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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Journal de Traumatologie du Sport 29 (2012) 69–70 Éditorial La prévention, un traitement d’avenir. . . The prevention, a treatment of future. . . « Mieux vaut prévenir que guérir », ce vieil adage populaire est en pleine actualité dans bien des domaines. Il concerne des préoccupations générales de la société comme la sécurité routière, le développement durable et l’environnement, ou tout naturellement des problèmes de santé publique comme les addic- tions diverses, les programmes anticancer, l’obésité chez les jeunes. . . La traumatologie du sport s’inscrit pleinement dans cette réflexion. À côté de son objectif constant de progresser dans le diagnostic et le traitement des pathologies du sportif, son enga- gement dans les programmes de prévention prend une place de plus en plus importante. Certaines pathologies font l’objet d’une attention particu- lière de par leur fréquence ou leurs conséquences médicales, sportives, économiques. Parmi elles, la rupture du ligament croisé antérieur est au centre de nombreux travaux, que ce soit dans la prévention de la rupture ou dans la prévention des ruptures itératives après ligamentoplastie, posant alors le problème des critères de reprise après reconstruction de ce ligament. Après plusieurs décennies passées à rechercher le graal de la ligamentoplastie idéale, après des débats passionnés sur le type de greffes à utiliser, leur fixation, l’adjonction ou non d’une plastie extra-articulaire retour externe ») ou plus récemment du nombre de faisceaux à reconstruire ou de l’utilité de la naviga- tion, le constat de nos résultats incite à beaucoup d’humilité. La technique idéale n’existe (pour l’instant ?) pas et le taux d’échec, faible certes, demeure globalement équivalent quelles que soient les équipes et les techniques utilisées. De nombreux auteurs s’accordent sur le fait que ce n’est pas le type de reconstruc- tion qui conditionne les résultats, dès lors qu’elle respecte les règles de positionnement anatomique, mais plutôt l’existence de lésions associées (ménisques, cartilage, contusion osseuse. . .) ou l’importance de la laxité initiale. Devant le plateau que semblent atteindre les résultats des reconstructions du ligament croisé antérieur, devant la crois- sance des ruptures dans le sport féminin, devant les enjeux que représente cette pathologie chez le sportif, notamment de haut niveau, et devant les impacts médicaux et socio-économiques d’une lésion du ligament croisé antérieur, il est plus que légitime que les efforts de préventions déjà initiés soient poursuivis et renforcés. Sadoghi et al. [1] posent, à travers une méta-analyse, trois questions concernant cette prévention : qu’est-ce qu’un programme de prévention des ruptures du ligament croisé antérieur ? Existe-t-il un programme idéal ? Quels en sont les résultats ? La réduction du risque de rupture est significative dans le groupe bénéficiant d’une prévention (p = 0,003), mais ces résultats encourageants doivent être confirmés par d’autres études. Les efforts à venir porteront sur des programmes visant à prévenir les ruptures mais aussi à donner au sportif opéré toutes les chances de revenir à son meilleur niveau. En effet, l’objectif principal après une ligamentoplastie du genou est de reprendre son sport au niveau antérieur. Qu’en est-il en réalité ? Les résultats des reconstructions du ligament croisé antérieur sont le plus souvent publiés en fonction de critères anatomiques, en particulier la laxité, et fonctionnels sur la vie quotidienne. Les critères sportifs ne sont pas toujours affinés. Or, les principales questions que se pose le sportif après une telle blessure sont « vais-je pouvoir reprendre à mon niveau antérieur ? », « au bout de combien de temps ? ». Deux études récentes sur ces sujets laissent perplexes. Ardern et al. [2] observent que sur 314 reconstructions du ligament croisé antérieur revues à 39 mois de moyenne, moins de 50 % des opérés reprennent leur sport au niveau antérieur. La même équipe [3], dans une méta-analyse publiée en juin 2011, étudie le retour au sport de 5770 reconstructions du LCA répertoriées dans 48 articles, avec un recul moyen de 41 mois. Ils observent que seuls 63 % des patients retrouvent leur niveau sportif antérieur, ce chiffre tombant à 44 % pour ceux qui pra- tiquent le sport en compétition. Cela contraste avec les scores de 85 à 90 % de ces mêmes patients considérant leur genou comme normal ou presque normal (score IKDC). Concernant les délais de reprise, les recommandations habituelles faites à nos sportifs sont de reprendre les sports de pivot à partir du sixième mois postopératoire. L’équipe de Cap Breton [4], dont la population concerne des sportifs de haut niveau, motivés et bien préparés, constate que le délai moyen de reprise des sports de type pivot-contact est de 8,23 mois. Toutes ces constatations sont autant de pistes de réflexion. La Société franc ¸aise de traumatologie du sport (SFTS), aux côtés des ministères, des fédérations et du Comité national olym- pique du sport franc ¸ais, est fortement impliquée dans ce travail de prévention. Le prochain Congrès européen de médecine et 0762-915X/$ see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jts.2012.04.008

La prévention, un traitement d’avenir…

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Journal de Traumatologie du Sport 29 (2012) 69–70

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« Mieux vaut prévenir que guérir », ce vieil adage populairest en pleine actualité dans bien des domaines. Il concernees préoccupations générales de la société comme la sécuritéoutière, le développement durable et l’environnement, ou toutaturellement des problèmes de santé publique comme les addic-ions diverses, les programmes anticancer, l’obésité chez leseunes. . .

La traumatologie du sport s’inscrit pleinement dans cetteéflexion. À côté de son objectif constant de progresser dans leiagnostic et le traitement des pathologies du sportif, son enga-ement dans les programmes de prévention prend une place delus en plus importante.

Certaines pathologies font l’objet d’une attention particu-ière de par leur fréquence ou leurs conséquences médicales,portives, économiques.

Parmi elles, la rupture du ligament croisé antérieur est auentre de nombreux travaux, que ce soit dans la prévention dea rupture ou dans la prévention des ruptures itératives aprèsigamentoplastie, posant alors le problème des critères de repriseprès reconstruction de ce ligament.

Après plusieurs décennies passées à rechercher le graal de laigamentoplastie idéale, après des débats passionnés sur le typee greffes à utiliser, leur fixation, l’adjonction ou non d’unelastie extra-articulaire (« retour externe ») ou plus récemmentu nombre de faisceaux à reconstruire ou de l’utilité de la naviga-ion, le constat de nos résultats incite à beaucoup d’humilité. Laechnique idéale n’existe (pour l’instant ?) pas et le taux d’échec,aible certes, demeure globalement équivalent quelles que soientes équipes et les techniques utilisées. De nombreux auteurs’accordent sur le fait que ce n’est pas le type de reconstruc-ion qui conditionne les résultats, dès lors qu’elle respecte lesègles de positionnement anatomique, mais plutôt l’existence deésions associées (ménisques, cartilage, contusion osseuse. . .)u l’importance de la laxité initiale.

Devant le plateau que semblent atteindre les résultats deseconstructions du ligament croisé antérieur, devant la crois-ance des ruptures dans le sport féminin, devant les enjeux queeprésente cette pathologie chez le sportif, notamment de haut

iveau, et devant les impacts médicaux et socio-économiques’une lésion du ligament croisé antérieur, il est plus que légitimeue les efforts de préventions déjà initiés soient poursuivis etenforcés. Sadoghi et al. [1] posent, à travers une méta-analyse,

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762-915X/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.jts.2012.04.008

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rois questions concernant cette prévention : qu’est-ce qu’unrogramme de prévention des ruptures du ligament croiséntérieur ? Existe-t-il un programme idéal ? Quels en sont lesésultats ? La réduction du risque de rupture est significativeans le groupe bénéficiant d’une prévention (p = 0,003), maises résultats encourageants doivent être confirmés par d’autrestudes.

Les efforts à venir porteront sur des programmes visant àrévenir les ruptures mais aussi à donner au sportif opéré touteses chances de revenir à son meilleur niveau. En effet, l’objectifrincipal après une ligamentoplastie du genou est de reprendreon sport au niveau antérieur. Qu’en est-il en réalité ? Lesésultats des reconstructions du ligament croisé antérieur sonte plus souvent publiés en fonction de critères anatomiques, enarticulier la laxité, et fonctionnels sur la vie quotidienne. Lesritères sportifs ne sont pas toujours affinés. Or, les principalesuestions que se pose le sportif après une telle blessure sontvais-je pouvoir reprendre à mon niveau antérieur ? », « au boute combien de temps ? ».

Deux études récentes sur ces sujets laissent perplexes.rdern et al. [2] observent que sur 314 reconstructions du

igament croisé antérieur revues à 39 mois de moyenne, moinse 50 % des opérés reprennent leur sport au niveau antérieur.a même équipe [3], dans une méta-analyse publiée en juin011, étudie le retour au sport de 5770 reconstructions du LCAépertoriées dans 48 articles, avec un recul moyen de 41 mois.ls observent que seuls 63 % des patients retrouvent leur niveauportif antérieur, ce chiffre tombant à 44 % pour ceux qui pra-iquent le sport en compétition. Cela contraste avec les scorese 85 à 90 % de ces mêmes patients considérant leur genouomme normal ou presque normal (score IKDC). Concernantes délais de reprise, les recommandations habituelles faites àos sportifs sont de reprendre les sports de pivot à partir duixième mois postopératoire. L’équipe de Cap Breton [4], donta population concerne des sportifs de haut niveau, motivés etien préparés, constate que le délai moyen de reprise des sportse type pivot-contact est de 8,23 mois. Toutes ces constatationsont autant de pistes de réflexion.

La Société francaise de traumatologie du sport (SFTS), auxôtés des ministères, des fédérations et du Comité national olym-ique du sport francais, est fortement impliquée dans ce travaile prévention. Le prochain Congrès européen de médecine et

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0 Éditorial / Journal de Trauma

raumatologie du sport en 2013 à Strasbourg, sous la responsa-ilité de la SFTS, consacrera une large session à la préventiones ruptures du ligament croisé antérieur, ainsi qu’une sessionur les préventions des blessures dans le sport. De plus, toujoursous l’égide de la SFTS, un symposium portera sur la repriseéelle « du terrain » après ligamentoplastie du genou et sur lesritères de cette reprise.

Nul doute que des applications pratiques et des programmesrécis de prévention, issus de ces communications scientifiques,ous aiderons à accompagner nos patients dans leur pratique,our que leur sport reste un vecteur de leur santé.

Le rendez-vous est pris !

éclaration d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relationvec cet article.

ie du Sport 29 (2012) 69–70

éférences

1] Sadoghi P, von Keudell A, Vavken P. Effectiveness of anterior cruciateligament injury prevention training programs. J Bone Joint Surg Am2012;94(9):769–76.

2] Ardern CL, Webster KE, Taylor NF, Feller JA. Return to sport outcomesat 2 to 7 years after anterior cruciate ligament reconstruction surgery. Am JSports Med 2012;40:41–8.

3] Ardern CL, Webster KE, Taylor NF, Feller JA. Return to sport follo-wing anterior cruciate ligament reconstruction surgery: a systematic reviewand an meta-analysis of the state of play. Br J Sports Med 2011;45:596–606.

4] Puig PL, Trouvé P, Laboute E. Plaidoyer pour une réathlétisation des plastiesdu ligament croisé antérieur chez le sportif pour préparer le retour sur leterrain. J Traumatol Sport 2010;27:62–7.

C. Lutz

50, avenue des Vosges, 67000 Strasbourg, France

Adresse e-mail : [email protected] sur Internet le 1er juin 2012