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HAL Id: halshs-00718564 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00718564 Submitted on 17 Jul 2012 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Langues de Guyane... langues en Guyane Odile Renault-Lescure, Laurence Goury To cite this version: Odile Renault-Lescure, Laurence Goury. Langues de Guyane... langues en Guyane. Renault-Lescure, O. & Goury, L. Langues de Guyane, Vents d’ailleurs/IRD Editions, pp.10-23, 2009. halshs-00718564

Langues de Guyane langues en Guyane - Accueil - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et … · 2021. 8. 2. · enfants : créole guyanais, nengee8, sranan9 ou français. Les villes fronta-lières

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Langues de Guyane... langues en GuyaneOdile Renault-Lescure, Laurence Goury

To cite this version:Odile Renault-Lescure, Laurence Goury. Langues de Guyane... langues en Guyane. Renault-Lescure,O. & Goury, L. Langues de Guyane, Vents d’ailleurs/IRD Editions, pp.10-23, 2009. �halshs-00718564�

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Langues de Guyane françaiseAmérindiennes

famille arawak (palikur, arawak)

Asiatique(hmong)

Créolesbase lexicale anglaise

famille caribe (kali’na, wayana)

famille tupi-guarani (wayampi, teko)

(aluku, ndyuka, pamaka, saamaka)

base lexicale française

(créole guyanais)

Village

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Langues de Guyane… langues en Guyane

Odile Renault-Lescure Laurence Goury

« La diversité du langage humain peut être comparée à la diversité du monde naturel. Tout comme la disparition d’une espèce végétale réduit la diversité génétique et prive l’humanité de ressources médicales et biologiques potentielles, c’est un trésor de culture, d’art et de connaissances qui s’évanouit avec l’extinction d’une langue1. »

Origine du livrePersonne ne sait, ni ne peut dire, depuis combien de temps des mots comme hadali, khabo, tip, arudiki, konopo, weyu, nunuwë, kaikui, amã, kwala , takula, dzawat, résonnent en Guyane2. Les linguistes re construisent, par la classification et la comparaison des langues d’une même famille, les for-mes des langues ancestrales dont elles descendent. Mais les langues des premiers habitants ont, dans leur majorité, disparu avec la colonisation, d’autres langues se sont créées, d’autres encore sont le résultat d’histoires de migration plus ou moins récentes. Aujourd’hui, une trentaine de langues composent un panorama diversifié : langues amérindiennes, créoles à bases lexicales française et anglaise, langues venues d’Europe, d’Asie, et quelques autres encore.

Dans ce foisonnement, outre le français, langue nationale, quelques-unes se font entendre volontiers, comme le portugais du Brésil, fort de millions de locuteurs à quelques centaines de kilomètres, originaire d’un pays de grand prestige culturel, et enseigné du collège à l’université. D’autres, comme

1. Stephen Matthews, « Le développement et la propagation des langues », in Atlas des langues. L’origine et le développement des langues dans le monde, sous la direction de Bernard Comrie, Stephen Matthews, Maria Polinsky, Paris, Acropole, 2004, p. 18.2. Le lecteur retrouvera ces mots dans les tableaux de correspondance par famille de langue au chapitre « Les langues amérindiennes » pages 43-45.

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certaines langues amérindiennes ou créoles, sont encore marquées du sceau de l’exclusion qui fut leur lot dans la société coloniale et postcoloniale. Des idées fausses et dévalorisantes circulent à leur égard. Les Amérindiens parle-raient tous l’« indien », les Marrons le « taki-taki », et celui-ci ne serait certai-nement pas un créole… Ces langues ne seraient que de vagues dialectes* ou patois… Elles n’auraient pas de grammaire, un vocabulaire pauvre, ne seraient propres ni à l’abstraction ni à l’écriture… Il est vrai que la documentation est insuffisante, qu’elle est peu ou mal vulgarisée. Les langues, quand elles ne sont pas ignorées, restent sujets de controverses au sein des institutions qui sont en charge de la justice, la santé et l’éducation.

Le présent ouvrage3 traite des langues de Guyane reconnues comme « langues de France » par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) : « On entend par langues de France les langues régionales ou minoritaires parlées traditionnellement par des citoyens fran-çais sur le territoire de la République, et qui ne sont langue officielle d’aucun État. […] Ces critères de définition s’inspirent […] de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires […]4. »

Cette définition s’appuie sur l’interprétation, plutôt large, du rapport ministériel établi par un linguiste, Bernard Cerquiglini5, dans lequel sont listées plus de soixante-quinze langues, en métropole et en outre-mer. Pour la Guyane, ce rapport retient le créole guyanais, à base lexicale française, qui avait déjà été reconnu comme une « langue régionale ». Il retient également, mais sans statut véritable, les créoles à base lexicale anglaise : aluku, ndyuka, pamaka et saamaka, des langues amérin diennes : arawak, palikur, kali’na, wayana6, teko, wayampi, et une langue asiatique, le hmong. Cette dernière langue peut surprendre dans cet inventaire. Mais c’est en s’appuyant sur l’argument suivant que l’auteur du rapport l’inclut : « Cette tradition [d’être parlée par des citoyens français] peut être récente, sans pour autant renvoyer à une situation de migrance. C’est le cas des Hmong, installés en Guyane […]

3. En 2001, à l’occasion des débats suscités autour de la ratification par la France de la Charte européenne sur les langues régionales et minoritaires, le Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement de la Région Guyane organisait un colloque à Cayenne, avec l’appui de la DGLFLF (ministère de la Culture) et de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), pour attirer l’attention de la population guyanaise sur son patrimoine linguistique. Les linguistes de l’IRD avaient réalisé des fascicules rassemblant des fiches documentaires sur chacune des langues susceptibles de devenir « langue régionale » et furent très surpris de l’intérêt provoqué : ces fascicules disparurent aussi vite que les petits fours de la cafétéria ! Le projet naquit alors de faire une publication légère, reprenant ce même document. Mais ces fiches furent en fait intégrées dans le volumineux ouvrage intitulé Les Langues de France, édité sous la responsabilité de Bernard Cerquiglini en 2003, réunissant des informations sur toutes les langues du territoire métropolitain et de l’outre-mer. Cela réduisait de ce fait leurs possibilités de diffusion locale. Le projet initial se transforma alors en un pro-jet d’ouvrage dédié aux langues de Guyane, sur un modèle semblable, mais plus étoffé et d’une lecture plus agréable.4. Extrait de la page « Les langues de France » du site web de la DGLFLF : http://www.dglflf.culture.gouv.fr/5. Rapport disponible sur le site de la DGLFLF. 6. L’apalai, langue proche du wayana, n’est pas inclus dans cette liste. Il est parlé par quelques familles venues du Brésil dans les années 1960 puis 1990. Le contexte wayana et la minorisation qu’il subit le mettent en danger en Guyane.

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en 1977 ; ils constituent une population d’environ 2 000 personnes, implan-tées dans deux villages monoethniques ; ils sont citoyens français et, pour les plus jeunes, bilingues français-hmong. »

Cette charte inscrit la politique linguistique de la France dans un ensemble européen, mais elle offre sans doute un cadre moins pertinent pour les lan-gues d’un département d’Amérique que pour les langues métropolitaines. Car les langues qui traversent les frontières politiques de Guyane sont parlées dans des pays bien éloignés de l’Europe. Certaines, comme le wayana, sont parlées à la fois au Brésil et au Suriname, l’aire du kali’na s’étend même depuis le Venezuela, au nord, jusqu’à une petite enclave sur la rive brésilienne de l’Oyapock, au sud. Et tant les Amérindiens que les Marrons avaient déjà ins-crit leurs réflexions sur l’avenir de leurs langues dans un cadre politique inter-régional, l’Amazonie pour les uns, les Guyanes pour les autres7.

La vitalité des langues de Guyane les distingue également des langues régionales de métropole. Les langues amérindiennes de l’intérieur, wayampi, teko, wayana, les langues des Marrons, aluku, ndyuka, pamaka, et la langue hmong sont pratiquées par tous les membres des groupes et transmises aux enfants. Ceux-ci arrivent à l’école avec, souvent, leur seule langue maternelle pour bagage linguistique. Sur la côte, les pratiques linguistiques offrent tous les gradients, d’un usage presque général d’une langue première dans certains villages à des situations variables suivant les localisations, où des familles entières délaissent leur propre langue pour en transmettre d’autres à leurs enfants : créole guyanais, nengee8, sranan9 ou français. Les villes fronta-lières en offrent des illustrations. À Saint-Laurent-du-Maroni, le pamaka et le ndyuka sont largement transmis d’une génération à une autre, alors que le créole guyanais l’est très peu, au profit du français10. À Saint-Georges-de-l’Oyapock, le palikur, langue amérindienne anciennement implantée dans la région, présente une situation de déperdition qui se fait au profit du créole guyanais. Ce dernier semble en effet plus dynamique en tant que langue véhiculaire* que le français ou le portugais pourtant très présents dans la région11.

7. Les Amérindiens, notamment, ont une organisation politique, la Fédération des organisations amérin-diennes de Guyane (FOAG), affiliée depuis près d’une vingtaine d’années à la Confédération des organisations indigènes du bassin amazonien (COICA, Coordinadora de Organizaciones Indigenas de la Cuenca Amazonica). À travers ces relations et des rencontres internationales régulières entre leaders, ils se sont rapprochés de communautés aux intérêts politiques, sociaux et culturels proches tout en découvrant d’autres constitutions nationales, véhiculant des politiques linguistiques et éducatives différentes et souvent innovantes. Voir F. Queixalòs & Odile Renault-Lescure (dir.), As líguas amazônicas hoje, São Paulo, IRD-ISA-MPEG, 2000.8. Ce terme regroupe les langues aluku, ndyuka, pamaka ; voir p. 132.9. Pour ceux qui sont originaires du Suriname.10. Isabelle Léglise, « Langues frontalières et langues d’immigration en Guyane française, pratiques et atti-tudes d’enfants scolarisés en zone frontalière », Langues de frontières, frontières de langues, Glottopol, revue de sociolinguistique en ligne, n° 4, 2004, p. 108-124.11. Fabienne Leconte et Claude Caitucoli, « Contacts de langues en Guyane : une enquête à Saint-Georges-de-l’Oyapock », in Jaqueline Billiez (dir.) Contacts de langues. Modèles, typologies, interventions, Paris, L’Harmattan, 2003.

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La diversité et la complexité des situations sociales dans lesquelles évo-luent toutes ces langues sont telles que vouloir en donner un panorama en quelques lignes est une gageure. Nous essaierons cependant d’en éclairer quelques traits importants en nous appuyant sur des travaux réalisés ces dernières années12.

Des langues, des locuteursCertaines langues sont uniquement parlées à l’intérieur d’une communauté de locuteurs dont c’est généralement la langue maternelle ou première : ce sont des langues vernaculaires, comme les langues amérindiennes, ou le hmong. D’autres, au contraire, par leur importance démographique, politi-que ou économique, ou leur prestige culturel, ont un rôle véhiculaire et sont utilisées pour la communication non seulement entre ceux qui les parlent comme langue maternelle, mais aussi par d’autres groupes linguistiques. En Guyane, parmi les langues régionales et outre le français, deux sont véhiculai-res : le créole guyanais, du fait de son poids culturel et politique, et le nengee, par son importance démographique et économique et son statut de langue frontalière.

Contrairement à l’image répandue, toutes ces langues ne forment pas une mosaïque d’éléments juxtaposés, mais tissent des relations complexes, soit chez les individus qui créent leur propre bi- ou plurilinguisme, soit dans et entre les communautés dont les langues s’influencent les unes les autres et entraînent des changements dans les langues et leurs pratiques.

De l’individu plurilingue…Une grande partie des locuteurs est au moins bilingue, voire plurilingue. Ainsi, chez une même personne, plusieurs langues cohabitent, entraînant des passages d’une langue à l’autre, des influences de l’une sur l’autre, des stratégies d’emploi et de transmission, etc. C’est ce que montre une étude réa-lisée dans une classe de fin de primaire de l’école d’un village amérindien de la côte13. Les enfants, pour la plupart locuteurs de kali’na, jouent avec leurs différents répertoires linguistiques. Dans la cour de récréation, le kali’na est la langue la plus fréquemment employée, mais le passage du kali’na au français est spontané. Cette étude montre également comment ce qui est souvent dénoncé comme étant un « mélange » des deux langues est en fait une forme de langue mixte parfaitement structurée, qui indique une certaine maîtrise de chacune des langues.

12. Notamment, Isabelle Léglise et Bettina Migge (dir.), Pratiques et représentations linguistiques en Guyane, Paris, IRD Éditions, 2007.13. Sophie Alby, Contacts de langues en Guyane française, une description du parler bilingue kali’na-français, thèse de doctorat, université de Lyon-II, 2001.

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En fonction de la situation dans laquelle ils se trouvent, les locuteurs jouent avec leurs langues et en font des objets identitaires. Les Marrons, par exemple, ont à leur disposition plusieurs répertoires linguistiques en fonc-tion des situations de communication dans lesquelles ils se trouvent. Les situations formelles (réunions gouvernementales, familiales, etc.) sont très contraintes et la communication doit se dérouler selon un mode particulier14, qui s’appuie uniquement sur une variété traditionnelle de nengee. Cependant, pour se démarquer de ce cadre traditionnel et montrer leur intégration dans la société moderne contemporaine, les jeunes hommes qui organisent des réunions violent certaines règles de base de la communication formelle, et mélangent le nengee avec les autres langues de la région : le sranan tongo, le français, le néerlandais. Dans ce type de contexte, une identité bi- ou mul-ticulturelle apporte beaucoup de prestige15. Cette observation s’applique à bien d’autres cas, comme nous le rappelle, par exemple, l’auteur de l’article sur le teko.

14. Voir l’étude de Bettina Migge, « Variation linguistique dans les situations formelles chez les Pamaka », Études créoles, n° 28, 2005, p. 59-92.15. Ibid.

Dans la Guyane pluriculturelle d’aujourd’hui, la question des langues et le choix des politiques linguistiques à mettre en œuvre revêtent une importance cruciale, entre

préservation des langues propres à chaque groupe, qui renforcent les identités particulières, et diffusion des langues véhiculaires, qui permettent le « vivre ensemble ».

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… à la société multilingueDans les situations quotidiennes (au travail, à la poste, à l’hôpital, à l’école, mais aussi à la maison), ces langues se répartissent en fonction des échanges. Si une vision large de la situation guyanaise peut faire croire à la domination du français (parlé dans les secteurs officiels tels que l’école, l’administration, les médias) sur les autres langues, peu parlées en dehors de la sphère privée16, une analyse plus fine en donne à voir une autre image. Le kali’na par exemple est doublement dévalorisé en Guyane (face au français, mais aussi face aux créoles). Cependant, dans le plus important village kali’na, unique municipa-lité amérindienne sur la côte17, les observations montrent que cette langue est bien valorisée : les enfants déclarent la parler entre eux, et en avoir une bonne maîtrise ; elle est parlée dans plusieurs commerces et à la poste ; et les Kali’na des autres villages s’y réfèrent comme une norme à suivre pour « bien parler » kali’na. Ces pratiques s’accompagnent de revendications identitaires linguistiques et culturelles.

Ces situations sociolinguistiques complexes ne sont pas sans influence sur l’évolution de la place de chacune des langues dans la société guyanaise et de son avenir dans le patrimoine linguistique mondial. Depuis des années, les alertes se multiplient sur les menaces de disparition qui pèsent sur les lan-gues de la planète et tout particulièrement sur les langues minoritaires. On estime que « entre 1490 et 2000, près de la moitié des langues de la planète ont disparu18 ».

« Sait-on qu’en moyenne, il meurt environ 25 langues chaque année ? Il existe aujourd’hui dans le monde 5 000 langues vivantes, dans cent ans, si rien ne change, la moitié de ces langues seront mortes. À la fin du xxie siècle, il devrait donc en rester 2 500 environ, et beaucoup moins encore si l’on tient compte d’une accélération, fort possible, du rythme de disparition. Certes, comme les civilisations, les langues sont mortelles, et le gouffre de l’histoire est assez grand pour toutes. [...] La vigilance s’impose, faute de quoi toutes sont menacées, y compris le français19. »

Les langues amérindiennes, pour leur part, ont subi une disparition dra-matique au cours de leur histoire, puisque leur nombre était environ cinq fois supérieur au début de la colonisation20. En Guyane, les exemples du kali’na et du teko sont révélateurs : la population des Kali’na estimée à 5 500 en 1604 était tombée à 250 en 1848 et les Teko, dont le nombre s’élevait à 400 en

16. Ce que l’on appelle en sociolinguistique une situation de diglossie.17. Isabelle Léglise et Sophie Alby, « Minorization and the process of (de)minorization, the case of Kali’na in French Guiana », International Journal of the Sociology of Language, n° 182, 2006, p. 67-86.18. Stephen Matthews et Maria Polinsky, « Les langues dans le monde : disparitions et renaissances », in Atlas des langues, op. cit.19. Claude Hagège, Halte à la mort des langues, Paris, Éditions Odile Jacob, 2001.20. Voir le chapitre « Les langues amérindiennes » p. 40.

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1770, n’étaient plus que 50 en 195021. Dans cette histoire, le facteur démo-graphique est celui qui a le plus pesé sur le déclin des langues.

Les estimations du nombre de locuteurs actuels sont citées dans chaque chapitre. On observe un renouveau significatif des langues amérin diennes, dû à différents facteurs : taux d’accroissement démographique et flux migra-toire. Mais démographie et taux de pratique, comme nous l’avons vu, ne se recouvrent pas toujours étant donné l’influence des facteurs sociolinguis-tiques. L’augmentation du nombre d’Arawak en provenance du Suriname n’augmente pas nécessairement le nombre de locuteurs de cette langue, mais augmente le nombre de locuteurs de sranan… Les Marrons connaissent une très forte natalité et bénéficient d’une importante immigration qui contri-bue à renforcer leurs langues, car dans ce cas, démographie et pratique lin-guistique se recouvrent. Quant au hmong, il reste marqué par la stabilité, vraisemblablement due au mode de vie assez retiré dans les villages22.

D’autres facteurs sont cruciaux et sont étroitement liés aux attitudes des membres des groupes vis-à-vis de la langue, à des politiques volonta-ristes et à la promotion du multilinguisme. Nous avons présenté dans les premières pages la question, récemment prise en compte par l’État français, du statut des langues de Guyane. Par ailleurs, sur le terrain, des locuteurs, souvent regroupés en associations culturelles, ou parfois des locuteurs isolés, travaillent depuis près de quinze ans à la promotion de leur langue, à son instrumentalisation, à sa modernisation et aux possibilités de lui permettre d’intégrer les moyens de connaissance, de mémoire, de communication et de diffusion les plus modernes.

Écrire les langues de GuyaneToutes les langues régionales de Guyane, de tradition orale, font l’objet d’expériences de passage à l’écrit, ou ont une pratique scripturale plus ou moins longue (depuis la fin du xixe siècle pour le créole guyanais, et la fin du xxe siècle pour les langues amérindiennes, à l’exception du wayana qui a adopté, il y a une cinquantaine d’années, la graphie élaborée par des mission-naires du Suriname23, ou encore, depuis la deuxième moitié du xxe siècle, pour le hmong). On relève même la création d’une écriture syllabique pour le ndyuka par un locuteur de cette langue au début du xxe siècle24. C’est à l’initiative de leaders politiques ou d’associations culturelles prêts à s’investir dans ces longs processus de l’appropriation de l’écriture que sont conduits les

21. Pierre et Françoise Grenand, Les Amérindiens, des peuples pour la Guyane de demain. Un dossier socio- économique, Cayenne, ORSTOM, collection « La nature et l’homme », 1990.22. Ly Chô, « De l’influence du français et du créole guyanais sur le hmong parlé en Guyane », in Isabelle Léglise et Bettina Migge (dir.). Pratiques et représentations linguistiques en Guyane, op. cit.23. George L .Grimes, « Writing systems for the interior of Suriname », Languages of the Guianas, n° 1, 1972, p. 85-91 (microfiches).24. Pour plus de détails, voir le chapitre « Les langues aluku, ndyuka et pamaka ».

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travaux les plus récents et toujours actuels. Des « ateliers d’écriture » fonction-nent depuis 1993 chez les Kali’na qui ont proposé, après débats, une graphie de leur langue, officialisée au cours de la « Déclaration de Bellevue25 », puis l’ont expérimentée dans des productions diverses. D’autres « ateliers d’écri-ture » plus ou moins formels se tiennent chez les Teko et chez les Wayana qui souhaitent produire des textes. Des séminaires intitulés « Écrire la langue arawak » réunissent annuellement depuis 2006 locuteurs et spécialistes de la langue sur les questions de passage de l’oral à l’écrit. Les locuteurs de nengee se mobilisent également et, depuis plusieurs années déjà, des ateliers d’écri-ture ou des séminaires de réflexion sur le passage à l’écrit sont organisés sous l’impulsion de diverses associations (Mama Bobi, Sikiifi Konmiti, etc.).

Cependant, leur présence écrite dans le panorama guyanais est encore très réduite, même si certains locuteurs militent pour rendre leurs langues plus visibles26. On notera l’existence d’une presse mensuelle pour les langues et cultures amérindiennes avec la revue Oka.Mag’, qui publie régulièrement des textes en kali’na (contes, poèmes, etc.). Une tentative de presse hebdoma-daire pour le fleuve, le journal A libi fu a liba27, multilingue français, aluku, ndyuka, sranan, a malheureusement disparu peu de temps après sa création, au début des années 2000. À noter que les deux promulgations de l’abolition de l’esclavage ont été, en leur temps, diffusées par écrit en créole guyanais, et qu’aujourd’hui, celui-ci est bien présent sur Internet grâce, entre autres, au site de Krakémantò, « association qui a pour but l’étude et la promotion de l’oraliture guyanaise ».

La tenue d’un colloque intitulé « Écrire les langues de Guyane » à Cayenne en 200328 a montré l’intérêt de la population guyanaise pour ce thème. Les sessions plénières et les ateliers proposés ont rassemblé acteurs de terrain, linguistes, enseignants, locuteurs, pour réfléchir à trois grandes problémati-ques du passage à l’écrit : les aspects techniques de la codification, la produc-tion d’écrit et la tradition orale, et les problèmes de traduction. À l’issue de ce colloque, les participants ont adressé aux autorités compétentes une liste de recommandations.

Les langues de Guyane à l’écoleDepuis une dizaine d’années, l’écrit dans les langues régionales (palikur, kali’na, wayana, teko, wayampi, aluku, ndyuka, hmong) a fait son appari-tion dans certaines écoles à travers le programme « Médiateurs culturels et bi lingues » créé en 1998 sous l’impulsion des linguistes de l’Institut de

25. Odile Renault-Lescure, « L’écriture du kali’na en Guyane. Des écritures coloniales à l’écriture contempo-raine », in Isabelle Léglise et Bettina Migge (dir.), Pratiques et représentations linguistiques en Guyane, op. cit.26. Nous renvoyons au chapitre « Pour en savoir plus » pour les références des publications dans les diffé-rentes langues traitées dans cet ouvrage.27. La vie du fleuve.28. Organisé par le Centre d’études des langues indigènes d’Amérique-CNRS /IRD (CELIA) et le Groupe d’études et de recherches en espaces créolophone et francophone (GEREC-F)-UAG.

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CONCLUSIONS DU COLLOQUE INTERNATIONAL

« ÉCRIRE LES LANGUES DE GUYANE »

CAYENNE, 9-11 mai 2003

Les participants au colloque international Écrire les langues de Guyane, réunis à Cayenne du 9 au 11 mai 2003 :

conscients de l’intérêt patrimonial majeur représenté par la diver-sité linguistique guyanaise,

soucieux d’une exploitation positive de cette diversité pour un enrichissement culturel réciproque au sein de la société guya-naise,

adressent aux instances nationales, régionales et locales compétentes les recommandations suivantes :

– proroger et étendre le dispositif médiateurs culturels et bilingues, avec la création d’un véritable statut professionnel ;– exploiter en milieu scolaire la diversité linguistique et cultu-relle des enfants de Guyane, à travers un aménagement des pro grammes et une présence accrue des connaissances sur les langues et cultures maternelles dans la formation initiale et continue des enseignants ;– soutenir la collection et la valorisation du patrimoine oral sous forme de passage à l’écrit et d’archivage sonore, afin d’as-surer la transmission intergénérationnelle des savoirs ;– permettre une visibilité accrue des langues de Guyane dans l’en semble de l’espace social, à travers l’affichage, les médias, etc. ;– favoriser une meilleure connaissance réciproque des diver-ses composantes de la société guyanaise à travers un dévelop-pement des échanges interculturels ;– favoriser la formation à la réflexion explicite sur la langue et aux pratiques sociales qui en découlent (médiation, traduction, enseignement…) ;– prendre toutes les mesures législatives et constitutionnelles permettant la ratification par la France de la Charte euro-péenne des langues régionales.

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recherche pour le développement (IRD) et de responsables de l’Éducation nationale. À l’heure actuelle, ce dispositif, qui comporte plus d’une qua-rantaine d’intervenants en langue maternelle (ILM)29, dont une partie a été formée principalement en linguistique et en pédagogie, intervient dans diverses écoles des fleuves frontaliers et de la côte ouest, et propose aux élèves non seulement de développer leurs compétences orales, mais aussi d’entrer dans l’écrit à travers leur propre langue. Le créole guyanais, qui n’est pas concerné par ce dispositif, est enseigné dans le cadre des heu-res de langues et cultures régionales à l’école primaire depuis 1986, et une option « créole » peut être choisie au baccalauréat. Depuis la mise en place du CAPES de créole en 2001, il est possible de préparer une licence ainsi qu’une maîtrise de langues et cultures régionales, option créole. La respon-sabilité scientifique de cet enseignement incombe au Groupe d’études et de recherches en espaces créolophone et francophone (GEREC-F).

Les langues dans les médiasLa présence des langues régionales dans les médias est réduite, le français occupant systématiquement tous les créneaux, même dans les petites chro-niques proposées au début des années 2000 par RFO sur diverses langues de Guyane comme le ndyuka, le saamaka, ou encore le palikur et le kali’na : faites en français, elles abordaient en quelques minutes des points de culture et de vocabulaire ; elles ont disparu de la grille des programmes depuis lors. Le créole guyanais est plus présent et bénéficie de certaines émissions radio entièrement en créole sur RFO ou Radyo LiTG, ainsi que sur les antennes télévisuelles (sur ACG notamment).

Il est possible, dans l’Ouest guyanais en particulier, de capter des radios émettant en langue depuis des pays limitrophes (par exemple en saamaka depuis le Suriname).

L’ouvrage, son contenu, son mode d’emploiVoici quelques indications destinées à orienter le lecteur dans sa découverte des Langues de Guyane, qui, bien que peu connues et parlées parfois par un tout petit nombre de locuteurs, n’en sont pas moins des objets linguisti-ques complexes, dotés de grammaires aux traits parfois inattendus et de lexiques élaborés, comme n’importe quelle autre langue du monde. Elles pourront donner une idée de la diversité guyanaise et préparer au choc lin-guistique et culturel inévitable lors de la confrontation avec des langues non familières30.

29. Ce terme remplace depuis 2007 celui de « médiateur culturel et bilingue » depuis la signature d’une convention de formation tripartite entre l’IUFM, le rectorat et le centre IRD de Guyane.30. Ce choc ne concerne pas que l’étranger à la langue, il concerne aussi les locuteurs eux-mêmes : lorsqu’ils observent de façon réfléchie leur propre langue, scientifiquement décrite, ils en découvrent le fonctionne-ment et la complexité. Lors de la présentation du système verbal de leur langue aux intervenants en langue

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Après quelques pages « Au fil du temps » où se dessine progressivement le paysage linguistique de la Guyane, l’ouvrage s’organise en trois grandes parties31, construites selon le même modèle : un texte général présente le groupe de langues concerné, accompagné d’une carte qui illustre les tendances de peuplement ; si les langues amérindiennes sont le résultat d’une convergence ancienne vers l’Amérique, les créoles se caractérisent au contraire par un éclatement géographique lié à l’expansion coloniale euro-péenne depuis le xve siècle. Quant au hmong, la carte le situe en Asie, dans son aire géo graphique d’origine.

Ces trois grandes parties se divisent ensuite en chapitres présentant chacune des langues et dont la rédaction a été confiée à des spécialistes.

Une carte ouvre ces chapitres et situe chaque langue concernée en Guyane ; elle est suivie d’une estimation du nombre de ses locuteurs, telle qu’on la connaît aujourd’hui. Ces données peuvent varier, tant à cause de la diversité des documents dont on dispose que des changements dans les situations sociolinguistiques, et ne représentent par conséquent qu’un état des lieux en date de la publication de l’ouvrage.

Les langues de Guyane ont généralement plusieurs dénominations ou plusieurs graphies. Cela tient aux chroniqueurs européens qui les ont recueillies, à leur langue maternelle, aux lieux où ils ont collecté leurs don-nées, s’ils les ont recueillies directement ou par ouï-dire… Le saamaka est par exemple appelé saramaccan par les anglophones, mais saramacca ou sara-maka par les francophones. Pour éviter les confusions, nous avons retenu et utilisé tout au long de l’ouvrage une unique dénomination pour chaque langue, celle que l’auteur de chaque article a estimée la plus appropriée, sou-vent l’autodénomination (ou dénomination dans la langue). Ainsi, les Teko dénomment leur langue teko awu, « langue des Teko », l’auteur la présente comme la langue teko, connue par ailleurs comme « émérillon », terme rap-porté à une dénomination utilisée par un peuple caribe pour désigner « les gens du coton »32. Afin que les lecteurs puissent s’y retrouver, chaque cha-pitre est accompagné d’un encart indiquant les différentes dénominations existantes pour la langue concernée et un index des noms de langue, en fin d’ouvrage, permettra de retrouver sans mal le chapitre souhaité.

Introduits par quelques indications sur l’histoire des peuples et de leur langue, les textes abordent ensuite les aspects proprement linguistiques. Il ne s’agit pas ici de donner une vision exhaustive de la grammaire de cha-que langue, ni même de tenter de la résumer. Nous avons pris le parti de laisser chaque auteur présenter les quelques phénomènes grammaticaux

maternelle kali’na, l’une s’est exclamée : « Je comprends enfin pourquoi les étrangers n’apprennent pas le kali’na ! »31. Le texte général et le chapitre présentant la langue sont fondus en un seul texte pour le hmong.32. Pierre Grenand, « Que sont devenus les Amérindiens de l’Approuague ? Réflexions autour d’une histoire peu documentée », in Serge Mam Lam Fouck (éd.) L’Histoire de la Guyane depuis les civilisations amérindiennes, Cayenne, Ibis Rouge Éditions, 2006.

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ou lexicaux qui lui paraissaient les plus intéressants à souligner, soit par le contraste avec le français, soit parce que typiques d’un groupe ou d’une famille de langues, soit parce que particulièrement originaux.

Les rapports entre sons pertinents (ou phonèmes*) et lettres de l’alpha-bet sont systématiquement expliqués, et quelques phénomènes phonologi-ques communs à plusieurs langues, mais s’y réalisant de façon différente, sont abordés. La palatalisation* des consonnes se retrouve ainsi en arawak, kali’na, ndyuka et aluku, et en créole guyanais. Les tons sont décrits en nengee et en hmong.

De courts textes en langue servent d’illustrations aux graphies et de sup-port pour les présentations de la grammaire qui suivent.

Le genre, trait linguistique qui existe en français, est présenté en arawak et en palikur. Absent dans les autres langues, il revêt dans ces deux dernières des aspects inattendus : « Le masculin est réservé aux noms renvoyant aux êtres humains de sexe mâle ; l’autre classe de noms réunit non seulement les femmes, mais tous les êtres animés, quel que soit leur sexe, et les objets inanimés », apprendra-t-on pour l’arawak. Quant au palikur, il possède un système de genre avec masculin, féminin et neutre, mais avec une répar-tition surprenante : sont masculins les noms d’hommes, d’astres, et les animaux plutôt nuisibles ; sont féminins les noms de femmes, d’animaux plutôt petits et sympathiques, les noms d’objets de forme régulière ; sont neutres les noms de choses de forme irrégulière ou sans forme propre, ainsi que ceux de notions abstraites…

D’autres traits sont d’emblée déroutants, comme l’ordre des mots quasiment systématiquement différent du français dans les langues cari-bes et tupi-guarani ; le wayana dira : okï ïlï, littéralement : boisson a fait, pour elle a fait la boisson. Le système de possession, si caractéristique des langues amérindiennes, est décrit pour l’arawak, le palikur, le kali’na et le wayampi : les noms sont divisés entre ceux qui sont obligatoirement possédés et ceux qui sont facultativement ou jamais possédables, et pré-sentent parfois une forme radicalement différente (nimoku hamac et pat mon hamac en kali’na, par exemple).

Certaines constructions présentées sont typiques des langues créoles, comme les verbes sériels : plusieurs verbes sont combinés pour décrire certaines actions (par exemple, des déplacements, comme en nengee : lon komoto, littéralement : courir-sortir, soit partir en courant).

Une caractéristique plus rare est représentée ici dans deux langues pour-tant fort différentes, le hmong et le palikur : les classificateurs* nominaux, qui ordonnent le lexique selon les propriétés physiques des objets repré-sentés par les mots (sphérique, cylindrique, plat…) et se combinent avec leur numération. La forme de « deux » sera différente selon que l’on compte « deux (boules d’) oranges », « deux (tiges de) crayons », « deux (plats de) planches »…

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Un certain nombre de phénomènes permettent à des langues qui n’ap-partiennent ni à la même famille ni au même groupe de langues de se décou-vrir des affinités typologiques. On observe, par exemple, que toutes les langues créoles, créole guyanais, nengee (aluku, ndyuka, pamaka), saamaka, partagent avec le hmong une des grandes caractéristiques typologiques des langues : ce sont des langues isolantes*, contrairement aux langues amé-rindiennes. Ces dernières offrent en effet des constructions plutôt synthé-tiques et agglutinantes, c’est-à-dire que les mots sont formés de plusieurs éléments séparés, chacun porteur d’un sens différent, la plupart venant s’ajouter au radical (voir notamment les chapitres « La langue arawak », « La langue kali’na », « La langue wayana »).

Une incursion dans le lexique est proposée avec le wayampi, au travers de l’exemple de son évolution lors de migrations et de changements de milieu ou lors du contact avec de nouveaux objets, et de celui d’une structuration originale du vocabulaire de la parenté.

En fin d’ouvrage, la rubrique « Pour en savoir plus » propose une sélection commentée de lectures pour approfondir ses connaissances sur les thèmes abordés.

Plusieurs outils sont également mis à la disposition du lecteur pour faciliter la lecture des textes linguistiques, rendus ardus par l’usage d’une terminologie souvent indispensable :

– un glossaire des termes linguistiques complexes ;– un tableau des symboles phonétiques qui fait office de guide de pro-

nonciation ;– un index des noms des peuples et des langues.

Que le lecteur, armé de ces nombreuses recommandations, prenne plaisir à cette aventure dans l’univers des langues de Guyane !