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HAL Id: hal-03029794 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03029794 Submitted on 29 Nov 2020 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. La taxation de la cyberconsommation au Cameroun Renaud Etiennis Okomen Tsague To cite this version: Renaud Etiennis Okomen Tsague. La taxation de la cyberconsommation au Cameroun. 2020. hal- 03029794

La taxation de la cyberconsommation au Cameroun

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Page 1: La taxation de la cyberconsommation au Cameroun

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Submitted on 29 Nov 2020

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La taxation de la cyberconsommation au CamerounRenaud Etiennis Okomen Tsague

To cite this version:Renaud Etiennis Okomen Tsague. La taxation de la cyberconsommation au Cameroun. 2020. �hal-03029794�

Page 2: La taxation de la cyberconsommation au Cameroun

La taxation de la cyberconsommation au Cameroun

Par :

Dr. OKOMEN TSAGUE Renaud Etiennis

Moniteur des Travaux Dirigés à la FSJP/UYII

Membre du Secrétariat Technique de l’Observatoire Africain de la Pratique des Affaires-OAPA/ABCS.

Mots clés : Taxation – cyberconsommation – plateforme numérique.

La dynamique actuelle agrémentée, la pandémie de Covid19 aidant, par l’emploi

quasi-systématique des TIC dans les échanges tant à renforcer ici et là, la pratique du

commerce électronique. Et pense-t-on1, si ce n’est « (…) la transformation la plus radicale que

connaitront les nations depuis la révolution industrielle », le commerce électronique présente des

enjeux dont l’importance ne saurait en occulter les défis au plan juridique, en particulier

sur le terrain du régime fiscal y relatif. Sur ce terrain, les difficultés sont nombreuses. Il

s’agit, entre autres, de difficulté d’identification des parties à une opération de commerce

électronique ou de localisation de l’opération ; difficulté d’obtention de documents

pouvant servir de preuve ; l’accessibilité des paradis fiscaux et de centres bancaires

extraterritoriaux ; et plus encore, la désintermédiation qui tend à faire disparaître des

« points d’imposition » commodes.

En clair, le développement du commerce électronique soulève bien de questions de

non moindre importance, notamment en matière de taxation de la consommation. Cela

quand on sait la persistante confrontation entre jeunesse du commerce électronique et

1 Voir Rapport du Ministère du revenu national sur : le commerce électronique et l’administration fiscale du Canada,

présenté par le Comité consultatif ministériel du commerce électronique, avril 1998 ; repris et cité par Hervé

LACHAIZE, La notion d’établissement stable à l’épreuve du commerce électronique, Mémoire DEA, Faculté des

sciences juridiques et politiques, Université Robert SCHUMAN-Strasbourg, 1999, p.5. Dans la même veine, J.

RIFKIN pense que l’émergence de l’économie numérique constitue une 3e révolution industrielle (voir à propos

Nicolas GUILAND, La TVA et les services électroniques : l’appréhension de l’immatériel par la fiscalité indirecte,

Rapport de recherche, Master I droit des affaires, Faculté de droit et sciences politiques, université d’Aix-en-

Provence, 2014-2015, p.9.

Page 3: La taxation de la cyberconsommation au Cameroun

sagesse du droit. Sébastien KIRSCH n’indiquait pas déjà, en constatant la nature

transfrontière du e-commerce et la volatilité de ses objets, que le commerce électronique

constituerait un véritable challenge pour les systèmes de TVA ?2

C’est d’ailleurs pour faire face à ce risque d’incapacitation structurelle du dispositif

juridique devant les progrès technologiques que le Pr Gilles GUGLIELMI observait fort

opportunément que l’avènement de l’intelligence économique pilotée par les algorithmes

exigeait une réaction par le développement d’une fonction d’intelligence juridique capable,

tout au moins d’en diluer les effets pervers3. Et donc toute l’importance de consacrer

cette réflexion à la taxation de la cyberconsommation au Cameroun. Qui plus est au

lendemain de la consécration par la loi de finances 2020 des mesures fiscales visant la

consolidation des réformes entreprises pour un système fiscal efficace, simple, équitable et

favorable à la croissance économique ; au rang desquelles, l’adaptation de la législation

pour l’imposition de la TVA du commerce électronique (art. 127 et 149 quater LF2020).

A priori, le vocable taxation s’entend de l’action de soumettre à la taxe quelqu’un ou

quelque chose4. Parlant donc de « TAXE », M. SARTHIAUX observe que la simple

évocation de ce terme inspire lourdeurs, étranglements, malaises, accélérations

cardiaques, désillusions et impuissances ; le « X » à lui tout seul résonnant comme le

sifflement d’un serpent. On l’assimile volontiers à l’impôt, compris comme« des prestations

pécuniaires mises à la charge des personnes physiques et morales en fonction de leurs capacités contributives

et sans contrepartie déterminée, en vue de la couverture des dépenses publiques et de la réalisation des

objectifs économiques et sociaux fixés par la puissance publique »5. La cyberconsommation, quant à

elle, renvoie à la consommation de produits par commande sur internet, via des

cyberboutiques6.

2 Voir KIRSCH (S), Le commerce électronique et le système TVA, Mémoire de DEA, Collège de l’Europe, 2003,

p.9. 3 GUCLIELMI (G), « Présentation du huitième numéro sur les technologies et le droit », In Jurisdoctoria, n°8, 2012, p.13. 4 Voir Dictionnaire de l’internaute. Disponible sur : www.linternaute.fr 5 DISLE (E.) et SARAF (J.), Droit fiscal, DECF1 Manuels et Applications, Dunod, 2003/2004. Du même auteur,

« Fiscalité », éd.2002/2003, Dunod. Voir dans le même sens BELTRAME (P.), La fiscalité en France, Hachette

Supérieur, 17e éd., 2011/2012, Les fondamentaux, pp.7 et s. L’auteur conçoit l’impôt comme « une prestation pécuniaire

requise des contribuables d’après leurs facultés contributives et qui opère, par voie d’autorité, un transfert patrimonial définitif et sans

contrepartie déterminée en vue de la réalisation des objectifs fixés par la puissance publique ». 6 Voir Dictionnaire de l’encyclopaedia Universalis, 2020. Disponible sur : www.universalis.fr

Page 4: La taxation de la cyberconsommation au Cameroun

Bien édifié sur la terminologie structurant notre sujet de réflexion, il importe de

relever que l’objectif de cette étude est de fournir un éclairage sur le dispositif actuel de

taxation de la TVA sur le commerce en ligne au Cameroun. C’est pour ainsi dire, le lieu de

procéder à l’évaluation du nouveau dispositif de TVA sur le e-commerce à l’aune de la

complexité de l’environnement numérique. De même qu’il s’agit aussi là, de l’occasion

d’exalter le pas franchi par le législateur camerounais en la matière et par ailleurs,

d’exhorter les Etats africains l’emboiter ou mieux encore d’évoluer vers la concertation

fiscale véritable gage de l’imposition efficace des opérations du commerce électronique7.

Répondant à la question de savoir comment s’articule la taxation de la

cyberconsommation au Cameroun, il est nous est donné de constater que le législateur

fiscale de 2020 en précisant les contours de l’établissement de la TVA du commerce

électronique (I), ne perd pas de vue la question de son observance (II).

I. L’établissement de la TVA sur le e-commerce au Cameroun

L’établissement de l’impôt-bien entendu consistant dans les opérations d’assiette et

de liquidation de l’impôt- passe par la recherche de la matière imposable8 à laquelle est par

la suite appliquée la base imposable9. Et c’est pour ainsi dire, le substrat de tout système

d’imposition. En effet, se saisissant de la question la taxation de la cyberconsommation au

Cameroun, le législateur fiscal de 2020 a à l’occasion de l’élaboration de la loi de finances

défini l’assiette de la TVA sur les opérations du commerce électronique (A) ; de même

qu’il n’hésite pas à apporter des précisions sur le seuil d’imposition à la TVA du

commerce électronique (B).

A. L’assiette de la TVA sur les opérations du commerce électronique

7 Voir dans ce sens notre thèse de Doctorat/Ph.D sur : « La fiscalité du commerce électronique dans l’espace

OHADA : éclairage rétrospectif et perspectives d’évolution à la lumière des systèmes fiscaux européens et nord-

américains », Université de Yaoundé II-Soa, FSJP, Juin 2020, p.210 et s. (sur la résurgence de la problématique de

concertation en matière fiscale à l’ère du commerce numérique). 8 C'est-à-dire, l’élément qui sert de support de l’impôt. Il peut s’agir d’un produit, bien, service, capital ou revenu.

Voir dans ce sens MARCHAT (D.), Droit fiscal et fiscalité de l’entreprise, op. cit, p.12. 9 Qui s’entend de la mesure quantitative qui permettra de calculer l’impôt. Voir dans ce sens MARCHAT (D.), Droit

fiscal et fiscalité de l’entreprise, op. cit, p.12.

Page 5: La taxation de la cyberconsommation au Cameroun

Renvoyant juridiquement à la détermination de la nature et de la définition de la

matière imposable, l’assiette fiscale participe à la détermination et à l’évaluation de celle-

ci10. Il s’agit, pour ainsi dire, d’une opération consistant à cerner la matière imposable et à

fixer les règles d’évaluation correspondantes11. C’est tout le sens de l’expression « asseoir

l’impôt ». Ainsi, pour prendre en compte l’intrusion récente des progrès technologiques

dans la sphère économique, la loi de finances 2020 à l’effet d’introduire la taxation de la

cyberconsommation au Cameroun, pose que sont dorénavant imposables les opérations

de ventes de biens et prestations de services réalisées sur le territoire camerounais ou par

le biais de plateformes de commerce électronique ; qu’elles soient locales ou étrangères12.

D’ailleurs, une circulaire prise par le Directeur Général des Impôts précise, fort

opportunément qu’une plateforme numérique renvoie à tout outil digital mettant en

relation à distance, par voie électronique, des personnes en vue de la vente d’un bien ou

de la fourniture d’un service13. Elle est réputée étrangère si exploitée par un non résident.

Et ce sera le cas lorsque l’exploitant ne disposerait pas de son siège ou d’un principal

établissement sur le territoire camerounais.

En outre, la même loi de finance un alinéa plus tard incorpore dans l’assiette de la

TVA du e-commerce, les commissions perçues par les opérateurs de plateformes en ligne

à l’occasion des ventes de biens et prestations de services sur le territoire camerounais14. Il

s’agit en clair, des sommes versées par les vendeurs ou les acquéreurs opérant via les

plateformes de commerce électronique en rémunération de leur utilisation. On voit donc

là toute l’expression de la volonté des pouvoirs publics camerounais, pour reprendre les

mots du Pr Jean-Louis BERGEL, « (…) de dominer et d’encadrer les évolutions qu’engendrent les

progrès techniques »15. Quoiqu’il en soit, il faut apprécier la clarté et la maestria du législateur

fiscal camerounais de 2020 qui fixe sans ambiguïté l’assiette de la TVA sur les opérations

10 CORNU (G), Vocabulaire juridique, Paris, Quadrige-PUF, 11e éd., 2016, p.90. 11 DJEUDJA (R), Fiscalité des entreprises selon la Loi de Finance 2020 avec exercices d’application, Cours polycopié (pour les

Universités, les Grandes Ecoles et les IPES), FSEG/UYII-Soa, inédit, p.9. 12 Art. 127 al.15 de la loi n° 2019/023 du 24 décembre 2019 portant loi de finances de la République du Cameroun

pour l’exercice 2020. Disponible sur : www.impôts.cm 13 Circulaire n°006/MINFI/DGI/LRI/L du 21 février 2020 précisant les modalités d’application des dispositions

fiscales de la loi n°023 du 24 décembre 2019 portant loi de finances de la République du Cameroun pour l’exercice

2020, paragraphe 105, p.17. Disponible sur : www.impôts.cm 14 Art. 127 al.16 de la loi n° 2019/023 du 24 décembre 2019 portant loi de finances de la République du Cameroun

pour l’exercice 2020. Disponible sur : www.impôts.cm 15 BERGEL (J-L), Théorie générale du droit, Paris, Dalloz, 4e éd., 2003, n°154.1, p.174.

Page 6: La taxation de la cyberconsommation au Cameroun

du commerce électronique avant d’interroger le seuil d’imposition de la TVA du e-

commerce.

B. Le seuil d’imposition de la TVA du e-commerce

Il fallait bien définir le seuil d’imposition de la TVA du commerce électronique au

Cameroun ; et bien entendu, le critère de la compétence des administrations fiscales

camerounaises en la matière. Dans ce sens, il ressort du Code général des impôts

camerounais que : « Sont soumises à la Taxe sur la Valeur Ajoutée, les opérations réalisées au

Cameroun, non comprises dans la liste des exonérations prévues à l’article 128 ci-dessus, même lorsque le

domicile ou le siège social du redevable réel est situé hors des limites territoriales du Cameroun »16. En

effet, l’article 129 al. 2 du même texte précise qu’une vente est réputée réalisée au

Cameroun, lorsqu’elle est conclu aux conditions de livraison de la marchandise au

Cameroun ; et pour les autres opérations, lorsque, par exemple, le service rendu, le droit

cédé ou l’objet loué sont utilisés ou exploités au Cameroun.

Plus loin, s’agissant des prestations de services, il apparaît clairement à l’article 130

du CGI que la TVA y relative est établie au lieu de prestation ou l’utilisation du service, de

la production ou de la première mise en consommation. Et on peut constater jusque là

que loi de finance 2020, semble-t-il, n’énonce pas directement le critère de la compétence

du Cameroun en matière d’imposition de la TVA sur les opérations du commerce

électronique. Et à ce sujet, il a fallu attendre la circulaire n°006/MINFI/DGI/LRI/L du

21 février 2020 précisant les modalités d’application des dispositions fiscales de la loi

n°2019/023 du 24 décembre 2019 portant loi de finances de la République du Cameroun

pour l’exercice 2020 pour en être édifié. De cette circulaire, il ressort bien des précisions

sur la détermination du seuil d’imposition de la TVA du commerce électronique, surtout

pour ce qui est des prestations de services. D’ailleurs peut-on y lire que les prestations de

services fournies à partir des plateformes numériques sont réputées réalisées au

Camerounais et donc soumises à la TVA camerounaise, dès lors que le preneur y est établi

16 Art. 129 al.1 CGI camerounais de 2020.

Page 7: La taxation de la cyberconsommation au Cameroun

ou y a son domicile ou sa résidence habituelle ; et ce, quel que soit le lieu d’établissement

du prestataire17.

La question reste tout de même pendante en matière de vente de biens par voie

électronique, s’agissant particulièrement de la vente de biens intangibles et donc la

livraison opère par simple téléchargement. D’où, toute la nécessité à l’ère du commerce

électronique, de recourir au principe de destination pour la détermination de la juridiction

d’imposition de la cyberconsommation18. Si au demeurant et au regard des règles de

définition de l’assiette et de détermination du seuil d’imposition de la TVA du commerce

en ligne, on peut observer que la question de son établissement est assez bien abordée par

la législation fiscale camerounaise, la question de son observance reste entière.

II. L’observance de la TVA sur le e-commerce au Cameroun

Si le terme observance peut être entendu littéralement comme, l’action d’observer

une règle, de s’y conformer19, on peut donc dire que l’observance de l’impôt appelle

l’obligation de se conformer à l’impôt ; c’est-à-dire, de répondre des obligations dont on

est tenu au regard de la législation fiscale. De manière générale, les législations fiscales

mettent à la charge des contribuables des obligations qui peuvent se décliner en deux

séries, à savoir : les obligations de faire d’une part, et les obligations d’être d’autre part.

Pour ce qui est des obligations de faire, la loi fiscale pose l’obligation de déclarer et celle

de payer l’impôt. L’obligation de déclarer20 quel qu’en soit la forme21, suggère de déclarer

aux autorités fiscales son existence, son activité et les revenus et autres matières

17 Circulaire n°006/MINFI/DGI/LRI/L du 21 février 2020 précisant les modalités d’application des dispositions

fiscales de la loi n°023 du 24 décembre 2019 portant loi de finances de la République du Cameroun pour l’exercice

2020, paragraphe 107, p.17. Disponible sur : www.impôts.cm 18 Voir dans ce sens, notre thèse de Doctorat/Ph.D intitulé : « La fiscalité du commerce électronique dans l’espace

OHADA : éclairage rétrospectif et perspectives d’évolution à la lumière des systèmes fiscaux européens et nord-

américains », Université de Yaoundé II-Soa, FSJP, Juin 2020, p.138 (sur le traitement fiscal de la consommation à

l’ère du numérique). 19 Dictionnaire de Poche, Larousse, Paris, édition mise à jour en 2007, Collection L’essentiel à portée de main, p.555. 20 Voir à ce sujet, PEKASSA NDAM (G-M.), « L’obligation déclarative en droit fiscal camerounais », In L’obligation, Etudes

offertes au Professeur Paul Gérard POUGOUE, L’Harmattan, 2015, 1104 pages. 21 La déclaration pouvant prendre la forme de confession ou témoignage. Cf. MBONO Marcel, Comptabilité et

fiscalité des entreprises, Cours polycopiés, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques, Université de Yaoundé II, 2e

Semestre, 2009-2010.

Page 8: La taxation de la cyberconsommation au Cameroun

imposables22. Toute chose qui implique appelle, pour répondre aux diverses

sollicitations23 de ces autorités, l’obligation de conservation de documents et pièces

comptables24. L’obligation de paiement quant à lui, appelle le règlement de la dette fiscale.

La question de l’observance est d’autant plus importante ici, qu’elle concerne la TVA sur

les transactions du commerce électronique. Et le législateur fiscale de 2020, en confiant la

charge de l’observance de la TVA sur le commerce électronique tantôt au fournisseur,

tantôt aux exploitants de plateformes de commerce en ligne (A), en sanctionne les

éventuels manquements (B).

A. La charge de l’observance de la TVA sur les opérations de e-commerce

C’est le lieu de répondre à la question de savoir : qui supporte la charge du respect

de l’obligation fiscale en matière de TVA sur le e-commerce ? Sur cette question, la

réponse paraît bien curieuse s’agissant de la TVA à l’occasion des ventes de biens et des

prestations de services en ligne ; et bien compréhensible pour ce qui est des commissions

ou sommes perçues par l’exploitant d’une plateforme numérique en rémunération de

l’opération d’acquisition ou de cession d’un bien ou service via la plateforme. L’article 149

quater al. 1 in fine du CGI pose que : « La taxe sur le valeur ajoutée dues sur les commissions

perçues à l’occasion des ventes qui sont effectuées au Cameroun à travers les plateformes de commerce

électronique, est déclarée et reversée au Trésor public par les opérateurs desdites plateformes ». En clair,

les opérateurs de plateformes numériques, entendu comme « outil digital mettant en relation à

22 Art. L1 et L2 du Livre des Procédures Fiscales, Deuxième livre du Code Général des Impôts camerounais,

Editions officielle, 2016 (mise à jour1er janvier 2016). Disponible sur : www.impôts.cm. Art. L1 : « Toute personne physique

ou morale assujettie en sa qualité de redevable ou réel au paiement d’un impôt, droit ou taxe ou d’acompte d’impôt droit ou taxe en vertu

des dispositions du Code Général des Impôts, est tenue de souscrire à une demande aux fins d’’immatriculation auprès du service des

impôts territorialement compétent, dans les quinze (15) ouvrables qui suivent le début de ses activités, et de joindre à sa demande un plan

de localisation ». De plus, « Toute modification substantielle affectant l’exploitation fera l’objet d’une déclaration dans les quinze (15)

jours ouvrables suivant cette modification ». art. L2 : « Toute personne physique ou morale assujettie en sa qualité de redevable au

paiement d’un impôt, droit ou taxe ou d’acompte d’impôt droit ou taxe ou désignée pour procéder à des retenues d’impôts à la source en

vertu des dispositions légales ou réglementaires est tenu de souscrire des déclarations selon le modèle fourni par l’administration fiscale

camerounaise, accompagnée des documents annexes obligatoires, dans les délais prévus par la loi ». 23 Ce sont entre autres, les demandes d’éclaircissements et de justifications (cf. article L22 du Livre des Procédures

Fiscales, Deuxième livre du Code Général des Impôts camerounais, Editions officielle, 2016 (mise à jour1er janvier

2016). Disponible sur : www.impôts.cm) et les demandes de communication (art. L42 et s du Livre des Procédures

Fiscales, Deuxième livre du Code Général des Impôts camerounais, Editions officielle, 2016 (mise à jour1er janvier

2016). Disponible sur : www.impôts.cm). Voir dans ce sens BELTRAME (P.), La fiscalité en France, op. cit, p.116 ;

MARCHAT (D.), Droit fiscal et fiscalité de l’entreprise, op. cit, pp.314 et s ; SINGOCK SOTONG (C.), Fiscalité des

entreprises au Cameroun, op. cit, p.43 ; COZIAN (M.), Précis de fiscalité des entreprises, op. cit, pp.479 et s. 24 Art. L4 et s du Livre des Procédures Fiscales, Deuxième livre du Code Général des Impôts camerounais, Editions

officielle, 2016 (mise à jour1er janvier 2016). Disponible sur : www.impôts.cm.

Page 9: La taxation de la cyberconsommation au Cameroun

distance, par voie électronique des personnes en vue de la vente d’un bien ou de la fourniture d’un

service »25, sont seuls tenu de déclarer et de reverser auprès de l’administration fiscale la

TVA sur les sommes versées les vendeurs ou les acheteurs en rémunération de l’usage de

la plateforme.

Mais, comment comprendre que la charge de l’observance de la TVA sur les ventes

de biens et prestations de services via les plateformes électronique soient attribuées à une

personne qui sera très souvent étrangère à la transaction, en l’occurrence les exploitant ou

opérateurs desdites plateformes ? En effet, la loi de finances 2020 en introduisant la TVA

sur le e-commerce, fait des opérateurs de plateformes de commerce en ligne les

redevables de la TVA due sur les ventes de biens et prestations de services via les

plateformes de commerce en ligne26. Ce choix du législateur fiscale de 2020 semble

empreinte d’incongruité ; dans la mesure où, si l’exploitant d’une plateforme de commerce

en ligne pourrait disposer de volumes d’informations sur les opérations réalisées via sa

plateforme, il n’est généralement pas partie aux opérations y réalisées. Ce faisant, il ne

saurait participer efficacement à la collecte de la TVA sur des transactions dont il est

totalement étranger. En outre, cette solution reviendrait dans le monde présentiel27 à

constituer le bailleur d’un fonds de commerce ou d’un local commercial redevable de la

TVA sur les opérations réalisées par le locataire commerçant ou de même s’agissant du

courtier à l’égard de ses clients.

Cette difficulté n’est pas du tout résorber par les clarifications de la circulaire

n°006/MINFI/LRI/L du 21 février 2020 précisant les modalités d’application de la loi

n°2019/023 du 24 décembre 2019 portant loi de finances de la République du Cameroun

pour l’exercice 2020. Il en ressort comme un partage de la charge de l’observance de la

TVA sur les ventes de biens et prestations de services en ligne selon que l’opérateur de la

plateforme est établi ou non sur le territoire camerounais. Ainsi lorsque l’opérateur de la

plateforme sera établi au Cameroun, il reviendrait au fournisseur de collecter et de

25 Circulaire n°006/MINFI/DGI/LRI/L du 21 février 2020 précisant les modalités d’application des dispositions

fiscales de la loi n°023 du 24 décembre 2019 portant loi de finances de la République du Cameroun pour l’exercice

2020, paragraphe 105, p.17. Disponible sur : www.impôts.cm 26 Art. 149 quater al. 1 CGI 2020 : « La taxe sur la valeur ajoutée due sur les ventes de biens et les prestations de services rendues à

travers les plateformes de commerce électronique, est liquidée, déclarée et reversée au Trésor public par les opérateurs desdites plateformes

pour le compte des fournisseurs ». 27 Par opposition à l’espace numérique ou monde virtuel.

Page 10: La taxation de la cyberconsommation au Cameroun

reverser la TVA due dans le compte du receveur des impôts de son centre de

rattachement. Quid donc des cas où c’est le fournisseur qui se sera établi hors du territoire

camerounais ? Peut-être à cette question, on devra revenir au classique de l’article 130 du

CGI qui lui imposerait de désigner à l’administration fiscale un représentant solvable

accrédité et résidant au Cameroun. Bien évidemment, si l’opérateur est établi hors des

limites territoriales du Cameroun, il lui incombe de liquider, collecter et reverser la TVA

due sur les ventes de biens et prestation de service via sa plateforme.

D’ailleurs, par la suite, il est fait obligation à ces opérateurs de plateformes, en

l’occurrence les Fournisseurs d’Accès Internet (FAI) ou Fournisseur de Services

Electroniques (FSE), de souscrire une demande d’immatriculation auprès de

l’administration fiscale. Au-delà de cette difficulté perceptible d’articuler efficacement la

question de l’observance de la TVA sur le commerce électronique au Cameroun, il n’en

demeure pas moins que le régime de TVA en vigueur, envisage la sanction de

l’inobservation de l’obligation fiscale y afférente.

B. La sanction de l’inobservation de l’obligation fiscale en matière de TVA

du commerce électronique

L’efficacité de la règle de droit est dans certains cas tributaire des mesures pouvant

sanctionner sa violation. Dans ce sens, on peut constater, s’agissant de la taxation de la

cyberconsommation, que le législateur fiscal camerounais de 2020 pose au-delà des

sanctions déjà envisagées par le Livre de procédures fiscales des mesures tenant compte

de la complexité de l’environnement numérique. Ainsi, le non respect des obligations

fiscales relatives à la TVA du commerce électronique à la suspension de l’accès à la

plateforme numérique à partir du territoire camerounais28. La circulaire

n°006/MINFI/DGI/LRI/L du 21 février 2020 précisant les modalités d’application de

la loi n°2019/023 du 24 décembre 2019 portant loi de finances de la République du

Cameroun pour l’exercice 2020 précise, pour se faire, qu’il revient à la division en charge

des enquêtes et sur la base des informations à sa disposition, d’initier les diligences

nécessaires à la mise en œuvre effective de cette sanction auprès du Ministère en charge

des Postes et Télécommunications et tous les organismes compétents ; en l’occurrence,

28 Art. 149 quater al.3 du CGI camerounais de 2020. Disponible sur : www.impôts.cm

Page 11: La taxation de la cyberconsommation au Cameroun

l’Agence nationale des Technologies de l’Information et de la Communication (ANTIC)

et l’Agence de Régulation des Télécommunications (ART). Dans cet ordre d’idée,

l’administration fiscale tient publique une liste des plateformes opérant au Cameroun, en

précisant celles à jour de leurs obligations déclaratives et de paiement. Par ailleurs, il

pourra être procédé à la publication de la liste des exploitants de plateformes en

indélicatesse avec les règles de taxation à la TVA du commerce en ligne.

Outre cette mesure tenant à la haute technicité du commerce électronique, les

intérêts de retards et autres sanctions fiscales envisagées aux articles L95 à L102 du LPF

camerounais, de même que les sanctions particulières, entre autres la perte du droit de

déduction de la TVA (art. L103 LPF), l’amende forfaitaire, les astreintes (art. L104 LPF)

et l’interdiction de soumissionner aux marchés publics ou d’exporter (art. L105 LPF) sont

susceptibles de s’appliquer aux cas d’inobservation des obligations fiscales en matière de

TVA. Il pourra aussi être envisagé à l’endroit des contrevenants les pénalités de

recouvrement de l’article L106 du Livre de procédure fiscale et les sanctions pénales des

articles L107 à 110 de ce même texte.

Au terme de l’analyse de la taxation de la cyberconsommation au Cameroun, il

ressort comme une sensation d’œuvre inachevée. En effet, si la question de

l’établissement de la TVA du commerce électronique semble assez bien adressée dans la

loi finances 2020, il n’en va pas de même de la problématique de son observance. Dans ce

sens, il y a lieu de préciser que la solution consistant à confier la charge de l’observance de

la TVA sur les ventes de biens et prestations de services via les plateformes électroniques

aux exploitants desdites plateformes ne saurait contribuer à l’équité et encore moins à

l’efficacité du système TVA du commerce électronique. D’ailleurs, en la matière, on aurait

pu envisager leur participation à la recherche d’informations sur les cybermarchands ; et

dans une moindre mesure, une solidarité avec ces derniers. De plus, la distinction opérée

par la circulaire n°006/MINFI/DGI/LRI/L du 21 février 2020 entre biens matériels et

biens immatériels impose, sauf quelques confusions, de repréciser la summa divisio

livraison de biens et prestations de services. On peut logiquement penser que le

législateur fiscal de 2020 dans sa quête constante d’efficacité du système fiscal

camerounais envisageait déjà les éventuelles difficultés de mise œuvre du nouveau système

Page 12: La taxation de la cyberconsommation au Cameroun

de TVA sur le commerce électronique ; et se faisant, indiquait que des précisions

complémentaires en la matière pourraient en tant que de besoin faire l’objet d’un texte

particulier29.

Qu’il importe sans toutefois préjuger d’une reforme des réformes entreprises pour

un système fiscal plus efficace, simple, équitable et favorable à la croissance, de réitérer la

complexité de la manœuvre à laquelle sont soumis les pouvoirs publics face au problème

de fiscalisation du commerce électronique. Et ainsi, de rappeler la double obligation dont

ils sont tenus, à savoir qu’elles doivent « instaurer un climat fiscal dans lequel le

commerce électronique puisse être florissant, en tenant compte de l’obligation de

disposer d’un système fiscal juste et prévisible qui fournisse les recettes requises

pour combler les exigences légitimes des citoyens en matière de services fournis

par l’Etat »30.

29 Circulaire n°006/MINFI/DGI/LRI/L du 21 février 2020 précisant les modalités d’application des dispositions

fiscales de la loi n°023 du 24 décembre 2019 portant loi de finances de la République du Cameroun pour l’exercice

2020, paragraphe 130, p.19. Disponible sur : www.impôts.cm 30Voir OCDE, Conditions cadres pour l’imposition du commerce électronique, op. cit, p.3. Consultable sur www.oecd.org; voir

dans le même sens OCDE (2001), Commerce électronique, Synthèse, L’Observateur, 2001, p.4. http://www.oecd.org