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LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
Manuela Filippa
Jury
Emmanuel Devouche Didier Grandjean
Carolyn Granier-Deferre Maya Gratier
Michel Imberty
Gianni Nuti
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
2
Abstract This thesis investigated the effects, the responsiveness, the characteristics of maternal voice speaking and singing to preterm infants in NICU. In Study 1 we investigated the effects of live maternal speaking and singing on physiological parameters of preterm infants in the NICU and to test the hypothesis that vocal stimulation can have differential effects on preterm infants at a behavioural level. Methods: Eighteen mothers spoke and sang to their medically stable preterm infants in their incubators over 6 days, between 1 and 2 pm. Heart rate (HR), oxygen saturation (OxSat), number of critical events (hypoxemia, bradycardia and apnoea) and change in behavioural state were measured. Results: Comparisons of periods with and without maternal vocal stimulation revealed significantly greater oxygen saturation level and heart rate and significantly fewer negative critical events (p < 0.0001) when the mother was speaking and singing. Unexpected findings were the comparable effects of maternal talk and singing on infant physiological parameters and the differential ones on infant behavioural state. Conclusion: A renewed connection to the mother’s voice can be an important and significant experience for preterm infants. Exposure to maternal speech and singing shows significant early beneficial effects on physiological state, such as oxygen saturation levels, number of critical events and prevalence of calm alert state. These findings have implications for NICU interventions, encouraging maternal interaction with their medically stable preterm infants. In Study 2 we aimed (1) to examine qualitative change in maternal infant-directed singing and speaking, prior to a positive behaviour display by the preterm infants (i.e. eye opening and lip-corner raising), (2) to analyse the effects of the two behaviours on concomitant acoustic characteristics of maternal infant-directed vocal communication (IDVC), (3) to determine whether changes in maternal voice quality persist after the infant’s positive behavioural display. Methods: Participants included 10 mothers who were asked, on different occasions, to speak and sing to their medically stable infants in incubators, 128 vocalization extracts were examined. Results: The maternal voice shows specific characteristics in terms of fundamental frequency minimum (F0min) during the 5 seconds before the positive reactions of newborns. Mothers raised their pitch in presence of infant’s positive behaviour, especially during the speaking stimulation, reinforcing the higher pitched ID speech. Moreover, the variance of the F0 (F0sd), increases in particular in the maternal speaking, when the infant opens the eyes. Conclusions: These findings suggest that the preterm hospitalized infants’ positive displays, in the context of interactions, can evoke in mothers early forms of attachment, measured by the increase of the characteristics of Infant Directed Speech. In particular the F0min has a crucial role for detecting maternal emotional responsiveness in contingent vocal interactions. In the third part we aimed to analyse, with qualitative methods, the interaction between mothers and preterm infants. We will analyse three different situations in which mothers and preterm infants interact. The three sequences will present (a) a case of intermodal imitation, where the mother accompanies through voice and facial imitation postural change of the newborn; (b) an interactive sequence in which we can identify a moment of eye contact between the two partners, which is interrupted and regulated by the premature baby. The third microanalysis (c) aims to show the acoustical features of a vocal interaction bertween adults (mother and father) and their preterm infants. Keywords: clinical parameters, early intervention, infant direct speech and songs, mother-infant interaction, prematurity, vocal expression.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
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PREMESSA PREFACE
Ce travail de recherche a été réalisé pour deux raisons principales.
Je vais brièvement citer la première, de nature personnelle: le jour 07-07-07 je suis devenue une maman
d’enfant prématurée et Sofia est née à 30 semaines de âge gestationnel (AG). L'hospitalisation a duré
environ un mois et le désir de trouver une place, en tant que mère, en ces jours prématurés est toujours
intense.
Je me concentrerai plutôt sur la seconde raison: la présence presque constante des pères et des mères
dans les unité de soins intensifs néonatale (USIN) est un fait relativement nouveau, et les études qui se
concentrent sur les effets bénéfiques d'un soutien parental actif au sein des premières relations
significatives au cours de la période d'hospitalisation sont assez rares. Cela est dû principalement aux
difficultés de structurer des recherches impliquant une présence active des parents dans les Unités des
Soins Intensifs Néonataux (USIN), bien que les études sur la technique du peau à peau kangourou de santé
aient à présent atteint de très bons niveaux. Au cours des dernières décennies, la voix de la mère
enregistrée et proposée au bébé dans la couveuse a été utilisée dans un bon nombre d’études.
Étonnamment, la voix directe et contingente des mères et des pères qui interagissent avec leur enfant
prématuré, a été l'objet de très peu d'intérêt. Les raisons en sont multiples: tout d'abord les mères et les
pères des enfants prématurés se trouvent dans une situation difficile et douloureuse. Cependant, malgré
la diversité des réponses individuelles à une naissance inattendue, la nécessité des parents d'être
accompagnés afin de prendre contact avec le nouveau né dans la couveuse mérite une attention sérieuse.
Enfin, si la prématurité suscite un intérêt considérable dans le domaine médical, en tant que réussite
technique d’une survie fœtale «extrême» ex utero et si les effets physiques et psychologiques, à long
terme, d'une naissance prématurée sont de plus en plus étudiés, au contraire les interventions précoces
entre les parents et les nouveaux nés prématurés dans les premières semaines d'hospitalisation reçoit
relativement peu d'attention. Les motivations qui ont conduit à réaliser ce travail de recherche sont liées
à la nécessité d'argumenter sur le plan scientifique les effets bénéfiques de la présence active de la
mère, voix qui chante et qui parle à son bébé pendant les premières semaines de vie à l'hôpital, dans
l'espoir que cela puisse inspirer des pensées et des réflexions, mais surtout toutes des actions et des
projets.
Aoste, le 28 juillet 2013
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
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Ce travail de recherche est le résultat de rencontres, de paroles et de projets.
Ceux qui d'une certaine manière ont contribué à donner un sens aux écrits qui suivent ne seront pas tous
présents dans les remerciements, car de certaines conversations il ne reste aucune trace dans ma
mémoire, mais on peut lire les effets de leur présence. Les premiers remerciements vont d'abord à ceux
qui m'ont permis d'entrer dans la Usin de Aoste, je me réfère au professeur Gianni Nuti, Directeur de
L’Assessorat de la Santé, du Bien-être et des Politiques Sociales de la Vallée d’Aoste, Cesare Arioni, du
service de pédiatrie de l’Hôpital U. Parini d'Aoste, en Italie. Grâce à leur confiance et au soutien actif du
personnel sanitaire de l’Usin de Aoste ce travail de recherche a pu commencer et grâce à la présence des
mères et des bébés prématurés, que je ne cesserai jamais de remercier, le projet s’est concrétisé. Ce
travail n'aurait jamais pu voir le jour, sans Michel Imberty, qui a immédiatement cru dans le projet, et
sans Maya Gratier, qui avec affection et enthousiasme l'a suivi à chaque étape de sa réalisation. Par ordre
alphabétique je veux remercier tous ceux qui ont consacré temps et expertise pour donner forme aux
différentes parties qui composent ce travail: Emmanuel Devouche, Marco Dondi, Gianluca Filippa, Didier
Grandjean, Carolyn Granier-Deferre, Stefano Peloso. Certains d’eux sont mentionnées dans les chapitres
suivants, en tant que co-auteurs des articles publiés.
Mes remerciements vont également au CISA, Centre Suisse de Sciences Affectives de Genève, puisqu’ils
ont toujours trouvé une petite place pour moi: j’adresse un remerciement particulier à Erik et Kim, pour
leur travail sur le test sur l’expression vocale maternelle. Le projet de recherche n'aurait jamais pu
prendre corps sans la disponibilité de l'École de formation de musique (SFOM) à Aoste. La présente
recherche a été entièrement financée par le Fonds Social Européen, qui avec clairvoyance, a aussi mis à
disposition des fonds pour rembourser les coûts engagés pour les congrès et conférences, sources
inépuisables de contacts et occasions importantes de discussion.
Dans ces événements internationaux le soutien de deux personnes, en particulier, a joué un rôle crucial:
Sandra Trehub et Ian Cross, qui, grâce aux entretiens informels de Vienne, Edimbourg et de Cambridge
ont contribué à conférer une majeure clarté aux hypothèses et aux méthodes de recherche.
Grâce, finalement, à Arvo Pärt, qui dans ses variations infiniment petites, dans un soir d'été m'a amenée
à mieux comprendre le sens profond de mes recherches.
RINGRAZIAMENTI REMERCIEMENTS
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
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Liste des papiers
La thèse se base sur les deux suivants papiers, publiés ou en voie de publication. Le troisième papier, en
voie de définition, sera rédigé sur la base de la troisième partie de la thèse.
I Filippa, M., Devouche, E., Arioni, C., Imberty, M. and Gratier, M. (2013), Live
maternal speech and singing have beneficial effects on hospitalized preterm infants.
Acta Paediatrica, 102: 1017–1020. doi: 10.1111/apa.12356
II Filippa, M., Gratier, M., Imberty, M. and Grandjean, D. (in press), Early mother-infant
interactions: Live maternal speech and singing affects and is affected by hospitalized
preterm infant behaviour.
Liste des prix et des financements
Lauréat Or, Premier Prix Temps Maman 2012, AbbottVie, Paris, 12 Octobre 2012. ISDP Travel Award 2013, San Diego, California. European Social Founds Grant 2010-2012
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Liste des interventions à colloques et congrès
Filippa, M (2013) Infant direct vocal communication: a model for early intervention in NICU. ISDP World Congress, November 2013, San Diego, California. Filippa, M. (2013) Sintonizzarsi attraverso la voce: alle origini della musicalità, Convegno Nazionale Musica e Cura, Ospedale San Giovanni, Roma. Filippa, M., Gratier, M., (2012), Live maternal speech and song have beneficial effects on hospitalized preterm infants. SEMPRE Conference, University of London. FIlippa, M., Gratier., (2012), La musicalité de la relation entre mère et bébé prématuré, Congrès national de Néonatologie, Paris, 12 octobre, Prix Temps Maman 2012. Filippa, M., Gratier.,M (2011) L’interazione vocale fra madre e bambino prematuro: risultati preliminari. Oral presentation, XXIV AIP NATIONAL CONGRESS, section Developmental Psychology (Genova, 19-21 september). Filippa, M., (2011) “Mothers’ live singing and speaking interaction with preterm infants”, Oral presentation in SMPC Congress (University of Rochester, NY), 11-14 August 2011. Filippa, M., (2011) “Mothers’ live singing and speaking interaction with preterm infants”, Oral presentation in Developing the Musician (University of Reading), Friday 4 March 2011. Filippa, M., (2011) “Investigating mother-infant live interaction in the first weeks of life in the NICU”, Poster presentation in Neuroscience and Music IV. Edinburgh, 9-12 Giugno 2011. Filippa M., (2010) “Maternal live singing and preterm infants”, Poster presentation in Mozart and Science. Krems. 4-6 Novembre 2010.
La participation aux congrès a été presque entièrement financée par une bourse du Fond Social Européen (FSE, 2009/2013). La participation au congrès SMPC de Rochester, NY, a été financée par l’ED 139 et le dernier congrès ISDP de San Diego par le NIH/Sackler Travel Award.
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INDICE
TABLE DES MATIERES
Introduction ………………………………………………… 10
PREMIÈRE PARTIE
Régulation réciproque 1: La parole et le chant maternels directes ont des effets bénéfiques sur les nouveau-nés prématurés en USIN . . . . . . . . 16
1.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
1.2 Article 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
1.3 La variable du sexe influence les effets bénéfiques du chant et de la parole
maternelles sur les nouveau-nés prématurés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
1.4 La fréquence cardiaque (FC), observations longitudinales, graphiques. . . . . 55
1.5 Le point de vue des mères : les questionnaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
1.6 Discussion générale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
DEUXIÈME PARTIE
Régulation réciproque 2: le comportement du nouveau né prématuré
modifie la voix maternelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
2.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
2.2 Article 2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
2.3 Evaluation de l’expression des émotions dans la voix maternelle. . . . . . . . 101
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TROISIÈME PARTIE
Régulation réciproque 3: microanalyse qualitative de la proto-interaction
entre mère et bébé prématuré. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
3.1 Introduction : A l'aube de l'expérience intersubjective . . . . . . . . . . 120
3.2 Microanalyse 1 : Une forme de imitation intermodale . . . . . . . . . . . 125
3.3 Microanalyse 2: une forme précoce d’interaction . . . . . . . . . . . . . . 131
3.4 Microanalyse 3 : Un “duetto in pianissimo” . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
Conclusion . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Annexes . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
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Glossaire des abréviations :
AG Age gestationnel
dB Décibel
EO Eye Opening (ouverture des yeux)
En Energy
F0 Fréquence fondamentale
FC Fréquence cardiaque
IDVC Infant Direct Vocal Communication (Communication directe avec le bébé)
OxSat Saturation en oxygène
SLR Simultaneous Lip-Corner Raising (Soulèvement simultané des angles de la bouche)
Usin Unité de soins intensifs pour les nouveau-nés
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INTRODUZIONE
INTRODUCTION
Mots-clés: prématurité, intervention précoce, USIN
Ni fœtus, ni nouveau-né à terme: la
prématurité semble être un non-lieu, où
obstétrique et néonatalogie se rencontrent,
parfois. Arnold Gesell, dans un texte historique
de 1945, définit le nourrisson de moins de 28
semaines d’âge gestationnel (AG) comme
«fœtal infant », en soulignant la double nature
qui rapproche le bébé prématuré à la fois d’un
«fœtus ex utero» et d’un nouveau-né (1). La
survie du bébé prématuré a atteint des niveaux
qui semblaient impossibles il ya seulement
quelques années; il suffit de dire que presque
100% des prématurés nés à la 34e semaine de
AG survivent (2), mais il n'y a presque pas de
survie, si la naissance se produit autour de la
21e semaine de AG; au bout des 24 semaines de
AG les chances de survie augmentent
considérablement, atteignant entre 40 et 60%
(3). Le pourcentage de naissances prématurées
ne cesse d'augmenter et se situe autour de 12%
aux États-Unis et de 10% en Europe. Les progrès
de la technologie médicale au service de la
survie des grands prématurés (avec un poids de
naissance très faible, <28 semaines de AG) se
heurtent, cependant, aux énormes difficultés à
court et à long terme que la prématurité
extrême apporte: un risque plus élevé que les
enfants nés à terme de difficulté
d'apprentissage, risques supérieurs de retard
mental, déficits sensoriels et moteurs,
infections respiratoires chroniques ou maladies
cardiovasculaires (4). À cause de la nécessité
d’interventions urgentes et constantes liées à la
prématurité, la pratique clinique dans les USIN
se concentre tout d'abord sur la survie des
nouveau-nés et sur le diagnostic précoce des
formes pathologiques considérées comme
critiques dans cette population spécifique. Une
fois terminées les pratiques d’urgence, c'est à
dire, une fois que le bébé prématuré est
relativement stable et ses conditions évoluent
vers une amélioration plus ou moins constante,
le regard clinique laisse la place à d’autres
nécessités décisives pour le développement
neurophysiologique de l'enfant prématuré. La
pratique clinique se concentre alors sur les
effets, par exemple, d'une séparation longue et
complexe de la mère ou sur les complications
dues à l'expérience sensorielle en USIN, qui
comprend l'exposition à une forte luminosité, à
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
11
des hauts niveaux de stimulations sonores qui
peuvent avoir des effets nocifs sur le cerveau du
nouveau-né en produisant des altérations
significatives pour son développement futur (5).
Dans cette phase, où le bébé présente une
condition de stabilité, on peut créer les
conditions pour favoriser les interventions
précoces à soutien de la dyade, afin d’améliorer
la qualité de vie de la mère et de l'enfant
pendant l'hospitalisation et pour réduire les
risques à long terme associés à la prématurité.
Dans cet esprit nous avons développé ce travail
de recherche. Une recherche tripartite, qui se
base sur un dénominateur commun, trait
d’union entre les trois parties: le concept de
«régulation réciproque» de D. Stern. Un des fils
rouges qui ont guidé le travail de Stern depuis
toujours est l'idée que dans leurs rapports, mère
et bébé se règlent spontanément l’un avec
l’autre; Stern souligne dans son dernier essai
(6), qu’ils se règlent comme dans une danse, en
développant une chorégraphie naturelle et
spontanée.
La première partie de ce travail vise donc à
étudier les effets de la présence vocale
maternelle, chant et la parole, sur l'état
clinique de l'enfant prématuré, évalué en
termes de paramètres physiologiques
(fréquence cardiaque, oxygénation du sang et
événements critiques) et sur son état
comportemental. Dans cette partie on observe
donc la mère comme sujet actif et stimulant,
par rapport à un bébé prématuré qui, à travers
des indices comportementaux et physiologiques,
montre bénéficier de la stimulation directe de
la voix de la mère.
La deuxième partie inverse le point de vue,
visant à évaluer les effets du comportement de
l'enfant sur la mère qui chante et parle: on
évalue la capacité de l'enfant à être un
partenaire actif dans ces première proto-
interactions en vis à vis. On analyse en termes
acoustiques les effets du comportement du
nouveau-né sur la voix maternelle directe et
contingente. Dans la dernière partie, enfin, on
analyse dans le détail micro analytique quelques
épisodes de régulation réciproque dans la dyade
mère-enfant: une hypothèse hasardeuse. Il
s’agit de trouver, dans une relation dyadique
profondément compromise, les traces de
syntonisations affectives, des imitations
amodales, des épisodes d’ajustement mutuel,
de désengagements suite aux stimulations
excessives. Je définis extrêmes ces conditions
d'interaction dyadiques, d'abord pour l'âge
gestationnel du bébé prématuré: on a observé
des bébés prématurés qui avaient à la naissance
un âge gestationnel d’en moyenne de 31,7 ± 2
semaines et qui, à l’époque de notre étude,
avaient un AG de 34,5 ± 2,9. Les études
scientifiques qui analysent en détail les
modalités de développement des formes
précoces d’interaction entre mère et bébé
prématuré dans les premières semaines de la
vie à l'hôpital sont à présent très rares. On
devrait combler cette lacune, en premier lieu,
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ
PRÉMATURÉ
12
pour chercher une linéarité dans le
développement ontogénétique de la relation
dyadique: est-ce qu’on peut parler de formes
d'interaction dyadiques entre la mère et le
nouveau-né prématuré hospitalisé? Ces formes
d’interactions se développent-elles de manière
similaire aux premières interactions observées
chez les nourrissons nés à terme ou bien
présentent-elles dès le début des
caractéristiques spécifiques? Peut-on parler de
Preterm ID Speech and Singing?
Dans la troisième partie de ce travail, on a
essayé de répondre à ces questions, ou plutôt
de fournir des descriptions micro analytiques de
certaines des thématiques que ces questions
soulèvent. La deuxième raison qui rend
importante une microanalyse des proto-
itérations précoces est la nécessité de concevoir
et de planifier de manière systématique les
interventions pour soutenir et accompagner les
dyades prématurées lors de l’hospitalisation. À
présent, malheureusement, l'importance de la
présence active des parents dans les USIN est
encore loin d'être reconnue comme un facteur
essentiel dans la routine des soins. La majorité
des interventions préventives visant à soutenir
les dyades prématurées commence après la
sortie de l'hôpital au cours des follow up requis
par les réglementations nationales des
différents pays. Cependant, on peut observer un
nombre croissant d'études qui témoignent des
effets positifs de l'intervention précoce au cours
de l'hospitalisation (7), par des méthodes très
simples de participation active des parents
(8,9). Il est très fréquent que les parents
participent aux soins en USIN à travers la
pratique du «peau à peau», mieux connue sous
le nom de kangourou. Cette pratique, établie
principalement comme réponse pragmatique au
problème du surpeuplement des salles
néonatales dans différentes parties de
l'Amérique latine, a été soutenue au cours du
temps par des argumentations de nature
scientifique qui mettent l'accent sur les
avantages pour la santé de la mère et de
l'enfant hospitalisé (10-12). Il faut citer ici deux
expériences récentes en USIN qui seront
décrites plus en détail et qui partagent avec la
présente recherche certaines hypothèses de
base telles que l’importance du soutien des
interactions précoces des dyades hospitalisées
et de l'utilisation du chant ou de la musique
comme moyen de relation contingente avec le
bébé prématurés (13,14). Au-delà de quelques
expériences enrichissantes, la majorité des
projets de musique en USIN a été réduit au fil
du temps à l’utilisation des sons enregistrés, ce
qui a inclue la reproduction du rythme
cardiaque ou de la voix maternelle ou d'autres
stimuli sonores (15). Nous pensons au contraire
que le problème de la privation auditive de
l'enfant prématuré est principalement liée à
l'absence de la voix maternelle contingente: une
voix importante, reconnaissable, unique et
surtout vivante, directe, contingente et qui
transmet d’affects de vitalité. La présence
active de la mère qui chante et qui parle à son
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
13
bébé en USIN a été pour moi un défi et, peut-
être, le plus grand accomplissement de cette
étude est la démonstration que en plus d'être
une intervention utopique elle est aussi
réalisable.
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1.1 Introduction
Au cours de la période, parfois longue,
d’hospitalisation les nouveau-nés prématurés
présentent une condition clinique d'instabilité et
l'un des principaux objectifs des soins en USIN,
dans cette période, est de les aider à atteindre
un état de stabilité et d'intégration dans leurs
fonctions physiologiques (1).
Pour la réalisation de cette étude nous avons
élaboré avec le directeur du service de Pédiatrie
et de néonatologie de l’hôpital Parini d'Aoste,
Cesare Arioni, une définition de « stabilité » du
nouveau-né, en établissant ainsi les critères
d'inclusion des bébés participants à l'étude:
absence de ventilation, et absence de
complications néonatales importantes
(septicémie, maladies cardiaques congénitales,
malformations majeures, etc.). Nous considérons
les facteurs suivants comme critères d’exclusion
de l'étude : moins de 28 semaines, poids de
naissance inférieur à 1000 grammes, état
clinique instable des nouveau-nés et nourrissons
outborn.
1.1.1 La vie sonore intra-utérine
L'équilibre psycho-physiologique des nouveau-nés
prématurés hospitalisés n'est plus supporté par
l’environnement utérin (cycles nutritionnels et
hormonaux maternels, alternance sommeil /
éveil), mais par les règles de la routine de
l’USIN.
La discontinuité temporelle qui caractérise la vie
extra-utérine est potentiellement l'une des
expériences les plus traumatisantes pour l'enfant
prématuré, qui pourrait ne pas être prêt à
s'adapter aux rythmes de la vie en USIN (2). Le
fœtus in utero vit dans une expérience
rythmique depuis le début de son expérience
sensorielle et le rythme cardiaque de la mère
peut représenter le début de son expérience
temporelle (3). Dans le vécu des nouveau-nés
prématurés on retrouve la mémoire d'une
expérience temporelle vécue au cours des neuf
mois de grossesse, une mémoire qui s'incarne,
sur un continuum entre la vie prénatale et
postnatale, dans des patterns de comportement
qui ont à la fois des traits d’unicité et qui
évoluent sur la base des expériences
interactionnelles en USIN (4). De ces souvenirs
auditifs plusieurs études, au cours des dernières
décennies, ont témoigné: le développement
auditif du fœtus humain se développe avec une
extrême précocité et atteint sa pleine maturité
vers la fin du septième mois de vie intra-utérine.
Toutes les principales structures qui composent
le système auditif, y compris la cochlée, sont
formées entre la 23ème et la 25ème semaine de
l'âge gestationnel (AG) (5-7). À partir de la
28ème semaine de gestation, le fœtus réagit aux
sons supérieurs à 100 Hz, aux sons de basse
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ
PRÉMATURÉ
18
fréquence avant et puis, au fur et à mesure que
le système auditif mature, il réagit à des
fréquences de plus en plus élevées. Dans cette
phase du développement, le fœtus peut
percevoir la parole humaine, dans ses
composantes de rythme, d’intensité et de profils
d’intonation; dès cette phase le fœtus perçoit
les stimulations exogènes nécessaires pour son
développement néocortical, et qui lui
permettront de percevoir les fréquences
correspondantes à la voix maternelle (8). Par
rapport aux autres voix, la voix maternelle est
moins atténuée, ce qui s'explique par ses
modalités spécifiques de transmission in utero.
D'une part, la voix de la mère a une dimension
aérienne et se transmet comme tout autre son
très proche, étant soumise donc aux mêmes
transformations acoustiques. D’autre part la voix
de la mère a une dimension aérienne et se
transmet comme tout autre son très proche,
étant soumise donc aux mêmes transformations
acoustiques. En plus la voix maternelle se
transmet au fœtus par une voie interne, qui
passe à travers les tissus, mais surtout par
conduction osseuse. Les hypothèses
psychanalytiques sur le rôle de l'expérience
auditive in utero pour le fœtus semblent
particulièrement intéressantes: il suffit de citer
Susan Maiello, qui parle de la constitution in
utero d’un objet sonore, représentant l’unité
des expériences sonores que le nouveau-né
garde après la naissance (9) ; ou encore, Didier
Anzieu qui définit le vécu sonore intra-utérin du
fœtus comme l’enveloppe sonore du soi, où
l'expérience sonore devient espace psychique
(10). Une expérience prénatale, donc, qui se fait
individuelle, mais qui porte en même temps les
traits d’une culture d’appartenance. Une étude
qui comparant des nouveau-nés américains et
chinois a montré que le comportement spontané
des enfants chinois était significativement plus
lent par rapport à celui de ses pairs américains
et que ces différences présentent la même
forme rythmique que les langues américaines ou
chinoises. Il ya donc un lien fondamental entre
la langue et la rythmicité intérieure qui se
traduit dans le mouvement et ce lien influence
d'une manière claire l'expérience rythmique du
fœtus in utero avant et du nouveau-né après
(11).
1.1.2 Récupérer une rythmicité partagée
Le fœtus perçoit la voix de sa mère dès le début
du cinquième mois de gestation. Ce flux de sons
mélodiques et rythmiques bénéficie d’une
double transmission à la fois aérienne et interne,
cette dernière étant tissulaire et osseuse. La
voix maternelle se dégage de la continuité du
milieu intra-utérin qui se compose de sons
internes aux rythmes plus ou moins clairs
(rythme cardiaque, la rythmicité du fluxe du
sang, les viscères et les bruits gastro-intestinaux,
les résonances du corps de la mère causées par
le mouvement de son corps, comme la marche)
et des sons de l'environnement externe. Bien
plus que les autres sons qui composent
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
19
l'environnement sonore intra-utérin, la voix de la
mère transmet des informations significatives,
qui sont expressives et chargées d’émotion: il
est donc probable qu'il s'agit d'un instrument
important de syntonisation des affects et de la
transmission des émotions.
Sans entrer dans le détail du développement
progressif des capacités auditives fœtales, on se
propose de comprendre les modalités et les
caractéristiques de la perception de la voix
maternelle du fœtus et du nouveau-né
prématuré. On sait que dans les dernières
semaines de gestation, le fœtus est capable de
discriminer l'intensité (en termes de pression)
ainsi que les fréquences des sons et il possède
les compétences nécessaires à la perception des
contours mélodiques et des structures
prosodiques du langage. Il est également capable
d’élaborer in utero les caractéristiques
spectrales et temporelles de la langue parlée
(12). Les capacités auditives présentées ici
peuvent expliquer le fait que les bébés sont
capables de reconnaître la voix de leur mère,
indépendamment de ce qu’elle dit (13), c’est-à-
dire indépendamment de la structuration
spécifique de sa parole à ce moment là; le
nouveau-né est également à même de
reconnaître un passage particulier souvent récité
pour le fœtus avant sa naissance,
indépendamment de la voix qui le lit (14), c'est-
à-dire sans tenir compte des propriétés
spectrales de la voix particulière qui récite ce
passage lors de l'exposition au stimulus. Le
fœtus, donc, non seulement écoute la voix de la
mère, mais il le fait activement, grâce à ses
capacités de distinction et de discrimination.
De études récentes ont également montré que le
fœtus est capable de distinguer la voix de sa
mère de celle d'une autre femme (15). On a
également supposé que la période d'apparition
de la reconnaissance de la voix maternelle par le
fœtus se situe entre 32 et 37 semaines de AG
(16): une critique qu’on peut présenter à ces
résultats est qu’il s’agit d’une période trop
ample et que les conclusions assez possibilistes.
Cela invite, en tout cas, à approfondir à travers
de nouvelles recherches qui renforcent le thème.
Si, selon Susan Maiello (17), la voix de la mère
est reconnue par le fœtus in utero, et si le fœtus
est stimulé par sa présence, il est possible que
certaines formes de proto-relation entre la mère
et le fœtus existent déjà dans ces stades de
développement.
La voix de la mère en dit beaucoup sur elle-
même et reflète son état d’esprit et ses
intentions émotionnelles: en analysant la voix de
certaines mères borderline on trouve des
caractéristiques acoustiques, mélodiques et
rythmiques qui indiquent la présence de
symptômes dépressifs, telles qu’une intensité
plus faible, un ton moins élevé, des pauses entre
les vocalisations plus longues, mais surtout une
absence de pics de hauteur et d’élans
d'intonation, ce qui témoigne d'un manque de
vitalité (18-19).
Les symptômes dépressifs sont également mis en
évidence par des modifications dans la
temporalité partagée dans la dyade mère-
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ
PRÉMATURÉ
20
enfant. Trevarthen (20) montre comment, au
cours d'une proto-conversation, le temps partagé
entre une mère à l'état dépressif et son enfant
de deux mois est beaucoup plus lent que lors
d’une interaction dyadique normal.
Tout ce qui vient d’être dit jusqu'ici montre à
quel point la communication émotionnelle entre
la mère et l'enfant passe par la voix et combien
l'intervention vocale maternelle peut être
importante à la fois pour le fœtus et le nouveau-
né, prématuré et à terme. La voix de la mère,
comme l'a suggéré Nöcker-Ribaupierre (21) peut
donc être considérée comme un pont entre la vie
pré et néo natale. Ainsi, une étude récente a
évalué les effets de la voix maternelle sur vingt
nouveau-nés à terme (22), en comparant
l'exposition à l'enregistrement d’un conte
raconté par les mères à un bébé (en anglais:
Infant directed speech) ou à un adulte (en
anglais: Adult directed speech). Lors de
l’écoute, le flux sanguin cérébral a été mesuré
dans la zone frontale. L’écoute de la voix qui
parle à un bébé (IDS) fait augmenter le fluxe
vasculaire dans le cerveau dans la région orbito-
frontale (dont la maturité semble dépendre des
expériences socio-affectives) des nourrissons,
significativement plus que la voix qui parle à un
adulte (ADS). On en conclut que la langue
maternelle joue un rôle important dans
l'activation du cerveau du nouveau-né, qui est
capable de opérer une distinction entre IDS et
ADS. La langue maternelle aussi, compte tenu de
la zone spécifique activée par l'IDS, peut avoir
une influence sur le développement socio-
affectif du nouveau-né.
Des expériences récentes de stimulation sonore
proposent au nouveau-né prématuré en
hospitalisation la voix maternelle enregistrée et
filtrée, dans le but de recréer l'environnement
sonore intra-utérin. L'hypothèse sous-jacente à
ce type d'intervention est que l'enfant
prématuré, lorsqu'il est immergé dans le même
environnement sonore (ou presque) que celui
perçu dans l’utérus, peut revivre une expérience
positive passée et retrouver l’état de bien-être
intra-utérin qu’il a si brusquement perdu.
Toutefois, nos hypothèses de départ, tout en
admettant l'efficacité des interventions qui
utilisent le stimulus de la voix maternelle
enregistrée, se fondent sur des principes
différents. En premier lieu, dans notre étude, la
voix maternelle ne recrée pas ou ne remplace
pas l’expérience auditive vécue dans la période
prénatale, mais simplement l’évoque et, en
l’évoquant, elle induit une activation du bébé
prématuré; elle évoque des mémoires
d’expériences prénatales de réconfort ou
d'activation déjà vécues pendant la grossesse.
Comme nous rappelle encore Susan Maiello, un
simple geste de protection de la main sur le
nouveau-né peut évoquer des vécus importants
et activer en lui des mémoires intrautérines (23).
La voix maternelle devient dans notre étude
comme une transition, un élément de continuité
entre la vie pré et néo natale, particulièrement
précieux dans la période d’hospitalisation des
nouveau-nés prématurés.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
21
1.1.3 La voix maternelle : un pont entre
deux mondes
[Le jeu] est la chose la plus facile au monde et la plus difficile. […] Le jeu va se limiter à des sons, des expressions faciales, des regards rendus ou détournés, des mouvements et des gestes, et au partage de l’expression physique. C’est l’interaction humaine dans ce qu’elle a de plus rudimentaire. C’est une activité simple, pure, irréfléchie – de l’improvisation libre. Stern, D. & Bruschweiler-Stern, N. (1998). La naissance d’une mère (C. Joly, trad.). Paris : Odile Jacob, p.121.
Le choix d'utiliser la voix maternelle directe à la
place d'un stimulus enregistré répond d'une part
à la nécessité de maintenir un lien vivant et
significatif entre la vie prénatale et postnatale
et, de l'autre, à soutenir la dyade dans la reprise
et dans la construction d'une temporalité
commune.
L’échange spontané entre la mère et l'enfant,
que nous avons vu commencer dans la période
prénatale, est caractérisé par des aspects
rythmiques et dynamiques partagés. Les deux
partenaires sont en fait engagés dans des
séquences temporelles réciproques, où ils
agissent librement dans un échange réciproque.
L’enfant nait en effet avec une forte sensibilité
temporelle: il peut distinguer des différences de
tempo très fines - la durée du stimulus, les
silences, les motifs rythmiques récurrents (24) -
et il a une tendance, très précoce, à la
synchronisation rythmique (25).
Dans la vie prénatale l'élément rythmique est
une expérience fondamentale pour le fœtus, en
premier lieu parce que chaque instant de vie est
marqué par le rythme cardiaque que ce soit le
sien ou celui de sa mère – mais aussi par le
rythme régulier de la respiration de la mère, par
la démarche de sa promenade et par la
rythmicité de sa parole.
Cette expérience primitive du temps est
caractérisée par une forte continuité rythmique,
cependant non dépourvue d'éléments de
discontinuité inattendus: le rythme cardiaque,
en fait, ainsi que la respiration maternelle,
introduisent des éléments de discontinuité, de
variation et d’imprévisibilité dans un continuum
répétitif. L'expérience primitive de la variation
dans la répétition sera d’ailleurs l'une des
pierres angulaires de l'expérience intersubjective
des premiers mois de vie du nouveau-né (26)
ainsi que, plus tard, de toute la pratique
musicale, écoute ou production (27). Les
parents règlent leur dynamique rythmique et
comportementale sur la durée et l’intensité des
comportements du nourrisson: leurs stimulations
vocales, visuelles, tactiles, kinesthésique,
dynamiques dans les formes cinétiques,
proprioceptives vestibulaires et faciales,
correspondent aux capacités et aux préférences
perceptives du nourrisson.
La mère, en fait, d’une manière tout à fait
intuitive, utilise l'élément rythmique dans les
premières interactions avec le bébé pour entrer
en syntonie avec lui et pour ajuster son état
émotionnel au sien. Cet accordage n’est possible
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ
PRÉMATURÉ
22
que parce que nos comportements sont la
plupart du temps multimodaux. Par exemple,
une simple caresse se présente comme une
forme temporelle ayant un début plus lent et
une légère accélération qui marque la fin du
processus. Ou encore les mains qui, dans le jeu,
tambourinent sur le corps de l’enfant en
accélérant jusqu’à la production d’un
chatouillement inattendu, construisent une
forme de temps particulière reconnue et vécue
par l’enfant en partage avec sa mère au travers
du rythme même des mouvements et des paroles
qui l’accompagnent. Le bercement, si fréquent
et si commun constitue lui aussi une forme
rythmée de temps vécu où la mère et l’enfant
s’accordent rythmiquement et affectivement
l’un à l’autre (28).
Pour le fœtus, l’expérience rythmique primitive
de la pulsation cardiaque, de la respiration, et
de la présence / absence de la voix de la mère
contient aussi des éléments alternants de
tension et de détente ; de même, selon D.
Sterne, les structures des premières proto-
interactions présentent une alternance entre des
moments d'engagement et des moments de
pause ou de silence. L'expérience primitive de
temps est donc, selon Stern, une expérience
d’alternance, de présence et d'absence, de
discontinuité dans la continuité, comme l’est le
rythme de succion.
"Avant que l'enfant n’apprenne à parler - dit
Stern (29) – sa mère et lui se comprennent donc
à travers la médiation de formes temporelles
non symboliques et non-verbales dont on vient
de donner quelques exemples. Ces formes
constituent un monde à part, une manière
d'être ensemble qui n'a jamais été officiellement
apprise ou enseignée, basée sur l'intuition de la
mère, sur sa compréhension des signaux, sur ce
qu'elle ressent et éprouve le besoin de faire,
plutôt que sur des connaissances théoriques. "
Si nous combinons ces considérations, d'une part
avec la mémoire sonore et la capacité
discriminative du fœtus et de l'autre avec les
formes primitives d'expériences rythmiques des
nourrissons au cours des premières proto-
conversations avec sa mère, nous pouvons
entrevoir à quel point une naissance prématurée
et, du fait de hospitalisation, la séparation
prolongée d’avec la mère, peuvent être un
événement traumatisant pour le nouveau-né.
L'expérience de l'hospitalisation en USIN, comme
on l’a souligné dans le paragraphe précédent,
conduit l'enfant à s'adapter à des expériences
interactives et de soin qui ne présentent aucune
similitude rythmique-temporelle avec la période
néonatale: les mains du personnel soignant sont
souvent sûres et rapides, les rythmes imposés
par l'hôpital ne permettent pas toujours
l'expérience de l'écoute mutuelle entre l'adulte
et le nouveau-né. L'absence de la mère, dans sa
fonction essentielle de réglage et de régulation
des rythmes de vie, ne facilite pas pour le bébé
prématuré, la difficile adaptation à la vie extra-
utérine. Dans ce contexte, la voix d'une mère
présente à côté de la couveuse, attentive aux
moindres signes d'interaction de son enfant
devient un instrument de régulation et
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
23
d'interaction précoce, même dans les moments
où il n’est pas encore possible de commencer
l'expérience du peau-à-peau ou encore lorsque la
mère ressent trop profondément un sentiment
personnel d'inutilité et d'insuffisance.
1.1.4 La participation des parents aux
soins en USIN: les effets sur le
traitement de la douleur
Les premières expériences interactives et de
soin auxquelles le bébé prématuré est exposé à
l’hopital sont strictement liées à des
interventions, souvent douloureuses, pour sa
survie: aucun parent qui a assisté aux premières
pratiques d’intubation ou à l'insertion des
canules pour la nutrition ne pourra les effacer de
sa mémoire. Les pratiques quotidiennes
médicales nécessaires représentent, dans les
premiers jours de vie, les seules formes de
contact avec l'autre : il suffit de penser que
chaque enfant prématuré est soumis à une
moyenne de 14 interventions douloureuses par
jour dans les deux premières semaines de vie
(30).
Au-delà de la nécessité de soumettre l'enfant
prématuré à de telles pratiques, la communauté
scientifique internationale s'interroge sur la
question du traitement de la douleur
procédurale en USIN. Les directives les plus
récentes de la SIN (Société Italienne de
Néonatalogie) (31) déplorent encore une grave
insuffisance dans la pratique de l'analgésie et de
la sédation dans les USIN du territoire italien, et
dénoncent le fait que seulement une minorité de
structures a élaboré des lignes directrices pour
le contrôle adéquat de la douleur, contrôle qui
reste inconstant et largement insatisfaisant.
Face à une telle défaillance, on note néanmoins
un intérêt croissant pour l'efficacité de
différents traitements pour le contrôle de la
douleur chez les bébés prématurés; en
particulier, au cours des dernières décennies,
l'utilisation de thérapies non médicamenteuses
qui assurent la participation active des parents a
donné lieu à une intensification des études et
recherches (32).
Certaines d’entre elles suggèrent que les
mécanismes qui sous-tendent l'analgésie
produite par l'allaitement ou par le contact
corporel prolongé avec la mère sont au moins
partiellement différents de ceux d'autres
techniques analgésiques (33). La facilité, le
faible coût et l'efficacité avec lesquels
l'analgésie peut être induite chez les nouveaux-
nés humains par l'implication parentale, ont
augmenté l'intérêt pour la fonction de
l’interaction mère-enfant comme moyen de
prévention ou de réduction de la douleur et du
stress chez le prématuré.
De nombreuses études rapportent en particulier
les effets bénéfiques de la technique du peau-à-
peau où l'intervention a des effets positifs sur
l’organisation neurophysiologique du nourrisson
prématuré et sur le processus d'attachement
dans la dyade (34). Cette technique a également
été utilisée avec des résultats positifs
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ
PRÉMATURÉ
24
significatifs sur le contrôle de la douleur lors du
prélèvement sanguin au talon chez les
nourrissons sains à terme (35) et chez les
prématurés (36).
L'implication parentale dans les premières
formes d'interaction avec le bébé prématuré a
déjà prouvé son efficacité dans le traitement de
la douleur.
1.1.5 Expériences d’interaction précoce
en USIN
L’exemple qui vient d'être mentionné à propos
de l'implication des parents dans le traitement
de la douleur en USIN est une illustration du fait
que les expériences interactives sont nécessaires
pour soutenir l'enfant dans le rétablissement d'un
état d’équilibre entre ses diverses fonctions et
pour promouvoir un développement sain chez les
prématurés (37, 38).
L'interaction précoce a, parmi d’autres
fonctions, celle de fournir à l'enfant un cadre de
significations qui puissent servir de médiateur
avec l'environnement extérieur: à travers
l'échange mutuel de comportements, l'adulte est
en mesure d'étendre l’expérience de l'enfant, de
donner forme aux stimuli environnementaux,
renvoyant au nouveau-né les informations qu’il
est, à ce moment là, en mesure de comprendre.
Des études de plus en plus nombreuses nous
montrent que les caractéristiques structurelles
du cerveau du nourrisson prématuré en bonne
santé (39-40), ainsi que ses fonctions cognitives
(41-42), sont différentes de celles des enfants
nés à terme au même âge réelle. Bien que
certaines différences peuvent être expliquées
par les effets cumulés de complications mineures
dues à une naissance prématurée, les premières
expériences sensorielles, souvent
traumatisantes, dans l'unité de soins intensifs
néonatals - comme l'exposition à des bruits forts
ou des lumières vives, des interventions
fréquentes et douloureuses, des manipulations
excessives - peuvent avoir un impact négatif sur
le cerveau immature et son développement (43).
Les manipulations qui ont un but de soin, nous
rappelle H. Als, sont rarement significatives pour
l'enfant ou chargées de valeur affective, même
si elles sont souvent l’exécution intelligente et
rigoureuse d’opérations délicates et aussi très
souvent douloureuses pour le bébé.
Tout ce qui a été précédemment dit sur les
capacités perceptives et de communication du
fœtus, montre combien les hypothèses relatives
à la sociabilité interactive néonatale sont
fondées : cela apparaît notamment dans la
sensibilité précoce aux caractéristiques de la
voix humaine, en particulier de la voix
maternelle. Les personnes impliquées dans le
développement néonatal acceptent aujourd’hui
que le bébé manifeste dans les proto-
interactions des signes de capacités interactives
précoces et qu’il est capable de faire des
distinctions et des choix entre ses partenaires.
Ainsi, le nouveau-né interagit déjà à travers les
pleurs, mais aussi à travers la vaste diversité des
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
25
expressions faciales et posturales que le fœtus a
développé dans l'utérus (44).
Après les premières semaines de gestation dans
lesquelles le fœtus montre l’ainsi dénommée
"blank expression", une expression statique dans
laquelle les muscles, la peau et les os ne
permettent pas des modifications expressives du
visage, apparaissent sur le visage fœtal certaines
formes qui peuvent être classées comme
expressives: le sourire, sur lequel nous allons
discuter dans la deuxième partie du texte, la
protrusion de la langue, associée à divers degrés
d'ouverture de la bouche, et des formes
spécifiques de rides du front, qui peuvent
rappeler un enfant qui pleure ou un expression
de colère ou de dégoût. La présence à la
naissance d'un tel répertoire d'expressions
faciales permet à l'adulte d'interpréter et de
comprendre les besoins exprimés par l'enfant et
de s’y adapter.
Le deuxième article présenté dans ce travail
permettra d'analyser les effets que certaines de
ces premières formes d'expression du nouveau-
né prématuré exercent sur l’adulte en
interaction avec lui : notamment, on tentera
d’évaluer les effets de l'ouverture des yeux et de
la hausse simultanées des deux coins de la
bouche - interprétable comme le sourire - sur la
voix maternelle pendant le chant et au cours de
l'interaction parlée.
Les expériences interactives peuvent être donc
une source d'information précieuse sur le
prématuré : au lieu d'être un simple objet des
soins, il devient un sujet actif dans la relation
avec ceux qui prennent soin de lui, un être
capable de signaler ses besoins, ses préférences,
sa douleur. Par ailleurs, d’un point de vue
scientifique, ces signaux doivent cependant être
saisis et codés par un observateur attentif, qui
soit capable d'évaluer soigneusement l'état du
nouveau-né (même prématuré). La néonatologie
a développé au cours des dernières décennies,
certaines échelles pour évaluer l'état de l'enfant
prématuré, que nous analyserons en détail.
1.1.7 L'analyse des états
comportementaux du nouveau-né
prématuré
L'analyse comportementale de l'enfant prématuré
a fait l'objet d'une réflexion approfondie dans les
dernières décennies du XX° siècle et le résultat
objectivant les indicateurs comportementaux
chez l'enfant a été la construction des échelles
d'évaluation de l'état comportemental. L'échelle
NBAS (Neonatal Behavioral Assessment Scale) en
est un exemple : proposée par Brazelton (45), elle
permet d'évaluer le comportement du nouveau-né
à terme et en bonne santé. L'échelle est utilisée
pour les bébés entre les 37 semaines et les 48
semaines de AG: nombreux sont désormais les
professionnels de santé qui participent à des
formations spécifiques organisées par les centres
Brazelton et qui en utilisent les principes de base
dans leur pratique clinique.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ
PRÉMATURÉ
26
Dans les années 1980 Heidelise Als, une étudiante
et collègue de Brazelton, à partir des idées
formulées avec lui, a développé l’échelle APIB
(Assessment of Preterm Infant Behaviour) visant à
évaluer le comportement du bébé né avant terme
(46): à la base de son échelle, il y a l'hypothèse
selon laquelle le comportement manifeste du
nouveau-né prématuré, son état physiologique et
sa capacité à interagir avec le milieu extra-utérin,
si ils sont miss en corrélation avec les études
neurophysiologiques sur le développement du
fœtus et du nouveau-né, sont essentiels pour
comprendre le niveau de maturation
effectivement atteint. L'évaluation de ces signes
comportementaux, identifiés par H. Als en détail
et répartis dans les principaux sous-systèmes
autonome et moteur (47), est basée sur la théorie
synactive du développement enfantin1 et permet
une compréhension globale de l'état du nouveau-
né, dans son système d'auto-régulation et
d'interaction avec l'environnement (humain, mais
pas seulement).
Dans la présente étude, nous avons utilisé la
définition de Brazelton des états
comportementaux du nouveau-né afin d'évaluer
les effets du chant maternel sur le changement de
statut de l'enfant prématuré hospitalisé. Le
1 La théorie synactive du développement a été élaborée par le docteur H. ALS dans les années 1980. Selon cette théorie l’organisation du bébé s’articule autour de 5 soussystèmes: végétatif, moteur, veille-sommeil, attention et autorégulation. Ces sous-systèmes, en étroite relation les uns aux autres, sont soumis à l’environnement. Toute stimulation inadaptée en qualité ou en intensité entraîne une réaction de défense et de retrait, voire des signes de stress. A l’inverse, une stimulation adaptée aux compétences actuelles de l’enfant entraîne une réaction positive de bien-être.
système de codage de Brazelton (45) distingue 5
types d'état: l'état de sommeil profond (non-REM),
le sommeil agité ou sommeil léger, le réveil
tranquille / calme, l’éveil actif / agité, et, enfin,
un état intermédiaire qu'il appelle drowsiness,
somnolence. Le premier état, le sommeil profond,
est caractérisé par une activité motrice pauvre,
sauf pour des startles spontanés et des bref
événements de succion rythmique. Le visage est
détendu et le souffle régulier; c’est un état dans
lequel l'enfant est à peine dérangé par des stimuli
externes. Le deuxième type de sommeil est défini
comme le sommeil léger : ici l'activité motrice est
variable et l’on peut observer des mouvements
fines des mains ou des mouvements généralisés
des membres. Le visage a tendance à se relâcher,
les yeux sont fermés avec les mouvements
intermittents typiques du sommeil paradoxal
(REM), des expressions faciales apparaissent telles
que des sourires ou des rides du front. Dans cet
état, l'enfant est plus facilement accessible par
des stimuli externes. Quand un enfant est dans un
état d'éveil calme, au contraire, il a la possibilité
d'entrer en interaction avec l'adulte: il ouvre ses
yeux, il maintient un regard vif, son visage se
détend et les mouvements corporels sont
occasionnels. Il s’agit d’un état idéal pour les
premières formes interactives, malheureusement
assez rare chez les nourrissons prématurés
hospitalisés. Dans l’état d’éveil agité, le nouveau-
né manifeste des mouvements généralisés de
durée et d'intensité variables. Les membres sont
plus fréquemment ouverts et souvent le bébé se
prépare à pleurer. Entre sommeil et éveil
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
27
Brazelton identifie un état intermédiaire, que
nous avons utilisé dans notre évaluation, défini
comme drowsiness ou somnolence, dans lequel les
paupières passent fréquemment de l'ouverture à
la fermeture. De cette phase intermédiaire,
souvent mise au rebut dans la recherche
scientifique, le bébé peut passer rapidement à
l'état de veille ou de sommeil.
1.1.6 L'environnement sonore en USIN et
le concept d’écologie sonore
Le milieu acoustique dans lequel chaque individu
est immergé a un impact notable sur son état
physiologique, émotionnel et cognitif. Nous
allons examiner l'environnement acoustique dans
le cadre d'une hospitalisation dans l'Unité
néonatale de soins intensifs, où les bébés
prématurés passent des semaines, voire des mois
d'attente d’une stabilisation et ensuite d’une
sortie. Des recommandations internationales
claires régissent les seuils de bruit acceptables
en USIN: en 1997, en fait, l'American Academy of
Pediatrics a déterminé que les niveaux sonores
en soins intensifs ne doivent pas dépasser les 45
dBA (48). Il ne s’agit pas cependant de
règlements, mais des recommandations étayées
par des études scientifiques et des réflexions qui
ne sont pas contraignantes.
Des analyses récentes montrent que,
malheureusement, ces recommandations ne sont
pas prises en compte dans la vie quotidienne en
USIN, ce qui s’explique par un certain nombre
d'aspects objectifs et comportementaux
concernant l'environnement, les ressources
humaines et techniques de ce type
d'organisations.
L'environnement sonore dans lequel le fœtus
s'est développé jusqu’à une naissance
prématurée a en fait très peu d'éléments en
commun avec celui de l'unité néonatale de soins
intensifs: en effet, cet environnement
hospitalier très particulier donne brusquement
lieu à des bruits imprévisibles et non significatifs
tels que les alarmes des moniteurs, les
ventilateurs constants, les téléphones, les autres
bébés qui pleurent et les conversations
personnelles; les pleurs de l’enfant lui-même. En
outre, ces bruits ne se dispersent pas, ne se
volatilisent pas, mais ils restent dans
l'incubateur, qui agit comme une caisse de
résonance et en amplifie l'intensité. Il n'est pas
facile de surveiller attentivement les niveaux de
bruit en USIN : associés à ces éléments
techniques et structurels (ventilateurs et
alarmes des incubateurs, appareils pour analyses
de sang, etc), non seulement ces niveaux de
bruit varient d'une unité à l’autre, mais les
incubateurs individuels eux-mêmes, selon ce
qu’ils sont plus près de l'évier, du distributeur de
serviettes en papier, ou des portes, sont exposés
à des bruits de l'environnement de différente
intensité (49). Enfin, selon les heures de la
journée, par exemple entre 6 et 7 ou 10 et 12
heures du matin, les niveaux d'intensité
enregistrés ont des pics qui franchissent
clairement les seuils recommandés (50).
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ
PRÉMATURÉ
28
En général, les études sur les effets du bruit sur
les nourrissons admis à l'unité néonatale de soins
intensifs ne permettent pas encore de définir
clairement un lien de causalité entre les seuils
de bruit élevés et les conséquences cliniques
chez les bébés hospitalisés. Cette difficulté
s’explique aussi en partie par la petite taille des
échantillons étudiés, de grandes variations dans
les âges gestationnels des nourrissons qui font
partie des études et de la variété des techniques
expérimentales utilisées. En outre, l'âge
chronologique des enfants soumis à test varie
considérablement et les problèmes de santé,
tous facteurs confondus, n'ont pas été
suffisamment évalués (51).
Malgré les limites des études que la récente
analyse de Wachman et Lahav met en évidence
dans ses conclusions, il est clair que le bruit
intense et brusque est cause de soudains
changements au niveau physiologique, qui
entraînent une augmentation de la fréquence
cardiaque, de la pression sanguine, du rythme
respiratoire et une diminution de la saturation
en oxygène. Ces changements peuvent
augmenter la probabilité d'épisodes subséquents
d’apnée et de bradycardie. Des niveaux sonores
élevés peuvent également interférer avec les
cycles de sommeil des bébés (52) et on pense
qu'ils peuvent avoir un impact sérieux sur le
développement à long terme de l'enfant
prématuré, comme par exemple des dommages à
la cochlée, un affaiblissement des parois des
vaisseaux dans le système vasculaire cérébral
(53).
Une deuxième récente méta-analyse sur le sujet
(54) appelle à une amélioration de la qualité des
études sur les effets négatifs du bruit en USIN et,
en fournissant quelques conseils pour donner
plus de crédibilité aux résultats, fait de
précieuses recommandations pour la pratique
clinique: des technologies moins bruyantes ainsi
qu’un peu d'ingéniosité, comme par exemple
couvrir les incubateurs ou imaginer des
interventions structurelles de plus grand poids,
sont des actions de nature à offrir aux bébés un
environnement plus agréable et discernable, plus
facile à organiser et à maîtriser. Bien qu’elles
aient été publiées, ces études rapportant des
expériences positives de la réduction du bruit en
USIN (55-56) doivent être complétées par une
sensibilisation et une formation du personnel
médical et infirmier qui leur permettent de
prendre conscience de l’équilibre de
l'environnement sonore dans lequel ils opèrent et
des règles nécessaires à la promotion d'un
environnement sonore plus sain et significatif
pour le nouveau-né hospitalisé.
1.1.7 Le chant maternel
“Infants are musical actors, not just listeners. They are performers, not just a receptive audience…the participation of a child in a shared musicality proves that the forms and feelings of music are consequences of the inherent motives of human vitality.” Trevarthen, Colwyn. Every Child is Musical: The Innate Joy & Pride of Musicality and Learning Music. (2002)
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
29
Dans le cadre acoustique décrit ci-dessus, le choix
d’inviter les mères à utiliser le chant et la parole
pour communiquer avec leur enfant en couveuse a
été guidé par des questions et des hypothèses que
l’on trouve souvent dans les études concernant la
perception sonore fœtale et néonatale: est-ce
que le fœtus ou le nouveau-né traitent d'une
manière différente les stimuli de la parole et du
chant? Et encore, pouvons nous considérer les
paramètres physiologiques mesurés - tels que la
fréquence cardiaque (HR), l'oxygénation du sang
(O2) ou des événements critiques - comme des
indicateurs comportementaux suffisants pour
mettre en évidence des similitudes ou des
différences dans la capacité de l'enfant prématuré
à traiter les deux stimuli?
Et enfin, quelle résonance particulière chez la
mère peuvent avoir ces deux modalités
communicatives ? Est-il plus facile pour la mère
de chanter ou de parler à un enfant qu’elle ne
peut pas tenir dans ses bras, dans une situation
aussi délicate que l'hospitalisation? Est-il plus
facile de s’abandonner à un chant ou raconter des
histoires? Ou encore, les mères considèrent-elles
le chant plus efficace que la parole ou la parole
plus que le chant pour entrer en communication
avec leur bébé? Ce sont ces questions très simples
que nous avons posées aux mères par la
soumission d'un questionnaire à la fin de chaque
enregistrement, afin de suivre les changements au
fil du temps dans les réponses maternelles.
Au cours des 30 dernières années, de nombreuses
études se sont penchées sur l'expérience auditive
pré et néonatale à la recherche de preuves
empiriques de l'écoute active du fœtus et du
nouveau-né et de ses compétences mnémoniques
et discriminatives. En particulier, la voix de la
mère est pour le fœtus l'un des stimuli auditifs les
plus constants et significatifs tout au long de sa
vie intra-utérine. Cette voix, dans ses dimensions
de parole et de chant, a été choisie comme
stimulus direct significatif pour notre étude: nous
étions intéressés à analyser en particulier le
chant, en tant que forme musicale directe,
impliquant activement la mère dans la relation
vocale avec son bébé prématuré.
Le chant adressé au nourrisson et à l’enfant est
présent, sous différentes formes, dans toutes les
cultures du monde (57-58) et il occupe, à juste
titre, une place d'honneur dans le vieux débat sur
les Universaux en musique. Le chant, accompagné
par l'acte du bercement est depuis l'antiquité un
moment d'émotion partagée et un instrument
d'ajustement mutuel pour la mère (ou l’adulte) et
l’enfant.
Dans ses diverses formes, des berceuses aux
comptines, le chant maternel direct, ainsi que l'ID
speech, s’adapte à l'âge et à l'état de l'auditeur
(59-60) et possède des caractéristiques uniques
qui le distingue d’un chant adressé à un adulte,
par exemple un tempo lent et un registre plus
élevé. En outre, quand il adresse le chant à
l'enfant, l'adulte modifie le timbre, la fréquence
fondamentale et l'intensité : des glissements et de
légers glissandi se manifestent, et l'équilibre
même entre le son et le silence subit des
variations, puisque les pauses entre les phrases de
la mélodie s'allongent et les accents deviennent
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ
PRÉMATURÉ
30
plus prononcés (61). Cependant, dans le chant on
ne peut pas changer les hauteurs, les rythmes et
les intervalles en liberté, étant donné les limites
que la structure de la mélodie impose: la mère,
dans son chant, va donc utiliser des micro-
changements pour s'adapter aux réactions de
l’enfant et pour parvenir à ses objectifs (par
exemple pour calmer et endormir l'enfant ou, au
contraire, pour augmenter son état d'excitation).
En dépit de ces contraintes structurelles, le chant
adressé à l'enfant est donc capable d'attirer
l'attention du nouveau-né beaucoup plus que le
même chant adressé a l’adulte (62) grâce à ces
micro-variations musicales et les comportements
communicatifs spécifiques: Par ailleur, on note
que le parent qui s’adresse à l'enfant par le chant,
maintient plus lontemps le contact visuel avec lui
que dans la communication orale (63).
Le chant adressé à l'enfant a également le pouvoir
d'agir sur son état émotionnel: la mère chante
afin de le calmer ou au contraire avec l'intention
d'augmenter sa capacité d'attention et d'activité:
dans ce dernier cas, elle chantera la même
mélodie, mais en augmentant les caractéristiques
d’éclat, de légèreté et d’élan (64). Le chant
maternel présente donc des effets notables de
régulation sur l’état de l'enfant, mais, dans un
continuel et constant ajustement mutuel, la
présence de l'enfant modifie aussi l'état
émotionnel de l'adulte qui ajuste sa posture et ses
gestes vocaux, et donc modifie les
caractéristiques de sa voix chantée.
Dans cette perspective, comme le note Sandra
Trehub, lorsque les mères chantent à leur enfant,
l'effet bénéfique se fait ressentir pour tous les
deux. L'intimité de ce type d'interaction permet à
la mère d'exprimer les émotions et les pensées qui
autrement resteraient inexprimées. Le crescendo
de la mélodie ou le vibrato d'une voyelle peuvent
donner plus de corps aux émotions intimes, tout
en augmentant le sentiment de proximité et de
complicité. En ce sens le chant maternel est en
mesure d'ajuster les émotions des deux.
1.1.8 La parole maternelle en USIN
Il n’est pas interdit de penser qu’il est impossible de
discriminer les précurseurs du chant spontané des précurseurs
du parler précoce. La communication préverbale pourrait bien
être une route ontogénétique commune, le long de laquelle
deux capacités extrêmement structurées et exclusivement
humaines se développent : le langage conduisant à la
communication verbale et à la pensée et le chant autorisant
les activités créatrices de la musique vocale. Ces deux
capacités sont aussi intimement liées aux fonctions affectives
du signal vocal et de la communication. (Papoušek, M.
(1995b). Le comportement parental intuitif, source cachée de
la stimulation musicale dans la petite enfance. In I. Deliège &
J. A. Sloboda (Ed.), Naissance et développement du sens
musical. Paris : PUF., p. 124)
Quotidiennement le nouveau-né vit dans un
environnement sonore, mélodique et temporel qui
soutient et favorise son développement; cet
environnement est aussi un lieu d’échange humain
profond où la musicalité joue un rôle
fondamental.
L’expérience musicale quotidienne du nouveau-né
se caractérise avant tout par le rythme des
échanges et des moments partagés avec ses
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
31
parents (65): dans ces formes prototypiques
d’interaction le nouveau-né peut discerner les
différentes formes de durées temporelles brèves
et les différents contours temporels du son. Si
l’intensité d’un son augmente très rapidement le
nourrisson (et l’adulte aussi) réagira avec un
sursaut. Si la mère s’approche de lui trop
rapidement et si elle accompagne le mouvement
physique avec une augmentation brusque de
l’intensité, le nourrisson adoptera des
comportements de défense et de détournement
de l’attention comme s’il voulait ne plus
s’impliquer dans l’échange. Si au contraire la
mère augmente l’intensité de sa voix de manière
plus douce et progressive, par exemple lors de la
conclusion d’un jeu de coucou, et si elle fait
coincider le point maximum d’intensité avec un
chatouillement, le bébé éprouve du plaisir et la
temporalité de l’échange ajustée à la relation qui
s’instaure à ce moment-là..
Ces aspects prosodiques de la communication, en
rythme et mélodie, suffisent à donner à l'enfant
des informations clés pour partager, d’un coté,
l'état affectif de l'adulte qui lui parle et, de
l’autre, la qualité de sa présence. Chaque maman
établit instinctivement un dialogue vocal unique
avec son bébé dès les premiers moments de la
vie. Non seulement la mère, mais chaque adulte
s’adresse à l'enfant avec un langage prosodique
spécifique, et c’est pourquoi de nombreux
chercheurs ont tenter d’analyser en termes
musicaux la façon dont les adultes parlent aux
bébés dans toutes les cultures. (66-67).
Les bébés en effet préfèrent ce "langage musical"
à la langue couramment parlée parmi les adultes
(68) parce que l'IDS est toujours plus chargé
d'émotions; la chose surprenante est que le baby
talk, ou motherese, présente des caractéristiques
universelles, retrouvées dans des cultures très
différentes les unes des autres: plus lent, avec de
nombreuses répétitions et sur un rythme plus
marqué, avec des contours plus aigus riches en
glissandos descendants (69-73).
La qualité musicale de ce discours, la prosodie,
révèle les émotions du locuteur et elle est un
moyen puissant pour stimuler l’attention et la
mémoire, et pour transmettre à l'enfant des
pensées et des intentions aux dimensions
cognitives, affectives et émotionnelles.
Si les effets et les fonctions de la langue
maternelle adressée à l’enfant font l'objet de
nombreuses études, le baby talk adressé aux
prématurés reste presque totalement inconnu:
nous ne connaissons ni les caractéristiques ni les
différences par rapport au discours adressé aux
nourrissons nés à terme.
Une seule étude récente a commencé à porter des
résultats sur les effets de la stimulation vocale
des parents en USIN sur les vocalisations des
bébés prématurés (74). De l’analyse de
l’environnement sonore conduite dans l’étude
citée, on apprend que les grands prématurés
commencent à vocaliser dès 8 semaines avant la
date à laquelle aurait dû avoir lieu
l'accouchement dans des conditions normales. En
outre, il apparaît que le nombre des vocalisations
augmentent sensiblement en présence des
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ
PRÉMATURÉ
32
parents, soit une augmentation de 560% à 32
semaines et une augmentation de 160% à 36
semaines d'âge gestationnel. La présence vocale
du parent qui parle se révèle être ainsi un
puissant stimulant pour l'apparition et
l'augmentation des vocalisations des nourrissons
prématurés.
1.1.9 À l'origine du chant et de la parole:
la musicalité communicative entre mère
et bébé
We can, I believe with good reason, claim that mother-infant
interactions are composed of elements that are literally, not
just metaphorically, musical.
Dissanayake E, Antecedents in temporal arts, in Wallin NL,
Merker B, Brown S, The origins of music, MIT Press, 1999.
A la base de notre étude, il y a la parole et le
chant de la mère. Deux modalités distinctes de
communication adressées au nouveau-né, qui,
comme nous l'avons vu, présentent des similitudes
profondes et des différences intéressantes.
Selon nos hypothèses, les deux types de stimuli
devaient avoir des effets différents sur le bébé
prématuré, et c'est en effet ce que nous avons pu
observer, au moins en partie: le chant et la parole
ont eu des effets différents sur l'état
comportemental du nouveau-né, le chant ayant
tendance à maintenir l'enfant dans l'état initial et
la parole le mettant dans un état d'éveil calme.
D'autre part, cependant, le chant et la parole ont
eu le même effet sur les paramètres
physiologiques, c’est-à-dire une augmentation de
l'oxygénation du sang et une diminution des
événements critiques (voir Cap 1.2).
Ces résultats montrent bien que chant et parole
sont deux modalités de communication, mais aussi
que ces deux modalités trouvent leurs racines
communes dans la musicalité des premières
interactions entre mère et enfant.
Toutefois, on peut se demander en quel sens il
convient de parler de musicalité ? Le concept a
été principalement utilisé pour décrire les proto-
conversations entre la mère et son bébé, c’est-à-
dire des formes d’échanges vocaux d’où le
langage proprement dit est absent : doit-on alors
comprendre l’idée de musicalité comme une
simple métaphore, ou y a- t-il quelque chose de
plus?
Ellen Dissanayake identifie certains éléments que
musique et proto-conversation entre la mère et
l'enfant auraient en commun, et elle affirme
qu'entre eux il y a un lien non seulement
métaphorique, mais littéral et réel.
Il clair que le motherese a une musicalité propre
qui le distingue des autres contextes de
communication, mais il existe d'autres similarités
moins évidentes entre la musique et les
interactions précoces, tels que, par exemple,
l'utilisation de séquences rythmiques,
temporelles, qui dans micro-variations et
répétitions construisent des parcelles
d'expérience temporelle partagée La définition
que Gratier et Apter-Danon (75) en donnent est
particulièrement intéressante quand elles disent
que le «sentiment d'appartenance» entre mère et
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
33
enfant est un équilibre subtil mais dynamique
entre continuité et nouveauté, entre des parcours
connus et des détours aventureux .
Cet équilibre délicat de variation et de répétition
est également l'un des principes organisateurs de
la musique; le binôme variation / répétition
permet de donner une direction à l'expérience
musicale, il permet à l'auditeur d'anticiper et au
compositeur ou à l'interprète de satisfaire ou
décevoir ses attentes (76).
En outre, les premières formes de proto-
conversation entre mère et enfant sont, comme la
musique, régulées par des éléments perceptifs et
expressifs transmodaux grâce auxquels les
premières formes d'harmonisation affective, d’
affect attunement, se produisent (77).
L'importance dans la musique, ainsi que dans les
interactions dyadiques précoces, de l'activation
corporelle est un élément supplémentaire en vue
de renforcer l'hypothèse de Dissanayake. Daniel
Stern, dans son dernier texte Forms of vitality
(78), décrit les premières formes d'interaction
entre l'adulte et l'enfant en termes dynamiques,
et identifie les formes dynamiques des affects de
vitalité (ou contours de vitalité) comme la base
de l'expérience inter-subjective. Ces expériences
dynamiques ne peuvent pas être facilement
décrites par des mots, ou quantifiées avec
précision; elles sont cependant, toujours selon
Stern, une clé de lecture importante, des
premières formes d'interaction entre mère et
enfant et également une clé de compréhension
des arts temporels, en particulier de la musique
et de la danse.
Miall et Dissanayake (79) réaffirment avec force
ce parallélisme substantiel entre musique et
musicalité communicative : il n’est donc pas
seulement métaphorique, et des analyses précises
du style des interactions dyadiques (en particulier
du style du baby talk employé par la mère) -
montrent que la musicalité comportementale
communicative repose sur des processus cognitifs
et affectifs que l’on retrouve aussi dans l’art
musical et l’art en général. Par leurs
caractéristiques métriques, phonétiques, et
proprement vocales, les proto-conversations entre
l’enfant et l’adulte révèlent une poétique
élémentaire qui, à son tour, offre quelques clés
pour la compréhension de l'origine à la fois
biiologique, psychologique et sociale des réactions
esthétiques et émotionnelles de l'homme aux arts
temporels.
Bien entendu, la principale difficulté dans ce type
d'analyse est de comprendre l'idée d’art, l’idée de
musique surtout, à laquelle les auteurs se
réfèrent. Malloch et Trevarthen, dans leur
introduction au texte sur la musicalité
communicative (80) sont très clairs ; ils précisent
que ‘ When we talk of the ‘musicality’ of mother-
baby interaction, we are not talking of what we
generally understand to be music, with its known
composers and performers [...] It’s our common
musicality that makes it possible for us to share
time meaningfully together, in its emotional
richness an its structural holding [...]» (81).
En ce sens, les premières formes de proto-
conversation entre adulte et enfant peuvent être
décrites en termes musicaux, grâce à des analyses
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ
PRÉMATURÉ
34
acoustiques et spectrographiques qui en décrivent
le rythmicité, la qualité du contour mélodique et
la narrativité du déroulement de l'interaction au
fil du temps.
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LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
40
1.3 La variable du sexe influence les effets bénéfiques du
chant et de la parole maternelles sur les nouveau-nés
prématurés
Mots-clés: prématurité - différences entre les sexes – parole et chant maternel -
fréquence cardiaque (HR) - saturation (SpO2) – évènements critiques
Dans le domaine des recherches en néonatologie,
les études qui visent à explorer l’impact du sexe
du nouveau-né prématuré sur les disparités dans
le développement à court et à long terme
deviennent de plus en plus nombreuses. Tout
d’abord les filles ont tendance à présenter une
mortalité réduite par rapport aux garçons dans
les mêmes conditions cliniques, elles présentent
des conséquences mineures à long terme et les
filles ont besoin d'une quantité de soins intensifs
inférieurs pendant la période d’hospitalisation
(1-3). Les nouveau-nés de sexe masculin ont plus
de chances de développer le syndrome de
détresse respiratoire et cela serait probablement
dû aux différences dans le développement des
poumons (4-5). La population des filles
prématurées est plus susceptible d'obtenir des
résultats positifs par les soins dispensés dans les
USIN et le risque de développer des problèmes
neurologiques est mineur (6-7). L'analyse de la
morbidité à long terme a montré qu'il y a un taux
plus élevé de ré-hospitalisations chez les
garçons, causé principalement par une incidence
plus élevée de problèmes respiratoires, mais, à
l'âge de 12 ou 24 mois, les prématurés de sexe
masculin présentent des résultats neurologiques
comparables à ceux des filles (8). Les bébés
prématurés mâles présentent un APGAR inférieur
à la naissance (9), ils ont besoin de plus
d'interventions de support ventilatoire et
circulatoire, avec des conséquences majeures,
surtout à long terme (9); deux études ont montré
en effet que les enfants males prématurés
auraient plus de signes d’inflammation chronique
que les filles prématurées (10-11). Bien qu’il
existe de nombreuses études qui confirment les
risques accrus liés au sexe chez les prématurés,
la recherche médicale n’a pas encore identifié
les causes possibles liées à ces différences, ni mis
en place des interventions thérapeutiques
différenciées selon le sexe.
Dans notre étude, conçue pour évaluer les effets
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
41
bénéfiques du chant et de la parole maternelle,
lors de la publication du premier article, nous
n'avions pas pris en compte l'impact de la
variable du sexe comme variable médiatrice. Une
analyse statistique plus détaillée a montré que,
dans notre échantillon, la variable du sexe a un
effet médiateur significatif sur les effets
bénéfiques de la stimulation vocale de la mère
sur les réponses physiologiques mesurées.
Analyses statistiques
Nous avons mené deux analyses de variance sur
les mesures répétées effectuées lors de 3
conditions consécutives (la baseline, de la
condition chant maternel et de la condition
parole maternelle), en prenant en compte le
sexe des bébés, respectivement sur la mesure de
la saturation en oxygène (OxSat) et celle du
rythme cardiaque (HR).
Résultats
L’analyse menée sur l’indice HR n’a révélé aucun
effet de genre ni globalement (p=.62 ; η²p=0.02),
ni à l’intérieur de chaque condition (effet
d’interaction non significatif ; p=.50 ; η²p=0.04).
Fig. 1 Mesure de l’HR (battement cardiaque) en
fonction du sexe du nouveau-né
Fig. 2 Mesure de l’OxSat (saturation d’oxygène
dans le sang) en fonction du sexe du nouveau-né
De même que pour l’indice HR, l’analyse de
l’indice OxSat ne révèle globalement pas d’effet
de genre (p=.58 ; η²p=0.02). En revanche, il
ressort une différence entre fille et garçons si
Baseline Singing Speaking130132134136138140142144146148150152154156158160162164
He
art
Ra
te
Male Female
Baseline Singing Speaking95.0
95.2
95.4
95.6
95.8
96.0
96.2
96.4
96.6
96.8
97.0
97.2
97.4
97.6
OxS
at
Male Female
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
42
l’on considère séparément les 3 conditions : les
mesures recueillies pour les garçons diffèrent
peu dans les 3 conditions tandis que la mesure
baseline est très inférieure à la mesure durant le
chant et durant la parole pour les filles (cf.
FIGURE 2 ; F(2,32)=5.87 ; p=.0067 ; η²p=0.27).
Discussion
La variable du sexe semble donc être un facteur
modifiant les effets de l’intervention maternelle
sur les indicateurs physiologiques étudiés, les
garçons bénéficiant plus que les filles de
l’intervention directe de la mère qui parle et qui
chante en couveuse.
Cependant notre échantillon reste très restreint
pour permettre une généralisation de ces
résultats à une ample échelle.
On peut toutefois suggérer que le sexe, ainsi que
l’âge gestationnel et l’âge postnatal pourraient
devenir des facteurs d’ajustement important
pour l’interprétation des résultats des différentes
études sur l’audition du bébé prématuré et, en
général, pour projeter une majeure
individualisation des soins périnataux.
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LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
44
1.4 La fréquence cardiaque (FC), observations
longitudinales, graphiques
Mots-clés: prématurité - chant et parole maternels directs - fréquence cardiaque (FC)
Présentation
Le rythme cardiaque est un paramètre
physiologique fréquemment utilisé pour mesurer
la réactivité du fœtus ou du nouveau-né (y
compris prématuré) à des stimuli externes.
L’analyse de la fréquence cardiaque (FC) a
montré qu’à partir de 20-24 semaines de
gestation le fœtus réagit à des sons supérieurs à
100 dB (1-3) ; une baisse de la FC a révélé que le
fœtus presque à terme reconnaît une comptine
rimée qu’il avait entendu tous les jours dans le
dernier mois de grossesse (4). La décélération du
rythme cardiaque est interprétée comme une
manifestation de l’attention du fœtus aux stimuli
auditifs, et l'analyse de cette réponse
décélérative met en évidence sa capacité à
discriminer entre les flux mélodiques et de
paroles, et à traiter de manière différente les
informations spectrales et temporelles des deux
flux sonores (5). La plupart des études visant à
identifier le début et le développement de la
capacité à reconnaitre la voix maternelle
utilisent le rythme cardiaque du fœtus comme
indicateur essentiel (6-8).
Il est intéressant enfin de noter que l'étude de la
synchronisation de la fréquence cardiaque entre
la mère et le nouveau-né peut fournir des
informations sur la qualité et l’évolution de
l'interaction dyadique (9) : mère et enfant
synchronisent leur battement de cœur dans des
délais inférieurs à la seconde et la corrélation
entre les deux rythmes cardiaque augmente
pendant les épisodes de synchronisation vocale
et affective.
Nos mesures de la fréquence cardiaque
présentent des lacunes importantes découlant de
l'absence d'équipement approprié et d’une
conception des mesures physiologiques
partiellement incorrecte.
Les mesures de paramètres physiologiques ont
été effectuées avec l’instrumentation disponible
à l'unité néonatale de soins intensifs,
principalement parce qu'il n'était pas possible
d'acheter d'équipement supplémentaire et parce
que on voulait intervenir aussi peu que possible
sur le prématuré et sur la routine de l’USIN.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
45
Notre intention a toujours été d’entrer sur la
pointe des pieds dans cette structure, conscients
que tout changement notable aurait créé une
résistance parmi les médecins de l'équipe et les
infirmières, nos meilleurs alliés pour approcher
les mères et pour les impliquer activement dans
la recherche.
L'instrumentation à notre disposition ne pouvait
mesurer que la fréquence cardiaque (FC) et non
sa variation (HRV), et enregistrait la mesure
automatiquement toutes les 30 secondes.
Les premiers enregistrements de test nous ont
conduits à prendre une mesure manuelle toutes
les 10 secondes, une mesure plus précise et
davantage à même de percevoir les variations de
FC que nous souhaitions observer.
A partir de ces mesures nous avons réalisé le
graphique suivant, qui montre que la stimulation
de la voix maternelle induit une augmentation de
la moyenne du rythme cardiaque, en particulier
dans la condition de parole. Les différences entre
chant et parole, ici en forme graphique, ne sont
pas significatives.
Ces résultats confirment également l'analyse
relative à l'état comportemental qui révèle une
augmentation de l'état d'éveil calme, surtout
dans la condition de stimulation parlée.
Fig. 1. FC Moyenne
L’analyse de l’écart-type calculé sur les
moyennes relatives à chaque période considérée
montre une diminution importante de la
variabilité de la fréquence cardiaque autour de
sa valeur moyenne en présence de stimulation
maternelle, en particulier chantée.
Fig. 2 FC Dispersion moyenne
Toutefois, la distance temporelle qui sépare une
mesure de l’autre (10 secondes) ne nous permet
pas, à ce jour, d'évaluer les effets immédiats de
la stimulation de la mère sur le rythme cardiaque
du bébé prématuré, ni d'évaluer les effets en
termes de variabilité de la fréquence cardiaque
(HRV) ou d'accélération / décélération de la
pulsation. L’analyse de la variabilité de la
fréquence cardiaque (VFC) est une méthode non
invasive pour la mesure de la régulation du
système cardiovasculaire par le système nerveux
145,0
147,5
150,0
152,5
155,0
No Pre Singing Speaking Post
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
46
autonome (10). Si on considère les fluctuations
du rythme cardiaque comme le reflet de
l’activité des systèmes sympathique et
parasympathique, la variation de la fréquence
cardiaque sera un indicateur important à ajouter
dans les prochaines études .
En revanche nous pouvons suivre la tendance de
la FC dans sa valeur instantanée pendant les trois
journées de stimulation et en l'absence de
stimulation, pour chaque bébé (voir la figure 1-3)
et nous pouvons observer la tendance des FC de
tous les nourrissons dans sa valeur moyenne,
dans une dimension longitudinale (voir figure
6.4).
Graphiques individuels longitudinaux
Le graphique qui suit est un exemple de la
tendance de la fréquence cardiaque individuelle
dans les trois journées de stimulation, jours 1-2-
3. L'axe des abscisses représente la tendance
temporelle, divisée en 4 séquences consécutives
de 5 minutes chacune, pour un total de 20
minutes ; les mesures ont été effectuées
manuellement toutes les 10 secondes.
La ligne pointillée plus claire représente
l'ensemble des fréquences cardiaques
enregistrées, tandis que la ligne continue épaisse
relie les valeurs moyennes, calculées toutes les
30 secondes.
Graphiques longitudinaux des valeurs moyennes
de la fréquence cardiaque dans les 3 journées de
mesure
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
47
Analyse
L'analyse de la FC dans sa dimension
longitudinale reste encore inachevée,
l’application du modèle statistique adéquat
restant à réaliser
Nous pouvons, cependant procéder à une
description des tendances qui se dégagent à
l’observation des graphiques.
Discussion
En général, nous pouvons observer une tendance
à la normalisation de la fréquence cardiaque
autour des valeurs centrales : lorsque la FC est
particulièrement faible elle tend à se stabilise
sur ses valeurs moyennes, tandis que c’est
l’inverse quand elle est élevée. Cette réaction
générale, dans les 10 minutes de stimulation,
peut expliquer la diminution importante des
événements critiques (par exemple, bradycardie)
en présence de la voix maternelle directe.
Si ces observations générales sont confirmées par
des analyses statistiques, nous pourrons en
conclure que la présence directe et contingente
de la mère qui parle et chante en USIN a une
fonction de régulation de l'état du nouveau-né
prématuré.
La mère reconnaît et s'adapte à l'état de son
nouveau-né, contribuant à l'effort du bébé à
contrôler et maintenir l’équilibre - dans un
contexte de prématurité toujours aussi précaire -
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
48
entre les stimuli externes et son organisation
interne.
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LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
49
1.5 Le point de vue des mères: analyse du questionnaire
Mots-clés: prématurité - chant et parole maternels directs - perception maternelle -
Degré de satisfaction
Introduction
Après chaque enregistrement un questionnaire a
été administré aux mères, destiné à évaluer
l'expérience qu’elles venaient de vivre avec leur
bébé. Chaque mère a donc rempli trois
questionnaires à choix multiple organisés selon
les échelles de Lickert à 5 points.
Les questions que nous avons posées aux mères
sont ici analysées une à une, accompagnées d'une
représentation graphique et suivies d'une
discussion finale. Bien que l'un des aspects les
plus intéressants est la comparaison du vécu
maternel par rapport au chant et à la parole,
nous avons décidé de rapporter en séquence les
deux graphiques puis d’en discuter les
implications.
Les questionnaires visent à fournir un cadre assez
complet du vécu des mères à la suite de
l’expérience de stimulation vocale : le fait que
les mères, à la fin de l’expérience, perçoivent
leur nouveau-né comme un partenaire capable
d’écouter leur voix et de répondre à leur
présence vocale est un résultat qui peut avoir un
impact direct sur la pratique clinique en USIN.
Question n. 1
Etait-il difficile de parler à votre bébé?
Les réponses ont été rapportées sur une échelle
de Likert à 5 points, qui présente une tendance
progressive dont le pôle positif (très facile)
correspond à 1 et la borne négative (très
difficile) correspond à 5.
TAB 1
Etait-il difficile de parler/chanter pour votre
bébé?
PAROLE
CHANT 1 (Très facile) 46 43 2 6 7 3 1 1 4 0 1 5 (Très Difficile) 0 0 Pas de réponse 7 8
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
50
Discussion
Comme le montrent le tableau et les graphiques,
plus de 70% des réponses ont été très positives
tant pour le chant que pour la parole.
Les mères ont eu moins de difficulté à
communiquer avec la parole, mais les différences
sont négligeables.
Le pourcentage élevé de mères qui n'ont pas eu
de difficulté à communiquer avec leur enfant
avec la parole ou le chant n'est pas généralisable
à l'ensemble de la population des mères des
nouveau-nés prématurés : l'échantillon à notre
disposition ne représente pas 100% des mères de
bébés prématurés hospitalisés dans l’USIN de
l’hôpital d’Aoste. L’échantillon est constitué en
outre seulement par les mères qui ont
volontairement accepté de participer au projet,
donc des mères déjà sensibles et motivées à
communiquer vocalement avec leur nouveau-né.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
51
Question n. 2
Vous sentiez-vous à l’aise en parlant à votre
bébé?
Semblable à la première question, la deuxième
essaye de comprendre le degré d'inconfort que
parler et chanter à son bébé dans la couveuse
peut causer à la mère.
Les réponses ont été données sur une échelle de
Likert à 5 points, qui présente une tendance
graduelle dont le pôle positif (très confortable)
est 1 et la réponse la plus négative (pas très
confortable) correspond à 5.
Dans ce cas aussi les résultats très positifs du test
révèlent une aisance remarquable, tant dans
l'utilisation de la parole que du chant dans la
communication. De fait, le résultat n’est pas
généralisable car les mères concernées ont
spontanément décidé de prendre part au projet.
Analyse des données
TAB 2
Vous sentiez-vous à l ’aise
en parlant à votre bébé?
1 Très à l’aise
2
3
4
5 Pas du tout à l’aise
Ne répond pas
PAROLE
47
4
2
0
0
7
CHANT
42
8
1
1
0
8
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
52
Discussion
Les réponses des mères sont majoritairement
orientées vers le pôle positif : pendant
l’expérience vocale, dans 78% des cas, les mères
se sont senties tout à fait à l'aise pour parler, et
dans 70% des cas pour chanter. Seules 2% des
réponses montrent un état de malaise de niveau
4.
On s’attendait que le chant soit bien plus gênant
pour la plupart des mères, vue leur incertitude
initiale par rapport au choix des chansons ou des
comptines à chanter. Au contraire, cette fois
aussi, les réponses par rapport au chant et à la
parole sont comparables.
Question n. 3
Y avait-il une sorte de communication lorsque
vous parliez/chantiez à votre bébé?
Avec la troisième question on se propose de
évaluer le degré perçu de communication
pendant le chant et la parole. On prévoit, dans
ce cas, des réponses catégorielles telles que oui,
non, peut-être/je ne sais pas.
Analyse des données
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
53
Discussion
Il est surprenant de constater que la totalité des
mères qui ont parlé et chanté pour leur nouveau-
né en couveuse a ressenti qu’il y avait avec lui
une sorte de communication. Dans certains cas
les mères ont répondu avec hésitation (peut-être
/ je ne sais pas), mais pour le 82% des cas, les
réponses étaient positives. Ces résultats
représentent, au-delà des effets spécifiques du
chant et de la parole sur l'état clinique de
l'enfant prématuré, le degré de satisfaction des
mères par rapport à l’expérience de chanter et
parler pour le prématuré en couveuse.
Question n. 4
Pensez-vous que votre bébé vous écoutait?
Très semblable à la première question, la
deuxième se propose d'évaluer la perception des
mères par rapport à la capacité d'écoute de leur
nouveau-né. Lors de la réunion préliminaire, nous
avons fourni aux parents des renseignements,
oralement et par écrit, sur la capacité auditive
du fœtus et du nouveau-né, avec le but de les
motiver à l’usage de la voix, chant et parole,
pour communiquer avec leur enfant en couveuse.
Analyse des données
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
54
Discussion
Aucune mère n’a mis en doute la capacité
d'écoute de l'enfant prématuré. Les 82% de
réponses positives montrent que les mères sont
conscientes que le bébé était à l'écoute de leur
voix lors de l'interaction.
Question n. 5
A votre avis, a-t-il répondu à vos paroles/chant?
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
55
Discussion
Dans ce cas aussi, un pourcentage très élevé de
réponses des mères est positif : dans le 73% des
cas, les mères affirment que leur enfant
prématuré a répondu à leurs «appels».
Quasiment aucune réponse négative n’a été
formulée : les 27% restants reflètent davantage
une incertitude via des réponses ‘ne sait pas’ ou
des non-réponses.
Le résultat très positif est que dans une seule
circonstance une mère a répondu que le bébé
n'avait montré aucun signe de réaction à sa
présence vocale.
Question n. 6
Si oui, comment?
La sixième question a un double objectif : d’une
part on vise à identifier les comportements du
bébé perçus comme des réponses à la stimulation
vocale, d’autre part on incite les mères à porter
leur attention sur le comportement manifeste de
leur bébé.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
56
Y= Yeux; TC= Tonus du corps; MC= Mouvement du Corps; EV=
Expression du visage; A= Autre; NR= Ne répond pas.
Discussion
Dans la catégorie Autres certaines mères ont
ajouté des signaux spécifiques qui ne pouvaient,
selon elles, rentrer dans aucune des catégories
précédentes.
La succion non nutritive, par exemple, a été
signalée à trois reprises et le sourire, bien qu’il
pouvant être inclus dans la catégorie Expression
du visage a été rapporté 4 fois dans la catégorie
Autre, soulignant l’importance que les mères
prêtent à cet indice comportemental.
La question numéro 6 visait à évaluer le type et
le nombre de signaux reçus par les mères; de
manière à obtenir des informations sur la
véritable perception des indicateurs d'interaction
par les parents, même si nous ne pouvons pas les
évaluer quantitativement dans la mesure où nous
n’avons pas demandé d’en indiquer le nombre.
L’autre impact de la question a été qu’en
demandant aux parents de signaler certains
indicateurs comportementaux, témoins de
l'écoute actif de l'enfant, les parents ont été
amenés à prêter davantage attention à ces
comportements, et à favoriser ainsi une ‘écoute’
particulière et implicitement une prise de
conscience.
Les différences entre chant et parole sont
réduites, mais elles méritent d’être discutées.
Dans le chant ont été enregistrées, en général,
moins de typologies de réponses (95 dans le
chant, par rapport à 108 des paroles). Les mères
ont observé une faible quantité de changements
dans le tonus postural, dans l'expression du
visage et de mouvements généraux du corps
pendant le stimulus chanté.
Les effets du chant et de la parole sur l'état
comportemental du nourrisson prématuré dans la
couveuse sont différents : le chant a tendance à
laisser le bébé dans son état de sommeil, profond
ou actif, tandis que la parole a tendance à
«réveiller» le bébé, l'amenant à un état d'éveil
calme (1).
Question n. 7
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
57
Vous sentiez d’être près de votre enfant lorsque
vous lui parliez/chantiez pour lui?
Cette question vise à évaluer le degré de
proximité perçu par la mère pendant la
communication, parlée et chantée.
Analyse des données
Discussion
Dans 82% des cas, les mères ont rapporté qu'elles
se sentaient beaucoup plus proches de leur bébé
pendant le chant et la parole.
Encore une fois, la parole a obtenu un score un
peu plus élevé que le chant, mais les différences
ne sont pas significatives.
En aucun cas, les mères ont répondu avec des
scores de 4 ou 5. Nous pouvons conclure que,
pendant les 10 minutes de la parole et du chant,
les mères se sont senties très proches de leur
nouveau-né.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
58
Question n. 8
Essayez de définir votre état d’âme
La dernière question se propose d'évaluer le
niveau de stress perçu au terme des
enregistrements.
Discussion
Les réponses obtenues à la dernière question
sont en majorité orientées vers le pôle positif :
72% des mères ont choisi l'image qui représente
l'absence de stress, tandis que seulement le 12%
ont marqué le premier niveau de stress.
L'absence d'une évaluation pré-test ne permet
pas une analyse comparative des conditions pré
et post intervention, toutefois on détecte un état
d’âme très positif, dans un contexte pourtant
difficile comme celui de la naissance
prématurée.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
59
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
60
Discussion générale
Le niveau d’anxiété normalement vécu par les
parents en USIN est très haut, soit dans la
période d’hospitalisation, soit à long terme, à la
suite de la démission.
Les parents commencent une relation directe
avec leur bébé dans où les causes de stress sont
nombreuses (2). Le tableau qui suit illustre les
sources de stress liées à la prématurité qui
peuvent avoir des impactes négatifs sur les
premières relations dans les dyades. Outre que
les facteurs liés à l’hospitalisation, de nombreux
facteurs liés plutôt à la naissance prématurée
rendent délicates les premières interactions : les
craintes pour la survie du bébé, pour son état de
santé à long terme et pour les possibles
complications dues à la naissance prématurée
sont des constantes causes de stress dans les
USIN (3). Les émotions et les sentiments avec
lesquels les mères doivent se confronter sont liés
souvent à un sens de culpabilité, à la honte et à
un état dépressif (4).
Une méta analyse identifie le besoin d’être inclus
dans les soins de leur bébé comme première
nécessité des parents en USIN avec le besoin
d’information (5). Dans la même direction vont
les remarques qui émergent de plusieurs études
et qui sont liées à la nécessité de promouvoir et
inclure la présence des parents dans les soins
intensifs néonataux (6). L’inclusion des parents
dans les soins introduit la nécessité de supporter
une relation mère-bébé fortement compromise
et compliquée. Les facteurs liés à
l’hospitalisation qui produisent une altération
des rôles parentaux sont nombreux . En premier
lieu la nature de la relation entre mère et
nouveau-né est publique : dans les chambres
partagées la présence de l’infirmière, des autres
parents nie une intimité légitime et la nécessité
de partager les soins peut induire dans les
parents sentiments d’inutilité et d’insuffisance.
Dans nos questionnaires les mères on reporté
dans le 73% des cas que leur enfant prématuré a
répondu à leurs «appels». Quasiment aucune
réponse négative n’a été formulée : les 27%
restants reflètent davantage une incertitude via
des réponses ‘ne sait pas’ ou des non-réponses.:
ce résultat est très confortant surtout si on tient
compte que les réponses comportementales du
bébé prématuré sont désorganisées et se
présentent en général d’une intensité mineure
(7). Les réponses comportementales sont plus
difficiles à lire et requièrent une majeure
sensibilité parentale pour arriver à une
régulation interactionnelle (8).
On peut conclure, en général, que les résultats
extrêmement positifs des questionnaires
confirment l’efficacité de notre étude.
Les retombées directes de l’étude sur les
représentations, sur les sentiments et sur le
compétences d’observation des mères qui ont
pris part à la recherche confèrent à l’étude une
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
61
valeur adjointe. On souhaite, à partir des
résultats positifs des questionnaires, que le chant
et la parole adressés au nouveau-né prématuré
puissent devenir un instrument utile pour
encourager la participations des parents aux
soins de leur bébé en USIN.
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LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
62
QUESTIONNAIRE POUR LA MERE
Nom mère _________________________________ Date ____________
Nom bébé ___________________________________ Enregistrement n. 1
1. Etait-il difficile de parler à votre bébé?
1
(très facile)
2 3 4 5 (pas du tout
facile)
2. Vous sentiez-vous à lʼaise en parlant à votre bébé?
1
(très à l’aise)
2 3 4 5(pas du tout à
l’aise)
3. Y avait-il une sorte de communication en parlant à votre bébé?
oui non peut-être je ne sais
pas
4. Pensez-vous que votre bébé vous écoutait parler?
oui non peut-être je ne sais
pas
5. A votre avis, a-t-il répondu à vos paroles?
oui non peut-être je ne sais
pas
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
63
6. Si oui, comment?
Avec les yeux
Avec le ton du
corps
Avec des
mouvements
Il a changé
d’expression
Autre
7. Vous sentiez dʼêtre près de votre enfant lorsque vous lui parliez?
1
(très proche)
2 3 4 5(pas proche du
tout)
1. Etait-il difficile de chanter pour votre bébé?
1
(très facile)
2 3 4 5 (pas du tout
facile)
2. Vous sentiez-vous à lʼaise en chantant à votre bébé?
1
(très à l’aise)
2 3 4 5(pas du tout à
l’aise)
3. Y avait-il une sorte de communication en chantant pour votre bébé?
oui non peut-être je ne sais
pas
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
64
4. Pensez-vous que votre bébé vous écoutait chanter?
oui non peut-être je ne sais
pas
5. A votre avis, a-t-il répondu à votre chant?
oui non peut-être je ne sais
pas
6. Si oui, comment?
Avec les yeux
Avec le ton du
corps
Avec des
mouvements
Il a changé
d’expression
Autre
7. Vous sentiez dʼêtre près de votre enfant lorsque vous chantiez pour lui?
1
(très proche)
2 3 4 5(pas proche du
tout)
8. Essayez de définir votre état dʼâme
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
65
1.6 Discussion générale
Mots-clés: chant maternel direct (PID singing: Preterm Infant Directed Singing) - événements critiques
cardio-respiratoires (CREs: bradycardie - hypoxémie - apnée) - état comportemental - parole maternelle
directe (PID speech: Preterm Infant Directed Speech) prématurité
Les résultats de l'étude ici présentée révélent
qu'une stimulation auditive de l'enfant prématuré
par la mère qui chante et parle en USIN a des
effets positifs sur ses paramètres physiologiques
et sur son état général d'éveil.
Étant donné que l'amélioration de l'oxygénation
est un paramètre clinique absolument clair, car
directement lié à la respiration, et en raison du
fait que le rythme cardiaque a été discuté dans
la section précédente, nous allons examiner ici,
en particulier, la diminution des événements
critiques cardiorespiratoires (CREs) et
l’augmentation de l'état d'éveil calme, noté
spécialement pour la condition de la parole.
Les événements critiques cardiorespiratoires
(CREs)
Les épisodes d'apnée sont très fréquents chez les
bébés prématurés et ils sont souvent associés au
degré d'immaturité physiologique de son système
nerveux autonome.
Ces épisodes sont automatiquement détectés par
les monitors, et par le système standard de
surveillance adopté dans les unités de soins
intensifs néonatales. Une apnée est donc signalée
quand se présente une pause dans la respiration
de plus de 20 secondes, soit plus de 5 secondes si
elle est accompagnée par bradycardie (HR <100
bpm) et désaturation (SpO2 <85%): ces dernières
sont souvent associées (1 - 3). D'un point de vue
histologique, les centres respiratoires du tronc
cérébral du nouveau-né prématuré sont
caractérisés par un nombre réduit de connexions
synaptiques et par une pauvre myélinisation (4),
toutefois l'étiologie de ce type d'événements
n'est pas encore claire.
Les événements critiques cardiorespiratoires ne
semblent pas avoir des conséquences à long
terme et sont considérés comme faisant partie
de l'adaptation physiologique de l'enfant
prématuré à la vie extra-utérine.
Cependant une présence importante de ces
événements peut provoquer une diminution du
débit sanguin cérébral, ce qui pourrait mettre le
bébé à risque d’ischémie (5). En absence
d'études définitives sur la question il est d'usage
en USIN de prévenir ces épisodes à travers les
pratiques pharmacologiques, comme
l'administration de caféine ou d'autres stimulants
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
66
génériques du système nerveux central. De telles
pratiques ne sont pas exemptées d'avoir des
effets pharmacologiques secondaires (6).
La diminution des CREs a lieu progressivement au
cours de la maturation du nouveau-né, avec
l'augmentation de l'âge gestationnel.
À ce jour, de nombreuses études suggèrent que
la régulation des évènements critiques du
nouveau-né puisse dépendre outre que des
facteurs liés au développement, aussi de
l’environnement. En particulier, le bruit excessif
un USIN peut avoir des impacts négatifs sur la
régulation du système cardio-respiratoire
spécifiquement pour les nourrissons d’âge
gestationnel très bas (7-8).
L'exposition de l'enfant prématuré à la voix
maternelle enregistrée et à son rythme cardiaque
a produit des améliorations dans la régulation
cardio-respiratoire, observable dans la
diminution de la fréquence des événements
cardio-respiratoires (9).
Cependant, aucune étude à présent avait
enquêté les effets potentiels de régulation de la
voix maternelle directe et contingente sur les
événements critiques du nouveau-né prematuré
hospitalisé.
Nous présentons en détail les résultats de notre
étude dans le graphique qui suit.
On voit clairement que le nombre d'événements
critiques diminue de façon décisive en présence
de la voix maternelle directe et contingente.
Ce résultat devrait encourager la mise en œuvre
des interventions directes en USIN dont l'objectif
principal est d'impliquer activement les parents
et de les soutenir dans les interactions précoces
avec leur enfant.
Augmentation des états d'éveil calme (Quite
Alertness State)
Les bébés prématurés qui présentent un bon
niveau général du point de vue de l’auto-
régulation sont en mesure d'atteindre et de
maintenir en autonomie un état d'alerte calme et
des périodes, quoique brefs, d'interaction avec
les adultes. Ces fenêtres d'attention et de
disponibilité sensorielle sont précieuses pour le
développement neurologique du nouveau-né et
pour l'attachement précoce entre mère et enfant
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
67
(10).
Quand, au contraire, le niveau de l'organisation
globale de l'enfant prématuré n'est pas
suffisamment développé, les périodes d'éveil
calme sont extrêmement rares et le bébé peut
passer d’un état de sommeil à un état d'hyper-
vigilance, sans être en mesure de s’éloigner de
facto d’une interaction peut-être trop intense.
Il est très important de partager ces observations
avec les parents, de les rassurer que ce n'est pas
en raison de leur présence que le bébé montre
des signes d’hyper-alerte, mais que sa capacité à
tolérer une stimulation importante est encore
limitée.
Grâce à une série d'ajustements réciproques
dérivant de l'observation attentive des effets
comportementaux de l'enfant, les parents seront
capables d'apprendre à lire leur bébé et à se
syntoniser sur lui.
D'après nos recherches, il est clair que la voix
maternelle induit une augmentation de l'éveil
calme, qui passe du 5% en absence de
stimulation, au 15% pour la condition du chant et
au 29% pour la parole.
L’état de sommeil profond diminue
sensiblement, passant du 43% dans la condition
sans stimulation au 22% pour le chant et au 7%
pour la parole.
Il est évident du graphique qui précède que la
parole de la mère a augmenté l’éveil calme
beaucoup plus que le chant, qui présente au
contraire un pourcentage encore important de
sommeil profond, un état qui va presque
disparaître dans la stimulation parlée.
On peut conclure que l'effet différencié entre le
chant et la parole est intimement lié à la nature,
aux fonctions et aux contenus du chant et de la
parole adressés à l'enfant prématuré.
Qu’est que chantent et disent les mères en USIN?
Les paroles et les chansons en USIN ont eu des
effets comparables sur le nouveau-né prématuré
en termes de paramètres physiologiques, mais
différenciés par rapport à son état
comportemental.
Les mères étaient libres de choisir le contenu de
leur chant et de leur parole.
Pour le choix des chants à proposer, les mères
semblaient plus incertaines et souvent elles
demandaient des suggestions lors de la réunion
préliminaire, tandis que pour les contenus de la
parole elle n’avaient jamais besoin d’être
supportées.
Le protocole prévoit qu'elles soient libres de
choisir le type de chant, à condition qu'il soit en
quelque sorte significatif pour elles et où elles se
sentent à l'aise.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
68
On a insisté, lors de la réunion préliminaire, sur
le fait que l’exactitude de l'intonation n'est pas
un élément essentiel dans la communication à
travers le chant et que même la variété des
chants ou les mots des chansons ne représentent
un problème: d’après notre protocole, une
mélodie peut être répétée pendant toutes les 5
minutes disponibles et le texte même peut être
remplacé par des syllabes non-sens.
Le répertoire peut appartenir à des différents
genres musicaux, tant qu'ils ne soient pas
porteurs de difficultés pour la mère qui chante.
Le protocole prévoit donc de demander aux
mères de chanter un chant significatif, facile,
avec lequel se sentir à l'aise.
Les choix du répertoire du chant ont étés très
différents: les chansons pop italiennes ont été
souvent choisies par les mères (le 40% du
répertoire chanté appartient à ce genre de
musique), mais aussi les chansons traditionnelles
italiennes et régionales (32%); tandis que les
berceuses et, en général, les chants d'enfants,
ont représenté le 17% et l’11% de l'ensemble du
répertoire. Contrairement aux attentes initiales
le répertoire spécifique pour les enfants, de
berceuses, comptines ou chants de jeux,
n'atteint pas des pourcentages élevés.
Ces résultats ne sont pas généralisables, en
partie en raison de la petite taille de
l'échantillon et en partie parce que la plupart des
mères incluses sont primipares et toutes se
trouvent dans les particulières conditions de
l’hospitalisation.
Cependant, on peut se demander si le répertoire
choisi restera toujours le même dans les
premières années de la vie de l’enfant; on peut
supposer que l'équilibre entre les genres
musicaux choisis va changer et un genre
spécifique pourra se révéler, avec le temps, plus
fonctionnel pour le jeu face-à-face ou pour
faciliter l'apprentissage de nouveaux contenus.
Dans la stimulation parlée les mères étaient au
contraire plus autonomes dans le choix des
contenus: elles ne racontent pas des histoires
inventées ou de fantaisie, mais pendant le cours
des 5 minutes requises elles décrivaient des
événements réellement passés ou elles faisaient
des plans pour l'avenir (par exemple, lorsque
nous serons ensemble à la maison ...).
Dans un cas, une mère a décidé de lire une conte
à son bébé en couveuse. La lecture, de la durée
de quelques minutes, a été suivie d'une phase de
parole spontanée.
L’analyse comparée de la lecture ou de la parole
spontanée nous peut fournir des excellentes
données en termes de expressivité vocale et de
expression des émotions. Il s’agit d’une piste de
recherche qui mérite un approfondissement dans
les prochaines étapes.
D'une première vision des vidéos, on peut
observer que la lecture présente une intensité
plus homogène par rapport à la parole : elle
présente moins de pics, moins de changements
imprévisibles et de nouveautés.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
69
La lecture est en effet caractérisée par un
rythme plus régulier, intimement lié à la
signification du texte et pas du tout dépendant
des réponses comportementales du nouveau-né.
Au niveau postural la mère, en lisant, était en
position écartée par rapport à la couveuse et elle
tournait rarement le regard vers son enfant.
Ces premières observations, de nature
certainement non quantitative, nous permettent
néanmoins de formuler quelques hypothèses.
Nous supposons que la parole directe et
contingente est plus expressive de la lecture, en
termes de variations de la fréquence
fondamentale, du rythme et d'intensité.
On prévoit, à l'avenir, d’analyser soit en termes
sonores, soit mimique-posturales, les
caractéristiques propres des ces deux modalités
distinctes de communication. Telle analyse
pourra avoir un impacte dans la pratique clinique
en USIN : de plus en plus les parents sont
supportés pare des groupes de lecteurs
volontaires qui portent des livres dans les
hôpitaux et qui encouragent la lecture. On
pourra envisager une présence vocale maternelle
mixte auprès de la couveuse, qui commence par
la lecture, en passant par la narration d’histoires
jusqu’à la libre improvisation parlée.
REFERENCES
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PARTE SECONDA
REGOLAZIONE RECIPROCA II
DEUXIEME PARTIE
REGULATION RECIPROQUE II
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
72
2. 1 Introduction
La deuxième partie de notre travail est
consacrée à la dimension bi-directionnelle de la
communication entre mère et enfant, dans le
contexte des interactions dyadiques.
Nous allons nous concentrer, en premier lieu,
sur les aspects qui décrivent les effets de
l'enfant sur la mère, en particulier sur la voix
de la mère ; nous allons mettre en évidence les
aspects qui caractérisent l'enfant en tant que
sujet actif et régulateur de l'interaction à
partir de ses premières heures de vie.
Deuxièmement nous décrirons ce que Papousek
et Papousek (1) ont défini comme “intuitive
parenting”, ou parentalité intuitive: toutes ces
formes à travers lesquelles l'adulte tende à
adapter son comportement au nouveau-né, en
accentuant l'expressivité de ses paroles et de
ses gestes afin de promouvoir le processus
communicatif.
2.1.1 Paroles et chant maternels sont modulés par les réactions du nouveau-né
Si dans la première partie de l'article, nous
avons analysé les effets de la voix maternelle
sur le nouveau-né prématuré, dans cette
deuxième partie notre attention se porte sur
tous les aspects de la voix maternelle qui sont
modifiés par les comportements interactifs des
bébés, partenaires actifs de la communication.
Nous savons que quand une mère, ou un adulte
en général, s'adresse à un enfant, il le fait en
utilisant des particulières formes vocales
expressives qui sont adaptées aux capacités
perceptives et à l'état de l'enfant.
Les nombreuses études qui se sont concentrées
sur l'analyse acoustique de la parole et du
chant adressés au nouveau-né identifient avec
grande précision ses propriétés: un ton
globalement plus haut, une plus grande
variabilité des hauteurs, une exagération des
contours prosodiques, des phrases plus courtes
ponctuées par des silences plus longs et une
plus ample utilisation des silences et des
répétitions (2). Toutes ces caractéristiques font
du parler-bébé un parler musical (3-4).
Le parler-bébé a été étudié dans ses plusieurs
fonctions: la régulation de l’émotion (5), la
consolidation du lien d'attachement (6). Ses
valeurs pédagogiques, pour l'acquisition des
compétences cognitives et sociales ont été
particulièrement soulignées (8). De nombreuses
études ont également démontré que le bébé
préfère le infant directed speech au langage
adressé aux adultes: on a souvent formulé
l’hypothèse que la préférence du parler-bébé
est liée au développement de ses capacités
perceptives (8). L’infant directed
speech s’adapte aux capacité des bébés et aux
réactions comportementales du partenaire
(partner).
Cependant, malgré les réactions positives que
les nouveau-nés et les enfants manifestent en
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
73
présence du parler-bébé et malgré qu’on
connaisse les capacités des adultes de
s’adapter aux réponses du bébé, on sait très
peu des caractéristiques acoustiques de ces
adaptations de la voix maternelle en présence
des signes positifs du bébé. On peut se
demander, alors, quels sont les paramètres de
la voix maternelle dans lesquels se manifestent
les changements dus à un signal
comportemental positif de l'enfant.
Dans un contexte d'observation naturelle, où
l'influence mutuelle est continue et où les
ajustements de la voix maternelle répondent à
des dynamiques interactionnelles complexes, il
est très difficile de donner une réponse à ces
questions.
Fig. 1 Cette Figure illustre la circularité de la
communication entre la mère et l'enfant. Tiré
de Smith, N. A. and Trainor, L. J. (2008),
Infant-Directed Speech Is Modulated by Infant
Feedback. Infancy, 13: 410–420
Il semble particulièrement important de
signaler ici les résultats d'une étude menée
auprès de 18 dyades de mères et enfants de 4
mois (9). L'étude vise à analyser les
changements dans la voix maternelle en
présence de comportements positifs de
l'enfant.
Les chercheurs ont recréé une situation de
laboratoire qui leur permettaient de contrôler
les changements du parler-bébé: ils ont séparé
physiquement mères et enfants, en demandant
aux mères de parler ou de chanter avec
l'intention de les rendre heureux. Les enfants,
là l'insu des mères, interagissent en fait avec
un expérimentateur qui, en fonction de
l'analyse acoustique de la voix maternelle, doit
stimuler ou ignorer l'enfant.
Les mères ont été divisés en deux groupes:
avec le premier, le chercheur devait interagir
et stimuler l'enfant jusqu'à ce que la hauteur
de la voix maternelle restait au-dessus de la
baseline, en produisant ainsi un renforcement
positif; avec le second groupe, au contraire, le
même renforcement devait être émis par
l'expérimentateur lors que la voix maternelle
était inférieure à son niveau de base.
Les résultats démontrent que les mères
augmentent le pitch du leur déjà haut parler-
bébé beaucoup plus dans le premier que dans
le second groupe; on en conclut que la mère
est sensible aux changements positifs de son
nouveau-né et que cette sensibilité se traduit
par une augmentation de la hauteur du parler-
bébé.
Que la mère était sensible aux changements de
son propre partenaire est peut-être évident: de
nombreuses études ont démontré la capacité
maternelle de s'adapter à l’âge et au
développement du nouveau-né, ainsi que à son
état. Ce qui est moins évident est l'analyse
acoustique détaillée des changements que les
comportements positifs du nouveau-né
induisent dans la voix maternelle.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
74
Le paramètre vocal dans lequel se reflète la
sensibilité maternelle est la hauteur (le pitch),
qui a été également le seul paramètre pris en
compte dans l'étude qu’on décrira dans le
prochain chapitre.
Il est intéressant de noter que, même dans nos
analyses, la hauteur des sons (dans notre cas la
F0min) s'avère être le paramètre qui enregistre
plus efficacement les variations liées à une
réponse positive du nouveau-né.
REFERENCES
1. Papoušek H, Papoušek M, Bornstein MH,
(Ed), (1995). Intuitive parenting, in Handbook
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3. Fernald, A. (1992). Meaningful melodies in
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4. Papoušek, M. (1992). Early ontogeny of vocal
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H. Papoušek, U. Jurgens, & M. Papoušek (Eds.),
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5. Trainor, L. J., Austin, C. M.,&Desjardins, R.
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or happy talk? Infancy, 3, 365–394.
7. Papoušek et Papoušek (1989): Forms and
functions of vocal matching in interactions
between mothers and their pre-canonical
infants, First Language, 9: 137-158.
8. Cooper, R. P., & Aslin, R. N. (1990).
Preference for infant-directed speech in the
first month after birth. Child Development, 61,
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9. Smith, N. A. and Trainor, L. J. (2008),
Infant-Directed Speech Is Modulated by Infant
Feedback. Infancy, 13: 410–
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
75
2.1 Evaluation de l’expression des émotions dans la voix
maternelle Test réalisé avec la collaboration de Didier Grandjean*, Kim Eliard*, Eric Werner
Federau* * Université de Genève, CISA (Swiss Center of Affective Sciences)
Mots-clés: émotions expression des émotions jugement adulte prématurité
test voix
« En principe était la voix ». Il existe un lien
intime entre les émotions et l'expression vocale.
La voix apparaît en effet comme un des canaux
les plus anciens utilisés par l’homme pour
exprimer ses émotions.
Si l’on se place dans une double perspective
phylogénétique et ontogénétique, l'expression et
le partage des émotions se révèlent être des
compétences essentielles pour la survie des êtres
humain. La voix, comme nous le rappelle Darwin,
[…] « constitue un moyen d’expression d’une
incomparable valeur » et, encore « […] l’emploi
des organes vocaux aurait donc été d’abord
associé au prélude de la plus vive jouissance que
l’individu soit capable de ressentir » (1). Dans le
sillage des découvertes de Darwin, de
nombreuses études sur l’expression vocales
humaines ont adopté une perspective
évolutionniste (2).
Dans le présent travail, nous avons approfondi les
caractéristiques de la voix et cherché à
comprendre son rôle et son usage dans le cadre
des relations mère-enfant. Nous avons montré
que la voix représente un instrument
indispensable pour le développement de
l’enfant, qui favorise et promeut ses premières
interactions sociales.. Nous avons en particulier
porté notre attention à la voix maternelle. Nous
avons ainsi révélé que cette voix assume des
traits musicaux quand elle doit conduire,
éduquer, encourager, consoler ou convaincre.
Une voix que nous discuterons en détail dans le
paragraphe qui suit et qui transmet l'émotion
d'un regard ou d'un sourire partagés. Une voix qui
a son origine dans un corps, dans un état
émotionnel, dans une histoire et des intentions
du moment présent.
Nos états émotionnels se révèlent dans notre voix
suivant des modalités complexes à déchiffrer..
Afin d’aborder de manière systématique ces
caractérisques, nous avons adopté la théorie de
K. Scherer (3) sur l’expression vocale. Le principe
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
76
général qui guide la théorie de Scherer est que la
nature du processus de phonation et de
résonance de la voix est essentiellement liée à
des variables physiologiques. Par exemple, la
colère produit une tension dans les muscles du
larynx, combinée à une augmentation de la
pression de l’air au niveau de la glotte: ces
processus physiques modifient certaines
caractéristiques de la voix, comme l'attaque, la
fin, le timbre, la graine. L'expression vocale qui
se traduira ainsi va nous fournir des informations
détaillées sur les patterns vocaux spécifiques
associés à différentes émotions (4).
La théorie de Scherer (3) identifie les
caractéristiques des expressions vocales des
«émotions primaires (ex : joie, peur)», et elle
détermine les profils d'intonation spécifiques qui
expriment les "composants" des processus
émotionnels. Le composant principal de
l’expression vocal selon Scherer est le processus
d’évaluation des stimulus (stimulus evaluation
check). L'auteur suppose que les processus
activés à partir de cette évaluation (tels que
l'effet de novelty, se trouver dans une situation
nouvelle, ou de intrinsic pleasantness, percevoir
la situation comme agréable) produisent des
effets spécifiques sur le système nerveux central
qui, à son tour, modifie la tension de la
musculature chargée de la production vocale.
Scherer nous fournit des indications essentielles
pour comprendre la relation entre la voix et les
émotions primaires, et entre l’expression vocales
et certains composants du processus émotionnel
(ex : évaluation d’une situation plaisante ou
déplaisante).
Notons l’application au domaine de la musique
vocale des distinctions énoncés ci-dessus (Luca
Marconi (7). La possibilité d’identifier les
émotions à partir de certains patterns
acoustiques a captivé, au cours du temps,
philosophes, musicologues et psycholinguistes.
Ces réflexions sont liées à une tradition de
pensée sur la relation entre l'âme humaine et les
comportements vocaux, y compris le chant. Ce
n'est pas l'occasion d'entrer, ici, dans un débat
spécifique qui a été ouvert, dans la littérature la
plus proche de nous, par Robert Francès (5) et
Leonard Meyer (6); il nous suffit de ne pas
oublier que les réflexions sur la musique vocale,
en particulier, nous peuvent guider à travers
l'étude des “schémas vocaux expressifs d'un
sentiment”, qui sont à la base, par exemple, du
symbolisme affectif spécifiquement musical.
2.1.1 Expressions vocales et expériences
émotionnelles
Nous avons considéré jusqu'ici les expressions
vocales répondant aux émotions dites
«primaires» ou «de base» (8). Pour approfondir,
Scherer, avec le concept de l’évaluation du
stimulus, ajoute à sa théorie des émotions
certains composants qui interviennent dans le
processus phonatoire et qui ont à voir avec la
modalité dans laquelle l'émotion est vécue par
l’auditeur. A côté de ces derniers il y a de
nombreux autres processus liés à des émotions
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
77
qui ne répondent pas à un nom, à une émotion
particulière, mais qui semblent être des qualités
dynamiques de cette émotion.
Ces considérations rappellent les distinctions
faites par Daniel Stern entre "affects catégoriaux"
et "affects de vitalité" (vitality affects), concepts
auxquels nous nous sommes déjà référés dans les
chapitres précédents (9). Les affects de vitalité,
selon Stern, sont importants pour décrire de
manière dynamique les émotions proches de
l’expérience ; ils sont provoqués par des
changements d’état de motivation, d’appétit ou
de tension. Ces concepts sont intimement liés à
l’expérience du nourrisson qui, plus que
d’émotions stabilisées et clairement définies,
ferait l’expérience de formes dynamiques des
émotions. Stern décrit par exemple des formes
“explosives”, situées dans des “crescendo” ou
“diminuendo” ou encore qui “surgissent et
s’évanouissent”. On voit très clairement qu’une
des dimensions les plus remarquables des formes
dynamiques des émotions est représentée par la
temporalité; comme si l’émotion était avant tout
une forme de temps vécu (10). Les contours de
vitalité constituent donc pour le nourrisson des
unités d’expérience vécue. Lorsque l'enfant
observe un comportement parental qui n’exprime
pas en soi une émotion discrète, “il peut se
trouver dans la condition d'un spectateur qui
assiste à un ballet ou qui écoute de la musique"
[(9), p. 71-72]. La référence constante de Stern à
la musique et à la danse, en tant que formes
expressives des émotions, revient quand il nous
rappelle que “la danse et la musique sont les
exemples par excellence de l’expression des
affects de vitalité” [(9), p. 71]. Stern utilise ainsi
de manière répétée l'analogie musicale pour
décrire les formes d'expression des affects de
vitalité. Cette référence au domaine musical
nous a aussi été utile pour l'analyse et la
discussion de la troisième et dernière partie de
notre étude consacrée à la microanalyse de
l’interaction entre mère et bébé prématuré.
2.1.2 Détecter les émotions dans la
voix: le test sur l’expressivité vocale
Introduction
Un auditeur est-il capable de discriminer les
émotions en écoutant une voix? Peut-il distinguer
entre différents degrés d'expressivité d’une voix?
Enfin, un auditeur peut-il distinguer une voix qui
pleure, d’une qui rit, qui sourit, même lorsque
ces émotions ne s’expriment pas d’une façon
manifeste et univoque mais qu’elles se révèlent
de manière plus subtile et mélangées?
Les questions posées ont guidé la recherche
psychologique dans ce domaine et la réponse a
été affirmative: les auditeurs sont généralement
en mesure de comprendre l'état affectif de
l'autre et ses intentions simplement en écoutant
la voix (11).
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
78
Des analyses récentes confirment que la
communication des émotions dites « de base » se
déploie avec un degré de précision quatre ou
cinq fois plus élevée que la réponse aléatoire
(12).
L'expression vocale des émotions peut être
reconnue par des cultures qui sont très différents
les unes des autres et il semble que, comme
l'expression faciale des émotions, elle aussi ait
un caractère universel (13-14).
L'aspect curieux, mis en évidence par Scherer
(15), est que si l'auditeur est capable de bien
décoder les émotions à partir expressions
vocales, quand on étudie les propriétés
acoustiques de ces expressions il devient très
difficile de définir les spécificités exactes qui les
lient à une émotion particulière.
La dichotomie de la voix déchiffrables /
indéchiffrable, peut être expliquée du fait que
l'expression vocale de l'émotion a pour but
l'induction dans l'autre de telle émotion et non
simplement son expression (16). Plusieurs
composantes, donc, interviennent, au moment
de l’expression vocale d’une émotion (encoding)
et de la réception de l’expression vocale
(decoding). L’adaptation du modèle de Brunswik
par Grandjean et ses collègues (17) synthétise
l’ensemble du processus (Figure 1).
Fig 1. Adaptation par Didier Grandjean et ses collègues du
« Brunswik lens model », qui inclut l’influence des
conventions, des normes, des règles explicites (pull effects)
et des méchanismen psychobiologiques (push effects) sur les
vocalisations produites par le locuteur (encoding) et les
influences spécifiques des ces deux aspects sur les
attribution de l’auditeur (decoding). Tiré de Grandjean, D.,
Bänziger, T., Scherer, K. R. (2006). Intonation as an interface
between language and affect. Progress in Brain Research,
156, 237.
Les modalités que notre cerveau utilise pour
traiter et décoder les caractéristiques émotives
présentes dans la voix humaine sont étudiées en
détail par les études neuro-scientifiques que nous
allons analyser.
Pour la discussion qui suit, nous nous sommes
basés sur la méta-analyse menée par Frühholz et
Grandjean (18), qui vise à fournir un cadre
détaillé des études récentes réalisées avec les
techniques de fMRI et PET se concentrant les
processus du cerveau en réponse à l'expression
vocale, dans les aires corticales temporales
supérieures (STC), y comprises les régions du
cortex auditif (AC) primaire et secondaire.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
79
Des aires spécifiques du cerveau, qui sont
activées en présence de la voix humaine mais
non par des sons environnementaux, ont été
identifiées (19). Plus précisément,dans des aires
spécifiques sensibles à la voix humaine, il y a des
régions plus sensibles à la prosodie émotionnelle
qu’à un ton vocal neutre (20-21).
Ces résultats, ainsi que l'identification plus
générale d’aires spécifiques associées aux
fonctions émotionnelles, conduisent à
l'identification d'une aire générale de l’émotion
vocale (emotional voice area, EVA), qui
corresponde au décodage des aspects
émotionnels liés à la voix humaine (22). L'aspect
intéressant qui ressort de cette étude est que
l'EVA, ainsi que les régions corticales sensibles au
décodage des émotions, montre une grande
extension (broad extension) et implique, plus
largement, des différents niveaux du processus
auditif.
L'hypothèse selon laquelle il existe une
répartition de fonctions différentes dans les aires
associées au processus auditif est à ce jour
accréditée: les propriétés acoustiques de
l'expression vocale sont décodées à un niveau
plus bas dans les régions auditives, alors qu’à un
niveau supérieur un divers processus intègre, par
exemple, la perception sensorielle avec les
perceptions traités précédemment, en les
situant dans leur contexte temporel. Des pics
d'activation caractérisent également la réponse à
l’expression vocale émotive ; la présence des
pics d’activation et l'extension des aires chargées
de décoder les émotions soutiennent l'hypothèse
selon laquelle il y a une répartition des
différentes fonctions dans les aires associées au
processus auditif.
En particulier, une différenciation des aires
activées par le processus auditif de l’expression
vocale émotive, toujours selon les auteurs de la
méta-analyse (18), est étroitement dépendante
des facteurs liés à la spécificité du stimulus.
Facteurs tels que (a) le type de tâche confiée à
l'auditeur, qui sera appelé à discriminer
explicitement les émotions ou à se concentrer
sur d'autres détails, en processant l’expression
vocale émotive en manière indirecte (22); (b) la
valence du stimulus (positif ou négatif) et (c) le
médium, selon qu'il s'agit d'expression non
verbale ou de intonations émotionnelles
spécifiques, tels que des éléments prosodiques et
para-verbaux.
Notre cerveau, par conséquent, traite et décode
les caractéristiques émotionnelles de la voix dans
des aires à grande extension (broad extension);
différents niveaux du processus auditif sont
impliqués et les aires concernées sont
strictement dépendantes de la fonction dont
elles sont responsables dans le processus même.
Elles sont, enfin, strictement dépendantes des
caractéristiques spécifiques du stimulus (valence
et médium) et du type d'attention qu'on exige de
l'auditeur (directe ou indirecte par rapport à
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
80
l'émotivité de l’expression vocale).
Dans l’analyse exposée au chapitre précédent,
nous avons analysé les caractéristiques
acoustiques de la voix maternelle en présence
d’un signal positif d’engagement du nouveau-né.
On se propose ici d’évaluer l’expression de
l’émotion présente dans la voix maternelle, à
travers les jugements adultes de ces mêmes
extraits. Les participants sont ainsi appelés à
juger le niveau d’émotion présent dans la voix de
la mère lorsqu’elle parle et chante pour son bébé
prématuré dans la couveuse. Dans le présent test
l'auditeur a été invité à se concentrer sur le
degré émotionnel présent dans la voix
maternelle. On se propose de comprendre si les
caractéristiques acoustiques d’une expression
vocale maternelle, lorsqu'elle est en présence
d'un signal positif de l'enfant, sont perçues par
l'auditeur comme plus expressives.
On formule les hypothèses suivantes : (a) les
extraits en présence d’une réponse positive du
bébé prématuré sont jugés comme plus
émotionnels ; (b) il y a un effet de médiation,
une corrélation entre les réponses au test et les
données acoustiques des extraits présentés dans
l’article 2. On s’attend à ce que les extraits qui
présentent une majeure variabilité de la F0 et un
pitch plus élevé sont jugés comme plus
émotionnels. Ces extraits correspondent, dans
l’article 2 qu’on vient de présenter, aux extraits
vocaux en présence d’un signal positif du
nouveau-né prématuré.
Méthodologie
Participants
30 participants seront inclus dans notre étude,
limités par tranche d’âge (18-40); ils ne doivent
être ni mères-ni pères et leur langue maternelle
ne doit pas être l’italien.
Extraits vocaux
Les séquences audio de chant et parole
maternelles qui ont été retenues pour les
analyses sont présentées dans le tableau 1.
Tableau 1. Caractéristiques des extraits qu’on fait juger.
OE= Open Eyes, SLR= Simultaneous Lip-corner Raising ;
Pour chaque extrait en présence d’une réponse
positive du prématuré, ouverture des yeux (Open
Eyes) et soulèvement simultané des angles de la
bouche (Simultaneous Lip-corner Raising) on a
choisi pour l’analyse comparative un extrait de 5
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
81
secondes qui le précède (pre) et un extrait, de la
même durée, pris par hasard dans le même
enregistrement, mais en absence d’un signal
positif du bébé (no).
Pour le jugement on a ainsi un total de 32 blocs
de 3 extraits chacun (pre, yes, no), pour une
durée totale de 772 sec. Dans chaque bloc on
trouve les extraits correspondants au même
enregistrement de la même mère, dans la même
condition (chant ou parole) ; l’ordre des trois est
randomisé.
La sélection des séquences se base sur la
détection des signaux positifs des nourrissons,
qui ont été détectés en utilisant le logiciel
ImageJ (http://rsb.info.nih.gov/ij ) sur les pistes
vidéo à travers une frame by frame vidéo
microanalyse par deux observateurs
indépendants.
Pour avoir plus de détails sur la sélection des
séquences voir l’article 2, à la partie
méthodologie.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
82
Fig 2. Exemple de bloc contenant les trois extraits. Les blocs sont randomisés pour chaque participant et l’ordre des extraits dans
chaque bloc est randomisé
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
83
Structure du Test
Le test se compose de plusieurs phases et il
présente une durée estimée de 45 minutes. Il
commence par une page d’accueil, composée par
un texte d’introduction et par les instructions sur
les différentes phases du test.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
84
Questionnaire démographique
Avant de commencer le test, un questionnaire
démographique est administré.
Le questionnaire démographique qui suit a
l’objectif d’exclure les participants qui déclarent
d’avoir l’italien comme langue maternelle ou
couramment parlée.
On suppose que la compréhension du contenu
transmis par la voix maternelle puisse être une
variable intervenante dans le jugement de
l’expressivité de la voix maternelle. On croit, en
outre, que le fait d’avoir eu des expériences dans
le soin dés bébés ou d’avoir étudié/approfondi la
thématique des premières interactions entre
mère et bébé, bien qu’ils ne soient pas des
conditions d’exclusion du test, peuvent être des
variables intervenantes.
Phase d’apprentissage
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
85
Il s’agit de la page de test avant le début de
l’expérience. Cette page permet à l’utilisateur
de se familiariser avec le test. Elle contient 3
extraits (un pre, un yes, un no) et 3 jugements, à
la question « Quel est le niveau d’émotion
exprimée dans la voix ? », permettant de les
évaluer (sliders de 0 à 100, 0 => très faible, 50 =>
neutre, 100 => très forte). Sur cette page, un
pseudo a été créé pour différencier les différents
utilisateurs (utile pour évaluer les résultats). Le
test contient 32 blocs de 3 extraits (à chaque fois
un pre, un yes, un no). Différentes listes,
contenant à chaque fois tous les blocs, sont créés
en fichier .txt (un extrait par ligne dans le
fichier). Une de ces listes est chargée
aléatoirement à ce moment-là, pour permettre
le début du test. Un bloc spécifique pour
l’apprentissage à été crée : cette liste ne fait pas
partie des 32 blocs du test. Un bouton à la fin de
la page permet à l’utilisateur de commencer le
test. Les résultats de la phase d’apprentissage ne
sont pas enregistrés.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
86
Phase de test
Le test est composé de 33 pages (32 pages
d’évaluation et 1 page de repos au milieu du
test). Chaque page contient un bloc (trois
extraits + 3 fichiers de jugements => un fichier
par extrait). Une barre de progression sera
visible sur la page, permettant à l’utilisateur de
voir sa progression dans le test.
L’utilisateur a la possibilité d’écouter plusieurs
fois les extraits. L’ordre d’écoute sera enregistré
dans la base de données. Les résultats des
jugements de tous les extraits seront enregistrés
dans la base de données. Un bouton en fin de
page permet de passer au bloc suivant.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
87
Questionnaire final musical
Une fois les 32 blocs jugés, le questionnaire
musical et le questionnaire ERI est affiché. Les
réponses seront enregistrées dans la base de
données. Un bouton en fin de page permet de
passer à la page de conclusion du test. Le
questionnaire musical a été élaboré par le CISA
(Centre Interfacultaire des Sciences Affectives),
ainsi que la version présente du questionnaire IRI
et l’interface virtuelle du test. Les participants
au test trouvent dans le questionnaire un certain
nombre d'activités musicales. Pour chacune
d'elles ils doivent indiquer à quelle fréquence ils
effectuent l'activité (jamais ou rarement -
parfois - souvent - fréquemment). Le présent
questionnaire musical constitue seulement une
partie du questionnaire entier. Pour des raisons
de longueur du test et de concentration des
juges on a décidé de proposer seulement 11
questions musicales.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
88
Questionnaire final IRI (Interpersonal Reactivity
Index)
Le questionnaire IRI se propose de mesurer le
degré d’empathie (ou de réactivité
interpersonnelle) d’un individu. Le questionnaire
de auto-évaluation de l’empathie a été conçu par
Davis dans les années ’80 (24), il présente des
caractéristiques de bonne stabilité et cohérence
et il est très répandu dans les recherches sur
l'empathie en psychologie
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
89
Page de conclusion et résultats
Un message de remerciements est affiché à l’utilisateur. Les résultats seront affichés sur un tableau excel,
mais le test n’a pas encore été administré à présent.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
90
REFERENCES
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emotions in man and animals (3rd ed.). London:
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LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
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PARTE TERZA
REGOLAZIONE RECIPROCA III
TROISIEME PARTIE
REGULATION RECIPROQUE III
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
93
Introduction
Dès les premiers instants après la naissance, le
bébé et la mère vivent des moments de profonde
union, dans un complexe système de régulation
mutuelle (1). Les premiers comportements
sociaux du nouveau-né sont essentiels pour
façonner le début des expériences d'échange avec
l'adulte et ils font de lui un partenaire actif et
socialement responsable. Ils sont aussi le résultat
d’une complexe évolution prénatale au niveau
ontogénétique et d’une fonction d'adaptation et
de survie au niveau phylogénétique.
Ce qui lie inextricablement une mère à son
enfant est incarné dans des moments de
syntonisation ou, comme le décrirait Daniel Stern
(2), de partage de formes dynamiques des affects
de vitalité. Ces ‘moments’ sont de très courte
durée et correspondent à la convergence de
plusieurs comportements : les regards se
croisent, les mouvements des mains se
synchronisent avec la rythmicité de la voix ou du
souffle de la mère, le tonus des corps est ajusté
pour se correspondre..Le nourrisson né à terme
accroche le regard de la mère dès les premières
minutes après la naissance et peut déjà
synchroniser le rythme de succion, comme lors de
la première tétée, à ceux de son environnement.
Dans le cas particulier de la naissance
prématurée et de la conséquente hospitalisation
du nouveau-né, ces moments de rencontre
peuvent soutenir l'attachement naissant. Mais ils
vont souvent se faire attendre, ou passer
inaperçus. Et ils se manifestent de façon
différente et à des moments inattendus.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
94
3.1 A l'aube de l'expérience intersubjective
Primary intersubjective contact in a bodily and immediate sensory manner, beginning at birth and entailing inter alia imitation, embodied simulation of movements, protodialogue, and other mutual modes of affective attunement and engagements in the mutual mode of felt immediacy. Bråten, Stein (2009) The Intersubjective Mirror in Infant Learning and Evolution of Speech.
Quand commence l'expérience
intersubjective d'un être humain? Quand et
comment peut-on en étudier le début? Et
comment se manifeste l'intersubjectivité
chez le nouveau-né, en particulier chez le
nouveau-né prématuré?
Stein Bråten (3) nous offre des éléments de
réflexion, provenant de différentes
disciplines et domaines de la connaissance,
permettant d’aborder la question complexe
de la conscience dans ses diverses
dimensions. Dans le même sens, Manuela
Lavelli (4) enquête sur l'ontogenèse de
l'expérience intersubjective de l'autre dès les
premiers mois jusqu’à la première année de
vie de l’enfant, avec une attention
particulière à la période néonatale. Pour
donner un sens, même partiel, aux questions
posées au début de ce paragraphe, nous
empruntons les réflexions de Colwyn
Trevarthen et sa «théorie de
l'intersubjectivité innée» (5). Selon ce
chercheur, l'être humain naît avec une
motivation et une propension à entrer en
contact avec les autres êtres humains et à
partager avec eux son expérience subjective,
faite d'intentions, d’émotions et
d’expériences significatives. Ces formes
précoces de l’intersubjectivité, définie
comme primaire, sont associées à des proto-
conversations qui partagent avec les
conversations les aspects dynamique et
rythmique, et l’alternance parole-silence.
Trevarthen décrit des formes
d'intersubjectivité précoces, observées dans
la dynamique de l'interaction dyadique. Le
nouveau-né est considéré comme un
partenaire de communication qui est non
seulement actif, mais aussi proactif dans sa
capacité à solliciter des réponses maternelles
et à les modifier. Par conséquent, non
seulement le bébé est-il capable d'imiter
certains comportements dès ses premières
heures de vie - on pense aux expériences de
Meltzoff de la fin des années soixante-dix (6)
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
95
mais aussi d'influencer de manière
bidirectionnelle les comportements de la
mère et de l’adulte on général. Une
motivation communicative, nous dit un étude
plus récente (7), semble sous-tendre
l’imitation du nouveau-né qui non seulement
imite l’adulte, mais qui initie et relance
l’interaction. Cette dimension
bidirectionnelle et contingente de
l'interaction dyadique a constitué le fil rouge
de la deuxième partie de notre thèse que
nous venons d’exposer. La capacité du
nouveau-né à co-construire des formes
prototypiques de conversation, ce qui semble
être fondé sur la perception dynamique
d'autrui, n'est pas une capacité cognitive et
ne requiert aucune médiation cognitive. La
définition que Stein Bråten donne de
l’intersubjectivité primaire nous conduit
vers ultérieures observations:
[…] Primary intersubjective contact in a
bodily and immediate sensory manner,
beginning at birth and entailing inter alia
imitation, embodied simulation of
movements, protodialogue, and other
mutual modes of affective attunement and
engagements in the mutual mode of felt
immediacy […] (ref. 3, p. 18.)
L’idée de la présence d’une embodied
simulation des mouvements trouve à nos
jours un fondement neurologique dans la
découverte des «neurones miroirs». La
théorie sur l’intersubjectivité primaire de
Stein Bråten, ainsi que celle de Trevarthen
ont étés maintes fois citées comme
précurseurs de cette révolutionnaire
dècouverte. En effet, la découverte des
«neurones miroirs» (8-9) semble confirmer
l’hypothèse selon laquelle la relation
empathique entre deux individus dépend
d'une représentation cérébrale des
expressions et des actions intentionnelles de
l'autre basés sur une image motrice. En
d'autres termes, nous savons aujourd'hui que
les zones de notre cerveau qui sont activées
lors de l'exécution de certains mouvements
dirigés vers un but (par exemple, la main qui
saisit un verre et l'amène à la bouche pour
boire), active des neurones - neurones miroir
- qui sont également activés lorsque nous
assistons à des actions similaires menées par
d'autres. Il s'ensuit que le rôle de celui qui
observe l'autre qui effectue une action n'est
pas du tout un rôle passif.
La métaphore qui est souvent utilisée pour
décrire ce phénomène de partage émotionnel
entre deux êtres humains, dans notre cas
entre l'adulte et l'enfant, est musicale. On
utilise la métaphore de la résonance, à savoir
la propagation des vibrations dans un
instrument de musique d’une corde à l'autre,
de sorte qu’elles commencent à vibrer à la
même fréquence (10). La condition qui
permet cette vibration, appelée « vibration
par sympathie», est la syntonisation des deux
individus : comme deux cordes vibrent par
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
96
sympathie seulement quand elles produisent
des sons de la même longueur d’onde (ou des
multiples), ainsi deux individus se syntonisent
quand ils partagent une longueur d'onde,
pour en parler encore une fois en termes
sonores. Ce mécanisme de résonance, qui
semble être inné, ainsi que l'ouverture
ontologique innée à l’autre, met l'être
humain, adulte ou enfant, en mesure de
rencontrer les autres dans des manières pré-
linguistiques, pré-opérationnelles et directes
(11).
Bien qu’aucune recherche sur les nourrissons
n'ait encore été effectuée en ce sens,
Trevarthen (12) suppose qu'il existe chez les
nouveau-nés des mécanismes de mise en
miroir semblables à ceux des adultes, qui
fonctionneraient aussi à un niveau sous-
cortical et qui, par conséquent, pourraient
expliquer les capacités imitatives et
conversationnelles des nouveau-nés et des
nourrissons de quelques mois. Ce qui
expliquerait la capacité du bébé à
reconnaître à un niveau sensoriel les
imitations intermodales du partenaire (voir
microanalyse 1 dans le chapitre suivant), et
sa capacité à saisir la forme dynamique de
l'action motrice de l'autre - en termes de
variations temporelles et dynamiques - dans
ses dimensions de base, à travers lesquelles,
selon Trevarthen, la coordination
intersubjective se réalise.
Les enregistrements de van Rees te De Leeuw
(13) nous montrent que cet échange
réciproque et intime entre le parent et
l'enfant peut aussi avoir lieu dans des
conditions d'extrême prématurité: une petite
fille née à 30 semaines de EG, dans sa
troisième semaine de vie, pendant un intime
moment de peau-à-peau commence un
dialogue vocal avec son père. Ce dialogue
présente des formes rythmiques répétées et
partagées que les deux partenaires utilisent
pour communiquer. L'analyse
spectrographique qu’en fait Stephen Malloch
(14) souligne le rythme de l'échange. Au long
silence du père, la nouvelle-née propose trois
sons en crescendo à une distance de 4
secondes les uns des autres, comme un
“appel”.
Nous présenterons, dans les paragraphes
suivants, trois situations distinctes qui seront
notre objet d'analyse. Les deux premiers
fragments vidéo, de quelques secondes
chacun, font partie du corpus
d'enregistrements de notre recherche. Ils
présentent respectivement un cas d'imitation
intermodale, où la mère accompagne à
travers une imitation vocale un changement
postural et facial du nouveau-né, et une
séquence interactive dans laquelle on peut
repérer un moment de partage du regard,
interrompu et régulé par le bébé prématuré.
Le troisième microanalyse porte sur un même
thème représenté par deux fragment vidéos :
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
97
le premier fait partie de notre corpus et le
deuxième a été mis à disposition par son
propriétaire sur le web. Cette forme
prototypique de communication entre le père
et le nouveau-né rappelle les
enregistrements de van Rees et De Leeuw
mentionnés ci-dessus (13). Le père, lors d'un
contact prolongé de peau-à-peau, commence
un dialogue vocal et kinesthésique avec son
enfant prématuré de 31 semaines d'âge
gestationnel. Ce dialogue sera analysé dans
ses formes d’interaction sonore, soit à niveau
mélodique soit rythmique et dynamique.
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LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
99
3.2 Microanalyse 1: formes d’imitation intermodale
Mots clés: imitation intermodale – interactions précoces - syntonisation
Introduction
Les échanges spontanés entre mère et enfant
font partie d'un processus dynamique
d'adaptation réciproque continue et
bidirectionnelle. Au cours de leurs interactions ils
modifient dynamiquement leur comportement
selon une précise organisation temporelle
séquentielle (1).
Le bébé n'est pas un partenaire silencieux et
réceptif des stimuli maternels, mais, plutôt,
constructeur actif de la relation dyadique. Il
intervient avec des signaux de communication,
loin d’être des simples réflexes, que la mère est
capable de lire, même à prévoir, et auxquels
elle est parfaitement capable de s’adapter.
La mère, dans les échanges communicatifs
précoces est en mesure de s'ajuster sur les
compétences du nouveau-né: son ID speech varie
considérablement selon l'âge, l'état de l'enfant et
les buts de la communication (2).
Dans la présente microanalyse on formule
l’hypothèse qu’il existent des formes précoces de
imitation intermodale qui, dans des conditions
interactionnelles si précoces, comme celles entre
une mère et un bébé prématuré en couveuse,
peuvent constituer des moments clés pour le
processus de attachement et pour le
développement à long terme du nouveau-né.
Sujets
Les sujets de cette analyse sont une mère et
son bébé prématuré en incubateur. Le bébé a
29 semaines de AG au moment de l’observation
et il est né prématuré à 28 semaines de AG. La
mère est primipare et elle a accouché deux
jumeaux prématurés. Les jours de l’observation
le bébé se trouve en conditions de stabilité
clinique (cf critères d’inclusion de la
population, article 1) et dans un état de
sommeil calme qui se transforme, peu à peu, le
long de l’interaction, dans un état de veille
calme.
Cadre d’observation
Les données ont été recueillies à l'hôpital,
lorsque le bébé était dans la couveuse. Notre
méthodologie de récolte des données implique
que l’observation ait lieu toujours au même
moment de la journée, entre les deux repas de
midi et de 15 heures. Nous avons demandé à la
mère de chanter et de parler à son bébé en
couveuse. Pour approfondir les détails de la
récolte des données cf. Article 1.
Methodologie
Afin de recueillir simultanément les
comportements de la mère et ceux du bébé, on a
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
100
synchronisé les deux vidéos, la ligne temporelle
(sous l’image) et les paramètres physiologiques
en bas (cf. Photos 1 à 5).
Le codage des vidéos a été réalisée à partir du
logiciel ImageJ synchronisé avec le code
temporel acquis lors de l’enregistrement et
présent dans l’image sous le vidéo de la mère. La
précision de codage avec Imagej est de 35 msec
soit 28 images par seconde. Les comportements
des deux partenaires sont observés en
simultanéité avec la synchronisation des images
et l’évènement codé (l’imitation intermodale) à
l’aide de marqueurs (Photos 5 et 6). L’une des
difficultés majeures dans l'analyse des micro-
interactions est de repérer des unités
temporelles stables et homogènes dans les
interactions dyadiques. Il n’est pas évident de
décider ce qui marque le début et la fin d'une
micro-unité. Dans ce cas spécifique, les limites
ont été établies par les intentions de recherche:
le but principal de l'observation des vidéos était
d'identifier des formes d'imitation intermodale de
la mère par rapport aux comportements du
nouveau-né.
Dans le cadre de cette forme spécifique
d'interaction le nourrisson est en état de veille
calme ; il produit un mouvement de la tête en
forme ascendante auquel la mère donne un sens
communicatif à travers l'imitation intermodale.
L'imitation de la mère se conclut avec un sourire
(photo 7) simultané des deux partenaires.
Ce partage simultané d'un sourire à la fin de
l'épisode intermodal d’imitation et l’imitation
même peuvent être interprétés en deux
manières : la première, conservative,
l’interprète tout simplement comme une
conclusion aléatoire d'une série d'imitations
maternelles dont le bébé n’est qu’un
spectateur ; la deuxième est plus proche à une
littérature qui étudie les formes précoces de
contingence des comportements mère-bébé et
qui vise à souligner les capacités précoces du
nouveau-né dans les premières formes
d’interaction. La mère a certainement saisi
quelques signes de comportement de son bébé et
les a imités dans un jeu de répétition et de
variation, en leur attribuant un sens
communicatif. Elle a aussi déplacé l'imitation du
niveau kinesthésique à un niveau sonore, plus
facilement perceptible par le bébé en couveuse.
La microanalyse par le software ImageJ a permis
d'identifier avec précision un état initial de
stabilité (décrite dans la photo 1), une évolution
qui a conduit à l'apogée (Photo 6) et à la pose
finale, indiquée par le sourire mutuel (Photo 7).
La durée totale du micro-fragment que nous
allons analyser est d'environ 3 secondes.
Il est intéressant de noter que l'intégralité du
fragment suit une forme en cloche avec un point
culminant central: cette forme est parfaitement
reproduite dans le micro-intervalle de 959
millisecondes, par l’émission vocale de la mère,
rapportée en figure 4.
Dans l'infiniment petit la tendance générale donc
se recrée; tendance, montrée à la figure 1, qui a
caractérisé l'interaction dyadique dans les trois
secondes analysés.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
101
Photo 1 (Timing 6.41.07) État initial et absence de
signaux de la part de Stefano.
État initial dans lequel la mère parle à Stefano
(32 semaines GA). Le bébé, dans l'incubateur,
ne montre aucun signe d'interaction, les yeux
fermés et la tête tournée vers sa mère, il
manifeste une immobilité générale.
Photo 2 (Timing: 6.42.03) Mouvement de la bouche
et la tête de Stefano et imitation de la mère
Le bébé commence à fermer les coins de la
bouche et à lever la tête. L'imitation de la mère,
qui arrondit la forme de la bouche, commence 41
centièmes de seconde après que le bébé a
commencé son mouvement. Le bébé soulève la
tête à partir du menton et la mère suit la ligne
ascendante de son mouvement avec sa tête
(imitation cinétique-postural, qui maintient la
même modalité) et surtout avec sa voix
(imitation intermodale).
Photo 3 (Timing: 06.42.14) Climax et imitation
intermodale
Climax du mouvement ascendant de la tête des
deux partenaires de l’interaction, un mouvement
qui se termine simultanément à la minute
06.42.14. On assiste à une forme d'imitation
intermodale, dans laquelle la mère non
seulement imite le mouvement ascendant de la
tête du nouveau-né et la forme de sa bouche,
mais elle renforce l'imitation à travers une
vocalisation, dont le profil d'intensité montre une
forme en cloche (Figure 2).
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
102
Photo 4 (Timing: 06.43.10) Début de la dernière
phase de la séquence: ouverture simultanée au
sourire
Dernière phase de l’interaction: deux
marqueurs, jaune pour la mère et gris pour le
bébé, sont placès sur les angles de la bouche.
Le bébé commence à ouvrir simultanément les
coins de la bouche, un mouvement interprété
par la mère comme un sourire. La mère
s’ouvre à un sourire.
Photo 5 (Timing: 06.44.02) Climax du sourire
partagé
La mère approche la tête à l'incubateur, comme
en témoigne le marker jaune, et sourit en
réponse au sourire de Stefano. L’interaction
termine avec les paroles de la mère, "Que tu es
beau."
Fig. 2 Représentation visuelle de l’intensité sonore
du profil d’imitation de la mère en dB selon un axe
de temps en millisecondes
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
103
L'analyse de Praat montre la courbe d'intensité:
la voix maternelle imite le mouvement de
l'enfant avec un profil d'intensité en forme de
cloche qui commence à environ 60,13 dB (un
peu plus du bruit de fond de cette journée en
Usin, dont la moyenne était d’environ 58 dB)
pour atteindre le sommet de 70,8 dB.
La hauteur suit le même profil d'intensité, avec
un profil en forme de cloche.
La motivation fondamentale qui anime l'analyse
acoustique des interactions précoces entre
mère et enfant est l'idée que la musicalité des
mots précède les mots mêmes: les premières
significations véhiculées par des sons, des
profils, des hauteurs, par la vitesse des
crescendo et diminuendo, par la rythmicité de
l'indécision et de la précipitation, sont des
aspects tout à fait musicaux et dans la structure
musicale ils se reflètent (3).
Discussion
Notre objectif dans cette analyse était de
repérer des formes de imitations intermodales
dans une interaction précoce entre la mère et le
bébé prématuré en couveuse.
Les comportement vocaux de la mère, ainsi que
se gestes et expressions faciales s’adaptent aux
préférences perceptives du bébé (4) et sont
réglés sur son état, sur son âge et sur ses
conditions générales du moment présent
(attention, motivation à la communication etc.).
Les similitudes, les correspondances entre les
deux comportements observables dans le
contexte d'une “syntonisation des affectes”
apparaissent dans leurs caractéristiques de
temporalité, d'intensité et de forme (5).
La présence de ces formes intuitives d'imitation
intermodale ou transmodale si précoces,
conduit à formuler l'hypothèse qu'il s'agit d'un
modalité de communication que l'enfant
prématuré, à ce stage de développement et
dans ces conditions spécifiques, est capable de
traiter.
La présence, donc, d’un transfert de l’imitation
d’une modalité à une autre nous fait supposer
que les premières formes d’interaction
dyadique entre mère et nouveau-né prématuré
en couveuse puissent constituer des moments
saillants de syntonisation des affectes (6): la
mère utilise sa voix pour se syntoniser, en lui
conférant une forme et un développement
dynamique qui reflète le mouvement de la tête
du petit.
Selon Daniel Stern, ainsi que selon Colwin
Trevarthen, la syntonisation des affectes est
basée sur les correspondances entre les
comportements observables des deux
partenaires en interaction. Ces congruences de
forme ou similitudes vont au-delà de la simple
imitation qui, en tant que répétition parfaite
d’un comportement manifeste, arrête l'échange
communicatif. L'objectif d'une imitation
imparfaite ou intermodale, est en revanche de
le relancer sous la forme de la variation.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
104
Cette analyse nous amène à réfléchir sur les
implications cliniques potentielles de la
présence de formes de imitations intermodales,
à la base des syntonisations affectives, dans une
dyade à risque et sur la nécessité de supporter
les interventions précoces à soutien des dyades
prématurés en USIN.
Fig. 1 Profil en forme de cloche avec climax central
de l'interaction dyadique dans les trois secondes
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LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
105
3.3 Microanalyse 2: une forme précoce d’interaction
Mots clés: déviation du regard - interactions précoces - syntonisation
Introduction
Les premières formes d'attachement, entre mère
et nouveau-né à terme, dans des condition soi-
disant de normalité, débutent dès les premiers
instants de la vie . Au contraire dans des
conditions d'hospitalisation ou de naissance
prématurée elles se font attendre et sont
délicatement suspendues au fil de l'état de
santé, physique et psychologiques, des deux
partenaires, ainsi que de l'organisation technique
et structurelle des unités de soins intensifs
néonatals (heures de visite des médecins, des
spécialistes et des parents, horaires de
nettoyage, distance des lieux d’hospitalisation
des parents et des enfants, etc.). L'une des
formes sous lesquelles se manifeste
l'attachement précoce dans l'interaction
dyadique entre adultes et enfants est le
"babytalk." On ne sait rien, malheureusement, à
ce jour des formes que ce type particulier de
communication précoce dans la dyade
prématurée ; nous l’avons ainsi commencé à
étudier à travers des simples formes de
description micro-analytiques. On suppose dans
la présente microanalyse qu’il existent des
formes précoces de régulation de la relation
réciproque, aussi en conditions interactionnelles
précoces, comme celles entre une mère et un
bébé prématuré en incubateur : ces formes de
régulation s’intensifient quand la mère trouve
une place active dans les soins du nouveau-né
Sujets
Les sujets de cette analyse sont une mère et son
bébé prématuré en couveuse. Le bébé a 31
semaines de AG au moment de l’observation et il
est né prématuré à 30 semaines de AG. La mère
est primipare, de nationalité italienne et de
classe sociale moyenne. Dans les jours de
l’observation le bébé se trouve en condition de
stabilité clinique (cf critères d’inclusion de la
population, article 1) et dans un état de veille
calme. Nicholas présente une bonne capacité de
maintenir des longs états de veille calme.
Methodologie
Les comportements de la mère et du bébé, ont
été synchronisés ensemble et avec le timer (sous
l’image) et les paramètres physiologiques en bas
(cf. Photos 1 à 5). Le codage des vidéos a été
réalisé à partir du logiciel ImageJ synchronisé
avec le code temporel acquis lors de
l’enregistrement et présent dans l’image sous le
video de la mère. La précision de codage avec
Imagej est de 35 msec soit 28 images par
seconde. L’évènement codé à été identifié dans
un micro-fragment d’une durée de 8 secondes
dans lequel le bébé et la mère donnent naissance
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
106
à une forme d'interaction précoce.
De cette forme précoce de communication
dyadique on a identifié un début, un
déroulement, un climax et une conclusion.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
107
Microanalyse de l’interaction Photo 1 (Timing 5.00.00) Moment initial qui
précède la rencontre
Moment initial où Nicholas (EG 33) est en
compagnie de sa mère qui lui parle depuis 5
minutes. L'état de Nicholas est d'éveil calme,
les yeux ouverts, la tête tournée vers la source
sonore et l’absence de mouvements généralisés
du corps. La posture initiale de Nicholas est
plutôt fermée, les poings serrés et les bras très
proches du corps. Nicholas à développé des
bones formes de autorégulation : il porte
souvent ses mains à la bouche pour retrouver un
état d'équilibre et il modifie sa posture. Les
états d'éveil calme sont assez rares dans la
journée du prématuré en dessous de 37
semaines de EG, mais le tableau clinique de
Nicholas démontre une excellente capacité du
nourrisson de recevoir et de tolérer des stimuli
externes, et de maintenir de longs moments
d'éveil calme.
Photo 2 (Timing: 05.01.833) Signes de changements
de posture
La mère exhorte Nicholas à travers des glissando
ascendants de la parole et, à peu à peu, on commence
à entrevoir une ouverture posturale du bébé, qui
éloigne de son visage le mains de quelques
centimètres, en élargissant les épaules et il se prête à
assumer la posture que nous allons observer dans la
figure suivante
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
108
Photo 3 (Timing: 05.03.127) Ouverture générale
Nicholas tourne le regard vers la mère et
assume une position encore plus ouverte: il est
intéressant de noter que l'ouverture du
nouveau-né est globale et elle concerne les
yeux, la bouche (comme nous le verrons plus
tard) et les membres supérieurs.
Les poings ont commencé un mouvement de
rotation et les paumes sont tournées vers la
source sonore, et les avant-bras sont plus
écartés du corps et, par conséquent, les épaules
sont plus ouvertes.
Photo 4 (Timing: 05.04.708) Fixation du regard
Nicholas fixe son regard sur la mère, qui répète
pour la deuxième fois le même appel "... Et
alors?", mais cette fois elle le fait en
introduisant des micro-variations, comme il est
évident en observant l'analyse sonore effectuée
avec Praat.
Les principes de variation et répétition, si
présents à la fois dans la composition musicale
et dans les interactions vocales dyadiques, sont
observables dans ce cas dans la durée, le timbre
et l'intensité. La gamme des hauteurs et le
mouvement ascendant du profil en forme de
cloche restent au contraire pratiquement
inchangés.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
109
Fig. 1 Analyse sonore des deux «appels» consécutifs de
la mère
L'analyse de l'intensité indique une similarité
formelle entre les deux appels de la mère : ils
présentent le même profil de croissance, un
climax et une clôture symétriques. Grâce à cette
homogénéité, les deux appels sont perçus
comme une répétition. Les mots répétés sont les
mêmes, donc en termes de timbre et en raison
de la similitude des attaques et des clôture, sont
perçus comme une répétition. La voix de la
mère, toutefois, présente une variation dans la
répétition, variation qui s’exprime dans un
allongement du temps de la vocalisation, et dans
une diminution de la gamme des intensités.
L'allongement de la deuxième vocalisation, qui
semble avoir ajouté une «queue», présente le
même motif formel de l'ouverture progressive
des yeux de l'enfant prématuré. On présente les
deux images en séquence, lors de l'ouverture
progressive des yeux de l'enfant. Il semble
évident à partir de l'observation de la séquence
vidéo, des images fixes ainsi que de l'analyse
sonore, que le noyau de la syntonisation des
affects réside dans le partage de la «forme» de
l'expression. La mère, en fait, exprime à travers
la voix ce que le bébé exprime par l'ouverture
des yeux.
Fig. 2 Dans les zones évidenciées et bordées de
rouge, dans les deux vocalisations on observe que
la forme et l’intensité restent homogènes: en
fait, touts les deux présentent un profil
ascendant, les hauteurs maximales, minimales et
le range restent les mêmes, mais le profil s'étend
et la courbe ascendante s'aplanit.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
110
Photo 5 Moment de disponibilité maximale à
l’interaction
Nicholas reste tourné vers la mère dans une
position d'attente et de disponibilité
communicative maximale. À cette disponibilité
suit une troisième intervention de la mère, qui
change complètement de registre per rapport
aux deux interventions "... Et alors?"
Photo 6 Déviation du regard
A la suite de la dernière intervention vocale de
la mère, "Ciao...", Nicholas d’abord ferme les
yeux et ensuite il dévie son regard et pour
revenir à la position initiale fermée.
Photo 7 Retour à la position initiale de fermeture et
auto-consolation
L'ontogenèse des stratégies d'auto-régulation du
nouveau-né dans les premières interactions
dyadiques est incertaine et pas trop étudiées.
Non observations peuvent représenter des
informations utiles sur l’ontogenèse des
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
111
processus de régulation des nouveau-nés ; ces
processus pourraient se développer à partir de
la période néonatale.
Discussion
Les deux types de réponse mis ici en évidence
par Nicholas se situent dans un continuum
interactif qui oscille de façon continue entre
conduites exploratoires / réceptives d'une part,
dans lesquelles le bébé donne des signes
évidents de disponibilité à l'interaction, et de
conduites défensives de refus de l’autre, tels
que le détournement du regard. Les deux
typologies de réponses sont en même temps
intimement liées entre elles, mais entre elles
opposées. Nous avons pu constater comme la
transition d’une phase de disponibilité à une
phase de refus chez l'enfant prématuré est
soudaine et nette ; la transition d’une phase à
l’autre crée un moment de détachement, de
rupture par rapport à la dynamique croissante
de l'interaction entre les deux partenaires. Le
détournement du regard est finalement
accompagné par des comportements de auto-
consolation: Nicholas approche le poing à la
bouche et revient à une position initiale de
fermeture et de protection.
Dans notre cas, la dernière stimulation
maternelle était excessive pour Nicholas, mais
son degré de maturité, exceptionnel pour son âge
gestationnel de 33 semaines, lui a permis
d'atteindre un nouvel état d'équilibre. L’une des
principales difficultés liées à la prématurité est
exactement cette incapacité du nouveau-né,
encore immature, de récupérer en autonomie un
état d'équilibre entre la recherche active d'une
stimulation externe et la capacité d'atteindre un
état stable dans lequel ses fonctions
physiologiques sont intégrées.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
112
3.4 Microanalyse 3: un “duetto in pianissimo”
Mots-clés: dialogue vocal - vocalisations précoces – syntonisation
Introduction
L'objectif de ce chapitre, le dernier concernant
la microanalyse qualitative des évènements
saillants dans les interactions entre mère et
bébé prématuré en couveuse, est de réaliser
une analyse sonore des interactions vocales
entre l’adulte (père ou mère) et le bébé
prématuré hospitalisé. On connaît très peu des
vocalisations des bébés prématurés dans les
premières semaines de vie à l'hôpital: quand
commencent-t-ils à vocaliser? Leurs
vocalisations sont en quelque sorte liées à
l'environnement, peuvent-elles donc avoir une
valeur communicative, ou sont-elles
indépendantes de la présence parentale ou en
général des adultes? A ce jour, les plus
récentes réponses dont on dispose sont
présentées dans une étude récente publiée
dans Pediatrics en 2011 (1) dont l'objectif était
d'analyser l'environnement sonore des nouveau-
nés prématurés en USIN et de tester
l'hypothèse que les nourrissons exposés à un
une quantité de langage adulte plus élevée
vocaliseront plus.
Les bébés prématurés impliqués dans l'étude
avaient, au test, 32 et 36 semaines de EG: déjà
à 32 semaines, ils peuvent vocaliser et la
quantité de leurs vocalisations augmente à 36
semaines, ainsi que la quantité du langage
adulte auquel ils sont été exposés.
L'étude montre que, en présence d'un parent,
les enfants présentent plus de « prise de
parole » par rapport à quand le parent n'était
pas présent, soit à 32, soit à 36 semaines. Les
prises de parole ont été décrites comme toutes
les vocalisations que le bébé émet et qui est
suivie par une vocalisation des adultes dans les
5 secondes, et vice versa.
Il s'ensuit que les vocalisations ne sont que
seulement en partie l'expression spontanée d'un
état interne, par exemple elles augmentent
considérablement avant des repas, mais elles
ont, dès leur origine, une valeur
communicative, car elles augmentent
significativement en présence d'un parent,
c’est à dire dans une dimension relationnelle.
3.4.1 Analyse du premier fragment de Nicholas,
33 semaines de AG et de sa mère
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
113
Les nourrissons expriment avec leur
vocalisations des différentes émotions, et ils
sont sensibles aux émotions exprimés par les
autres (2-3). Non seulement à travers les
vocalisations, les nourrissons entrent en
communication précocement avec leurs parents
à travers les mouvements corporels,
notamment les gestes des mains, ou à travers
des régulations moins évidentes, telles que la
respiration et les battements du cœur (4).
La théorie de la Musicalité Communicative (5)
de l’interaction vocale précoce entre le
nouveau-né et les adultes indique la pulsation,
la qualité et la narrativité comme des
paramètres acoustiques qu’on doit mesurer afin
de suivre le développement de ces formes
conversationnelles.
Le but de notre analyse est d’identifier les
patterns principaux de communication vocale
entre la mère et le bébé prématuré en
couveuse. On formule l’hypothèse qu’il
existent des schémas de communication vocale
néonataux qui se manifestent même deux mois
avant la naissance.
Cela peut contribuer à expliquer comment et
pourquoi les séquences expressives qu’on peut
appeler proto-musicales portent en soi des
significations pour l’adulte, non seulement
dans le domaine musical, mais en manière plus
générale dans toutes les formes d’art (6).
Metodologie
Identification des fragments.
Les vocalisations des prématurés de moins de
32 semaines de EG, tels que ceux présents dans
la plupart de nos enregistrements, ne sont pas
très fréquentes, et quand elles se produisent il
s’agit d’événements isolés. Sont très rares les
échanges vocaux avec un adulte. Là où dans
notre corpus on a trouvé des vocalisations des
bébés, on a essayé d’identifier patterns
principaux de communication vocale entre la
mère et le bébé prématuré en couveuse en tant
que formes précoces de conversation avec
l’adulte.
Parmi les fragments identifiés, nous avons
choisi celui qui présente le plus grand nombre
de vocalisations conjointes de mère et bébé et
de plus longue durée. Le premier fragment
identifié, choisi à partir de notre corpus de
vidéos, concerne Nicholas, qui, au moment de
l'enregistrement était de 33 + 6 semaines de AG
et présentait une condition clinique de
stabilité.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
114
L'analyse des fragments audio a été réalisée en
utilisant le software Praat (7). Pour chaque
fragment analysé on a obtenu les
spectrogrammes et les graphiques de
l’évolution des profils des hauteurs.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
115
Fig 1 (Timing da 00.23 a 00.40, durata totale 18.36 sec) Primi vocalizzi avvenuti a qualche secondo
dall’inizio dell’interazione parlata.
La première partie du dialogue vocal entre la
mère et le petit Nicholas s'ouvre avec une série
régulière de vocalisations du bébé qui se
succèdent (sec 2.1 ; 4,7 ; 8,9 ; 12,6 ; 17,9)
dans une augmentation progressive des
hauteurs (Fmin, Hz 68.18; 114.2; 240.1; 258 ;
263.3).
Nicholas semble régler l’hauteur de ses
vocalisations sur l’auteur des interventions
maternelles. Nicholas communique par des
courtes émissions vocales en alternance avec sa
mère : dans cette première phase il semble
respecter l’alternance de la communication
avec l’adulte. Aux vocalisations du bébé la
mère répond à son tour avec des vocalisations
présentant des importants pics de hauteurs,
avec des glissando ascendants et descendants,
interprétables, pour la conformité du profil
intonatif et les variations en termes
dynamiques, comme des appels.
Pendant les cinq minutes qui ont précédé
l'arrivée de la mère et dans les cinq minutes
qui l’ont suivi, Nicholas n'a émis aucune
vocalisation.
On discutera de ces données dans la dernière
partie du paragraphe.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
116
Fig. 2 (Timing da 01.23 a 01.51, durée totale 28.04 sec) Deuxième séquence de vocalisations. Après environ 40
secondes de la fin de la première séquence de vocalisations, Nicholas recommence à vocaliser: dans les moments
de silence, entre une vocalisation de la maman et l'autre, ou simultanément.
Deux des vocalisations du nourrisson (à gauche)
qui suivent immédiatement les interventions
vocales de la mère et deux vocalisations
(droite) qui se produisent en simultanéité par
rapport à la vocalisation maternelle.
Dans ce cas, l'aspect intéressant à noter, dans
la représentation graphique des hauteurs et des
profils intonatifs, concerne les typologies de
vocalisation de la mère. En présence d'un état
de veille calme du nouveau-né, c'est à dire en
présence d'un partenaire avec les yeux ouverts
et en condition de réceptivité aux stimuli
externes, la voix maternelle assume les
caractéristiques particulières du ID speech.
Ces caractéristiques se manifestent dans les
profils ascendants (vocalises en bleu. 1-3-5-8)
qui sont souvent associés à une invitation ou un
appel, ou dans ceux qui présentent un profil en
forme de cloche (vocalises en bleu 2-4. -6-7)
que Stern (8) décrit comment les profils
d’approbation positive.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
117
Fig. 3 (Timing da 02.16 a 02.43, durée totale 28.04 sec) Dernière séquence de vocalisations: en guise de conclusion.
Dans la dernière séquence, on peut noter que
les vocalisations maternelles progressivement
s’intensifient et que celles de Nicholas
s’éclaircirent. Après ces vocalisations Nicholas
émettra encore des sons, mais très clairsemés
et faibles. Le dialogue vocale semble avoir pris
fin, mais l'état de veille calme de Nicholas
durera jusqu'à la fin de l'expérience.
Les vocalises de la mère progressivement,
depuis le début des séquences, s’intensifient et
maintiennent une hauteur très aigue avec
fréquents contours prosodiques ascendants.
L’invitation, l'appel pour faire participer
Nicholas dans la conversation sont évidents,
cependant, les vocalises du petit diminuent
progressivement.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
118
Photo 1. Séquence photographiques de trois images de Nicholas en interaction avec sa mère
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
119
Séquence photographiques de trois images qui
montrent l'état de veille calme lors de la
stimulation vocale. Le bébé est dans un état
particulier d’ouverture aux stimuli externes: un
état fondamental pour son développement
neurologique, mais aussi très difficile à
maintenir dans le temps. Nous avons vu dans le
chapitre précédent que Nicholas utilise la
déviation du regard pour auto-réguler son
propre état d'excitation. Tout au long de la
séquence des 10 minutes du chant et parole
Nicholas maintient un état de veille calme et il
adopte de nombreux systèmes d'auto-
régulation, quand il approche la main à sa
bouche ou quand avec les mains il touche son
visage.
Parfois, Nicholas montre des signes de fatigue
et de sur-stimulation, lorsque, par exemple, il
ouvre ses mains en éventail, détourne la tête
de la source sonore ou il adopte une position
fermée et pelotonnée. Même le bâillement,
que nous voyons ci-dessus dans la séquence
d'images, Als nous suggère, peut être
interprété un signe de fatigue et sur-
stimulation.
Discussion
L’augmentation significative de la quantité des
vocalisations produites peut s'expliquer en deux
manières: d’une part, les émissions vocales du
bébé peuvent être associées à un état de veille
calme. Le bébé en veille calme vocalise plus
par rapport à quand il est dans un état de
sommeil et, comme nous l'avons vu dans la
première partie de ce travail, la présence
vocale de la mère, surtout dans la condition de
parole, induit une augmentation de moments
de veille calme. L'autre explication, peut-être
plus risquée mais beaucoup plus intéressante,
est que les bébés vocalisent plus en présence
d’un adulte, dans ce cas de la mère qui lui
parle, c’est à dire dans une dimension
communicative. Cette dernière interprétation
est confirmée, dans le cas spécifiques des
prématurés, par l’article qu’on vient d’exposer
(1). En général, le fait que les vocalisations de
Nicholas commencent quand la mère
s’approche et lui parle ou chante et
disparaissent en absence de l’adulte, les situe
dans le cadre théorique de la communication
« intersubjective », dont les principes ont été
exposés au début de la troisième partie de ce
tavail (cfr. Troisième partie). Les aptitudes du
nourrisson à communiquer avec leurs
partenaires adultes, sous la forme d’une
motivation « proto-narrative » qui les amène à
raconter des histoires avec la coordination de
la voix, des gestes et des mouvements (9) à
travers lesquels mère et nourrisson se
synchronisent dans l’improvisation de formes
de proto-conversations (10-11).
La présence, dans notre observation, des
vocalisation du nouveau-né prématuré
exclusivement dans une condition de socialité
et étant donnés les résutats présentés dans
l’étude (1) sur les vocalisations des prémas, on
peut conclure que, même deux mois avant la
naissance, le nouveau né se situe dans un cadre
interactionnel où ses vocalisations, ainsi que
ses gestes et les mouvements du corps, non
sont pas des simples réflexes, ou ne sont pas
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
120
une partie d’un dialogue géré et dirigé
exclusivement par l’adulte.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
121
3.4.2 Analyse du deuxième fragment de Hudson, 30 semaines de AG : une forme d'adaptation vocale mutuelle entre le père et l'enfant durant le peau-à-peau
Situation initiale
À la séquence de Nicholas et de sa mère, nous
avons ajouté l'observation d’un deuxième vidéo
qui ne fait pas partie de notre corpus
d'enregistrements. La vidéo montre le petit
Hudson en compagnie de son père lors d’une
séance de contact peau-à-peau. La vidéo a été
téléchargée sur un site Web par son père.
Hudson est né le 2 de Juillet du 2007 à 29
semaines de AG; l’extrait que nous allons
analyser remonte au 8 Juillet 2007, seulement
6 jours après la naissance. Le nouveau-né, dans
la condition de peau-à-peau avec le père, émet
des vocalisations rapprochées dans le registre
aigu et avec un attaque rêche et forcé, qui
montrent des signes évidents de tension vocale.
Les vocalises du nourrisson augmentent
progressivement en intensité et l'attaque
devient encore plus tendue et plus rude. La
première vocalisation (a) présente une
intensité de 64,63 dB et une fréquence de
440.8.7 Hz; la deuxième vocalisation (b) a une
intensité de 67,57 dB et une fréquence de
919,1 Hz; la troisième (c) a une intensité de
73,59 dB et une fréquence de 797,7 Hz. Le père
ne répond pas aux premières deux vocalisations
de Hudson, mais au troisième vocalise (qu’on
peut interpréter en tant que appel) le père
pour la première fois émet le glissando
descendant qui sera ensuite utilisé pour calmer
le bébé. Dans les secondes qui suivent - et que
nous n'avons pas représentése graphiquement -
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
122
le père demande explicitement l'intervention
de l'infirmière et, quelques secondes plus tard,
commence le dialogue vocal présenté en bas.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
123
Deuxième phase du dialogue vocal: le père
coordonne ses interventions vocales en forme
de dialogue et, avec un glissando descendant
très régulier, il suit la vocalisation de l'enfant.
Les trois vocalisations sont répétées à
intervalles réguliers de 4 secondes (la première
commence à 0,48, la deuxième à 4,52 et la
troisième à 8,53), et elles partagent la même
forme, commençant des hauteurs initiales très
proches et finissant tous les trois peu au-dessus
de 100 Hz. La deuxième vocalisation est plus
réduite (0,75 sec), par rapport à la première
(1,12 sec) et à la troisième (1,38 sec), mais elle
maintient la même forme. La moyenne F0 de
vocalisations de l'enfant va d'un minimum de
198 à une valeur maximale de 226 (F0a
M=205.9 F0b M =373.8, F0c M =239.1), tandis
que l'attaque des vocalisations au profil
descendant du père ont les valeurs suivantes :
F0a 212.7, F0b 235.6, F0c 199.9.
Au-delà des valeurs ponctuelles de fréquences,
la lecture générale de la tendance des hauteurs
indiquées dans le graphique nous fait supposer
que le père émet son vocalise en partant de
fréquence indiquée par la voix de son bébé et
qu’il la porte puis vers le bas, en étendant la
queue.
Les trois vocalisations du père suivent
immédiatement les appels de Hudson et, dans
l’intention de le calmer, le père lui fournit
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
124
une forme temporelle très régulière et
rythmique.
LA VOIX MATERNELLE ET LE BÉBÉ PRÉMATURÉ
125
Dernière phase du dialogue vocal.
Dans la phase finale du dialogue les
vocalisations du père conservent une forme
sonore reconnaissable, mais s'estompent vers la
fin, quand l'enfant a atteint un état de calme
et cesse de vocaliser.
Discussion
L'analyse sonore-spectrographique des
vocalisations du père et du nouveau-né
prématuré, réalisée avec le software Praat,
montre qu'il existe une co-régulation mutuelle
des états émotionnels, qui se traduit dans un
dialogue vocal visant à calmer l'enfant, qui
passe d'un situation initiale d'agitation à une
finale de calme.
Ceci dit, beaucoup d’analyses restent encore à
faire et bien de questions encore ouvertes. Une
analyse de la contingence interactive mère-
nourrisson (12) pourra nous révéler le dégrée
d’orientation réciproque dans l’interaction
dyadique avec un bébé prématuré. Les niveaux
qu’on pourra évaluer sont (a) le regard de la
mère et du nourrisson, étant donné que les
vidéos des deux partenaires sont déjà
synchronisés, ainsi que les paramètres
cliniques; (b) les comportements d’orientations
spatiales, avec la contrainte que la mère et le
bébé ne sont pas exactement dan une position
de face-à-face, car la couveuse présente des
ouvertures latérales auxquelles la mère
s’approche pour parler et chanter au bébé;
mais surtout (c) la dimension du dialogue vocal:
l’analyse de la rythmicité, une précise analyse
des sonagrammes pour en détecter
l’expressivité émotionnelle (en particulier de la
mère).
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