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© Cynthia Eunice Aleman, 2020 La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières : évolution du site et influence sur la ville Mémoire Cynthia Eunice Aleman Maîtrise en sciences de l'architecture - avec mémoire Maître ès sciences (M. Sc.) Québec, Canada

La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de ...La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières . Évolution du site et influence sur la ville . Mémoire

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© Cynthia Eunice Aleman, 2020

La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières : évolution du site et influence sur la

ville

Mémoire

Cynthia Eunice Aleman

Maîtrise en sciences de l'architecture - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

Page 2: La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de ...La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières . Évolution du site et influence sur la ville . Mémoire

La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières

Évolution du site et influence sur la ville

Mémoire

Cynthia Eunice Aleman

Sous la direction de :

François Dufaux, directeur de recherche

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Résumé

Explorant les liens étroits qui existent entre la société civile et une communauté religieuse, la

présente recherche analyse la relation entre la propriété foncière et le développement des bâtiments du

monastère des Ursulines de Trois-Rivières. Aujourd’hui, l’avenir de ce patrimoine bâti, avec le déclin de

sa communauté originelle, s’intègre dans une problématique commune à l’ensemble du patrimoine

religieux québécois : la reconversion des lieux intégrant des nouveaux usages questionne quel est le

patrimoine matériel et immatériel à préserver. Le mémoire cherche à éclairer les processus de

développement du territoire et d’urbanisation de Trois-Rivières en accordant une attention particulière

au rôle structurant de la communauté des Ursulines dans la formation du paysage culturel urbain de cette

ville. Également, la recherche tentera d’exposer des pistes de requalification du site ou de changement de

vocation en fonction de ce que ce patrimoine nous révèle.

Le mémoire explore la morphogenèse du domaine foncier et du monastère de cette communauté

en s’inspirant des approches analytiques de Saverio Muratori et de l’École italienne sur la morphologie

urbaine. La méthodologie analyse l’évolution des lieux à travers les continuités et les ruptures

(construction/démolition, feux/reconstruction, agrandissements, etc.) dans le processus de production

de l’espace engendré à plusieurs échelles. L’étude de cas cherche à comprendre comment les terrains et

les bâtiments, propriétés de la communauté, ont évolué pour soutenir le développement du monastère et

leurs missions. La recherche vise également à saisir comment ces actions ont influencé les cycles de

construction sur le site et l’urbanisation de cette portion de la ville de Trois-Rivières. Quelle est la nature

de la relation entre la fluctuation des ressources de la communauté religieuse des Ursulines et l’évolution

de leur domaine foncier ? La question de recherche initiale envisage qu’il existe une interaction dynamique

entre les ressources de la communauté religieuse, le développement de leurs biens fonciers et l’évolution

de la ville de Trois-Rivières. Les opérations foncières structurent le processus de production de l’espace

relié aux Ursulines et interpellent plusieurs disciplines ; l’architecture, l’histoire, mais aussi la géographie

et l’urbanisme, ce qui impose une approche interdisciplinaire. Une analyse morphologique diachronique

des biens fonciers et de leur cartographie permettra d’apporter un nouveau regard sur la façon dont une

communauté religieuse gère ses propriétés afin de mener sa mission sociale et religieuse. L’évolution des

lieux sera le reflet des attentes du milieu, entre sauvegarde éclairée ou disparition progressive.

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Abstract

By exposing how closely related society and the religious community are, the present case study

explores the dynamics surrounding the land tenancy and the development of the buildings forming the

monastery of the Ursulines of Three-Rivers. Today, the future threatens the survival of their heritage and

this issue is a common one for many religious communities in the province of Quebec: the conversion

and change of purpose begs the question as to what parts of their heritage must be preserved. By studying

the structuring role of this Catholic institution in the formation of the urban cultural landscape of Three-

Rivers, the research will undeniably contribute to understanding the processes of the urban morphology

of Quebec. The study will attempt to establish guidelines for a possible future requalification of the site

and a likely change of use for the buildings following the decline of the religious community.

Inspired by the diachronic methodology and the analytical approaches created by Saverio

Muratori and the Italian school of urban morphology, the research exposes the morphology of their

estate and their monastery. The morphology of the building, the site and the city exposes periods of

continuity and rupture through time (construction/demolition, fires/reconstruction, expansion, etc.).

The case study seeks to describe and understand how the land and properties supported the development

of nuns’ monastery missions and affected the urbanization of their surroundings. The research explores

how the amount of support through cash, resources and other means for the building of the Ursulines’

Monastery and the maintenance of their educational and charitable missions is directly tied to the number

of deeds and the material transformations of the Ursuline’s properties in the city and the countryside. Is

there a relation between the community’s resources fluctuation and the evolution of their estate? The

initial research question foresees the existence of a dynamic interaction between the resources of the

community, the development of their estate and the evolution of a part of the city. The exchanges

represented by the deeds on the Ursulines’ estate structure the production of space. An interdisciplinary

approach is inevitable as architecture, history, and geography are closely related disciplines. Subsequently,

material evidence is used to make a qualitative assessment aiming to contribute to the operational history.

This study method provides an opportunity to reflect on the heritage of religious communities and the

feasibility of hypothetical projects using research knowledge as well as sound architectural reasoning.

Indeed, the evolution of the site will reflect of the local will, between enlightened and informed

preservation or progressive disappearing.

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Table des matières

Résumé ..................................................................................................................................................................... iii Abstract .................................................................................................................................................................... iv Table des matières.................................................................................................................................................... v Liste des figures ...................................................................................................................................................... vii Liste des abréviations et des sigles ....................................................................................................................... ix Remerciements ........................................................................................................................................................ xi Introduction .............................................................................................................................................................. 1 1 Cadre théorique et méthode.......................................................................................................................... 7

1.0 Morphologie urbaine et morphogenèse ................................................................................................ 7 1.0.1 La métaphore organique appliquée à l’environnement bâti ..................................................... 7 1.0.2 L’école italienne ............................................................................................................................. 10 1.0.3 Histoire et cartographie ............................................................................................................... 13 1.0.4 Approche morphologique au Nouveau Monde ....................................................................... 14

1.1 Applications pour la recherche ............................................................................................................. 16 1.1.1 Forme.............................................................................................................................................. 17 1.1.2 Échelle ............................................................................................................................................ 18 1.1.3 Temps ............................................................................................................................................. 19

1.2 La démarche méthodologique .............................................................................................................. 20 1.2.1 Présentation des sources et de leur traitement ......................................................................... 20 1.2.2 Sources recueillies ......................................................................................................................... 21 1.2.3 Analyses morphologiques, analyses relationnelles et validation des liens ............................ 24

2 Analyses morphologiques ............................................................................................................................ 26 2.0 La ville : le fief Hertel et les Ursulines ................................................................................................. 27

2.0.1 Descriptions morphologiques à l’échelle de la ville ................................................................. 29 2.1 Le site : le domaine conventuel des Ursulines.................................................................................... 37

2.1.1 Descriptions morphologiques à l’échelle du site...................................................................... 39 2.2 Le bâti : reflet de changement et d’adaptation ................................................................................... 61

2.2.1 Analyse synchronique; 1806 versus 2016 .................................................................................. 62 3 Discussion ...................................................................................................................................................... 66

3.0 Lecture morphologique du patrimoine des Ursulines de Trois-Rivières : la ville, le site et le bâti 66

3.0.1 Régime français (1697-1762) ....................................................................................................... 67 3.0.2 Régime anglais (1763-1867) ......................................................................................................... 68 3.0.3 Confédération et industrialisation (1867-1950) ........................................................................ 69 3.0.4 Après-guerre et modernité (1951- à ce jour) ............................................................................ 70 3.0.5 Tendances et dynamiques repérées ............................................................................................ 71

3.1 Les actes notariés et les transactions foncières .................................................................................. 71 3.1.1 Régime français (1697-1762) ....................................................................................................... 71 3.1.2 Régime anglais (1763-1867) ......................................................................................................... 72 3.1.3 Confédération et industrialisation (1867-1950) ........................................................................ 74 3.1.4 Après-guerre et modernité (1951-1997) .................................................................................... 76 3.1.5 Tendances et dynamiques repérées ............................................................................................ 76 3.1.6 Le fief Hertel et le répertoire ...................................................................................................... 82

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3.2 Analyse morphologique : premiers constats ....................................................................................... 83 3.2.1 Le territoire urbain ........................................................................................................................ 83 3.2.2 Le site conventuel ......................................................................................................................... 88 3.2.3 Le monastère et ses dépendances ............................................................................................... 90

3.3 L’environnement bâti témoigne de l’aventure de la communauté des Ursulines ......................... 92 3.3.1 Stratégies architecturales .............................................................................................................. 92 3.3.2 Architecture domestique .............................................................................................................. 92 3.3.3 Stratégie urbaine ............................................................................................................................ 94

3.4 Un processus cyclique de production de l’espace .............................................................................. 94 3.5 Le cloître : ses limites et interphases relatives .................................................................................... 95 3.6 Apostolat et mission ............................................................................................................................... 95

Conclusion .............................................................................................................................................................. 98 Bibliographie ......................................................................................................................................................... 102 Annexes ................................................................................................................................................................. 107

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Liste des figures

Figure 1 : Ligne de temps représentant les sources à l’échelle de la ville ......................................................................... 29

Figure 2 : Ligne de temps représentant les sources qui contiennent le cadastre ............................................................... 30

Figure 3 : Ligne de temps représentant les cartes produites qui illustrent les propriétés des Ursulines à l’intérieur de la

délimitation originale du fief Hertel ............................................................................................................................. 30

Figure 4 : Détail illustrant les délimitations établies du fief Hertel en 1835 sur gravure représentant la ville de Trois-

Rivières, 1881. AUTR, VII0139003005. .............................................................................................................. 34

Figure 5 : Ligne de temps représentant la construction des bâtiments principaux sur le site conventuel ........................... 37

Figure 6 : Tableau représentant les constructions des bâtiments principaux du site ....................................................... 38

Figure 7 : Ligne de temps démontrant les 27 cartes produites, celles-ci illustrant la construction et démolition des bâtiments

principaux et dépendances du site (morphogénèse du site conventuel). ............................................................................ 38

Figure 8 : « Plan de la ville des 3 Rivières » Levasseur de Néré, 1704. ANOM, 3DFC461B. ................................ 39

Figure 9 : Vue de la ville de Trois-Rivières, 1721. ANOM, DFC0464C01. .......................................................... 43

Figure 10 : Plan non daté. AUTR, III-C -02-990-004............................................................................................ 50

Figure 11 : Photo illustrant l’aile Saint-Joseph vers 1873. AUTR, IIIC029900005 ................................................ 53

Figure 12 : Vue de la cour arrière du monastère et ses dépendances vers 1892. AUTR, P0830031. .......................... 54

Figure 13 : Vue de la nouvelle façade après la construction de la nouvelle chapelle vers 1897. AUTR, IIIC029005005.

.................................................................................................................................................................................. 56

Figure 14 : Photo aérienne illustrant le Collège Marie-de-l’Incarnation vers 1962. AUTR, IIIC029007008. ........... 59

Figure 15 : Ligne de temps représentant les sources à l’échelle du bâti (monastère) ........................................................ 61

Figure 16 : Superposition du plan 1806 versus plan relevé en 2016 (murs intérieurs) ................................................. 63

Figure 17 : Superposition du plan 1806 versus plan relevé en 2016 (Usages : services, soutien et gestion) .................... 64

Figure 18 : Superposition du plan 1806 versus plan relevé en 2016 (Circulations : horizontales et verticales) .............. 64

Figure 19 : Superposition du plan 1806 versus plan relevé en 2016 (cheminées) .......................................................... 65

Figure 20 : Axonométrie de la maison blanche représentant les superficies approximatives des usages existants en 2016.

.................................................................................................................................................................................. 65

Figure 21 : Actes notariés au répertoire....................................................................................................................... 77

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Figure 22 : Actes notariés au répertoire par échelle ...................................................................................................... 77

Figure 23 : Actes notariés des Ursulines au répertoire (échelles) ................................................................................... 78

Figure 24 : Actes notariés des Ursulines au Répertoire (ventes versus acquisitions)....................................................... 78

Figure 25 : Démographie de Trois-Rivières ................................................................................................................. 79

Figure 26 : Actes notariés au répertoire (échelles) ........................................................................................................ 79

Figure 27 : Actes notariés au répertoire (acteurs) ......................................................................................................... 80

Figure 28 : Actes notariés des Ursulines au répertoire (échelles) ................................................................................... 80

Figure 29 : Actes notariés des Ursulines au répertoire (ventes versus acquisitions) ........................................................ 81

Figure 30 : Actes notariés des Ursulines au répertoire (ventes versus construction des bâtiments principaux sur le site) . 81

Figure 31 : Actes notariés des Ursulines au répertoire (acquisitions versus construction des bâtiments principaux sur le site)

.................................................................................................................................................................................. 82

Figure 32 : Tableau illustrant les bâtiments types aux plans d’assurance incendie ........................................................ 86

Figure 33 : Répartition des matériaux de construction pour le type résidentiel .............................................................. 86

Figure 34 : Répartition des matériaux de construction pour le type spécialisé ................................................................ 87

Figure 35 : Graphique illustrant le pourcentage du domaine des Ursulines à l’intérieur du fief Hertel .......................... 87

Figure 36 : Schéma de l’évolution morphologique des bâtiments principaux constituant l’ensemble conventuel. ............... 88

Figure 37 : Ligne de temps démontrant les 10 cartes produites illustrant l’évolution des usages sur le site (espaces sacrés,

profanes et mixtes) ...................................................................................................................................................... 90

Figure 38 : Ligne de temps représentant les cartes produites et qui illustrent l’évolution des usages sur le site ................. 95

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Liste des abréviations et des sigles

Archives

ANOM : Archives Nationales d’Outre-Mer

ASTR : Archives du Séminaire de Trois-Rivières

AUTR/MTR : Archives des Ursulines de Trois-Rivières

AVTR : Archives Ville de Trois-Rivières

BAnQ-CN : Bibliothèque et Archives nationales du Québec – Collection numérique

BAnQ-TR : Bibliothèque et Archives nationales du Québec – Trois-Rivières

MP : Musée McCord

Sigles

ISUF : International Seminar on Urban Form

SCAP : Société de conservation et d’animation du patrimoine de Trois-Rivières

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x

Para mi familia

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xi

Remerciements

Je veux remercier ceux qui auront été ma source d’inspiration première, ma force et mon

secours : Alberto Aleman, Elizabeth Saldaña, Elizabeth Aleman et Antonio-Guy Aleman. Merci pour

votre soutien tout au long de mes études en architecture.

Je tiens aussi à souligner l’appui de mon mentor, professeur et directeur de recherche : François

Dufaux. Merci d’avoir vu mon potentiel de développement. Grâce à vous, j’ai vécu une période de

croissance personnelle et professionnelle exponentielle. Merci pour votre écoute, vos conseils et toutes

les opportunités offertes.

J’aimerais dire un merci spécial à Matthieu Lachance, pour la transmission du savoir, l’écoute, la

patience et votre généreux don du temps.

Je remercie tous les professeurs qui, d’une façon ou d’une autre, ont influencé mon parcours

depuis mon arrivée au Canada : Dominique Routhier, Luke Radoux, Edgard Pitre, Luca Barello, Anne

Vallières, Richard Cloutier, Jan-B Zwiejski, Pierre Côté, GianPiero Moretti et Marc St-Hilaire.

Pour leur patience et leur compréhension, je dédie mon travail de recherche aux Ursulines de

Trois-Rivières et à leurs administrateurs. Un merci tout spécial à Sœur Yvette Isabelle, à M. Vachon et à

Mme Lefebvre qui m’ont ouvert la porte du monastère et qui ont appuyé et soutenu cette recherche.

Je remercie tous mes amis et collègues qui m’ont accompagné pendant un moment ou pendant

la totalité de cette aventure académique : David Nault Daigle, Jean François Allard, Alexis Ruelland,

Sébastien Lavigne, Maxine Perron, Alexandra Michaud, Gabrielle Ranger, Mélanie Trottier, Laura-Anne

Lamarche, Léonie Roy, Marilyn Lemieux-Jolin, Sarah Blais-Laroche, Antoine Blais-Laroche, Florence

Gouge, Catherine Slaght, Isabel Tinoco, Lorena Saez, Marie-Pier Trépanier, Amandine Mortka, Tania

Paula Garza, Marissa Champoux, Jean-Michel Bouchard, Anthony Laliberté-Vincent, Philippe Charest et

Jean-Nicolas Bouchard.

Finalement, je tiens à remercier les divers employés et organismes qui m’ont appuyée, conseillée

et fourni des informations nécessaires à ma recherche : Mélanie Pépin et Marc Lortie (École d’architecture

de l’Université Laval), Audrey Hivon (Archives des Ursulines de Trois-Rivières), André Delisle (Château

Ramezay de Montréal), Catherine Gaumond (Archives des Augustines de Québec), Michel Bergeron

(Ethnologue et maquettiste), Richard Lapointe (iSCAN), Michel Boudreau (STGM architecture), Marie-

Andrée Drouin et Valérie Arseneault (Cartothèque de l’Université Laval), Annie Fréchette (Cartothèque

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xii

de l’Université de Québec à Trois-Rivières), Solange Thibeault (Patrimoine Trois-Rivières), Céline Lamy

(Archives Ville de Trois-Rivières), Mitacs Accélération, Action Patrimoine, Le Fonds boursier en

patrimoine culturel 2008, Centre interuniversitaire d’études québécoises (CIEQ) et Centre de recherche

en aménagement et développement (CRAD).

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1

Introduction

Depuis le mouvement de déconfessionnalisation amorcé au tournant des années 1960, les

communautés religieuses du Québec sont aux prises avec plusieurs défis quant à l’avenir de leur

patrimoine bâti, foncier, matériel et immatériel. La communauté des Ursulines de Trois-Rivières

n’échappe pas à ce constat. Devant le déclin du nombre de religieuses, la communauté des Ursulines

conçoit que la sauvegarde de certains immeubles repose aujourd’hui sur un changement de vocation.

Les Ursulines et les Augustines sont deux communautés emblématiques de la vie monastique du

Québec. Arrivées en 1639, les deux communautés fondatrices ont tout récemment réalisé des projets de

reconversion et de changement de vocation dans leurs établissements de Québec. À la recherche de la

sauvegarde de leur patrimoine, les Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec ont converti en 2015 leur

monastère1 en hôtel monastique, en musée et en centre d’archives. La même année, les Ursulines de

Québec ont loué une partie de leur monastère pour accueillir un CPE et des bureaux administratifs de la

Ville de Québec. Leur musée et l’école dont elles ont longtemps assuré la gestion poursuivent leurs

fonctions, mais la prochaine vocation du monastère reste toujours à être définie. Après l’avoir habité

pendant environ 380 ans, la communauté des Ursulines de Québec a symboliquement quitté, en 2018,

son monastère du Vieux-Québec. À Montréal, les Sœurs grises ont annoncé, en 2019, un autre projet

audacieux avec la reconversion de la Maison de Mère d’Youville. Abritant autrefois l’ancien hôpital

général de Montréal, la Maison deviendra un lieu d’enseignement et de recherche, qui inclura un

laboratoire d’archéologie. Ces différents projets d’envergure sont le fruit d’années de recherche, d’étude,

d’analyse et de planification, au terme desquelles on a décidé d’attribuer une nouvelle vocation à un

bâtiment existant.

À l’instar de ces différents lieux conventuels ayant fait l’objet de reconversion, la maison blanche2,

bâtiment principal de l’ensemble conventuel des Ursulines de Trois-Rivières, est présentement en quête

d’une nouvelle vocation. Les changements qui se profilent à l’horizon risquent d’avoir d’importantes

répercussions sur la vitalité urbaine de l’arrondissement historique de la ville de Trois-Rivières. Pour

mieux les anticiper, il importe aujourd’hui de comprendre comment les décisions de la communauté

religieuse ont toujours été étroitement liées au dynamisme de leur ville hôte. À ce jour, les relevés

1 Le Petit Robert (2019) définit un « monastère » comme étant un établissement où vivent des religieux ou des religieuses appartenant à un ordre quelconque. Pour ce mémoire, on y fera référence lors qu’on parle du bâtiment où habitent les Ursulines de Trois-Rivières. 2 La maison blanche est le bâtiment qui contient les parties plus anciennes de l’ensemble conventuel. La façade principale du monastère est située sur la rue des Ursulines.

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2

historiques, archéologiques et architecturaux réalisés sur le patrimoine des Ursulines dévoilent l’ampleur

de sa relation avec la ville de Trois-Rivières.

Depuis le début du XVIIe siècle, l’Église catholique a joué un rôle primordial et fondateur pour

la Nouvelle-France, puis pour ce qui deviendra le Québec. Grâce à ses diverses composantes – paroisses,

communautés religieuses, clergé –, elle a considérablement contribué au développement de l’économie,

de la culture et de la société. Cet héritage fondateur et structurant, combiné au fait que la société

québécoise se soit rapidement laïcisée au cours des années 1960, explique la difficulté que nous avons

parfois à prendre la mesure de l’ampleur de ce legs, notamment en ce qui concerne l’environnement bâti.

En contexte de sécularisation rapide du territoire, plusieurs questions s’imposent : comment comprendre

l’impact des communautés religieuses sur la formation du paysage culturel ? Dans quelle mesure, à travers

ses œuvres matérielles et immatérielles, l’encadrement institutionnel religieux est-il responsable de la

conception du patrimoine bâti et des paysages culturels urbains et ruraux ? Chose certaine, les débats

publics autour de l’avenir du patrimoine religieux confirment combien ces legs participent encore

aujourd’hui à l’identité culturelle des régions du Québec (Martin, 2007; Dufaux, 2012; Noppen et

Morisset, 1996; Coomans, Noppen et Drouin, 2015). L’étude du cas singulier des Ursulines de Trois-

Rivières nous offre l’occasion de mesurer, plus largement, l’influence des communautés religieuses sur la

forme du développement urbain, matériel et immatériel.

Les communautés religieuses de Québec et de Montréal attirent depuis longtemps l’attention des

chercheurs. Du côté de la capitale nationale, les architectes Dufaux et Lachance (2007, 2008, 2011) ont

su décrire l’évolution du patrimoine architectural des Ursulines et des Augustines de Québec en étant

sensibles à leur évolution morphologique. Au travers des relevés architecturaux, ils ont non seulement

étudié avec précision le monastère, les dépendances et les jardins des Augustines, mais aussi ceux des

Ursulines. Du côté de la ville de Montréal, les communautés religieuses ont aussi fait l’objet de plusieurs

investigations de qualité. Noppen (2009) et Martin (1995, 1997, 2002) se sont par exemple penchés sur

les biens immobiliers des Sœurs Grises en tentant de comprendre l’influence des prescriptions religieuses

dans l’aménagement de l’environnement bâti de cette communauté religieuse et de son évolution.

Dans l’ombre de Québec et de Montréal, les Ursulines de Trois-Rivières ont trop peu souvent

été étudiées. Compte tenu de l’ampleur de leur patrimoine, on s’étonne du faible nombre d’études

architecturales leur étant consacrées. Certes, au fil des années, des firmes et des professionnels ont été

mandatés pour faire diverses études : Patri-Arch (2011), Patenaude-Trempe Inc. (2012), Atelier 21 (2013),

Gilbert (2014), Artefactuel (2016) et BFH (2016), etc. Cependant, dans la plupart de ces études, il s’agissait

d’effectuer un premier rassemblement d’informations, souvent avec des contraintes temporelles et

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3

budgétaires. Du côté de la recherche académique, si Lebel (1981) a décrit une partie du patrimoine des

Ursulines de Trois-Rivières dans son mémoire de maîtrise en histoire, aucun chercheur n’a entrepris à ce

jour une étude globale du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières en employant une démarche

morphologique.

Le présent projet de mémoire entend donc remédier à ce manque en explorant la façon dont le

domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières (terrains et bâtiments) a évolué, jusqu’à tout récemment,

pour soutenir le développement du monastère et la mission de la communauté3. De façon plus large, la

recherche vise aussi à saisir comment ces actions ont influencé l’urbanisation de la ville de Trois-Rivières.

Selon notre hypothèse, il existerait une interaction dynamique entre la communauté religieuse, le

développement de ses biens fonciers et l’évolution de la ville. Ces interactions structurent le processus de

production de l’espace bâti associé aux Ursulines.

Plus spécifiquement, le mémoire se base sur l’idée que le processus de production de l’espace est

étroitement lié à la mission sociale des communautés religieuses. Selon Ferretti (1999), les communautés

religieuses en Nouvelle-France sont engagées dans une mission active au service de la société civile. En

échange, la société fournit des ressources, des concessions de fiefs et de seigneuries de même que des

dons directs(Grenier, 2012). Ces échanges et ce cycle de réciprocité marquent le parcours des Ursulines

à Trois-Rivières. Dès leur arrivée dans la ville, en 1697, les Ursulines sont appelées à assurer l’éducation

des filles et la fondation d’un hôpital. S’amorce ainsi un cycle de relations entre les services offerts par la

communauté religieuse, les ressources dont elles disposent et les attentes du milieu.

L’évolution morphologique du domaine des Ursulines témoigne des changements continus des

terrains, des lots, des bâtiments, des annexes4, des dépendances5 et des jardins. Au fil du temps, on voit

se dégager une tendance : la mission initiale des religieuses s’adapte aux besoins plus complexes et

3 Au XVIe siècle, Angèle de Merici devient la fondatrice des religieuses Ursulines. Elle réussit à inspirer plusieurs filles pour s’occuper d’instruire d'autres jeunes filles, de visiter les hôpitaux et même les prisons. En effet, depuis le tout début, les Ursulines s’impliquaient beaucoup dans leurs milieux sociaux. Ce n’est qu’en 1544, que Paul III les reconnait canoniquement sous le vocable de « Congrégation de Sainte-Ursule ». Au début, les Ursulines vivaient séparément. Par la suite, il y en a eu qui vivaient en commun, sans faire de vœux ni garder de clôture. Plus tard, la congrégation respectait les vœux de pauvreté, chasteté et obéissance. Le 13 juin 1612, Paul V a soutenu la transformation de cette congrégation en un ordre. Au commencement du XVIIe siècle, des murs rigides ont été construits sur les terrains qui circonvenaient les monastères. D’ailleurs, autant au niveau architectural qu’au niveau des coutumes, plusieurs couvents de cet ordre ont dérivé du modèle établi par le grand couvent des Ursulines de Paris. Notamment, le grand couvent se renfermait dans ses murs et la congrégation possédait plusieurs jardins qui fournissaient suffisamment pour leurs propres provisions (Biver, 1975). 4 Le mot « annexe » est utilisé pour les agrandissements collés aux bâtiments principaux avec un usage secondaire. 5 Le mot « dépendance » est utilisé pour les bâtiments accessoires aux bâtiments principaux et qui sont détachés de ces derniers.

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spécifiques de leur milieu local. Cette adaptation va de pair avec la transformation de l’espace que les

Ursulines possèdent, transformation qui s’impose à diverses échelles, celles de la ville, du site et du bâti.

Le mémoire offre un premier survol de la recherche réalisée. Il ne s’agit pas de résumer l’histoire

des Ursulines et de leur patrimoine à Trois-Rivières, mais d’exposer les liens entre l’évolution de leur

domaine foncier et l’histoire de leur milieu local. Divers éléments historiques entourant l’évolution de la

communauté des Ursulines seront mobilisés afin de comprendre, dans une perspective diachronique, les

besoins de la communauté religieuse, lesquels se transposent directement dans la forme et l’organisation

de son patrimoine bâti. La méthodologie d’analyse démontre qu’il existe des rapports de transformation

aux diverses échelles de l’environnement bâti : la ville, le site et le bâti. De ce fait, les interactions

présentées dans ce mémoire laissent entrevoir l’influence de la communauté religieuse sur la production

de l’espace. La notion d’« espace » est ici utilisée comme un terme générique. À l’échelle de la ville, elle

réfère aux divisions des terres, des fiefs, du cadastre, des lots et des rues. À l’échelle du site, elle est

associée à l’aménagement paysager autour du domaine conventuel, de ses bâtiments principaux ainsi que

de ses dépendances. À l’échelle du bâti, elle fait référence à l’aménagement intérieur.

Le cadre théorique s’inspire des approches analytiques de Muratori (1959) et de l’École italienne

sur la morphologie urbaine. Muratori stipule que « connaître un environnement urbain ou territorial

revient à connaître de quoi il est fait, comment il est fait, comment il fonctionne, comment il évolue »

(Levy, 1992 : 5). En outre, Muratori explique qu’il s’agit de trouver les lois qui comprennent tous les

facteurs et qui relient les différentes périodes de développement urbain. D’après lui, chaque situation

d’équilibre dans l’histoire de la ville représente un point tournant qui appelle une nouvelle crise. D’ailleurs,

Muratori souligne que la restitution cartographique est simultanément la planification et l’interprétation

historique.

À ce titre, l’analyse morphologique diachronique des biens fonciers et leur cartographie

permettront d’apporter un nouveau regard sur la façon dont un « organisme à but non lucratif » comme

une communauté religieuse a géré ses propriétés afin de mener à bien sa mission sociale et cultuelle. Bien

qu’il se limite à l’étude d’un cas précis, le mémoire tentera d’éclairer, plus largement, les processus de

développement du territoire et d’urbanisation au Québec.

Afin de bien montrer l’évolution morphologique du domaine foncier des Ursulines de Trois-

Rivières, nous procédons en trois temps. Le premier chapitre du mémoire présente le cadre théorique et

méthodologique qui sert d’assise à nos analyses ultérieures. Comme nous l’avons déjà évoqué, il s’agit

d’exposer les grands axes de la méthode muratorienne en nous intéressant aux principes cardinaux que sont

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5

la forme, l’échelle et le temps. Nous explorons aussi quelques applications de cette méthode en contexte

européen, puis nord-américain afin de vérifier son opérationnalité en ce qui concerne notre objet d’étude.

Dans le deuxième chapitre, nous procédons à une étude de sources qui s’appuie sur une

classification en trois échelles : la ville, le site et le bâti. Sur la base de cette compilation de données, nous

nous appliquons à faire ressortir les tendances et les années charnières pour mettre en relief les continuités

et les ruptures dans l’évolution du patrimoine de la communauté. À partir des sources compilées, nous

présentons des plans qui illustrent l’état des biens fonciers des Ursulines de Trois-Rivières pour chacune

des trois échelles. En fonction des données disponibles, nous avons procédé de façon diachronique pour

l’échelle de la ville et celle du site, et de façon synchronique pour l’échelle du bâti. Ces plans, qui sont

présentés en annexe, sont commentés tout au long du chapitre et nourrissent nos analyses.

À partir des données retenues, notre troisième chapitre s’attarde sur les liens entre les différentes

échelles et fait ressortir les dynamiques et les interactions constantes entre la communauté et son milieu

d’accueil. Nous montrons que les différents changements opérés par les religieuses dans leurs

infrastructures sont motivés par leurs missions sociales. Si l’analyse morphologique et historique montre

l’intrication intime des trois échelles à travers le temps, elle montre aussi l’importance de considérer ces

jeux d’interactions dans l’ébauche du projet futur de reconversion.

Les recherches croisées accomplies dans le cadre d’une maîtrise professionnelle et d’une maîtrise

scientifique en architecture (M. Arch. et M. Sc. Arch.6) exposent l’importance d’intégrer l’étude et

l’analyse du patrimoine matériel et immatériel dans l’exploration conceptuelle d’hypothèses pour un

projet d’architecture. Le présent mémoire démontre que le bâtiment patrimonial exige l’intégration d’une

lecture morphologique dans l’étude et la conception architecturale d’un projet d’architecture. Dans cette

perspective, notre travail de recherche est motivé par le projet d’architecture et le changement de vocation

du monastère des Ursulines de Trois-Rivières. Pour assurer la pérennité d’un bâtiment patrimonial,

l’architecte doit prendre en considération le fait que le bâtiment devra s’adapter à de nouveaux usages et

à de nouveaux occupants. Il est également essentiel de comprendre et de considérer l’histoire et la

morphogenèse architecturale et urbaine de ces bâtiments afin de définir un projet d’architecture en

6 La maîtrise scientifique avec mémoire a été financée dans le cadre du programme Accélération MITACS, un partenariat établit un projet de recherche entre la Communauté des Ursulines de Trois-Rivières, des étudiants de l’École d’architecture de l’Université Laval et le bureau d’architectes Atelier 21. L’objectif du projet visait la réalisation des relevés et d’analyses architecturales du monastère des Ursulines de Trois-Rivières. D’une part, le partage de connaissances produit une étude venant éclairer des pistes de conservation et de mise en valeur de leur patrimoine. D’autre part, une vaste compilation et analyse documentaire est mise en place pour les futures interventions architecturales nécessaires à l’ensemble conventuel.

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6

cohérence avec leur passé et les évolutions qu’ils ont connues. Assurer le maintien de l’usage du

patrimoine bâti et la survie mémorielle de sa signification architecturale implique donc de comprendre

les changements que ces bâtiments ont déjà subis pour faire des choix éclairés en matière de composition,

de programme et de construction. Il ne suffit pas de répertorier et de classer les bâtiments patrimoniaux

pour les conserver. Bien plus que des objets, ces derniers sont d’abord et avant tout des espaces signifiants

qu’il importe d’occuper et d’entretenir pour assurer leur pérennité.

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7

1 Cadre théorique et méthode

Ce chapitre présente les idées théoriques et méthodologiques qui inspirent et encadrent le

mémoire. D’abord, nous nous attardons sur la définition de l’approche retenue, c’est-à-dire l’angle sous

lequel les milieux bâtis sont analysés. Ensuite, l’étude de quelques cas aillant déjà fait l’objet d’une

approche similaire nous permet d’exposer les divers éléments et termes qui sont utilisés dans la recherche.

Enfin, nous exposons comment nous appliquons cette approche méthodologique au cas particulier du

domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières.

1.0 Morphologie urbaine et morphogenèse

1.0.1 La métaphore organique appliquée à l’environnement bâti

Moudon (1997) définit la morphologie urbaine comme étant l’étude de la ville sous l’angle de

l’ethnographe Lévi-Strauss7. Ce dernier décrit la ville comme étant l’une des inventions humaines les plus

complexes, en confluence entre nature et artefact. La ville est définie comme une résultante de

l’accumulation et de l’intégration des actions des habitants qui sont sous l’influence des traditions

culturelles et des forces socio-économiques à travers le temps (Moudon, 1997 : 3). En général, les

morphologues analysent l’évolution de la ville en identifiant ses nombreuses composantes, depuis sa

formation jusqu’aux transformations subséquentes. Plus spécifiquement, les morphologues s’intéressent

aux résultats tangibles des forces socio-économiques, des idées et des intentions qui prennent forme au

sol et moulent les villes (bâtiments, jardins, rues, parcs, monuments, etc.). La ville et les éléments qui la

constituent sont considérés comme étant des organismes qui sont en interaction et en évolution

constante. Autrement dit, les chercheurs du domaine stipulent que les éléments composant la ville

coexistent et s’influencent mutuellement à la faveur d’une interrelation dynamique : l’aménagement de

l’espace urbain influence le milieu bâti qui influence à son tour la trame urbaine. C’est ce lien étroit entre

les composantes de la ville qui a mené les chercheurs à parler de « morphogenèse urbaine » (Lévy,

1992; Moudon, 1997).

7 La dimension temporelle, les notions de diachronie et de synchronie deviennent des éléments importants dans la façon d’étudier la ville. Si une étude diachronique s’intéresse aux évolutions de la ville, une étude synchronique se concentre quant à elle à un moment précis dans son histoire.

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8

La « morphogenèse »8 n’est pas un terme couramment utilisé. Ce dernier résulte de la

combinaison des mots « morphologie »9 et « genèse »10, et son emploi est plus courant en biologie ou en

linguistique. Dans le cadre de ce mémoire, on y fera référence en parlant de l’évolution de la forme, de la

configuration et de l’apparence de l’environnement bâti (terrain, ville, quartier, rue, site d’implantation,

bâtiment, etc.). En effet, de ce point de vue, les bâtiments et les villes sont considérés comme des

organismes vivants qui sont engendrés et alimentés par leurs habitants et qui ne cessent de se transformer.

Selon Lévy (1992), ce sont des motivations pratiques qui mènent les architectes à s’intéresser au

développement d’une meilleure compréhension de la nature du tissu urbain11. Vers la fin des années 1950,

l’urbanisme moderne est critiqué pour sa tentative de produire, de contrôler et de renouveler radicalement

la forme urbaine. Lévy donne comme exemple la construction des banlieues-dortoirs de la période

d’après-guerre, qui selon lui, ont été construites de façon disparate, diffuse et sans continuité avec la ville

ancienne. D’après lui, à cette époque, les vieux tissus urbains ont été dénaturés et le savoir-faire ayant

présidé à la construction des centres historiques s’est peu à peu perdu.

Par la suite, les architectes ont été incités à développer de nouveaux projets, fondés et inspirés à

partir des logiques organiques12 déjà existantes dans les vieux tissus urbains. En fait, c’est à travers ces

réflexions qu’à l’époque, une nouvelle prise de conscience prend place, concernant ce qui peut être

considéré comme un patrimoine matériel13. Autrement dit, il devient important de préserver la ville

existante ou la ville ancienne à travers une nouvelle compréhension de l’importance de préserver la forme

du tissu urbain et des éléments qui le forment. De nombreux professeurs, chercheurs, urbanistes,

architectes, historiens et géographes ont ainsi adopté l’approche de l’analyse typo-morphologique pour

l’étude de la forme urbaine. En remontant le temps, cette approche étudie la ville et cherche à la

comprendre en faisant une lecture de la morphogenèse du tissu urbain existant. Ensuite, elle repère des

lois d’organisation et d’évolution du tissu ancien à travers les pistes que celui-ci contient (Lévy, 1992 : 3).

8 Le Petit Robert (2018) définit la « morphogenèse » comme le développement des formes et des structures caractéristiques d’une espèce vivante. 9 Une des définitions données par le Petit Robert (2018) indique que la morphologie est l’étude de la configuration et de la structure externe d’un organe ou d’un être vivant (anatomie animale ou végétale). Une deuxième définition fait référence à la forme, à la configuration et à l’apparence extérieure d’un organisme vivant. 10 La « genèse » est définie par le Petit Robert (2018) comme étant l’ensemble des formes ou des éléments qui ont contribué à produire quelque chose. La « genèse » désigne aussi la manière dont une chose s’est formée. 11 La notion imagée d’un tissu est appliquée à la ville. Ce terme souligne les liens et les interconnexions entre tous les éléments de la ville, peu importe leur échelle. 12 Le travail de Muratori en typologie urbaine stipule que le type architectural se manifeste « […] selon un processus organique (…) un processus historique, selon des formes en devenir continuel […] » (Lévy, 1992 : 4). Les chercheurs en morphologie urbaine faisant partie d’ISUF proclament la ville comme étant un organisme vivant (Moudon, 1997). 13 Le terme « matériel » fait référence à la matière physique créant l’architecture et l’urbanité.

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9

À travers les années, trois écoles en morphologie urbaine se sont démarquées : l’Italienne,

l’Anglaise et la Française. The International Seminar on Urban Form (ISUF) est un organisme international

regroupant les diverses écoles dans les domaines de la géographie, de l’architecture, de l’urbanisme et de

la planification des milieux bâtis. Depuis ses débuts en 1994, le regroupement, dont l’approche est

multidisciplinaire, a cherché à établir des fondations théoriques communes dans le but d’adresser des

problématiques dans la gestion du développement urbain. Le regroupement détermine qu’une analyse

morphologique est basée au moins sur trois principes : la forme, l’échelle et le temps. Le premier principe

définit la forme urbaine par trois éléments physiques fondamentaux : les bâtiments et leurs espaces

ouverts (qui sont en relation avec eux), les lots et les rues. Le deuxième principe établit que la forme

urbaine peut être comprise à différentes échelles, les quatre plus communes étant le bâtiment-lot, la rue-

parcelle, la ville et la région. Le troisième principe établit que la forme urbaine peut seulement être

comprise à travers son histoire puisque les éléments qui la forment sont en évolution constante (Moudon,

1997 : 7).

D’ailleurs, peu importe l’époque, la plus petite cellule de la ville est considérée comme étant la

combinaison d’une parcelle avec un bâtiment principal et ses dépendances. Les études des chercheurs

des différentes écoles démontrent que les attributs de cette cellule reflètent non seulement une période

dans l’histoire, mais aussi les conditions socio-économiques présentes au moment du développement de

la terre et de la construction du bâti. Par exemple, avec le temps, une même cellule peut être utilisée

différemment par différentes classes sociales, transformée physiquement, éliminée ou remplacée par de

nouvelles formes. La vitesse de changement pour la fonction ou la forme des cellules varie de ville en

ville, mais celle-ci a tendance à suivre des cycles de construction et de transformation qui sont reliés à

l’économie et la culture du lieu (Moudon, 1997 : 7). Ce processus touche bien sûr directement les

principes de la forme, de l’échelle et du temps.

Malgré le fait qu’il y ait des points communs entre les théories des différentes écoles, divers points

de vue coexistent dans l’approche interdisciplinaire du groupe ISUF. Le groupe a en effet rassemblé des

chercheurs du domaine des sciences humaines et des sciences sociales de même que des acteurs impliqués

sur le terrain, faisant ainsi le pont entre les études théoriques et leur application, les connaissances et les

prises de décisions, les approches descriptives et les propositions concrètes, etc. Les géographes anglais

et les sociologues français prônent l’étude de la forme urbaine dans l’objectif de décrire et de créer une

théorie de l’édification de la ville. Les architectes italiens et les architectes français prônent l’étude de la

forme urbaine dans le but de créer une nouvelle perspective de théories urbanistiques et architecturales

basées sur les traditions d’édification de la ville. D’ailleurs, les Français utilisent également l’étude de la

forme urbaine pour estimer l’impact des anciennes théories du projet d’architecture et d’urbanisme dans

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10

l’édification de la ville en faisant une distinction entre l’idée du projet théorique et la mise en pratique de

l’idée du projet (Moudon, 1997 : 8).

1.0.2 L’école italienne

Le cadre théorique du mémoire s’inspire des approches analytiques entreprises par Saverio

Muratori, qui était architecte, historien et professeur aux universités de Venise et de Rome. Muratori est

l’inventeur d’une méthode visant à la reconstitution cartographique du processus historique de formation

de l’environnement bâti, méthode qui en viendra à définir l’école italienne d’analyse de la morphologie

urbaine14. Cette méthode permettait une lecture du tissu urbain inspirant le projet d’architecture

(Cataldi, 2003). D’après Lévy (1992), il y a un consensus entre les chercheurs pour dire que les travaux

de Muratori sur la morphologie urbaine de la ville de Venise sont les premières analyses à considérer la

ville comme un tissu. Malgré des démarches méthodologiques différentes de l’époque, suite aux travaux

des Italiens, le concept du tissu urbain sera appliqué par d’autres chercheurs en France15 et en

Angleterre16.

Lévy (1992) expose les différentes démarches des principaux chercheurs italiens qui ont

développé le champ d’études en morphologie urbaine et qui sont devenus des experts du domaine. Le

champ d’études a principalement été développé à partir des travaux théoriques et méthodologiques de

Saverio Muratori, de Gianfranco Caniggia et de Carlo Aymonino – chacun d’eux ayant reçu une formation

en architecture, en urbanisme ou dans les deux domaines. En plus de leur pratique professionnelle, ils

ont en commun d’avoir été professeurs et d’être devenus historiens à un point ou à un autre de leur

carrière universitaire. Les démarches méthodologiques et les objectifs opérationnels de leurs recherches

varient toutefois. Tous identifient et analysent de diverses façons un ou plusieurs des éléments suivants :

le système parcellaire et son cadastre, le système viaire, les espaces bâtis, les espaces libres et le site

d’implantation. En fait, ce que les morphologues italiens voulaient prouver et comprendre davantage,

c’est l’existence d’une logique derrière l’organisation et la forme du tissu urbain à différentes époques. À

travers leurs travaux, les chercheurs italiens ont commencé à catégoriser les phénomènes qui étaient

permanents et les variantes qui résultaient des transformations diachroniques. Ainsi, selon eux,

14 Les travaux des apprentis et successeurs de Muratori (Gianfranco Caniggia, Carlo Aymonino, Giancarlo Cataldi, Gian Luigi Maffei, Paolo Maretto, Giuseppe Strappa, etc.) sont considérés comme l’école italienne de la morphologie urbaine. 15 Par exemple, inspirés du travail d’Aymonino, les architectes français Philippe Panerai, Jean Castex et Patrick Celeste appliquent les théories et approches méthodologiques sur la ville de Versailles (Lévy, 1992). 16 Les travaux des géomorphologues Michael Conzen et Jeremy Whitehand. Par exemple, les études monographiques de différentes villes effectuées par Conzen utilisant le plan, le tissu constructif et la structure d’utilisation du sol (Lévy, 1992).

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11

l’organisation et le développement des transformations tissulaires révèlent empiriquement les lois qu’elles

suivent.

Muratori est considéré comme étant le père et fondateur de l’approche théorique et

méthodologique de reconstitution cartographique illustrant l’évolution historique des villes. Selon

Muratori, « connaître un environnement urbain ou territorial revient à connaître : de quoi il est fait,

comment il est fait, comment il fonctionne, comment il évolue » (Lévy, 1992 : 5).

Son principal outil d’analyse est l’approche typologique de divers éléments faisant partie du tissu

urbain. Pour lui, un élément fondamental d’étude est le type architectural17 d’une ville. Sa définition de

bâtiment type part de l’idée que selon un processus organique, à travers l’histoire du domaine bâti d’une

civilisation, l’homme a construit des structures efficaces qui peuvent être identifiées comme des

organismes unitaires. Une fois l’identification du type architectural et de ses caractéristiques de base faite,

on peut différencier le développement du tissu urbain autour et la stratification « constructive » de son

environnement. En identifiant le type architectural, il cherche à démontrer le caractère organique et la

logique des rapports qui les relient au tissu urbain (Lévy, 1992).

À travers les reconstitutions successives que Muratori et ses élèves ont produites, il a été possible

d’identifier différents stades du développement du tissu urbain d’une ville de façon chronologique. Selon

Muratori, la structure urbaine est la résultante d’un rapport entre les divers processus de stratification et

formations de tissus des époques urbaines distinctes. En outre, Muratori souligne la nécessité de cibler

les lois qui comprennent tous les facteurs et qui relient les différentes périodes de développement urbain.

Selon lui, chaque situation d’équilibre dans l’histoire de la ville représente un tournant menant

éventuellement à une nouvelle crise. Il soutient d’ailleurs que la reconstitution cartographique représente

simultanément une planification et une interprétation historique (Lévy, 1992 : 5).

Étudiant de Muratori, Gianfranco Caniggia a poursuivi son travail dans la démarche typologique

de l’étude du tissu urbain en cherchant à être plus systématique dans sa démarche méthodologique.

Muratori a principalement établi la théorie et Caniggia l’a rendue opérationnelle en faisant le pont entre

la théorie et la pratique (Cataldi, 2003). Il a développé une technique rigoureuse et a développé le concept

d’organicité en employant une approche génétique dans son étude morphologique de villes comme

17 Le terme « type » est défini comme étant un « ensemble de conventions et de normes produits [sic] par une tradition constructive […] » et organique (Lévy, 1992 : 5). Par contre, Caniggia stipule que « type » et « standard » sont des termes contraires puisque le standard découle de la réglementation constructive et est conséquemment inorganique.

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12

Come, Florence ou Rome. Son travail se base sur l’idée que le tissu urbain résulte d’un processus de

formation progressif marqué par une accumulation d’ajouts patrimoniaux successifs (Lévy, 1992). En

isolant chaque couche, il cherchait à expliquer davantage la logique derrière la formation et la

transformation d’un tissu urbain. Comme le proposait avant lui Muratori, Caniggia soutient qu’il existe

un ordre sous-jacent régissant l’évolution du tissu urbain analysé. Autrement dit, il propose que si l’objet

de départ est analysé en couches distinctes, et que celles-ci sont examinées une par une, il est possible

d’établir un ordre chronologique qui définit couche par couche l’amalgame, jusqu’à ce qu’on arrive à la

première couche, antérieurement cachée par les autres couches.

Muratori a ainsi développé les concepts d’organisme, d’organicité, d’architecture organique et de

territoire. De façon complémentaire, Caniggia a concentré son travail sur la méthodologie, la structure,

les concepts de série, de type de base, de bâti et de ville (Cataldi, 2003). Caniggia a peaufiné la

méthodologie en identifiant les récurrences dans les diverses études de cas réalisées. Ensuite, il a

commencé à utiliser de nouveaux concepts décrivant davantage les phénomènes remarqués et qui sont

représentatifs du domaine de la typo-morphologie. Par exemple, il définit le type de base18 et ayant ce

dernier en référence, il spécifie également des pseudo-types19. L’agglomération de ces derniers est jugée

comme des tissus de base et leurs extensions au long de voies sont identifiées comme des tissus

particuliers. Pour établir plus clairement les concepts typologiques, Caniggia a notamment décortiqué

davantage la notion de type en identifiant le type a priori20, le type a posteriori21, le type portant22 et les

variantes synchroniques23 (Lévy, 1992). De plus, il a porté une attention particulière à la distinction entre

les types de base, les types résidentiels ou les types spécialisés (Cataldi, 2003).

Caniggia définit le concept du processus typologique comme étant l’accumulation des types selon

un ordre et une logique spécifique derrière la genèse de ces derniers. Un exemple éloquent est la maison

florentine dans l’étude morphologique de la ville de Florence effectuée par Caniggia. En effet, le

18 Aussi identifié comme « cellule élémentaire », il sert comme unité de référence. Celui-ci est défini comme un espace carré aux dimensions d’environ 5 mètres sur 6 mètres (Lévy, 1992 : 5). 19 Agrégations successives du type de base et qui sont généralement différents en fonctionnalité (Lévy, 1992 : 5). 20 Le type a priori est un « produit collectif socialement codé, valorisé, et historiquement déterminé, qui fonctionne comme principe d’organisation du tissu » (Lévy, 1992 : 5). 21 Le type a posteriori est une « construction purement rationnelle, issue d’une analyse qui tente de décrire le type a priori, et dont il n’est qu’une interprétation possible parmi d’autres » (Lévy, 1992 : 5). 22 Aussi identifié comme « type porteur », celui-ci est « un type idéal qui réalise la synthèse des éléments novateurs qui ont réussi à s’imposer, des nouvelles normes de construction, des nouvelles conventions » (Lévy, 1992 : 6). 23 Les variantes synchroniques sont « l’actualisation du type portant qui se trouve particularisé par son ancrage spatio-temporel, son implantation, son orientation, qui lui font subir toutes sortes de déformation » (Lévy, 1992 : 6). D’une part, les variantes synchroniques de restructuration sont décrites comme étant le résultat d’un processus de modernisation. D’autre part, les variantes synchroniques de reconstruction sont définies comme étant le résultat d’une substitution totale à l’intérieur des contraintes du tissu existant (Lévy, 1992).

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13

processus typologique s’illustre à travers la réalisation que le tissu contemporain commence par le dôme

romain jusqu’à sa transformation en l’immeuble en rangée qui existe aujourd’hui. Caniggia commence

par décortiquer les mutations du dôme dans un tissu formé par des maisons avec une cour qui étaient

occupées par les marchands. Ensuite, il identifie les transformations vers des maisons mitoyennes et

unifamiliales avec différentes variantes comme une cour ou une boutique. Ensuite, les maisons

mitoyennes deviennent plurifamiliales avec des boutiques et un escalier isolé ainsi que des extensions en

profondeur vers l’intérieur de la parcelle. Puis, l’immeuble collectif en rangée fait son apparition avec

plusieurs appartements (Lévy, 1992).

Les études de Carlo Aymonino sur le type et le tissu l’ont amené à une définition d’analyse

urbaine reposant sur la typologie. Selon Aymonino, l’analyse urbaine étudie les variations du rapport

dialectique entre la morphologie urbaine et la typologie du bâti. Pour lui, la typologie du bâti est l’étude

des éléments structurels artificiels qui incluent non seulement les bâtiments, mais aussi les murs

d’enceinte, les voies, les jardins et tout ce qui constitue la ville. Son objectif est de classifier ces différents

éléments selon la forme urbaine associée à une période historique donnée. Aymonino oppose et définit

les termes de typologie formelle et de typologie appliquée, la première étant à caractère esthétique et la

seconde à caractère fonctionnel. Quant à la morphologie urbaine, il la définit comme l’étude, la

description et la classification des causes qui convergent et mènent à la création ou à la transformation

de la structure physique de la ville. Au même titre que Muratori et Caniggia, Aymonino décrit la forme

urbaine comme étant un processus organique et continu, précédemment conditionné pour être formé

d’une certaine façon et ayant toujours des tendances de formation en cours. Ainsi, puisque la forme

urbaine est un processus en évolution constante, elle ne finit jamais de se construire. Par contre, dans la

typologie bâtie, il est possible d’isoler des caractéristiques permanentes dans un contexte sociohistorique

et d’en faire une classification systématique. Conséquemment, l’idée que la morphologie urbaine est une

variable qui ne peut être isolée et que la typologie peut être une donnée constante souligne davantage la

théorie voulant que les transformations et les rapports entre typologie et morphologie soient à caractère

dialectique et non purement causal (Lévy, 1992).

1.0.3 Histoire et cartographie

L’histoire et la cartographie constituent des champs d’investigation complémentaires à

l’approche typo-morphologique qui est utilisée dans notre recherche. En effet, ces disciplines nous ont

permis d’approfondir l’exploration du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières en exposant sa

morphogenèse.

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14

La dimension cartographique de nos recherches s’inspire de l’« école anglaise », à la tête de

laquelle on retrouve le géographe Michael Conzen, qui considère la ville comme une unité – ce qui n’est

pas sans rappeler le concept de tissu urbain développé par les Italiens. Au même titre que Muratori,

Conzen souligne l’importance de reconnaître les cycles de constructions. Il croit que les unités urbaines

forment un ensemble, soit parce qu’elles ont été construites à une même époque sous les mêmes

contraintes ou parce qu’elles ont subi, à travers le temps, un processus de transformation analogue. Son

travail se démarque avec l’étude de cas qu’il a faite en 1960 sur Alnwick.

En contexte canadien-français les travaux de Fortier (2012) illustrent bien l’approche

cartographique développée par l’École anglaise. Elle se fonde sur l’étude comparative de cartes issues

d’époques différentes pour préciser l’origine, l’emplacement et l’aménagement des premiers jardins

communautaires à Québec (Ursulines, Jésuites, Augustines, Récollets). Elle effectue également une

analyse comparative qui s’appuie sur les caractéristiques qui distinguent chaque jardin conventuel de ses

semblables. En effet, avant 1670, elle stipule que la composition des jardins n’est pas trop détaillée

(Fortier, 2012 : 217). La démarche de caractérisation, l’approche chronologique et surtout la cueillette de

données de Fortier sont très semblables à celle du mémoire. Elle décrit les aménagements de plusieurs

plans et compare ceux-ci dans leur évolution de façon chronologique. Conséquemment, les changements,

d’une époque à l’autre, sont facilement repérables et, lorsque le niveau de détail rencontré dans les plans

analysés est insuffisant, la chercheuse peut établir des hypothèses concernant les aménagements. En

fonction de l’existence de sources primaires, les hypothèses peuvent soit être confirmées ou

complexifiées. Par exemple, il est possible d’établir une hypothèse concernant la réalisation d’un jardin

qui apparaît d’un plan à l’autre, puis de valider et de raffiner les dates, l’aménagement, les mesures selon

les informations retrouvées dans les correspondances, les actes notariés, les marchés de construction, etc.

1.0.4 Approche morphologique au Nouveau Monde

Les fondateurs des écoles d’analyse morphologique, en Italie, en France ou en Angleterre ont

souvent traité de territoires dont l’occupation remonte à l’Antiquité romaine et dont il existe des traces

qui s’accumulent – par couches – durant près de 2000 ans de formation et transformation. L’étendue

temporelle des villes qui ont été étudiées jusqu’ici avec l’approche morphologique n’invalide en rien sa

pertinence pour notre site, dont l’histoire est beaucoup plus courte.

L’analyse morphologique s’avère un outil efficace pour reconstituer l’occupation du territoire du

Nouveau Monde et pour faire la lumière sur la fondation, la croissance et la transformation de ses milieux

ruraux et urbains. En effet, aux États-Unis, Moudon (1987) démontre l’application de cette approche à

l’évolution de la structure urbaine d’un quartier résidentiel de San Francisco. Au Canada, Gilliland et

Page 27: La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de ...La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières . Évolution du site et influence sur la ville . Mémoire

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Gauthier (2006) ont fait une revue exhaustive des études de la forme urbaine publiées par des chercheurs

francophones et anglophones. Ils ont pu montrer que, depuis un peu plus de vingt ans, de nombreux

chercheurs influencés par l’école italienne et l’approche morphologique se sont penchés, dans leurs

études, sur Québec, Montréal, l’île d’Orléans et Wendake (Gilliland et Gauthier, 2006 : 53). Si l’application

de la méthode morphologique a déjà fait ses preuves dans l’étude du territoire de la Nouvelle-France, la

ville de Trois-Rivières ne semble pas avoir été traitée par ce type d’études.

La congrégation des Ursulines de Québec a déjà été étudiée à partir d’une approche

morphologique. Le rapport de recherche, qui contient une analyse architecturale du monastère des

Ursulines de Québec par Dufaux (2011), se base sur un relevé du bâtiment et sur une compréhension de

son évolution historique à travers les archives textuelles, orales, iconographiques et architecturales. Le

rapport expose cette évolution chronologique à travers des schémas, une modélisation 3D et des plans.

L’approche qui est présentée par Dufaux vise à guider la façon de documenter et d’analyser l’architecture.

Son approche méthodologique repose sur l’analyse de la morphologie du monastère à travers la réalité

matérielle existante. Dans un sens, l’approche de Dufaux consiste à déterminer l’état actuel du bâtiment,

à délimiter l’ancienneté des différentes parties pour ainsi développer une compréhension de l’évolution

du monastère. En ce qui concerne les Ursulines de Trois-Rivières, deux relevés architecturaux des

bâtiments conventuels ont été faits jusqu’ici24. Notre participation à la réalisation de ces relevés ainsi que

les informations consignées lors des travaux exploratoires faits sur le site alimentent grandement ce

mémoire.

Ces types d’explorations s’inscrivent dans une démarche plus large visant une meilleure

compréhension de l’architecture et du patrimoine bâti au Québec par les communautés religieuses :

Augustines, Ursulines, Récollets, etc. (Dufaux, 2007; Dufaux, 2008; Dufaux, 2008; Dufaux, 2011; Dufaux,

2012; Dubois, 2018). En effet, la nature du programme du monastère des Ursulines de Québec est très

similaire à celui de Trois-Rivières. Notamment, les deux domaines intègrent un monastère qui sert de

résidence aux Ursulines, une école, une chapelle, des bâtiments de service, un musée et un jardin. Par

contre, les différences entre les deux monastères militent en faveur de l’hypothèse selon laquelle il y aurait

eu, initialement, une influence homogénéisante remontant à la congrégation des Ursulines de Paris, mais

que l’adaptation difficile de la planification architecturale au contexte québécois aurait obligée des

adaptations locales. Comme le montrent les travaux de Hardy et Séguin (2008) et ceux de Trotier (1968),

24 Relevés et plans dessinés dans le cadre du partenariat Mitacs 2014 et 2015 avec la collaboration du Monastère des Ursulines de Trois-Rivières, la firme d’architecture Atelier 21 (Matthieu Lachance, architecte) et l’équipe de recherche de l’Université Laval (François Dufaux, David Nault-Daigle, Cynthia Aleman et Jean-François Allard).

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les ressources disponibles à Québec et à Trois-Rivières de même que les contextes socio-économiques et

historiques des deux villes n’étaient pas les mêmes.

1.1 Applications pour la recherche

Les principes de forme, d’échelle et de temps inspirent l’analyse morphologique et rendent

compte de l’idée muratorienne selon laquelle l’humain produit un territoire qui subit constamment des

transformations à travers des processus cycliques. Selon Muratori, historiquement, les processus cycliques

constructifs prennent place suivant une séquence allant du territoire à l’espace matériel, de l’espace

matériel au bâti, du bâti au village, du village à la ville et de la ville au territoire. Le territoire est la plus

grande échelle puisque, selon Muratori, c’est lui qui précède, engendre et soutient structurellement les

autres ordres de grandeur (Cataldi, 2003). À travers le temps, les humains construisent de nouveaux

espaces à différentes échelles et celles-ci sont reliées entre elles au même titre que plusieurs filaments

forment l’ensemble d’un tissu. En gardant l’idée de l’évolution organique du tissu urbain, Muratori

produit des reconstitutions successives de différents états de développement du tissu urbain des villes. Sa

démarche méthodologique met en relief des séquences cycliques reliées au contexte social, historique,

économique et géographique. Ensuite, l’analyse de celles-ci expose la morphogenèse de ces villes (Cataldi,

2003).

La méthodologie appliquée au mémoire est influencée par l’analyse morphologique diachronique

de Gauthier (Gauthier, 1997 et 2003), elle-même inspirée des théories de Muratori (Muratori, 1959).

Gauthier analyse la forme urbaine du quartier Saint-Sauveur à Québec et examine le tissu urbain en le

considérant comme une manifestation de la culture matérielle de ses habitants. Selon lui, cette forme

urbaine, qui conserve les traces de l’histoire du quartier, traduit un ensemble de pratiques et de

comportements. Il utilise également une méthodologie d’analyse typo-morphologique pour étudier la

réalité du milieu bâti et retracer les transformations des configurations spatiales.

Son travail fait d’ailleurs référence au découpage parcellaire urbain des terres des Ursulines de

Québec. Il montre comment les projets et les formes de lotissement ont changé d’orientation à la suite

de leur adaptation au chemin de fer et aux incendies. Dans l’évolution de ces projets et de ces décisions,

on constate l’influence de la communauté sur le découpage parcellaire de la trame urbaine de Québec.

Gauthier est l’un des premiers à avoir utilisé le cadre théorique de l’École italienne et à l’avoir

appliqué à la forme urbaine nord-américaine. L’étude du cas trifluvien au moyen de ce même cadre

théorique permettra de saisir comment la communauté des Ursulines influence les transactions

économiques et les transformations matérielles du tissu urbain trifluvien. La recherche se base sur les

Page 29: La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de ...La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières . Évolution du site et influence sur la ville . Mémoire

17

preuves matérielles des propriétés des Ursulines et sur des documents d’archives, tels que la cartographie,

les plans d’assurance incendie de la ville, les actes notariés, les correspondances, les récits de voyage, les

images, les peintures ainsi que les plans et devis, pour ne mentionner que ces derniers. Conformément à

l’idée muratorienne – très empirique – d’utiliser « il Rilevamento dal vero »25 dans sa contribution à l’histoire

opérationnelle de la forme urbaine de Venise, ma recherche se base sur la réalisation de relevés et sur

l’analyse de l’évolution architecturale du monastère des Ursulines dans la ville de Trois-Rivières. Les

preuves matérielles sont utilisées pour faire une évaluation qualitative qui vise à contribuer à l’histoire

opérationnelle de Trois-Rivières26. De plus, une modélisation numérique de la transformation du

bâtiment expose les répercussions des événements socioéconomiques sur les biens fonciers. En tous les

cas, ces différents modes d’analyses seront toujours guidés par la prise en charge des grandes dimensions

de l’analyse morphologique : la forme, l’échelle et le temps.

1.1.1 Forme

L’étude de l’évolution de la forme devient un indicateur de continuités et de ruptures.

L’aménagement architectural et urbain d’un espace au fil du temps dévoile des tendances, des habitudes

ou des changements hors du commun qui peuvent être expliqués par les besoins, les moyens et les

aspirations de l’occupant.

Nous nous inspirerons dans nos analyses sur la forme des travaux de Lévy (2003), qui explore le

mécanisme de construction de la croyance religieuse par le biais de l’espace. L’auteur étudie le langage de

l’espace à travers sa nature, sa structure, son rôle et son fonctionnement. Le religieux déploie une

narration qui peut être lue à travers l’espace. En effet, Levy souligne qu’il faut appréhender l’espace

comme un récit qui nous raconte, par la voix de son aménagement, le parcours vers « la quête du salut ».

L’auteur cherche à comprendre le rôle et le fonctionnement de la forme de l’espace en identifiant les

structures de base qui génèrent les espaces cultuels. Il analyse l’exemple chrétien et exprime que les

espaces cultuels étudiés sont conçus et envisagés comme des « machines à faire croire ». Selon lui, ces

machines contiennent des dispositifs internes qui possèdent des mécanismes de production d’effets de

sens conduisant vers la foi. De ce fait, la production de la foi est l’objectif principal, puisque ce sont des

espaces envisagés pour la rencontre avec le divin.

25 Le relevé à partir du vrai. 26 Studi per un'operante storia urbana di Venezia (1959) : l’étude utilise le terme « histoire opérationnelle » faisant référence à l’histoire du processus de mise en œuvre pour atteindre la réalisation d’un projet d’architecture ou d’un projet urbain.

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Dans une perspective analogue, Martin (1997) aborde comment de grandes institutions féminines

opéraient et conséquemment quel était l’impact de ce fonctionnement sur l’architecture de leur

monastère. Plus spécifiquement, elle porte un regard particulier sur les besoins, les coutumes et les

activités des sœurs qui définissaient la division des espaces et l’interface entre le public et le privé du

bâtiment (espaces profanes versus espaces sacrés). De plus, Martin mentionne la grande diversité des

occupants, révélant ainsi la complexité de l’organisation et l’efficacité requise à l’échelle architecturale.

Son travail nous a aidé à repérer et à comprendre davantage l’organisation hiérarchisée des espaces utilisés

par les religieuses, leur façon de gérer ces espaces selon leurs besoins, leurs priorités et les objectifs

principaux de leur mission.

1.1.2 Échelle

Dans le cadre de notre recherche, nos analyses sont appliquées à différentes échelles : celle de la

ville, celle du site et celle du bâtiment. Selon l’échelle à laquelle l’analyse morphologique réfère, il est

possible d’en tirer différents types d’information.

À l’échelle de la ville, l’approche typo-morphologique27 offre une première méthode d’analyse

pour s’interroger « sur la nature et la structure du tissu urbain, ses mécanismes de formation et de

transformation, sur ses lois d’évolution, etc. » (Lévy, 1992 : 2).

À l’échelle du site, les travaux de Fortier (2012) nous ont servi de guide en nous montrant de

nouvelles possibilités d’analyse. Elle présente une recherche approfondie sur les jardins d’agrément28 en

Nouvelle-France et souligne la rareté des études autour du sujet dans les domaines de l’architecture, de

l’histoire et de l’ethnologie. Son travail cherche à faire reconnaître les jardins de la Nouvelle-France

comme un phénomène culturel et social basé sur l’idée que les jardins étaient « un amalgame de l’utilitaire

et de l’agréable ». En effet, dans les premiers temps de la colonie, les jardins étaient de première nécessité

et leur but premier était d’assurer la subsistance de leurs propriétaires. D’ailleurs, les personnes instruites,

les gens titrés, la noblesse, les communautés religieuses et les dirigeants avaient le potentiel, les

connaissances et l’intérêt de concevoir un jardin d’agrément. L’étude fait une recension systématique de

sources primaires de la colonie française : cartographie urbaine, illustrations, représentations de gravures,

27 La typo-morphologie est l’étude de l’analyse des différentes typologies architecturales et urbaines constituant les villes (Moudon, 1997 : 6). 28 L’appellation est utilisée « pour désigner les espaces associés à des pratiques d’architecture de paysage répertoriés pour l’ensemble du territoire de la Nouvelle-France durant la période du Régime Français ». Sa description des jardins englobe ceux où les végétaux sont cultivés avec un souci esthétique, comportant des aménagements pour la promenade et le repos, ainsi que ceux qui ont une prédominance de plantes utilitaires et dont l’organisation et la fonction dépassent la fonction alimentaire (Fortier, 2012 : 22).

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plans français et manuscrits dessinés par les ingénieurs du roi, divers récits de voyage et correspondances

administratives. Les sources de la période française et celles de la période s’étendant de la Conquête

jusqu’au XIXe siècle permettent de déterminer la forme, l’étendue et la composition des jardins puisque

les plans de présentation, les plan-masse et les plans techniques de cette époque avaient tendance à les

représenter plus systématiquement. Par contre, l’absence de preuves documentaires explicites et de

preuves matérielles convaincantes semble avoir représenté un défi. Des cas exceptionnels de certaines

archives écrites (les plans et descriptions) contenaient des références directes ou indirectes mais,

généralement, Fortier souligne que la cueillette au sein des sources est décevante en ce qui concerne

l’histoire des jardins canadiens. Plusieurs chercheurs semblent avoir eu des difficultés concernant les

archives écrites de la colonie et la référence aux plans historiques est considérée comme fiable et

accessible. L’étude a identifié six sites qui ont gardé leur usage premier et conservé des traces de leur

aménagement initial.

Concernant l’échelle du bâti, il est possible d’avoir une approche génétique inspirée du travail de

Caniggia (Lévy, 1992) et de considérer l’évolution du bâtiment comme un processus de formation

progressif qui évolue et se transforme à travers des ajouts successifs qui se font par extension au bâtiment

initial (le bâtiment de base). En isolant chaque ajout, on obtient un stade de l’évolution, et chaque stade

est expliqué par son stade précèdent ou il devient une explication pour le stade ultérieur. D’ailleurs, selon

Caniggia les innovations se démarquent à travers ces transformations et il est donc possible d’identifier

la logique et le lien entre les différentes échelles d’intervention. La logique qui se dégage de l’histoire

accumulée par les différentes couches permet une lecture du bâtiment qui informe et guide l’intervention

future.

1.1.3 Temps

Un aspect important de l’étude de la morphogenèse est la notion de temps. D’une part, l’étude

chronologique des facteurs influençant la formation des espaces permet une meilleure compréhension de

leur processus évolutif. D’autre part, l’analyse qui découle d’un moment précis dans l’histoire dévoile le

contexte dans lequel ces changements arrivent et permet d’établir des hypothèses qui exposent les

catalyseurs des changements évolutifs et la manière dont ils ont contribué à la formation de l’espace tel

qu’on le connaît aujourd’hui.

L’approche chronologique de Fortier (2012), par exemple, est basée sur le développement de la

Nouvelle-France et accorde une grande importance à la notion de temps. Quatre périodes chronologiques

ressortent et structurent sa démarche. La trame historique du développement de la colonie et la mise en

place des trois gouvernements canadiens ont grandement motivé cette subdivision. Fortier emploie des

Page 32: La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de ...La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières . Évolution du site et influence sur la ville . Mémoire

20

intervalles de 150 ans de contexte politique, social, historique et administratif. Ainsi les changements

importants sont mieux compris en fonction du contexte.

Par ailleurs, Martin (2002) aborde l’échelle de l’architecture dans sa thèse de doctorat avec une

compilation de bâtiments conventuels, une méthodologie qui utilise des sources primaires et organise les

concepts selon une ligne du temps. Nous reprenons, dans la présente étude, une démarche analogue.

Enfin, Muratori et Aymonino parlent de la capacité de régénération des villes par cycles qui peut

être soulignée par périodes historiques générales ou spécifiques. Par exemple, la ville marchande, la ville

industrielle, la ville spéculative, la ville coloniale, la ville sous le régime français, la ville sous le régime

anglais, la ville d’après-guerre, la ville moderne, la ville contemporaine, etc. L’idée de « cycle », intimement

liée à celle de temps, sera particulièrement opérationnelle pour étudier l’évolution du site des Ursulines

de Trois-Rivières.

1.2 La démarche méthodologique

L’approche méthodologique se base sur les trois principes de l’analyse morphologique déjà

présentés : la forme, l’échelle et le temps. Ces principes permettent d’étudier la morphogenèse du

domaine des Ursulines de Trois-Rivières, soit l’évolution de sa forme architecturale et urbaine à travers

le temps. Plus précisément, il s’agit d’analyser les continuités et les ruptures (construction/démolition,

incendies/reconstruction, acquisitions/ventes, agrandissements, etc.) dans le processus de production de

l’espace engendré à plusieurs échelles (urbain, site, bâti) par la communauté religieuse. La recherche se

propose d’étudier les relations étroites entre ces diverses échelles au fil du temps. Par sa morphologie, le

site des Ursulines témoigne de l’évolution de l’histoire et de la culture matérielle de la ville de Trois-

Rivières. La reconstitution permet de produire une narration qui conjugue les dimensions spatiales et

temporelles, posant une compréhension rétrospective de l’évolution des lieux, qui s’ouvre aussi,

prospectivement, sur le sens à donner aux prochaines interventions architecturales.

Il faut souligner que la méthode de l’étude morphologique est différente pour chacune des trois

échelles ; l’analyse de chacune d’elles dépend énormément de la documentation disponible à travers les

différentes périodes historiques.

1.2.1 Présentation des sources et de leur traitement

L’objet de l’étude est le domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières. Les sources recueillies

proviennent principalement des archives de la communauté religieuse, des archives disponibles à la

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), ainsi que du relevé architectural des bâtiments

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présents sur le site aujourd’hui. La documentation et les données qui ont été recueillies varient

considérablement dans leur nature et dans leur précision scientifique. Par exemple, la datation de certains

documents peut être considérée comme approximative, donc non précise. On y trouve entre autres des

plans, des dessins, des récits, des textes, des devis, des actes notariés, des actes de vente, des actes de

rentes, des actes de dons, des photographies, et des relevés architecturaux.

L’ensemble de ces informations permet la production de dessins issus des analyses

morphologiques. D’ailleurs, la documentation rend également possible le rassemblement d’indices pour

avancer des hypothèses lorsque des informations sont manquantes. Les analyses morphologiques se

basent sur la relation entre les principes de la forme, de l’échelle et du temps. Premièrement, l’évolution

de la forme est étudiée à trois différentes échelles de façon chronologique. Par la suite, des liens de

causalité sont identifiés dans les continuités et dans les ruptures de l’évolution de la forme entre les

différentes échelles. Finalement, les liens trouvés sont validés à partir des transactions recueillies dans les

documents d’archives. Le tout dans le but de valider l’existence d’une relation dynamique entre les

changements qui seront identifiés aux diverses échelles.

Les sources alimentent de façon significative la qualité de l’analyse morphologique. On comprend

donc que l’absence de sources pourra limiter de façon importante certains pans de l’étude. Quand celles-

ci sont introuvables, non existantes, inaccessibles, dans un mauvais état ou illisibles, la période étudiée

reste dans la noirceur étant donné l’absence d’information, ce qui ouvre la porte à des hypothèses et à

des interprétations qui resteront à valider. Illustrées par la morphogenèse, les narrations des logiques

évolutives sont très efficaces quand il est possible de les suivre au travers différentes époques et à des

intervalles qui dégagent les cycles importants de l’objet de l’étude.

1.2.2 Sources recueillies

En ce qui concerne le traitement des sources, le défi principal a été la classification et la traduction

des sources iconographiques, cartographiques, textuelles et photographiques. Pour chaque source

documentaire utilisée, le niveau de détail et l’exactitude de la représentation des informations contenues

varient énormément. Selon le type de document étudié, son ancienneté, sa provenance ou son auteur, le

traitement des sources peut laisser place à l’interprétation. Il importe par ailleurs d’établir une hiérarchie

entre sources primaires, secondaires, tertiaires, etc. Selon le siècle étudié, les sources recueillies sont de

précision et de fiabilité variables, ce qui affecte bien sûr la probabilité de nos hypothèses. Nous présentons

ici, pour chaque époque étudiée, quelques informations sur les sources retenues.

Page 34: La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de ...La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières . Évolution du site et influence sur la ville . Mémoire

22

XVIIe siècle

Pour ce siècle, les principales sources sont textuelles et il y a très peu de cartes ou de plans. Nous

avons eu davantage accès à des sources secondaires sur l’histoire des Ursulines qu’à des documents

originaux (documents notariés, contrats, devis, ententes diverses, etc.). Pour le moment, ces documents

primaires sont égarés, c’est-à-dire que la littérature s’y réfère, mais qu’ils n’ont pas été trouvés dans les

archives, bien qu’indiqués ou déjà cités. Avec le développement de Montréal comme plaque tournante

du commerce de la fourrure, l’importance relative de Trois-Rivières décroît et l’acuité des documents le

reflète. Nous avons constaté que les descriptions de Trois-Rivières qui mentionnent la ville, ses alentours

et le monastère des Ursulines sont générales, dans un territoire à peine organisé et colonisé. Ainsi, les

sources tertiaires peuvent être très abstraites dans leur description puisqu’elles laissent place à

l’interprétation. Si l’on retrouve principalement dans les sources écrites des témoignages, des procès-

verbaux, des transcriptions, et quelques contrats, on retrouve dans les sources iconographiques des

dessins, des peintures, des gravures, etc.

XVIIIe siècle

Pour cette période, les sources sont moins précises et peuvent laisser place à l’interprétation.

D’une part, on trouve principalement dans les sources écrites : procès-verbaux, contrats, actes notariés,

textes, livres, etc. D’autre part, on trouve principalement dans les sources iconographiques : dessins,

peintures, gravures, plans, etc.

XIXe siècle

À partir de cette époque, les sources recueillies commencent à être plus précises. D’une part, on

retrouve principalement dans les sources écrites : actes notariés, textes, livres, etc. D’autre part, on

retrouve principalement dans les sources iconographiques : dessins, peintures, gravures, plans

d’arpentage, plans d’assurance incendie, plans, photos, etc.

XXe siècle

À partir de cette époque, les sources recueillies sont assez précises quand elles parlent de l’objet

lui-même. Les plans dessinés par des professionnels suite à des interventions d’entretien du bâtiment

illustrent les informations réelles de l’objet d’intervention à cette époque, mais ne donnent pas lieu à une

compréhension globale du site. D’une part, on retrouve principalement dans les sources

iconographiques : plans d’assurance incendie, cartes et plans, photos, dessins, peintures, gravures, etc.

D’autre part, on retrouve principalement dans les sources écrites : textes, livres, actes notariés, etc.

Toutefois, les études, recherches, livres et articles de divers auteurs illustrent l’interprétation des

Page 35: La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de ...La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières . Évolution du site et influence sur la ville . Mémoire

23

informations provenant des sources primaires et c’est parfois dans ce type de sources secondaires qu’on

retrouve des erreurs d’interprétation et de transcription.

XXIe siècle

Les sources contemporaines recueillies sont les plus précises. D’une part, on retrouve

principalement des sources écrites et numériques : rapports de professionnels, textes, livres, relevés et

plans en format DWG et 3D. D’autre part, on retrouve principalement dans les sources iconographiques :

plans, photos, relevés architecturaux et photographiques. Il peut arriver que les auteurs et chercheurs

citent une erreur de transcription ou d’interprétation faite par les auteurs du siècle précèdent. C’est

pourquoi il est important de consulter les sources primaires pour se faire son propre jugement.

Parfois, la taille, l’état ou l’accessibilité physique des sources primaires n’a pas permis de

numériser les documents originaux avec exactitude, ce qui pourrait avoir entraîné une erreur dans la

reproduction de certaines images numériques. Afin d’uniformiser l’ensemble des informations

iconographiques, un traitement graphique de mise à l’échelle a été fait via les logiciels AutoCAD, Adobe

Illustrator et Adobe Photoshop. Cette étape s’est avérée essentielle pour la production des plans

morphologiques.

Les sources ont été classées en ordre chronologique et divisées par échelle : ville, site, bâti.

Lorsqu’il a fallu classer les sources par échelle, il a été nécessaire de localiser le domaine foncier des

Ursulines sur chaque source iconographique et déterminer le niveau de pertinence et la contribution des

informations pour l’échelle devant être graphiquement représentée. Conséquemment, certains documents

sont utilisés pour plus d’une échelle selon les informations qu’ils illustrent.

D’ailleurs, pour la création des dessins de la morphogenèse par échelle, les années de

représentation sélectionnées découlent de la disponibilité des sources et de leur datation. Bien que parfois

imprécise, la date du document iconographique a été retenue pour la représentation d’une année dans la

morphogenèse. Parfois, une année de représentation est choisie en raison de la connaissance de la

construction d’un nouveau bâtiment, d’un agrandissement29, d’une démolition, d’un incendie, ou d’un

événement historique important. S’il n’y a pas de source disponible pour l’année sélectionnée, un scénario

hypothétique est dessiné à partir des informations iconographiques précédentes ou postérieures, en

intégrant et en spatialisant les informations textuelles connues. En effet, l’inventaire des photos tirées des

29 Le mot « agrandissement » est utilisé pour les espaces ajoutés en continuité au bâtiment principal.

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24

archives des Ursulines de Trois-Rivières ainsi que les lettres30 et les descriptions écrites des assemblés des

discrètes31 et des capitulaires32 ont grandement aidé à valider et à dater les informations graphiques

représentées. D’ailleurs, grâce aux connaissances acquises lors des relevés architecturaux du monastère,

grâce aussi aux documents recueillis aux archives des Ursulines de Trois-Rivières (AUTR), nous avons

pu procéder à la datation de plusieurs plans et photos retrouvés.

1.2.3 Analyses morphologiques, analyses relationnelles et validation des liens

Les documents rassemblés sont classés et divisés selon la pertinence de l’information présentée

pour chaque échelle : urbain, site, bâti. Après cette étape, les documents sont classés en ordre

chronologique sur une ligne du temps où certaines époques sont vraisemblablement mieux documentées

que d’autres. Il en résulte une ligne du temps pour chaque échelle à partir de laquelle une date est

spécifiquement choisie pour être illustrée dans l’évolution morphologique. La date est choisie en fonction

de la quantité et de la fiabilité des informations disponibles ou quand celle-ci représente un moment

historique important. Ensuite, chaque date qui a été sélectionnée est illustrée dans l’analyse

morphologique de son échelle respective.

L’analyse morphologique de l’urbain, du site et du bâti est le résultat du traitement de

l’information disponible ainsi que de la représentation graphique de l’évolution de sa forme. L’emploi de

la cartographie numérique actuelle permet de redessiner les composantes et leur position relative : le

cadastre, les bâtiments, les clôtures, etc. La formation et la transformation à diverses échelles sont ainsi

illustrées à travers les nouvelles cartes dessinées qui rassemblent l’information de plusieurs époques. Or,

le niveau du détail dépend de la quantité et de la précision des informations disponibles pour chaque date

ou époque choisie.

C’est suite à la création des analyses morphologiques de chaque échelle qu’il est possible

d’identifier les périodes-clés qui sont reliées, que ce soit les périodes illustrant une augmentation d’activité

ou les périodes illustrant une diminution d’activité. La superposition des analyses morphologiques créées

précédemment permet l’identification des relations et des liens de causalité entre les trois échelles. Les

30 Transcriptions des extraits relatifs aux bâtiments du Monastère des Ursulines de Trois-Rivières par l’architecte Matthieu Lachance (2016) concernant les lettres envoyées par Noiseux à Mgr Plessis AUTR II-B-07-001 et AUTR II-B-07-002. 31 Transcriptions des extraits relatifs aux bâtiments du Monastère des Ursulines de Trois-Rivières par l’architecte Matthieu Lachance (2016) concernant les assemblés des sœurs discrètes (1833-1910) AUTR MTR-2-1-5-2-1-1, AUTR MTR-2-1-5-2-1-2 et AUTR MTR-2-1-5-2-1-3. 32 Transcriptions des extraits relatifs aux bâtiments du Monastère des Ursulines de Trois-Rivières par l’architecte Matthieu Lachance (2016) concernant les assemblés des sœurs capitulaires (1860-1880) AUTR MTR-2-1-6-1-1-2.

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analyses relationnelles permettent donc l’identification des liens et des tendances découvertes entre les

trois échelles.

À cette étape, un tableau33 regroupe les transactions consignées dans des documents existant aux

archives AUTR avec les informations recueillies par Robert (1997) dans son Répertoire numérique détaillé des

biens fonciers possédés par les Ursulines à Trois-Rivières. Le tableau classifie l’information par date de transaction,

type de document légal, acteurs (vendeur, acquéreur ou bénéficiaire), nom du notaire, numéro de

transaction, code du document aux archives, etc. Ensuite, le traitement chronologique et la classification

par échelle des actes notariés facilitent l’identification des liens dynamiques entre les différentes échelles

permettant ainsi le repérage d’années-clés et la validation des hypothèses.

33 voir Annexe 1.1 : Tableau des actes notariés au Répertoire

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2 Analyses morphologiques

Les analyses morphologiques se basent sur la relation entre les principes de forme, d’échelle et

de temps. Cette section présente la morphogenèse de différentes composantes du domaine foncier des

Ursulines de Trois-Rivières à différentes époques. En suivant les idées théoriques et méthodologiques

présentées au chapitre précèdent, l’évolution chronologique de la forme est étudiée par échelle (ville,

site, bâti) dans le but de dévoiler la narration derrière les divers aménagements. Les descriptions de cette

section reposent sur les plans présentés aux Annexes 2.1, 2.2 et 2.3.

Dans un premier temps, la morphogenèse diachronique à l’échelle de la ville (voir Annexe 2.1)

expose et clarifie le lien entre le fief Hertel et les Ursulines de Trois-Rivières. L’exercice graphique fait à

cette échelle met en valeur la spatialisation diachronique des plans cadastraux retrouvés ainsi que les

informations des plans d’assurance incendie de l’époque. Ces informations permettent d’illustrer le

rapport du domaine foncier des Ursulines avec le fief Hertel34 et l’évolution de ce dernier à l’intérieur des

délimitations35 de son premier traçage.

Dans un deuxième temps, la morphogenèse diachronique à l’échelle du site conventuel

(Annexe 2.2) illustre comment l’espace est structuré en fonction de trois groupes principaux : les sœurs,

les laïcs et leurs missions (sacré, profane et mixte)36. L’exercice graphique diachronique dévoile les

constructions, les incendies et les démolitions des bâtiments principaux et des dépendances se situant à

l’intérieur du site du monastère. D’ailleurs, les plans d’assurance-incendie combinés aux autres sources

ont apporté beaucoup d’informations dans la réalisation de la morphogenèse du site. Le résultat permet

d’identifier les cycles constructifs des bâtiments ainsi que la composition logique des tendances spatiales,

des usages sacrés, profanes et mixtes dans l’évolution du site.

34 « [L]a Compagnie des Cent-Associés, seigneuresse de la Nouvelle-France, concéda deux seigneuries le 3 décembre 1633 : l’une à Jacques Hertel de la Fresnière, interprète et colon, et l’autre à Jean Godefroy de Lintôt » (Gamelin, 1984 : 8). La concession pour Jacques Hertel était d’une terre avec front sur fleuve de 200 arpents. Cependant, en raison de la proximité du bourg de Trois-Rivières on lui accorde seulement 50 arpents et il en prend possession le 18 août 1636. Le 15 septembre 1644, une deuxième terre donnant front sur le bourg est concédé à Hertel, celle-ci est adjacente à la terre décrite précédemment et est de 12,65 arpents (Trudel, 1998 : 442). Suite au décès de Jacques Hertel, le 20 juin 1664, la terre se subdivise pour une première fois en trois parties allant aux héritières : Marie Marguerie (veuve de Jacques Hertel), Marguerite Hertel et Madeleine Hertel (filles de Jacques Hertel) (Trudel, 1998 : 436). 35 50 arpents en superficie (environ 170 944m2) plus le terrain adjacent de 12.65 arpents (environ 43 259m2). 36 Dans ce mémoire, les espaces sacrés font référence aux espaces du cloître qui sont côtoyés seulement par les religieuses. Les espaces profanes font référence aux espaces strictement côtoyés par les laïcs. Nous faisons référence aux espaces mixtes puisque ceux-ci sont côtoyés par les sœurs et les laïcs. Par exemple, la mission éducative et hospitalière implique l’existence des espaces où les sœurs doivent côtoyer les élèves, les malades, les médecins, etc.

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Enfin, la morphogenèse synchronique à l’échelle du bâti (Annexe 2.3) illustre les

fonctionnements de l’aménagement intérieur, expose l’amalgame des couches constructives et relativise

l’importance patrimoniale des diverses sections du monastère. Certes, il faut en premier lieu reconnaître

la rareté des plans intérieurs. Nous avons pu repérer dans les archives tout au plus sept documents. Face

à ce manque de plans architecturaux témoignant de l’évolution des usages et des espaces intérieurs,

l’exercice graphique est plutôt synchronique et s’est concentré dans la morphogenèse du bâtiment initial

de l’ensemble conventuel : la maison blanche (anciennement la maison Ramezay). Utilisant les pistes que

le relevé architectural offrait (superpositions des données, mesures et plans) et le peu de sources

graphiques disponibles, un travail comparatif a permis une datation des murs extérieurs et l’identification

de quelques murs intérieurs d’origine. Cette reconstitution illustre et souligne les logiques spatiales qui

découlent des besoins et des usages intérieurs d’une communauté qui a soutenu une double mission.

2.0 La ville : le fief Hertel et les Ursulines

Le fief Hertel s’inscrivait dans le régime seigneurial établi en Nouvelle-France37, mais qu’en est-

il exactement de la relation entre ce fief et les Ursulines ? L’association entre le fief Hertel et le domaine

des Ursulines est courante depuis la fondation de la communauté, car le premier monastère, installé dans

la maison Ramezay, est sis sur ce fief. Il faut toutefois savoir que malgré la localisation du domaine

conventuel, le fief Hertel n’a jamais été concédé aux Ursulines de Trois-Rivières officiellement. Une

dynamique différente est constatée pour les communautés religieuses de Québec et de Montréal, ces

dernières ayant été légataires des fiefs et des seigneuries qui se trouvaient à proximité de leur domaine

conventuel. On peut donner comme exemple le fief Nazareth pour les sœurs hospitalières de Saint-

Joseph de l’Hôtel-Dieu de Montréal. D’ailleurs, ce contexte explique l’association « naturelle » établie

entre le fief Hertel et les Ursulines des Trois-Rivières. Plusieurs en effet imaginent qu’il constituait le

domaine initial des sœurs, ce qui est erroné38.

37 « 3 décembre 1633. Acte de concession de la Compagnie de la Nouvelle-France à Jacques Hertel de “l’étendue et consistance des terres qui ensuivent c’est à savoir deux cents arpents de terre situés en la Nouvelle-France au lieu des Trois-Rivières à prendre à l’endroit où la Compagnie fait bâtir une habitation ou de proche en proche ainsi que le lieu sera désigné par le sieur Champlain, commandant pour la dite Compagnie au fort et habitation de Québec, étendue du fleuve Saint-Laurent et lieux adjacents, pour jouir par le dit Hertel, ses successeurs ou ayants cause de dites terres en toute propriété et seigneurie, les tenir et posséder noblement et à titre de fief relevant du dit fort de Québec…” Tiré d’une copie collationnée par Ameau, greffier aux Trois-Rivières » (Roy, 1927 : 27-28). 38 « Une façon privilégiée d’aider les communautés religieuses à subvenir à leurs besoins, en Nouvelle-France, était de les doter d’une seigneurie » (Jutras, 2009 : 11). Cette stratégie n’échappe pas aux autorités religieuses et civiles de Trois-Rivières désireuses de venir en aide à la communauté des Ursulines, reconnaissant par le fait même le besoin économique important qu’une école et un hôpital représentent. Mgr de Saint-Vallier, évêque de Québec, M. de Callière, gouverneur général, et M. de Champigny, intendant du Canada, ont ainsi collaboré pour doter les religieuses d’un revenu non seulement fixe, mais aussi susceptible d’augmenter, moyennant une administration

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Concrètement, le premier acte de concession concernant le fief Hertel stipule que la Compagnie

de la Nouvelle-France concède une étendue de terre de 200 arpents à Jacques Hertel. Le 3 décembre

1633, une étendue de terre prenant la morphologie française classique d’une bande étroite est concédée

à Jacques Hertel. Ce domaine prend son nom et mesure seulement 50 arpents, 3 arpents de front par

16 arpents de largeur, 6 perches et 12 pieds de profondeur (Roy, 1927 : 27). Le fief est localisé

immédiatement à l’est du bourg de Trois-Rivières, tel que défini par le plan de 167439, partant du fleuve

et s’enfonçant perpendiculairement sur un territoire relativement plat.

Selon les archives et la cartographie, la nature de la relation entre la propriété des Ursulines et le

fief Hertel commence par être purement géographique. Suite au décès de Jacques Hertel en 1651, sa

succession fragmente la composition du fief initial. Le « clos Hertel » semble rester dans la famille

jusqu’en 1830, époque à laquelle Joseph Lefebvre de Bellefeuille en fait la vente à l’anglais William Craigie

Holmes Coffin (Roy, 1927 : 29). Les Ursulines deviennent propriétaires d’une portion du fief Hertel

seulement suite à l’acquisition qu’elles font de Coffin en 184540.

En 1845, la communauté religieuse obtient le droit d’acquérir des biens immobiliers

supplémentaires et achète donc divers terrains – dont plusieurs sur le fief Hertel – et bâtiments, qu’elle

louera selon les cas (Gilbert, 2014 : 32).

L’exercice de morphogenèse que nous présentons dans la section suivante permet de mieux saisir

la nature de la relation entre le domaine des sœurs et le fief Hertel. La reconstitution s’appuie sur les

sources cartographiques et sur des descriptions textuelles puisque le fief Hertel contient à l’intérieur de

sa délimitation41 le domaine des Ursulines de Trois-Rivières (bien que ce dernier ne soit pas réductible au

fief Hertel). Les dimensions connues du fief Hertel en 1835 ont été retenues pour servir de référence à

intelligente et suivie. En 1701, on concède aux Ursulines de Trois-Rivières leur premier bien monastique : le fief Saint-Jean (Marguerite-Marie, 1888 : 257). Pourtant, ce dernier était localisé à environ 45 km, ce qui représentait une distance considérable de la communauté religieuse féminine et de leur monastère. Du reste, l’emplacement de la seigneurie de la Rivière-du-Loup (à côté du fief Saint-Jean), localisée à environ 40 km de leur monastère, n’empêche pas son acquisition par les sœurs en 1723 (Marguerite-Marie, 1888 : 258). 39 Annexe 2.1 : Morphogenèse – La ville 40 Acte de vente AUTR III-C-2.4-801. 41 Définie en prenant les mesures du fief Hertel tel que décrit au « Plan figuratif du Fief Hertel, 1835 » (ASTR 246-26) qui inclut le site des Ursulines de Trois-Rivières. Les informations du plan correspondent aux 50 arpents mentionnés par Trudel (1998) et celles-ci ont été arpentées avec les mesures : 3 arpents (environ 175.41m) de front par 16 arpents, 6 perches et 12 pieds (environ 974.52m) de profondeur. Le terrain adjacent de 12 arpents et 65 perches en superficie (environ 43 259m2) : 8 perches 12 pieds (environ 50.70m) de front par 14 arpents et 6 perches (environ 853.68m) de profondeur. Voir l’année 1835 à l’annexe 2.1.

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notre étude. Les dimensions du fief Hertel ont été fixées dans le temps (voir l’Annexe 2.1) pour ainsi

observer les changements de la morphogenèse à l’intérieur de cette délimitation42.

2.0.1 Descriptions morphologiques à l’échelle de la ville

Avant de présenter la cartographie résultant de cet exercice de morphogénèse, mentionnons que

les sources recueillies à l’échelle de la ville sont les plus abondantes. Depuis la fondation de Trois-Rivières,

la ville a été documentée au niveau cartographique et largement au niveau iconographique. Le tout permet

d’avoir un bon aperçu du processus de colonisation à travers la mise en valeur43 des terres, la division des

fiefs44, le traçage des rues, la subdivision des lots, l’étalement urbain et la densification urbaine. Dans

l’ensemble, la quantité des sources recueillies (44 cartes et plans) et la continuité de celles-ci permettent

de se faire une très bonne représentation de l’évolution urbaine environnante du monastère des Ursulines

de Trois-Rivières.

Figure 1 : Ligne de temps représentant les sources à l’échelle de la ville

Comme on le voit dans la Figure 1, le fait d’identifier les sources recueillies sur une ligne du

temps permet une mise en contexte par rapport à la quantité des sources disponibles pour chaque période.

On constate sur cette ligne du temps qu’il y a moins de sources au XVIIIe siècle. Chaque source permet

d’avoir des informations à un moment précis, alors que l’absence de sources nous laisse dans l’incapacité

de savoir ce qui est arrivé entre les moments représentés par les sources connues.

42 Annexe 2.1 : Morphogenèse 43 « Action de défricher une terre pour permettre la mise en culture du sol. À l’échelle de la seigneurie, l’expression implique des actions de la part du seigneur pour développer son fief, à commencer par la concession de censives » (Grenier, 2012 : 222). 44 « [P]ar opposition à la seigneurie non titrée, le fief titré correspond à des échelons hiérarchiques supérieurs de la dignité seigneuriale (vicomté, baronnie, comté…). Il a existé un certain nombre de fiefs titrés au Québec, par exemple la baronnie de Longueuil et le comté de Saint-Laurent » (Grenier, 2012 : 220).

1695 1715 1735 1755 1775 1795 1815 1835 1855 1875 1895 1915 1935 1955 1975 1995 2015

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Figure 2 : Ligne de temps représentant les sources qui contiennent le cadastre

La Figure 2 illustre la réduction drastique de données si on limite nos recherches aux sources

illustrant le cadastre. Le manque de sources pour le XVIIIe siècle apparaît de façon encore plus

significative.

L’exercice graphique diachronique à l’échelle de la ville45 dévoile une morphogenèse qui souligne

le lien étroit entre la géographie du terrain, le parcellaire à caractère agricole, la mise en valeur du fief et

les traces qui subsistent dans le cadastre actuel. Les sources cartographiques ont permis la réalisation de

quatorze plans à l’échelle 1 : 5000 qui localisent et illustrent la superposition des délimitations initiales du

fief Hertel et l’état de développement tel que démontré par les sources. À l’intérieur du secteur étudié, le

domaine des Ursulines est toujours repéré et mesuré en superficie. Cela permet d’estimer le pourcentage

sous la gouverne des Ursulines dans le secteur étudié, et en particulier sur le fief Hertel.

Figure 3 : Ligne de temps représentant les cartes produites qui illustrent les propriétés des Ursulines à l’intérieur de la

délimitation originale du fief Hertel

L’intégration des cartes d’assurance incendie permet de caractériser plus précisément les

transformations du secteur d’étude pour cinq années différentes. Ces cinq plans ont été travaillés

45 Annexe 2.1 : Morphogenèse – La ville

1695 1715 1735 1755 1775 1795 1815 1835 1855 1875 1895 1915 1935 1955 1975 1995 2015

1695 1715 1735 1755 1775 1795 1815 1835 1855 1875 1895 1915 1935 1955 1975 1995 2015

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graphiquement et mis à l’échelle pour observer, à l’intérieur du même échantillon, l’évolution du

développement de la ville en lien avec le domaine des Ursulines.

Régime français (1697-1762)

1674

Ce premier plan reprend les informations que Trudel (1998) expose pour représenter la banlieue

de Trois-Rivières en 167446. Ce dernier montre l’emplacement du bourg47 de Trois-Rivières et démontre

le rapport de proximité avec les terres agricoles en détaillant leur emplacement et leur étendue. La

spatialisation des informations qui décrivent les terres et l’indication de leurs propriétaires ont permis de

localiser le fief Hertel ainsi que les terres des héritiers de Jacques Hertel48. En outre, Trudel présente un

deuxième plan qui illustre le bourg et ses abords à la même date49, permettant ainsi de repérer l’enclos du

plan de la ville en 168550. Les Ursulines arrivent seulement en 1697, raison pour laquelle on ne retrouve

pas encore leur domaine en banlieue du premier bourg.

1704

Le plan de Levasseur de Néré en 170451 montre une deuxième palissade qui s’étend sur la

délimitation du fief Hertel et témoigne de l’expansion de la ville. Les informations graphiques en texture

et en couleur sont riches puisqu’elles dévoilent la topographie, la proximité du fleuve, la rive sablonneuse,

les bâtiments, les rues, les clôtures, les jardins potagers et les terres agricoles en dehors de l’enceinte. En

effet, la vocation agricole autour du domaine est prépondérante. Par ailleurs, ce plan est le premier qui

illustre le domaine des Ursulines. Sa localisation est à l’extérieur du premier fort de Trois-Rivières. Par

rapport au secteur d’étude, le domaine des Ursulines représente 3.6 % en 1704.

46 p.434 47 « À une dizaine d’arpents de l’embouchure de la rivière Saint-Maurice et donnant immédiatement sur le fleuve, le bourg des Trois-Rivières est établi sur ce qu’on a appelé la table, c’est-à-dire un plateau qui commence à la rive droite de la rivière Saint-Maurice. » (Trudel, 1998 : 450). 48 « L’enclos du bourg : le bourg proprement dit est entouré d’une palissade de pieux, qu’on appelle aussi à cette époque cloison […] de forme rectangulaire et se présentant à peu près comme un carré, ses quatre façades sont comme suit : la façade Nord-Est, qui ferme le bourg du côté du fief Hertel, part de la rive du fleuve et se termine au front d’une terre des héritiers Hertel, là où une redoute, dite des Champs occupe l’angle de la palissade » (Trudel, 1998 : 452). 49 p.449 50 « Les 3 rivières » sans auteur, 13 novembre 1685. ANOM 03DFC459C. 51 « Plan de la ville des 3 Rivières levé en l’année 1704 » Jacques Levasseur de Néré, 1704. ANOM 3DFC461B.

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Régime anglais (1763-1867)

1815

Nous constatons une augmentation significative de la superficie occupée par la propriété des

Ursulines par rapport au domaine Hertel. En 1815, la propriété des Ursulines représente 12.9 % de sa

superficie. Suivant la topographie du terrain, la diagonale représentée sur le plan de Joseph Bouchette de

181552 pour délimiter le domaine des Ursulines apparaît comme étant le prolongement de la rue Notre-

Dame. En effet, ce plan semble avoir un lien étroit avec la topographie du terrain. Celui-ci est le premier

qui comporte l’inscription « aux Ursulines » pour indiquer leur domaine. La représentation montre

l’arrivée de la rue Sainte-Hélène, la prolongation de la rue Saint-François-Xavier, la division du cadastre

et la densification concentrée sur le Platon. Par contre, au Nord-Est du domaine des Ursulines, on

remarque une division cadastrale à caractère agricole où l’étendue des grandes terres ont front sur le

fleuve. Le graphisme dévoile un aspect vide représentant l’absence d’arbres et de constructions sur ces

terrains libres. Or, le style graphique de la carte de François Baillargé de 181653 représente l’état naturel

des terrains de la banlieue et confirme le fait que la diagonale qui coupe le domaine des Ursulines suit la

forme topographique du terrain. D’une part, les deux dernières reproductions montrent une rivière à l’Est

du fief Hertel Cournoyer (appartenant aux héritiers Belleville) donnant sur le fief Hertel Linctot

(appartenant à Lottenville). D’autre part, elles diffèrent dans la représentation des rues, ce qui laisse croire

qu’une carte illustre seulement les rues existantes, et l’autre ajoute les rues qui sont projetées.

1830

Ce plan démontre principalement la division agricole des terres. Avec l’obtention des terrains

aillant front sur le fleuve, la superficie du domaine des Ursulines augmente à 22.2 % du fief Hertel. Ce

plan semble indiquer seulement les rues existant à l’époque : la rue Notre-Dame, la rue Sainte-Hélène et

le chemin des Commissaires.

1835

Le tracé dessiné au plan figuratif du fief Hertel (appartenant à Coffin) de 183554 présente un fort

caractère agricole puisque le but du document était de définir la délimitation de celui-ci et de déterminer

son emplacement. Aux rues existantes à l’intérieur de l’échantillon s’ajoute la rue Tonnancour. Ce plan

52 « Topographical map of the province of Lower Canada » Joseph Bouchette, 1815. Extrait de la section 5 présentant la ville de Trois-Rivières. BANQ-CN E21,S555,SS1,SSS15,P5. 53 « Trois-Rivières » François Baillargé d’après le plan dressé par le grand vicaire François Noiseux, 1816 (Gamelin, 1984 : 19). 54 « Plan figuratif du Fief Hertel, 1835 ». ASTR 246-26.

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porte également une inscription pour indiquer l’appartenance de certains terrains, dont celui des

Ursulines. Le pourcentage d’occupation de la propriété des Ursulines par rapport au domaine Hertel

diminue à 16 %. Par ailleurs, les terrains ayant front sur le fleuve appartiennent majoritairement au

gouvernement. Le fief Hertel représente surtout le nord-est de l’échantillon. D’après les illustrations du

plan, les terrains continuent d’être majoritairement non urbanisés, c’est-à-dire sans doute réservés à la

fonction agricole.

1860

Le plan de 186055 réalisé par Archibald Macdonald indique l’ajout de deux nouvelles rues : la rue

Sainte-Ursule et la rue Saint-Benoît. D’ailleurs, ce plan représente majoritairement les rues existantes, la

délimitation des fiefs et les divisions agricoles. Les propriétaires des terrains sont aussi indiqués. Les

Ursulines possèdent maintenant 61.3 % du domaine Hertel. L’augmentation de l’occupation représente

l’acquisition du fief Hertel par les Ursulines; domaine possédé précédemment et majoritairement par

Coffin. Sur la superficie de cette nouvelle acquisition est indiqué « nun’s farm » et le terrain semble être

majoritairement vide, suggérant des terres de pâturage.

Confédération et industrialisation (1867-1950)

1873

Le « Plan de subdivision d’un terrain appartenant aux dames Ursulines des Trois-Rivières en

1873 »56 est le premier à faire l’état de la taille du domaine. On y retrouve toujours les délimitations

agricoles, mais des nouvelles délimitations urbaines apparaissent. D’une part, le tracé des rues parallèles

au fleuve apparaît et l’intérieur de l’échantillon indique la rue Notre-Dame, la rue des Ursulines, la rue

Saint-Charles, la rue de Tonnancour, la rue des Commissaires et la rue du Collège. D’autre part, les tracés

des rues perpendiculaires au fleuve et à l’intérieur de l’échantillon indiquent la rue Sainte-Hélène, la rue

Sainte-Angèle, la rue Ferland, la rue Sainte-Ursule et la rue Saint-François-Xavier. Les Ursulines

possèdent alors 58 % de l’échantillon et cette légère diminution peut être attribuée à la soustraction de la

superficie qui est maintenant allouée aux rues. Les rues divisent le domaine des Ursulines en 19 parcelles

qui se subdivisent en 258 lots cadastrés. Cependant, ce plan n’indique pas la présence de bâtiments à part

celui du monastère. Le plan de lotissement est spéculatif parce qu’il propose un développement qui est

55 « Plan of the city of Three Rivers ». 1860. No. 11. BAnQ – TR. 56 AUTR, MTR-16-1-1-1-1-25.

Page 46: La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de ...La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières . Évolution du site et influence sur la ville . Mémoire

34

encore abstrait et montre que ce bien foncier serait mis en valeur par l’urbanisation d’une large part de la

propriété au fur et à mesure que la ville de Trois-Rivières pourrait croître.

1879

Le plan « Atlas of the city of Three Rivers » de 187957 est le premier plan créé par les assureurs incendie. Celui-

ci présente principalement les mêmes informations que le plan de 1873 à l’exception de quelques légères

différences. En comparant les plans, certains bâtiments sont indiqués et quelques lots semblent être

attribués. D’ailleurs, le domaine des Ursulines est indiqué et représente 62.1 % du fief Hertel.

L’augmentation, par rapport au plan précèdent, semble être due à l’acquisition des terrains ayant front

sur le fleuve. Le plan présente deux bâtiments en structure et revêtement de bois, trois bâtiments en

brique et trois bâtiments spécialisés en pierre. La gravure de 1881 illustre une vue à vol d’oiseau (Figure 4)

qui démontre les terrains vacants et la concentration de la densité à proximité du Platon et de la rue

Notre-Dame. D’un côté, les bâtiments spécialisés sont les plus grands bâtiments sur l’échantillon (le

monastère et l’église épiscopale). D’un autre côté, les bâtiments résidentiels sont peu nombreux. Ce plan

est le dernier à montrer la rue du Collège. D’ailleurs, ce plan illustre un remblayage de la rive vers le fleuve

et on constate l’apparition du chemin de fer.

Figure 4 : Détail illustrant les délimitations établies du fief Hertel en 1835 sur gravure représentant la ville de Trois-

Rivières, 1881. AUTR, VII0139003005.

57 BANQ-CN, Iris 445480.

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35

1888

Le plan des assureurs incendie de 188858 est une bonne représentation de l’état du domaine des

Ursulines à cette époque. Le cadastre officiel n’est pas entièrement représenté puisque ce plan représente

plutôt l’état des terrains construits et leur délimitation. Or, un tiers du fief Hertel n’a pas été illustré par

ce plan, ce qui laisse penser que le reste du terrain n’est pas encore urbanisé. C’est ainsi que malgré le fait

que les terrains soient divisés et cadastrés, les parcelles demeurent vides. Par exemple, malgré la division

cadastrale en vigueur, le site du monastère des Ursulines semble être délimité par la rue Saint-François-

Xavier, la rue Notre-Dame, la rue Saint-Charles et la rue Sainte-Cécile, même si la rue des Ursulines et

des autres lots à l’intérieur de cette délimitation existe. L’apparition de la rue Sainte-Cécile démontre que

les lots appartenant aux sœurs qui touchent cette rue ont été coupés pour laisser place à sa construction.

Le plan présente 14 bâtiments en structure et revêtement de bois, 5 bâtiments en brique et 6 en pierre.

Les bâtiments résidentiels commencent à apparaître à proximité du site conventuel. Le quartier adjacent

à l’est de l’échantillon est presque entièrement occupé par des bâtiments résidentiels en bois. La rivière

représentée en 1815 est encore dessinée, ce qui confirme qu’elle n’est pas encore détournée ou canalisée.

Elle constitue une barrière naturelle freinant le développement urbain.

1910

Le plan d’assurance incendie de 191059 présente une augmentation d’occupation des parcelles

par les bâtiments de type résidentiel en bois. D’ailleurs, on aperçoit l’apparition de ruelles à l’intérieur des

parcelles de l’échantillon. On constate également une bonne quantité de dépendances associées aux

différentes résidences respectives. Le plan présente cinquante-cinq bâtiments en structure et revêtement

de bois, huit bâtiments en brique et cinq bâtiments en pierre. La rue Sainte-Hélène et la rue Saint-Benoît

disparaissent du plan pour laisser place à la construction de l’école normale et à la redéfinition du site du

monastère. La rue des Ursulines est indiquée en pointillé, mais semble ne pas avoir été vraiment

construite. Le reste de l’échantillon qui n’est pas représenté par le plan semble constitué de terrains non

urbanisés.

1929

Le plan d’assurance incendie de 192960 présente une augmentation considérable du

développement urbain, ce qui témoigne de la croissance de Trois-Rivières après l’incendie de 1908. Les

terrains qui étaient non urbanisés au nord de la rue des Commissaires se remplissent de nouvelles

58 « Three Rivers ». BANQ-CN, Iris 445479. 59 « Insurance plan of Three Rivers, Quebec ». BANQ-CN, Iris 3030680. 60 « Insurance plan of the city of Three Rivers, Quebec ». BANQ-CN, Iris 3852634.

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constructions résidentielles. Un nouveau type de bâtiment fait apparition à l’intérieur de l’échantillon :

bâtiment résidentiel en bois avec revêtement en brique du type « plex », c’est-à-dire de logements

superposés, avec à l’occasion des escaliers extérieurs. Le plan présente 100 bâtiments en structure et

revêtement de bois, 177 bâtiments en structure de bois et revêtement de briques, 15 bâtiments en brique

et 9 bâtiments en pierre. Le nombre de bâtiments institutionnels augmente aussi. Aux rues existantes à

l’intérieur de l’échantillon s’ajoute la rue Sainte-Geneviève. La rue des Ursulines disparaît à l’intérieur du

site du monastère des Ursulines. Le projet de lotissement de 1875 se trouve en grande partie réalisé plus

d’un demi-siècle plus tard, et en particulier au cours des vingt dernières années dans le contexte du

développement industriel de Trois-Rivières.

Après-guerre et modernité (1951-2018)

1955

Le plan d’assurance de 195561 présente une continuité dans la croissance urbaine pour les terrains

au nord de la rue des Commissaires. Le plan présente 94 bâtiments en structure et revêtement de bois,

195 bâtiments en structure de bois et revêtement de briques, 18 bâtiments en brique et 15 bâtiments en

pierre. Quelques bâtiments entre la rue Saint-Geneviève et la rue Sainte-Charles, qui étaient en

construction de bois, changent pour une construction en bois avec revêtement en brique. En ce sens, on

observe une augmentation de la densité. La rue Saint-Charles devient la rue Hart.

1995

Le plan de 199562 représente la révision cadastrale d’une partie du cadastre officiel qui illustre

l’état de l’échantillon au complet. Celui-ci ne permet pas nécessairement de savoir avec détail quels sont

tous les lots appartenant aux Ursulines, mais il est possible de voir qu’il reste encore des traces de la

division cadastrale agricole. Par exemple, on aperçoit la diagonale au nord de la rue Sainte-Geneviève qui

délimitait la fin du domaine des sœurs. En effet, cette délimitation a créé une division de lots atypique

dans ce secteur qui est encore visible dans la division cadastrale actuelle. De plus, il est possible de voir

que la division cadastrale à l’intérieur du site contenant le monastère des Ursulines n’a pas servi comme

planifié. En effet, des traces de la rue des Ursulines, de la rue Sainte-Hélène et de la rue Saint-Benoît sont

encore visibles dans la division cadastrale malgré le fait que dans les derniers plans d’assurance incendie,

il est visible que celles-ci ont disparu ou qu’elles n’ont jamais servi. C’est également cette année-là qu’un

61 « Insurance plan of the city of Trois-Rivières, Québec ». BANQ-CN, Iris 174321. 62 « Révision cadastrale d’une partie du cadastre officiel de la cité de Trois-Rivières ». G.H. Gariépy. Feuillet No.1. Ministère des Ressources naturelles et de la Faune.

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plan cadastral des archives des Ursulines de Trois-Rivières63 permet de voir que le changement au cadastre

découle de la division du monastère des sœurs et du Collège Marie-de-l’Incarnation. La propriété domaine

des Ursulines représente 22.5 % du domaine Hertel initial.

2018

La division cadastrale plus récente ne permet pas de savoir avec détail quels sont tous les lots

appartenant aux Ursulines à l’intérieur de l’échantillon. Par contre, supposant que le dernier terrain du

domaine des Ursulines est le terrain où se trouve le monastère, celui-ci représente 10.2 % de l’échantillon

aujourd’hui.

2.1 Le site : le domaine conventuel des Ursulines

Le traitement de l’échelle du site a profité de la diversité des sources (iconographiques, mais aussi

textuelles) et de l’intégration des informations disponibles à d’autres échelles. En effet, le site étant une

échelle intermédiaire, plusieurs plans à l’échelle de la ville et à l’échelle architecturale ont contribué à le

représenter dans sa morphogénèse. Les descriptions textuelles dans les annales AUTR, les assemblées

des Capitulaires et les assemblées des Discrètes ont confirmé et appuyé les hypothèses (Lachance, 2016).

Dans l’ensemble, la quantité des sources recueillies permet une représentation détaillée de l’évolution du

site, du monastère et des dépendances des Ursulines de Trois-Rivières64.

Le domaine des Ursulines est composé du monastère, des bâtiments destinés aux missions des

sœurs, des dépendances qui permettent de soutenir les activités autarciques de la communauté de même

que des jardins et des champs qui entourent le monastère.

Figure 5 : Ligne de temps représentant la construction des bâtiments principaux sur le site conventuel

63 AUTR_CMI, document sans côte. Remplacement des anciens lots pour la création des lots 4058 et 4059. 28 septembre 1995 par l’arpenteur géomètre Jules Rochette. 64 Annexe 2.2 : Morphogenèse – La site

1630 1650 1670 1690 1710 1730 1750 1770 1790 1810 1830 1850 1870 1890 1910 1930 1950 1970 1990 2010

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La ligne de temps précédente nous permet de voir une intensification des travaux de construction

sur le site conventuel au cours du XIXe siècle. La Figure 6 résume les années charnières dans l’évolution

du site et les évènements qui marquent sa morphogénèse.

Construction Démolition

1 Maison Ramezay 1699 1752

2 Chapelle et Hôpital 1714 1752

? Hypothèse premier parloir-école 1721 1724

? Agrandissement sud-ouest au monastère (côté maison Ramezay) 1725 1752

3 Reconstruction et agrandissement du monastère (après incendie) 1753 1806

4 Deuxième reconstruction du monastère (après 2e incendie) 1806 1896

5 Pensionnat de pierre (maison grise) 1833 /

6 Aile Saint-Joseph (école de musique) 1873 /

7 Pensionnat du Sacré-Cœur (pensionnat à tourelles) 1883 /

8 Reconstruction chapelle et ajout du dôme 1897 /

9 Dortoir (maison rouge) 1907 /

10 École normale 1908 /

11 Collège Marie-de-l’Incarnation 1962 /

Figure 6 : Tableau représentant les constructions des bâtiments principaux du site

Figure 7 : Ligne de temps démontrant les 27 cartes produites, celles-ci illustrant la construction et démolition des bâtiments

principaux et dépendances du site (morphogénèse du site conventuel).

La ligne de temps précédente permet de comprendre que les sources au XIXe et au XXe siècle

ont permis de créer des synchronies constantes facilitant la compréhension de l’évolution morphologique

entourant le site conventuel. Les plans d’assurance incendie ont été une source très riche pour cette étude.

1695 1715 1735 1755 1775 1795 1815 1835 1855 1875 1895 1915 1935 1955 1975 1995 2015

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2.1.1 Descriptions morphologiques à l’échelle du site

Régime français (1697-1762)

1704 : La maison Ramezay en banlieue

Figure 8 : « Plan de la ville des 3 Rivières » Levasseur de Néré, 1704. ANOM, 3DFC461B.

La maison représentée sur le plan de 1704, construite entre 1699 et 1700, est conçue dans un

premier temps pour être la nouvelle résidence de Claude de Ramezay et sa famille. Située en dehors du

fort de Trois-Rivières (sur le fief Hertel), on y fait souvent référence comme étant la maison en banlieue.

À la suite de la convocation du gouverneur Ramezay à Montréal, cette nouvelle maison au caractère

résidentiel est cédée aux sœurs dès 169765. L’acte de vente de 169966 et le procès-verbal de Jean Lechasseur

de 170167 concordent dans la description d’une typique maison bourgeoise accompagnée de ses

65 Le 8 octobre 1697, Mgr de Saint-Vallier achète à part égale avec les Ursulines de Trois-Rivières, la maison du Gouverneur de Trois-Rivières, pour la somme de 11 000 livres (Héroux, 2001 : 4; Patri-Arch, 2011 : 14). 66 Greffe de François Genaple. Vente de terre & Bâtiments par les S. & dame de Ramezay a Mgr Levesque, 10 octobre 1699. BANQ CN301/S114. 67 Procès-verbal concernant les biens des Ursulines de Trois-Rivières (déclaration de la supérieure) Jean Lechasseur, 19 septembre 1701. AUTR, III-C-2-256-14 et III-C-2-260-20, p.16.

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dépendances. Les Ursulines devront y aménager leur nouveau couvent68, leur nouvelle école et le nouvel

Hôtel-Dieu de Trois-Rivières.

Même si à leur arrivée les sœurs avaient été accueillies par la famille Ramezay dans leur maison

sur le Platon, nous considérerons la nouvelle maison Ramezay comme le premier monastère de la

communauté de Trois-Rivières. Selon le contrat retranscrit, le terrain mesurait 42 toises et quatre pieds

en largeur par 47 toises et quatre pieds de longueur (Héroux, 2001 : 3-4). Sur le site (Figure 8) se trouve

une maison à caractère résidentiel accompagnée de ses dépendances et de ses annexes : cuisine,

boulangerie, four à pain, étable, grange et latrine. Le bâtiment principal est en maçonnerie et les

dépendances sont tantôt en maçonnerie, tantôt en bois. Sur la Figure 8, les jardins potagers du domaine

des Ursulines sont représentés ainsi que les terres agricoles en périphérie. D’ailleurs, on constate

également que la rue Notre-Dame (aujourd’hui, rue des Ursulines) prend sa forme particulière à partir du

contournement de la dépression du sol créée par le fleuve.

En ce qui concerne le monastère primitif, les informations disponibles varient énormément. Non

seulement il subsiste des doutes quant à sa matérialité originelle, mais il en existe aussi concernant ses

dimensions réelles. En effet, en ce qui concerne les dimensions de ladite maison, Gilbert (2014 : 14) et

Patri-Arch (2011 : 30) s’entendent pour dire que celles données dans le contrat, passé devant le notaire

Louis Chambalon, le 21 octobre 169969, entre Claude de Ramezay et le couvreur Guillaume Duboc dit

Saint Godard, soit 61 pieds par 30 pieds français, sont probablement les plus fidèles à la réalité. En fait,

la superposition des informations, les relevés archéologiques et architecturaux effectués entre 2014 et

2016 ont confirmé l’hypothèse d’une maison en pierre de deux étages d’environ 60 pieds par 30 pieds.

De plus, suite à la découverte de ce qui semble être des restants de base de deux cheminées, l’hypothèse

selon laquelle l’édifice actuel serait toujours supporté par les fondations d’origine sous la section est du

chœur devient d’autant plus plausible.

La maison est décrite comme ayant trois cheminées, une cave (avec enduit intérieur et extérieur),

deux étages (rez-de-chaussée et premier étage boisé à l’intérieur), un comble éclairé par des lucarnes, une

structure en madriers et des planchers en bois. D’une part, le contrat de 1699 décrit la maison comme

68 Le Petit Robert (2019) définit un « couvent » comme étant une maison dans laquelle des religieux ou des religieuses vivent en commun. Pour ce mémoire, on y fera référence lors qu’on parle du bâtiment où habitent les Ursulines de Trois-Rivières. 69 Greffe de Louis Chambalon (CN301,S8). « Marché entre Ramezay, gouverneur pour le Roi aux Trois-Rivières et Guillaume Duboc, couvreur, de la ville de Québec » 21 octobre 1699. BANQ-TR.

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étant inachevée et toujours en construction. Effectivement, la description se concentre sur ce qui sera

fait, mais il est difficile de savoir si ce qui a été planifié a vraiment été construit (Héroux, 2001 : 15-18).

Ayant une mission éducative et hospitalière, les sœurs accueillent les malades et les enfants. Il

faut tout de même considérer que l’espace est restreint et que le bâtiment sert également de résidence

pour les religieuses. Selon le contrat retranscrit par Héroux (2001), de la même façon qu’elles l’avaient

déjà fait lorsqu’elles habitaient sur le Platon et dans le but de satisfaire leur mission hospitalière, les sœurs

devaient aménager l’espace pour avoir au moins six lits pour accueillir les malades. À cette époque,

considérant tous les usages (résidentiel, hospitalier, éducatif, cultuel) auxquels la maison était destinée, il

est difficile d’isoler la spécificité de chaque pièce. Par exemple, la croix dessinée à l’intérieur de la maison

de Ramezay sur le plan de Levasseur (voir Figure 8) peut simplement faire référence à un autel et pas

nécessairement à une chapelle. Ainsi, cette information ne nous permet pas de comprendre la gestion des

espaces sacrés et des espaces profanes à l’intérieur du bâtiment. Les défis de cohabitation ont

probablement inspiré des stratégies d’évitement à l’aide des couloirs et des différents étages. De façon

générale, il n’y a pas beaucoup de documentation qui nous permettrait de comprendre l’aménagement

intérieur des espaces et des pièces associés aux usages et aux fonctions des sœurs : le monastère, l’école

et l’hôpital.

1716 : La construction de la première chapelle et de l’hôpital

Dans l’optique d’une meilleure intégration de la communauté religieuse à son milieu et en réponse

à l’augmentation des besoins exigés par ses missions, Mgr de Saint-Vallier fait construire entre 1714 et

1716 un agrandissement vers le nord-est de la maison Ramezay. La nouvelle construction inclut deux

nouveaux volumes : une chapelle publique dont la façade principale donne sur la rue Notre-Dame70 et

un hôpital de trois étages71 dont un étage est pour l’école. Ces derniers ont été faits en maçonnerie. Selon

la déclaration du notaire Poulin, la chapelle mesure 50 pieds sur 30 pieds de profondeur. Les relevés

archéologiques (Gilbert, 2016) ont démontré une continuité dans le mur arrière des fondations de la

chapelle laissant croire que les deux édifices ont été construits en une seule phase. La nouvelle façade qui

a front sur la rue Notre-Dame inclut maintenant la maison Ramezay, la chapelle et l’hôpital pour un total

mesurant 150 pieds sur 30 pieds de profondeur environ (Héroux, 2001 : 22-23).

À partir de l’extérieur, il est maintenant possible de constater un premier changement dans la

forme architecturale du bâtiment. La maison à caractère résidentiel se transforme en bâtiment à caractère

70 Aujourd’hui, rue des Ursulines. 71 Un étage plus haut que la première construction (maison Ramezay).

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mixte/institutionnel avec ces premiers ajouts. D’ailleurs, l’alignement des nouvelles fondations et des

murs construits suit celles du bâtiment d’origine. En effet, le plan de Levasseur nous sert de référence

pour illustrer les ajouts qui sont seulement décrits par écrit à travers des témoignages, transcriptions et

contrats.

Malgré le fait que la mission principale des Ursulines soit l’enseignement, la morphologie du

bâtiment n’avait pas été adaptée, avant les transformations opérées par Mgr de Saint-Vallier, pour

accueillir tout à la fois les sœurs, les fidèles, les malades et les étudiantes. Effectivement, les besoins

programmatiques dépassaient la forme et l’espace fourni par la première maison à caractère résidentiel.

Tenant compte du manque d’espace et des besoins nombreux liés à leurs missions à Trois-Rivières, il

était naturel d’agrandir et d’adapter le bâtiment d’origine à son nouvel usage mixte. Les besoins

spécifiques demandent une typologie de bâtiment hybride gérant espaces privés, publics et communs

(sacrés, profanes et mixtes) à travers sa forme (pièces, couloirs, parloirs, escaliers, etc.). En effet, ces

conditions laissent place à l’émergence d’un bâtiment unique et sans précédent pour la communauté des

Ursulines. Malgré le caractère structurant de ces travaux, il n’y a pas de plans illustrant les nouveaux ajouts

ni l’aménagement intérieur de ceux-ci. On retrouve principalement des sources écrites qui décrivent les

extensions faites au bâtiment principal et ses usages intérieurs : monastère, chapelle, hôpital, et école.

1721 : La construction du premier parloir-école

L’aménagement du domaine conventuel exige une deuxième phase de construction qui s’amorce

suite à l’intégration architecturale de la chapelle, de l’hôpital et de l’école. Le site et le bâtiment passent

au travers d’une conversion d’espaces profanes vers le sacré. En effet, la façon d’utiliser les espaces selon

les besoins spécifiques liés aux missions éducatives et hospitalières doit prendre en considération certaines

contraintes et dynamiques d’un espace cloîtré.

En 1721, le maçon François Dufaux est mandaté par les Ursulines pour construire un parloir-

école72 donnant sur la rue Notre-Dame. Le marché de construction73 décrit la future construction, son

aménagement intérieur et stipule sans précision que celle-ci est localisée séparément au sud-ouest du

monastère existant. Le bâtiment projeté était construit en pierre et mesurait 50 pieds de long sur 19 pieds

de profondeur (mesures intérieures). Il était doté de plusieurs portes extérieures marquant l’interface entre

les espaces publics et privés. Par contre, suite à un désaccord entre le maçon et les sœurs, le bâtiment ne

72 Un bâtiment pour l’école qui contient un espace aménagé pour être le parloir (espace contenant une frontière ou grille permettant le contact avec le monde extérieur). 73 Greffe de Pierre Petit. Marché entre les dames Religieuses & Francois duffau pour la batisse d’une maison. 25 novembre 1721. BANQ-TR CN401/S72.

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sera pas complété comme prévu74, le bâtiment réellement construit ayant deux étages et mesurant

30 pieds par 20 pieds. Par la suite, ce dernier sera démoli. Les relevés du monastère qui ont été effectués

par les archéologues en 2015 ont révélé des vestiges de fondations sous le mur ouest du monastère

(Gilbert, 2016). Suite à cette découverte, on croit que ce mur pourrait avoir fait partie du parloir-école

qui avait été érigé et démoli dans ce secteur.

L’élévation vue du fleuve Saint-Laurent de 1721 (voir Figure 9) illustre l’importance du

monastère dans le paysage culturel à cette époque. Ce type d’illustration peut donner des pistes quant aux

caractéristiques architecturales en l’absence de sources décrivant le bâtiment. Par exemple, le monastère

en pierre semble être recouvert d’un enduit de chaux et surmonté d’un toit à deux versants, le pignon de

la chapelle étant percé d’un oculus. De par les nombreuses lucarnes en toiture, on constate que les

combles sont généreusement éclairés et donc utilisés. Par contre, il faut prendre en compte que ce type

de représentations sous forme de gravure manque de précision et ne peut que suggérer la réalité d’une

époque. Après la vue de 1721, la prochaine source iconographique est une carte de Trois-Rivières réalisée

par Murray en 176075 dans laquelle on constate que le parloir-école est déjà disparu.

Figure 9 : Vue de la ville de Trois-Rivières, 1721. ANOM, DFC0464C01.

74 Abstention contre François Duffau, entrepreneur en bâtiment demeurant à Trois-Rivières, à la requête des Dames Ursulines, pour qu’il soit condamné à achever l’ouvrage qu’il a entrepris pour elles, suivant le marché passé entre eux le 25 novembre 1721, vu que la Cour a de semblables difficultés à vider ses affaires avec ledit Dufault, celle-ci se récuse et s’abstient de la connaissance de leur différend, sauf audites Dames religieuses de se pourvoir comme bon leur semblera. 24 avril 1724. BANQ TL3/S11/P3168. 75 Carte James Murray, exemplaire Thomas Gage de William L. Clements Library, format 4 sections. BAnQ H3/300/ (1761-1763) NMC 17560.

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Aucun document ne donne l’emplacement exact du parloir-école; seules les descriptions

décrivent ce projet. L’interprétation des données fragmentaires confrontées à la connaissance que nous

avons des façons de faire de l’époque (d’autres communautés religieuses) permet de spatialiser les

informations disponibles en émettant une hypothèse. D’ailleurs, il faut prendre en compte le fait qu’à

l’époque, un projet de construction n’est pas nécessairement ce qui est vraiment construit. Les concours

de circonstances au chantier comme la quantité des matériaux disponibles, la main-d’œuvre qualifiée

disponible et le climat sont des facteurs pouvant influencer un projet et créer une résultante différente de

celle planifiée au départ.

1725 : L’agrandissement au sud-ouest du monastère

Pour ce qui est des dépendances à l’extérieur du site, on constate l’apparition d’un bâtiment en

bois : la maison des serviteurs. Elle se situe au sud-est, face au monastère. Par ailleurs, sur le site et dans

la cour intérieure, la première grange et l’étable sont démolies, laissant place à une nouvelle et plus grande

grange en bois. Ces nouvelles constructions répondent aux besoins des Ursulines qui offrent des services

de plus en plus nombreux.

Notre hypothèse envisage le début de la construction du parloir-école un peu plus loin sous un

format différent au projet décrit initialement. En effet, le parloir-école est un moyen de séparer

physiquement les malades des pensionnaires. C’est ainsi que l’on croit que le nouveau parloir-école fait

son apparition au sud-ouest. Cette implantation ferait face au Plateau, d’où arrivaient la majorité des

habitants qui avaient affaire aux sœurs et la visite des familles des pensionnaires. La localisation du parloir

dans ce nouveau bâtiment crée une sorte de frontière au domaine des sœurs, mais aussi permet la

communication avec la population en gardant un certain retrait leur permettant d’exercer leur vie

monastique. D’ailleurs, l’hypothèse reprend l’emplacement des parloirs de la communauté des Ursulines

de Québec et de Paris, ce qui nous laisse supposer l’existence d’une porte-cochère.

Suite aux récentes fouilles archéologiques menées en 2014 et 201676, un fragment de mur de

fondation aligné de façon particulière dans la même zone où l’hypothèse place le parloir-école porte à

croire qu’il s’agirait des traces du parloir-école ou du moins que les fondations de ce dernier auraient été

reprises pour un agrandissement au bâtiment principal (# 9 et #11)77. On considère que le besoin d’avoir

un parloir-école n’a pas été comblé et que le résultat est un agrandissement au sud-ouest du monastère.

On sait d’ailleurs que, dans le cadre de cet agrandissement, la fondation du mur-pignon ouest de la maison

76 Relevés architecturaux par étudiants de l’École d’architecture de l’Université Laval, programme MITACS Accélération 2014-2015 et Rapports archéologiques par Gilbert (2014) et Artefactuel (2016). 77 Annexe 2.2 : Morphogenèse – La site (Voir année 1725).

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Ramezay a été démolie. En effet, les relevés du monastère ont révélé des reprises de maçonnerie

apparentes sur les murs adjacents.

L’hypothèse suppose aussi la réutilisation des matériaux rendus disponibles sur le site lors de la

démolition du parloir-école construit en 1721, cette pratique était courante au début du XXe siècle. Nous

avons même retrouvé à l’intérieur du monastère des fenêtres, portes et autres éléments qui ont été

déplacés et réutilisés ailleurs. De plus, la pierre à bâtir était rare dans le sol de Trois-Rivières, sa

récupération était une avenue tout à fait logique dans un contexte où les ressources financières étaient

limitées.

Lors de relevés architecturaux des sous-sols du monastère effectués en 2015 par la firme

d’architectes Atelier 21 et l’École d’architecture de l’Université Laval, on a découvert que l’épaisseur des

murs de fondation de la façade sud et du mur de refend central du monastère dans le secteur non excavé

au sud-ouest sont substantiellement moins épais. En effet, au niveau du sol non excavé, la maçonnerie

plus large des fondations semble avoir été arasée à une époque antérieure et surmontée d’une nouvelle

maçonnerie moins large pour l’équivalent à l’épaisseur des murs du rez-de-chaussée.

Toujours en 2015, lors de travaux de réfection et d’étanchéisation de la maçonnerie des

fondations du monastère, la Coop Artéfactuel (2016) chargée de la surveillance archéologique des travaux

met à jour sous les fondations actuelles du mur-pignon ouest les vestiges d’une fondation en pierre sur

toute la longueur. Selon les archéologues, cette fondation a été méticuleusement démolie de manière à

faire place à l’édifice actuel. De plus, sa largeur témoigne de la présence d’un édifice relativement imposant

et en maçonnerie dont l’alignement n’est pas parfaitement perpendiculaire avec l’édifice actuel. Ce vestige,

dont les extrémités et les coins ne sont pas mis à jour, a au moins 50 pieds de long. Toutefois, il est

impossible d’en connaître les dimensions exactes ni de savoir si l’édifice se trouvait sous le monastère

actuel ou en dehors en raison des limites des excavations archéologiques.

À ces deux éléments difficiles à réconcilier avec l’évolution généralement admise du monastère

s’ajoute la présence d’une zone non excavée au sous-sol. Celle-ci forme un rectangle situé au coin sud-

ouest du bâtiment actuel; il est circonscrit par un mur de maçonnerie relativement régulier et qui forme

une masse monolithique avec les fondations adjacentes.

Il est intéressant de rappeler que toutes les fondations actuelles situées dans ce secteur du

monastère précèdent l’incendie de 1806 tel que confirmé par la correspondance de l’abbé Noiseux entre

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1806 et 1807. Cela nous permet donc d’établir une cartographie de l’âge des différents éléments de

maçonnerie situés sous l’aile à l’ouest de la chapelle78.

1752 (hypothèse avant incendie)

En 1752, un feu détruit environ la moitié du bourg de Trois-Rivières. Presque entièrement

aménagés en bois, l’enceinte des pieux, le monastère, la chapelle et l’hôpital disparaissent. Apparemment,

seulement les murs en pierre restent debout (Robert et Séguin, 2009 : 8).

Avec la documentation fragmentaire de cette époque, une hypothèse concernant l’état des lieux

avant l’incendie a été réalisée. En dehors du site, une autre dépendance en bois est construite à proximité

de la maison des hommes. Sur le site, du côté de l’hôpital, un agrandissement en maçonnerie est fait au

monastère pour accueillir l’apothicaire. Dans la cour, la boulangerie fait l’objet d’un agrandissement en

maçonnerie.

1752 (hypothèse après incendie)

Le manque de documentation représentant les années avant le premier incendie nous porte à

croire qu’elle ait disparu avec l’incendie. En effet, les plans et les descriptions ont été faits de mémoire

après l’incendie pour la reconstruction du monastère.

L’hypothèse présentée souligne le fait que l’incendie a particulièrement endommagé le monastère

et le parloir-école. Malgré le fait que ceux-ci aient été construits en maçonnerie, le feu a pleinement la

capacité d’endommager les murs et ses ouvertures. Selon les dommages causés, il y a toujours la possibilité

que les fondations et certaines pierres aient été reprises pour la construction du nouveau monastère.

D’ailleurs, cette hypothèse pourrait expliquer qu’aujourd’hui, il ne reste que quelques fragments des

fondations ou des murs de la maison d’origine.

Les dépendances ont été épargnées par le feu et ont servi de support à la communauté. En effet,

la boulangerie a servi pour loger quelques sœurs pendant la reconstruction du monastère.

78 Annexe 2.3 : Datation des vestiges du Régime français (par l’architecte Matthieu Lachance en collaboration et dans le cadre du partenariat Mitacs Accélération).

Page 59: La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de ...La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières . Évolution du site et influence sur la ville . Mémoire

47

1753 (reconstruction)

Les dommages au bâtiment sont sans doute considérables puisque les sœurs passent deux

contrats79 la même année pour reconstruire la charpente du monastère et pour se faire livrer des pierres.

Lors de sa reconstruction substantielle, Mgr de Pontbriand saisit l’occasion pour régulariser et raffiner

l’architecture du monastère. La nouvelle conception agrandit légèrement le bâtiment pour permettre

l’ajout d’une travée de 20 pieds vers l’arrière, la modification du rythme des ouvertures en façade et

l’égalisation des hauteurs d’un côté et de l’autre de la chapelle. Il reste la possibilité que Mgr de Pontbriand

ait incorporé de manière substantielle les vestiges qui avaient survécu de la maison Ramezay.

Le résultat offre une façade monumentale donnant sur la rue Notre-Dame qui mesure 200 pieds

sur 54 pieds de profondeur et 24 pieds de hauteur (deux étages) (Héroux, 2001 : 27). À ce jour, il n’y a

pas eu de découverte des plans architecturaux ou dessins illustrant les travaux de cette reconstruction

guidée par Mgr de Pontbriand.

Il est possible de distinguer l’agrandissement du monastère supervisé par Mgr de Pontbriand dans

la nouvelle conception grâce à l’ajout d’une travée qui fait toute la longueur du bâtiment vers le nord-

ouest. Le nouveau monastère inclut des grandes pièces et leurs pièces de service qui servent

principalement au culte, à l’hôpital et à l’école. Les couloirs et escaliers créent une frontière entre les

différents usagers. En effet, le monastère héberge autant les sœurs que les malades et les pensionnaires.

Les descriptions de la reconstruction du monastère parlent de la « régularisation » des ouvertures

de la façade. Ce terme nous porte à croire que l’on fait référence au rythme des ouvertures et que celui-

ci a été modifié pour rendre les espacements réguliers. Les agrandissements précédents n’avaient pas été

pensés comme une seule façade. S’il a fallu retravailler les espacements des fenêtres, il est fort probable

que quelques parties du mur d’origine avaient déjà été modifiées dans cet objectif. Encore ici, on croit

qu’il ne resterait que quelques fragments des fondations ou des murs de la maison d’origine dans le

monastère actuel.

Enfin, la maison des hommes, un bâtiment en bois qui logeait les travailleurs du domaine des

Ursulines fait son apparition sur le site et à l’intérieur de la cour du monastère.

79 Selon Héroux (2011), le greffe Danré de Blanzy contient les deux contrats de construction qui devaient s’exécuter au printemps. Il indique que les contrats ne donnent aucune indication des dimensions de l’édifice à construire.

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1760

Cette carte est la représentation de ce que l’on retrouve dans le plan de 1760 par Murray (Santerre,

2013 : 20). Malgré le fait que les dessins ne soient pas précis en termes d’échelle, la présence des bâtiments

principaux et temporaires valide l’état des lieux après le premier incendie et la reconstruction du

monastère. De plus, le plan illustre l’état de développement du domaine des Ursulines et de ses alentours.

Une portion de la cour arrière semble être formée par des terres exploitées alors que le reste ne semble

pas avoir été défriché.

Régime anglais (1763-1867)

1793-1806 (hypothèse avant incendie)

L’hypothèse de l’état des lieux avant le deuxième incendie du monastère est représentée. On

aperçoit principalement une augmentation importante des dépendances agricoles dans la cour intérieure

du domaine des sœurs. D’une part, la maison des serviteurs et la dépendance qui faisaient face au

monastère ont été démolies. D’autre part, la maison des hommes a été déplacée face au monastère et la

grange a été déplacée plus loin dans la cour.

1806 (hypothèse après incendie)

En 1806, un deuxième incendie affecte l’intégrité architecturale du monastère. Comme en 1752,

seulement les murs de pierres résistent (Robert et Séguin, 2009 : 13).

L’hypothèse de l’état des lieux après le deuxième incendie du monastère est représentée. Celle-ci

souligne le fait que le feu a majoritairement endommagé le monastère, ses latrines et l’écurie en face.

Encore cette fois, les dépendances ont été épargnées. D’ailleurs, puisque c’est la deuxième fois que le

monastère est incendié, les probabilités que des murs de la maison d’origine fassent encore partie du

monastère d’aujourd’hui sont encore plus minces. Aujourd’hui, la maison des hommes est une des seules

dépendances qui a survécu et qui est toujours existante sur le domaine des Ursulines de Trois-Rivières.

1807-1808 (reconstruction)

Après l’incendie de 1806, l’abbé Noiseux se concentre à faire reconstruire le bâtiment tel qu’il

était80 avant sa plus récente destruction. La reconstruction du monastère se fait rapidement et reprend

essentiellement les mêmes fondations et murs, ceux qui le permettent par leur état. L’hypothèse de la

80 Correspondance entre l’abbé Noiseux et l’évêque de Québec lors de la reconstruction après l’incendie de 1806. AUTR II-B-07-001 et AUTR II-B-07-002 (Lachance, 2016).

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reconstruction du monastère par l’abbé de Noiseux est plus documentée puisqu’on retrouve aujourd’hui

plusieurs plans représentant les espaces extérieurs et intérieurs. Ces plans peuvent être imprécis en termes

de dimensions et d’échelle, par contre ils fournissent beaucoup de détails et pistes concernant le

fonctionnement intérieur et la relation du bâtiment avec l’extérieur. Un plan du rez-de-chaussée81 ainsi

que de l’étage82 du monastère illustre l’aménagement intérieur. On constate que l’articulation entre les

différents usages et les différents types d’espaces (communs, privés, etc.) se fait à travers les couloirs. La

cuisine est extérieure et le passage couvert qui la liait avec le monastère est aujourd’hui une fenêtre. La

bénédiction de la nouvelle chapelle est faite en 1808 (Robert et Séguin, 2009 : 13).

81 Plan rez-de-chaussée, 1806. AUTR, III-C-02-990-012. 82 Plan figuratif 1806. AUTR, III-C-2-122-37

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1808-1836 : Le plan non daté

Figure 10 : Plan non daté. AUTR, III-C -02-990-004.

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L’hypothèse dessinée est celle de l’état du domaine des Ursulines selon un plan sans date83

retrouvé aux archives des Ursulines à Trois-Rivières. Nous l’avons situé temporellement avant la

construction du pensionnat de pierre puisque ce dernier n’y apparaît pas. Le plan représente plusieurs

dépendances dans la cour et par leur fonction on comprend leur grande importance en soutien au

monastère. L’autosuffisance de la communauté peut être soulignée à travers leur usage et la mise en valeur

de leur domaine. D’ailleurs, le plan se démarque puisqu’il spécifie les différents espaces extérieurs : jardin

du dépôt, jardin de l’hôpital, jardin du chapelain, jardin de l’infirmerie, grand jardin du monastère, jardin

potager (terrain à patates), beaucage (terre de pâturage), cour des externes, cour du monastère et cimetière.

1836 : La construction du pensionnat de pierre

L’hypothèse illustrant la construction du pensionnat de pierre est représentée

iconographiquement en s’inspirant du plan sans date précédent. Le pensionnat n’apparaît dans la

documentation iconographique qu’en 1851. D’ailleurs, le plan qui l’illustre pour la première fois ne

représente pas le domaine des Ursulines au complet. En effet, la documentation iconographique

disponible n’utilise pas toujours les mêmes échelles.

La bonne réputation et le succès grandissant de l’éducation offerte par les religieuses entraînent

des besoins en espace pour répondre à la forte demande (Gilbert, 2014; Jutras, 2009). Une nouvelle aile

en pierre est construite derrière le monastère, détachée et orientée perpendiculairement à celui-ci. Ce

premier geste architectural est en rupture avec les autres volumes sur le site, ce bâtiment répondant à un

besoin d’espace immédiat.

La conception du nouveau pensionnat suit le style architectural néoclassique. Le bâtiment mesure

45 pieds par 90 pieds, il a trois étages en plus des combles et du sous-sol. Les plans du bâtiment ont été

conçus par François Routier et approuvés à Québec (Marguerite-Marie, 1911 : 6). Ce dernier travaillera

avec le menuisier et sculpteur François Lafontaine pour la conception des plans de construction (Patri-

Arch, 2011). Le rez-de-chaussée abritait l’externat, les classes et les parloirs se trouvaient au 2e étage et le

dortoir se trouvait quant à lui au 3e étage (Marguerite-Marie, 1911 : 49). Suite à des modifications

extensives de l’aménagement intérieur du bâtiment, le pensionnat de pierre existe encore aujourd’hui et

abrite les cuisines du Collège Marie-de-l’Incarnation et des salles de classe pour l’école préscolaire et

primaire.

83 Plan non daté du site avant la construction du pensionnat de pierre (entre 1808 et 1836).

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Quelques années plus tard, entre 1840 et 1845, des travaux sont entrepris sur la chapelle. En

1840, on construira la première galerie dans la chapelle (Grandmont, 1998 : 33; Patri-Arch, 2011). En

1845, le clocher de la chapelle sera détruit pour être remplacé par un autre édifié sur le pignon de

l’extrémité ouest du monastère (Patri-Arch, 2011). En 1847, des infrastructures hygiéniques sont mises

en place pour évacuer le contenu des latrines du monastère dans le fleuve Saint-Laurent et en 1855, c’est

le chauffage au gaz qui fait son entrée au monastère des Ursulines de Trois-Rivières (Gilbert, 2014).

1852

On constate que la propriété face au monastère appartient aux sœurs, le « Jardin des Dames » est

représenté face au fleuve.

Confédération et industrialisation (1867-1950)

1873 : La construction de l’école de musique

Les travaux majeurs effectués à la façade du monastère qui donne sur la rue Notre-Dame

résultent en l’ajout d’un externat : l’aile Saint-Joseph. Érigé comme une extension de la façade, l’externat

est de trois étages en briques à toit mansardé. Vers 1896, la façade donnant sur la rue a été enduite de

crépi et blanchie à la chaux pour qu’elle soit harmonisée avec le reste de la façade du monastère. Les

autres côtés ne seront pas enduits de crépi, laissant la brique apparente, un geste architectural qui semble

avoir une volonté de continuité avec les volumes déjà existants. Ce bâtiment servirait encore à répondre

à la grande demande de fréquentation d’élèves des classes gratuites et permettrait de réserver le pensionnat

de pierre aux demi-pensionnaires (Patri-Arch, 2011). Ce bâtiment aura différentes fonctions au cours des

années, il servira d’externat, de résidence aux chapelains de la communauté, de réfectoire pour les élèves

normaliennes, etc. (Patri-Arch, 2011). Actuellement, le rez-de-chaussée sert d’école de musique pour les

enfants, l’étage est occupé par des salles communes et des chambres pour les religieuses, et finalement

l’étage au-dessus, est inoccupé, malgré les rénovations qui y ont été faites récemment.

En 1860, le chapelain de la communauté, Mgr Charles-Olivier Caron a commandé l’ajout et la

conception du cadran solaire sur le mur pignon sud-ouest du monastère (Jutras, 2009). Aujourd’hui,

l’ajout de cet élément à la façade et la perspective créée pour les piétons sur la rue des Ursulines sont

devenus « une icône de l’arrondissement historique de Trois-Rivières, en partie grâce à ces ornements »

(Patri-Arch, 2011 : 37). Quant à la statue de la Vierge placée dans une niche au-dessous du cadran solaire,

la date de son installation et le nom de son concepteur sont inconnus (Gilbert, 2014 : 36).

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Figure 11 : Photo illustrant l’aile Saint-Joseph vers 1873. AUTR, IIIC029900005

1879

Ce plan transpose les informations illustrées par la carte des assureurs incendie de 1879. En

soutien aux besoins du monastère et aux missions des sœurs, plusieurs dépendances en bois apparaissent

dans la cour arrière. Conséquemment, l’aménagement de la cour arrière dégage un caractère agricole

puisque ces dépendances servent au soutien des activités agraires.

1883 : La construction du pensionnat à tourelles

L’atlas de la ville de Trois-Rivières publié en 188884 illustre le contexte urbain et le domaine des

Ursulines après la construction du pensionnat à tourelles (1883). Sur ce plan, on constate que la rue

Sainte-Hélène longe le pensionnat à tourelles et que la rue Saint-Benoît aboutit au monastère. Lorsque

les sources écrites ne mentionnent pas le déménagement de la maison des hommes avec précision, celle-

ci et ses multiples déplacements peuvent être retracés et suivis à travers les sources iconographiques

comme les plans d’assurance incendie. En effet, ce plan et les précédents démontrent non seulement tous

les déplacements des dépendances illustrés par les plans recueillis, mais aussi celui des rues.

Aux débuts des années 1880, la population de Trois-Rivières approche les 9000 habitants et les

sœurs sont confrontées à une forte demande et à un manque d’espace pour répondre à leur mission

84 « Three Rivers ». BANQ-CN, Iris 445479.

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éducative (Gamelin, 1884 : 221). C’est alors que le pensionnat Sacré-Cœur est bâti dans un geste

architectural qui est complètement en rupture avec le site conventuel. Le pensionnat sera conçu par un

jeune architecte, Jean-Baptiste Bourgeois, qui construira un bâtiment en brique rouge avec ornements et

grandes dimensions (Gilbert, 2014; Patri-Arch, 2011). Encore aujourd’hui, le bâtiment se démarque

nettement du reste des bâtiments des Ursulines de par sa couleur, son ornementation abondante, ses

fenêtres cintrées et ses tourelles. Ce bâtiment servira de pensionnat et d’école sous la direction des

religieuses, pour ensuite être dirigé par le Collège Marie-de-l’Incarnation de 1935 à 1996, puis par une

corporation laïque (Patri-Arch, 2011). L’Étatisation du système éducatif (1964) est une information

essentielle pour contextualiser ces changements de gouvernance.

En 1886, devenu trop coûteux à entretenir, l’Hôtel-Dieu des Ursulines ferme et l’Hôpital Saint-

Joseph des Sœurs de la Providence ouvre ses portes (Germain, 1997; Grandmont, 1998).

Figure 12 : Vue de la cour arrière du monastère et ses dépendances vers 1892. AUTR, P0830031.

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1897 : La construction de la deuxième chapelle et de son dôme

Pour célébrer et souligner le bicentenaire de l’arrivée des Ursulines à Trois-Rivières, une nouvelle

chapelle couronnée d’un dôme est construite. L’agrandissement de la chapelle existante pour accueillir la

nouvelle structure du dôme est nécessaire. Les architectes de Yamachiche, Georges Héroux et Joseph

Héroux, sont les concepteurs et les réalisateurs de cette intervention qui marque le paysage de Trois-

Rivières. À cette époque, la chapelle originale avait déjà été incendiée à deux reprises (1752 et 1806), mais

son volume architectural n’avait pas changé. Les murs de la chapelle et d’une partie de l’hôpital ont été

démolis en 1896 pour faire place à l’édifice actuel. Les plans et la coupe de la coupole sont toujours

existants85.

La superficie du lieu de culte est agrandie, notamment sa partie est, intégrant ainsi partiellement l’ancien l’hôpital. La façade est modifiée; construite en pierres bosselées, elle est ornée de pierres de taille aux angles et aux fenêtres. Sa composition monumentale comprend une avancée centrale surmontée d’un fronton, des ouvertures cintrées, un oculus et deux pinacles aux extrémités […] La chapelle est aussi agrandie vers le haut avec l’ajout d’une seconde tribune. (Patri-Arch, 2011 : 37)

La coupole « comprend 16 fenêtres cintrées flanquées de colonnes au chapiteau, de style

corinthien, le tout entouré d’une balustrade en métal ouvragé; le dôme compte six fresques de l’artiste

italien Luigi Capello » (Robert et Séguin, 2009 : 24). Ce geste architectural est encore en rupture avec le

bâtiment précédent et son but n’était pas d’être un ajout discret. Depuis l’addition du dôme à la façade

principale du monastère, celui-ci marque définitivement le paysage du vieux Trois-Rivières d’aujourd’hui.

85 Section longitudinale illustrant la nouvelle chapelle des Ursulines incluant le dôme, 1896. Joseph et Georges-Félix Heroux, architectes. AUTR, III-C-02-990-09. Élévation de la chapelle et du chœur illustrant la nouvelle chapelle des Ursulines incluant le dôme, 1896. Joseph et Georges-Félix Heroux, architectes. AUTR, III-C-02-990-08. Charpente longitudinale du dôme, 1896. Joseph et Georges-Félix Heroux, architectes. AUTR, III-C-02-990-10. Voûte renversée de la chapelle, 1896. Joseph et Georges-Félix Heroux, architectes. AUTR, III-C-02-990-11. Plan du rez-de-chaussée (nef de la chapelle) et plan du 1er étage (jubé et galeries), 1896. Joseph et Georges-Félix Heroux, architectes. AUTR, III-C-02-990.

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Figure 13 : Vue de la nouvelle façade après la construction de la nouvelle chapelle vers 1897. AUTR, IIIC029005005.

1907 : La construction de la maison rouge et de l’école normale

La construction simultanée de l’école normale et de la maison rouge (dortoir) montre le succès

de la mission des sœurs à Trois-Rivières. Leur mission éducative gagne en réputation et il y a un besoin

croissant d’espace pour l’enseignement et le logement des élèves et pensionnaires. Sur ce plan, on constate

que la rue Sainte-Hélène qui longeait le pensionnat à tourelles a disparu et que la rue Sainte-Cécile a été

prolongée jusqu’à la rue Notre-Dame. Nous ne savons pas si les numéros civiques 16 et 18 de la rue

Saint-Benoît ainsi que le 52 et 54 de la rue Notre-Dame ont été expropriés, achetés ou déplacés.

La fermeture de l’hôpital permettra aux sœurs de concentrer leurs efforts sur la mission éducative,

la construction simultanée de l’école normale et de la maison rouge démontrant le succès de cette mission

à Trois-Rivières. La population de la ville dépasse les 10 000 habitants et leur réputation bien établie

continue de créer une demande qui entraîne un besoin croissant d’espace pour l’enseignement et le

logement des élèves et pensionnaires (Gamelin, 1884 : 221).

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En réponse à l’augmentation constante du nombre de religieuses, un nouveau dortoir (maison

rouge) est construit en 1907 par l’architecte Charles Lafond. Il se chargera également de la construction

de l’école normale en 1908 (Germain, 2000; Patri-Arch, 2011). La maison rouge est construite sur le site

de l’ancienne buanderie et du bâtiment des aliénés (les loges). Ses fondations sont en pierres et le reste

du bâtiment est en brique rouge avec un toit plat. La maison rouge a trois étages en plus d’un demi-sous-

sol et sert initialement de dortoir pour les religieuses. Aujourd’hui, ce bâtiment regroupe la majorité des

fonctions de services répartis sur ses quatre niveaux. Au sous-sol, on retrouve une buanderie, des salles

communes et beaucoup de rangement. Au rez-de-chaussée, on retrouve la cafétéria, les cuisines, les salles

communes, les salons, une autre buanderie, l’administration et les archives de la communauté. Au premier

étage, on retrouve depuis 1978 l’infirmerie des religieuses. Finalement, le dernier étage regroupe des

chambres pour les religieuses nécessitant des soins mineurs (Patri-Arch, 2011).

Le deuxième bâtiment conçu par Lafond en 1908 est l’école normale qui sert à la formation des

religieuses désirant devenir enseignantes. Ce bâtiment est situé au nord-est et est contigu au pensionnat

Sacré-Cœur. Dans son apparence et son style architectural, le bâtiment ressemble à la maison rouge avec

un peu plus d’ornements en pierres de taille. Le bâtiment comporte un sous-sol et quatre étages avec un

toit plat. La brique rouge et la fondation en pierres sont encore une fois les choix utilisés pour l’enveloppe

du bâtiment. D’autres annexes et dépendances surtout liées aux services (ascenseur, menuiserie, garage

pour les voitures, etc.) seront construites par la suite.

Les deux volumes ajoutés par Lafond recherchent une continuité dans la présence des bâtiments

faisant face à la rue des Ursulines et répondent encore une fois aux besoins de l’époque. Cette fois, les

deux bâtiments seront plus sobres que les derniers ajouts au site conventuel.

1917

L’auteur des plans d’assurance-incendie des années précédentes était l’ingénieur civil Charles

E. Goad. Ce dernier est décédé en 1910 et l’auteur du plan86 de 1917 est inconnu. On constate que

l’externat (aujourd’hui l’école de musique) est représenté en bleu, ce qui signifie une construction en

pierre. Seulement la façade arrière est représentée en rouge, ce qui signifie une construction en brique.

Cette erreur est corrigée sur le plan d’assurance-incendie suivant (1929). On peut penser que les façades

recouvertes en crépi ont porté à confusion.

86 « Insurance plan of the city of Three Rivers, Quebec ». (1917). AVTR.

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1929

Ce plan87 illustre bien les subdivisions des espaces extérieurs avec les clôtures. Il est possible de

comprendre davantage la coexistence des différents usages et fonctions du monastère. Il y a deux jardins

visibles et un espace qui semble être pour le pâturage. Il est possible que cette façon d’aménager l’espace

découle du contexte agricole et de sa transformation de banlieue en ville.

1947

Plan illustrant les informations retrouvées au plan d’assurance incendie88.

Après-guerre et modernité (1951-2018)

1955

Plan illustrant les informations retrouvées au plan d’assurance incendie89.

1959

Plan de l’architecte Jean-Louis Caron illustrant le domaine des Ursulines en 195990. Ce plan

illustre de manière sommaire les aménagements de la cour intérieure, nous permettant de comprendre

davantage l’usage mixte de celle-ci avant la construction du collège. On remarque un jardin de plaisance

aménagé pour les élèves, un verger ainsi que des vignes. Les élèves et les sœurs disposent également de

deux balançoires extérieures, de deux courts de tennis et d’une glissoire.

87 Plan illustrant le domaine (après 1917-avant 1929). AUTR, III-C-2-219-37. 88 Extrait des plans d’assurance-incendie par « Underwriters' Survey Bureau ». Trois-Rivières, 1947 (planche 11). AVTR. 89 Extrait des plans d’assurance-incendie par « Underwriters' Survey Bureau ». Trois-Rivières, 1955 (planche 11). BANQ-CN, Iris 174321. 90 AUTR, CMI. Plan général sans côte.

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1962 : La construction du Collège Marie-de-l’Incarnation

Figure 14 : Photo aérienne illustrant le Collège Marie-de-l’Incarnation vers 1962. AUTR, IIIC029007008.

La construction du Collège Marie-de-l’Incarnation sera un dernier geste architectural en rupture

qui changera drastiquement l’espace de l’arrière-cour créant deux cours, une pour les sœurs et une pour

les élèves. Le bâtiment s’implante au nord et est relié au pensionnat de pierre ainsi qu’au pensionnat Sacré-

Cœur par une cafétéria (Patri-Arch, 2011). Le bâtiment est essentiellement un rectangle avec des

fondations en béton et une enveloppe en brique jaune. Il abrite les classes et un gymnase pour le

secondaire ainsi que des dortoirs pour les pensionnaires. Ce geste semble encore être en rupture avec le

reste des bâtiments et répond encore à la forte demande des services éducatifs dans une ville qui dépasse

maintenant les 50 000 habitants (Gamelin, 1884 : 221). Cette rupture trouve certainement des échos dans

l’histoire religieuse et celle du Québec (Concile Vatican II, Révolution tranquille, étatisation de

l’éducation). Ces moments forts génèrent des bouleversements qui se traduisent dans l’architecture

(moderne et en rupture avec l’approche classique) et dans les aménagements (tombée du cloître,

étatisation de l’école).

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Plus tard, plusieurs travaux d’entretien seront effectués aux bâtiments de l’ensemble conventuel.

Par exemple, les travaux de réfection de toiture par les architectes Bigué et Lord en 1998, qui transforment

la toiture en tôle à baguettes en une toiture de cuivre étamé assemblée à la canadienne (Patri-Arch, 2011).

1976

Point tournant et déclin dans le processus évolutif d’expansion sur le site, l’aménagement

extérieur et la plantation de l’allée d’arbres, menant à la maison rouge à partir de la rue Hart, sont faits

après la construction du Collège Marie-de-l’Incarnation et la démolition des dépendances agricoles.

D’ailleurs, il faut souligner que de nombreux changements dans l’aménagement intérieur ont été

effectués à travers les années et qu’ils n’ont pas tous été documentés par la mise à jour des plans. Les

divers travaux d’entretien et de réfection sont documentés localement, de manière très spécifique selon

l’intervention faite au bâtiment, et il faut attendre les relevés extensifs effectués entre 2014 et 2016 pour

avoir une vue d’ensemble du domaine conventuel. En 2017, la firme iSCAN scannera et documentera en

format 3D les espaces et les images de l’état du bâtiment des plus anciennes sections du monastère

(maison blanche) à l’aide d’une technologie laser.

2018

L’ensemble conventuel n’est plus en expansion, la démolition de certaines dépendances,

l’adaptation des bâtiments existants aux nouveaux besoins des sœurs et le changement d’usage envisagé

pour certaines ailes le démontrent.

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2.2 Le bâti : reflet de changement et d’adaptation

Figure 15 : Ligne de temps représentant les sources à l’échelle du bâti (monastère)

La ligne du temps précédente (voir Figure 15) permet d’illustrer le manque de sources à l’échelle

du bâti, plus spécifiquement le manque de plans concernant la maison blanche. En effet, l’inventaire des

photos tirées des archives des Ursulines de Trois-Rivières ainsi que les lettres91 et les descriptions écrites

des assemblées des Discrètes92 et des Capitulaires93 ont grandement aidé à valider et à dater les

informations graphiques représentées.

Malheureusement, c’est l’échelle architecturale qui manque le plus d’informations dans l’étude.

En effet, les caractéristiques architecturales exactes du monastère telles que ses dimensions, ses espaces,

ses aménagements intérieurs et sa construction ne sont pas précisément documentées. Il n’est pas certain

que d’autres plans existent, s’ils ont été perdus lors des deux incendies du monastère, ou s’ils se retrouvent

dans d’autres fonds d’archives qui n’ont pas été repérés.

Les sources considérées comme étant les plus fiables concernant les informations architecturales

sont les actes et les contrats notariés incluant des plans et des précisions spécifiques par les constructeurs

de l’époque. D’ailleurs, les marchés de construction spécifiant les constructeurs, les matériaux et certaines

91 Transcriptions des extraits relatifs aux bâtiments du Monastère des Ursulines de Trois-Rivières par l’architecte Matthieu Lachance (2016) concernant les lettres envoyées par Noiseux à Mgr Plessis AUTR II-B-07-001 et II-B-07-002. 92 Transcriptions des extraits relatifs aux bâtiments du Monastère des Ursulines de Trois-Rivières par l’architecte Matthieu Lachance (2016) concernant les assemblés des sœurs discrètes (1833-1910) AUTR MTR-2-1-5-2-1-1, MTR-2-1-5-2-1-2 et MTR-2-1-5-2-1-3. 93 Transcriptions des extraits relatifs aux bâtiments du Monastère des Ursulines de Trois-Rivières par l’architecte Matthieu Lachance (2016) concernant les assemblés des sœurs capitulaires (1860-1880) AUTR MTR-2-1-6-1-1-2.

1695 1715 1735 1755 1775 1795 1815 1835 1855 1875 1895 1915 1935 1955 1975 1995 2015

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mesures sont un autre exemple de source fiable. En réalité, les documents qui ont été repérés concernant

la construction du monastère des Ursulines de Trois-Rivières sont très rares.

L’étude qui suit met en relation les informations recueillies sur le terrain ainsi que celles des

études historiques, archéologiques et architecturales sur le monastère des Ursulines de Trois-Rivières.

Effectivement, le croisement des disciplines permet d’avoir une meilleure compréhension des gestes

posés au bâtiment à travers les époques. La source primaire plus importante a été le bâtiment lui-même.

Les relevés architecturaux n’ont pas seulement été un outil ayant permis la production de documents de

représentation, mais aussi, ils ont été un outil qui a permis d’identifier les anomalies et les traces de

changements importants dans le bâtiment. Les pistes et les traces sur le bâtiment ont mené à la

concordance des informations qui étaient disponibles et à la recherche d’archives affirmant ou niant les

hypothèses.

Il n’est pas rare que les sources se contredisent. Dans ce cas, une hypothèse est établie (avant ou

après le moment documenté) prenant en compte toutes les informations disponibles ainsi que les

informations plus récentes qui ont été dévoilées par les relevés architecturaux, les fouilles archéologiques

et les travaux faits au bâtiment récemment.

2.2.1 Analyse synchronique ; 1806 versus 2016

Normalement, les plans, les récits et les devis présentent des informations très détaillées sur le

bâtiment. Une plus grande quantité de plans à cette échelle aurait toutefois permis une meilleure

compréhension de l’évolution des aménagements intérieurs et l’identification du pourcentage des murs

d’origine restants. C’est d’ailleurs, avec la mise en commun du travail effectué avec les divers

professionnels94 qui ont eu à faire des interventions sur le monastère qu’une hypothèse de l’évolution des

murs principaux de la maison blanche a pu émerger95.

L’absence des sources dévoilant la nature et l’emplacement des murs intérieurs ne permet pas la

réalisation d’une morphologie diachronique claire à l’échelle architecturale de l’ensemble des bâtiments,

contrairement à ce qui a été fait pour les autres échelles, ce qui nous invite plutôt à réaliser une

morphologie synchronique de la maison blanche. Le plan de la reconstruction du monastère après le

94 Relevés architecturaux par étudiants de l’École d’architecture de l’Université Laval, programme MITACS Accélération 2014-2015 et Rapports archéologiques par Gilbert (2014) et Artefactuel (2016). 95 Annexe 2.3 : Datation des vestiges du Régime français.

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deuxième incendie en 180696 a été comparé aux relevés faits en 201697. L’exercice comporte plusieurs

étapes. Dans un premier temps, nous avons procédé à la réalisation d’un relevé et au dessin des plans

respectifs constituant les espaces existants. Dans un deuxième temps, nous avons retracé et mis à l’échelle

le plan de 1806. Dans un troisième temps, nous avons superposé le travail graphique des deux plans à la

même l’échelle. Ces différentes opérations nous ont permis d’isoler graphiquement les espaces originaux

toujours existants. De ce fait, il a été possible de constater l’existence de ce qui pourrait être des

séparations intérieures d’origine, ce qui resterait à être confirmé en faisant des sondages aux murs toujours

existants.

Figure 16 : Superposition du plan 1806 versus plan relevé en 2016 (murs intérieurs)

L’exercice permet de différencier les espaces qui ont conservé leur nature et leur usage. En effet,

certains espaces ont évolué pour s’adapter à une autre forme et à un autre usage. Par exemple, le parloir

a disparu pour laisser la place au chœur des sœurs. Il suffit d’observer la logique des circulations

horizontales et des circulations verticales du bâtiment pour comprendre la ségrégation des espaces privés

et la mise en valeur des espaces communs.

96 Plan rez-de-chaussée, 1806. AUTR, III-C-02-990-012. Plan figuratif 1806. AUTR, III-C-2-122-37. 97 Relevés et plans dessinés dans le cadre du partenariat Mitacs 2016 avec la collaboration du Monastère des Ursulines de Trois-Rivières, la firme d’architecture Atelier 21 (Matthieu Lachance, architecte) et l’équipe de recherche de l’Université Laval (François Dufaux, David Nault-Daigle, Cynthia Aleman et Jean-François Allard).

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Figure 17 : Superposition du plan 1806 versus plan relevé en 2016 (Usages : services, soutien et gestion)

Un exemple incontestable est l’indication du déplacement de certains couloirs, ce qui permet de

comprendre les finitions intérieures qui semblent être un amalgame de plusieurs époques. Ce geste signale

le recyclage et le déplacement des matériaux intérieurs pour leur réutilisation dans la création d’un autre

espace à l’intérieur du même bâtiment.

Figure 18 : Superposition du plan 1806 versus plan relevé en 2016 (Circulations : horizontales et verticales)

Il est également possible d’identifier l’arrivée des nouvelles technologies dans le bâtiment qui

augmentent la flexibilité dans les espaces intérieurs changeants. En effet, l’arrivée de l’électricité et de

systèmes de chauffage alternatifs permettent de condamner certaines cheminées qui possédaient un

emplacement autrefois stratégique.

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Figure 19 : Superposition du plan 1806 versus plan relevé en 2016 (cheminées)

En outre, le relevé et le plan de 2016 ont non seulement permis de documenter l’état actuel du

bâtiment, mais aussi de comprendre l’envergure des superficies qui se vident et qui ont le potentiel

d’accueillir des nouveaux usages.

Figure 20 : Axonométrie de la maison blanche représentant les superficies approximatives des usages existants en 2016.

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3 Discussion

Ce chapitre analyse et résume les résultats présentés au chapitre précédent. Le lien étroit entre

les trois échelles étudiées montre l’importance de l’apport de la communauté des Ursulines de Trois-

Rivières au développement de la ville. Ce chapitre est également le résultat de l’analyse du répertoire

numérique détaillé des biens fonciers possédés par les Ursulines à Trois-Rivières de 1697 à 1997 effectué

par Daniel Robert en 1997 et fourni par les archives des Ursulines de Trois-Rivières. Premièrement,

l’information présentée dans le répertoire a été traitée et classifiée à partir des trois échelles utilisées dans

la recherche : la ville, le site et le bâti. Ensuite, dans le but de retracer davantage les achats, les ventes, les

échanges et les dons entre les différents acteurs de la ville et les sœurs, un tableau98 a été créé pour

présenter les données permettant d’analyser l’information que Robert (1997) avait compilée au répertoire.

Finalement, le résultat de cette classification par échelle permet d’illustrer l’activité des transactions

concernant les propriétés foncières et leur rapport au développement des missions des sœurs.

L’objectif de ce chapitre est non seulement de démontrer l’apport des sœurs au développement

de la ville au travers de leurs activités foncières, mais aussi d’illustrer les liens dynamiques entre les trois

échelles. C’est d’ailleurs en superposant l’activité de construction des bâtiments principaux qui composent

le domaine des sœurs et les trois lignes de temps illustrant les activités foncières qu’on remarque que la

spéculation est un moyen de financement important pour les missions sociales de la communauté

religieuse (voir Figures 30 et 31).

3.0 Lecture morphologique du patrimoine des Ursulines de Trois-

Rivières : la ville, le site et le bâti

Cette section du chapitre illustre les liens entre les trois échelles démontrées par la superposition

des résultats exposés à travers les morphologies. Ces liens sont validés par les actes notariés et les

transactions foncières du répertoire de Robert (1997). Chaque période présente une mise en contexte

historique, une mise en contexte démographique, une présentation des acteurs principaux, l’identification

des constructions et des démolitions, les actes notariés et les transactions foncières clés ainsi que les

hypothèses qui démontrent les liens dynamiques.

98 Annexe 1.1 : Tableau des actes notariés au Répertoire.

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3.0.1 Régime français (1697-1762)

En 1633, la Compagnie des Cent-Associés commence à faire la concession des premiers terrains

autour du futur bourg de Trois-Rivières, dont celle du fief qui deviendra le fief Hertel. En 1634,

Champlain charge le lieutenant Laviolette d’établir un deuxième établissement permanent qui deviendra

un carrefour de commerce important. Or, suite à la fondation de Montréal en 1642, la ville trifluvienne

perdra graduellement son élan de croissance (Robert et Séguin, 2009 : 3). En effet, la population de la

ville passe de 455 habitants en 1666 à 150 habitants en 1681 et reprendra lentement son développement

pour atteindre 203 habitants en 1706, 378 habitants en 1739, et 586 habitants en 1760 (Gamelin, 1884 :

221).

En 1697, année de leur arrivée à Trois-Rivières, les Ursulines doivent se contenter de cohabiter

avec la famille Ramezay dans leur maison du Platon. Quelques années plus tard, elles déménageront dans

la nouvelle maison Ramezay construite en banlieue. De 1697 jusqu’à 1714, la communauté se suffira

d’une architecture domestique pour répondre à leurs missions.

On sait que la maison bourgeoise qui abritait le monastère de cette époque était comparable de

plusieurs façons à d’autres bâtiments du même genre (pierre chaulées, toit à deux versants, couverture en

bardeaux de cèdre). Accompagnée de ses dépendances et de ses jardins, la maison Ramezay porte de

nombreuses similitudes avec le château de Ramezay construit à Montréal en 1705. La similitude ne réside

pas seulement dans le fait que le propriétaire est le même (Ramezay), mais aussi dans les matériaux, le

style et les dimensions architecturales utilisés. Par la suite, les stratégies d’agrandissement utilisées sur le

château Ramezay seront très semblables à celles du monastère de Trois-Rivières.

L’architecture institutionnelle arrivera seulement en 1714 alors que trois volumes architecturaux

diviseront les fonctions du cloître99, de la chapelle, de l’hôpital et de l’école. L’hypothèse concernant le

projet du premier parloir-école en 1721 démontre un effort pour la création d’une frontière architecturale

créant une interface pour les communications avec la population grandissante.

L’hypothèse concernant l’agrandissement au sud-ouest du monastère est encore un geste

d’adaptation des sœurs au site. Les changements dans la construction et dans l’aménagement du site

conventuel témoignent d’une grande période de transition et d’adaptation pour la communauté religieuse.

99 Le Petit Robert (2019) définit un « cloître » comme étant une partie d'un monastère qui est interdite aux profanes et fermée par une enceinte. Dans le cas des Ursulines de Trois-Rivières, nous n’avons pas suffisamment des informations concernant les délimitations spatiales du cloître. Parfois ces frontières sont des grilles tel on retrouvait au parloir et à la chapelle.

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Dans un sens, on constate la volonté d’implanter un modèle universel inspiré des couvents existant; dans

un autre, le contexte local (besoins d’une école et d’un hôpital) oblige la conversion d’une architecture

domestique en une architecture institutionnelle. Cette architecture subira en outre l’influence de la

localisation du site, en banlieue immédiate du bourg, à la frontière donc de la ville et de la campagne.

Selon Pehr Kalm100, à l’exception de trois ou quatre résidences en pierres, la grande majorité des

habitations de Trois-Rivières sont construites à cette époque en bois, faites d’un seul étage et sont

dépouillées de tout luxe. Dans un tel contexte, on s’imagine bien qu’un incendie puisse être dévastateur.

D’ailleurs, cela a été le cas pour le feu de 1752 ; celui-ci a ravagé le bourg de Trois-Rivières et aurait détruit

un peu plus de la moitié de l’agglomération (Robert et Séguin, 2009 : 8). Malgré la tragédie, ce feu s’est

avéré une opportunité pour concevoir le monastère qui sera reconstruit conformément aux besoins

grandissants de la communauté religieuse. Notons que le « conducteur, le piqueur et le payeur »101 de cette

intervention était un membre du clergé : Mgr de Pontbriand.

3.0.2 Régime anglais (1763-1867)

Dans un intervalle de 30 ans, la population de la ville doublera et passera de 586 habitants en

1760 à 1 213 habitants en 1790. Son développement se poursuivra et atteindra 2 500 habitants en 1815,

2 627 habitants en 1831 et 4 936 habitants en 1851 (Gamelin, 1884 : 221). En 1806, les Ursulines font

face au deuxième incendie affectant l’intégrité architecturale du bâtiment, alors que les besoins et la

démographie sont toujours grandissants. Cette fois, l’occasion n’est pas saisie avec la même approche et

une reconstruction « telle qu’elle était » sans ajouts ou agrandissements est privilégiée. De par les

descriptions de la reconstruction, on comprend que les moyens économiques ne pouvaient pas permettre

autre chose que la reconstruction du couvent à l’identique. En 54 ans, le bâtiment aura subi deux incendies

qui demanderont aux acteurs du milieu de réagir pour assurer la survie de la communauté religieuse et de

leurs missions.

En 1833, à peine 27 ans après la reconstruction du monastère, la communauté entame la

construction du pensionnat de pierres. Ce dernier est construit en réponse aux besoins grandissants

100 Naturaliste suédois qui, après son voyage en Amérique du Nord en 1749, publiera ses récits où il inclut son passage à Trois-Rivières. Ses récits et ses descriptions porteront un point de vue externe (Robert et Séguin, 2009 : 8). 101 Mgr de Pontbriand écrit une lettre à son frère le comte de Névet où il décrit son séjour de six mois à Trois-Rivières : « logé au plus mal, au milieu de 50 ouvriers de toute espèce […] pour bâtir un hôpital de deux cents pieds de long sur cinquante-quatre de large, et vingt-quatre de hauteur […] Je fais emprunter les religieuses […] Ne croyez pas qu’on bâtisse à grand marché; chaque toise de maçonne doit coûter, où je suis, plus de dix francs; j’en ai six cents […] je suis devenu d’évêque, menuisier, charpentier, manœuvre, porte-bag, porte-oiseau » (Marguerite-Marie, 1888 : 285).

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d’espace pour loger les élèves et il est érigé avec une grande qualité architecturale (dans ses matériaux et

dans la répartition des espaces intérieurs). Dans son implantation et son style architectural, le nouveau

bâtiment s’inscrit en rupture avec le couvent existant. Son implantation détachée et perpendiculaire au

couvent est faite en retraite de la rue Notre-Dame. En fait, tous les bâtiments qui s’ajouteront à l’ensemble

monastique s’implanteront vers le nord-est du site, en retrait de la rue Notre-Dame et du couvent existant.

3.0.3 Confédération et industrialisation (1867-1950)

En 1845, les Ursulines de Trois-Rivières sont autorisées à acquérir et à posséder des immeubles

et des biens-fonds en plus de ceux qu’elles possèdent déjà (Robert et Séguin, 2009 : 15). La même année,

elles achètent plusieurs terrains sur le fief Hertel dans le but de les louer ou de les revendre plus tard. À

court et à long terme, toute communauté religieuse avait besoin de financement. Une source de revenu

économique stable était celle de la terre. Or, ne pas entretenir celle-ci ne leur coûtait rien. Par contre, la

faire fructifier appuyait leur autosuffisance et générait des revenus. En effet, il était possible de la louer à

des gens pour qu’elle soit travaillée, ou encore de concéder les terres et récupérer les taxes (le cens, le

droit de mouture, etc.).

La population passe de 5 769 habitants en 1861 à 7 570 habitants en 1871 et continue sa

progression avec 8 670 habitants en 1881, 8 334 habitants en 1891, 9 981 habitants en 1901, 13 691

habitants en 1911, 22 367 habitants en 1921, 35 450 habitants en 1931, 42 007 habitants en 1941 et 46 074

habitants en 1951. En fait, l’augmentation de la population prend un élan important puisque, dans l’espace

de 50 ans (1901-1951) dont il est question ici, elle devient presque cinq fois plus grande (Gamelin, 1884 :

221). L’augmentation démographique se reflète dans le développement de la ville et dans la construction

des bâtiments résidentiels relevés par les plans d’assurance incendie102.

À partir de cette époque, les bâtiments qui s’ajoutent au domaine conventuel ne suivent pas la

logique architecturale des bâtiments d’origine. Ni l’implantation ni la matérialité des bâtiments ne suit le

modèle établi par le couvent déjà existant. En plus, il faut souligner que les bâtiments construits sur le

site conventuel après la deuxième reconstruction du monastère sont dédiés principalement aux besoins

de la mission éducative locale.

En 1873, le monastère est prolongé vers l’est avec l’aile Saint-Joseph. Celle-ci est un volume

adjoint au couvent donnant sur la rue Notre-Dame. Sa construction cherche, encore une fois, à répondre

à la demande d’espace pour la mission scolaire. Créant une distinction visuelle dans la façade du

102 Annexe 2.1 : Morphogenèse – La ville (années 1910, 1929 et 1955).

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monastère, la nouvelle aile se démarque dans sa couleur et dans sa forme puisqu’elle est construite en

briques et elle comporte une toiture mansardée. Quelques années plus tard, la façade donnant sur la rue

Notre-Dame est recouverte en chaux comme le reste de la façade du bâtiment déjà existant dans un effort

de créer une continuité et une unité visuelle.

Le pensionnat Sacré-Cœur est construit en 1883, dans un style architectural qui se démarque du

reste des bâtiments déjà existants. La fin de la mission hospitalière coïncide avec la fermeture de l’Hôtel-

Dieu de Trois-Rivières en 1886 (Robert et Séguin, 2009 : 23). Par la suite, en dehors des investissements

en construction concernant la mission éducative, des travaux majeurs sont faits à la chapelle du monastère

pour célébrer, en 1897, le bicentenaire de l’arrivée des sœurs à Trois-Rivières.

L’investissement dans la construction des bâtiments servant la mission scolaire continue dans les

années 1907 et 1908. Deux nouveaux volumes en briques prennent place sur le site : la maison rouge à

l’ouest du couvent et l’école normale à l’est du pensionnat Sacré-Cœur. Comme la majorité des bâtiments

déjà existants, la façade principale des deux bâtisses donne front sur la rue Notre-Dame.

En 1947, à l’occasion du 250e anniversaire de l’établissement des Ursulines à Trois-Rivières, la

rue Notre-Dame est nommée « Rue des Ursulines ».

3.0.4 Après-guerre et modernité (1951- à ce jour)

La population est de 53 477 habitants en 1961, de 55 869 habitants en 1971 et diminue à 50 466

habitants en 1981 (Gamelin, 1884 : 221). Cette diminution sera constante jusqu’à la fusion de la nouvelle

ville de Trois-Rivières regroupant environ 126 000 habitants en 2002 (Charland, 2009 : 148-149).

L’année 1962 est marquée par la construction du Collège Marie-de-l’Incarnation, le dernier ajout

au domaine des sœurs. Le volume implanté perpendiculairement, en arrière-plan de la cour monastique,

est proportionnel à celui du couvent existant comportant presque la même importance volumétrique.

Encore une fois, ce geste traduit l’importance de leur mission éducative. La bâtisse se démarque non

seulement par sa volumétrie généreuse et son implantation, mais aussi par le choix de la couleur jaune

des briques qui sera en rupture avec la palette des couleurs des édifices déjà existants.

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3.0.5 Tendances et dynamiques repérées

Pour ce qui est de l’intérieur des bâtiments, le document chronologique dressé par sœur Louise-

Helene Albert103 démontre clairement que la répartition et les usages des espaces changent de façon

constante au travers des années. Certaines pièces sont divisées en deux ou regroupées pour en créer une

plus grande. Ceci démontre en partie que l’architecture et les espaces du monastère sont en évolution

constante pour s’adapter aux besoins changeants de la communauté, aux changements sociaux et aux

avancées techniques : chauffage, électricité, eau courante, tombée du cloître, le nombre de religieuses, etc.

3.1 Les actes notariés et les transactions foncières

Les actes notariés sont la formalisation légale de transactions qui influencent la forme du bâti, du

site et de la ville. Pour comprendre davantage les changements que la forme et les espaces subissent, les

actes notariés du répertoire ont été classifiés chronologiquement ainsi que par échelle (voir Annexe 1.1 :

Tableau des actes notariés au Répertoire).

3.1.1 Régime français (1697-1762)

De 1690 à 1699, il y a 14 actes notariés dont la moitié font référence aux Ursulines en tant

qu’acquéreuses : 2 concordats de Mgr de Saint-Vallier, 1 acte de vente de Claude de Ramezay, 3 titres de

Claude de Ramezay et 1 donation de Pierre Pépin-Laforce et Louise Lemire (Robert, 1997 : 17-19).

Entre 1700 et 1709, il y a 12 actes notariés dont 4 font référence aux Ursulines. Dans 3 actes

notariés elles sont acquéreuses : 1 acte de cession de J.-B. Poulin de Courval, 1 acte de donation de Pierre

Pépin-Laforce et Louise Lemire et 1 bail à ferme de Marie Françoise Baudry et Jacques Rondeau. Un seul

acte notarié fait référence aux Ursulines en tant que vendeuses : 1 bail à loyer à François de Beauharnois

(Robert, 1997 : 19-21).

La période s’étendant de 1710 à 1719 compte seulement 3 actes notariés et chacun implique les

Ursulines. 2 actes notariés les engage en tant que vendeuses : 1 bail d’emplacement/acte de constitution

de rente foncière à Perrine Lepelé et à Jacques Bissonnet-Lafavrie, et 1 acte de donation aux Récollets. 1

acte notarié les engage en tant qu’acquéreuses : 1 acte de donation de Mgr de Saint-Vallier (Robert, 1997 :

21-22).

103 « Analyse des annales : Bâtisses et terrains » Sœur Louise-Hélène Albert. AUTR, MTR/2/11/3,7,3.1.

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Entre 1720 et 1729, les 10 actes notariés au répertoire impliquent les Ursulines. D’une part, 7

actes notariés les illustrent en tant que vendeuses : 1 acte de ratification pour les pauvres de l’Hôtel-Dieu

de Trois-Rivières, 1 acte de concession à Jean Jacques (Leblond) et Catherine Guillemot, 1 acte de vente

à Michel Bégon (au nom du Roi), 1 acte de ratification au Roi, 1 bail à rente à François Sauvage, 1 acte

de vente à Jean Clair et 1 acte de transport d’une constitution à René Godefroy de Tonnancour. D’autre

part, 3 actes notariés illustre les Ursulines en tant qu’acquéreuses : 1 acte de constitution de rentes

annuelles de Louis Godefroy de Normanville, 1 acte d’autorisation de justice de vendre de Dame

Lasizerest et 1 acte de vente de Catherine Trotier-Lasizerest (Robert, 1997 : 22-24).

La période de 1730 à 1739 contient 4 actes notariés dont 3 impliquent les sœurs. Dans 2 actes

notariés, elles sont les vendeuses : 1 acte de ratification à Michel Bégon (au nom du Roi) et 1 bail à rente

à Philippe Vinet. Elles sont acquéreuses dans 1 acte les défendant de donner 1 terrain aux Récollets par

Mgr Pierre-Hernan Dosquet (Robert, 1997 : 24-25).

De 1740 à 1749, il y a 7 actes notariés au répertoire dont 3 impliquent les Ursulines. 2 actes les

impliquent en tant que vendeuses : 2 actes de vente à Jean Le Proust. 1 acte les implique en tant

qu’acquéreuses : 1 acte d’abandon à Claude Le Proust (Robert, 1997 : 25-26).

Entre 1750 et 1759, on retrouve 5 actes notariés au répertoire dont 2 impliquent les Ursulines en

tant que vendeuses : 1 bail à rente foncière annuelle et perpétuelle à Dame Barbe Lafavry et Simon Clapier

et 1 acte d’échange à François Chastelain (Robert, 1997 : 26-27).

3.1.2 Régime anglais (1763-1867)

La période de 1760 à 1769 contient 9 actes notariés au répertoire dont 2 actes impliquent les

sœurs en tant que vendeuses : 1 bail à vie à Émery Jary et 1 bail à rente à Pierre Joseph Rouet (Robert,

1997 : 27-28).

La période 1770 à 1779 contient 6 actes notariés dont seulement 1 acte implique les Ursulines en

tant qu’acquéreuses : 1 acte de cession de Joseph Bourbeau (Robert, 1997 : 29).

Entre 1780 et 1789 le répertoire contient 7 actes notariés dont 4 impliquent les sœurs en tant que

vendeuses : 1 acte d’abandon à J. B. Pineau, 1 acte de concession à Claude Leclaire-Blondin et 2 baux

emphytéotiques à Joseph Saint-Pierre (Robert, 1997 : 29-31).

De 1790 à 1799, il y a 8 actes notariés au répertoire dont 5 impliquent les Ursulines. 4 actes

notariés présentent les sœurs comme vendeuses : 1 acte de concession à la Fabrique de Trois-Rivières, 1

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73

bail à rente à F. de Sabrevois, 1 acte de vente à Antoine Poulin de Courval et 1 acte de vente à Alexis

Toussaint Abraham. 1 acte implique les Ursulines en tant qu’acquéreuses : 1 acte de rétrocession de J. B.

Pineau (Robert, 1997 : 31-32).

Entre 1800 et 1809, le répertoire contient 9 actes notariés et aucune n’implique les Ursulines

(Robert, 1997 : 32-33).

Entre 1810 et 1819, le répertoire présente 10 actes notariés dont 2 impliquent les Ursulines. 1

acte de ratification où elles sont acquéreuses de Thérèse Fournier et 1 acte de cession et transport des

droits d’une terre où elles sont vendeuses à Joseph Badeaux (Robert, 1997 : 33-34).

Entre 1820 et 1829, il y a 26 actes notariés au répertoire dont aucun n’implique les Ursulines.

Toutefois, 15 actes notariés impliquent des terrains du fief Hertel où plusieurs noms anglophones sont

des acquéreurs et Joseph Lefebvre-Bellefeuille est tant un vendeur qu’un acquéreur dans plusieurs

transactions (Robert, 1997 : 34-38).

Le répertoire contient 20 actes notariés entre 1830 et 1839, dont aucun n’implique les Ursulines.

6 actes notariés impliquent des terrains du fief Hertel entre les vendeurs et acquéreurs les plus actifs. On

retrouve la famille Lefebvre-Bellefeuille et William Craigie Holmes Coffin (Robert, 1997 : 38-41).

De 1840 à 1849, on retrouve 18 actes notariés au répertoire dont 10 impliquent les Ursulines en

tant qu’acquéreuses : 2 actes de vente de William Craigie Holmes Coffin et son épouse, 1 acte de

ratification de William Craigie Holmes Coffin et son épouse, 1 acte de vente de Marguerite Désilets,

1 acte de vente de Charles Chaîné, 1 titre de propriété de Jos. Lassiseraye, 1 acte de convention de John

Richard Cooke et M.-Émilie Cloutier, 1 acte de vente de Augustin-Zacharie Cloutier et Matilde Saint-

Pierre, 1 acte de ratification de Augustin-Zacharie Cloutier et Matilde Saint-Pierre et 1 acte de vente de

Ant. Sanson et épouse (Robert, 1997 : 41-44).

Il y a 17 actes notariés entre 1850 et 1859 dont 8 actes notariés impliquent les Ursulines. D’une

part, 4 actes notariés les impliquent comme vendeuses : 1 bail à loyer à Charles Hugues, 1 bail à ferme à

Louis Gagnon, 1 accord à Augustin Cloutier et 1 acte d’amortissement réciproque à Isidore Dugré.

D’autre part, 4 actes notariés les impliquent comme acquéreuses : 1 acte de vente de Isaac Ogden, 1 acte

de vente de Mary McCarthey, 1 titre de propriété de Ursule Hamel et Zoé Dostie et 1 acte de vente de

Aretie Blake Hart et Julia Seaton (Robert, 1997 : 44-46).

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3.1.3 Confédération et industrialisation (1867-1950)

Entre 1860 et 1869, il y a 18 actes notariés au répertoire dont 12 impliquent les Ursulines. Elles

sont acquéreuses pour 8 d’entre elles : 2 actes de vente de Isaac Ogden, 1 acte de cession de Joseph

Vinette, 1 acte de vente de Louise Lacerte et Pierre-Hormidas Cloutier, 1 acte de vente de Olivier Duval,

1 acte de vente de Thomas Dostalère, 1 permission accordée par la cour supérieure et 1 titre de propriété

de Elzéar Aubry. Elles sont vendeuses pour les autres 4 actes notariés : 1 bail à loyer à John Fitzgerald,

1 bail à ferme à Hypolite Bettez, 1 accord à Olivier Duval et 1 bail à ferme à Basile Aubry (Robert, 1997 :

47-49).

De 1870 à 1879, il y a 22 actes notariés dont 16 impliquent les Ursulines. Pour la majorité d’entre

elles, 13 actes notariés, les sœurs sont vendeuses : 1 acte d’échange à Richard Gennis et France Giles,

1 acte d’échange à Joseph-Octave Lottinville, 1 bail à loyer à John Smith, 1 acte de vente à William G.

Hamilton, 1 acte de vente à Francis Philippe Roy, 1 acte de vente à William André Joseph Witeford, 1 bail

à loyer à Louis Faucher, 1 bail à loyer à Charles-Arthur Boxer, 1 acte d’échange à Édouard Parent,

1 entente à François Lacerte, 1 protêt au gouvernement du Québec et les commissaires du chemin de fer,

1 bail à ferme à Joseph Harnois, 1 contrat à Eugène Girard et Joseph Poudrier. Dans les 3 actes restants,

les sœurs sont acquéreuses : 1 acte de vente de Madeleine Allbreck, 1 acte de vente de Sévère Dumoulin

et 1 acte de cession de Joseph Fortier (Robert, 1997 : 49-53).

Entre 1880 et 1889, il y a 16 actes notariés au répertoire dont 12 impliquent les Ursulines. Les

sœurs sont vendeuses dans 9 d’entre elles : 1 obligation à Louis-Joseph-Cyprien Fiset, 1 bail à ferme à

Louis Pratte, 1 bail à Alexander Houliston, 1 acte de vente à François-Xavier Nobert, 1 bail à loyer à

Arthur Ritchie, 1 bail à ferme à Calixte Blais, 1 acte de vente à Michael McInerney, 1 bail à loyer à Y.

Skroder et 1 bail à loyer à H. Goodchild. Pour les 3 actes restants, les sœurs sont acquéreuses : 1 acte de

vente de J.B.O. Legendre, 1 acte de vente de G.B.R. Dufresne, 1 acte de rétrocession de Michael

McInerney (Robert, 1997 : 53-55).

De 1890 à 1899, on retrouve 6 actes notariés au répertoire dont 4 impliquent les Ursulines. La

moitié les implique en tant que vendeuses : 1 bail à loyer à Marie-Louise Aubry et 1 acte de vente à la

patinoire Laviolette. L’autre moitié les implique en tant qu’acquéreuses : 1 marché de Corporation de

l’Église anglicane Saint-James et 1 acte de vente à William Charles O’Keefe (Robert, 1997 : 55-56).

Entre 1900 et 1909, on constate une augmentation importante d’actes notariés au répertoire.

34 actes notariés, dont 31, impliquent les Ursulines en tant que vendeuses : 1 acte de vente à Adélard

Belle-Isle, 1 acte de vente à Alphonse Hamelin, 1 acte de vente à Marie Toupin, 1 acte de vente à Veuve

Page 87: La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de ...La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières . Évolution du site et influence sur la ville . Mémoire

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Francis Philippe Roy, 1 acte de vente à Charles-Édouard Bernaquer, 1 acte de vente à Richard Parent,

1 acte de vente à Charles Raymond et Napoléon Raymond, 1 acte de vente à Alfred Jacob, 1 acte de vente

à Johnny Paquin, 1 acte de vente à William L. Adams, 1 acte de vente à Charles-Ed. Bernaquer, 1 acte de

vente à Arthur Raymond, 1 acte de vente à Alphonse Marcouiller, 1 acte de vente à Eugène Lamirande,

1 promesse de vente à Hubert Bolduc, 1 acte d’échange à Joseph Saint-Ours, 1 acte de vente à Elzéar

Dufresne, 1 acte de vente à Joseph Alarie, 1 acte de résiliation à Joseph Alarie, 1 acte de vente à Joseph

Alarie, 1 acte de vente à François-Régis Ribichaud, 1 acte de vente à Florette Nobert, 1 acte de vente à

Éva Nobert, 1 acte de vente à Charles-Wilbrod Rocheleau, 1 acte de vente à Remi Dufresne et Georges

Dufresne, 1 acte de vente à Joseph et Honoré Beauchesne, 1 acte de vente à Ludger et Arthur Lapolice,

1 acte de vente à Richard Parent, 1 acte de vente à Sévère Lemaître de Lottinville, 1 acte de vente à James

Tremblay et 1 acte de vente à Joseph Alarie (Robert, 1997 : 56-61).

La même dynamique continue pour la prochaine décennie, entre 1910 et 1919, le répertoire

contient 14 actes notariés dont 11 impliquent les Ursulines en tant que vendeuses : 1 acte de vente à

Philippe Verrette, 1 jugement de la cour supérieure à Henri Blais, 1 acte de vente à Joseph Gagnon,

1 promesse de vente à Émile Mayrand, 1 acte de vente à Alfred Beaudry, 1 acte de vente à Three Rivers

Athletic Association Limited, 1 acte de convention à William Ritchie, 1 acte de vente à Alfred Beaudry,

1 promesse de vente à E.L. Wilson, 1 acte de vente à R.F. Grant et 1 acte de vente à E.L. Wilson

(Robert, 1997 : 62-64).

À partir de cette époque, on constate une diminution considérable dans le nombre d’actes

notariés au répertoire. Entre 1920 et 1929, le répertoire contient seulement 5 actes notariés dont 4

impliquent les Ursulines. 3 actes notariés les impliquent en tant que vendeuses : 1 acte de vente à R.F.

Grant, 1 acte de vente à Dame Lucien Girardeau et 1 acte de vente à Alfred Nolin. Elles sont acquéreuses

pour seulement 1 acte notarié : 1 lettre pour concession du sous-gouverneur James Crowd (Robert, 1997 :

64).

Les transactions continuent à diminuer, entre 1930 et 1939, le répertoire contient seulement

3 actes notariés. Les Ursulines sont impliquées dans 2 d’entre eux en tant qu’acquéreuses : 1 acte de

cession du Roi et 1 garantie hypothécaire de Dame Ludger Magny (Robert, 1997 : 65).

Entre 1940 et 1949, il y a seulement 1 acte notarié au répertoire et celle-ci n’implique pas les

Ursulines (Robert, 1997 : 66).

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76

3.1.4 Après-guerre et modernité (1951-1997)

La période de 1950 et 1959 ne contient pas actes notariés au répertoire. Entre 1960 et 1969,

l’activité reprend avec 3 actes notariés qui impliquent les sœurs. Les Ursulines sont acquéreuses avec 1

acte de vente de Frank Spénard et vendeuses avec 1 avis au registrateur et 1 acte de cession au Monastère

du Christ-Roi (Robert, 1997 : 66).

Les changements générés par la Révolution tranquille apparaissent au répertoire par les entités

identifiées lors de certaines actes notariés. Par exemple, entre 1970 et 1979, les 3 actes notariés au

répertoire impliquent la Maison provinciale des Ursulines de Trois-Rivières en tant que vendeuse : 1 bail

à loyer aux Ursulines de la rue Saint-François-Xavier, 1 bail à loyer aux Ursulines de la rue Victoria et 1

acte de vente à Jacques Lessard (Robert, 1997 : 66-67).

Entre 1980 et 1989, les 5 actes notariés du répertoire impliquent les Ursulines. 4 actes notariés

les impliquent en tant que vendeuses : 2 actes de vente à la Ville de Trois-Rivières, 1 acte de vente à

Louise Lajoie et 1 projet d’acte de vente à Nicole et Michel Tellier. Elles sont acquéreuses dans 1 acte de

vente de Sœur Bernadette Roux (Robert, 1997 : 67-68).

La dernière période au répertoire, de 1990 à 1997, contient 1 acte notarié qui implique les

Ursulines en tant que vendeuses : 1 acte de vente à Michel Joubert (Robert, 1997 : 68).

3.1.5 Tendances et dynamiques repérées

Entre 1820 et 1839, on constate la vente de plusieurs terrains du fief Hertel. Plusieurs acquéreurs

sont anglophones; les vendeurs, quant à eux, sont des héritiers de la famille Hertel. Les Ursulines ne sont

pas impliquées à ce moment-là. C’est en 1845 que les sœurs sont acquéreuses de plusieurs terrains à

l’intérieur de ce qui était le fief Hertel, terrains qu’elles achètent aux anglophones. Par la suite, de 1900 à

1909, 31 actes notariés impliquent les Ursulines en tant que vendeuses.

Page 89: La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de ...La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières . Évolution du site et influence sur la ville . Mémoire

77

Figure 21 : Actes notariés au répertoire

Figure 22 : Actes notariés au répertoire par échelle

2

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2

1

18

12

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-199

9

ACTES NOTARIÉS AU RÉPERTOIRE

Répertoire Ursulines

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1

2

3

4

5

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7

8

9

10

11

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9

ACTES NOTARIÉS AU RÉPERTOIRE PAR ÉCHELLE

Ville Site Bâti Hors TR

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Figure 23 : Actes notariés des Ursulines au répertoire (échelles)

Figure 24 : Actes notariés des Ursulines au Répertoire (ventes versus acquisitions)

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9

ACTES NOTARIÉS DES URSULINES AU RÉPERTOIRE

Ville Site Bâti Hors TR

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-199

9

ACTES NOTARIÉS DES URSULINES AU RÉPERTOIRE

Ventes Acquisitions

Page 91: La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de ...La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières . Évolution du site et influence sur la ville . Mémoire

79

Figure 25 : Démographie de Trois-Rivières

Figure 26 : Actes notariés au répertoire (échelles)

455

150

203

378

586

1213 25

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36

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81

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1

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7

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0

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7 4607

4

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7

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9

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6

16

66

16

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17

06

17

39

17

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17

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18

15

18

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18

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18

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18

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18

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18

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19

01

19

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19

21

19

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19

41

19

51

19

61

19

71

19

81

POPULATION DE TROIS-RIVIÈRES

61%17%

6%

16%

ACTES NOTARIÉS AU RÉPERTOITRE

Ville Site Bâti Hors TR

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80

Figure 27 : Actes notariés au répertoire (acteurs)

Figure 28 : Actes notariés des Ursulines au répertoire (échelles)

48%52%

ACTES NOTARIÉS AU RÉPERTOITRE

Autres Ursulines

60%20%

10%

10%

ACTES NOTARIÉS DES URSULINES AU RÉPERTOIRE

Ville Site Bâti Hors TR

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81

Figure 29 : Actes notariés des Ursulines au répertoire (ventes versus acquisitions)

Figure 30 : Actes notariés des Ursulines au répertoire (ventes versus construction des bâtiments principaux sur le site)

68%

32%

ACTES NOTARIÉS DES URSULINES

Ventes Acquisitions

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82

Figure 31 : Actes notariés des Ursulines au répertoire (acquisitions versus construction des bâtiments principaux sur le site)

3.1.6 Le fief Hertel et le répertoire

Grenier (2012) résume la dynamique entourant l’acquisition des terres par les communautés

religieuses. En 1633, l’Église possède environ 10 % du territoire seigneurial pour assurer la subsistance

des œuvres sociales des communautés religieuses : écoles, hôpitaux, assistance publique, etc. Par la suite,

les propriétés seigneuriales du clergé seront l’équivalent d’un tiers du territoire seigneurial et environ un

sixième de l’ensemble des fiefs. Il faut souligner que, lors des aveux et dénombrements du Régime

français, le clergé possédait deux tiers des fiefs ecclésiastiques (19 sur 29) et l’autre tiers était divisé entre

les 5 communautés féminines (Grenier, 2012 : 115-116).

Les Ursulines de Québec reçoivent, avant même leur arrivée dans la colonie, le fief de Sainte-Croix (1637). Les Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec sont pour leur part seigneuresses des Grondines, aussi dès 1637, tandis que les Ursulines de Trois-Rivières se voient concéder le fief Saint-Jean. Certaines acquisitions viendront s’ajouter à ces concessions au fil du temps. Ainsi, les Ursulines de Québec accroissent leur patrimoine seigneurial de la seigneurie de Portneuf tandis que les Hospitalières de l’Hôpital général de Québec vont acquérir Bellechasse et leurs consœurs de l’Hôtel-Dieu de Québec, Saint-Ignace et Saint-Augustin. (Grenier, 2012 : 115)

En 1723, les Ursulines de Trois-Rivières ajoutent à leur concession l’acquisition de la seigneurie de

la Rivière-du-Loup. Ensuite, en 1845, elles font l’acquisition de plusieurs parcelles qui avaient déjà fait

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83

partie du fief Hertel à ses origines. En ce qui concerne les actes notariés au répertoire de Robert (1997),

il est possible de retracer certaines transactions faisant référence aux biens fonciers appartenant aux

héritiers Hertel jusqu’à l’acquisition par les Ursulines dudit fief à William Craigie Holmes Coffin en

1845104. Une nuance importante à faire est que les Ursulines de Trois-Rivières n’ont pas été propriétaires

du fief Hertel dans son état original.

En fait, les seigneurs ecclésiastiques faisaient faire des papiers terriers pour appliquer une gestion

rigoureuse et méthodique de leurs biens fonciers. En plus de cela, ils étaient avantagés par rapport aux

laïcs puisqu’ils ne connaissaient pas de problèmes de succession et de morcellement successifs, affectant

génération après génération (Grenier, 2012 : 117). Le fief Hertel n’était pas un fief ecclésiastique, ce qui

explique la complexité du suivi de son évolution et de son morcellement par succession, achats, ventes,

échanges et dons.

Entre 1630 à 1689, le répertoire contient 14 actes notariés qui n’impliquent pas les Ursulines. En

effet, elles n’arriveront à Trois-Rivières qu’en 1697. Cette section du répertoire témoigne de la répartition

de quelques terres lors de la formation de Trois-Rivières, incluant le fief Hertel. En suivant les transactions

autour de celui-ci, on comprend un peu plus son évolution et sa répartition suite au décès de Jacques

Hertel (Robert, 1997 : 15-17).

3.2 Analyse morphologique : premiers constats

Suite à la spatialisation et à l’analyse des informations recueillies, il a été possible de démystifier

certains sujets, ce qui permet une meilleure compréhension du patrimoine matériel et immatériel des

Ursulines de Trois-Rivières.

3.2.1 Le territoire urbain

Grâce à la compilation cartographique et à l’étude diachronique initiale, il est possible de voir

comment la trame urbaine se dessine avec les années105. En effet, on remarque des projets de lotissements,

ainsi que de nouvelles rues et parcelles. Lorsqu’on porte une attention particulière au fief Hertel, où se

situe le monastère, on constate la planification de nouveaux ensembles résidentiels et des changements

d’emplacement de certaines rues. Les sœurs aménagent aussi des jardins potagers pour assurer leur

autosuffisance. Ces derniers sont d’ailleurs un bon exemple de l’utilisation de l’espace urbain par une

communauté religieuse comme soutien. Ces jardins contribuent à la morphologie du site et ont un effet

104 Annexe 1.1 : Tableau des actes notariés au Répertoire (Numéro de transaction 170). 105 Annexe 2.1 : Morphogenèse – La ville

Page 96: La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de ...La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières . Évolution du site et influence sur la ville . Mémoire

84

direct sur le paysage urbain. En effet, ces jardins sont non seulement des jardins potagers, mais aussi des

jardins de contemplation.

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, Trois-Rivières se développe lentement pour ensuite connaître un

premier essor avec l’industrie de la coupe du bois. Au début du XXe siècle, la ville est surnommée

« capitale mondiale du papier » et connaît une croissance fulgurante avec l’installation de l’industrie

papetière (Payen, 2015 : 242). Le développement du fief Hertel a certainement été influencé par la

demande d’espace résidentiel résultant de l’industrialisation de la ville. À ce moment, les religieuses ont

su gérer les terres qui leur appartenaient et qui étaient situées sur le fief Hertel. L’analyse de la genèse des

terres du fief Hertel qui étaient propriété des religieuses semble démontrer une exploitation spéculative

de leurs biens fonciers qui participe activement au financement de leur mission et au développement de

la ville.

Le fief Hertel a été brièvement étudié comme premier échantillon. En 1633, un acte de

concession décrit 200 arpents de terre accordés à Jacques Hertel. En fait, quand arrive le temps de la

concession du fief, celui-ci est réduit à une superficie de 50 arpents (Robert, 1997 : 7). En 1636, un autre

acte de distribution confirme ce changement et décrit la répartition de deux terres : une première d’une

superficie de 50 arpents (fief Hertel) et une deuxième de 25 arpents (Robert, 1997 : 15). Les archives de

1833 décrivent le fief comme mesurant 3 arpents de front (175,6 mètres) sur 16 arpents, et 10 perches et

12 pieds (998,8 mètres) de profondeur; ce qui correspond aux 50 arpents de la première terre mentionnée

dans l’acte de 1636.

En 1833, les Ursulines possédaient 18,3 % de la superficie totale du fief. Ce pourcentage passe à

74,9 % de la superficie totale du fief dès 1879. Aujourd’hui, le site des Ursulines ne représente que 25,7 %

de la superficie totale du fief Hertel tel qu’il est décrit en 1833. L’exercice reflète déjà le fait que la

communauté de Trois-Rivières a fait un effort pour gérer et exploiter ses terres sur le fief, mais qu’elle a

aussi vendu ses terrains en fonction de ses besoins et de ses priorités, favorisant par le fait même

l’établissement d’un quartier résidentiel et ouvrier. À ce titre, l’analyse morphologique diachronique des

biens fonciers et leur cartographie apportent un nouveau regard sur la façon dont une communauté

religieuse a géré ses propriétés afin de soutenir sa mission sociale et cultuelle à travers celui de la foi

religieuse.

Cet exercice a permis de retracer une partie des activités foncières des Ursulines à Trois-Rivières.

Le domaine Hertel original est rapidement décomposé en trois sections dont une partie est acquise par

les Ursulines en 1699. Dans les quarante années suivantes, ce bien foncier a été largement revendu tel

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85

que le montre la carte de Bouchette en 1815106. À partir de cette époque, les cartes suivantes illustrent le

rachat progressif d’une large part du fief Hertel notamment en 1860 où les Ursulines possèdent 61 % du

domaine. Cette stratégie foncière s’inscrit dans une vision immobilière comme le montre le plan de

1873107 avec son lotissement spéculatif proposé. Mais il correspond aussi à une logique de reconstruction

du domaine initial de 1633. En cela, ce rachat progressif s’inscrit dans une logique économique et

culturelle. Le fait que la vente soit faite d’un marchand anglais à une communauté francophone est peut-

être moins un geste politique que le constat d’un désinvestissement, notamment dans le contexte de la

fin du régime seigneurial.

Produit en 1873, le « Plan de subdivision d’un terrain appartenant aux dames Ursulines des Trois-

Rivières en 1873 » illustre l’arpentage et la division du cadastre et confirme l’étendue des propriétés

foncières des Ursulines de Trois-Rivières. D’ailleurs, cette grande étendue reprend quasiment les mesures

d’origine du fief Hertel. Le plan d’assurance incendie de 1879108 est le premier de la région et illustre l’état

actuel du terrain, tout autant que la division cadastrale de l’époque au moment où les Ursulines sont

propriétaires de leur terrain. Contrairement aux plans d’assureurs incendie qui suivront (1888, 1910, 1929

et 1955), ils n’illustrent que l’état du relevé existant et la délimitation des parcelles sans la subdivision du

cadastre existant. En effet, ces cartes montrent plutôt l’état de développement urbain, les rues existantes,

le type de bâtiments et leurs matériaux de construction. Après la carte de 1879, il est difficile de savoir,

sur la base de ces plans, quelles étaient les propriétés des Ursulines. Il est néanmoins possible de constater

qu’après cette période, le terrain en leur possession diminue et revient à peu près à la même taille que leur

terrain d’origine.

106 Annexe 2.1 : Morphogenèse – La ville 107 Annexe 2.1 : Morphogenèse – La ville 108 Annexe 2.1 : Morphogenèse – La ville

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86

1879 1888 1910 1929 1955

RÉSIDENTIEL

Structure + revêtement bois 2 13 53 99 91

Structure bois + revêtement brique 0 0 0 177 195

Brique 3 4 7 12 14

Pierre ou béton 0 3 2 6 10

SPÉCIALISÉ

Structure + revêtement bois 0 1 2 1 3

Structure bois + revêtement brique 0 0 0 1 5

Brique 0 1 1 3 4

Pierre ou béton 3 3 3 3 5

Figure 32 : Tableau illustrant les bâtiments types aux plans d’assurance incendie

Figure 33 : Répartition des matériaux de construction pour le type résidentiel

0

50

100

150

200

250

300

350

1879 1888 1910 1929 1955

RÉPARTITION DES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION POUR LE BÂTIMENTS DE TYPE RÉSIDENTIEL

Structure + revêtement bois Structure bois + revêtement brique Brique Pierre ou béton

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Figure 34 : Répartition des matériaux de construction pour le type spécialisé

Figure 35 : Graphique illustrant le pourcentage du domaine des Ursulines à l’intérieur du fief Hertel

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

1879 1888 1910 1929 1955

RÉPARTITION DES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION POUR LE BÂTIMENTS DE TYPE SPÉCIALISÉ

Structure + revêtement bois Structure bois + revêtement brique Brique Pierre ou béton

3,6%12,9%

22,2%16,0%

61,3% 58,0% 62,1%

22,5%10,2%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

1704 1815 1830 1835 1860 1873 1879 1995 2018

POURCENTAGE DU DOMAINE DES URSULINES À L'INTÉRIEUR DU FIEF HERTEL

Domaine des Ursulines Fief Hertel

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88

3.2.2 Le site conventuel

Figure 36 : Schéma de l’évolution morphologique des bâtiments principaux constituant l’ensemble conventuel.

Page 101: La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de ...La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières . Évolution du site et influence sur la ville . Mémoire

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L’évolution de la conception des espaces et leur adaptation aux besoins changeants font ressortir

une logique morphologique propre au domaine des Ursulines de Trois-Rivières. À cette échelle, les

logiques les plus visibles sont les cycles de construction, les cycles de démolition de même que les cycles

de rénovation et d’entretien des bâtiments (voir l’Annexe 3.1 : Cycles de construction dévoilés par

morphogenèse du site).

Dans le tableau présenté à l’Annexe 3.1, le choix de deux nuances de couleur orange et

l’utilisation de la couleur grise ont pour but d’illustrer le potentiel de la présence des éléments « d’origine »

suite aux incendies ou aux autres évènements et changements importants. Plus spécifiquement, la couleur

grise a été choisie pour représenter l’état du bâti résultant de plusieurs modifications, tant extérieures

qu’intérieures. Cette façon linéaire de visualiser les changements et interventions permet de saisir

davantage les possibilités de retrouver des éléments « d’origine » au niveau du bâti et au niveau du site.

Or, le tableau nous permet de constater la diminution considérable de cette possibilité avec le passage du

temps et les divers évènements historiques qui contextualisent certains de ces cycles.

Les constats les plus importants dévoilés par ce tableau sont :

- Un premier cycle de reconstruction du monastère et de construction de nouvelles dépendances

se démarque dans les années qui suivent le premier incendie (1752);

- Suite au deuxième incendie, en 1806, on constate une autre période de reconstruction. Par contre,

cette fois, plusieurs dépendances sur le site ont survécu à l’incendie alors que le monastère en a

souffert;

- Pendant le régime anglais, plusieurs dépendances sont démolies (ou arrivent à leur fin de vie) et

l’hôpital ferme ses portes suite à des années économiquement difficiles;

- Au début de la période de l’industrialisation de la ville de Trois-Rivières, on constate un cycle de

construction, qui se concentre essentiellement sur la mission éducative;

- Deux derniers cycles de construction se démarquent après la guerre (vers 1950) ainsi qu’au début

de ce qu’on décrit comme « le mouvement moderne » en architecture (vers 1970);

- On constate que les cycles de vie pour les dépendances varient entre 30-70 ans;

- Le bâtiment le plus ancien sur le site des Ursulines est la « maison des hommes ».

Pour une meilleure compréhension de la narration dévoilée par l’aménagement, il est important de

distinguer les usages dédiés à la vie contemplative des sœurs (prières, célébrations, etc.) de ceux dédiés à

leur missions (éducation, soins de santé, etc.). En d’autres mots, il faut distinguer les espaces « sacrés »

des espaces « profanes ».

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90

Figure 37 : Ligne de temps démontrant les 10 cartes produites illustrant l’évolution des usages sur le site (espaces sacrés,

profanes et mixtes)

3.2.3 Le monastère et ses dépendances

On constate que la croissance de la ville de Trois-Rivières a une influence sur le développement

de la mission et de l’architecture du monastère. Les premiers bâtiments des monastères des Ursulines de

Québec et de Trois-Rivières semblent comparables : les deux domaines intègrent un monastère en forme

de rectangle qui abrite la résidence des Ursulines, l’école, la chapelle, des bâtiments de service et un jardin.

L’organisation spatiale de l’ensemble conventuel évolue néanmoins distinctement d’une ville à l’autre.

L’ensemble conventuel de Québec se développe autour d’une cour intérieure avec la construction de

nombreuses ailes. Du côté de Trois-Rivières, la forme du bâtiment principal reste, jusqu’en 1836, un seul

long bâtiment réparti de part et d’autre d’une chapelle centrale, aujourd’hui connue comme la maison

blanche. À l’encontre d’une idée répandue selon laquelle il y aurait, au sein d’une même communauté

religieuse, une grande unité architecturale d’un site à l’autre, nos recherches montrent que le

développement architectural d’un monastère témoigne beaucoup des conditions économiques et

démographiques locales. Une même formule ne peut donc pas être appliquée partout sans tenir compte

du contexte d’implantation.

À l’échelle architecturale, les espaces produits par les Ursulines de Trois-Rivières sont

essentiellement des bâtiments et des dépendances répondant à leurs besoins en matière de logement et

de services à offrir, soit l’école et l’hôpital. La production de dessins techniques combinée à la restitution

cartographique et à leur analyse ont permis de mieux comprendre l’état des bâtiments existants et leurs

transformations morphologiques depuis 1699.

En étudiant l’échelle architecturale, des liens peuvent être faits aux échelles urbaine et territoriale

en regardant les continuités et les ruptures dans les phases de construction et de transformation du

monastère. Par exemple, les constructions, démolitions, ajouts et reconstructions impliquant le monastère

et ses dépendances semblent être intimement liées aux transactions économiques faites par les Ursulines

1695 1715 1735 1755 1775 1795 1815 1835 1855 1875 1895 1915 1935 1955 1975 1995 2015

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91

à l’échelle urbaine et même territoriale. Plus précisément, en 1701, les Ursulines se font concéder le fief

Saint-Jean (échelle territoriale) et, en 1714, elles construisent la chapelle et l’hôpital (échelle architecturale).

Leur mission éducative et hospitalière était, en effet, une priorité. On constate une relation avec les

événements historiques qui influence leurs priorités et leurs missions.

Le tout commence avec la construction de la maison Ramezay en 1699. À partir de là, une maison

traditionnelle à caractère résidentiel se transforme et se moule aux besoins particuliers des nouvelles

usagères. En 1716, on construit deux agrandissements : une chapelle et un hôpital. De nouvelles

sensibilités concernant l’espace privé et public se reflètent dans la morphogenèse du bâtiment qui présente

maintenant une mixité d’usages. Après un incendie en 1752, le monastère est reconstruit, agrandi et

modifié pour répondre aux nouveaux besoins de la communauté (sur les plans démographique et

éducatif). Les textes et les vestiges archéologiques nous font comprendre que la maison Ramezay originale

est avalée et reconstruite pour se conformer aux exigences de l’architecture conventuelle (notamment le

parloir), ne gardant du bâtiment d’origine que des fragments de fondations et de murs, ainsi qu’une

mémoire immatérielle.

En 1806, un deuxième incendie exige la reconstruction du monastère. Avant cet événement, il

était constitué d’un seul volume rectangulaire (maison blanche) présentant quatre usages qui se côtoient :

résidence pour les sœurs, les malades et les pensionnaires, lieu de culte, hôpital et école. L’ensemble

conventuel continue d’évoluer au fil du XIXe siècle. En 1836, on construit le pensionnat de pierres.

Exception faite des dépendances déjà présentes sur le terrain, il s’agit de la première construction à se

détacher de la maison blanche. Cette construction sera suivie de deux autres ajouts : d’abord un externat

construit sous forme d’agrandissement au monastère, en 1873; puis un deuxième pensionnat en 1888.

L’année 1897 marque le bicentenaire de l’arrivée des Ursulines à Trois-Rivières. À cette occasion, on fera

l’ajout d’un dôme à la chapelle. Le tournant du XXe siècle est également associé à de nouveaux

changements avec l’ajout, en 1907, de la maison rouge et de l’école normale. Enfin, 1962 marque la

dernière construction d’importance sur le site des Ursulines avec l’érection du collège Marie-de-

l’Incarnation. Dès le début du XXe siècle, on constate que le processus de production de l’espace à

l’échelle architecturale ralentit à mesure que se produit, à l’échelle de la société, l’étatisation de

l’enseignement et la laïcisation des institutions d’enseignement.

Tout projet d’architecture sur un bâtiment déjà existant exige une compréhension et une prise de

connaissance de son histoire. Les relevés architecturaux auxquels nous avons participé en 2014 et 2015

révèlent un ensemble d’informations sur les forces, les faiblesses, les bons et les mauvais fonctionnements

ou encore la durabilité des bâtiments et des espaces produits par les Ursulines de Trois-Rivières. Cette

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92

lecture architecturale est incontournable. Elle nous fournit des pistes validant la faisabilité des projets

d’architecture à envisager dans le futur (rénovation, expansion, changement d’usage, etc.).

3.3 L’environnement bâti témoigne de l’aventure de la communauté

des Ursulines

3.3.1 Stratégies architecturales

La présence des Ursulines depuis plus de trois siècles à Trois-Rivières témoigne d’un engagement

continu d’une communauté envers son milieu. Le déménagement progressif des sœurs hors de la maison

blanche annonce une rupture dans l’usage du site. C’est la fin d’une mission portée par les valeurs inscrites

dans la vie religieuse de générations de femmes (partage, éducation pour tous, dévouement). L’étude du

site du monastère, et des propriétés urbaines et rurales démontrent que l’aménagement, l’architecture et

la gestion foncière du site, tout en étant les reflets de l’évolution des missions des sœurs, en constituent

aussi le sous-bassement structurel. L’évolution de ces conditions présente des continuités et des ruptures

tout au long de leur histoire. En cela, ces faits et ces choix nous invitent à réfléchir à ce qu’il faut

sauvegarder du legs des Ursulines à Trois-Rivières et à la manière de le faire, au moment où le site

s’apprête à accueillir de nouveaux usages et aménagements.

3.3.2 Architecture domestique

Les incendies ont eu de graves conséquences sur la communauté religieuse en matière d’efforts

financiers et matériels. Entre 1752 et 1755, les sœurs ont dû rebâtir leur couvent à la suite d’un premier

incendie (sous la direction de Mgr de Pontbriand). Elles saisissent alors l’occasion pour reconstruire de

façon stratégique avec les mêmes techniques et principes de composition établis dans l’ancien couvent.

Toutefois, l’étude morphologique du bâtiment permet de constater qu’au-delà d’une apparente continuité

dans la disposition des espaces qui accueillent les fonctions – couvent à l’ouest, hôpital et école à l’est

avec la chapelle au centre, le bâtiment est plus vaste et en particulier plus profond. On passe d’une

architecture d’échelle domestique, héritée de la Maison Ramezay, à une architecture institutionnelle qui

permet de mieux répondre aux besoins croissants de la communauté religieuse. La reconstruction

témoigne d’une perspective de consolidation et d’expansion vers l’avenir.

Le deuxième incendie, qui survient en 1806 présente une situation différente. D’abord le

bâtiment est reconstruit, selon les sources disponibles, à l’identique avec le monastère de 1755. Cet effort

de reconstruction est rendu possible, un an plus tard, avec l’aide et le soutien des autres communautés

religieuses et des autorités ecclésiastiques et civiles. Le couvent reprend vie, en continuité avec les

caractéristiques de 1755 dans une logique de survivance.

Page 105: La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de ...La mise en valeur du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières . Évolution du site et influence sur la ville . Mémoire

93

En 1833, soit une génération plus tard, le couvent est agrandi avec l’ajout du pensionnat en pierre.

Ce nouvel immeuble marque une rupture dans sa forme, ses matériaux et son implantation par rapport

au monastère original. Cela témoigne d’un changement dans les références architecturales et ressources;

les pierres sont d’ailleurs transportées sur le fleuve en hiver depuis la rive sud. L’architecture évoque

davantage les formes du séminaire de Québec ou de Nicolet plutôt que la maison blanche, en reprenant

les caractéristiques néo-classiques proposées par l’abbé Demers.

L’aile Saint-Joseph, érigée en 1873, poursuit le volume de la maison blanche, mais pose une

rupture dans les matériaux, la structure et la forme du toit. Après 1879, une autre période commence,

impliquant plusieurs nouvelles constructions et extensions dans le plan architectural et territorial du

monastère de Trois-Rivières, mais aussi lors de la fondation d’autres monastères109.

En 1896, le remplacement de la chapelle originale de 1715 est une autre rupture dans

l’architecture religieuse des Ursulines. La décision surprend puisque le lieu doit célébrer le tricentenaire

de leur arrivée et qu’il passe par la démolition d’une chapelle originalement construite quelques années

après leur arrivée. Cela suggère que la sauvegarde du passé est moins importante que l’affirmation du

présent et la confiance nouvelle des Ursulines quant à leur rôle dans une ville et une région en croissance

après des siècles de développement très limité. Ainsi, le dôme et la nouvelle façade contribuent à façonner

la silhouette urbaine de Trois-Rivières. La chapelle se place néanmoins dans une forme de continuité

pour moderniser les lieux et la représentation du couvent historique.

Seulement 20 ans après la construction de la chapelle et de son dôme, la construction de la maison

rouge, en 1910, révèle une toute nouvelle stratégie. Comme la maison de pierres construite un siècle plus

tôt, on est en présence d’une rupture aussi bien dans sa forme et sa relation avec l’espace que dans les

matériaux utilisés. L’implantation d’une architecture « moderne » contraste fortement avec la maison

blanche. Le projet témoigne que les modèles urbains des nouveaux couvents et écoles sont désormais

plus importants que la continuité du couvent original.

Les constructions qui suivent au XXe siècle adoptent la même démarche; l’école normale (1908)

ou le collège Marie de l’Incarnation (1962) sont tous des bâtiments modernes dissociés par la forme, par

les matériaux et leur implantation du couvent original qu’ils entourent comme pour l’encombrer plutôt

que pour le compléter. Au travers des diverses époques de construction, les gestes architecturaux

semblent être une réponse à la croissance démographique, à la forte demande du service éducationnel,

109. Waterville, Grand-mère et Shawinigan, entre autres.

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94

aux divers incendies, etc. Bref, la construction des bâtiments semble être en réaction aux besoins du

moment plutôt qu’en planification des besoins futurs. L’aménagement sur le site conventuel dévoile des

éléments en rupture plutôt que des éléments suivant une logique de continuité.

3.3.3 Stratégie urbaine

Dans les faits, on constate que le processus de production de l’espace par les Ursulines de Trois-

Rivières à l’échelle architecturale se concentre au XIXe siècle. Après 1910 (Payen, 2015 : 243), avec

l’industrialisation, le processus change d’échelle et se concentre sur le développement urbain.

Payen (2015) mentionne le fait que la population de la ville de Trois-Rivières bondit de 11 445 habitants

en 1901 à 44 198 habitants en 1931. En effet, le quartier Sainte-Ursule se développe autour du monastère,

permettant aux sœurs de maintenir leur mission locale tout en fondant des missions ailleurs dans la

province ainsi qu’à l’international : continuité dans les objectifs et les actions, rupture dans les

aménagements.

Les échelles architecturale, urbaine et territoriale sont étroitement liées et les interactions entre

elles ne peuvent être négligées. En effet, sous l’influence du contexte socioéconomique et historique, la

morphologie et l’architecture du monastère des Ursulines de Trois-Rivières évoluent parallèlement au

site : avec la construction et la démolition de dépendances sur leur domaine, avec la division et la vente

de lots du quartier avoisinant et avec l’exploitation des terres agricoles dans leur fief et leur seigneurie.

Une réaction en chaîne influençant une ou plusieurs échelles dans le processus de production de l’espace

peut être déclenchée soit par les besoins de la communauté, soit par les services offerts, par les priorités

dans leurs missions ou encore par les incendies dévastateurs.

3.4 Un processus cyclique de production de l’espace

Les espaces produits par les Ursulines de Trois-Rivières sont essentiellement des bâtiments et

dépendances répondant à leurs besoins en matière de logement et de leurs missions, soit l’école et

l’hôpital. La production de dessins techniques combinée avec la restitution cartographique et leur analyse

ont permis de mieux comprendre l’état des bâtiments existants et leurs transformations morphologiques

depuis 1699.

Une constatation majeure dans la lecture des différents ouvrages traitant des communautés

religieuses et leur histoire est le fait que celles-ci semblent participer à un processus de production de

l’espace. Plus spécifiquement, le mémoire se base sur l’idée que ledit processus de production a besoin

de ressources et en échange, produit des espaces à l’échelle territoriale, urbaine, et architecturale. Par la

suite, les espaces créés à diverses échelles génèrent, à leur tour, des ressources qui réalimentent ce

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processus cyclique. L’apport des auteurs est utilisé selon les diverses échelles et en les présentant à

l’intérieur de ce processus de production.

Muratori découvre à travers ses études morphologiques qu’« Il existe une loi cyclique qui relie les

différentes périodes du développement urbain et leur localisation spatiale. » (Lévy, 1992 : 5).

3.5 Le cloître : ses limites et interphases relatives

Au niveau du site, l’évolution de la conception des espaces et leur adaptation aux besoins

changeants font ressortir une logique morphologique propre au domaine des Ursulines de Trois-Rivières.

Pour une meilleure compréhension de la narration dévoilée par l’aménagement des trois échelles, il est

important de distinguer les usages dédiés au cloître de ceux dédiés à leur mission religieuse ou autre. En

autres mots, il faut distinguer les espaces « sacrés » des espaces « profanes » (voir Annexe 3.2 : Évolution

des usages sur le site).

Figure 38 : Ligne de temps représentant les cartes produites et qui illustrent l’évolution des usages sur le site

En plus des grandes interventions faites par les sœurs pour les reconstructions lors des deux

incendies, l’ensemble de leur domaine exige des travaux d’entretien et de réparation constants. De plus,

suite à l’analyse morphologique des trois échelles, il est évident que les besoins changeants et grandissants

de la communauté portent leur domaine foncier a constamment réagir et s’adapter. En fait, il est difficile

de penser que les sœurs avaient l’opportunité de planifier le développement de leurs biens fonciers, mais

plutôt elles semblent être toujours en réaction aux besoins contemporains. Une tendance constatée est le

sacrifice constant et la réduction de l’espace sacré pour le profane qui appuie la mission sociale.

3.6 Apostolat et mission

Au début du XXe siècle, une expansion géographique est réalisée par l’ouverture de deux

nouveaux pensionnats à Shawinigan et à Grand-mère (Daigle, 1983). En 1900, les sœurs empruntent de

l’argent pour construire le couvent à Grand-Mère. Elles construisent également le monastère à

Shawinigan ainsi que son école qui doit ouvrir en 1908. Parallèlement à ces évènements, la communauté

à Trois-Rivières augmente et doit envisager une nouvelle construction pour combler les nouveaux

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besoins. D’ailleurs, en 1906, la création de l’école normale est confiée aux Ursulines de Trois-Rivières

(Germain, 2000). Cela reflète un grand investissement financier et qu’à l’époque, la mission de la

communauté se concentrait clairement à son expansion pour répondre à l’augmentation de la population.

Les Ursulines, comme d’autres communautés religieuses arrivées en Nouvelle-France, ont

conservé la coutume des anciens monastères : chaque couvent forme une communauté distincte. Par

contre, l’entre-aide parmi les communautés n’était pas rare. En effet, en 1822 et 1875, les Ursulines de

Louisiane demandent secours à celles de Trois-Rivières, qui les aident en retour en leur envoyant du

personnel religieux et des contributions financières. En 1888, les Ursulines de Trois-Rivières assurent la

fondation du monastère de Waterville (Jutras, 2009). En 1893, deux ursulines trifluviennes partent au

Montana pour aider à mettre sur pied les écoles indiennes (Panneton, 1939). Plus tard, les Ursulines de

Trois-Rivières se rendent encore plus loin. En 1961, elles ajoutent un nouveau champ d’apostolat au

Pérou. À la même époque, elles œuvrent une mission au Japon, et plus tard, dans des missions dirigées

par les Ursulines de l’Union romaine (Jutras, 2009).

Pendant l’administration de Mgr François-Xavier Cloutier, six paroisses sont fondées et deux

villes industrielles font leur apparition : Shawinigan et Grand-Mère. Certainement, l’évêque demande aux

Ursulines de multiplier leurs écoles pour répondre aux besoins d’éducation. Panneton (1939) signale que

Mgr François-Xavier Cloutier a donné un élan vigoureux à toutes les œuvres d’éducation et il a développé

considérablement l’œuvre des Ursulines. Il serait intéressant, de mieux documenter la relation entre

Mgr Cloutier et les Ursulines à cette époque. Par conséquent, il serait possible de comprendre comment

et pourquoi la mission des Ursulines se concentre soudainement dans son expansion hors Trois-Rivières.

Est-ce que les Ursulines décident de concentrer leur mission ailleurs ou obéissent-elles plutôt aux

ambitions de l’évêque? Est-ce qu’elles avaient les moyens financiers pour accomplir ses demandes? Est-

ce que l’évêque porte un appui financier?

À l’international, le concile Vatican II mène les communautés religieuses à faire un retour aux

sources. Au Québec, la Révolution tranquille inspire des réflexions qui mènent à la révision de leur mode

de vie et constitutions. Conséquemment, les Ursulines de Trois-Rivières ainsi que toute l’Union

canadienne, abandonnent la clôture, le costume et le nom religieux110. D’ailleurs, les nouvelles

constitutions approuvées par Rome se basent sur les écrits de la fondatrice de l’ordre. À partir des

années 1970, les changements majeurs dans la société québécoise (l’Étatisation de l’éducation, etc.) et le

vieillissement des religieuses obligent aux Ursulines de Trois-Rivières à quitter progressivement le

110 En devenant religieuses, les sœurs abandonnaient leur nom pour en adopter un nouveau.

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domaine de l’enseignement. Effectivement, dans un contexte contemporain, elles adaptent encore leur

mission. Aujourd’hui, elles s’impliquent individuellement dans les œuvres pastorales et sociales

(Jutras, 2009).

Dès leur fondation, les différents monastères de la province sont autonomes. En 1953, la création de

l’Union canadienne les regroupe. Celle-ci se divise dans les provinces religieuses de Québec, Rimouski et

Trois-Rivières. Éventuellement, le Pérou et le Japon s’ajoutent. D’ailleurs, les trois provinces initiales se

réunissent pour former une seule province, celle du Québec. En effet, la diminution du nombre

d’Ursulines et l’âge avancé des religieuses imposent ce type d’ajustement dans l’organisation

(Jutras, 2009).

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Conclusion

À la lumière des analyses présentées dans ce mémoire, nous pouvons confirmer l’existence de

liens dynamiques entre les différentes échelles étudiées. Les bâtiments appartenant au domaine foncier

des Ursulines de Trois-Rivières, leur site d’insertion local ainsi que la ville elle-même forment ensemble

une sorte d’organisme vivant. Un changement à une échelle entraîne inévitablement une réaction sur les

autres échelles, d’où l’importance d’étudier le patrimoine bâti de la communauté religieuse en le situant

dans un contexte urbain plus englobant.

L’étude morphologique du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières permet de dégager

plusieurs moments charnières dans l’évolution du site. Du premier incendie de 1752 à la dévitalisation

récente de la communauté, nombreux sont les changements avec lesquels elles ont dû composer. En tous

les cas, pour comprendre la matérialisation architecturale de ces changements, il importe de restituer les

jeux d’échos entre la mission des Sœurs et les besoins sociaux, culturels et économiques de leur milieu

d’accueil. Tel un tissu vivant, la communauté influence son milieu et se laisse en retour imprégner par les

fluctuations du développement de la ville. Si l’évolution passée du domaine foncier des Ursulines de

Trois-Rivières montre l’intrication des trois échelles, on peut penser que son évolution future reposera

sur une dynamique analogue. Certes, la communauté religieuse étant en déclin, elle ne pourra assurer elle-

même la continuité de sa mission et la pérennisation de son patrimoine. Il n’en demeure pas moins que

les trois échelles continueront à interagir entre elles, quelle que soit la nature du projet envisagé. Ainsi, le

détour par l’histoire et la morphogénèse que nous proposons dans ce mémoire ouvre des pistes de

réflexion pour le futur.

L’avenir de l’ensemble patrimonial des Ursulines de Trois-Rivières pose plusieurs défis.

Effectivement, cet ensemble patrimonial a façonné le paysage du front fluvial de Trois-Rivières depuis le

XVIIIe siècle et a fortement contribué au développement du fief Hertel. Le processus de requalification

de la maison blanche soulève inévitablement la question de l’adéquation de la nouvelle vocation aux

caractéristiques architecturales du site et de ses bâtiments et, plus largement, au contexte urbain de Trois-

Rivières. L’architecte responsable du projet futur devra faire des choix de sauvegarde, de démolition, de

réhabilitation ou de restauration en lien avec les nouveaux besoins et avec les contraintes existantes. Le

nouvel usage que l’on fera des lieux devra également assurer à la communauté (ou à l’instance qui en

assurera la gestion) une certaine rentabilité économique afin qu’elle puisse voir à l’entretien et à la survie

du bâtiment patrimonial. La nouvelle vocation devra également favoriser l’occupation et l’utilisation

intérieure du bâtiment en harmonie avec les besoins urbains et sociaux. De plus, le tout devra être

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compatible avec l’utilisation que l’on fait présentement du site, qu’il s’agisse du Musée des Ursulines de

Trois-Rivières ou du collège Marie-de-l’Incarnation.

Nous avons voulu dans ce mémoire proposer certaines pistes pour guider un éventuel projet de

requalification du site. L’approche retenue poursuit une démarche développée dans le cadre d’études

portant sur le patrimoine des Augustines, des Ursulines et du Séminaire de Québec (Dufaux, 2007, 2008

et 2008; Dufaux et Lachance, 2011; Mendel, 2013). D’une part, elle se fonde sur les observations du

présent, selon les biens qui subsistent, les archives disponibles et une compréhension des processus de

construction de l’environnement bâti. D’autre part, elle propose de retracer fidèlement une narration qui

dévoile l’évolution des lieux d’hier à aujourd’hui et qui s’ouvre sur le projet de sauvegarde tourné vers

l’avenir.

Les relevés architecturaux ont démontré l’importance des Ursulines dans le développement de

leur milieu (sur le plan de la vie sociale et culturelle ainsi que de l’environnement humain et bâti). Pourtant,

le passé industriel de la région de Trois-Rivières, qui a permis son développement pendant un siècle,

semble éclipser le patrimoine des Ursulines, ce qui se traduit par une incompréhension locale face aux

enjeux de sauvegarde. Cette observation met en lumière les défis qui se posent lorsqu’on intervient dans

un contexte régional où le paysage culturel, notamment dans sa dimension matérielle et architecturale, est

méconnu et sous-étudié par rapport aux plus grands centres, comme Québec ou Montréal.

La sauvegarde doit se faire avec le milieu, mais celui-ci doit parfois redécouvrir les legs trop

longtemps négligés souvent à cause d’un ensemble de raisons historiques, culturelles, sociales et

économiques. En ce sens, le gouvernement du Québec ne peut concéder aux seuls intérêts locaux un

patrimoine d’importance nationale comme le monastère des Ursulines de Trois-Rivières. Le processus de

production de l’espace engendré par les Ursulines de Trois-Rivières démontre que l’espace produit

permet une interaction dynamique entre les ressources de la communauté religieuse, le développement

de leurs biens fonciers et l’évolution de la ville de Trois-Rivières. De plus, le processus de production de

l’espace soutient la pérennité de la communauté religieuse et a un effet direct sur la forme urbaine, malgré

la fluctuation des ressources.

En termes de sauvegarde et d’intervention architecturale, les bâtiments existants ont une valeur

patrimoniale et mémorielle élevée et sont très souvent des cas complexes exigeant beaucoup de nuances.

Devant la réalité complexe du projet, les architectes et leurs clients font face à des problématiques de

sauvegarde des éléments et des principes historiques qui se combinent à la nécessité de mettre à jour les

systèmes techniques, les finitions et la représentation institutionnelle. Le passé et le présent sont alors en

concurrence. Ce conflit ne date pas d’hier et ne saurait se limiter au domaine foncier des Ursulines de

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Trois-Rivières. Déjà, en 1897, la communauté faisait face au même genre de problème lorsqu’elle entreprit

la construction de la nouvelle chapelle sur son site. Plus récemment, des choix analogues se sont sans

doute posés dans la rénovation du monastère des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec.

Le succès du projet des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec est un exemple contemporain qui

s’est appuyé sur un processus de recherche-création, intégrant une lecture morphologique du patrimoine

des communautés religieuses. Les trois rapports produits sur la morphologie de l’Hôtel-Dieu de Québec

(Dufaux 2007, 2008 et 2008) ont permis de révéler des informations sur le bâtiment existant. La recherche

a permis d’alimenter le processus conceptuel architectural ainsi que celui du musée qui expose non

seulement des objets, mais aussi des espaces et toute la richesse du patrimoine immatériel du lieu à travers

le parcours du monastère.

La recherche universitaire peut contribuer à la sauvegarde du patrimoine bâti, en rendant

accessible aux professionnels, aux administrateurs publics locaux et au ministère de la Culture et des

Communications des données et des angles d’analyses inédits. La recherche architecturale vise à mieux

cerner les défis que le bâtiment existant pose. Cela touchera autant les enjeux techniques assurant la

pérennité matérielle que les décisions conceptuelles et leurs répercussions dans l’interconnexion des

échelles.

La sauvegarde demande un équilibre entre, d’une part, le maintien des actifs sur le plan historique

et, d’autre part, l’adéquation du programme et sa viabilité économique. Le monastère des Ursulines devra

retrouver sa place dans la mise en valeur de l’arrondissement historique de Trois-Rivières. Une stratégie

urbaine et régionale doit être mise en place pour tirer profit du croisement fertile des échelles

d’aménagement.

La situation actuelle pose directement la question du programme ou de la fonction du site pour

une éventuelle mise en valeur du monastère. C’est le défi qui marque l’ensemble du patrimoine religieux

au Québec : trouver l’adéquation entre un usage actif et réel tout en assurant la sauvegarde du patrimoine

matériel et immatériel de la communauté religieuse. Désormais, la sauvegarde dépasse la mission des

Ursulines et devient une responsabilité collective.

L’histoire de la communauté depuis le XIXe siècle montre une forte tendance à réagir plutôt qu’à

planifier l’avenir lorsque vient le moment d’intervenir sur les bâtiments. Bien sûr, ces interventions

répondent chaque fois à un besoin fonctionnel concret, mais leur contribution à l’ensemble conventuel

semble toujours relever de l’adaptation particulière plutôt que d’une planification d’ensemble. De la

maison grise au Collège Marie-de-L’Incarnation, on découvre des bâtiments de qualités architecturales

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variables, certains plus soignés que d’autres, mais chaque agrandissement, à l’exception de l’école de

musique et de la chapelle, semble simplement s’ajouter plutôt que s’intégrer à une logique d’ensemble.

En ce sens, nous faisons face à une situation un peu différente de celle qu’on retrouve chez les Ursulines

de Québec et de façon plus marquée encore, chez les Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec.

Ainsi, lorsque viendra le temps de concevoir un nouveau programme et d’intervenir sur les

bâtiments, cette tradition de pratiques « réactives » pourrait représenter un écueil et amener les architectes

à négliger l’ensemble de l’héritage de la communauté. Notre mémoire, tout comme les plus récentes

recherches effectuées par des professionnels, montrent que la stratégie de préservation du patrimoine des

Ursulines de Trois-Rivières devra se faire en mode prospectif.

Les analyses morphologiques du domaine foncier des Ursulines de Trois-Rivières présentées

dans ce mémoire montrent l’envergure des liens dynamiques entre la ville environnante, le site conventuel

et ses bâtiments. Intimement liés, ces réseaux expliquent l’ampleur et la difficulté des décisions qui

devront être prises. Dans le passé, les Ursulines ont influencé le développement de la ville; aujourd’hui,

la ville influencera considérablement la vitalité de l’ensemble conventuel. En retour, la densité,

l’effervescence et les choix stratégiques des nouveaux usages influenceront énormément le rayonnement

du pôle urbain.

La ville de Trois-Rivières étant sise entre deux pôles urbains (Montréal et Québec), ses

communautés religieuses évoluent de façon distincte des communautés religieuses appartenant au

contexte de Montréal ou de Québec (Trotier, 1968 et Grenier, 2012). Il existe néanmoins plusieurs points

communs, par exemple, pour chaque communauté, le rôle central qu’y joue une mission sociale

particulière (éducative, hospitalière, etc.). Ainsi, les Ursulines de Trois-Rivières auront avantage à

s’inspirer des projets de requalification existants. Les Augustines de Québec, les Ursulines de Québec et

les Sœurs Grises de Montréal sont des exemples probants de communautés qui ont su mettre en œuvre

des projets où la transformation des lieux a dû se combiner à des stratégies de continuité pour assurer la

préservation du patrimoine matériel et immatériel. Les projets et les analyses déjà réalisées par d’autres

communautés constituent des précédents heureux qui permettront aux Ursulines de Trois-Rivières

d’éviter de reproduire les erreurs de leurs prédécesseurs et de miser sur les interventions qui furent

couronnées de succès. Cela dit, il faut bien retenir que chaque monastère est le reflet de sa réalité locale

par les liens étroits qu’il entretient avec son contexte urbain et que, ce faisant, chaque communauté

religieuse doit trouver des solutions adaptées à sa situation particulière.

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