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Daniel CREPIN, Consultant et Formateur en Management, HYPERLINK “mailto:[email protected]L’APPROCHE SYSTÉMIQUE : POUR MANAGER PLUS EFFICACEMENT, UN NOUVEL OUTIL DE LECTURE DES ORGANISATIONS VARIATION 97 RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 91 - DÉCEMBRE 2007 Entre restructuration, mise en place des Pôles d’ac- tivité, T2A, nouvelle gouvernance, SROS, etc., le pay- sage hospitalier est en évolution profonde. Dans ce contexte, les cadres de santé doivent trouver leur voie et manager au mieux leurs équipes en réalisant un délicat exercice d’équilibre tenant compte: • Des attentes des malades (et de leur entourage) : ces derniers sont avant tout soucieux de qualité des soins (un bon diagnostic et un bon traite- ment), mais aussi de sécurité. Ils ont également besoin d’écoute, de dialogue, de compréhension. Ils s’attendent donc à une certaine disponibilité des personnels. • Des aspirations des membres de l’équipe : ils sont de plus en plus demandeurs de qualité de vie au travail et d’équilibre entre leur vie personnelle et leur métier. Ils veulent une bonne compréhension de leurs possibilités d’évolution, avec des parcours professionnels clairs, mais également du soutien et de la reconnaissance au quotidien. • Enfin, des impératifs des établissements : les hôpi- taux sont jugés de plus en plus précisément sur la qualité de leur offre de soins et sur leurs résul- tats, lesquels sont régulièrement évoqués dans la grande presse. Ils doivent conjuguer leur mission de service public, de qualité et de permanence des soins avec des contraintes budgétaires fortes. Au quotidien, les cadres de santé sont tiraillés entre des exigences contradictoires, et des priorités à géométrie variable entre ce que demandent, chacune avec sa logique propre, la direction des soins infirmiers, l’administration, sans oublier les médecins qui tendent à placer le cadre au centre des problèmes, mais sans toujours recon- naître clairement sa mission (voir à ce titre le dia- gramme des affinités à la fin de cet article). En résumé, il s’agit donc pour les cadres d’exercer un métier en évolution rapide, dans un environne- ment hospitalier qui lui-même connaît de profonds changements, et tout cela avec, souvent, des moyens en réduction (35 heures). Pas simple! Le texte qui suit propose, dans un premier temps, de reconsidérer la personne au travail et le mana- gement à l’aide d’un modèle issu de la pensée d’Aristote, le modèle tridimensionnel . Nous rap- pellerons ensuite les principales « théories de management » depuis Henri Fayol et le « mana- gement scientifique » de Frederick Taylor, puis nous considérerons le management sous l’angle de l’ap- proche systémique, en essayant de comprendre ce que cette discipline, issue tout à la fois des mathé- matiques et de la biologie, peut apporter à la com- préhension du fonctionnement d’une organisation complexe comme celle de l’hôpital. Enfin, nous pré- senterons un exemple de réalisation d’un « KJ » ou diagramme des affinités, puissant outil de travail en groupe issu de cette même approche systémique. Dans la suite de ce texte, nous parlerons de l’Homme avec un grand H pour parler, comme il est de règle, de l’ensemble du genre humain. Cependant, pour prendre en compte le fait que les lecteurs sont aussi des lectrices, nous parlerons éga- lement de la Femme, avec un grand F, pour repré- senter, là aussi, l’ensemble des êtres humains. L’HOMME TRIDIMENSIONNEL Nous considérerons que l’Homme possède trois dimensions: physique, émotionnelle, et enfin spirituelle. • La dimension Physique correspond à notre faculté d’agir sur notre environnement. Elle est symbolisée dans le schéma page suivante par la main .

L’APPROCHE SYSTÉMIQUE : POUR MANAGER …fulltext.bdsp.ehesp.fr/Rsi/91/97.pdf · • La dimension Physique correspond à notre ... toire un avant-goût de cette approche. À la

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Daniel CREPIN, Consultant et Formateur en Management, HYPERLINK “mailto:[email protected]

L’APPROCHE SYSTÉMIQUE :POUR MANAGER PLUS EFFICACEMENT, UN NOUVEL OUTIL

DE LECTURE DES ORGANISATIONS

V A R I A T I O N

97RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 91 - DÉCEMBRE 2007

Entre restructuration, mise en place des Pôles d’ac-tivité, T2A, nouvelle gouvernance, SROS, etc., le pay-sage hospitalier est en évolution profonde. Dans cecontexte, les cadres de santé doivent trouver leurvoie et manager au mieux leurs équipes en réalisantun délicat exercice d’équilibre tenant compte:• Des attentes des malades (et de leur entourage):

ces derniers sont avant tout soucieux de qualitédes soins (un bon diagnostic et un bon traite-ment), mais aussi de sécurité. Ils ont égalementbesoin d’écoute, de dialogue, de compréhension.Ils s’attendent donc à une certaine disponibilitédes personnels.

• Des aspirations des membres de l’équipe: ils sontde plus en plus demandeurs de qualité de vie autravail et d’équilibre entre leur vie personnelle etleur métier. Ils veulent une bonne compréhensionde leurs possibilités d’évolution, avec des parcoursprofessionnels clairs, mais également du soutienet de la reconnaissance au quotidien.

• Enfin, des impératifs des établissements: les hôpi-taux sont jugés de plus en plus précisément sur laqualité de leur offre de soins et sur leurs résul-tats, lesquels sont régulièrement évoqués dans lagrande presse. Ils doivent conjuguer leur missionde service public, de qualité et de permanence dessoins avec des contraintes budgétaires fortes.

Au quotidien, les cadres de santé sont tiraillésentre des exigences contradictoires, et despriorités à géométrie variable entre ce quedemandent, chacune avec sa logique propre, ladirection des soins infirmiers, l’administration, sansoublier les médecins qui tendent à placer le cadreau centre des problèmes, mais sans toujours recon-naître clairement sa mission (voir à ce titre le dia-gramme des affinités à la fin de cet article).En résumé, il s’agit donc pour les cadres d’exercerun métier en évolution rapide, dans un environne-ment hospitalier qui lui-même connaît de profonds

changements, et tout cela avec, souvent, desmoyens en réduction (35 heures). Pas simple!Le texte qui suit propose, dans un premier temps,de reconsidérer la personne au travail et le mana-gement à l’aide d’un modèle issu de la penséed’Aristote, le modèle tridimensionnel. Nous rap-pellerons ensuite les principales « théories demanagement » depuis Henri Fayol et le « mana-gement scientifique » de Frederick Taylor, puis nousconsidérerons le management sous l’angle de l’ap-proche systémique, en essayant de comprendrece que cette discipline, issue tout à la fois des mathé-matiques et de la biologie, peut apporter à la com-préhension du fonctionnement d’une organisationcomplexe comme celle de l’hôpital. Enfin, nous pré-senterons un exemple de réalisation d’un « KJ » oudiagramme des affinités, puissant outil de travailen groupe issu de cette même approche systémique.

Dans la suite de ce texte, nous parlerons del’Homme avec un grand H pour parler, comme ilest de règle, de l’ensemble du genre humain.Cependant, pour prendre en compte le fait que leslecteurs sont aussi des lectrices, nous parlerons éga-lement de la Femme, avec un grand F, pour repré-senter, là aussi, l’ensemble des êtres humains.

L’HOMME TRIDIMENSIONNEL

Nous considérerons que l’Homme possède troisdimensions: physique, émotionnelle, et enfinspirituelle.• La dimension Physique correspond à notre

faculté d’agir sur notre environnement. Elle estsymbolisée dans le schéma page suivante par la main.

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• À la dimension Émotionnelle sont associés les senti-ments, les émotions qui résultent à la fois de nos per-ceptions du monde extérieur et de notre « moi » inté-rieur. Elle est représentée par un cœur.

• La dimension Spirituelle est liée à notre capacité àpenser, à raisonner et à inventer, illustrée par la tête.

Cette représentation de la Femme selon trois axes - onparlera de trièdre - n’est pas une découverte récente. Il y a 25 siècles, Aristote, qui a considérablementinfluencé la conception que l’homme occidental se fait dumonde, décrivait déjà l’être humain selon ces trois com-posantes: le Corps (en grec, Soma), l’Ame (Psukhe), etenfin le Souffle, l’Esprit (Pneuma).

Michel Godet, dans son livre «L’avenir autrement», écrit:«L’être humain ne se réduit pas à un esprit rationnel (l’hémi-sphère gauche du cerveau pour la logique) mais possède aussiun «cœur» (le cerveau droit pour l’affectivité) et un corps pourla sensation, la pulsion et l’action. Les trois éléments de cettetrinité sont indissociables pour la compréhension du tout, etaucun d’entre eux ne donne la clef de l’ensemble. Il s’agitnotamment de réconcilier le rationnel et l’émotionnel, c’est-à-dire d’utiliser à plein les facultés du cerveau; faire appel nonseulement à l’hémisphère gauche, siège de la logique et del’analyse, mais aussi à l’hémisphère droit, siège de l’émotion,de l’intuition et de la synthèse».

UN MANAGEMENT TRIDIMEN-SIONNEL?

Si la Femme est tridimensionnelle, il conviendrait que lesorganisations dans lesquelles elle travaille le soient éga-lement! Ce n’est pas toujours le cas, loin s’en faut…Qu’est-ce que manager? Henri Fayol (ingénieur puis diri-geant des Mines de Commentry, en Auvergne), suggéraitil y a près d’un siècle qu’administrer (on ne parlait pasalors de management), c’était « planifier, organiser, com-mander et contrôler ». N’avait-il pas déjà dit l’essentiel?

Comme on va le voir, le modèle tridimensionnel del’Homme peut nous aider à mettre quelques nuances dansce propos.

Le management « à une dimension »

Jusqu’aux années 30, l’ouvrier était considéré avant toutcomme un outil de travail, pour sa seule force de produc-tion: on ne faisait appel qu’à sa main (d’où l’expression“main d’œuvre”). D’une manière générale, on ne se préoc-cupait pas de ses sentiments et encore moins de son intel-ligence: il était prié d’oublier ses problèmes personnels auvestiaire en arrivant à l’usine. C’est l’époque du Taylorisme,du travail “en miettes”: l’ouvrier avait une compréhensionlimitée de la finalité de son travail, ce qui n’avait aucuneespèce d’importance dès lors qu’il y avait des ingénieurs pourréfléchir pendant qu’il maniait son tournevis!!

Nous tenons à signaler que la critique porte ici non passur Frederick Taylor lui-même, mais sur ceux qui par lasuite se sont réclamés de lui. Taylor a été en son tempsun remarquable ingénieur: au-delà des gains remarquablesde productivité que ses méthodes ont permis d’atteindre,“il a appelé à la mise en place de pratiques de gestion et derelations dirigeants/dirigés qui, si elles avaient été suivies, com-prises et enseignées, auraient peut-être aujourd’hui évité biendes déboires à l’industrie occidentale” (Omar Aktouf, dans“Le management entre tradition et renouvellement”).Taylor a, en particulier, mis en garde les dirigeants quantaux risques d’une poursuite effrénée de la quantité audétriment de la qualité, il les a incités à la droiture et àl’honnêteté vis-à-vis de leurs employés, appelé à recher-cher le bien-être de l’ouvrier, et il a conseillé le partage,entre dirigeants et employés, des gains de productivitéet des bénéfices.

Le management « à deux dimensions »

Ce n’est que vers le milieu des années 1930 que l’on s’estrendu compte qu’il y avait de “l’humain” dans l’entreprise.Les célèbres expériences dans une usine de la Western

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Electric, menées par Elton Mayo, ont mis en évidenceles liens entre facteurs psychosociologiques et pro-ductivité. L’histoire mérite d’être rappelée brièvement:Mayo avait été appelé en tant que consultant pourcomprendre les causes d’une baisse de productivitésur le site industriel de Hawthorne. Les ouvrières(c’étaient en effet des femmes dans leur grande majo-rité) semblaient affectées par une sorte de “spleenindustriel”, bien compréhensible si l’on veut se rappe-ler les conditions de travail de l’époque, conditionsque l’on trouve d’ailleurs aujourd’hui encore dansnombre de pays et d’industries. Mayo conduisit unesérie d’expériences sur des groupes d’ouvrières (modi-fications des conditions de travail, de l’organisation,etc.), et la productivité de ces groupes s’en trouva amé-liorée. Mais il se passa, en parallèle, quelque chose detout à fait étonnant: les ouvrières non soumises à expé-rimentation augmentèrent également leur productivité, etla maintinrent à un niveau élevé. L’explication ? Lesouvrières n’avaient pas augmenté leur productivité enraison d’un « nouveau mode de fonctionnement »,mais tout simplement parce qu’elles voyaient que quel-qu’un s’intéressait enfin à elles. C’est ainsi que le mou-vement dit des “relations humaines” introduisitune deuxième dimension du management des individusdans les organisations.Si l’on mène quelques recherches historiques, onconstate que la prise en compte des caractéristiquesaffectives et émotionnelles de la “main d’œuvre” a tou-jours eu ses partisans. Ainsi, Xénophon (400 ans avantJésus-Christ !), suggère que le maître d’ouvrage “doitmontrer ce qu’il sait faire afin que ses subordonnés com-prennent que ce sont ses talents et son expérience qui leplacent au-dessus d’eux (...) On fera bien de flatter leuramour-propre, en leur donnant de temps en tempsquelques marques de considération. Il est bon également,quand un ouvrier se distingue, de le consulter sur la direc-tion des ouvrages. Cette déférence le relève à ses propresyeux, en lui prouvant qu’on fait cas de lui, qu’on le comptepour quelque chose. C’est ainsi qu’on leur inspire le bonvouloir, l’affection.” Le propos est sans doute quelquepeu rustique, mais les idées de développement descompétences, de motivation et de reconnaissance sontbien présentes.

Vers un management tridimensionnel

Depuis les années 80, de plus en plus de voixs’élèvent en faveur d’une troisième dimensiondans le management de l’entreprise. Ce “manage-ment tridimensionnel” prend en compte l’Hommedans sa globalité: deux mains pour travailler, un cœurpour ressentir, mais aussi une tête pour penser, antici-per et créer.

Ici encore, une recherche permet de trouver dans l’his-toire un avant-goût de cette approche. À la fin duXVIIIe siècle, voici ce qu’exprimait le patron d’une

entreprise minière, au Japon: “Le Chef d’Entreprise devraituniquement fixer le cap fondamental de l’organisation qu’ildirige. La détermination des autres lignes d’action devraitêtre confiée aux employés, et décidée en fonction d’unevolonté venant de la base. Quelle que soit sa position, unsupérieur, lorsqu’il demande à un subordonné d’accomplirune tâche, ne devrait pas faire plus qu’expliquer les raisonspour lesquelles le travail doit être réalisé. Il ne devrait ni don-ner d’instructions précises ni surveiller le travail de près. Lesupérieur devrait prendre pour habitude de faire confianceà ses collaborateurs pour tout, et de respecter leurs déci-sions. Ceux à qui l’on fait confiance trouveront plus d’ac-complissement personnel dans leur travail.” Comment nepas être frappé par la modernité du propos!!

Certains sociologues des organisations, prenant lerelais de Mayo, ont milité en faveur d’un managements’apparentant bien à l’approche tridimensionnelle quenous défendons ici. C’est le cas de FrederickHerzberg, qui dans les années 60 s’est intéressé auxsources de la motivation des hommes et des femmesau travail. Herzberg a ainsi mené une étude àPittsburgh, Pennsylvanie (USA), au cours de laquelle ila interviewé 200 employés, ingénieurs et comptables,en leur demandant de se remémorer des situations aucours desquelles ils avaient été satisfaits ou insatisfaitsdans leur travail. Il a ensuite voulu savoir comment cessentiments avaient affecté leur niveau de performanceet leurs relations dans le travail. Il en a déduit deuxtypes de facteurs influençant le niveau de satisfactionque l’on éprouve dans son travail :1. les facteurs de motivation “extrinsèques” : ce

sont par exemple le niveau de salaire, les conditionsde travail… Herzberg défend le point de vue que cesderniers n’apportent pas en tant que tels de réelle“satisfaction positive”. En revanche, s’ils sont à unniveau insuffisant, cela crée de l’insatisfaction.

2. les facteurs de motivation “intrinsèques” :ces facteurs comprennent le type de travailréalisé, la reconnaissance du travail, les res-ponsabilités… Pour Herzberg, seule cette deuxième

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catégorie de facteurs peut apporter une réelle satisfac-tion positive. Ils sont donc la seule source de moti-vation durable pour les employés.

Si on cherche à faire le lien entre Herzberg et lafameuse « Pyramide des Besoins » inventée parAbraham Maslow, on voit que les facteurs extrin-sèques correspondent directement aux trois niveauxdu bas de la pyramide (les besoins physiologiques, desécurité et d’appartenance), alors que les facteurs demotivation intrinsèques correspondent aux niveaux lesplus élevés (les besoins de reconnaissance et d’épa-nouissement).

Une autre théorie de management relève du modèletridimensionnel, alors même que son nom semble lalimiter à deux dimensions : la Théorie X/Y deDouglas Mc Gregor, introduite dans les années 60.La Théorie X trouve son origine dans le taylorisme, etse fonde sur le corps d’hypothèses suivant, qui tient dumodèle de « la carotte et du bâton»:• d’une manière générale, les gens préfèrent ne pas

travailler, et évitent les tâches chaque fois que pos-sible. D’où la nécessité pour les responsables d’in-sister sur l’importance de la productivité, de mettreen place des systèmes de rémunération motivants,etc. ;

• la plupart des gens doivent être contrôlés, voiremenacés, si l’on veut qu’ils travaillent de manièresatisfaisante ;

• l’individu moyen préfère être dirigé, il évite les res-ponsabilités, il a peu d’ambition et recherche avanttout sa propre sécurité.

Ces hypothèses ont été critiquées par Mc Gregor, quileur reproche d’induire un style de management fondésur la seule autorité hiérarchique et, au bout ducompte, peu efficace.Il s’est donc fait l’avocat d’une Théorie Y, qui postule:• que le travail est - ou tout au moins devrait être -

une forme d’activité aussi naturelle que le sont lerepos ou le jeu. Les gens, d’une manière générale, nesont pas opposés au travail en tant que tel : toutdépend de la situation et de l’environnement du tra-vail en question;

• que le contrôle externe et la menace de la punitionne sont pas les seuls moyens pour obtenir des effortsde la part des employés. Les gens sont prêts à s’in-vestir et à assurer par eux-mêmes le contrôle et laqualité de leur travail, pour peu qu’ils disposent d’ob-jectifs propres;

• lorsque les bonnes conditions sont réunies, l’êtrehumain apprend non seulement à accepter mais aussià rechercher les responsabilités;

• les gens capables d’apporter des solutions créativesaux problèmes techniques ou organisationnels sontbeaucoup plus nombreux que ceux qui le font spon-tanément.

En résumé, si les employés sont paresseux, indifférents,non créatifs, la faute en incombe avant tout au type demanagement de l’entreprise (ou de l’hôpital).Notons qu’il s’agit ici d’un modèle théorique de repré-sentation de l’Homme au travail dans son environne-ment. Quiconque a un minimum d’expérience de la vieprofessionnelle aura rencontré des individus qui sem-blent bien relever de la Théorie X, et qui doivent êtremanagés en conséquence. Le drame consiste à s’ima-giner que tous les collaborateurs relèveraient de cemodèle.

Nous citerons pour finir notre ami René Robin, quinous a initié au management tridimensionnel : “Il nes’agit plus simplement de ressources humaines que l’on doitexploiter, en les motivant, au même titre que l’on valorisedes ressources financières ou techniques… il s’agit de res-sources humaines, c’est-à-dire d’hommes et de femmes quiagissent, parlent et jugent avec toutes leurs potentialités,dans toutes les dimensions de leur être”. C’est la prise encompte simultanée des trois axes du management, pardes responsables à la fois engagés dans l’atteinte desrésultats (Axe 1), mais également conviviaux (Axe 2)et lucides (donc capables d’anticipation stratégique,(Axe 3), qui permet d’inscrire, dans la durée, le suc-cès d’une organisation.

Exemple d’utilisation du trièdre à l’Hôpital

Un ami de longue date, Chef de Service hospitalier, sesert de ce référentiel pour l’accueil des nou-veaux arrivants dans le service. Si le lecteur a com-pris les bases du modèle tridimensionnel, il n’aura pasde difficulté à repérer, dans les lignes qui suivent, cequi relève de chacun des trois axes. Notre ami méde-cin explique donc à ses nouvelles recrues que:• ils doivent aimer les malades, c’est-à-dire non seule-

ment les soigner, mais également les respecter, se fairerespecter, bien communiquer avec les familles, sou-lager, accompagner,

• ils sont membres à part entière de l’équipe qu’ilsrejoignent, à laquelle ils doivent apporter échange decompétences, prévention des conflits, entraide,

• ils doivent repartir du service « meilleurs qu’ils n’yétaient entrés », c’est-à-dire:- plus compétents,- plus ouverts,- plus lucides sur les réalités de l’hôpital public et sur

leur rôle,- ayant progressé dans leur projet de carrière pro-

fessionnelle, et ayant fait profiter l’équipe de leurexpérience (expérience sur les trois axes!),

- capables d’inoculer les mêmes valeurs aux équipesqu’ils rejoindront ensuite.

Et ça marche! Le Service est l’un des îlots d’excellencedans cet hôpital public qui, par ailleurs, souffre degrandes difficultés de fonctionnement.

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UNE NOUVELLE VOIE POUR COM-PRENDRE LES ORGANISATIONSET LEUR FONCTIONNEMENT:L’APPROCHE SYSTÉMIQUE

Qu’est-ce que l’approche systémique?

Avec ses trois axes intimement liés et interdépendants,le modèle tridimensionnel constitue un premierexemple de « système ». Plus largement, un système,c’est n’importe quel « ensemble d’éléments eninteraction dynamique, organisé en fonctiond’une finalité » (cette définition a été proposée parJoël de Rosnay). D’un point de vue pratique, l’approchesystémique est un mode d’investigation consistant àraisonner en priorité sur la finalité de l’objet d’étude(ce qu’on appellera le système) et sur les interactionsentre les éléments de ce système, plutôt que sur lecontenu de chacun de ces éléments. De préférence àune analyse fine des éléments du système, on va doncessayer de comprendre comment tout cela fonctionneensemble (ou dysfonctionne…).

Le système, ce peut être, à vrai dire, n’importe quoi, etpar exemple un hôpital dans son ensemble, mais égale-ment n’importe quel sous-ensemble au sein de ce der-nier, un service par exemple, ou une salle de chirurgie.

Exemple d’utilisation de l’approchesystémique pour mieux comprendreles modes de fonctionnement entreacteurs de l’hôpital

Comment représenter cette organisation qu’est unhôpital ? L’assimilation d’une organisation à sa struc-ture (organigramme, comme celui de l’Hôpital Erasmeci-dessous), est, on le sait, extrêmement réductrice.Réductrice et dangereuse : considérer une organisa-tion en fonction de sa seule structure, cela conduit engénéral à se limiter aux seuls changements structurelspour traiter les problèmes de cette organisation.

Cet organigramme peut paraître un peu compliqué,mais la « réalité » de l’hôpital est, on en conviendra,autrement plus complexe. Ceci a amené les spécia-listes des organisations à s’intéresser de plus en plusaux modes de fonctionnement à l’intérieur d’une organi-sation, à ce qu’il est convenu d’appeler les systèmesrelationnels : comment les gens travaillent, coopè-rent, décident, tentent de résoudre leurs problèmes,etc.. L’observation de ces pratiques met en évidencedes stratégies d’acteurs, en fonction de ce que chacunpense être son intérêt. En voici un exemple, que nous empruntons à AlexMucchielli, dans son ouvrage « Approche systémiquedans les organisations »: il s’agit du « jeu de l’évitementdes responsabilités » à l’hôpital.

Cet exemple tente de décrire le « système d’inter-actions », autrement dit d’échanges entre les cadresinfirmiers et d’autres acteurs de l’hôpital (les supérieurshiérarchiques, la direction des soins infirmiers et leséquipes infirmières). Il a été rédigé à partir d’études etd’observations dans plusieurs centres hospitaliers.

En gros, le jeu de l’évitement des responsabilitésmanagériales fonctionne de la manière suivante:

1) Communications des cadres infirmiers vers leur hié-rarchie (« Aidez-nous ») : en plus des demandes enmatière de management (aide, conseils), les cadresremontent vers leur hiérarchie des demandes sousforme de « plaintes » (demande de soutien affectif)venant de leurs équipes.2) Réponse des cadres supérieurs (« Débrouillez-vous »):la hiérarchie tend souvent à « entendre » essentiellementcette demande de nature affective. Du coup, elle refusel’aide, incitant les cadres infirmiers à « être à la hauteur ».3) Réaction des cadres infirmiers (« Ils ne nous don-nent pas les moyens »): ils se sentent « abandonnés »par leur hiérarchie et se tournent vers les équipes pourse justifier, expliquant leur incapacité à résoudre lesproblèmes par le refus des cadres supérieurs de mettreles moyens nécessaires à leur disposition.4) Les équipes renforcent leurs critiques envers leurhiérarchie directe, et refusent de s’impliquer (« Ils nesavent pas manager »): puisque leurs N + 1 sont inca-pables de résoudre les problèmes, elles se plaignentdirectement aux cadres supérieurs et à la direction.Ceux-ci envoient aux cadres infirmiers un message quià la fois les dévalorise et les défie.5) Les cadres supérieurs se sentent confortés dans leurpoint de vue (« Ils ne savent pas manager »): selon cepoint de vue, les cadres infirmiers n’arrivent pas à fairecorrectement leur travail. Les cadres supérieurs envoientainsi leur analyse à la direction, mettant en valeur lesdemandes d’ordre affectif des cadres infirmiers, maislaissant de côté leurs demandes de management.6) Réaction de la Direction: « Soyez meilleurs »: avec cequ’elle reçoit à la fois des cadres supérieurs et des

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équipes, la direction croit au bien fondé de l’analyseselon laquelle les cadres infirmiers sont surtout axés surles problèmes affectifs. Ceci explique que la solution est« toujours plus de formation pour les cadres infirmiers »afin qu’ils puissent dépasser leurs problèmes affectifs!!

Dans ce système, personne ne prend vraiment ses res-ponsabilités et tend à rejeter la faute sur les autres.« En accusant « les autres » de ne pas faire correctementleur travail de management, tout le monde évited’avoir à faire la preuve de ses propres capacitésde management. » Consciemment ou inconsciem-ment, chacun croit y trouver son compte, mais les dif-ficultés persistent.

En conclusion, l’analyse systémique montre ici que le res-ponsable hiérarchique se trouve au centre d’un systèmed’interactions, mais qu’il n’est pas, loin s’en faut, la seulesource des dysfonctionnements de communication avecses subordonnés et ses supérieurs. Peu importe finale-ment le « style » de management du cadre, c’est le sys-tème tout entier qui définit un « style ». Le « jeu mana-gérial » procure des avantages à tous les acteurs.

En conclusion, pour améliorer une situation, il fautd’abord la comprendre. L’analyse systémique est unebonne façon d’appréhender des réalités souvent diffi-ciles à saisir, pour ensuite agir dessus avec efficacité.

Qualité et Approche Systémique

Les liens entre la démarche Qualité et l’approchesystémique sont étroits, comme on va le voir dansl’exemple de la relation client - fournisseur, l’undes concepts les plus féconds de la Qualité. De quois’agit-il? De considérer l’ensemble des relations au seind’une organisation comme un réseau de liens entredes fournisseurs (de services, d’information, etc.) etde clients de ces mêmes services et informations.Le client « externe », c’est bien sûr, avant tout, lepatient. Cela dit, l’hôpital est une organisation assezparticulière, dans la mesure où ce client est égalementle « produit » (autrement dit, des personnes entrentmalades à l’hôpital, et – dans la plupart des cas – enressortent guéries). Du point de vue de l’organisation, ilest beaucoup plus commode de voir dans ce patient le« produit » plutôt que le client. En effet, un client a desexigences, il se plaint, il faut le rassurer, l’écouter, luiaccorder du temps, alors que pour le « produit », cen’est pas la peine… Cela dit, les meilleurs hôpitauxsont ceux qui – toutes choses égales par ailleurs - ontsu voir dans le patient autant le client que le produit.En dehors du client externe, nous croyons que les hôpi-taux gagneraient à mieux prendre en compte l’ensembledes relations client - fournisseur « internes ». LeCadre de Santé est à la fois fournisseur et client duMédecin, et réciproquement. Il est là encore plus com-mode pour celui qui a le plus de poids statutaire de se

considérer uniquement en tant que « client », et d’ou-blier ses responsabilités de « fournisseur », ce qui néces-site la volonté de réellement coopérer.À propos de coopération, voici ce qu’a pu écrire notreami François Dupuy, sociologue des organisations:« Dans une logique purement taylorienne, la production duservice est décomposée en “actes successifs”, en tâches quise suivent, et l’organisation reproduit cette succession. Oncomprend tout de suite les avantages et les inconvénients dece mode de fonctionnement. Avantages pour les membresde l’organisation: ils n’ont pas à coopérer. Ils se passent sim-plement des dossiers, une fois qu’à leur rythme, ils en onttraité leur part, évitant ainsi toute situation de dépendance vis-à-vis d’autrui. Or, dans les organisations, la coopération, jus-tement parce qu’elle induit une dépendance, n’est en rienspontanée. Elle est difficile, douloureuse pourrait-on dire et,tout naturellement, les acteurs s’en protègent autant qu’il estpossible de le faire. On comprend ici que le mode de fonc-tionnement segmenté des organisations bureaucratiques estune formidable protection pour leurs membres, non seule-ment face au public (pas de responsable du “produit fini”),mais aussi face à leurs propres collègues avec lesquels ils peu-vent d’autant plus être solidaires que l’organisation du travailréduit à néant les occasions de conflits interindividuels. »

Le diagramme des affinités ou « KJ »,un outil pour l’analyse systémique

Le diagramme des affinités est un remarquableoutil de structuration de la pensée collective.C’est l’un des « outils de management » que les per-sonnels de certains hôpitaux commencent à s’approprierpour faire bouger les choses et trouver, ensemble, lessolutions aux problèmes complexes qui sont les leurs.Par sa dimension systémique, cet outil aide à com-prendre les logiques circulaires dont il est souvent si dif-ficile de sortir. Il a été inventé dans les années 60 par unanthropologue japonais, le Pr. Kawakita Jiro (d’où sonsurnom de « Diagramme KJ », ou plus simplement« KJ »). Il permet de mettre en forme, de modéliseravec clarté des problèmes complexes, dans lesquels ladimension humaine (par opposition à la dimension tech-nique) est forte, voire prépondérante. Le KJ est vive-ment conseillé lorsqu’un groupe se propose de traiterun problème complexe, confus, aux frontières floues,aux composantes diverses et entremêlées.L’exemple que nous présentons ici, et dont nous détaille-rons le cheminement méthodologique, est le résultatd’un travail réalisé par un groupe de cadres supérieursd’un hôpital de province, dans le but de réfléchir surleur positionnement. Le nom de l’établissement n’ap-paraît pas en clair dans ce texte, pour des raisons deconfidentialité. L’animatrice était elle-même cadre supé-rieur, et avait été formée au KJ par l’auteur de cet article,en partenariat avec l’ISCMM (Institut Supérieur deCommunication et de Management Médical).Dans la suite du texte, les éléments faisant référenceà notre exemple apparaissent en italique.

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Une première réflexion avait permis de cadrer lecontexte général de cette réalisation:• l’efficience de l’organisation des services de l’hôpital

repose sur la qualité du binôme entre chef de serviceet cadre de santé, or beaucoup de médecins sontencore dans l’ignorance des potentialités, des mis-sions, voire parfois de l’existence des cadres et cadressupérieurs de santé.

• Se situant entre soignants et administratifs, ces cadres,qui suivent des études longues et sélectives - sans quele salaire en soit le reflet - exercent des fonctions desoins, d’encadrement et de gestion qui restent malreconnues. Ils/Elles sont par ailleurs confronté(e)s auquotidien à des réalités de terrain souvent très éloi-gnées des brillants axes politiques établis ailleurs.

• Identifier ce mal-être des cadres et des cadres supé-rieurs de santé, affirmer localement leur existence,recentrer leur action dans la réalité et la dynamiquede l’Hôpital d’aujourd’hui, réagir en équipe sont desdéfis que seuls les cadres eux-mêmes peuvent relever.

Dans notre exemple, le groupe de cadres supérieursa initié sa réflexion par la question: « Quelles sont lesdifficultés rencontrées par les Cadres Supérieurs de Santéde notre établissement? » Question « à large spectre »,de nature à susciter des réponses dans les domainestechnique, relationnel, organisationnel, voire culturel.Dans un premier temps les participants vont produire,individuellement, des énoncés qui formulent desobservations, des faits. Les règles imposées pourcette première phase sont importantes:• les énoncés sont rédigés sur des fiches de type

Post-it®, sous forme de phrases complètes, ce quifavorise leur clarté,

• chaque participant est limité quant au nombred’énoncés qu’il ou elle peut produire : on veut unetrentaine d’énoncés au total, ce qui oblige chacun àune sélection rigoureuse des éléments concrets etfactuels qui lui semblent être les plus importants àexprimer; on est loin du foisonnement et des redon-dances du brainstorming!

Dans une deuxième phase, les « productions indivi-duelles » sont passées en revue, pour vérifier que leursens est clair pour tous. Bel exercice de partage, où l’onse rend compte que des débats ou des incompréhen-sions surgissent uniquement lorsqu’une fiche a « dérapé »de l’énoncé factuel vers l’opinion, le point de vue, le juge-ment, en un mot l’inférence, c’est-à-dire l’interprétationdes faits, et non les faits eux-mêmes. Lorsque ce cas seprésente, on s’efforce de trouver un exemple concretqui vient illustrer cet énoncé trop général, et l’on rédigeune nouvelle fiche qui annule et remplace la précédente.Cette étape essentielle permet au groupe de s’appro-prier collectivement ce qui était au départ autant de pro-ductions individuelles. Ensuite, les fiches vont êtreregroupées, mais en partant du principe qu’il n’y a pasde « one best way », c’est-à-dire pas de méthode unique

de regroupement de ces données. C’est cette recherchecréative, selon la proximité de sens des énoncés, quivaut à l’outil son nom de Diagramme des Affinités. Ceregroupement est un travail collectif qui se fait ensilence, pour éviter que l’un ou l’autre ne cherche àconvaincre ses collègues de la pertinence du groupe defiches qu’il vient de constituer. Au bout de quelquesminutes, une structuration satisfaisante apparaît.L’étape qui suit est cruciale: elle consiste à identifier le« message clef » contenu dans chaque groupe defiches. « Qu’est-ce que ces fiches que nous venons degrouper essaient de nous dire? Quel est le messageimportant? » En réponse à cette question, les partici-pants, travaillant en recherche de consensus, vont iden-tifier un titre. Ce sont ces titres qui apportent le plusde valeur au diagramme: ils sont porteurs de sens ence qu’ils contribuent largement à générer une com-préhension partagée de la problématique.

À titre d’exemple, les deux énoncés suivants « Je nesuis pas évaluée en fonction de mes objectifs et de mesrésultats » et « La DG ne reçoit jamais les CS pour unéchange à propos des objectifs et des résultats de leur sec-teur » ont permis de produire le titre « La DG ne semblepas se soucier beaucoup des résultats obtenus par les CS ».Pour aller au bout de la structuration, le groupe pro-cède à un deuxième niveau de regroupement et detitrage, puis à la mise en évidence de liens d’influenceentre les composantes. Après quoi interviendra unvote, visant à mettre en valeur les éléments les plusimportants du travail réalisé. Enfin, une « phrase de syn-thèse » conclut le travail ; celui-ci aura duré entre 2h30et 3 heures. Notons que le code de couleurs utilisépour ce diagramme est celui proposé par le Pr. ShibaShoji de l’Université de Tsukuba, dans l’enseignementqu’il dispense sur les « 7 Outils du Management ».

Dans notre exemple, les principaux facteurs apparais-sent clairement:• La non association des Cadres de Santé à la dynamique

de l’établissement,• L’absence d’un projet commun des CS, qui leur permet-

trait de peser sur les choix de l’établissement,• Le flou quant au positionnement et aux rôles des CS.Ce qu’il est important de retenir, c’est que ces caté-gories ne sont pas des a priori, mais qu’ellessont le résultat d’une construction progressive,et qu’elles reposent sur des bases solides, àsavoir les énoncés factuels que les participantsont sélectionnés lors de la phase initiale.

La « phrase de synthèse » a été formulée de la manièresuivante:« C’est en…• affirmant notre identité professionnelle,• clarifiant nos missions et nos procédures,• structurant notre groupe,que nous pourrons…

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L’APPROCHE SYSTÉMIQUE :POUR MANAGER PLUS EFFICACEMENT,

UN NOUVEL OUTIL DE LECTURE DES ORGANISATIONS

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• participer à l’élaboration de la politique de notre établis-sement,

• nous associer à la dynamique institutionnelle,• et accomplir notre fonction dans les secteurs et dans

l’hôpital »

Ce travail a permis aux uns et aux autres d’ouvrir les yeuxet de porter un regard nouveau sur une situation quechacun n’abordait jusqu’alors qu’au niveau de ses propresdifficultés quotidiennes. Il s’est agi de passer des frustra-tions quotidiennes à l’analyse des causes puis à l’identifi-cation des solutions, un exercice passionnant de mise enapplication des outils de l’analyse systémique, permettantune réelle mobilisation du savoir-faire des cadres!

Le Diagramme des Affinités (ci-dessus) peut à juste titrerevendiquer la première place dans cette panoplie d’ou-tils que sont les « Outils du Management », où figu-rent notamment le diagramme des interrelations, lesarbres et les matrices. Ces outils permettent de« mettre à plat » avec clarté la problématique àl’étude, d’identifier les leviers d’action, enfin demettre au point des plans d’actions qui engagentréellement les acteurs dans leur réalisation. C’estle respect de cet itinéraire qui est le gage de la réussite.Nous voulons également alerter le lecteur sur le senti-ment qu’il pourrait avoir d’un outil « facile à manipuler ».En réalité, le KJ demande, outre une réelle expérience del’animation, une bonne maîtrise des bases de cette « pro-phylaxie du langage » qu’est la Sémantique Générale

d’Alfred Korzybski : emploi pertinent des différentstypes d’énoncés (observations, sentiments, inférences) etrespect de l’échelle des niveaux d’abstraction du langage.

En conclusion, le KJ s’avère être un puissant outil de struc-turation à la fois rigoureux, par le respect d’une méthodeoù rien n’est laissé au hasard, et heuristique, l’outil restanttoujours au service de la création collective. Faisant alter-ner des moments d’ouverture et des moments de conver-gence, des phases de travail individuel et d’autres de pro-duction collective, il garantit un véritable travail d’équipe,ressenti comme tel par les participants qui, en entrantdans la salle, n’étaient qu’une « collection d’individus » avecla « table ronde » pour toute méthode de réflexion com-mune. L’efficacité de ces « Outils du Management » esttelle que ceux qui les ont utilisés y font spontanémentappel dès qu’un problème complexe doit être traité.

La maîtrise de ces méthodes permet à tout respon-sable de mieux aborder les problèmes, voire de lesanticiper.Loin de perdre de son autorité, le leader y gagne aucontraire en crédibilité auprès de son équipe, ces outilsreprésentant un moyen d’établir ce management par-ticipatif dont beaucoup ne font que rêver. En effet, c’estavec son équipe que le responsable va dérouler cet iti-néraire de résolution de problèmes, dans une réellecomplémentarité des intelligences, en découvrantensemble des pistes de solutions souvent insoupçon-nées, et acceptées par tous.

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