avec dûtu qui exprime la force e t l ' aspect viril. 4 4

Bâstu de ce fait est la qual i té propre à t o u t ce qui est v ivant , lumineux , coloré : il est la v i ta l i té du P a l a i s 4 5 don t dépend la vie du pays . U n e apodose d 'un présage annonce que : « Si a u mois d 'Ab un incendie s e déclare au Pala is : les dieux enlèveront la vigueur du Pala is (bâsti ekalli, écrit : T É S É . G A L ) ; le pays pâ t i ra jusqu ' à l ' anéan t i s s emen t» . 4 8 L e r a p p o r t que ce passage établ i t entre la vigueur du palais e t la déchéance du pays , m o n t r e que bâstu est un aspect de l ' intensi té de la vie. Le fait e n out re que bâstu se construise ici avec le verbe tabâlu : empor ter , t émoigne qu ' i l s 'agissait dans l 'esprit des Accadiens de quelque chose de c o n c r e t . 4 7

On dira de cer ta ines s ta tues , ce r ta inement polychromes, qu'elles son t ba-al-tu kuzbu hi-it-lu-pa48 : «enveloppées de vi ta l i té e t d 'épanouissem e n t » , c 'est-à-dire qu'elles on t l 'aspect d 'ê t res v ivan t s . Dans le même sens est employé bâstu dans un passage de l ' inscription d 'Asarhaddon, o ù toujours à propos des s ta tues des dieux que le roi v ien t de faire res taurer , il se v a n t e de les avoir faites encore plus majestueuses q u ' a u p a r a v a n t e t de les avoir « rendues frémissantes de vie » (bal-tu û-sag-li-du)49 en les

peuples sémitiques », dans Studia Orientalia Johanni Pedersen dicata, p. 377 sq. (corriger toutefois la fausse attribution à Assurbanipal [p. 380-381] du passage qui revient de droit à son grand-père Sennachérib) : détruire les possibilités de reproduction d'un ennemi héréditaire, en poussant les choses jusqu'à l'absurde par l'émasculation des morts et même des foetus mâles dans le ventre de leurs mères (p. 381 sq.). Jusqu'à preuve du contraire, l'interprétation traditionnelle de ce passage me semble donc préférable. Cf. Vf. VON SODEN, Akkadisches Handworterbuch, p. 112, s.v. bâitu.

44. Cf. G. MEIER, op. cit., Maqlû III, lignes 8, 11. Ce passage montre que le terme dûtu, à la ligne 8, est employé dans le même sens que bâStu (*KAL) à la ligne 11.

45. Sargon à propos des arbres qu'Ursa d'Urartu avait fait pousser autour de son palais, emploie l'expression bal-ti e-kal-lim que F. T H U R E A U - D A N G I N , Une relation de la huitième campagne de Sargon d'Assyrie, p. 35, ligne 206, jtraduit par : » gloire de son palais » ; en réalité gloire ne rend pas compte entièrement de ce que bâStu signifie ici. Ursa a accompli des grands travaux d'irrigation en transformant un territoire désolé en un verger luxuriant. Les arbres qu'il a plantés portent leur ombre bienfaisante sur toute la région. Ces arbres sont donc bâlti ekallim, c'est-à-dire l'exubérance vitale de son palais.

46. KAR 212, col. III, ligne 63 (cf. R. LABAT, Un calendrier babylonien, p. 136, ligne 5) : DIS ina Abi MIN ( = IZI a-na Ê.GAL SUB"') DINGIR. MES TÉS É.GAL i-tab-ba-l[u] KUR EN ul-la ina-an-ziq.

47. Voir supra, p. 30, à propos de melammu. 48. D. D. LUCKENBILL, OIP II, p. 107, col. VI, ligne 34. 49. C'est ainsi qu'il faut traduire battu uSaglidu, et non comme le fait R. Borger(Di«

Inschriften Asarhaddons, p. 84, ligne 38) : « bekleideten sie mit ehrf ûrchtgebietender Fùlle », ou CAD 5, G, p. 14a : « provided them with awe-inspiring vigor »; le verbe galâtu dont le sens principal est : être agité, finit par avoir aussi le sens d'être inquiet d'où avoir peur. Ici il n'est pas question de peur, mais de l'extraordinaire vitalité que

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130 La splendeur divine

faisant resplendir comme le Soleil. On comprend mieux p a r ce passage pourquoi la polychromie est considérée en définitive comme synonyme d 'é t incel lement ; ce sont l 'une e t l ' au t re des qual i tés essentielles de l 'être v ivan t , t and i s que le mor t , comme la s t a tue de pierre, est monochrome et opaque . D ' o ù la nécessité de veiller à ce que la s t a t u e ne se ternisse point , à ce qu'elle ne perde rien de son br i l lant si l 'on v e u t qu'elle reste v ivan te ; d 'où aussi l ' impor tance que l 'on accorde à l 'onction des stèles gravées e t des inscript ions : la parole écrite ne sera réel lement « pa r lan te » 5 0 que si la stèle v i t et, pour qu'el le vive, elle doit briller. C'est pourquoi les rois, au teu r s d ' inscript ions, p r o m e t t e n t tou tes sortes de bénédict ions à ceux de leurs successeurs qu i vei l leront à ce que les inscript ions soient ointes. Quan t a u x s ta tues dans le temple , l 'onction à laquelle procèdent des prê t res a, en t re au t res , pour objet de les conserver en vie de façon qu'elles puissent parler . Aussi Gudea de LagaS place dans le temple une de ces s t a tues afin qu'el le rende compte au dieu Ningirsu de la façon exemplaire don t Gudea a célébré la fin de la construct ion d u temple dédié à ce d i e u . 5 1 Lorsque, malgré tou t , l ' apparence de la s t a tue divine se tern i t , l i t t é ra lement : s 'assombri t , c 'est que l 'ordre normal des choses est compromis ; p a r suite, en r e s t i t uan t à la s t a tue son aspect premier et en la r e n d a n t «resplendissante comme la lumière du jour» on accompli t u n u n ac te d 'une impor tance exceptionnelle, une vér i table remise en ordre de l 'univers *• don t le souvenir mér i t e d 'ê t re t r ansmis à la postér i té au même t i t r e que les campagnes victorieuses du roi .

les artisans ont su donner aux statues de sorte qu'elles semblent animées. Je crois que c'est d'ailleurs dans ce sens que von Soden a compris le passage, parce que dans son Akkadisches Handwbrterbuch, p. 112 b, il rapproche l'expression bdltu hitlupa de bâltu uSaglidu.

50. Cf. à ce sujet A. DUPONT-SOMMER, Les inscriptions araméennes de Sfiri, p. 119 : à propos des betyles qui sont des « pierres animées » selon une tradition remontant à Sanchounation, dont Philon de Byblos se fait l'écho, il ajoute « les inscriptions qui y sont gravées sont elles-mêmes vivantes parce qu'elles parlent ».

51. H. FRANKFORT, La royauté et les dieux, p. 303 : « sans doute les Mésopotamiens considéraient la statue comme indépendante de la personne qu'elle représentait ». Il cite à ce propos l'ordre que Gudea donne à une de ses statues : « Statue, dis à mon roi... » {statue B , colonne 7, lignes 24-25, cf. F. T H U R E A U - D A N G I N , Die sumerischen und akka-dischen Kônigsinschriften, p. 72) de rendre compte au dieu Ningirsu comment Gudea avait célébré l'achèvement du temple de Lagas. Cf. également A. FALKENSTEIN, ZA NF XV, 1949, p. 105, note 4, qui traduit le passage de l'inscription de la statue votive de Nammahani (F. T H U R E A U - D A N G I N , ibid., p. 64, f, 2, lignes 4-6) : » La statue 'se tient dans l'oreille' de ma Dame, puisse-t-elle lui transmettre mes prières ».

52. Souvent d'ailleurs cette remise en ordre, ce renouvellement du temple ou des statues divines ne sont accomplis qu'en exécution d'un ordre de là divinité. Cf. Nabuchodonosor : VAB TV, p. 142, col. II, ligne 13-14 ; Nabonide, ibid., p. 262, col. I, ligne 18. Asarhaddon déclare que les signes inscrits sur le foie l'ont poussé à restaurer l'Ësagil. Cf. R. BORGER, ibid., p. 19, lignes 14-15. « Le cœur du dieu est satisfait et son visage brille » (su-ur-ru-uS i-li-is-ma im-me-ru zi-me-Su), lit-on dans une inscription d'un successeur de Tukulti-Ninurta, Ninurta-tukulti-Assur (Einleitung in die assyrischen Kbnigs-

Conclusion 131

L ' o m b r e e t l 'éclat lumineux, la s ta ture , le sexe ou le génie p ro t ec t eu r sont pour les Mésopotamiens des réali tés de même n a t u r e .

Ombre , parfum, éclat : a u t a n t d ' émana t ions pa r lesquelles l 'être v i v a n t manifeste sa présence ; mais lorsqu'il s 'agit du roi ou d 'un dieu, les m ê m e s t e rmes acquièren t une tonal i té infiniment plus forte e t servent en o u t r e à définir des relat ions sociales d 'un type «féodal». Vivre dans l ' ombre ou dans l 'éclat du roi, en respirer le parfum, signifie, en ce langage, par t i c i per de la vi ta l i té royale, ê tre si tué à l ' intér ieur de ce t te zone d 'énergie d o n t le roi est la source puissante .

Dès lors, on peu t comprendre ce qu 'Assurbanipa l v e u t exprimer q u a n d , s ' adressant à son court isan Bêlibni, il lui d i t : « Si to i qu i connais m a puluhtu, t u as pu agir de la sorte, commen t agi ront alors ceux qui ne l a connaissent pas » . M II ne peu t ce r ta inement pas ê t re Ici un iquemen t ques t ion de sent iments de respect ou de crainte . Puluhtu expr ime en réal i té la zone à l ' intérieur de laquelle la vi ta l i té royale se fait sentir d a n s ce qu'el le a de terr ible e t de bienfaisant, à la fois, de b r û l a n t et d ' apa i san t . T radu i r e dans nos langues modernes ce t e r m e par « éclat » ou « r ayonne m e n t » revient à rendre d 'une façon t r è s insuffisante les nuances opposées qu i sont comprises dans le m o t accadien. E n faisant allusion à sa puluhtu, Assurbanipa l veu t signifier le genre de rappor t s qu i exis tent ent re lu i e t son officier. Celui-ci v i t dans le r a y o n n e m e n t de son ma î t r e ; c 'est u n honneur redoutable auquel t rès peu pa rmi les sujets du roi sont a d m i s . Il n ' e s t pas donné à n ' impor te qui de soutenir l 'éclat terrible e t p r o t e c t e u r de la personne royale, de subir le con tac t de son halo lumineux . Bêlibni doit, de ce fait, se compor ter en conséquence.

De la même manière Asarhaddon , le père d 'Assurbanipal , expl i q u e dans une inscription M qu ' i l a res t i tué a u x hab i t an t s de B a b y l o n e e t de Borsippa les champs que l 'ennemi leur ava i t enlevés, « parce qu ' i l connaî t la puluhtu de Marduk e t de N a b û », qu i sont les dieux pa t rons de ces deux villes. Asarhaddon emploie ici les mêmes t e rmes dont son fils Assurbanipal se servira plus ta rd , parce que le lien de dépendance qu ' i l a envers ses maî t res divins, Marduk e t Nabû , est du m ê m e type que celui qui lie l'officier Bêlibni à son ma î t r e royal Assurbanipal .

inschriften, p. 101) qui a restauré le temple du dieu Eragal à Sirara ; lorsque le roi institue les offrandes rituelles qui avaient été abandonnées, le contentement du dieu se peint sur sa figure (ligne 17), qui ;« devient colorée» (bu-un-na-ni-Sù ur-ta-âS-Su-û). C'est là le signe de la bénédiction que le dieu étend sur le roi.

53. Voir supra, p. 11-12. 54. R. BORGER, Die Inschriften Asarhaddons, p. 52, lignes 66-67 : âS-Sû a-na-ku

pu-luh-ti 'Bel u 'Nabû i-du-ù. Cf. aussi p. 17, ligne 21 : ia-a-ti(iy[AS]-Sur-[ahu-idina... m]u-du-û pu-luh-ti ilu-ti-Sû rabl-ti : «moi, Asarhaddon... qui connais la puluhtu de sa grande divinité» ; dans plusieurs passages», cf. les références ibidem, p. 9, note à la ligne 10 sq., au lieu de puluhtu, on trouve palhu (pour pulhu ?). La même expression se retrouve dans une inscription de Nabuchodonosor (VAB IV, p. 100, col. I, ligne 4) et auparavant dans une inscription de Nabopolassar ( VAB IV, p. 60, col. I, lignes 17-18).

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132 La splendeur divine

L'expression puluhta idû, qu ' i l s'agisse d 'un dieu ou d 'un roi, est à rapprocher de l 'expression similaire puluhta sûhuzu : ê t re ins t ru i t de la puluhtu d ' un dieu, que l 'on t rouve dans une prière de Nabuchodonosor où le roi s 'adressant au dieu N a b û lui di t : « les d ieux et les hommes connaissent bien la puluhtu de ton augus te divini té » . 5 5

Puluhtu, dans ces passages, comme A.L. Oppenhe im l ' ava i t senti avec acuité, est dans u n sens la personne ; mais a t t en t i o n : il est la personne vue sous un aspect t rès part iculier , comme ét incel lement q u ' é m e t le roi et à plus forte raison t o u t être divin. « Ne commets pas de crime, l 'éclat (puluhtu) du dieu ne t e consumera pas » (sà-ar-t[a] la te-pu-u[s] pu-luh-la [ili] la ik-kal-k[a]) : a insi dit u n proverbe accadien. Puluhtu ne semble pas signifier ici la cra in te , comme t r a d u i t W.G. L a m b e r t M , ma is p lu tô t la splendeur que le dieu dégage e t qu i r isque de dévorer le coupable. Akâlu : manger , consumer, se d i t en effet du feu, et, à plusieurs reprises nous avons mis en évidence le r a p p o r t é t roi t qui existe en t re l 'éclat divin e t le feu. De même lorsque Tuku l t i -N inu r t a m e t en cause sa puluhtu pour expliquer la fuite d 'Eh l i -Tesup , roi d'Alzi, d e v a n t l ' avance des t roupes assyriennes, l 'expression ana idi puluhti-ia ishutma signifie q u ' E h l i - T e s u p a é té phy s iquement obligé de rompre le con tac t d e v a n t l 'éclat du roi e t de s'enfuir.

Rassemblons une dernière fois le faisceau de représenta t ions associées, concepts e t images, auxquel les nous a condui t no t re enquê te par t ie des te rmes signifiant la splendeur e t qual i f iant la divini té .

Éclat , r ayonnemen t , ét incel lement, halo lumineux qu i caractér isent non seulement les d ieux, mais aussi les rois ; éclat et r a y o n n e m e n t de l ' homme sain et p u r ; souveraineté , v e r t u mil i taire, force physique, puissance sexuelle, b e a u t é ; plaisir, vo lup té , fertil i té e t luxur iance de la te r re e t des eaux ; b e a u t é épanouie des œuvres d 'a r t , nous avons vu que t o u t cela s 'exprime en « t e rmes de lumière» et t r a d u i t u n e même réali té .

Dans u n tel sys tème, des t e rmes que nous sommes condui ts à définir pa r des qual i tés abs t ra i tes on t un sens, en véri té , beaucoup plus complexe et concret ; ou p l u t ô t il s 'agit de catégories qui, compte t enu des s t ruc tures menta les des Mésopotamiens , liées à leur condit ions de vie, se sont formées su ivan t d ' au t res cri tères que les nôt res .

Bien que les t e x t e s don t nous avons disposé soient des documents « religieux » — h y m n e s , prières, r i tuels , — ou des inscriptions royales, les formes de pensées que nous en avons dégagées intéressent la vie courante e t la réa l i té quot id ienne dans leur ensemble.

55. S . A . STRONO, PSBA 20, p. 157, ligne 7 : pu-lu-uh-tm i-lu-û-ti-Su si-ir-tm Su-hu-zu DINGIR.DINGIR û a-mc-[lu-tu].

56. Cf. W. G. LAMBERT, Babylonian Wisdom Literature, p. 240, F, II, ligne 11, qui traduit ce proverbe (p. 247) : « Commit no crime and fear ol your god will not consume you •.

Conclusion 133

Tous ces concepts e t ces images s 'ordonnent a u t o u r d 'un pivot qui est la relation en t re lumière e t force vi tale . De tou t e évidence, cet te maniè ie d ' in terpré ter e t de systématiser le réel dans une perspect ive énergét ique n 'es t pas p ropre a u x Mésopotamiens et n ' a pas disparu avec leur civilisation. D ' au t r e s peuples en on t hér i té ou l 'ont inventé pour leur propre compte . J ' a i fait allusion dans ces pages 8 7 au x'arenoh qui est aussi lumière char i smat ique e t essence de vie e t j ' a i évoqué à propos de hi-li : kuzbu, la xâpiç grecque. Enfin quelques-unes des associations que nous avons é tudiées dans ce livre t ranspara i ssen t également dans la not ion biblique de kabôd. T o u r à t ou r majesté , éclat, g randeur , beau té , puissance et p léni tude dans les actes et dans les œuvres , richesse, kabôd est la forme sous laquelle Yahwe appara î t , sa gloire. On serai t t e n t é d 'ouvr i r ici un nouveau chapi t re t a n t on a l ' impression que pa r kabôd, les Hébreux expr imaient certaines des réali tés que nous avons découvertes derrière les t e rmes accadiens.

Par is , m a r s 1965

57. Voir supra, p. 79, note 93.

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Indices

CASSIN. 10

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Index général

•mr, 34 n. 21. abatage d'arbres (voir : hubris). Abigail, 97-98,99. Achan, 111 n. 40. acte sexuel :

— kuzba leqû, 92-93.

lapâtu, 93-94.

Adad, 22 et n. 52, 31, 47 et n. 78, 68. ADADNIRARI II, 24, 71-72.

Adda-guppi, 44 n. 67. admoni, 107.

Agamemnon, 106 n. 13, 125 n. 24. Ahura Mazda, 73 n. 93. Aia, 4 n. 17,126. Aia-kuzub-màti, 94 n. 67. aiolos (<X£6AOÇ), 117.

ALEXANDRE, 126 n. 30.

aliment sucré : cf. miel. An, 69. Anu, 6 n. 24, 18 n. 8, 21, 24, 28, 36 n. 27,

47 et n. 76, 50, 70, 79, 81 n. 9, 93 et n. 59.

Anzû, 40 n. 9, 48, 49,123 n. 14. Apsû, 6 ,29, 30, 31, 32, 34, 35, 36.

—• son melammu, 30.

Arc, 13 n. 10. arc-en-ciel et éclat, 118.

— turban, 118. — polychromie, 118.

argaman, 107 n. 17.

argavân, 107 n. 17.

Ariadne, 5 n. 17. Arimaspes, 55 n. 9. armes :

— divines, 4 et n. 4, 19 et n. 15, 20 e t n. 25, 73, 76 n. 80.

— du roi, 74, 75,76. — d'Achille, 76.

asakku, 112.

Asakku, 75 n. 75. Asalluhi, 20, 81 et n. 98. ASARHADDON, 7, 13 n. 10, 20, 50 n. 9 1 ,

66, 72, 123 n. 16, 129, 130 n. 52, 131 et n. 54.

Assur, 6 n. 24, 7 ,19, 73, 77 et n. 83. — et Istar, 19, 63, 77. — et Marduk, 19, 77.

ASSURBANIPAL, 13 n. 10, 14, 19, 37, 38 e t

n. 37, 77 et n. 82, 105 n. 9, 109, 128 n. 43, 131.

ASSURNASIRPAL II, 66, 72, 75.

ASSURNIRARI V, 13 n. 10.

Athena, 76. Atraljasis, 32,34, 35.

banquet — de la déesse Inanna et du roi, 69

n. 32. — du dieu UTU et du roi, 68.

barbe, 5 et n. 20 ,116,128 n. 43. — âge d'homme, 119 n. 75.

Bau, 35.

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138 La splendeur divine

beauté : éclat : polychromie, 117. B Ê L I B N I , 11, 109, 131.

berâkhà, 78 et n. 87, 125. berekh, 78 n. 87. bijou(x) (voir : pierres), 25-26, 49 n. 25,

57 ,91 ,96 . birku, 78 n. 8' . blancheur, 123-124. boisson enivrante (voir : miel, banquet...),

69. boue post-diluvienne, 30.

— primordiale, 37. bronze (voir : armes), 76.

— * fort », 47 et n. 76 et 77. bruit : lumière, 47-48.

— mouvement, 36. — musique, 46, 47-48. — sauvage, 46. — des hommes : habtbu, 36 n. 28,38-39.

(vie quotidienne). Bunene, 4 n. 17. BURSÎN, 68 et n. 26.

cape royale, 85 et n. 14 (voir : vêtement de souveraineté, parure), castrats, 12 et n. 8, 13 et n. 9 et 10. cèdre(s) : arbre exotique, 62.

— arbre mythique, 63 et n. 40. — et le roi, 62. — commerce royal, 63. — et Humbaba, 53-54, 56. — forêt obscure, 57-58.

ceinture (cf. parure). — défaire la . . . , 92 . — bandeaux des seins, 85 et n. 13.

chance (voir : faveur divine, berdkhd), 78-79.

champs en jachère : chaos, 43. chant des moissonneurs, 38 et n. 36 et 37,

39 et n. 38. chaos (voir : obscurité, silence, sable,

champs en jachère) 35-36, 39sq., 44-45. chwis (x<xpte), 94, 95 et n. 69, 96, 133. charme, 92.

— inbu, 91 n. 47. ciel (voir : Anu). Clytemnestre, 106 n. 13, 125 n. 24. corps et lumière, 10 n. 9, 122 n. 9. couleur(s) (voir : polychromie), 114-115,

116 et n. 62 et 63-117. — rouge et le mort, 113 et n. 47 et 48.

couronne lumineuse, 57 et n. 17.

couronnement (voir : investiture, regalia, souveraineté...), 70-72. — et splendeur royale, 50 (Ninurta

intronisé). cuirasse de splendeur, 28 n. 2.

Dagan, 63. D A V I D , 97-98, 99.

Deborah, femme de flamme(s), 105. déluge, 37, 39. démon : noir, 121 n. 9. destin, 40-41, 69. devotio, 106 et n. 13. Dumuzi, 89.

Ea, 30-31, 34, 35, 36, 53, 80, 81 n. 98, 124. éclat de la nature : terre, 80 (fleuve), 80-81.

— des armes (voir : armes). — des murailles, 3 et n. 7, 6 n. 28. — des statues, 129-130. — du visage : santé, épanouissement,

79-80, 98 n. 85, 124. — et nudité : Abigail, 97-98, 99.

rabbi Johanan, 98. — et œil, 55.

éclat lunaire et le roi, 66-69, 70, 73. éclipse (voir : silence, Sîn) : ne pas porter

de turban, 43 et n. 62, 44. — révolte, siège, meurtre, 44. — de lune, 42-46. — de vacarme, 46. — du soleil, 42.

égide, 28 n. 2. Enki, 61. Enkidu, 53, 58 et n. 20 et 21, 64, 92, 112,

113 et n. 45, 125. Enlil, 7 n. 32, 32, 34, 40, 48, 50, 54, 88

n. 27. — et Anzû, 40. — et la souveraineté, 41, 49-50. — et les tablettes de la destinée, 40. — silencieux, 41. — turban, 48, 49-50.

épanouissement, 89-90. Eragal, 130 n. 52. Ereskigal, 86. étincellement et polychromie, 96, 116,

129-130. — tissu brodé, 117. — séduction : des pierres, 95, du

langage, 96. Europe, 33 n. 19.

Index général 139

face : personne, 14. fard (voir : maquillage), faveur divine, 78-79, 125. feu : dans la guerre, 19 n. 15, 75-76.

—• dans la rue, 43. — dévorant, 8. — du foyer, 42, 45 et n. 70. — son éclat, 3, 53 sq. — et splendeur, 8, 19, 75, 76 et n. 80.

femmes arabes (voir : héroïsme et nudité), filet : la splendeur (sarûru) de Samas, 19

et n. 13. fleuve (voir : éclat), folie : obscurité, 121. force vitale, 124, 126, 128, 131. forme : mummu, 31.

— lumière, 122-123.

gardien des cèdres (voir : Humbaba). GilgameS, 4, 33, 53 sq 84 n. 9, 89, 92,

112, 113 et n. 45, 125. Girra, 49 n. 86. gong, 47 n. 78. Grées, 55 n. 9. Gudea, 3 n. 8, 6, 18, 130 n. 51. guerre et chasse, 78 et n. 88.

— éclat, 77.

hbr, 96 n. 77, 117 n. 69. Haldia, 50 n. 88. HAMMURABI, 70, 73 n. 58, 79.

Héphaistos, 95 et n. 69, 96. Héra, 95 et n. 69, 96. herem, 111 et n. 40. héroïsme et nudité : femmes arabes, 99 sq.

— Aisha, 100. — femmes des Germains, 101 n. 8.

hiéros gamos, 33 n. 19, 87, 88, 95. H I . LI ^Inanna, 96-97. H I . L I - IStar, 94 n. 67. Htram, 63 et n. 40, 64 n. 41. howdag, 100. hubris : se vêtir de pourpre ou d'or, 106

et n. 15. — abattre des arbres sacrés, 61-63.

huile (voir : onction), 84 n. 9, 130. — est lumière, 99 n. 89. — vie, 130.

IBBISÎN, 48 et n. 84, 78 et n. 90.

IDDINDAGAN, 68 n. 28.

ikkibu, 112.

illur puni, 107-108. Inanna, 33, 34 n. 20, 59, 69 et n. 32, 84

et n. 9, 85, 86, 87, 89, 93, 96, 97. indifférencié : chaos, 36.

— : démon, 121. — : fou, 123. — : nuage, 123 n. 15.

invertis, 12 et n. 8 ,13 et n. 9 ,10 et 11. investiture, 84 n. 9. iridescent, 116-117. Irra, 12, 49. irradiation, 18-19, 76-77. ISMEDAGAN, 69 et n. 33.

IStar (voir : Assur et IStar), 2, 6, 7, 13 n. 10, 18 n. 9, 20, 21, 22, 24 et n. 2, 39, 47, 75, 84 n. 9, 93 n. 59, 97, 105 n. 9, 122 et n. 6 et 8.

jeunes dieux : mouvement, 31 sq. joie : étincellement, 81 (hêlu, habàsu), 121

n. 1,130 n. 52. Jonathan : jours dangereux, 42 et n. 51, 52 et 55. justice (roi de . . . ) , 68 et n. 26. justice du fleuve, 81.

kabôd, 133. kaminos (xccuivoç), 94. Kingu, 28,48. Kozbi, 94. KURIGALZU I, 70 et n. 43, 71 et n. 45.

KutuJar, 22. Kuzbanîtu, 89 n. 34.

labyrinthe, 57. Laljamu, 29. Lahmu, 22 n. 54, 29 (Ea), 65,104. lait (voir : miel), 124 et n. 21. Lamassu, 6 n. 24, 24 n. 6, 122 n. 9, 129. lapis-lazuli, 25, 114-115, 118.

— barbe, 5 et n. 20, 116, 118-119 et n. 79.

Leviathan, 22 n. 54. LIPITISTAR, 67, 68 et n. 27, 69 et n. 33 et

34, 88 n. 31. lumière : parole, 122. lune (voir : Sîn), 67, 77, 79, 122.

— (silence de la... ), 41 et n. 50, 42. lupanar, 94. luxuriance de la végétation, 90.

— de la barbe, 5 et n. 20, 119. —• des eaux, 89 n. 3. — d'un objet d'art ( = perfection).

Page 73: LaSplendeurdivineIntroductionaletudedelamentalitemesopotamienne

140 La splendeur divine

malédiction, 13 et n. 10,123 n. 16. maquillage, 107 et n. 22.

— et fête, 91 et n. 49. — des yeux, 85-86 et n. 15, 91, 92. — du visage, 107-108.

Marduk, 14, 20, 21, 24-25, 28 et n. 2, 49 et n. 86, 50, 53, 55, 56, 59, 104 (voir : Aâsur et Marduk).

MARDUKBÊLUSATI, 77.

masque, 14. — et personne, 14.

MATI'ILU d'Arpad, 13 n. 10.

mat(e, 125 n. 24. Médée, 106 n. 16. Méduse, 55 et n. 8. Miel (dieu), 124 n. 22. miel : amour, 88 et n. 32, 124-125.

— immortalité, 124 n. 22. melammu : bijou, 57.

— puissance divine, 29 sq. — et turban, 6, 55 n. 10, 57, 79-80,

(Marduk), 25 et n. 11, (Apsû), 30, 34. — forêt des Cèdres, 56 et n. 15, 58. — cuit les poissons dans l'océan, 75 et

n. 74 et 75. melammu multiples, 29, 59, 64. melammu royal, 70 sq., 72 et n. 57.

— nuage, 69. — couvre le ciel et la terre, 70, 73 et

n. 61 et 62. — couvre les ennemis, 7, 73-74. — souveraineté universelle, 67, 73-74.

divine, 50. — transitoire, 78-79. — victoire, 78. — agit de concert avec l'éclat des dieux,

7 7 e t n . 82. — couronnement, 70-72.

monoculisme, 55 n. 9. mort : monochrome et opaque, 130 ; sans

parfum, 125. Mtimmu, 30-31.

— et la forme, 31. — VO7)TOÇ xôofioç, 30 et n. 10.

mutilation de la tête et de la langue, 128 etn . 43. — des mains, 128 et n. 43. — du phallus, 128 et n. 43.

Nabal le fou, 98 et n. 84 et 86. NABONIDE, 6 n. 28, 21, 38 n. 35, 46 n. 67,

50 n. 91, 66, 72 ,77 ,78 ,79 ,126 ,130 n. 52. NABOPOLASSAR, 131 n. 54.

Nabû, 2 ,19 , 20, 21, 22 ,25 , 72 n. 57, 89. NABUCHODONOSOR, 20, 22, 63 n. 37, 72

n. 57, 90 et n. 46, 130 n. 52, 131 n. 54, 132.

Nabû-kuzub-ilâni, 94 n. 67. Nanâ, 88 n. 32 (Nanal), 89 et n. 33, 90. Nanna-Su'en, 20 n. 22, 66, 67. Nannar, 6 n. 24, 67. NARÂMSÎN, 48, 67, 68.

Narudu, 12 n. 8. Nergal, 6 n. 29, 7 et n. 32, 8 et n. 35 ,

12 n. 8,20, 24 n. 3, 35. Neti, 84, 85 et n. 13. Ningal, 43, 86 et n. 20. Ningirsu, 6, 20, 21, 90,122 et n. 7, 130. Ninlil, 88 n. 27 — Ninlil-kuzub-niSt, 94-

n. 67. Ninsianna, 6 n. 24. Ninsun, 56, 84 n. 9. Ninurta, 6 n. 29, 7 n. 32, 18 n. 8, 20, 21

et n. 48. noir : opaque.

— malédiction, 123 n. 16. nuages, 123 n. 15. Nusku, 21,72.

obscurité (voir : silence, opaque). — chaos, 122. — indifférencié, 123.

odeur (voir : parfum), oiseau voleur (voir : Anzû). ombre, 128, 131.

— du roi, 127. — lumineuse, 122, 126-127. — sombre, 127.

ombrelle, 127. — symbole royal, 127 et n. 37 et 38..

omniscience, 34 et n. 21. opaque, 130. or, 108-109.

— part du mort, 112 et n. 43, 113 et n. 45.

— part maudite, 111 n. 39 bis et 40, 112.

ordalie : fixer la lumière aveuglante, 106 et n. 15. — se vêtir de rouge ou d'or, 61-62. — bâton d'Aaron, 125 n. 24.

otfe, 101.

parfum, 125 et n. 26, 126 et n. 29, 3 0 et 31.

Index général 141

parole : lumière, 1 2 2 . part du mort (voir : or, pourpre). part maudite (voir : or). parure de la déesse, 8 4 et n. 9 , 8 5 . perruque : hi.li, 86.

— symbole de la féminité, 8 6 n. 1 8 . — jeunesse, 9 1 - 9 2 .

personne, 1 2 , 1 3 2 . peuplier, 3 3 n. 1 9 . placage, 1 1 0 et n. 3 6 . plénitude physique, 8 7 n. 2 6 , 8 9 .

— du ciel, 9 0 . — d'une montagne, 9 0 .

poids d'or, 1 0 9 et n. 3 2 , 1 1 0 . poikilos (TEOIXÎXOÇ), 1 1 7 .

polychromie : étincellement, 1 1 6 sq, 1 3 0 . pourpre, 1 0 5 sq, 1 0 7 . protosardes (statuettes), 2 9 n. 7 . puissance génératrice du dieu, 8 8 .

du roi : 8 8 et n. 2 9 .

purrakes (ttuppax-fjç), 107.

qobbeh, 9 9 , 1 0 0 et n. 9 0 . qodeS, 1 1 1 et n. 4 0 . qubbah, 9 4 et :i. 6 8 .

redoublement des oreilles, 2 9 . — des yeux, 2 9 .

regalia, 7 et n. 3 2 , 7 0 , 7 1 - 7 2 .

(voir : arme, sceptre, trône, turban). reiep, 3 n. 1 1 , 8 n. 3 5 (rSp). Resep, 8 et n. 3 5 . RIMSIN, 6 n. 2 9 , 8 9 n. 3 3 .

roi : éclat (voir : irradiation, melammu royal, splendeur). — lion, 6 9 et n. 3 4 , 8 8 n. 3 1 . — noces (voir : hiéros gamos). — puissance génératrice, 8 8 . — ombre, 1 2 7 . — repas (voir : banquet). — soleil, 6 8 - 6 9 , 7 0 , 7 3 .

— vitalité, 7 0 , 1 3 1 . rouge : couleur du vêtement royal, 1 0 7

n. 2 2 , 1 0 8 .

• de la laine, p. 1 1 5 . du maSmaSu, 1 0 4 , 1 1 4 .

— — de la toison des brebis, 1 1 5 n. 6 0 . de l'or, 1 0 5 n. 8 , 1 0 6 .

du feu, 1 0 5 .

- d u sang, 1 0 5 , 1 1 J . (voir : couleur(s) ; vêtement),

ruche, 1 2 4 , 1 2 5 n. 2 4 .

sable et chaos, 4 3 , 4 5 . sagesse : lumière, 1 2 1 . SALMANASAR I I I , 6 6 , 7 2 , 7 4 , 7 5 et n. 7 3 , 7 7 .

SALOMON, 6 3 et n. 4 0 , 6 4 et n. 4 1 .

SAMSUILUNA, 3 n. 7 , 1 8 n. 4 , 6 7 n. 1 6 , 7 0 . sang et or, 1 1 4 n. 5 1 . sapam, 1 2 8 n. 4 3 . SARGON d'Akkad, 3 3 n. 1 9 , 6 3 , 6 6 et

n. 1 0 , 6 7 et n. 1 7 , 1 2 7 et n. 3 8 .

SARGON d'Assyrie, 1 8 n. 8 , 2 0 , 3 7 , 5 0 n. 8 8 ,

5 7 n. 1 6 , 1 2 9 n. 4 5 .

sceptre (voir : matle), 5 0 , 7 1 . Scorpion (couple), 4 , 7 7 , 7 9 , 1 2 2 . séduction, 1 1 7 . SENNACHÉRIB, 3 n. 7 , 1 9 , 3 7 , 6 3 , 6 4 , 9 0 ,

1 2 8 n. 4 3 .

Sept (les), 3 2 n. 1 4 , 4 1 . serment, 1 3 n. 1 0 .

silence : brousse — désert, 3 8 - 3 9 , 4 4 n. 6 7 . — chaos, 3 6 , 3 9 , 4 0 , 4 2 . — de Yahwe, 1 2 5 . — défaite, 3 7 et n. 3 1 , 3 2 et 3 3 , 3 8 et

n. 3 4 , 3 5 et 3 6 , 3 9 .

— déluge, 3 7 et n. 3 0 . — éclipse, 4 2 et n. 5 1 . — immobilité, 3 7 . — monde primordial (voir : chaos). — mort, 3 7 . — obscurité, 4 1 et n. 4 6 . — péché — maladie, 3 9 - 4 0 , 4 2 . — s'oppose à parole et à souffle, 3 6 . —• élément actif dans les rites, 4 4 n. 6 7 .

Sln, 5 et n. 1 9 , 6 et n. 2 4 , 1 8 n. 9 , 2 2 , 4 1 , .

4 2 n. 5 1 , 4 3 , 4 4 n. 6 6 et 6 7 , 4 7 , 6 7 et n. 1 4 , 7 9 , 8 6 n. 2 0 , 9 7 , 1 2 2 n. 6 7 .

— éclipse, 4 2 sq. — halo lumineux, 6 6 - 6 7 . — rayonnement, 5 et n. 1 9 . —• langage, 4 1 et n. 5 0 - 4 2 .

— jours dangereux, 4 2 et n. 5 1 et 5 2 . — et le roi, 6 6 - 6 7 .

Soleil (voir : Samas, 1 9 , 2 0 , 2 1 , 2 2 , 2 5 , 7 2 n. 5 7 , 8 9 .

sommeil divin, 3 1 sq, 3 3 - 3 5 . — des dieux primordiaux, 3 1 , 3 5 , 3 6 . — (absence de...), 3 3 et n. 17 . — provoqué, 3 0 .

splendeur (voir : melammu royal, éclat lunaire). — divine, 2 n. 6 , 5 n. 1 9 , 1 8 n. S et 9 ,

1 9 n. 1 2 .

— bijou, 2 6 - 2 7 .

Page 74: LaSplendeurdivineIntroductionaletudedelamentalitemesopotamienne

142 La splendeur divine

— royale (voir : melammu). — vêtement, 4 et n. 17, 24 et n. 3.

statue : brillante : parlante, 130 n. 51. — polychrome, 129 n. 49. — non-ointe : silencieuse, 130.

substitut : dinânu, 14. Samas, 4 et n. 17, 5 n. 18 et 19, 44 n. 64,

54 et n. 4, 61, 68, 78, 123 n. 15, 124 et n. 21, 126. — juge, 4, 68. — filet, 19.

Sekinâ, 61. SU'ILISU, 68 et n. 26.

SULGI, 68, 69 et n. 32 et 33,86, 88 et n. 29,

95. Sukallituda, 33 et n. 19. Sumaliya, 71. Suqamuna, 71. Suriptu, 74-76.

— froid glacial ?, 75. — associé à melammu, 76, à namurratu

et à puluhtu, 75 et n. 72 et 73, 76. SUSIN, 87, 88 n. 32.

Talos, 54 n. 6. TARQU (TAHARKA), 74.

Tasmêtu, 22 et n. 52, 89. TÉGLATPHALASAR I, 19, 63 n. 36, 73, 74.

— 111,90. tgr, 8. Thésée, 57 et n. 17. Tiamat, 21, 22, 63 n. 37, 72 n. 57, 90 et

n. 46, 130 n. 52,131 n. 54,132. Tout-Mal, 47. TUKULTI NINURTA I, 13 n. 10, 64 n. 41,

73,130 n. 52, 132. TUKULTI NINURTA II, 72 n. 56.

turban : la personne, 91. — et melammu (voir : melammu). — d'Apsû, 6,30. — d'Enlil, 48, 50. —- de Haldia, 50 n. 88. — de Marduk, 25 et n. 11, 49. — dans la parure des déesses, 49, 84 et

n .9 ,85 . — pouvoir et souveraineté, 48-50 et

n. 86 et 89.

Uras, 6 n. 24. URNAMMU, 67 n. 17, 68.

URNINURTA, 68 n. 31, 69 etn. 33.

USumgallu : grand dragon, 23, 24 n. 1, 65. UtanapiStim, 3 n. 7, 19, 37, 63, 64, 90,

128 n. 43. Utu (voir : Samas, 61, 68 et n. 26.

Vert : synonyme de jeunesse, 89 n. 37. Vêtement rouge : vêtement de rayonne

ment, 103-104,107,114. — démesure, 106 et n. 14. — ordalie, 106 et n. 15 et 16.

vêtement de souveraineté (voir : cape) 84 n. 9.

vigilance divine, 34-35. volupté d'Inanna et fertilité, 87-89.

wijdan, 83 n. 1.

Yahwe, 7, 35, 47 n. 74,118. yeux resplendissants, 116-117,124 e tn . 23,

125.

x'areno, 79 n. 93, 81 n. 101,133.

Saltu, 24 et n. 2, 74 n. 64. Sarpanitu, 90 n. 44 et 45.

Zeus, 33 n. 18 et 19,96.

Index des principaux termes sumériens

"«'A .KÂRA, 64 n. 45. alam, 113. AZAG, 112.

bàd, 18 n. 4. bar-ka-ga, 104. "«BAR.SI, 104 n. 6. BIL, 6 n. 22.

DU, 86 n. 15. dui-dut, 69 n. 34, 86,88 n. 31, 89 n. 37. duU, 69 n. 36. dul, 6 n. 28 ,18 et n. 4. dumu-uru-na-ki, 59.

i-hi-ll-an-na, 90. é- me -te-ur-sag, 70.

gada -dilmun-ù. -là, 64 n. 45. gada -lâ, 64 n. 45. gada - ù -lâ, 64 n. 45. gar, 47 n. 77, 86 n. 15. gi- diS- ninda- eSé -gan-xa-gln, 85 n. 10. girs, 20. GlS.ERIN, 54 n. 7. 'GlS.BAR, 75 n. 73,105 n. 9. G Û . È , 2 8 n . 2 . GÛN, 116 et n. 63,117,118. gùn-gàn, 96 n. 77,116. gùr, 22 et n. 52, 69 n. 33, 89 et n. 37 et 38. GUSKIN, 110 n. 34. har -guSkin, 85 n. 12.

hé -du,, 90. hi -li, 69 n. 34, 85, 86 et n. 16 ,18, 20 et 22 ,

87 et n. 23, 88 et n. 29, 30, 31, 89 et n. 33, 37 et 38, 90 et n. 40 et 46, 91 , 92 et n. 54, 93 et n. 59, 94, 95 et n. 70, 96 ,97 ,133 .

H I .LI, 89, 94 n. 67, 96 n. 79, 97. HI .LI "Inanna, 96. H Û B .TIL.LÂ, 109 n. 30. HUS, 3.

igi -bar, 14 n. 13. igi-gùn, 116, 117. IGI .GON, 116. H-Za-mu-dé, 69 n. 3<*. Il, 6 n. 24, 75 n. 74. im-dugud, 69 n. 37. IM.KÛ.GI, 107. <IMIN.BI,44n. 66. ir-Sim-dingir-ra, 125 n. 26.

kâ-hi-li-su, 90 n. 46. "KAL, 29 n. 4, 129 n. 44. kar, 93 et n. 59. KO, 105 n. 8. AU, 114 n. 53. kut, 75 n. 74 et 75. KO.DINGIR, 112. kù-gi, 113. K O .GI .HUS .A, 105.

CASSIN.

11

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144 La splendeur divine

KO . HUS, 105 n. 8. kar, 6 n. 28, 18 et n. 4 et 8. KUR. GAR .RA, 13 n. 8. kar - gar- ra, 13 n. 8. kur -lû - ti- la-Sè, 59.

•«LÀL, 124 n. 22. làl, 88 n. 32. lal, 18. lugal, 18 n. 8 ,19 n. 18, 69 n. 34,122 n. 7.

me -lâm, 2 n. 1, 5, 6 et n. 24 et 28 ,14 n. 13, 18 et n. 4 et 8, 19 n. 18, 21 n. 44, 26, 47 et n. 76 et 77, 60, 69 et n. 33, 36 et 37, 74 n. 64, 75 n. 73, 74 et 75, 80.

ME . LÂM, 5, 6, 70, 79. "ME .LAM, 80 n. 94. me-lâm -huS, 18, 21 n. 44. men, 88 n. 29. men -hi -li, 88 n. 29. mu, 20. mu -un -nu-u, 93 n. 59. mui, 115.

nat mu-lu-ug -za-gln, 25. nat mul -ug - za-gln, 25. nat nunuz, 85 et n. 11. nam -ur-sag, 74 n. 64. ni, 18 ,22 , 26, 60, 69 et n. 33 et 34, 75 n. 74,

104. N i , 3, 10, 11, 12. ni - gai, 2 n. 1, 3, 18, 21 n. 42, 22 n. 52,

69 n. 33, 104. N l . G A L , 3, 122. ni -huS, 20, 69. N l . H U S , 3, 122. N i .TE, 3, 11, 60, 122. ni -te, 3, 11, 20 n. 23, 60, 61, 104, 118 et

n. 72. ni -me -lâm, 6 n. 29, 22, 26, 69 et n. 33. N i .ME .LÂM, 6. ni - su -zi, 26 n. 12, 69 et n. 33. N Î G . S A G . II .LA, 11, 14. Nim -me -lâm (nom propre), 24. nin, 22 n. 52, 86 n. 20, 87 n. 23. 'Nin -gùn -an -na, 117.

pa, 61 n. 32. palà, 85 et n. 14. pirig, 69 n. 34, 88 n. 31.

ri, 18, 20 et n. 23.

sat, 1 0 4 .

sas -tûg, 1 0 4 .

sag -gis, 9 5 n. 7 0 .

sag - ila, 6 n. 2 4 .

sag -ki, 8 6 n. 1 6 , 9 2 .

sag, 8 8 n. 2 9 .

sij7, 8 6 n. 2 0 , _89 n. 3 7 . SlG . Z A . GIN, 1 1 5 .

sipa, 6 9 n. 3 3 . sirs, 4 7 n. 7 6 . SU, 7 , 1 0 .

su -dU7, 6 n. 2 9 .

su -lim, 7 n. 2 9 bis. S U . S I , 7.

su -tag -ga, 3 , 2 1 n. 4 2 et 4 4 .

su- zi, 7 , 2 6 et n. 1 2 , 6 6 , 6 9 n. 3 5 .

S U . Z I , 7 , 1 0 .

su -zi- me- lâm, 2 n. 1 , 2 6 .

sù-sù, 1 8 n. 8 . sm - mu, 1 1 5 .

Set -Se», 7 5 n. 7 4 et 7 5 .

Sim, 8 6 n. 1 5 .

Sim -bi-zi-da, 91. Su-gur-ra, 8 5 . Su - ti, 8 6 n. 1 6 , 9 2 , 9 3 .

sub, 1 8 .

tag, 2 1 .

T É S , 1 2 9 et n. 4 6 .

*Tir -an -na, 1 1 8 . tu -di-da, 8 5 n. 1 3 . tu - di-tum, 8 5 et n. 1 3 . tûg, 1 8 , 1 0 4 .

tûg -gù- è, 1 0 4 .

T U G . G O . È , 5 6 et n. 1 4 .

T U G . H U S . A , 3 n. 1 0 .

tûg -mas, 8 8 n. 2 9 .

T U G . S A D . R A , 1 1 3 n. 4 8 .

tûg -sag, 2 5 n. 1 1 .

U D U .SIGT • SIG7, 1 0 7 n. 1 9 . urudu -nig -kala-ga, 4 7 n. 7 6 et 7 7 . U B , 1 9 n. 1 2 , 7 3 .

lis, 1 8 .

*Utu, 6 8 n. 2 6 . *utu -kalam -ma, 6 8 n. 2 6 . uzu -nig -slg, 8 6 .

za-gln, 2 5 , 1 1 5 . Z A . G I N . 1 1 4 , 1 1 5 , 1 1 6 , 1 1 7 , 1 1 8 .

za-pa-ag, 4 7 n. 7 6 et 7 7 .

Index des principaux termes accadiens

abâtu, 1 2 8 n. 4 3 (G). abnu, 9 5 . abubaniS, 3 8 n. 3 5 . abûbu, 5 4 n. 3 . . adûru, G : 7 5 n. 7 2 , 7 6 . agû, 6 , 7 n. 3 2 , 2 2 n. 5 1 , 2 4 , 2 5 et n. 1 1 ,

3 0 , 4 8 , 7 2 , 8 5 (agû rabû), 1 1 8 . ahâzu, 1 1 0 n. 3 6 (D). akâlu, 1 3 2 (G). alâku, 1 9 (G), 6 7 n. 1 7 (Gt), S : 1 3 n. 1 0 ,

3 8 n. 3 5 , 7 8 n. 8 9 .

'Alâla, 3 8 n. 3 7 , 3 9 n. 3 8 . amâru, 4 n. 1 3 (G). antalû, 4 3 n, 6 2 , 4 4 n. 6 6 . anûtu, 8 4 n. 9 , 1 0 4 .

Anzû, 4 0 et n. 4 4 , 4 1 , 4 8 , 4 9 , 1 2 3 n. 1 4 . apàru, G : 2 3 , 2 4 , 2 5 n. 1 1 , 2 8 , 7 2 , 2 9 n. 6

(Gt). apir salummaii, 7 2 . apluhtu, 2 8 , 6 4 n. 4 5 . apsû, 3 0 , 3 1 , 7 5 n. 7 5 . arâmu, G : 4 et n. 1 3 , 7 3 n. 6 2 . argamannu, 1 0 7 , 1 1 5 et n. 6 0 . arqu, 1 0 7 , 1 1 6 n. 6 3 . asakkiS, 1 1 2 . asakku, 1 1 2 . assinnû, 1 1 , 1 2 et n. 8 , 1 3 .

ba'alu, 2 9 n. 8 . bàbu, 3 9 n. 4 2 , 1 2 3 n. 1 5 . bâb kuzbi, 9 0 n. 4 6 .

balâtu, 8 8 n. 3 2 . banû I I , G : 1 1 6 , 1 1 7 , 1 2 4 n. 2 1 . banû TV, G : 2 9 n. 4 , 3 1 . barâmu, 1 1 6 n. 6 3 , 1 1 7 . barâqu, 1 1 8 . barmu, 5 8 n. 2 0 , 1 1 6 .

baSâlu, § : 7 5 et n. 7 5 . bâStulbâlta, 2 9 n. 4 , 8 4 et n. 7 , 8 8 n. 2 7 ,

1 2 2 n. 9 , 1 2 4 n. 1 8 , 1 2 8 et n. 4 3 , 1 2 9 et n. 4 4 , 4 5 , 4 6 et 4 9 .

belûtu, 2 5 n. 1 1 , 7 5 et n. 7 2 , 7 6 . binâtu, 1 2 3 n. 1 1 . binu, 1 2 8 et n. 4 3 . birbirrû, 5 , 8 , 1 4 n. 1 3 , 7 8 n. 8 9 . birku, 7 8 n. 8 7 . birmu, 1 1 6 , 1 1 7 et n. 7 0 . birqu, 1 1 8 . bit ammuSmu, 4 6 n. 7 2 . bit mummi, 3 1 et n. 1 1 . bitrâmu, 1 1 6 . bunannû, 7 2 n. 5 7 , 8 0 et n. 9 4 , 1 2 2 n. 9 ,

1 2 4 n. 1 9 , 1 3 1 n. 5 2 .

bunnu, 7 3 n. 6 2 . bwâSu, 1 2 6 . burrumu, 1 1 6 , 1 1 7 .

dâdu, 8 8 n. 3 2 , 8 9 . dalâha, 4 1 n. 5 0 ( N ) . dama, 1 0 6 , 1 0 8 n. 2 3 . dldu, 9 2 . dinânu, 1 1 , 1 4 .

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146 La splendeur divine

dipdru, 7 n. 30, 76. dtia, 58 n. 20 (i-di-ii-im). dudittu, 85 n. 12 et 13. dûru, 3, 128. duiiupu, 88, n. 32. dûtu, 28 n. 4, 122 n. 9, 124 n. 19, 129 et

n. 44.

ebbu, 114. ebtbu, 124. eblru, 117 n. 69. edtqu, 24, 30, 49, 106. edtiu, 67 n. 15 (G). ekdu, 5 n. 20, 8. tkllu, 127 (D), 121 (Gtn) . eklltu, 66 n. 10. elêhu, 97 (D). elilu, 124 et n. 20 (G). elisu, 130 n. 52 (G). ellu, 103, 114, 115, 117. elsii, 95. enlillûtu, 41 et n. 46. erlnu, 54 n. 7, 62. erèpu, 57 n. 18 (G), 127 (D). ereiu, 126 n. 29 et 31. érib btti, 43 et n. 61. erpitu, 123 n, 15. tria, 106. estnu, 126 n. 31 (G). ewûlemû, 41 n. 50. ezzu, 8,10,19, 21 n. 44, 73.

galâdu, 37 n. 31 (G), 129 et n. 49 (S). galtu, 4, 8, 47, 73. gattu, 22, 128 et n. 42. gitmalu, 3. guhlu, 91.

habdsu, 82 et n. 103. habtbu, 36 n. 28. hadû, 121 n. 1. hairat mâtâti, 87. halâpu, G : 20, 21, 23, 28, Gt : 7, 90 n. 45,

129, D : 110 n. 36, N : 103,104. Ijalâqu, 57 n. 18 (G). "halhallatu, 46 n. 72. hamdmu, 29 n. 6 (G). hamâtu, D : 19, 76. hanâbu, 81, 122 n. 6 (G). hapâlhepâ, 79 n. 92. hasis mimma, 30. hattu, 50, 67, 71. hattu, 74 n. 66. htlu, 82.

hubûru, 32 n. 13, 14 et 15, 36. hurâsu, 21 , 105 n. 8 ,113 n. 45.

— ruiiu, 105 et n. 8. — sâmu, 105 et n. 8.

huiiu, 3 n. 10, 107.

ikkibu, 112. illuka, 25 ,26 . illurii, 108 n. 23. illuru, 108 et n. 23. illur pâni, 107 et n. 22. itûtu, 5 n. 19, 79 n. 92,131 n. 54 ,132 n. 55. inbu, 66, 91 et n. 47. inû, 116. irbittu, 19, 67 n. 17,76. irsitu, 5 n. 19, 10, 80 et n. 95. irtu, 80, 85 n. 12 et 13. iiâtu, 19 ,75 et n. 75. itburu, 29 n. 6.

kakka, 2 n. 4, 7 n. 32, 19, 20, 72, 74, 75 et n. 72, 76.

kalaturru, 13 n. 9. kalù, 42, 43, 46 n. 72. kamâru, 29 n. 6 (G). kamû, 30 (G). kaspa ili, 112. kasâbu, 31 (St). kasâru, 24 et n. 3 (G), 10 (Gt). kaiâdu, 75 (G). kaiû, 18 n. 8. katdmu, G : 6 n. 23, 10, 18 et n. 8, 22

n. 48 ,23 , 43 n. 62, 70, 77. kazâbu, 96 n. 76. kibrâli, 19 n. 12, 67 n. 17, 71 a. 46, 73, kunzubujkuzzubu, 93 n. 59, 95 n. 75

(ku-zu-ub-tum), 96 et n. 77. kurgarrû, 11 et n. 5, 12 et n. 8, 13 n. 9. kussû, 7 n. 32, 48, 72. 'Kuzbanttu, 89 n. 34. kuzbu, 87 et n. 26, 88 et n. 27 et 32, 89

et n. 39, 90 et n. 43, 44, 45 et 46, 91,92 et n. 56, 93, 94 et n. 67, 95, 96, 97, 129,

133. Kuzûbatum (n.p. fem.), 94 n. 67. Kuzubtum (n.p. fera.), 94 n. 67.

labâiu, G : 7, 10, 20, 21, 23, 29 n. 6, 91, 106, Gt. : 20, 25 n. 11, 104, 105, n. 9, D : 103, § : 21, 72 n. 57, 110 n. 36, N : 104.

lahâmu, 8 n. 36. lalû, 5 n. 20 ,87 et a. 26, 90. lamâdu, 10(G).

Index des principaux termes accadiens 147

lamassu, 122 n. 9. lamû, S : 29 n. 4 ,90 n. 43. lânu, 2 n. 5 ,19 ,113 n. 46 ,128 a. 42. lapâtu, 93 (G). leqû, 92 et n. 56 (G). lilissu, 46 n. 72. labâru, 43 n. 62.

— sâmu, 25. lubuita llubultu, 25 n. 11.

birmu lia birme, 117 n. 70. tumnu, 80 n. 96.

mahâru, 80 a. 95 et 96 (G). makurru, 43. rnalù, G : 5 n. 19 et 20, 22 e t n. 52 et 53,

25 n. 11 ,32 n. 14, 89 ,90 , 97,104, D : 72, S : 22, 29 n. 4, 38 et n. 35, 72 n. 57.

'maniât, 118. marnai pâni, 11. mania, 46 n. 72. maqâtu, G : 74 a. 66, 94. marâfu, 31 (G). massar kii&ti, 56 n. 12. maiâlu, 23 (Dt) . maiku, 122. maimaiu, 103, 104, 114. mâtu, 5 n. 19, 18 n. 8, 32 n. 13, 79 n. 92,

122. melammu, 4, 5 et n. 21, 6 et n. 2 3 , 2 4 et 29,

7, 10 et n. 1, 12, 14, 15, 16, 18 n. 8 et 9, 19 et n. 12 et 18, 20 et n. 22, 21 et n. 48, 23, 25 et n. 11, 26, 27, 28, 29, 30 et n. 6, 34, 47, 50, 51, 53, 55 n. 10, 56 et n. 15, 57 et n. 18, 58 et n. 20 et 21, 59, 60, 70, 71, 72 et n. 57, 73 et n. 62, 74, 75 et n. 73, 76, 77, 78 et n. 89, 79, 80 et n. 94, 95 et 96, 81, 82, 83, 97, 129 n. 47.

melam (Sa) belûti, 75, 76. — qardûti,14. — Sarrûti, 50, 70, 72, 77, 79.

melisu, 91. menu, 93 n. 59 (G). meqû, 91. mts pt, 95 n. 74, 105. mugdaSru, 3. mummu, 31 et n. 11. mursu, 44 n. 66, 80 n. 95. muSâru, 90 n. 43. muSSulu, 127 n. 35. muttabbilu, 58 n. 21. mûtu, 44 n. 66, 54 n. 3.

nadânu, G : 50, 80 n. 95 et 96, 81.

nahtaptu,\2S et n. 2 , 56 et a. 13, 103, 104, 114.

nâmaru, 121 et n. 1. namru, 21, 114, 115, 123 n. 16. namirtu, 41 n. 50. namrirrû, 2 et n. 1, 4, 5, 6, 3, 5, 6 n. 24, 7,

17, 20, 22 et n. 51 et 52, 23, 25 et n. 1 1 , 29 n. 4, 57 n. 18, 58, 73 n. 57, 74, 76, 77 , 97, 103, 104, 114, 122.

namurratu, 3, 19, 20, 21, 22, 24 n. 3, 41 e t n. 46 et 48 ; 74, 75 et n. 72, 76, 81 n. 98.

napâha, 7 n. 30 (Ntn) . nâru, 30, 80 n. 96, 81. nasâhu, 47 (G).

naiû. G, 6 n. 23, 7 ,10 , 23, 24, 67 n. 15, 72 , 75 n. 74, St : 23 ,24 u. 1, 72 n. 57.

nawâru, 2 (nwr), G : 124 et n. 20, 130 n. 52, D : 43 n. 62, 72, N : 14 n. 13.

nêrum, G : 30, 58 n. 21, 64. ntsu, G : 78 n. 86, 79 et n. 92. nipirdu, 73.

nûru, 47, 66 n. 10, 121, 122 n. 8.

padaltu, 128. palâhu, 10 (plh), G : 3, 74, 76, S : 10, 11 ,

12. palâsu, 3 n. 12 (Gt). palhu, 131 n. 54. pâlu, 50. pânu, 2 n. 5 ; 4 et n. 13, 10, 19, 80, 117 ,

124 n. 21. pânu u bâbu, 123 n. 15. parsu, 6, 41 et n. 46. pariigu, 24. paSâhu, 31 (S). patâru, 30 (G).

pulhu, 3, 4, 5 et n. 21, 10, 131 n. 54. "•'pulhu, 4 n. 17. pulhat belûti, 75. puluhtu, 4 et n. 13, 5 et n. 19, 6 et n. 23,

7, 10, 11, 12, 14, 15, 16, 20, 21 et n. 48, 22, 23, 25 et n. 11, 26, 28, 29 et n. 6 , 32 n. 14, 54 et n. 7, 55 et n. 8 et 10, 56, 58, 59, 60, 72 et n. 57, 74 n. 66, 75 et n. 74, 79 et n. 92, 81 n. 98, 103, 104,114, 122, 131 et n. 54 ,132 et n. 55.

puluhia idû, 131 et n. 54, 132. — Sûhuzu, 132 et n. 55.

pul(u)h(t)u melammu, 6 et n. 29, 10, 14 , 15, 26. 75 n. 73, 76 et n. 80, 77 et n. 83 .

qardûtu, 14.

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148 La splendeur divine

qibttu, 47, 122 n. 8. qûlu, 31, 37 n. 30, 41 n. 46. qwdu, 24, 74 n. 64.

rakâsu, 12 n. 8. ramânu, 10, 11, 122 et n. 9. rama, G : 2 n. 4, 20 et n. 22, 23. raSubbatu, 3, 4 et n. 13, 7, 8, 17, 20, 23,

?4, 25 et n. 11, 28, 60, 74 n. 64, 97, 114, 122.

raSubbu(m), 3, n. 11. rehû, 30 (G). reStu, 89. rêSu, 130 n. 52 (Dt ) . rêSu, 12 n. 8, 28. rigmu, 31, 32 n. 15, 38 n. 36, 47, 54 n. 3,

68,113 n. 45. rihsu, 44 n. 66. ruSSu, 105 n. 8.

sahâpu, G : 2 n. 6, 3, 5 n. 19, 18, 19 et n. 13, 76, 77, D : 19 n. 12, 73, 74.

sahâru, St : 20 n. 22, 70, 73. sa'klu, 123 n. 15. sâmu, 25 ,103 ,104 ,105 et n. 8 ,114. santu, 103, 104, 114. sapâhu, 31 (D) . sapsapu, 128 n. 43. simtu, 25 n. 11,126 n. 29. simat pâni, 91 n. 47. salâlu, G : 30, 31, S : 35 n. 25. saliptu, 123 n. 15. salmu, 113 n. 45 et 46. sarâpu, G : 108 n. 23, 115 et n. 60. Sarbatu, 33 n. 19. sillu, 122,127 et n. 35, 128. subât bâlti, 84 et n. 7, 106 et n. 14.

— qaqqadi, 43 n. 62. subâtu, 21 n. 48, 103, 104, 114. sululu, 127. Sâbu, 32 n. 13 (G). éadùdu, 80 (G). Sahàtu, G : 6, 30, 43 n. 62, 49, 73, 94,

132. Sahurratu. 37 et n. 29 et 32, 41 n. 48. Sakânu, G : 18 et n. 48, 56 n. 15, 79 n. 92,

104, N : 31. Salâmu, 54 n. 47 (D). Salummatu, 2 n. 1, 6, 7 et n. 30 et 32, 10,

17, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 37 n. 29, 66, 67 et n. 15, 72 et n. 57, 78 n. 89 (Sa-lam-ma-at sarru-û-tu), 122.

Samû, 5 n. 19, 6 n. 23, 7 n. 30, 10, 21, 70, 75 n. 74, 80 n. 95, 121.

Sapâru, Gt : 22 et n. 53. Saqummatu, 37 et n. 33, 38 n. 35, 39 n. 42,

40. SaqummiS, 41 n. 50. Sarâku, G : 7 n. 32, 21, 81 n. 98. Sarâpu, G : 75 n. 75. Sarru, 19 n. 18, 22, 127 n. 35. sar kiSSati, 71. Sarrûtu, 7 n. 32, 21, 24, 25 n. 11, 70, 71,

72, 77, 78 n. 89 et passim. Sarûru, 5, 8, 19 n. 13, 82 n. 103, 122 n. 6. Simtu, 116. Sipâtu uknâtu, 115. Siriktu, 7 n. 32, 21. Sit'arumltit'arum, 116. Silmuru, 80 n. 94. Sittu, 30, 32 n. 15. Suharruru (adj.), 39 n. 42, 40. Suharruru (verbe), 40 n. 43, 41 n. 46. Sukuttu, 49 et n. 86. Suqammumu, 31, 38 n. 37, 40 n. 43. Suriptu, 75 et n. 70, 76. Sur(i)pat belûti, 75 et n. 72, 76.

tabâku, G : 19, 37 et n. 29, 32 et 33, 66, 75 et n. 73, N : 37 n. 31, 41 n. 46.

labâlu, G : 6, 30, 80 et n. 95 et 96, 129 et n. 46.

labarru, 105. takiltu, 105, 115. talâmu, S : 7 n. 32. larâsu, G : 85 n. 13,122. tidiqu, 24 et n. 3. têdiq anûti, 84 n. 9. tidiq belûti, 24.

— melammu, 24 n. 3. iiqnu, 84 n. 9. liqin melammi, 21, 71. tillu, 12 n. 8. tubbâtu, 30 et n. 9. tûp Simàti, 40, 48 n. 83.

ukkuliS, 123 n. 16. uknù, 113 n. 45, 114, 115, 116, 117, 118. uldp dame, 106. ulsu, 89. uppûtu, 121. urû, 92. urudunigkalagû, 47 et n. 78. uSumgallu, 23, 24 n. 1, 65. uzzu, 7 n. 32, 81.

wabâlu, G : 79 n. 92, 89 n. 39. wamàlu, D : 124, D t : 124 n. 18.

Index des principaux termes accadiens 149

watmu, 58 n. 20.

zâiru, 5, 73. zânu, G : 21, 23, 25 et n. 11, 89, 90, 91,

D : 3, 21 et n. 44, 50, 72, 89, 90 n. 44, 97.

ztmu, 5 n. 19, 75 n. 74, 78 n. 89, 121, 123 n. 12 et 16, 130 n. 52.

zaqnu, 5 n. 20, 115. ziqnu, 5 n. 20, 115, 119 n. 75. zumru, 10, 84, 89, 103, 113 n. 45, 122.

Page 78: LaSplendeurdivineIntroductionaletudedelamentalitemesopotamienne

t des auteurs cités 153

Index des auteurs cités

S. A A L E N , 6 1 N. 3 1 bis.

A L L O T T B DE LA F Û Y E , 6 4 N. 4 5 .

W . A N D R A E , 9 1 N. 4 9 .

APOLLONIUS DE RHODES, 5 4 N. 6 , 1 0 6 N. 1 6 .

ARTEMIDORE, 1 1 3 N. 4 5 .

J . A Y N A R D , 3 8 N. 36 , 1 2 8 N. 4 3 .

K . B A L K A N , 70 N. 4 3 .

R . D . BARNETT, 5 5 N. 8.

G . B A T A I L L E , 1 1 1 N. 40 .

T H . B A U E R , 5 3 N. 2 , 5 6 N. 1 2 , 5 7 N. 1 8 ,

5 8 N. 20 .

J . B E R Q U E , 83 ET N. 1 .

A . BOISSIER, 70 N. 4 3 .

J . BOLLENRÛCHER, 2 0 N. 2 6 .

R . BOROER, 7 N. 3 2 , 1 3 N. 1 0 , 2 0 N. 3 5 ,

73 N. 5 9 , 1 2 9 N. 4 9 , 1 3 0 N. 5 2 , 1 3 1 N. 5 4 .

H . BOSSERT, 73 N. 58 .

J . BOTTERO, 109 N. 30 .

CALLIMAQUE, 62 N. 3 3 .

G . C . CAMERON, 7 5 N. 69 .

A . CAQUOT, 8 N. 3 5 , 98 N. 86.

G . CASTELLINO, 86 N. 1 8 .

JULES CÉSAR, 1 0 6 N. 1 5 .

E . CHIERA, 68 N. 2 6 , 86 N. 2 1 , 9 5 N. 70 .

M . ÇIG, 88 N. 3 2 (VOIR : S. N . KRAMER) .

M . CIVIL, 89 N. 3 9 .

CLARK HOPKINS, 5 5 N. 8.

CLAUDIEN, 60 N. 3 1 .

A . T . C L A Y , 1 8 N . 8, 2 2 N. 5 2 , 4 2 N. 5 6 ,

67 N. 1 7 .

— ET M . JASTROW, 5 4 N. 3 .

M . COHEN, 78 N. 87 .

J . A . CRAIO, 2 0 N. 28 .

D . CROSS, 1 1 5 n. 60.

F . CUMONT, 9 4 N. 68 .

DAMASCIUS, 30 ET N. 1 0 .

DAREMBERG-SAGLIO-POTTIER, 85 N. 1 3 .

J . DECHELETTE, 1 1 3 N. 4 7 .

A . DEIMEL, 8 N. 2 2 .

E . DHORME, 7 2 N. 5 2 .

DITTENBERGER, 1 1 0 N. 3 5 .

G . DOSSIN, 1 1 9 N. 7 5 , 1 2 6 N. 3 1 .

G . R . D R I V E R - J . C . MILES , 70 N. 38 , 3 9 ,

40 ET 4 1 .

L . DÛRR, 36 N. 2 7 , 4 1 a. 47 , 47 N. 7 4 .

J. DUCHEMIN, 1 0 7 N. 2 0 , 1 0 8 N. 2 9 , 1 1 5

N. 5 5 .

G . DUMÉZIL, 5 5 N. 1 0 , 1 1 1 N. 3 9 bis.

A . DUPONT-SOMMER, 1 3 0 N. 50 .

E . EBELINO, 2 N. 5 , 1 0 N. 2 , 1 8 N. 9 ,

2 0 N. 30, 2 1 N. 40, 2 2 N. 52 , 2 4 N. 3 ,

2 5 N. 1 1 , 28 N. 1 , 40 N. 44 , 4 2 N. 5 6 ,

5 0 N. 90, 7 3 N. 6 2 , 80 N. 94 , 9 5 ET 9 6 ,

9 1 N. 5 1 , 9 7 N. 83 , 1 0 5 ET N. 1 1 , 1 1 3 N .

4 8 , 1 2 3 N. 1 4 , 1 2 4 N. 2 1 .

D . O . EDZARD, 73 N. 58 , 1 1 2 N. 42 .

WEYER, 75 n. 75.

IK, 28 n. 2, 103 n. 3. :, 71 n. 46 et 47. . icus, 60 n. 31. 99 n. 88.

67 n. 11, 88 n. 30. : n. 6, 6 n. 23, 32 n. 15. DEN, 2 n. 2, 3 n. 7, 4 n. 13, 11 n. 5, 12 n. 8, 18 n. 9, 29 n. 6

i. 28, 37 n. 31, 54 N. 7, 93 N. 59, 107 n. 21, 110 n. 36, 116 N. 63, (. 125 n. 24. ER, 4 n. 13, 84 n. 6. r, 94 n. 67.

19 n. 17, 37 n. 33, 38 N. 36, 77 N. 85.

m, 72 n. 57, 132 N. 55.

( N. 34. TE, 33 n. 19, 126 N. 30. PSON, 41 N. 49, 53 N. 1, 56

n. 96, 107 n. 22. j DANGIN, 3 n. 8, 6 n. 26, 7

n. 8, 18 n. 2 et 8, 22 n. 49, 35 n. 22, 37 n. 31, 50 N. 88, 67 n. 17, 68 n. 26, 86 N. 18,

89 n. 33, 90 n. 41, 91 n. 48 et 57, 95, 105 n. 8 et 11, 108 n. 48, 115 et n. 58, 116 N. 66,

, 130 n. 51.

66 n. 9, 71 n. 45, 122 n. 9.

i DIJK, 56 n. 15, 59 et N. 25,

39 n. 38, 91 n. 49. 'ROOSDIJ, 7 n. 31, 20 N. 27 et

55, 47 n. 74, 89 n. 34, 122 n. 8. NT, 117. :AUD, 78 n. 86 et 90.

, 107 n. 2 2 .

IN, 1 1 n. 6. i, 8 n. 35, 13 n. 10, 29 n. 8,

BACH, 47 n. 75.

IEN, 128 n. 43. i, 38 n. 34, 70 n. 42, 86 n. 18. AN, 13 n. 1 0 , 123 n. 16.

i8 n. 2 2 .

24 n. 2 , 6 2 n. 35, 67 n. 13, 74 n. 6 4 , 75 n. 75, 88 n. 32, 5, 115 n. 57.