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L’histoire du lieutenant James L. SILVA, pilote du P-51D Mustang 44-
13839 abattu le 19 septembre 1944 à la Virée Neuve (Saint-Père-en-Retz).
Sur la base de l’enquête et des récits établis par René BRIDEAU et Luc BRAEUER, un dossier
réalisé par Michel GAUTIER (le 17 février 2019).
Le 19 septembre 1944, un avion de reconnaissance P-51D Mustang de l’US Air Force était abattu en
Pays de Retz, au sud de l’estuaire de la Loire. Son pilote, James SILVA, sauvé par son parachute, venait de
tomber tout près de l’épave de son avion dans la « poche sud de Saint-Nazaire », au lieu-dit La Virée Neuve.
C’était le 3ème
avion allié abattu sur le territoire de la commune de Saint-Père-en-Retz depuis le début de la
guerre (après le Lancaster de la Pichonnais et le B17 des Morandières).
Mais il fallut attendre 2018 pour faire cette découverte…
En effet, le 28 avril 2018, comme chaque année, avait lieu un dépôt de gerbes au Mémorial des
Morandières à Saint-Père-en-Retz à la mémoire des aviateurs du B17 ‘’Black Swan’’ abattu le 1er
mai 1943.
À cette occasion, plusieurs « anciens » (Joseph BICHON, Michel VALLEE, Auguste BICHON, Eugène
BICHON, …) interpelèrent René BRIDEAU : « René, il y a aussi un avion de chasse qui a été abattu à
seulement quelques kilomètres d’ici, à la Virée Neuve. Tu devrais en parler à Joseph GUILLOU il était à
vendanger au moment où cet avion a été abattu ». Quelques mois plus tard, le 7 décembre 2018, René
rendait visite à Joseph GUILLOU et recueillait son témoignage :
« Je suis né en février 1935 et en septembre 1944 j’avais donc 9 ans et demi. J’habitais avec mes
parents (Alexandre et Joséphine) et mon frère ainé Alexandre, à la ferme de La Virée Neuve sur la
commune de St Père-en-Retz. Malgré mon jeune âge, je me souviens très bien d’un évènement qui s’est
déroulé pendant la dernière guerre.
Ce devait être un jour de semaine, en septembre, car avec ma famille et plusieurs voisins de la ferme
du Port (une douzaine de personnes au total) nous étions à vendanger dans une vigne qui se trouvait près
P-51D Mustang
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de notre ferme. Soudain, 2 avions de chasse apparurent dans le ciel à basse altitude. L’un d’eux avait déjà
dû être touché par des tirs de canons antiaériens car de la fumée était autour de l’appareil.
À environ 200 mètres de notre ferme, se trouvait un poste allemand avec un projecteur et un canon
avec 4 tubes de 20 mm. Le canon tira aussitôt sur l’avion qui s’écrasa en flammes dans un champ devant
nous, à environ 250 mètres de notre vigne. Dans l’avion qui brûlait, on entendait les balles de mitrailleuses
exploser.
Le pilote avait réussi à sauter en parachute et était tombé dans le même champ près de son avion qui
brulait. Aussitôt atterri, le pilote s’était dirigé vers la haie la plus proche, sans doute pour se cacher, mais
les soldats allemands du projecteur qui l’avaient vu descendre en parachute, passèrent de chaque côté de la
haie et le firent prisonnier. Les soldats l’ont ensuite ramené à leur cantonnement en passant par la route du
Port et ce jeune pilote passa devant moi à environ une dizaine de mètres. Le pilote était bien traité par les
soldats allemands.
Les soldats avaient aussitôt gardé l’avion et on ne pouvait pas s’approcher. Arrivé au cantonnement
allemand juste derrière notre vigne, où se trouvaient le canon et le projecteur, le pilote a enlevé son
équipement militaire. De notre vigne on le voyait très bien se déshabiller. Je suppose qu’ensuite il fut
emmené vers St Nazaire dans un camp de prisonniers. Nous n’avons pas trouvé son parachute, les
Allemands ont dû le ramasser.
L’avion s’était enfoncé profondément dans la terre mais le moteur, qui était séparé de l’avion, est
resté longtemps près de la haie puis a été enlevé. J’ai exploité ce champ et j’ai trouvé différents petits
morceaux de métaux, roulements, etc… Pendant longtemps, l’endroit où est tombé l’avion était visible dans
le champ car l’herbe ne poussait pas. Puis avec le temps cette histoire a été plus ou moins oubliée.
Voilà ce que je peux dire sur cet évènement qui est resté gravé dans ma mémoire. »
Joseph Guillou
Photo Joseph Guillou
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Le lieutenant James L. SILVA, un an plus tôt, alors âgé de 19 ans
4
D’où venait cet avion ? Qui était ce pilote de chasse ?
Après différentes recherches, René BRIDEAU parvenait à la conclusion que ce devait être le P-51D
Mustang 44-13839 piloté par le 2nd
Lt James L. SILVA abattu le mardi 19 septembre 1944 à 11 h 10. Les
récits de Joseph GUILLOU et de James SILVA à l’époque correspondaient étroitement. Il en trouvait une
confirmation supplémentaire dans le Missing Air Crew Report du 22 septembre 1944 indiquant la dernière
position du lieutenant James SILVA vu par le capitaine David D. SMITH à bord de l’avion qui
l’accompagnait.
160th Tactical Reconnaissance Squadron
363rd Tactical Reconnaissance Group
A.P.O. 696, Armée des États-Unis
DÉCLARATION
Le 19 septembre 1944, le lieutenant James L. Silva et moi étions en mission de reconnaissance
dans le secteur de Saint-Nazaire. Alors que nous approchions de notre zone d’observation, près de
Paimboeuf, à 11 h 10, le lieutenant Silva m’a appelé pour me dire que son avion avait un problème, que
le liquide de refroidissement atteignait 60° Fahrenheit. Je lui ai dit de vérifier son système automatique
de contrôle du liquide de refroidissement. Environ cinq secondes plus tard, il m’a rappelé en criant
« FLAK » et nous avons décidé de fuir la zone. Alors qu’il se rapprochait de moi, j’ai aperçu une fumée
blanche que je pris pour du réfrigérant se vaporisant sous son avion. C’est alors que se déclencha une
puissante FLAK en provenance de Paimboeuf. Le lieutenant Silva a annoncé qu'il devrait battre en
retraite et je lui ai conseillé de se diriger vers le nord et d'essayer d’atteindre un territoire ami.
Cependant, son avion a commencé à plonger et il a sauté. Je l’ai vu ouvrir son parachute puis toucher le
sol et j'ai également vu l'avion s'écraser à proximité. Après quelques cercles, je suis retourné à la base.
Il a atterri au sud de Paimboeuf au point N-6758.
David D. SMITH
Capitaine, Air Corps
Pilote
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Joseph GUILLOU croit se rappeler
que le poste de FLAK de la Virée
Neuve était équipé de ce canon de
FLAK de 20 mm.
Le 18 décembre 2018, René BRIDEAU envoyait 4 lettres aux USA dont 3 aux filles de James
SILVA… Et le 28 décembre 2018, il avait la surprise de recevoir un message du pilote, toujours en vie, qui
avait sauté en parachute le 19 septembre 1944 à Saint-Père-en-Retz !
“I am the pilot you were looking for. My name is James L. Silva. I was flying the P-51D when I was
shot down on September 19, 1944. I am now 94 ½. I am now living in a retirement community called
Brooksby Village. Your letters have reached all 3 of my daughters and Janet brought me the letter when we
all met for Christmas. We are all wondering how you had their addresses…
Regards, Jim SILVA”
« Je suis le pilote que vous cherchiez. Je m'appelle James L. Silva. Je pilotais le P-51D lorsque j'ai
été abattu le 19 septembre 1944. Je suis maintenant âgé de 94 ans et demi. Je vis maintenant dans une
communauté de retraités appelée Brooksby Village. Vos lettres sont parvenues à mes trois filles et Janet m'a
apporté la lettre quand nous nous sommes tous rencontrés pour Noël. Nous nous demandons tous comment
vous aviez leurs adresses….
Cordialement, Jim SILVA »
Après le Lancaster W4257 DX (2 avril 1943), le B17 42-5780 Black Swan (1er mai 1943), le C-47A
Skytrain 42-100864 Little Ell (30 octobre 1944), un 4ème avion avait donc été abattu sur la commune de
Saint-Père-en-Retz, le P-51D Mustang 44-13839 (19 septembre 1944).
Restes du Lancaster de la Pichonnais
Epave de la carlingue du B17 des Morandières
Canon de 2cm Flakvierling
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Voici maintenant le témoignage 2nd
Lieutenant James SILVA, pilote de l’US Army Air Force
alors âgé de 20 ans (extrait du livre de Luc BRAEUER « Les incroyables échanges ») :
« Après ma formation de pilote sur P-51 Mustang aux Etats-Unis, j'ai traversé l'Atlantique en août 44,
ne restant que quelques jours en Angleterre. J'ai été envoyé en France au sein du 160lh
Tactical
Reconnaissance Squadron, appartenant au 363rd
Tactical Reconnaissance Group situé près du Mans. Le 19
septembre 44, pour ma première mission de reconnaissance, je suis envoyé en couverture d'un autre P-51 et nous
nous trouvons au-dessus de Paimboeuf lorsque mon appareil est touché par des tirs de DCA.
La fumée se répand dans le cockpit et je commence à perdre de l'altitude, je suis obligé de quitter
l'avion pour faire mon premier saut en parachute ! Je saute et tombe presque au même endroit que mon avion.
Après l'atterrissage, je cours à l'abri d'une haie quand j'aperçois deux soldats allemands... Puis un autre apparaît
juste à côté de moi, il portait une tenue de camouflage, je suis obligé de me rendre. Ils m'emmènent à une
batterie antiaérienne toute proche, un soldat m'annonce que c'était lui qui m'avait eu, il était fier en me montrant
son canon ! Un officier me conduit en voiture dans sa maison réquisitionnée où on m'offre un excellent repas.
Un simple soldat qui parle très bien l'anglais mange avec moi et essaie d'engager la conversation,
apparemment il travaillait pour une compagnie de paquebots avant-guerre. On m'offre même un cigare ! Ce
sera le meilleur repas avant longtemps...
Comme les Allemands n'obtiennent aucune information de ma part, ils m'emmènent à pied vers un bac,
au passage une femme me fait le signe « V » de la victoire derrière sa fenêtre, je lui rends et lui souris. Nous
traversons la Loire sur le bac qui est rempli de civils, plusieurs à l'arrière me font le « V » avec leurs doigts
quand les Allemands ne regardent pas. Nous passons devant les abris à sous-marins qui sont gigantesques.
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Bac de Mindin
pendant la poche
Coll. Luc Braeuer
Je suis ensuite transféré dans un camp de prisonniers où les soldats sont logés dans une maison et les
officiers dans une autre. Je suis gardé une semaine entière à l'isolement pour être interrogé. Les Allemands
me fouillent complètement, ils vérifient même tous mes boutons d'uniforme pour voir si une boussole n'était
pas cachée. Je suis interrogé plusieurs fois par un officier interprète, le Leutnant BERNSTEIN ; à une
occasion il pose son pistolet sur la table et me déclare qu'il peut m'amener dehors et me descendre. Je lui donne
juste mon nom, mon grade et mon matricule. Après un très long interrogatoire, je décide de lui donner le nom
de mes parents et leur adresse, ce qui ne représentait pas de danger particulier. Curieusement, les Allemands
mettent alors fin à mon isolement.
Le lieutenant allemand BERNSTEIN, professeur
d’Anglais et de Français dans le civil, a été chargé de
conduire l’interrogatoire du lieutenant SILVA avant qu’il
ne soit mis au contact des autres prisonniers du camp
Franco.
BERSTEIN fut aussi l’interprète dans les négociations
qui permirent d’organiser les trains d’évacuation et de
ravitaillement de la Poche de Saint-Nazaire, ainsi que
lors des négociations de reddition de la poche à
Cordemais. Coll. Luc Braeuer
Je découvre les autres officiers internés, deux Britanniques : le Captain Michael FOOT, le Warrant
Officier HILL ainsi qu'un médecin d'origine russe, Léon ROLLIN. FOOT et lui parlent tout le temps
ensemble en français et ne détaillent pas leurs plans. Quand j'ai essayé de me mêler à leur discussion là-
dessus, FOOT m'a dit que je n'étais encore qu'un gosse de 20 ans... Le camp mesurait environ 100 pieds par
200 et était entouré de barbelés ; d'un côté, la Loire, de l'autre un marais. La seule façon de s'échapper
était de passer à travers les barbelés puis par le marais. Le Private First Class COYNE est arrivé à peu près en
même temps que moi. Avec d'autres camarades, il avait participé à une grosse beuverie la nuit précédente, il
avait été capturé par les Allemands sans chemise ni plaque d'identité alors qu'il était encore saoul ! Les
Allemands se méfiaient vraiment de lui et le considéraient comme un espion parce qu'il n'avait pas ses plaques.
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Mis à part la nourriture qui est de mauvaise qualité, je n'ai pas eu à me plaindre particulièrement de notre
traitement. J'ai écrit des lettres à la maison, ma mère en recevra une grâce à la Croix Rouge alors qu'elle ne savait
pas ce que j'étais devenu après avoir été porté disparu. À plusieurs occasions, j'ai pu acheter des pommes à
des civils français qui se trouvaient de l'autre côté des barbelés. La plupart des gardes étaient âgés, j'ai discuté un
peu en anglais avec l'un d'entre eux qui avait l'âge d'être grand-père mais n'ai pas appris grand-chose, les
autres n'étaient pas aussi amicaux. Je discutais occasionnellement avec le commandant du camp, environ
une fois toutes les 2 ou 3 semaines. Il a été très énervé une nuit lors d'une tentative d'évasion. Nous écoutions
derrière la porte pour calculer quand le garde aurait fini sa ronde. Quand nous avons ouvert la porte, elle a
grincé, le garde a entendu et a crié « Alarme » ! Nous avons tous couru et sommes retournés dans nos lits où
nous avons commencé à rire... Le commandant est arrivé et m'a pointé son pistolet sous le nez...
Le 30 octobre 1944, nous sommes rejoints par deux officiers américains, les lieutenants KELLER et
NORELIUS. Ils avaient calculé que le meilleur moment pour s'évader serait le dimanche soir car les
gardiens feraient la fête et seraient saouls. Après l'évasion réussie de ces deux derniers arrivés, qui avaient
utilisé le coup des mannequins couchés à leur place dans leur lit, j'étais le seul officier américain prisonnier.
J'étais responsable des Américains, mais en fait le sergent IANNONE dirigeait directement les hommes et me
rapportait ce qui se passait. Ce vieux routier de New York City était bien plus âgé que moi. Les Allemands ont
renforcé la protection du camp, et surtout, le 23 novembre, ils ont installé un système de lampes qui éclairait
toute l'usine la nuit.
Le 24 novembre, nous avons été rassemblés et le commandant du camp qui était accompagné de
plusieurs officiers a annoncé qu'un échange de prisonniers aurait bientôt lieu, sauf pour le capitaine FOOT
qui n'était pas transportable. « L'échange sera basé sur le principe du volontariat, vous n'êtes pas obligés d'y
aller si vous ne le voulez pas » dit-il. Tout le monde a rigolé ! Qui aurait voulu rester là ? Les gars étaient
vraiment excités par la nouvelle. Ne sachant pas si c'était un mauvais coup des Allemands, j'essayais de les
calmer mais ils ont décidé de manger leurs provisions de la Croix Rouge. Léon ROLLIN nous a rejoints et
nous a raconté l'histoire de son évasion manquée. Le 26 novembre, nous avons échangé des cigarettes contre du
vin, les gardiens sont plus décontractés et aimables. Nous les officiers avons eu l'autorisation de manger avec
les hommes, quel festin ! Mais trop de nourriture d'un coup et trop de mauvais vin nous ont rendus malades.
Sur ce billet de 100 F précieusement
conservé par le lieutenant SILVA, les
prisonniers de la poche enfermés au
camp de Montoir ont écrit leur nom
Coll. Hobart Grooms – Luc Braeuer
Le 28 novembre, le jour avant l'échange, c'était difficile de trouver le sommeil, nous étions trop excités. Le
sergent IANNONE nous a réveillés le matin du 29, je me suis rasé et arrangé. J'ai compté les hommes, ils
étaient fin prêts. Nous avons décidé de laisser là nos médicaments et nos cigares, ainsi qu'une partie de nos
vêtements. Les gardes nous ont fait monter dans un bus avec le commandant du camp en direction de Saint-
Nazaire où nous avons eu les yeux bandés. Nous sommes ensuite montés dans deux petits bateaux, un pour
les Français, le second pour les Américains et les Britanniques. Après avoir traversé la Loire, deux autres
bus qui nous attendaient nous ont transportés jusque dans la campagne où nous avons formé les rangs et
marché jusqu'au point de l'échange. »
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Complément de ce témoignage envoyé par James SILVA à René BRIDEAU en février 2019
« J’étais en train de cacher mon parachute dans les feuilles au pied de la haie lorsque les Allemands
se sont approchés avec leurs fusils braqués sur moi. J’hésitais entre lever les bras ou partir en courant.
Mais il y avait un autre Allemand de l’autre côté de la haie et si j’avais décidé de fuir, il ne m’aurait
sûrement pas manqué. J'ai donc pris la bonne décision de lever les mains. Et comme s’en souvient Joseph,
j’étais très faible. Je ne sais pas ce qu’il est advenu du parachute. J’avais un pistolet de calibre 45 et un
couteau que les Allemands m’ont pris.
J’estime qu’au moment de mon saut, je volais à environ trois fois la hauteur des arbres. Je sais que
je craignais d'atterrir au milieu de l'avion en flammes, mais heureusement je me suis écarté car à cette
époque, nous n'avions pas de parachute orientable. J’avais décidé de sauter en raison de la fumée qui me
cachait le tableau de bord, mais aussi en raison des dommages subis par l’avion. Je ne pouvais plus le
manœuvrer pour retourner vers nos lignes, je perdais de l’altitude, j’avais perdu mon liquide de
refroidissement et je perdais de la puissance.
Il y avait un levier dans le cockpit pour se débarrasser de la verrière, et j’aurais dû l’actionner mais
j’étais un gamin de 20 ans et j’ai ouvert la verrière à la main, desserré ma ceinture de sécurité et mon
harnais d’épaule avant de commencer à sortir du cockpit pour monter sur les ailes. J'avais oublié de
dégager mon microphone et mon casque et j’ai dû revenir dans le cockpit pour m’en défaire. C’est alors
que mon genou a heurté la manivelle et que la verrière s’est refermée à moitié sur moi tandis que l’avion
perdait de plus en plus d’altitude. J'ai lutté, poussé et tiré jusqu'à ce que je sois aspiré enfin par un courant
d’air le long de la colline. Voilà pourquoi j’ai tant tardé à ouvrir mon parachute.
Il s’agissait d’une mission de reconnaissance et les mitrailleuses de calibre 50 étaient donc chargées
à des fins défensives. Après le débarquement, puis la sortie des alliés des haies de Normandie, le général
Patton est allé très vite à Paris et a laissé très peu de troupes sur son flanc droit. Nous avons donc surveillé
toute concentration de troupes ou tout autre signe d’activité allemande pour en informer les forces du
général Patton et qu’elles fassent le nécessaire.
Après l'échange de prisonniers du 28 novembre 1944, j'aurais pu retourner aux États-Unis mais on
m’aurait ensuite envoyé sur le théâtre du Pacifique. J'avais assez entendu parler de la façon dont les
Japonais traitaient les prisonniers de guerre, alors j'ai proposé de retourner dans mon unité. Il me fallait
obtenir la permission du quartier général supérieur, et j’ai dû attendre. Pendant ce temps, j'ai testé en vol
des avions qui avaient été détruits et réparés. J’ai également réussi à glisser par-dessus les lignes à
quelques reprises avec mes copains, mais pas trop loin parce que je n’étais pas censé le faire et si je m’étais
fait prendre, j’aurais peut-être été puni.
Après la guerre, je suis rentré chez moi à la fin de mes études d'ingénieur, puis j'ai été rappelé et
envoyé en Corée où j'ai effectué 33 missions à bord d'un bombardier d'attaque nocturne bimoteur…
Mitraillage, roquettes et bombardements nocturnes dans les vallées de la Corée du Nord. Je me suis écrasé
au large d'une falaise de 150 pieds à cause d'un dysfonctionnement du système électrique de l'avion. Mais
me voilà ! »
James SILVA fut libéré lors de l’échange de prisonniers
de la Rogère (La Bernerie) le 29 novembre 1944.
Il faisait partie d’un groupe de 54 prisonniers alliés (dont 19 Américains, 32 Français et 3
britanniques) échangés contre 54 prisonniers allemands…
Cet échange s’inscrit dans une négociation plus vaste initiée par la Croix Rouge américaine avec les
états-majors allemands des poches de Lorient et de Saint-Nazaire. Elle fut menée par le capitaine Andrew
HODGES et comporta au total 4 échanges de prisonniers. En 2010, Luc BRAEUER, conservateur du
Musée du Grand Blockhaus à Batz-sur-Mer, en faisait le récit détaillé dans une brochure intitulée « Les
incroyables échanges – Un exemple d’humanité en temps de guerre ». On pouvait lire dans l’introduction :
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Pour rédiger ce récit, Luc BRAEUER avait interrogé de nombreux témoins américains et français de
ces évènements, et parmi eux l’artisan principal de la négociation, le capitaine de la Croix Rouge américaine
Andrew HODGES. Or en 2011, trois petites filles du capitaine Hodges effectuaient un voyage en France sur
les traces de la guerre de leur grand-père. Parmi elles, Jane Latham HODGES, souhaitait même se déplacer
sur les lieux de l’échange avec l’objectif d’écrire un mémoire sur la guerre de son grand-père… Luc
BRAEUER et Michel GAUTIER organisaient alors cette visite en compagnie de Thierry DUPOUË, maire
de La Bernerie et d’autres élus… C’est lors de cette rencontre que fut envisagée la possibilité de raconter un
jour cette histoire dans un panneau du Chemin de la mémoire 39-45 en Pays de Retz. Et en 2014,
l’Association Souvenir Boivre Lancaster proposait à la commune de La Bernerie de réaliser ce panneau
pour le 70ème
anniversaire de l’échange du 29 novembre 1944.
La cérémonie d’inauguration de ce panneau organisée conjointement par la mairie de La Bernerie et
l’Association Souvenir Boivre Lancaster – ASBL se déroula donc le 29 novembre 2014 en présence de la
famille du capitaine HODGES et d’environ 300 personnes.
On peut lire ci-dessous le récit historique de l’échange tel qu’il figure sur le panneau :
L’échange de prisonniers de la Rogère le 29 novembre 1944 (La Bernerie-
en-Retz)
Pendant l’hiver 1944, le capitaine de la Croix Rouge américaine Andrew Hodges
a traversé 15 fois les lignes allemandes des Poches de Lorient et Saint-Nazaire. Son
action courageuse a permis à 149 Américains, Britanniques et Français, prisonniers dans
ces deux Poches de l’Atlantique, de retrouver la liberté. Ces échanges de combattants
valides négociés localement entre les autorités allemandes et américaines sont un
événement unique de la Seconde Guerre mondiale.
Le 29 novembre 1944, les Alliés récupéraient ici 54 prisonniers qui allaient
quitter la Poche de Saint-Nazaire dont nous sommes sur la limite Sud, tenue à l’époque
11
par des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur). En échange, les policiers militaires
américains faisaient entrer à l’intérieur de la Poche 54 prisonniers allemands, capturés
lors de la libération de la Bretagne et volontaires pour retourner dans leurs lignes.
Le groupe des prisonniers alliés comportait 19 Américains, 3 Britanniques et 32
Français. Selon les règles de l’armée américaine, les 13 soldats qui avaient passé plus de
60 jours en captivité ont pu être directement rapatriés aux Etats-Unis ; les autres sont
allés se battre dans les Ardennes ou ont repris le combat à bord d’un avion. Les soldats
français, anciens FFI et FTP (Francs Tireurs et Partisans, un groupe de résistance
armée), ont été envoyés au repos pendant un mois et gardés à l’écart du front.
Parmi les trois Britanniques se trouvait, gravement blessé après une tentative
d’évasion, le Capitaine des forces spéciales Michael Foot. Le capitaine Hodges était allé
le voir à l’hôtel Hermitage de La Baule où il était soigné. Lors des discussions avec
l’état-major allemand pour définir les modalités de l’échange des prisonniers, les
Allemands acceptèrent d’échanger Michael Foot, qui s’était évadé à trois reprises,
seulement contre un capitaine allemand décoré de la Croix de Chevalier. L’officier de
marine Karl Müller, surnommé « le tigre de la Manche » sera récupéré dans un camp de
prisonniers en Angleterre et ramené en avion jusqu’ici pour que l’échange se fasse !
Après la guerre, Michael Foot deviendra professeur d’histoire moderne à Oxford puis
Manchester. Surnommé « M. Résistance » en Angleterre, il a publié une vingtaine de
livres sur le sujet avant son décès en 2012.
Luc Braeuer, conservateur du Grand Blockhaus de Batz-sur-Mer, a pris contact
avec M. Andrew Hodges en 2000. Il a aidé une équipe de télévision américaine venue
en Pays-de-Retz en 2003 faire un documentaire sur cet évènement, puis a raconté cette
histoire dans le livre « Les incroyables échanges ».
Pour plus d’information sur cet échange et cette cérémonie, suivre ce lien
http://chemin-memoire39-45paysderetz.e-monsite.com/pages/faits-de-guerre/29-12-1944-la-bernerie-la-
rogere-echange-de-prisonniers/
12
Photo du panneau inauguré à la Rogère (La Bernerie) le 29 novembre 2014
Parmi les 19 soldats américains que l’on voit dans la photo de titre, on reconnaît le lieutenant James
L. SILVA. Seul officier, c’est lui qui commande le groupe vers le carrefour de la Rogère.
13
Liste des prisonniers américains - Coll. Luc Braeuer
14
Capitaine Andrew HODGES
15
Coll. Luc Braeuer
Réunion de vétérans à l’université
de Samford le 25 janvier 2002.
Aux côtés du capitaine Hodges, on
reconnaît deux soldats américains
échangés le 29 novembre 1944 :
En haut, de g. à d. : James L. SILVA
et Harold THOMSON
Patch de la 9th. US
Army Air Force
Les caractéristiques du P51 Mustang (Wikipédia)
On peut lire en complément de ce dossier,
l’ouvrage de Luc BRAEUER