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La lettre du Président : où sont nos navires ?

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Page 1: La lettre du Président : où sont nos navires ?

Vie de la SFNEP

La lettre du Président : où sont nos navires ?

Je pense qu’il est temps que nous parlions recherche.

Les sociétés savantes, y compris la nôtre, déploient beau-coup d’efforts pour développer l’éducationnel, réfléchir surles pratiques et les réglementations, développer la prise encharge des malades au sens large (PNNS, nutrition à domi-cile, etc.) mais elles ne doivent pas oublier que la rechercheest et restera une de leurs missions prioritaires. Que faut-ilpour faire de la recherche ? Des idées et des moyens.

Les idées, nous les avons certainement et probablement àla fois dans le domaine de la recherche appliquée et celui dela recherche fondamentale. Je ne crois pas qu’il faille oppo-ser les deux : comme le disait mon Maître, le Professeur JeanAgneray, il y a ce qui est de larecherche et ce qui ne l’est pas.En d’autres termes, oui à la recherche clinique, non a ce quiest une confusion entre la recherche et la pratique clinique.Déterminer la prévalence de la dénutrition dans x servicesd’un hôpital n’est pas de la recherche même si cela est trèsutile, voire indispensable, pour développer nos CLANS etaméliorer nos pratiques. Donc, premier message : ne som-brons pas dans la facilité.

Les moyens : ils sont de nature très diverses.

Il y a tout d’abord ceux fournis par la SFNEP. Notresociété a développé une politique ambitieuse en matière deprix de recherche. Le fait que dès cette année l’ensemble desprix (ceux de la SFNEP proprement dit et ceux remisconjointement avec les industriels) soit fédéré par un juryunique est une avancée considérable. Les projets de prixcommun avec la SRLF et avec la SFN devraient aussi aboutir.

Les clubs de la SFNEP doivent également être des outilsde promotion de la recherche. Celui des modèles expérimen-taux a vu son activité s’émousser au fil des années ; maisreste-il beaucoup d’équipes à fédérer qui soient dans le gironde la SFNEP... ou ailleurs (voir l’appel de Cochin) ? ChèreFrance, ta recherche fondamentale, fout le camp.

Le club de recherche clinique est très dynamique, seull’apport de sang neuf le rendra pérenne. Notre Conseil d’ad-ministration a décidé que la SFNEP pouvait se porter promo-teur d’études cliniques. Il n’y a pas pour l’instant bousculadeau portillon. Pourquoi ? Le mal s’appelle « RTT », « reposcompensatoire »,numerus clausus, « budget global » ; chèreFrance, ta recherche clinique fout le camp.

La recherche dans les CHU est valorisée à 13 % du budgetglobal. Pourquoi 13 % ? Parce qu’un énarque a proposé 11 %et un autre 15 % (authentique). Le CHU a-t-il les moyensd’assurer sa mission de recherche ?

Ensuite, il y a la recherche institutionnelle. Que pèse lanutrition clinique dans l’Inserm ? Pas grand chose, que cesoit en valeur absolue ou relative. La nature ayant horreur duvide, l’Inra a pris quelques positions, brillantes en rechercheexpérimentale, limitées en recherche clinique (ce qui estlogique ; ce n’est vraiment pas sa mission). La contractuali-sation universitaire est une belle forme de reconnaissancemais les crédits octroyés relèvent davantage du cure-dent quedu lance-flamme. Les CRNH ont quelques moyens mais leurmission est surtout axée sur la nutrition de l’homme sain.Comme d’autres, je pense que la solution est le développe-ment d’instituts sans murs avec mutualisation des moyens.

Enfin, il y a larecherche financée par l’industrie. Sataniséepar les uns (dépendance, partialité, recherche alimentaire...),adulée par les autres (valorisation, reconnaissance du savoir-faire...), elle est, dans notre domaine, en pleine déconfiture.La majorité des industriels du secteur ont drastiquementréduit leurs investissements en matière de recherche. Fu-sions, restructurations, amélioration des marges sont les maî-tres mots qui expliquent cet état de fait. Et l’on voit réappa-raître sur le marché, comme au bon vieux temps, des produitstrès médicalisés sans la moindre étude, qu’elle soit cliniqueou même simplement expérimentale, pour étayer les alléga-tions qu’ils portent.

Comment juger de la production scientifique des équipesde recherche (qu’elle soit clinique ou expérimentale) de laSFNEP ? Si l’on considère notre présence aux congrès del’Espen, le bilan est à la fois satisfaisant et inquiétant. Satis-faisant parce que nous restons parmi les leaders aussi bien enterme d’abstracts soumis, qu’en pourcentage de communica-tions acceptées ; inquiétant, car le pourcentage de communi-cations soumises par la francophonie (et en particulier laFrance) décline inexorablement depuis quatre ans. Au-delà,le vrai étalon-or est la publication dans les revues internatio-nales de bon niveau. Pour lire de façon assidue les journauxde la spécialité (Clin. Nutr., JPEN, Nutrition), je dirais defaçon pifométrique que je ne vois pas ici la concrétisation denos nombreuses communications. Peut-être publions-nousdavantage dans les journaux de nutrition générale (Am. J.Clin. Nutr., J. Nutr., Br. J. Nutr., J. Am. Coll. Nutr.) ; hélasnon. Alors, il ne fait pas de doute que nous publions dans lesmeilleurs journaux de spécialité (Gastroenterology, Gut, He-patology, Crit. Care Med., Int. Care Med., Ann. Surg., Sur-gery, etc.). Même si nous avons quelques brillants exemples,merci de ne pas vous esclaffer.

Nutrition clinique et métabolisme 17 (2003) 127–128

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/S0985-0562(03)00047-5

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À ce point de la dissertation vous comprenez certainementmieux le sens du titre étrange de cette chronique : où sont nosnavires ? C’est d’abord, que je considère notre potentiel derecherche comme étant notre galion le plus précieux. Entre letorpillage de la recherche institutionnelle et les aléas de larecherche industrielle, notre galion est dans la mer des sar-gasses (des sarcasmes si l’on regarde l’effort sans précédentréalisépar le NIH américain). Ensuite où sont nos navires estle titre d’une chronique du quotidien Ouest-France qui indi-que les mouvements des navires bretons sur toutes les mersdu globe : un entrefilet du type « la Princesse-Jeanne a quittéCap-Vert lundi à destination de Singapour où elle est atten-due dimanche », fait rêver en matière de traçabilité. Donc, et

en d’autres termes, il est urgent que nous nous souciions desavoir qui parmi les membres de la SFNEP émarge au profild’une équipe Inserm, Inra ou d’accueil universitaire, quipublie quoi et dans quel journal, etc. Nous nous devons delancer une grande enquête sur ce sujet dans les meilleursdélais.

Pr. L. Cynober (Président de la SFNEP)Laboratoire de biochimie A, hôtel-Dieu, 1, place du parvis

Notre-Dame, 75181 Paris cedex 04, FranceAdresse e-mail : [email protected]

Accepté le 24 juin 2003

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