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1 La liaison incomplète: réforme agraire et démocratie Cahiers du Brésil Contemporain numéro spécial nº 27/28:191-208 - 1005 Ricardo Abramovay * The failing link: land reform and democracy Resumo O artigo expõe examina as metas do Plano de Reforma Agrária do atual governo, expõe as principais modificações legais introduzidas pela Constituição de 1988 e pela regulamentação da lei agrária de 1993 e examina as possibilidades de alternativas à reforma agrária para alterar a concentração fundiária. O Plano governamental é extremamente tímido diante da magnitude da pobreza rural no Brasil e o que as novas leis agrárias consolidaram foi um recuo jurídico que abre todas as portas para que os proprietários interrompam os processos quando de seu interesse. Quanto à existência de novas modalidades de acesso à terra mais descentralizadas e mais orientadas pelo mercado, a experiência internacional mostra que elas não suprimem a necessidade dos métodos mais convencionais de reforma agrária e particularmente da firmeza do Estado quanto às desapropriações. 1.Présentation Terre et citoyenneté: sous ce titre le président Fernando Henrique Cardoso publiait au mois de mars 1995 - moins de trois mois après son ascension à la tête du gouvernement - un article dans les principaux journaux brésiliens, où il annonçait lexpropriation dun million dhectares et le renforcement du programme de réforme agraire qui devrait installer 280 mil familles jusquà la fin 1998. Le président Cardoso y défendait lidée selon laquelle la démocratie au Brésil avait été globalement positive pour la résolution du problème agraire. Il y a des données significatives qui vont dans le sens de la thèse soutenue par M. Cardoso. La moyenne des installations de nouveaux agriculteurs par des programmes de réforme agraire (assentamentos) pendant le régime militaire était de 5 mil familles par an. Depuis 1986 cette moyenne a triplé, par rapport aux deux décennies précédentes: la Nouvelle République a installé, en effet, 131.751, familles. En plus, les installations faites par le régime démocratique ont privilégié les régions pourvues dinfra-structure et cest là une des raisons pour lesquelles, comme le montre une étude de la FAO, les résultats économiques de ces expériences peuvent être considérés globalement comme positifs ( 1 ). Malheureusement, malgré limportance en termes absolus des installations organisées jusquà présent, il est difficile de ne pas considérer ces données comme * Enseignant-chercheur au Département dÉconomie de lUniversité de São Paulo - Av: Prof. Luciano Gualberto, 908 - CEP: 05 508 - 901 E-mail [email protected] 1 Il sagit - cest indéniable, dun travail qui a suscité beaucoup de polémique. Pour un résumé des différentes positions par rapport à la performance économique des assentamentos voir Romeiro, et al. (1994)

La liaison incomplète: réforme agraire et démocratie

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Artigo de Ricardo Abramovay para Cahiers du Brésil Contemporain – numéro spécial – no 27/28:191-208 - 1005

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La liaison incomplète: réforme agraire et démocratie

Cahiers du Brésil Contemporain �– numéro spécial �– nº 27/28:191-208 - 1005

Ricardo Abramovay *

The failing link: land reform and democracy

Resumo

O artigo expõe examina as metas do Plano de Reforma Agrária do atual governo, expõe as principais modificações legais introduzidas pela Constituição de 1988 e pela regulamentação da lei agrária de 1993 e examina as possibilidades de alternativas à reforma agrária para alterar a concentração fundiária. O Plano governamental é extremamente tímido diante da magnitude da pobreza rural no Brasil e o que as novas leis agrárias consolidaram foi um recuo jurídico que abre todas as portas para que os proprietários interrompam os processos quando de seu interesse. Quanto à existência de novas modalidades de acesso à terra mais descentralizadas e mais orientadas pelo mercado, a experiência internacional mostra que elas não suprimem a necessidade dos métodos mais convencionais de reforma agrária e particularmente da firmeza do Estado quanto às desapropriações.

1.Présentation

Terre et citoyenneté: sous ce titre le président Fernando Henrique Cardoso publiait au mois de mars 1995 - moins de trois mois après son ascension à la tête du gouvernement - un article dans les principaux journaux brésiliens, où il annonçait l�’expropriation d�’un million d�’hectares et le renforcement du programme de réforme agraire qui devrait installer 280 mil familles jusqu�’à la fin 1998. Le président Cardoso y défendait l�’idée selon laquelle la démocratie au Brésil avait été globalement positive pour la résolution du problème agraire.

Il y a des données significatives qui vont dans le sens de la thèse soutenue par M. Cardoso. La moyenne des installations de nouveaux agriculteurs par des programmes de réforme agraire (assentamentos) pendant le régime militaire était de 5 mil familles par an. Depuis 1986 cette moyenne a triplé, par rapport aux deux décennies précédentes: la Nouvelle République a installé, en effet, 131.751, familles. En plus, les installations faites par le régime démocratique ont privilégié les régions pourvues d�’infra-structure et c�’est là une des raisons pour lesquelles, comme le montre une étude de la FAO, les résultats économiques de ces expériences peuvent être considérés globalement comme positifs (1).

Malheureusement, malgré l�’importance en termes absolus des installations organisées jusqu�’à présent, il est difficile de ne pas considérer ces données comme

* Enseignant-chercheur au Département d�’Économie de l�’Université de São Paulo - Av: Prof. Luciano Gualberto, 908 - CEP: 05 508 - 901 E-mail [email protected] 1 Il s�’agit - c�’est indéniable, d�’un travail qui a suscité beaucoup de polémique. Pour un résumé des différentes positions par rapport à la performance économique des assentamentos voir Romeiro, et al. (1994)

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l�’arbre qui cache la forêt. Au fait, il y a des raisons très solides pour mettre en doute la thèse selon laquelle les problèmes agraires brésilien se sont approchés d�’une solution socialement acceptable sous le régime démocratiques.

L�’objectif de cet article est d�’exposer ce grand paradoxe de notre histoire récente - l�’incapacité du régime démocratique de mener à bien un programme de réforme agraire et même son recul, notamment sous l�’angle juridique, par rapport au régime autoritaire - sous trois aspects: tout d�’abord, nous examinerons rapidement les objectifs quantitatifs du plan de réforme agraire du gouvernement Cardoso (partie II). Ensuite, nous verrons les principaux obstacles légaux à la réalisation de la réforme agraire (partie III). La partie IV de l�’article cherche à discuter les arguments de ceux qui proposent la formation d�’un nouveau paradigme de réforme agraire capable de remplacer la confrontation avec les propriétaires absentéistes para un procès de négociation.

2. Des objectifs limités

Le Gouvernement Fernando Henrique Cardoso prétend installer 280 mil familles entre 1995 et 1998, sur 12 millions d�’hectares (voir tableau 1). Ces objectifs sont largement en dessous ce ceux qui avaient été formulés lors du Premier Plan National de Réforme Agraire en 1985 (1,4 million de familles sur 43 millions d�’hectares) et du Plan élaboré par l�’équipe du candidat de la gauche aux dernières élections présidentielles, Lula (800 mil familles, sur 24,2 millions d�’hectares).

Tableau I - Les buts de la réforme agraire du gouvernement Cardoso

1995 1996 1997 1998

GRANDES RÉGIONS

BUT (FAM)

EXPROP. (HA)

BUT (FAM)

EXPROP (HA)

BUT (FAM)

EXPROP (HA)

BUT (FAM)

EXPROP (HA)

BRÉSIL 40.000 1.760.000 60.000 2.640.000 80.000 3.520.000 100.000 4.400.000 NORD 6.000 480.000 9.000 720.000 12.000 960.000 15.000 1.200.000 NORD-EST 18.000 630.000 27.000 945.000 36.000 1.260.000 45.000 1.575.000 SUD-EST 4.000 100.000 6.000 150.000 8.000 200.000 10.000 250.000 SUD 2.000 50.000 3.000 75.000 4.000 100.000 5.000 125.000 C. OUEST 10.000 500.000 15.000 750.000 20.000 1.000.000 25.000 1.250.000 Source: Institut National de la Colonisation et Réforme Agraire - Diretrizes Para o Programa Nacional de Reforma Agrária, Brasília, 1995 280 mil familles et 12 millions d�’hectares, ce sont des grandeurs absolues considérables. Cependant, ces chiffres indiquent clairemente que la réforme agraire n�’est pas, pour le gouvernement actuel, un moyen important de combat à la pauvreté rurale.

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Les travaux les plus récents à ce propos montrent l�’existence au Brésil de 3,2 millions de familles rurales qui se trouvent en dessous du seuil de pauvreté (2). 34,5% de la population rurale du Nord-Est se trouve en situation de �“indigence�”, celle où le revenu n�’est pas suffisant pour l�’acquisition du panier alimentaire de base (Brandão, 1995:146).

Il est évident le contraste entre la magnitude de la pauvreté rurale et la timidité des objectifs de la réforme agraire du gouvernement. Il faut signaler au passage que cette timidité ne résulte pas d�’un manque de disponibilité de terres. C�’est vrai que cette disponibilité est très fréquemment sur-estimée et ne prend pas en considération les surfaces forestières et la fragilité des sols tropicaux. Le Brésil, dans ce sens se trouve dans une situation d�’exception par rapport à la plupart des pays de l�’hémisphère Sud. Une étude récente de la FAO montre qu�’au Brésil se concentrent rien moins que 27% des 1,8 milliards d�’hectares des terres qui ont des potentiels productifs mais qui ne sont pas utilisées (Alexandratos, 1995:152). Certes, ce total de 486 millions d�’hectares ne saurait pas être incoporé à la production agricole sans provoquer des dommages environnementaux irreversibles en termes de déforestation et d�’érosion des sols. Mais il est évident qu�’une partie très considérable de ce total a un potentiel agronomique indéniable. Les calculs les plus �“conservateurs�” dans ce sens estiment que 50 millions d�’hectares de terres privées, productives et non utilisées pourraient servir comme base foncière à un programme de réforme agraire (3). Les statistiques de l�’Institut National de Colonisation et Réforme Agraire (INCRA) font état de plus de 100 millions d�’hectares à l�’intérieur des propriétés (donc sans prendre en considération les terres publiques de la forêt amazonienne, par exemple) qui pourraient être mises en production immédiatement et qui se trouvent dans des immeubles qui ont plus de 1.000 hectares (Carvalho F° e Abramovay, 1993).

3. Le recul législatif

Il ne s�’agit pas ici de décrire les luttes politiques qui, depuis la présence du Président Sarney au Congrès de la Confédération Nationale des Travailleurs Agricoles en mai 1985, ont mené à la victoire des conservateurs dans la Constitution de 1988 et à la formulation légale des règles d�’application qu�’elle établissait dans la loi agraire de février 1993 et dans la loi qui stipule les procédures d�’expropriation de juillet 1993 (4). Notre objectif est plutôt de montrer

2 Ce chiffre qui vient d�’un travail du Centre d�’Études des Politiques Publiques de l�’UNICAMP (NEPP) est selon ses auteurs même �“probablement très sous-estimé�” (Lampréia, 1995:65). 3 Pour la préparation du programme de Gouvernement du candidat de la gauche, Gomes da Silva (1994) a fait un travail exhaustif autour des différentes estimations à propos de la disponibilité de terres, des coûts des installations et de la quantité d�’agriculteurs à être installés par de différentes propostions de réforme agraire. 4 Ce procès politique a été accompagné de près par la revue de l�’Association Brésilienne de Réforme Agraire (ABRA), Reforma Agrária. Pour un bilan de la première année de la Nouvelle République par rapport à la réforme agraire, voir Abramovay, 1986. Voir aussi l�’article de Beatriz David, dans ce numéro.

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le recul législatif que l�’actuelle loi agraire représente par rapport au Estatuto da Terra sous trois angles importants. Tout d�’abord sous l�’angle de l�’objet de l�’expropriation; deuxièmement, sous l�’angle du procès d�’expropriation et troisièmement sous l�’angle des modalités de rémunération des propriétaires.Voyons la question de plus près.

3.1. La �“propriété productive�”

Le Estatuto da Terra stratifie les exploitations rurales sous quatre catégories (5):

• la propriété familiale existe lorsque l�’immeuble est exploité �“directement et personnellement par l�’agriculteur et sa famille, de façon à lui absorber toute sa force de travail et en lui garantissant la subsistance et le progrès social et économique, sur une surface fixée pour chaque région et pour chaque genre d�’exploitation, avec des aides non-familiales éventuelles�”;

• le minifondium est l�’exploitation dont le revenu n�’est pas suffisant pour le développement économique d�’une famille. Vu le stade où se trouve le développement de l�’agriculture à cette époque, les auteurs de la loi établissent un rapport direct entre ce revenu potentiel et une certaine extension de surface selon des caractéristiques micro-régionales. C�’est là que prend origine la notion de module rural, si importante pour tout procès de réforme agraire (6);

• l�’entreprise rurale est définie comme une �“exploitation de personne physique ou morale, publique ou privée qui exploite la terre économiquement et rationnellement sous les conditions de rendement économique de la région où elle se trouve avec un pourcentage minimal de surface exploitée...�” établi par la loi et

• le latifondium qui, avec la minifondium est l�’objet central du procès de réforme agraire. La loi le définit selon une double détermination:

• le latifondium par extension est celui qui excède dans sa dimension de surface utile six cents fois le module rural de la région où il se situe et

• même s�’il n�’excède pas ce limite, l�’immeuble peut être défini comme latifondium par exploitation pourvu qu�’il ait une surface utile supérieure au module régional et qu�’il ne soit pas exploité d�’une façon convenable.

Par rapport au Estatuto da Terra la loi actuelle a suprimé la notion de latifondium par extension. Il n�’y a plus, dans la loi brésilienne, des limites légales à la quantité de terres possédée par uns personne ou une société. Même au Méxique, où les changements introduits dans l�’article 27 de la Constitution ont

5 Article 6° de la section II du chapitre I du Décret n° 55.891 du 31/03/1965, qui éstablit en détail les modes de fonctionnement du Estatuto da Terra. 6 Voir dans ce numéro l�’article de José Eli da Veiga.

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pratiquement représenté la consécration légale du démantèlement des ejidos on n�’en est pas arrivé à ce point, car une certaine limite de surface est quand même maintenue, bien que très élargie par rapport à la législation précédente. Au Brésil, les immeubles dont la surface excède les 10.000 hectares occupent rien moins que 60 millions d�’hectares. Si l�’on ne consière que la plus grandes propriété dans chaque État nous en arrivons à 14 millions d�’hectares (Gomes da Silva, 1994).

Depuis 1946, c�’est la première fois qu�’il n�’y a aucune limite légale à l�’extension des immeubles ruraux. En effete, la Constitution de 1946 déterminait que toute surface supérieure à 10.000 hectares ne pouvait être enregistré officielement chez un notaire qu�’avec l�’autorisation du Sénat. Le Estatuto da Terra impose des restrictons plus sévères à cet égard. Et la Constitution de 1988 a complètement ignoré le thème !

Mais le Estatuto da Terra définissait comme susceptibles d�’expropriation non seulement les latifondia par dimension, mais tous les immeubles qui ne remplissaient pas la fonction sociale de la propriété (7). Or la Constitution de 1988 introduit une ambigüité fondamentale là-dessus: dans son article 184, elle délègue au Pouvoir Public Fédéral la mission d�’exproprier �“par interêt social, pour des finalités de réforme agraire, l�’immeuble rural qui ne remplit pas sa fonction sociale...�”. Dans l�’article suivant cependant (l�’article 185), elle dit que la propriété productive n�’est pas susceptible d�’expropriation.

Tout d�’abord c�’est clair que, par la Constitution de 1988, les propriétés incapables de se développer dans les respect des lois du travail et qui étaient passibles d�’expropriation par le Estatuto da Terra sont dorénavant protégées. La presse brésilienne a fait état récemment de l�’existence de quinze mil travailleurs ruraux en état de travail captif, d�’esclavage - en général par dette. Ce n�’est pas évidemment la règle de l�’agriculture nationale, mais ce n�’est tout de même pas un phénomène négligeable. Par la loi de 1988 ces propriétés ne peuvent pas être expropriées si un juge les considère comme �“productives�”.

Ensuite et surtout cette clause introduit dans la démarche du procès d�’expropriation l�’obligation pour les membres du pouvoir judiciaire de se prononcer sur des matières agronomiques et pédologiques d�’extrême spécialisation technique, ce qui tend à bloquer le rythme de la réforme agraire. C�’est ce que nous verrons par la suite.

3.2. Les procédures de l�’immobilisme

C�’est dans la nature et le rythme des procès d�’expropriation que l�’incorporation de de la propriété productive à la Constitution de 1988 a montré sa vraie nature. La

7 La fonction sociale de la propriété est définie selon quatre critères: l�’exploitation de la propriété doit favoriser le bien-être des propriétaires et des travailleurs; elle doit maintenir des niveaux satisfaisants de productivité; elle doit assurer la conservation des ressources naturelle et elle doit respecter les lois du travail.

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question de fond peut être ainsi résumée: il est impossible de réaliser une réforme agraire si le pouvoir qui doit la mener à bien se voit dans l�’obligation d�’entamer une lourde et lente procédure juridique pour toute expropriation proposée. En même temps, il est évident que la reconnaissance du droit de propriété est un élément constitutif de toute société démocratique. Est-il possible de rendre compatible le besoin d�’une réforme sociale de fond, qui touche une quantité, certes minoritaire, mais quand même significative (8) de propriétaires, dans le cadre du respect à des droits civils élémentaires - comme celui de la propriété ?

Au Chili, par exemple, le pouvoir judiciaire n�’était pas en droit de discuter le mérite, le contenu technique de l�’acte de désapropriation. Par contre, il était entièrement ouvert à recevoir les plaintes des expropriés pour ce qui est du payement de la valeur de leurs biens. Dans le cas où le pouvoir exécutif commettait une erreur - c�’est-à-dire, expropriait un immeuble dont l�’usage n�’était pas en dehors des normes exigées par la loi - la punition qui consistait à indemniser le propriétaire avec des titres de la dette agraire était immédiatement suspendue et celui-ci était payé en argent. Mais l�’erreur éventuelle de l�’organisme public chargé de la réforme agraire n�’entrainait ni la paralysie ni le retour en arrière des installations d�’agricultueurs.

Or, il serait impossible de réaliser une réforme agraire si, à chaque contestation, le juge était obligé d�’interrompre le procès, de convoquer des experts, de faire des vérifications techniques sur l�’usage de la terre et sur son adéquation à la législation.

C�’est exactement ce que font la loi n° 8.629 de février 1993 et la loi complémentaire n° 76 de juillet 1993 au Brésil. Elles ont consacré la réforme agraire à compte-goutes: chaque expropriation est objet d�’un procès qui obéit à un rituel dont la préoccupation centrale est la protection absolue du droit du propriétaire. Et c�’est là une différence très importante par rapport au Estatuto da Terra: avant 1988, une fois signée l�’expropriation par le président de la République, le juge était obligé non seulement d�’autoriser l�’INCRA de prendre la possession de l�’immeuble et de commencer les travaux pour l�’installation, mais aussi d�’enregistrer la propriété publique chez un notaire, ce qui rendait l�’expropriation juridiquement irreversible. Toute discussion était sur les valeurs. Maintenant, c�’est le contenu technique de la expropriation qui peut faire l�’objet d�’une contestation juridique même après qu�’elle ait été signée par le président de la République (9).

Les critères administratifs et techniques élaborés par l�’INCRA pour servir d�’orientation dans les procès d�’expropriation ont été incorporés par la loi agraire 8 On peut estimer que l�’installation des 800 mil familles sur 24 millions d�’hectares (but du candidat de la gauche, Lula, aux élections présidentielles) toucherait entre dix et vingt mil immeubles ruraux (Gomes da Silva, 1994) 9 C�’est par ailleurs ce qui vient de se passer avec les expropriations annoncées en mars par le président Cardoso lui-même ! (voir l�’article de Bergamasco et Norder) dans ce numéro.

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qui comprend donc des notion extrêmement compliquées comme le degré d�’utilisation de la terre ou le degré d�’efficacité de la terre avec des pourcentages à être respectés par produit: ce qui relevait jusqu�’alors de la sphère administrative passe sous l�’emprise du pouvoir judiciaire. Et les détails, loins d�’épuiser tous les cas de figures ne font qu�’ouvrir des portes par lesquelles les possibilités d�’interruption du procès s�’étendent presqu�’à l�’infini.

Il ne faut pas oublier que le Brésil ne possède pas des tribunaux agraires spécialisés et qu�’avec 155 millions d�’habitants nous disposons de 7.000 juges fédéraux (dont la plupart sont concentrés dans les Etats les plus riches du Pays) contre, par exemple, 120 mil juges fédéraux pour un pays comme l�’Allemagne.

3.3. L�’officialisation du cynisme fiscal

Ce n�’est pas seulement dans les situations de réforme agraire que les États contemporains cherchent des moyens et des croisements d�’informations à partir desquels le citoyen voit augmenter le risque d�’une sous-déclaration fiscale. En France, par exemple, l�’exercice du droit de préemption par les Sociétés d�’Aménagement Foncier et d�’Etablissement Rural (SAFER) doit inhiber des ventes sous-évaluées car le risque pour le propriétaire serait trop grand dans le cas où la SAFER se présentait comme acheteur effectif.

Le Estatuto da Terra établissait clairement le lien entre la déclaration fiscale et la valeur de l�’indemnisation. En effet, le propriétaire devrait recevoir une valeur qui tiendrait compte de sa déclaration pour le payement de l�’impôt foncier (titre II, article 18, alinéa 2). Maintenant, la loi est très différente: plus un seul mot sur la déclaration fiscale du propriétaire. À sa place l�’article 12 de la loi 8.629 de février 1993 décide que le prix de la terre à être indemnisée sera établi (10) par des enquêtes �“...auprès des Mairies des municipalités, des organismes publics chargés de l�’évaluation foncière - là où ils existent (sic !) - des notaires et par des enquêtes de marché�”.

4. Vers un nouveau paradigme ?

La réforme agraire n�’est pas une finalité en elle même, mais un moyen pour résoudre deux problèmes centraux du développement: l�’élimination de l�’usage spéculatif du sol et l�’attribution des terres non utilisées (11) à ceux que l�’on considère les plus aptes à en faire un usage socialement utile. Vus les obstacles légaux que l�’on vient d�’examiner, y a-t-il d�’autres moyens, en plus de la réforme agraire, pour atteindre ce double objectif ? La politique fiscale peut-elle être un de ces moyens ?

10 Ces payements se font en titres de la dette agraire. Ce sont les seuls papiers émis par le gouvernement qui comptent sur une garantie constitutionnelle d�’actualisation de valeurs selon le taux d�’inflation. Ce n�’est par pour autre raison que ces titres sont très valorisés au Brésil. 11 Mais parfois aussi de celles qui se trouvent en production comme dans le cas du Pérou, par exemple

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L�’expérience brésilienne ne peut qu�’éveiller du scepticisme par rapport à des alternatives plus �“market-oriented�”, pour employer l�’expression de Carter et Mesbah (1993) de réforme agraire, où la politique fiscale et la négotiation avec les propriétaires jouerait un rôle importante, pour deux raisons fondamentales:

a) tout d�’abord, par l�’incapacité de l�’Etat brésilien de percevoir l�’impôt territorial rural. Même lorsque, sous le Estatuto da Terra, la déclaration sous laquelle se fondait cet impôt était liée théoriquement au montant que le propriétaires recevrait en cas d�’expropriation, cette menace ne produisait guère d�’effet car la disponibilité d�’application de la loi de réforme agraire par le régime militaire était nulle. Maintenant que cette menace légale a été supprimée l�’État ne possède aucun mécanisme coercitif pour forcer le payement de l�’impôt foncier. Il n�’y a au Brésil aucun croisement d�’information entre les données sur le payement de l�’impôt sur le revenu et l�’impôt foncier.

En plus, même si l�’impôt foncier était payé et exerçait une pression pour que le propriétaire absentéiste vende ses terres non utilisées, ce ne seraient pas les agriculteurs pauvres qui auraient les moyens de les acheter. À la limite, ce pourrait être une mesure pour renforcer l�’occupation productive du sol. Mais il n�’est pas réaliste d�’imaginer que l�’impôt foncier ait un effet redistributif important.

C�’est la conclusion à laquelle sont arrivés trois des plus importants spécialistes internationaux sur le thème. L�’essai de limiter la spéculation foncière par le biais de mesures fiscales a complètement échoué non seulement au Brésil, mais en Argentine, au Bangladesh, en Colombie, en Jamaïque et au Nicaragua (Binswanger, Deininger et Feder, 1993:70). Au fond, la faiblesse de l�’État pour réaliser la réforme agraire n�’est pas sans rapport avec son incapacité de percevoir les impôts fonciers et en faire un mécanisme contre l�’usage spéculatif du sol.

b) depuis le début des années 1990, plusieurs études ont essayé de mettre en place les bases théoriques de ce que Lipton (1993), Carter et Mesbah (1993:278), parmi d�’autres, ont appelé une �“nouvelle vague�” par rapport à la réforme agraire. En 1993 la revue World Development a publié les actes d�’une conférence internationale où l�’on n�’hésite pas à parler d�’un nouveau paradigme de réforme agraire (De Janvry, Sadoulet e Thorbecke, 1993): plus négociée, plus décentralisée, avec une participation active de la société civile et des forces du marché, les objectifs sociaux et économiques de la distribution foncière devraient être atteints sans le traumatisme qu�’une réforme agraire �“conventionnelle�” entraîne.

Toutes ces études sont d�’accord dans le sens d�’attribuer un rôle plus actif aux organisations locales dans l�’exécution de la réforme agraire. Ce sons les éléments les plus importants d�’une �“nouvelle vague�” de la réforme agraire. Ces éléments cependant ne sauraient exister sans que la composante �“conventionnelle�” matérialisée dans la menace d�’expropriation de la terre et dans l�’exercice d�’une autorité centrale contre son usage spéculatif ne soit mise en pratique: la négociation par laquelle les propriétaires pourraient céder des parcelles des leurs

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propriétés contre le payement de leurs dettes ne se fera que si ces propriétaires sentent une menace réelle qui les y pousse (12).

C�’est exactement le contraire de ce qui se passe dans la situation brésilienne: les usines de canne à sucre au Nord-Est du pays reçoivent des subventions importantes et très souvent se trouvent au bord de la banqueroute. Bien qu�’annoncée souvent, jamais il n�’y a eu une négociation significative pour remplacer cet usage innefficace du sol - qui s�’appuie sur le transfert permanent de fonds publics vers ses propriétaires - par une occupation fondée sur l�’agriculture familiale. Au contraire, c�’est au nom de l�’emploi que ces grands propriétaires ont maintenu pendant des décennies la prérogative d�’obtenir les subventions qui leur permettaient de maintenir leurs affaires.

De même lorsque, coincé entre la pression sociale des occupations et son propre immobilisme, l�’État se voit dans la condition d�’acheteur de terres pour faire des installations d�’urgence, le résultat c�’est systématiquement une élévation très considérable de la valeur du sol. Ce même résultat est systématiquement constatée quand la lenteur d�’une expropriation conduit à une négociation pour accélérer le procès: comme il craint très peu et il sait que la pression sociale est grande, le propriétaire a les moyens de transformer sa condition d�’exproprié en un belle affaire!

Il est vrai qu�’en Asie l�’accès à la terre s�’est fondé sur une multiplicité de moyens et particulièrement sur un vigoureux marché de loyers de terres (De Janvry et Sadoulet, 1993:267). Mais la force de ce marché ne serait pas la même si son fonctionnement n�’avait pas été précédé par des réformes agraires qui ont imposé l�’acceptation de l�’usage du sol par l�’agriculture familiale comme socialement adéquate. En Amérique Latine, ce marché de loyers de terres n�’a jamais été important (De Janvry et Sadoulet, 1993:267). Et l�’on pourrait ajouter qu�’un vrai marché de loyer terres ne peut exister que là où ses participants établissent des relations qui aient un minimum de symétrie: là où l�’accès à la terre passe par le renforcement de liens de clientèle et de dépendance personalisée - comme c�’est le plus souvent le cas dans ce genre de rapport social en Amérique Latine - on peut à peine parler d�’un vrai marché et, en tout cas, aucunement d�’une alternative à la réforme agraire. C�’est la raison pour laquelle Carter et Mesbah (1993:301) concluent leur étude en montrant que �“...les facteurs et les restrictions économiques qui font la réforme venue de l�’Etat (state-mandated) très coûteuse tendent aussi à blocquer les médiations du marché pour le transfert des terre aux petits agriculteurs�”.

L�’étude des principaux auteurs qui se sont consacrés à l�’élaboration d�’un nouveau paradigme de réforme agraire montre, en effet, plusieurs modifications importantes par rapport aux modèles dominants des années 1960 et dont le Estatuto da Terra 12 �“La réforme agraire �‘nouvelle vague�’ a probablement plus de chance d�’aboutir comme un complément de la �‘vieille vague�’ (old wave) qui doit être perçue par les propriétaires comme un risque sérieux�” (Lipton, 1993:650)

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est un exemple. Renforcement du pouvoir local et surtout des organisations de la société civile, économie dans les coûts de la réforme, réduction du rôle de l�’État central et tentative permanente de remplacer les situations de confrontation directe par des incentifs économiques, tous ces aspects n�’éliminent pas cependant le centre du paradigme conventionnel de réforme agraire: pour que le marché, les impôts et les négociations puissent aboutir sur une redistribution des terres, il faut que les propriétaires fonciers reçoivent de l�’Etat et de la société les signes par lesquels il y a des risques dans le maintien de la situation actuelle et que la négociation est un chemin que peut leur coûter moins que la confrontation avec l�’Etat.

Le moindre que l�’on puisse dire par rapport à la situation brésilienne actuelle est que ces signes, s�’ils existent, sont, pour les propriétaires fonciers à peine perceptibles. La lenteur de l�’exécutif, l�’ouverture du législatif au blocage systématique des procès d�’expropriation se répercutent socialement par la perte de légitimité dans l�’ensemble de l�’appareil de l�’Etat des revendications liées à la réforme agraire. Ainsi, les financements promis sont toujours en retard, les dotations budgétaires se trouvent blocquées (13) et la police elle même tend à traiter les occupations de terre avec une violence qui dépasse les limites légales. L�’opinion publique internationale a pris connaissance de ce que personne aujourd�’hui n�’hésite à caractériser comme un massacre, lorsque, au mois de septembre, à Corumbiara (Rondonia) un immeuble occupé par des travailleurs ruraux a été envahi par la police à quatre heures et demi du matin - ce qui est interdit par la Constitution brésilienne dont l�’article 5° ne permet ce genre d�’opération que pendant le jour. Pire: il s�’agissait, au fait, d�’un immeuble dont celui qui a demandé l�’intervention de la police n�’avait pas le titre de propriété - ce qui n�’a pas empeché l�’intervention immédiate de la police.

5. Conclusion

Il est difficile donc de se mettre d�’accord avec la thèse soutenue par le président de la République, selon laquelle la solution de la question agraire brésilienne a eu des progrès considérables sous le régime démocratique. Au point de vue juridique, la Constitution de 1988 et les lois de 1993 qui prévoient l�’exécution de ses orientations ont élargi la base du pouvoir des propriétaires et affaibli la capacité de l�’État à déterminer l�’ordre foncier le plus adéquat au Pays. Sous l�’angle politique, l�’action de l�’Etat par rapport à cette question répond moins à une orientation et à un plan de longue haleine qu�’aux pressions immédiates que les mouvements sociaux (et avant tout le Mouvement des Sans Terre) sont capables de créer. Mais cette action localisée et immédiate n�’est pas capable de créer à l�’intérieur de l�’Etat une culture de soutien aux revendications de réforme agraire. La conséquence c�’est

13 Sur un total de plus d�’un milliard de reais prévu pour la réforme agraire en 1995 moins de 30 millions de reais avaient été libérés jusqu�’à la fin septembre 1995. Selon le Mouvement des Travailleurs sans Terre, le gouvernement avait installé jusqu�’alors 3 mil familles, contre la prévision de 40 mil.

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le mépris permanent dont ce thème fait l�’objet de la part des principales bureaucraties publiques ce qui se traduit dans les retards constants dans les financements pour les nouvelles installations et dans le parti pris de la justice et de la police dans les conflits de terres dans le sens de considérer toujours les occupants comme des envahisseurs.

Il ya deux facteurs qui peuvent contribuer à rompre avec cet immobilisme.

Du coté des mouvements sociaux, il est clair que la pression sociale dans la lutte pour la terre n�’est pas prête à s�’épuiser. Dans ce sens, l�’adhésion de la Confédération Nationale des Travailleurs en Agriculture (CONTAG) à la Centrale Unique des Travailleurs (CUT) au mois de mai exprime la force des courants politiques à l�’intérieur du mouvement syndical les moins disposés à des solutions �“de compromis�” avec le gouvernement. D�’autre part, le Mouvement des Sans Terre a acquis une dimension publique qui en fait un interlocuteur obligatoire du gouvernement dans les situations de conflit. Rien n�’indique que dans ce procès de renforcement politique les Sans Terre soient prêts à renoncer à leur principale forme de lutte, les occupations et les campements au bord des routes (14). Ces mouvements ont la vertu de rendre visible non seulement la magnitude du problème agraire, mais l�’impasse systématique sur laquelle débouchent les voies soi disant alternatives à la réforme agraire. Le résultat en est que loin de devenir un thème marginal ou banalisé, la réforme agraire est toujours présente chez l�’opinion publique comme une question de grande actualité.

Le deuxième facteur touche la politique agricole elle même. Dans l�’article où il déclarait l�’expropriation (15) d�’un million d�’hectares de terres, le président Cardoso annonçait un Plan de Renforcement de l�’Agriculture Familiale. Vu la la crise fiscale de l�’Etat et la réduction des financements publics à l�’agriculture (qui sont passés de US$ 26 milliards en 1986 à US$ 5 milliards à présent) M. Cardoso soutenait l�’idée selon laquelle l�’État devrait tourner son effort d�’appui à l�’agriculture vers les producteurs familiaux. On pourrait, à la limite imaginer la possibilité de renforcer l�’agriculture familiale déjà existante au Brésil sans la réalisation d�’une réforme agraire qui soit responsable pour la création significative de nouvelles exploitations de ce genre. Le problème c�’est que pour avoir la force de mettre l�’appareil de l�’Etat chargé de l�’appui aux activités agricoles (et avant tout les organismes de financement) au service du développement des unités familiales il faut développer un procès permanent et élargi (qui atteigne aussi les Etats et même les municipalités) de dialogue et même de cogestion avec les représentants de l�’agriculture familiale. Le moindre que l�’on puisse dire c�’est que ce dialogue avec les agriculteurs familiaux déjà établis sera très difficile tant que la lutte de ceux qui désirent s�’installer sera traitée comme un cas de police.

14Il y a aujourd�’hui au Brésil 198 conflits de terre, qui touchent 31.400 familles sur 22 Etats de la Fédération (14). 20 mil familles se trouvent �“campées�”, au bord des routes en attendant l�’agilisation du programme de réforme agraire. 15Blocquée , comme on l�’a déjà souligné, par les propriétaires dans la Justice.

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