26
HAL Id: hal-02406169 https://hal.univ-reunion.fr/hal-02406169 Submitted on 12 Dec 2019 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entiïŹc research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinĂ©e au dĂ©pĂŽt et Ă  la diïŹ€usion de documents scientiïŹques de niveau recherche, publiĂ©s ou non, Ă©manant des Ă©tablissements d’enseignement et de recherche français ou Ă©trangers, des laboratoires publics ou privĂ©s. La didactique d’une langue en contact : quelle formation assurer aux enseignants du français Ă  l’üle Maurice ? Rada Tirvassen To cite this version: Rada Tirvassen. La didactique d’une langue en contact: quelle formation assurer aux enseignants du français Ă  l’üle Maurice ?. Expressions, Institut universitaire de formation des maĂźtres (IUFM) RĂ©union, 2000, Îles, francophonie, langues vernaculaires et formation d’enseignants, pp.117-142. hal-02406169

La didactique d'une langue en contact: quelle formation

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

HAL Id: hal-02406169https://hal.univ-reunion.fr/hal-02406169

Submitted on 12 Dec 2019

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinĂ©e au dĂ©pĂŽt et Ă  la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiĂ©s ou non,Ă©manant des Ă©tablissements d’enseignement et derecherche français ou Ă©trangers, des laboratoirespublics ou privĂ©s.

La didactique d’une langue en contact : quelle formationassurer aux enseignants du français à l’üle Maurice ?

Rada Tirvassen

To cite this version:Rada Tirvassen. La didactique d’une langue en contact : quelle formation assurer aux enseignants dufrançais Ă  l’üle Maurice ?. Expressions, Institut universitaire de formation des maĂźtres (IUFM) RĂ©union,2000, Îles, francophonie, langues vernaculaires et formation d’enseignants, pp.117-142. ïżœhal-02406169ïżœ

Rada Tirvassen118

La didactique d’une langue en contact :quelle formation assurer aux enseignantsdu français à Maurice ?

Rada TIRVASSENMauritius Institute of Education

&UMR 6058 du CNRS

Introduction

Le titre de cet article annonce une tentative d’éclairage sur unaspect prĂ©cis de la didactique du français Ă  Maurice (dĂ©sormais DDFM) Ă partir de quelques outils conceptuels empruntĂ©s Ă  la sociolinguistique etaux travaux concernant l’acquisition des langues. En gros, il s’agira de sedemander comment la situation de contact de langues dans laquelle seretrouve le français Ă  Maurice pourrait ĂȘtre prise en compte lorsqu’estdĂ©finie l’orientation du programme de formation destinĂ© aux stagiairesque l’on forme pour l’enseignement du français dans le cycle primaire. Defaçon plus spĂ©cifique, on analysera le poids du non-dit au sujet deslangues vernaculaires dans la formation des enseignants.

Implicite Ă  l’argumentation dĂ©veloppĂ©e dans cet article est la nĂ©ga-tion de la situation sociolinguistique du français Ă  Maurice lorsque l’onforme des enseignants chargĂ©s de faire apprendre le français : cet implici-te repose sur des observations rĂ©alisĂ©es depuis une dizaine d’annĂ©es et quifont l’objet d’une analyse critique dans R. Tirvassen : 1997 et R.Tirvassen : 1998. Cet article se limite donc Ă  la question de la prise encompte de la situation de contact de langues dans laquelle se retrouve le

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 118

LA DIDACTIQUE D’UNE LANGUE EN CONTACT :QUELLE FORMATION ASSURER AUX ENSEIGNANTSDU FRANÇAIS A MAURICE ?

119

français Ă  Maurice dans le cadre de la formation des enseignants. Le pre-mier volet de notre rĂ©flexion est consacrĂ© Ă  une prĂ©sentation de deuxaspects du contact que le français entretient avec les autres langues Ă Maurice. Le premier concerne la rĂ©partition fonctionnelle entre le françaiset les autres langues dans les institutions mauriciennes ainsi que les enjeuxqui dĂ©terminent cette rĂ©partition : en gros, il s’agit de prĂ©senter le contactdes langues Ă  Maurice d’un point de vue macro-sociolinguistique. Lesecond porte sur la gestion du multilinguisme mauricien dans les famillesoĂč il y a des enfants scolarisĂ©s. Le second volet de notre analyse est consa-crĂ© Ă  ce que nous appelons ‘le comportement langagier’ des deux acteursmajeurs de l’école que sont les apprenants et les enseignants. Nous tente-rons de montrer, en effet, Ă  quel point le contact des langues est indisso-ciable de ce comportement langagier. Pour aborder ce point, nous nouscontenterons de juxtaposer des donnĂ©es issues de recherches rĂ©alisĂ©es cesderniĂšres annĂ©es. Les Ă©lĂ©ments saillants qui Ă©mergeront de ces analysesdevront nous permettre d’appuyer notre proposition pour une prise encompte du contact entre le français et les autres langues sur des aspectsconcrets de la rĂ©alitĂ© des langues Ă  Maurice.

1.0 - La situation sociolinguistique mauricienne

Ce n’est pas le nombre de langues (en gros, on associe une douzai-ne de langues avec la communautĂ© mauricienne) qui est Ă  l’origine de cequ’on appelle la complexitĂ© de la situation sociolinguistique de Maurice.En fait, la situation sociolinguistique mauricienne prĂ©sente la particulari-tĂ© de s’organiser autour d’enjeux multiples: il y a les pratiques langagiĂšreset leur impact non seulement sur la rĂ©partition fonctionnelle des languesmais aussi sur les valeurs symboliques qui leur sont attribuĂ©es. Parmi cespratiques, il y a celles qui respectent la rĂšglementation officielle, cellesqui sont tolĂ©rĂ©es et celles qui sont ignorĂ©es parce qu’elles ne respectentpas les rĂšglements; il y a les rĂšglements officiels ainsi que leur interprĂ©ta-

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 119

Rada Tirvassen120

tion qui peuvent varier selon les institutions et les acteurs concernĂ©s;enfin, l’on peut aussi Ă©voquer les conflits qui varient selon les acteurs, lapĂ©riode, etc. On se rend compte que dĂ©mĂȘler l’écheveau de la rĂ©alitĂ© deslangues Ă  Maurice n’est pas aisĂ©. Ces constats interpellent toujours lechercheur confrontĂ© Ă  la question de savoir par quel biais prĂ©senter cettesituation. La prĂ©sentation Ă  laquelle on s’est risquĂ© est limitĂ©e; elle a pourseul objectif de prĂ©senter les grands traits de la rĂ©alitĂ© des langues Ă Maurice et de poser un cadre Ă  partir duquel peut ĂȘtre menĂ©e la rĂ©flexiondans laquelle on s’est engagĂ©. Pour une connaissance plus prĂ©cise de cettesituation, le lecteur se reportera avec profit Ă  deux Ă©tudes dĂ©taillĂ©es (D. deRobillard : 1991 ; D. Baggioni et D. de Robillard 1991) dont nous noussommes inspirĂ© et qui demeurent fort utiles compte tenu de la qualitĂ© desinformations qu’elles fournissent aux lecteurs. Enfin, une place plusimportante sera consacrĂ©e Ă  l’analyse de la rĂ©partition des fonctions deslangues dans le systĂšme Ă©ducatif afin d’offrir aux lecteurs un maximumd’informations (dans les limites des contraintes Ă©ditoriales imposĂ©es) surce secteur qui est au centre de notre intĂ©rĂȘt.

1.1 - Les langues Ă  l’Ile Maurice : aperçu gĂ©nĂ©ral

On commencera cette prĂ©sentation en reprenant Ă  D. de Robillard(1991) un tableau synthĂ©tique qui a l’intĂ©rĂȘt de rĂ©sumer de maniĂšre prĂ©ci-se les diverses fonctions qu’assument les langues Ă  Maurice.

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 120

LA DIDACTIQUE D’UNE LANGUE EN CONTACT :QUELLE FORMATION ASSURER AUX ENSEIGNANTSDU FRANÇAIS A MAURICE ?

121

Tableau 1 : Typologie des langues à l’Ile Maurice(Source D. de Robillard : 1991 : 16

Le tableau montre bien que quatre langues se partagent les tĂąchescommunicationnelles Ă  Maurice : l’anglais, le français, le crĂ©ole et le bho-jpuri. Parmi ces quatre langues, le bhojpuri est une langue de communi-cation ethnique dont le nombre de locuteurs diminue de maniĂšre sensibled’une gĂ©nĂ©ration Ă  l’autre alors qu’inversĂ©ment, on a tendance Ă  attribuerau crĂ©ole le statut d’une langue nationale; le crĂ©ole et le bhojpuri sont deslangues non standardisĂ©es, ce qui les exclut des communications Ă©critesformelles. Ce sont l’anglais et le français qui occupent l’aire des commu-nications formelles; alors que seul l’anglais est employĂ© dans les commu-nications Ă©crites formelles (c’est aussi la seule fonction qu’il occupe), lefrançais est employĂ© dans les communications formelles Ă  l’oral dans lesecteur privĂ©, traditionnellement francophone et dans les communications

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 121

Rada Tirvassen122

sociales des francophones surtout. L’hindi, l’urdu, le tĂ©lĂ©gu, le marathi etle gujrathi sont des langues qui ont une fonction identitaire et ne sontemployĂ©es que dans les rituels des cĂ©rĂ©monies religieuses et Ă  l’école pri-maire oĂč elles sont enseignĂ©es comme une matiĂšre facultative.

1.2 - La question de la langue officielle et les pratiqueslangagiĂšres dans les institutions officielles

L’État mauricien ne s’est jamais donnĂ© de langue officielle (R.Chaudenson : 1979 : 568) mĂȘme si l’on a tendance Ă  attribuer ce rĂŽle Ă l’anglais non seulement dans le grand public mais aussi dans des docu-ments Ă©manant des instances officielles oĂč il est question d’amĂ©nagementlinguistique : c’est en effet le cas dans le rapport du ComitĂ© d’élite sur lesLangues orientales, rapport prĂ©sentĂ© au PrĂ©sident de l’AssemblĂ©e natio-nale en 1986. S’il n’y pas de langue officielle, l’Etat s’est contentĂ© d’uncertain nombre de repĂšres car les communications officielles dans les ins-titutions officielles se fondent sur des rĂšglements spĂ©cifiques qui, eux-mĂȘmes s’adaptent, en gĂ©nĂ©ral, aux pressions des besoins communication-nels des Mauriciens. Les usages concrets montrent le poids de la pressionsociolinguistique sur les rĂšglements officiels, les limites et la nature duchangement (par exemple, le poids des facteurs exogĂšnes est dĂ©terminantpour ce qui est des changements dans le domaine de l’audio-visuel) ainsique la rĂ©sistance de ces rĂšglements, c’est-Ă -dire les Ă©lĂ©ments sur lesquelsles acteurs de l’Etat sont intransigeants.

L’article 33 de la Constitution qui dĂ©finit l’anglais comme la languede travail de l’AssemblĂ©e nationale et la maniĂšre dont il est traduit dansles faits illustre ce qui est affirmĂ© ci-dessus. Selon les pratiques langa-giĂšres observĂ©es, l’anglais qui est employĂ© dans 81,6 % des dĂ©bats selonC. Cziffra (1982 : 125) est la langue officielle de la plupart des dĂ©bats del’AssemblĂ©e nationale alors que le français (14,6 % des Ă©changes) est

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 122

LA DIDACTIQUE D’UNE LANGUE EN CONTACT :QUELLE FORMATION ASSURER AUX ENSEIGNANTSDU FRANÇAIS A MAURICE ?

123

tolĂ©rĂ©. Le crĂ©ole est la langue des rĂ©parties humoristiques ou des invec-tives, mais ces Ă©changes ne figurent jamais dans les comptes-rendus offi-ciels. Ainsi qu’on s’en rendra compte, seul l’écrit est exempt de toute lapression sociolinguistique que l’üle a connue ces derniĂšres dĂ©cennies. Eneffet, dĂšs lors que l’on passe Ă  l’écrit, la situation est totalement diffĂ©ren-te. Les textes de loi et les textes administratifs sont exclusivement enanglais.

Si l’AssemblĂ©e nationale n’accorde qu’une place anecdotique aucrĂ©ole, tel n’est pas le cas pour le judiciaire. Le judiciaire illustre le poidssymbolique de l’anglais dans certaines institutions (comme l’AssemblĂ©enationale et les Cours de justice), la pression sociolinguistique, l’originede cette pression et les acteurs qui assurent la permanence de l’anglais.Tous les officiers des cours de justice (juges de la Cour suprĂȘme, magis-trats des cours de district, huissiers, officiers de police, etc. ) s’exprimententre eux, en anglais; les membres du public (tĂ©moins, accusĂ©s, etc. ) s’ex-priment dans la langue de leur choix, en gĂ©nĂ©ral le crĂ©ole. Des observa-tions rĂ©alisĂ©es par C. Cziffra (1982 : 83) qui affirme que l’ensemble desjugements de la Cour est rĂ©digĂ© en anglais avec de longues citations encrĂ©ole ou en français. Si l’on veut rĂ©sumer cette situation, on dira quetoutes les communications officielles entre les officiers des cours de justi-ce se font en anglais ; le français est tolĂ©rĂ© dans les plaidoiries alors quela majoritĂ© des interrogatoires se fait en crĂ©ole.

L’usage des langues dans l’exĂ©cutif est une autre illustration del’émergence de rĂšglements situationnels. En gros, seuls les documentsofficiels qui ne concernent pas le grand public rĂ©sistent Ă  toutes les formesde pression sociolinguistique. Toutefois, dĂšs lors qu’il s’agit de s’assurerde la comprĂ©hension vitale de certains documents ou annonces destinĂ©s augrand public, le recours au français, pour l’écrit et Ă  l’oral est obligatoi-re. À cet Ă©gard, le formulaire d’impĂŽt est en version bilingue (anglais et

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 123

Rada Tirvassen124

français) alors que le message du Premier Ministre lu dans les Ă©coles pri-maires et secondaires Ă  l’occasion des cĂ©lĂ©brations qui marquent l’acces-sion de l’üle Ă  l’indĂ©pendance est en français.

La permanence de l’anglais Ă  l’écrit est illustrĂ©e par le rĂŽle rĂ©servĂ©Ă  cette langue dans le secteur privĂ© : l’anglais occupe les fonctions de lalangue de la communication Ă©crite. En revanche, dans les conversationstant formelles que sociales, le français joue un rĂŽle bien plus important.De la mĂȘme maniĂšre, quelques municipalitĂ©s rĂ©digent certains documentsofficiels en français: l’essentiel est toutefois en anglais. DĂšs que l’on passeĂ  la communication orale, l’anglais disparaĂźt pratiquement totalementpour laisser la place au crĂ©ole et au français. Par ailleurs, en zone rurale,dans des communications familiĂšres entre fonctionnaires qui se connais-sent, il n’est pas impossible de rencontrer des Ă©changes en bhojpuri, maiscompte tenu de la dynamique des langues Ă  Maurice, cette probabilitĂ© estde moins en moins grande. Dans les interactions avec le public, si lesfonctionnaires et le public ont des compĂ©tences en français, la communi-cation peut se faire dans cette langue dĂ©pendant des stratĂ©gies revendi-quĂ©es par les locuteurs. Sans risque d’erreur, on peut affirmer que la majo-ritĂ© des communications orales se fait en crĂ©ole. Cette analyse de la rĂ©par-tition fonctionnelle des aires de communication orale et Ă©crite ne peutesquiver le poids du français dans la presse Ă©crite; si la presse Ă©critesemble faire exception au poids de l’anglais dans la communication Ă©cri-te, en rĂ©alitĂ©, elle confirme tout simplement le fait que l’anglais est surtoutune langue des Ă©crits de type administratif.

1.3 - L’audio-visuel et l’impact de la “mondialisation”

Parmi l’ensemble des institutions officielles, non seulement laradiotĂ©lĂ©vision joue un rĂŽle diffĂ©rent dans la rĂ©partition fonctionnelle deslangues mais aussi elle illustre le poids des facteurs exogĂšnes dans la vie

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 124

LA DIDACTIQUE D’UNE LANGUE EN CONTACT :QUELLE FORMATION ASSURER AUX ENSEIGNANTSDU FRANÇAIS A MAURICE ?

125

culturelle du pays. Selon la rĂ©glementation officielle, la station de radio-tĂ©lĂ©vision nationale doit respecter “l’équilibre linguistique” de l’üle parune rĂ©partition Ă©quitable du temps d’antenne entre les langues. C’est cequ’elle a fait dans les premiĂšres annĂ©es de l’accession de l’üle Ă  la souve-rainetĂ© nationale. En effet, le gouvernement a toujours tentĂ© de conservercet Ă©quilibre jusqu’à la rĂ©cente “libĂ©ralisation des ondes” qui fut suivie parl’ouverture des ondes hertziennes aux Ă©missions de Canal Plus et deSkyvision, une chaĂźne britannique. Par ailleurs, les Mauriciens peuventcapter France Inter et la radio internationale de la BBC, ce dont ne se privepas une partie de la population qu’on ne peut chiffrer faute de donnĂ©esprĂ©cises. À prĂ©sent, l’équilibre a Ă©tĂ© totalement bouleversĂ©. En effet :

1) la rĂ©partition du temps d’antenne Ă  la tĂ©lĂ©vision et Ă  la radio aconnu un profond bouleversement avec l’ouverture des ondes hertziennesaux stations de tĂ©lĂ©vision Ă©trangĂšres ; la rĂ©partition â€œĂ©quitable” deslangues sur les chaĂźnes nationales est une opĂ©ration essentiellement sym-bolique.

2) le caractĂšre symbolique de cette action est d’autant plus Ă©videntque les programmes en langues orientales sont suivis, en gĂ©nĂ©ral, unique-ment par les adultes. Les enfants et les jeunes ont tendance Ă  leur prĂ©fĂ©rerles programmes en langues europĂ©ennes.

3) par ailleurs, les radios dont les Ă©missions sont vraiment suiviessont RM1 et FM1 ; enfin, les principaux bulletins d’informations sont tousen français.

1.4 - Les langues orientales: le poids des symboles

La religion est Ă  la fois un indicateur de l’espace rĂ©duit qu’oc-cupe les langues orientales ainsi que la fonction uniquement identi-taire qu’elles assument. En effet, si l’on associe le français au catho-licisme, religion de 30 Ă  35 % des Mauriciens, l’anglais au protes-tantisme (le pourcentage de la population pratiquant cette religion est

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 125

Rada Tirvassen126

extrĂȘmement rĂ©duit), les langues orientales et en particulier l’hindi Ă l’hindouisme, et l’urdu ou l’arabe Ă  l’islam qui est la religion de 16-17 % de la population, les observations rapides montrent que ceslangues se limitent aux rites. C’est en fait le crĂ©ole qui assume l’en-semble des communications orales dans les lieux de culte. En gros,c’est lui qui est la langue la plus employĂ©e dans les Ă©changes verbauxdes lieux de culte.

1.5 - Le marchĂ© de l’emploi

Sans jeu de mots, le marchĂ© de l’emploi constitue un indice dumarchĂ© des langues Ă  Maurice. Un Mauricien monolingue crĂ©olo-phone a les compĂ©tences linguistiques minimales pour une intĂ©gra-tion professionnelle (et sociale) limitĂ©e aux emplois rĂ©servĂ©s auxouvriers non qualifiĂ©s. La mobilitĂ© professionnelle n’existe pas pources ouvriers. Une compĂ©tence active minimale surtout en françaisoffre des possibilitĂ©s de promotion professionnelle. Si Ă  cette maĂźtri-se minimale du français s’ajoute une compĂ©tence mĂȘme trĂšs limitĂ©een anglais, ces possibilitĂ©s peuvent devenir rĂ©elles. Ce sont les com-pĂ©tences Ă©crites dans les langues europĂ©ennes et notamment enanglais qui ouvrent la voie aux emplois Ă  col blanc. On peut doncassocier les langues europĂ©ennes Ă  la rĂ©ussite sociale et profession-nelle. Si les diplĂŽmes obtenus dans les pays europĂ©ens et en Indesont considĂ©rĂ©s comme Ă©quivalents, une maĂźtrise de l’anglais utilisĂ©dans les affaires est une nĂ©cessitĂ© pour les postes de responsabilitĂ©.Cette Ă©volution vient en quelque sorte stabiliser la situation de l’an-glais en raison du nombre de plus en plus important de Mauriciensqui font leurs Ă©tudes dans des universitĂ©s françaises. Les languesorientales offrent, elles, d’autres types de possibilitĂ©s. La maĂźtrise deces langues permet d’obtenir certains postes, notamment dans l’édu-cation nationale.

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 126

LA DIDACTIQUE D’UNE LANGUE EN CONTACT :QUELLE FORMATION ASSURER AUX ENSEIGNANTSDU FRANÇAIS A MAURICE ?

127

1.6 - L’éducation

Le secteur Ă©ducatif confirme que:1° le cadre posĂ© par l’Etat peut faire l’objet d’une interprĂ©tation

dans des “: limites acceptables”;2° les pressions sociolinguistiques qui pùsent sur les acteurs sont à

l’origine de l’émergence de rĂšglements situationnels;3° assez paradoxalement, le systĂšme Ă©ducatif montre que ce n’est

pas la seule efficacité de la communication qui fait émerger les pratiquesobservées; les représentations que se font les acteurs constituent un deséléments majeurs déterminant les choix.

Selon l’Education Ordinance de 1957, loi qui contient toute larĂ©glementation concernant le choix des langues d’enseignement et leslangues Ă  enseigner dans les cycles primaire et secondaire, les enseignantspeuvent utiliser les langues de leur choix pour la communication pĂ©dago-gique. À partir de la quatriĂšme annĂ©e du primaire, seul l’anglais doit ĂȘtreutilisĂ©. En effet, si les instituteurs peuvent utiliser la langue qui, selon eux,transmet le plus efficacement le message, Ă  l’écrit, la seule langue utilisĂ©eest l’anglais. Tous les manuels de mathĂ©matiques et des sciences d’éveil(environmental studies) sont exclusivement en anglais. Par consĂ©quent, lamarge de manoeuvre offerte aux enseignants est rĂ©duite compte tenu desĂ©lĂ©ments suivants :

1) les reprĂ©sentations que les enseignants se font au sujet deslangues ; certains considĂšrent le crĂ©ole comme “un patois”, d’autrescomme une langue impropre Ă  la communication pĂ©dagogique ;

2) les reprĂ©sentations que se font les parents et les directeurs d’éta-blissements scolaires ou mĂȘme les inspecteurs ; de nombreux enseignantsse plaignent du fait qu’on leur impose l’usage obligatoire des langueseuropĂ©ennes alors que la rĂ©glementation officielle leur offre une libertĂ© dechoix au moins jusqu’à la quatriĂšme annĂ©e du primaire ;

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 127

Rada Tirvassen128

3) les difficultĂ©s qu’entraĂźne l’emploi du crĂ©ole : cette langue n’apas Ă©tĂ© instrumentalisĂ©e et, par exemple, il est difficile aux enseignants detrouver des Ă©quivalents lexicaux de termes techniques employĂ©s en mathĂ©-matiques et en sciences.

On peut rĂ©sumer, sous forme de tableau, quelques uns des traitsessentiels des langues d’enseignement :

Tableau 2 : Synthùse des traits essentiels des languesd’enseignement

Si l’on tente de faire le point sur l’usage des langues d’enseigne-ment, on peut affirmer que parmi les trois langues utilisĂ©es, l’anglaisoccupe une place bien plus importante que les deux autres. D’abord,selon la rĂ©glementation officielle, c’est la seule langue acceptĂ©e Ă  par-tir de la quatriĂšme annĂ©e du primaire. Ensuite, concrĂštement, l’anglaisest la langue unique des manuels. Pour ce qui est des communicationsorales, on peut raisonnablement affirmer que les trois langues, l’an-glais, le français et le crĂ©ole sont plus ou moins Ă©galement utilisĂ©es.Ainsi qu’on l’a affirmĂ© ci-dessus, ce sont les phĂ©nomĂšnes de reprĂ©sen-tation des enseignants qui dĂ©terminent, au moins pour partie, les choixconcrets effectuĂ©s.

L’enseignement des langues vivantes Ă©trangĂšres commence, demaniĂšre formelle et systĂ©matique, dĂšs la premiĂšre annĂ©e du primaire.Tous les Ă©lĂšves des Ă©coles publiques mauriciennes apprennent l’anglaiset le français qui sont deux langues non maternelles pour pratiquementtous les enfants mauriciens. Pour ĂȘtre plus prĂ©cis, on peut penser que

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 128

LA DIDACTIQUE D’UNE LANGUE EN CONTACT :QUELLE FORMATION ASSURER AUX ENSEIGNANTSDU FRANÇAIS A MAURICE ?

129

pour 10 Ă  15 % d’enfants, le français est une L1 ou une L2. Si l’anglaiset le français sont les deux langues obligatoires au primaire, le coeffi-cient de l’anglais aux examens de fin de cycle primaire est supĂ©rieur Ă celui du français : l’anglais compte pour trois cents points et le françaispour deux cents seulement. Par ailleurs, dans le secondaire, le françaisest perçu comme une langue obligatoire aux examens de SchoolCertificate (B.E.P.) et optionnel aux examens de Higher SchoolCertificate (baccalaurĂ©at) : en fait le français n’est guĂšre obligatoiredans le secondaire alors que l’échec en anglais est Ă©liminatoire.

Outre les langues europĂ©ennes, les langues orientales sontaussi enseignĂ©es dans le cycle primaire. Selon les statistiques offi-cielles, 70 % des Ă©lĂšves mauriciens apprennent une langue orientale.Le gouvernement mauricien tente d’ailleurs de valoriser ces languesen trouvant une formule acceptable pour que les notes obtenues dansune de ces langues aux examens de fin de cycle primaire soient prisesen compte pour le classement des Ă©lĂšves Ă©tabli Ă  l’issue de ces exa-mens. Ce classement dĂ©termine, en effet, l’accĂšs aux Ă©coles secon-daires qui sont hiĂ©rarchisĂ©es en fonction de la qualitĂ© de leur ensei-gnement.

Il est important de souligner qu’il existe Ă  Maurice cinq Ă©colesprimaires privĂ©es et deux Ă©coles secondaires privĂ©es oĂč l’on enseigneune des deux langues europĂ©ennes comme L1 et oĂč l’on offre la deuxiĂš-me langue europĂ©enne comme langue Ă©trangĂšre Ă  partir de la troisiĂšmeannĂ©e du primaire. Si le nombre total d’enfants scolarisĂ©s dans ces Ă©ta-blissements est peu Ă©levĂ© (5 000 au maximum), la ruĂ©e vers ces Ă©colesdont les frais de scolaritĂ© reprĂ©sentent la moitiĂ© du salaire moyen d’unMauricien, peut constituer une indication que les Mauriciens sont prĂȘtsĂ  sacrifier le bilinguisme (dans les langues europĂ©ennes) approximatifau profit d’une bonne maĂźtrise d’une langue europĂ©enne.

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 129

Rada Tirvassen130

Conclusion

L’Ile Maurice est une communautĂ© multilingue Ă  laquelle on asso-cie une douzaine de langues. Ce multilinguisme est gĂ©rĂ© sur le mode de larĂ©partition des divers types de fonctions communicationnnelles (l’écrit etl’oral; formelles et sociales, etc.) et symboliques que remplissent deslangues dans une sociĂ©tĂ© multi-ethnique oĂč les stratĂ©gies de revendicationidentitaire sont constitutives de la vie Ă©conomique, politique et culturellede l’üle. Comme toutes les langues, le français a son espace social et sym-bolique, un espace contigu Ă  celui d’autres langues, en particulier le crĂ©o-le et l’anglais. La description de la rĂ©alitĂ© sociolinguistique que nousavons effectuĂ©e offre une idĂ©e de ce contact d’un point de vue macro-sociolinguistique. Nous tenterons maintenant de rendre compte de cer-taines enquĂȘtes qui ont portĂ© sur l’environnement linguistique des enfantset sur les phĂ©nomĂšnes de gestion de langues en milieu familial pour quela photographie proposĂ©e soit plus complĂšte.

Au-delĂ  de ces constatations Ă  caractĂšre gĂ©nĂ©ral, il est nĂ©cessaire desouligner que seuls le crĂ©ole, le français et le bhojpuri assurent les fonc-tions de langues vernaculaires si par langues vernaculaires on entend “leslangues utilisĂ©es dans les Ă©changes informels, entre proches du mĂȘmegroupe” (L. J. Calvet: 1997:292).

2.0 - L’environnement linguistiquedes enfants mauriciens

Cette partie se limite Ă  un survol de donnĂ©es issues d’enquĂȘtes deterrain et se veut complĂ©mentaire Ă  la prĂ©sentation rĂ©alisĂ©e dans la partieprĂ©cĂ©dente. Elle prĂ©sente, nous le pensons, trois intĂ©rĂȘts :

-elle offre quelques informations générales sur le profil linguistiquedes enfants en début de scolarisation ;

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 130

LA DIDACTIQUE D’UNE LANGUE EN CONTACT :QUELLE FORMATION ASSURER AUX ENSEIGNANTSDU FRANÇAIS A MAURICE ?

131

-elle montre que le multilinguisme mauricien se rĂ©sume, pour lesenfants, Ă  un trilinguisme actif (crĂ©ole-français-anglais) qui, lui-mĂȘmes’oppose au bilinguisme crĂ©ole-français de l’environnement familial(l’anglais Ă©tant surtout la langue de l’école) et au tĂ©tralinguisme (crĂ©ole,français, anglais et une langue orientale classique) des enfants apprenantune langue orientale Ă  l’école ; il est Ă  noter qu’il existe aussi un penta-linguisme oĂč des enfants qui sont en contact avec ces quatre langues peu-vent aussi ĂȘtre en contact avec le bhojpuri ;

-elle donne quelques informations sur la gestion linguistique desparents, c’est-Ă -dire sur les choix des parents, leurs dĂ©sirs, etc.

2.1 - Les compétences linguistiques des enfantsmauriciens en début de scolarisation

Il existe trĂšs peu d’études rĂ©alisĂ©es sur l’environnement lin-guistique des enfants mauriciens. Une des premiĂšres enquĂȘtesmenĂ©es sur cette question (R. Tirvassen : 1993) a surtout portĂ© sur ladescription et l’analyse des compĂ©tences linguistiques des enfants endĂ©but de scolarisation dans le primaire. Des trois langues que peuventmaĂźtriser les enfants Ă  ce stade de leur scolarisation, deux (le crĂ©oleet le français) ont Ă©tĂ© retenues dans cette Ă©tude en raison de leurimportance dĂ©mo-linguistique (le crĂ©ole est parlĂ© par tous les enfantsmauriciens) et, surtout, qualitative : dans la plupart des Ă©coles prĂ©-pri-maires, la langue associĂ©e avec la scolarisation est le français. L’étudea consistĂ© Ă  rĂ©aliser des enquĂȘtes sur les compĂ©tences linguistiques etcommunicationnelles dĂ©veloppĂ©es par les enfants au tout dĂ©but deleur scolarisation dans le primaire. Elle a permis de constater qu’en-viron 85% des enfants arrivent Ă  l’école avec la seule maĂźtrise ducrĂ©ole. Environ 15% dĂ©veloppent une compĂ©tence de comprĂ©hensionet d’expression Ă©lĂ©mentaire en français qui s’ajoute Ă  leur compĂ©ten-ce dans ce qui est pour la grande majoritĂ© des enfants mauriciens leurL1.

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 131

Rada Tirvassen132

2.2 - La répartition fonctionnelle des languesen milieu familial

Une deuxiĂšme enquĂȘte permettant d’obtenir quelques renseigne-ments sur l’environnement linguistique des enfants a surtout Ă©tĂ© consacrĂ©eĂ  la gestion des langues, par les parents, en milieu familial. Cette enquĂȘtea Ă©tĂ© menĂ©e auprĂšs d’un premier groupe d’enseignants qui prĂ©parent undiplĂŽme de Teacher’s Diploma (une formation professionnelle d’unedurĂ©e de trois ans Ă  temps partiel destinĂ©e Ă  des enseignants dĂ©tenteurs duHigher School Certificate, l’équivalent du baccalaurĂ©at) et qui ont, enmoyenne, 40 ans. Le deuxiĂšme groupe est constituĂ© de cinq enseignantslicenciĂ©s en lettres modernes. Enfin, nous avons interrogĂ© deux plantons.Deux aspects de la gestion des langues en milieu familial nous ont intĂ©-ressĂ©s : nous avons tentĂ© d’obtenir des informations sur l’usage deslangues entre ces tĂ©moins et leurs parents (quand ils Ă©taient enfants), leursconjoints et, enfin, leurs enfants; ensuite, nous avons intĂ©rrogĂ© les tĂ©moinssur leurs rapports subjectifs avec les langues et sur les langues qu’ils vou-draient faire acquĂ©rir Ă  leurs enfants.

Les rĂ©ponses obtenues Ă  la suite de ces enquĂȘtes offrent quelquesĂ©lĂ©ments d’informations sur la nature de la dynamique sociolinguistiquemauricienne. DĂšs lors qu’il s’agit des attributs sociaux des langues, ilsemble exister un rapport Ă©troit entre certains traits (appartenance eth-nique, appartenance gĂ©ographique et appartenance Ă  une classe socio-pro-fessionnelle) et l’usage des langues de la gĂ©nĂ©ration des parents de nostĂ©moins qui, ont, eux, en moyenne 40 ans. Pratiquement tous les parentsdes tĂ©moins hindous des rĂ©gions rurales employaient le bhojpuri entreeux ; le seul tĂ©moin sino-mauricien affirme que ses parents employaient lehakka alors que les CrĂ©oles de milieu bourgeois employaient le français.

Si maintenant l’on analyse la dynamique des langues sur trois gĂ©nĂ©-rations on peut faire les constatations suivantes :

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 132

LA DIDACTIQUE D’UNE LANGUE EN CONTACT :QUELLE FORMATION ASSURER AUX ENSEIGNANTSDU FRANÇAIS A MAURICE ?

133

-plus de deux tiers de ces tĂ©moins issus de familles bhojpurophonesn’emploient pas le bhojpuri avec leurs conjoints ; pratiquement tous ceuxissus de familles bhojpurophones qui ont employĂ© le bhojpuri Ă  la maisonn’emploient pas le bhojpuri avec leurs enfants.

S’agissant des tĂ©moins qui affirment que leurs parents employaientle crĂ©ole, il existe deux tendances. La plus forte est marquĂ©e par l’usagedu crĂ©ole avec le conjoint et l’utilisation du crĂ©ole et du français avec lesenfants. L’autre est caractĂ©risĂ©e par un usage du crĂ©ole avec tous lesmembres de la famille.

DĂšs lors qu’il s’agit des prĂ©fĂ©rences linguistiques des tĂ©moins, lesrĂ©ponses obtenues montrent une hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© de points de vue. Des quin-ze tĂ©moins qui ont rĂ©pondu Ă  cette question, six affirment aimer le couple“français-crĂ©ole” ; sinon, deux tĂ©moins affirment qu’ils aiment le couple“anglais-français”, deux le crĂ©ole et le bhojpuri, deux autres le crĂ©ole, lebhojpuri et le français, deux l’anglais et le crĂ©ole ; un tĂ©moin dit avoir uneprĂ©fĂ©rence pour l’anglais, le français et le crĂ©ole et enfin un prĂ©tend qu’ilaime uniquement le français. En revanche, lorsqu’il s’agit des languesqu’ils veulent que leurs enfants maĂźtrisent, sur les seize rĂ©ponses obte-nues, sept veulent que leurs enfants connaissent l’anglais et le français ;ces deux langues se retrouvent ensuite dans les autres rĂ©ponses oĂč lestĂ©moins souhaitent que leurs enfants apprennent trois langues.

Ces rĂ©ponses montrent que dĂšs lors qu’il s’agit d’exprimer despoints de vue subjectifs, les sentiments exprimĂ©s peuvent ĂȘtre divers. Enrevanche, lorsqu’il s’agit de l’avenir, de la dimension fonctionnelle deslangues, les choix sont fondĂ©s sur des Ă©lĂ©ments rationnels, c’est-Ă -direqu’ils peuvent ĂȘtre expliquĂ©s. Ces rĂ©ponses permettent de voir pourquoi,alors que les rĂšgles du jeu de la vie socio-Ă©conomique sont claires, il estdifficile de rĂ©concilier les points de vue des acteurs d’une communautĂ©multilingue pour ce qui est de leurs choix subjectifs.

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 133

Rada Tirvassen134

Conclusion

Le français n’est pas la premiĂšre langue qu’acquiĂšrent lesenfants mauriciens, ni d’ailleurs la seule qu’ils apprennent pendant lestoutes premiĂšres annĂ©es de leur scolarisation. Cette langue est une destrois langues qui font partie de l’environnement linguistique desenfants mauriciens (ceux qui apprennent une langue orientale sont encontact avec quatre langues). Le processus d’appropriation de cettelangue, la nature des Ă©noncĂ©s produits par les enfants dans cettelangue, la gestion des frontiĂšres du français, pour nous limiter Ă  cesaspects sont indissociables de cette rĂ©alitĂ©. C’est en tout cas ce quenous montrerons dans les pages qui suivent. Si maintenant l’on analy-se la question qui constitue le fil conducteur de ce projet Ă©ditorial, onpeut conclure que le crĂ©ole est la langue vernaculaire pour la quasi-totalitĂ© des enfants mauriciens, le français assumant ce rĂŽle pour unetoute petite minoritĂ©.

3.0 - Du contact des langues aux pratiques ‘langagiùres’des acteurs de la didactique du français

Jusqu’à prĂ©sent, les observations dont nous avons rendu compteportaient sur le contexte extra-scolaire. Nous allons maintenant Ă©voquerdes enquĂȘtes rĂ©alisĂ©es sur les “pratiques langagiĂšres” de deux catĂ©goriesd’acteurs concernĂ©s par l’enseignement et l’apprentissage du français,c’est-Ă -dire les enseignants et les apprenants. Nous montrerons commentces pratiques (dans le cas des enseignants, il s’agit de leur gestion desfrontiĂšres entre le français et le crĂ©ole) sont indissociables du contact entrele français et, surtout, le crĂ©ole. En mĂȘme temps, il sera aussi question duchoix d’outils adĂ©quats car l’usage du terme “interfĂ©rence” peut entraĂźnerdes perceptions biaisĂ©es concernant le rĂŽle de la L1 lors de l’appropriationde la L2.

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 134

LA DIDACTIQUE D’UNE LANGUE EN CONTACT :QUELLE FORMATION ASSURER AUX ENSEIGNANTSDU FRANÇAIS A MAURICE ?

135

3.1 - La gestion des frontiĂšres

La premiĂšre enquĂȘte s’inscrit dans le cadre d’une recherche menĂ©epar l’UPRES A de l’univesitĂ© de la RĂ©union sur le problĂšme de l’insĂ©cu-ritĂ© linguistique (Bavoux: 1997). Nous avons soumis deux rĂ©dactions Ă deux groupes d’enseignants qui prĂ©paraient, en 1998, des diplĂŽmes de for-mation professionnelle au Mauritius Institute of Education. Le premierĂ©tait dĂ©jĂ  dĂ©tenteur du Teacher’s Diploma (en gros l’équivalent duD.E.U.G.) et prĂ©parait un diplĂŽme d’enseignement qui est l’équivalent dela licence-Ăšs-lettres. Le second Ă©tait dĂ©tenteur du baccalaurĂ©at et prĂ©paraitle Teacher’s Diploma pour pouvoir enseigner l’anglais et le français en finde cycle secondaire.

Les enquĂȘtes ont montrĂ© que les enseignants n’arrivent pas toujoursĂ  Ă©tablir de maniĂšre systĂ©matique les frontiĂšres entre les variĂ©tĂ©s de fran-çais. Cette constatation est confirmĂ©e par une Ă©tude qui porte sur l’utili-sation, par des journalistes mauriciens, des marques indiquant les fron-tiĂšres des langues (D. de Robillard :1993. Il arrive Ă  la conclusion qu’iln’y a pas, chez les journalistes, une perception claire des frontiĂšres entreles diverses variĂ©tĂ©s de français employĂ©es Ă  Maurice. En fait, ces com-portements s’expliquent par le fait que tous les mauricianismes (en gros,des termes frĂ©quemment employĂ©s dans le français rĂ©gional mauricien)ont un statut ambigu. Toujours selon l’enquĂȘte rĂ©alisĂ©e, deux catĂ©go-ries de termes Ă©chappent Ă  la rĂ©action nĂ©gative des tĂ©moins: ce sont lestermes dont la prĂ©sence est attestĂ©e en français standard (“pistache”) maisqui ont en FRM un sens partiellement diffĂ©rent de celui qu’ils ont en fran-çais standard. Il y a aussi le cas des termes qui ont Ă©tĂ© assimilĂ©s sur le planphonique et graphique (“rotis”, “samoussas”). En fait, les termes couram-ment employĂ©s compte tenu des besoins communicationnels desMauriciens sont lĂ©gitimĂ©s par tous les locuteurs. Toutefois, ces termespeuvent faire l’objet d’une attitude de rejet dĂ©pendant des compĂ©tences,en français, du locuteur et de l’identitĂ© qu’il veut revendiquer.

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 135

Rada Tirvassen136

On peut donc conclure qu’en zone franco-crĂ©ole, le lien de parentĂ©gĂ©nĂ©tique entre le crĂ©ole et le français ainsi que les contacts quotidiensque ces deux langues entretiennent permettent un passage frĂ©quent determes d’une langue Ă  l’autre, mĂȘme si l’on sait que ce passage ne se faitde la mĂȘme maniĂšre et n’a pas la mĂȘme signification selon qu’on emprun-te au français (la langue prestigieuse) ou au crĂ©ole. En gĂ©nĂ©ral, les locu-teurs se mĂ©fient des termes qui sont empruntĂ©s au crĂ©ole. Compte tenu dela situation particuliĂšre dans laquelle se trouvent les enseignants puis-qu’ils doivent confronter les productions langagiĂšres avec “la” norme, ilssont souvent dans une situation particuliĂšrement inconfortable eu Ă©gard Ă l’absence d’une codification d’une variĂ©tĂ© de langue qui est employĂ©ecouramment. Ceci est Ă©vident dans la maniĂšre dont certains enseignantssanctionnent les Ă©carts. Il est donc Ă©vident qu’en l’absence d’un amĂ©na-gement du FRM, la nĂ©cessitĂ© d’offrir aux enseignants quelques outils leurpermettant de gĂ©rer, de maniĂšre aussi rationnelle que possible, les pro-ductions langagiĂšres des apprenants (et, sans doute aussi, les leurs) consti-tue une prioritĂ© si la formation ne veut pas ignorer les exigences du ter-rain.

3.2 - Une interview rĂ©alisĂ©e auprĂšs d’un apprenanten dĂ©but de scolarisation

L’extrait ci-dessous est une partie d’une interview rĂ©alisĂ©eauprĂšs d’un apprenant du français qui a le crĂ©ole comme L1 et qui vit ensituation de bilinguisme. Nous nous livrons Ă  une petite analyse de cetextrait qui a Ă©tĂ© soumis Ă  des stagiaires que le Mauritius Institute ofEducation forme pour enseigner le français dans le cyle primaire. Notreobjectif est de montrer que si le contact entre le français et, en particulierle crĂ©ole, ne peut ĂȘtre ignorĂ© dans tout programme de formation des ensei-gnants, une absence d’outils adĂ©quats permettant aux enseignants d’ana-lyser les productions langagiĂšres des apprenants de maniĂšre prĂ©cise peutconduire Ă  des interprĂ©tations inexactes.

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 136

LA DIDACTIQUE D’UNE LANGUE EN CONTACT :QUELLE FORMATION ASSURER AUX ENSEIGNANTSDU FRANÇAIS A MAURICE ?

137

Extrait d’une enquĂȘte rĂ©alisĂ©e en 1999 auprĂšs d’un apprenant ayant4 ans.

Quand tu arrives Ă  la maison, qu’est-ce que tu vas faire?E - Je vais jouer
 CĂ©drick, elle m’a battĂ© 
R - Et toiE - Moi je l’ai pas battĂ© moi 
R - Pourquoi il l’a battĂ©?E - Elle m’a griffĂ© lĂ  
R - Qu’est-ce que la maman a fait?E - Ma maman a battĂ© CĂ©drick.R - Aujourd’hui, tu vas jouer avec CĂ©drick?E - Avec Chrystel je vais jouer
.R - A quoi vous aller jouer?E - A le mĂ©decin
R - Ce matin quand tu t’es rĂ©veillĂ©e, qu’est-ce que tu as fait
E - C’est toutR - Et hier Ă  la mer?E - J’ai nagé  AprĂšs j’ai parti jardin d’enfants 
.E - Ma maman a regardé  aprĂšs j’ai glissĂ© 
R - Il y a balançoir 
 balançoire bĂ©bĂšte est cassĂ©e 


Si l’on se limite Ă  l’analyse des syntagmes verbaux produits, lors del’enquĂȘte, par le tĂ©moin, on peut dire qu’ils s’inscrivent dans la mĂȘmedynamique que celle qui caractĂ©rise des systĂšmes linguistiques en voied’acquisition:

1° il a tendance Ă  surgĂ©nĂ©raliser l’auxiliaire avoir au dĂ©triment del’auxiliaire ĂȘtre; si l’on replace l’analyse dans le cadre de l’ensemble de l’en-quĂȘte, on peut dire que sur seize Ă©noncĂ©s contenant des auxiliaires, il emploiecorrectement l’auxiliaire avoir neuf fois; il emploie correctement l’auxiliaireĂȘtre quatre fois mais la substitue Ă  l’auxiliaire avoir Ă  trois reprises;

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 137

Rada Tirvassen138

2° il n’emploie pas la tournure pronominale et substitue la formeactive à la forme passive :

balançoire bébÚte est cassée.

3° il y a une variation prĂ©positionnelle oĂč la prĂ©position Ă  alterneavec la prĂ©position zĂ©ro:

j’ai parti jardin d’enfants;

Au niveau des dĂ©sinences verbales du passĂ© composĂ©, le tĂ©moinmaĂźtrise la forme de la premiĂšre personne des verbes Ă  une base verbale,et Ă  deux bases sauf pour le verbe battre pour lequel elle emploie la dĂ©si-nence d’un verbe Ă  une base:

Moi je l’ai pas battĂ©; elle m’a battĂ©.

Sans entrer dans les dĂ©tails, on peut dire que les Ă©carts que contien-nent les productions langagiĂšres de cet apprenant peuvent, au pire, ĂȘtreclassĂ©s dans un “fatras de faits alĂ©atoires” (Jo Arditty: 1986:19) ou, aumieux, ĂȘtre catĂ©gorisĂ©s comme des erreurs qu’il faut corriger. Toutefois,les instruments les plus appropriĂ©s pour rendre compte de ce genre de pro-ductions langagiĂšres sont issus des travaux rĂ©alisĂ©s sur l’acquisition deslangues. En effet, les productions langagiĂšres de cet apprenant :

-sont marquĂ©es par une certaine rĂ©gularitĂ© et une systĂ©maticitĂ©;-renvoient Ă  ses compĂ©tences individuelles;-sont de nature transitoire puisque c’est un apprenant en situation

d’apprentissage. En fait, le concept le plus appropriĂ© pour modĂ©liser ce type de pro-

ductions langagiùres est le concept d’interlangue.

Cet extrait, ainsi que d’autres caractĂ©risĂ©s par les mĂȘmes traits, a Ă©tĂ©soumis, dans divers cours de formation, Ă  des enseignants. DĂšs qu’ilsvoient des structures marquĂ©es par la simplification de structures com-

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 138

LA DIDACTIQUE D’UNE LANGUE EN CONTACT :QUELLE FORMATION ASSURER AUX ENSEIGNANTSDU FRANÇAIS A MAURICE ?

139

plexes ou la surgĂ©nĂ©ralisation, ils ont systĂ©matiquement tendance Ă  lesmettre sur le compte de l’influence de la L1 en employant d’ailleurs leterme d’interfĂ©rence que les spĂ©cialistes de l’acquisition des langues veu-lent Ă  tout prix Ă©viter (Corder:1994). Ceci nous permet d’avancer que si lagestion des frontiĂšres des langues appelle une prise en compte du contactentre le français et les autres langues, il est nĂ©cessaire de fournir les ins-truments adĂ©quats aux enseignants pour que les Ă©carts dans les produc-tions des apprenants ne soient apprĂ©hendĂ©s qu’à partir d’outils inadĂ©quatsqui offrent une explication biaisĂ©e de la maniĂšre dont le français estappris.

Pour revenir Ă  la question plus spĂ©cifique de la place des languesvernaculaires dans le dispositif de formation des enseignants, on peut direqu’elle a une prĂ©sence implicite: on ne nie pas leur prĂ©sence dans l’envi-ronnement sociolinguistique des apprenants et dans leur parcours d’ap-prentissage. On les pose, en particulier le crĂ©ole, comme un obstacle Ă l’appropriation du français.

Conclusion

Le survol de la rĂ©alitĂ© des langues Ă  Maurice, de quelques aspectsde l’environnement linguistique des enfants mauriciens et des pratiqueslangagiĂšres des acteurs directement concernĂ©s par l’enseignement dufrançais, rĂ©vĂšle quelques faits incontournables :

-au plan linguistique, le contact, au sens presque littéral du terme,entre le français et les autres langues entraßne une difficile gestion desfrontiÚres entre le français et le créole surtout; les enseignants, investis dela mission de transmettre une langue normée sont les premiers concernéspar cette difficulté;

-au plan sociolinguistique, le français ne peut ĂȘtre dissociĂ© desenjeux symboliques constitutifs de la vie communautaire: on peut penser,

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 139

Rada Tirvassen140

que pour partie, les choix qu’effectuent les enseignants quand ils gĂšrentles questions linguistiques Ă  partir de leurs propres reprĂ©sentations sontdĂ©terminĂ©s par ces enjeux;

-Ă  l’école, le processus acquisitionnel appelle une capacitĂ© Ă  apprĂ©-cier les productions langagiĂšres des apprenants en Ă©vitant de les associerde maniĂšre systĂ©matique avec la L1.

Il est alors Ă©vident que la formation des enseignants ne peut igno-rer la nĂ©cessitĂ© de transmettre des outils adĂ©quats qui permettent de sai-sir la vraie nature des productions des apprenants et qui leur offrent desinformations les aidant Ă  mieux assurer la difficile gestion des frontiĂšresentre le français et les autres langues. Deux Ă©lĂ©ments doivent caractĂ©riserces outils : la prise en compte du contact entre le français et les autreslangues constitue une nĂ©cessitĂ© incontournable; ce n’est pas sur le modede la culpabilisation linguistique qu’il faut aborder (implicitement, certes,mais le non-dit est toujours puissant) le rĂŽle que jouent les langues verna-culaires sur l’appropriation des L2. Sinon, l’école continuera Ă  vĂ©hiculerdes stĂ©rĂ©otypes peu propices au respect de l’identitĂ© de l’apprenant


Rada Tirvassen

Bibliographie

ARDITTY Jo, 1986: “PrĂ©sentation”, in Acquisition d’une langue Ă©trangĂš-re, Perspectives de recherches, Actes du colloque international, Aix-en-Provence, RĂ©unis par A. Giacomi et D. VĂ©ronique, UniversitĂ© deProvence, pp. 19-22.

BAGGIONI, D. et ROBILLARD, D. 1990 : Ile Maurice, une francopho-nie paradoxale, Espace Francophone, L’Harmattan, 185 p.

C. BAVOUX, (Éd.), 1997: Français rĂ©gionaux et insĂ©curitĂ© linguistique,

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 140

LA DIDACTIQUE D’UNE LANGUE EN CONTACT :QUELLE FORMATION ASSURER AUX ENSEIGNANTSDU FRANÇAIS A MAURICE ?

141

L’Harmattan/UniversitĂ© de la RĂ©union, pp. 135-150.CALVET, L.-J., 1993 : La sociolinguistique, Presses Universitaires de

France.CHAUDENSON, R., 1979: “Le français dans les Ăźles de l’OcĂ©an Indien”,

Le français hors de France, Valdman A., éd., Paris Champion, 543-617.

CHAUDENSON, R., 1984 : “Vers une politique linguistique et culturelledans les Dom français”, in Études CrĂ©oles, Vol. VII, Nos. 1et2, DidierÉrudition, p. 126-141.

CHAUDENSON, R., 1989 : CrĂ©oles et enseignement du français,L’Harmattan, Paris, 198 p.

CHAUDENSON, R., et ROBILLARD, D., 1989 : Langues, économie etdéveloppement, Coll. Langues et développement, Tome I, Marquis,Montmagny, (Québec) 257 p.

CZIFFRA, C., 1982 : Statut et fonctions de l’anglais et du français Ă  l’IleMaurice : les pouvoirs lĂ©gislatif et judiciaire et la presse Ă©crite,MĂ©moire de maĂźtrise, UniversitĂ© de la RĂ©union, 144 p.

PIT CORDER, 1993: “A role for the mother tongue”, in LanguageLearning and Language Transfer, S. Gass & L. Selinker (eds.), JohnBenjamins Publishing Company, pp. 18-31

ROBILLARD, D., 1991 : “DĂ©veloppement, langue, identitĂ© ethnolinguis-tique : le cas de l’Ile Maurice, in Langues, Economie et dĂ©veloppe-ment, Tome 2, F; Jouannet et al., pp 123-181.

ROBILLARD, D. ,1993: “Le langage des gens, c’est beaucoup leur mai-son”: Perception et traitement des (variĂ©tĂ©s de) langues en contact dansla presse Ă©crite Ă  l’Ile Maurice: Ă©tude d’une gestion de la “citation dela langue” Ă  travers un sondage sur les “marques” dans la presse, inÉtudes CrĂ©oles, Vol XVI, No.2, AUPELF-ACCT, Diffusion DidierÉrudition, pp 9-39.

TIRVASSEN, R. ,1993: “Le bilinguisme crĂ©ole français des enfants Ă l’Ile Maurice” in Les Enfants, les langues, l’école : les cas du Congoet de Maurice, F. LUMAMWU, M. MISSAKIRI, C NTSADI, et R.

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 141

Rada Tirvassen142

TIRVASSEN,Marquis (Québec) Montmagny, pp.75- 152.TIRVASSEN, R., 1998: Langues, éducation et développement: le cas de

Maurice (550 pages). ThĂšse soutenue en mars 1998 Ă  l’universitĂ© deProvence sous la direction du Professeur Robert Chaudenson., Paris.

TIRVASSEN, R., 1997: Le dĂ©veloppement des aptitudes communication-nelles au prĂ©-primaire Ă  l’Ile Maurice ou la nĂ©gation de l’apport de lasociolinguistique Ă  la didactique des langues in Conctacts de langues,contacts de cultures, crĂ©olisation, L’Harmattan, pp 373-387.

TIRVASSEN R., 2000: Français régionaux et insécurité linguistique, 12pages, non-dif.

EXPRESSIONS 16 INT. 12/10/04 16:24 Page 142