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LA TRAGEDIE DU XVI
EME SIECLE
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 1
INTRODUCTION
La tragédie du XVIème siècle commence avec la Pléiade, un groupe privilégié de sept
individus. Pierre de Ronsard, Joachim Du Bellay, Etienne Jodelle, Remy Belleau, Jean-Antoine
de Baïf, Jacques Peletier et Pontus de Tyard s’imprègnent des textes de l’Antiquité pour
lesquels tous nourrissent un véritable culte. Ils constituent ensemble un mouvement littéraire et
abordent tous les genres. Ils ne s’approprient le texte d’autrui que pour mieux le transformer, le
rendre plus beau, plus parfait et plus proche de l’idéal, de l’idée de la poésie. Ils défendent la
langue française dans le but qu’elle rivalise avec la poésie grecque et latine. Ces écrivains
participent au mouvement humaniste, l’homme au centre de la réflexion.
Les auteurs de la Renaissance rompent avec le théâtre médiéval. Les mystères et les farces ne
semblent plus à l’ordre du jour, ils s’approchent de l’Antiquité et du genre dramatique. La
Renaissance définit l’époque de renouveau artistique, intellectuel et scientifique que connaît
l’Europe à la sortie du Moyen Âge. Elle débute au XIVe siècle dans le nord de l’Italie pour
s’étendre jusqu’à la fin du XVIe siècle à l’ensemble du continent. Le terme « Renaissance » est
utilisé en 1855 pour la première fois par l’historien Jules Michelet (1768-1874) pour évoquer
la « découverte du monde et de l’Homme » au XVIe siècle. La Renaissance trouve son origine
dans l’accroissement démographique, le développement des techniques (l’imprimerie), des
échanges commerciaux, l’urbanisation et l’apparition d’une bourgeoisie d’affaires. Les
changements dans la société et dans l’économie entraînent des mutations politiques importantes
avec la fin de la féodalité.
La tragédie ouvre la voie au théâtre classique. Etienne Jodelle, né en 1532 à Paris, est un poète
et dramaturge français ainsi que membre de la Pléiade. Il est le créateur de la tragédie française
en 1553, il fut le premier à utiliser l’alexandrin dans ce registre. Une œuvre est dite dramatique
souvent où les actions exposent un caractère passionnel et se terminent généralement mal.
L’auteur représente l’une des premières tragédies, la pièce Cléopâtre captive, devant le roi
Henri II. Les dernières heures de la reine sont mises en scène, vaincue par Octave. Elle songe à
se suicider plutôt que de finir aux mains de celui-ci.
La tragédie occupera une part essentielle du théâtre au XVIème siècle.
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 2
SOMMAIRE
INTRODUCTION .................................................................................................................... 0
I. L’HISTOIRE DE LA RENAISSANCE ............................................................... 3
A. De l’Italie à l’Europe ........................................................................................................ 3
B. De la suzeraineté à la souveraineté ................................................................................... 4
II. LA REPRESENTATION DU MONDE CHANGE ............................................. 5
A. Les découvertes du monde et le pouvoir .......................................................................... 5
B. Les textes et l’imprimerie ................................................................................................. 7
III. L’ART DANS SON ENSEMBLE ......................................................................... 8
A. Littérature et poésie .......................................................................................................... 8
B. Architecture et peinture .................................................................................................... 9
IV. LES MOUVEMENTS LITTERAIRES ............................................................. 10
A. La Pléiade ....................................................................................................................... 11
B. L’Humanisme ................................................................................................................. 11
C. Le Baroque ..................................................................................................................... 12
V. L’HISTOIRE DE LA TRAGEDIE ..................................................................... 13
A. Son commencement ..................................................................................................... 13
B. Son évolution ................................................................................................................ 14
VI. LES ELEMENTS TRAGIQUES ........................................................................ 15
A. Les gestes et la parole ................................................................................................... 15
B. Que veut dire tragédie et tragique ? ............................................................................. 16
C. Le malheur des grands, la fortune et la morale ............................................................ 17
VII. DEUX AUTEURS DU XVI EME SIECLE ........................................................ 17
A. Etienne Jodelle, la première tragédie française ............................................................ 18
B. Robert Garnier, ses œuvres perdurent dans le temps ................................................... 21
CONCLUSION ....................................................................................................................... 27
BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE ............................................................................. 28
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 3
I. L’HISTOIRE DE LA RENAISSANCE
La Renaissance se qualifie de grande marche en avant de l'Europe au XVe et au XVIe siècle.
L'historien René Rémond indique que ce qui caractérise une renaissance, c'est :
❖ la naissance de nouveaux modes de diffusion de l'information,
❖ la lecture scientifique des textes fondamentaux,
❖ la remise en honneur de la culture antique (littérature, arts, techniques),
❖ le renouveau des échanges commerciaux,
❖ les changements de représentation du monde.
A. DE L’ITALIE A L’EUROPE
L'Italie est à l'origine la période historique, appelée Renaissance. Une Pré-Renaissance se
produit dans plusieurs villes d'Italie dès le XIVe siècle. Elle se propage au XVe siècle dans la
plus grande partie de l'Italie, en Espagne, dans certaines zones d'Europe du Nord et
d'Allemagne. Elle gagne la totalité de l'Europe au XVIe siècle, sous la forme de ce qu'on nomme
la première Renaissance.
Dans le courant du XVe et au XVIe siècle, ce mouvement permet à l'Europe de se lancer dans
des expéditions maritimes d'envergure mondiale.
Carte de l’Europe en 1500
à l’époque de la
Renaissance avec ses états,
ses villes, ses frontières et
ses armoiries. Réalisée par
Daniel Dervaux (1914-
2010) sur papier vergé de
couleur ivoire en 40 x 54
cm.
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https://www.editionsdanielderveaux.fr/carte-de-l-Europe-en-1500
Selon l'historien anglais John Hale, c’est à cette époque que le mot Europe entre dans le langage
courant. Un cadre de référence s’appuie solidement sur des cartes ainsi qu’un ensemble
d'images affirmant son identité visuelle et culturelle.
B. DE LA SUZERAINETE A LA SOUVERAINETE
La société féodale est basée sur trois ordres qui dépendent les uns des autres :
❖ Les seigneurs et chevaliers assurent la protection des paysans.
❖ Les paysans travaillent et nourrissent les seigneurs et le clergé.
❖ Les gens d'Église (le clergé) prient pour la sécurité des seigneurs, chevaliers et paysans.
Un changement structurel se produit au XVIe siècle, avec le passage de la suzeraineté à la
souveraineté. La royauté se dote d'une idéologie et de nouveaux moyens qui lui permettent de
passer d'une société de type féodal à un exercice sans partage du pouvoir, les ordres du
souverain doivent s'imposer à tous. Le roi contrôle une direction mieux agencée, en particulier
en France et en Espagne. Le dispositif féodal dans lequel les seigneurs avaient des privilèges
en échange d'un devoir de protection des sujets devient caduc.
D'autre part, en France, la langue française se transforme en une langue officielle du droit et de
l'administration, grâce à l'édit de Villers-Cotterêts par François Ier en 1539. Il fait partie d'un
ensemble de lois, plus précisément intitulée « Ordonnance générale sur le fait de la justice,
police et finances ».
Extraits de l’Ordonnance de
Villers-Cotterêts stipulant en
1539 que tous actes et exploits
de justice seraient désormais
rédigés en français, conservés
dans les archives nationales
en France.
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 5
https://www.lunion.fr/id66082/article/2019-05-19/un-original-de-lordonnance-de-villers-
cotterets-pourra-etre-visible-au-chateau
La bibliothèque royale est transférée de Blois à Fontainebleau. L'usage du latin commence à
décroître, les dialectes continuent d'être parlés par la grande majorité de la population en France,
et ce jusqu'à la Révolution française.
II. LA REPRESENTATION DU MONDE CHANGE
Dès le XVe siècle, le contournement de l'Espagne par les grandes voies maritimes délaisse les
routes commerciales continentales, qui passaient par les anciennes foires de Champagne par
exemple. La conséquence fut le déclin des foires de Champagne, particulièrement florissantes
au Moyen Âge. Le développement des ports d'Europe du Nord (Bruges, Londres…) devient
des foyers d'activité culturelle importants.
Au XVIe siècle, les puissances ibériques, Portugal et Espagne, s'initient grâce aux grandes
découvertes et permettent des échanges avec l'Afrique, l'Amérique centrale et du Sud, l'Inde
pour les épices, l'Amérique du Nord ainsi que l'Extrême-Orient.
A. LES DECOUVERTES DU MONDE ET LE POUVOIR
Les grands navigateurs Christophe Colomb, Amerigo Vespucci sont au centre de cette
extension géographique. En 1492, après deux longs mois en mer, Christophe Colomb pose le
pied sur une île des Bahamas et découvre l’Amérique. Le Nouveau Monde doit son nom à
Amerigo Vespucci, l'explorateur italien parcourt la Guyane et le Brésil, vers 1499-1500. Les
deux hommes s'inscrivent dans les progrès de la science, de la technologie et de la pensée
rationnelle. Ils permettent également aux forces ibériques d'étaler leur pouvoir. L'Espagne
devient ainsi la première puissance européenne, grâce à la richesse de ses colonies ainsi qu'à
l'exploitation des mines d'argent.
La boussole, le sextant, le loch et l'astrolabe (utilisé pour la première fois par Christophe
Colomb) apparurent en Europe. Ils offrent l'occasion de s'aventurer plus loin des terres. Ces
explorations enrichissent énormément les relevés cartographiques. Elles permettent d'identifier
de nouvelles terres émergées et d'affiner les contours des continents.
https://www.salvador-dali.org/fr/oeuvre/catalogue-raisonne-peinture/obra/743/christophe-
colomb
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 6
La découverte de l’Amérique par Christophe Colomb,
peint par Salvador Dali (1904-1989), en 1958. C’est
une huile sur toile de 410.21 x 310.1 cm, conservé à
The Dali Museum, St Petersburg en Floride.
Charles Quint est le souverain le plus puissant d'Europe, il étend son influence dans la totalité
de l'Europe durant son occupation au trône de 1519 jusqu’à 1556. Une rivalité se crée avec
François Ier, qui règnera de 1515 à 1547. À peine couronné, François Ier rejoint son armée
contre les Suisses et duché de Milan, au cours des guerres d’Italie. La bataille de Marignan
renvoie à une prestigieuse victoire française. François Ier est également connu comme « le
Prince de la Renaissance », il est l’instigateur de l'introduction de la Renaissance italienne en
France.
La Bataille de Marignan par
FRAGONARD Alexandre
Evariste (1780-1850). Le genre
historique revisité par l’art
troubadour. La date de création
est en 1836, le tableau fait une
hauteur de 465 cm et une largeur
de 543 cm. Il est conservé au
Musée national du Château de
Versailles.
https://www.histoire-image.org/fr/etudes/marignan-alexandre-evariste-fragonard-genre-
historique-revisite-art-troubadour
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 7
Léonard de Vinci apporte en France le savoir-faire des artistes de la Renaissance italienne.
L'Espagne gardera sa puissance jusqu'au traité des Pyrénées en 1659, la paix avec la France.
B. LES TEXTES ET L’IMPRIMERIE
La création de l'imprimerie représente l'une des inventions avec le plus d'impact sur les hommes
de la Renaissance. Avant la conception de ce procédé par Gutenberg vers 1450, la rédaction des
ouvrages se réalise à la main, par des clercs, les seuls capables de maîtriser les techniques
d'écriture.
Les textes imprimés bouleversent la hiérarchie des valeurs. À l'université de Paris, la faculté
des arts devient au XVIe siècle la plus prestigieuse, devant celle de théologie. Les bibliothèques
commencent à se développer et en France, les rois les installent dans leurs résidences.
La première édition de la Bible apparait en 1455. Ses traductions en langues vulgaires se
manifestent ensuite à des dates échelonnées selon les différents pays. Les premiers textes
imprimés concernent assez fréquemment la religion et ceci pendant une cinquantaine d'années.
À partir du début du XVIe siècle, l'impression de textes profanes prend plus de place, ce qui
explique le bouleversement des idées à cette époque. Notamment, nous pouvons mentionner la
Grande Charte anglaise, qui existe depuis 1215.
Le mouvement intellectuel de l'« humanisme » s'accompagne de l'Antiquité. Platon est déjà
connu à la cour de Charlemagne.
La culture réservée à une élite sort progressivement de cette situation de monopole.
L'archéologie permit de redécouvrir l'art antique : sculpture, arts décoratifs...
Le savoir de la culture antique s'élargit à davantage d'auteurs Latins ainsi que Grecs, et se répand
en premier lieu en Italie, puis en Europe. Cette culture imprègne un nouveau réseau d'«
humanistes » qui forme une nouvelle élite : Guillaume Budé, Du Bellay, Erasme, Clément
Marot, Montaigne, Rabelais, Léonard de Vinci…
L’homme de Vitruve est le symbole de l'Humanisme, de la Renaissance et du rationalisme.
Célèbre représentation des proportions idéales parfaites du corps humain parfaitement inscrit
dans un cercle et un carré. L’homme étant conçu selon des proportions mathématiques et
considéré comme le centre de l’univers, de la mesure et de la représentation du monde.
https://www.wikiart.org/fr/leonard-de-vinci/homme-de-vitruve-1492
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 8
L’Homme de Vitruve est un célèbre dessin annoté. Il est
réalisé vers 1490 à la plume, encre et lavis sur papier, par le
peintre florentin Léonard de Vinci (1452-1519), d'après une
étude de l’important traité d'architecture antique. L'original
appartient depuis 1822 à la Gallerie dell'Accademia de
Venise, qui le conserve et en expose de nombreuses copies.
III. L’ART DANS SON ENSEMBLE
La Renaissance répond à un changement de représentation du monde. Le philosophe Michel
Foucault considère que la conception du monde se transforme à différentes époques de
l'Histoire :
❖ Renaissance
❖ Age classique
❖ Lumières
❖ Mondialisation.
Il nomme épistémè, la notion du monde liée à une période. La Renaissance correspond à une
modification d'épistémè comparée à celui du Moyen Âge.
A. LITTERATURE ET POESIE
Les écrivains marquants de la littérature sont Guillaume Budé, Rabelais et Montaigne.
Guillaume Budé, plus grand humaniste français, est un auteur, mais aussi bibliothécaire et
imprimeur. En 1522, le roi François Ier le nomme à la tête de Fontainebleau. François Rabelais
est un écrivain français humaniste de la Renaissance. Il étudie le latin, le grec, et correspond
avec le célèbre humaniste Guillaume Budé. Il a d'abord été moine et traducteur avant d'exercer
les fonctions de médecin puis d'écrivain, c’est un Homme de la Renaissance. Michel de
Montaigne est un écrivain, philosophe, moraliste et politicien français de la Renaissance.
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 9
La poésie compose alors un ensemble assez polymorphe et disparate. De nouvelles formes
apparaissent telles que l'ode, le sonnet, le discours et d'autres, plus longues, comme les poèmes
cosmologiques de Scève, les Hymnes de Ronsard. Le thème se concentre sur la totalité des
savoirs et les poèmes dramatiques. La poésie de la Renaissance se focalise peu sur l'héroïsme.
Sur la base des poètes latins, les œuvres satiriques visent la condamnation des vices. De la
poésie religieuse, tragique ainsi que du comique prennent exemple sur Plaute et Térence. Ils
interviennent pour ridiculiser les défauts de toujours comme l’avarice et certains acteurs de la
société. La poésie lyrique a pour sujets l'amour, le vin et les joutes sur les modèles d'Horace ou
Théocrite. L'art se penche sur les relations amoureuses et les religieux sur le modèle de
Pétrarque. La poésie demeure le genre dominant.
B. L’ARCHITECTURE ET LA POESIE
Au Moyen Âge, les châteaux apparaissent austères et sont des monuments édifiés pour
l'autodéfense d'un territoire ou d'un pays ainsi que la protection de la population environnante.
Cependant, en France dès le milieu du XVe siècle, l'influence architecturale de la Renaissance
italienne commence à se faire sentir. Le château fort qui respecte les traditions passe au siècle
suivant, au règne des châteaux-palais si présents actuellement dans la vallée de la Loire, mais
également ailleurs comme Fontainebleau.
Ainsi, l'ère de la Renaissance permet aux édifices de miser plus sur l'esthétique que sur la
défense. Les pont-levis, meurtrières et douves disparaissent pour laisser la place aux somptueux
jardins géométriques, aux symétries des châteaux, aux immenses fenêtres, aux colonnes ainsi
qu'aux autres ornements qui montrent toute la puissance du propriétaire du château. L'œil est
attiré sur la richesse et d'exhiber le pouvoir du roi ou du prince.
Le château de Bodiam, construit au XIVᵉ
siècle, est situé près de Robertsbridge dans le
Sussex de l'Est en Angleterre. Il fut construit en
1385 par Sir Edward Dalyngrigge, sa
construction est un moyen de défense contre
l’invasion française lors de la guerre de Cent
Ans.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Bodiam
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 10
Le château de Chambord est un
château français situé dans le
département de Loir-et-Cher en
région Centre-Val de Loire. Il est
construit par François Ier au XVIe
siècle, au cœur du plus grand parc
forestier clos d’Europe. Il
bénéficie d'un jardin d'agrément et
d'un parc de chasse classés
monuments historiques.
https://www.chambord.org/fr/communication-presse/images-a-telecharger/chateau-
architecture-phototheque/
Les peintures représentent le plus fréquemment des portraits, sculptures de l'être humain dans
une image complète et méliorative. L'art du nu s'affirme, en référence à l'Antiquité, surtout pour
valoriser l'aspect athlétique de l'Homme. Parmi les peintres de cette période, nous nous
souvenons de Michel Ange, Leonardo Da Vinci... Michel-Ange est un maître du sublime à
l'époque de la seconde Renaissance, il joue avec la détresse humaine et le monde divin.
Leonardo Da Vinci est un peintre, inventeur, ingénieur, scientifique, humaniste et philosophe.
Il illustre, et parfois incarne, la Renaissance, avec ses avancées dans le domaine artistique, mais
aussi dans les sciences et, avant tout, dans l'approche scientifique.
IV. LES MOUVEMENTS LITTERAIRES
Un courant littéraire s’affirme par des principes des idées qui le distinguent des autres. À
l’intérieur d’un même mouvement, les écrivains partagent des options esthétiques (une même
conception du style, de l’art, du beau) et idéologiques (une même conception de la vérité, de la
société, de la liberté). Le courant s’intègre le plus souvent dans une évolution qui touche la vie
artistique et intellectuelle dans son ensemble. La plupart des grands mouvements littéraires et
culturels ne se développent pas seulement en France, mais dans toute l’Europe.
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 11
A. LA PLEIADE
La Pléiade est un groupe de sept poètes français du XVIe siècle rassemblés autour de Pierre de
Ronsard et Joachim du Bellay. Les membres de la Pléiade reproduisent les textes des auteurs
gréco-romains, afin de les surpasser. Ils imposent l’alexandrin, l’ode et le sonnet comme des
formes poétiques et de traiter les quatre grands thèmes principaux de la poésie élégiaque :
l’amour, la mort, le passage du temps et nature. Ils exploitent les ressources de la langue
française, l’école développe la poésie Pléiade basée sur l’imitation des modèles antiques. Le
genre dominant de cette époque représente la poésie lyrique.
Les poètes de la Pléiade au XVIe
siècle sont Pierre de Ronsard,
Joachim Du Bellay, Etienne
Jodelle, Remy Belleau, Jean-
Antoine de Baïf, Jacques Peletier et
Pontus de Tyard
https://jeretiens.net/les-poetes-de-la-pleiade/
Ronsard et du Bellay, inséparables depuis leur rencontre en 1547, fondent en 1549 un ensemble
de gens de lettres qui prend le nom de Brigade et qui se rebaptise Pléiade en 1553. Le groupe
se donne pour mission de définir de nouvelles règles poétiques. Dans ce cadre, du Bellay rédige
en 1549 une "Défense et illustration de la langue française". Il y prône l'usage du français en
poésie, contre celui du latin. Son projet rend la langue française moins "barbare et vulgaire" en
l'enrichissant avec ses amis de la Pléiade. Les œuvres clés sont les Amours de Ronsard et les
Regrets de Du Bellay.
B. L’HUMANISME
L'humanisme vient d'Italie à l'époque de la Renaissance au XIVème siècle et s'étend à l'Europe
au XVIème siècle. Francesco Petracco, dit Pétrarque (1304 - 1374) apparaît à l'origine de la
Renaissance et de l'humanisme. Il a aussi jeté les bases de la langue italienne moderne. Boccace
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 12
est également le fondateur à la fois de la plus illustre tradition littéraire italienne et de la culture
humaniste. Grâce à eux, l'humanisme prend de l'ampleur.
Au milieu du XVe siècle, l'Allemand Johannes Gutenberg invente le procédé de l'imprimerie
dans son atelier de Mayence et très vite, de grands centres se créent en Europe. L'imprimerie
diffuse les idées de l'humanisme et transmet la culture grecque et latine.
L’humanisme relève des pensées, les droits et les valeurs sont au cœur de ses questions. Cela
permet de redécouvrir les textes de l’Antiquité, le mouvement humaniste affirme sa foi dans la
capacité de la connaissance. L’humanisme insiste sur les « trois P » : l’éducation, la philosophie
et la philologie, à travers l’apprentissage des langues. Les répertoires dominants de cette époque
représentent le roman, l'essai, le registre satirique et le réalisme. Les auteurs clés de ce
mouvement sont Rabelais, Marguerite de Navarre et Montaigne.
C. LE BAROQUE
Le baroque est né en Italie, il se diffuse dans tous les pays d'Europe. Le terme baroque vient de
barrocco, "les perles de formes irrégulières", c'est un courant pour tous les arts. Au départ, le
mot n'est employé que pour les arts figuratifs. Le baroque figure dans l'art du mouvement, c'est
une esthétique, une image du monde, un comportement, une manière de réagir à une crise.
Nous sommes en présence d’un univers inversé, défini par de nombreux oxymores. Le pont,
l’étrangeté et le registre pathétique représentent les caractéristiques du courant. Ainsi, le
baroque transforme notre vision du monde, nous faisant comprendre que tout semble éphémère
et que le changement reste naturel.
Les genres et répertoires dominants de cette époque apparaissent dans la poésie (tragi-comédie),
le registre lyrique, dramatique, épique, satirique, le réalisme burlesque et libertin. Les
caractéristiques et principes déterminants représentent le goût pour le spectaculaire et le
romanesque, les thèmes abordent la passion ainsi que l'amour. Les textes clés demeurent dans
la Satire de Régnier, Les Tragiques d'Aubigné et les Œuvres de Viau.
Ce mouvement possède une histoire, il se situe entre le dernier tiers du XVIe siècle jusqu'au
premier tiers du XVIIe siècle.
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V. L’HISTOIRE DE LA TRAGEDIE
Au début du XVIème siècle, la France sort d’une longue période de tradition. Les humanistes
« découvrent » et traduisent les chefs-d’œuvre littéraires antiques grecs et latins, les esprits
cultivés s’ouvrent aux influences étrangères. Les gentilshommes partis faire la guerre en Italie
reviennent férus d’italianisme. Les artistes français, en imitant leurs voisins, remontent
jusqu’aux modèles de l’Antiquité. C’est la Renaissance.
Etienne Jodelle avec Cléopâtre captive écrit la première vraie tragédie française à l’antique, qui
exercera une forte présence sur le développement ultérieur du genre en mettant en place une
dramaturgie qui perdurera dans le temps.
A. SON COMMENCEMENT
La Renaissance voit apparaître la volonté des souverains de mieux contrôler les distractions
populaires subversives. Notamment, les représentations ridiculisent régulièrement les membres
de la famille royale et l’Église, avec parfois un contenu politique particulièrement partisan.
Parallèlement, l’Église promulgue l’interdiction des mystères en 1548. Plusieurs pièces royales
installent la tragédie comme divertissement de cour.
Une autre pièce est considérée comme l’une des premières de la tragédie française, celle de
Théodore de Bèze, Abraham sacrifiant. Néanmoins, l’auteur suit trop la tradition des mystères
médiévaux et sa fin heureuse la distingue de la tragédie.
La tragédie occupe la part essentielle de ce théâtre qui montre le malheur des grands et leur
retournement de fortune. C’est un théâtre de la parole où le personnage agit peu et se lamente.
Les sujets résident dans la Bible, mais aussi les mythes grecs.
Ce que nous appelons aujourd’hui « théâtre » recouvre au XVIème siècle des formes de
spectacle très diverses et qui n’ont en commun que ces éléments fondamentaux : des acteurs
qui jouent, un public qui regarde et écoute. À cette époque, il y avait le choix entre deux sortes
de divertissements. La première, populaire, conserve les traditions du Moyen Âge. La seconde,
plus raffinée suit l’exemple italien dans l’imitation de l’Antiquité.
Robert Garnier est l’un des plus illustres représentants de ce genre. Ses œuvres demeurent
maintes fois jouées et réimprimées : Antigone ou la Piété, Bradamante, Cornélie, Hippolyte,
La Troade, Les Juives, Marc Antoine, Porcie…
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 14
Cléopâtre captive, Abraham
sacrifiant et Hippolyte sont les
pièces connues de la tragédie
française au XVIe siècle.
http://slideplayer.fr/slide/1563482/4/images/9/La+Renaissance+(XVI%C3%A8me+si%C3%
A8cle)+les+d%C3%A9buts+de+la+trag%C3%A9die+en+France.jpg
https://slideplayer.fr/slide/1563482/
B. SON EVOLUTION
Composée en latin et, par la suite, en français, la tragédie « à l’antique » ne réside au début que
comme un exercice d’école. Elle nait dans les collèges, parmi les érudits et les humanistes.
Mais, bientôt, le goût des belles-lettres se répand dans la haute société. De petits cercles
d’amateurs montent et jouent quelques-unes de ces nouvelles œuvres. En avril 1556, à
l’occasion de fêtes données au château de Blois, la reine Catherine de Médicis décide
d’organiser une représentation. La pièce choisie est Sophonisbe, de l’auteur italien Trissino. Le
sujet, tiré de l’histoire antique, évoque la lutte entre Rome et Carthage. À la demande de la
reine, le poète Saint-Gelais traduit la pièce en français. La représentation a lieu dans une cour
du château de Blois : les acteurs sont Marie Stuart, reine d’Écosse, les princesses Élisabeth,
Claude de France et le comte de La Rochefoucauld. Quant aux costumes, somptueux, faits de
toile d’argent, de velours, de damas, ils sont bien caractéristiques de cette époque et
s'apparentent fort à des habits de la cour du roi Henri II.
Des auteurs français (Robert Garnier, Jodelle, Montchrestien) ont également illustré le genre.
L’action apparaît lente et les tirades, souvent fort longues, ressemblent à des discours pleins de
rhétorique. Avec la division en actes, le perfectionnement de l’alexandrin, le choix des sujets
tirés de l’histoire antique, de la mythologie et de la Bible, la tragédie du XVIème siècle ouvre
la voie aux grands maîtres du siècle suivant, Corneille et Racine.
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 15
Une représentation théâtrale au XVIe siècle.
https://geudensherman.wordpress.com/lit-16-fr/le-theatre-au-16e-siecle/
https://libretheatre.fr/le-theatre-au-xvieme-siecle/
VI. LES ELEMENTS TRAGIQUES
Les trois unités définissent la tragédie : l'imitation par des actions d'une fortune illustre, avec
un dénouement malheureux, en un style grave et en vers. L'action se trouve aussi près que
possible de sa fin pour que l’on se jette in medias res.
L’ensemble des processus de représentation, d’actualisation, d’institutionnalisation de cette
parole constituent des marqueurs de théâtralité par lesquels les auteurs éclairent, directement
ou non, leurs lecteurs et surtout leurs acteurs sur la manière dont ils entendent que leur texte
soit porté à la scène.
A. LES GESTES ET LA PAROLE
Le terme de didascalies est employé avec l’expression d’« indications scéniques ». Cette
dernière traduit assez fidèlement leur fonction directive et didactique, enseigner aux acteurs
leur jeu. Les didascalies demeurent absentes des éditions de la Sophonisbe de l’Antigone
(Mamert Patisson, 1580) ou de l’Hippolyte (R. Estienne, 1573) de Garnier. Le statut des
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 16
guillemets encadre certains vers à caractère solennel et d’interprétation assez délicate. Ils font
leur apparition dans les livres imprimés au milieu du XVIe siècle et se maintiendront longtemps.
La tragédie n’a pas le monopole de ces lieux communs versifiés : les « sentences » abondent
dans les Hymnes de Ronsard ou la poésie de Jodelle.
À côté de ces indications existent d’autres signaux, désignés sous le nom de didascalies internes.
Inscrites dans le texte des répliques, elles se caractérisent par leur sobriété.
Ces paroles dessinent un groupement plastique d’une grande précision, dans le même temps
qu’elles annoncent un mouvement dramatique imminent. Lorsque les didascalies intéressent
des figurants muets ou des accessoires, elles se doivent d’être plus impératives, au besoin en
recevant le soutien du texte prononcé par les protagonistes.
Un acte de langage influe sur les rapports entre locuteurs (je tremble d’horreur = vous voyez
que je tremble) et peut se voir paraphrasé par un énoncé performatif (de « Levez-vous » à « Je
vous ordonne de vous lever »). Pour le lexique des sens, subjectif, nulle obligation. Je peux dire
« Je vois », « J’entends », sans en apporter des manifestations évidentes. Il n’en va pas de même
du lexique des actions : impossible de dire « je viens », « adieu », sans que la gestuelle s’accorde
à la parole. Mais le recours au langage figuré introduit une place d’incertitude : « j’en saute
d’allégresse ».
B. QUE VEUT DIRE TRAGEDIE ET TRAGIQUE ?
Une action de la vie, un événement et une mort sont tragiques. Les caractères terribles et
funestes figurent dans une tragédie, ils donnent un sujet aux poètes tragiques (dès le XVIe
siècle, le nom tragique s’emploie en ce sens).
Les dramaturges ne cessent d’assimiler les malheurs du temps à ceux de la tragédie. Cela
devient un topos, les désordres français sont tragiques.
La fin du siècle et le début du siècle suivant, les dramaturges recherchent particulièrement
l’horreur et la cruauté. Ces histoires demeurent tragiques parce que les récits en prose mettent
en œuvre les ressorts de la tragédie : le crime, le sang, la catastrophe finale.
La passion monstrueuse aboutit au malheur et à la punition des coupables, avec les
bouleversements de fortune attendus. La terreur et la pitié remplissent aussi une fonction
moralisatrice. Les accidents tragiques et lamentables représentent d’excellentes leçons à
l’instruction de l'existence.
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La tragédie et le tragique sont donc partout, dans la vie et dans l’histoire (ancienne et
contemporaine) comme dans la littérature, dans les récits des nouvelles comme sur les planches
des théâtres. Les malheurs atroces et sanglants sont propres à étonner, à émouvoir, à insister sur
les ravages des passions et derrière lesquels on discerne la main de la Fortune.
Tragédie et tragique sont des mots qui conviennent également à l’histoire réelle, à la fiction
narrative et au théâtre, il sert de métaphore universelle.
Trois aspects capitaux ressortent des écrits théoriques sur le théâtre tragique proprement dit :
❖ il demeure spectacle du malheur ;
❖ il propose une leçon morale, à tous, mais particulièrement aux grands
❖ il montre finalement la puissance de cette instance métaphysique qu’est la Fortune sur
la vie des hommes.
C. LE MALHEUR DES GRANDS, LA FORTUNE ET LA MORALE
La tragédie, c’est du malheur. Meurtres, désespoirs, pendaisons, exils, pertes d’enfants,
parricides, incestes, incendies, batailles et hurlements sont propres à susciter la pitié.
Toutes les tragédies du XVIe siècle se basent sur ces revers de fortune, sur ces soudains
désastres qui jettent à bas les nobles tout à coup plongés dans le drame. Les grandes figures
bibliques, héros de l’Antiquité et les personnages de l’histoire, demeurent tragiques dans la
mesure où leur malheur vient d’une chute qui les fait choir de leur haut degré de bonheur.
La déesse antique semble omniprésente dans le vocabulaire tragique, d’autres termes lui
ressemblent comme le destin, le sort et les astres. La Fortune apparait instable, perverse et
méchante, malmenant ainsi les hommes en aveugle, les grands en particulier. Qu’elle soit
mythologique, historique ou romanesque, la tragédie de la Renaissance nomme très souvent
Fortune, la puissance qui se joue des hommes et des empires. C’est bien la justice de Dieu qui
se réalise dans la tragédie.
Une autre inflexion capitale concerne les leçons de morale dont les théoriciens chargent la
tragédie. La moralité vise avant tout les grands, l’instruction des princes et des rois, qui
apprennent à supporter les malheurs et à ne faire confiance qu’en la vertu. Les dramaturges
montrent au lecteur, l’application morale dans la réalité, aux grands personnages auxquels ils
dédient leurs œuvres. Quand le dramaturge ne prend pas la parole, un prologue explicite avance
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 18
la leçon morale de la tragédie. Certains dramaturges n’hésitent pas à brandir le miroir de leur
tragédie face au visage des princes.
Pour tout spectateur, les leçons de la tragédie semblent profitables, nous devinons aisément le
contenu, qui est très souvent le même. La misère demeure commune, aussi bien qu’aux grands
qu'aux autres. Chacun doit se dépouiller de toute sorte d’orgueil, l'ambition, la méconnaissance
pour se vêtir et parer par la main de la vertu, de la robe d’humilité et ainsi, être conduit et
accompagné pour une louable et heureuse fin.
Pour notre Renaissance, la tragédie représente une école, pourvoyeuse d’exemples moraux pour
tous. Elle amène aussi à méditer sur la signification philosophique de cette aventure tissée de
malheurs et de revers.
VII. DEUX AUTEURS DU XVI EME SIECLE
La seconde moitié du XVIe et les premières années du XVIIe sont pour le théâtre une période
de transition assez obscure. Une étude est approfondie sur les origines de la tragédie classique,
des transformations de la comédie ou encore sur le domaine de l'érudition. Tandis que les
mystères sont toujours représentés en province, les humanistes de collège, dédaigneux de ces
jeux grossiers, composent et jouent des tragédies latines. Les écoliers sont acteurs de ces
représentations, les spectateurs représentent leurs maîtres, leurs condisciples et les notables de
la ville sont fiers d'y assister, comme pour témoigner de leur « humanisme ».
L'influence et la puissance de l'Italie commencent au XVIe siècle. Dans tous les genres, il
convient de signaler les essais de tragédie classique en Italie, tout au moins la Sophonisbe du
Trissin, représentée en 1516 et publiée en 1524.
La tragédie française s’intéresse à l'analyse psychologique. En France, on constate l'importance
de Sénèque, dont les tragédies philosophiques, pleines de traits énergiques, brillants,
déclamatoires, répondaient si bien aux goûts didactiques de ces poètes de collège et de ces
auditoires d'humanistes.
A. ETIENNE JODELLE, LA PREMIERE TRAGEDIE FRANÇAISE
La représentation de Cléopâtre se joue en 1553, d'abord dans la cour de l'hôtel de Reims, puis
au collège de Boncour. Les acteurs sont Jodelle lui-même qui, âgé de vingt ans, joue le rôle de
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Cléopâtre, Rémy Belleau, Jean de la Péruse, Jacques Grévin et Nicolas Denisot. À l’ouverture
de la première tragédie française à l’antique, Jodelle, dans un prologue de soixante-deux vers,
commence par faire l’éloge d’Henri II, fils de François Ier et vainqueur de Charles Quint.
Cléopâtre est une œuvre « originale » dont le sujet est tiré de Plutarque et non calqué sur une
tragédie antique. Le caractère essentiel de la tragédie classique apparaît grâce à la crise morale,
prise le plus près possible de sa fin et aboutissant à la mort. La nature de cette action, les unités
de temps et de lieu, la qualité des personnages, le rôle des confidents, le ton soutenu d'un style
noble, Cléopâtre nait en tant qu’un nouveau genre qui occupe la scène française pendant deux
siècles. Le premier acte de Cléopâtre est écrit en alexandrins à rimes féminines, le quatrième :
en alexandrins mêlés de rimes féminines et masculines, les actes Il, III et V sont en vers
décasyllabiques. Les chœurs, nombreux et bien placés, sont en strophes de différents modèles.
La pièce commence après le décès d'Antoine, le personnage se manifeste à la scène I du premier
acte, mais c'est son ombre qui parle. Puis Cléopâtre, avec ses deux confidentes Eras et
Charmion, déclare qu'en un songe elle a vu Antoine, et qu'elle va mourir, libre, pour aller le
rejoindre. Un chœur philosophique et moral termine le premier acte.
Au second, apparaît Octavien (Octave) accompagné de deux de ses officiers, Proculée et
Agrippa, Octavien s'entretient avec eux du sort réservé à Cléopâtre. Sur les conseils d'Agrippa,
il penche vers la clémence, encore une fois sur un chœur intervient.
Le troisième acte met en présence Cléopâtre et Octavien. La reine lui demande la vie pour elle
et pour ses enfants, elle livre ses trésors. Octavien y consent. Cette longue scène semble animée
par la trahison de Séleuque, qui révèle à Octavien que Cléopâtre cache la plus grande partie de
ses richesses, ce qui attire sur lui la fureur et les coups de Cléopâtre. Cet acte se termine
également par un chœur, sur le courage de la reine.
Dans le quatrième acte, Cléopâtre déclare qu'elle veut disparaitre. Eras et Charmion mourront
avec elle. Le chœur pleure la destinée de la reine et décrit le sacrifice qu'elle accomplira sur la
tombe d'Antoine.
Le dernier acte, Cléopâtre perd la vie, pendant l'entracte. Proculée vient faire le récit de son
décès. Le chant final du chœur s'exprime sur la gloire acquise de Cléopâtre par sa fin courageuse
et sur le triomphe de César.
Les procédés tragiques utilisés sont :
❖ l’apparition successive des deux protagonistes,
❖ des scènes à confidence,
❖ les différentes délibérations,
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❖ deux personnages subissent une progression continue (Octavien hésite sur le sort de
Cléopâtre, il raisonne, il se décide pour le pardon, il y persiste et Cléopâtre veut d'abord
disparaitre, puis demande la vie, puis se décide de nouveau pour la mort),
❖ des effets scéniques,
❖ les chœurs.
Adoptant un style élevé et puisant à la source antique, Cléopâtre captive permet la renaissance
du genre tragique. La tragédie française, de tonalité élégiaque, se définit comme une école des
rois, puisque Henri II est invité à réfléchir sur les défauts d’Octave pour les éviter. Le prologue
se termine par un appel à la bienveillance du genre, qui doit se développer et se perfectionner.
ACTE V
PROCULÉE.
« Ô juste Ciel, si ce grief maléfice
Ne t'accusait justement d'injustice,
Par quel destin de tes Dieux conjuré,
Ou par quel cours des astres mesuré,
A le malheur pillé telle victoire,
Qu'en la voyant on ne la pourrait croire ?
Ô vous les Dieux des bas enfers et sombres,
Qui retirez fatalement les ombres
Hors de nos corps, quelle pâle Mégère
Était commise en si rare misère ?
Ô fière Terre à toute heure souillée
Des corps des tiens, et en leur sang touillée,
As-tu jamais soutenu sous les flancs
Quelque fureur de courages plus grands ?
Non, quand tes fils Jupiter échelèrent,
Et contre lui serpentins se mêlèrent.
Car eux pour être exempts du droit des cieux
Voulurent même embûcher les grands Dieux,
Desquels en fin fièrement assaillis,
Furent aux creux de leurs monts recueillis.
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Mais ces trois ci, dont le caché courage
N'eût point été mécru de telle rage,
Qui n'étaient point géantes serpentines,
En redoublant leurs rages féminines,
Pour au vouloir de César n'obéir,
Leur propre vie ont bien voulu trahir.
Ô Jupiter ! Ô Dieux ! Quelles rigueurs
Permets-tu donc à ces superbes coeurs ?
Quelles horreurs es-tu fait ores naître,
Qui des neveux pourront aux bouches être,
Tant que le tour de la machine tienne
Par contrepoids balancé se maintienne ?
Dites-moi donc vous brandons flamboyants,
Brandons du Ciel toutes choses voyant,
Avez-vous pu dans ce val tant instable
Découvrir rien de plus épouvantable ?
Accusez-vous maintenant ô Destins,
Accusez-vous ô flambeaux argentins :
Et toi Égypte à l'envi matinée,
Maudis cent fois l'injuste destinée :
Et toi César, et vous autres Romains
Contristez-vous, la Parque de vos mains
A Cléopâtre à cette heure arrachée,
Et malgré vous votre attente empêchée. »
http://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/JODELLE_CLEOPATRE.pdf
B. ROBERT GARNIER, SES ŒUVRES PERDURENT DANS LE TEMPS
Robert Garnier est avocat au Parlement de Paris et lieutenant criminel au Mans. Mais,
également un poète tragique comme le grand Corneille, c'est par l'étude du droit qu'il se prépare
aux délibérations de la scène.
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De ce prédécesseur de Corneille, nous avons sept tragédies : Porcie (1568), Hippolyte (1573),
Cornélie (1574), Marc-Antoine, la Troade (1578), Antigone ou la Piété (1579), Sédécie ou les
Juives (1580). Le théâtre de Garnier contient une huitième pièce d'un genre tout particulier, une
«-tragi-comédie-», Bradamante. L'action est compliquée par un de ces quiproquos fréquents
dans les romans de chevalerie et le dénouement apparait heureux.
Dans les tragédies de Garnier, l'action semble beaucoup moins simple que dans la plupart des
pièces contemporaines. Nous pouvons comparer Marc-Antoine à Cléopâtre de Jodelle (c'est le
même sujet), l'attention s'égare un peu sur les trois personnages, Cléopâtre, Octave et Antoine.
Antigone n'a d'autre unité que la présence de la fille d'Œdipe à travers plusieurs épisodes dont
chacun peut former une tragédie. La Troade rassemble tous les malheurs survenus à la reine
Hécube.
Les Juives, la tragédie biblique possède sans conteste une des premières places dans le théâtre
de la Renaissance par son intérêt psychologique, ses effets pathétiques et par la beauté du style.
Garnier possède deux antagonistes qui ont réellement existé : Nabuchodonosor, roi d'Assyrie
et Sédécias, roi des juifs. On y trouve également Nabuzardan, général du roi d'Assyrie et Amital,
la mère du roi des juifs Sédécias. Sédécie trahit un serment fait à Nabuchodonosor en s’alliant
avec le pharaon. Nabuchodonosor prend sa revanche en détruisant Jérusalem. Un peuple, des
femmes surtout, sur le chemin de l'exil, un roi et ses proches sont livrés à la vengeance divine
et envoyés au supplice par un tyran odieux qui proclame leurs souffrances. Le propos majeur
de Garnier est d'inspirer la terreur et la pitié. Quant à Amital, elle se manifeste dans 4 des 5
actes, ce qui en fait le personnage principal. Elle est la porte-parole des juives.
L'acte I se présente comme une apostrophe du prophète envers Dieu, les citoyens juifs et sa
nation. Le chœur rappelle qu'Adam et Ève sont la cause du malheur des juifs.
Dans l'acte II apparait Nabuchodonosor qui se confie à Nabuzardan sur les sanctions qu'il
souhaite infliger à ses prisonniers. Il envisage de tuer leur roi. Le chœur s'exclame pour espérer
que leur voix portera et que la clémence vienne. Amital parle avec la reine d'Assyrie, laquelle
lui demande de raconter ses infortunes et elle compatit.
L'acte III attribue la parole à la reine qui essaie de convaincre son mari d'être indulgent, mais il
lui répond que ce peuple doit être châtié. Amital offre son corps à la mort plutôt que celle de
son fils. Les enfants sont tués et le roi devient aveugle. Les juives pleurent ce sacrifice ridicule.
Le dernier acte, assez court, redonne la parole au prophète qui raconte ce qui s'est passé.
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 23
Les trois unités de la Poétique d'Aristote sont respectées : unité d'action, de temps et de lieu.
Les chœurs de jeunes Juives, mêlés à l'action, rapprochent cette tragédie française des tragédies
grecques.
Robert Garnier emprunte le modèle de la tragédie antique et y injecte un peu d'espérance
chrétienne. Cette pièce s'élève comme une incantation, le spectacle d'une détresse hantée par la
violence et la terreur. Garnier s’accompagne de tous les sentiments tragiques : la douleur, la
pitié et la cruauté. Confronté au mystère du Mal et à l'effroi qu'inspire un Dieu qui punit, le
théâtre renoue ici avec ses origines sacrées. Cette tragédie est religieuse puisqu’elle s’inspire
de la Bible et non pas de la mythologie. De plus, Garnier veut montrer qu’il faut rester fidèle à
son Dieu. En l’offensant, Sédécie cause le malheur de son peuple et Nabuchodonosor devient
l’instrument de la vengeance divine. L’auteur, défenseur de l’Église catholique, semble
s’inscrire dans les querelles religieuses de son époque et condamner l’Église réformée.
Le sac de Jérusalem
C'est la reine qui parle, femme du roi Sédécias, vaincu et prisonnier.
« Ja le mal nous touchoit (telle estoit l'ordonnance
Du grand Dieu, qui vouloit chastier nostre offense),
Et comme, lors qu'il veut nous punir rudement,
Il fait que nous perdons tout humain jugement,
Nous en fusmes ainsi, car n'ayant corps de garde,
Sentinelle ni ronde, et sans nous donner garde,
Comme si retirez fussent nos ennemis,
En nos couches sans peur reposions endormis;
Quand (o cruel meschef!) lors que la nuict ombreuse
Vers le jour sommeillant cheminoit paresseuse,
Par le ciel tenebreux; que le somme enchanteur
Versoit dedans nos yeux une aveugle moiteur;
Qu'en la terre et au ciel toute chose estoit coye,
Tous animaux dormans fors la plaintive orfroye [= orfraie]
Le camp de Babylon sans crainte des hazars,
Avec grands hurlemens eschele [ = escalade] les rampars,
Donne dedans la breche, et ne trouvant deffense,
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 24
Rangé par escadrons dans la ville s'elance
Gaigne les carrefours, s'empare des lieux forts,
Et sur le temple saint fait ses premiers efforts.
Tout est mis aux couteaux [ = égorge], on n'espargne personne,
A sexe ou qualité le soldat ne pardonne,
Les femmes, les enfans, et les hommes agez,
Tombent sans nul esgard pesle-meslé esgorgez.
Le sang, le feu, le fer, coule, flambe, resonne,
On entend maint tabour [ = tambour], mainte trompette sonne,
Tout est jonché de morts; l'ennemi sans pitié
Meurtrist ce qu'il rencontre, et le foule du pié.
Or le roy, qui soudain entendit cet esclandre,
Troublé, saute du lict et va ses armes prendre,
Pour mourir au combat; mais ayant entendu
De ses gens effroyez que tout estoit perdu,
Il descend en secret avecque sa famille,
Et par une poterne abandonne la ville.
Un chemin se presente aux montagnes tendant
Pour gagner l'Arabie et laisser l'occident
Il est rude, pierreux, rabotteux et sauvage,
Les rocs des deux costez malaisent [ = rendent mal aisé] le passage
Ores [ = tantôt (or au vers suivant a le même sens)] il faut grimper a mont [(Ad montem) de
bas en haut] un rocher droit,
Or il faut devaler [= descendre] par un chemin estroit.
Vous voyez a nos pieds l'horreur d'un precipice.
Qui fait, en le voyant, que le poil en herisse.
Un torrent bruit a bas [ = en bas], qui court en bouillonnant,
Entrainant maints ormeaux qu'il va deracinant.
La le roy, ses enfants, et nous autres, pauvrettes,
Cheminons en frayeur par des voyer [dissyllabe, voi-e] secrettes.
La nuict estoit obscure, et nos humides yeux
Ne voyoient pour conduire aucune lampe aux cieux
Toutefois en bronchant, en tombant a toute heure
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 25
Nous franchissons en fin cette rude demeure
Descendons en la plaine et hastons nostre pas,
Chaque mere portant son enfant en ses bras.
Vous eussiez eu pitié de nous voir demi nues
Courant et haletant par sentes [ = sentiers] incogneues,
Le front eschevelé, regardant a tous coups
Si l'ennemi sanglant accouroit après nous. »
http://www.cosmovisions.com/litteratureFrancaise16Theatre.htm
CHLOE MOLLET ANNEE 2020 26
CONCLUSION
À la sortie du moyen âge, les grandes découvertes permettent à l'esprit français de prendre de
nouvelles forces et une nouvelle voie. L’époque est devenue plus sensible à l'ordre grâce au
passage de la suzeraineté à la souveraineté. La précision, la fermeté, l’éloquence et la didactique
s’imposent. Notamment, grâce aux trois mouvements littéraires, la Pléiade, l’Humanisme et le
Baroque. Les différents arts (littérature, poésie, théâtre, peinture et architecture) s’unissent pour
harmoniser la Renaissance.
Appliquées au théâtre, ces qualités créent un genre inédit dramatique. Plusieurs nouveautés font
leur apparition comme l'imitation de l'antiquité ainsi que les drames courts restreints à la
préparation et à la production d'un fait unique. Les brillants morceaux oratoires, ornés de fortes
sentences et maximes morales, en font également partie. Plusieurs auteurs ressortent de la
tragédie comme Jodelle et Garnier. L’un invente ce nouveau genre et l’autre le fait perpétuer
dans le temps.
Ces drames sont constitués de l'antiquité, de la simplicité, de l'élévation soutenue de la pensée
et du style. De l'antiquité, ils abandonnent les mystères et les farces. Néanmoins, l’attention, la
curiosité, le mouvement et l’action restent dans les désirs du goût français.
La tragédie ne cesse d'être cultivée et améliorée pour passer enfin de la cour des collèges et des
feuillets du livre, à la scène. Les auteurs peignent des caractères complexes dans des cercles
restreints et nobles, ce qui correspond totalement à la tragédie française. La fortune et le malheur
des grands y jouent également une grande place.
Les décorations, les costumes, la peinture, la sculpture, l’architecture, la musique ainsi que les
personnages de classe noble enchantent les yeux et les oreilles. Le succès est atteint dans
l'histoire de notre théâtre.
La tragédie ouvrira la voie aux auteurs tels que Corneille et Racine, et perdurera longtemps.
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BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE
(Livre) La Tragédie française au XVIe siècle par Emile Faguet :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5865178f/f14.image.texteImage
(Site) Le Théâtre au XVIe siècle :
https://libretheatre.fr/le-theatre-au-xvieme-siecle/
Ce que tragédie et tragique veulent dire dans les écrits rhétoriques du XVIe siècle :
https://www.cairn.info/revue-d-histoire-litteraire-de-la-france-2009-1-page-71.htm
Le théâtre en France au XVIe siècle :
http://www.cosmovisions.com/litteratureFrancaise16Theatre.htm
La mise en scène de la parole dans la tragédie française au XVIe siècle :
https://books.openedition.org/pulm/1417?lang=fr
Le théâtre au 16e siècle :
https://geudensherman.wordpress.com/lit-16-fr/le-theatre-au-16e-siecle/
La Renaissance :
http://www.histophilo.com/renaissance_(periode_historique).php