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Universit de Paris 12 Val de Marne
Institut de Recherche en Gestion
LA CONFIANCE COMME MODE DE CONTROLE SOCIAL
LEXEMPLE DES CABINETS DE CONSEIL
THESE
Pour lobtention du titre de
DOCTEUR ES SCIENCES DE GESTION
Frdric BORNAREL
Dcembre 2004
JURY
Directeur de thse : Isabelle HUAULT
Professeur lUniversit de Panthon Assas Paris 2
Rapporteurs : Jos ALLOUCHE
Professeur lIAE de Paris- Universit de Paris 1 Panthon Sorbonne
Patrick JOFFRE
Professeur lIAE de Caen
Suffragants : Julienne BRABET
Professeur lUniversit de Paris 12 Val de Marne
Bernard RAMANANTSOA
Directeur Gnral du groupe HEC
2
Remerciements
A mon directeur de thse, Madame le Professeur Isabelle Huault, jexprime ma gratitude.
Ce travail naurait pu voir le jour sans son prcieux soutien. Sa grande disponibilit, ses
nombreuses lectures attentives et ses commentaires stimulants, nous ont aid surmonter les
priodes critiques et achever notre travail de recherche. Je la remercie galement de mavoir
encadr tout en maccordant sa confiance, et de mavoir laiss libre de conduire mes
rflexions personnelles.
Lengagement dans ce travail de recherche est une dcision surprenante, une dcision non
calcule qui revt la nature dun pari. Parfois, il suffit dune seule rencontre stimulante pour
voir ses projets professionnels redfinis. Celle-ci eut lieu alors que jtais tudiant dans la
MSG dirige par Monsieur le Professeur Jos Allouche. Elle mouvrit les portes dun DEA et,
incapable de rsister au dfaut de curiosit, celles de la thse. Aujourdhui, jai le plaisir de le
remercier la fois pour cette rencontre mais galement pour avoir accept dtre rapporteur.
Je remercie galement Monsieur le Professeur Patrick Joffre davoir accept dtre rapporteur
sur mon travail, ainsi que Madame le Professeur Julienne Brabet et Monsieur le Directeur
Gnral du groupe HEC Bernard Ramanantsoa de participer en tant que suffragants.
Enfin, loccasion mest galement permise de tmoigner ma reconnaissance aux diffrents
chercheurs et professionnels qui, malgr un emploi du temps charg, ont eu lamabilit de me
recevoir lors de la phase exploratoire de mon tude, en particulier : M. Berry, A. Bounfour,
G. Forestier, O. Henry, G. Minguet, B. Ramanantsoa, P. Stern, J-M Thirion, F. Vermeulen et
M. Villette.
3
Sans la confiance des hommes les uns envers les autres la socit tout entire se
disloquerait. Rares, en effet, sont les relations uniquement fondes sur ce que chacun sait de
faon dmontrable de lautre, et rares celles qui dureraient un tant soit peu, si la foi ntait
pas aussi forte, et souvent mme plus forte, que les preuves rationnelles ou mme
lvidence ! .
Simmel
Les gens qui nous donnent leur pleine confiance croient par l avoir un droit sur la ntre.
Cest une erreur de raisonnement, des dons ne sauraient donner un droit
Nietzsche
4
SOMMAIRE
INTRODUCTION 05
1re
Partie : LA CONFIANCE : UN INSTRUMENT DANALYSE DU FONCTIONNEMENT INTERNE DES ORGANISATIONS 25
Chapitre 1. La confiance : un concept ambigu 26
Chapitre 2. La confiance : traits du comportements et contextes situationnels 75
Chapitre 3. Formes et niveaux de confiance 121
Chapitre 4. Confiance, coordination, structure 151
Synthse de la revue de la littrature 204
2me
Partie : LEPREUVE DES FAITS 206
Chapitre 1. Dmarche mthodologique 207
Chapitre 2. Cas A. Un univers menaant contraignant linvestissement dans des relations
de confiance verticales 254
Chapitre 3. Cas B. Les valeurs : un mecanisme de coordination defavorable
lapparition rapide des relations de confiance horizontales et verticales 314
Chapitre 4. Cas C. La confiance : un moyen de contraindre laction en facilitant
lapparition de nouveaux modes de contrle 377
Synthse de lanalyse de cas et perspectives pour lanalyse compare 431
Chapitre 5. Analyse inter-cas. La confiance : une relation contrainte renforant le
contrle de la direction, lopportunisme du management et facilitant lobtention de gains
de coordination. 436
CONCLUSION 486
BIBLIOGRAPHIE 506 TABLE DES MATIERES 523 LISTE DES TABLEAUX 530
ANNEXES 535
5
INTRODUCTION
Le thme de la confiance est lobjet dun vif engouement en Sciences de Gestion et lorigine
dune production considrable darticles dans lensemble des domaines de la gestion : finance,
marketing, ressources humaines, comme lillustre le numro spcial d Economies et
Socits paru en 1998.
Cet engouement autour de la question de la confiance nous a profondment interpell, il a t
llment dclencheur de notre engagement dans ce travail. En effet, notre premire
interrogation a t la suivante : pourquoi la question de la confiance est-elle dsormais si
vitale pour lorganisation ? Plus prcisment, pourquoi cette question de la confiance
apparat-elle alors que les principaux grands courants de la thorie des organisations,
notamment lapproche scientifique, bureaucratique et, dans une moindre mesure, celle des
configurations organisationnelles, y accordent peu de considration ?
Cet intrt pour le concept est, probablement, relier aux changements de lunivers
concurrentiel de la firme, notamment partir des annes 1980, priode qui voit lmergence
dun nouveau modle dorganisation dans lequel la gestion des interfaces a un rle
prpondrant (Velz & Zarifian ; 1993). Les modles traditionnels fonds sur un couplage de
lautorit et des procdures semblent de plus en plus inadapts au contexte actuel. Les
critiques, toujours plus toffes, adresses aux principes de la planification collective
tmoignent de cette volont de dpassement :
() les textes de management des annes 1960 critiquent, explicitement ou implicitement, le
capitalisme familial tandis que les textes des annes 1990 ont pour principal repoussoir les
grandes organisations hirarchises et planifies ( Boltanski et Chiapello ; 1999, p 103).
Il est intressant de remarquer que les critiques adresses lencontre du capitalisme familial
perdent en substance au regard des travaux actuels mettant en avant un retour triomphal de
celui-ci (Allouche & Amann ; 1995), les entreprises familiales se distinguant par un contexte
favorable lapparition de relations de confiance (Allouche & Aman ; 1998, 2002).
6
Sinterrogeant sur le rle de la confiance comme explication possible des performances des
entreprises familiales, Allouche et Amann (1999) rvlent limportance de la nature des liens
existant entre les dirigeants de lentreprise familiale et ses salaris. Les auteurs mettent en
vidence le rle clef de la convergence des intrts grce ltablissement dun fort esprit
de communaut dont lun des principaux avantages est de limiter son maximum les
risques dopportunisme. Ainsi, les membres de la famille, par le partage des valeurs et
croyances, sont condamns coordonner leurs actions en recourant la confiance
rciproque.
Il semble qu un certain niveau dincertitude, leffort de rationalisation trouve ses limites ou
plutt met jour, de manire toujours plus prgnante, lincapacit de la logique rationnelle
rationaliser suffisamment. La recherche dun tout rationnel est alors une qute illusoire
comme le souligne Mintzberg (1982) :
La vie est tout simplement trop complexe pour tre compltement rgule. La
standardisation doit tre accompagne dajustement mutuel, ne serait-ce que pour faire face
limprvu () Le message est le suivant : il est pratiquement impossible un systme
totalement rgul de fonctionner, faute de pouvoir recourir la communication informelle .
(Mintzberg ; 1982, p65).
La confiance est incompatible avec la vision mcaniste des thories organisationnelles
classiques dont labsence de considration pour laffectivit et les sentiments dans lanalyse
des problmes de coopration constitue une critique forte leur gard :
Du fait que leurs auteurs (des premires thories de lorganisation) pensaient que le
processus dintgration tait purement mcaniste et entirement rationnel, ils ont ignor les
sentiments et laffectivit qui sont associs aux efforts de coopration dans lorganisation
(Lawrence & Lorsch ; 1967, p 30).
Ds lors que lorganisation nest plus dans les ornires dun effort constant de rationalisation,
la recherche dune amlioration continue des formes de coordination classiques pour
affronter lincertitude, la confiance apparat comme le remde aux maux de la coordination en
permettant la prsence de relations interpersonnelles toujours plus nombreuses :
La confiance est un lubrifiant important du systme social ; elle est extrmement
efficiente ; elle vite de se donner la peine davoir apprcier le crdit que lon peut
7
accorder la parole des autres. Malheureusement, ce nest pas une marchandise que lon
peut facilement acheter (Arrow, 1974 : p 23).
Cependant, si la confiance est une question dactualit, il est alors suggr que les avantages
qui lui sont attribus sonnent comme une rponse aux problmes de lorganisation
contemporaine.
Autrefois inutile ou incohrente avec les prsupposs des thories classiques, la confiance
prsente de nombreux effets positifs (Kramer ; 1999), elle est prsente comme le remde
de nombreux maux. Dsormais, la confiance est omniprsente dans lorganisation (Usunier &
Roger ; 1999). Elle influence la qualit des relations et lefficacit du management (Zand ;
1972, Mishra & Spreitzer ; 1998, Wicks & ali ; 1998), elle agit sur la rapidit de la prise de
dcision en comblant les espaces dincertitude lorigine dun manque dexhaustivit de
linformation disponible (Arrow ; 1974, Boisot ; 1987, Nooteboom ; 1993 & Chiles & Mc
Mackin ; 1996), elle rduit la complexit du systme dinteraction entre les acteurs en
autorisant le choix parmi un ensemble de solutions acceptables (Luhmann ; 1979) et en
vitant dinstaurer des dispositifs de contrle coteux (Arrow ; 1974), elle permet la
construction de services personnaliss (Breton & Wintrobe ; 1986), elle facilite laccs des
informations difficilement accessibles par la voie du march (Granovetter ; 1985, Uzzi ; 1996,
1997), elle rduit les cots de transaction (Dyer & Chu ; 2003), elle amliore la mobilisation
du personnel (Mc Evily & ali ; 2003), elle facilite le transfert des connaissance (Uzzi &
Lancaster ; 2004), elle est mme un lment dterminant la performance conomique dun
pays (Fukuyama ; 1994, Usunier & Roger ; 2000).
Pouvons-nous en dduire que, dans le domaine des sciences de gestion, ce concept na
dintrt qu travers une application borne lanalyse des nouvelles formes
organisationnelles ou aux nouvelles relations interentreprises fondes sur des considrations
non strictement marchandes ?
Cette interrogation est dautant plus dconcertante que la confiance est un concept tudi dans
dautres disciplines, notamment la sociologie et la psychologie, depuis plusieurs dcennies.
Des auteurs de rfrence, comme Durkheim (en sociologie) et Deutsch (en psychologie
sociale), jusqualors ignors en gestion, sont abondamment cits.
8
Ainsi, interroger la notion de confiance nous semble sinscrire dans une dmarche paradoxale.
En effet, analyser la confiance participe, le plus souvent, dune dmarche de rflexion centre
sur lanalyse de problmes organisationnels contemporains en considrant des arguments ou
des rflexions thoriques dj mises en vidence par les pres fondateurs de la sociologie
conomique (Weber, Durkheim, Veblen et Simmel). Des arguments discuts il y a prs dun
sicle mais sur lesquels se btissent des thories modernes, comme celle de lencastrement de
Granovetter (1985) par exemple, et contribuent la fondation dune nouvelle cole de
pense : la nouvelle sociologie conomique.
Le recours au concept de confiance et, plus largement, la thorie des rseaux, se fonde, en
partie, sur lincapacit ou la dfaillance des mcanismes de coordination traditionnelle : le
march et la hirarchie pour rpondre aux problmes de lincertitude et cela, quelles que
soient les sources de lincertitude, comme le rsume le propos suivant :
Dans la conjoncture des annes quatre-vingt-dix o lincertitude des marchs, la
permanence de linnovation technologique et dautres facteurs augmentent limprvisibilit,
sociologues et conomistes se sont remis tudier le rle des valeurs partages, des relations
personnelles, de la confiance et des rseaux dans la conduite des affaires (Bagla-Gkalp ;
1998, pp 16-17).
Ainsi, la prise en compte du concept de confiance semble sinscrire dans une dmarche
progressive.
Dans un premier temps labandon de leffort de rationalisation serait lorigine de
lapparition marque de la confiance puis, dans un deuxime temps, lefficience prsume de
son recours, notamment par les conomies de contrle quelle engendre, apparat comme
largument plaidant en faveur de sa gnralisation dans la typologie des formes de
coordination. Alors que la confiance est envisage comme une solution de dpit, avec Arrow
(1974) la perspective change : la confiance est un vecteur defficience.
De plus, si la confiance suppose des conomies de contrle, elle est galement lorigine
dune remise en cause des mrites habituellement accords la structure hirarchique :
() sil est vrai que linternalisation au sein dune entreprise permet effectivement de
mieux raliser des transactions complexes et idiosyncratiques, il nest absolument pas vident
que cela sexplique par lorganisation hirarchique ; leffet de linternalisation est peut-tre,
au contraire, de permettre le dveloppement dun rseau encore plus dense de relations
9
sociales que celui qui existait auparavant entre des lments indpendants du march
(Granovetter ; 1985, p106).
En effet, il semble que lexercice de lautorit devienne plus subtil et sous-entendu plus
efficace, en se fondant sur lingrdient confiance (1999, p 122) :
Comme ils (les manageurs) ne peuvent plus sappuyer sur la lgitimit hirarchique, ni,
comme par le pass, manipuler les esprances de carrire (), les managers sont censs
simposer par leurs comptences et leur charisme, circonscrire les acteurs grce
lefficacit de leur rseau de relations personnelles qui leur procure information et aide,
mobiliser les nergies par la puissance de leur vision et leurs qualits daccoucheurs du
talent des autres et de dveloppeurs de potentiels. () Lautorit quils acquirent sur leurs
quipes est lie la confiance qui leur est accorde grce leurs qualits de
communication et d coute qui se manifestent dans le face--face avec les autres .
(Boltanski et Chiapello ; 1999, p122).
Lexercice de lautorit semble dsormais davantage reposer sur laptitude des managers se
transformer en leaders cest--dire leur capacit dinspirer confiance pour faciliter davantage
la mobilisation du personnel. Ds lors, cette combinaison autorit confiance nest-elle pas
un moyen de renforcer la contrainte de laction ?
En ce sens, le recours la confiance est susceptible de sinscrire dans une dmarche motive
par la recherche defficience tout, en donnant lillusion que les acteurs sont moins contraints
car ils semblent jouir de davantage de libert.
Ainsi, la perspective sinverse. Dsormais, il est rationnel de favoriser la confiance.
Comprendre la structure de lchange devient essentiel pour comprendre les facteurs
lorigine de lapparition de la confiance. En effet, si comme lcrit Arrow (1974), les relations
de confiance sont extrmement efficientes alors il est ncessaire de comprendre comment
elles apparaissent et de sinterroger sur la question suivante : Existe-t-il des contextes plus
favorables que dautres lapparition de la confiance ?
A cette question, lapproche culturaliste rpond positivement. Lhypothse se rsume de la
faon suivante : le partage des valeurs par les membres dune communaut est la principale,
implicitement lunique, source de confiance.
10
La question de linfluence du contexte national sur la production de confiance et, surtout la
relation confiance / performance du pays a t lobjet dune tude clbre conduite par
Fukuyama (1995). Selon cet auteur, la performance conomique de nombreux pays est
directement relie au niveau de confiance rgissant les rapports entre les membres dune
mme communaut. Fukuyama (1995) considre le contexte comme central dans sa
dfinition de la confiance :
La confiance reprsente les attentes qui se constituent, lintrieur dune communaut
rgie par un comportement rgulier, honnte et coopratif, fond sur des normes
habituellement partages de la part des autres membres de cette communaut .
Procdant une vrification empirique des rsultats de Fukuyama (1994), Usunier et Roger
(1999) confirment, en partie, les rsultats, notamment celui concluant que la France est un
pays faible confiance et lAllemagne un pays forte confiance. Cependant, le lien entre
confiance et performance est contredit. Il existe des contextes nationaux davantage favorables
la confiance que dautres mais un haut niveau gnral de confiance dans un pays nest pas
lassurance dune performance conomique suprieure, comme le dmontre lexemple de la
France (Usunier & Roger ; 1999). Lanalyse nignore-t-elle pas lexistence de relations de
confiance moins globales, plus difficilement perceptibles, mais nanmoins cruciales pour
prciser la relation entre confiance et performance du pays ?
Les groupes daffaires analyss par Granovetter (1994, 1995) constituent une rponse cette
interrogation.
A linstar de Coase qui sinterrogeait sur lexistence de la firme en 1937, Granovetter poursuit
la rflexion en y ajoutant la question suivante : pourquoi les groupes daffaires existent-
ils ?1 . Pourquoi les firmes sorientent-elles vers la coopration et nexercent-elles pas leur
activit de manire isole ? Quels sont lments clefs permettant cette agglomration de
firmes ? Lanalyse de Granovetter ne porte pas sur la question du pourquoi, qui par ailleurs
trouve de nombreuses justifications dans lanalyse conomique (dpendance des ressources,
conomies dchelle) mais sur la question du comment (Granovetter ; 1995, p94).
1 A business group is a collection of firms bound together in some formal and / or informal ways (Granovetter ; 1994).
11
A lappui de Leff (1978), suggrant que les membres dun groupe daffaires sont lis par des
relations de confiance interpersonnelles, fondes sur des similitudes personnelles ou thiques,
Granovetter lie la construction des groupes daffaires lexistence pralable dun lien de
solidarit et dune structure sociale. Ainsi, la convergence dintrts financiers comme
motivation du regroupement dentreprises nest pas une caractristique majeure du groupe
daffaires. Lexistence des groupes daffaires ne peut tre rduite des considrations
strictement marchandes.
A la diffrence de Fukuyama, en interrogeant la notion de Groupes daffaires, Granovetter
apporte une explication plus prcise des performances entre pays. Bien que lanalyse des
groupes daffaires ne soit pas aise (lanalyse est complique par la nature non juridique des
groupes), elle met en vidence limportance des liens personnels existants entre les
principaux responsables des entreprises ; ces liens pouvant dailleurs conduire lapparition
de districts industriels et assurer la vitalit conomique dune rgion (Barabel, Huault &
Meier ; 2002).
Ds lors, la lumire des rflexions de Granovetter, lanalyse compare des performances
inter-pays prsente par Fukuyama est susceptible de sinterprter diffremment. Si les
Allemands ne sont pas plus performants que les Franais malgr une prdisposition plus forte
pour tisser leurs relations professionnelles sur des relations de confiance mutuelles (Usunier
& Roger ; 1999) probablement quen France les relations de confiance sont de nature
diffrente, moins tangibles ou invisibles (pour reprendre lexpression de Granovetter)
mais galement concentres entre les mains de personnes clefs. En rsum, lanalyse de
Granovetter met en vidence que limportant nest pas uniquement le niveau gnral de
confiance mais la localisation des rseaux de confiance. Des relations interpersonnelles de
confiance entre quelques acteurs clefs sont susceptibles de faciliter lessor conomique dun
pays et cela malgr un encastrement dans un cadre o la plupart des relations se caractrisent
par un faible degr de confiance.
La question de la localisation met en vidence le rle clef assur par la famille. Selon
Granovetter (1995), la solidarit plus marque dans les entreprises familiales constitue un
argument utile pour comprendre lomniprsence du rle important assur par la famille dans
lconomie mais, il semble que ce rle soit souvent nglig dans les tudes globales qui
12
accordent une importance plus forte aux grandes organisations et leur expertise pour justifier
le succs de leur croissance :
Because the comparative advantage of families in economic life rested on strong trust,
however, and because it was assumed that this trust did not guarantee technical or
managerial expertise, this vote of confidence in the role of families in the economy was
limited (Granovetter ; 1995, pp 108-109).
Cependant, les liens familiaux et ethniques sont favorables lapparition de relations
interpersonnelles fortes et empreintes de solidarit. Par exemple, nous explique Granovetter
(1995), lorsque les affaires sont conduites par des minorits ethniques, cette situation est
souvent propice lapparition de comportements solidaires. Cette illustration, par le rle de la
famille et des minorits ethniques, met en vidence que lanalyse globale de la confiance, au
niveau dun pays par exemple, carte des rflexions linfluence de relations de confiance
interpersonnelles, parfois marginales, mais pouvant conduire la formation denclaves
ethniques (Granovetter ; 1995, p110), et permettre dasseoir un positionnement avantageux
pour lexercice dactivits conomiques particulires ou marginales.
Lanalyse des relations de coopration observes par Barabel, Huault & Meier (2002) dans
trois districts industriels franais prsente des rgions dont le dynamisme conomique repose
sur laptitude dune multitude dorganisation appartenant une mme rgion de dvelopper
des relations coopratives efficaces, teintes de comptition. Selon les auteurs, le district
industriel peut tre dfini comme un territoire restreint sur lequel une forte concentration
dentreprises indpendantes spcialises au sein dune mme filire, sengagent dans une
coopration de long terme souvent peu formalise, fonde sur des relations de solidarit et de
confiance entre les membres de la rgion, avec le soutien dacteurs politiques locaux
(Barabel & ali ; 2002, p94). Les relations entre les membres du rseau sont encastres
structurellement : les relations conomiques sont insres dans des systmes durables et
concrets de relations sociales, dans des rseaux de relations de personne personne, qui
apparaissent au niveau le plus lmentaire, tout en tant relis un niveau plus global
(Barabel & ali ; 2002, p92).
Granovetter (1995) prcise lanalyse en tudiant linfluence de la structure hirarchique sur
les groupes daffaires. Les groupes daffaires sont diviss en distinguant ceux regroupant des
13
partenaires gaux de ceux ou les relations ne sont pas galitaires afin de prciser lanalyse en
intgrant la dimension horizontale / verticale :
In general, groups originating from a single focal firms are likely to be more vertically
oriented, at least at the outset, whereas those formed from a coalition of roughly equal parties
will have a much more horizontal character. Whether groups maintain their original
configuration of vertical and horizontal ties depends on how this configuration meshes with
the rest of their institutional environments over long periods of time, and so must be
considered problematic and thus deserving of closer investigation (Granovetter ; 1995,
p117).
Par exemple, les Zaibatsu (groupes daffaires japonais) sont davantage organiss
verticalement. Ainsi, si la performance conomique du Japon est lie la confiance, elle est
lie une forme de confiance particulire : la confiance verticale.
En rsum, sinterroger sur la relation entre la performance dun pays et son niveau de
confiance carte de lanalyse des lments prcieux. Au-del, du niveau de confiance, il
apparat, qu la lumire des explications de Granovetter (1995), la performance conomique
est davantage relier la localisation de la confiance, notamment entre les acteurs clefs du
rseau (les chefs dentreprise par exemple), mais galement ses caractristiques ou sa
nature. Par exemple dans les groupes daffaires nippons la relation de confiance apparat dans
un cadre hirarchique. Par ailleurs, il convient dajouter que si les relations interpersonnelles
de confiance facilitent la coopration, elles favorisent la fois une coopration
complmentaire (fonde sur la division du travail) et une coopration communautaire (fonde
sur le partage des valeurs). Deux formes de coopration qui sencastrent comme en tmoigne
lun des principaux rsultats de lanalyse de Barabel & ali (2002) sur les districts industriels :
La coopration nat de la dpendance interentreprises, issue de la forte spcialisation des
acteurs qui oblige les firmes recrer une chane de valeur, sous la forme dune combinaison
de capacits de production et dexpertises pointues. La concentration gographique et la
proximit culturelle des entreprises permettent une meilleure circulation de linformation, en
ce qui concerne les pratiques et les innovations. Mais cette collaboration ne supprime pas la
comptition qui reste intense et souvent bnfique pour le dynamisme du secteur (Barabel &
ali ; 2002, p108).
14
Lanalyse nous suggre que la prsence de relations de confiance de nature diffrente
(fondes sur des indicateurs diffrents ou diffremment pondrs) accompagnent des relations
de coopration distinctes dont lentremlement est probablement vecteur dune solidarit
limite selon lexpression de Granovetter.
Problmatique
Cet argument sur la localisation de la confiance est susceptible de se transposer
lorganisation : discuter de la confiance a davantage de sens, selon nous, si nous considrons
la forme de la confiance (confiance verticale vs. confiance horizontale), la localisation de la
confiance dans la structure, le niveau de confiance et par extension, les possibilits lies
lusage de la relation de confiance.
En rsum, un contexte organisationnel, o les acteurs partagent les mmes valeurs, est
favorable lapparition de la confiance mais le dclenchement des relations de confiance se
fonde, principalement, sur des projets conomiques. Ainsi, si linsertion des transactions
conomiques dans des rseaux interpersonnels est principalement lorigine de la production
de la confiance (Huault ; 1999, p 23), linvestissement des acteurs dans des relations de
confiance peut tre motiv, en partie, par des attentes personnelles mais, celles-ci sont
soumises au respect de rgles collectives en vigueur dans le rseau.
Cependant, la confiance nest pas toujours source de performance : son efficacit est limite.
La confiance apparat comme une relation efficiente, conomiquement parlant mais galement
comme une relation dangereuse dans le sens o elle est favorable lopportunisme :
Many new organizational forms (networks, strategic alliances, and joint ventures) and
management initiatives (team production and total quality initiatives) entail significant
degrees of interdependence and rely either directly or indirectly () on trust to function
properly (Wicks, Berman & Jones ; 1999, p108).
Mais l o cet encastrement fait dfaut, et o beaucoup dindividus semblent tre des
maximisateurs de profit rationnel trs proches du modle daction sous-socialis que jai
dcris plus haut, lactivit conomique est souvent inhibe par manque de la confiance
interpersonnelle ncessaire la dlgation de lautorit []. Mais lorsque ces problmes de
confiance sont surmonts, cest le problme pris en compte par les thories traditionnelles
15
qui, effectivement, apparat. Lentreprise naissante se retrouve souvent touffe par les
revendications des amis ou des parents qui veulent obtenir faveurs et prbendes
(Granovetter ; 1994, p86).
La question : jusquo faire confiance ? rvle que la confiance est la fois envisage
comme une relation efficiente mais galement comme une relation dangereuse (Langfred ;
2004). De faon simplifie, il est possible de se rfrer aux arguments de deux coles de
pense.
A la question faire confiance ou ne pas faire confiance, il est possible de confronter les
arguments de deux grands conomistes. De faon simplifie, deux coles de pense
saffrontent : lapproche positive de la confiance suggre par Arrow (1974) et lapproche
ngative suggre par Williamson (1975).
Dans lapproche positive, la confiance facilite les transactions et vite la mise en place dun
dispositif de contrle. Il est suppos que, malgr labsence de contrle, les individus ne cdent
pas aux tentations de lopportunisme.
Dans lapproche ngative, la simplification du dispositif de contrle conduit renforcer la
menace de lopportunisme. En ce sens, la mfiance engendre des cots de contrle mais ces
cots sont justifis en renforant la protection lgard de la menace opportuniste.
Ainsi, quelle que soit lapproche, lanalyse du concept de confiance pour les deux auteurs
senvisage travers les consquences de la confiance sur le dispositif de contrle. Ds lors,
interroger la confiance conduit sintresser aux interrelations du triptyque confiance /
contrle / opportunisme.
Finalement, la focalisation sur lun des concepts est le point dterminant permettant de saisir
les interrelations entre les concepts. Lanalyse dArrow semble se focaliser davantage sur les
avantages de la confiance et celle de Williamson sur les inconvnients. Ainsi, en fonction du
positionnement retenu, la bonne organisation dune mme relation dchange diffre
radicalement.
16
De faon simplifie, le tableau suivant (Cf. tableau n1) rsume les grandes relations
suggres par les deux approches conomiques entre les trois concepts : confiance, contrle et
opportunisme.
Tableau n1 : Confiance, contrle et opportunisme : comparaison simplifie de lapproche
dArrow (1974) et de lapproche de Williamson (1975).
Confiance Contrle Opportunisme
Arrow (1974) Relation efficiente La confiance procure des conomies de contrle.
La menace dopportunisme est envisage comme faible, il nest pas ncessaire de focaliser lattention sur les moyens de lradiquer.
Williamson
(1975)
Relation dangereuse La vigilance est indispensable, il est ncessaire de mettre en place un dispositif de contrle rigoureux
Limportant est de rduire au maximum la menace opportuniste : faire confiance nest pas une solution envisageable.
Ainsi, pour analyse la confiance il existe deux grands chemins thoriques qui sopposent :
Confiance Economie de contrle Menace du risque dopportunisme envisage
comme faible mais non matrise
Vs.
Mfiance Cot de contrle Menace du risque dopportunisme leve mais
matrise. Peu importe lefficience de la confiance, la menace est trop forte.
Cependant, il nous semble possible de dpasser lopposition radicale de ces deux grandes
approches pour poser des nouvelles interrogations comme les deux suivantes par exemple :
- la confiance peut-elle engager les acteurs dans une relation dchange plus efficiente
(source dconomie de contrle) sans les exposer un risque dopportunisme plus
lev ?
17
- la confiance peut-elle engager les acteurs dans une relation dchange plus efficiente
en permettant lun des acteurs de convertir la relation de confiance en actions
opportunistes ?
Autrement dit, est-il possible de bnficier des avantages de la confiance sans souffrir de ses
inconvnients ou la confiance facilite-t-elle l'apparition des actions opportunistes ?
Ces questions posent le problme de lillusion de la confiance ou dune relation de confiance
fictive visant tre abuse. Elle suggre quune relation de confiance entre deux personnes
nest pas ncessairement mutuelle (A ne fait pas confiance B mais B fait confiance A) ou
alors dissymtrique (A fait peu confiance B mais B fait grandement confiance A). Par
exemple, nous faisons confiance car nous croyons savoir que la personne en qui nous faisons
confiance mrite cette confiance mais, malgr lexistence de preuves, lerreur de jugement ou
lincomprhension des motivations de notre partenaire est possible et, par consquent, nous
pouvons accorder notre confiance une personne qui nen est pas digne et en abuse. Ainsi, un
acte apparent de confiance peut tre un calcul (Williamson ; 1993) visant renforcer la
contrainte. Ds lors, il semble possible de dpasser lopposition radicale entre les deux
approches en nous inscrivant dans une perspective renouvele de la relation confiance /
contrle / opportunisme (Cf. tableau n2).
Tableau n2 : Croisement des perspectives thoriques et relations de confiance
Relation de confiance asymtrique
ARROW WILLIAMSON Remarques
Confiance Contrle Opportunisme
Efficience
La confiance permet une conomie sur les moyens.
Economie
Lconomie sur les moyens peut se traduire par un faible recours des modes de contrle formels.
Menace faible
La relation de confiance ne saccompagne pas ncessairement dune baisse de vigilance.
Constitution et accumulation dun
capital confiance dont lusage peut
sexercer des fins opportunistes pour
satisfaire ses intrts personnels (ou
ceux de lorganisation) tout en se
protgeant du risque dopportunisme.
Exemple : A ne fait pas confiance B mais B ne le sait pas. A a recourt des moyens de contrle moins coteux et, tout en se protgeant de la menace opportuniste de B, il bnficie des avantages de lusage de la relation de confiance de B.
18
Considrer la relation de confiance sous la forme dune relation dchange dissymtrique
nous interroge sur les usages du capital confiance. Par exemple : Est-il possible de convertir
des relations de confiance pour exercer des actions opportunistes discrtes et rptes ?
Existe-t-il des structures organisationnelles prdisposant, voire contraignant,
lapparition de relations de confiance et leur conversion en actions opportunistes ?
Il sagit dinterrogations qui supposent de saffranchir dune approche conventionnelle et qui
remettent en cause lhypothse fondamentale selon laquelle la confiance rsultant du rseau
modifie les formes de transaction en donnant lieu la recherche de relations durables et en
sabstenant de la mettre en pril au dtriment davantages immdiats (Steiner ; 1999, p 89).
Si llvation du niveau de confiance conduit abandonner des procdures formelles au profit
de procdures informelles (Ring & Van de Ven ; 1994), la prsence de davantage de relations
informelles nexclut pas lexistence de mcanismes contraignant laction (Aoki ; 1988,
Courpasson ; 2001 et Lazega ; 2001) et facilitant l'apparition de relations opportunistes.
La rgulation par la confiance suppose une coopration non contrainte par des instruments de
contrle formaliss et lapparition de la confiance dans le systme coopratif suppose un
abandon progressif du recours des mcanismes de contrle formels. Mais cet abandon
saccompagne-t-il de la suppression de toute capacit de contrle ?
En dfinitive, la confiance semble un concept riche pour analyser la coordination dans
une perspective renouvele . Plus prcisment, nous consacrons notre tude la question
de recherche suivante :
La confiance peut-elle tre considre comme un mode de contrle social et un mcanisme
encourageant les actions opportunistes ?
19
Le tableau suivant (Cf. tableau n3) rsume les conjectures majeures guidant notre travail de
recherche ainsi que les principaux enjeux associs un tel questionnement.
Tableau n3 : Questions de recherche, conjectures majeures et enjeux du questionnement
Conjectures majeures Enjeux du questionnement
1.
La relation de confiance est une relation contrainte.
La dcision volontaire de faire confiance est une
illusion.
La confiance est susceptible dtre
lobjet dune instrumentalisation, elle
nest pas spontane.
2.
La confiance est un mode de contrle social
La relation de confiance renforce le contrle des
personnes en position dinfluence dans la structure.
La confiance sinsre dans une
logique de substitution : des modes
de contrle formels sont substitus
par des modes de contrle informels.
La confiance facilite galement
lapparition de nouveaux modes de
contrle : des modes de contrle
sociaux et psychologiques
3.
La relation de confiance permet lexpression de
comportements opportunistes profitables
lorganisation.
Il nest pas ncessaire dtre digne de confiance pour
accumuler de la confiance.
La confiance conditionne lexistence dune zone
dopportunisme.
Lopportunisme motive les acteurs
sinvestir dans la confiance.
Le cadre organisationnel exerce une
contrainte afin que les acteurs
sinvestissent dans des relations de
confiance. Les acteurs ont la libert
de transformer les relations de
confiance en actions opportunistes.
Cependant, le contexte exerce
probablement une contrainte
(conomique par exemple) pour que
la confiance soit rellement
transforme en opportunisme.
Notre question de recherche tant pose, il convient de dlimiter le champ de ltude.
20
Dlimitation du champ de ltude
Confiance et structure hirarchique
Lmergence des relations de confiance dans le champ des relations interentreprises exprime
la tendance des organisations une mutation qualitative des relations interentreprisess
selon lexpression de Baudry (1995, p 101) et un renouvellement de lapproche des relations
interfirmes partir de considrations non marchandes. Cette mutation sobserve en majeure
partie dans le cadre de relations interentreprises verticales cest--dire entre deux entreprises
se situant des stades diffrents du processus de production. La confiance est une troisime
forme de coordination qui sajoute au march et lautorit. La considration de la confiance
est envisage sous langle de la combinaison. Ainsi, depuis quelques annes, le contenu du
lien entre les donneurs dordres et sous-traitants se modifie profondment. Ce changement
intervient par une remise en cause de lefficacit de la relation stricte dautorit :
En rsum, la relation dautorit, exerce dans un cadre hirarchique rigide, a bien t le
modle dominant dorganisation des rapports entre donneurs dordres et sous-traitants
jusquaux annes quatre-vingt. Construit sur une conception taylorienne de la rpartition des
tches entre firmes, sur limportance du contrle, et fond sur une relation essentiellement
marchande, ce modle sest reproduit tant que lenvironnement conomique a t favorable.
A cet gard, la crise conomique marque bien le dbut de modifications affectant la gestion
des rapports intrafirmes et interfirmes. Dans les deux cas, la relation stricte dautorit
montre ses limites et ne peut assurer la reproduction du systme . (Baudry ; 1995, p62).
Dsormais, dans lexemple dune relation partenariale, lincitation, notamment caractrise
par lavantage de sinscrire dans un comportement loyal, permet de dpasser les limites dune
relation strictement marchande et de surmonter le problme de lopportunisme puisque ce
comportement devient irrationnel : () la tricherie est synonyme de pertes long terme
suprieures aux gains de court terme (Baudry ; 1995, p89).
Lanalyse propose par Baudry suggre que lapparition de la confiance est conditionne la
mise en place dun cadre qui lutte contre lapparition de comportements opportunistes, cette
approche tant, par ailleurs, considre par Barney & Hansen (1994). Il est donc suggr que
les individus sont par nature opportunistes ou que tout phnomne de solidarit spontane est
21
inexistant, mais que le cadre les conduit envisager la confiance comme un comportement
rationnel.
Selon nous leffort de rationalisation est toujours en vigueur dans cette approche. Elle intgre
le concept de confiance pour rpondre aux dfaillances de coordination : lautorit et la
confiance se combinent pour lever lincertitude (Baudry ; 1995, p93).
Analyser les relations de confiance dans une structure hirarchique est intressant pour
vrifier si la confiance est lobjet dune instrumentation par les suprieurs.
Confiance intra-organisationnelle et interpersonnelle
Il est ncessaire de considrer la dimension spatiale de la relation de confiance.
Lorsquelle comble les dfaillances du march et quelle autorise la coordination entre deux
ou plusieurs entreprises, la confiance est inter-organisationnelle. Par exemple, la confiance est
requise pour analyser les rseaux dentreprises. Elle est souvent considre comme un
troisime mcanisme en complment du march et de lautorit. Elle est mobilise pour
discuter des stratgies dalliance (Gulati ; 1995) et de partenariat (Sako ; 1992).
Lorsquelle comble les dfaillances de lautorit et quelle autorise la coordination entre deux
ou plusieurs personnes lintrieur dune mme organisation, la confiance est intra-
organisationnelle.
Dans notre tude, nous nous concentrons sur les relations de confiance prsentes lintrieur
de lorganisation. Par la suite, lorsque nous parlons de confiance, nous nous rfrons la
confiance intra-organisationnelle.
Il est possible de distinguer la confiance en fonction dun deuxime critre : la nature du lien.
Il est ncessaire de considrer la nature du lien de confiance.
Lorsque la confiance concerne la relation entre une personne et une organisation ou une
personne et une institution alors la nature de la relation est impersonnelle ; la confiance est
alors soit une confiance organisationnelle, soit une confiance institutionnelle.
22
Lorsque la confiance concerne la relation entre deux ou plusieurs personnes alors la confiance
est interpersonnelle.
Dans notre tude, nous nous concentrons sur les relations de confiance entre deux individus.
La rponse ces deux remarques nous aide dlimiter le champ de notre objet dtude.
Schmatiquement, en croisant la dimension spatiale et la nature des liens, il est possible de
distinguer six grandes relations de confiance (Cf. tableau n4).
Tableau n4 : Les six grands types de relations de confiance
NATURE DES LIENS
Interpersonnelle Organisationnelle Institutionnelle
Inter Relations de confiance entre deux personnes nappartenant pas la mme organisation ou institution
Relations de confiance entre deux organisations
Relations de confiance entre deux institutions
DIMENSION
SPATIALE Intra Relations de
confiance entre deux personnes appartenant la mme organisation ou institution
Relations de confiance entre une personne et lorganisation laquelle il appartient
Relations de confiance entre une personne et linstitution laquelle il appartient
Notre tude concerne lanalyse des relations interpersonnelles de confiance au sein dune
structure hirarchique.
Avec Thompson (1967), la confiance est considre comme un moyen daugmenter la
ractivit de la structure en facilitant le recours des relations informelles, en particulier la
coordination par ajustement mutuel.
Le recours aux rgles nest pas un moyen efficace de coordonner les actions lorsque
lincertitude est trop forte. Pour se coordonner dans un contexte dincertitude et de
23
complexit, Thompson (1967) prconise de recourir la coordination par des ajustements
mutuels. Ce mcanisme est un moyen de surmonter le problme de lincertitude, notamment
en accordant de lautonomie aux acteurs. Selon Thompson, le recours la coordination par
ajustements mutuels nest efficace que sil existe un sentiment de confiance entre les acteurs.
Cependant, ces rflexions sont nuancer. Breton & Wintrobe (1982 & 1986) insistent sur la
ncessit de distinguer deux grandes formes de relations de confiance dans la structure
organisationnelle : la confiance horizontale et la confiance verticale. A lappui de cette
distinction, ils dmontrent que la confiance procure de la ractivit structurelle si les relations
interpersonnelles de confiance sont verticales et, linverse, renforcent linertie
organisationnelle si elles sont horizontales.
Selon leur nature, les effets des relations de confiance sur la structure organisationnelle
sopposent. Par exemple, selon Breton & Wintrobe (1986), la confiance entre deux personnes
de mme niveau hirarchique (confiance horizontale) nuit au bon fonctionnement de la
structure en favorisant lopportunisme collectif alors que la confiance dans le cadre dune
relation hirarchique (confiance verticale) est un lment clef de lefficacit de la structure.
Considrant une approche instrumentale du concept de confiance, Breton & Wintrobe
soulignent quil est de lintrt des responsables de la structure de guider, voire de
contraindre, lensemble des acteurs produire des relations de confiance favorables
lorganisation.
A partir de ces rflexions, nous en dduisons que ltude de la confiance intra-
organisationnelle est plus prcise si nous dcoupons le concept en plusieurs types de relations
pour distinguer les relations de confiance horizontales et les relations de confiance verticales.
Les frontires de la recherche tant poses, il nous est permis de prsenter les grandes tapes
que nous avons suivies pour conduire notre recherche.
La revue de la littrature sarticule autour de quatre points (partie 1). Dans un premier temps,
lanalyse est consacre une discussion critique du concept de confiance, afin de justifier le
choix de la dfinition retenue au regard de lensemble des dfinitions prsentes dans la
littrature (chapitre 1). Muni dune dfinition, et de quelques suppositions majeures
concernant les relations du triptyque confiance, contrle et opportunisme, nous poursuivons
lanalyse en nous efforant de reprer les facteurs dterminants lapparition des relations de
24
confiance. Deux grands types de facteurs sont principalement distingus : les facteurs
comportementaux et les facteurs situationnels (chapitre 2). Grce ces lments, nous
construisons une grille de lecture nous permettant de dcouper le concept de confiance en
plusieurs relations de confiance. Cette grille a pour ambition de faciliter une analyse la fois
globale et locale des relations de confiance (chapitre 3). Dans le dernier point consacr la
revue de la littrature, nous confrontons la grille de lecture des relations de confiance
plusieurs formes organisationnelles typiques. Cette confrontation nous permet de constater
que la confiance peut senvisager comme un moyen pertinent pour analyser le fonctionnement
interne des organisations (chapitre 4). A partir de la revue de la littrature, nous dgageons un
corpus de conjectures.
Lpreuve des faits sarticule autours de cinq points (partie 2). A la suite de la prsentation de
la dmarche mthodologique (chapitre 1), nous nous consacrons lanalyse individuelle de
chaque cas (chapitres 2, 3 et 4). A partir de la grille de lecture dgage, nous observons, pour
chaque cas, plusieurs relations de confiance. La diversit des relations discutes est loccasion
de corroborer de nombreuses conjectures : linvestissement dans la confiance nest pas
toujours une dcision volontaire, la relation de confiance nest pas toujours une dcision
rciproque De faon synthtique, l'analyse compare (chapitre 5) nous permet de dgager
les principaux rsultats suivants :
- Il est observ quun haut niveau de confiance entre les membres du sommet
stratgique renforce le contrle des dirigeants sur lensemble de la structure,
- Lorsque le dispositif de coordination est favorable lapparition de relations
interpersonnelles de confiance verticales alors la contrainte de laction est plus forte et
lopportunisme du management est facilit
- La confiance renforce leffectivit du dispositif de coordination non seulement en se
substituant des modes de contrle plus coteux mais galement en facilitant
lapparition de nouveaux modes de contrle plus socio-psychologiques.
De manire gnrale, ces rsultats rfutent de nombreuses rflexions thoriques concernant la
confiance et plaident en faveur dune approche non conventionnelle de la confiance.
25
Partie 1 :
LA CONFIANCE : UN INSTRUMENT DANALYSE DU FONCTIONNEMENT INTERNE DES ORGANISATIONS
Dans un premier temps, lanalyse est consacre une discussion critique du concept de confiance afin
de justifier le choix de la dfinition retenue au regard de lensemble des dfinitions prsentes dans la
littrature. Lanalyse critique des dfinitions de la confiance nous permet de retenir une dfinition du
concept adapte aux exigences de la recherche (chapitre 1).
Muni dune dfinition, et de quelques suppositions majeures concernant les relations du triptyque
confiance, contrle et opportunisme, nous poursuivons lanalyse en nous efforant de reprer les
facteurs dterminants lapparition des relations de confiance. Selon la discipline et lattitude suppose
de lindividu au travail, il est possible de reprer un clivage entre les partisans de lapproche
comportementale et ceux de lapproche situationnelle. Malgr les oppositions, il nous est permis de
procder un croisement fcond des perspectives. Tout en nous assurant de sa cohrence, ce
croisement nous autorise bnficier de la richesse dune approche pluridisciplinaire. En effet, nous
considrons que lanalyse du concept de confiance gagne en rigueur intgrer la fois les facteurs
comportementaux et situationnels (chapitre 2). A lappui de ces lments et de laide de plusieurs
travaux prsentant des typologies de la confiance, nous construisons une grille de lecture nous
permettant de dcouper le concept de confiance en plusieurs relations. Cette grille a pour ambition de
faciliter une analyse la fois globale et locale des relations de confiance (chapitre 3). Dans le dernier
point, nous confrontons la grille de lecture des relations de confiance plusieurs formes
organisationnelles typiques. Cette confrontation nous permet de constater que la confiance peut
senvisager comme un moyen pertinent pour analyser le fonctionnement interne des organisations
(chapitre 4).
26
Chapitre 1 :
LA CONFIANCE : UN CONCEPT AMBIGU
Analyser la confiance signifie se confronter plusieurs difficults. Trois dentre elles retiennent
principalement notre attention. La premire difficult consiste lever la confusion entre la confiance, la
coopration et la coordination (1.1), la deuxime viter le pige dune exclusion mutuelle des
concepts pour articuler au contraire la confiance avec deux autres concepts clefs : lopportunisme et le
contrle (1.2) et la troisime surmonter labsence dun consensus sur la dfinition (1.3).
27
1. LA CONFIANCE UN CONCEPT AMBIGU
Analyser la confiance signifie se confronter plusieurs difficults. Trois dentre elles
retiennent principalement notre attention. La premire difficult consiste lever la confusion
entre la confiance, la coopration et la coordination (1.1), la deuxime viter le pige dune
exclusion mutuelle des concepts pour articuler au contraire la confiance avec deux autres
concepts clefs : lopportunisme et le contrle (1.2) et la troisime surmonter labsence dun
consensus sur la dfinition (1.3).
1.1 Le triptyque : coopration / coordination / confiance
La confiance est parfois confondue avec la coopration et la coordination. Par exemple, un
comportement coopratif sous-entend, sous la plume de nombreux auteurs, lexpression du
comportement dune personne libre et empreint de bonne volont qui, si elle navait pas
suffisamment confiance ne serait pas cooprative. Ainsi, Capul (1998, p62), sinspirant de
Dejours (1993), prsente la dfinition suivante de la coopration :
On peut donc caractriser la coopration par lensemble des liens que construisent
volontairement entre-eux des agents afin de faire face une situation nouvelle .
Cependant, cette approche nous semble tre une vision trop rductrice du concept de
coopration. En effet, la coopration, notamment dans les crits de Marx, cest--dire dans le
cadre de lobservation du fonctionnement des grandes manufactures du milieu du 19me sicle,
dcrit la coopration comme une action totalement contrainte.
La distinction entre la confiance, la coopration et la coordination nous aide dfinir quelques
grandes relations entre les concepts et dlimiter plus prcisment les frontires de la
recherche.
Coopration et confiance
La coopration, selon les mots de Cordonnier (1997), est une force dattraction associant
des individus isols un destin collectif. Sous langle dune lecture conomique, la
28
coopration est le rsultat dun calcul simple : lefficacit collective est suprieure celle de
la somme des efficacits individuelles grce un processus dorganisation fond
principalement sur les principes de la division du travail (Smith ; 1776). Au cur de
lefficacit de la firme (Marx ; 1867), la coopration, par le partage dune tche commune, se
fonde sur des relations de dpendance mutuelle favorables lapparition de relations
solidaires (Durkheim ; 1893). Cependant, il existe des limites la division du travail. Ainsi,
trop pousse, la spcialisation du travail conduit lalination (Marx ; 1867) et la rvolte
(Durkheim ; 1893). Comme le rsume Durkheim (1893 ; p348) :
La division du travail ne saurait donc tre pousse trop loin sans devenir une source de
dsintgration .
Le partage et la dpendance mutuelle sont deux attributs clefs de la coopration :
Parce que la coopration relve de laction collective finalise, elle ncessite de partager
consciemment entre individus une tche commune dans des relations de dpendance
mutuelle (Dameron ; 2002, p341).
Laction collective est organise afin datteindre un but commun ncessitant le concours de
tous les individus. Cependant, finaliser laction collective suppose dtablir un cadre pour
orienter les comportements dans le sens dsir. Au sein dune organisation, la coopration se
traduit par la dfinition dun cadre pour orienter les actions, dune structure organisationnelle.
La structure organisationnelle est influence par lapproche thorique associe au concept de
coopration. En effet, si lanalyse selon laquelle la coopration est lorigine de lassociation
et de lefficacit de la firme est assez consensuelle, son organisation est lobjet de nombreux
dbats selon les perspectives thoriques considres.
Schmatiquement, deux visions thoriques sopposent, il sagit de lapproche fonctionnaliste
et de lapproche critique :
Alors que pour les fonctionnalistes, lorganisation est considre essentiellement comme un
systme de coopration, harmonieux et en quilibre, pour les critiques, fortement tributaires
notamment des thories marxistes et actionnalistes, lorganisation est vue comme un lieu ou
existent des intrts divergents, des affrontements et des conflits (Chanlat & Seguin ; 1987,
p 2) .
29
Selon le positionnement retenu, le cadre est plus ou moins contraignant et la nature des
relations interpersonnelles plus ou moins conflictuelles. Dans une acception critique, la
confiance, dans le cadre dune relation hirarchique, est apprhende comme un acte de
manipulation, germe dun conflit latent qui fleurira lorsque la supercherie sera dcouverte par
la personne abuse.
A linverse, Durkheim (1893) soppose cette analyse critique et, plus largement, il soppose
la vision conomiste qui, selon lui, est rductrice. Elle considre lhomme comme un agent
uniquement guid par la recherche de la satisfaction de ses intrts personnels :
Nous cooprons parce que nous lavons voulu, mais notre coopration volontaire nous cre
des devoirs que nous navons pas voulus (Durkheim ; 1893, p 192).
En distinguant le concept de solidarit mcanique et le concept de solidarit organique,
Durkheim met en exergue que les sources de la coopration sont parfois antinomiques. Par
exemple, la similitude et la complmentarit sont deux notions aux consquences semblables :
la dissemblance comme la ressemblance peut-tre une cause dattrait mutuel (Durkheim ;
1893, p18).
Sil est possible de distinguer la coopration en fonction de lapproche thorique, donc
denvisager la relation coopration / confiance sous deux perspectives rivales, il nous est
galement permis de prciser lanalyse en distinguant la nature de la coopration.
Dameron (2002) distingue deux formes de coopration : la coopration complmentaire et la
coopration communautaire (Cf. Tableau n 5). Ces deux formes se fondent sur des approches
thoriques relativement diffrentes. La coopration complmentaire est fonde sur la
rationalit calculatoire , il est fait rfrence aux thories conomiques sur les contrats et la
sociologie de lacteur. La coopration communautaire est fonde sur la rationalit
identitaire , il est fait rfrence lcole des relations humaines et aux travaux de la
psychosociologie dont lobjet dtude est la dynamique des groupes.
Lanalyse de Dameron (2000, 2002) rvle que les deux formes de coopration ne sont pas
permables. Il existe une relation de tension entre la coopration complmentaire et la
coopration communautaire dans le cadre dune logique de destruction cratrice.
30
Tableau n5 : Coopration complmentaire et coopration communautaire
Coopration complmentaire Coopration communautaire
Fondements Calcul stratgique Identit sociale
Attributs
- Intrts individuels
- Division du travail
- Engagements internes
- Objectifs communs
- Appartenance au groupe
- Interaction avec des
groupes externes
Processus Ngociation Socialisation
Ambivalence de la
dynamique cooprative
La coopration complmentaire
tend vers la constitution de
rseaux de confiance, et donc
vers de la coopration
communautaire
La coopration communautaire
tend vers la diffrenciation des
membres du groupe et donc
vers de la coopration
complmentaire
Tableau repris de Dameron (2002). La dynamique relationnelle au sein dquipes de conception . Le Travail Humain, tome 65, n4, p347.
La coopration suppose-t-elle la confiance ?
En fonction de ce dcoupage du concept de coopration, il nous est plus ais de discuter la
question suivante : la coopration suppose-t-elle la confiance ?
Si Smith et Marx donnent des justifications conomiques sur le bien-fond de la coopration
et Durkheim prcise que la coopration favorise lapparition de relations solidaires ou
morales, la question de lmergence de la coopration est peu discute. Pour aborder la
question du comment et comprendre en quoi la coopration est force dattraction , il
convient de scarter de lapproche conomique selon laquelle lintrt est le seul principe de
lchange.
La recherche pure et simple de lintrt personnel est le principal obstacle son atteinte
(Cordonnier ; 1997). Comme le rsume clairement Caill (1994, p6) :
31
De mme que les systmes logiques ne parviennent pas tablir logiquement leur logicit,
de mme laxiomatique de lintrt marchand dbouche sur la mise en lumire du fait que la
poursuite de lintrt peut-tre elle-mme son pire ennemi .
Linitiative est un moyen de lever ce paradoxe. Elle apparat comme la seule solution et
devient un principe de lchange marchand , elle dpasse ce que Cordonnier appelle la
coopration conditionnelle fonde sur le principe de la rciprocit marchande (coopre si et
seulement si lautre coopre et vice versa) pour une coopration fonde sur le principe de la
rciprocit archaque (coopre pour que lautre coopre).
Nous pouvons citer Weber pour illustrer ce raisonnement.
Weber : dans Lthique protestante et lesprit du capitalisme (1904) place la confiance en
amont du dveloppement de la socit marchande et, cette approche semble sinscrire dans la
logique de la coopration archaque :
Le premier novateur sest trs rgulirement heurt la mfiance, parfois la haine,
surtout lindignation morale [] De plus indpendamment de la sret du coup dil et de
lactivit ralisatrice, ce nest quen vertu de qualits thiques bien dtermines et fortement
dveloppes quil sest trouv mme dinspirer ses clients et ses ouvriers une confiance
absolue en ses innovations. Rien dautre ne lui et donn la force de surmonter des obstacles
sans nombres et, par-dessus tout, dassumer le travail infiniment plus intense qui est exig de
lentrepreneur moderne (p 71).
Cette approche de la coopration se fonde sur lanticipation dune relation de confiance
mutuelle dont linitiative est le premier pas.
Dans ce contexte, la prise en compte de linitiative est lourde de consquences. Ainsi, elle
suppose que la confiance nest pas spontane mais motive par un retour et, naturellement,
que linitiative premire bnficie son auteur. En reprenant lexemple de Weber,
lentrepreneur a un grand intrt prendre linitiative et espre en retour la confiance de la
communaut. Dans cet exemple, lentrepreneur est un acteur qui gnre de la confiance.
Reprenons lexemple de Cordonnier (1997, p195) :
Si A veut cooprer, il faut quil soit sr que B coopre galement. Ce principe nest donc
pas applicable lorsquil existe une incertitude concernant le choix du partenaire .
32
Le principe de la rciprocit archaque pour expliquer le comment de lassociation et de la
rciprocit plaide en faveur dune approche pluridisciplinaire pour analyser les problmes de
coopration dans un contexte dincertitude. Dans cet esprit, la socio-conomie fournit des
points de repres prcis.
Dans cette perspective, lanalyse des relations conomiques inclut ncessairement une
dimension morale par la considration du principe de rciprocit archaque mais, pour autant,
ncarte pas le calcul, par lexistence de la rciprocit marchande. Par exemple, lhonntet de
lentrepreneur et son honneur se montrer digne de la confiance de la communaut se fonde
sur une rciprocit archaque pouvant conduire, par la suite, des relations fondes sur la
rciprocit marchande.
Une fois la dimension morale considre, alors la confiance sassocie toutes les formes de
coopration (Thuderoz ; 1999). Elle devient une clef de lecture de lanalyse du systme
coopratif. Ds lors, nous ne pouvons que souscrire lhypothse selon laquelle la confiance
est omniprsente dans lorganisation (Usunier & Roger ; 1999). Cependant, cette
omniprsence suppose des relations de confiance diffrentes, inter-relies et dont lorigine
peut dpendre de linitiative dun ou de plusieurs individus isols.
33
Tableau n6 : Le concept de confiance selon lapproche thorique et la nature de la
coopration
Approche thorique de la coopration
Approche fonctionnaliste
Le systme de coopration est harmonieux et en
quilibre. La coopration est fonde sur lintrt
rciproque des individus cooprer. La dpendance
mutuelle favorise la solidarit
Approche critique ou marxiste
Les intrts divergents sont vecteurs daffrontements et de conflits. La coopration est assure par un contrle
despotique
Coopration communautaire
Confiance fonde sur la rationalit identitaire
Confiance entre individus appartenant la mme classe : mme traits de culture, mme attentes, mme combat.
Nature de la
coopration (Dameron ;
2002)
Coopration complmentaire
Confiance fonde sur la rationalit calculatoire
Dfiance entre des individus appartenant des classes diffrentes.
REMARQUES
Relations de confiance sont prsentes mais elles voluent mesure que la nature de la coopration change.
Le phnomne de lutte des classes repose sur des rapports de dfiance. La lutte est collective car les classes sont des runions de personnes qui agissent en commun. Cette organisation suppose la confiance. Dans cette approche, il semble que les relations de confiance communautaires ou horizontales, engendrent de la dfiance au niveau vertical donc branle en permanence lefficacit de la structure hirarchique.
34
Selon lapproche de la coopration retenue, la structuration du cadre de lchange diffre. Par
exemple, un comportement coopratif peut-tre recherche par la voie dun management
autoritaire ou par celle dun management fond sur lautonomie et lauto-contrle.
Le dispositif de coordination est un outil qui oprationnalise la coopration. Selon la
dfinition du Robert, coordonner cest : agencer des lments en vue dobtenir un ensemble
cohrent, un rsultat dtermin .
La rfrence ltymologie du mot coordonner nous rvle que lide de coordonner est lie
lide de commandement (lide de mise en ordre est lie celle de commandement,
Dictionnaire tymologique et historique de la langue franaise).
En conclusion, suivant lanalyse retenue de la coopration, la structure organisationnelle, et
plus prcisment les dispositifs de coordination sappuient volontairement sur des relations de
confiance ou, linverse, tentent dviter leur apparition.
Lorganisation du systme coopratif : la coordination.
Par rfrence Mintzberg (1982), la structure dune organisation, est dfinie comme :
la somme totale des moyens employs pour diviser le travail entre tches distinctes et pour
ensuite assurer la coordination ncessaire entre ces tches (p 18).
Les mcanismes de coordination constituent la colle (Mintzberg ; 1982, p19) ncessaire au
maintien de lensemble des parties de lorganisation.
Coopration et coordination sont deux concepts distincts. La coordination est susceptible de
senvisager comme une instrumentalisation de la coopration cest--dire comme un ensemble
de moyens contraignant la coopration, mais sans que le rsultat de cette contrainte ne soit
garanti.
La coordination, travers la combinaison de plusieurs mcanismes, est lagencement prescrit
de lagir. Elle est la mise en ordre selon une rationalit ex ante de laction collective
laide de dispositifs spcifiques (Neuville ; 1998).
Selon Arrow (1974) la confiance est un lubrifiant du dispositif de coordination.
35
Ce rle de lubrifiant se peroit travers le rle assur par la confiance pour faciliter les
interrelations entre des actions formelles et les actions informelles.
Les rflexions de Dalton (1959) nous permettent de prciser ce rle de lubrifiant.
En effet, les interrelations entre les actions formelles et les actions informelles sont lorigine
de lefficacit de la collaboration :
En rgle gnrale, seul un simple desprit peut penser quune collaboration efficace ne peut
tre obtenue que par lintermdiaire dune procdure formelle (Dalton ; 1959, p 249).
Si une forme organisation est considre comme le lieu o se croisent des actions formelles et
des actions informelles alors les relations de confiance ont un rle clef en assurant la
coordination entre les actions formelles et les actions informelles.
Dans lapproche de Dalton, les actions informelles ne sont pas rduites des actes de
conspiration. Par exemple, elles sont notamment apprcies des cadres : les relations
informelles facilitent latteinte des buts non officiels sans soulever de discussions (p 249).
Relations formelles et relations informelles
Dalton, travers une critique de la dualit formel informel, soutient que le vritable
problme ne consiste pas choisir une dimension de la structure organisationnelle tudier
mais de se concentrer sur les interrelations entre les actions formelles et informelles. Ainsi,
lanalyse perd en substance et, surtout scarte de la ralit, lorsque ces deux types daction
sont dissocis. En dautres termes, dcouper la structure organisationnelle en deux
dimensions : la structure formelle et la structure informelle pour mieux comprendre le
fonctionnement de lorganisation na de sens que si les interrelations entre les actions
formelles et les actions informelles sont considres. Selon nous, lanalyse de Dalton, en
dmontrant le rle crucial des interrelations est lune des premires parler du passage dune
action informelle une action formelle.
En effet, les relations informelles peuvent tre un moyen de rpondre certaines dfaillances
de la structure formelle. Si ces actions sont juges efficaces, elles sinscrivent dans la routine
et terme peuvent faire lobjet dune officialisation. Il sagit dans ce cas de ladoption par le
formel de pratiques non officielles trs rpandues qui ont fait leurs preuves ou sont devenues
un fait accompli.
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Ainsi, des rgles sont parfois issues de relations informelles dont lefficacit reconnue a
conduit leur officialisation.
Lauteur identifie sept mcanismes reliant le formel et linformel (p 251).
Il sagit : des runions informelles, lordre donn par le suprieur ses subordonns pour
quils accomplissent une action non officielle, les requtes informelles des subordonns pour
obtenir lautorisation de sengager dans des actions spcifiques non officielles, les rles de
transition, le recours aux justifications toutes faites, lemploi dagents de liaison, et ladoption
par le formel de pratiques non officielles trs rpandues qui ont fait leurs preuves ou sont
devenues un fait accompli.
Parmi ces sept mcanismes, trois suggrent le rle crucial assur par des relations de
confiance interpersonnelles.
Laction non officielle ordonne : Dans des situations durgence ou inhabituelles, les
chelons levs de la hirarchie peuvent exiger de la part des subordonns une action non
officielle limite, et mme illgale () Une exigence restreinte, limite un personnel qui
a fait ses preuves est un phnomne plus rpandu et plus sr pour atteindre des buts
formels sans porter atteinte la dignit des personnes (p253).
Ce mcanisme indique limportance, pour la classe dirigeante par exemple, de produire des
relations de confiance avec la ligne hirarchique afin de court-circuiter les rgles usuelles et
les normes pour agir rapidement. Nous nous apercevons que la confiance verticale
descendante assure au sommet stratgique davantage defficacit dans son pouvoir de
commandement grce au recours plus marqu lajustement mutuel afin de lever des rgles
auxquelles sont soumis les subordonns.
Les dviations autorises : Lorsque la camaraderie est assez forte pour que les
subordonns ne craignent pas une sanction non officielle de la part des suprieurs, ils
peuvent demander la permission de rsoudre certains problmes de faon informelle
(p253).
Dans ce contexte, la relation de confiance verticale est ascendante. Les subordonns
bnficient dune souplesse de leur suprieur dans lexercice du commandement et peuvent
parvenir plus facilement rsoudre leurs problmes.
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Les justifications toutes faites : () mcanismes de dfense provisoire prtablis pour
dissimuler une grande partie de ce qui se passe lintrieur et lextrieur des runions
(p254).
Les actions informelles sont parfois utiles au bon fonctionnement mais contraires aux valeurs
affiches par lentreprise. Efficaces mais illgales, les actions sont camoufles pour viter des
sanctions. Au niveau des relations interpersonnelles, les justifications toutes faites sont
susceptibles dviter la destruction de la confiance en vitant de prsenter certaines
informations. Dans ce cas, lasymtrie dinformations et, par consquent, lincomprhension
des motivations relles, prserve la confiance et facilite latteinte des objectifs formels grce
des actions informelles et illgales.
Les justifications toutes faites contredisent lapproche selon laquelle la confiance se construit
entre des partenaires honntes et transparents.
Dans ce cas, lasymtrie dinformations est favorable au maintien de la confiance.
Par exemple, March (1981) rvle lexistence de nombreux mcanismes (comme le slack),
pour mieux comprendre le fonctionnement de lorganisation et donner des explications solides
des phnomnes pouvant paratre occultes. En consquence, concernant la coordination,
lautorit statutaire est indispensable au commandement mais lefficacit du commandement
se renforce lorsquil est accept et non subi (autorit charismatique, convention dobissance,
soumission librement consentie). Ainsi, la nature des relations interpersonnelles entre le
suprieur et le subordonn, plus prcisment la qualit de la relation de confiance, est
essentielle pour valuer lexercice du commandement.
Cependant, admettre que la confiance est un lubrifiant des relations sociales suggre que
lorganisation soit en mesure de faciliter lapparition de relations de confiance adaptes pour
viter que le systme ne se grippe.
Dans ce cas, lenjeu consiste sinterroger sur la capacit de la confiance renforcer
leffectivit des mcanismes de coordination cest--dire sassurer que les mcanismes sont
rellement mis en uvre (Nizet & Pichault ; 1999). Par exemple, la confiance du subordonn
envers son suprieur renforce leffectivit de la supervision directe en facilitant lexercice de
lautorit hirarchique. A linverse, sans la confiance du subordonn, le suprieur a davantage
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de difficult se faire obir et la supervision directe peut apparatre comme un mcanisme
peu efficace.
Si les mcanismes de coordination sont la colle et la confiance un lubrifiant alors
la confiance est un ingrdient susceptible de renforcer leffectivit du dispositif de
coordination.
Cette hypothse suggre une vision renouvele de lapproche de Mintzberg, intgrant le
concept de confiance. Plus prcisment, au niveau de lanalyse dune configuration en
particulier : ladhocratie. Cependant, dans les systmes les plus formaliss, o le contrle
est visiblement des plus coercitifs, la confiance est galement prsente. Le fonctionnement de
la firme sovitique dcrit par Berliner (1952) en confre une illustration. Malgr un systme
de contrle administratif complexe et minutieux, la firme sovitique, hautement administre et
centralise, sappuie sur des relations informelles et interpersonnelles fondes sur la confiance
pour fonctionner.
La confiance est prsente dans les systmes trs formaliss
Berliner (1952), aprs avoir interview 26 personnes ayant occup des places de responsable
dans diverses institutions sovitiques, dnombre la prsence de trois types de comportements
informels :
- Un comportement de scurit. Il consiste atteindre les buts fixs par une utilisation
inefficace, conomiquement parlant, des ressources disponibles. Ladhsion au systme
est rcompense malgr linefficacit.
- Un comportement fond sur la simulation. Il consiste manipuler le systme de
production et laffectation des ressources dtermines en fonction des objectifs et des
primes affrentes.
- Lutilisation du rseau, il facilite lobtention de moyen de production par un recours
efficace au rseau dinfluence.
Ainsi, lobissance inconditionnelle aux rgles, condition indispensable pour assurer le
fonctionnement de la bureaucratie selon Weber, est illusoire et la standardisation lextrme
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des procds entrave mais nradique pas lapparition de relations de confiance
interpersonnelles.
De plus, lincapacit du systme bureaucratique bureaucratiser suffisamment (Perrow ;
1986) est favorable un espace de libert. Cette marge de libert (Crozier & Friedberg ; 1977)
peut tre utilis pour battre le systme ou au contraire conduire les individus un
contournement des rgles profitables lorganisation, les arrangements informels permettant
dapporter des solutions des problmes non envisags par lorganisation (Bagla-Gkalp ;
1998, partir de Blau ; 1955). Autrement dit, le contournement des rgles est un signe de
dysfonctionnement profitable lorganisation qui sappuie sur la bonne volont des acteurs.
Dailleurs, terme, ce dpassement de la rglementation peut sinscrire dans la routine
(Dalton ; 1959) et des relations interpersonnelles de confiance de nature officieuse se
transformer en rgles impersonnelles. Ainsi, les rgles impersonnelles peuvent sanalyser
comme la cristallisation de relations de confiance interpersonnelles autrefois localises et
dsormais gnralises.
En conclusion, les organisations, mme les plus administres, gnrent de la confiance. Il
semble mme que la confiance soit dautant plus recherche que le systme est rglement,
les bnfices retirs tant plus levs (Breton ; 1987) car dans un contexte rglement : ()
la productivit dun individu est troitement lie au rseau de relations quil a avec dautres
employs (Granovetter ; 1988, p 181) puisque laptitude construire de la confiance agit sur
la capacit se procurer des ressources (Breton & Wintrobe ; 1982).
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1.2 Confiance, opportunisme et contrle
Selon Usunier (2000 ; p 9) : Faire confiance cest fondamentalement se rendre vulnrable
lautre pour pouvoir raliser quelque chose de bien avec lui ou avec elle, mais cela
nempche pas aussi de tout faire pour rduire le risque li cette vulnrabilit .
Selon cette approche, faire confiance cest permettre celui qui reoit la confiance dtre
opportuniste mais, faire confiance ne signifie pas sabandonner totalement la bonne volont
dune tierce personne, faire confiance cest galement contrler.
Conformment lapproche de Reed (2001), nous considrons que lanalyse de la confiance
est enrichie lorsque le concept est reli dautres. Ainsi, pralablement au choix dune
dfinition de la confiance, nous discutons de la relation entre la confiance et deux autres
concepts : lopportunisme (1.2.1) et le contrle (1.2.2).
1.2.1 La relation confiance opportunisme
Selon Bromiley et Cummings (1992 & 1996), confiance et opportunisme ne sont pas des
comportements incompatibles. En effet, une relation de confiance peut favoriser lexpression
dun comportement opportuniste. Cependant, pour que le comportement opportuniste ne
remette pas en cause la relation de confiance existante, il ne doit pas tre peru ou interprt
comme tel, lopportunisme doit tre modr. Un comportement opportuniste, sil est modr,
et si lopportuniste ne retire pas un avantage excessif , ne remet pas en cause la relation de
confiance existante. En ce sens, la relation de confiance, notamment lorsquelle est fonde sur
lamiti ou lidentification (Bogenrieder & Nooteboom ; 2004), peut saccompagner dune
baisse de vigilance et compliquer la dtection des actions opportunistes.
Lapproche de Bromiley & Cummings suggre que la relation de confiance est susceptible de
soutenir lexpression dun comportement opportuniste.
Les travaux de Neuville (1998) permettent dclaircir le lien confiance opportunisme. Ils
senvisagent, selon nous, comme une confirmation empirique de lapproche de Bromiley &
Cummings.
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Dans le cas dune tude sur le partenariat industriel, Neuville met jour la prsence dun
comportement fond la fois sur une confiance limite et un opportunisme modr.
Dans le contexte particulier du partenariat industriel, la coopration est soumise la
contrainte dagir dans lurgence. La coopration sexprime travers une pluralit de
comportements coopratifs que Neuville rsume par la construction de 3 idaux-types : le
pouvoir, la confiance et le conflit. Il existe une dynamique de la coopration rvlant le rle
central de lopportunisme. Dans lanalyse, lopportunisme est envisag comme une variable
explicative centrale de lvolution dune forme de coopration lautre. Parmi ces trois
formes, la confiance est dfinie comme une coopration contractualise qui autorise un
dpassement de la coopration ngocie (pouvoir) puisquil y a cration en commun de
nouvelles rgles . Le but de ces nouvelles rgles est simple : viter les ngociations pour
gagner du temps. Mais, et cest ici que la confiance prend tout son sens pour lauteur, viter la
ngociation conduit chacun dcider seul de couvrir les dfaillances de lautre . La
confiance est la forme de coopration la plus efficace, conomiquement parlant, car elle rduit
les cots de transaction ; quatre cots principalement : les cots de contrle, les cots de
communication, les cots de production et les cots de coordination. Mais si elle rduit les
cots de transaction elle est galement source de dysfonctionnements. En effet, elle est
une forme de coopration propice lmergence et la prennit de comportements
opportunistes.
Dans le contexte de ltude, ces comportements opportunistes sont rciproques. Ils ne
remettent pas en cause les relations de confiance puisquils ne sont pas perus (opportunisme
cach) ou interprts comme tels (opportunisme transfr). En effet, le capital confiance
dispose dune capacit absorber les comportements dviants (p 88).
Ainsi, il est possible de suggrer une relation entre llvation du niveau de confiance et
celui de lopportunisme tel que : plus la confiance slve plus les comportements
opportunistes sont difficiles reprer et plus les tentations dtre davantage
opportunistes sont leves.
Lauteur procde un renversement de logique : le calcul de lacteur ne porte plus sur le
risque dopportunisme de lautre mais sur le risque que son propre opportunisme soit peru
par son interlocuteur . Ainsi, les acteurs prennent volontairement le risque de remettre en
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cause la confiance pour mieux rsoudre les problmes intra-organisationnels quils
rencontrent. En ce sens, la confiance savre la figure de coopration la plus vulnrable .
Pour Neuville, lopportunisme est un ferment de la coopration et la construction de la
confiance est apprhende comme un calcul : la possibilit de profiter modrment de la
confiance de lautre . Lopportunisme est rciproquement avantageux, les deux partis ne
mettant pas en cause la relation de confiance mme sils sont trahis : cest cette possibilit
de trahir modrment qui permet daccepter dtre soi-mme victime .
En conclusion, les rsultats de ltude de Neuville confirment lide que linvestissement dans
des relations de confiance peut tre motiv par lanticipation de lexploitation de la relation de
confiance des fins opportunistes. Cette situation est profitable lorganisation puisque les
cots de transaction diminuent grce des logiques de coordination davantage fondes sur le
principe de la rgulation autonome (Reynaud ; 1989). Lanalyse de Neuville met galement
en avant lide que lvolution du processus coopratif saccompagne, en partie, dune
volution de la nature des relations de confiance qui, dans lexemple prsent, favorise
lmergence de relations de coopration communautaire en se renforant.
Lewicki, Mc Allister & Bies (1998) proposent galement une approche renouvele de la
confiance. Ils considrent la confiance et la mfiance comme deux concepts lis. Ainsi, les
relations de collaboration entre deux personnes peuvent la fois se fonder sur la confiance et
sur la mfiance, les situations de collaboration tant nombreuses et varies.
Le cadre propos est construit sur une critique des approches thoriques traditionnelles. Pour
Lewicki, Mc Allister & Bies (1998) celles-ci saccompagnent, le plus souvent, de plusieurs
prsupposs inadapts la comprhension des problmes actuels dans lorganisation :
- Premirement, confiance et mfiance sont considres comme bipolaires, ds lors la co-
existence entre confiance et mfiance est vacue. Cependant, il semble raisonnable de
suggrer que deux mmes personnes, en fonction des circonstances de lchange