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Dirittifondamentali.it (ISSN 2240-9823) La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto della vita privata e familiare. (CEDU, sez. III, sent. 18 giugno 2019, ric. n. 16577/13) La Corte EDU, pronunciandosi in tema di diritto al rispetto della vita privata e familiare, ribadisce che lo scopo della Convenzione è quello di proteggere i diritti concreti ed effettivi degli individui, senza per questo sostituirsi alle autorità nazionali. I giudici di Strasburgo evidenziano come, l'art. 8 della Convenzione sia essenzialmente inteso a proteggere l'individuo dalle interferenze arbitrarie da parte delle autorità pubbliche, riscontrando nel caso in esame, una grave mancanza di diligenza nel procedimento condotto dalle autorità spagnole a preservare il diritto al ricongiungimento di un padre con il proprio figlio. *** TROISIÈME SECTION AFFAIRE HADDAD c. ESPAGNE (Requête no 16572/17) ARRÊT STRASBOURG 18 juin 2019 Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. En l’affaire Haddad c. Espagne, La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une Chambre composée de : Vincent A. De Gaetano, président, Georgios A. Serghides, Paulo Pinto de Albuquerque, Alena Poláčková, María Elósegui, Gilberto Felici, Erik Wennerström, juges, et de Stephen Phillips, greffier de section,

La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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Page 1: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

Dirittifondamentaliit (ISSN 2240-9823)

La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto della vita privata e familiare

(CEDU sez III sent 18 giugno 2019 ric n 1657713)

La Corte EDU pronunciandosi in tema di diritto al rispetto della vita privata e familiare ribadisce

che lo scopo della Convenzione egrave quello di proteggere i diritti concreti ed effettivi degli individui

senza per questo sostituirsi alle autoritagrave nazionali I giudici di Strasburgo evidenziano come lart 8

della Convenzione sia essenzialmente inteso a proteggere lindividuo dalle interferenze arbitrarie

da parte delle autoritagrave pubbliche riscontrando nel caso in esame una grave mancanza di diligenza

nel procedimento condotto dalle autoritagrave spagnole a preservare il diritto al ricongiungimento di un

padre con il proprio figlio

TROISIEgraveME SECTION

AFFAIRE HADDAD c ESPAGNE

(Requecircte no 1657217)

ARREcircT

STRASBOURG

18 juin 2019

Cet arrecirct deviendra deacutefinitif dans les conditions deacutefinies agrave lrsquoarticle 44 sect 2 de la Convention Il peut subir des

retouches de forme

En lrsquoaffaire Haddad c Espagne

La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (troisiegraveme section) sieacutegeant en une Chambre

composeacutee de

Vincent A De Gaetano preacutesident

Georgios A Serghides

Paulo Pinto de Albuquerque

Alena Polaacutečkovaacute

Mariacutea Eloacutesegui

Gilberto Felici

Erik Wennerstroumlm juges

et de Stephen Phillips greffier de section

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Apregraves en avoir deacutelibeacutereacute en chambre du conseil le 28 mai 2019

Rend lrsquoarrecirct que voici adopteacute agrave cette date

PROCEacuteDURE

1 Agrave lrsquoorigine de lrsquoaffaire se trouve une requecircte (no 1657217) dirigeacutee contre le Royaume

drsquoEspagne et dont un ressortissant syrien M Wael Haddad (laquo le requeacuterant raquo) a saisi la Cour le 22

feacutevrier 2017 en vertu de lrsquoarticle 34 de la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales (laquo la Convention raquo)

2 Le requeacuterant a eacuteteacute repreacutesenteacute par Me LM Chamorro Coronado avocat agrave Madrid Le

gouvernement espagnol (laquo le Gouvernement raquo) a eacuteteacute repreacutesenteacute par son agent M A Brezmes

Martiacutenez de Villareal avocat de lrsquoEacutetat aupregraves du service juridique des droits de lrsquohomme au

ministegravere de la Justice

3 La preacutesente affaire porte sur le placement en famille drsquoaccueil de la fille cadette du requeacuterant

Est en cause lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Le 31 aoucirct 2017 la requecircte a eacuteteacute communiqueacutee au Gouvernement

EN FAIT

I LES CIRCONSTANCES DE LrsquoESPEgraveCE

5 Le requeacuterant est neacute en 1976 et reacuteside agrave Madrid

A La genegravese de lrsquoaffaire et la proceacutedure peacutenale agrave lrsquoencontre du requeacuterant

6 En janvier 2012 le requeacuterant et son eacutepouse de nationaliteacute espagnole quittegraverent la Syrie pour

lrsquoEspagne accompagneacutes de leurs trois enfants mineurs en raison du conflit armeacute

7 Un mois apregraves leur arriveacutee en Espagne lrsquoeacutepouse du requeacuterant deacuteposa contre celui-ci une

plainte peacutenale pour violences conjugales Le 2 feacutevrier 2012 le juge no 1 de Coslada (Madrid)

chargeacute de la lutte contre les violences faites aux femmes (laquo le juge no 1 de Coslada raquo) deacutelivra agrave

lrsquoeacutepouse du requeacuterant une ordonnance de protection provisoire valable pendant le deacuteroulement

de la proceacutedure peacutenale qui contenait entre autres une mesure peacutenale interdisant agrave son eacutepoux de

srsquoapprocher drsquoelle et de leurs trois enfants et de communiquer avec eux au moyen drsquoun bracelet

connecteacute ainsi qursquoune mesure civile suspendant provisoirement lrsquoautoriteacute parentale et le droit de

visite du requeacuterant Lrsquoeacutepouse de celui-ci qui avait eacuteteacute heacutebergeacutee dans un centre drsquoaccueil drsquourgence

quitta ce dernier avec ses enfants et retourna cohabiter avec son eacutepoux en deux occasions malgreacute

lrsquoordonnance drsquoeacuteloignement prononceacutee agrave lrsquoencontre de ce dernier Le requeacuterant fut arrecircteacute et deacutetenu

agrave deux reprises pour rupture de ladite ordonnance drsquoeacuteloignement avant drsquoecirctre finalement remis en

liberteacute Des rapports des 20 avril et 21 mai 2012 eacutetablis par les centres drsquoaccueil drsquourgence de

Moacutestoles et drsquoAlcala de Henares firent eacutetat de graves carences affectives eacuteducationnelles et

comportementales des enfants vis-agrave-vis de leur megravere Le 8 juin 2012 lrsquoeacutepouse du requeacuterant deacuteposa

une nouvelle plainte pour violences

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B La deacuteclaration drsquoabandon des enfants et la proceacutedure de placement de la fille du requeacuterant en

accueil familial en vue de son adoption

8 Le 15 juin 2012 les trois enfants acircgeacutes de neuf ans six ans et un an et demi furent deacuteclareacutes en

situation leacutegale drsquoabandon par le gouvernement reacutegional de Madrid qui en assuma la tutelle selon

la proceacutedure drsquourgence Les enfants furent placeacutes dans des centres drsquoaccueil Cette deacutecision fut

prise agrave la suite de la demande de lrsquoeacutepouse du requeacuterant qui avait deacuteclareacute ne plus pouvoir

srsquooccuper de ses enfants en raison drsquoune situation de conflit familial grave et de son absence de

ressources Lrsquoeacutepouse du requeacuterant informa le gouvernement reacutegional de Madrid qursquoelle comptait

deacutemeacutenager agrave Murcie afin de srsquoeacuteloigner du requeacuterant et pour habiter avec son fregravere et demanda

que les trois enfants fussent pris en charge par le gouvernement reacutegional de cette ville Elle

manifesta eacutegalement son intention drsquoentamer une theacuterapie

9 Le 28 juin 2012 les enfants furent accueillis dans des centres drsquoaccueil agrave Murcie Le requeacuterant

ne fut pas informeacute que ses enfants avaient eacuteteacute deacuteclareacutes en situation drsquoabandon et placeacutes dans des

centres drsquoaccueil ni drsquoaucune des deacutecisions prises agrave lrsquoeacutegard de ses enfants par les services de

protection des mineurs de Madrid ou de Murcie

10 Le 28 juillet 2012 le directeur des affaires sociales de la reacutegion de Murcie assuma la tutelle

des trois mineurs Les deux fils du requeacuterant furent placeacutes dans le centre drsquoaccueil Santo Angel et sa

fille dans le centre drsquoaccueil Cardenal Belluga et les visites de leur megravere furent autoriseacutees

11 Le 14 feacutevrier 2013 le preacutesident de lrsquoAssociation musulmane drsquoEspagne (laquo lrsquoassociation raquo)

adressa au nom du requeacuterant une lettre au service de protection des mineurs de Murcie (laquo le

service de protection des mineurs raquo) dans laquelle il indiquait que lrsquointeacuteresseacute ayant coupeacute tout lien

avec son eacutepouse nrsquoavait aucune information au sujet de ses trois enfants Par cette lettre

lrsquoassociation demandait agrave ecirctre instruite de la situation de ces mineurs et indiquait que le requeacuterant

eacutetant juridiquement priveacute du droit de communiquer avec ses enfants reacuteclamait qursquoun membre de

lrsquoassociation puisse les rencontrer Le 7 mars 2013 le service de protection des mineurs reacutepondit agrave

lrsquoassociation que le retour des enfants dans leur famille biologique nrsquoeacutetait pas envisageacute et qursquoil

nrsquoeacutetait pas souhaitable que des tiers rendent visite aux enfants

12 Le 19 mars 2013 le juge no 1 de Coslada renvoya au service de protection des mineurs de

Murcie une convocation reccedilue tardivement au siegravege du tribunal ce qui rendit impossible que le

juge no 1 puisse contacter le requeacuterant en temps utile pour que celui-ci se rende agrave une audience agrave

Murcie le 21 mars 2013

13 Une convocation agrave lrsquoaudience de ratification de la tutelle des enfants du requeacuterant fut

effectueacutee le 6 avril 2013 agrave lrsquoeacutegard de lrsquointeacuteresseacute par voie drsquoaffichage (edictos) au Journal officiel de

Murcie Les 8 et 16 avril 2013 le requeacuterant fut contacteacute par teacuteleacutephone par un membre du service de

protection des mineurs de Murcie Lors de la premiegravere conversation teacuteleacutephonique le requeacuterant fut

informeacute de la signification de lrsquoaudience de tutelle Nrsquoayant pas donneacute suite agrave lrsquoappel et ne srsquoeacutetant

pas preacutesenteacute agrave lrsquoaudience lors de la seconde conversation teacuteleacutephonique avec le mecircme membre du

service de protection des mineurs le requeacuterant indiqua qursquoil nrsquoassisterait pas agrave lrsquoaudience et qursquoil

ferait appel le cas eacutecheacuteant de la deacutecision de ratification de tutelle qui serait rendue Le 24 avril

2013 le gouvernement reacutegional de Murcie (laquo le gouvernement reacutegional raquo) confia la prise en charge

des enfants au service de protection des mineurs Une notification de cette reacutesolution fut adresseacutee

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au requeacuterant agrave son domicile le 14 mai 2013 puis celui-ci eacutetant absent elle fut deacuteposeacutee au bureau de

poste le 21 mai 2013 ougrave il ne vint pas la reacutecupeacuterer

14 Dans un rapport drsquoorientation dateacute du 20 juin 2013 la direction geacuteneacuterale des affaires

sociales de la reacutegion de Murcie prit note de la circonstance que les mineurs auraient fait lrsquoobjet de

maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves de la part du requeacuterant ainsi que de lrsquoordonnance

drsquoeacuteloignement et de la prohibition totale de communication avec eux prononceacutees par le juge no 1

de Coslada Il prit eacutegalement note notamment de la personnaliteacute vulneacuterable tregraves influenccedilable et

fragile de leur megravere de lrsquoabsence de rocircle protecteur de cette derniegravere envers ses enfants de son

instabiliteacute eacutemotionnelle et de son intelligence limiteacutee de son absence de stabiliteacute financiegravere de

domicile et drsquoactiviteacute professionnelle ainsi que de son enfance eacutegalement passeacutee sous tutelle Le

rapport preacuteconisait la suspension des visites de la megravere agrave sa fille alors mineure et la tenue drsquoune

seule visite bimestrielle drsquoune heure avec ses deux fils dans un endroit agrave deacuteterminer par le centre

drsquoaccueil

15 Lrsquoeacutepouse du requeacuterant deacuteclara aux services sociaux du centre drsquoaccueil Cardenal Beluga lors

drsquoun appel teacuteleacutephonique de leur part qursquoelle louait avec lrsquoargent que le requeacuterant lui envoyait un

appartement pour rester pregraves de sa fille

16 Dans un rapport psychosocial tregraves deacutetailleacute du 19 juillet 2013 la direction geacuteneacuterale des

affaires sociales de la reacutegion de Murcie proposa lrsquoaccueil familial preacuteadoptif provisoire de la fille

du requeacuterant sans visites de sa famille biologique Le rapport reproduisit pour lrsquoessentiel les

conclusions du rapport preacuteceacutedent et souligna lrsquoabsence de capaciteacutes parentales de la megravere des

enfants et son immaturiteacute

C Le placement en accueil familial de la fille du requeacuterant et lrsquoacquittement du requeacuterant dans

la proceacutedure peacutenale pour violences conjugales entameacutee agrave son encontre

17 Le 20 septembre 2013 la Commission reacutegionale de protection des mineurs deacutecida de placer

provisoirement la fille du requeacuterant en accueil familial en vue de son adoption

Le 24 septembre 2013 la fille du requeacuterant fut remise agrave sa famille drsquoaccueil

18 Le 8 octobre 2013 le Preacutesident de la Commission reacutegionale de protection des mineurs

formula la proposition formelle drsquoaccueil familial preacuteadoptif provisoire sans reacutegime de visites de la

mineure par ses parents biologiques en faveur du couple seacutelectionneacute

19 Le 27 septembre 2013 le juge peacutenal no 5 drsquoAlcalaacute de Henares acquitta le requeacuterant de toutes

les charges retenues contre lui dans le cadre de la proceacutedure entameacutee agrave son encontre et annula les

mesures peacutenales et civiles prises dans la deacutecision du juge no 1 de Coslada du 2 feacutevrier 2012 Le

juge peacutenal no 5 prit en compte dans son jugement lrsquoabsence de preacutecision des explications de

lrsquoeacutepouse du requeacuterant sur les faits reprocheacutes agrave ce dernier les teacutemoignages eacutegalement impreacutecis des

simples teacutemoins de reacutefeacuterence (la directrice de lrsquoeacutecole des enfants du requeacuterant et leurs tutrices

lrsquoauxiliaire de vie de lrsquoeacutecole la secreacutetaire du centre scolaire) qui ne se souvenaient pas bien des faits

ou qui reacutepeacutetaient des commentaires faits par les enfants ou des impressions ainsi que les

expertises psychologiques et meacutedicales qui avaient montreacute des laquo leacutesions psychologiques

compatibles avec des mauvais traitements deacutesadaptation sociale agressions physiques sexuelles

et psychologiques raquo qui ne suffisent pas non plus agrave renverser la preacutesomption drsquoinnocence du

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requeacuterant au vu du caractegravere geacuteneacuterique des faits imputeacutes dans les diffeacuterents rapports de lrsquoabsence

drsquoexplication du processus technique suivi pour parvenir aux conclusions exposeacutees et de

deacutepositions impreacutecises des experts agrave lrsquoaudience Le jugement drsquoacquittement devint deacutefinitif le 8

novembre 2013

20 Le 19 novembre 2013 le requeacuterant assisteacute par un avocat contacta par eacutecrit le service de

protection des mineurs et se preacutesenta agrave un entretien Il communiqua le jugement rendu en sa

faveur et indiqua qursquoil travaillait qursquoil avait des revenus stables et qursquoil reacutesidait agrave Madrid Il

demanda lrsquoautorisation de rendre visite agrave ses enfants

21 Dans un rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 le service de protection des mineurs prit

note de lrsquoabsence de tout contact entre le requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date de leur

placement en centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du requeacuterant avec

le service de protection des mineurs deacutecrit ci-dessus Dans ce rapport le service de protection des

mineurs proposa de ne pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille et de refuser

provisoirement ses visites agrave ses deux autres enfants laquo jusqursquoagrave ce que les mineurs preacutesentent un eacutetat

eacutemotionnel psychologique plus stable raquo Il nota que la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors

de la proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo et que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la

peur et un manque de confiance envers la figure paternelle raquo et suivaient des traitements

psychologiques et pharmacologiques Les conclusions dudit rapport furent confirmeacutees en date du

31 mars 2014 par une deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales de la reacutegion de Murcie

qui mit fin agrave la proceacutedure administrative Cette deacutecision fut transmise au procureur chargeacute de la

protection des mineurs Le requeacuterant en fut informeacute le 22 avril 2014

22 Le 28 mai 2014 le requeacuterant srsquoopposa agrave la constitution de lrsquoaccueil familial de sa fille

23 Dans un rapport de suivi du 18 deacutecembre 2014 le service de protection des mineurs exposa

les liens affectifs eacutetablis entre la mineure et sa famille drsquoaccueil et son adaptation agrave son nouvel

environnement sociofamilial

24 Le 2 feacutevrier 2015 la psychologue et lrsquoassistante drsquoaide sociale du centre drsquoassistance sociale agrave

lrsquoenfance II de Madrid eacutemirent un rapport au sujet du requeacuterant constatant lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le pegravere et sa fille et le fait que lrsquointeacuteresseacute centrait sa demande de reacutecupeacuterer ses

enfants sur les deux aicircneacutes Selon ce rapport le requeacuterant comprenait les conseacutequences que la

seacuteparation avait eue pour ses enfants et indiquait ecirctre capable de concilier sa vie priveacutee et sa vie

professionnelle pour reacutepondre aux besoins des enfants

25 Agrave la suite de la demande formuleacutee par la direction geacuteneacuterale des affaires sociales le juge de

premiegravere instance no 3 de Murcie autorisa le 11 feacutevrier 2015 le placement de la fille du requeacuterant

dans une famille drsquoaccueil en vue de son adoption en application de lrsquoarticle 173 paragraphe 1 du

code civil La deacutecision eacutetait motiveacutee comme suit

laquo Le cas drsquoespegravece reacuteunit les conditions requises par la loi pour le placement en accueil

familial dans la mesure ougrave lrsquoorganisme public chargeacute de la protection des mineurs et la famille

drsquoaccueil ont donneacute leur accord et ougrave il peut ecirctre remeacutedieacute agrave lrsquoabsence de consentement des

parents par une deacutecision judiciaire dans la situation dans laquelle se trouve lrsquoenfant le

placement de celle-ci dans une famille qui srsquooccupera et prendra soin drsquoelle qui la nourrira et

lrsquoeacuteduquera et agrave la vie de laquelle elle prendra part serait tregraves beacuteneacutefique pour son

deacuteveloppement physique intellectuel et moral [ainsi que] pour son eacuteducation en geacuteneacuteral raquo

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26 Le 13 mars 2015 le requeacuterant fit appel de la deacutecision du 11 feacutevrier 2015 autorisant le

placement de sa fille en accueil familial en vue de son adoption Son eacutepouse fit de mecircme Le

requeacuterant soutenait notamment que ce jugement nrsquoindiquait pas les motifs empecircchant la prise en

charge de lrsquoenfant par son pegravere alors qursquoil avait eacuteteacute acquitteacute de toutes les charges porteacutees agrave son

encontre Il indiquait que la situation drsquoabandon de ses enfants avait eacuteteacute causeacutee par la faccedilon drsquoagir

de son eacutepouse les particulariteacutes de la personnaliteacute de cette derniegravere ainsi que par la guerre en

Syrie agrave laquelle ils avaient pu eacutechapper en quittant le pays Il srsquoestimait victime de lrsquoincapaciteacute de

la megravere de sa fille agrave srsquooccuper de cette derniegravere alors que sa propre capaciteacute agrave eacutelever sa fille et agrave

prendre soin drsquoelle nrsquoa selon lui nullement eacuteteacute examineacutee ni par les autoriteacutes administratives ni par

les organes judiciaires

27 Dans son eacutecrit drsquoopposition agrave lrsquoappel interjeteacute par le requeacuterant contre la deacutecision du 11

feacutevrier 2015 du juge de premiegravere instance no 3 lrsquoavocate du gouvernement reacutegional nota que le

requeacuterant nrsquoavait montreacute aucun inteacuterecirct pour ses enfants apregraves leur accueil dans des centres

drsquoaccueil de Murcie le 28 juin 2012 Elle releva eacutegalement que le requeacuterant nrsquoavait pas non plus

attaqueacute la deacutecision administrative ratifiant lrsquoaccueil des enfants

28 Le 7 avril 2016 lrsquoAudiencia provincial de Murcie deacutebouta le requeacuterant ainsi que son eacutepouse

de leurs appels respectifs et confirma la deacutecision attaqueacutee exposant que

laquo () [selon] la deacutecision attaqueacutee une telle mesure [le placement de lrsquoenfant en accueil

familial preacuteadoptif] garantit lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure et contribue efficacement agrave son

deacuteveloppement dans son ensemble

()

Il faut prendre en compte lrsquoappreacuteciation faite par lrsquoadministration sur le manque drsquointeacuterecirct du

requeacuterant Drsquoune part celui-ci nrsquoa entameacute aucune deacutemarche apregraves avoir demandeacute des

informations sur la situation de ses enfants et avoir reccedilu en feacutevrier 2013 les renseignements

demandeacutes Drsquoautre part il nrsquoest pas intervenu dans la proceacutedure agrave lrsquoexception drsquoun eacutecrit

preacutesenteacute le 19 novembre 2013 alors qursquoil avait eacuteteacute informeacute agrave plusieurs reprises de la

confirmation de la prise en charge de ses enfants par lrsquoorganisme public au mois drsquoavril 2013

()

Ce nrsquoest que le 28 mai 2014 apregraves plusieurs convocations infructueuses qursquoil est intervenu

dans la proceacutedure pour contester la deacutecision de placement de A [sa fille] en famille drsquoaccueil

() Il apparaicirct en vertu du rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 que la mineure est resteacutee

heacutebergeacutee dans le Centre de protection des mineurs pendant un an et trois mois et qursquoelle nrsquoa

aucun lien avec son pegravere Par ailleurs les moyens de preuve examineacutes et en particulier le

rapport de suivi du 18 deacutecembre 2014 montrent les liens affectifs de qualiteacute et lrsquoidentification

de la mineure en tant que membre de sa famille drsquoaccueil ainsi que son adaptation au nouvel

environnement sociofamilial Ce rapport eacutetablit que les besoins de A sont satisfaits dans cet

environnement et que cet accueil est beacuteneacutefique pour son deacuteveloppement personnel et ajoute

que le mieux pour elle est qursquoelle soit adopteacutee par le couple accueillant [et qursquoil est neacutecessaire]

drsquoeacutevaluer les conseacutequences neacutegatives qui pourraient deacutecouler de la cessation de lrsquoaccueil

Concregravetement il est mentionneacute que cela eacutequivaudrait agrave une agression de la mineure dans tous

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les domaines de son deacuteveloppement physique intellectuel et moral ce qui supposerait un

grave danger pour sa santeacute mentale et aurait une influence sur lrsquoeacutepanouissement de sa

personnaliteacute et sur sa capaciteacute pour eacutetablir des relations interpersonnelles tout au long de sa

vie

()

Il convient drsquoajouter par ailleurs que le document fourni par [le requeacuterant] (M Haddad)

dans le cadre de la proceacutedure drsquoappel dans lequel le Service de protection des mineurs

indique la fin de la prise en charge des deux fregraveres drsquoA L acircgeacute de treize ans et Ad acircgeacute de dix

ans au motif qursquoils sont retourneacutes vivre avec leur pegravere est totalement deacutenueacute de pertinence Et

cela parce qursquoil ne mentionne pas les motifs qui ont conduit agrave la fin de la prise en charge et

aussi parce que la situation actuelle de la mineure A acircgeacutee de quatre ans dans le cadre de la

proceacutedure drsquoaccueil en vue de son adoption en cours et [du processus] drsquointeacutegration [dans la

famille] et les conseacutequences neacutegatives et nuisibles qursquoentraicircnerait la fin de cet accueil ainsi que

lrsquoont eacutetabli les rapports drsquoexpertise ne plaident pas en faveur drsquoun changement de mesure agrave

son sujet () raquo

29 Le 26 feacutevrier 2016 le gouvernement reacutegional mit fin agrave la prise en charge des deux fils du

requeacuterant par le service de protection des mineurs et autorisa leur retour aupregraves de leur pegravere Ils

habitent avec lui depuis cette date

30 Le 13 juin 2016 le requeacuterant forma un recours drsquoamparo devant le Tribunal constitutionnel

dans lequel il exposait dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles cette action

preacutesentait selon lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il invoquait les articles 24 (droit agrave un

procegraves eacutequitable) et 39 de la Constitution ainsi que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les

deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le regroupement familial entre sa fille et lui en raison de

graves erreurs contenues dans les diffeacuterents rapports de lrsquoadministration qui ont servi de base au

raisonnement aux juridictions internes Par une deacutecision notifieacutee le 19 octobre 2016 le Tribunal

constitutionnel deacuteclara le recours drsquoamparo irrecevable faute pour lrsquointeacuteresseacute drsquoavoir justifieacute

lrsquoimportance constitutionnelle de son recours

II LE DROIT INTERNE PERTINENT

31 Les dispositions pertinentes en lrsquoespegravece de la Constitution se lisent ainsi

Article 24

laquo 1 Toute personne a droit agrave la protection effective des juges et des tribunaux dans lrsquoexercice

de ses droits et inteacuterecircts leacutegitimes sans qursquoen aucun cas elle puisse ecirctre mise dans

lrsquoimpossibiliteacute de se deacutefendre

() raquo

Article 39

laquo 1 Les pouvoirs publics assurent la protection sociale eacuteconomique et juridique de la famille

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2 Les pouvoirs publics assurent eacutegalement la protection inteacutegrale des enfants qui sont eacutegaux

devant la loi indeacutependamment de leur filiation et celle de la megravere quel que soit son eacutetat civil

La loi rendra possible la recherche de la paterniteacute

3 Les parents doivent precircter assistance dans tous les domaines agrave leurs enfants qursquoils soient

neacutes dans le mariage ou en dehors de celui-ci pendant leur minoriteacute et dans les autres cas

preacutevus par la loi

4 Les enfants jouissent de la protection preacutevue par les accords internationaux qui veillent sur

leurs droits raquo

32 Lrsquoarticle 17 de la Loi organique 11996 du 15 janvier 1996 portant sur la protection juridique

des mineurs dispose que

laquo Devant toute situation agrave risque quelle qursquoelle soit portant preacutejudice au deacuteveloppement

personnel ou social du mineur et nrsquoexigeant pas sa mise sous tutelle en vertu de la loi lrsquoaction

des pouvoirs publics doit dans tous les cas garantir les droits du mineur et tendre agrave la

reacuteduction des facteurs de risque et des difficulteacutes sociales qui ont une incidence sur sa

situation personnelle et sociale ainsi que promouvoir les facteurs de protection du mineur et

de sa famille

Une fois la situation de risque appreacutecieacutee lrsquoadministration compeacutetente en matiegravere de

protection de mineurs mettra en œuvre les actions pertinentes pour lrsquoatteacutenuer et proceacutedera au

suivi de lrsquoeacutevolution du mineur dans sa famille raquo

33 Les dispositions pertinentes en lrsquoespegravece du code civil se lisent comme suit

Article 172

laquo 1 Lorsque lrsquoinstitution publique responsable de la protection des mineurs dans son ressort

territorial constate qursquoun mineur se trouve dans une situation drsquoabandon elle en assume de

plein droit la tutelle et doit mettre en œuvre les mesures neacutecessaires pour garantir sa

protection et sa tutelle () [Les parents et tuteurs] seront autant que possible informeacutes

personnellement et de maniegravere claire et compreacutehensible des motifs ayant donneacute lieu agrave

lrsquointervention de lrsquoadministration et des effets possibles de la deacutecision adopteacutee

Un mineur est consideacutereacute comme eacutetant en situation drsquoabandon lorsque de fait il se trouve

dans une situation deacutecoulant soit drsquoun manquement aux devoirs de protection eacutetablis par les

textes de loi portant sur la tutelle des mineurs soit de lrsquoimpossibiliteacute drsquoexercer ces devoirs ou

de les exercer correctement et qursquoil est priveacute de lrsquoassistance morale ou mateacuterielle qui lui est

neacutecessaire

Lrsquoexercice de la tutelle par lrsquoadministration implique la suspension de lrsquoautoriteacute parentale ou

de la tutelle ordinaire ()

2 Lorsque en raison de circonstances graves les parents ou les tuteurs ne peuvent pas

prendre soin du mineur ils peuvent solliciter de lrsquoadministration compeacutetente qursquoelle en

assume la tutelle pendant le temps neacutecessaire

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La cession de la tutelle se fera par eacutecrit et il sera constateacute que les parents ou tuteurs ont eacuteteacute

informeacutes des responsabiliteacutes qursquoils ont toujours par rapport agrave lrsquoenfant ainsi que la faccedilon dans

laquelle la tutelle sera exerceacutee par lrsquoadministration

()

3 La tutelle assumeacutee agrave la demande des parents ou tuteurs ou en vertu drsquoune obligation

leacutegale prendra la forme de lrsquoaccueil familial ou en reacutesidence ()

4 Lrsquointeacuterecirct du mineur est toujours rechercheacute Agrave moins que lrsquointeacuterecirct du mineur ne srsquoy oppose

[lrsquoadministration srsquoefforce] de le reacuteinteacutegrer dans sa propre famille et de confier la tutelle des

fregraveres et sœurs agrave la mecircme institution ou personne

()

7 Les parents dont lrsquoautoriteacute parentale est suspendue en vertu du paragraphe 1 du preacutesent

article peuvent solliciter la cessation de la suspension et la reacutevocation de la deacuteclaration

drsquoabandon pendant un deacutelai de deux ans agrave compter de la notification administrative de la

deacuteclaration drsquoabandon srsquoils estiment qursquoils peuvent de nouveau exercer lrsquoautoriteacute parentale en

raison drsquoun changement des circonstances lrsquoayant motiveacutee

Ils peuvent aussi contester pendant ce mecircme deacutelai les deacutecisions prises en rapport avec la

protection du mineur

()

Une fois ce deacutelai eacutecouleacute ils nrsquoont plus le droit de demander ou de contester les deacutecisions ou

les mesures prises en vue de la protection du mineur ()

8 Lrsquoadministration drsquooffice ou agrave la demande du ministegravere public ou de toute personne ou

institution inteacuteresseacutees peut agrave tout moment reacutevoquer la deacuteclaration drsquoabandon et deacutecider du

retour du mineur avec sa famille srsquoil nrsquoest pas inteacutegreacute de maniegravere stable dans une autre famille

ou si elle estime que crsquoest la mesure la plus adeacutequate pour lrsquointeacuterecirct du mineur La deacutecision

sera notifieacutee au ministegravere public raquo

Article 173

laquo 1 Le placement en famille drsquoaccueil implique la pleine participation du mineur agrave la vie du

foyer familial et lrsquoobligation pour la famille drsquoaccueil de veiller sur lui de srsquooccuper de lui de

le nourrir de lrsquoeacuteduquer et de lui offrir une instruction complegravete

()

3 Si les parents () srsquoopposent [au placement du mineur en famille drsquoaccueil] ce placement

doit faire lrsquoobjet drsquoune deacutecision judiciaire dans lrsquointeacuterecirct du mineur ()

Toutefois lrsquoadministration peut deacutecider dans lrsquointeacuterecirct du mineur de le placer

provisoirement en famille drsquoaccueil jusqursquoagrave ce que la deacutecision judiciaire soit rendue

() raquo

Article 173 bis

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laquo Lrsquoaccueil familial peut revecirctir lrsquoune des modaliteacutes suivantes selon sa finaliteacute

1er lrsquoaccueil familial simple qui revecirct un caractegravere provisoire soit parce que la situation du

mineur permet de preacutevoir sa reacuteinsertion dans sa propre famille soit parce qursquoune autre

mesure de protection plus durable est en voie drsquoecirctre adopteacutee

2e lrsquoaccueil familial permanent lorsque en raison de lrsquoacircge ou drsquoautres circonstances

concernant le mineur ou sa famille [ce mode] semble preacutefeacuterable et est ainsi recommandeacute par

les services de protection des mineurs ()

3e lrsquoaccueil familial preacuteadoptif formaliseacute par lrsquoadministration lorsqursquoelle preacutesente agrave

lrsquoautoriteacute judiciaire une proposition drsquoadoption du mineur [laquelle doit ecirctre] viseacutee par les

services de protection des mineurs pourvu que les parents drsquoaccueil remplissent les

conditions requises pour lrsquoadoption aient eacuteteacute seacutelectionneacutes et aient donneacute leur consentement agrave

lrsquoadministration et que le mineur se trouve dans une situation juridique le rendant apte agrave ecirctre

adopteacuteLrsquoadministration peut aussi mettre en place un accueil familial preacuteadoptif lorsqursquoelle

considegravere avant la preacutesentation de la proposition drsquoadoption qursquoil est neacutecessaire drsquoeacutetablir une

peacuteriode drsquoadaptation du mineur dans la famille Cette peacuteriode est la plus bregraveve possible et ne

peut deacutepasser un an raquo

Article 222

laquo Sont placeacutes sous tutelle

()

4e Les mineurs en situation drsquoabandon raquo

34 Lrsquoarticle 35 de la Loi 31995 du 21 mars 1995 de la reacutegion de Murcie relative agrave lrsquoenfance se

lit comme suit

Article 35

laquo 1 La mesure drsquoaccueil peut ecirctre appliqueacutee preacutealablement agrave lrsquoadoption

a) si le mineur preacutesente des signes de mauvais traitements physiques ou psychiques drsquoabus

sexuels drsquoexploitation ou drsquoautres [mauvais traitements] de nature analogue ou si par tout

autre motif les parents ou les tuteurs sont sous le coup drsquoune cause de privation de lrsquoautoriteacute

parentale et qursquoil soit preacutevu que cette situation soit permanente

b) si les parents ou tuteurs sont empecirccheacutes drsquoexercer leur autoriteacute parentale et qursquoil est preacutevu

que cette situation soit permanente

c) si les parents ou tuteurs en font la demande agrave lrsquoorganisme compeacutetent et deacutelaissent les

droits et les devoirs inheacuterents agrave leur fonction

e) srsquoil en est ainsi deacutecideacute par lrsquoautoriteacute judiciaire

2 Dans les cas deacutefinis agrave lrsquoalineacutea 1 afin drsquoobtenir une meilleure inteacutegration dans la famille

drsquoaccueil les visites et les rapports avec la famille biologique sont suspendus si cela convient

agrave lrsquointeacuterecirct du mineur raquo

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EN DROIT

I SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

35 Le requeacuterant reproche au service de protection des mineurs de nrsquoavoir pris aucune mesure

pour favoriser le reacutetablissement des contacts avec sa fille agrave la suite de son acquittement et de la

leveacutee des mesures provisoires drsquoeacuteloignement et de non-communication Il invoque lrsquoarticle 8 de la

Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son domicile et de sa

correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit que pour

autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une mesure qui dans une

socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave la sucircreteacute publique au bien-ecirctre

eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la

protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

A Sur la recevabiliteacute

36 Le Gouvernement excipe du non-eacutepuisement des voies de recours internes Il soutient drsquoune

part que le requeacuterant nrsquoa pas saisi lrsquoAudiencia provincial drsquoun recours en nulliteacute avant de saisir le

Tribunal constitutionnel de son recours drsquoamparo Drsquoautre part il note que le recours drsquoamparo a eacuteteacute

deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir rempli

lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle speacuteciale

conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la Loi organique nordm 21979 relative au

Tribunal constitutionnel (LOTC) modifieacutee par la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

37 Le requeacuterant indique que le recours en nulliteacute nrsquoeacutetait pas pertinent ce qui eacutetait aussi lrsquoavis

du Tribunal constitutionnel qui nrsquoa pas rejeteacute son recours drsquoamparo pour ce motif Il ajoute que la

deacutecision drsquoirrecevabiliteacute de son recours drsquoamparo faute drsquoavoir deacutemontreacute lrsquoimportance

constitutionnelle de ses griefs a eacuteteacute prononceacutee agrave tort comme cela avait eacuteteacute aussi le cas selon lui

dans lrsquoaffaire RMS c Espagne (no 2877512 18 juin 2013) qui a fait lrsquoobjet drsquoun constat de violation

de lrsquoarticle 8 de la Convention par la Cour

38 Concernant la premiegravere branche de lrsquoexception souleveacutee par le Gouvernement la Cour

estime que le requeacuterant a fourni aux juridictions internes et en dernier ressort au Tribunal

constitutionnel lrsquooccasion de remeacutedier agrave la violation alleacutegueacutee Concernant lrsquoargument du

Gouvernement tireacute du manque drsquoeacutepuisement des voies de recours internes en raison de lrsquoabsence

de recours en nulliteacute elle observe que le Tribunal constitutionnel nrsquoa pas deacuteclareacute le recours

drsquoamparo du requeacuterant irrecevable pour ce motif et qursquoil nrsquoa agrave aucun moment fait mention drsquoune

eacuteventuelle exigence de preacutesentation preacutealable de ce recours La Cour rappelle que crsquoest drsquoabord

aux autoriteacutes nationales et speacutecialement aux cours et tribunaux qursquoil incombe drsquointerpreacuteter le

droit interne (Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne 19 deacutecembre 1997 sect 31 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-VIII) et notamment les questions de proceacutedure et qursquoelle ne substituera pas sa

propre interpreacutetation du droit agrave la leur en lrsquoabsence drsquoarbitraire Elle ne saurait degraves lors exiger du

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requeacuterant lrsquoeacutepuisement drsquoune voie de recours que le Tribunal constitutionnel lui-mecircme nrsquoa pas

consideacutereacutee comme exigible en lrsquoespegravece

39 Concernant la seconde branche de lrsquoexception du Gouvernement celui-ci estime que les

voies de recours internes nrsquoont pas eacuteteacute correctement eacutepuiseacutees dans la mesure ougrave le recours

drsquoamparo a eacuteteacute deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir

rempli lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle

speacuteciale conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la LOTC telle que modifieacutee par

la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

40 Agrave cet eacutegard comme elle lrsquoa deacutejagrave fait dans lrsquoaffaire Arribas Antoacuten c Espagne (no 1656311

20 janvier 2015) la Cour tient agrave souligner que le fait que le Tribunal constitutionnel ait deacuteclareacute un

recours drsquoamparo irrecevable au motif qursquoil ne revecirctait pas lrsquoimportance constitutionnelle speacuteciale

requise ou le cas eacutecheacuteant que son auteur nrsquoavait pas deacutemontreacute lrsquoexistence de pareille importance

ne lrsquoempecircche pas de se prononcer sur la recevabiliteacute et le fond drsquoune requecircte (ibidem sect 51 avec les

reacutefeacuterences aux arrecircts de la Cour rendus agrave la suite de deacutecisions drsquoirrecevabiliteacute des recours

drsquoamparo par le Tribunal constitutionnel en application de ce critegravere Del Riacuteo Prada c Espagne [GC]

no 4275009 sect 22 CEDH 2013 Varela Geis c Espagne no 6100509 5 mars 2013 Manzanas Martiacuten c

Espagne no 1796610 sect 14 3 avril 2012 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 45 voirplus

reacutecemment Rodriguez Ravelo c Espagne no 4807410 sect 24 12 janvier 2016 et en dernier lieu Saber

et Boughassal c Espagne nos 7655013 et 4593814 sect 30 18 deacutecembre 2018) La Cour relegraveve qursquoen

lrsquoespegravece le requeacuterant a exposeacute dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles le recours

drsquoamparo avait pour lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il a indiqueacute que ledit recours

satisfaisait agrave la condition drsquoimportance constitutionnelle speacuteciale dans la mesure ougrave il eacutetait fondeacute

sur la jurisprudence laquo des organes chargeacutes de lrsquointerpreacutetation des traiteacutes et accords internationaux

viseacutes agrave lrsquoarticle 10 sect 2 CE raquo Il faisait reacutefeacuterence agrave lrsquoarrecirct rendu dans lrsquoaffaire RMS cEspagne

preacuteciteacute et invoquait les dispositions de la Constitution espagnole qursquoil estimait pertinentes ainsi

que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le

regroupement familial entre lui et sa fille en raison de graves erreurs contenues dans les rapports

eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de lrsquoadministration qui ont servi de base au raisonnement des

juridictions internes

41 Par conseacutequent lrsquoexception du Gouvernement ne saurait ecirctre retenue

42 Constatant que la requecircte nrsquoest pas manifestement mal fondeacutee au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a)

de la Convention et qursquoelle ne se heurte par ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour la

deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Thegravese des parties

a) Le Gouvernement

43 Le Gouvernement concegravede que le droit au respect de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

a fait lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence de la part de lrsquoautoriteacute publique Il estime cependant que cette

ingeacuterence se justifie par une exigence primordiale touchant lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant et

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constitue un usage approprieacute de la marge drsquoappreacuteciation dont beacuteneacuteficient les autoriteacutes nationales

Il deacuteclare que en lrsquoespegravece la fille du requeacuterant avait inteacuterecirct agrave voir sa situation drsquoaccueil familial se

consolider apregraves 15 mois de placement dans un centre drsquoaccueil Il indique par ailleurs que la Cour

nrsquoest pas une juridiction de quatriegraveme instance et qursquoelle se doit de respecter la marge

drsquoappreacuteciation dont disposent les Eacutetats membres dans la reacuteglementation des relations parents-

enfants

44 Le Gouvernement indique que la deacutecision de lrsquoadministration locale de recourir agrave la

proceacutedure de placement en accueil familial preacuteadoptif a eacuteteacute adopteacutee dans le strict respect de la

leacutegislation de la protection des mineurs qursquoelle eacutetait ducircment motiveacutee et qursquoelle a eacuteteacute veacuterifieacutee par

les autoriteacutes judiciaires espagnoles conformeacutement agrave la loi Il ajoute que cette deacutecision nrsquoa pas eacuteteacute

prise de maniegravere arbitraire mais se fonde sur le manque drsquointeacuterecirct manifesteacute par le requeacuterant pour

sa fille Le Gouvernement expose que bien que le requeacuterant faisait lrsquoobjet drsquoune mesure

drsquoeacuteloignement jusqursquoen septembre 2013 celui-ci nrsquoa pas eu de contact avec ses enfants entre 2012 et

2015 et ne srsquoest pas rendu agrave Murcie en personne mais a agi par lettre par le biais drsquoune association

(paragraphe 11 ci-dessus) Il indique que la situation du requeacuterant diffegravere degraves lors de

lrsquoaffaire RMS c Espagne(preacuteciteacute sect 76) dans laquelle la Cour a conclu agrave une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention en raison de la constatation de la situation drsquoabandon drsquoune mineure malgreacute le

fait que la requeacuterante laquo srsquoeacutetait rendue au moins agrave 17 reprises au centre drsquoaccueil de Grenade alors

mecircme que lrsquoinstitution se trouvait relativement eacuteloigneacutee de son domicile et () qursquoelle nrsquoavait

mecircme pas eacuteteacute informeacutee que sa fille ne srsquoy trouvait plus raquo De plus le Gouvernement estime que en

lrsquoespegravece cette deacutecision avait eacuteteacute preacuteceacutedeacutee drsquoune analyse rigoureuse baseacutee sur les rapports eacutetablis

par les services de protection sociale de Murcie Il se reacutefegravere au rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 au rapport psychosocial du 19 juillet 2013 au rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 et au

rapport du 2 feacutevrier 2015 (paragraphes 14 et suivants ci-dessus)

45 Le Gouvernement considegravere que les deacutecisions prises en lrsquoespegravece par les autoriteacutes nrsquoeacutetaient

pas disproportionneacutees car celles-ci auraient eacutegalement veilleacute aux inteacuterecircts des parents biologiques

en leur garantissant une protection proceacutedurale suffisante et en les impliquant dans le processus

deacutecisionnel (W c Royaume-Uni 8 juillet 1987 sect 63 seacuterie A no 121) Il estime que les autoriteacutes ont agrave

tout moment respecteacute lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure la situation de sa famille proche et eacutelargie

et les principes de proportionnaliteacute et de neacutecessiteacute Il note les efforts des services sociaux de Murcie

pour contacter le requeacuterant (paragraphes 12 et 13 ci-dessus) ainsi que le fait que les organes

juridictionnels ont respecteacute les droits de la deacutefense en donnant la possibiliteacute aux parents de la

mineure drsquoexprimer leur point de vue et le cas eacutecheacuteant leur opposition agrave travers les deacutemarches et

les recours qui leur eacutetaient disponibles

46 Le Gouvernement indique que lrsquointeacuterecirct de chaque mineur doit ecirctre appreacutecieacute de faccedilon

individualiseacutee Par conseacutequent il estime que le fait pour le requeacuterant drsquoavoir reacutecupeacutereacute la garde de

ses deux fils ne modifiait pas la deacutecision des organes judiciaires car sa fille nrsquoaurait pas eacuteteacute dans

une situation comparable agrave celle de ses fregraveres en raison de son acircge et de ses circonstances

personnelles Se reacutefeacuterant agrave la deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie du 7 avril 2016 il estime

en effet que la reacuteinsertion de la mineure au sein de sa famille biologique nrsquoeacutetait plus possible au

risque de lui causer plus de preacutejudices que de beacuteneacutefices Il ajoute que la famille eacutelargie de lrsquoenfant

nrsquoa pas prouveacute aux services sociaux qursquoelle pouvait la prendre en charge

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47 Enfin le Gouvernement note que les droits eacutenonceacutes agrave lrsquoarticle 8 de la Convention

srsquoappliquent de maniegravere eacutegale tant agrave la famille biologique qursquoagrave la famille drsquoaccueil laquelle a creacuteeacute

des liens affectifs avec la mineure dont la Cour doit tenir compte

b) Le requeacuterant

48 Le requeacuterant estime que si lrsquoaccueil a pu ecirctre la meilleure solution pour consolider la

situation familiale de sa fille par le passeacute cette mesure a selon lui cesseacute de lrsquoecirctre lorsqursquoil a

reacutecupeacutereacute la garde des deux aicircneacutes avec lrsquoautorisation de lrsquoautoriteacute chargeacutee de leur protection Il

considegravere que justifier le placement de sa fille en famille drsquoaccueil par le laquo manque drsquointeacuterecirct raquo dont

il aurait fait preuve nrsquoa pas de sens degraves lors qursquoil a eacuteteacute priveacute de lrsquoautoriteacute parentale sur ses enfants

ainsi que des droits et devoirs y affeacuterents Il soutient que cette mesure agrave lrsquoorigine de la deacuteclaration

drsquoabandon de ses enfants srsquoest aveacutereacutee inutile puisqursquoil a eacuteteacute acquitteacute des charges peacutenales de

mauvais traitements agrave lrsquoencontre de sa femme Il ajoute que degraves qursquoil avait pu reprendre contact

avec ses enfants les plus acircgeacutes le mecircme reacutegime de visites lui avait de nouveau eacuteteacute interdit avec sa

fille De plus il argue que en tant qursquoeacutetranger ne parlant pas correctement lrsquoespagnol il lui eacutetait

difficile de prendre connaissance de la citation agrave comparaicirctre publieacutee dans le Journal officiel de la

reacutegion de Murcie (paragraphe 13 ci-dessus) et que cela nrsquoaurait pas ducirc ecirctre interpreacuteteacute comme un

manque drsquointeacuterecirct de sa part

49 Le requeacuterant considegravere que les services de protection de lrsquoenfance et les juridictions

espagnoles ont fait preuve de discrimination agrave son eacutegard car il eacutetait eacutetranger Il indique qursquoil vivait

agrave Madrid et qursquoil ne parlait pas correctement lrsquoespagnol agrave lrsquoeacutepoque Il rejette lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les autoriteacutes ont respecteacute le principe de leacutegaliteacute ainsi que ses droits

proceacuteduraux eacutetant donneacute que celles-ci ont baseacute leur deacutecision selon lui sur des arguments

infondeacutes et des rapports eacutetablis alors qursquoil faisait lrsquoobjet drsquoune poursuite peacutenale et qursquoil nrsquoeacutetait pas

en mesure de deacutefendre son aptitude agrave ecirctre pegravere

50 Le requeacuterant critique la motivation avanceacutee par lrsquoAudiencia provincial de Murcie en ce que

celle-ci considegravere comme eacutetant neacutegligeable le fait qursquoil ait reacutecupeacutereacute uniquement la garde de ses fils

et non celle de sa fille laquo parce que cela srsquoaveacutererait contre-productif pour [celle-ci] raquo alors que le

retour des deux garccedilons aupregraves de lui prouve selon lui qursquoil srsquointeacuteresse agrave ses enfants et qursquoil est

capable de les prendre en charge Il estime que cette deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie

reprise par le Gouvernement dans ses observations lui impute agrave tort des mauvais traitements

envers ses enfants et transfegravere agrave son encontre le manque drsquoadeacutequation de la conduite de la megravere de

ses enfants agrave leur eacutegard

2 Appreacuteciation de la Cour

a) Principes geacuteneacuteraux relatifs aux obligations positives qui incombent agrave lrsquoEacutetat deacutefendeur en

vertu de lrsquoarticle 8 de la Convention

51 La Cour rappelle que pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement

fondamental de la vie familiale (Buscemi c Italie no 2956995 sect 53 CEDH 1999-VI Saleck Bardi c

Espagne no 6616709 sectsect 49 et 50 24 mai 2011 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 68) et que des mesures

internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par lrsquoarticle 8 de la

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Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 151 CEDH 2001-VII et Barnea et Caldararu c

Italie no 3793115 sect 63 22 juin 2017)

52 Comme la Cour lrsquoa indiqueacute agrave plusieurs reprises lrsquoarticle 8 de la Convention a

essentiellement pour objet de preacutemunir lrsquoindividu contre les ingeacuterences arbitraires des autoriteacutes

publiques il ne se contente toutefois pas de commander agrave lrsquoEacutetat de srsquoabstenir de pareilles

ingeacuterences En effet si les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute responsable aboutissant au placement

drsquoun enfant dans un centre drsquoaccueil srsquoanalysent en des ingeacuterences dans le droit drsquoun parent au

respect de sa vie familiale (W c Royaume-Uni preacuteciteacute sect 59) les obligations positives inheacuterentes agrave

un respect effectif de la vie priveacutee ou familiale peuvent impliquer lrsquoadoption de mesures visant au

respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux (X et Y c Pays-Bas 26

mars 1985 sect 23 seacuterie A no 91 et Mincheva c Bulgarie no 2155803 sect 81 2 septembre 2010) Dans un

cas comme dans lrsquoautre il faut avoir eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts

concurrents ndash ceux de lrsquoenfant ceux des deux parents et ceux de lrsquoordre public - (Maumousseau et

Washington c France no 3938805 sect 62 6 deacutecembre 2007) en attachant toutefois une importance

deacuteterminante agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir dans ce sens Gnahoreacute c France no 4003198 sect

59 CEDH 2000-IX) qui selon sa nature et sa graviteacute peut lrsquoemporter sur celui des parents (Sahin c

Allemagne [GC] no 3094396 sect 66 CEDH 2003-VIII) De mecircme dans les deux hypothegraveses lrsquoEacutetat

jouit drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation (Saleck Bardi preacuteciteacute sect 50 et KAB c Espagne preacuteciteacute sect

95)

53 La Cour reacuteaffirme le principe bien eacutetabli dans sa jurisprudence selon lequel le but de la

Convention consiste agrave proteacuteger des droits concrets et effectifs (K et T c Finlande[GC] preacuteciteacute sect

154) Elle rappelle qursquoelle nrsquoa pas pour tacircche de se substituer aux autoriteacutes internes mais

drsquoexaminer sous lrsquoangle de la Convention les deacutecisions que ces autoriteacutes ont rendues dans

lrsquoexercice de leur pouvoir discreacutetionnaire

54 Comme la Cour lrsquoa affirmeacute agrave de nombreuses reprises lrsquoeacuteclatement drsquoune famille constitue

en effet une mesure tregraves grave qui doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de

lrsquoenfant et avoir assez de poids et de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC]

nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Agrave cet eacutegard et srsquoagissant de lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat de prendre des mesures positives la Cour a affirmeacute agrave maintes reprises que lrsquoarticle 8

implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et lrsquoobligation pour

les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie

A no 156 et Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre 1992 sect 90 seacuterie A no 250) Dans ce genre drsquoaffaire

le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise en œuvre car le passage du

temps peut avoir des conseacutequences irreacutemeacutediables sur les relations entre lrsquoenfant et le parent qui ne

vit pas avec lui (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 SH c Italie no 5255714 sect 42

13 octobre 2015) La deacutecision de prise en charge drsquoun enfant doit en principe ecirctre consideacutereacutee

comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances srsquoy precirctent et tout acte

drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et lrsquoenfant (K

et T c Finlande preacuteciteacute sect 178) Lorsqursquoune peacuteriode de temps consideacuterable srsquoest eacutecouleacutee depuis que

lrsquoenfant a eacuteteacute placeacute pour la premiegravere fois sous assistance lrsquointeacuterecirct qursquoa lrsquoenfant agrave ne pas voir sa

situation familiale de facto changer de nouveau peut lrsquoemporter sur lrsquointeacuterecirct des parents agrave la

reacuteunion de leur famille Degraves lors la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes jouissent drsquoune grande

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latitude pour appreacutecier la neacutecessiteacute de prendre en charge un enfant mais il faut exercer un controcircle

plus rigoureux agrave la fois sur les restrictions suppleacutementaires comme celles apporteacutees par les

autoriteacutes aux droits et aux visites des parents et sur les garanties destineacutees agrave assurer la protection

effective du droit des parents et enfants au respect de leur vie familiale (K et T c Finlande [GC]

preacuteciteacute sect 155) Lrsquoobligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la

famille degraves que cela sera vraiment possible srsquoimpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la

peacuteriode de prise en charge et avec de plus en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance

avec le devoir de consideacuterer lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Par ailleurs les obligations positives ne

se limitent pas agrave veiller agrave ce que lrsquoenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui

mais elles englobent eacutegalement lrsquoensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce

reacutesultat (voir mutatis mutandis Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004

etAmanalachioai c Roumanie no 402304 sect 95 26 mai 2009)

55 Il revient agrave la Cour drsquoappreacutecier si les autoriteacutes espagnoles ont agi en meacuteconnaissance de

leurs obligations positives deacutecoulant de lrsquoarticle 8 de la Convention (Hokkanen c Finlande 23

septembre 1994 sect 55 seacuterie A no 299-A Mikulić c Croatie no 5317699 sect 59 CEDH 2002-I P C et

S c Royaume-Uni no 5654700 sect 122 CEDH 2002-VI Evansc Royaume-Uni [GC] no 633905 sect 76

CEDH 2007-IV et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 98)

56 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter drsquoun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de lrsquoarticle

8 de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lrsquoapplication et lrsquointerpreacutetation des

dispositions leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de lrsquoarticle 8 de la

Convention en tenant notamment compte de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir mutatis

mutandis Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 et Barnea et Caldararu c

Italie preacuteciteacute sect 65 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115 RMS c Espagne preacuteciteacute sect 72)

b) Application en lrsquoespegravece des principes susmentionneacutes

57 La Cour relegraveve que le 15 juin 2012 les trois enfants du requeacuterant dont sa fille mineure acircgeacutee

agrave lrsquoeacutepoque drsquoun an et demi ont eacuteteacute placeacutes dans un centre drsquoaccueil agrave Madrid agrave la demande de leur

megravere et deacuteclareacutes en situation leacutegale drsquoabandon Agrave la suite du deacutemeacutenagement de leur megravere les

enfants ont eacuteteacute placeacutes dans des centres drsquoaccueil de Murcie Le requeacuterant nrsquoen a pas eacuteteacute informeacute

(paragraphes 8 et 9 ci-dessus)

58 Dans une affaire comme celle de lrsquoespegravece le juge se trouve en preacutesence drsquointeacuterecircts souvent

difficilement conciliables agrave savoir ceux de lrsquoenfant et ceux de ses parents biologiques et

notamment dans la preacutesente cause ceux du pegravere biologique et ceux de la famille drsquoaccueil Dans la

recherche de lrsquoeacutequilibre entre ces diffeacuterents inteacuterecircts lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale (Moretti et Benedetti c Italie no 1631807 sect 67 27 avril 2010)

59 En lrsquoespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave la neacutecessiteacute de lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en se reacutefeacuterant

aux maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves que ce dernier aurait infligeacutees agrave ses enfants agrave

lrsquoinstabiliteacute eacutemotionnelle et agrave lrsquointelligence limiteacutee de leur megravere (paragraphes 14 et 21 ci-dessus)

ainsi qursquoagrave lrsquoabsence de contact du requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date du placement

de ces derniers dans des centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du

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requeacuterant avec le service de protection des mineurs (paragraphe 21 ci-dessus) et agrave lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le requeacuterant et sa fille (paragraphe 24 ci-dessus) La Cour relegraveve qursquoagrave aucun

moment de cette proceacutedure administrative lrsquoacquittement du requeacuterant le 27 septembre 2013 de

toutes les charges retenues contre lui et lrsquoannulation des mesures drsquoeacuteloignement prises initialement

agrave son encontre lrsquoempecircchant entre-temps de garder le contact avec ses enfants (paragraphe 20 ci-

dessus) nrsquoont eacuteteacute pris en compte

60 La Cour observe que la deacutecision du juge de premiegravere instance de Murcie dateacutee du 11 feacutevrier

2015 (paragraphe 25 ci-dessus) enteacuterinant la deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales

relative au placement preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en famille drsquoaccueil persistait agrave ne pas

prendre en compte la nouvelle situation peacutenale du requeacuterant depuis le 27 septembre 2013 date de

son acquittement Elle note que le juge de premiegravere instance de Murcie ne se prononccedilait drsquoailleurs

pas sur les capaciteacutes eacuteducatives et psychosociales du requeacuterant pour reacutecupeacuterer la garde de sa fille

mineure La deacutecision se bornait agrave prendre en compte les arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes dans les

rapports eacutetablis par lrsquoadministration

61 La Cour observe que la question de savoir si le processus deacutecisionnel a suffisamment

proteacutegeacute les inteacuterecircts drsquoun parent deacutepend des circonstances propres agrave chaque affaire(W c Royaume-

Uni 8 juillet 1987 sect 64 seacuterie A no 121 Elsholz c Allemagne [GC] no 2573594 sect 52

CEDH 2000-VIII) Pour ce faire elle doit veacuterifier si les juridictions nationales se sont livreacutees agrave un

examen approfondi de lrsquoensemble de la situation familiale et de toute une seacuterie drsquoeacuteleacutements drsquoordre

factuel affectif psychologique mateacuteriel et meacutedical notamment et si elles ont proceacutedeacute agrave une

appreacuteciation eacutequilibreacutee et raisonnable des inteacuterecircts respectifs (voir mutatis mutandis Neulinger

et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 139 CEDH 2010) La Cour relegraveve agrave cet eacutegard que au cours

de la proceacutedure devant le juge de premiegravere instance et lrsquoAudiencia provincial le requeacuterant a eu la

possibiliteacute de preacutesenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des proceacutedures

judiciaires ougrave il eacutetait repreacutesenteacute par un avocat au moins agrave partir du 19 novembre 2013

(paragraphe20 ci-dessus) La Cour ne deacutecegravele en conseacutequence aucun manquement formellement

imputable aux juridictions internes agrave cet eacutegard mais plutocirct une inertie des ces derniegraveres dans la

prise en compte des conclusions des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de

lrsquoadministration intervenus tout au long de lrsquoexamen de affaire

62 La Cour rappelle que dans les affaires touchant la vie familiale la rupture du contact avec

un enfant tregraves jeune peut conduire agrave une alteacuteration croissante de sa relation avec son parent (voir

entre autres Pini et autres c Roumanie nos 7802801 et 7803001 sect 175 CEDH 2004-V (extraits)

et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 103) Il en va ainsi dans la preacutesente affaire Les rapports des 28 feacutevrier

et 18 deacutecembre 2014 (paragraphes 21 et 23 ci-dessus) ont deacutemontreacute que la fille du requeacuterant eacutetait

bien inteacutegreacutee dans sa famille drsquoaccueil depuis le 24 septembre 2013 (paragraphe 17 ci-dessus) Le

passage du temps a eu pour effet de rendre deacutefinitive une situation qui eacutetait censeacutee ecirctre provisoire

compte tenu du tregraves jeune acircge de lrsquoenfant lorsque la situation leacutegale drsquoabandon a eacuteteacute constateacutee et

que la mise sous tutelle est intervenue (paragraphe 8 ci-dessus)

63 La Cour rappelle qursquoil ne lui appartient pas de substituer son appreacuteciation agrave celle des

autoriteacutes nationales compeacutetentes quant aux mesures qui auraient ducirc ecirctre prises car ces autoriteacutes

sont en principe mieux placeacutees pour proceacuteder agrave une telle eacutevaluation Tout en reconnaissant qursquoen

lrsquoespegravece les juridictions internes se sont appliqueacutees de bonne foi agrave preacuteserver le bien-ecirctre de la

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

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67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 2: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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Apregraves en avoir deacutelibeacutereacute en chambre du conseil le 28 mai 2019

Rend lrsquoarrecirct que voici adopteacute agrave cette date

PROCEacuteDURE

1 Agrave lrsquoorigine de lrsquoaffaire se trouve une requecircte (no 1657217) dirigeacutee contre le Royaume

drsquoEspagne et dont un ressortissant syrien M Wael Haddad (laquo le requeacuterant raquo) a saisi la Cour le 22

feacutevrier 2017 en vertu de lrsquoarticle 34 de la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des

liberteacutes fondamentales (laquo la Convention raquo)

2 Le requeacuterant a eacuteteacute repreacutesenteacute par Me LM Chamorro Coronado avocat agrave Madrid Le

gouvernement espagnol (laquo le Gouvernement raquo) a eacuteteacute repreacutesenteacute par son agent M A Brezmes

Martiacutenez de Villareal avocat de lrsquoEacutetat aupregraves du service juridique des droits de lrsquohomme au

ministegravere de la Justice

3 La preacutesente affaire porte sur le placement en famille drsquoaccueil de la fille cadette du requeacuterant

Est en cause lrsquoarticle 8 de la Convention

4 Le 31 aoucirct 2017 la requecircte a eacuteteacute communiqueacutee au Gouvernement

EN FAIT

I LES CIRCONSTANCES DE LrsquoESPEgraveCE

5 Le requeacuterant est neacute en 1976 et reacuteside agrave Madrid

A La genegravese de lrsquoaffaire et la proceacutedure peacutenale agrave lrsquoencontre du requeacuterant

6 En janvier 2012 le requeacuterant et son eacutepouse de nationaliteacute espagnole quittegraverent la Syrie pour

lrsquoEspagne accompagneacutes de leurs trois enfants mineurs en raison du conflit armeacute

7 Un mois apregraves leur arriveacutee en Espagne lrsquoeacutepouse du requeacuterant deacuteposa contre celui-ci une

plainte peacutenale pour violences conjugales Le 2 feacutevrier 2012 le juge no 1 de Coslada (Madrid)

chargeacute de la lutte contre les violences faites aux femmes (laquo le juge no 1 de Coslada raquo) deacutelivra agrave

lrsquoeacutepouse du requeacuterant une ordonnance de protection provisoire valable pendant le deacuteroulement

de la proceacutedure peacutenale qui contenait entre autres une mesure peacutenale interdisant agrave son eacutepoux de

srsquoapprocher drsquoelle et de leurs trois enfants et de communiquer avec eux au moyen drsquoun bracelet

connecteacute ainsi qursquoune mesure civile suspendant provisoirement lrsquoautoriteacute parentale et le droit de

visite du requeacuterant Lrsquoeacutepouse de celui-ci qui avait eacuteteacute heacutebergeacutee dans un centre drsquoaccueil drsquourgence

quitta ce dernier avec ses enfants et retourna cohabiter avec son eacutepoux en deux occasions malgreacute

lrsquoordonnance drsquoeacuteloignement prononceacutee agrave lrsquoencontre de ce dernier Le requeacuterant fut arrecircteacute et deacutetenu

agrave deux reprises pour rupture de ladite ordonnance drsquoeacuteloignement avant drsquoecirctre finalement remis en

liberteacute Des rapports des 20 avril et 21 mai 2012 eacutetablis par les centres drsquoaccueil drsquourgence de

Moacutestoles et drsquoAlcala de Henares firent eacutetat de graves carences affectives eacuteducationnelles et

comportementales des enfants vis-agrave-vis de leur megravere Le 8 juin 2012 lrsquoeacutepouse du requeacuterant deacuteposa

une nouvelle plainte pour violences

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B La deacuteclaration drsquoabandon des enfants et la proceacutedure de placement de la fille du requeacuterant en

accueil familial en vue de son adoption

8 Le 15 juin 2012 les trois enfants acircgeacutes de neuf ans six ans et un an et demi furent deacuteclareacutes en

situation leacutegale drsquoabandon par le gouvernement reacutegional de Madrid qui en assuma la tutelle selon

la proceacutedure drsquourgence Les enfants furent placeacutes dans des centres drsquoaccueil Cette deacutecision fut

prise agrave la suite de la demande de lrsquoeacutepouse du requeacuterant qui avait deacuteclareacute ne plus pouvoir

srsquooccuper de ses enfants en raison drsquoune situation de conflit familial grave et de son absence de

ressources Lrsquoeacutepouse du requeacuterant informa le gouvernement reacutegional de Madrid qursquoelle comptait

deacutemeacutenager agrave Murcie afin de srsquoeacuteloigner du requeacuterant et pour habiter avec son fregravere et demanda

que les trois enfants fussent pris en charge par le gouvernement reacutegional de cette ville Elle

manifesta eacutegalement son intention drsquoentamer une theacuterapie

9 Le 28 juin 2012 les enfants furent accueillis dans des centres drsquoaccueil agrave Murcie Le requeacuterant

ne fut pas informeacute que ses enfants avaient eacuteteacute deacuteclareacutes en situation drsquoabandon et placeacutes dans des

centres drsquoaccueil ni drsquoaucune des deacutecisions prises agrave lrsquoeacutegard de ses enfants par les services de

protection des mineurs de Madrid ou de Murcie

10 Le 28 juillet 2012 le directeur des affaires sociales de la reacutegion de Murcie assuma la tutelle

des trois mineurs Les deux fils du requeacuterant furent placeacutes dans le centre drsquoaccueil Santo Angel et sa

fille dans le centre drsquoaccueil Cardenal Belluga et les visites de leur megravere furent autoriseacutees

11 Le 14 feacutevrier 2013 le preacutesident de lrsquoAssociation musulmane drsquoEspagne (laquo lrsquoassociation raquo)

adressa au nom du requeacuterant une lettre au service de protection des mineurs de Murcie (laquo le

service de protection des mineurs raquo) dans laquelle il indiquait que lrsquointeacuteresseacute ayant coupeacute tout lien

avec son eacutepouse nrsquoavait aucune information au sujet de ses trois enfants Par cette lettre

lrsquoassociation demandait agrave ecirctre instruite de la situation de ces mineurs et indiquait que le requeacuterant

eacutetant juridiquement priveacute du droit de communiquer avec ses enfants reacuteclamait qursquoun membre de

lrsquoassociation puisse les rencontrer Le 7 mars 2013 le service de protection des mineurs reacutepondit agrave

lrsquoassociation que le retour des enfants dans leur famille biologique nrsquoeacutetait pas envisageacute et qursquoil

nrsquoeacutetait pas souhaitable que des tiers rendent visite aux enfants

12 Le 19 mars 2013 le juge no 1 de Coslada renvoya au service de protection des mineurs de

Murcie une convocation reccedilue tardivement au siegravege du tribunal ce qui rendit impossible que le

juge no 1 puisse contacter le requeacuterant en temps utile pour que celui-ci se rende agrave une audience agrave

Murcie le 21 mars 2013

13 Une convocation agrave lrsquoaudience de ratification de la tutelle des enfants du requeacuterant fut

effectueacutee le 6 avril 2013 agrave lrsquoeacutegard de lrsquointeacuteresseacute par voie drsquoaffichage (edictos) au Journal officiel de

Murcie Les 8 et 16 avril 2013 le requeacuterant fut contacteacute par teacuteleacutephone par un membre du service de

protection des mineurs de Murcie Lors de la premiegravere conversation teacuteleacutephonique le requeacuterant fut

informeacute de la signification de lrsquoaudience de tutelle Nrsquoayant pas donneacute suite agrave lrsquoappel et ne srsquoeacutetant

pas preacutesenteacute agrave lrsquoaudience lors de la seconde conversation teacuteleacutephonique avec le mecircme membre du

service de protection des mineurs le requeacuterant indiqua qursquoil nrsquoassisterait pas agrave lrsquoaudience et qursquoil

ferait appel le cas eacutecheacuteant de la deacutecision de ratification de tutelle qui serait rendue Le 24 avril

2013 le gouvernement reacutegional de Murcie (laquo le gouvernement reacutegional raquo) confia la prise en charge

des enfants au service de protection des mineurs Une notification de cette reacutesolution fut adresseacutee

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au requeacuterant agrave son domicile le 14 mai 2013 puis celui-ci eacutetant absent elle fut deacuteposeacutee au bureau de

poste le 21 mai 2013 ougrave il ne vint pas la reacutecupeacuterer

14 Dans un rapport drsquoorientation dateacute du 20 juin 2013 la direction geacuteneacuterale des affaires

sociales de la reacutegion de Murcie prit note de la circonstance que les mineurs auraient fait lrsquoobjet de

maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves de la part du requeacuterant ainsi que de lrsquoordonnance

drsquoeacuteloignement et de la prohibition totale de communication avec eux prononceacutees par le juge no 1

de Coslada Il prit eacutegalement note notamment de la personnaliteacute vulneacuterable tregraves influenccedilable et

fragile de leur megravere de lrsquoabsence de rocircle protecteur de cette derniegravere envers ses enfants de son

instabiliteacute eacutemotionnelle et de son intelligence limiteacutee de son absence de stabiliteacute financiegravere de

domicile et drsquoactiviteacute professionnelle ainsi que de son enfance eacutegalement passeacutee sous tutelle Le

rapport preacuteconisait la suspension des visites de la megravere agrave sa fille alors mineure et la tenue drsquoune

seule visite bimestrielle drsquoune heure avec ses deux fils dans un endroit agrave deacuteterminer par le centre

drsquoaccueil

15 Lrsquoeacutepouse du requeacuterant deacuteclara aux services sociaux du centre drsquoaccueil Cardenal Beluga lors

drsquoun appel teacuteleacutephonique de leur part qursquoelle louait avec lrsquoargent que le requeacuterant lui envoyait un

appartement pour rester pregraves de sa fille

16 Dans un rapport psychosocial tregraves deacutetailleacute du 19 juillet 2013 la direction geacuteneacuterale des

affaires sociales de la reacutegion de Murcie proposa lrsquoaccueil familial preacuteadoptif provisoire de la fille

du requeacuterant sans visites de sa famille biologique Le rapport reproduisit pour lrsquoessentiel les

conclusions du rapport preacuteceacutedent et souligna lrsquoabsence de capaciteacutes parentales de la megravere des

enfants et son immaturiteacute

C Le placement en accueil familial de la fille du requeacuterant et lrsquoacquittement du requeacuterant dans

la proceacutedure peacutenale pour violences conjugales entameacutee agrave son encontre

17 Le 20 septembre 2013 la Commission reacutegionale de protection des mineurs deacutecida de placer

provisoirement la fille du requeacuterant en accueil familial en vue de son adoption

Le 24 septembre 2013 la fille du requeacuterant fut remise agrave sa famille drsquoaccueil

18 Le 8 octobre 2013 le Preacutesident de la Commission reacutegionale de protection des mineurs

formula la proposition formelle drsquoaccueil familial preacuteadoptif provisoire sans reacutegime de visites de la

mineure par ses parents biologiques en faveur du couple seacutelectionneacute

19 Le 27 septembre 2013 le juge peacutenal no 5 drsquoAlcalaacute de Henares acquitta le requeacuterant de toutes

les charges retenues contre lui dans le cadre de la proceacutedure entameacutee agrave son encontre et annula les

mesures peacutenales et civiles prises dans la deacutecision du juge no 1 de Coslada du 2 feacutevrier 2012 Le

juge peacutenal no 5 prit en compte dans son jugement lrsquoabsence de preacutecision des explications de

lrsquoeacutepouse du requeacuterant sur les faits reprocheacutes agrave ce dernier les teacutemoignages eacutegalement impreacutecis des

simples teacutemoins de reacutefeacuterence (la directrice de lrsquoeacutecole des enfants du requeacuterant et leurs tutrices

lrsquoauxiliaire de vie de lrsquoeacutecole la secreacutetaire du centre scolaire) qui ne se souvenaient pas bien des faits

ou qui reacutepeacutetaient des commentaires faits par les enfants ou des impressions ainsi que les

expertises psychologiques et meacutedicales qui avaient montreacute des laquo leacutesions psychologiques

compatibles avec des mauvais traitements deacutesadaptation sociale agressions physiques sexuelles

et psychologiques raquo qui ne suffisent pas non plus agrave renverser la preacutesomption drsquoinnocence du

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requeacuterant au vu du caractegravere geacuteneacuterique des faits imputeacutes dans les diffeacuterents rapports de lrsquoabsence

drsquoexplication du processus technique suivi pour parvenir aux conclusions exposeacutees et de

deacutepositions impreacutecises des experts agrave lrsquoaudience Le jugement drsquoacquittement devint deacutefinitif le 8

novembre 2013

20 Le 19 novembre 2013 le requeacuterant assisteacute par un avocat contacta par eacutecrit le service de

protection des mineurs et se preacutesenta agrave un entretien Il communiqua le jugement rendu en sa

faveur et indiqua qursquoil travaillait qursquoil avait des revenus stables et qursquoil reacutesidait agrave Madrid Il

demanda lrsquoautorisation de rendre visite agrave ses enfants

21 Dans un rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 le service de protection des mineurs prit

note de lrsquoabsence de tout contact entre le requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date de leur

placement en centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du requeacuterant avec

le service de protection des mineurs deacutecrit ci-dessus Dans ce rapport le service de protection des

mineurs proposa de ne pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille et de refuser

provisoirement ses visites agrave ses deux autres enfants laquo jusqursquoagrave ce que les mineurs preacutesentent un eacutetat

eacutemotionnel psychologique plus stable raquo Il nota que la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors

de la proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo et que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la

peur et un manque de confiance envers la figure paternelle raquo et suivaient des traitements

psychologiques et pharmacologiques Les conclusions dudit rapport furent confirmeacutees en date du

31 mars 2014 par une deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales de la reacutegion de Murcie

qui mit fin agrave la proceacutedure administrative Cette deacutecision fut transmise au procureur chargeacute de la

protection des mineurs Le requeacuterant en fut informeacute le 22 avril 2014

22 Le 28 mai 2014 le requeacuterant srsquoopposa agrave la constitution de lrsquoaccueil familial de sa fille

23 Dans un rapport de suivi du 18 deacutecembre 2014 le service de protection des mineurs exposa

les liens affectifs eacutetablis entre la mineure et sa famille drsquoaccueil et son adaptation agrave son nouvel

environnement sociofamilial

24 Le 2 feacutevrier 2015 la psychologue et lrsquoassistante drsquoaide sociale du centre drsquoassistance sociale agrave

lrsquoenfance II de Madrid eacutemirent un rapport au sujet du requeacuterant constatant lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le pegravere et sa fille et le fait que lrsquointeacuteresseacute centrait sa demande de reacutecupeacuterer ses

enfants sur les deux aicircneacutes Selon ce rapport le requeacuterant comprenait les conseacutequences que la

seacuteparation avait eue pour ses enfants et indiquait ecirctre capable de concilier sa vie priveacutee et sa vie

professionnelle pour reacutepondre aux besoins des enfants

25 Agrave la suite de la demande formuleacutee par la direction geacuteneacuterale des affaires sociales le juge de

premiegravere instance no 3 de Murcie autorisa le 11 feacutevrier 2015 le placement de la fille du requeacuterant

dans une famille drsquoaccueil en vue de son adoption en application de lrsquoarticle 173 paragraphe 1 du

code civil La deacutecision eacutetait motiveacutee comme suit

laquo Le cas drsquoespegravece reacuteunit les conditions requises par la loi pour le placement en accueil

familial dans la mesure ougrave lrsquoorganisme public chargeacute de la protection des mineurs et la famille

drsquoaccueil ont donneacute leur accord et ougrave il peut ecirctre remeacutedieacute agrave lrsquoabsence de consentement des

parents par une deacutecision judiciaire dans la situation dans laquelle se trouve lrsquoenfant le

placement de celle-ci dans une famille qui srsquooccupera et prendra soin drsquoelle qui la nourrira et

lrsquoeacuteduquera et agrave la vie de laquelle elle prendra part serait tregraves beacuteneacutefique pour son

deacuteveloppement physique intellectuel et moral [ainsi que] pour son eacuteducation en geacuteneacuteral raquo

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26 Le 13 mars 2015 le requeacuterant fit appel de la deacutecision du 11 feacutevrier 2015 autorisant le

placement de sa fille en accueil familial en vue de son adoption Son eacutepouse fit de mecircme Le

requeacuterant soutenait notamment que ce jugement nrsquoindiquait pas les motifs empecircchant la prise en

charge de lrsquoenfant par son pegravere alors qursquoil avait eacuteteacute acquitteacute de toutes les charges porteacutees agrave son

encontre Il indiquait que la situation drsquoabandon de ses enfants avait eacuteteacute causeacutee par la faccedilon drsquoagir

de son eacutepouse les particulariteacutes de la personnaliteacute de cette derniegravere ainsi que par la guerre en

Syrie agrave laquelle ils avaient pu eacutechapper en quittant le pays Il srsquoestimait victime de lrsquoincapaciteacute de

la megravere de sa fille agrave srsquooccuper de cette derniegravere alors que sa propre capaciteacute agrave eacutelever sa fille et agrave

prendre soin drsquoelle nrsquoa selon lui nullement eacuteteacute examineacutee ni par les autoriteacutes administratives ni par

les organes judiciaires

27 Dans son eacutecrit drsquoopposition agrave lrsquoappel interjeteacute par le requeacuterant contre la deacutecision du 11

feacutevrier 2015 du juge de premiegravere instance no 3 lrsquoavocate du gouvernement reacutegional nota que le

requeacuterant nrsquoavait montreacute aucun inteacuterecirct pour ses enfants apregraves leur accueil dans des centres

drsquoaccueil de Murcie le 28 juin 2012 Elle releva eacutegalement que le requeacuterant nrsquoavait pas non plus

attaqueacute la deacutecision administrative ratifiant lrsquoaccueil des enfants

28 Le 7 avril 2016 lrsquoAudiencia provincial de Murcie deacutebouta le requeacuterant ainsi que son eacutepouse

de leurs appels respectifs et confirma la deacutecision attaqueacutee exposant que

laquo () [selon] la deacutecision attaqueacutee une telle mesure [le placement de lrsquoenfant en accueil

familial preacuteadoptif] garantit lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure et contribue efficacement agrave son

deacuteveloppement dans son ensemble

()

Il faut prendre en compte lrsquoappreacuteciation faite par lrsquoadministration sur le manque drsquointeacuterecirct du

requeacuterant Drsquoune part celui-ci nrsquoa entameacute aucune deacutemarche apregraves avoir demandeacute des

informations sur la situation de ses enfants et avoir reccedilu en feacutevrier 2013 les renseignements

demandeacutes Drsquoautre part il nrsquoest pas intervenu dans la proceacutedure agrave lrsquoexception drsquoun eacutecrit

preacutesenteacute le 19 novembre 2013 alors qursquoil avait eacuteteacute informeacute agrave plusieurs reprises de la

confirmation de la prise en charge de ses enfants par lrsquoorganisme public au mois drsquoavril 2013

()

Ce nrsquoest que le 28 mai 2014 apregraves plusieurs convocations infructueuses qursquoil est intervenu

dans la proceacutedure pour contester la deacutecision de placement de A [sa fille] en famille drsquoaccueil

() Il apparaicirct en vertu du rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 que la mineure est resteacutee

heacutebergeacutee dans le Centre de protection des mineurs pendant un an et trois mois et qursquoelle nrsquoa

aucun lien avec son pegravere Par ailleurs les moyens de preuve examineacutes et en particulier le

rapport de suivi du 18 deacutecembre 2014 montrent les liens affectifs de qualiteacute et lrsquoidentification

de la mineure en tant que membre de sa famille drsquoaccueil ainsi que son adaptation au nouvel

environnement sociofamilial Ce rapport eacutetablit que les besoins de A sont satisfaits dans cet

environnement et que cet accueil est beacuteneacutefique pour son deacuteveloppement personnel et ajoute

que le mieux pour elle est qursquoelle soit adopteacutee par le couple accueillant [et qursquoil est neacutecessaire]

drsquoeacutevaluer les conseacutequences neacutegatives qui pourraient deacutecouler de la cessation de lrsquoaccueil

Concregravetement il est mentionneacute que cela eacutequivaudrait agrave une agression de la mineure dans tous

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les domaines de son deacuteveloppement physique intellectuel et moral ce qui supposerait un

grave danger pour sa santeacute mentale et aurait une influence sur lrsquoeacutepanouissement de sa

personnaliteacute et sur sa capaciteacute pour eacutetablir des relations interpersonnelles tout au long de sa

vie

()

Il convient drsquoajouter par ailleurs que le document fourni par [le requeacuterant] (M Haddad)

dans le cadre de la proceacutedure drsquoappel dans lequel le Service de protection des mineurs

indique la fin de la prise en charge des deux fregraveres drsquoA L acircgeacute de treize ans et Ad acircgeacute de dix

ans au motif qursquoils sont retourneacutes vivre avec leur pegravere est totalement deacutenueacute de pertinence Et

cela parce qursquoil ne mentionne pas les motifs qui ont conduit agrave la fin de la prise en charge et

aussi parce que la situation actuelle de la mineure A acircgeacutee de quatre ans dans le cadre de la

proceacutedure drsquoaccueil en vue de son adoption en cours et [du processus] drsquointeacutegration [dans la

famille] et les conseacutequences neacutegatives et nuisibles qursquoentraicircnerait la fin de cet accueil ainsi que

lrsquoont eacutetabli les rapports drsquoexpertise ne plaident pas en faveur drsquoun changement de mesure agrave

son sujet () raquo

29 Le 26 feacutevrier 2016 le gouvernement reacutegional mit fin agrave la prise en charge des deux fils du

requeacuterant par le service de protection des mineurs et autorisa leur retour aupregraves de leur pegravere Ils

habitent avec lui depuis cette date

30 Le 13 juin 2016 le requeacuterant forma un recours drsquoamparo devant le Tribunal constitutionnel

dans lequel il exposait dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles cette action

preacutesentait selon lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il invoquait les articles 24 (droit agrave un

procegraves eacutequitable) et 39 de la Constitution ainsi que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les

deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le regroupement familial entre sa fille et lui en raison de

graves erreurs contenues dans les diffeacuterents rapports de lrsquoadministration qui ont servi de base au

raisonnement aux juridictions internes Par une deacutecision notifieacutee le 19 octobre 2016 le Tribunal

constitutionnel deacuteclara le recours drsquoamparo irrecevable faute pour lrsquointeacuteresseacute drsquoavoir justifieacute

lrsquoimportance constitutionnelle de son recours

II LE DROIT INTERNE PERTINENT

31 Les dispositions pertinentes en lrsquoespegravece de la Constitution se lisent ainsi

Article 24

laquo 1 Toute personne a droit agrave la protection effective des juges et des tribunaux dans lrsquoexercice

de ses droits et inteacuterecircts leacutegitimes sans qursquoen aucun cas elle puisse ecirctre mise dans

lrsquoimpossibiliteacute de se deacutefendre

() raquo

Article 39

laquo 1 Les pouvoirs publics assurent la protection sociale eacuteconomique et juridique de la famille

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2 Les pouvoirs publics assurent eacutegalement la protection inteacutegrale des enfants qui sont eacutegaux

devant la loi indeacutependamment de leur filiation et celle de la megravere quel que soit son eacutetat civil

La loi rendra possible la recherche de la paterniteacute

3 Les parents doivent precircter assistance dans tous les domaines agrave leurs enfants qursquoils soient

neacutes dans le mariage ou en dehors de celui-ci pendant leur minoriteacute et dans les autres cas

preacutevus par la loi

4 Les enfants jouissent de la protection preacutevue par les accords internationaux qui veillent sur

leurs droits raquo

32 Lrsquoarticle 17 de la Loi organique 11996 du 15 janvier 1996 portant sur la protection juridique

des mineurs dispose que

laquo Devant toute situation agrave risque quelle qursquoelle soit portant preacutejudice au deacuteveloppement

personnel ou social du mineur et nrsquoexigeant pas sa mise sous tutelle en vertu de la loi lrsquoaction

des pouvoirs publics doit dans tous les cas garantir les droits du mineur et tendre agrave la

reacuteduction des facteurs de risque et des difficulteacutes sociales qui ont une incidence sur sa

situation personnelle et sociale ainsi que promouvoir les facteurs de protection du mineur et

de sa famille

Une fois la situation de risque appreacutecieacutee lrsquoadministration compeacutetente en matiegravere de

protection de mineurs mettra en œuvre les actions pertinentes pour lrsquoatteacutenuer et proceacutedera au

suivi de lrsquoeacutevolution du mineur dans sa famille raquo

33 Les dispositions pertinentes en lrsquoespegravece du code civil se lisent comme suit

Article 172

laquo 1 Lorsque lrsquoinstitution publique responsable de la protection des mineurs dans son ressort

territorial constate qursquoun mineur se trouve dans une situation drsquoabandon elle en assume de

plein droit la tutelle et doit mettre en œuvre les mesures neacutecessaires pour garantir sa

protection et sa tutelle () [Les parents et tuteurs] seront autant que possible informeacutes

personnellement et de maniegravere claire et compreacutehensible des motifs ayant donneacute lieu agrave

lrsquointervention de lrsquoadministration et des effets possibles de la deacutecision adopteacutee

Un mineur est consideacutereacute comme eacutetant en situation drsquoabandon lorsque de fait il se trouve

dans une situation deacutecoulant soit drsquoun manquement aux devoirs de protection eacutetablis par les

textes de loi portant sur la tutelle des mineurs soit de lrsquoimpossibiliteacute drsquoexercer ces devoirs ou

de les exercer correctement et qursquoil est priveacute de lrsquoassistance morale ou mateacuterielle qui lui est

neacutecessaire

Lrsquoexercice de la tutelle par lrsquoadministration implique la suspension de lrsquoautoriteacute parentale ou

de la tutelle ordinaire ()

2 Lorsque en raison de circonstances graves les parents ou les tuteurs ne peuvent pas

prendre soin du mineur ils peuvent solliciter de lrsquoadministration compeacutetente qursquoelle en

assume la tutelle pendant le temps neacutecessaire

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La cession de la tutelle se fera par eacutecrit et il sera constateacute que les parents ou tuteurs ont eacuteteacute

informeacutes des responsabiliteacutes qursquoils ont toujours par rapport agrave lrsquoenfant ainsi que la faccedilon dans

laquelle la tutelle sera exerceacutee par lrsquoadministration

()

3 La tutelle assumeacutee agrave la demande des parents ou tuteurs ou en vertu drsquoune obligation

leacutegale prendra la forme de lrsquoaccueil familial ou en reacutesidence ()

4 Lrsquointeacuterecirct du mineur est toujours rechercheacute Agrave moins que lrsquointeacuterecirct du mineur ne srsquoy oppose

[lrsquoadministration srsquoefforce] de le reacuteinteacutegrer dans sa propre famille et de confier la tutelle des

fregraveres et sœurs agrave la mecircme institution ou personne

()

7 Les parents dont lrsquoautoriteacute parentale est suspendue en vertu du paragraphe 1 du preacutesent

article peuvent solliciter la cessation de la suspension et la reacutevocation de la deacuteclaration

drsquoabandon pendant un deacutelai de deux ans agrave compter de la notification administrative de la

deacuteclaration drsquoabandon srsquoils estiment qursquoils peuvent de nouveau exercer lrsquoautoriteacute parentale en

raison drsquoun changement des circonstances lrsquoayant motiveacutee

Ils peuvent aussi contester pendant ce mecircme deacutelai les deacutecisions prises en rapport avec la

protection du mineur

()

Une fois ce deacutelai eacutecouleacute ils nrsquoont plus le droit de demander ou de contester les deacutecisions ou

les mesures prises en vue de la protection du mineur ()

8 Lrsquoadministration drsquooffice ou agrave la demande du ministegravere public ou de toute personne ou

institution inteacuteresseacutees peut agrave tout moment reacutevoquer la deacuteclaration drsquoabandon et deacutecider du

retour du mineur avec sa famille srsquoil nrsquoest pas inteacutegreacute de maniegravere stable dans une autre famille

ou si elle estime que crsquoest la mesure la plus adeacutequate pour lrsquointeacuterecirct du mineur La deacutecision

sera notifieacutee au ministegravere public raquo

Article 173

laquo 1 Le placement en famille drsquoaccueil implique la pleine participation du mineur agrave la vie du

foyer familial et lrsquoobligation pour la famille drsquoaccueil de veiller sur lui de srsquooccuper de lui de

le nourrir de lrsquoeacuteduquer et de lui offrir une instruction complegravete

()

3 Si les parents () srsquoopposent [au placement du mineur en famille drsquoaccueil] ce placement

doit faire lrsquoobjet drsquoune deacutecision judiciaire dans lrsquointeacuterecirct du mineur ()

Toutefois lrsquoadministration peut deacutecider dans lrsquointeacuterecirct du mineur de le placer

provisoirement en famille drsquoaccueil jusqursquoagrave ce que la deacutecision judiciaire soit rendue

() raquo

Article 173 bis

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laquo Lrsquoaccueil familial peut revecirctir lrsquoune des modaliteacutes suivantes selon sa finaliteacute

1er lrsquoaccueil familial simple qui revecirct un caractegravere provisoire soit parce que la situation du

mineur permet de preacutevoir sa reacuteinsertion dans sa propre famille soit parce qursquoune autre

mesure de protection plus durable est en voie drsquoecirctre adopteacutee

2e lrsquoaccueil familial permanent lorsque en raison de lrsquoacircge ou drsquoautres circonstances

concernant le mineur ou sa famille [ce mode] semble preacutefeacuterable et est ainsi recommandeacute par

les services de protection des mineurs ()

3e lrsquoaccueil familial preacuteadoptif formaliseacute par lrsquoadministration lorsqursquoelle preacutesente agrave

lrsquoautoriteacute judiciaire une proposition drsquoadoption du mineur [laquelle doit ecirctre] viseacutee par les

services de protection des mineurs pourvu que les parents drsquoaccueil remplissent les

conditions requises pour lrsquoadoption aient eacuteteacute seacutelectionneacutes et aient donneacute leur consentement agrave

lrsquoadministration et que le mineur se trouve dans une situation juridique le rendant apte agrave ecirctre

adopteacuteLrsquoadministration peut aussi mettre en place un accueil familial preacuteadoptif lorsqursquoelle

considegravere avant la preacutesentation de la proposition drsquoadoption qursquoil est neacutecessaire drsquoeacutetablir une

peacuteriode drsquoadaptation du mineur dans la famille Cette peacuteriode est la plus bregraveve possible et ne

peut deacutepasser un an raquo

Article 222

laquo Sont placeacutes sous tutelle

()

4e Les mineurs en situation drsquoabandon raquo

34 Lrsquoarticle 35 de la Loi 31995 du 21 mars 1995 de la reacutegion de Murcie relative agrave lrsquoenfance se

lit comme suit

Article 35

laquo 1 La mesure drsquoaccueil peut ecirctre appliqueacutee preacutealablement agrave lrsquoadoption

a) si le mineur preacutesente des signes de mauvais traitements physiques ou psychiques drsquoabus

sexuels drsquoexploitation ou drsquoautres [mauvais traitements] de nature analogue ou si par tout

autre motif les parents ou les tuteurs sont sous le coup drsquoune cause de privation de lrsquoautoriteacute

parentale et qursquoil soit preacutevu que cette situation soit permanente

b) si les parents ou tuteurs sont empecirccheacutes drsquoexercer leur autoriteacute parentale et qursquoil est preacutevu

que cette situation soit permanente

c) si les parents ou tuteurs en font la demande agrave lrsquoorganisme compeacutetent et deacutelaissent les

droits et les devoirs inheacuterents agrave leur fonction

e) srsquoil en est ainsi deacutecideacute par lrsquoautoriteacute judiciaire

2 Dans les cas deacutefinis agrave lrsquoalineacutea 1 afin drsquoobtenir une meilleure inteacutegration dans la famille

drsquoaccueil les visites et les rapports avec la famille biologique sont suspendus si cela convient

agrave lrsquointeacuterecirct du mineur raquo

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EN DROIT

I SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

35 Le requeacuterant reproche au service de protection des mineurs de nrsquoavoir pris aucune mesure

pour favoriser le reacutetablissement des contacts avec sa fille agrave la suite de son acquittement et de la

leveacutee des mesures provisoires drsquoeacuteloignement et de non-communication Il invoque lrsquoarticle 8 de la

Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son domicile et de sa

correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit que pour

autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une mesure qui dans une

socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave la sucircreteacute publique au bien-ecirctre

eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la

protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

A Sur la recevabiliteacute

36 Le Gouvernement excipe du non-eacutepuisement des voies de recours internes Il soutient drsquoune

part que le requeacuterant nrsquoa pas saisi lrsquoAudiencia provincial drsquoun recours en nulliteacute avant de saisir le

Tribunal constitutionnel de son recours drsquoamparo Drsquoautre part il note que le recours drsquoamparo a eacuteteacute

deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir rempli

lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle speacuteciale

conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la Loi organique nordm 21979 relative au

Tribunal constitutionnel (LOTC) modifieacutee par la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

37 Le requeacuterant indique que le recours en nulliteacute nrsquoeacutetait pas pertinent ce qui eacutetait aussi lrsquoavis

du Tribunal constitutionnel qui nrsquoa pas rejeteacute son recours drsquoamparo pour ce motif Il ajoute que la

deacutecision drsquoirrecevabiliteacute de son recours drsquoamparo faute drsquoavoir deacutemontreacute lrsquoimportance

constitutionnelle de ses griefs a eacuteteacute prononceacutee agrave tort comme cela avait eacuteteacute aussi le cas selon lui

dans lrsquoaffaire RMS c Espagne (no 2877512 18 juin 2013) qui a fait lrsquoobjet drsquoun constat de violation

de lrsquoarticle 8 de la Convention par la Cour

38 Concernant la premiegravere branche de lrsquoexception souleveacutee par le Gouvernement la Cour

estime que le requeacuterant a fourni aux juridictions internes et en dernier ressort au Tribunal

constitutionnel lrsquooccasion de remeacutedier agrave la violation alleacutegueacutee Concernant lrsquoargument du

Gouvernement tireacute du manque drsquoeacutepuisement des voies de recours internes en raison de lrsquoabsence

de recours en nulliteacute elle observe que le Tribunal constitutionnel nrsquoa pas deacuteclareacute le recours

drsquoamparo du requeacuterant irrecevable pour ce motif et qursquoil nrsquoa agrave aucun moment fait mention drsquoune

eacuteventuelle exigence de preacutesentation preacutealable de ce recours La Cour rappelle que crsquoest drsquoabord

aux autoriteacutes nationales et speacutecialement aux cours et tribunaux qursquoil incombe drsquointerpreacuteter le

droit interne (Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne 19 deacutecembre 1997 sect 31 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-VIII) et notamment les questions de proceacutedure et qursquoelle ne substituera pas sa

propre interpreacutetation du droit agrave la leur en lrsquoabsence drsquoarbitraire Elle ne saurait degraves lors exiger du

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requeacuterant lrsquoeacutepuisement drsquoune voie de recours que le Tribunal constitutionnel lui-mecircme nrsquoa pas

consideacutereacutee comme exigible en lrsquoespegravece

39 Concernant la seconde branche de lrsquoexception du Gouvernement celui-ci estime que les

voies de recours internes nrsquoont pas eacuteteacute correctement eacutepuiseacutees dans la mesure ougrave le recours

drsquoamparo a eacuteteacute deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir

rempli lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle

speacuteciale conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la LOTC telle que modifieacutee par

la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

40 Agrave cet eacutegard comme elle lrsquoa deacutejagrave fait dans lrsquoaffaire Arribas Antoacuten c Espagne (no 1656311

20 janvier 2015) la Cour tient agrave souligner que le fait que le Tribunal constitutionnel ait deacuteclareacute un

recours drsquoamparo irrecevable au motif qursquoil ne revecirctait pas lrsquoimportance constitutionnelle speacuteciale

requise ou le cas eacutecheacuteant que son auteur nrsquoavait pas deacutemontreacute lrsquoexistence de pareille importance

ne lrsquoempecircche pas de se prononcer sur la recevabiliteacute et le fond drsquoune requecircte (ibidem sect 51 avec les

reacutefeacuterences aux arrecircts de la Cour rendus agrave la suite de deacutecisions drsquoirrecevabiliteacute des recours

drsquoamparo par le Tribunal constitutionnel en application de ce critegravere Del Riacuteo Prada c Espagne [GC]

no 4275009 sect 22 CEDH 2013 Varela Geis c Espagne no 6100509 5 mars 2013 Manzanas Martiacuten c

Espagne no 1796610 sect 14 3 avril 2012 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 45 voirplus

reacutecemment Rodriguez Ravelo c Espagne no 4807410 sect 24 12 janvier 2016 et en dernier lieu Saber

et Boughassal c Espagne nos 7655013 et 4593814 sect 30 18 deacutecembre 2018) La Cour relegraveve qursquoen

lrsquoespegravece le requeacuterant a exposeacute dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles le recours

drsquoamparo avait pour lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il a indiqueacute que ledit recours

satisfaisait agrave la condition drsquoimportance constitutionnelle speacuteciale dans la mesure ougrave il eacutetait fondeacute

sur la jurisprudence laquo des organes chargeacutes de lrsquointerpreacutetation des traiteacutes et accords internationaux

viseacutes agrave lrsquoarticle 10 sect 2 CE raquo Il faisait reacutefeacuterence agrave lrsquoarrecirct rendu dans lrsquoaffaire RMS cEspagne

preacuteciteacute et invoquait les dispositions de la Constitution espagnole qursquoil estimait pertinentes ainsi

que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le

regroupement familial entre lui et sa fille en raison de graves erreurs contenues dans les rapports

eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de lrsquoadministration qui ont servi de base au raisonnement des

juridictions internes

41 Par conseacutequent lrsquoexception du Gouvernement ne saurait ecirctre retenue

42 Constatant que la requecircte nrsquoest pas manifestement mal fondeacutee au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a)

de la Convention et qursquoelle ne se heurte par ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour la

deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Thegravese des parties

a) Le Gouvernement

43 Le Gouvernement concegravede que le droit au respect de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

a fait lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence de la part de lrsquoautoriteacute publique Il estime cependant que cette

ingeacuterence se justifie par une exigence primordiale touchant lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant et

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constitue un usage approprieacute de la marge drsquoappreacuteciation dont beacuteneacuteficient les autoriteacutes nationales

Il deacuteclare que en lrsquoespegravece la fille du requeacuterant avait inteacuterecirct agrave voir sa situation drsquoaccueil familial se

consolider apregraves 15 mois de placement dans un centre drsquoaccueil Il indique par ailleurs que la Cour

nrsquoest pas une juridiction de quatriegraveme instance et qursquoelle se doit de respecter la marge

drsquoappreacuteciation dont disposent les Eacutetats membres dans la reacuteglementation des relations parents-

enfants

44 Le Gouvernement indique que la deacutecision de lrsquoadministration locale de recourir agrave la

proceacutedure de placement en accueil familial preacuteadoptif a eacuteteacute adopteacutee dans le strict respect de la

leacutegislation de la protection des mineurs qursquoelle eacutetait ducircment motiveacutee et qursquoelle a eacuteteacute veacuterifieacutee par

les autoriteacutes judiciaires espagnoles conformeacutement agrave la loi Il ajoute que cette deacutecision nrsquoa pas eacuteteacute

prise de maniegravere arbitraire mais se fonde sur le manque drsquointeacuterecirct manifesteacute par le requeacuterant pour

sa fille Le Gouvernement expose que bien que le requeacuterant faisait lrsquoobjet drsquoune mesure

drsquoeacuteloignement jusqursquoen septembre 2013 celui-ci nrsquoa pas eu de contact avec ses enfants entre 2012 et

2015 et ne srsquoest pas rendu agrave Murcie en personne mais a agi par lettre par le biais drsquoune association

(paragraphe 11 ci-dessus) Il indique que la situation du requeacuterant diffegravere degraves lors de

lrsquoaffaire RMS c Espagne(preacuteciteacute sect 76) dans laquelle la Cour a conclu agrave une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention en raison de la constatation de la situation drsquoabandon drsquoune mineure malgreacute le

fait que la requeacuterante laquo srsquoeacutetait rendue au moins agrave 17 reprises au centre drsquoaccueil de Grenade alors

mecircme que lrsquoinstitution se trouvait relativement eacuteloigneacutee de son domicile et () qursquoelle nrsquoavait

mecircme pas eacuteteacute informeacutee que sa fille ne srsquoy trouvait plus raquo De plus le Gouvernement estime que en

lrsquoespegravece cette deacutecision avait eacuteteacute preacuteceacutedeacutee drsquoune analyse rigoureuse baseacutee sur les rapports eacutetablis

par les services de protection sociale de Murcie Il se reacutefegravere au rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 au rapport psychosocial du 19 juillet 2013 au rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 et au

rapport du 2 feacutevrier 2015 (paragraphes 14 et suivants ci-dessus)

45 Le Gouvernement considegravere que les deacutecisions prises en lrsquoespegravece par les autoriteacutes nrsquoeacutetaient

pas disproportionneacutees car celles-ci auraient eacutegalement veilleacute aux inteacuterecircts des parents biologiques

en leur garantissant une protection proceacutedurale suffisante et en les impliquant dans le processus

deacutecisionnel (W c Royaume-Uni 8 juillet 1987 sect 63 seacuterie A no 121) Il estime que les autoriteacutes ont agrave

tout moment respecteacute lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure la situation de sa famille proche et eacutelargie

et les principes de proportionnaliteacute et de neacutecessiteacute Il note les efforts des services sociaux de Murcie

pour contacter le requeacuterant (paragraphes 12 et 13 ci-dessus) ainsi que le fait que les organes

juridictionnels ont respecteacute les droits de la deacutefense en donnant la possibiliteacute aux parents de la

mineure drsquoexprimer leur point de vue et le cas eacutecheacuteant leur opposition agrave travers les deacutemarches et

les recours qui leur eacutetaient disponibles

46 Le Gouvernement indique que lrsquointeacuterecirct de chaque mineur doit ecirctre appreacutecieacute de faccedilon

individualiseacutee Par conseacutequent il estime que le fait pour le requeacuterant drsquoavoir reacutecupeacutereacute la garde de

ses deux fils ne modifiait pas la deacutecision des organes judiciaires car sa fille nrsquoaurait pas eacuteteacute dans

une situation comparable agrave celle de ses fregraveres en raison de son acircge et de ses circonstances

personnelles Se reacutefeacuterant agrave la deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie du 7 avril 2016 il estime

en effet que la reacuteinsertion de la mineure au sein de sa famille biologique nrsquoeacutetait plus possible au

risque de lui causer plus de preacutejudices que de beacuteneacutefices Il ajoute que la famille eacutelargie de lrsquoenfant

nrsquoa pas prouveacute aux services sociaux qursquoelle pouvait la prendre en charge

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47 Enfin le Gouvernement note que les droits eacutenonceacutes agrave lrsquoarticle 8 de la Convention

srsquoappliquent de maniegravere eacutegale tant agrave la famille biologique qursquoagrave la famille drsquoaccueil laquelle a creacuteeacute

des liens affectifs avec la mineure dont la Cour doit tenir compte

b) Le requeacuterant

48 Le requeacuterant estime que si lrsquoaccueil a pu ecirctre la meilleure solution pour consolider la

situation familiale de sa fille par le passeacute cette mesure a selon lui cesseacute de lrsquoecirctre lorsqursquoil a

reacutecupeacutereacute la garde des deux aicircneacutes avec lrsquoautorisation de lrsquoautoriteacute chargeacutee de leur protection Il

considegravere que justifier le placement de sa fille en famille drsquoaccueil par le laquo manque drsquointeacuterecirct raquo dont

il aurait fait preuve nrsquoa pas de sens degraves lors qursquoil a eacuteteacute priveacute de lrsquoautoriteacute parentale sur ses enfants

ainsi que des droits et devoirs y affeacuterents Il soutient que cette mesure agrave lrsquoorigine de la deacuteclaration

drsquoabandon de ses enfants srsquoest aveacutereacutee inutile puisqursquoil a eacuteteacute acquitteacute des charges peacutenales de

mauvais traitements agrave lrsquoencontre de sa femme Il ajoute que degraves qursquoil avait pu reprendre contact

avec ses enfants les plus acircgeacutes le mecircme reacutegime de visites lui avait de nouveau eacuteteacute interdit avec sa

fille De plus il argue que en tant qursquoeacutetranger ne parlant pas correctement lrsquoespagnol il lui eacutetait

difficile de prendre connaissance de la citation agrave comparaicirctre publieacutee dans le Journal officiel de la

reacutegion de Murcie (paragraphe 13 ci-dessus) et que cela nrsquoaurait pas ducirc ecirctre interpreacuteteacute comme un

manque drsquointeacuterecirct de sa part

49 Le requeacuterant considegravere que les services de protection de lrsquoenfance et les juridictions

espagnoles ont fait preuve de discrimination agrave son eacutegard car il eacutetait eacutetranger Il indique qursquoil vivait

agrave Madrid et qursquoil ne parlait pas correctement lrsquoespagnol agrave lrsquoeacutepoque Il rejette lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les autoriteacutes ont respecteacute le principe de leacutegaliteacute ainsi que ses droits

proceacuteduraux eacutetant donneacute que celles-ci ont baseacute leur deacutecision selon lui sur des arguments

infondeacutes et des rapports eacutetablis alors qursquoil faisait lrsquoobjet drsquoune poursuite peacutenale et qursquoil nrsquoeacutetait pas

en mesure de deacutefendre son aptitude agrave ecirctre pegravere

50 Le requeacuterant critique la motivation avanceacutee par lrsquoAudiencia provincial de Murcie en ce que

celle-ci considegravere comme eacutetant neacutegligeable le fait qursquoil ait reacutecupeacutereacute uniquement la garde de ses fils

et non celle de sa fille laquo parce que cela srsquoaveacutererait contre-productif pour [celle-ci] raquo alors que le

retour des deux garccedilons aupregraves de lui prouve selon lui qursquoil srsquointeacuteresse agrave ses enfants et qursquoil est

capable de les prendre en charge Il estime que cette deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie

reprise par le Gouvernement dans ses observations lui impute agrave tort des mauvais traitements

envers ses enfants et transfegravere agrave son encontre le manque drsquoadeacutequation de la conduite de la megravere de

ses enfants agrave leur eacutegard

2 Appreacuteciation de la Cour

a) Principes geacuteneacuteraux relatifs aux obligations positives qui incombent agrave lrsquoEacutetat deacutefendeur en

vertu de lrsquoarticle 8 de la Convention

51 La Cour rappelle que pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement

fondamental de la vie familiale (Buscemi c Italie no 2956995 sect 53 CEDH 1999-VI Saleck Bardi c

Espagne no 6616709 sectsect 49 et 50 24 mai 2011 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 68) et que des mesures

internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par lrsquoarticle 8 de la

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Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 151 CEDH 2001-VII et Barnea et Caldararu c

Italie no 3793115 sect 63 22 juin 2017)

52 Comme la Cour lrsquoa indiqueacute agrave plusieurs reprises lrsquoarticle 8 de la Convention a

essentiellement pour objet de preacutemunir lrsquoindividu contre les ingeacuterences arbitraires des autoriteacutes

publiques il ne se contente toutefois pas de commander agrave lrsquoEacutetat de srsquoabstenir de pareilles

ingeacuterences En effet si les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute responsable aboutissant au placement

drsquoun enfant dans un centre drsquoaccueil srsquoanalysent en des ingeacuterences dans le droit drsquoun parent au

respect de sa vie familiale (W c Royaume-Uni preacuteciteacute sect 59) les obligations positives inheacuterentes agrave

un respect effectif de la vie priveacutee ou familiale peuvent impliquer lrsquoadoption de mesures visant au

respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux (X et Y c Pays-Bas 26

mars 1985 sect 23 seacuterie A no 91 et Mincheva c Bulgarie no 2155803 sect 81 2 septembre 2010) Dans un

cas comme dans lrsquoautre il faut avoir eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts

concurrents ndash ceux de lrsquoenfant ceux des deux parents et ceux de lrsquoordre public - (Maumousseau et

Washington c France no 3938805 sect 62 6 deacutecembre 2007) en attachant toutefois une importance

deacuteterminante agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir dans ce sens Gnahoreacute c France no 4003198 sect

59 CEDH 2000-IX) qui selon sa nature et sa graviteacute peut lrsquoemporter sur celui des parents (Sahin c

Allemagne [GC] no 3094396 sect 66 CEDH 2003-VIII) De mecircme dans les deux hypothegraveses lrsquoEacutetat

jouit drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation (Saleck Bardi preacuteciteacute sect 50 et KAB c Espagne preacuteciteacute sect

95)

53 La Cour reacuteaffirme le principe bien eacutetabli dans sa jurisprudence selon lequel le but de la

Convention consiste agrave proteacuteger des droits concrets et effectifs (K et T c Finlande[GC] preacuteciteacute sect

154) Elle rappelle qursquoelle nrsquoa pas pour tacircche de se substituer aux autoriteacutes internes mais

drsquoexaminer sous lrsquoangle de la Convention les deacutecisions que ces autoriteacutes ont rendues dans

lrsquoexercice de leur pouvoir discreacutetionnaire

54 Comme la Cour lrsquoa affirmeacute agrave de nombreuses reprises lrsquoeacuteclatement drsquoune famille constitue

en effet une mesure tregraves grave qui doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de

lrsquoenfant et avoir assez de poids et de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC]

nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Agrave cet eacutegard et srsquoagissant de lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat de prendre des mesures positives la Cour a affirmeacute agrave maintes reprises que lrsquoarticle 8

implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et lrsquoobligation pour

les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie

A no 156 et Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre 1992 sect 90 seacuterie A no 250) Dans ce genre drsquoaffaire

le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise en œuvre car le passage du

temps peut avoir des conseacutequences irreacutemeacutediables sur les relations entre lrsquoenfant et le parent qui ne

vit pas avec lui (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 SH c Italie no 5255714 sect 42

13 octobre 2015) La deacutecision de prise en charge drsquoun enfant doit en principe ecirctre consideacutereacutee

comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances srsquoy precirctent et tout acte

drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et lrsquoenfant (K

et T c Finlande preacuteciteacute sect 178) Lorsqursquoune peacuteriode de temps consideacuterable srsquoest eacutecouleacutee depuis que

lrsquoenfant a eacuteteacute placeacute pour la premiegravere fois sous assistance lrsquointeacuterecirct qursquoa lrsquoenfant agrave ne pas voir sa

situation familiale de facto changer de nouveau peut lrsquoemporter sur lrsquointeacuterecirct des parents agrave la

reacuteunion de leur famille Degraves lors la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes jouissent drsquoune grande

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latitude pour appreacutecier la neacutecessiteacute de prendre en charge un enfant mais il faut exercer un controcircle

plus rigoureux agrave la fois sur les restrictions suppleacutementaires comme celles apporteacutees par les

autoriteacutes aux droits et aux visites des parents et sur les garanties destineacutees agrave assurer la protection

effective du droit des parents et enfants au respect de leur vie familiale (K et T c Finlande [GC]

preacuteciteacute sect 155) Lrsquoobligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la

famille degraves que cela sera vraiment possible srsquoimpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la

peacuteriode de prise en charge et avec de plus en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance

avec le devoir de consideacuterer lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Par ailleurs les obligations positives ne

se limitent pas agrave veiller agrave ce que lrsquoenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui

mais elles englobent eacutegalement lrsquoensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce

reacutesultat (voir mutatis mutandis Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004

etAmanalachioai c Roumanie no 402304 sect 95 26 mai 2009)

55 Il revient agrave la Cour drsquoappreacutecier si les autoriteacutes espagnoles ont agi en meacuteconnaissance de

leurs obligations positives deacutecoulant de lrsquoarticle 8 de la Convention (Hokkanen c Finlande 23

septembre 1994 sect 55 seacuterie A no 299-A Mikulić c Croatie no 5317699 sect 59 CEDH 2002-I P C et

S c Royaume-Uni no 5654700 sect 122 CEDH 2002-VI Evansc Royaume-Uni [GC] no 633905 sect 76

CEDH 2007-IV et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 98)

56 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter drsquoun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de lrsquoarticle

8 de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lrsquoapplication et lrsquointerpreacutetation des

dispositions leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de lrsquoarticle 8 de la

Convention en tenant notamment compte de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir mutatis

mutandis Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 et Barnea et Caldararu c

Italie preacuteciteacute sect 65 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115 RMS c Espagne preacuteciteacute sect 72)

b) Application en lrsquoespegravece des principes susmentionneacutes

57 La Cour relegraveve que le 15 juin 2012 les trois enfants du requeacuterant dont sa fille mineure acircgeacutee

agrave lrsquoeacutepoque drsquoun an et demi ont eacuteteacute placeacutes dans un centre drsquoaccueil agrave Madrid agrave la demande de leur

megravere et deacuteclareacutes en situation leacutegale drsquoabandon Agrave la suite du deacutemeacutenagement de leur megravere les

enfants ont eacuteteacute placeacutes dans des centres drsquoaccueil de Murcie Le requeacuterant nrsquoen a pas eacuteteacute informeacute

(paragraphes 8 et 9 ci-dessus)

58 Dans une affaire comme celle de lrsquoespegravece le juge se trouve en preacutesence drsquointeacuterecircts souvent

difficilement conciliables agrave savoir ceux de lrsquoenfant et ceux de ses parents biologiques et

notamment dans la preacutesente cause ceux du pegravere biologique et ceux de la famille drsquoaccueil Dans la

recherche de lrsquoeacutequilibre entre ces diffeacuterents inteacuterecircts lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale (Moretti et Benedetti c Italie no 1631807 sect 67 27 avril 2010)

59 En lrsquoespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave la neacutecessiteacute de lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en se reacutefeacuterant

aux maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves que ce dernier aurait infligeacutees agrave ses enfants agrave

lrsquoinstabiliteacute eacutemotionnelle et agrave lrsquointelligence limiteacutee de leur megravere (paragraphes 14 et 21 ci-dessus)

ainsi qursquoagrave lrsquoabsence de contact du requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date du placement

de ces derniers dans des centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du

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requeacuterant avec le service de protection des mineurs (paragraphe 21 ci-dessus) et agrave lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le requeacuterant et sa fille (paragraphe 24 ci-dessus) La Cour relegraveve qursquoagrave aucun

moment de cette proceacutedure administrative lrsquoacquittement du requeacuterant le 27 septembre 2013 de

toutes les charges retenues contre lui et lrsquoannulation des mesures drsquoeacuteloignement prises initialement

agrave son encontre lrsquoempecircchant entre-temps de garder le contact avec ses enfants (paragraphe 20 ci-

dessus) nrsquoont eacuteteacute pris en compte

60 La Cour observe que la deacutecision du juge de premiegravere instance de Murcie dateacutee du 11 feacutevrier

2015 (paragraphe 25 ci-dessus) enteacuterinant la deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales

relative au placement preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en famille drsquoaccueil persistait agrave ne pas

prendre en compte la nouvelle situation peacutenale du requeacuterant depuis le 27 septembre 2013 date de

son acquittement Elle note que le juge de premiegravere instance de Murcie ne se prononccedilait drsquoailleurs

pas sur les capaciteacutes eacuteducatives et psychosociales du requeacuterant pour reacutecupeacuterer la garde de sa fille

mineure La deacutecision se bornait agrave prendre en compte les arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes dans les

rapports eacutetablis par lrsquoadministration

61 La Cour observe que la question de savoir si le processus deacutecisionnel a suffisamment

proteacutegeacute les inteacuterecircts drsquoun parent deacutepend des circonstances propres agrave chaque affaire(W c Royaume-

Uni 8 juillet 1987 sect 64 seacuterie A no 121 Elsholz c Allemagne [GC] no 2573594 sect 52

CEDH 2000-VIII) Pour ce faire elle doit veacuterifier si les juridictions nationales se sont livreacutees agrave un

examen approfondi de lrsquoensemble de la situation familiale et de toute une seacuterie drsquoeacuteleacutements drsquoordre

factuel affectif psychologique mateacuteriel et meacutedical notamment et si elles ont proceacutedeacute agrave une

appreacuteciation eacutequilibreacutee et raisonnable des inteacuterecircts respectifs (voir mutatis mutandis Neulinger

et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 139 CEDH 2010) La Cour relegraveve agrave cet eacutegard que au cours

de la proceacutedure devant le juge de premiegravere instance et lrsquoAudiencia provincial le requeacuterant a eu la

possibiliteacute de preacutesenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des proceacutedures

judiciaires ougrave il eacutetait repreacutesenteacute par un avocat au moins agrave partir du 19 novembre 2013

(paragraphe20 ci-dessus) La Cour ne deacutecegravele en conseacutequence aucun manquement formellement

imputable aux juridictions internes agrave cet eacutegard mais plutocirct une inertie des ces derniegraveres dans la

prise en compte des conclusions des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de

lrsquoadministration intervenus tout au long de lrsquoexamen de affaire

62 La Cour rappelle que dans les affaires touchant la vie familiale la rupture du contact avec

un enfant tregraves jeune peut conduire agrave une alteacuteration croissante de sa relation avec son parent (voir

entre autres Pini et autres c Roumanie nos 7802801 et 7803001 sect 175 CEDH 2004-V (extraits)

et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 103) Il en va ainsi dans la preacutesente affaire Les rapports des 28 feacutevrier

et 18 deacutecembre 2014 (paragraphes 21 et 23 ci-dessus) ont deacutemontreacute que la fille du requeacuterant eacutetait

bien inteacutegreacutee dans sa famille drsquoaccueil depuis le 24 septembre 2013 (paragraphe 17 ci-dessus) Le

passage du temps a eu pour effet de rendre deacutefinitive une situation qui eacutetait censeacutee ecirctre provisoire

compte tenu du tregraves jeune acircge de lrsquoenfant lorsque la situation leacutegale drsquoabandon a eacuteteacute constateacutee et

que la mise sous tutelle est intervenue (paragraphe 8 ci-dessus)

63 La Cour rappelle qursquoil ne lui appartient pas de substituer son appreacuteciation agrave celle des

autoriteacutes nationales compeacutetentes quant aux mesures qui auraient ducirc ecirctre prises car ces autoriteacutes

sont en principe mieux placeacutees pour proceacuteder agrave une telle eacutevaluation Tout en reconnaissant qursquoen

lrsquoespegravece les juridictions internes se sont appliqueacutees de bonne foi agrave preacuteserver le bien-ecirctre de la

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

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67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 3: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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B La deacuteclaration drsquoabandon des enfants et la proceacutedure de placement de la fille du requeacuterant en

accueil familial en vue de son adoption

8 Le 15 juin 2012 les trois enfants acircgeacutes de neuf ans six ans et un an et demi furent deacuteclareacutes en

situation leacutegale drsquoabandon par le gouvernement reacutegional de Madrid qui en assuma la tutelle selon

la proceacutedure drsquourgence Les enfants furent placeacutes dans des centres drsquoaccueil Cette deacutecision fut

prise agrave la suite de la demande de lrsquoeacutepouse du requeacuterant qui avait deacuteclareacute ne plus pouvoir

srsquooccuper de ses enfants en raison drsquoune situation de conflit familial grave et de son absence de

ressources Lrsquoeacutepouse du requeacuterant informa le gouvernement reacutegional de Madrid qursquoelle comptait

deacutemeacutenager agrave Murcie afin de srsquoeacuteloigner du requeacuterant et pour habiter avec son fregravere et demanda

que les trois enfants fussent pris en charge par le gouvernement reacutegional de cette ville Elle

manifesta eacutegalement son intention drsquoentamer une theacuterapie

9 Le 28 juin 2012 les enfants furent accueillis dans des centres drsquoaccueil agrave Murcie Le requeacuterant

ne fut pas informeacute que ses enfants avaient eacuteteacute deacuteclareacutes en situation drsquoabandon et placeacutes dans des

centres drsquoaccueil ni drsquoaucune des deacutecisions prises agrave lrsquoeacutegard de ses enfants par les services de

protection des mineurs de Madrid ou de Murcie

10 Le 28 juillet 2012 le directeur des affaires sociales de la reacutegion de Murcie assuma la tutelle

des trois mineurs Les deux fils du requeacuterant furent placeacutes dans le centre drsquoaccueil Santo Angel et sa

fille dans le centre drsquoaccueil Cardenal Belluga et les visites de leur megravere furent autoriseacutees

11 Le 14 feacutevrier 2013 le preacutesident de lrsquoAssociation musulmane drsquoEspagne (laquo lrsquoassociation raquo)

adressa au nom du requeacuterant une lettre au service de protection des mineurs de Murcie (laquo le

service de protection des mineurs raquo) dans laquelle il indiquait que lrsquointeacuteresseacute ayant coupeacute tout lien

avec son eacutepouse nrsquoavait aucune information au sujet de ses trois enfants Par cette lettre

lrsquoassociation demandait agrave ecirctre instruite de la situation de ces mineurs et indiquait que le requeacuterant

eacutetant juridiquement priveacute du droit de communiquer avec ses enfants reacuteclamait qursquoun membre de

lrsquoassociation puisse les rencontrer Le 7 mars 2013 le service de protection des mineurs reacutepondit agrave

lrsquoassociation que le retour des enfants dans leur famille biologique nrsquoeacutetait pas envisageacute et qursquoil

nrsquoeacutetait pas souhaitable que des tiers rendent visite aux enfants

12 Le 19 mars 2013 le juge no 1 de Coslada renvoya au service de protection des mineurs de

Murcie une convocation reccedilue tardivement au siegravege du tribunal ce qui rendit impossible que le

juge no 1 puisse contacter le requeacuterant en temps utile pour que celui-ci se rende agrave une audience agrave

Murcie le 21 mars 2013

13 Une convocation agrave lrsquoaudience de ratification de la tutelle des enfants du requeacuterant fut

effectueacutee le 6 avril 2013 agrave lrsquoeacutegard de lrsquointeacuteresseacute par voie drsquoaffichage (edictos) au Journal officiel de

Murcie Les 8 et 16 avril 2013 le requeacuterant fut contacteacute par teacuteleacutephone par un membre du service de

protection des mineurs de Murcie Lors de la premiegravere conversation teacuteleacutephonique le requeacuterant fut

informeacute de la signification de lrsquoaudience de tutelle Nrsquoayant pas donneacute suite agrave lrsquoappel et ne srsquoeacutetant

pas preacutesenteacute agrave lrsquoaudience lors de la seconde conversation teacuteleacutephonique avec le mecircme membre du

service de protection des mineurs le requeacuterant indiqua qursquoil nrsquoassisterait pas agrave lrsquoaudience et qursquoil

ferait appel le cas eacutecheacuteant de la deacutecision de ratification de tutelle qui serait rendue Le 24 avril

2013 le gouvernement reacutegional de Murcie (laquo le gouvernement reacutegional raquo) confia la prise en charge

des enfants au service de protection des mineurs Une notification de cette reacutesolution fut adresseacutee

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au requeacuterant agrave son domicile le 14 mai 2013 puis celui-ci eacutetant absent elle fut deacuteposeacutee au bureau de

poste le 21 mai 2013 ougrave il ne vint pas la reacutecupeacuterer

14 Dans un rapport drsquoorientation dateacute du 20 juin 2013 la direction geacuteneacuterale des affaires

sociales de la reacutegion de Murcie prit note de la circonstance que les mineurs auraient fait lrsquoobjet de

maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves de la part du requeacuterant ainsi que de lrsquoordonnance

drsquoeacuteloignement et de la prohibition totale de communication avec eux prononceacutees par le juge no 1

de Coslada Il prit eacutegalement note notamment de la personnaliteacute vulneacuterable tregraves influenccedilable et

fragile de leur megravere de lrsquoabsence de rocircle protecteur de cette derniegravere envers ses enfants de son

instabiliteacute eacutemotionnelle et de son intelligence limiteacutee de son absence de stabiliteacute financiegravere de

domicile et drsquoactiviteacute professionnelle ainsi que de son enfance eacutegalement passeacutee sous tutelle Le

rapport preacuteconisait la suspension des visites de la megravere agrave sa fille alors mineure et la tenue drsquoune

seule visite bimestrielle drsquoune heure avec ses deux fils dans un endroit agrave deacuteterminer par le centre

drsquoaccueil

15 Lrsquoeacutepouse du requeacuterant deacuteclara aux services sociaux du centre drsquoaccueil Cardenal Beluga lors

drsquoun appel teacuteleacutephonique de leur part qursquoelle louait avec lrsquoargent que le requeacuterant lui envoyait un

appartement pour rester pregraves de sa fille

16 Dans un rapport psychosocial tregraves deacutetailleacute du 19 juillet 2013 la direction geacuteneacuterale des

affaires sociales de la reacutegion de Murcie proposa lrsquoaccueil familial preacuteadoptif provisoire de la fille

du requeacuterant sans visites de sa famille biologique Le rapport reproduisit pour lrsquoessentiel les

conclusions du rapport preacuteceacutedent et souligna lrsquoabsence de capaciteacutes parentales de la megravere des

enfants et son immaturiteacute

C Le placement en accueil familial de la fille du requeacuterant et lrsquoacquittement du requeacuterant dans

la proceacutedure peacutenale pour violences conjugales entameacutee agrave son encontre

17 Le 20 septembre 2013 la Commission reacutegionale de protection des mineurs deacutecida de placer

provisoirement la fille du requeacuterant en accueil familial en vue de son adoption

Le 24 septembre 2013 la fille du requeacuterant fut remise agrave sa famille drsquoaccueil

18 Le 8 octobre 2013 le Preacutesident de la Commission reacutegionale de protection des mineurs

formula la proposition formelle drsquoaccueil familial preacuteadoptif provisoire sans reacutegime de visites de la

mineure par ses parents biologiques en faveur du couple seacutelectionneacute

19 Le 27 septembre 2013 le juge peacutenal no 5 drsquoAlcalaacute de Henares acquitta le requeacuterant de toutes

les charges retenues contre lui dans le cadre de la proceacutedure entameacutee agrave son encontre et annula les

mesures peacutenales et civiles prises dans la deacutecision du juge no 1 de Coslada du 2 feacutevrier 2012 Le

juge peacutenal no 5 prit en compte dans son jugement lrsquoabsence de preacutecision des explications de

lrsquoeacutepouse du requeacuterant sur les faits reprocheacutes agrave ce dernier les teacutemoignages eacutegalement impreacutecis des

simples teacutemoins de reacutefeacuterence (la directrice de lrsquoeacutecole des enfants du requeacuterant et leurs tutrices

lrsquoauxiliaire de vie de lrsquoeacutecole la secreacutetaire du centre scolaire) qui ne se souvenaient pas bien des faits

ou qui reacutepeacutetaient des commentaires faits par les enfants ou des impressions ainsi que les

expertises psychologiques et meacutedicales qui avaient montreacute des laquo leacutesions psychologiques

compatibles avec des mauvais traitements deacutesadaptation sociale agressions physiques sexuelles

et psychologiques raquo qui ne suffisent pas non plus agrave renverser la preacutesomption drsquoinnocence du

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requeacuterant au vu du caractegravere geacuteneacuterique des faits imputeacutes dans les diffeacuterents rapports de lrsquoabsence

drsquoexplication du processus technique suivi pour parvenir aux conclusions exposeacutees et de

deacutepositions impreacutecises des experts agrave lrsquoaudience Le jugement drsquoacquittement devint deacutefinitif le 8

novembre 2013

20 Le 19 novembre 2013 le requeacuterant assisteacute par un avocat contacta par eacutecrit le service de

protection des mineurs et se preacutesenta agrave un entretien Il communiqua le jugement rendu en sa

faveur et indiqua qursquoil travaillait qursquoil avait des revenus stables et qursquoil reacutesidait agrave Madrid Il

demanda lrsquoautorisation de rendre visite agrave ses enfants

21 Dans un rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 le service de protection des mineurs prit

note de lrsquoabsence de tout contact entre le requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date de leur

placement en centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du requeacuterant avec

le service de protection des mineurs deacutecrit ci-dessus Dans ce rapport le service de protection des

mineurs proposa de ne pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille et de refuser

provisoirement ses visites agrave ses deux autres enfants laquo jusqursquoagrave ce que les mineurs preacutesentent un eacutetat

eacutemotionnel psychologique plus stable raquo Il nota que la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors

de la proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo et que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la

peur et un manque de confiance envers la figure paternelle raquo et suivaient des traitements

psychologiques et pharmacologiques Les conclusions dudit rapport furent confirmeacutees en date du

31 mars 2014 par une deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales de la reacutegion de Murcie

qui mit fin agrave la proceacutedure administrative Cette deacutecision fut transmise au procureur chargeacute de la

protection des mineurs Le requeacuterant en fut informeacute le 22 avril 2014

22 Le 28 mai 2014 le requeacuterant srsquoopposa agrave la constitution de lrsquoaccueil familial de sa fille

23 Dans un rapport de suivi du 18 deacutecembre 2014 le service de protection des mineurs exposa

les liens affectifs eacutetablis entre la mineure et sa famille drsquoaccueil et son adaptation agrave son nouvel

environnement sociofamilial

24 Le 2 feacutevrier 2015 la psychologue et lrsquoassistante drsquoaide sociale du centre drsquoassistance sociale agrave

lrsquoenfance II de Madrid eacutemirent un rapport au sujet du requeacuterant constatant lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le pegravere et sa fille et le fait que lrsquointeacuteresseacute centrait sa demande de reacutecupeacuterer ses

enfants sur les deux aicircneacutes Selon ce rapport le requeacuterant comprenait les conseacutequences que la

seacuteparation avait eue pour ses enfants et indiquait ecirctre capable de concilier sa vie priveacutee et sa vie

professionnelle pour reacutepondre aux besoins des enfants

25 Agrave la suite de la demande formuleacutee par la direction geacuteneacuterale des affaires sociales le juge de

premiegravere instance no 3 de Murcie autorisa le 11 feacutevrier 2015 le placement de la fille du requeacuterant

dans une famille drsquoaccueil en vue de son adoption en application de lrsquoarticle 173 paragraphe 1 du

code civil La deacutecision eacutetait motiveacutee comme suit

laquo Le cas drsquoespegravece reacuteunit les conditions requises par la loi pour le placement en accueil

familial dans la mesure ougrave lrsquoorganisme public chargeacute de la protection des mineurs et la famille

drsquoaccueil ont donneacute leur accord et ougrave il peut ecirctre remeacutedieacute agrave lrsquoabsence de consentement des

parents par une deacutecision judiciaire dans la situation dans laquelle se trouve lrsquoenfant le

placement de celle-ci dans une famille qui srsquooccupera et prendra soin drsquoelle qui la nourrira et

lrsquoeacuteduquera et agrave la vie de laquelle elle prendra part serait tregraves beacuteneacutefique pour son

deacuteveloppement physique intellectuel et moral [ainsi que] pour son eacuteducation en geacuteneacuteral raquo

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26 Le 13 mars 2015 le requeacuterant fit appel de la deacutecision du 11 feacutevrier 2015 autorisant le

placement de sa fille en accueil familial en vue de son adoption Son eacutepouse fit de mecircme Le

requeacuterant soutenait notamment que ce jugement nrsquoindiquait pas les motifs empecircchant la prise en

charge de lrsquoenfant par son pegravere alors qursquoil avait eacuteteacute acquitteacute de toutes les charges porteacutees agrave son

encontre Il indiquait que la situation drsquoabandon de ses enfants avait eacuteteacute causeacutee par la faccedilon drsquoagir

de son eacutepouse les particulariteacutes de la personnaliteacute de cette derniegravere ainsi que par la guerre en

Syrie agrave laquelle ils avaient pu eacutechapper en quittant le pays Il srsquoestimait victime de lrsquoincapaciteacute de

la megravere de sa fille agrave srsquooccuper de cette derniegravere alors que sa propre capaciteacute agrave eacutelever sa fille et agrave

prendre soin drsquoelle nrsquoa selon lui nullement eacuteteacute examineacutee ni par les autoriteacutes administratives ni par

les organes judiciaires

27 Dans son eacutecrit drsquoopposition agrave lrsquoappel interjeteacute par le requeacuterant contre la deacutecision du 11

feacutevrier 2015 du juge de premiegravere instance no 3 lrsquoavocate du gouvernement reacutegional nota que le

requeacuterant nrsquoavait montreacute aucun inteacuterecirct pour ses enfants apregraves leur accueil dans des centres

drsquoaccueil de Murcie le 28 juin 2012 Elle releva eacutegalement que le requeacuterant nrsquoavait pas non plus

attaqueacute la deacutecision administrative ratifiant lrsquoaccueil des enfants

28 Le 7 avril 2016 lrsquoAudiencia provincial de Murcie deacutebouta le requeacuterant ainsi que son eacutepouse

de leurs appels respectifs et confirma la deacutecision attaqueacutee exposant que

laquo () [selon] la deacutecision attaqueacutee une telle mesure [le placement de lrsquoenfant en accueil

familial preacuteadoptif] garantit lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure et contribue efficacement agrave son

deacuteveloppement dans son ensemble

()

Il faut prendre en compte lrsquoappreacuteciation faite par lrsquoadministration sur le manque drsquointeacuterecirct du

requeacuterant Drsquoune part celui-ci nrsquoa entameacute aucune deacutemarche apregraves avoir demandeacute des

informations sur la situation de ses enfants et avoir reccedilu en feacutevrier 2013 les renseignements

demandeacutes Drsquoautre part il nrsquoest pas intervenu dans la proceacutedure agrave lrsquoexception drsquoun eacutecrit

preacutesenteacute le 19 novembre 2013 alors qursquoil avait eacuteteacute informeacute agrave plusieurs reprises de la

confirmation de la prise en charge de ses enfants par lrsquoorganisme public au mois drsquoavril 2013

()

Ce nrsquoest que le 28 mai 2014 apregraves plusieurs convocations infructueuses qursquoil est intervenu

dans la proceacutedure pour contester la deacutecision de placement de A [sa fille] en famille drsquoaccueil

() Il apparaicirct en vertu du rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 que la mineure est resteacutee

heacutebergeacutee dans le Centre de protection des mineurs pendant un an et trois mois et qursquoelle nrsquoa

aucun lien avec son pegravere Par ailleurs les moyens de preuve examineacutes et en particulier le

rapport de suivi du 18 deacutecembre 2014 montrent les liens affectifs de qualiteacute et lrsquoidentification

de la mineure en tant que membre de sa famille drsquoaccueil ainsi que son adaptation au nouvel

environnement sociofamilial Ce rapport eacutetablit que les besoins de A sont satisfaits dans cet

environnement et que cet accueil est beacuteneacutefique pour son deacuteveloppement personnel et ajoute

que le mieux pour elle est qursquoelle soit adopteacutee par le couple accueillant [et qursquoil est neacutecessaire]

drsquoeacutevaluer les conseacutequences neacutegatives qui pourraient deacutecouler de la cessation de lrsquoaccueil

Concregravetement il est mentionneacute que cela eacutequivaudrait agrave une agression de la mineure dans tous

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les domaines de son deacuteveloppement physique intellectuel et moral ce qui supposerait un

grave danger pour sa santeacute mentale et aurait une influence sur lrsquoeacutepanouissement de sa

personnaliteacute et sur sa capaciteacute pour eacutetablir des relations interpersonnelles tout au long de sa

vie

()

Il convient drsquoajouter par ailleurs que le document fourni par [le requeacuterant] (M Haddad)

dans le cadre de la proceacutedure drsquoappel dans lequel le Service de protection des mineurs

indique la fin de la prise en charge des deux fregraveres drsquoA L acircgeacute de treize ans et Ad acircgeacute de dix

ans au motif qursquoils sont retourneacutes vivre avec leur pegravere est totalement deacutenueacute de pertinence Et

cela parce qursquoil ne mentionne pas les motifs qui ont conduit agrave la fin de la prise en charge et

aussi parce que la situation actuelle de la mineure A acircgeacutee de quatre ans dans le cadre de la

proceacutedure drsquoaccueil en vue de son adoption en cours et [du processus] drsquointeacutegration [dans la

famille] et les conseacutequences neacutegatives et nuisibles qursquoentraicircnerait la fin de cet accueil ainsi que

lrsquoont eacutetabli les rapports drsquoexpertise ne plaident pas en faveur drsquoun changement de mesure agrave

son sujet () raquo

29 Le 26 feacutevrier 2016 le gouvernement reacutegional mit fin agrave la prise en charge des deux fils du

requeacuterant par le service de protection des mineurs et autorisa leur retour aupregraves de leur pegravere Ils

habitent avec lui depuis cette date

30 Le 13 juin 2016 le requeacuterant forma un recours drsquoamparo devant le Tribunal constitutionnel

dans lequel il exposait dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles cette action

preacutesentait selon lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il invoquait les articles 24 (droit agrave un

procegraves eacutequitable) et 39 de la Constitution ainsi que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les

deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le regroupement familial entre sa fille et lui en raison de

graves erreurs contenues dans les diffeacuterents rapports de lrsquoadministration qui ont servi de base au

raisonnement aux juridictions internes Par une deacutecision notifieacutee le 19 octobre 2016 le Tribunal

constitutionnel deacuteclara le recours drsquoamparo irrecevable faute pour lrsquointeacuteresseacute drsquoavoir justifieacute

lrsquoimportance constitutionnelle de son recours

II LE DROIT INTERNE PERTINENT

31 Les dispositions pertinentes en lrsquoespegravece de la Constitution se lisent ainsi

Article 24

laquo 1 Toute personne a droit agrave la protection effective des juges et des tribunaux dans lrsquoexercice

de ses droits et inteacuterecircts leacutegitimes sans qursquoen aucun cas elle puisse ecirctre mise dans

lrsquoimpossibiliteacute de se deacutefendre

() raquo

Article 39

laquo 1 Les pouvoirs publics assurent la protection sociale eacuteconomique et juridique de la famille

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2 Les pouvoirs publics assurent eacutegalement la protection inteacutegrale des enfants qui sont eacutegaux

devant la loi indeacutependamment de leur filiation et celle de la megravere quel que soit son eacutetat civil

La loi rendra possible la recherche de la paterniteacute

3 Les parents doivent precircter assistance dans tous les domaines agrave leurs enfants qursquoils soient

neacutes dans le mariage ou en dehors de celui-ci pendant leur minoriteacute et dans les autres cas

preacutevus par la loi

4 Les enfants jouissent de la protection preacutevue par les accords internationaux qui veillent sur

leurs droits raquo

32 Lrsquoarticle 17 de la Loi organique 11996 du 15 janvier 1996 portant sur la protection juridique

des mineurs dispose que

laquo Devant toute situation agrave risque quelle qursquoelle soit portant preacutejudice au deacuteveloppement

personnel ou social du mineur et nrsquoexigeant pas sa mise sous tutelle en vertu de la loi lrsquoaction

des pouvoirs publics doit dans tous les cas garantir les droits du mineur et tendre agrave la

reacuteduction des facteurs de risque et des difficulteacutes sociales qui ont une incidence sur sa

situation personnelle et sociale ainsi que promouvoir les facteurs de protection du mineur et

de sa famille

Une fois la situation de risque appreacutecieacutee lrsquoadministration compeacutetente en matiegravere de

protection de mineurs mettra en œuvre les actions pertinentes pour lrsquoatteacutenuer et proceacutedera au

suivi de lrsquoeacutevolution du mineur dans sa famille raquo

33 Les dispositions pertinentes en lrsquoespegravece du code civil se lisent comme suit

Article 172

laquo 1 Lorsque lrsquoinstitution publique responsable de la protection des mineurs dans son ressort

territorial constate qursquoun mineur se trouve dans une situation drsquoabandon elle en assume de

plein droit la tutelle et doit mettre en œuvre les mesures neacutecessaires pour garantir sa

protection et sa tutelle () [Les parents et tuteurs] seront autant que possible informeacutes

personnellement et de maniegravere claire et compreacutehensible des motifs ayant donneacute lieu agrave

lrsquointervention de lrsquoadministration et des effets possibles de la deacutecision adopteacutee

Un mineur est consideacutereacute comme eacutetant en situation drsquoabandon lorsque de fait il se trouve

dans une situation deacutecoulant soit drsquoun manquement aux devoirs de protection eacutetablis par les

textes de loi portant sur la tutelle des mineurs soit de lrsquoimpossibiliteacute drsquoexercer ces devoirs ou

de les exercer correctement et qursquoil est priveacute de lrsquoassistance morale ou mateacuterielle qui lui est

neacutecessaire

Lrsquoexercice de la tutelle par lrsquoadministration implique la suspension de lrsquoautoriteacute parentale ou

de la tutelle ordinaire ()

2 Lorsque en raison de circonstances graves les parents ou les tuteurs ne peuvent pas

prendre soin du mineur ils peuvent solliciter de lrsquoadministration compeacutetente qursquoelle en

assume la tutelle pendant le temps neacutecessaire

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La cession de la tutelle se fera par eacutecrit et il sera constateacute que les parents ou tuteurs ont eacuteteacute

informeacutes des responsabiliteacutes qursquoils ont toujours par rapport agrave lrsquoenfant ainsi que la faccedilon dans

laquelle la tutelle sera exerceacutee par lrsquoadministration

()

3 La tutelle assumeacutee agrave la demande des parents ou tuteurs ou en vertu drsquoune obligation

leacutegale prendra la forme de lrsquoaccueil familial ou en reacutesidence ()

4 Lrsquointeacuterecirct du mineur est toujours rechercheacute Agrave moins que lrsquointeacuterecirct du mineur ne srsquoy oppose

[lrsquoadministration srsquoefforce] de le reacuteinteacutegrer dans sa propre famille et de confier la tutelle des

fregraveres et sœurs agrave la mecircme institution ou personne

()

7 Les parents dont lrsquoautoriteacute parentale est suspendue en vertu du paragraphe 1 du preacutesent

article peuvent solliciter la cessation de la suspension et la reacutevocation de la deacuteclaration

drsquoabandon pendant un deacutelai de deux ans agrave compter de la notification administrative de la

deacuteclaration drsquoabandon srsquoils estiment qursquoils peuvent de nouveau exercer lrsquoautoriteacute parentale en

raison drsquoun changement des circonstances lrsquoayant motiveacutee

Ils peuvent aussi contester pendant ce mecircme deacutelai les deacutecisions prises en rapport avec la

protection du mineur

()

Une fois ce deacutelai eacutecouleacute ils nrsquoont plus le droit de demander ou de contester les deacutecisions ou

les mesures prises en vue de la protection du mineur ()

8 Lrsquoadministration drsquooffice ou agrave la demande du ministegravere public ou de toute personne ou

institution inteacuteresseacutees peut agrave tout moment reacutevoquer la deacuteclaration drsquoabandon et deacutecider du

retour du mineur avec sa famille srsquoil nrsquoest pas inteacutegreacute de maniegravere stable dans une autre famille

ou si elle estime que crsquoest la mesure la plus adeacutequate pour lrsquointeacuterecirct du mineur La deacutecision

sera notifieacutee au ministegravere public raquo

Article 173

laquo 1 Le placement en famille drsquoaccueil implique la pleine participation du mineur agrave la vie du

foyer familial et lrsquoobligation pour la famille drsquoaccueil de veiller sur lui de srsquooccuper de lui de

le nourrir de lrsquoeacuteduquer et de lui offrir une instruction complegravete

()

3 Si les parents () srsquoopposent [au placement du mineur en famille drsquoaccueil] ce placement

doit faire lrsquoobjet drsquoune deacutecision judiciaire dans lrsquointeacuterecirct du mineur ()

Toutefois lrsquoadministration peut deacutecider dans lrsquointeacuterecirct du mineur de le placer

provisoirement en famille drsquoaccueil jusqursquoagrave ce que la deacutecision judiciaire soit rendue

() raquo

Article 173 bis

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laquo Lrsquoaccueil familial peut revecirctir lrsquoune des modaliteacutes suivantes selon sa finaliteacute

1er lrsquoaccueil familial simple qui revecirct un caractegravere provisoire soit parce que la situation du

mineur permet de preacutevoir sa reacuteinsertion dans sa propre famille soit parce qursquoune autre

mesure de protection plus durable est en voie drsquoecirctre adopteacutee

2e lrsquoaccueil familial permanent lorsque en raison de lrsquoacircge ou drsquoautres circonstances

concernant le mineur ou sa famille [ce mode] semble preacutefeacuterable et est ainsi recommandeacute par

les services de protection des mineurs ()

3e lrsquoaccueil familial preacuteadoptif formaliseacute par lrsquoadministration lorsqursquoelle preacutesente agrave

lrsquoautoriteacute judiciaire une proposition drsquoadoption du mineur [laquelle doit ecirctre] viseacutee par les

services de protection des mineurs pourvu que les parents drsquoaccueil remplissent les

conditions requises pour lrsquoadoption aient eacuteteacute seacutelectionneacutes et aient donneacute leur consentement agrave

lrsquoadministration et que le mineur se trouve dans une situation juridique le rendant apte agrave ecirctre

adopteacuteLrsquoadministration peut aussi mettre en place un accueil familial preacuteadoptif lorsqursquoelle

considegravere avant la preacutesentation de la proposition drsquoadoption qursquoil est neacutecessaire drsquoeacutetablir une

peacuteriode drsquoadaptation du mineur dans la famille Cette peacuteriode est la plus bregraveve possible et ne

peut deacutepasser un an raquo

Article 222

laquo Sont placeacutes sous tutelle

()

4e Les mineurs en situation drsquoabandon raquo

34 Lrsquoarticle 35 de la Loi 31995 du 21 mars 1995 de la reacutegion de Murcie relative agrave lrsquoenfance se

lit comme suit

Article 35

laquo 1 La mesure drsquoaccueil peut ecirctre appliqueacutee preacutealablement agrave lrsquoadoption

a) si le mineur preacutesente des signes de mauvais traitements physiques ou psychiques drsquoabus

sexuels drsquoexploitation ou drsquoautres [mauvais traitements] de nature analogue ou si par tout

autre motif les parents ou les tuteurs sont sous le coup drsquoune cause de privation de lrsquoautoriteacute

parentale et qursquoil soit preacutevu que cette situation soit permanente

b) si les parents ou tuteurs sont empecirccheacutes drsquoexercer leur autoriteacute parentale et qursquoil est preacutevu

que cette situation soit permanente

c) si les parents ou tuteurs en font la demande agrave lrsquoorganisme compeacutetent et deacutelaissent les

droits et les devoirs inheacuterents agrave leur fonction

e) srsquoil en est ainsi deacutecideacute par lrsquoautoriteacute judiciaire

2 Dans les cas deacutefinis agrave lrsquoalineacutea 1 afin drsquoobtenir une meilleure inteacutegration dans la famille

drsquoaccueil les visites et les rapports avec la famille biologique sont suspendus si cela convient

agrave lrsquointeacuterecirct du mineur raquo

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EN DROIT

I SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

35 Le requeacuterant reproche au service de protection des mineurs de nrsquoavoir pris aucune mesure

pour favoriser le reacutetablissement des contacts avec sa fille agrave la suite de son acquittement et de la

leveacutee des mesures provisoires drsquoeacuteloignement et de non-communication Il invoque lrsquoarticle 8 de la

Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son domicile et de sa

correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit que pour

autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une mesure qui dans une

socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave la sucircreteacute publique au bien-ecirctre

eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la

protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

A Sur la recevabiliteacute

36 Le Gouvernement excipe du non-eacutepuisement des voies de recours internes Il soutient drsquoune

part que le requeacuterant nrsquoa pas saisi lrsquoAudiencia provincial drsquoun recours en nulliteacute avant de saisir le

Tribunal constitutionnel de son recours drsquoamparo Drsquoautre part il note que le recours drsquoamparo a eacuteteacute

deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir rempli

lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle speacuteciale

conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la Loi organique nordm 21979 relative au

Tribunal constitutionnel (LOTC) modifieacutee par la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

37 Le requeacuterant indique que le recours en nulliteacute nrsquoeacutetait pas pertinent ce qui eacutetait aussi lrsquoavis

du Tribunal constitutionnel qui nrsquoa pas rejeteacute son recours drsquoamparo pour ce motif Il ajoute que la

deacutecision drsquoirrecevabiliteacute de son recours drsquoamparo faute drsquoavoir deacutemontreacute lrsquoimportance

constitutionnelle de ses griefs a eacuteteacute prononceacutee agrave tort comme cela avait eacuteteacute aussi le cas selon lui

dans lrsquoaffaire RMS c Espagne (no 2877512 18 juin 2013) qui a fait lrsquoobjet drsquoun constat de violation

de lrsquoarticle 8 de la Convention par la Cour

38 Concernant la premiegravere branche de lrsquoexception souleveacutee par le Gouvernement la Cour

estime que le requeacuterant a fourni aux juridictions internes et en dernier ressort au Tribunal

constitutionnel lrsquooccasion de remeacutedier agrave la violation alleacutegueacutee Concernant lrsquoargument du

Gouvernement tireacute du manque drsquoeacutepuisement des voies de recours internes en raison de lrsquoabsence

de recours en nulliteacute elle observe que le Tribunal constitutionnel nrsquoa pas deacuteclareacute le recours

drsquoamparo du requeacuterant irrecevable pour ce motif et qursquoil nrsquoa agrave aucun moment fait mention drsquoune

eacuteventuelle exigence de preacutesentation preacutealable de ce recours La Cour rappelle que crsquoest drsquoabord

aux autoriteacutes nationales et speacutecialement aux cours et tribunaux qursquoil incombe drsquointerpreacuteter le

droit interne (Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne 19 deacutecembre 1997 sect 31 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-VIII) et notamment les questions de proceacutedure et qursquoelle ne substituera pas sa

propre interpreacutetation du droit agrave la leur en lrsquoabsence drsquoarbitraire Elle ne saurait degraves lors exiger du

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requeacuterant lrsquoeacutepuisement drsquoune voie de recours que le Tribunal constitutionnel lui-mecircme nrsquoa pas

consideacutereacutee comme exigible en lrsquoespegravece

39 Concernant la seconde branche de lrsquoexception du Gouvernement celui-ci estime que les

voies de recours internes nrsquoont pas eacuteteacute correctement eacutepuiseacutees dans la mesure ougrave le recours

drsquoamparo a eacuteteacute deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir

rempli lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle

speacuteciale conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la LOTC telle que modifieacutee par

la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

40 Agrave cet eacutegard comme elle lrsquoa deacutejagrave fait dans lrsquoaffaire Arribas Antoacuten c Espagne (no 1656311

20 janvier 2015) la Cour tient agrave souligner que le fait que le Tribunal constitutionnel ait deacuteclareacute un

recours drsquoamparo irrecevable au motif qursquoil ne revecirctait pas lrsquoimportance constitutionnelle speacuteciale

requise ou le cas eacutecheacuteant que son auteur nrsquoavait pas deacutemontreacute lrsquoexistence de pareille importance

ne lrsquoempecircche pas de se prononcer sur la recevabiliteacute et le fond drsquoune requecircte (ibidem sect 51 avec les

reacutefeacuterences aux arrecircts de la Cour rendus agrave la suite de deacutecisions drsquoirrecevabiliteacute des recours

drsquoamparo par le Tribunal constitutionnel en application de ce critegravere Del Riacuteo Prada c Espagne [GC]

no 4275009 sect 22 CEDH 2013 Varela Geis c Espagne no 6100509 5 mars 2013 Manzanas Martiacuten c

Espagne no 1796610 sect 14 3 avril 2012 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 45 voirplus

reacutecemment Rodriguez Ravelo c Espagne no 4807410 sect 24 12 janvier 2016 et en dernier lieu Saber

et Boughassal c Espagne nos 7655013 et 4593814 sect 30 18 deacutecembre 2018) La Cour relegraveve qursquoen

lrsquoespegravece le requeacuterant a exposeacute dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles le recours

drsquoamparo avait pour lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il a indiqueacute que ledit recours

satisfaisait agrave la condition drsquoimportance constitutionnelle speacuteciale dans la mesure ougrave il eacutetait fondeacute

sur la jurisprudence laquo des organes chargeacutes de lrsquointerpreacutetation des traiteacutes et accords internationaux

viseacutes agrave lrsquoarticle 10 sect 2 CE raquo Il faisait reacutefeacuterence agrave lrsquoarrecirct rendu dans lrsquoaffaire RMS cEspagne

preacuteciteacute et invoquait les dispositions de la Constitution espagnole qursquoil estimait pertinentes ainsi

que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le

regroupement familial entre lui et sa fille en raison de graves erreurs contenues dans les rapports

eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de lrsquoadministration qui ont servi de base au raisonnement des

juridictions internes

41 Par conseacutequent lrsquoexception du Gouvernement ne saurait ecirctre retenue

42 Constatant que la requecircte nrsquoest pas manifestement mal fondeacutee au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a)

de la Convention et qursquoelle ne se heurte par ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour la

deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Thegravese des parties

a) Le Gouvernement

43 Le Gouvernement concegravede que le droit au respect de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

a fait lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence de la part de lrsquoautoriteacute publique Il estime cependant que cette

ingeacuterence se justifie par une exigence primordiale touchant lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant et

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constitue un usage approprieacute de la marge drsquoappreacuteciation dont beacuteneacuteficient les autoriteacutes nationales

Il deacuteclare que en lrsquoespegravece la fille du requeacuterant avait inteacuterecirct agrave voir sa situation drsquoaccueil familial se

consolider apregraves 15 mois de placement dans un centre drsquoaccueil Il indique par ailleurs que la Cour

nrsquoest pas une juridiction de quatriegraveme instance et qursquoelle se doit de respecter la marge

drsquoappreacuteciation dont disposent les Eacutetats membres dans la reacuteglementation des relations parents-

enfants

44 Le Gouvernement indique que la deacutecision de lrsquoadministration locale de recourir agrave la

proceacutedure de placement en accueil familial preacuteadoptif a eacuteteacute adopteacutee dans le strict respect de la

leacutegislation de la protection des mineurs qursquoelle eacutetait ducircment motiveacutee et qursquoelle a eacuteteacute veacuterifieacutee par

les autoriteacutes judiciaires espagnoles conformeacutement agrave la loi Il ajoute que cette deacutecision nrsquoa pas eacuteteacute

prise de maniegravere arbitraire mais se fonde sur le manque drsquointeacuterecirct manifesteacute par le requeacuterant pour

sa fille Le Gouvernement expose que bien que le requeacuterant faisait lrsquoobjet drsquoune mesure

drsquoeacuteloignement jusqursquoen septembre 2013 celui-ci nrsquoa pas eu de contact avec ses enfants entre 2012 et

2015 et ne srsquoest pas rendu agrave Murcie en personne mais a agi par lettre par le biais drsquoune association

(paragraphe 11 ci-dessus) Il indique que la situation du requeacuterant diffegravere degraves lors de

lrsquoaffaire RMS c Espagne(preacuteciteacute sect 76) dans laquelle la Cour a conclu agrave une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention en raison de la constatation de la situation drsquoabandon drsquoune mineure malgreacute le

fait que la requeacuterante laquo srsquoeacutetait rendue au moins agrave 17 reprises au centre drsquoaccueil de Grenade alors

mecircme que lrsquoinstitution se trouvait relativement eacuteloigneacutee de son domicile et () qursquoelle nrsquoavait

mecircme pas eacuteteacute informeacutee que sa fille ne srsquoy trouvait plus raquo De plus le Gouvernement estime que en

lrsquoespegravece cette deacutecision avait eacuteteacute preacuteceacutedeacutee drsquoune analyse rigoureuse baseacutee sur les rapports eacutetablis

par les services de protection sociale de Murcie Il se reacutefegravere au rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 au rapport psychosocial du 19 juillet 2013 au rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 et au

rapport du 2 feacutevrier 2015 (paragraphes 14 et suivants ci-dessus)

45 Le Gouvernement considegravere que les deacutecisions prises en lrsquoespegravece par les autoriteacutes nrsquoeacutetaient

pas disproportionneacutees car celles-ci auraient eacutegalement veilleacute aux inteacuterecircts des parents biologiques

en leur garantissant une protection proceacutedurale suffisante et en les impliquant dans le processus

deacutecisionnel (W c Royaume-Uni 8 juillet 1987 sect 63 seacuterie A no 121) Il estime que les autoriteacutes ont agrave

tout moment respecteacute lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure la situation de sa famille proche et eacutelargie

et les principes de proportionnaliteacute et de neacutecessiteacute Il note les efforts des services sociaux de Murcie

pour contacter le requeacuterant (paragraphes 12 et 13 ci-dessus) ainsi que le fait que les organes

juridictionnels ont respecteacute les droits de la deacutefense en donnant la possibiliteacute aux parents de la

mineure drsquoexprimer leur point de vue et le cas eacutecheacuteant leur opposition agrave travers les deacutemarches et

les recours qui leur eacutetaient disponibles

46 Le Gouvernement indique que lrsquointeacuterecirct de chaque mineur doit ecirctre appreacutecieacute de faccedilon

individualiseacutee Par conseacutequent il estime que le fait pour le requeacuterant drsquoavoir reacutecupeacutereacute la garde de

ses deux fils ne modifiait pas la deacutecision des organes judiciaires car sa fille nrsquoaurait pas eacuteteacute dans

une situation comparable agrave celle de ses fregraveres en raison de son acircge et de ses circonstances

personnelles Se reacutefeacuterant agrave la deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie du 7 avril 2016 il estime

en effet que la reacuteinsertion de la mineure au sein de sa famille biologique nrsquoeacutetait plus possible au

risque de lui causer plus de preacutejudices que de beacuteneacutefices Il ajoute que la famille eacutelargie de lrsquoenfant

nrsquoa pas prouveacute aux services sociaux qursquoelle pouvait la prendre en charge

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47 Enfin le Gouvernement note que les droits eacutenonceacutes agrave lrsquoarticle 8 de la Convention

srsquoappliquent de maniegravere eacutegale tant agrave la famille biologique qursquoagrave la famille drsquoaccueil laquelle a creacuteeacute

des liens affectifs avec la mineure dont la Cour doit tenir compte

b) Le requeacuterant

48 Le requeacuterant estime que si lrsquoaccueil a pu ecirctre la meilleure solution pour consolider la

situation familiale de sa fille par le passeacute cette mesure a selon lui cesseacute de lrsquoecirctre lorsqursquoil a

reacutecupeacutereacute la garde des deux aicircneacutes avec lrsquoautorisation de lrsquoautoriteacute chargeacutee de leur protection Il

considegravere que justifier le placement de sa fille en famille drsquoaccueil par le laquo manque drsquointeacuterecirct raquo dont

il aurait fait preuve nrsquoa pas de sens degraves lors qursquoil a eacuteteacute priveacute de lrsquoautoriteacute parentale sur ses enfants

ainsi que des droits et devoirs y affeacuterents Il soutient que cette mesure agrave lrsquoorigine de la deacuteclaration

drsquoabandon de ses enfants srsquoest aveacutereacutee inutile puisqursquoil a eacuteteacute acquitteacute des charges peacutenales de

mauvais traitements agrave lrsquoencontre de sa femme Il ajoute que degraves qursquoil avait pu reprendre contact

avec ses enfants les plus acircgeacutes le mecircme reacutegime de visites lui avait de nouveau eacuteteacute interdit avec sa

fille De plus il argue que en tant qursquoeacutetranger ne parlant pas correctement lrsquoespagnol il lui eacutetait

difficile de prendre connaissance de la citation agrave comparaicirctre publieacutee dans le Journal officiel de la

reacutegion de Murcie (paragraphe 13 ci-dessus) et que cela nrsquoaurait pas ducirc ecirctre interpreacuteteacute comme un

manque drsquointeacuterecirct de sa part

49 Le requeacuterant considegravere que les services de protection de lrsquoenfance et les juridictions

espagnoles ont fait preuve de discrimination agrave son eacutegard car il eacutetait eacutetranger Il indique qursquoil vivait

agrave Madrid et qursquoil ne parlait pas correctement lrsquoespagnol agrave lrsquoeacutepoque Il rejette lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les autoriteacutes ont respecteacute le principe de leacutegaliteacute ainsi que ses droits

proceacuteduraux eacutetant donneacute que celles-ci ont baseacute leur deacutecision selon lui sur des arguments

infondeacutes et des rapports eacutetablis alors qursquoil faisait lrsquoobjet drsquoune poursuite peacutenale et qursquoil nrsquoeacutetait pas

en mesure de deacutefendre son aptitude agrave ecirctre pegravere

50 Le requeacuterant critique la motivation avanceacutee par lrsquoAudiencia provincial de Murcie en ce que

celle-ci considegravere comme eacutetant neacutegligeable le fait qursquoil ait reacutecupeacutereacute uniquement la garde de ses fils

et non celle de sa fille laquo parce que cela srsquoaveacutererait contre-productif pour [celle-ci] raquo alors que le

retour des deux garccedilons aupregraves de lui prouve selon lui qursquoil srsquointeacuteresse agrave ses enfants et qursquoil est

capable de les prendre en charge Il estime que cette deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie

reprise par le Gouvernement dans ses observations lui impute agrave tort des mauvais traitements

envers ses enfants et transfegravere agrave son encontre le manque drsquoadeacutequation de la conduite de la megravere de

ses enfants agrave leur eacutegard

2 Appreacuteciation de la Cour

a) Principes geacuteneacuteraux relatifs aux obligations positives qui incombent agrave lrsquoEacutetat deacutefendeur en

vertu de lrsquoarticle 8 de la Convention

51 La Cour rappelle que pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement

fondamental de la vie familiale (Buscemi c Italie no 2956995 sect 53 CEDH 1999-VI Saleck Bardi c

Espagne no 6616709 sectsect 49 et 50 24 mai 2011 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 68) et que des mesures

internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par lrsquoarticle 8 de la

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Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 151 CEDH 2001-VII et Barnea et Caldararu c

Italie no 3793115 sect 63 22 juin 2017)

52 Comme la Cour lrsquoa indiqueacute agrave plusieurs reprises lrsquoarticle 8 de la Convention a

essentiellement pour objet de preacutemunir lrsquoindividu contre les ingeacuterences arbitraires des autoriteacutes

publiques il ne se contente toutefois pas de commander agrave lrsquoEacutetat de srsquoabstenir de pareilles

ingeacuterences En effet si les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute responsable aboutissant au placement

drsquoun enfant dans un centre drsquoaccueil srsquoanalysent en des ingeacuterences dans le droit drsquoun parent au

respect de sa vie familiale (W c Royaume-Uni preacuteciteacute sect 59) les obligations positives inheacuterentes agrave

un respect effectif de la vie priveacutee ou familiale peuvent impliquer lrsquoadoption de mesures visant au

respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux (X et Y c Pays-Bas 26

mars 1985 sect 23 seacuterie A no 91 et Mincheva c Bulgarie no 2155803 sect 81 2 septembre 2010) Dans un

cas comme dans lrsquoautre il faut avoir eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts

concurrents ndash ceux de lrsquoenfant ceux des deux parents et ceux de lrsquoordre public - (Maumousseau et

Washington c France no 3938805 sect 62 6 deacutecembre 2007) en attachant toutefois une importance

deacuteterminante agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir dans ce sens Gnahoreacute c France no 4003198 sect

59 CEDH 2000-IX) qui selon sa nature et sa graviteacute peut lrsquoemporter sur celui des parents (Sahin c

Allemagne [GC] no 3094396 sect 66 CEDH 2003-VIII) De mecircme dans les deux hypothegraveses lrsquoEacutetat

jouit drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation (Saleck Bardi preacuteciteacute sect 50 et KAB c Espagne preacuteciteacute sect

95)

53 La Cour reacuteaffirme le principe bien eacutetabli dans sa jurisprudence selon lequel le but de la

Convention consiste agrave proteacuteger des droits concrets et effectifs (K et T c Finlande[GC] preacuteciteacute sect

154) Elle rappelle qursquoelle nrsquoa pas pour tacircche de se substituer aux autoriteacutes internes mais

drsquoexaminer sous lrsquoangle de la Convention les deacutecisions que ces autoriteacutes ont rendues dans

lrsquoexercice de leur pouvoir discreacutetionnaire

54 Comme la Cour lrsquoa affirmeacute agrave de nombreuses reprises lrsquoeacuteclatement drsquoune famille constitue

en effet une mesure tregraves grave qui doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de

lrsquoenfant et avoir assez de poids et de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC]

nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Agrave cet eacutegard et srsquoagissant de lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat de prendre des mesures positives la Cour a affirmeacute agrave maintes reprises que lrsquoarticle 8

implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et lrsquoobligation pour

les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie

A no 156 et Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre 1992 sect 90 seacuterie A no 250) Dans ce genre drsquoaffaire

le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise en œuvre car le passage du

temps peut avoir des conseacutequences irreacutemeacutediables sur les relations entre lrsquoenfant et le parent qui ne

vit pas avec lui (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 SH c Italie no 5255714 sect 42

13 octobre 2015) La deacutecision de prise en charge drsquoun enfant doit en principe ecirctre consideacutereacutee

comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances srsquoy precirctent et tout acte

drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et lrsquoenfant (K

et T c Finlande preacuteciteacute sect 178) Lorsqursquoune peacuteriode de temps consideacuterable srsquoest eacutecouleacutee depuis que

lrsquoenfant a eacuteteacute placeacute pour la premiegravere fois sous assistance lrsquointeacuterecirct qursquoa lrsquoenfant agrave ne pas voir sa

situation familiale de facto changer de nouveau peut lrsquoemporter sur lrsquointeacuterecirct des parents agrave la

reacuteunion de leur famille Degraves lors la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes jouissent drsquoune grande

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latitude pour appreacutecier la neacutecessiteacute de prendre en charge un enfant mais il faut exercer un controcircle

plus rigoureux agrave la fois sur les restrictions suppleacutementaires comme celles apporteacutees par les

autoriteacutes aux droits et aux visites des parents et sur les garanties destineacutees agrave assurer la protection

effective du droit des parents et enfants au respect de leur vie familiale (K et T c Finlande [GC]

preacuteciteacute sect 155) Lrsquoobligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la

famille degraves que cela sera vraiment possible srsquoimpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la

peacuteriode de prise en charge et avec de plus en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance

avec le devoir de consideacuterer lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Par ailleurs les obligations positives ne

se limitent pas agrave veiller agrave ce que lrsquoenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui

mais elles englobent eacutegalement lrsquoensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce

reacutesultat (voir mutatis mutandis Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004

etAmanalachioai c Roumanie no 402304 sect 95 26 mai 2009)

55 Il revient agrave la Cour drsquoappreacutecier si les autoriteacutes espagnoles ont agi en meacuteconnaissance de

leurs obligations positives deacutecoulant de lrsquoarticle 8 de la Convention (Hokkanen c Finlande 23

septembre 1994 sect 55 seacuterie A no 299-A Mikulić c Croatie no 5317699 sect 59 CEDH 2002-I P C et

S c Royaume-Uni no 5654700 sect 122 CEDH 2002-VI Evansc Royaume-Uni [GC] no 633905 sect 76

CEDH 2007-IV et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 98)

56 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter drsquoun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de lrsquoarticle

8 de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lrsquoapplication et lrsquointerpreacutetation des

dispositions leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de lrsquoarticle 8 de la

Convention en tenant notamment compte de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir mutatis

mutandis Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 et Barnea et Caldararu c

Italie preacuteciteacute sect 65 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115 RMS c Espagne preacuteciteacute sect 72)

b) Application en lrsquoespegravece des principes susmentionneacutes

57 La Cour relegraveve que le 15 juin 2012 les trois enfants du requeacuterant dont sa fille mineure acircgeacutee

agrave lrsquoeacutepoque drsquoun an et demi ont eacuteteacute placeacutes dans un centre drsquoaccueil agrave Madrid agrave la demande de leur

megravere et deacuteclareacutes en situation leacutegale drsquoabandon Agrave la suite du deacutemeacutenagement de leur megravere les

enfants ont eacuteteacute placeacutes dans des centres drsquoaccueil de Murcie Le requeacuterant nrsquoen a pas eacuteteacute informeacute

(paragraphes 8 et 9 ci-dessus)

58 Dans une affaire comme celle de lrsquoespegravece le juge se trouve en preacutesence drsquointeacuterecircts souvent

difficilement conciliables agrave savoir ceux de lrsquoenfant et ceux de ses parents biologiques et

notamment dans la preacutesente cause ceux du pegravere biologique et ceux de la famille drsquoaccueil Dans la

recherche de lrsquoeacutequilibre entre ces diffeacuterents inteacuterecircts lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale (Moretti et Benedetti c Italie no 1631807 sect 67 27 avril 2010)

59 En lrsquoespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave la neacutecessiteacute de lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en se reacutefeacuterant

aux maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves que ce dernier aurait infligeacutees agrave ses enfants agrave

lrsquoinstabiliteacute eacutemotionnelle et agrave lrsquointelligence limiteacutee de leur megravere (paragraphes 14 et 21 ci-dessus)

ainsi qursquoagrave lrsquoabsence de contact du requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date du placement

de ces derniers dans des centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du

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requeacuterant avec le service de protection des mineurs (paragraphe 21 ci-dessus) et agrave lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le requeacuterant et sa fille (paragraphe 24 ci-dessus) La Cour relegraveve qursquoagrave aucun

moment de cette proceacutedure administrative lrsquoacquittement du requeacuterant le 27 septembre 2013 de

toutes les charges retenues contre lui et lrsquoannulation des mesures drsquoeacuteloignement prises initialement

agrave son encontre lrsquoempecircchant entre-temps de garder le contact avec ses enfants (paragraphe 20 ci-

dessus) nrsquoont eacuteteacute pris en compte

60 La Cour observe que la deacutecision du juge de premiegravere instance de Murcie dateacutee du 11 feacutevrier

2015 (paragraphe 25 ci-dessus) enteacuterinant la deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales

relative au placement preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en famille drsquoaccueil persistait agrave ne pas

prendre en compte la nouvelle situation peacutenale du requeacuterant depuis le 27 septembre 2013 date de

son acquittement Elle note que le juge de premiegravere instance de Murcie ne se prononccedilait drsquoailleurs

pas sur les capaciteacutes eacuteducatives et psychosociales du requeacuterant pour reacutecupeacuterer la garde de sa fille

mineure La deacutecision se bornait agrave prendre en compte les arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes dans les

rapports eacutetablis par lrsquoadministration

61 La Cour observe que la question de savoir si le processus deacutecisionnel a suffisamment

proteacutegeacute les inteacuterecircts drsquoun parent deacutepend des circonstances propres agrave chaque affaire(W c Royaume-

Uni 8 juillet 1987 sect 64 seacuterie A no 121 Elsholz c Allemagne [GC] no 2573594 sect 52

CEDH 2000-VIII) Pour ce faire elle doit veacuterifier si les juridictions nationales se sont livreacutees agrave un

examen approfondi de lrsquoensemble de la situation familiale et de toute une seacuterie drsquoeacuteleacutements drsquoordre

factuel affectif psychologique mateacuteriel et meacutedical notamment et si elles ont proceacutedeacute agrave une

appreacuteciation eacutequilibreacutee et raisonnable des inteacuterecircts respectifs (voir mutatis mutandis Neulinger

et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 139 CEDH 2010) La Cour relegraveve agrave cet eacutegard que au cours

de la proceacutedure devant le juge de premiegravere instance et lrsquoAudiencia provincial le requeacuterant a eu la

possibiliteacute de preacutesenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des proceacutedures

judiciaires ougrave il eacutetait repreacutesenteacute par un avocat au moins agrave partir du 19 novembre 2013

(paragraphe20 ci-dessus) La Cour ne deacutecegravele en conseacutequence aucun manquement formellement

imputable aux juridictions internes agrave cet eacutegard mais plutocirct une inertie des ces derniegraveres dans la

prise en compte des conclusions des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de

lrsquoadministration intervenus tout au long de lrsquoexamen de affaire

62 La Cour rappelle que dans les affaires touchant la vie familiale la rupture du contact avec

un enfant tregraves jeune peut conduire agrave une alteacuteration croissante de sa relation avec son parent (voir

entre autres Pini et autres c Roumanie nos 7802801 et 7803001 sect 175 CEDH 2004-V (extraits)

et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 103) Il en va ainsi dans la preacutesente affaire Les rapports des 28 feacutevrier

et 18 deacutecembre 2014 (paragraphes 21 et 23 ci-dessus) ont deacutemontreacute que la fille du requeacuterant eacutetait

bien inteacutegreacutee dans sa famille drsquoaccueil depuis le 24 septembre 2013 (paragraphe 17 ci-dessus) Le

passage du temps a eu pour effet de rendre deacutefinitive une situation qui eacutetait censeacutee ecirctre provisoire

compte tenu du tregraves jeune acircge de lrsquoenfant lorsque la situation leacutegale drsquoabandon a eacuteteacute constateacutee et

que la mise sous tutelle est intervenue (paragraphe 8 ci-dessus)

63 La Cour rappelle qursquoil ne lui appartient pas de substituer son appreacuteciation agrave celle des

autoriteacutes nationales compeacutetentes quant aux mesures qui auraient ducirc ecirctre prises car ces autoriteacutes

sont en principe mieux placeacutees pour proceacuteder agrave une telle eacutevaluation Tout en reconnaissant qursquoen

lrsquoespegravece les juridictions internes se sont appliqueacutees de bonne foi agrave preacuteserver le bien-ecirctre de la

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

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67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 4: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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au requeacuterant agrave son domicile le 14 mai 2013 puis celui-ci eacutetant absent elle fut deacuteposeacutee au bureau de

poste le 21 mai 2013 ougrave il ne vint pas la reacutecupeacuterer

14 Dans un rapport drsquoorientation dateacute du 20 juin 2013 la direction geacuteneacuterale des affaires

sociales de la reacutegion de Murcie prit note de la circonstance que les mineurs auraient fait lrsquoobjet de

maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves de la part du requeacuterant ainsi que de lrsquoordonnance

drsquoeacuteloignement et de la prohibition totale de communication avec eux prononceacutees par le juge no 1

de Coslada Il prit eacutegalement note notamment de la personnaliteacute vulneacuterable tregraves influenccedilable et

fragile de leur megravere de lrsquoabsence de rocircle protecteur de cette derniegravere envers ses enfants de son

instabiliteacute eacutemotionnelle et de son intelligence limiteacutee de son absence de stabiliteacute financiegravere de

domicile et drsquoactiviteacute professionnelle ainsi que de son enfance eacutegalement passeacutee sous tutelle Le

rapport preacuteconisait la suspension des visites de la megravere agrave sa fille alors mineure et la tenue drsquoune

seule visite bimestrielle drsquoune heure avec ses deux fils dans un endroit agrave deacuteterminer par le centre

drsquoaccueil

15 Lrsquoeacutepouse du requeacuterant deacuteclara aux services sociaux du centre drsquoaccueil Cardenal Beluga lors

drsquoun appel teacuteleacutephonique de leur part qursquoelle louait avec lrsquoargent que le requeacuterant lui envoyait un

appartement pour rester pregraves de sa fille

16 Dans un rapport psychosocial tregraves deacutetailleacute du 19 juillet 2013 la direction geacuteneacuterale des

affaires sociales de la reacutegion de Murcie proposa lrsquoaccueil familial preacuteadoptif provisoire de la fille

du requeacuterant sans visites de sa famille biologique Le rapport reproduisit pour lrsquoessentiel les

conclusions du rapport preacuteceacutedent et souligna lrsquoabsence de capaciteacutes parentales de la megravere des

enfants et son immaturiteacute

C Le placement en accueil familial de la fille du requeacuterant et lrsquoacquittement du requeacuterant dans

la proceacutedure peacutenale pour violences conjugales entameacutee agrave son encontre

17 Le 20 septembre 2013 la Commission reacutegionale de protection des mineurs deacutecida de placer

provisoirement la fille du requeacuterant en accueil familial en vue de son adoption

Le 24 septembre 2013 la fille du requeacuterant fut remise agrave sa famille drsquoaccueil

18 Le 8 octobre 2013 le Preacutesident de la Commission reacutegionale de protection des mineurs

formula la proposition formelle drsquoaccueil familial preacuteadoptif provisoire sans reacutegime de visites de la

mineure par ses parents biologiques en faveur du couple seacutelectionneacute

19 Le 27 septembre 2013 le juge peacutenal no 5 drsquoAlcalaacute de Henares acquitta le requeacuterant de toutes

les charges retenues contre lui dans le cadre de la proceacutedure entameacutee agrave son encontre et annula les

mesures peacutenales et civiles prises dans la deacutecision du juge no 1 de Coslada du 2 feacutevrier 2012 Le

juge peacutenal no 5 prit en compte dans son jugement lrsquoabsence de preacutecision des explications de

lrsquoeacutepouse du requeacuterant sur les faits reprocheacutes agrave ce dernier les teacutemoignages eacutegalement impreacutecis des

simples teacutemoins de reacutefeacuterence (la directrice de lrsquoeacutecole des enfants du requeacuterant et leurs tutrices

lrsquoauxiliaire de vie de lrsquoeacutecole la secreacutetaire du centre scolaire) qui ne se souvenaient pas bien des faits

ou qui reacutepeacutetaient des commentaires faits par les enfants ou des impressions ainsi que les

expertises psychologiques et meacutedicales qui avaient montreacute des laquo leacutesions psychologiques

compatibles avec des mauvais traitements deacutesadaptation sociale agressions physiques sexuelles

et psychologiques raquo qui ne suffisent pas non plus agrave renverser la preacutesomption drsquoinnocence du

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requeacuterant au vu du caractegravere geacuteneacuterique des faits imputeacutes dans les diffeacuterents rapports de lrsquoabsence

drsquoexplication du processus technique suivi pour parvenir aux conclusions exposeacutees et de

deacutepositions impreacutecises des experts agrave lrsquoaudience Le jugement drsquoacquittement devint deacutefinitif le 8

novembre 2013

20 Le 19 novembre 2013 le requeacuterant assisteacute par un avocat contacta par eacutecrit le service de

protection des mineurs et se preacutesenta agrave un entretien Il communiqua le jugement rendu en sa

faveur et indiqua qursquoil travaillait qursquoil avait des revenus stables et qursquoil reacutesidait agrave Madrid Il

demanda lrsquoautorisation de rendre visite agrave ses enfants

21 Dans un rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 le service de protection des mineurs prit

note de lrsquoabsence de tout contact entre le requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date de leur

placement en centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du requeacuterant avec

le service de protection des mineurs deacutecrit ci-dessus Dans ce rapport le service de protection des

mineurs proposa de ne pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille et de refuser

provisoirement ses visites agrave ses deux autres enfants laquo jusqursquoagrave ce que les mineurs preacutesentent un eacutetat

eacutemotionnel psychologique plus stable raquo Il nota que la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors

de la proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo et que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la

peur et un manque de confiance envers la figure paternelle raquo et suivaient des traitements

psychologiques et pharmacologiques Les conclusions dudit rapport furent confirmeacutees en date du

31 mars 2014 par une deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales de la reacutegion de Murcie

qui mit fin agrave la proceacutedure administrative Cette deacutecision fut transmise au procureur chargeacute de la

protection des mineurs Le requeacuterant en fut informeacute le 22 avril 2014

22 Le 28 mai 2014 le requeacuterant srsquoopposa agrave la constitution de lrsquoaccueil familial de sa fille

23 Dans un rapport de suivi du 18 deacutecembre 2014 le service de protection des mineurs exposa

les liens affectifs eacutetablis entre la mineure et sa famille drsquoaccueil et son adaptation agrave son nouvel

environnement sociofamilial

24 Le 2 feacutevrier 2015 la psychologue et lrsquoassistante drsquoaide sociale du centre drsquoassistance sociale agrave

lrsquoenfance II de Madrid eacutemirent un rapport au sujet du requeacuterant constatant lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le pegravere et sa fille et le fait que lrsquointeacuteresseacute centrait sa demande de reacutecupeacuterer ses

enfants sur les deux aicircneacutes Selon ce rapport le requeacuterant comprenait les conseacutequences que la

seacuteparation avait eue pour ses enfants et indiquait ecirctre capable de concilier sa vie priveacutee et sa vie

professionnelle pour reacutepondre aux besoins des enfants

25 Agrave la suite de la demande formuleacutee par la direction geacuteneacuterale des affaires sociales le juge de

premiegravere instance no 3 de Murcie autorisa le 11 feacutevrier 2015 le placement de la fille du requeacuterant

dans une famille drsquoaccueil en vue de son adoption en application de lrsquoarticle 173 paragraphe 1 du

code civil La deacutecision eacutetait motiveacutee comme suit

laquo Le cas drsquoespegravece reacuteunit les conditions requises par la loi pour le placement en accueil

familial dans la mesure ougrave lrsquoorganisme public chargeacute de la protection des mineurs et la famille

drsquoaccueil ont donneacute leur accord et ougrave il peut ecirctre remeacutedieacute agrave lrsquoabsence de consentement des

parents par une deacutecision judiciaire dans la situation dans laquelle se trouve lrsquoenfant le

placement de celle-ci dans une famille qui srsquooccupera et prendra soin drsquoelle qui la nourrira et

lrsquoeacuteduquera et agrave la vie de laquelle elle prendra part serait tregraves beacuteneacutefique pour son

deacuteveloppement physique intellectuel et moral [ainsi que] pour son eacuteducation en geacuteneacuteral raquo

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26 Le 13 mars 2015 le requeacuterant fit appel de la deacutecision du 11 feacutevrier 2015 autorisant le

placement de sa fille en accueil familial en vue de son adoption Son eacutepouse fit de mecircme Le

requeacuterant soutenait notamment que ce jugement nrsquoindiquait pas les motifs empecircchant la prise en

charge de lrsquoenfant par son pegravere alors qursquoil avait eacuteteacute acquitteacute de toutes les charges porteacutees agrave son

encontre Il indiquait que la situation drsquoabandon de ses enfants avait eacuteteacute causeacutee par la faccedilon drsquoagir

de son eacutepouse les particulariteacutes de la personnaliteacute de cette derniegravere ainsi que par la guerre en

Syrie agrave laquelle ils avaient pu eacutechapper en quittant le pays Il srsquoestimait victime de lrsquoincapaciteacute de

la megravere de sa fille agrave srsquooccuper de cette derniegravere alors que sa propre capaciteacute agrave eacutelever sa fille et agrave

prendre soin drsquoelle nrsquoa selon lui nullement eacuteteacute examineacutee ni par les autoriteacutes administratives ni par

les organes judiciaires

27 Dans son eacutecrit drsquoopposition agrave lrsquoappel interjeteacute par le requeacuterant contre la deacutecision du 11

feacutevrier 2015 du juge de premiegravere instance no 3 lrsquoavocate du gouvernement reacutegional nota que le

requeacuterant nrsquoavait montreacute aucun inteacuterecirct pour ses enfants apregraves leur accueil dans des centres

drsquoaccueil de Murcie le 28 juin 2012 Elle releva eacutegalement que le requeacuterant nrsquoavait pas non plus

attaqueacute la deacutecision administrative ratifiant lrsquoaccueil des enfants

28 Le 7 avril 2016 lrsquoAudiencia provincial de Murcie deacutebouta le requeacuterant ainsi que son eacutepouse

de leurs appels respectifs et confirma la deacutecision attaqueacutee exposant que

laquo () [selon] la deacutecision attaqueacutee une telle mesure [le placement de lrsquoenfant en accueil

familial preacuteadoptif] garantit lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure et contribue efficacement agrave son

deacuteveloppement dans son ensemble

()

Il faut prendre en compte lrsquoappreacuteciation faite par lrsquoadministration sur le manque drsquointeacuterecirct du

requeacuterant Drsquoune part celui-ci nrsquoa entameacute aucune deacutemarche apregraves avoir demandeacute des

informations sur la situation de ses enfants et avoir reccedilu en feacutevrier 2013 les renseignements

demandeacutes Drsquoautre part il nrsquoest pas intervenu dans la proceacutedure agrave lrsquoexception drsquoun eacutecrit

preacutesenteacute le 19 novembre 2013 alors qursquoil avait eacuteteacute informeacute agrave plusieurs reprises de la

confirmation de la prise en charge de ses enfants par lrsquoorganisme public au mois drsquoavril 2013

()

Ce nrsquoest que le 28 mai 2014 apregraves plusieurs convocations infructueuses qursquoil est intervenu

dans la proceacutedure pour contester la deacutecision de placement de A [sa fille] en famille drsquoaccueil

() Il apparaicirct en vertu du rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 que la mineure est resteacutee

heacutebergeacutee dans le Centre de protection des mineurs pendant un an et trois mois et qursquoelle nrsquoa

aucun lien avec son pegravere Par ailleurs les moyens de preuve examineacutes et en particulier le

rapport de suivi du 18 deacutecembre 2014 montrent les liens affectifs de qualiteacute et lrsquoidentification

de la mineure en tant que membre de sa famille drsquoaccueil ainsi que son adaptation au nouvel

environnement sociofamilial Ce rapport eacutetablit que les besoins de A sont satisfaits dans cet

environnement et que cet accueil est beacuteneacutefique pour son deacuteveloppement personnel et ajoute

que le mieux pour elle est qursquoelle soit adopteacutee par le couple accueillant [et qursquoil est neacutecessaire]

drsquoeacutevaluer les conseacutequences neacutegatives qui pourraient deacutecouler de la cessation de lrsquoaccueil

Concregravetement il est mentionneacute que cela eacutequivaudrait agrave une agression de la mineure dans tous

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les domaines de son deacuteveloppement physique intellectuel et moral ce qui supposerait un

grave danger pour sa santeacute mentale et aurait une influence sur lrsquoeacutepanouissement de sa

personnaliteacute et sur sa capaciteacute pour eacutetablir des relations interpersonnelles tout au long de sa

vie

()

Il convient drsquoajouter par ailleurs que le document fourni par [le requeacuterant] (M Haddad)

dans le cadre de la proceacutedure drsquoappel dans lequel le Service de protection des mineurs

indique la fin de la prise en charge des deux fregraveres drsquoA L acircgeacute de treize ans et Ad acircgeacute de dix

ans au motif qursquoils sont retourneacutes vivre avec leur pegravere est totalement deacutenueacute de pertinence Et

cela parce qursquoil ne mentionne pas les motifs qui ont conduit agrave la fin de la prise en charge et

aussi parce que la situation actuelle de la mineure A acircgeacutee de quatre ans dans le cadre de la

proceacutedure drsquoaccueil en vue de son adoption en cours et [du processus] drsquointeacutegration [dans la

famille] et les conseacutequences neacutegatives et nuisibles qursquoentraicircnerait la fin de cet accueil ainsi que

lrsquoont eacutetabli les rapports drsquoexpertise ne plaident pas en faveur drsquoun changement de mesure agrave

son sujet () raquo

29 Le 26 feacutevrier 2016 le gouvernement reacutegional mit fin agrave la prise en charge des deux fils du

requeacuterant par le service de protection des mineurs et autorisa leur retour aupregraves de leur pegravere Ils

habitent avec lui depuis cette date

30 Le 13 juin 2016 le requeacuterant forma un recours drsquoamparo devant le Tribunal constitutionnel

dans lequel il exposait dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles cette action

preacutesentait selon lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il invoquait les articles 24 (droit agrave un

procegraves eacutequitable) et 39 de la Constitution ainsi que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les

deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le regroupement familial entre sa fille et lui en raison de

graves erreurs contenues dans les diffeacuterents rapports de lrsquoadministration qui ont servi de base au

raisonnement aux juridictions internes Par une deacutecision notifieacutee le 19 octobre 2016 le Tribunal

constitutionnel deacuteclara le recours drsquoamparo irrecevable faute pour lrsquointeacuteresseacute drsquoavoir justifieacute

lrsquoimportance constitutionnelle de son recours

II LE DROIT INTERNE PERTINENT

31 Les dispositions pertinentes en lrsquoespegravece de la Constitution se lisent ainsi

Article 24

laquo 1 Toute personne a droit agrave la protection effective des juges et des tribunaux dans lrsquoexercice

de ses droits et inteacuterecircts leacutegitimes sans qursquoen aucun cas elle puisse ecirctre mise dans

lrsquoimpossibiliteacute de se deacutefendre

() raquo

Article 39

laquo 1 Les pouvoirs publics assurent la protection sociale eacuteconomique et juridique de la famille

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2 Les pouvoirs publics assurent eacutegalement la protection inteacutegrale des enfants qui sont eacutegaux

devant la loi indeacutependamment de leur filiation et celle de la megravere quel que soit son eacutetat civil

La loi rendra possible la recherche de la paterniteacute

3 Les parents doivent precircter assistance dans tous les domaines agrave leurs enfants qursquoils soient

neacutes dans le mariage ou en dehors de celui-ci pendant leur minoriteacute et dans les autres cas

preacutevus par la loi

4 Les enfants jouissent de la protection preacutevue par les accords internationaux qui veillent sur

leurs droits raquo

32 Lrsquoarticle 17 de la Loi organique 11996 du 15 janvier 1996 portant sur la protection juridique

des mineurs dispose que

laquo Devant toute situation agrave risque quelle qursquoelle soit portant preacutejudice au deacuteveloppement

personnel ou social du mineur et nrsquoexigeant pas sa mise sous tutelle en vertu de la loi lrsquoaction

des pouvoirs publics doit dans tous les cas garantir les droits du mineur et tendre agrave la

reacuteduction des facteurs de risque et des difficulteacutes sociales qui ont une incidence sur sa

situation personnelle et sociale ainsi que promouvoir les facteurs de protection du mineur et

de sa famille

Une fois la situation de risque appreacutecieacutee lrsquoadministration compeacutetente en matiegravere de

protection de mineurs mettra en œuvre les actions pertinentes pour lrsquoatteacutenuer et proceacutedera au

suivi de lrsquoeacutevolution du mineur dans sa famille raquo

33 Les dispositions pertinentes en lrsquoespegravece du code civil se lisent comme suit

Article 172

laquo 1 Lorsque lrsquoinstitution publique responsable de la protection des mineurs dans son ressort

territorial constate qursquoun mineur se trouve dans une situation drsquoabandon elle en assume de

plein droit la tutelle et doit mettre en œuvre les mesures neacutecessaires pour garantir sa

protection et sa tutelle () [Les parents et tuteurs] seront autant que possible informeacutes

personnellement et de maniegravere claire et compreacutehensible des motifs ayant donneacute lieu agrave

lrsquointervention de lrsquoadministration et des effets possibles de la deacutecision adopteacutee

Un mineur est consideacutereacute comme eacutetant en situation drsquoabandon lorsque de fait il se trouve

dans une situation deacutecoulant soit drsquoun manquement aux devoirs de protection eacutetablis par les

textes de loi portant sur la tutelle des mineurs soit de lrsquoimpossibiliteacute drsquoexercer ces devoirs ou

de les exercer correctement et qursquoil est priveacute de lrsquoassistance morale ou mateacuterielle qui lui est

neacutecessaire

Lrsquoexercice de la tutelle par lrsquoadministration implique la suspension de lrsquoautoriteacute parentale ou

de la tutelle ordinaire ()

2 Lorsque en raison de circonstances graves les parents ou les tuteurs ne peuvent pas

prendre soin du mineur ils peuvent solliciter de lrsquoadministration compeacutetente qursquoelle en

assume la tutelle pendant le temps neacutecessaire

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La cession de la tutelle se fera par eacutecrit et il sera constateacute que les parents ou tuteurs ont eacuteteacute

informeacutes des responsabiliteacutes qursquoils ont toujours par rapport agrave lrsquoenfant ainsi que la faccedilon dans

laquelle la tutelle sera exerceacutee par lrsquoadministration

()

3 La tutelle assumeacutee agrave la demande des parents ou tuteurs ou en vertu drsquoune obligation

leacutegale prendra la forme de lrsquoaccueil familial ou en reacutesidence ()

4 Lrsquointeacuterecirct du mineur est toujours rechercheacute Agrave moins que lrsquointeacuterecirct du mineur ne srsquoy oppose

[lrsquoadministration srsquoefforce] de le reacuteinteacutegrer dans sa propre famille et de confier la tutelle des

fregraveres et sœurs agrave la mecircme institution ou personne

()

7 Les parents dont lrsquoautoriteacute parentale est suspendue en vertu du paragraphe 1 du preacutesent

article peuvent solliciter la cessation de la suspension et la reacutevocation de la deacuteclaration

drsquoabandon pendant un deacutelai de deux ans agrave compter de la notification administrative de la

deacuteclaration drsquoabandon srsquoils estiment qursquoils peuvent de nouveau exercer lrsquoautoriteacute parentale en

raison drsquoun changement des circonstances lrsquoayant motiveacutee

Ils peuvent aussi contester pendant ce mecircme deacutelai les deacutecisions prises en rapport avec la

protection du mineur

()

Une fois ce deacutelai eacutecouleacute ils nrsquoont plus le droit de demander ou de contester les deacutecisions ou

les mesures prises en vue de la protection du mineur ()

8 Lrsquoadministration drsquooffice ou agrave la demande du ministegravere public ou de toute personne ou

institution inteacuteresseacutees peut agrave tout moment reacutevoquer la deacuteclaration drsquoabandon et deacutecider du

retour du mineur avec sa famille srsquoil nrsquoest pas inteacutegreacute de maniegravere stable dans une autre famille

ou si elle estime que crsquoest la mesure la plus adeacutequate pour lrsquointeacuterecirct du mineur La deacutecision

sera notifieacutee au ministegravere public raquo

Article 173

laquo 1 Le placement en famille drsquoaccueil implique la pleine participation du mineur agrave la vie du

foyer familial et lrsquoobligation pour la famille drsquoaccueil de veiller sur lui de srsquooccuper de lui de

le nourrir de lrsquoeacuteduquer et de lui offrir une instruction complegravete

()

3 Si les parents () srsquoopposent [au placement du mineur en famille drsquoaccueil] ce placement

doit faire lrsquoobjet drsquoune deacutecision judiciaire dans lrsquointeacuterecirct du mineur ()

Toutefois lrsquoadministration peut deacutecider dans lrsquointeacuterecirct du mineur de le placer

provisoirement en famille drsquoaccueil jusqursquoagrave ce que la deacutecision judiciaire soit rendue

() raquo

Article 173 bis

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laquo Lrsquoaccueil familial peut revecirctir lrsquoune des modaliteacutes suivantes selon sa finaliteacute

1er lrsquoaccueil familial simple qui revecirct un caractegravere provisoire soit parce que la situation du

mineur permet de preacutevoir sa reacuteinsertion dans sa propre famille soit parce qursquoune autre

mesure de protection plus durable est en voie drsquoecirctre adopteacutee

2e lrsquoaccueil familial permanent lorsque en raison de lrsquoacircge ou drsquoautres circonstances

concernant le mineur ou sa famille [ce mode] semble preacutefeacuterable et est ainsi recommandeacute par

les services de protection des mineurs ()

3e lrsquoaccueil familial preacuteadoptif formaliseacute par lrsquoadministration lorsqursquoelle preacutesente agrave

lrsquoautoriteacute judiciaire une proposition drsquoadoption du mineur [laquelle doit ecirctre] viseacutee par les

services de protection des mineurs pourvu que les parents drsquoaccueil remplissent les

conditions requises pour lrsquoadoption aient eacuteteacute seacutelectionneacutes et aient donneacute leur consentement agrave

lrsquoadministration et que le mineur se trouve dans une situation juridique le rendant apte agrave ecirctre

adopteacuteLrsquoadministration peut aussi mettre en place un accueil familial preacuteadoptif lorsqursquoelle

considegravere avant la preacutesentation de la proposition drsquoadoption qursquoil est neacutecessaire drsquoeacutetablir une

peacuteriode drsquoadaptation du mineur dans la famille Cette peacuteriode est la plus bregraveve possible et ne

peut deacutepasser un an raquo

Article 222

laquo Sont placeacutes sous tutelle

()

4e Les mineurs en situation drsquoabandon raquo

34 Lrsquoarticle 35 de la Loi 31995 du 21 mars 1995 de la reacutegion de Murcie relative agrave lrsquoenfance se

lit comme suit

Article 35

laquo 1 La mesure drsquoaccueil peut ecirctre appliqueacutee preacutealablement agrave lrsquoadoption

a) si le mineur preacutesente des signes de mauvais traitements physiques ou psychiques drsquoabus

sexuels drsquoexploitation ou drsquoautres [mauvais traitements] de nature analogue ou si par tout

autre motif les parents ou les tuteurs sont sous le coup drsquoune cause de privation de lrsquoautoriteacute

parentale et qursquoil soit preacutevu que cette situation soit permanente

b) si les parents ou tuteurs sont empecirccheacutes drsquoexercer leur autoriteacute parentale et qursquoil est preacutevu

que cette situation soit permanente

c) si les parents ou tuteurs en font la demande agrave lrsquoorganisme compeacutetent et deacutelaissent les

droits et les devoirs inheacuterents agrave leur fonction

e) srsquoil en est ainsi deacutecideacute par lrsquoautoriteacute judiciaire

2 Dans les cas deacutefinis agrave lrsquoalineacutea 1 afin drsquoobtenir une meilleure inteacutegration dans la famille

drsquoaccueil les visites et les rapports avec la famille biologique sont suspendus si cela convient

agrave lrsquointeacuterecirct du mineur raquo

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EN DROIT

I SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

35 Le requeacuterant reproche au service de protection des mineurs de nrsquoavoir pris aucune mesure

pour favoriser le reacutetablissement des contacts avec sa fille agrave la suite de son acquittement et de la

leveacutee des mesures provisoires drsquoeacuteloignement et de non-communication Il invoque lrsquoarticle 8 de la

Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son domicile et de sa

correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit que pour

autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une mesure qui dans une

socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave la sucircreteacute publique au bien-ecirctre

eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la

protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

A Sur la recevabiliteacute

36 Le Gouvernement excipe du non-eacutepuisement des voies de recours internes Il soutient drsquoune

part que le requeacuterant nrsquoa pas saisi lrsquoAudiencia provincial drsquoun recours en nulliteacute avant de saisir le

Tribunal constitutionnel de son recours drsquoamparo Drsquoautre part il note que le recours drsquoamparo a eacuteteacute

deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir rempli

lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle speacuteciale

conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la Loi organique nordm 21979 relative au

Tribunal constitutionnel (LOTC) modifieacutee par la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

37 Le requeacuterant indique que le recours en nulliteacute nrsquoeacutetait pas pertinent ce qui eacutetait aussi lrsquoavis

du Tribunal constitutionnel qui nrsquoa pas rejeteacute son recours drsquoamparo pour ce motif Il ajoute que la

deacutecision drsquoirrecevabiliteacute de son recours drsquoamparo faute drsquoavoir deacutemontreacute lrsquoimportance

constitutionnelle de ses griefs a eacuteteacute prononceacutee agrave tort comme cela avait eacuteteacute aussi le cas selon lui

dans lrsquoaffaire RMS c Espagne (no 2877512 18 juin 2013) qui a fait lrsquoobjet drsquoun constat de violation

de lrsquoarticle 8 de la Convention par la Cour

38 Concernant la premiegravere branche de lrsquoexception souleveacutee par le Gouvernement la Cour

estime que le requeacuterant a fourni aux juridictions internes et en dernier ressort au Tribunal

constitutionnel lrsquooccasion de remeacutedier agrave la violation alleacutegueacutee Concernant lrsquoargument du

Gouvernement tireacute du manque drsquoeacutepuisement des voies de recours internes en raison de lrsquoabsence

de recours en nulliteacute elle observe que le Tribunal constitutionnel nrsquoa pas deacuteclareacute le recours

drsquoamparo du requeacuterant irrecevable pour ce motif et qursquoil nrsquoa agrave aucun moment fait mention drsquoune

eacuteventuelle exigence de preacutesentation preacutealable de ce recours La Cour rappelle que crsquoest drsquoabord

aux autoriteacutes nationales et speacutecialement aux cours et tribunaux qursquoil incombe drsquointerpreacuteter le

droit interne (Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne 19 deacutecembre 1997 sect 31 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-VIII) et notamment les questions de proceacutedure et qursquoelle ne substituera pas sa

propre interpreacutetation du droit agrave la leur en lrsquoabsence drsquoarbitraire Elle ne saurait degraves lors exiger du

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requeacuterant lrsquoeacutepuisement drsquoune voie de recours que le Tribunal constitutionnel lui-mecircme nrsquoa pas

consideacutereacutee comme exigible en lrsquoespegravece

39 Concernant la seconde branche de lrsquoexception du Gouvernement celui-ci estime que les

voies de recours internes nrsquoont pas eacuteteacute correctement eacutepuiseacutees dans la mesure ougrave le recours

drsquoamparo a eacuteteacute deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir

rempli lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle

speacuteciale conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la LOTC telle que modifieacutee par

la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

40 Agrave cet eacutegard comme elle lrsquoa deacutejagrave fait dans lrsquoaffaire Arribas Antoacuten c Espagne (no 1656311

20 janvier 2015) la Cour tient agrave souligner que le fait que le Tribunal constitutionnel ait deacuteclareacute un

recours drsquoamparo irrecevable au motif qursquoil ne revecirctait pas lrsquoimportance constitutionnelle speacuteciale

requise ou le cas eacutecheacuteant que son auteur nrsquoavait pas deacutemontreacute lrsquoexistence de pareille importance

ne lrsquoempecircche pas de se prononcer sur la recevabiliteacute et le fond drsquoune requecircte (ibidem sect 51 avec les

reacutefeacuterences aux arrecircts de la Cour rendus agrave la suite de deacutecisions drsquoirrecevabiliteacute des recours

drsquoamparo par le Tribunal constitutionnel en application de ce critegravere Del Riacuteo Prada c Espagne [GC]

no 4275009 sect 22 CEDH 2013 Varela Geis c Espagne no 6100509 5 mars 2013 Manzanas Martiacuten c

Espagne no 1796610 sect 14 3 avril 2012 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 45 voirplus

reacutecemment Rodriguez Ravelo c Espagne no 4807410 sect 24 12 janvier 2016 et en dernier lieu Saber

et Boughassal c Espagne nos 7655013 et 4593814 sect 30 18 deacutecembre 2018) La Cour relegraveve qursquoen

lrsquoespegravece le requeacuterant a exposeacute dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles le recours

drsquoamparo avait pour lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il a indiqueacute que ledit recours

satisfaisait agrave la condition drsquoimportance constitutionnelle speacuteciale dans la mesure ougrave il eacutetait fondeacute

sur la jurisprudence laquo des organes chargeacutes de lrsquointerpreacutetation des traiteacutes et accords internationaux

viseacutes agrave lrsquoarticle 10 sect 2 CE raquo Il faisait reacutefeacuterence agrave lrsquoarrecirct rendu dans lrsquoaffaire RMS cEspagne

preacuteciteacute et invoquait les dispositions de la Constitution espagnole qursquoil estimait pertinentes ainsi

que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le

regroupement familial entre lui et sa fille en raison de graves erreurs contenues dans les rapports

eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de lrsquoadministration qui ont servi de base au raisonnement des

juridictions internes

41 Par conseacutequent lrsquoexception du Gouvernement ne saurait ecirctre retenue

42 Constatant que la requecircte nrsquoest pas manifestement mal fondeacutee au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a)

de la Convention et qursquoelle ne se heurte par ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour la

deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Thegravese des parties

a) Le Gouvernement

43 Le Gouvernement concegravede que le droit au respect de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

a fait lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence de la part de lrsquoautoriteacute publique Il estime cependant que cette

ingeacuterence se justifie par une exigence primordiale touchant lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant et

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constitue un usage approprieacute de la marge drsquoappreacuteciation dont beacuteneacuteficient les autoriteacutes nationales

Il deacuteclare que en lrsquoespegravece la fille du requeacuterant avait inteacuterecirct agrave voir sa situation drsquoaccueil familial se

consolider apregraves 15 mois de placement dans un centre drsquoaccueil Il indique par ailleurs que la Cour

nrsquoest pas une juridiction de quatriegraveme instance et qursquoelle se doit de respecter la marge

drsquoappreacuteciation dont disposent les Eacutetats membres dans la reacuteglementation des relations parents-

enfants

44 Le Gouvernement indique que la deacutecision de lrsquoadministration locale de recourir agrave la

proceacutedure de placement en accueil familial preacuteadoptif a eacuteteacute adopteacutee dans le strict respect de la

leacutegislation de la protection des mineurs qursquoelle eacutetait ducircment motiveacutee et qursquoelle a eacuteteacute veacuterifieacutee par

les autoriteacutes judiciaires espagnoles conformeacutement agrave la loi Il ajoute que cette deacutecision nrsquoa pas eacuteteacute

prise de maniegravere arbitraire mais se fonde sur le manque drsquointeacuterecirct manifesteacute par le requeacuterant pour

sa fille Le Gouvernement expose que bien que le requeacuterant faisait lrsquoobjet drsquoune mesure

drsquoeacuteloignement jusqursquoen septembre 2013 celui-ci nrsquoa pas eu de contact avec ses enfants entre 2012 et

2015 et ne srsquoest pas rendu agrave Murcie en personne mais a agi par lettre par le biais drsquoune association

(paragraphe 11 ci-dessus) Il indique que la situation du requeacuterant diffegravere degraves lors de

lrsquoaffaire RMS c Espagne(preacuteciteacute sect 76) dans laquelle la Cour a conclu agrave une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention en raison de la constatation de la situation drsquoabandon drsquoune mineure malgreacute le

fait que la requeacuterante laquo srsquoeacutetait rendue au moins agrave 17 reprises au centre drsquoaccueil de Grenade alors

mecircme que lrsquoinstitution se trouvait relativement eacuteloigneacutee de son domicile et () qursquoelle nrsquoavait

mecircme pas eacuteteacute informeacutee que sa fille ne srsquoy trouvait plus raquo De plus le Gouvernement estime que en

lrsquoespegravece cette deacutecision avait eacuteteacute preacuteceacutedeacutee drsquoune analyse rigoureuse baseacutee sur les rapports eacutetablis

par les services de protection sociale de Murcie Il se reacutefegravere au rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 au rapport psychosocial du 19 juillet 2013 au rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 et au

rapport du 2 feacutevrier 2015 (paragraphes 14 et suivants ci-dessus)

45 Le Gouvernement considegravere que les deacutecisions prises en lrsquoespegravece par les autoriteacutes nrsquoeacutetaient

pas disproportionneacutees car celles-ci auraient eacutegalement veilleacute aux inteacuterecircts des parents biologiques

en leur garantissant une protection proceacutedurale suffisante et en les impliquant dans le processus

deacutecisionnel (W c Royaume-Uni 8 juillet 1987 sect 63 seacuterie A no 121) Il estime que les autoriteacutes ont agrave

tout moment respecteacute lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure la situation de sa famille proche et eacutelargie

et les principes de proportionnaliteacute et de neacutecessiteacute Il note les efforts des services sociaux de Murcie

pour contacter le requeacuterant (paragraphes 12 et 13 ci-dessus) ainsi que le fait que les organes

juridictionnels ont respecteacute les droits de la deacutefense en donnant la possibiliteacute aux parents de la

mineure drsquoexprimer leur point de vue et le cas eacutecheacuteant leur opposition agrave travers les deacutemarches et

les recours qui leur eacutetaient disponibles

46 Le Gouvernement indique que lrsquointeacuterecirct de chaque mineur doit ecirctre appreacutecieacute de faccedilon

individualiseacutee Par conseacutequent il estime que le fait pour le requeacuterant drsquoavoir reacutecupeacutereacute la garde de

ses deux fils ne modifiait pas la deacutecision des organes judiciaires car sa fille nrsquoaurait pas eacuteteacute dans

une situation comparable agrave celle de ses fregraveres en raison de son acircge et de ses circonstances

personnelles Se reacutefeacuterant agrave la deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie du 7 avril 2016 il estime

en effet que la reacuteinsertion de la mineure au sein de sa famille biologique nrsquoeacutetait plus possible au

risque de lui causer plus de preacutejudices que de beacuteneacutefices Il ajoute que la famille eacutelargie de lrsquoenfant

nrsquoa pas prouveacute aux services sociaux qursquoelle pouvait la prendre en charge

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47 Enfin le Gouvernement note que les droits eacutenonceacutes agrave lrsquoarticle 8 de la Convention

srsquoappliquent de maniegravere eacutegale tant agrave la famille biologique qursquoagrave la famille drsquoaccueil laquelle a creacuteeacute

des liens affectifs avec la mineure dont la Cour doit tenir compte

b) Le requeacuterant

48 Le requeacuterant estime que si lrsquoaccueil a pu ecirctre la meilleure solution pour consolider la

situation familiale de sa fille par le passeacute cette mesure a selon lui cesseacute de lrsquoecirctre lorsqursquoil a

reacutecupeacutereacute la garde des deux aicircneacutes avec lrsquoautorisation de lrsquoautoriteacute chargeacutee de leur protection Il

considegravere que justifier le placement de sa fille en famille drsquoaccueil par le laquo manque drsquointeacuterecirct raquo dont

il aurait fait preuve nrsquoa pas de sens degraves lors qursquoil a eacuteteacute priveacute de lrsquoautoriteacute parentale sur ses enfants

ainsi que des droits et devoirs y affeacuterents Il soutient que cette mesure agrave lrsquoorigine de la deacuteclaration

drsquoabandon de ses enfants srsquoest aveacutereacutee inutile puisqursquoil a eacuteteacute acquitteacute des charges peacutenales de

mauvais traitements agrave lrsquoencontre de sa femme Il ajoute que degraves qursquoil avait pu reprendre contact

avec ses enfants les plus acircgeacutes le mecircme reacutegime de visites lui avait de nouveau eacuteteacute interdit avec sa

fille De plus il argue que en tant qursquoeacutetranger ne parlant pas correctement lrsquoespagnol il lui eacutetait

difficile de prendre connaissance de la citation agrave comparaicirctre publieacutee dans le Journal officiel de la

reacutegion de Murcie (paragraphe 13 ci-dessus) et que cela nrsquoaurait pas ducirc ecirctre interpreacuteteacute comme un

manque drsquointeacuterecirct de sa part

49 Le requeacuterant considegravere que les services de protection de lrsquoenfance et les juridictions

espagnoles ont fait preuve de discrimination agrave son eacutegard car il eacutetait eacutetranger Il indique qursquoil vivait

agrave Madrid et qursquoil ne parlait pas correctement lrsquoespagnol agrave lrsquoeacutepoque Il rejette lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les autoriteacutes ont respecteacute le principe de leacutegaliteacute ainsi que ses droits

proceacuteduraux eacutetant donneacute que celles-ci ont baseacute leur deacutecision selon lui sur des arguments

infondeacutes et des rapports eacutetablis alors qursquoil faisait lrsquoobjet drsquoune poursuite peacutenale et qursquoil nrsquoeacutetait pas

en mesure de deacutefendre son aptitude agrave ecirctre pegravere

50 Le requeacuterant critique la motivation avanceacutee par lrsquoAudiencia provincial de Murcie en ce que

celle-ci considegravere comme eacutetant neacutegligeable le fait qursquoil ait reacutecupeacutereacute uniquement la garde de ses fils

et non celle de sa fille laquo parce que cela srsquoaveacutererait contre-productif pour [celle-ci] raquo alors que le

retour des deux garccedilons aupregraves de lui prouve selon lui qursquoil srsquointeacuteresse agrave ses enfants et qursquoil est

capable de les prendre en charge Il estime que cette deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie

reprise par le Gouvernement dans ses observations lui impute agrave tort des mauvais traitements

envers ses enfants et transfegravere agrave son encontre le manque drsquoadeacutequation de la conduite de la megravere de

ses enfants agrave leur eacutegard

2 Appreacuteciation de la Cour

a) Principes geacuteneacuteraux relatifs aux obligations positives qui incombent agrave lrsquoEacutetat deacutefendeur en

vertu de lrsquoarticle 8 de la Convention

51 La Cour rappelle que pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement

fondamental de la vie familiale (Buscemi c Italie no 2956995 sect 53 CEDH 1999-VI Saleck Bardi c

Espagne no 6616709 sectsect 49 et 50 24 mai 2011 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 68) et que des mesures

internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par lrsquoarticle 8 de la

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Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 151 CEDH 2001-VII et Barnea et Caldararu c

Italie no 3793115 sect 63 22 juin 2017)

52 Comme la Cour lrsquoa indiqueacute agrave plusieurs reprises lrsquoarticle 8 de la Convention a

essentiellement pour objet de preacutemunir lrsquoindividu contre les ingeacuterences arbitraires des autoriteacutes

publiques il ne se contente toutefois pas de commander agrave lrsquoEacutetat de srsquoabstenir de pareilles

ingeacuterences En effet si les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute responsable aboutissant au placement

drsquoun enfant dans un centre drsquoaccueil srsquoanalysent en des ingeacuterences dans le droit drsquoun parent au

respect de sa vie familiale (W c Royaume-Uni preacuteciteacute sect 59) les obligations positives inheacuterentes agrave

un respect effectif de la vie priveacutee ou familiale peuvent impliquer lrsquoadoption de mesures visant au

respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux (X et Y c Pays-Bas 26

mars 1985 sect 23 seacuterie A no 91 et Mincheva c Bulgarie no 2155803 sect 81 2 septembre 2010) Dans un

cas comme dans lrsquoautre il faut avoir eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts

concurrents ndash ceux de lrsquoenfant ceux des deux parents et ceux de lrsquoordre public - (Maumousseau et

Washington c France no 3938805 sect 62 6 deacutecembre 2007) en attachant toutefois une importance

deacuteterminante agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir dans ce sens Gnahoreacute c France no 4003198 sect

59 CEDH 2000-IX) qui selon sa nature et sa graviteacute peut lrsquoemporter sur celui des parents (Sahin c

Allemagne [GC] no 3094396 sect 66 CEDH 2003-VIII) De mecircme dans les deux hypothegraveses lrsquoEacutetat

jouit drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation (Saleck Bardi preacuteciteacute sect 50 et KAB c Espagne preacuteciteacute sect

95)

53 La Cour reacuteaffirme le principe bien eacutetabli dans sa jurisprudence selon lequel le but de la

Convention consiste agrave proteacuteger des droits concrets et effectifs (K et T c Finlande[GC] preacuteciteacute sect

154) Elle rappelle qursquoelle nrsquoa pas pour tacircche de se substituer aux autoriteacutes internes mais

drsquoexaminer sous lrsquoangle de la Convention les deacutecisions que ces autoriteacutes ont rendues dans

lrsquoexercice de leur pouvoir discreacutetionnaire

54 Comme la Cour lrsquoa affirmeacute agrave de nombreuses reprises lrsquoeacuteclatement drsquoune famille constitue

en effet une mesure tregraves grave qui doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de

lrsquoenfant et avoir assez de poids et de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC]

nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Agrave cet eacutegard et srsquoagissant de lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat de prendre des mesures positives la Cour a affirmeacute agrave maintes reprises que lrsquoarticle 8

implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et lrsquoobligation pour

les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie

A no 156 et Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre 1992 sect 90 seacuterie A no 250) Dans ce genre drsquoaffaire

le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise en œuvre car le passage du

temps peut avoir des conseacutequences irreacutemeacutediables sur les relations entre lrsquoenfant et le parent qui ne

vit pas avec lui (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 SH c Italie no 5255714 sect 42

13 octobre 2015) La deacutecision de prise en charge drsquoun enfant doit en principe ecirctre consideacutereacutee

comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances srsquoy precirctent et tout acte

drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et lrsquoenfant (K

et T c Finlande preacuteciteacute sect 178) Lorsqursquoune peacuteriode de temps consideacuterable srsquoest eacutecouleacutee depuis que

lrsquoenfant a eacuteteacute placeacute pour la premiegravere fois sous assistance lrsquointeacuterecirct qursquoa lrsquoenfant agrave ne pas voir sa

situation familiale de facto changer de nouveau peut lrsquoemporter sur lrsquointeacuterecirct des parents agrave la

reacuteunion de leur famille Degraves lors la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes jouissent drsquoune grande

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latitude pour appreacutecier la neacutecessiteacute de prendre en charge un enfant mais il faut exercer un controcircle

plus rigoureux agrave la fois sur les restrictions suppleacutementaires comme celles apporteacutees par les

autoriteacutes aux droits et aux visites des parents et sur les garanties destineacutees agrave assurer la protection

effective du droit des parents et enfants au respect de leur vie familiale (K et T c Finlande [GC]

preacuteciteacute sect 155) Lrsquoobligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la

famille degraves que cela sera vraiment possible srsquoimpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la

peacuteriode de prise en charge et avec de plus en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance

avec le devoir de consideacuterer lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Par ailleurs les obligations positives ne

se limitent pas agrave veiller agrave ce que lrsquoenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui

mais elles englobent eacutegalement lrsquoensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce

reacutesultat (voir mutatis mutandis Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004

etAmanalachioai c Roumanie no 402304 sect 95 26 mai 2009)

55 Il revient agrave la Cour drsquoappreacutecier si les autoriteacutes espagnoles ont agi en meacuteconnaissance de

leurs obligations positives deacutecoulant de lrsquoarticle 8 de la Convention (Hokkanen c Finlande 23

septembre 1994 sect 55 seacuterie A no 299-A Mikulić c Croatie no 5317699 sect 59 CEDH 2002-I P C et

S c Royaume-Uni no 5654700 sect 122 CEDH 2002-VI Evansc Royaume-Uni [GC] no 633905 sect 76

CEDH 2007-IV et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 98)

56 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter drsquoun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de lrsquoarticle

8 de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lrsquoapplication et lrsquointerpreacutetation des

dispositions leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de lrsquoarticle 8 de la

Convention en tenant notamment compte de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir mutatis

mutandis Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 et Barnea et Caldararu c

Italie preacuteciteacute sect 65 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115 RMS c Espagne preacuteciteacute sect 72)

b) Application en lrsquoespegravece des principes susmentionneacutes

57 La Cour relegraveve que le 15 juin 2012 les trois enfants du requeacuterant dont sa fille mineure acircgeacutee

agrave lrsquoeacutepoque drsquoun an et demi ont eacuteteacute placeacutes dans un centre drsquoaccueil agrave Madrid agrave la demande de leur

megravere et deacuteclareacutes en situation leacutegale drsquoabandon Agrave la suite du deacutemeacutenagement de leur megravere les

enfants ont eacuteteacute placeacutes dans des centres drsquoaccueil de Murcie Le requeacuterant nrsquoen a pas eacuteteacute informeacute

(paragraphes 8 et 9 ci-dessus)

58 Dans une affaire comme celle de lrsquoespegravece le juge se trouve en preacutesence drsquointeacuterecircts souvent

difficilement conciliables agrave savoir ceux de lrsquoenfant et ceux de ses parents biologiques et

notamment dans la preacutesente cause ceux du pegravere biologique et ceux de la famille drsquoaccueil Dans la

recherche de lrsquoeacutequilibre entre ces diffeacuterents inteacuterecircts lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale (Moretti et Benedetti c Italie no 1631807 sect 67 27 avril 2010)

59 En lrsquoespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave la neacutecessiteacute de lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en se reacutefeacuterant

aux maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves que ce dernier aurait infligeacutees agrave ses enfants agrave

lrsquoinstabiliteacute eacutemotionnelle et agrave lrsquointelligence limiteacutee de leur megravere (paragraphes 14 et 21 ci-dessus)

ainsi qursquoagrave lrsquoabsence de contact du requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date du placement

de ces derniers dans des centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du

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requeacuterant avec le service de protection des mineurs (paragraphe 21 ci-dessus) et agrave lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le requeacuterant et sa fille (paragraphe 24 ci-dessus) La Cour relegraveve qursquoagrave aucun

moment de cette proceacutedure administrative lrsquoacquittement du requeacuterant le 27 septembre 2013 de

toutes les charges retenues contre lui et lrsquoannulation des mesures drsquoeacuteloignement prises initialement

agrave son encontre lrsquoempecircchant entre-temps de garder le contact avec ses enfants (paragraphe 20 ci-

dessus) nrsquoont eacuteteacute pris en compte

60 La Cour observe que la deacutecision du juge de premiegravere instance de Murcie dateacutee du 11 feacutevrier

2015 (paragraphe 25 ci-dessus) enteacuterinant la deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales

relative au placement preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en famille drsquoaccueil persistait agrave ne pas

prendre en compte la nouvelle situation peacutenale du requeacuterant depuis le 27 septembre 2013 date de

son acquittement Elle note que le juge de premiegravere instance de Murcie ne se prononccedilait drsquoailleurs

pas sur les capaciteacutes eacuteducatives et psychosociales du requeacuterant pour reacutecupeacuterer la garde de sa fille

mineure La deacutecision se bornait agrave prendre en compte les arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes dans les

rapports eacutetablis par lrsquoadministration

61 La Cour observe que la question de savoir si le processus deacutecisionnel a suffisamment

proteacutegeacute les inteacuterecircts drsquoun parent deacutepend des circonstances propres agrave chaque affaire(W c Royaume-

Uni 8 juillet 1987 sect 64 seacuterie A no 121 Elsholz c Allemagne [GC] no 2573594 sect 52

CEDH 2000-VIII) Pour ce faire elle doit veacuterifier si les juridictions nationales se sont livreacutees agrave un

examen approfondi de lrsquoensemble de la situation familiale et de toute une seacuterie drsquoeacuteleacutements drsquoordre

factuel affectif psychologique mateacuteriel et meacutedical notamment et si elles ont proceacutedeacute agrave une

appreacuteciation eacutequilibreacutee et raisonnable des inteacuterecircts respectifs (voir mutatis mutandis Neulinger

et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 139 CEDH 2010) La Cour relegraveve agrave cet eacutegard que au cours

de la proceacutedure devant le juge de premiegravere instance et lrsquoAudiencia provincial le requeacuterant a eu la

possibiliteacute de preacutesenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des proceacutedures

judiciaires ougrave il eacutetait repreacutesenteacute par un avocat au moins agrave partir du 19 novembre 2013

(paragraphe20 ci-dessus) La Cour ne deacutecegravele en conseacutequence aucun manquement formellement

imputable aux juridictions internes agrave cet eacutegard mais plutocirct une inertie des ces derniegraveres dans la

prise en compte des conclusions des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de

lrsquoadministration intervenus tout au long de lrsquoexamen de affaire

62 La Cour rappelle que dans les affaires touchant la vie familiale la rupture du contact avec

un enfant tregraves jeune peut conduire agrave une alteacuteration croissante de sa relation avec son parent (voir

entre autres Pini et autres c Roumanie nos 7802801 et 7803001 sect 175 CEDH 2004-V (extraits)

et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 103) Il en va ainsi dans la preacutesente affaire Les rapports des 28 feacutevrier

et 18 deacutecembre 2014 (paragraphes 21 et 23 ci-dessus) ont deacutemontreacute que la fille du requeacuterant eacutetait

bien inteacutegreacutee dans sa famille drsquoaccueil depuis le 24 septembre 2013 (paragraphe 17 ci-dessus) Le

passage du temps a eu pour effet de rendre deacutefinitive une situation qui eacutetait censeacutee ecirctre provisoire

compte tenu du tregraves jeune acircge de lrsquoenfant lorsque la situation leacutegale drsquoabandon a eacuteteacute constateacutee et

que la mise sous tutelle est intervenue (paragraphe 8 ci-dessus)

63 La Cour rappelle qursquoil ne lui appartient pas de substituer son appreacuteciation agrave celle des

autoriteacutes nationales compeacutetentes quant aux mesures qui auraient ducirc ecirctre prises car ces autoriteacutes

sont en principe mieux placeacutees pour proceacuteder agrave une telle eacutevaluation Tout en reconnaissant qursquoen

lrsquoespegravece les juridictions internes se sont appliqueacutees de bonne foi agrave preacuteserver le bien-ecirctre de la

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

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67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 5: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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requeacuterant au vu du caractegravere geacuteneacuterique des faits imputeacutes dans les diffeacuterents rapports de lrsquoabsence

drsquoexplication du processus technique suivi pour parvenir aux conclusions exposeacutees et de

deacutepositions impreacutecises des experts agrave lrsquoaudience Le jugement drsquoacquittement devint deacutefinitif le 8

novembre 2013

20 Le 19 novembre 2013 le requeacuterant assisteacute par un avocat contacta par eacutecrit le service de

protection des mineurs et se preacutesenta agrave un entretien Il communiqua le jugement rendu en sa

faveur et indiqua qursquoil travaillait qursquoil avait des revenus stables et qursquoil reacutesidait agrave Madrid Il

demanda lrsquoautorisation de rendre visite agrave ses enfants

21 Dans un rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 le service de protection des mineurs prit

note de lrsquoabsence de tout contact entre le requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date de leur

placement en centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du requeacuterant avec

le service de protection des mineurs deacutecrit ci-dessus Dans ce rapport le service de protection des

mineurs proposa de ne pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille et de refuser

provisoirement ses visites agrave ses deux autres enfants laquo jusqursquoagrave ce que les mineurs preacutesentent un eacutetat

eacutemotionnel psychologique plus stable raquo Il nota que la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors

de la proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo et que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la

peur et un manque de confiance envers la figure paternelle raquo et suivaient des traitements

psychologiques et pharmacologiques Les conclusions dudit rapport furent confirmeacutees en date du

31 mars 2014 par une deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales de la reacutegion de Murcie

qui mit fin agrave la proceacutedure administrative Cette deacutecision fut transmise au procureur chargeacute de la

protection des mineurs Le requeacuterant en fut informeacute le 22 avril 2014

22 Le 28 mai 2014 le requeacuterant srsquoopposa agrave la constitution de lrsquoaccueil familial de sa fille

23 Dans un rapport de suivi du 18 deacutecembre 2014 le service de protection des mineurs exposa

les liens affectifs eacutetablis entre la mineure et sa famille drsquoaccueil et son adaptation agrave son nouvel

environnement sociofamilial

24 Le 2 feacutevrier 2015 la psychologue et lrsquoassistante drsquoaide sociale du centre drsquoassistance sociale agrave

lrsquoenfance II de Madrid eacutemirent un rapport au sujet du requeacuterant constatant lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le pegravere et sa fille et le fait que lrsquointeacuteresseacute centrait sa demande de reacutecupeacuterer ses

enfants sur les deux aicircneacutes Selon ce rapport le requeacuterant comprenait les conseacutequences que la

seacuteparation avait eue pour ses enfants et indiquait ecirctre capable de concilier sa vie priveacutee et sa vie

professionnelle pour reacutepondre aux besoins des enfants

25 Agrave la suite de la demande formuleacutee par la direction geacuteneacuterale des affaires sociales le juge de

premiegravere instance no 3 de Murcie autorisa le 11 feacutevrier 2015 le placement de la fille du requeacuterant

dans une famille drsquoaccueil en vue de son adoption en application de lrsquoarticle 173 paragraphe 1 du

code civil La deacutecision eacutetait motiveacutee comme suit

laquo Le cas drsquoespegravece reacuteunit les conditions requises par la loi pour le placement en accueil

familial dans la mesure ougrave lrsquoorganisme public chargeacute de la protection des mineurs et la famille

drsquoaccueil ont donneacute leur accord et ougrave il peut ecirctre remeacutedieacute agrave lrsquoabsence de consentement des

parents par une deacutecision judiciaire dans la situation dans laquelle se trouve lrsquoenfant le

placement de celle-ci dans une famille qui srsquooccupera et prendra soin drsquoelle qui la nourrira et

lrsquoeacuteduquera et agrave la vie de laquelle elle prendra part serait tregraves beacuteneacutefique pour son

deacuteveloppement physique intellectuel et moral [ainsi que] pour son eacuteducation en geacuteneacuteral raquo

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26 Le 13 mars 2015 le requeacuterant fit appel de la deacutecision du 11 feacutevrier 2015 autorisant le

placement de sa fille en accueil familial en vue de son adoption Son eacutepouse fit de mecircme Le

requeacuterant soutenait notamment que ce jugement nrsquoindiquait pas les motifs empecircchant la prise en

charge de lrsquoenfant par son pegravere alors qursquoil avait eacuteteacute acquitteacute de toutes les charges porteacutees agrave son

encontre Il indiquait que la situation drsquoabandon de ses enfants avait eacuteteacute causeacutee par la faccedilon drsquoagir

de son eacutepouse les particulariteacutes de la personnaliteacute de cette derniegravere ainsi que par la guerre en

Syrie agrave laquelle ils avaient pu eacutechapper en quittant le pays Il srsquoestimait victime de lrsquoincapaciteacute de

la megravere de sa fille agrave srsquooccuper de cette derniegravere alors que sa propre capaciteacute agrave eacutelever sa fille et agrave

prendre soin drsquoelle nrsquoa selon lui nullement eacuteteacute examineacutee ni par les autoriteacutes administratives ni par

les organes judiciaires

27 Dans son eacutecrit drsquoopposition agrave lrsquoappel interjeteacute par le requeacuterant contre la deacutecision du 11

feacutevrier 2015 du juge de premiegravere instance no 3 lrsquoavocate du gouvernement reacutegional nota que le

requeacuterant nrsquoavait montreacute aucun inteacuterecirct pour ses enfants apregraves leur accueil dans des centres

drsquoaccueil de Murcie le 28 juin 2012 Elle releva eacutegalement que le requeacuterant nrsquoavait pas non plus

attaqueacute la deacutecision administrative ratifiant lrsquoaccueil des enfants

28 Le 7 avril 2016 lrsquoAudiencia provincial de Murcie deacutebouta le requeacuterant ainsi que son eacutepouse

de leurs appels respectifs et confirma la deacutecision attaqueacutee exposant que

laquo () [selon] la deacutecision attaqueacutee une telle mesure [le placement de lrsquoenfant en accueil

familial preacuteadoptif] garantit lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure et contribue efficacement agrave son

deacuteveloppement dans son ensemble

()

Il faut prendre en compte lrsquoappreacuteciation faite par lrsquoadministration sur le manque drsquointeacuterecirct du

requeacuterant Drsquoune part celui-ci nrsquoa entameacute aucune deacutemarche apregraves avoir demandeacute des

informations sur la situation de ses enfants et avoir reccedilu en feacutevrier 2013 les renseignements

demandeacutes Drsquoautre part il nrsquoest pas intervenu dans la proceacutedure agrave lrsquoexception drsquoun eacutecrit

preacutesenteacute le 19 novembre 2013 alors qursquoil avait eacuteteacute informeacute agrave plusieurs reprises de la

confirmation de la prise en charge de ses enfants par lrsquoorganisme public au mois drsquoavril 2013

()

Ce nrsquoest que le 28 mai 2014 apregraves plusieurs convocations infructueuses qursquoil est intervenu

dans la proceacutedure pour contester la deacutecision de placement de A [sa fille] en famille drsquoaccueil

() Il apparaicirct en vertu du rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 que la mineure est resteacutee

heacutebergeacutee dans le Centre de protection des mineurs pendant un an et trois mois et qursquoelle nrsquoa

aucun lien avec son pegravere Par ailleurs les moyens de preuve examineacutes et en particulier le

rapport de suivi du 18 deacutecembre 2014 montrent les liens affectifs de qualiteacute et lrsquoidentification

de la mineure en tant que membre de sa famille drsquoaccueil ainsi que son adaptation au nouvel

environnement sociofamilial Ce rapport eacutetablit que les besoins de A sont satisfaits dans cet

environnement et que cet accueil est beacuteneacutefique pour son deacuteveloppement personnel et ajoute

que le mieux pour elle est qursquoelle soit adopteacutee par le couple accueillant [et qursquoil est neacutecessaire]

drsquoeacutevaluer les conseacutequences neacutegatives qui pourraient deacutecouler de la cessation de lrsquoaccueil

Concregravetement il est mentionneacute que cela eacutequivaudrait agrave une agression de la mineure dans tous

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les domaines de son deacuteveloppement physique intellectuel et moral ce qui supposerait un

grave danger pour sa santeacute mentale et aurait une influence sur lrsquoeacutepanouissement de sa

personnaliteacute et sur sa capaciteacute pour eacutetablir des relations interpersonnelles tout au long de sa

vie

()

Il convient drsquoajouter par ailleurs que le document fourni par [le requeacuterant] (M Haddad)

dans le cadre de la proceacutedure drsquoappel dans lequel le Service de protection des mineurs

indique la fin de la prise en charge des deux fregraveres drsquoA L acircgeacute de treize ans et Ad acircgeacute de dix

ans au motif qursquoils sont retourneacutes vivre avec leur pegravere est totalement deacutenueacute de pertinence Et

cela parce qursquoil ne mentionne pas les motifs qui ont conduit agrave la fin de la prise en charge et

aussi parce que la situation actuelle de la mineure A acircgeacutee de quatre ans dans le cadre de la

proceacutedure drsquoaccueil en vue de son adoption en cours et [du processus] drsquointeacutegration [dans la

famille] et les conseacutequences neacutegatives et nuisibles qursquoentraicircnerait la fin de cet accueil ainsi que

lrsquoont eacutetabli les rapports drsquoexpertise ne plaident pas en faveur drsquoun changement de mesure agrave

son sujet () raquo

29 Le 26 feacutevrier 2016 le gouvernement reacutegional mit fin agrave la prise en charge des deux fils du

requeacuterant par le service de protection des mineurs et autorisa leur retour aupregraves de leur pegravere Ils

habitent avec lui depuis cette date

30 Le 13 juin 2016 le requeacuterant forma un recours drsquoamparo devant le Tribunal constitutionnel

dans lequel il exposait dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles cette action

preacutesentait selon lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il invoquait les articles 24 (droit agrave un

procegraves eacutequitable) et 39 de la Constitution ainsi que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les

deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le regroupement familial entre sa fille et lui en raison de

graves erreurs contenues dans les diffeacuterents rapports de lrsquoadministration qui ont servi de base au

raisonnement aux juridictions internes Par une deacutecision notifieacutee le 19 octobre 2016 le Tribunal

constitutionnel deacuteclara le recours drsquoamparo irrecevable faute pour lrsquointeacuteresseacute drsquoavoir justifieacute

lrsquoimportance constitutionnelle de son recours

II LE DROIT INTERNE PERTINENT

31 Les dispositions pertinentes en lrsquoespegravece de la Constitution se lisent ainsi

Article 24

laquo 1 Toute personne a droit agrave la protection effective des juges et des tribunaux dans lrsquoexercice

de ses droits et inteacuterecircts leacutegitimes sans qursquoen aucun cas elle puisse ecirctre mise dans

lrsquoimpossibiliteacute de se deacutefendre

() raquo

Article 39

laquo 1 Les pouvoirs publics assurent la protection sociale eacuteconomique et juridique de la famille

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2 Les pouvoirs publics assurent eacutegalement la protection inteacutegrale des enfants qui sont eacutegaux

devant la loi indeacutependamment de leur filiation et celle de la megravere quel que soit son eacutetat civil

La loi rendra possible la recherche de la paterniteacute

3 Les parents doivent precircter assistance dans tous les domaines agrave leurs enfants qursquoils soient

neacutes dans le mariage ou en dehors de celui-ci pendant leur minoriteacute et dans les autres cas

preacutevus par la loi

4 Les enfants jouissent de la protection preacutevue par les accords internationaux qui veillent sur

leurs droits raquo

32 Lrsquoarticle 17 de la Loi organique 11996 du 15 janvier 1996 portant sur la protection juridique

des mineurs dispose que

laquo Devant toute situation agrave risque quelle qursquoelle soit portant preacutejudice au deacuteveloppement

personnel ou social du mineur et nrsquoexigeant pas sa mise sous tutelle en vertu de la loi lrsquoaction

des pouvoirs publics doit dans tous les cas garantir les droits du mineur et tendre agrave la

reacuteduction des facteurs de risque et des difficulteacutes sociales qui ont une incidence sur sa

situation personnelle et sociale ainsi que promouvoir les facteurs de protection du mineur et

de sa famille

Une fois la situation de risque appreacutecieacutee lrsquoadministration compeacutetente en matiegravere de

protection de mineurs mettra en œuvre les actions pertinentes pour lrsquoatteacutenuer et proceacutedera au

suivi de lrsquoeacutevolution du mineur dans sa famille raquo

33 Les dispositions pertinentes en lrsquoespegravece du code civil se lisent comme suit

Article 172

laquo 1 Lorsque lrsquoinstitution publique responsable de la protection des mineurs dans son ressort

territorial constate qursquoun mineur se trouve dans une situation drsquoabandon elle en assume de

plein droit la tutelle et doit mettre en œuvre les mesures neacutecessaires pour garantir sa

protection et sa tutelle () [Les parents et tuteurs] seront autant que possible informeacutes

personnellement et de maniegravere claire et compreacutehensible des motifs ayant donneacute lieu agrave

lrsquointervention de lrsquoadministration et des effets possibles de la deacutecision adopteacutee

Un mineur est consideacutereacute comme eacutetant en situation drsquoabandon lorsque de fait il se trouve

dans une situation deacutecoulant soit drsquoun manquement aux devoirs de protection eacutetablis par les

textes de loi portant sur la tutelle des mineurs soit de lrsquoimpossibiliteacute drsquoexercer ces devoirs ou

de les exercer correctement et qursquoil est priveacute de lrsquoassistance morale ou mateacuterielle qui lui est

neacutecessaire

Lrsquoexercice de la tutelle par lrsquoadministration implique la suspension de lrsquoautoriteacute parentale ou

de la tutelle ordinaire ()

2 Lorsque en raison de circonstances graves les parents ou les tuteurs ne peuvent pas

prendre soin du mineur ils peuvent solliciter de lrsquoadministration compeacutetente qursquoelle en

assume la tutelle pendant le temps neacutecessaire

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La cession de la tutelle se fera par eacutecrit et il sera constateacute que les parents ou tuteurs ont eacuteteacute

informeacutes des responsabiliteacutes qursquoils ont toujours par rapport agrave lrsquoenfant ainsi que la faccedilon dans

laquelle la tutelle sera exerceacutee par lrsquoadministration

()

3 La tutelle assumeacutee agrave la demande des parents ou tuteurs ou en vertu drsquoune obligation

leacutegale prendra la forme de lrsquoaccueil familial ou en reacutesidence ()

4 Lrsquointeacuterecirct du mineur est toujours rechercheacute Agrave moins que lrsquointeacuterecirct du mineur ne srsquoy oppose

[lrsquoadministration srsquoefforce] de le reacuteinteacutegrer dans sa propre famille et de confier la tutelle des

fregraveres et sœurs agrave la mecircme institution ou personne

()

7 Les parents dont lrsquoautoriteacute parentale est suspendue en vertu du paragraphe 1 du preacutesent

article peuvent solliciter la cessation de la suspension et la reacutevocation de la deacuteclaration

drsquoabandon pendant un deacutelai de deux ans agrave compter de la notification administrative de la

deacuteclaration drsquoabandon srsquoils estiment qursquoils peuvent de nouveau exercer lrsquoautoriteacute parentale en

raison drsquoun changement des circonstances lrsquoayant motiveacutee

Ils peuvent aussi contester pendant ce mecircme deacutelai les deacutecisions prises en rapport avec la

protection du mineur

()

Une fois ce deacutelai eacutecouleacute ils nrsquoont plus le droit de demander ou de contester les deacutecisions ou

les mesures prises en vue de la protection du mineur ()

8 Lrsquoadministration drsquooffice ou agrave la demande du ministegravere public ou de toute personne ou

institution inteacuteresseacutees peut agrave tout moment reacutevoquer la deacuteclaration drsquoabandon et deacutecider du

retour du mineur avec sa famille srsquoil nrsquoest pas inteacutegreacute de maniegravere stable dans une autre famille

ou si elle estime que crsquoest la mesure la plus adeacutequate pour lrsquointeacuterecirct du mineur La deacutecision

sera notifieacutee au ministegravere public raquo

Article 173

laquo 1 Le placement en famille drsquoaccueil implique la pleine participation du mineur agrave la vie du

foyer familial et lrsquoobligation pour la famille drsquoaccueil de veiller sur lui de srsquooccuper de lui de

le nourrir de lrsquoeacuteduquer et de lui offrir une instruction complegravete

()

3 Si les parents () srsquoopposent [au placement du mineur en famille drsquoaccueil] ce placement

doit faire lrsquoobjet drsquoune deacutecision judiciaire dans lrsquointeacuterecirct du mineur ()

Toutefois lrsquoadministration peut deacutecider dans lrsquointeacuterecirct du mineur de le placer

provisoirement en famille drsquoaccueil jusqursquoagrave ce que la deacutecision judiciaire soit rendue

() raquo

Article 173 bis

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laquo Lrsquoaccueil familial peut revecirctir lrsquoune des modaliteacutes suivantes selon sa finaliteacute

1er lrsquoaccueil familial simple qui revecirct un caractegravere provisoire soit parce que la situation du

mineur permet de preacutevoir sa reacuteinsertion dans sa propre famille soit parce qursquoune autre

mesure de protection plus durable est en voie drsquoecirctre adopteacutee

2e lrsquoaccueil familial permanent lorsque en raison de lrsquoacircge ou drsquoautres circonstances

concernant le mineur ou sa famille [ce mode] semble preacutefeacuterable et est ainsi recommandeacute par

les services de protection des mineurs ()

3e lrsquoaccueil familial preacuteadoptif formaliseacute par lrsquoadministration lorsqursquoelle preacutesente agrave

lrsquoautoriteacute judiciaire une proposition drsquoadoption du mineur [laquelle doit ecirctre] viseacutee par les

services de protection des mineurs pourvu que les parents drsquoaccueil remplissent les

conditions requises pour lrsquoadoption aient eacuteteacute seacutelectionneacutes et aient donneacute leur consentement agrave

lrsquoadministration et que le mineur se trouve dans une situation juridique le rendant apte agrave ecirctre

adopteacuteLrsquoadministration peut aussi mettre en place un accueil familial preacuteadoptif lorsqursquoelle

considegravere avant la preacutesentation de la proposition drsquoadoption qursquoil est neacutecessaire drsquoeacutetablir une

peacuteriode drsquoadaptation du mineur dans la famille Cette peacuteriode est la plus bregraveve possible et ne

peut deacutepasser un an raquo

Article 222

laquo Sont placeacutes sous tutelle

()

4e Les mineurs en situation drsquoabandon raquo

34 Lrsquoarticle 35 de la Loi 31995 du 21 mars 1995 de la reacutegion de Murcie relative agrave lrsquoenfance se

lit comme suit

Article 35

laquo 1 La mesure drsquoaccueil peut ecirctre appliqueacutee preacutealablement agrave lrsquoadoption

a) si le mineur preacutesente des signes de mauvais traitements physiques ou psychiques drsquoabus

sexuels drsquoexploitation ou drsquoautres [mauvais traitements] de nature analogue ou si par tout

autre motif les parents ou les tuteurs sont sous le coup drsquoune cause de privation de lrsquoautoriteacute

parentale et qursquoil soit preacutevu que cette situation soit permanente

b) si les parents ou tuteurs sont empecirccheacutes drsquoexercer leur autoriteacute parentale et qursquoil est preacutevu

que cette situation soit permanente

c) si les parents ou tuteurs en font la demande agrave lrsquoorganisme compeacutetent et deacutelaissent les

droits et les devoirs inheacuterents agrave leur fonction

e) srsquoil en est ainsi deacutecideacute par lrsquoautoriteacute judiciaire

2 Dans les cas deacutefinis agrave lrsquoalineacutea 1 afin drsquoobtenir une meilleure inteacutegration dans la famille

drsquoaccueil les visites et les rapports avec la famille biologique sont suspendus si cela convient

agrave lrsquointeacuterecirct du mineur raquo

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EN DROIT

I SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

35 Le requeacuterant reproche au service de protection des mineurs de nrsquoavoir pris aucune mesure

pour favoriser le reacutetablissement des contacts avec sa fille agrave la suite de son acquittement et de la

leveacutee des mesures provisoires drsquoeacuteloignement et de non-communication Il invoque lrsquoarticle 8 de la

Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son domicile et de sa

correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit que pour

autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une mesure qui dans une

socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave la sucircreteacute publique au bien-ecirctre

eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la

protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

A Sur la recevabiliteacute

36 Le Gouvernement excipe du non-eacutepuisement des voies de recours internes Il soutient drsquoune

part que le requeacuterant nrsquoa pas saisi lrsquoAudiencia provincial drsquoun recours en nulliteacute avant de saisir le

Tribunal constitutionnel de son recours drsquoamparo Drsquoautre part il note que le recours drsquoamparo a eacuteteacute

deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir rempli

lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle speacuteciale

conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la Loi organique nordm 21979 relative au

Tribunal constitutionnel (LOTC) modifieacutee par la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

37 Le requeacuterant indique que le recours en nulliteacute nrsquoeacutetait pas pertinent ce qui eacutetait aussi lrsquoavis

du Tribunal constitutionnel qui nrsquoa pas rejeteacute son recours drsquoamparo pour ce motif Il ajoute que la

deacutecision drsquoirrecevabiliteacute de son recours drsquoamparo faute drsquoavoir deacutemontreacute lrsquoimportance

constitutionnelle de ses griefs a eacuteteacute prononceacutee agrave tort comme cela avait eacuteteacute aussi le cas selon lui

dans lrsquoaffaire RMS c Espagne (no 2877512 18 juin 2013) qui a fait lrsquoobjet drsquoun constat de violation

de lrsquoarticle 8 de la Convention par la Cour

38 Concernant la premiegravere branche de lrsquoexception souleveacutee par le Gouvernement la Cour

estime que le requeacuterant a fourni aux juridictions internes et en dernier ressort au Tribunal

constitutionnel lrsquooccasion de remeacutedier agrave la violation alleacutegueacutee Concernant lrsquoargument du

Gouvernement tireacute du manque drsquoeacutepuisement des voies de recours internes en raison de lrsquoabsence

de recours en nulliteacute elle observe que le Tribunal constitutionnel nrsquoa pas deacuteclareacute le recours

drsquoamparo du requeacuterant irrecevable pour ce motif et qursquoil nrsquoa agrave aucun moment fait mention drsquoune

eacuteventuelle exigence de preacutesentation preacutealable de ce recours La Cour rappelle que crsquoest drsquoabord

aux autoriteacutes nationales et speacutecialement aux cours et tribunaux qursquoil incombe drsquointerpreacuteter le

droit interne (Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne 19 deacutecembre 1997 sect 31 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-VIII) et notamment les questions de proceacutedure et qursquoelle ne substituera pas sa

propre interpreacutetation du droit agrave la leur en lrsquoabsence drsquoarbitraire Elle ne saurait degraves lors exiger du

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requeacuterant lrsquoeacutepuisement drsquoune voie de recours que le Tribunal constitutionnel lui-mecircme nrsquoa pas

consideacutereacutee comme exigible en lrsquoespegravece

39 Concernant la seconde branche de lrsquoexception du Gouvernement celui-ci estime que les

voies de recours internes nrsquoont pas eacuteteacute correctement eacutepuiseacutees dans la mesure ougrave le recours

drsquoamparo a eacuteteacute deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir

rempli lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle

speacuteciale conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la LOTC telle que modifieacutee par

la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

40 Agrave cet eacutegard comme elle lrsquoa deacutejagrave fait dans lrsquoaffaire Arribas Antoacuten c Espagne (no 1656311

20 janvier 2015) la Cour tient agrave souligner que le fait que le Tribunal constitutionnel ait deacuteclareacute un

recours drsquoamparo irrecevable au motif qursquoil ne revecirctait pas lrsquoimportance constitutionnelle speacuteciale

requise ou le cas eacutecheacuteant que son auteur nrsquoavait pas deacutemontreacute lrsquoexistence de pareille importance

ne lrsquoempecircche pas de se prononcer sur la recevabiliteacute et le fond drsquoune requecircte (ibidem sect 51 avec les

reacutefeacuterences aux arrecircts de la Cour rendus agrave la suite de deacutecisions drsquoirrecevabiliteacute des recours

drsquoamparo par le Tribunal constitutionnel en application de ce critegravere Del Riacuteo Prada c Espagne [GC]

no 4275009 sect 22 CEDH 2013 Varela Geis c Espagne no 6100509 5 mars 2013 Manzanas Martiacuten c

Espagne no 1796610 sect 14 3 avril 2012 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 45 voirplus

reacutecemment Rodriguez Ravelo c Espagne no 4807410 sect 24 12 janvier 2016 et en dernier lieu Saber

et Boughassal c Espagne nos 7655013 et 4593814 sect 30 18 deacutecembre 2018) La Cour relegraveve qursquoen

lrsquoespegravece le requeacuterant a exposeacute dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles le recours

drsquoamparo avait pour lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il a indiqueacute que ledit recours

satisfaisait agrave la condition drsquoimportance constitutionnelle speacuteciale dans la mesure ougrave il eacutetait fondeacute

sur la jurisprudence laquo des organes chargeacutes de lrsquointerpreacutetation des traiteacutes et accords internationaux

viseacutes agrave lrsquoarticle 10 sect 2 CE raquo Il faisait reacutefeacuterence agrave lrsquoarrecirct rendu dans lrsquoaffaire RMS cEspagne

preacuteciteacute et invoquait les dispositions de la Constitution espagnole qursquoil estimait pertinentes ainsi

que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le

regroupement familial entre lui et sa fille en raison de graves erreurs contenues dans les rapports

eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de lrsquoadministration qui ont servi de base au raisonnement des

juridictions internes

41 Par conseacutequent lrsquoexception du Gouvernement ne saurait ecirctre retenue

42 Constatant que la requecircte nrsquoest pas manifestement mal fondeacutee au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a)

de la Convention et qursquoelle ne se heurte par ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour la

deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Thegravese des parties

a) Le Gouvernement

43 Le Gouvernement concegravede que le droit au respect de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

a fait lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence de la part de lrsquoautoriteacute publique Il estime cependant que cette

ingeacuterence se justifie par une exigence primordiale touchant lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant et

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constitue un usage approprieacute de la marge drsquoappreacuteciation dont beacuteneacuteficient les autoriteacutes nationales

Il deacuteclare que en lrsquoespegravece la fille du requeacuterant avait inteacuterecirct agrave voir sa situation drsquoaccueil familial se

consolider apregraves 15 mois de placement dans un centre drsquoaccueil Il indique par ailleurs que la Cour

nrsquoest pas une juridiction de quatriegraveme instance et qursquoelle se doit de respecter la marge

drsquoappreacuteciation dont disposent les Eacutetats membres dans la reacuteglementation des relations parents-

enfants

44 Le Gouvernement indique que la deacutecision de lrsquoadministration locale de recourir agrave la

proceacutedure de placement en accueil familial preacuteadoptif a eacuteteacute adopteacutee dans le strict respect de la

leacutegislation de la protection des mineurs qursquoelle eacutetait ducircment motiveacutee et qursquoelle a eacuteteacute veacuterifieacutee par

les autoriteacutes judiciaires espagnoles conformeacutement agrave la loi Il ajoute que cette deacutecision nrsquoa pas eacuteteacute

prise de maniegravere arbitraire mais se fonde sur le manque drsquointeacuterecirct manifesteacute par le requeacuterant pour

sa fille Le Gouvernement expose que bien que le requeacuterant faisait lrsquoobjet drsquoune mesure

drsquoeacuteloignement jusqursquoen septembre 2013 celui-ci nrsquoa pas eu de contact avec ses enfants entre 2012 et

2015 et ne srsquoest pas rendu agrave Murcie en personne mais a agi par lettre par le biais drsquoune association

(paragraphe 11 ci-dessus) Il indique que la situation du requeacuterant diffegravere degraves lors de

lrsquoaffaire RMS c Espagne(preacuteciteacute sect 76) dans laquelle la Cour a conclu agrave une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention en raison de la constatation de la situation drsquoabandon drsquoune mineure malgreacute le

fait que la requeacuterante laquo srsquoeacutetait rendue au moins agrave 17 reprises au centre drsquoaccueil de Grenade alors

mecircme que lrsquoinstitution se trouvait relativement eacuteloigneacutee de son domicile et () qursquoelle nrsquoavait

mecircme pas eacuteteacute informeacutee que sa fille ne srsquoy trouvait plus raquo De plus le Gouvernement estime que en

lrsquoespegravece cette deacutecision avait eacuteteacute preacuteceacutedeacutee drsquoune analyse rigoureuse baseacutee sur les rapports eacutetablis

par les services de protection sociale de Murcie Il se reacutefegravere au rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 au rapport psychosocial du 19 juillet 2013 au rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 et au

rapport du 2 feacutevrier 2015 (paragraphes 14 et suivants ci-dessus)

45 Le Gouvernement considegravere que les deacutecisions prises en lrsquoespegravece par les autoriteacutes nrsquoeacutetaient

pas disproportionneacutees car celles-ci auraient eacutegalement veilleacute aux inteacuterecircts des parents biologiques

en leur garantissant une protection proceacutedurale suffisante et en les impliquant dans le processus

deacutecisionnel (W c Royaume-Uni 8 juillet 1987 sect 63 seacuterie A no 121) Il estime que les autoriteacutes ont agrave

tout moment respecteacute lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure la situation de sa famille proche et eacutelargie

et les principes de proportionnaliteacute et de neacutecessiteacute Il note les efforts des services sociaux de Murcie

pour contacter le requeacuterant (paragraphes 12 et 13 ci-dessus) ainsi que le fait que les organes

juridictionnels ont respecteacute les droits de la deacutefense en donnant la possibiliteacute aux parents de la

mineure drsquoexprimer leur point de vue et le cas eacutecheacuteant leur opposition agrave travers les deacutemarches et

les recours qui leur eacutetaient disponibles

46 Le Gouvernement indique que lrsquointeacuterecirct de chaque mineur doit ecirctre appreacutecieacute de faccedilon

individualiseacutee Par conseacutequent il estime que le fait pour le requeacuterant drsquoavoir reacutecupeacutereacute la garde de

ses deux fils ne modifiait pas la deacutecision des organes judiciaires car sa fille nrsquoaurait pas eacuteteacute dans

une situation comparable agrave celle de ses fregraveres en raison de son acircge et de ses circonstances

personnelles Se reacutefeacuterant agrave la deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie du 7 avril 2016 il estime

en effet que la reacuteinsertion de la mineure au sein de sa famille biologique nrsquoeacutetait plus possible au

risque de lui causer plus de preacutejudices que de beacuteneacutefices Il ajoute que la famille eacutelargie de lrsquoenfant

nrsquoa pas prouveacute aux services sociaux qursquoelle pouvait la prendre en charge

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47 Enfin le Gouvernement note que les droits eacutenonceacutes agrave lrsquoarticle 8 de la Convention

srsquoappliquent de maniegravere eacutegale tant agrave la famille biologique qursquoagrave la famille drsquoaccueil laquelle a creacuteeacute

des liens affectifs avec la mineure dont la Cour doit tenir compte

b) Le requeacuterant

48 Le requeacuterant estime que si lrsquoaccueil a pu ecirctre la meilleure solution pour consolider la

situation familiale de sa fille par le passeacute cette mesure a selon lui cesseacute de lrsquoecirctre lorsqursquoil a

reacutecupeacutereacute la garde des deux aicircneacutes avec lrsquoautorisation de lrsquoautoriteacute chargeacutee de leur protection Il

considegravere que justifier le placement de sa fille en famille drsquoaccueil par le laquo manque drsquointeacuterecirct raquo dont

il aurait fait preuve nrsquoa pas de sens degraves lors qursquoil a eacuteteacute priveacute de lrsquoautoriteacute parentale sur ses enfants

ainsi que des droits et devoirs y affeacuterents Il soutient que cette mesure agrave lrsquoorigine de la deacuteclaration

drsquoabandon de ses enfants srsquoest aveacutereacutee inutile puisqursquoil a eacuteteacute acquitteacute des charges peacutenales de

mauvais traitements agrave lrsquoencontre de sa femme Il ajoute que degraves qursquoil avait pu reprendre contact

avec ses enfants les plus acircgeacutes le mecircme reacutegime de visites lui avait de nouveau eacuteteacute interdit avec sa

fille De plus il argue que en tant qursquoeacutetranger ne parlant pas correctement lrsquoespagnol il lui eacutetait

difficile de prendre connaissance de la citation agrave comparaicirctre publieacutee dans le Journal officiel de la

reacutegion de Murcie (paragraphe 13 ci-dessus) et que cela nrsquoaurait pas ducirc ecirctre interpreacuteteacute comme un

manque drsquointeacuterecirct de sa part

49 Le requeacuterant considegravere que les services de protection de lrsquoenfance et les juridictions

espagnoles ont fait preuve de discrimination agrave son eacutegard car il eacutetait eacutetranger Il indique qursquoil vivait

agrave Madrid et qursquoil ne parlait pas correctement lrsquoespagnol agrave lrsquoeacutepoque Il rejette lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les autoriteacutes ont respecteacute le principe de leacutegaliteacute ainsi que ses droits

proceacuteduraux eacutetant donneacute que celles-ci ont baseacute leur deacutecision selon lui sur des arguments

infondeacutes et des rapports eacutetablis alors qursquoil faisait lrsquoobjet drsquoune poursuite peacutenale et qursquoil nrsquoeacutetait pas

en mesure de deacutefendre son aptitude agrave ecirctre pegravere

50 Le requeacuterant critique la motivation avanceacutee par lrsquoAudiencia provincial de Murcie en ce que

celle-ci considegravere comme eacutetant neacutegligeable le fait qursquoil ait reacutecupeacutereacute uniquement la garde de ses fils

et non celle de sa fille laquo parce que cela srsquoaveacutererait contre-productif pour [celle-ci] raquo alors que le

retour des deux garccedilons aupregraves de lui prouve selon lui qursquoil srsquointeacuteresse agrave ses enfants et qursquoil est

capable de les prendre en charge Il estime que cette deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie

reprise par le Gouvernement dans ses observations lui impute agrave tort des mauvais traitements

envers ses enfants et transfegravere agrave son encontre le manque drsquoadeacutequation de la conduite de la megravere de

ses enfants agrave leur eacutegard

2 Appreacuteciation de la Cour

a) Principes geacuteneacuteraux relatifs aux obligations positives qui incombent agrave lrsquoEacutetat deacutefendeur en

vertu de lrsquoarticle 8 de la Convention

51 La Cour rappelle que pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement

fondamental de la vie familiale (Buscemi c Italie no 2956995 sect 53 CEDH 1999-VI Saleck Bardi c

Espagne no 6616709 sectsect 49 et 50 24 mai 2011 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 68) et que des mesures

internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par lrsquoarticle 8 de la

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Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 151 CEDH 2001-VII et Barnea et Caldararu c

Italie no 3793115 sect 63 22 juin 2017)

52 Comme la Cour lrsquoa indiqueacute agrave plusieurs reprises lrsquoarticle 8 de la Convention a

essentiellement pour objet de preacutemunir lrsquoindividu contre les ingeacuterences arbitraires des autoriteacutes

publiques il ne se contente toutefois pas de commander agrave lrsquoEacutetat de srsquoabstenir de pareilles

ingeacuterences En effet si les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute responsable aboutissant au placement

drsquoun enfant dans un centre drsquoaccueil srsquoanalysent en des ingeacuterences dans le droit drsquoun parent au

respect de sa vie familiale (W c Royaume-Uni preacuteciteacute sect 59) les obligations positives inheacuterentes agrave

un respect effectif de la vie priveacutee ou familiale peuvent impliquer lrsquoadoption de mesures visant au

respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux (X et Y c Pays-Bas 26

mars 1985 sect 23 seacuterie A no 91 et Mincheva c Bulgarie no 2155803 sect 81 2 septembre 2010) Dans un

cas comme dans lrsquoautre il faut avoir eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts

concurrents ndash ceux de lrsquoenfant ceux des deux parents et ceux de lrsquoordre public - (Maumousseau et

Washington c France no 3938805 sect 62 6 deacutecembre 2007) en attachant toutefois une importance

deacuteterminante agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir dans ce sens Gnahoreacute c France no 4003198 sect

59 CEDH 2000-IX) qui selon sa nature et sa graviteacute peut lrsquoemporter sur celui des parents (Sahin c

Allemagne [GC] no 3094396 sect 66 CEDH 2003-VIII) De mecircme dans les deux hypothegraveses lrsquoEacutetat

jouit drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation (Saleck Bardi preacuteciteacute sect 50 et KAB c Espagne preacuteciteacute sect

95)

53 La Cour reacuteaffirme le principe bien eacutetabli dans sa jurisprudence selon lequel le but de la

Convention consiste agrave proteacuteger des droits concrets et effectifs (K et T c Finlande[GC] preacuteciteacute sect

154) Elle rappelle qursquoelle nrsquoa pas pour tacircche de se substituer aux autoriteacutes internes mais

drsquoexaminer sous lrsquoangle de la Convention les deacutecisions que ces autoriteacutes ont rendues dans

lrsquoexercice de leur pouvoir discreacutetionnaire

54 Comme la Cour lrsquoa affirmeacute agrave de nombreuses reprises lrsquoeacuteclatement drsquoune famille constitue

en effet une mesure tregraves grave qui doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de

lrsquoenfant et avoir assez de poids et de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC]

nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Agrave cet eacutegard et srsquoagissant de lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat de prendre des mesures positives la Cour a affirmeacute agrave maintes reprises que lrsquoarticle 8

implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et lrsquoobligation pour

les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie

A no 156 et Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre 1992 sect 90 seacuterie A no 250) Dans ce genre drsquoaffaire

le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise en œuvre car le passage du

temps peut avoir des conseacutequences irreacutemeacutediables sur les relations entre lrsquoenfant et le parent qui ne

vit pas avec lui (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 SH c Italie no 5255714 sect 42

13 octobre 2015) La deacutecision de prise en charge drsquoun enfant doit en principe ecirctre consideacutereacutee

comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances srsquoy precirctent et tout acte

drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et lrsquoenfant (K

et T c Finlande preacuteciteacute sect 178) Lorsqursquoune peacuteriode de temps consideacuterable srsquoest eacutecouleacutee depuis que

lrsquoenfant a eacuteteacute placeacute pour la premiegravere fois sous assistance lrsquointeacuterecirct qursquoa lrsquoenfant agrave ne pas voir sa

situation familiale de facto changer de nouveau peut lrsquoemporter sur lrsquointeacuterecirct des parents agrave la

reacuteunion de leur famille Degraves lors la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes jouissent drsquoune grande

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latitude pour appreacutecier la neacutecessiteacute de prendre en charge un enfant mais il faut exercer un controcircle

plus rigoureux agrave la fois sur les restrictions suppleacutementaires comme celles apporteacutees par les

autoriteacutes aux droits et aux visites des parents et sur les garanties destineacutees agrave assurer la protection

effective du droit des parents et enfants au respect de leur vie familiale (K et T c Finlande [GC]

preacuteciteacute sect 155) Lrsquoobligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la

famille degraves que cela sera vraiment possible srsquoimpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la

peacuteriode de prise en charge et avec de plus en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance

avec le devoir de consideacuterer lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Par ailleurs les obligations positives ne

se limitent pas agrave veiller agrave ce que lrsquoenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui

mais elles englobent eacutegalement lrsquoensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce

reacutesultat (voir mutatis mutandis Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004

etAmanalachioai c Roumanie no 402304 sect 95 26 mai 2009)

55 Il revient agrave la Cour drsquoappreacutecier si les autoriteacutes espagnoles ont agi en meacuteconnaissance de

leurs obligations positives deacutecoulant de lrsquoarticle 8 de la Convention (Hokkanen c Finlande 23

septembre 1994 sect 55 seacuterie A no 299-A Mikulić c Croatie no 5317699 sect 59 CEDH 2002-I P C et

S c Royaume-Uni no 5654700 sect 122 CEDH 2002-VI Evansc Royaume-Uni [GC] no 633905 sect 76

CEDH 2007-IV et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 98)

56 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter drsquoun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de lrsquoarticle

8 de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lrsquoapplication et lrsquointerpreacutetation des

dispositions leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de lrsquoarticle 8 de la

Convention en tenant notamment compte de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir mutatis

mutandis Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 et Barnea et Caldararu c

Italie preacuteciteacute sect 65 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115 RMS c Espagne preacuteciteacute sect 72)

b) Application en lrsquoespegravece des principes susmentionneacutes

57 La Cour relegraveve que le 15 juin 2012 les trois enfants du requeacuterant dont sa fille mineure acircgeacutee

agrave lrsquoeacutepoque drsquoun an et demi ont eacuteteacute placeacutes dans un centre drsquoaccueil agrave Madrid agrave la demande de leur

megravere et deacuteclareacutes en situation leacutegale drsquoabandon Agrave la suite du deacutemeacutenagement de leur megravere les

enfants ont eacuteteacute placeacutes dans des centres drsquoaccueil de Murcie Le requeacuterant nrsquoen a pas eacuteteacute informeacute

(paragraphes 8 et 9 ci-dessus)

58 Dans une affaire comme celle de lrsquoespegravece le juge se trouve en preacutesence drsquointeacuterecircts souvent

difficilement conciliables agrave savoir ceux de lrsquoenfant et ceux de ses parents biologiques et

notamment dans la preacutesente cause ceux du pegravere biologique et ceux de la famille drsquoaccueil Dans la

recherche de lrsquoeacutequilibre entre ces diffeacuterents inteacuterecircts lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale (Moretti et Benedetti c Italie no 1631807 sect 67 27 avril 2010)

59 En lrsquoespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave la neacutecessiteacute de lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en se reacutefeacuterant

aux maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves que ce dernier aurait infligeacutees agrave ses enfants agrave

lrsquoinstabiliteacute eacutemotionnelle et agrave lrsquointelligence limiteacutee de leur megravere (paragraphes 14 et 21 ci-dessus)

ainsi qursquoagrave lrsquoabsence de contact du requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date du placement

de ces derniers dans des centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du

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requeacuterant avec le service de protection des mineurs (paragraphe 21 ci-dessus) et agrave lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le requeacuterant et sa fille (paragraphe 24 ci-dessus) La Cour relegraveve qursquoagrave aucun

moment de cette proceacutedure administrative lrsquoacquittement du requeacuterant le 27 septembre 2013 de

toutes les charges retenues contre lui et lrsquoannulation des mesures drsquoeacuteloignement prises initialement

agrave son encontre lrsquoempecircchant entre-temps de garder le contact avec ses enfants (paragraphe 20 ci-

dessus) nrsquoont eacuteteacute pris en compte

60 La Cour observe que la deacutecision du juge de premiegravere instance de Murcie dateacutee du 11 feacutevrier

2015 (paragraphe 25 ci-dessus) enteacuterinant la deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales

relative au placement preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en famille drsquoaccueil persistait agrave ne pas

prendre en compte la nouvelle situation peacutenale du requeacuterant depuis le 27 septembre 2013 date de

son acquittement Elle note que le juge de premiegravere instance de Murcie ne se prononccedilait drsquoailleurs

pas sur les capaciteacutes eacuteducatives et psychosociales du requeacuterant pour reacutecupeacuterer la garde de sa fille

mineure La deacutecision se bornait agrave prendre en compte les arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes dans les

rapports eacutetablis par lrsquoadministration

61 La Cour observe que la question de savoir si le processus deacutecisionnel a suffisamment

proteacutegeacute les inteacuterecircts drsquoun parent deacutepend des circonstances propres agrave chaque affaire(W c Royaume-

Uni 8 juillet 1987 sect 64 seacuterie A no 121 Elsholz c Allemagne [GC] no 2573594 sect 52

CEDH 2000-VIII) Pour ce faire elle doit veacuterifier si les juridictions nationales se sont livreacutees agrave un

examen approfondi de lrsquoensemble de la situation familiale et de toute une seacuterie drsquoeacuteleacutements drsquoordre

factuel affectif psychologique mateacuteriel et meacutedical notamment et si elles ont proceacutedeacute agrave une

appreacuteciation eacutequilibreacutee et raisonnable des inteacuterecircts respectifs (voir mutatis mutandis Neulinger

et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 139 CEDH 2010) La Cour relegraveve agrave cet eacutegard que au cours

de la proceacutedure devant le juge de premiegravere instance et lrsquoAudiencia provincial le requeacuterant a eu la

possibiliteacute de preacutesenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des proceacutedures

judiciaires ougrave il eacutetait repreacutesenteacute par un avocat au moins agrave partir du 19 novembre 2013

(paragraphe20 ci-dessus) La Cour ne deacutecegravele en conseacutequence aucun manquement formellement

imputable aux juridictions internes agrave cet eacutegard mais plutocirct une inertie des ces derniegraveres dans la

prise en compte des conclusions des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de

lrsquoadministration intervenus tout au long de lrsquoexamen de affaire

62 La Cour rappelle que dans les affaires touchant la vie familiale la rupture du contact avec

un enfant tregraves jeune peut conduire agrave une alteacuteration croissante de sa relation avec son parent (voir

entre autres Pini et autres c Roumanie nos 7802801 et 7803001 sect 175 CEDH 2004-V (extraits)

et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 103) Il en va ainsi dans la preacutesente affaire Les rapports des 28 feacutevrier

et 18 deacutecembre 2014 (paragraphes 21 et 23 ci-dessus) ont deacutemontreacute que la fille du requeacuterant eacutetait

bien inteacutegreacutee dans sa famille drsquoaccueil depuis le 24 septembre 2013 (paragraphe 17 ci-dessus) Le

passage du temps a eu pour effet de rendre deacutefinitive une situation qui eacutetait censeacutee ecirctre provisoire

compte tenu du tregraves jeune acircge de lrsquoenfant lorsque la situation leacutegale drsquoabandon a eacuteteacute constateacutee et

que la mise sous tutelle est intervenue (paragraphe 8 ci-dessus)

63 La Cour rappelle qursquoil ne lui appartient pas de substituer son appreacuteciation agrave celle des

autoriteacutes nationales compeacutetentes quant aux mesures qui auraient ducirc ecirctre prises car ces autoriteacutes

sont en principe mieux placeacutees pour proceacuteder agrave une telle eacutevaluation Tout en reconnaissant qursquoen

lrsquoespegravece les juridictions internes se sont appliqueacutees de bonne foi agrave preacuteserver le bien-ecirctre de la

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

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67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 6: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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26 Le 13 mars 2015 le requeacuterant fit appel de la deacutecision du 11 feacutevrier 2015 autorisant le

placement de sa fille en accueil familial en vue de son adoption Son eacutepouse fit de mecircme Le

requeacuterant soutenait notamment que ce jugement nrsquoindiquait pas les motifs empecircchant la prise en

charge de lrsquoenfant par son pegravere alors qursquoil avait eacuteteacute acquitteacute de toutes les charges porteacutees agrave son

encontre Il indiquait que la situation drsquoabandon de ses enfants avait eacuteteacute causeacutee par la faccedilon drsquoagir

de son eacutepouse les particulariteacutes de la personnaliteacute de cette derniegravere ainsi que par la guerre en

Syrie agrave laquelle ils avaient pu eacutechapper en quittant le pays Il srsquoestimait victime de lrsquoincapaciteacute de

la megravere de sa fille agrave srsquooccuper de cette derniegravere alors que sa propre capaciteacute agrave eacutelever sa fille et agrave

prendre soin drsquoelle nrsquoa selon lui nullement eacuteteacute examineacutee ni par les autoriteacutes administratives ni par

les organes judiciaires

27 Dans son eacutecrit drsquoopposition agrave lrsquoappel interjeteacute par le requeacuterant contre la deacutecision du 11

feacutevrier 2015 du juge de premiegravere instance no 3 lrsquoavocate du gouvernement reacutegional nota que le

requeacuterant nrsquoavait montreacute aucun inteacuterecirct pour ses enfants apregraves leur accueil dans des centres

drsquoaccueil de Murcie le 28 juin 2012 Elle releva eacutegalement que le requeacuterant nrsquoavait pas non plus

attaqueacute la deacutecision administrative ratifiant lrsquoaccueil des enfants

28 Le 7 avril 2016 lrsquoAudiencia provincial de Murcie deacutebouta le requeacuterant ainsi que son eacutepouse

de leurs appels respectifs et confirma la deacutecision attaqueacutee exposant que

laquo () [selon] la deacutecision attaqueacutee une telle mesure [le placement de lrsquoenfant en accueil

familial preacuteadoptif] garantit lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure et contribue efficacement agrave son

deacuteveloppement dans son ensemble

()

Il faut prendre en compte lrsquoappreacuteciation faite par lrsquoadministration sur le manque drsquointeacuterecirct du

requeacuterant Drsquoune part celui-ci nrsquoa entameacute aucune deacutemarche apregraves avoir demandeacute des

informations sur la situation de ses enfants et avoir reccedilu en feacutevrier 2013 les renseignements

demandeacutes Drsquoautre part il nrsquoest pas intervenu dans la proceacutedure agrave lrsquoexception drsquoun eacutecrit

preacutesenteacute le 19 novembre 2013 alors qursquoil avait eacuteteacute informeacute agrave plusieurs reprises de la

confirmation de la prise en charge de ses enfants par lrsquoorganisme public au mois drsquoavril 2013

()

Ce nrsquoest que le 28 mai 2014 apregraves plusieurs convocations infructueuses qursquoil est intervenu

dans la proceacutedure pour contester la deacutecision de placement de A [sa fille] en famille drsquoaccueil

() Il apparaicirct en vertu du rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 que la mineure est resteacutee

heacutebergeacutee dans le Centre de protection des mineurs pendant un an et trois mois et qursquoelle nrsquoa

aucun lien avec son pegravere Par ailleurs les moyens de preuve examineacutes et en particulier le

rapport de suivi du 18 deacutecembre 2014 montrent les liens affectifs de qualiteacute et lrsquoidentification

de la mineure en tant que membre de sa famille drsquoaccueil ainsi que son adaptation au nouvel

environnement sociofamilial Ce rapport eacutetablit que les besoins de A sont satisfaits dans cet

environnement et que cet accueil est beacuteneacutefique pour son deacuteveloppement personnel et ajoute

que le mieux pour elle est qursquoelle soit adopteacutee par le couple accueillant [et qursquoil est neacutecessaire]

drsquoeacutevaluer les conseacutequences neacutegatives qui pourraient deacutecouler de la cessation de lrsquoaccueil

Concregravetement il est mentionneacute que cela eacutequivaudrait agrave une agression de la mineure dans tous

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les domaines de son deacuteveloppement physique intellectuel et moral ce qui supposerait un

grave danger pour sa santeacute mentale et aurait une influence sur lrsquoeacutepanouissement de sa

personnaliteacute et sur sa capaciteacute pour eacutetablir des relations interpersonnelles tout au long de sa

vie

()

Il convient drsquoajouter par ailleurs que le document fourni par [le requeacuterant] (M Haddad)

dans le cadre de la proceacutedure drsquoappel dans lequel le Service de protection des mineurs

indique la fin de la prise en charge des deux fregraveres drsquoA L acircgeacute de treize ans et Ad acircgeacute de dix

ans au motif qursquoils sont retourneacutes vivre avec leur pegravere est totalement deacutenueacute de pertinence Et

cela parce qursquoil ne mentionne pas les motifs qui ont conduit agrave la fin de la prise en charge et

aussi parce que la situation actuelle de la mineure A acircgeacutee de quatre ans dans le cadre de la

proceacutedure drsquoaccueil en vue de son adoption en cours et [du processus] drsquointeacutegration [dans la

famille] et les conseacutequences neacutegatives et nuisibles qursquoentraicircnerait la fin de cet accueil ainsi que

lrsquoont eacutetabli les rapports drsquoexpertise ne plaident pas en faveur drsquoun changement de mesure agrave

son sujet () raquo

29 Le 26 feacutevrier 2016 le gouvernement reacutegional mit fin agrave la prise en charge des deux fils du

requeacuterant par le service de protection des mineurs et autorisa leur retour aupregraves de leur pegravere Ils

habitent avec lui depuis cette date

30 Le 13 juin 2016 le requeacuterant forma un recours drsquoamparo devant le Tribunal constitutionnel

dans lequel il exposait dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles cette action

preacutesentait selon lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il invoquait les articles 24 (droit agrave un

procegraves eacutequitable) et 39 de la Constitution ainsi que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les

deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le regroupement familial entre sa fille et lui en raison de

graves erreurs contenues dans les diffeacuterents rapports de lrsquoadministration qui ont servi de base au

raisonnement aux juridictions internes Par une deacutecision notifieacutee le 19 octobre 2016 le Tribunal

constitutionnel deacuteclara le recours drsquoamparo irrecevable faute pour lrsquointeacuteresseacute drsquoavoir justifieacute

lrsquoimportance constitutionnelle de son recours

II LE DROIT INTERNE PERTINENT

31 Les dispositions pertinentes en lrsquoespegravece de la Constitution se lisent ainsi

Article 24

laquo 1 Toute personne a droit agrave la protection effective des juges et des tribunaux dans lrsquoexercice

de ses droits et inteacuterecircts leacutegitimes sans qursquoen aucun cas elle puisse ecirctre mise dans

lrsquoimpossibiliteacute de se deacutefendre

() raquo

Article 39

laquo 1 Les pouvoirs publics assurent la protection sociale eacuteconomique et juridique de la famille

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2 Les pouvoirs publics assurent eacutegalement la protection inteacutegrale des enfants qui sont eacutegaux

devant la loi indeacutependamment de leur filiation et celle de la megravere quel que soit son eacutetat civil

La loi rendra possible la recherche de la paterniteacute

3 Les parents doivent precircter assistance dans tous les domaines agrave leurs enfants qursquoils soient

neacutes dans le mariage ou en dehors de celui-ci pendant leur minoriteacute et dans les autres cas

preacutevus par la loi

4 Les enfants jouissent de la protection preacutevue par les accords internationaux qui veillent sur

leurs droits raquo

32 Lrsquoarticle 17 de la Loi organique 11996 du 15 janvier 1996 portant sur la protection juridique

des mineurs dispose que

laquo Devant toute situation agrave risque quelle qursquoelle soit portant preacutejudice au deacuteveloppement

personnel ou social du mineur et nrsquoexigeant pas sa mise sous tutelle en vertu de la loi lrsquoaction

des pouvoirs publics doit dans tous les cas garantir les droits du mineur et tendre agrave la

reacuteduction des facteurs de risque et des difficulteacutes sociales qui ont une incidence sur sa

situation personnelle et sociale ainsi que promouvoir les facteurs de protection du mineur et

de sa famille

Une fois la situation de risque appreacutecieacutee lrsquoadministration compeacutetente en matiegravere de

protection de mineurs mettra en œuvre les actions pertinentes pour lrsquoatteacutenuer et proceacutedera au

suivi de lrsquoeacutevolution du mineur dans sa famille raquo

33 Les dispositions pertinentes en lrsquoespegravece du code civil se lisent comme suit

Article 172

laquo 1 Lorsque lrsquoinstitution publique responsable de la protection des mineurs dans son ressort

territorial constate qursquoun mineur se trouve dans une situation drsquoabandon elle en assume de

plein droit la tutelle et doit mettre en œuvre les mesures neacutecessaires pour garantir sa

protection et sa tutelle () [Les parents et tuteurs] seront autant que possible informeacutes

personnellement et de maniegravere claire et compreacutehensible des motifs ayant donneacute lieu agrave

lrsquointervention de lrsquoadministration et des effets possibles de la deacutecision adopteacutee

Un mineur est consideacutereacute comme eacutetant en situation drsquoabandon lorsque de fait il se trouve

dans une situation deacutecoulant soit drsquoun manquement aux devoirs de protection eacutetablis par les

textes de loi portant sur la tutelle des mineurs soit de lrsquoimpossibiliteacute drsquoexercer ces devoirs ou

de les exercer correctement et qursquoil est priveacute de lrsquoassistance morale ou mateacuterielle qui lui est

neacutecessaire

Lrsquoexercice de la tutelle par lrsquoadministration implique la suspension de lrsquoautoriteacute parentale ou

de la tutelle ordinaire ()

2 Lorsque en raison de circonstances graves les parents ou les tuteurs ne peuvent pas

prendre soin du mineur ils peuvent solliciter de lrsquoadministration compeacutetente qursquoelle en

assume la tutelle pendant le temps neacutecessaire

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La cession de la tutelle se fera par eacutecrit et il sera constateacute que les parents ou tuteurs ont eacuteteacute

informeacutes des responsabiliteacutes qursquoils ont toujours par rapport agrave lrsquoenfant ainsi que la faccedilon dans

laquelle la tutelle sera exerceacutee par lrsquoadministration

()

3 La tutelle assumeacutee agrave la demande des parents ou tuteurs ou en vertu drsquoune obligation

leacutegale prendra la forme de lrsquoaccueil familial ou en reacutesidence ()

4 Lrsquointeacuterecirct du mineur est toujours rechercheacute Agrave moins que lrsquointeacuterecirct du mineur ne srsquoy oppose

[lrsquoadministration srsquoefforce] de le reacuteinteacutegrer dans sa propre famille et de confier la tutelle des

fregraveres et sœurs agrave la mecircme institution ou personne

()

7 Les parents dont lrsquoautoriteacute parentale est suspendue en vertu du paragraphe 1 du preacutesent

article peuvent solliciter la cessation de la suspension et la reacutevocation de la deacuteclaration

drsquoabandon pendant un deacutelai de deux ans agrave compter de la notification administrative de la

deacuteclaration drsquoabandon srsquoils estiment qursquoils peuvent de nouveau exercer lrsquoautoriteacute parentale en

raison drsquoun changement des circonstances lrsquoayant motiveacutee

Ils peuvent aussi contester pendant ce mecircme deacutelai les deacutecisions prises en rapport avec la

protection du mineur

()

Une fois ce deacutelai eacutecouleacute ils nrsquoont plus le droit de demander ou de contester les deacutecisions ou

les mesures prises en vue de la protection du mineur ()

8 Lrsquoadministration drsquooffice ou agrave la demande du ministegravere public ou de toute personne ou

institution inteacuteresseacutees peut agrave tout moment reacutevoquer la deacuteclaration drsquoabandon et deacutecider du

retour du mineur avec sa famille srsquoil nrsquoest pas inteacutegreacute de maniegravere stable dans une autre famille

ou si elle estime que crsquoest la mesure la plus adeacutequate pour lrsquointeacuterecirct du mineur La deacutecision

sera notifieacutee au ministegravere public raquo

Article 173

laquo 1 Le placement en famille drsquoaccueil implique la pleine participation du mineur agrave la vie du

foyer familial et lrsquoobligation pour la famille drsquoaccueil de veiller sur lui de srsquooccuper de lui de

le nourrir de lrsquoeacuteduquer et de lui offrir une instruction complegravete

()

3 Si les parents () srsquoopposent [au placement du mineur en famille drsquoaccueil] ce placement

doit faire lrsquoobjet drsquoune deacutecision judiciaire dans lrsquointeacuterecirct du mineur ()

Toutefois lrsquoadministration peut deacutecider dans lrsquointeacuterecirct du mineur de le placer

provisoirement en famille drsquoaccueil jusqursquoagrave ce que la deacutecision judiciaire soit rendue

() raquo

Article 173 bis

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laquo Lrsquoaccueil familial peut revecirctir lrsquoune des modaliteacutes suivantes selon sa finaliteacute

1er lrsquoaccueil familial simple qui revecirct un caractegravere provisoire soit parce que la situation du

mineur permet de preacutevoir sa reacuteinsertion dans sa propre famille soit parce qursquoune autre

mesure de protection plus durable est en voie drsquoecirctre adopteacutee

2e lrsquoaccueil familial permanent lorsque en raison de lrsquoacircge ou drsquoautres circonstances

concernant le mineur ou sa famille [ce mode] semble preacutefeacuterable et est ainsi recommandeacute par

les services de protection des mineurs ()

3e lrsquoaccueil familial preacuteadoptif formaliseacute par lrsquoadministration lorsqursquoelle preacutesente agrave

lrsquoautoriteacute judiciaire une proposition drsquoadoption du mineur [laquelle doit ecirctre] viseacutee par les

services de protection des mineurs pourvu que les parents drsquoaccueil remplissent les

conditions requises pour lrsquoadoption aient eacuteteacute seacutelectionneacutes et aient donneacute leur consentement agrave

lrsquoadministration et que le mineur se trouve dans une situation juridique le rendant apte agrave ecirctre

adopteacuteLrsquoadministration peut aussi mettre en place un accueil familial preacuteadoptif lorsqursquoelle

considegravere avant la preacutesentation de la proposition drsquoadoption qursquoil est neacutecessaire drsquoeacutetablir une

peacuteriode drsquoadaptation du mineur dans la famille Cette peacuteriode est la plus bregraveve possible et ne

peut deacutepasser un an raquo

Article 222

laquo Sont placeacutes sous tutelle

()

4e Les mineurs en situation drsquoabandon raquo

34 Lrsquoarticle 35 de la Loi 31995 du 21 mars 1995 de la reacutegion de Murcie relative agrave lrsquoenfance se

lit comme suit

Article 35

laquo 1 La mesure drsquoaccueil peut ecirctre appliqueacutee preacutealablement agrave lrsquoadoption

a) si le mineur preacutesente des signes de mauvais traitements physiques ou psychiques drsquoabus

sexuels drsquoexploitation ou drsquoautres [mauvais traitements] de nature analogue ou si par tout

autre motif les parents ou les tuteurs sont sous le coup drsquoune cause de privation de lrsquoautoriteacute

parentale et qursquoil soit preacutevu que cette situation soit permanente

b) si les parents ou tuteurs sont empecirccheacutes drsquoexercer leur autoriteacute parentale et qursquoil est preacutevu

que cette situation soit permanente

c) si les parents ou tuteurs en font la demande agrave lrsquoorganisme compeacutetent et deacutelaissent les

droits et les devoirs inheacuterents agrave leur fonction

e) srsquoil en est ainsi deacutecideacute par lrsquoautoriteacute judiciaire

2 Dans les cas deacutefinis agrave lrsquoalineacutea 1 afin drsquoobtenir une meilleure inteacutegration dans la famille

drsquoaccueil les visites et les rapports avec la famille biologique sont suspendus si cela convient

agrave lrsquointeacuterecirct du mineur raquo

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EN DROIT

I SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

35 Le requeacuterant reproche au service de protection des mineurs de nrsquoavoir pris aucune mesure

pour favoriser le reacutetablissement des contacts avec sa fille agrave la suite de son acquittement et de la

leveacutee des mesures provisoires drsquoeacuteloignement et de non-communication Il invoque lrsquoarticle 8 de la

Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son domicile et de sa

correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit que pour

autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une mesure qui dans une

socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave la sucircreteacute publique au bien-ecirctre

eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la

protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

A Sur la recevabiliteacute

36 Le Gouvernement excipe du non-eacutepuisement des voies de recours internes Il soutient drsquoune

part que le requeacuterant nrsquoa pas saisi lrsquoAudiencia provincial drsquoun recours en nulliteacute avant de saisir le

Tribunal constitutionnel de son recours drsquoamparo Drsquoautre part il note que le recours drsquoamparo a eacuteteacute

deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir rempli

lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle speacuteciale

conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la Loi organique nordm 21979 relative au

Tribunal constitutionnel (LOTC) modifieacutee par la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

37 Le requeacuterant indique que le recours en nulliteacute nrsquoeacutetait pas pertinent ce qui eacutetait aussi lrsquoavis

du Tribunal constitutionnel qui nrsquoa pas rejeteacute son recours drsquoamparo pour ce motif Il ajoute que la

deacutecision drsquoirrecevabiliteacute de son recours drsquoamparo faute drsquoavoir deacutemontreacute lrsquoimportance

constitutionnelle de ses griefs a eacuteteacute prononceacutee agrave tort comme cela avait eacuteteacute aussi le cas selon lui

dans lrsquoaffaire RMS c Espagne (no 2877512 18 juin 2013) qui a fait lrsquoobjet drsquoun constat de violation

de lrsquoarticle 8 de la Convention par la Cour

38 Concernant la premiegravere branche de lrsquoexception souleveacutee par le Gouvernement la Cour

estime que le requeacuterant a fourni aux juridictions internes et en dernier ressort au Tribunal

constitutionnel lrsquooccasion de remeacutedier agrave la violation alleacutegueacutee Concernant lrsquoargument du

Gouvernement tireacute du manque drsquoeacutepuisement des voies de recours internes en raison de lrsquoabsence

de recours en nulliteacute elle observe que le Tribunal constitutionnel nrsquoa pas deacuteclareacute le recours

drsquoamparo du requeacuterant irrecevable pour ce motif et qursquoil nrsquoa agrave aucun moment fait mention drsquoune

eacuteventuelle exigence de preacutesentation preacutealable de ce recours La Cour rappelle que crsquoest drsquoabord

aux autoriteacutes nationales et speacutecialement aux cours et tribunaux qursquoil incombe drsquointerpreacuteter le

droit interne (Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne 19 deacutecembre 1997 sect 31 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-VIII) et notamment les questions de proceacutedure et qursquoelle ne substituera pas sa

propre interpreacutetation du droit agrave la leur en lrsquoabsence drsquoarbitraire Elle ne saurait degraves lors exiger du

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requeacuterant lrsquoeacutepuisement drsquoune voie de recours que le Tribunal constitutionnel lui-mecircme nrsquoa pas

consideacutereacutee comme exigible en lrsquoespegravece

39 Concernant la seconde branche de lrsquoexception du Gouvernement celui-ci estime que les

voies de recours internes nrsquoont pas eacuteteacute correctement eacutepuiseacutees dans la mesure ougrave le recours

drsquoamparo a eacuteteacute deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir

rempli lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle

speacuteciale conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la LOTC telle que modifieacutee par

la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

40 Agrave cet eacutegard comme elle lrsquoa deacutejagrave fait dans lrsquoaffaire Arribas Antoacuten c Espagne (no 1656311

20 janvier 2015) la Cour tient agrave souligner que le fait que le Tribunal constitutionnel ait deacuteclareacute un

recours drsquoamparo irrecevable au motif qursquoil ne revecirctait pas lrsquoimportance constitutionnelle speacuteciale

requise ou le cas eacutecheacuteant que son auteur nrsquoavait pas deacutemontreacute lrsquoexistence de pareille importance

ne lrsquoempecircche pas de se prononcer sur la recevabiliteacute et le fond drsquoune requecircte (ibidem sect 51 avec les

reacutefeacuterences aux arrecircts de la Cour rendus agrave la suite de deacutecisions drsquoirrecevabiliteacute des recours

drsquoamparo par le Tribunal constitutionnel en application de ce critegravere Del Riacuteo Prada c Espagne [GC]

no 4275009 sect 22 CEDH 2013 Varela Geis c Espagne no 6100509 5 mars 2013 Manzanas Martiacuten c

Espagne no 1796610 sect 14 3 avril 2012 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 45 voirplus

reacutecemment Rodriguez Ravelo c Espagne no 4807410 sect 24 12 janvier 2016 et en dernier lieu Saber

et Boughassal c Espagne nos 7655013 et 4593814 sect 30 18 deacutecembre 2018) La Cour relegraveve qursquoen

lrsquoespegravece le requeacuterant a exposeacute dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles le recours

drsquoamparo avait pour lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il a indiqueacute que ledit recours

satisfaisait agrave la condition drsquoimportance constitutionnelle speacuteciale dans la mesure ougrave il eacutetait fondeacute

sur la jurisprudence laquo des organes chargeacutes de lrsquointerpreacutetation des traiteacutes et accords internationaux

viseacutes agrave lrsquoarticle 10 sect 2 CE raquo Il faisait reacutefeacuterence agrave lrsquoarrecirct rendu dans lrsquoaffaire RMS cEspagne

preacuteciteacute et invoquait les dispositions de la Constitution espagnole qursquoil estimait pertinentes ainsi

que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le

regroupement familial entre lui et sa fille en raison de graves erreurs contenues dans les rapports

eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de lrsquoadministration qui ont servi de base au raisonnement des

juridictions internes

41 Par conseacutequent lrsquoexception du Gouvernement ne saurait ecirctre retenue

42 Constatant que la requecircte nrsquoest pas manifestement mal fondeacutee au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a)

de la Convention et qursquoelle ne se heurte par ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour la

deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Thegravese des parties

a) Le Gouvernement

43 Le Gouvernement concegravede que le droit au respect de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

a fait lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence de la part de lrsquoautoriteacute publique Il estime cependant que cette

ingeacuterence se justifie par une exigence primordiale touchant lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant et

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constitue un usage approprieacute de la marge drsquoappreacuteciation dont beacuteneacuteficient les autoriteacutes nationales

Il deacuteclare que en lrsquoespegravece la fille du requeacuterant avait inteacuterecirct agrave voir sa situation drsquoaccueil familial se

consolider apregraves 15 mois de placement dans un centre drsquoaccueil Il indique par ailleurs que la Cour

nrsquoest pas une juridiction de quatriegraveme instance et qursquoelle se doit de respecter la marge

drsquoappreacuteciation dont disposent les Eacutetats membres dans la reacuteglementation des relations parents-

enfants

44 Le Gouvernement indique que la deacutecision de lrsquoadministration locale de recourir agrave la

proceacutedure de placement en accueil familial preacuteadoptif a eacuteteacute adopteacutee dans le strict respect de la

leacutegislation de la protection des mineurs qursquoelle eacutetait ducircment motiveacutee et qursquoelle a eacuteteacute veacuterifieacutee par

les autoriteacutes judiciaires espagnoles conformeacutement agrave la loi Il ajoute que cette deacutecision nrsquoa pas eacuteteacute

prise de maniegravere arbitraire mais se fonde sur le manque drsquointeacuterecirct manifesteacute par le requeacuterant pour

sa fille Le Gouvernement expose que bien que le requeacuterant faisait lrsquoobjet drsquoune mesure

drsquoeacuteloignement jusqursquoen septembre 2013 celui-ci nrsquoa pas eu de contact avec ses enfants entre 2012 et

2015 et ne srsquoest pas rendu agrave Murcie en personne mais a agi par lettre par le biais drsquoune association

(paragraphe 11 ci-dessus) Il indique que la situation du requeacuterant diffegravere degraves lors de

lrsquoaffaire RMS c Espagne(preacuteciteacute sect 76) dans laquelle la Cour a conclu agrave une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention en raison de la constatation de la situation drsquoabandon drsquoune mineure malgreacute le

fait que la requeacuterante laquo srsquoeacutetait rendue au moins agrave 17 reprises au centre drsquoaccueil de Grenade alors

mecircme que lrsquoinstitution se trouvait relativement eacuteloigneacutee de son domicile et () qursquoelle nrsquoavait

mecircme pas eacuteteacute informeacutee que sa fille ne srsquoy trouvait plus raquo De plus le Gouvernement estime que en

lrsquoespegravece cette deacutecision avait eacuteteacute preacuteceacutedeacutee drsquoune analyse rigoureuse baseacutee sur les rapports eacutetablis

par les services de protection sociale de Murcie Il se reacutefegravere au rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 au rapport psychosocial du 19 juillet 2013 au rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 et au

rapport du 2 feacutevrier 2015 (paragraphes 14 et suivants ci-dessus)

45 Le Gouvernement considegravere que les deacutecisions prises en lrsquoespegravece par les autoriteacutes nrsquoeacutetaient

pas disproportionneacutees car celles-ci auraient eacutegalement veilleacute aux inteacuterecircts des parents biologiques

en leur garantissant une protection proceacutedurale suffisante et en les impliquant dans le processus

deacutecisionnel (W c Royaume-Uni 8 juillet 1987 sect 63 seacuterie A no 121) Il estime que les autoriteacutes ont agrave

tout moment respecteacute lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure la situation de sa famille proche et eacutelargie

et les principes de proportionnaliteacute et de neacutecessiteacute Il note les efforts des services sociaux de Murcie

pour contacter le requeacuterant (paragraphes 12 et 13 ci-dessus) ainsi que le fait que les organes

juridictionnels ont respecteacute les droits de la deacutefense en donnant la possibiliteacute aux parents de la

mineure drsquoexprimer leur point de vue et le cas eacutecheacuteant leur opposition agrave travers les deacutemarches et

les recours qui leur eacutetaient disponibles

46 Le Gouvernement indique que lrsquointeacuterecirct de chaque mineur doit ecirctre appreacutecieacute de faccedilon

individualiseacutee Par conseacutequent il estime que le fait pour le requeacuterant drsquoavoir reacutecupeacutereacute la garde de

ses deux fils ne modifiait pas la deacutecision des organes judiciaires car sa fille nrsquoaurait pas eacuteteacute dans

une situation comparable agrave celle de ses fregraveres en raison de son acircge et de ses circonstances

personnelles Se reacutefeacuterant agrave la deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie du 7 avril 2016 il estime

en effet que la reacuteinsertion de la mineure au sein de sa famille biologique nrsquoeacutetait plus possible au

risque de lui causer plus de preacutejudices que de beacuteneacutefices Il ajoute que la famille eacutelargie de lrsquoenfant

nrsquoa pas prouveacute aux services sociaux qursquoelle pouvait la prendre en charge

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47 Enfin le Gouvernement note que les droits eacutenonceacutes agrave lrsquoarticle 8 de la Convention

srsquoappliquent de maniegravere eacutegale tant agrave la famille biologique qursquoagrave la famille drsquoaccueil laquelle a creacuteeacute

des liens affectifs avec la mineure dont la Cour doit tenir compte

b) Le requeacuterant

48 Le requeacuterant estime que si lrsquoaccueil a pu ecirctre la meilleure solution pour consolider la

situation familiale de sa fille par le passeacute cette mesure a selon lui cesseacute de lrsquoecirctre lorsqursquoil a

reacutecupeacutereacute la garde des deux aicircneacutes avec lrsquoautorisation de lrsquoautoriteacute chargeacutee de leur protection Il

considegravere que justifier le placement de sa fille en famille drsquoaccueil par le laquo manque drsquointeacuterecirct raquo dont

il aurait fait preuve nrsquoa pas de sens degraves lors qursquoil a eacuteteacute priveacute de lrsquoautoriteacute parentale sur ses enfants

ainsi que des droits et devoirs y affeacuterents Il soutient que cette mesure agrave lrsquoorigine de la deacuteclaration

drsquoabandon de ses enfants srsquoest aveacutereacutee inutile puisqursquoil a eacuteteacute acquitteacute des charges peacutenales de

mauvais traitements agrave lrsquoencontre de sa femme Il ajoute que degraves qursquoil avait pu reprendre contact

avec ses enfants les plus acircgeacutes le mecircme reacutegime de visites lui avait de nouveau eacuteteacute interdit avec sa

fille De plus il argue que en tant qursquoeacutetranger ne parlant pas correctement lrsquoespagnol il lui eacutetait

difficile de prendre connaissance de la citation agrave comparaicirctre publieacutee dans le Journal officiel de la

reacutegion de Murcie (paragraphe 13 ci-dessus) et que cela nrsquoaurait pas ducirc ecirctre interpreacuteteacute comme un

manque drsquointeacuterecirct de sa part

49 Le requeacuterant considegravere que les services de protection de lrsquoenfance et les juridictions

espagnoles ont fait preuve de discrimination agrave son eacutegard car il eacutetait eacutetranger Il indique qursquoil vivait

agrave Madrid et qursquoil ne parlait pas correctement lrsquoespagnol agrave lrsquoeacutepoque Il rejette lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les autoriteacutes ont respecteacute le principe de leacutegaliteacute ainsi que ses droits

proceacuteduraux eacutetant donneacute que celles-ci ont baseacute leur deacutecision selon lui sur des arguments

infondeacutes et des rapports eacutetablis alors qursquoil faisait lrsquoobjet drsquoune poursuite peacutenale et qursquoil nrsquoeacutetait pas

en mesure de deacutefendre son aptitude agrave ecirctre pegravere

50 Le requeacuterant critique la motivation avanceacutee par lrsquoAudiencia provincial de Murcie en ce que

celle-ci considegravere comme eacutetant neacutegligeable le fait qursquoil ait reacutecupeacutereacute uniquement la garde de ses fils

et non celle de sa fille laquo parce que cela srsquoaveacutererait contre-productif pour [celle-ci] raquo alors que le

retour des deux garccedilons aupregraves de lui prouve selon lui qursquoil srsquointeacuteresse agrave ses enfants et qursquoil est

capable de les prendre en charge Il estime que cette deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie

reprise par le Gouvernement dans ses observations lui impute agrave tort des mauvais traitements

envers ses enfants et transfegravere agrave son encontre le manque drsquoadeacutequation de la conduite de la megravere de

ses enfants agrave leur eacutegard

2 Appreacuteciation de la Cour

a) Principes geacuteneacuteraux relatifs aux obligations positives qui incombent agrave lrsquoEacutetat deacutefendeur en

vertu de lrsquoarticle 8 de la Convention

51 La Cour rappelle que pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement

fondamental de la vie familiale (Buscemi c Italie no 2956995 sect 53 CEDH 1999-VI Saleck Bardi c

Espagne no 6616709 sectsect 49 et 50 24 mai 2011 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 68) et que des mesures

internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par lrsquoarticle 8 de la

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Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 151 CEDH 2001-VII et Barnea et Caldararu c

Italie no 3793115 sect 63 22 juin 2017)

52 Comme la Cour lrsquoa indiqueacute agrave plusieurs reprises lrsquoarticle 8 de la Convention a

essentiellement pour objet de preacutemunir lrsquoindividu contre les ingeacuterences arbitraires des autoriteacutes

publiques il ne se contente toutefois pas de commander agrave lrsquoEacutetat de srsquoabstenir de pareilles

ingeacuterences En effet si les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute responsable aboutissant au placement

drsquoun enfant dans un centre drsquoaccueil srsquoanalysent en des ingeacuterences dans le droit drsquoun parent au

respect de sa vie familiale (W c Royaume-Uni preacuteciteacute sect 59) les obligations positives inheacuterentes agrave

un respect effectif de la vie priveacutee ou familiale peuvent impliquer lrsquoadoption de mesures visant au

respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux (X et Y c Pays-Bas 26

mars 1985 sect 23 seacuterie A no 91 et Mincheva c Bulgarie no 2155803 sect 81 2 septembre 2010) Dans un

cas comme dans lrsquoautre il faut avoir eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts

concurrents ndash ceux de lrsquoenfant ceux des deux parents et ceux de lrsquoordre public - (Maumousseau et

Washington c France no 3938805 sect 62 6 deacutecembre 2007) en attachant toutefois une importance

deacuteterminante agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir dans ce sens Gnahoreacute c France no 4003198 sect

59 CEDH 2000-IX) qui selon sa nature et sa graviteacute peut lrsquoemporter sur celui des parents (Sahin c

Allemagne [GC] no 3094396 sect 66 CEDH 2003-VIII) De mecircme dans les deux hypothegraveses lrsquoEacutetat

jouit drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation (Saleck Bardi preacuteciteacute sect 50 et KAB c Espagne preacuteciteacute sect

95)

53 La Cour reacuteaffirme le principe bien eacutetabli dans sa jurisprudence selon lequel le but de la

Convention consiste agrave proteacuteger des droits concrets et effectifs (K et T c Finlande[GC] preacuteciteacute sect

154) Elle rappelle qursquoelle nrsquoa pas pour tacircche de se substituer aux autoriteacutes internes mais

drsquoexaminer sous lrsquoangle de la Convention les deacutecisions que ces autoriteacutes ont rendues dans

lrsquoexercice de leur pouvoir discreacutetionnaire

54 Comme la Cour lrsquoa affirmeacute agrave de nombreuses reprises lrsquoeacuteclatement drsquoune famille constitue

en effet une mesure tregraves grave qui doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de

lrsquoenfant et avoir assez de poids et de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC]

nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Agrave cet eacutegard et srsquoagissant de lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat de prendre des mesures positives la Cour a affirmeacute agrave maintes reprises que lrsquoarticle 8

implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et lrsquoobligation pour

les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie

A no 156 et Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre 1992 sect 90 seacuterie A no 250) Dans ce genre drsquoaffaire

le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise en œuvre car le passage du

temps peut avoir des conseacutequences irreacutemeacutediables sur les relations entre lrsquoenfant et le parent qui ne

vit pas avec lui (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 SH c Italie no 5255714 sect 42

13 octobre 2015) La deacutecision de prise en charge drsquoun enfant doit en principe ecirctre consideacutereacutee

comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances srsquoy precirctent et tout acte

drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et lrsquoenfant (K

et T c Finlande preacuteciteacute sect 178) Lorsqursquoune peacuteriode de temps consideacuterable srsquoest eacutecouleacutee depuis que

lrsquoenfant a eacuteteacute placeacute pour la premiegravere fois sous assistance lrsquointeacuterecirct qursquoa lrsquoenfant agrave ne pas voir sa

situation familiale de facto changer de nouveau peut lrsquoemporter sur lrsquointeacuterecirct des parents agrave la

reacuteunion de leur famille Degraves lors la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes jouissent drsquoune grande

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latitude pour appreacutecier la neacutecessiteacute de prendre en charge un enfant mais il faut exercer un controcircle

plus rigoureux agrave la fois sur les restrictions suppleacutementaires comme celles apporteacutees par les

autoriteacutes aux droits et aux visites des parents et sur les garanties destineacutees agrave assurer la protection

effective du droit des parents et enfants au respect de leur vie familiale (K et T c Finlande [GC]

preacuteciteacute sect 155) Lrsquoobligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la

famille degraves que cela sera vraiment possible srsquoimpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la

peacuteriode de prise en charge et avec de plus en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance

avec le devoir de consideacuterer lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Par ailleurs les obligations positives ne

se limitent pas agrave veiller agrave ce que lrsquoenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui

mais elles englobent eacutegalement lrsquoensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce

reacutesultat (voir mutatis mutandis Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004

etAmanalachioai c Roumanie no 402304 sect 95 26 mai 2009)

55 Il revient agrave la Cour drsquoappreacutecier si les autoriteacutes espagnoles ont agi en meacuteconnaissance de

leurs obligations positives deacutecoulant de lrsquoarticle 8 de la Convention (Hokkanen c Finlande 23

septembre 1994 sect 55 seacuterie A no 299-A Mikulić c Croatie no 5317699 sect 59 CEDH 2002-I P C et

S c Royaume-Uni no 5654700 sect 122 CEDH 2002-VI Evansc Royaume-Uni [GC] no 633905 sect 76

CEDH 2007-IV et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 98)

56 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter drsquoun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de lrsquoarticle

8 de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lrsquoapplication et lrsquointerpreacutetation des

dispositions leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de lrsquoarticle 8 de la

Convention en tenant notamment compte de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir mutatis

mutandis Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 et Barnea et Caldararu c

Italie preacuteciteacute sect 65 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115 RMS c Espagne preacuteciteacute sect 72)

b) Application en lrsquoespegravece des principes susmentionneacutes

57 La Cour relegraveve que le 15 juin 2012 les trois enfants du requeacuterant dont sa fille mineure acircgeacutee

agrave lrsquoeacutepoque drsquoun an et demi ont eacuteteacute placeacutes dans un centre drsquoaccueil agrave Madrid agrave la demande de leur

megravere et deacuteclareacutes en situation leacutegale drsquoabandon Agrave la suite du deacutemeacutenagement de leur megravere les

enfants ont eacuteteacute placeacutes dans des centres drsquoaccueil de Murcie Le requeacuterant nrsquoen a pas eacuteteacute informeacute

(paragraphes 8 et 9 ci-dessus)

58 Dans une affaire comme celle de lrsquoespegravece le juge se trouve en preacutesence drsquointeacuterecircts souvent

difficilement conciliables agrave savoir ceux de lrsquoenfant et ceux de ses parents biologiques et

notamment dans la preacutesente cause ceux du pegravere biologique et ceux de la famille drsquoaccueil Dans la

recherche de lrsquoeacutequilibre entre ces diffeacuterents inteacuterecircts lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale (Moretti et Benedetti c Italie no 1631807 sect 67 27 avril 2010)

59 En lrsquoespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave la neacutecessiteacute de lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en se reacutefeacuterant

aux maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves que ce dernier aurait infligeacutees agrave ses enfants agrave

lrsquoinstabiliteacute eacutemotionnelle et agrave lrsquointelligence limiteacutee de leur megravere (paragraphes 14 et 21 ci-dessus)

ainsi qursquoagrave lrsquoabsence de contact du requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date du placement

de ces derniers dans des centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du

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requeacuterant avec le service de protection des mineurs (paragraphe 21 ci-dessus) et agrave lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le requeacuterant et sa fille (paragraphe 24 ci-dessus) La Cour relegraveve qursquoagrave aucun

moment de cette proceacutedure administrative lrsquoacquittement du requeacuterant le 27 septembre 2013 de

toutes les charges retenues contre lui et lrsquoannulation des mesures drsquoeacuteloignement prises initialement

agrave son encontre lrsquoempecircchant entre-temps de garder le contact avec ses enfants (paragraphe 20 ci-

dessus) nrsquoont eacuteteacute pris en compte

60 La Cour observe que la deacutecision du juge de premiegravere instance de Murcie dateacutee du 11 feacutevrier

2015 (paragraphe 25 ci-dessus) enteacuterinant la deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales

relative au placement preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en famille drsquoaccueil persistait agrave ne pas

prendre en compte la nouvelle situation peacutenale du requeacuterant depuis le 27 septembre 2013 date de

son acquittement Elle note que le juge de premiegravere instance de Murcie ne se prononccedilait drsquoailleurs

pas sur les capaciteacutes eacuteducatives et psychosociales du requeacuterant pour reacutecupeacuterer la garde de sa fille

mineure La deacutecision se bornait agrave prendre en compte les arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes dans les

rapports eacutetablis par lrsquoadministration

61 La Cour observe que la question de savoir si le processus deacutecisionnel a suffisamment

proteacutegeacute les inteacuterecircts drsquoun parent deacutepend des circonstances propres agrave chaque affaire(W c Royaume-

Uni 8 juillet 1987 sect 64 seacuterie A no 121 Elsholz c Allemagne [GC] no 2573594 sect 52

CEDH 2000-VIII) Pour ce faire elle doit veacuterifier si les juridictions nationales se sont livreacutees agrave un

examen approfondi de lrsquoensemble de la situation familiale et de toute une seacuterie drsquoeacuteleacutements drsquoordre

factuel affectif psychologique mateacuteriel et meacutedical notamment et si elles ont proceacutedeacute agrave une

appreacuteciation eacutequilibreacutee et raisonnable des inteacuterecircts respectifs (voir mutatis mutandis Neulinger

et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 139 CEDH 2010) La Cour relegraveve agrave cet eacutegard que au cours

de la proceacutedure devant le juge de premiegravere instance et lrsquoAudiencia provincial le requeacuterant a eu la

possibiliteacute de preacutesenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des proceacutedures

judiciaires ougrave il eacutetait repreacutesenteacute par un avocat au moins agrave partir du 19 novembre 2013

(paragraphe20 ci-dessus) La Cour ne deacutecegravele en conseacutequence aucun manquement formellement

imputable aux juridictions internes agrave cet eacutegard mais plutocirct une inertie des ces derniegraveres dans la

prise en compte des conclusions des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de

lrsquoadministration intervenus tout au long de lrsquoexamen de affaire

62 La Cour rappelle que dans les affaires touchant la vie familiale la rupture du contact avec

un enfant tregraves jeune peut conduire agrave une alteacuteration croissante de sa relation avec son parent (voir

entre autres Pini et autres c Roumanie nos 7802801 et 7803001 sect 175 CEDH 2004-V (extraits)

et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 103) Il en va ainsi dans la preacutesente affaire Les rapports des 28 feacutevrier

et 18 deacutecembre 2014 (paragraphes 21 et 23 ci-dessus) ont deacutemontreacute que la fille du requeacuterant eacutetait

bien inteacutegreacutee dans sa famille drsquoaccueil depuis le 24 septembre 2013 (paragraphe 17 ci-dessus) Le

passage du temps a eu pour effet de rendre deacutefinitive une situation qui eacutetait censeacutee ecirctre provisoire

compte tenu du tregraves jeune acircge de lrsquoenfant lorsque la situation leacutegale drsquoabandon a eacuteteacute constateacutee et

que la mise sous tutelle est intervenue (paragraphe 8 ci-dessus)

63 La Cour rappelle qursquoil ne lui appartient pas de substituer son appreacuteciation agrave celle des

autoriteacutes nationales compeacutetentes quant aux mesures qui auraient ducirc ecirctre prises car ces autoriteacutes

sont en principe mieux placeacutees pour proceacuteder agrave une telle eacutevaluation Tout en reconnaissant qursquoen

lrsquoespegravece les juridictions internes se sont appliqueacutees de bonne foi agrave preacuteserver le bien-ecirctre de la

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

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67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 7: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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les domaines de son deacuteveloppement physique intellectuel et moral ce qui supposerait un

grave danger pour sa santeacute mentale et aurait une influence sur lrsquoeacutepanouissement de sa

personnaliteacute et sur sa capaciteacute pour eacutetablir des relations interpersonnelles tout au long de sa

vie

()

Il convient drsquoajouter par ailleurs que le document fourni par [le requeacuterant] (M Haddad)

dans le cadre de la proceacutedure drsquoappel dans lequel le Service de protection des mineurs

indique la fin de la prise en charge des deux fregraveres drsquoA L acircgeacute de treize ans et Ad acircgeacute de dix

ans au motif qursquoils sont retourneacutes vivre avec leur pegravere est totalement deacutenueacute de pertinence Et

cela parce qursquoil ne mentionne pas les motifs qui ont conduit agrave la fin de la prise en charge et

aussi parce que la situation actuelle de la mineure A acircgeacutee de quatre ans dans le cadre de la

proceacutedure drsquoaccueil en vue de son adoption en cours et [du processus] drsquointeacutegration [dans la

famille] et les conseacutequences neacutegatives et nuisibles qursquoentraicircnerait la fin de cet accueil ainsi que

lrsquoont eacutetabli les rapports drsquoexpertise ne plaident pas en faveur drsquoun changement de mesure agrave

son sujet () raquo

29 Le 26 feacutevrier 2016 le gouvernement reacutegional mit fin agrave la prise en charge des deux fils du

requeacuterant par le service de protection des mineurs et autorisa leur retour aupregraves de leur pegravere Ils

habitent avec lui depuis cette date

30 Le 13 juin 2016 le requeacuterant forma un recours drsquoamparo devant le Tribunal constitutionnel

dans lequel il exposait dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles cette action

preacutesentait selon lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il invoquait les articles 24 (droit agrave un

procegraves eacutequitable) et 39 de la Constitution ainsi que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les

deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le regroupement familial entre sa fille et lui en raison de

graves erreurs contenues dans les diffeacuterents rapports de lrsquoadministration qui ont servi de base au

raisonnement aux juridictions internes Par une deacutecision notifieacutee le 19 octobre 2016 le Tribunal

constitutionnel deacuteclara le recours drsquoamparo irrecevable faute pour lrsquointeacuteresseacute drsquoavoir justifieacute

lrsquoimportance constitutionnelle de son recours

II LE DROIT INTERNE PERTINENT

31 Les dispositions pertinentes en lrsquoespegravece de la Constitution se lisent ainsi

Article 24

laquo 1 Toute personne a droit agrave la protection effective des juges et des tribunaux dans lrsquoexercice

de ses droits et inteacuterecircts leacutegitimes sans qursquoen aucun cas elle puisse ecirctre mise dans

lrsquoimpossibiliteacute de se deacutefendre

() raquo

Article 39

laquo 1 Les pouvoirs publics assurent la protection sociale eacuteconomique et juridique de la famille

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2 Les pouvoirs publics assurent eacutegalement la protection inteacutegrale des enfants qui sont eacutegaux

devant la loi indeacutependamment de leur filiation et celle de la megravere quel que soit son eacutetat civil

La loi rendra possible la recherche de la paterniteacute

3 Les parents doivent precircter assistance dans tous les domaines agrave leurs enfants qursquoils soient

neacutes dans le mariage ou en dehors de celui-ci pendant leur minoriteacute et dans les autres cas

preacutevus par la loi

4 Les enfants jouissent de la protection preacutevue par les accords internationaux qui veillent sur

leurs droits raquo

32 Lrsquoarticle 17 de la Loi organique 11996 du 15 janvier 1996 portant sur la protection juridique

des mineurs dispose que

laquo Devant toute situation agrave risque quelle qursquoelle soit portant preacutejudice au deacuteveloppement

personnel ou social du mineur et nrsquoexigeant pas sa mise sous tutelle en vertu de la loi lrsquoaction

des pouvoirs publics doit dans tous les cas garantir les droits du mineur et tendre agrave la

reacuteduction des facteurs de risque et des difficulteacutes sociales qui ont une incidence sur sa

situation personnelle et sociale ainsi que promouvoir les facteurs de protection du mineur et

de sa famille

Une fois la situation de risque appreacutecieacutee lrsquoadministration compeacutetente en matiegravere de

protection de mineurs mettra en œuvre les actions pertinentes pour lrsquoatteacutenuer et proceacutedera au

suivi de lrsquoeacutevolution du mineur dans sa famille raquo

33 Les dispositions pertinentes en lrsquoespegravece du code civil se lisent comme suit

Article 172

laquo 1 Lorsque lrsquoinstitution publique responsable de la protection des mineurs dans son ressort

territorial constate qursquoun mineur se trouve dans une situation drsquoabandon elle en assume de

plein droit la tutelle et doit mettre en œuvre les mesures neacutecessaires pour garantir sa

protection et sa tutelle () [Les parents et tuteurs] seront autant que possible informeacutes

personnellement et de maniegravere claire et compreacutehensible des motifs ayant donneacute lieu agrave

lrsquointervention de lrsquoadministration et des effets possibles de la deacutecision adopteacutee

Un mineur est consideacutereacute comme eacutetant en situation drsquoabandon lorsque de fait il se trouve

dans une situation deacutecoulant soit drsquoun manquement aux devoirs de protection eacutetablis par les

textes de loi portant sur la tutelle des mineurs soit de lrsquoimpossibiliteacute drsquoexercer ces devoirs ou

de les exercer correctement et qursquoil est priveacute de lrsquoassistance morale ou mateacuterielle qui lui est

neacutecessaire

Lrsquoexercice de la tutelle par lrsquoadministration implique la suspension de lrsquoautoriteacute parentale ou

de la tutelle ordinaire ()

2 Lorsque en raison de circonstances graves les parents ou les tuteurs ne peuvent pas

prendre soin du mineur ils peuvent solliciter de lrsquoadministration compeacutetente qursquoelle en

assume la tutelle pendant le temps neacutecessaire

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La cession de la tutelle se fera par eacutecrit et il sera constateacute que les parents ou tuteurs ont eacuteteacute

informeacutes des responsabiliteacutes qursquoils ont toujours par rapport agrave lrsquoenfant ainsi que la faccedilon dans

laquelle la tutelle sera exerceacutee par lrsquoadministration

()

3 La tutelle assumeacutee agrave la demande des parents ou tuteurs ou en vertu drsquoune obligation

leacutegale prendra la forme de lrsquoaccueil familial ou en reacutesidence ()

4 Lrsquointeacuterecirct du mineur est toujours rechercheacute Agrave moins que lrsquointeacuterecirct du mineur ne srsquoy oppose

[lrsquoadministration srsquoefforce] de le reacuteinteacutegrer dans sa propre famille et de confier la tutelle des

fregraveres et sœurs agrave la mecircme institution ou personne

()

7 Les parents dont lrsquoautoriteacute parentale est suspendue en vertu du paragraphe 1 du preacutesent

article peuvent solliciter la cessation de la suspension et la reacutevocation de la deacuteclaration

drsquoabandon pendant un deacutelai de deux ans agrave compter de la notification administrative de la

deacuteclaration drsquoabandon srsquoils estiment qursquoils peuvent de nouveau exercer lrsquoautoriteacute parentale en

raison drsquoun changement des circonstances lrsquoayant motiveacutee

Ils peuvent aussi contester pendant ce mecircme deacutelai les deacutecisions prises en rapport avec la

protection du mineur

()

Une fois ce deacutelai eacutecouleacute ils nrsquoont plus le droit de demander ou de contester les deacutecisions ou

les mesures prises en vue de la protection du mineur ()

8 Lrsquoadministration drsquooffice ou agrave la demande du ministegravere public ou de toute personne ou

institution inteacuteresseacutees peut agrave tout moment reacutevoquer la deacuteclaration drsquoabandon et deacutecider du

retour du mineur avec sa famille srsquoil nrsquoest pas inteacutegreacute de maniegravere stable dans une autre famille

ou si elle estime que crsquoest la mesure la plus adeacutequate pour lrsquointeacuterecirct du mineur La deacutecision

sera notifieacutee au ministegravere public raquo

Article 173

laquo 1 Le placement en famille drsquoaccueil implique la pleine participation du mineur agrave la vie du

foyer familial et lrsquoobligation pour la famille drsquoaccueil de veiller sur lui de srsquooccuper de lui de

le nourrir de lrsquoeacuteduquer et de lui offrir une instruction complegravete

()

3 Si les parents () srsquoopposent [au placement du mineur en famille drsquoaccueil] ce placement

doit faire lrsquoobjet drsquoune deacutecision judiciaire dans lrsquointeacuterecirct du mineur ()

Toutefois lrsquoadministration peut deacutecider dans lrsquointeacuterecirct du mineur de le placer

provisoirement en famille drsquoaccueil jusqursquoagrave ce que la deacutecision judiciaire soit rendue

() raquo

Article 173 bis

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laquo Lrsquoaccueil familial peut revecirctir lrsquoune des modaliteacutes suivantes selon sa finaliteacute

1er lrsquoaccueil familial simple qui revecirct un caractegravere provisoire soit parce que la situation du

mineur permet de preacutevoir sa reacuteinsertion dans sa propre famille soit parce qursquoune autre

mesure de protection plus durable est en voie drsquoecirctre adopteacutee

2e lrsquoaccueil familial permanent lorsque en raison de lrsquoacircge ou drsquoautres circonstances

concernant le mineur ou sa famille [ce mode] semble preacutefeacuterable et est ainsi recommandeacute par

les services de protection des mineurs ()

3e lrsquoaccueil familial preacuteadoptif formaliseacute par lrsquoadministration lorsqursquoelle preacutesente agrave

lrsquoautoriteacute judiciaire une proposition drsquoadoption du mineur [laquelle doit ecirctre] viseacutee par les

services de protection des mineurs pourvu que les parents drsquoaccueil remplissent les

conditions requises pour lrsquoadoption aient eacuteteacute seacutelectionneacutes et aient donneacute leur consentement agrave

lrsquoadministration et que le mineur se trouve dans une situation juridique le rendant apte agrave ecirctre

adopteacuteLrsquoadministration peut aussi mettre en place un accueil familial preacuteadoptif lorsqursquoelle

considegravere avant la preacutesentation de la proposition drsquoadoption qursquoil est neacutecessaire drsquoeacutetablir une

peacuteriode drsquoadaptation du mineur dans la famille Cette peacuteriode est la plus bregraveve possible et ne

peut deacutepasser un an raquo

Article 222

laquo Sont placeacutes sous tutelle

()

4e Les mineurs en situation drsquoabandon raquo

34 Lrsquoarticle 35 de la Loi 31995 du 21 mars 1995 de la reacutegion de Murcie relative agrave lrsquoenfance se

lit comme suit

Article 35

laquo 1 La mesure drsquoaccueil peut ecirctre appliqueacutee preacutealablement agrave lrsquoadoption

a) si le mineur preacutesente des signes de mauvais traitements physiques ou psychiques drsquoabus

sexuels drsquoexploitation ou drsquoautres [mauvais traitements] de nature analogue ou si par tout

autre motif les parents ou les tuteurs sont sous le coup drsquoune cause de privation de lrsquoautoriteacute

parentale et qursquoil soit preacutevu que cette situation soit permanente

b) si les parents ou tuteurs sont empecirccheacutes drsquoexercer leur autoriteacute parentale et qursquoil est preacutevu

que cette situation soit permanente

c) si les parents ou tuteurs en font la demande agrave lrsquoorganisme compeacutetent et deacutelaissent les

droits et les devoirs inheacuterents agrave leur fonction

e) srsquoil en est ainsi deacutecideacute par lrsquoautoriteacute judiciaire

2 Dans les cas deacutefinis agrave lrsquoalineacutea 1 afin drsquoobtenir une meilleure inteacutegration dans la famille

drsquoaccueil les visites et les rapports avec la famille biologique sont suspendus si cela convient

agrave lrsquointeacuterecirct du mineur raquo

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EN DROIT

I SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

35 Le requeacuterant reproche au service de protection des mineurs de nrsquoavoir pris aucune mesure

pour favoriser le reacutetablissement des contacts avec sa fille agrave la suite de son acquittement et de la

leveacutee des mesures provisoires drsquoeacuteloignement et de non-communication Il invoque lrsquoarticle 8 de la

Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son domicile et de sa

correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit que pour

autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une mesure qui dans une

socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave la sucircreteacute publique au bien-ecirctre

eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la

protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

A Sur la recevabiliteacute

36 Le Gouvernement excipe du non-eacutepuisement des voies de recours internes Il soutient drsquoune

part que le requeacuterant nrsquoa pas saisi lrsquoAudiencia provincial drsquoun recours en nulliteacute avant de saisir le

Tribunal constitutionnel de son recours drsquoamparo Drsquoautre part il note que le recours drsquoamparo a eacuteteacute

deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir rempli

lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle speacuteciale

conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la Loi organique nordm 21979 relative au

Tribunal constitutionnel (LOTC) modifieacutee par la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

37 Le requeacuterant indique que le recours en nulliteacute nrsquoeacutetait pas pertinent ce qui eacutetait aussi lrsquoavis

du Tribunal constitutionnel qui nrsquoa pas rejeteacute son recours drsquoamparo pour ce motif Il ajoute que la

deacutecision drsquoirrecevabiliteacute de son recours drsquoamparo faute drsquoavoir deacutemontreacute lrsquoimportance

constitutionnelle de ses griefs a eacuteteacute prononceacutee agrave tort comme cela avait eacuteteacute aussi le cas selon lui

dans lrsquoaffaire RMS c Espagne (no 2877512 18 juin 2013) qui a fait lrsquoobjet drsquoun constat de violation

de lrsquoarticle 8 de la Convention par la Cour

38 Concernant la premiegravere branche de lrsquoexception souleveacutee par le Gouvernement la Cour

estime que le requeacuterant a fourni aux juridictions internes et en dernier ressort au Tribunal

constitutionnel lrsquooccasion de remeacutedier agrave la violation alleacutegueacutee Concernant lrsquoargument du

Gouvernement tireacute du manque drsquoeacutepuisement des voies de recours internes en raison de lrsquoabsence

de recours en nulliteacute elle observe que le Tribunal constitutionnel nrsquoa pas deacuteclareacute le recours

drsquoamparo du requeacuterant irrecevable pour ce motif et qursquoil nrsquoa agrave aucun moment fait mention drsquoune

eacuteventuelle exigence de preacutesentation preacutealable de ce recours La Cour rappelle que crsquoest drsquoabord

aux autoriteacutes nationales et speacutecialement aux cours et tribunaux qursquoil incombe drsquointerpreacuteter le

droit interne (Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne 19 deacutecembre 1997 sect 31 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-VIII) et notamment les questions de proceacutedure et qursquoelle ne substituera pas sa

propre interpreacutetation du droit agrave la leur en lrsquoabsence drsquoarbitraire Elle ne saurait degraves lors exiger du

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requeacuterant lrsquoeacutepuisement drsquoune voie de recours que le Tribunal constitutionnel lui-mecircme nrsquoa pas

consideacutereacutee comme exigible en lrsquoespegravece

39 Concernant la seconde branche de lrsquoexception du Gouvernement celui-ci estime que les

voies de recours internes nrsquoont pas eacuteteacute correctement eacutepuiseacutees dans la mesure ougrave le recours

drsquoamparo a eacuteteacute deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir

rempli lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle

speacuteciale conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la LOTC telle que modifieacutee par

la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

40 Agrave cet eacutegard comme elle lrsquoa deacutejagrave fait dans lrsquoaffaire Arribas Antoacuten c Espagne (no 1656311

20 janvier 2015) la Cour tient agrave souligner que le fait que le Tribunal constitutionnel ait deacuteclareacute un

recours drsquoamparo irrecevable au motif qursquoil ne revecirctait pas lrsquoimportance constitutionnelle speacuteciale

requise ou le cas eacutecheacuteant que son auteur nrsquoavait pas deacutemontreacute lrsquoexistence de pareille importance

ne lrsquoempecircche pas de se prononcer sur la recevabiliteacute et le fond drsquoune requecircte (ibidem sect 51 avec les

reacutefeacuterences aux arrecircts de la Cour rendus agrave la suite de deacutecisions drsquoirrecevabiliteacute des recours

drsquoamparo par le Tribunal constitutionnel en application de ce critegravere Del Riacuteo Prada c Espagne [GC]

no 4275009 sect 22 CEDH 2013 Varela Geis c Espagne no 6100509 5 mars 2013 Manzanas Martiacuten c

Espagne no 1796610 sect 14 3 avril 2012 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 45 voirplus

reacutecemment Rodriguez Ravelo c Espagne no 4807410 sect 24 12 janvier 2016 et en dernier lieu Saber

et Boughassal c Espagne nos 7655013 et 4593814 sect 30 18 deacutecembre 2018) La Cour relegraveve qursquoen

lrsquoespegravece le requeacuterant a exposeacute dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles le recours

drsquoamparo avait pour lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il a indiqueacute que ledit recours

satisfaisait agrave la condition drsquoimportance constitutionnelle speacuteciale dans la mesure ougrave il eacutetait fondeacute

sur la jurisprudence laquo des organes chargeacutes de lrsquointerpreacutetation des traiteacutes et accords internationaux

viseacutes agrave lrsquoarticle 10 sect 2 CE raquo Il faisait reacutefeacuterence agrave lrsquoarrecirct rendu dans lrsquoaffaire RMS cEspagne

preacuteciteacute et invoquait les dispositions de la Constitution espagnole qursquoil estimait pertinentes ainsi

que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le

regroupement familial entre lui et sa fille en raison de graves erreurs contenues dans les rapports

eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de lrsquoadministration qui ont servi de base au raisonnement des

juridictions internes

41 Par conseacutequent lrsquoexception du Gouvernement ne saurait ecirctre retenue

42 Constatant que la requecircte nrsquoest pas manifestement mal fondeacutee au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a)

de la Convention et qursquoelle ne se heurte par ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour la

deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Thegravese des parties

a) Le Gouvernement

43 Le Gouvernement concegravede que le droit au respect de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

a fait lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence de la part de lrsquoautoriteacute publique Il estime cependant que cette

ingeacuterence se justifie par une exigence primordiale touchant lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant et

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constitue un usage approprieacute de la marge drsquoappreacuteciation dont beacuteneacuteficient les autoriteacutes nationales

Il deacuteclare que en lrsquoespegravece la fille du requeacuterant avait inteacuterecirct agrave voir sa situation drsquoaccueil familial se

consolider apregraves 15 mois de placement dans un centre drsquoaccueil Il indique par ailleurs que la Cour

nrsquoest pas une juridiction de quatriegraveme instance et qursquoelle se doit de respecter la marge

drsquoappreacuteciation dont disposent les Eacutetats membres dans la reacuteglementation des relations parents-

enfants

44 Le Gouvernement indique que la deacutecision de lrsquoadministration locale de recourir agrave la

proceacutedure de placement en accueil familial preacuteadoptif a eacuteteacute adopteacutee dans le strict respect de la

leacutegislation de la protection des mineurs qursquoelle eacutetait ducircment motiveacutee et qursquoelle a eacuteteacute veacuterifieacutee par

les autoriteacutes judiciaires espagnoles conformeacutement agrave la loi Il ajoute que cette deacutecision nrsquoa pas eacuteteacute

prise de maniegravere arbitraire mais se fonde sur le manque drsquointeacuterecirct manifesteacute par le requeacuterant pour

sa fille Le Gouvernement expose que bien que le requeacuterant faisait lrsquoobjet drsquoune mesure

drsquoeacuteloignement jusqursquoen septembre 2013 celui-ci nrsquoa pas eu de contact avec ses enfants entre 2012 et

2015 et ne srsquoest pas rendu agrave Murcie en personne mais a agi par lettre par le biais drsquoune association

(paragraphe 11 ci-dessus) Il indique que la situation du requeacuterant diffegravere degraves lors de

lrsquoaffaire RMS c Espagne(preacuteciteacute sect 76) dans laquelle la Cour a conclu agrave une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention en raison de la constatation de la situation drsquoabandon drsquoune mineure malgreacute le

fait que la requeacuterante laquo srsquoeacutetait rendue au moins agrave 17 reprises au centre drsquoaccueil de Grenade alors

mecircme que lrsquoinstitution se trouvait relativement eacuteloigneacutee de son domicile et () qursquoelle nrsquoavait

mecircme pas eacuteteacute informeacutee que sa fille ne srsquoy trouvait plus raquo De plus le Gouvernement estime que en

lrsquoespegravece cette deacutecision avait eacuteteacute preacuteceacutedeacutee drsquoune analyse rigoureuse baseacutee sur les rapports eacutetablis

par les services de protection sociale de Murcie Il se reacutefegravere au rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 au rapport psychosocial du 19 juillet 2013 au rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 et au

rapport du 2 feacutevrier 2015 (paragraphes 14 et suivants ci-dessus)

45 Le Gouvernement considegravere que les deacutecisions prises en lrsquoespegravece par les autoriteacutes nrsquoeacutetaient

pas disproportionneacutees car celles-ci auraient eacutegalement veilleacute aux inteacuterecircts des parents biologiques

en leur garantissant une protection proceacutedurale suffisante et en les impliquant dans le processus

deacutecisionnel (W c Royaume-Uni 8 juillet 1987 sect 63 seacuterie A no 121) Il estime que les autoriteacutes ont agrave

tout moment respecteacute lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure la situation de sa famille proche et eacutelargie

et les principes de proportionnaliteacute et de neacutecessiteacute Il note les efforts des services sociaux de Murcie

pour contacter le requeacuterant (paragraphes 12 et 13 ci-dessus) ainsi que le fait que les organes

juridictionnels ont respecteacute les droits de la deacutefense en donnant la possibiliteacute aux parents de la

mineure drsquoexprimer leur point de vue et le cas eacutecheacuteant leur opposition agrave travers les deacutemarches et

les recours qui leur eacutetaient disponibles

46 Le Gouvernement indique que lrsquointeacuterecirct de chaque mineur doit ecirctre appreacutecieacute de faccedilon

individualiseacutee Par conseacutequent il estime que le fait pour le requeacuterant drsquoavoir reacutecupeacutereacute la garde de

ses deux fils ne modifiait pas la deacutecision des organes judiciaires car sa fille nrsquoaurait pas eacuteteacute dans

une situation comparable agrave celle de ses fregraveres en raison de son acircge et de ses circonstances

personnelles Se reacutefeacuterant agrave la deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie du 7 avril 2016 il estime

en effet que la reacuteinsertion de la mineure au sein de sa famille biologique nrsquoeacutetait plus possible au

risque de lui causer plus de preacutejudices que de beacuteneacutefices Il ajoute que la famille eacutelargie de lrsquoenfant

nrsquoa pas prouveacute aux services sociaux qursquoelle pouvait la prendre en charge

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47 Enfin le Gouvernement note que les droits eacutenonceacutes agrave lrsquoarticle 8 de la Convention

srsquoappliquent de maniegravere eacutegale tant agrave la famille biologique qursquoagrave la famille drsquoaccueil laquelle a creacuteeacute

des liens affectifs avec la mineure dont la Cour doit tenir compte

b) Le requeacuterant

48 Le requeacuterant estime que si lrsquoaccueil a pu ecirctre la meilleure solution pour consolider la

situation familiale de sa fille par le passeacute cette mesure a selon lui cesseacute de lrsquoecirctre lorsqursquoil a

reacutecupeacutereacute la garde des deux aicircneacutes avec lrsquoautorisation de lrsquoautoriteacute chargeacutee de leur protection Il

considegravere que justifier le placement de sa fille en famille drsquoaccueil par le laquo manque drsquointeacuterecirct raquo dont

il aurait fait preuve nrsquoa pas de sens degraves lors qursquoil a eacuteteacute priveacute de lrsquoautoriteacute parentale sur ses enfants

ainsi que des droits et devoirs y affeacuterents Il soutient que cette mesure agrave lrsquoorigine de la deacuteclaration

drsquoabandon de ses enfants srsquoest aveacutereacutee inutile puisqursquoil a eacuteteacute acquitteacute des charges peacutenales de

mauvais traitements agrave lrsquoencontre de sa femme Il ajoute que degraves qursquoil avait pu reprendre contact

avec ses enfants les plus acircgeacutes le mecircme reacutegime de visites lui avait de nouveau eacuteteacute interdit avec sa

fille De plus il argue que en tant qursquoeacutetranger ne parlant pas correctement lrsquoespagnol il lui eacutetait

difficile de prendre connaissance de la citation agrave comparaicirctre publieacutee dans le Journal officiel de la

reacutegion de Murcie (paragraphe 13 ci-dessus) et que cela nrsquoaurait pas ducirc ecirctre interpreacuteteacute comme un

manque drsquointeacuterecirct de sa part

49 Le requeacuterant considegravere que les services de protection de lrsquoenfance et les juridictions

espagnoles ont fait preuve de discrimination agrave son eacutegard car il eacutetait eacutetranger Il indique qursquoil vivait

agrave Madrid et qursquoil ne parlait pas correctement lrsquoespagnol agrave lrsquoeacutepoque Il rejette lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les autoriteacutes ont respecteacute le principe de leacutegaliteacute ainsi que ses droits

proceacuteduraux eacutetant donneacute que celles-ci ont baseacute leur deacutecision selon lui sur des arguments

infondeacutes et des rapports eacutetablis alors qursquoil faisait lrsquoobjet drsquoune poursuite peacutenale et qursquoil nrsquoeacutetait pas

en mesure de deacutefendre son aptitude agrave ecirctre pegravere

50 Le requeacuterant critique la motivation avanceacutee par lrsquoAudiencia provincial de Murcie en ce que

celle-ci considegravere comme eacutetant neacutegligeable le fait qursquoil ait reacutecupeacutereacute uniquement la garde de ses fils

et non celle de sa fille laquo parce que cela srsquoaveacutererait contre-productif pour [celle-ci] raquo alors que le

retour des deux garccedilons aupregraves de lui prouve selon lui qursquoil srsquointeacuteresse agrave ses enfants et qursquoil est

capable de les prendre en charge Il estime que cette deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie

reprise par le Gouvernement dans ses observations lui impute agrave tort des mauvais traitements

envers ses enfants et transfegravere agrave son encontre le manque drsquoadeacutequation de la conduite de la megravere de

ses enfants agrave leur eacutegard

2 Appreacuteciation de la Cour

a) Principes geacuteneacuteraux relatifs aux obligations positives qui incombent agrave lrsquoEacutetat deacutefendeur en

vertu de lrsquoarticle 8 de la Convention

51 La Cour rappelle que pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement

fondamental de la vie familiale (Buscemi c Italie no 2956995 sect 53 CEDH 1999-VI Saleck Bardi c

Espagne no 6616709 sectsect 49 et 50 24 mai 2011 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 68) et que des mesures

internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par lrsquoarticle 8 de la

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Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 151 CEDH 2001-VII et Barnea et Caldararu c

Italie no 3793115 sect 63 22 juin 2017)

52 Comme la Cour lrsquoa indiqueacute agrave plusieurs reprises lrsquoarticle 8 de la Convention a

essentiellement pour objet de preacutemunir lrsquoindividu contre les ingeacuterences arbitraires des autoriteacutes

publiques il ne se contente toutefois pas de commander agrave lrsquoEacutetat de srsquoabstenir de pareilles

ingeacuterences En effet si les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute responsable aboutissant au placement

drsquoun enfant dans un centre drsquoaccueil srsquoanalysent en des ingeacuterences dans le droit drsquoun parent au

respect de sa vie familiale (W c Royaume-Uni preacuteciteacute sect 59) les obligations positives inheacuterentes agrave

un respect effectif de la vie priveacutee ou familiale peuvent impliquer lrsquoadoption de mesures visant au

respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux (X et Y c Pays-Bas 26

mars 1985 sect 23 seacuterie A no 91 et Mincheva c Bulgarie no 2155803 sect 81 2 septembre 2010) Dans un

cas comme dans lrsquoautre il faut avoir eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts

concurrents ndash ceux de lrsquoenfant ceux des deux parents et ceux de lrsquoordre public - (Maumousseau et

Washington c France no 3938805 sect 62 6 deacutecembre 2007) en attachant toutefois une importance

deacuteterminante agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir dans ce sens Gnahoreacute c France no 4003198 sect

59 CEDH 2000-IX) qui selon sa nature et sa graviteacute peut lrsquoemporter sur celui des parents (Sahin c

Allemagne [GC] no 3094396 sect 66 CEDH 2003-VIII) De mecircme dans les deux hypothegraveses lrsquoEacutetat

jouit drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation (Saleck Bardi preacuteciteacute sect 50 et KAB c Espagne preacuteciteacute sect

95)

53 La Cour reacuteaffirme le principe bien eacutetabli dans sa jurisprudence selon lequel le but de la

Convention consiste agrave proteacuteger des droits concrets et effectifs (K et T c Finlande[GC] preacuteciteacute sect

154) Elle rappelle qursquoelle nrsquoa pas pour tacircche de se substituer aux autoriteacutes internes mais

drsquoexaminer sous lrsquoangle de la Convention les deacutecisions que ces autoriteacutes ont rendues dans

lrsquoexercice de leur pouvoir discreacutetionnaire

54 Comme la Cour lrsquoa affirmeacute agrave de nombreuses reprises lrsquoeacuteclatement drsquoune famille constitue

en effet une mesure tregraves grave qui doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de

lrsquoenfant et avoir assez de poids et de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC]

nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Agrave cet eacutegard et srsquoagissant de lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat de prendre des mesures positives la Cour a affirmeacute agrave maintes reprises que lrsquoarticle 8

implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et lrsquoobligation pour

les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie

A no 156 et Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre 1992 sect 90 seacuterie A no 250) Dans ce genre drsquoaffaire

le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise en œuvre car le passage du

temps peut avoir des conseacutequences irreacutemeacutediables sur les relations entre lrsquoenfant et le parent qui ne

vit pas avec lui (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 SH c Italie no 5255714 sect 42

13 octobre 2015) La deacutecision de prise en charge drsquoun enfant doit en principe ecirctre consideacutereacutee

comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances srsquoy precirctent et tout acte

drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et lrsquoenfant (K

et T c Finlande preacuteciteacute sect 178) Lorsqursquoune peacuteriode de temps consideacuterable srsquoest eacutecouleacutee depuis que

lrsquoenfant a eacuteteacute placeacute pour la premiegravere fois sous assistance lrsquointeacuterecirct qursquoa lrsquoenfant agrave ne pas voir sa

situation familiale de facto changer de nouveau peut lrsquoemporter sur lrsquointeacuterecirct des parents agrave la

reacuteunion de leur famille Degraves lors la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes jouissent drsquoune grande

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latitude pour appreacutecier la neacutecessiteacute de prendre en charge un enfant mais il faut exercer un controcircle

plus rigoureux agrave la fois sur les restrictions suppleacutementaires comme celles apporteacutees par les

autoriteacutes aux droits et aux visites des parents et sur les garanties destineacutees agrave assurer la protection

effective du droit des parents et enfants au respect de leur vie familiale (K et T c Finlande [GC]

preacuteciteacute sect 155) Lrsquoobligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la

famille degraves que cela sera vraiment possible srsquoimpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la

peacuteriode de prise en charge et avec de plus en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance

avec le devoir de consideacuterer lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Par ailleurs les obligations positives ne

se limitent pas agrave veiller agrave ce que lrsquoenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui

mais elles englobent eacutegalement lrsquoensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce

reacutesultat (voir mutatis mutandis Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004

etAmanalachioai c Roumanie no 402304 sect 95 26 mai 2009)

55 Il revient agrave la Cour drsquoappreacutecier si les autoriteacutes espagnoles ont agi en meacuteconnaissance de

leurs obligations positives deacutecoulant de lrsquoarticle 8 de la Convention (Hokkanen c Finlande 23

septembre 1994 sect 55 seacuterie A no 299-A Mikulić c Croatie no 5317699 sect 59 CEDH 2002-I P C et

S c Royaume-Uni no 5654700 sect 122 CEDH 2002-VI Evansc Royaume-Uni [GC] no 633905 sect 76

CEDH 2007-IV et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 98)

56 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter drsquoun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de lrsquoarticle

8 de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lrsquoapplication et lrsquointerpreacutetation des

dispositions leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de lrsquoarticle 8 de la

Convention en tenant notamment compte de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir mutatis

mutandis Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 et Barnea et Caldararu c

Italie preacuteciteacute sect 65 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115 RMS c Espagne preacuteciteacute sect 72)

b) Application en lrsquoespegravece des principes susmentionneacutes

57 La Cour relegraveve que le 15 juin 2012 les trois enfants du requeacuterant dont sa fille mineure acircgeacutee

agrave lrsquoeacutepoque drsquoun an et demi ont eacuteteacute placeacutes dans un centre drsquoaccueil agrave Madrid agrave la demande de leur

megravere et deacuteclareacutes en situation leacutegale drsquoabandon Agrave la suite du deacutemeacutenagement de leur megravere les

enfants ont eacuteteacute placeacutes dans des centres drsquoaccueil de Murcie Le requeacuterant nrsquoen a pas eacuteteacute informeacute

(paragraphes 8 et 9 ci-dessus)

58 Dans une affaire comme celle de lrsquoespegravece le juge se trouve en preacutesence drsquointeacuterecircts souvent

difficilement conciliables agrave savoir ceux de lrsquoenfant et ceux de ses parents biologiques et

notamment dans la preacutesente cause ceux du pegravere biologique et ceux de la famille drsquoaccueil Dans la

recherche de lrsquoeacutequilibre entre ces diffeacuterents inteacuterecircts lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale (Moretti et Benedetti c Italie no 1631807 sect 67 27 avril 2010)

59 En lrsquoespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave la neacutecessiteacute de lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en se reacutefeacuterant

aux maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves que ce dernier aurait infligeacutees agrave ses enfants agrave

lrsquoinstabiliteacute eacutemotionnelle et agrave lrsquointelligence limiteacutee de leur megravere (paragraphes 14 et 21 ci-dessus)

ainsi qursquoagrave lrsquoabsence de contact du requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date du placement

de ces derniers dans des centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du

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requeacuterant avec le service de protection des mineurs (paragraphe 21 ci-dessus) et agrave lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le requeacuterant et sa fille (paragraphe 24 ci-dessus) La Cour relegraveve qursquoagrave aucun

moment de cette proceacutedure administrative lrsquoacquittement du requeacuterant le 27 septembre 2013 de

toutes les charges retenues contre lui et lrsquoannulation des mesures drsquoeacuteloignement prises initialement

agrave son encontre lrsquoempecircchant entre-temps de garder le contact avec ses enfants (paragraphe 20 ci-

dessus) nrsquoont eacuteteacute pris en compte

60 La Cour observe que la deacutecision du juge de premiegravere instance de Murcie dateacutee du 11 feacutevrier

2015 (paragraphe 25 ci-dessus) enteacuterinant la deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales

relative au placement preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en famille drsquoaccueil persistait agrave ne pas

prendre en compte la nouvelle situation peacutenale du requeacuterant depuis le 27 septembre 2013 date de

son acquittement Elle note que le juge de premiegravere instance de Murcie ne se prononccedilait drsquoailleurs

pas sur les capaciteacutes eacuteducatives et psychosociales du requeacuterant pour reacutecupeacuterer la garde de sa fille

mineure La deacutecision se bornait agrave prendre en compte les arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes dans les

rapports eacutetablis par lrsquoadministration

61 La Cour observe que la question de savoir si le processus deacutecisionnel a suffisamment

proteacutegeacute les inteacuterecircts drsquoun parent deacutepend des circonstances propres agrave chaque affaire(W c Royaume-

Uni 8 juillet 1987 sect 64 seacuterie A no 121 Elsholz c Allemagne [GC] no 2573594 sect 52

CEDH 2000-VIII) Pour ce faire elle doit veacuterifier si les juridictions nationales se sont livreacutees agrave un

examen approfondi de lrsquoensemble de la situation familiale et de toute une seacuterie drsquoeacuteleacutements drsquoordre

factuel affectif psychologique mateacuteriel et meacutedical notamment et si elles ont proceacutedeacute agrave une

appreacuteciation eacutequilibreacutee et raisonnable des inteacuterecircts respectifs (voir mutatis mutandis Neulinger

et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 139 CEDH 2010) La Cour relegraveve agrave cet eacutegard que au cours

de la proceacutedure devant le juge de premiegravere instance et lrsquoAudiencia provincial le requeacuterant a eu la

possibiliteacute de preacutesenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des proceacutedures

judiciaires ougrave il eacutetait repreacutesenteacute par un avocat au moins agrave partir du 19 novembre 2013

(paragraphe20 ci-dessus) La Cour ne deacutecegravele en conseacutequence aucun manquement formellement

imputable aux juridictions internes agrave cet eacutegard mais plutocirct une inertie des ces derniegraveres dans la

prise en compte des conclusions des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de

lrsquoadministration intervenus tout au long de lrsquoexamen de affaire

62 La Cour rappelle que dans les affaires touchant la vie familiale la rupture du contact avec

un enfant tregraves jeune peut conduire agrave une alteacuteration croissante de sa relation avec son parent (voir

entre autres Pini et autres c Roumanie nos 7802801 et 7803001 sect 175 CEDH 2004-V (extraits)

et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 103) Il en va ainsi dans la preacutesente affaire Les rapports des 28 feacutevrier

et 18 deacutecembre 2014 (paragraphes 21 et 23 ci-dessus) ont deacutemontreacute que la fille du requeacuterant eacutetait

bien inteacutegreacutee dans sa famille drsquoaccueil depuis le 24 septembre 2013 (paragraphe 17 ci-dessus) Le

passage du temps a eu pour effet de rendre deacutefinitive une situation qui eacutetait censeacutee ecirctre provisoire

compte tenu du tregraves jeune acircge de lrsquoenfant lorsque la situation leacutegale drsquoabandon a eacuteteacute constateacutee et

que la mise sous tutelle est intervenue (paragraphe 8 ci-dessus)

63 La Cour rappelle qursquoil ne lui appartient pas de substituer son appreacuteciation agrave celle des

autoriteacutes nationales compeacutetentes quant aux mesures qui auraient ducirc ecirctre prises car ces autoriteacutes

sont en principe mieux placeacutees pour proceacuteder agrave une telle eacutevaluation Tout en reconnaissant qursquoen

lrsquoespegravece les juridictions internes se sont appliqueacutees de bonne foi agrave preacuteserver le bien-ecirctre de la

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

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67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 8: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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2 Les pouvoirs publics assurent eacutegalement la protection inteacutegrale des enfants qui sont eacutegaux

devant la loi indeacutependamment de leur filiation et celle de la megravere quel que soit son eacutetat civil

La loi rendra possible la recherche de la paterniteacute

3 Les parents doivent precircter assistance dans tous les domaines agrave leurs enfants qursquoils soient

neacutes dans le mariage ou en dehors de celui-ci pendant leur minoriteacute et dans les autres cas

preacutevus par la loi

4 Les enfants jouissent de la protection preacutevue par les accords internationaux qui veillent sur

leurs droits raquo

32 Lrsquoarticle 17 de la Loi organique 11996 du 15 janvier 1996 portant sur la protection juridique

des mineurs dispose que

laquo Devant toute situation agrave risque quelle qursquoelle soit portant preacutejudice au deacuteveloppement

personnel ou social du mineur et nrsquoexigeant pas sa mise sous tutelle en vertu de la loi lrsquoaction

des pouvoirs publics doit dans tous les cas garantir les droits du mineur et tendre agrave la

reacuteduction des facteurs de risque et des difficulteacutes sociales qui ont une incidence sur sa

situation personnelle et sociale ainsi que promouvoir les facteurs de protection du mineur et

de sa famille

Une fois la situation de risque appreacutecieacutee lrsquoadministration compeacutetente en matiegravere de

protection de mineurs mettra en œuvre les actions pertinentes pour lrsquoatteacutenuer et proceacutedera au

suivi de lrsquoeacutevolution du mineur dans sa famille raquo

33 Les dispositions pertinentes en lrsquoespegravece du code civil se lisent comme suit

Article 172

laquo 1 Lorsque lrsquoinstitution publique responsable de la protection des mineurs dans son ressort

territorial constate qursquoun mineur se trouve dans une situation drsquoabandon elle en assume de

plein droit la tutelle et doit mettre en œuvre les mesures neacutecessaires pour garantir sa

protection et sa tutelle () [Les parents et tuteurs] seront autant que possible informeacutes

personnellement et de maniegravere claire et compreacutehensible des motifs ayant donneacute lieu agrave

lrsquointervention de lrsquoadministration et des effets possibles de la deacutecision adopteacutee

Un mineur est consideacutereacute comme eacutetant en situation drsquoabandon lorsque de fait il se trouve

dans une situation deacutecoulant soit drsquoun manquement aux devoirs de protection eacutetablis par les

textes de loi portant sur la tutelle des mineurs soit de lrsquoimpossibiliteacute drsquoexercer ces devoirs ou

de les exercer correctement et qursquoil est priveacute de lrsquoassistance morale ou mateacuterielle qui lui est

neacutecessaire

Lrsquoexercice de la tutelle par lrsquoadministration implique la suspension de lrsquoautoriteacute parentale ou

de la tutelle ordinaire ()

2 Lorsque en raison de circonstances graves les parents ou les tuteurs ne peuvent pas

prendre soin du mineur ils peuvent solliciter de lrsquoadministration compeacutetente qursquoelle en

assume la tutelle pendant le temps neacutecessaire

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La cession de la tutelle se fera par eacutecrit et il sera constateacute que les parents ou tuteurs ont eacuteteacute

informeacutes des responsabiliteacutes qursquoils ont toujours par rapport agrave lrsquoenfant ainsi que la faccedilon dans

laquelle la tutelle sera exerceacutee par lrsquoadministration

()

3 La tutelle assumeacutee agrave la demande des parents ou tuteurs ou en vertu drsquoune obligation

leacutegale prendra la forme de lrsquoaccueil familial ou en reacutesidence ()

4 Lrsquointeacuterecirct du mineur est toujours rechercheacute Agrave moins que lrsquointeacuterecirct du mineur ne srsquoy oppose

[lrsquoadministration srsquoefforce] de le reacuteinteacutegrer dans sa propre famille et de confier la tutelle des

fregraveres et sœurs agrave la mecircme institution ou personne

()

7 Les parents dont lrsquoautoriteacute parentale est suspendue en vertu du paragraphe 1 du preacutesent

article peuvent solliciter la cessation de la suspension et la reacutevocation de la deacuteclaration

drsquoabandon pendant un deacutelai de deux ans agrave compter de la notification administrative de la

deacuteclaration drsquoabandon srsquoils estiment qursquoils peuvent de nouveau exercer lrsquoautoriteacute parentale en

raison drsquoun changement des circonstances lrsquoayant motiveacutee

Ils peuvent aussi contester pendant ce mecircme deacutelai les deacutecisions prises en rapport avec la

protection du mineur

()

Une fois ce deacutelai eacutecouleacute ils nrsquoont plus le droit de demander ou de contester les deacutecisions ou

les mesures prises en vue de la protection du mineur ()

8 Lrsquoadministration drsquooffice ou agrave la demande du ministegravere public ou de toute personne ou

institution inteacuteresseacutees peut agrave tout moment reacutevoquer la deacuteclaration drsquoabandon et deacutecider du

retour du mineur avec sa famille srsquoil nrsquoest pas inteacutegreacute de maniegravere stable dans une autre famille

ou si elle estime que crsquoest la mesure la plus adeacutequate pour lrsquointeacuterecirct du mineur La deacutecision

sera notifieacutee au ministegravere public raquo

Article 173

laquo 1 Le placement en famille drsquoaccueil implique la pleine participation du mineur agrave la vie du

foyer familial et lrsquoobligation pour la famille drsquoaccueil de veiller sur lui de srsquooccuper de lui de

le nourrir de lrsquoeacuteduquer et de lui offrir une instruction complegravete

()

3 Si les parents () srsquoopposent [au placement du mineur en famille drsquoaccueil] ce placement

doit faire lrsquoobjet drsquoune deacutecision judiciaire dans lrsquointeacuterecirct du mineur ()

Toutefois lrsquoadministration peut deacutecider dans lrsquointeacuterecirct du mineur de le placer

provisoirement en famille drsquoaccueil jusqursquoagrave ce que la deacutecision judiciaire soit rendue

() raquo

Article 173 bis

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laquo Lrsquoaccueil familial peut revecirctir lrsquoune des modaliteacutes suivantes selon sa finaliteacute

1er lrsquoaccueil familial simple qui revecirct un caractegravere provisoire soit parce que la situation du

mineur permet de preacutevoir sa reacuteinsertion dans sa propre famille soit parce qursquoune autre

mesure de protection plus durable est en voie drsquoecirctre adopteacutee

2e lrsquoaccueil familial permanent lorsque en raison de lrsquoacircge ou drsquoautres circonstances

concernant le mineur ou sa famille [ce mode] semble preacutefeacuterable et est ainsi recommandeacute par

les services de protection des mineurs ()

3e lrsquoaccueil familial preacuteadoptif formaliseacute par lrsquoadministration lorsqursquoelle preacutesente agrave

lrsquoautoriteacute judiciaire une proposition drsquoadoption du mineur [laquelle doit ecirctre] viseacutee par les

services de protection des mineurs pourvu que les parents drsquoaccueil remplissent les

conditions requises pour lrsquoadoption aient eacuteteacute seacutelectionneacutes et aient donneacute leur consentement agrave

lrsquoadministration et que le mineur se trouve dans une situation juridique le rendant apte agrave ecirctre

adopteacuteLrsquoadministration peut aussi mettre en place un accueil familial preacuteadoptif lorsqursquoelle

considegravere avant la preacutesentation de la proposition drsquoadoption qursquoil est neacutecessaire drsquoeacutetablir une

peacuteriode drsquoadaptation du mineur dans la famille Cette peacuteriode est la plus bregraveve possible et ne

peut deacutepasser un an raquo

Article 222

laquo Sont placeacutes sous tutelle

()

4e Les mineurs en situation drsquoabandon raquo

34 Lrsquoarticle 35 de la Loi 31995 du 21 mars 1995 de la reacutegion de Murcie relative agrave lrsquoenfance se

lit comme suit

Article 35

laquo 1 La mesure drsquoaccueil peut ecirctre appliqueacutee preacutealablement agrave lrsquoadoption

a) si le mineur preacutesente des signes de mauvais traitements physiques ou psychiques drsquoabus

sexuels drsquoexploitation ou drsquoautres [mauvais traitements] de nature analogue ou si par tout

autre motif les parents ou les tuteurs sont sous le coup drsquoune cause de privation de lrsquoautoriteacute

parentale et qursquoil soit preacutevu que cette situation soit permanente

b) si les parents ou tuteurs sont empecirccheacutes drsquoexercer leur autoriteacute parentale et qursquoil est preacutevu

que cette situation soit permanente

c) si les parents ou tuteurs en font la demande agrave lrsquoorganisme compeacutetent et deacutelaissent les

droits et les devoirs inheacuterents agrave leur fonction

e) srsquoil en est ainsi deacutecideacute par lrsquoautoriteacute judiciaire

2 Dans les cas deacutefinis agrave lrsquoalineacutea 1 afin drsquoobtenir une meilleure inteacutegration dans la famille

drsquoaccueil les visites et les rapports avec la famille biologique sont suspendus si cela convient

agrave lrsquointeacuterecirct du mineur raquo

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EN DROIT

I SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

35 Le requeacuterant reproche au service de protection des mineurs de nrsquoavoir pris aucune mesure

pour favoriser le reacutetablissement des contacts avec sa fille agrave la suite de son acquittement et de la

leveacutee des mesures provisoires drsquoeacuteloignement et de non-communication Il invoque lrsquoarticle 8 de la

Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son domicile et de sa

correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit que pour

autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une mesure qui dans une

socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave la sucircreteacute publique au bien-ecirctre

eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la

protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

A Sur la recevabiliteacute

36 Le Gouvernement excipe du non-eacutepuisement des voies de recours internes Il soutient drsquoune

part que le requeacuterant nrsquoa pas saisi lrsquoAudiencia provincial drsquoun recours en nulliteacute avant de saisir le

Tribunal constitutionnel de son recours drsquoamparo Drsquoautre part il note que le recours drsquoamparo a eacuteteacute

deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir rempli

lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle speacuteciale

conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la Loi organique nordm 21979 relative au

Tribunal constitutionnel (LOTC) modifieacutee par la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

37 Le requeacuterant indique que le recours en nulliteacute nrsquoeacutetait pas pertinent ce qui eacutetait aussi lrsquoavis

du Tribunal constitutionnel qui nrsquoa pas rejeteacute son recours drsquoamparo pour ce motif Il ajoute que la

deacutecision drsquoirrecevabiliteacute de son recours drsquoamparo faute drsquoavoir deacutemontreacute lrsquoimportance

constitutionnelle de ses griefs a eacuteteacute prononceacutee agrave tort comme cela avait eacuteteacute aussi le cas selon lui

dans lrsquoaffaire RMS c Espagne (no 2877512 18 juin 2013) qui a fait lrsquoobjet drsquoun constat de violation

de lrsquoarticle 8 de la Convention par la Cour

38 Concernant la premiegravere branche de lrsquoexception souleveacutee par le Gouvernement la Cour

estime que le requeacuterant a fourni aux juridictions internes et en dernier ressort au Tribunal

constitutionnel lrsquooccasion de remeacutedier agrave la violation alleacutegueacutee Concernant lrsquoargument du

Gouvernement tireacute du manque drsquoeacutepuisement des voies de recours internes en raison de lrsquoabsence

de recours en nulliteacute elle observe que le Tribunal constitutionnel nrsquoa pas deacuteclareacute le recours

drsquoamparo du requeacuterant irrecevable pour ce motif et qursquoil nrsquoa agrave aucun moment fait mention drsquoune

eacuteventuelle exigence de preacutesentation preacutealable de ce recours La Cour rappelle que crsquoest drsquoabord

aux autoriteacutes nationales et speacutecialement aux cours et tribunaux qursquoil incombe drsquointerpreacuteter le

droit interne (Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne 19 deacutecembre 1997 sect 31 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-VIII) et notamment les questions de proceacutedure et qursquoelle ne substituera pas sa

propre interpreacutetation du droit agrave la leur en lrsquoabsence drsquoarbitraire Elle ne saurait degraves lors exiger du

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requeacuterant lrsquoeacutepuisement drsquoune voie de recours que le Tribunal constitutionnel lui-mecircme nrsquoa pas

consideacutereacutee comme exigible en lrsquoespegravece

39 Concernant la seconde branche de lrsquoexception du Gouvernement celui-ci estime que les

voies de recours internes nrsquoont pas eacuteteacute correctement eacutepuiseacutees dans la mesure ougrave le recours

drsquoamparo a eacuteteacute deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir

rempli lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle

speacuteciale conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la LOTC telle que modifieacutee par

la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

40 Agrave cet eacutegard comme elle lrsquoa deacutejagrave fait dans lrsquoaffaire Arribas Antoacuten c Espagne (no 1656311

20 janvier 2015) la Cour tient agrave souligner que le fait que le Tribunal constitutionnel ait deacuteclareacute un

recours drsquoamparo irrecevable au motif qursquoil ne revecirctait pas lrsquoimportance constitutionnelle speacuteciale

requise ou le cas eacutecheacuteant que son auteur nrsquoavait pas deacutemontreacute lrsquoexistence de pareille importance

ne lrsquoempecircche pas de se prononcer sur la recevabiliteacute et le fond drsquoune requecircte (ibidem sect 51 avec les

reacutefeacuterences aux arrecircts de la Cour rendus agrave la suite de deacutecisions drsquoirrecevabiliteacute des recours

drsquoamparo par le Tribunal constitutionnel en application de ce critegravere Del Riacuteo Prada c Espagne [GC]

no 4275009 sect 22 CEDH 2013 Varela Geis c Espagne no 6100509 5 mars 2013 Manzanas Martiacuten c

Espagne no 1796610 sect 14 3 avril 2012 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 45 voirplus

reacutecemment Rodriguez Ravelo c Espagne no 4807410 sect 24 12 janvier 2016 et en dernier lieu Saber

et Boughassal c Espagne nos 7655013 et 4593814 sect 30 18 deacutecembre 2018) La Cour relegraveve qursquoen

lrsquoespegravece le requeacuterant a exposeacute dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles le recours

drsquoamparo avait pour lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il a indiqueacute que ledit recours

satisfaisait agrave la condition drsquoimportance constitutionnelle speacuteciale dans la mesure ougrave il eacutetait fondeacute

sur la jurisprudence laquo des organes chargeacutes de lrsquointerpreacutetation des traiteacutes et accords internationaux

viseacutes agrave lrsquoarticle 10 sect 2 CE raquo Il faisait reacutefeacuterence agrave lrsquoarrecirct rendu dans lrsquoaffaire RMS cEspagne

preacuteciteacute et invoquait les dispositions de la Constitution espagnole qursquoil estimait pertinentes ainsi

que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le

regroupement familial entre lui et sa fille en raison de graves erreurs contenues dans les rapports

eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de lrsquoadministration qui ont servi de base au raisonnement des

juridictions internes

41 Par conseacutequent lrsquoexception du Gouvernement ne saurait ecirctre retenue

42 Constatant que la requecircte nrsquoest pas manifestement mal fondeacutee au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a)

de la Convention et qursquoelle ne se heurte par ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour la

deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Thegravese des parties

a) Le Gouvernement

43 Le Gouvernement concegravede que le droit au respect de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

a fait lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence de la part de lrsquoautoriteacute publique Il estime cependant que cette

ingeacuterence se justifie par une exigence primordiale touchant lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant et

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constitue un usage approprieacute de la marge drsquoappreacuteciation dont beacuteneacuteficient les autoriteacutes nationales

Il deacuteclare que en lrsquoespegravece la fille du requeacuterant avait inteacuterecirct agrave voir sa situation drsquoaccueil familial se

consolider apregraves 15 mois de placement dans un centre drsquoaccueil Il indique par ailleurs que la Cour

nrsquoest pas une juridiction de quatriegraveme instance et qursquoelle se doit de respecter la marge

drsquoappreacuteciation dont disposent les Eacutetats membres dans la reacuteglementation des relations parents-

enfants

44 Le Gouvernement indique que la deacutecision de lrsquoadministration locale de recourir agrave la

proceacutedure de placement en accueil familial preacuteadoptif a eacuteteacute adopteacutee dans le strict respect de la

leacutegislation de la protection des mineurs qursquoelle eacutetait ducircment motiveacutee et qursquoelle a eacuteteacute veacuterifieacutee par

les autoriteacutes judiciaires espagnoles conformeacutement agrave la loi Il ajoute que cette deacutecision nrsquoa pas eacuteteacute

prise de maniegravere arbitraire mais se fonde sur le manque drsquointeacuterecirct manifesteacute par le requeacuterant pour

sa fille Le Gouvernement expose que bien que le requeacuterant faisait lrsquoobjet drsquoune mesure

drsquoeacuteloignement jusqursquoen septembre 2013 celui-ci nrsquoa pas eu de contact avec ses enfants entre 2012 et

2015 et ne srsquoest pas rendu agrave Murcie en personne mais a agi par lettre par le biais drsquoune association

(paragraphe 11 ci-dessus) Il indique que la situation du requeacuterant diffegravere degraves lors de

lrsquoaffaire RMS c Espagne(preacuteciteacute sect 76) dans laquelle la Cour a conclu agrave une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention en raison de la constatation de la situation drsquoabandon drsquoune mineure malgreacute le

fait que la requeacuterante laquo srsquoeacutetait rendue au moins agrave 17 reprises au centre drsquoaccueil de Grenade alors

mecircme que lrsquoinstitution se trouvait relativement eacuteloigneacutee de son domicile et () qursquoelle nrsquoavait

mecircme pas eacuteteacute informeacutee que sa fille ne srsquoy trouvait plus raquo De plus le Gouvernement estime que en

lrsquoespegravece cette deacutecision avait eacuteteacute preacuteceacutedeacutee drsquoune analyse rigoureuse baseacutee sur les rapports eacutetablis

par les services de protection sociale de Murcie Il se reacutefegravere au rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 au rapport psychosocial du 19 juillet 2013 au rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 et au

rapport du 2 feacutevrier 2015 (paragraphes 14 et suivants ci-dessus)

45 Le Gouvernement considegravere que les deacutecisions prises en lrsquoespegravece par les autoriteacutes nrsquoeacutetaient

pas disproportionneacutees car celles-ci auraient eacutegalement veilleacute aux inteacuterecircts des parents biologiques

en leur garantissant une protection proceacutedurale suffisante et en les impliquant dans le processus

deacutecisionnel (W c Royaume-Uni 8 juillet 1987 sect 63 seacuterie A no 121) Il estime que les autoriteacutes ont agrave

tout moment respecteacute lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure la situation de sa famille proche et eacutelargie

et les principes de proportionnaliteacute et de neacutecessiteacute Il note les efforts des services sociaux de Murcie

pour contacter le requeacuterant (paragraphes 12 et 13 ci-dessus) ainsi que le fait que les organes

juridictionnels ont respecteacute les droits de la deacutefense en donnant la possibiliteacute aux parents de la

mineure drsquoexprimer leur point de vue et le cas eacutecheacuteant leur opposition agrave travers les deacutemarches et

les recours qui leur eacutetaient disponibles

46 Le Gouvernement indique que lrsquointeacuterecirct de chaque mineur doit ecirctre appreacutecieacute de faccedilon

individualiseacutee Par conseacutequent il estime que le fait pour le requeacuterant drsquoavoir reacutecupeacutereacute la garde de

ses deux fils ne modifiait pas la deacutecision des organes judiciaires car sa fille nrsquoaurait pas eacuteteacute dans

une situation comparable agrave celle de ses fregraveres en raison de son acircge et de ses circonstances

personnelles Se reacutefeacuterant agrave la deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie du 7 avril 2016 il estime

en effet que la reacuteinsertion de la mineure au sein de sa famille biologique nrsquoeacutetait plus possible au

risque de lui causer plus de preacutejudices que de beacuteneacutefices Il ajoute que la famille eacutelargie de lrsquoenfant

nrsquoa pas prouveacute aux services sociaux qursquoelle pouvait la prendre en charge

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47 Enfin le Gouvernement note que les droits eacutenonceacutes agrave lrsquoarticle 8 de la Convention

srsquoappliquent de maniegravere eacutegale tant agrave la famille biologique qursquoagrave la famille drsquoaccueil laquelle a creacuteeacute

des liens affectifs avec la mineure dont la Cour doit tenir compte

b) Le requeacuterant

48 Le requeacuterant estime que si lrsquoaccueil a pu ecirctre la meilleure solution pour consolider la

situation familiale de sa fille par le passeacute cette mesure a selon lui cesseacute de lrsquoecirctre lorsqursquoil a

reacutecupeacutereacute la garde des deux aicircneacutes avec lrsquoautorisation de lrsquoautoriteacute chargeacutee de leur protection Il

considegravere que justifier le placement de sa fille en famille drsquoaccueil par le laquo manque drsquointeacuterecirct raquo dont

il aurait fait preuve nrsquoa pas de sens degraves lors qursquoil a eacuteteacute priveacute de lrsquoautoriteacute parentale sur ses enfants

ainsi que des droits et devoirs y affeacuterents Il soutient que cette mesure agrave lrsquoorigine de la deacuteclaration

drsquoabandon de ses enfants srsquoest aveacutereacutee inutile puisqursquoil a eacuteteacute acquitteacute des charges peacutenales de

mauvais traitements agrave lrsquoencontre de sa femme Il ajoute que degraves qursquoil avait pu reprendre contact

avec ses enfants les plus acircgeacutes le mecircme reacutegime de visites lui avait de nouveau eacuteteacute interdit avec sa

fille De plus il argue que en tant qursquoeacutetranger ne parlant pas correctement lrsquoespagnol il lui eacutetait

difficile de prendre connaissance de la citation agrave comparaicirctre publieacutee dans le Journal officiel de la

reacutegion de Murcie (paragraphe 13 ci-dessus) et que cela nrsquoaurait pas ducirc ecirctre interpreacuteteacute comme un

manque drsquointeacuterecirct de sa part

49 Le requeacuterant considegravere que les services de protection de lrsquoenfance et les juridictions

espagnoles ont fait preuve de discrimination agrave son eacutegard car il eacutetait eacutetranger Il indique qursquoil vivait

agrave Madrid et qursquoil ne parlait pas correctement lrsquoespagnol agrave lrsquoeacutepoque Il rejette lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les autoriteacutes ont respecteacute le principe de leacutegaliteacute ainsi que ses droits

proceacuteduraux eacutetant donneacute que celles-ci ont baseacute leur deacutecision selon lui sur des arguments

infondeacutes et des rapports eacutetablis alors qursquoil faisait lrsquoobjet drsquoune poursuite peacutenale et qursquoil nrsquoeacutetait pas

en mesure de deacutefendre son aptitude agrave ecirctre pegravere

50 Le requeacuterant critique la motivation avanceacutee par lrsquoAudiencia provincial de Murcie en ce que

celle-ci considegravere comme eacutetant neacutegligeable le fait qursquoil ait reacutecupeacutereacute uniquement la garde de ses fils

et non celle de sa fille laquo parce que cela srsquoaveacutererait contre-productif pour [celle-ci] raquo alors que le

retour des deux garccedilons aupregraves de lui prouve selon lui qursquoil srsquointeacuteresse agrave ses enfants et qursquoil est

capable de les prendre en charge Il estime que cette deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie

reprise par le Gouvernement dans ses observations lui impute agrave tort des mauvais traitements

envers ses enfants et transfegravere agrave son encontre le manque drsquoadeacutequation de la conduite de la megravere de

ses enfants agrave leur eacutegard

2 Appreacuteciation de la Cour

a) Principes geacuteneacuteraux relatifs aux obligations positives qui incombent agrave lrsquoEacutetat deacutefendeur en

vertu de lrsquoarticle 8 de la Convention

51 La Cour rappelle que pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement

fondamental de la vie familiale (Buscemi c Italie no 2956995 sect 53 CEDH 1999-VI Saleck Bardi c

Espagne no 6616709 sectsect 49 et 50 24 mai 2011 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 68) et que des mesures

internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par lrsquoarticle 8 de la

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Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 151 CEDH 2001-VII et Barnea et Caldararu c

Italie no 3793115 sect 63 22 juin 2017)

52 Comme la Cour lrsquoa indiqueacute agrave plusieurs reprises lrsquoarticle 8 de la Convention a

essentiellement pour objet de preacutemunir lrsquoindividu contre les ingeacuterences arbitraires des autoriteacutes

publiques il ne se contente toutefois pas de commander agrave lrsquoEacutetat de srsquoabstenir de pareilles

ingeacuterences En effet si les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute responsable aboutissant au placement

drsquoun enfant dans un centre drsquoaccueil srsquoanalysent en des ingeacuterences dans le droit drsquoun parent au

respect de sa vie familiale (W c Royaume-Uni preacuteciteacute sect 59) les obligations positives inheacuterentes agrave

un respect effectif de la vie priveacutee ou familiale peuvent impliquer lrsquoadoption de mesures visant au

respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux (X et Y c Pays-Bas 26

mars 1985 sect 23 seacuterie A no 91 et Mincheva c Bulgarie no 2155803 sect 81 2 septembre 2010) Dans un

cas comme dans lrsquoautre il faut avoir eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts

concurrents ndash ceux de lrsquoenfant ceux des deux parents et ceux de lrsquoordre public - (Maumousseau et

Washington c France no 3938805 sect 62 6 deacutecembre 2007) en attachant toutefois une importance

deacuteterminante agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir dans ce sens Gnahoreacute c France no 4003198 sect

59 CEDH 2000-IX) qui selon sa nature et sa graviteacute peut lrsquoemporter sur celui des parents (Sahin c

Allemagne [GC] no 3094396 sect 66 CEDH 2003-VIII) De mecircme dans les deux hypothegraveses lrsquoEacutetat

jouit drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation (Saleck Bardi preacuteciteacute sect 50 et KAB c Espagne preacuteciteacute sect

95)

53 La Cour reacuteaffirme le principe bien eacutetabli dans sa jurisprudence selon lequel le but de la

Convention consiste agrave proteacuteger des droits concrets et effectifs (K et T c Finlande[GC] preacuteciteacute sect

154) Elle rappelle qursquoelle nrsquoa pas pour tacircche de se substituer aux autoriteacutes internes mais

drsquoexaminer sous lrsquoangle de la Convention les deacutecisions que ces autoriteacutes ont rendues dans

lrsquoexercice de leur pouvoir discreacutetionnaire

54 Comme la Cour lrsquoa affirmeacute agrave de nombreuses reprises lrsquoeacuteclatement drsquoune famille constitue

en effet une mesure tregraves grave qui doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de

lrsquoenfant et avoir assez de poids et de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC]

nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Agrave cet eacutegard et srsquoagissant de lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat de prendre des mesures positives la Cour a affirmeacute agrave maintes reprises que lrsquoarticle 8

implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et lrsquoobligation pour

les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie

A no 156 et Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre 1992 sect 90 seacuterie A no 250) Dans ce genre drsquoaffaire

le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise en œuvre car le passage du

temps peut avoir des conseacutequences irreacutemeacutediables sur les relations entre lrsquoenfant et le parent qui ne

vit pas avec lui (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 SH c Italie no 5255714 sect 42

13 octobre 2015) La deacutecision de prise en charge drsquoun enfant doit en principe ecirctre consideacutereacutee

comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances srsquoy precirctent et tout acte

drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et lrsquoenfant (K

et T c Finlande preacuteciteacute sect 178) Lorsqursquoune peacuteriode de temps consideacuterable srsquoest eacutecouleacutee depuis que

lrsquoenfant a eacuteteacute placeacute pour la premiegravere fois sous assistance lrsquointeacuterecirct qursquoa lrsquoenfant agrave ne pas voir sa

situation familiale de facto changer de nouveau peut lrsquoemporter sur lrsquointeacuterecirct des parents agrave la

reacuteunion de leur famille Degraves lors la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes jouissent drsquoune grande

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latitude pour appreacutecier la neacutecessiteacute de prendre en charge un enfant mais il faut exercer un controcircle

plus rigoureux agrave la fois sur les restrictions suppleacutementaires comme celles apporteacutees par les

autoriteacutes aux droits et aux visites des parents et sur les garanties destineacutees agrave assurer la protection

effective du droit des parents et enfants au respect de leur vie familiale (K et T c Finlande [GC]

preacuteciteacute sect 155) Lrsquoobligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la

famille degraves que cela sera vraiment possible srsquoimpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la

peacuteriode de prise en charge et avec de plus en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance

avec le devoir de consideacuterer lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Par ailleurs les obligations positives ne

se limitent pas agrave veiller agrave ce que lrsquoenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui

mais elles englobent eacutegalement lrsquoensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce

reacutesultat (voir mutatis mutandis Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004

etAmanalachioai c Roumanie no 402304 sect 95 26 mai 2009)

55 Il revient agrave la Cour drsquoappreacutecier si les autoriteacutes espagnoles ont agi en meacuteconnaissance de

leurs obligations positives deacutecoulant de lrsquoarticle 8 de la Convention (Hokkanen c Finlande 23

septembre 1994 sect 55 seacuterie A no 299-A Mikulić c Croatie no 5317699 sect 59 CEDH 2002-I P C et

S c Royaume-Uni no 5654700 sect 122 CEDH 2002-VI Evansc Royaume-Uni [GC] no 633905 sect 76

CEDH 2007-IV et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 98)

56 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter drsquoun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de lrsquoarticle

8 de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lrsquoapplication et lrsquointerpreacutetation des

dispositions leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de lrsquoarticle 8 de la

Convention en tenant notamment compte de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir mutatis

mutandis Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 et Barnea et Caldararu c

Italie preacuteciteacute sect 65 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115 RMS c Espagne preacuteciteacute sect 72)

b) Application en lrsquoespegravece des principes susmentionneacutes

57 La Cour relegraveve que le 15 juin 2012 les trois enfants du requeacuterant dont sa fille mineure acircgeacutee

agrave lrsquoeacutepoque drsquoun an et demi ont eacuteteacute placeacutes dans un centre drsquoaccueil agrave Madrid agrave la demande de leur

megravere et deacuteclareacutes en situation leacutegale drsquoabandon Agrave la suite du deacutemeacutenagement de leur megravere les

enfants ont eacuteteacute placeacutes dans des centres drsquoaccueil de Murcie Le requeacuterant nrsquoen a pas eacuteteacute informeacute

(paragraphes 8 et 9 ci-dessus)

58 Dans une affaire comme celle de lrsquoespegravece le juge se trouve en preacutesence drsquointeacuterecircts souvent

difficilement conciliables agrave savoir ceux de lrsquoenfant et ceux de ses parents biologiques et

notamment dans la preacutesente cause ceux du pegravere biologique et ceux de la famille drsquoaccueil Dans la

recherche de lrsquoeacutequilibre entre ces diffeacuterents inteacuterecircts lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale (Moretti et Benedetti c Italie no 1631807 sect 67 27 avril 2010)

59 En lrsquoespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave la neacutecessiteacute de lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en se reacutefeacuterant

aux maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves que ce dernier aurait infligeacutees agrave ses enfants agrave

lrsquoinstabiliteacute eacutemotionnelle et agrave lrsquointelligence limiteacutee de leur megravere (paragraphes 14 et 21 ci-dessus)

ainsi qursquoagrave lrsquoabsence de contact du requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date du placement

de ces derniers dans des centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du

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requeacuterant avec le service de protection des mineurs (paragraphe 21 ci-dessus) et agrave lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le requeacuterant et sa fille (paragraphe 24 ci-dessus) La Cour relegraveve qursquoagrave aucun

moment de cette proceacutedure administrative lrsquoacquittement du requeacuterant le 27 septembre 2013 de

toutes les charges retenues contre lui et lrsquoannulation des mesures drsquoeacuteloignement prises initialement

agrave son encontre lrsquoempecircchant entre-temps de garder le contact avec ses enfants (paragraphe 20 ci-

dessus) nrsquoont eacuteteacute pris en compte

60 La Cour observe que la deacutecision du juge de premiegravere instance de Murcie dateacutee du 11 feacutevrier

2015 (paragraphe 25 ci-dessus) enteacuterinant la deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales

relative au placement preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en famille drsquoaccueil persistait agrave ne pas

prendre en compte la nouvelle situation peacutenale du requeacuterant depuis le 27 septembre 2013 date de

son acquittement Elle note que le juge de premiegravere instance de Murcie ne se prononccedilait drsquoailleurs

pas sur les capaciteacutes eacuteducatives et psychosociales du requeacuterant pour reacutecupeacuterer la garde de sa fille

mineure La deacutecision se bornait agrave prendre en compte les arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes dans les

rapports eacutetablis par lrsquoadministration

61 La Cour observe que la question de savoir si le processus deacutecisionnel a suffisamment

proteacutegeacute les inteacuterecircts drsquoun parent deacutepend des circonstances propres agrave chaque affaire(W c Royaume-

Uni 8 juillet 1987 sect 64 seacuterie A no 121 Elsholz c Allemagne [GC] no 2573594 sect 52

CEDH 2000-VIII) Pour ce faire elle doit veacuterifier si les juridictions nationales se sont livreacutees agrave un

examen approfondi de lrsquoensemble de la situation familiale et de toute une seacuterie drsquoeacuteleacutements drsquoordre

factuel affectif psychologique mateacuteriel et meacutedical notamment et si elles ont proceacutedeacute agrave une

appreacuteciation eacutequilibreacutee et raisonnable des inteacuterecircts respectifs (voir mutatis mutandis Neulinger

et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 139 CEDH 2010) La Cour relegraveve agrave cet eacutegard que au cours

de la proceacutedure devant le juge de premiegravere instance et lrsquoAudiencia provincial le requeacuterant a eu la

possibiliteacute de preacutesenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des proceacutedures

judiciaires ougrave il eacutetait repreacutesenteacute par un avocat au moins agrave partir du 19 novembre 2013

(paragraphe20 ci-dessus) La Cour ne deacutecegravele en conseacutequence aucun manquement formellement

imputable aux juridictions internes agrave cet eacutegard mais plutocirct une inertie des ces derniegraveres dans la

prise en compte des conclusions des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de

lrsquoadministration intervenus tout au long de lrsquoexamen de affaire

62 La Cour rappelle que dans les affaires touchant la vie familiale la rupture du contact avec

un enfant tregraves jeune peut conduire agrave une alteacuteration croissante de sa relation avec son parent (voir

entre autres Pini et autres c Roumanie nos 7802801 et 7803001 sect 175 CEDH 2004-V (extraits)

et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 103) Il en va ainsi dans la preacutesente affaire Les rapports des 28 feacutevrier

et 18 deacutecembre 2014 (paragraphes 21 et 23 ci-dessus) ont deacutemontreacute que la fille du requeacuterant eacutetait

bien inteacutegreacutee dans sa famille drsquoaccueil depuis le 24 septembre 2013 (paragraphe 17 ci-dessus) Le

passage du temps a eu pour effet de rendre deacutefinitive une situation qui eacutetait censeacutee ecirctre provisoire

compte tenu du tregraves jeune acircge de lrsquoenfant lorsque la situation leacutegale drsquoabandon a eacuteteacute constateacutee et

que la mise sous tutelle est intervenue (paragraphe 8 ci-dessus)

63 La Cour rappelle qursquoil ne lui appartient pas de substituer son appreacuteciation agrave celle des

autoriteacutes nationales compeacutetentes quant aux mesures qui auraient ducirc ecirctre prises car ces autoriteacutes

sont en principe mieux placeacutees pour proceacuteder agrave une telle eacutevaluation Tout en reconnaissant qursquoen

lrsquoespegravece les juridictions internes se sont appliqueacutees de bonne foi agrave preacuteserver le bien-ecirctre de la

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

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67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 9: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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La cession de la tutelle se fera par eacutecrit et il sera constateacute que les parents ou tuteurs ont eacuteteacute

informeacutes des responsabiliteacutes qursquoils ont toujours par rapport agrave lrsquoenfant ainsi que la faccedilon dans

laquelle la tutelle sera exerceacutee par lrsquoadministration

()

3 La tutelle assumeacutee agrave la demande des parents ou tuteurs ou en vertu drsquoune obligation

leacutegale prendra la forme de lrsquoaccueil familial ou en reacutesidence ()

4 Lrsquointeacuterecirct du mineur est toujours rechercheacute Agrave moins que lrsquointeacuterecirct du mineur ne srsquoy oppose

[lrsquoadministration srsquoefforce] de le reacuteinteacutegrer dans sa propre famille et de confier la tutelle des

fregraveres et sœurs agrave la mecircme institution ou personne

()

7 Les parents dont lrsquoautoriteacute parentale est suspendue en vertu du paragraphe 1 du preacutesent

article peuvent solliciter la cessation de la suspension et la reacutevocation de la deacuteclaration

drsquoabandon pendant un deacutelai de deux ans agrave compter de la notification administrative de la

deacuteclaration drsquoabandon srsquoils estiment qursquoils peuvent de nouveau exercer lrsquoautoriteacute parentale en

raison drsquoun changement des circonstances lrsquoayant motiveacutee

Ils peuvent aussi contester pendant ce mecircme deacutelai les deacutecisions prises en rapport avec la

protection du mineur

()

Une fois ce deacutelai eacutecouleacute ils nrsquoont plus le droit de demander ou de contester les deacutecisions ou

les mesures prises en vue de la protection du mineur ()

8 Lrsquoadministration drsquooffice ou agrave la demande du ministegravere public ou de toute personne ou

institution inteacuteresseacutees peut agrave tout moment reacutevoquer la deacuteclaration drsquoabandon et deacutecider du

retour du mineur avec sa famille srsquoil nrsquoest pas inteacutegreacute de maniegravere stable dans une autre famille

ou si elle estime que crsquoest la mesure la plus adeacutequate pour lrsquointeacuterecirct du mineur La deacutecision

sera notifieacutee au ministegravere public raquo

Article 173

laquo 1 Le placement en famille drsquoaccueil implique la pleine participation du mineur agrave la vie du

foyer familial et lrsquoobligation pour la famille drsquoaccueil de veiller sur lui de srsquooccuper de lui de

le nourrir de lrsquoeacuteduquer et de lui offrir une instruction complegravete

()

3 Si les parents () srsquoopposent [au placement du mineur en famille drsquoaccueil] ce placement

doit faire lrsquoobjet drsquoune deacutecision judiciaire dans lrsquointeacuterecirct du mineur ()

Toutefois lrsquoadministration peut deacutecider dans lrsquointeacuterecirct du mineur de le placer

provisoirement en famille drsquoaccueil jusqursquoagrave ce que la deacutecision judiciaire soit rendue

() raquo

Article 173 bis

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laquo Lrsquoaccueil familial peut revecirctir lrsquoune des modaliteacutes suivantes selon sa finaliteacute

1er lrsquoaccueil familial simple qui revecirct un caractegravere provisoire soit parce que la situation du

mineur permet de preacutevoir sa reacuteinsertion dans sa propre famille soit parce qursquoune autre

mesure de protection plus durable est en voie drsquoecirctre adopteacutee

2e lrsquoaccueil familial permanent lorsque en raison de lrsquoacircge ou drsquoautres circonstances

concernant le mineur ou sa famille [ce mode] semble preacutefeacuterable et est ainsi recommandeacute par

les services de protection des mineurs ()

3e lrsquoaccueil familial preacuteadoptif formaliseacute par lrsquoadministration lorsqursquoelle preacutesente agrave

lrsquoautoriteacute judiciaire une proposition drsquoadoption du mineur [laquelle doit ecirctre] viseacutee par les

services de protection des mineurs pourvu que les parents drsquoaccueil remplissent les

conditions requises pour lrsquoadoption aient eacuteteacute seacutelectionneacutes et aient donneacute leur consentement agrave

lrsquoadministration et que le mineur se trouve dans une situation juridique le rendant apte agrave ecirctre

adopteacuteLrsquoadministration peut aussi mettre en place un accueil familial preacuteadoptif lorsqursquoelle

considegravere avant la preacutesentation de la proposition drsquoadoption qursquoil est neacutecessaire drsquoeacutetablir une

peacuteriode drsquoadaptation du mineur dans la famille Cette peacuteriode est la plus bregraveve possible et ne

peut deacutepasser un an raquo

Article 222

laquo Sont placeacutes sous tutelle

()

4e Les mineurs en situation drsquoabandon raquo

34 Lrsquoarticle 35 de la Loi 31995 du 21 mars 1995 de la reacutegion de Murcie relative agrave lrsquoenfance se

lit comme suit

Article 35

laquo 1 La mesure drsquoaccueil peut ecirctre appliqueacutee preacutealablement agrave lrsquoadoption

a) si le mineur preacutesente des signes de mauvais traitements physiques ou psychiques drsquoabus

sexuels drsquoexploitation ou drsquoautres [mauvais traitements] de nature analogue ou si par tout

autre motif les parents ou les tuteurs sont sous le coup drsquoune cause de privation de lrsquoautoriteacute

parentale et qursquoil soit preacutevu que cette situation soit permanente

b) si les parents ou tuteurs sont empecirccheacutes drsquoexercer leur autoriteacute parentale et qursquoil est preacutevu

que cette situation soit permanente

c) si les parents ou tuteurs en font la demande agrave lrsquoorganisme compeacutetent et deacutelaissent les

droits et les devoirs inheacuterents agrave leur fonction

e) srsquoil en est ainsi deacutecideacute par lrsquoautoriteacute judiciaire

2 Dans les cas deacutefinis agrave lrsquoalineacutea 1 afin drsquoobtenir une meilleure inteacutegration dans la famille

drsquoaccueil les visites et les rapports avec la famille biologique sont suspendus si cela convient

agrave lrsquointeacuterecirct du mineur raquo

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EN DROIT

I SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

35 Le requeacuterant reproche au service de protection des mineurs de nrsquoavoir pris aucune mesure

pour favoriser le reacutetablissement des contacts avec sa fille agrave la suite de son acquittement et de la

leveacutee des mesures provisoires drsquoeacuteloignement et de non-communication Il invoque lrsquoarticle 8 de la

Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son domicile et de sa

correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit que pour

autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une mesure qui dans une

socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave la sucircreteacute publique au bien-ecirctre

eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la

protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

A Sur la recevabiliteacute

36 Le Gouvernement excipe du non-eacutepuisement des voies de recours internes Il soutient drsquoune

part que le requeacuterant nrsquoa pas saisi lrsquoAudiencia provincial drsquoun recours en nulliteacute avant de saisir le

Tribunal constitutionnel de son recours drsquoamparo Drsquoautre part il note que le recours drsquoamparo a eacuteteacute

deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir rempli

lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle speacuteciale

conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la Loi organique nordm 21979 relative au

Tribunal constitutionnel (LOTC) modifieacutee par la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

37 Le requeacuterant indique que le recours en nulliteacute nrsquoeacutetait pas pertinent ce qui eacutetait aussi lrsquoavis

du Tribunal constitutionnel qui nrsquoa pas rejeteacute son recours drsquoamparo pour ce motif Il ajoute que la

deacutecision drsquoirrecevabiliteacute de son recours drsquoamparo faute drsquoavoir deacutemontreacute lrsquoimportance

constitutionnelle de ses griefs a eacuteteacute prononceacutee agrave tort comme cela avait eacuteteacute aussi le cas selon lui

dans lrsquoaffaire RMS c Espagne (no 2877512 18 juin 2013) qui a fait lrsquoobjet drsquoun constat de violation

de lrsquoarticle 8 de la Convention par la Cour

38 Concernant la premiegravere branche de lrsquoexception souleveacutee par le Gouvernement la Cour

estime que le requeacuterant a fourni aux juridictions internes et en dernier ressort au Tribunal

constitutionnel lrsquooccasion de remeacutedier agrave la violation alleacutegueacutee Concernant lrsquoargument du

Gouvernement tireacute du manque drsquoeacutepuisement des voies de recours internes en raison de lrsquoabsence

de recours en nulliteacute elle observe que le Tribunal constitutionnel nrsquoa pas deacuteclareacute le recours

drsquoamparo du requeacuterant irrecevable pour ce motif et qursquoil nrsquoa agrave aucun moment fait mention drsquoune

eacuteventuelle exigence de preacutesentation preacutealable de ce recours La Cour rappelle que crsquoest drsquoabord

aux autoriteacutes nationales et speacutecialement aux cours et tribunaux qursquoil incombe drsquointerpreacuteter le

droit interne (Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne 19 deacutecembre 1997 sect 31 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-VIII) et notamment les questions de proceacutedure et qursquoelle ne substituera pas sa

propre interpreacutetation du droit agrave la leur en lrsquoabsence drsquoarbitraire Elle ne saurait degraves lors exiger du

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requeacuterant lrsquoeacutepuisement drsquoune voie de recours que le Tribunal constitutionnel lui-mecircme nrsquoa pas

consideacutereacutee comme exigible en lrsquoespegravece

39 Concernant la seconde branche de lrsquoexception du Gouvernement celui-ci estime que les

voies de recours internes nrsquoont pas eacuteteacute correctement eacutepuiseacutees dans la mesure ougrave le recours

drsquoamparo a eacuteteacute deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir

rempli lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle

speacuteciale conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la LOTC telle que modifieacutee par

la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

40 Agrave cet eacutegard comme elle lrsquoa deacutejagrave fait dans lrsquoaffaire Arribas Antoacuten c Espagne (no 1656311

20 janvier 2015) la Cour tient agrave souligner que le fait que le Tribunal constitutionnel ait deacuteclareacute un

recours drsquoamparo irrecevable au motif qursquoil ne revecirctait pas lrsquoimportance constitutionnelle speacuteciale

requise ou le cas eacutecheacuteant que son auteur nrsquoavait pas deacutemontreacute lrsquoexistence de pareille importance

ne lrsquoempecircche pas de se prononcer sur la recevabiliteacute et le fond drsquoune requecircte (ibidem sect 51 avec les

reacutefeacuterences aux arrecircts de la Cour rendus agrave la suite de deacutecisions drsquoirrecevabiliteacute des recours

drsquoamparo par le Tribunal constitutionnel en application de ce critegravere Del Riacuteo Prada c Espagne [GC]

no 4275009 sect 22 CEDH 2013 Varela Geis c Espagne no 6100509 5 mars 2013 Manzanas Martiacuten c

Espagne no 1796610 sect 14 3 avril 2012 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 45 voirplus

reacutecemment Rodriguez Ravelo c Espagne no 4807410 sect 24 12 janvier 2016 et en dernier lieu Saber

et Boughassal c Espagne nos 7655013 et 4593814 sect 30 18 deacutecembre 2018) La Cour relegraveve qursquoen

lrsquoespegravece le requeacuterant a exposeacute dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles le recours

drsquoamparo avait pour lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il a indiqueacute que ledit recours

satisfaisait agrave la condition drsquoimportance constitutionnelle speacuteciale dans la mesure ougrave il eacutetait fondeacute

sur la jurisprudence laquo des organes chargeacutes de lrsquointerpreacutetation des traiteacutes et accords internationaux

viseacutes agrave lrsquoarticle 10 sect 2 CE raquo Il faisait reacutefeacuterence agrave lrsquoarrecirct rendu dans lrsquoaffaire RMS cEspagne

preacuteciteacute et invoquait les dispositions de la Constitution espagnole qursquoil estimait pertinentes ainsi

que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le

regroupement familial entre lui et sa fille en raison de graves erreurs contenues dans les rapports

eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de lrsquoadministration qui ont servi de base au raisonnement des

juridictions internes

41 Par conseacutequent lrsquoexception du Gouvernement ne saurait ecirctre retenue

42 Constatant que la requecircte nrsquoest pas manifestement mal fondeacutee au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a)

de la Convention et qursquoelle ne se heurte par ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour la

deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Thegravese des parties

a) Le Gouvernement

43 Le Gouvernement concegravede que le droit au respect de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

a fait lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence de la part de lrsquoautoriteacute publique Il estime cependant que cette

ingeacuterence se justifie par une exigence primordiale touchant lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant et

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constitue un usage approprieacute de la marge drsquoappreacuteciation dont beacuteneacuteficient les autoriteacutes nationales

Il deacuteclare que en lrsquoespegravece la fille du requeacuterant avait inteacuterecirct agrave voir sa situation drsquoaccueil familial se

consolider apregraves 15 mois de placement dans un centre drsquoaccueil Il indique par ailleurs que la Cour

nrsquoest pas une juridiction de quatriegraveme instance et qursquoelle se doit de respecter la marge

drsquoappreacuteciation dont disposent les Eacutetats membres dans la reacuteglementation des relations parents-

enfants

44 Le Gouvernement indique que la deacutecision de lrsquoadministration locale de recourir agrave la

proceacutedure de placement en accueil familial preacuteadoptif a eacuteteacute adopteacutee dans le strict respect de la

leacutegislation de la protection des mineurs qursquoelle eacutetait ducircment motiveacutee et qursquoelle a eacuteteacute veacuterifieacutee par

les autoriteacutes judiciaires espagnoles conformeacutement agrave la loi Il ajoute que cette deacutecision nrsquoa pas eacuteteacute

prise de maniegravere arbitraire mais se fonde sur le manque drsquointeacuterecirct manifesteacute par le requeacuterant pour

sa fille Le Gouvernement expose que bien que le requeacuterant faisait lrsquoobjet drsquoune mesure

drsquoeacuteloignement jusqursquoen septembre 2013 celui-ci nrsquoa pas eu de contact avec ses enfants entre 2012 et

2015 et ne srsquoest pas rendu agrave Murcie en personne mais a agi par lettre par le biais drsquoune association

(paragraphe 11 ci-dessus) Il indique que la situation du requeacuterant diffegravere degraves lors de

lrsquoaffaire RMS c Espagne(preacuteciteacute sect 76) dans laquelle la Cour a conclu agrave une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention en raison de la constatation de la situation drsquoabandon drsquoune mineure malgreacute le

fait que la requeacuterante laquo srsquoeacutetait rendue au moins agrave 17 reprises au centre drsquoaccueil de Grenade alors

mecircme que lrsquoinstitution se trouvait relativement eacuteloigneacutee de son domicile et () qursquoelle nrsquoavait

mecircme pas eacuteteacute informeacutee que sa fille ne srsquoy trouvait plus raquo De plus le Gouvernement estime que en

lrsquoespegravece cette deacutecision avait eacuteteacute preacuteceacutedeacutee drsquoune analyse rigoureuse baseacutee sur les rapports eacutetablis

par les services de protection sociale de Murcie Il se reacutefegravere au rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 au rapport psychosocial du 19 juillet 2013 au rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 et au

rapport du 2 feacutevrier 2015 (paragraphes 14 et suivants ci-dessus)

45 Le Gouvernement considegravere que les deacutecisions prises en lrsquoespegravece par les autoriteacutes nrsquoeacutetaient

pas disproportionneacutees car celles-ci auraient eacutegalement veilleacute aux inteacuterecircts des parents biologiques

en leur garantissant une protection proceacutedurale suffisante et en les impliquant dans le processus

deacutecisionnel (W c Royaume-Uni 8 juillet 1987 sect 63 seacuterie A no 121) Il estime que les autoriteacutes ont agrave

tout moment respecteacute lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure la situation de sa famille proche et eacutelargie

et les principes de proportionnaliteacute et de neacutecessiteacute Il note les efforts des services sociaux de Murcie

pour contacter le requeacuterant (paragraphes 12 et 13 ci-dessus) ainsi que le fait que les organes

juridictionnels ont respecteacute les droits de la deacutefense en donnant la possibiliteacute aux parents de la

mineure drsquoexprimer leur point de vue et le cas eacutecheacuteant leur opposition agrave travers les deacutemarches et

les recours qui leur eacutetaient disponibles

46 Le Gouvernement indique que lrsquointeacuterecirct de chaque mineur doit ecirctre appreacutecieacute de faccedilon

individualiseacutee Par conseacutequent il estime que le fait pour le requeacuterant drsquoavoir reacutecupeacutereacute la garde de

ses deux fils ne modifiait pas la deacutecision des organes judiciaires car sa fille nrsquoaurait pas eacuteteacute dans

une situation comparable agrave celle de ses fregraveres en raison de son acircge et de ses circonstances

personnelles Se reacutefeacuterant agrave la deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie du 7 avril 2016 il estime

en effet que la reacuteinsertion de la mineure au sein de sa famille biologique nrsquoeacutetait plus possible au

risque de lui causer plus de preacutejudices que de beacuteneacutefices Il ajoute que la famille eacutelargie de lrsquoenfant

nrsquoa pas prouveacute aux services sociaux qursquoelle pouvait la prendre en charge

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47 Enfin le Gouvernement note que les droits eacutenonceacutes agrave lrsquoarticle 8 de la Convention

srsquoappliquent de maniegravere eacutegale tant agrave la famille biologique qursquoagrave la famille drsquoaccueil laquelle a creacuteeacute

des liens affectifs avec la mineure dont la Cour doit tenir compte

b) Le requeacuterant

48 Le requeacuterant estime que si lrsquoaccueil a pu ecirctre la meilleure solution pour consolider la

situation familiale de sa fille par le passeacute cette mesure a selon lui cesseacute de lrsquoecirctre lorsqursquoil a

reacutecupeacutereacute la garde des deux aicircneacutes avec lrsquoautorisation de lrsquoautoriteacute chargeacutee de leur protection Il

considegravere que justifier le placement de sa fille en famille drsquoaccueil par le laquo manque drsquointeacuterecirct raquo dont

il aurait fait preuve nrsquoa pas de sens degraves lors qursquoil a eacuteteacute priveacute de lrsquoautoriteacute parentale sur ses enfants

ainsi que des droits et devoirs y affeacuterents Il soutient que cette mesure agrave lrsquoorigine de la deacuteclaration

drsquoabandon de ses enfants srsquoest aveacutereacutee inutile puisqursquoil a eacuteteacute acquitteacute des charges peacutenales de

mauvais traitements agrave lrsquoencontre de sa femme Il ajoute que degraves qursquoil avait pu reprendre contact

avec ses enfants les plus acircgeacutes le mecircme reacutegime de visites lui avait de nouveau eacuteteacute interdit avec sa

fille De plus il argue que en tant qursquoeacutetranger ne parlant pas correctement lrsquoespagnol il lui eacutetait

difficile de prendre connaissance de la citation agrave comparaicirctre publieacutee dans le Journal officiel de la

reacutegion de Murcie (paragraphe 13 ci-dessus) et que cela nrsquoaurait pas ducirc ecirctre interpreacuteteacute comme un

manque drsquointeacuterecirct de sa part

49 Le requeacuterant considegravere que les services de protection de lrsquoenfance et les juridictions

espagnoles ont fait preuve de discrimination agrave son eacutegard car il eacutetait eacutetranger Il indique qursquoil vivait

agrave Madrid et qursquoil ne parlait pas correctement lrsquoespagnol agrave lrsquoeacutepoque Il rejette lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les autoriteacutes ont respecteacute le principe de leacutegaliteacute ainsi que ses droits

proceacuteduraux eacutetant donneacute que celles-ci ont baseacute leur deacutecision selon lui sur des arguments

infondeacutes et des rapports eacutetablis alors qursquoil faisait lrsquoobjet drsquoune poursuite peacutenale et qursquoil nrsquoeacutetait pas

en mesure de deacutefendre son aptitude agrave ecirctre pegravere

50 Le requeacuterant critique la motivation avanceacutee par lrsquoAudiencia provincial de Murcie en ce que

celle-ci considegravere comme eacutetant neacutegligeable le fait qursquoil ait reacutecupeacutereacute uniquement la garde de ses fils

et non celle de sa fille laquo parce que cela srsquoaveacutererait contre-productif pour [celle-ci] raquo alors que le

retour des deux garccedilons aupregraves de lui prouve selon lui qursquoil srsquointeacuteresse agrave ses enfants et qursquoil est

capable de les prendre en charge Il estime que cette deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie

reprise par le Gouvernement dans ses observations lui impute agrave tort des mauvais traitements

envers ses enfants et transfegravere agrave son encontre le manque drsquoadeacutequation de la conduite de la megravere de

ses enfants agrave leur eacutegard

2 Appreacuteciation de la Cour

a) Principes geacuteneacuteraux relatifs aux obligations positives qui incombent agrave lrsquoEacutetat deacutefendeur en

vertu de lrsquoarticle 8 de la Convention

51 La Cour rappelle que pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement

fondamental de la vie familiale (Buscemi c Italie no 2956995 sect 53 CEDH 1999-VI Saleck Bardi c

Espagne no 6616709 sectsect 49 et 50 24 mai 2011 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 68) et que des mesures

internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par lrsquoarticle 8 de la

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Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 151 CEDH 2001-VII et Barnea et Caldararu c

Italie no 3793115 sect 63 22 juin 2017)

52 Comme la Cour lrsquoa indiqueacute agrave plusieurs reprises lrsquoarticle 8 de la Convention a

essentiellement pour objet de preacutemunir lrsquoindividu contre les ingeacuterences arbitraires des autoriteacutes

publiques il ne se contente toutefois pas de commander agrave lrsquoEacutetat de srsquoabstenir de pareilles

ingeacuterences En effet si les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute responsable aboutissant au placement

drsquoun enfant dans un centre drsquoaccueil srsquoanalysent en des ingeacuterences dans le droit drsquoun parent au

respect de sa vie familiale (W c Royaume-Uni preacuteciteacute sect 59) les obligations positives inheacuterentes agrave

un respect effectif de la vie priveacutee ou familiale peuvent impliquer lrsquoadoption de mesures visant au

respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux (X et Y c Pays-Bas 26

mars 1985 sect 23 seacuterie A no 91 et Mincheva c Bulgarie no 2155803 sect 81 2 septembre 2010) Dans un

cas comme dans lrsquoautre il faut avoir eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts

concurrents ndash ceux de lrsquoenfant ceux des deux parents et ceux de lrsquoordre public - (Maumousseau et

Washington c France no 3938805 sect 62 6 deacutecembre 2007) en attachant toutefois une importance

deacuteterminante agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir dans ce sens Gnahoreacute c France no 4003198 sect

59 CEDH 2000-IX) qui selon sa nature et sa graviteacute peut lrsquoemporter sur celui des parents (Sahin c

Allemagne [GC] no 3094396 sect 66 CEDH 2003-VIII) De mecircme dans les deux hypothegraveses lrsquoEacutetat

jouit drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation (Saleck Bardi preacuteciteacute sect 50 et KAB c Espagne preacuteciteacute sect

95)

53 La Cour reacuteaffirme le principe bien eacutetabli dans sa jurisprudence selon lequel le but de la

Convention consiste agrave proteacuteger des droits concrets et effectifs (K et T c Finlande[GC] preacuteciteacute sect

154) Elle rappelle qursquoelle nrsquoa pas pour tacircche de se substituer aux autoriteacutes internes mais

drsquoexaminer sous lrsquoangle de la Convention les deacutecisions que ces autoriteacutes ont rendues dans

lrsquoexercice de leur pouvoir discreacutetionnaire

54 Comme la Cour lrsquoa affirmeacute agrave de nombreuses reprises lrsquoeacuteclatement drsquoune famille constitue

en effet une mesure tregraves grave qui doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de

lrsquoenfant et avoir assez de poids et de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC]

nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Agrave cet eacutegard et srsquoagissant de lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat de prendre des mesures positives la Cour a affirmeacute agrave maintes reprises que lrsquoarticle 8

implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et lrsquoobligation pour

les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie

A no 156 et Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre 1992 sect 90 seacuterie A no 250) Dans ce genre drsquoaffaire

le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise en œuvre car le passage du

temps peut avoir des conseacutequences irreacutemeacutediables sur les relations entre lrsquoenfant et le parent qui ne

vit pas avec lui (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 SH c Italie no 5255714 sect 42

13 octobre 2015) La deacutecision de prise en charge drsquoun enfant doit en principe ecirctre consideacutereacutee

comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances srsquoy precirctent et tout acte

drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et lrsquoenfant (K

et T c Finlande preacuteciteacute sect 178) Lorsqursquoune peacuteriode de temps consideacuterable srsquoest eacutecouleacutee depuis que

lrsquoenfant a eacuteteacute placeacute pour la premiegravere fois sous assistance lrsquointeacuterecirct qursquoa lrsquoenfant agrave ne pas voir sa

situation familiale de facto changer de nouveau peut lrsquoemporter sur lrsquointeacuterecirct des parents agrave la

reacuteunion de leur famille Degraves lors la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes jouissent drsquoune grande

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latitude pour appreacutecier la neacutecessiteacute de prendre en charge un enfant mais il faut exercer un controcircle

plus rigoureux agrave la fois sur les restrictions suppleacutementaires comme celles apporteacutees par les

autoriteacutes aux droits et aux visites des parents et sur les garanties destineacutees agrave assurer la protection

effective du droit des parents et enfants au respect de leur vie familiale (K et T c Finlande [GC]

preacuteciteacute sect 155) Lrsquoobligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la

famille degraves que cela sera vraiment possible srsquoimpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la

peacuteriode de prise en charge et avec de plus en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance

avec le devoir de consideacuterer lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Par ailleurs les obligations positives ne

se limitent pas agrave veiller agrave ce que lrsquoenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui

mais elles englobent eacutegalement lrsquoensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce

reacutesultat (voir mutatis mutandis Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004

etAmanalachioai c Roumanie no 402304 sect 95 26 mai 2009)

55 Il revient agrave la Cour drsquoappreacutecier si les autoriteacutes espagnoles ont agi en meacuteconnaissance de

leurs obligations positives deacutecoulant de lrsquoarticle 8 de la Convention (Hokkanen c Finlande 23

septembre 1994 sect 55 seacuterie A no 299-A Mikulić c Croatie no 5317699 sect 59 CEDH 2002-I P C et

S c Royaume-Uni no 5654700 sect 122 CEDH 2002-VI Evansc Royaume-Uni [GC] no 633905 sect 76

CEDH 2007-IV et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 98)

56 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter drsquoun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de lrsquoarticle

8 de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lrsquoapplication et lrsquointerpreacutetation des

dispositions leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de lrsquoarticle 8 de la

Convention en tenant notamment compte de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir mutatis

mutandis Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 et Barnea et Caldararu c

Italie preacuteciteacute sect 65 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115 RMS c Espagne preacuteciteacute sect 72)

b) Application en lrsquoespegravece des principes susmentionneacutes

57 La Cour relegraveve que le 15 juin 2012 les trois enfants du requeacuterant dont sa fille mineure acircgeacutee

agrave lrsquoeacutepoque drsquoun an et demi ont eacuteteacute placeacutes dans un centre drsquoaccueil agrave Madrid agrave la demande de leur

megravere et deacuteclareacutes en situation leacutegale drsquoabandon Agrave la suite du deacutemeacutenagement de leur megravere les

enfants ont eacuteteacute placeacutes dans des centres drsquoaccueil de Murcie Le requeacuterant nrsquoen a pas eacuteteacute informeacute

(paragraphes 8 et 9 ci-dessus)

58 Dans une affaire comme celle de lrsquoespegravece le juge se trouve en preacutesence drsquointeacuterecircts souvent

difficilement conciliables agrave savoir ceux de lrsquoenfant et ceux de ses parents biologiques et

notamment dans la preacutesente cause ceux du pegravere biologique et ceux de la famille drsquoaccueil Dans la

recherche de lrsquoeacutequilibre entre ces diffeacuterents inteacuterecircts lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale (Moretti et Benedetti c Italie no 1631807 sect 67 27 avril 2010)

59 En lrsquoespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave la neacutecessiteacute de lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en se reacutefeacuterant

aux maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves que ce dernier aurait infligeacutees agrave ses enfants agrave

lrsquoinstabiliteacute eacutemotionnelle et agrave lrsquointelligence limiteacutee de leur megravere (paragraphes 14 et 21 ci-dessus)

ainsi qursquoagrave lrsquoabsence de contact du requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date du placement

de ces derniers dans des centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du

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requeacuterant avec le service de protection des mineurs (paragraphe 21 ci-dessus) et agrave lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le requeacuterant et sa fille (paragraphe 24 ci-dessus) La Cour relegraveve qursquoagrave aucun

moment de cette proceacutedure administrative lrsquoacquittement du requeacuterant le 27 septembre 2013 de

toutes les charges retenues contre lui et lrsquoannulation des mesures drsquoeacuteloignement prises initialement

agrave son encontre lrsquoempecircchant entre-temps de garder le contact avec ses enfants (paragraphe 20 ci-

dessus) nrsquoont eacuteteacute pris en compte

60 La Cour observe que la deacutecision du juge de premiegravere instance de Murcie dateacutee du 11 feacutevrier

2015 (paragraphe 25 ci-dessus) enteacuterinant la deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales

relative au placement preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en famille drsquoaccueil persistait agrave ne pas

prendre en compte la nouvelle situation peacutenale du requeacuterant depuis le 27 septembre 2013 date de

son acquittement Elle note que le juge de premiegravere instance de Murcie ne se prononccedilait drsquoailleurs

pas sur les capaciteacutes eacuteducatives et psychosociales du requeacuterant pour reacutecupeacuterer la garde de sa fille

mineure La deacutecision se bornait agrave prendre en compte les arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes dans les

rapports eacutetablis par lrsquoadministration

61 La Cour observe que la question de savoir si le processus deacutecisionnel a suffisamment

proteacutegeacute les inteacuterecircts drsquoun parent deacutepend des circonstances propres agrave chaque affaire(W c Royaume-

Uni 8 juillet 1987 sect 64 seacuterie A no 121 Elsholz c Allemagne [GC] no 2573594 sect 52

CEDH 2000-VIII) Pour ce faire elle doit veacuterifier si les juridictions nationales se sont livreacutees agrave un

examen approfondi de lrsquoensemble de la situation familiale et de toute une seacuterie drsquoeacuteleacutements drsquoordre

factuel affectif psychologique mateacuteriel et meacutedical notamment et si elles ont proceacutedeacute agrave une

appreacuteciation eacutequilibreacutee et raisonnable des inteacuterecircts respectifs (voir mutatis mutandis Neulinger

et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 139 CEDH 2010) La Cour relegraveve agrave cet eacutegard que au cours

de la proceacutedure devant le juge de premiegravere instance et lrsquoAudiencia provincial le requeacuterant a eu la

possibiliteacute de preacutesenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des proceacutedures

judiciaires ougrave il eacutetait repreacutesenteacute par un avocat au moins agrave partir du 19 novembre 2013

(paragraphe20 ci-dessus) La Cour ne deacutecegravele en conseacutequence aucun manquement formellement

imputable aux juridictions internes agrave cet eacutegard mais plutocirct une inertie des ces derniegraveres dans la

prise en compte des conclusions des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de

lrsquoadministration intervenus tout au long de lrsquoexamen de affaire

62 La Cour rappelle que dans les affaires touchant la vie familiale la rupture du contact avec

un enfant tregraves jeune peut conduire agrave une alteacuteration croissante de sa relation avec son parent (voir

entre autres Pini et autres c Roumanie nos 7802801 et 7803001 sect 175 CEDH 2004-V (extraits)

et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 103) Il en va ainsi dans la preacutesente affaire Les rapports des 28 feacutevrier

et 18 deacutecembre 2014 (paragraphes 21 et 23 ci-dessus) ont deacutemontreacute que la fille du requeacuterant eacutetait

bien inteacutegreacutee dans sa famille drsquoaccueil depuis le 24 septembre 2013 (paragraphe 17 ci-dessus) Le

passage du temps a eu pour effet de rendre deacutefinitive une situation qui eacutetait censeacutee ecirctre provisoire

compte tenu du tregraves jeune acircge de lrsquoenfant lorsque la situation leacutegale drsquoabandon a eacuteteacute constateacutee et

que la mise sous tutelle est intervenue (paragraphe 8 ci-dessus)

63 La Cour rappelle qursquoil ne lui appartient pas de substituer son appreacuteciation agrave celle des

autoriteacutes nationales compeacutetentes quant aux mesures qui auraient ducirc ecirctre prises car ces autoriteacutes

sont en principe mieux placeacutees pour proceacuteder agrave une telle eacutevaluation Tout en reconnaissant qursquoen

lrsquoespegravece les juridictions internes se sont appliqueacutees de bonne foi agrave preacuteserver le bien-ecirctre de la

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

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67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 10: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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laquo Lrsquoaccueil familial peut revecirctir lrsquoune des modaliteacutes suivantes selon sa finaliteacute

1er lrsquoaccueil familial simple qui revecirct un caractegravere provisoire soit parce que la situation du

mineur permet de preacutevoir sa reacuteinsertion dans sa propre famille soit parce qursquoune autre

mesure de protection plus durable est en voie drsquoecirctre adopteacutee

2e lrsquoaccueil familial permanent lorsque en raison de lrsquoacircge ou drsquoautres circonstances

concernant le mineur ou sa famille [ce mode] semble preacutefeacuterable et est ainsi recommandeacute par

les services de protection des mineurs ()

3e lrsquoaccueil familial preacuteadoptif formaliseacute par lrsquoadministration lorsqursquoelle preacutesente agrave

lrsquoautoriteacute judiciaire une proposition drsquoadoption du mineur [laquelle doit ecirctre] viseacutee par les

services de protection des mineurs pourvu que les parents drsquoaccueil remplissent les

conditions requises pour lrsquoadoption aient eacuteteacute seacutelectionneacutes et aient donneacute leur consentement agrave

lrsquoadministration et que le mineur se trouve dans une situation juridique le rendant apte agrave ecirctre

adopteacuteLrsquoadministration peut aussi mettre en place un accueil familial preacuteadoptif lorsqursquoelle

considegravere avant la preacutesentation de la proposition drsquoadoption qursquoil est neacutecessaire drsquoeacutetablir une

peacuteriode drsquoadaptation du mineur dans la famille Cette peacuteriode est la plus bregraveve possible et ne

peut deacutepasser un an raquo

Article 222

laquo Sont placeacutes sous tutelle

()

4e Les mineurs en situation drsquoabandon raquo

34 Lrsquoarticle 35 de la Loi 31995 du 21 mars 1995 de la reacutegion de Murcie relative agrave lrsquoenfance se

lit comme suit

Article 35

laquo 1 La mesure drsquoaccueil peut ecirctre appliqueacutee preacutealablement agrave lrsquoadoption

a) si le mineur preacutesente des signes de mauvais traitements physiques ou psychiques drsquoabus

sexuels drsquoexploitation ou drsquoautres [mauvais traitements] de nature analogue ou si par tout

autre motif les parents ou les tuteurs sont sous le coup drsquoune cause de privation de lrsquoautoriteacute

parentale et qursquoil soit preacutevu que cette situation soit permanente

b) si les parents ou tuteurs sont empecirccheacutes drsquoexercer leur autoriteacute parentale et qursquoil est preacutevu

que cette situation soit permanente

c) si les parents ou tuteurs en font la demande agrave lrsquoorganisme compeacutetent et deacutelaissent les

droits et les devoirs inheacuterents agrave leur fonction

e) srsquoil en est ainsi deacutecideacute par lrsquoautoriteacute judiciaire

2 Dans les cas deacutefinis agrave lrsquoalineacutea 1 afin drsquoobtenir une meilleure inteacutegration dans la famille

drsquoaccueil les visites et les rapports avec la famille biologique sont suspendus si cela convient

agrave lrsquointeacuterecirct du mineur raquo

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EN DROIT

I SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

35 Le requeacuterant reproche au service de protection des mineurs de nrsquoavoir pris aucune mesure

pour favoriser le reacutetablissement des contacts avec sa fille agrave la suite de son acquittement et de la

leveacutee des mesures provisoires drsquoeacuteloignement et de non-communication Il invoque lrsquoarticle 8 de la

Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son domicile et de sa

correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit que pour

autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une mesure qui dans une

socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave la sucircreteacute publique au bien-ecirctre

eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la

protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

A Sur la recevabiliteacute

36 Le Gouvernement excipe du non-eacutepuisement des voies de recours internes Il soutient drsquoune

part que le requeacuterant nrsquoa pas saisi lrsquoAudiencia provincial drsquoun recours en nulliteacute avant de saisir le

Tribunal constitutionnel de son recours drsquoamparo Drsquoautre part il note que le recours drsquoamparo a eacuteteacute

deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir rempli

lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle speacuteciale

conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la Loi organique nordm 21979 relative au

Tribunal constitutionnel (LOTC) modifieacutee par la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

37 Le requeacuterant indique que le recours en nulliteacute nrsquoeacutetait pas pertinent ce qui eacutetait aussi lrsquoavis

du Tribunal constitutionnel qui nrsquoa pas rejeteacute son recours drsquoamparo pour ce motif Il ajoute que la

deacutecision drsquoirrecevabiliteacute de son recours drsquoamparo faute drsquoavoir deacutemontreacute lrsquoimportance

constitutionnelle de ses griefs a eacuteteacute prononceacutee agrave tort comme cela avait eacuteteacute aussi le cas selon lui

dans lrsquoaffaire RMS c Espagne (no 2877512 18 juin 2013) qui a fait lrsquoobjet drsquoun constat de violation

de lrsquoarticle 8 de la Convention par la Cour

38 Concernant la premiegravere branche de lrsquoexception souleveacutee par le Gouvernement la Cour

estime que le requeacuterant a fourni aux juridictions internes et en dernier ressort au Tribunal

constitutionnel lrsquooccasion de remeacutedier agrave la violation alleacutegueacutee Concernant lrsquoargument du

Gouvernement tireacute du manque drsquoeacutepuisement des voies de recours internes en raison de lrsquoabsence

de recours en nulliteacute elle observe que le Tribunal constitutionnel nrsquoa pas deacuteclareacute le recours

drsquoamparo du requeacuterant irrecevable pour ce motif et qursquoil nrsquoa agrave aucun moment fait mention drsquoune

eacuteventuelle exigence de preacutesentation preacutealable de ce recours La Cour rappelle que crsquoest drsquoabord

aux autoriteacutes nationales et speacutecialement aux cours et tribunaux qursquoil incombe drsquointerpreacuteter le

droit interne (Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne 19 deacutecembre 1997 sect 31 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-VIII) et notamment les questions de proceacutedure et qursquoelle ne substituera pas sa

propre interpreacutetation du droit agrave la leur en lrsquoabsence drsquoarbitraire Elle ne saurait degraves lors exiger du

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requeacuterant lrsquoeacutepuisement drsquoune voie de recours que le Tribunal constitutionnel lui-mecircme nrsquoa pas

consideacutereacutee comme exigible en lrsquoespegravece

39 Concernant la seconde branche de lrsquoexception du Gouvernement celui-ci estime que les

voies de recours internes nrsquoont pas eacuteteacute correctement eacutepuiseacutees dans la mesure ougrave le recours

drsquoamparo a eacuteteacute deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir

rempli lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle

speacuteciale conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la LOTC telle que modifieacutee par

la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

40 Agrave cet eacutegard comme elle lrsquoa deacutejagrave fait dans lrsquoaffaire Arribas Antoacuten c Espagne (no 1656311

20 janvier 2015) la Cour tient agrave souligner que le fait que le Tribunal constitutionnel ait deacuteclareacute un

recours drsquoamparo irrecevable au motif qursquoil ne revecirctait pas lrsquoimportance constitutionnelle speacuteciale

requise ou le cas eacutecheacuteant que son auteur nrsquoavait pas deacutemontreacute lrsquoexistence de pareille importance

ne lrsquoempecircche pas de se prononcer sur la recevabiliteacute et le fond drsquoune requecircte (ibidem sect 51 avec les

reacutefeacuterences aux arrecircts de la Cour rendus agrave la suite de deacutecisions drsquoirrecevabiliteacute des recours

drsquoamparo par le Tribunal constitutionnel en application de ce critegravere Del Riacuteo Prada c Espagne [GC]

no 4275009 sect 22 CEDH 2013 Varela Geis c Espagne no 6100509 5 mars 2013 Manzanas Martiacuten c

Espagne no 1796610 sect 14 3 avril 2012 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 45 voirplus

reacutecemment Rodriguez Ravelo c Espagne no 4807410 sect 24 12 janvier 2016 et en dernier lieu Saber

et Boughassal c Espagne nos 7655013 et 4593814 sect 30 18 deacutecembre 2018) La Cour relegraveve qursquoen

lrsquoespegravece le requeacuterant a exposeacute dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles le recours

drsquoamparo avait pour lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il a indiqueacute que ledit recours

satisfaisait agrave la condition drsquoimportance constitutionnelle speacuteciale dans la mesure ougrave il eacutetait fondeacute

sur la jurisprudence laquo des organes chargeacutes de lrsquointerpreacutetation des traiteacutes et accords internationaux

viseacutes agrave lrsquoarticle 10 sect 2 CE raquo Il faisait reacutefeacuterence agrave lrsquoarrecirct rendu dans lrsquoaffaire RMS cEspagne

preacuteciteacute et invoquait les dispositions de la Constitution espagnole qursquoil estimait pertinentes ainsi

que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le

regroupement familial entre lui et sa fille en raison de graves erreurs contenues dans les rapports

eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de lrsquoadministration qui ont servi de base au raisonnement des

juridictions internes

41 Par conseacutequent lrsquoexception du Gouvernement ne saurait ecirctre retenue

42 Constatant que la requecircte nrsquoest pas manifestement mal fondeacutee au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a)

de la Convention et qursquoelle ne se heurte par ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour la

deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Thegravese des parties

a) Le Gouvernement

43 Le Gouvernement concegravede que le droit au respect de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

a fait lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence de la part de lrsquoautoriteacute publique Il estime cependant que cette

ingeacuterence se justifie par une exigence primordiale touchant lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant et

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constitue un usage approprieacute de la marge drsquoappreacuteciation dont beacuteneacuteficient les autoriteacutes nationales

Il deacuteclare que en lrsquoespegravece la fille du requeacuterant avait inteacuterecirct agrave voir sa situation drsquoaccueil familial se

consolider apregraves 15 mois de placement dans un centre drsquoaccueil Il indique par ailleurs que la Cour

nrsquoest pas une juridiction de quatriegraveme instance et qursquoelle se doit de respecter la marge

drsquoappreacuteciation dont disposent les Eacutetats membres dans la reacuteglementation des relations parents-

enfants

44 Le Gouvernement indique que la deacutecision de lrsquoadministration locale de recourir agrave la

proceacutedure de placement en accueil familial preacuteadoptif a eacuteteacute adopteacutee dans le strict respect de la

leacutegislation de la protection des mineurs qursquoelle eacutetait ducircment motiveacutee et qursquoelle a eacuteteacute veacuterifieacutee par

les autoriteacutes judiciaires espagnoles conformeacutement agrave la loi Il ajoute que cette deacutecision nrsquoa pas eacuteteacute

prise de maniegravere arbitraire mais se fonde sur le manque drsquointeacuterecirct manifesteacute par le requeacuterant pour

sa fille Le Gouvernement expose que bien que le requeacuterant faisait lrsquoobjet drsquoune mesure

drsquoeacuteloignement jusqursquoen septembre 2013 celui-ci nrsquoa pas eu de contact avec ses enfants entre 2012 et

2015 et ne srsquoest pas rendu agrave Murcie en personne mais a agi par lettre par le biais drsquoune association

(paragraphe 11 ci-dessus) Il indique que la situation du requeacuterant diffegravere degraves lors de

lrsquoaffaire RMS c Espagne(preacuteciteacute sect 76) dans laquelle la Cour a conclu agrave une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention en raison de la constatation de la situation drsquoabandon drsquoune mineure malgreacute le

fait que la requeacuterante laquo srsquoeacutetait rendue au moins agrave 17 reprises au centre drsquoaccueil de Grenade alors

mecircme que lrsquoinstitution se trouvait relativement eacuteloigneacutee de son domicile et () qursquoelle nrsquoavait

mecircme pas eacuteteacute informeacutee que sa fille ne srsquoy trouvait plus raquo De plus le Gouvernement estime que en

lrsquoespegravece cette deacutecision avait eacuteteacute preacuteceacutedeacutee drsquoune analyse rigoureuse baseacutee sur les rapports eacutetablis

par les services de protection sociale de Murcie Il se reacutefegravere au rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 au rapport psychosocial du 19 juillet 2013 au rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 et au

rapport du 2 feacutevrier 2015 (paragraphes 14 et suivants ci-dessus)

45 Le Gouvernement considegravere que les deacutecisions prises en lrsquoespegravece par les autoriteacutes nrsquoeacutetaient

pas disproportionneacutees car celles-ci auraient eacutegalement veilleacute aux inteacuterecircts des parents biologiques

en leur garantissant une protection proceacutedurale suffisante et en les impliquant dans le processus

deacutecisionnel (W c Royaume-Uni 8 juillet 1987 sect 63 seacuterie A no 121) Il estime que les autoriteacutes ont agrave

tout moment respecteacute lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure la situation de sa famille proche et eacutelargie

et les principes de proportionnaliteacute et de neacutecessiteacute Il note les efforts des services sociaux de Murcie

pour contacter le requeacuterant (paragraphes 12 et 13 ci-dessus) ainsi que le fait que les organes

juridictionnels ont respecteacute les droits de la deacutefense en donnant la possibiliteacute aux parents de la

mineure drsquoexprimer leur point de vue et le cas eacutecheacuteant leur opposition agrave travers les deacutemarches et

les recours qui leur eacutetaient disponibles

46 Le Gouvernement indique que lrsquointeacuterecirct de chaque mineur doit ecirctre appreacutecieacute de faccedilon

individualiseacutee Par conseacutequent il estime que le fait pour le requeacuterant drsquoavoir reacutecupeacutereacute la garde de

ses deux fils ne modifiait pas la deacutecision des organes judiciaires car sa fille nrsquoaurait pas eacuteteacute dans

une situation comparable agrave celle de ses fregraveres en raison de son acircge et de ses circonstances

personnelles Se reacutefeacuterant agrave la deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie du 7 avril 2016 il estime

en effet que la reacuteinsertion de la mineure au sein de sa famille biologique nrsquoeacutetait plus possible au

risque de lui causer plus de preacutejudices que de beacuteneacutefices Il ajoute que la famille eacutelargie de lrsquoenfant

nrsquoa pas prouveacute aux services sociaux qursquoelle pouvait la prendre en charge

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47 Enfin le Gouvernement note que les droits eacutenonceacutes agrave lrsquoarticle 8 de la Convention

srsquoappliquent de maniegravere eacutegale tant agrave la famille biologique qursquoagrave la famille drsquoaccueil laquelle a creacuteeacute

des liens affectifs avec la mineure dont la Cour doit tenir compte

b) Le requeacuterant

48 Le requeacuterant estime que si lrsquoaccueil a pu ecirctre la meilleure solution pour consolider la

situation familiale de sa fille par le passeacute cette mesure a selon lui cesseacute de lrsquoecirctre lorsqursquoil a

reacutecupeacutereacute la garde des deux aicircneacutes avec lrsquoautorisation de lrsquoautoriteacute chargeacutee de leur protection Il

considegravere que justifier le placement de sa fille en famille drsquoaccueil par le laquo manque drsquointeacuterecirct raquo dont

il aurait fait preuve nrsquoa pas de sens degraves lors qursquoil a eacuteteacute priveacute de lrsquoautoriteacute parentale sur ses enfants

ainsi que des droits et devoirs y affeacuterents Il soutient que cette mesure agrave lrsquoorigine de la deacuteclaration

drsquoabandon de ses enfants srsquoest aveacutereacutee inutile puisqursquoil a eacuteteacute acquitteacute des charges peacutenales de

mauvais traitements agrave lrsquoencontre de sa femme Il ajoute que degraves qursquoil avait pu reprendre contact

avec ses enfants les plus acircgeacutes le mecircme reacutegime de visites lui avait de nouveau eacuteteacute interdit avec sa

fille De plus il argue que en tant qursquoeacutetranger ne parlant pas correctement lrsquoespagnol il lui eacutetait

difficile de prendre connaissance de la citation agrave comparaicirctre publieacutee dans le Journal officiel de la

reacutegion de Murcie (paragraphe 13 ci-dessus) et que cela nrsquoaurait pas ducirc ecirctre interpreacuteteacute comme un

manque drsquointeacuterecirct de sa part

49 Le requeacuterant considegravere que les services de protection de lrsquoenfance et les juridictions

espagnoles ont fait preuve de discrimination agrave son eacutegard car il eacutetait eacutetranger Il indique qursquoil vivait

agrave Madrid et qursquoil ne parlait pas correctement lrsquoespagnol agrave lrsquoeacutepoque Il rejette lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les autoriteacutes ont respecteacute le principe de leacutegaliteacute ainsi que ses droits

proceacuteduraux eacutetant donneacute que celles-ci ont baseacute leur deacutecision selon lui sur des arguments

infondeacutes et des rapports eacutetablis alors qursquoil faisait lrsquoobjet drsquoune poursuite peacutenale et qursquoil nrsquoeacutetait pas

en mesure de deacutefendre son aptitude agrave ecirctre pegravere

50 Le requeacuterant critique la motivation avanceacutee par lrsquoAudiencia provincial de Murcie en ce que

celle-ci considegravere comme eacutetant neacutegligeable le fait qursquoil ait reacutecupeacutereacute uniquement la garde de ses fils

et non celle de sa fille laquo parce que cela srsquoaveacutererait contre-productif pour [celle-ci] raquo alors que le

retour des deux garccedilons aupregraves de lui prouve selon lui qursquoil srsquointeacuteresse agrave ses enfants et qursquoil est

capable de les prendre en charge Il estime que cette deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie

reprise par le Gouvernement dans ses observations lui impute agrave tort des mauvais traitements

envers ses enfants et transfegravere agrave son encontre le manque drsquoadeacutequation de la conduite de la megravere de

ses enfants agrave leur eacutegard

2 Appreacuteciation de la Cour

a) Principes geacuteneacuteraux relatifs aux obligations positives qui incombent agrave lrsquoEacutetat deacutefendeur en

vertu de lrsquoarticle 8 de la Convention

51 La Cour rappelle que pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement

fondamental de la vie familiale (Buscemi c Italie no 2956995 sect 53 CEDH 1999-VI Saleck Bardi c

Espagne no 6616709 sectsect 49 et 50 24 mai 2011 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 68) et que des mesures

internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par lrsquoarticle 8 de la

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Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 151 CEDH 2001-VII et Barnea et Caldararu c

Italie no 3793115 sect 63 22 juin 2017)

52 Comme la Cour lrsquoa indiqueacute agrave plusieurs reprises lrsquoarticle 8 de la Convention a

essentiellement pour objet de preacutemunir lrsquoindividu contre les ingeacuterences arbitraires des autoriteacutes

publiques il ne se contente toutefois pas de commander agrave lrsquoEacutetat de srsquoabstenir de pareilles

ingeacuterences En effet si les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute responsable aboutissant au placement

drsquoun enfant dans un centre drsquoaccueil srsquoanalysent en des ingeacuterences dans le droit drsquoun parent au

respect de sa vie familiale (W c Royaume-Uni preacuteciteacute sect 59) les obligations positives inheacuterentes agrave

un respect effectif de la vie priveacutee ou familiale peuvent impliquer lrsquoadoption de mesures visant au

respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux (X et Y c Pays-Bas 26

mars 1985 sect 23 seacuterie A no 91 et Mincheva c Bulgarie no 2155803 sect 81 2 septembre 2010) Dans un

cas comme dans lrsquoautre il faut avoir eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts

concurrents ndash ceux de lrsquoenfant ceux des deux parents et ceux de lrsquoordre public - (Maumousseau et

Washington c France no 3938805 sect 62 6 deacutecembre 2007) en attachant toutefois une importance

deacuteterminante agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir dans ce sens Gnahoreacute c France no 4003198 sect

59 CEDH 2000-IX) qui selon sa nature et sa graviteacute peut lrsquoemporter sur celui des parents (Sahin c

Allemagne [GC] no 3094396 sect 66 CEDH 2003-VIII) De mecircme dans les deux hypothegraveses lrsquoEacutetat

jouit drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation (Saleck Bardi preacuteciteacute sect 50 et KAB c Espagne preacuteciteacute sect

95)

53 La Cour reacuteaffirme le principe bien eacutetabli dans sa jurisprudence selon lequel le but de la

Convention consiste agrave proteacuteger des droits concrets et effectifs (K et T c Finlande[GC] preacuteciteacute sect

154) Elle rappelle qursquoelle nrsquoa pas pour tacircche de se substituer aux autoriteacutes internes mais

drsquoexaminer sous lrsquoangle de la Convention les deacutecisions que ces autoriteacutes ont rendues dans

lrsquoexercice de leur pouvoir discreacutetionnaire

54 Comme la Cour lrsquoa affirmeacute agrave de nombreuses reprises lrsquoeacuteclatement drsquoune famille constitue

en effet une mesure tregraves grave qui doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de

lrsquoenfant et avoir assez de poids et de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC]

nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Agrave cet eacutegard et srsquoagissant de lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat de prendre des mesures positives la Cour a affirmeacute agrave maintes reprises que lrsquoarticle 8

implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et lrsquoobligation pour

les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie

A no 156 et Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre 1992 sect 90 seacuterie A no 250) Dans ce genre drsquoaffaire

le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise en œuvre car le passage du

temps peut avoir des conseacutequences irreacutemeacutediables sur les relations entre lrsquoenfant et le parent qui ne

vit pas avec lui (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 SH c Italie no 5255714 sect 42

13 octobre 2015) La deacutecision de prise en charge drsquoun enfant doit en principe ecirctre consideacutereacutee

comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances srsquoy precirctent et tout acte

drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et lrsquoenfant (K

et T c Finlande preacuteciteacute sect 178) Lorsqursquoune peacuteriode de temps consideacuterable srsquoest eacutecouleacutee depuis que

lrsquoenfant a eacuteteacute placeacute pour la premiegravere fois sous assistance lrsquointeacuterecirct qursquoa lrsquoenfant agrave ne pas voir sa

situation familiale de facto changer de nouveau peut lrsquoemporter sur lrsquointeacuterecirct des parents agrave la

reacuteunion de leur famille Degraves lors la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes jouissent drsquoune grande

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latitude pour appreacutecier la neacutecessiteacute de prendre en charge un enfant mais il faut exercer un controcircle

plus rigoureux agrave la fois sur les restrictions suppleacutementaires comme celles apporteacutees par les

autoriteacutes aux droits et aux visites des parents et sur les garanties destineacutees agrave assurer la protection

effective du droit des parents et enfants au respect de leur vie familiale (K et T c Finlande [GC]

preacuteciteacute sect 155) Lrsquoobligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la

famille degraves que cela sera vraiment possible srsquoimpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la

peacuteriode de prise en charge et avec de plus en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance

avec le devoir de consideacuterer lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Par ailleurs les obligations positives ne

se limitent pas agrave veiller agrave ce que lrsquoenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui

mais elles englobent eacutegalement lrsquoensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce

reacutesultat (voir mutatis mutandis Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004

etAmanalachioai c Roumanie no 402304 sect 95 26 mai 2009)

55 Il revient agrave la Cour drsquoappreacutecier si les autoriteacutes espagnoles ont agi en meacuteconnaissance de

leurs obligations positives deacutecoulant de lrsquoarticle 8 de la Convention (Hokkanen c Finlande 23

septembre 1994 sect 55 seacuterie A no 299-A Mikulić c Croatie no 5317699 sect 59 CEDH 2002-I P C et

S c Royaume-Uni no 5654700 sect 122 CEDH 2002-VI Evansc Royaume-Uni [GC] no 633905 sect 76

CEDH 2007-IV et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 98)

56 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter drsquoun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de lrsquoarticle

8 de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lrsquoapplication et lrsquointerpreacutetation des

dispositions leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de lrsquoarticle 8 de la

Convention en tenant notamment compte de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir mutatis

mutandis Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 et Barnea et Caldararu c

Italie preacuteciteacute sect 65 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115 RMS c Espagne preacuteciteacute sect 72)

b) Application en lrsquoespegravece des principes susmentionneacutes

57 La Cour relegraveve que le 15 juin 2012 les trois enfants du requeacuterant dont sa fille mineure acircgeacutee

agrave lrsquoeacutepoque drsquoun an et demi ont eacuteteacute placeacutes dans un centre drsquoaccueil agrave Madrid agrave la demande de leur

megravere et deacuteclareacutes en situation leacutegale drsquoabandon Agrave la suite du deacutemeacutenagement de leur megravere les

enfants ont eacuteteacute placeacutes dans des centres drsquoaccueil de Murcie Le requeacuterant nrsquoen a pas eacuteteacute informeacute

(paragraphes 8 et 9 ci-dessus)

58 Dans une affaire comme celle de lrsquoespegravece le juge se trouve en preacutesence drsquointeacuterecircts souvent

difficilement conciliables agrave savoir ceux de lrsquoenfant et ceux de ses parents biologiques et

notamment dans la preacutesente cause ceux du pegravere biologique et ceux de la famille drsquoaccueil Dans la

recherche de lrsquoeacutequilibre entre ces diffeacuterents inteacuterecircts lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale (Moretti et Benedetti c Italie no 1631807 sect 67 27 avril 2010)

59 En lrsquoespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave la neacutecessiteacute de lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en se reacutefeacuterant

aux maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves que ce dernier aurait infligeacutees agrave ses enfants agrave

lrsquoinstabiliteacute eacutemotionnelle et agrave lrsquointelligence limiteacutee de leur megravere (paragraphes 14 et 21 ci-dessus)

ainsi qursquoagrave lrsquoabsence de contact du requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date du placement

de ces derniers dans des centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du

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requeacuterant avec le service de protection des mineurs (paragraphe 21 ci-dessus) et agrave lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le requeacuterant et sa fille (paragraphe 24 ci-dessus) La Cour relegraveve qursquoagrave aucun

moment de cette proceacutedure administrative lrsquoacquittement du requeacuterant le 27 septembre 2013 de

toutes les charges retenues contre lui et lrsquoannulation des mesures drsquoeacuteloignement prises initialement

agrave son encontre lrsquoempecircchant entre-temps de garder le contact avec ses enfants (paragraphe 20 ci-

dessus) nrsquoont eacuteteacute pris en compte

60 La Cour observe que la deacutecision du juge de premiegravere instance de Murcie dateacutee du 11 feacutevrier

2015 (paragraphe 25 ci-dessus) enteacuterinant la deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales

relative au placement preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en famille drsquoaccueil persistait agrave ne pas

prendre en compte la nouvelle situation peacutenale du requeacuterant depuis le 27 septembre 2013 date de

son acquittement Elle note que le juge de premiegravere instance de Murcie ne se prononccedilait drsquoailleurs

pas sur les capaciteacutes eacuteducatives et psychosociales du requeacuterant pour reacutecupeacuterer la garde de sa fille

mineure La deacutecision se bornait agrave prendre en compte les arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes dans les

rapports eacutetablis par lrsquoadministration

61 La Cour observe que la question de savoir si le processus deacutecisionnel a suffisamment

proteacutegeacute les inteacuterecircts drsquoun parent deacutepend des circonstances propres agrave chaque affaire(W c Royaume-

Uni 8 juillet 1987 sect 64 seacuterie A no 121 Elsholz c Allemagne [GC] no 2573594 sect 52

CEDH 2000-VIII) Pour ce faire elle doit veacuterifier si les juridictions nationales se sont livreacutees agrave un

examen approfondi de lrsquoensemble de la situation familiale et de toute une seacuterie drsquoeacuteleacutements drsquoordre

factuel affectif psychologique mateacuteriel et meacutedical notamment et si elles ont proceacutedeacute agrave une

appreacuteciation eacutequilibreacutee et raisonnable des inteacuterecircts respectifs (voir mutatis mutandis Neulinger

et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 139 CEDH 2010) La Cour relegraveve agrave cet eacutegard que au cours

de la proceacutedure devant le juge de premiegravere instance et lrsquoAudiencia provincial le requeacuterant a eu la

possibiliteacute de preacutesenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des proceacutedures

judiciaires ougrave il eacutetait repreacutesenteacute par un avocat au moins agrave partir du 19 novembre 2013

(paragraphe20 ci-dessus) La Cour ne deacutecegravele en conseacutequence aucun manquement formellement

imputable aux juridictions internes agrave cet eacutegard mais plutocirct une inertie des ces derniegraveres dans la

prise en compte des conclusions des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de

lrsquoadministration intervenus tout au long de lrsquoexamen de affaire

62 La Cour rappelle que dans les affaires touchant la vie familiale la rupture du contact avec

un enfant tregraves jeune peut conduire agrave une alteacuteration croissante de sa relation avec son parent (voir

entre autres Pini et autres c Roumanie nos 7802801 et 7803001 sect 175 CEDH 2004-V (extraits)

et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 103) Il en va ainsi dans la preacutesente affaire Les rapports des 28 feacutevrier

et 18 deacutecembre 2014 (paragraphes 21 et 23 ci-dessus) ont deacutemontreacute que la fille du requeacuterant eacutetait

bien inteacutegreacutee dans sa famille drsquoaccueil depuis le 24 septembre 2013 (paragraphe 17 ci-dessus) Le

passage du temps a eu pour effet de rendre deacutefinitive une situation qui eacutetait censeacutee ecirctre provisoire

compte tenu du tregraves jeune acircge de lrsquoenfant lorsque la situation leacutegale drsquoabandon a eacuteteacute constateacutee et

que la mise sous tutelle est intervenue (paragraphe 8 ci-dessus)

63 La Cour rappelle qursquoil ne lui appartient pas de substituer son appreacuteciation agrave celle des

autoriteacutes nationales compeacutetentes quant aux mesures qui auraient ducirc ecirctre prises car ces autoriteacutes

sont en principe mieux placeacutees pour proceacuteder agrave une telle eacutevaluation Tout en reconnaissant qursquoen

lrsquoespegravece les juridictions internes se sont appliqueacutees de bonne foi agrave preacuteserver le bien-ecirctre de la

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

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67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 11: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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EN DROIT

I SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION

35 Le requeacuterant reproche au service de protection des mineurs de nrsquoavoir pris aucune mesure

pour favoriser le reacutetablissement des contacts avec sa fille agrave la suite de son acquittement et de la

leveacutee des mesures provisoires drsquoeacuteloignement et de non-communication Il invoque lrsquoarticle 8 de la

Convention ainsi libelleacute

laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son domicile et de sa

correspondance

2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit que pour

autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une mesure qui dans une

socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave la sucircreteacute publique au bien-ecirctre

eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la preacutevention des infractions peacutenales agrave la

protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo

A Sur la recevabiliteacute

36 Le Gouvernement excipe du non-eacutepuisement des voies de recours internes Il soutient drsquoune

part que le requeacuterant nrsquoa pas saisi lrsquoAudiencia provincial drsquoun recours en nulliteacute avant de saisir le

Tribunal constitutionnel de son recours drsquoamparo Drsquoautre part il note que le recours drsquoamparo a eacuteteacute

deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir rempli

lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle speacuteciale

conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la Loi organique nordm 21979 relative au

Tribunal constitutionnel (LOTC) modifieacutee par la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

37 Le requeacuterant indique que le recours en nulliteacute nrsquoeacutetait pas pertinent ce qui eacutetait aussi lrsquoavis

du Tribunal constitutionnel qui nrsquoa pas rejeteacute son recours drsquoamparo pour ce motif Il ajoute que la

deacutecision drsquoirrecevabiliteacute de son recours drsquoamparo faute drsquoavoir deacutemontreacute lrsquoimportance

constitutionnelle de ses griefs a eacuteteacute prononceacutee agrave tort comme cela avait eacuteteacute aussi le cas selon lui

dans lrsquoaffaire RMS c Espagne (no 2877512 18 juin 2013) qui a fait lrsquoobjet drsquoun constat de violation

de lrsquoarticle 8 de la Convention par la Cour

38 Concernant la premiegravere branche de lrsquoexception souleveacutee par le Gouvernement la Cour

estime que le requeacuterant a fourni aux juridictions internes et en dernier ressort au Tribunal

constitutionnel lrsquooccasion de remeacutedier agrave la violation alleacutegueacutee Concernant lrsquoargument du

Gouvernement tireacute du manque drsquoeacutepuisement des voies de recours internes en raison de lrsquoabsence

de recours en nulliteacute elle observe que le Tribunal constitutionnel nrsquoa pas deacuteclareacute le recours

drsquoamparo du requeacuterant irrecevable pour ce motif et qursquoil nrsquoa agrave aucun moment fait mention drsquoune

eacuteventuelle exigence de preacutesentation preacutealable de ce recours La Cour rappelle que crsquoest drsquoabord

aux autoriteacutes nationales et speacutecialement aux cours et tribunaux qursquoil incombe drsquointerpreacuteter le

droit interne (Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne 19 deacutecembre 1997 sect 31 Recueil des arrecircts et

deacutecisions 1997-VIII) et notamment les questions de proceacutedure et qursquoelle ne substituera pas sa

propre interpreacutetation du droit agrave la leur en lrsquoabsence drsquoarbitraire Elle ne saurait degraves lors exiger du

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requeacuterant lrsquoeacutepuisement drsquoune voie de recours que le Tribunal constitutionnel lui-mecircme nrsquoa pas

consideacutereacutee comme exigible en lrsquoespegravece

39 Concernant la seconde branche de lrsquoexception du Gouvernement celui-ci estime que les

voies de recours internes nrsquoont pas eacuteteacute correctement eacutepuiseacutees dans la mesure ougrave le recours

drsquoamparo a eacuteteacute deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir

rempli lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle

speacuteciale conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la LOTC telle que modifieacutee par

la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

40 Agrave cet eacutegard comme elle lrsquoa deacutejagrave fait dans lrsquoaffaire Arribas Antoacuten c Espagne (no 1656311

20 janvier 2015) la Cour tient agrave souligner que le fait que le Tribunal constitutionnel ait deacuteclareacute un

recours drsquoamparo irrecevable au motif qursquoil ne revecirctait pas lrsquoimportance constitutionnelle speacuteciale

requise ou le cas eacutecheacuteant que son auteur nrsquoavait pas deacutemontreacute lrsquoexistence de pareille importance

ne lrsquoempecircche pas de se prononcer sur la recevabiliteacute et le fond drsquoune requecircte (ibidem sect 51 avec les

reacutefeacuterences aux arrecircts de la Cour rendus agrave la suite de deacutecisions drsquoirrecevabiliteacute des recours

drsquoamparo par le Tribunal constitutionnel en application de ce critegravere Del Riacuteo Prada c Espagne [GC]

no 4275009 sect 22 CEDH 2013 Varela Geis c Espagne no 6100509 5 mars 2013 Manzanas Martiacuten c

Espagne no 1796610 sect 14 3 avril 2012 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 45 voirplus

reacutecemment Rodriguez Ravelo c Espagne no 4807410 sect 24 12 janvier 2016 et en dernier lieu Saber

et Boughassal c Espagne nos 7655013 et 4593814 sect 30 18 deacutecembre 2018) La Cour relegraveve qursquoen

lrsquoespegravece le requeacuterant a exposeacute dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles le recours

drsquoamparo avait pour lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il a indiqueacute que ledit recours

satisfaisait agrave la condition drsquoimportance constitutionnelle speacuteciale dans la mesure ougrave il eacutetait fondeacute

sur la jurisprudence laquo des organes chargeacutes de lrsquointerpreacutetation des traiteacutes et accords internationaux

viseacutes agrave lrsquoarticle 10 sect 2 CE raquo Il faisait reacutefeacuterence agrave lrsquoarrecirct rendu dans lrsquoaffaire RMS cEspagne

preacuteciteacute et invoquait les dispositions de la Constitution espagnole qursquoil estimait pertinentes ainsi

que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le

regroupement familial entre lui et sa fille en raison de graves erreurs contenues dans les rapports

eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de lrsquoadministration qui ont servi de base au raisonnement des

juridictions internes

41 Par conseacutequent lrsquoexception du Gouvernement ne saurait ecirctre retenue

42 Constatant que la requecircte nrsquoest pas manifestement mal fondeacutee au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a)

de la Convention et qursquoelle ne se heurte par ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour la

deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Thegravese des parties

a) Le Gouvernement

43 Le Gouvernement concegravede que le droit au respect de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

a fait lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence de la part de lrsquoautoriteacute publique Il estime cependant que cette

ingeacuterence se justifie par une exigence primordiale touchant lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant et

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constitue un usage approprieacute de la marge drsquoappreacuteciation dont beacuteneacuteficient les autoriteacutes nationales

Il deacuteclare que en lrsquoespegravece la fille du requeacuterant avait inteacuterecirct agrave voir sa situation drsquoaccueil familial se

consolider apregraves 15 mois de placement dans un centre drsquoaccueil Il indique par ailleurs que la Cour

nrsquoest pas une juridiction de quatriegraveme instance et qursquoelle se doit de respecter la marge

drsquoappreacuteciation dont disposent les Eacutetats membres dans la reacuteglementation des relations parents-

enfants

44 Le Gouvernement indique que la deacutecision de lrsquoadministration locale de recourir agrave la

proceacutedure de placement en accueil familial preacuteadoptif a eacuteteacute adopteacutee dans le strict respect de la

leacutegislation de la protection des mineurs qursquoelle eacutetait ducircment motiveacutee et qursquoelle a eacuteteacute veacuterifieacutee par

les autoriteacutes judiciaires espagnoles conformeacutement agrave la loi Il ajoute que cette deacutecision nrsquoa pas eacuteteacute

prise de maniegravere arbitraire mais se fonde sur le manque drsquointeacuterecirct manifesteacute par le requeacuterant pour

sa fille Le Gouvernement expose que bien que le requeacuterant faisait lrsquoobjet drsquoune mesure

drsquoeacuteloignement jusqursquoen septembre 2013 celui-ci nrsquoa pas eu de contact avec ses enfants entre 2012 et

2015 et ne srsquoest pas rendu agrave Murcie en personne mais a agi par lettre par le biais drsquoune association

(paragraphe 11 ci-dessus) Il indique que la situation du requeacuterant diffegravere degraves lors de

lrsquoaffaire RMS c Espagne(preacuteciteacute sect 76) dans laquelle la Cour a conclu agrave une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention en raison de la constatation de la situation drsquoabandon drsquoune mineure malgreacute le

fait que la requeacuterante laquo srsquoeacutetait rendue au moins agrave 17 reprises au centre drsquoaccueil de Grenade alors

mecircme que lrsquoinstitution se trouvait relativement eacuteloigneacutee de son domicile et () qursquoelle nrsquoavait

mecircme pas eacuteteacute informeacutee que sa fille ne srsquoy trouvait plus raquo De plus le Gouvernement estime que en

lrsquoespegravece cette deacutecision avait eacuteteacute preacuteceacutedeacutee drsquoune analyse rigoureuse baseacutee sur les rapports eacutetablis

par les services de protection sociale de Murcie Il se reacutefegravere au rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 au rapport psychosocial du 19 juillet 2013 au rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 et au

rapport du 2 feacutevrier 2015 (paragraphes 14 et suivants ci-dessus)

45 Le Gouvernement considegravere que les deacutecisions prises en lrsquoespegravece par les autoriteacutes nrsquoeacutetaient

pas disproportionneacutees car celles-ci auraient eacutegalement veilleacute aux inteacuterecircts des parents biologiques

en leur garantissant une protection proceacutedurale suffisante et en les impliquant dans le processus

deacutecisionnel (W c Royaume-Uni 8 juillet 1987 sect 63 seacuterie A no 121) Il estime que les autoriteacutes ont agrave

tout moment respecteacute lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure la situation de sa famille proche et eacutelargie

et les principes de proportionnaliteacute et de neacutecessiteacute Il note les efforts des services sociaux de Murcie

pour contacter le requeacuterant (paragraphes 12 et 13 ci-dessus) ainsi que le fait que les organes

juridictionnels ont respecteacute les droits de la deacutefense en donnant la possibiliteacute aux parents de la

mineure drsquoexprimer leur point de vue et le cas eacutecheacuteant leur opposition agrave travers les deacutemarches et

les recours qui leur eacutetaient disponibles

46 Le Gouvernement indique que lrsquointeacuterecirct de chaque mineur doit ecirctre appreacutecieacute de faccedilon

individualiseacutee Par conseacutequent il estime que le fait pour le requeacuterant drsquoavoir reacutecupeacutereacute la garde de

ses deux fils ne modifiait pas la deacutecision des organes judiciaires car sa fille nrsquoaurait pas eacuteteacute dans

une situation comparable agrave celle de ses fregraveres en raison de son acircge et de ses circonstances

personnelles Se reacutefeacuterant agrave la deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie du 7 avril 2016 il estime

en effet que la reacuteinsertion de la mineure au sein de sa famille biologique nrsquoeacutetait plus possible au

risque de lui causer plus de preacutejudices que de beacuteneacutefices Il ajoute que la famille eacutelargie de lrsquoenfant

nrsquoa pas prouveacute aux services sociaux qursquoelle pouvait la prendre en charge

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47 Enfin le Gouvernement note que les droits eacutenonceacutes agrave lrsquoarticle 8 de la Convention

srsquoappliquent de maniegravere eacutegale tant agrave la famille biologique qursquoagrave la famille drsquoaccueil laquelle a creacuteeacute

des liens affectifs avec la mineure dont la Cour doit tenir compte

b) Le requeacuterant

48 Le requeacuterant estime que si lrsquoaccueil a pu ecirctre la meilleure solution pour consolider la

situation familiale de sa fille par le passeacute cette mesure a selon lui cesseacute de lrsquoecirctre lorsqursquoil a

reacutecupeacutereacute la garde des deux aicircneacutes avec lrsquoautorisation de lrsquoautoriteacute chargeacutee de leur protection Il

considegravere que justifier le placement de sa fille en famille drsquoaccueil par le laquo manque drsquointeacuterecirct raquo dont

il aurait fait preuve nrsquoa pas de sens degraves lors qursquoil a eacuteteacute priveacute de lrsquoautoriteacute parentale sur ses enfants

ainsi que des droits et devoirs y affeacuterents Il soutient que cette mesure agrave lrsquoorigine de la deacuteclaration

drsquoabandon de ses enfants srsquoest aveacutereacutee inutile puisqursquoil a eacuteteacute acquitteacute des charges peacutenales de

mauvais traitements agrave lrsquoencontre de sa femme Il ajoute que degraves qursquoil avait pu reprendre contact

avec ses enfants les plus acircgeacutes le mecircme reacutegime de visites lui avait de nouveau eacuteteacute interdit avec sa

fille De plus il argue que en tant qursquoeacutetranger ne parlant pas correctement lrsquoespagnol il lui eacutetait

difficile de prendre connaissance de la citation agrave comparaicirctre publieacutee dans le Journal officiel de la

reacutegion de Murcie (paragraphe 13 ci-dessus) et que cela nrsquoaurait pas ducirc ecirctre interpreacuteteacute comme un

manque drsquointeacuterecirct de sa part

49 Le requeacuterant considegravere que les services de protection de lrsquoenfance et les juridictions

espagnoles ont fait preuve de discrimination agrave son eacutegard car il eacutetait eacutetranger Il indique qursquoil vivait

agrave Madrid et qursquoil ne parlait pas correctement lrsquoespagnol agrave lrsquoeacutepoque Il rejette lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les autoriteacutes ont respecteacute le principe de leacutegaliteacute ainsi que ses droits

proceacuteduraux eacutetant donneacute que celles-ci ont baseacute leur deacutecision selon lui sur des arguments

infondeacutes et des rapports eacutetablis alors qursquoil faisait lrsquoobjet drsquoune poursuite peacutenale et qursquoil nrsquoeacutetait pas

en mesure de deacutefendre son aptitude agrave ecirctre pegravere

50 Le requeacuterant critique la motivation avanceacutee par lrsquoAudiencia provincial de Murcie en ce que

celle-ci considegravere comme eacutetant neacutegligeable le fait qursquoil ait reacutecupeacutereacute uniquement la garde de ses fils

et non celle de sa fille laquo parce que cela srsquoaveacutererait contre-productif pour [celle-ci] raquo alors que le

retour des deux garccedilons aupregraves de lui prouve selon lui qursquoil srsquointeacuteresse agrave ses enfants et qursquoil est

capable de les prendre en charge Il estime que cette deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie

reprise par le Gouvernement dans ses observations lui impute agrave tort des mauvais traitements

envers ses enfants et transfegravere agrave son encontre le manque drsquoadeacutequation de la conduite de la megravere de

ses enfants agrave leur eacutegard

2 Appreacuteciation de la Cour

a) Principes geacuteneacuteraux relatifs aux obligations positives qui incombent agrave lrsquoEacutetat deacutefendeur en

vertu de lrsquoarticle 8 de la Convention

51 La Cour rappelle que pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement

fondamental de la vie familiale (Buscemi c Italie no 2956995 sect 53 CEDH 1999-VI Saleck Bardi c

Espagne no 6616709 sectsect 49 et 50 24 mai 2011 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 68) et que des mesures

internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par lrsquoarticle 8 de la

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Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 151 CEDH 2001-VII et Barnea et Caldararu c

Italie no 3793115 sect 63 22 juin 2017)

52 Comme la Cour lrsquoa indiqueacute agrave plusieurs reprises lrsquoarticle 8 de la Convention a

essentiellement pour objet de preacutemunir lrsquoindividu contre les ingeacuterences arbitraires des autoriteacutes

publiques il ne se contente toutefois pas de commander agrave lrsquoEacutetat de srsquoabstenir de pareilles

ingeacuterences En effet si les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute responsable aboutissant au placement

drsquoun enfant dans un centre drsquoaccueil srsquoanalysent en des ingeacuterences dans le droit drsquoun parent au

respect de sa vie familiale (W c Royaume-Uni preacuteciteacute sect 59) les obligations positives inheacuterentes agrave

un respect effectif de la vie priveacutee ou familiale peuvent impliquer lrsquoadoption de mesures visant au

respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux (X et Y c Pays-Bas 26

mars 1985 sect 23 seacuterie A no 91 et Mincheva c Bulgarie no 2155803 sect 81 2 septembre 2010) Dans un

cas comme dans lrsquoautre il faut avoir eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts

concurrents ndash ceux de lrsquoenfant ceux des deux parents et ceux de lrsquoordre public - (Maumousseau et

Washington c France no 3938805 sect 62 6 deacutecembre 2007) en attachant toutefois une importance

deacuteterminante agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir dans ce sens Gnahoreacute c France no 4003198 sect

59 CEDH 2000-IX) qui selon sa nature et sa graviteacute peut lrsquoemporter sur celui des parents (Sahin c

Allemagne [GC] no 3094396 sect 66 CEDH 2003-VIII) De mecircme dans les deux hypothegraveses lrsquoEacutetat

jouit drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation (Saleck Bardi preacuteciteacute sect 50 et KAB c Espagne preacuteciteacute sect

95)

53 La Cour reacuteaffirme le principe bien eacutetabli dans sa jurisprudence selon lequel le but de la

Convention consiste agrave proteacuteger des droits concrets et effectifs (K et T c Finlande[GC] preacuteciteacute sect

154) Elle rappelle qursquoelle nrsquoa pas pour tacircche de se substituer aux autoriteacutes internes mais

drsquoexaminer sous lrsquoangle de la Convention les deacutecisions que ces autoriteacutes ont rendues dans

lrsquoexercice de leur pouvoir discreacutetionnaire

54 Comme la Cour lrsquoa affirmeacute agrave de nombreuses reprises lrsquoeacuteclatement drsquoune famille constitue

en effet une mesure tregraves grave qui doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de

lrsquoenfant et avoir assez de poids et de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC]

nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Agrave cet eacutegard et srsquoagissant de lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat de prendre des mesures positives la Cour a affirmeacute agrave maintes reprises que lrsquoarticle 8

implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et lrsquoobligation pour

les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie

A no 156 et Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre 1992 sect 90 seacuterie A no 250) Dans ce genre drsquoaffaire

le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise en œuvre car le passage du

temps peut avoir des conseacutequences irreacutemeacutediables sur les relations entre lrsquoenfant et le parent qui ne

vit pas avec lui (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 SH c Italie no 5255714 sect 42

13 octobre 2015) La deacutecision de prise en charge drsquoun enfant doit en principe ecirctre consideacutereacutee

comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances srsquoy precirctent et tout acte

drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et lrsquoenfant (K

et T c Finlande preacuteciteacute sect 178) Lorsqursquoune peacuteriode de temps consideacuterable srsquoest eacutecouleacutee depuis que

lrsquoenfant a eacuteteacute placeacute pour la premiegravere fois sous assistance lrsquointeacuterecirct qursquoa lrsquoenfant agrave ne pas voir sa

situation familiale de facto changer de nouveau peut lrsquoemporter sur lrsquointeacuterecirct des parents agrave la

reacuteunion de leur famille Degraves lors la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes jouissent drsquoune grande

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latitude pour appreacutecier la neacutecessiteacute de prendre en charge un enfant mais il faut exercer un controcircle

plus rigoureux agrave la fois sur les restrictions suppleacutementaires comme celles apporteacutees par les

autoriteacutes aux droits et aux visites des parents et sur les garanties destineacutees agrave assurer la protection

effective du droit des parents et enfants au respect de leur vie familiale (K et T c Finlande [GC]

preacuteciteacute sect 155) Lrsquoobligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la

famille degraves que cela sera vraiment possible srsquoimpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la

peacuteriode de prise en charge et avec de plus en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance

avec le devoir de consideacuterer lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Par ailleurs les obligations positives ne

se limitent pas agrave veiller agrave ce que lrsquoenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui

mais elles englobent eacutegalement lrsquoensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce

reacutesultat (voir mutatis mutandis Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004

etAmanalachioai c Roumanie no 402304 sect 95 26 mai 2009)

55 Il revient agrave la Cour drsquoappreacutecier si les autoriteacutes espagnoles ont agi en meacuteconnaissance de

leurs obligations positives deacutecoulant de lrsquoarticle 8 de la Convention (Hokkanen c Finlande 23

septembre 1994 sect 55 seacuterie A no 299-A Mikulić c Croatie no 5317699 sect 59 CEDH 2002-I P C et

S c Royaume-Uni no 5654700 sect 122 CEDH 2002-VI Evansc Royaume-Uni [GC] no 633905 sect 76

CEDH 2007-IV et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 98)

56 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter drsquoun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de lrsquoarticle

8 de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lrsquoapplication et lrsquointerpreacutetation des

dispositions leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de lrsquoarticle 8 de la

Convention en tenant notamment compte de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir mutatis

mutandis Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 et Barnea et Caldararu c

Italie preacuteciteacute sect 65 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115 RMS c Espagne preacuteciteacute sect 72)

b) Application en lrsquoespegravece des principes susmentionneacutes

57 La Cour relegraveve que le 15 juin 2012 les trois enfants du requeacuterant dont sa fille mineure acircgeacutee

agrave lrsquoeacutepoque drsquoun an et demi ont eacuteteacute placeacutes dans un centre drsquoaccueil agrave Madrid agrave la demande de leur

megravere et deacuteclareacutes en situation leacutegale drsquoabandon Agrave la suite du deacutemeacutenagement de leur megravere les

enfants ont eacuteteacute placeacutes dans des centres drsquoaccueil de Murcie Le requeacuterant nrsquoen a pas eacuteteacute informeacute

(paragraphes 8 et 9 ci-dessus)

58 Dans une affaire comme celle de lrsquoespegravece le juge se trouve en preacutesence drsquointeacuterecircts souvent

difficilement conciliables agrave savoir ceux de lrsquoenfant et ceux de ses parents biologiques et

notamment dans la preacutesente cause ceux du pegravere biologique et ceux de la famille drsquoaccueil Dans la

recherche de lrsquoeacutequilibre entre ces diffeacuterents inteacuterecircts lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale (Moretti et Benedetti c Italie no 1631807 sect 67 27 avril 2010)

59 En lrsquoespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave la neacutecessiteacute de lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en se reacutefeacuterant

aux maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves que ce dernier aurait infligeacutees agrave ses enfants agrave

lrsquoinstabiliteacute eacutemotionnelle et agrave lrsquointelligence limiteacutee de leur megravere (paragraphes 14 et 21 ci-dessus)

ainsi qursquoagrave lrsquoabsence de contact du requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date du placement

de ces derniers dans des centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du

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requeacuterant avec le service de protection des mineurs (paragraphe 21 ci-dessus) et agrave lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le requeacuterant et sa fille (paragraphe 24 ci-dessus) La Cour relegraveve qursquoagrave aucun

moment de cette proceacutedure administrative lrsquoacquittement du requeacuterant le 27 septembre 2013 de

toutes les charges retenues contre lui et lrsquoannulation des mesures drsquoeacuteloignement prises initialement

agrave son encontre lrsquoempecircchant entre-temps de garder le contact avec ses enfants (paragraphe 20 ci-

dessus) nrsquoont eacuteteacute pris en compte

60 La Cour observe que la deacutecision du juge de premiegravere instance de Murcie dateacutee du 11 feacutevrier

2015 (paragraphe 25 ci-dessus) enteacuterinant la deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales

relative au placement preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en famille drsquoaccueil persistait agrave ne pas

prendre en compte la nouvelle situation peacutenale du requeacuterant depuis le 27 septembre 2013 date de

son acquittement Elle note que le juge de premiegravere instance de Murcie ne se prononccedilait drsquoailleurs

pas sur les capaciteacutes eacuteducatives et psychosociales du requeacuterant pour reacutecupeacuterer la garde de sa fille

mineure La deacutecision se bornait agrave prendre en compte les arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes dans les

rapports eacutetablis par lrsquoadministration

61 La Cour observe que la question de savoir si le processus deacutecisionnel a suffisamment

proteacutegeacute les inteacuterecircts drsquoun parent deacutepend des circonstances propres agrave chaque affaire(W c Royaume-

Uni 8 juillet 1987 sect 64 seacuterie A no 121 Elsholz c Allemagne [GC] no 2573594 sect 52

CEDH 2000-VIII) Pour ce faire elle doit veacuterifier si les juridictions nationales se sont livreacutees agrave un

examen approfondi de lrsquoensemble de la situation familiale et de toute une seacuterie drsquoeacuteleacutements drsquoordre

factuel affectif psychologique mateacuteriel et meacutedical notamment et si elles ont proceacutedeacute agrave une

appreacuteciation eacutequilibreacutee et raisonnable des inteacuterecircts respectifs (voir mutatis mutandis Neulinger

et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 139 CEDH 2010) La Cour relegraveve agrave cet eacutegard que au cours

de la proceacutedure devant le juge de premiegravere instance et lrsquoAudiencia provincial le requeacuterant a eu la

possibiliteacute de preacutesenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des proceacutedures

judiciaires ougrave il eacutetait repreacutesenteacute par un avocat au moins agrave partir du 19 novembre 2013

(paragraphe20 ci-dessus) La Cour ne deacutecegravele en conseacutequence aucun manquement formellement

imputable aux juridictions internes agrave cet eacutegard mais plutocirct une inertie des ces derniegraveres dans la

prise en compte des conclusions des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de

lrsquoadministration intervenus tout au long de lrsquoexamen de affaire

62 La Cour rappelle que dans les affaires touchant la vie familiale la rupture du contact avec

un enfant tregraves jeune peut conduire agrave une alteacuteration croissante de sa relation avec son parent (voir

entre autres Pini et autres c Roumanie nos 7802801 et 7803001 sect 175 CEDH 2004-V (extraits)

et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 103) Il en va ainsi dans la preacutesente affaire Les rapports des 28 feacutevrier

et 18 deacutecembre 2014 (paragraphes 21 et 23 ci-dessus) ont deacutemontreacute que la fille du requeacuterant eacutetait

bien inteacutegreacutee dans sa famille drsquoaccueil depuis le 24 septembre 2013 (paragraphe 17 ci-dessus) Le

passage du temps a eu pour effet de rendre deacutefinitive une situation qui eacutetait censeacutee ecirctre provisoire

compte tenu du tregraves jeune acircge de lrsquoenfant lorsque la situation leacutegale drsquoabandon a eacuteteacute constateacutee et

que la mise sous tutelle est intervenue (paragraphe 8 ci-dessus)

63 La Cour rappelle qursquoil ne lui appartient pas de substituer son appreacuteciation agrave celle des

autoriteacutes nationales compeacutetentes quant aux mesures qui auraient ducirc ecirctre prises car ces autoriteacutes

sont en principe mieux placeacutees pour proceacuteder agrave une telle eacutevaluation Tout en reconnaissant qursquoen

lrsquoespegravece les juridictions internes se sont appliqueacutees de bonne foi agrave preacuteserver le bien-ecirctre de la

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

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67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 12: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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requeacuterant lrsquoeacutepuisement drsquoune voie de recours que le Tribunal constitutionnel lui-mecircme nrsquoa pas

consideacutereacutee comme exigible en lrsquoespegravece

39 Concernant la seconde branche de lrsquoexception du Gouvernement celui-ci estime que les

voies de recours internes nrsquoont pas eacuteteacute correctement eacutepuiseacutees dans la mesure ougrave le recours

drsquoamparo a eacuteteacute deacuteclareacute irrecevable par le Tribunal constitutionnel faute pour le requeacuterant drsquoavoir

rempli lrsquoobligation de deacutemontrer que son recours revecirctait une importance constitutionnelle

speacuteciale conformeacutement agrave lrsquoexigence eacutenonceacutee dans lrsquoarticle 49 sect 1 de la LOTC telle que modifieacutee par

la Loi organique nordm 62007 du 24 mai 2007

40 Agrave cet eacutegard comme elle lrsquoa deacutejagrave fait dans lrsquoaffaire Arribas Antoacuten c Espagne (no 1656311

20 janvier 2015) la Cour tient agrave souligner que le fait que le Tribunal constitutionnel ait deacuteclareacute un

recours drsquoamparo irrecevable au motif qursquoil ne revecirctait pas lrsquoimportance constitutionnelle speacuteciale

requise ou le cas eacutecheacuteant que son auteur nrsquoavait pas deacutemontreacute lrsquoexistence de pareille importance

ne lrsquoempecircche pas de se prononcer sur la recevabiliteacute et le fond drsquoune requecircte (ibidem sect 51 avec les

reacutefeacuterences aux arrecircts de la Cour rendus agrave la suite de deacutecisions drsquoirrecevabiliteacute des recours

drsquoamparo par le Tribunal constitutionnel en application de ce critegravere Del Riacuteo Prada c Espagne [GC]

no 4275009 sect 22 CEDH 2013 Varela Geis c Espagne no 6100509 5 mars 2013 Manzanas Martiacuten c

Espagne no 1796610 sect 14 3 avril 2012 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 45 voirplus

reacutecemment Rodriguez Ravelo c Espagne no 4807410 sect 24 12 janvier 2016 et en dernier lieu Saber

et Boughassal c Espagne nos 7655013 et 4593814 sect 30 18 deacutecembre 2018) La Cour relegraveve qursquoen

lrsquoespegravece le requeacuterant a exposeacute dans une section speacutecifique les raisons pour lesquelles le recours

drsquoamparo avait pour lui une importance constitutionnelle speacuteciale Il a indiqueacute que ledit recours

satisfaisait agrave la condition drsquoimportance constitutionnelle speacuteciale dans la mesure ougrave il eacutetait fondeacute

sur la jurisprudence laquo des organes chargeacutes de lrsquointerpreacutetation des traiteacutes et accords internationaux

viseacutes agrave lrsquoarticle 10 sect 2 CE raquo Il faisait reacutefeacuterence agrave lrsquoarrecirct rendu dans lrsquoaffaire RMS cEspagne

preacuteciteacute et invoquait les dispositions de la Constitution espagnole qursquoil estimait pertinentes ainsi

que lrsquoarticle 8 de la Convention et soutenait que les deacutecisions judiciaires avaient empecirccheacute le

regroupement familial entre lui et sa fille en raison de graves erreurs contenues dans les rapports

eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de lrsquoadministration qui ont servi de base au raisonnement des

juridictions internes

41 Par conseacutequent lrsquoexception du Gouvernement ne saurait ecirctre retenue

42 Constatant que la requecircte nrsquoest pas manifestement mal fondeacutee au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a)

de la Convention et qursquoelle ne se heurte par ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour la

deacuteclare recevable

B Sur le fond

1 Thegravese des parties

a) Le Gouvernement

43 Le Gouvernement concegravede que le droit au respect de la vie priveacutee et familiale du requeacuterant

a fait lrsquoobjet drsquoune ingeacuterence de la part de lrsquoautoriteacute publique Il estime cependant que cette

ingeacuterence se justifie par une exigence primordiale touchant lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant et

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constitue un usage approprieacute de la marge drsquoappreacuteciation dont beacuteneacuteficient les autoriteacutes nationales

Il deacuteclare que en lrsquoespegravece la fille du requeacuterant avait inteacuterecirct agrave voir sa situation drsquoaccueil familial se

consolider apregraves 15 mois de placement dans un centre drsquoaccueil Il indique par ailleurs que la Cour

nrsquoest pas une juridiction de quatriegraveme instance et qursquoelle se doit de respecter la marge

drsquoappreacuteciation dont disposent les Eacutetats membres dans la reacuteglementation des relations parents-

enfants

44 Le Gouvernement indique que la deacutecision de lrsquoadministration locale de recourir agrave la

proceacutedure de placement en accueil familial preacuteadoptif a eacuteteacute adopteacutee dans le strict respect de la

leacutegislation de la protection des mineurs qursquoelle eacutetait ducircment motiveacutee et qursquoelle a eacuteteacute veacuterifieacutee par

les autoriteacutes judiciaires espagnoles conformeacutement agrave la loi Il ajoute que cette deacutecision nrsquoa pas eacuteteacute

prise de maniegravere arbitraire mais se fonde sur le manque drsquointeacuterecirct manifesteacute par le requeacuterant pour

sa fille Le Gouvernement expose que bien que le requeacuterant faisait lrsquoobjet drsquoune mesure

drsquoeacuteloignement jusqursquoen septembre 2013 celui-ci nrsquoa pas eu de contact avec ses enfants entre 2012 et

2015 et ne srsquoest pas rendu agrave Murcie en personne mais a agi par lettre par le biais drsquoune association

(paragraphe 11 ci-dessus) Il indique que la situation du requeacuterant diffegravere degraves lors de

lrsquoaffaire RMS c Espagne(preacuteciteacute sect 76) dans laquelle la Cour a conclu agrave une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention en raison de la constatation de la situation drsquoabandon drsquoune mineure malgreacute le

fait que la requeacuterante laquo srsquoeacutetait rendue au moins agrave 17 reprises au centre drsquoaccueil de Grenade alors

mecircme que lrsquoinstitution se trouvait relativement eacuteloigneacutee de son domicile et () qursquoelle nrsquoavait

mecircme pas eacuteteacute informeacutee que sa fille ne srsquoy trouvait plus raquo De plus le Gouvernement estime que en

lrsquoespegravece cette deacutecision avait eacuteteacute preacuteceacutedeacutee drsquoune analyse rigoureuse baseacutee sur les rapports eacutetablis

par les services de protection sociale de Murcie Il se reacutefegravere au rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 au rapport psychosocial du 19 juillet 2013 au rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 et au

rapport du 2 feacutevrier 2015 (paragraphes 14 et suivants ci-dessus)

45 Le Gouvernement considegravere que les deacutecisions prises en lrsquoespegravece par les autoriteacutes nrsquoeacutetaient

pas disproportionneacutees car celles-ci auraient eacutegalement veilleacute aux inteacuterecircts des parents biologiques

en leur garantissant une protection proceacutedurale suffisante et en les impliquant dans le processus

deacutecisionnel (W c Royaume-Uni 8 juillet 1987 sect 63 seacuterie A no 121) Il estime que les autoriteacutes ont agrave

tout moment respecteacute lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure la situation de sa famille proche et eacutelargie

et les principes de proportionnaliteacute et de neacutecessiteacute Il note les efforts des services sociaux de Murcie

pour contacter le requeacuterant (paragraphes 12 et 13 ci-dessus) ainsi que le fait que les organes

juridictionnels ont respecteacute les droits de la deacutefense en donnant la possibiliteacute aux parents de la

mineure drsquoexprimer leur point de vue et le cas eacutecheacuteant leur opposition agrave travers les deacutemarches et

les recours qui leur eacutetaient disponibles

46 Le Gouvernement indique que lrsquointeacuterecirct de chaque mineur doit ecirctre appreacutecieacute de faccedilon

individualiseacutee Par conseacutequent il estime que le fait pour le requeacuterant drsquoavoir reacutecupeacutereacute la garde de

ses deux fils ne modifiait pas la deacutecision des organes judiciaires car sa fille nrsquoaurait pas eacuteteacute dans

une situation comparable agrave celle de ses fregraveres en raison de son acircge et de ses circonstances

personnelles Se reacutefeacuterant agrave la deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie du 7 avril 2016 il estime

en effet que la reacuteinsertion de la mineure au sein de sa famille biologique nrsquoeacutetait plus possible au

risque de lui causer plus de preacutejudices que de beacuteneacutefices Il ajoute que la famille eacutelargie de lrsquoenfant

nrsquoa pas prouveacute aux services sociaux qursquoelle pouvait la prendre en charge

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47 Enfin le Gouvernement note que les droits eacutenonceacutes agrave lrsquoarticle 8 de la Convention

srsquoappliquent de maniegravere eacutegale tant agrave la famille biologique qursquoagrave la famille drsquoaccueil laquelle a creacuteeacute

des liens affectifs avec la mineure dont la Cour doit tenir compte

b) Le requeacuterant

48 Le requeacuterant estime que si lrsquoaccueil a pu ecirctre la meilleure solution pour consolider la

situation familiale de sa fille par le passeacute cette mesure a selon lui cesseacute de lrsquoecirctre lorsqursquoil a

reacutecupeacutereacute la garde des deux aicircneacutes avec lrsquoautorisation de lrsquoautoriteacute chargeacutee de leur protection Il

considegravere que justifier le placement de sa fille en famille drsquoaccueil par le laquo manque drsquointeacuterecirct raquo dont

il aurait fait preuve nrsquoa pas de sens degraves lors qursquoil a eacuteteacute priveacute de lrsquoautoriteacute parentale sur ses enfants

ainsi que des droits et devoirs y affeacuterents Il soutient que cette mesure agrave lrsquoorigine de la deacuteclaration

drsquoabandon de ses enfants srsquoest aveacutereacutee inutile puisqursquoil a eacuteteacute acquitteacute des charges peacutenales de

mauvais traitements agrave lrsquoencontre de sa femme Il ajoute que degraves qursquoil avait pu reprendre contact

avec ses enfants les plus acircgeacutes le mecircme reacutegime de visites lui avait de nouveau eacuteteacute interdit avec sa

fille De plus il argue que en tant qursquoeacutetranger ne parlant pas correctement lrsquoespagnol il lui eacutetait

difficile de prendre connaissance de la citation agrave comparaicirctre publieacutee dans le Journal officiel de la

reacutegion de Murcie (paragraphe 13 ci-dessus) et que cela nrsquoaurait pas ducirc ecirctre interpreacuteteacute comme un

manque drsquointeacuterecirct de sa part

49 Le requeacuterant considegravere que les services de protection de lrsquoenfance et les juridictions

espagnoles ont fait preuve de discrimination agrave son eacutegard car il eacutetait eacutetranger Il indique qursquoil vivait

agrave Madrid et qursquoil ne parlait pas correctement lrsquoespagnol agrave lrsquoeacutepoque Il rejette lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les autoriteacutes ont respecteacute le principe de leacutegaliteacute ainsi que ses droits

proceacuteduraux eacutetant donneacute que celles-ci ont baseacute leur deacutecision selon lui sur des arguments

infondeacutes et des rapports eacutetablis alors qursquoil faisait lrsquoobjet drsquoune poursuite peacutenale et qursquoil nrsquoeacutetait pas

en mesure de deacutefendre son aptitude agrave ecirctre pegravere

50 Le requeacuterant critique la motivation avanceacutee par lrsquoAudiencia provincial de Murcie en ce que

celle-ci considegravere comme eacutetant neacutegligeable le fait qursquoil ait reacutecupeacutereacute uniquement la garde de ses fils

et non celle de sa fille laquo parce que cela srsquoaveacutererait contre-productif pour [celle-ci] raquo alors que le

retour des deux garccedilons aupregraves de lui prouve selon lui qursquoil srsquointeacuteresse agrave ses enfants et qursquoil est

capable de les prendre en charge Il estime que cette deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie

reprise par le Gouvernement dans ses observations lui impute agrave tort des mauvais traitements

envers ses enfants et transfegravere agrave son encontre le manque drsquoadeacutequation de la conduite de la megravere de

ses enfants agrave leur eacutegard

2 Appreacuteciation de la Cour

a) Principes geacuteneacuteraux relatifs aux obligations positives qui incombent agrave lrsquoEacutetat deacutefendeur en

vertu de lrsquoarticle 8 de la Convention

51 La Cour rappelle que pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement

fondamental de la vie familiale (Buscemi c Italie no 2956995 sect 53 CEDH 1999-VI Saleck Bardi c

Espagne no 6616709 sectsect 49 et 50 24 mai 2011 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 68) et que des mesures

internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par lrsquoarticle 8 de la

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Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 151 CEDH 2001-VII et Barnea et Caldararu c

Italie no 3793115 sect 63 22 juin 2017)

52 Comme la Cour lrsquoa indiqueacute agrave plusieurs reprises lrsquoarticle 8 de la Convention a

essentiellement pour objet de preacutemunir lrsquoindividu contre les ingeacuterences arbitraires des autoriteacutes

publiques il ne se contente toutefois pas de commander agrave lrsquoEacutetat de srsquoabstenir de pareilles

ingeacuterences En effet si les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute responsable aboutissant au placement

drsquoun enfant dans un centre drsquoaccueil srsquoanalysent en des ingeacuterences dans le droit drsquoun parent au

respect de sa vie familiale (W c Royaume-Uni preacuteciteacute sect 59) les obligations positives inheacuterentes agrave

un respect effectif de la vie priveacutee ou familiale peuvent impliquer lrsquoadoption de mesures visant au

respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux (X et Y c Pays-Bas 26

mars 1985 sect 23 seacuterie A no 91 et Mincheva c Bulgarie no 2155803 sect 81 2 septembre 2010) Dans un

cas comme dans lrsquoautre il faut avoir eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts

concurrents ndash ceux de lrsquoenfant ceux des deux parents et ceux de lrsquoordre public - (Maumousseau et

Washington c France no 3938805 sect 62 6 deacutecembre 2007) en attachant toutefois une importance

deacuteterminante agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir dans ce sens Gnahoreacute c France no 4003198 sect

59 CEDH 2000-IX) qui selon sa nature et sa graviteacute peut lrsquoemporter sur celui des parents (Sahin c

Allemagne [GC] no 3094396 sect 66 CEDH 2003-VIII) De mecircme dans les deux hypothegraveses lrsquoEacutetat

jouit drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation (Saleck Bardi preacuteciteacute sect 50 et KAB c Espagne preacuteciteacute sect

95)

53 La Cour reacuteaffirme le principe bien eacutetabli dans sa jurisprudence selon lequel le but de la

Convention consiste agrave proteacuteger des droits concrets et effectifs (K et T c Finlande[GC] preacuteciteacute sect

154) Elle rappelle qursquoelle nrsquoa pas pour tacircche de se substituer aux autoriteacutes internes mais

drsquoexaminer sous lrsquoangle de la Convention les deacutecisions que ces autoriteacutes ont rendues dans

lrsquoexercice de leur pouvoir discreacutetionnaire

54 Comme la Cour lrsquoa affirmeacute agrave de nombreuses reprises lrsquoeacuteclatement drsquoune famille constitue

en effet une mesure tregraves grave qui doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de

lrsquoenfant et avoir assez de poids et de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC]

nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Agrave cet eacutegard et srsquoagissant de lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat de prendre des mesures positives la Cour a affirmeacute agrave maintes reprises que lrsquoarticle 8

implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et lrsquoobligation pour

les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie

A no 156 et Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre 1992 sect 90 seacuterie A no 250) Dans ce genre drsquoaffaire

le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise en œuvre car le passage du

temps peut avoir des conseacutequences irreacutemeacutediables sur les relations entre lrsquoenfant et le parent qui ne

vit pas avec lui (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 SH c Italie no 5255714 sect 42

13 octobre 2015) La deacutecision de prise en charge drsquoun enfant doit en principe ecirctre consideacutereacutee

comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances srsquoy precirctent et tout acte

drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et lrsquoenfant (K

et T c Finlande preacuteciteacute sect 178) Lorsqursquoune peacuteriode de temps consideacuterable srsquoest eacutecouleacutee depuis que

lrsquoenfant a eacuteteacute placeacute pour la premiegravere fois sous assistance lrsquointeacuterecirct qursquoa lrsquoenfant agrave ne pas voir sa

situation familiale de facto changer de nouveau peut lrsquoemporter sur lrsquointeacuterecirct des parents agrave la

reacuteunion de leur famille Degraves lors la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes jouissent drsquoune grande

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latitude pour appreacutecier la neacutecessiteacute de prendre en charge un enfant mais il faut exercer un controcircle

plus rigoureux agrave la fois sur les restrictions suppleacutementaires comme celles apporteacutees par les

autoriteacutes aux droits et aux visites des parents et sur les garanties destineacutees agrave assurer la protection

effective du droit des parents et enfants au respect de leur vie familiale (K et T c Finlande [GC]

preacuteciteacute sect 155) Lrsquoobligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la

famille degraves que cela sera vraiment possible srsquoimpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la

peacuteriode de prise en charge et avec de plus en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance

avec le devoir de consideacuterer lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Par ailleurs les obligations positives ne

se limitent pas agrave veiller agrave ce que lrsquoenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui

mais elles englobent eacutegalement lrsquoensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce

reacutesultat (voir mutatis mutandis Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004

etAmanalachioai c Roumanie no 402304 sect 95 26 mai 2009)

55 Il revient agrave la Cour drsquoappreacutecier si les autoriteacutes espagnoles ont agi en meacuteconnaissance de

leurs obligations positives deacutecoulant de lrsquoarticle 8 de la Convention (Hokkanen c Finlande 23

septembre 1994 sect 55 seacuterie A no 299-A Mikulić c Croatie no 5317699 sect 59 CEDH 2002-I P C et

S c Royaume-Uni no 5654700 sect 122 CEDH 2002-VI Evansc Royaume-Uni [GC] no 633905 sect 76

CEDH 2007-IV et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 98)

56 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter drsquoun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de lrsquoarticle

8 de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lrsquoapplication et lrsquointerpreacutetation des

dispositions leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de lrsquoarticle 8 de la

Convention en tenant notamment compte de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir mutatis

mutandis Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 et Barnea et Caldararu c

Italie preacuteciteacute sect 65 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115 RMS c Espagne preacuteciteacute sect 72)

b) Application en lrsquoespegravece des principes susmentionneacutes

57 La Cour relegraveve que le 15 juin 2012 les trois enfants du requeacuterant dont sa fille mineure acircgeacutee

agrave lrsquoeacutepoque drsquoun an et demi ont eacuteteacute placeacutes dans un centre drsquoaccueil agrave Madrid agrave la demande de leur

megravere et deacuteclareacutes en situation leacutegale drsquoabandon Agrave la suite du deacutemeacutenagement de leur megravere les

enfants ont eacuteteacute placeacutes dans des centres drsquoaccueil de Murcie Le requeacuterant nrsquoen a pas eacuteteacute informeacute

(paragraphes 8 et 9 ci-dessus)

58 Dans une affaire comme celle de lrsquoespegravece le juge se trouve en preacutesence drsquointeacuterecircts souvent

difficilement conciliables agrave savoir ceux de lrsquoenfant et ceux de ses parents biologiques et

notamment dans la preacutesente cause ceux du pegravere biologique et ceux de la famille drsquoaccueil Dans la

recherche de lrsquoeacutequilibre entre ces diffeacuterents inteacuterecircts lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale (Moretti et Benedetti c Italie no 1631807 sect 67 27 avril 2010)

59 En lrsquoespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave la neacutecessiteacute de lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en se reacutefeacuterant

aux maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves que ce dernier aurait infligeacutees agrave ses enfants agrave

lrsquoinstabiliteacute eacutemotionnelle et agrave lrsquointelligence limiteacutee de leur megravere (paragraphes 14 et 21 ci-dessus)

ainsi qursquoagrave lrsquoabsence de contact du requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date du placement

de ces derniers dans des centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du

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requeacuterant avec le service de protection des mineurs (paragraphe 21 ci-dessus) et agrave lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le requeacuterant et sa fille (paragraphe 24 ci-dessus) La Cour relegraveve qursquoagrave aucun

moment de cette proceacutedure administrative lrsquoacquittement du requeacuterant le 27 septembre 2013 de

toutes les charges retenues contre lui et lrsquoannulation des mesures drsquoeacuteloignement prises initialement

agrave son encontre lrsquoempecircchant entre-temps de garder le contact avec ses enfants (paragraphe 20 ci-

dessus) nrsquoont eacuteteacute pris en compte

60 La Cour observe que la deacutecision du juge de premiegravere instance de Murcie dateacutee du 11 feacutevrier

2015 (paragraphe 25 ci-dessus) enteacuterinant la deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales

relative au placement preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en famille drsquoaccueil persistait agrave ne pas

prendre en compte la nouvelle situation peacutenale du requeacuterant depuis le 27 septembre 2013 date de

son acquittement Elle note que le juge de premiegravere instance de Murcie ne se prononccedilait drsquoailleurs

pas sur les capaciteacutes eacuteducatives et psychosociales du requeacuterant pour reacutecupeacuterer la garde de sa fille

mineure La deacutecision se bornait agrave prendre en compte les arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes dans les

rapports eacutetablis par lrsquoadministration

61 La Cour observe que la question de savoir si le processus deacutecisionnel a suffisamment

proteacutegeacute les inteacuterecircts drsquoun parent deacutepend des circonstances propres agrave chaque affaire(W c Royaume-

Uni 8 juillet 1987 sect 64 seacuterie A no 121 Elsholz c Allemagne [GC] no 2573594 sect 52

CEDH 2000-VIII) Pour ce faire elle doit veacuterifier si les juridictions nationales se sont livreacutees agrave un

examen approfondi de lrsquoensemble de la situation familiale et de toute une seacuterie drsquoeacuteleacutements drsquoordre

factuel affectif psychologique mateacuteriel et meacutedical notamment et si elles ont proceacutedeacute agrave une

appreacuteciation eacutequilibreacutee et raisonnable des inteacuterecircts respectifs (voir mutatis mutandis Neulinger

et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 139 CEDH 2010) La Cour relegraveve agrave cet eacutegard que au cours

de la proceacutedure devant le juge de premiegravere instance et lrsquoAudiencia provincial le requeacuterant a eu la

possibiliteacute de preacutesenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des proceacutedures

judiciaires ougrave il eacutetait repreacutesenteacute par un avocat au moins agrave partir du 19 novembre 2013

(paragraphe20 ci-dessus) La Cour ne deacutecegravele en conseacutequence aucun manquement formellement

imputable aux juridictions internes agrave cet eacutegard mais plutocirct une inertie des ces derniegraveres dans la

prise en compte des conclusions des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de

lrsquoadministration intervenus tout au long de lrsquoexamen de affaire

62 La Cour rappelle que dans les affaires touchant la vie familiale la rupture du contact avec

un enfant tregraves jeune peut conduire agrave une alteacuteration croissante de sa relation avec son parent (voir

entre autres Pini et autres c Roumanie nos 7802801 et 7803001 sect 175 CEDH 2004-V (extraits)

et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 103) Il en va ainsi dans la preacutesente affaire Les rapports des 28 feacutevrier

et 18 deacutecembre 2014 (paragraphes 21 et 23 ci-dessus) ont deacutemontreacute que la fille du requeacuterant eacutetait

bien inteacutegreacutee dans sa famille drsquoaccueil depuis le 24 septembre 2013 (paragraphe 17 ci-dessus) Le

passage du temps a eu pour effet de rendre deacutefinitive une situation qui eacutetait censeacutee ecirctre provisoire

compte tenu du tregraves jeune acircge de lrsquoenfant lorsque la situation leacutegale drsquoabandon a eacuteteacute constateacutee et

que la mise sous tutelle est intervenue (paragraphe 8 ci-dessus)

63 La Cour rappelle qursquoil ne lui appartient pas de substituer son appreacuteciation agrave celle des

autoriteacutes nationales compeacutetentes quant aux mesures qui auraient ducirc ecirctre prises car ces autoriteacutes

sont en principe mieux placeacutees pour proceacuteder agrave une telle eacutevaluation Tout en reconnaissant qursquoen

lrsquoespegravece les juridictions internes se sont appliqueacutees de bonne foi agrave preacuteserver le bien-ecirctre de la

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

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67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 13: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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constitue un usage approprieacute de la marge drsquoappreacuteciation dont beacuteneacuteficient les autoriteacutes nationales

Il deacuteclare que en lrsquoespegravece la fille du requeacuterant avait inteacuterecirct agrave voir sa situation drsquoaccueil familial se

consolider apregraves 15 mois de placement dans un centre drsquoaccueil Il indique par ailleurs que la Cour

nrsquoest pas une juridiction de quatriegraveme instance et qursquoelle se doit de respecter la marge

drsquoappreacuteciation dont disposent les Eacutetats membres dans la reacuteglementation des relations parents-

enfants

44 Le Gouvernement indique que la deacutecision de lrsquoadministration locale de recourir agrave la

proceacutedure de placement en accueil familial preacuteadoptif a eacuteteacute adopteacutee dans le strict respect de la

leacutegislation de la protection des mineurs qursquoelle eacutetait ducircment motiveacutee et qursquoelle a eacuteteacute veacuterifieacutee par

les autoriteacutes judiciaires espagnoles conformeacutement agrave la loi Il ajoute que cette deacutecision nrsquoa pas eacuteteacute

prise de maniegravere arbitraire mais se fonde sur le manque drsquointeacuterecirct manifesteacute par le requeacuterant pour

sa fille Le Gouvernement expose que bien que le requeacuterant faisait lrsquoobjet drsquoune mesure

drsquoeacuteloignement jusqursquoen septembre 2013 celui-ci nrsquoa pas eu de contact avec ses enfants entre 2012 et

2015 et ne srsquoest pas rendu agrave Murcie en personne mais a agi par lettre par le biais drsquoune association

(paragraphe 11 ci-dessus) Il indique que la situation du requeacuterant diffegravere degraves lors de

lrsquoaffaire RMS c Espagne(preacuteciteacute sect 76) dans laquelle la Cour a conclu agrave une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention en raison de la constatation de la situation drsquoabandon drsquoune mineure malgreacute le

fait que la requeacuterante laquo srsquoeacutetait rendue au moins agrave 17 reprises au centre drsquoaccueil de Grenade alors

mecircme que lrsquoinstitution se trouvait relativement eacuteloigneacutee de son domicile et () qursquoelle nrsquoavait

mecircme pas eacuteteacute informeacutee que sa fille ne srsquoy trouvait plus raquo De plus le Gouvernement estime que en

lrsquoespegravece cette deacutecision avait eacuteteacute preacuteceacutedeacutee drsquoune analyse rigoureuse baseacutee sur les rapports eacutetablis

par les services de protection sociale de Murcie Il se reacutefegravere au rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 au rapport psychosocial du 19 juillet 2013 au rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 et au

rapport du 2 feacutevrier 2015 (paragraphes 14 et suivants ci-dessus)

45 Le Gouvernement considegravere que les deacutecisions prises en lrsquoespegravece par les autoriteacutes nrsquoeacutetaient

pas disproportionneacutees car celles-ci auraient eacutegalement veilleacute aux inteacuterecircts des parents biologiques

en leur garantissant une protection proceacutedurale suffisante et en les impliquant dans le processus

deacutecisionnel (W c Royaume-Uni 8 juillet 1987 sect 63 seacuterie A no 121) Il estime que les autoriteacutes ont agrave

tout moment respecteacute lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure la situation de sa famille proche et eacutelargie

et les principes de proportionnaliteacute et de neacutecessiteacute Il note les efforts des services sociaux de Murcie

pour contacter le requeacuterant (paragraphes 12 et 13 ci-dessus) ainsi que le fait que les organes

juridictionnels ont respecteacute les droits de la deacutefense en donnant la possibiliteacute aux parents de la

mineure drsquoexprimer leur point de vue et le cas eacutecheacuteant leur opposition agrave travers les deacutemarches et

les recours qui leur eacutetaient disponibles

46 Le Gouvernement indique que lrsquointeacuterecirct de chaque mineur doit ecirctre appreacutecieacute de faccedilon

individualiseacutee Par conseacutequent il estime que le fait pour le requeacuterant drsquoavoir reacutecupeacutereacute la garde de

ses deux fils ne modifiait pas la deacutecision des organes judiciaires car sa fille nrsquoaurait pas eacuteteacute dans

une situation comparable agrave celle de ses fregraveres en raison de son acircge et de ses circonstances

personnelles Se reacutefeacuterant agrave la deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie du 7 avril 2016 il estime

en effet que la reacuteinsertion de la mineure au sein de sa famille biologique nrsquoeacutetait plus possible au

risque de lui causer plus de preacutejudices que de beacuteneacutefices Il ajoute que la famille eacutelargie de lrsquoenfant

nrsquoa pas prouveacute aux services sociaux qursquoelle pouvait la prendre en charge

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47 Enfin le Gouvernement note que les droits eacutenonceacutes agrave lrsquoarticle 8 de la Convention

srsquoappliquent de maniegravere eacutegale tant agrave la famille biologique qursquoagrave la famille drsquoaccueil laquelle a creacuteeacute

des liens affectifs avec la mineure dont la Cour doit tenir compte

b) Le requeacuterant

48 Le requeacuterant estime que si lrsquoaccueil a pu ecirctre la meilleure solution pour consolider la

situation familiale de sa fille par le passeacute cette mesure a selon lui cesseacute de lrsquoecirctre lorsqursquoil a

reacutecupeacutereacute la garde des deux aicircneacutes avec lrsquoautorisation de lrsquoautoriteacute chargeacutee de leur protection Il

considegravere que justifier le placement de sa fille en famille drsquoaccueil par le laquo manque drsquointeacuterecirct raquo dont

il aurait fait preuve nrsquoa pas de sens degraves lors qursquoil a eacuteteacute priveacute de lrsquoautoriteacute parentale sur ses enfants

ainsi que des droits et devoirs y affeacuterents Il soutient que cette mesure agrave lrsquoorigine de la deacuteclaration

drsquoabandon de ses enfants srsquoest aveacutereacutee inutile puisqursquoil a eacuteteacute acquitteacute des charges peacutenales de

mauvais traitements agrave lrsquoencontre de sa femme Il ajoute que degraves qursquoil avait pu reprendre contact

avec ses enfants les plus acircgeacutes le mecircme reacutegime de visites lui avait de nouveau eacuteteacute interdit avec sa

fille De plus il argue que en tant qursquoeacutetranger ne parlant pas correctement lrsquoespagnol il lui eacutetait

difficile de prendre connaissance de la citation agrave comparaicirctre publieacutee dans le Journal officiel de la

reacutegion de Murcie (paragraphe 13 ci-dessus) et que cela nrsquoaurait pas ducirc ecirctre interpreacuteteacute comme un

manque drsquointeacuterecirct de sa part

49 Le requeacuterant considegravere que les services de protection de lrsquoenfance et les juridictions

espagnoles ont fait preuve de discrimination agrave son eacutegard car il eacutetait eacutetranger Il indique qursquoil vivait

agrave Madrid et qursquoil ne parlait pas correctement lrsquoespagnol agrave lrsquoeacutepoque Il rejette lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les autoriteacutes ont respecteacute le principe de leacutegaliteacute ainsi que ses droits

proceacuteduraux eacutetant donneacute que celles-ci ont baseacute leur deacutecision selon lui sur des arguments

infondeacutes et des rapports eacutetablis alors qursquoil faisait lrsquoobjet drsquoune poursuite peacutenale et qursquoil nrsquoeacutetait pas

en mesure de deacutefendre son aptitude agrave ecirctre pegravere

50 Le requeacuterant critique la motivation avanceacutee par lrsquoAudiencia provincial de Murcie en ce que

celle-ci considegravere comme eacutetant neacutegligeable le fait qursquoil ait reacutecupeacutereacute uniquement la garde de ses fils

et non celle de sa fille laquo parce que cela srsquoaveacutererait contre-productif pour [celle-ci] raquo alors que le

retour des deux garccedilons aupregraves de lui prouve selon lui qursquoil srsquointeacuteresse agrave ses enfants et qursquoil est

capable de les prendre en charge Il estime que cette deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie

reprise par le Gouvernement dans ses observations lui impute agrave tort des mauvais traitements

envers ses enfants et transfegravere agrave son encontre le manque drsquoadeacutequation de la conduite de la megravere de

ses enfants agrave leur eacutegard

2 Appreacuteciation de la Cour

a) Principes geacuteneacuteraux relatifs aux obligations positives qui incombent agrave lrsquoEacutetat deacutefendeur en

vertu de lrsquoarticle 8 de la Convention

51 La Cour rappelle que pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement

fondamental de la vie familiale (Buscemi c Italie no 2956995 sect 53 CEDH 1999-VI Saleck Bardi c

Espagne no 6616709 sectsect 49 et 50 24 mai 2011 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 68) et que des mesures

internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par lrsquoarticle 8 de la

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Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 151 CEDH 2001-VII et Barnea et Caldararu c

Italie no 3793115 sect 63 22 juin 2017)

52 Comme la Cour lrsquoa indiqueacute agrave plusieurs reprises lrsquoarticle 8 de la Convention a

essentiellement pour objet de preacutemunir lrsquoindividu contre les ingeacuterences arbitraires des autoriteacutes

publiques il ne se contente toutefois pas de commander agrave lrsquoEacutetat de srsquoabstenir de pareilles

ingeacuterences En effet si les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute responsable aboutissant au placement

drsquoun enfant dans un centre drsquoaccueil srsquoanalysent en des ingeacuterences dans le droit drsquoun parent au

respect de sa vie familiale (W c Royaume-Uni preacuteciteacute sect 59) les obligations positives inheacuterentes agrave

un respect effectif de la vie priveacutee ou familiale peuvent impliquer lrsquoadoption de mesures visant au

respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux (X et Y c Pays-Bas 26

mars 1985 sect 23 seacuterie A no 91 et Mincheva c Bulgarie no 2155803 sect 81 2 septembre 2010) Dans un

cas comme dans lrsquoautre il faut avoir eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts

concurrents ndash ceux de lrsquoenfant ceux des deux parents et ceux de lrsquoordre public - (Maumousseau et

Washington c France no 3938805 sect 62 6 deacutecembre 2007) en attachant toutefois une importance

deacuteterminante agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir dans ce sens Gnahoreacute c France no 4003198 sect

59 CEDH 2000-IX) qui selon sa nature et sa graviteacute peut lrsquoemporter sur celui des parents (Sahin c

Allemagne [GC] no 3094396 sect 66 CEDH 2003-VIII) De mecircme dans les deux hypothegraveses lrsquoEacutetat

jouit drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation (Saleck Bardi preacuteciteacute sect 50 et KAB c Espagne preacuteciteacute sect

95)

53 La Cour reacuteaffirme le principe bien eacutetabli dans sa jurisprudence selon lequel le but de la

Convention consiste agrave proteacuteger des droits concrets et effectifs (K et T c Finlande[GC] preacuteciteacute sect

154) Elle rappelle qursquoelle nrsquoa pas pour tacircche de se substituer aux autoriteacutes internes mais

drsquoexaminer sous lrsquoangle de la Convention les deacutecisions que ces autoriteacutes ont rendues dans

lrsquoexercice de leur pouvoir discreacutetionnaire

54 Comme la Cour lrsquoa affirmeacute agrave de nombreuses reprises lrsquoeacuteclatement drsquoune famille constitue

en effet une mesure tregraves grave qui doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de

lrsquoenfant et avoir assez de poids et de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC]

nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Agrave cet eacutegard et srsquoagissant de lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat de prendre des mesures positives la Cour a affirmeacute agrave maintes reprises que lrsquoarticle 8

implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et lrsquoobligation pour

les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie

A no 156 et Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre 1992 sect 90 seacuterie A no 250) Dans ce genre drsquoaffaire

le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise en œuvre car le passage du

temps peut avoir des conseacutequences irreacutemeacutediables sur les relations entre lrsquoenfant et le parent qui ne

vit pas avec lui (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 SH c Italie no 5255714 sect 42

13 octobre 2015) La deacutecision de prise en charge drsquoun enfant doit en principe ecirctre consideacutereacutee

comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances srsquoy precirctent et tout acte

drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et lrsquoenfant (K

et T c Finlande preacuteciteacute sect 178) Lorsqursquoune peacuteriode de temps consideacuterable srsquoest eacutecouleacutee depuis que

lrsquoenfant a eacuteteacute placeacute pour la premiegravere fois sous assistance lrsquointeacuterecirct qursquoa lrsquoenfant agrave ne pas voir sa

situation familiale de facto changer de nouveau peut lrsquoemporter sur lrsquointeacuterecirct des parents agrave la

reacuteunion de leur famille Degraves lors la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes jouissent drsquoune grande

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latitude pour appreacutecier la neacutecessiteacute de prendre en charge un enfant mais il faut exercer un controcircle

plus rigoureux agrave la fois sur les restrictions suppleacutementaires comme celles apporteacutees par les

autoriteacutes aux droits et aux visites des parents et sur les garanties destineacutees agrave assurer la protection

effective du droit des parents et enfants au respect de leur vie familiale (K et T c Finlande [GC]

preacuteciteacute sect 155) Lrsquoobligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la

famille degraves que cela sera vraiment possible srsquoimpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la

peacuteriode de prise en charge et avec de plus en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance

avec le devoir de consideacuterer lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Par ailleurs les obligations positives ne

se limitent pas agrave veiller agrave ce que lrsquoenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui

mais elles englobent eacutegalement lrsquoensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce

reacutesultat (voir mutatis mutandis Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004

etAmanalachioai c Roumanie no 402304 sect 95 26 mai 2009)

55 Il revient agrave la Cour drsquoappreacutecier si les autoriteacutes espagnoles ont agi en meacuteconnaissance de

leurs obligations positives deacutecoulant de lrsquoarticle 8 de la Convention (Hokkanen c Finlande 23

septembre 1994 sect 55 seacuterie A no 299-A Mikulić c Croatie no 5317699 sect 59 CEDH 2002-I P C et

S c Royaume-Uni no 5654700 sect 122 CEDH 2002-VI Evansc Royaume-Uni [GC] no 633905 sect 76

CEDH 2007-IV et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 98)

56 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter drsquoun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de lrsquoarticle

8 de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lrsquoapplication et lrsquointerpreacutetation des

dispositions leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de lrsquoarticle 8 de la

Convention en tenant notamment compte de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir mutatis

mutandis Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 et Barnea et Caldararu c

Italie preacuteciteacute sect 65 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115 RMS c Espagne preacuteciteacute sect 72)

b) Application en lrsquoespegravece des principes susmentionneacutes

57 La Cour relegraveve que le 15 juin 2012 les trois enfants du requeacuterant dont sa fille mineure acircgeacutee

agrave lrsquoeacutepoque drsquoun an et demi ont eacuteteacute placeacutes dans un centre drsquoaccueil agrave Madrid agrave la demande de leur

megravere et deacuteclareacutes en situation leacutegale drsquoabandon Agrave la suite du deacutemeacutenagement de leur megravere les

enfants ont eacuteteacute placeacutes dans des centres drsquoaccueil de Murcie Le requeacuterant nrsquoen a pas eacuteteacute informeacute

(paragraphes 8 et 9 ci-dessus)

58 Dans une affaire comme celle de lrsquoespegravece le juge se trouve en preacutesence drsquointeacuterecircts souvent

difficilement conciliables agrave savoir ceux de lrsquoenfant et ceux de ses parents biologiques et

notamment dans la preacutesente cause ceux du pegravere biologique et ceux de la famille drsquoaccueil Dans la

recherche de lrsquoeacutequilibre entre ces diffeacuterents inteacuterecircts lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale (Moretti et Benedetti c Italie no 1631807 sect 67 27 avril 2010)

59 En lrsquoespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave la neacutecessiteacute de lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en se reacutefeacuterant

aux maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves que ce dernier aurait infligeacutees agrave ses enfants agrave

lrsquoinstabiliteacute eacutemotionnelle et agrave lrsquointelligence limiteacutee de leur megravere (paragraphes 14 et 21 ci-dessus)

ainsi qursquoagrave lrsquoabsence de contact du requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date du placement

de ces derniers dans des centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du

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requeacuterant avec le service de protection des mineurs (paragraphe 21 ci-dessus) et agrave lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le requeacuterant et sa fille (paragraphe 24 ci-dessus) La Cour relegraveve qursquoagrave aucun

moment de cette proceacutedure administrative lrsquoacquittement du requeacuterant le 27 septembre 2013 de

toutes les charges retenues contre lui et lrsquoannulation des mesures drsquoeacuteloignement prises initialement

agrave son encontre lrsquoempecircchant entre-temps de garder le contact avec ses enfants (paragraphe 20 ci-

dessus) nrsquoont eacuteteacute pris en compte

60 La Cour observe que la deacutecision du juge de premiegravere instance de Murcie dateacutee du 11 feacutevrier

2015 (paragraphe 25 ci-dessus) enteacuterinant la deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales

relative au placement preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en famille drsquoaccueil persistait agrave ne pas

prendre en compte la nouvelle situation peacutenale du requeacuterant depuis le 27 septembre 2013 date de

son acquittement Elle note que le juge de premiegravere instance de Murcie ne se prononccedilait drsquoailleurs

pas sur les capaciteacutes eacuteducatives et psychosociales du requeacuterant pour reacutecupeacuterer la garde de sa fille

mineure La deacutecision se bornait agrave prendre en compte les arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes dans les

rapports eacutetablis par lrsquoadministration

61 La Cour observe que la question de savoir si le processus deacutecisionnel a suffisamment

proteacutegeacute les inteacuterecircts drsquoun parent deacutepend des circonstances propres agrave chaque affaire(W c Royaume-

Uni 8 juillet 1987 sect 64 seacuterie A no 121 Elsholz c Allemagne [GC] no 2573594 sect 52

CEDH 2000-VIII) Pour ce faire elle doit veacuterifier si les juridictions nationales se sont livreacutees agrave un

examen approfondi de lrsquoensemble de la situation familiale et de toute une seacuterie drsquoeacuteleacutements drsquoordre

factuel affectif psychologique mateacuteriel et meacutedical notamment et si elles ont proceacutedeacute agrave une

appreacuteciation eacutequilibreacutee et raisonnable des inteacuterecircts respectifs (voir mutatis mutandis Neulinger

et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 139 CEDH 2010) La Cour relegraveve agrave cet eacutegard que au cours

de la proceacutedure devant le juge de premiegravere instance et lrsquoAudiencia provincial le requeacuterant a eu la

possibiliteacute de preacutesenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des proceacutedures

judiciaires ougrave il eacutetait repreacutesenteacute par un avocat au moins agrave partir du 19 novembre 2013

(paragraphe20 ci-dessus) La Cour ne deacutecegravele en conseacutequence aucun manquement formellement

imputable aux juridictions internes agrave cet eacutegard mais plutocirct une inertie des ces derniegraveres dans la

prise en compte des conclusions des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de

lrsquoadministration intervenus tout au long de lrsquoexamen de affaire

62 La Cour rappelle que dans les affaires touchant la vie familiale la rupture du contact avec

un enfant tregraves jeune peut conduire agrave une alteacuteration croissante de sa relation avec son parent (voir

entre autres Pini et autres c Roumanie nos 7802801 et 7803001 sect 175 CEDH 2004-V (extraits)

et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 103) Il en va ainsi dans la preacutesente affaire Les rapports des 28 feacutevrier

et 18 deacutecembre 2014 (paragraphes 21 et 23 ci-dessus) ont deacutemontreacute que la fille du requeacuterant eacutetait

bien inteacutegreacutee dans sa famille drsquoaccueil depuis le 24 septembre 2013 (paragraphe 17 ci-dessus) Le

passage du temps a eu pour effet de rendre deacutefinitive une situation qui eacutetait censeacutee ecirctre provisoire

compte tenu du tregraves jeune acircge de lrsquoenfant lorsque la situation leacutegale drsquoabandon a eacuteteacute constateacutee et

que la mise sous tutelle est intervenue (paragraphe 8 ci-dessus)

63 La Cour rappelle qursquoil ne lui appartient pas de substituer son appreacuteciation agrave celle des

autoriteacutes nationales compeacutetentes quant aux mesures qui auraient ducirc ecirctre prises car ces autoriteacutes

sont en principe mieux placeacutees pour proceacuteder agrave une telle eacutevaluation Tout en reconnaissant qursquoen

lrsquoespegravece les juridictions internes se sont appliqueacutees de bonne foi agrave preacuteserver le bien-ecirctre de la

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

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67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 14: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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47 Enfin le Gouvernement note que les droits eacutenonceacutes agrave lrsquoarticle 8 de la Convention

srsquoappliquent de maniegravere eacutegale tant agrave la famille biologique qursquoagrave la famille drsquoaccueil laquelle a creacuteeacute

des liens affectifs avec la mineure dont la Cour doit tenir compte

b) Le requeacuterant

48 Le requeacuterant estime que si lrsquoaccueil a pu ecirctre la meilleure solution pour consolider la

situation familiale de sa fille par le passeacute cette mesure a selon lui cesseacute de lrsquoecirctre lorsqursquoil a

reacutecupeacutereacute la garde des deux aicircneacutes avec lrsquoautorisation de lrsquoautoriteacute chargeacutee de leur protection Il

considegravere que justifier le placement de sa fille en famille drsquoaccueil par le laquo manque drsquointeacuterecirct raquo dont

il aurait fait preuve nrsquoa pas de sens degraves lors qursquoil a eacuteteacute priveacute de lrsquoautoriteacute parentale sur ses enfants

ainsi que des droits et devoirs y affeacuterents Il soutient que cette mesure agrave lrsquoorigine de la deacuteclaration

drsquoabandon de ses enfants srsquoest aveacutereacutee inutile puisqursquoil a eacuteteacute acquitteacute des charges peacutenales de

mauvais traitements agrave lrsquoencontre de sa femme Il ajoute que degraves qursquoil avait pu reprendre contact

avec ses enfants les plus acircgeacutes le mecircme reacutegime de visites lui avait de nouveau eacuteteacute interdit avec sa

fille De plus il argue que en tant qursquoeacutetranger ne parlant pas correctement lrsquoespagnol il lui eacutetait

difficile de prendre connaissance de la citation agrave comparaicirctre publieacutee dans le Journal officiel de la

reacutegion de Murcie (paragraphe 13 ci-dessus) et que cela nrsquoaurait pas ducirc ecirctre interpreacuteteacute comme un

manque drsquointeacuterecirct de sa part

49 Le requeacuterant considegravere que les services de protection de lrsquoenfance et les juridictions

espagnoles ont fait preuve de discrimination agrave son eacutegard car il eacutetait eacutetranger Il indique qursquoil vivait

agrave Madrid et qursquoil ne parlait pas correctement lrsquoespagnol agrave lrsquoeacutepoque Il rejette lrsquoargument du

Gouvernement selon lequel les autoriteacutes ont respecteacute le principe de leacutegaliteacute ainsi que ses droits

proceacuteduraux eacutetant donneacute que celles-ci ont baseacute leur deacutecision selon lui sur des arguments

infondeacutes et des rapports eacutetablis alors qursquoil faisait lrsquoobjet drsquoune poursuite peacutenale et qursquoil nrsquoeacutetait pas

en mesure de deacutefendre son aptitude agrave ecirctre pegravere

50 Le requeacuterant critique la motivation avanceacutee par lrsquoAudiencia provincial de Murcie en ce que

celle-ci considegravere comme eacutetant neacutegligeable le fait qursquoil ait reacutecupeacutereacute uniquement la garde de ses fils

et non celle de sa fille laquo parce que cela srsquoaveacutererait contre-productif pour [celle-ci] raquo alors que le

retour des deux garccedilons aupregraves de lui prouve selon lui qursquoil srsquointeacuteresse agrave ses enfants et qursquoil est

capable de les prendre en charge Il estime que cette deacutecision de lrsquoAudiencia provincial de Murcie

reprise par le Gouvernement dans ses observations lui impute agrave tort des mauvais traitements

envers ses enfants et transfegravere agrave son encontre le manque drsquoadeacutequation de la conduite de la megravere de

ses enfants agrave leur eacutegard

2 Appreacuteciation de la Cour

a) Principes geacuteneacuteraux relatifs aux obligations positives qui incombent agrave lrsquoEacutetat deacutefendeur en

vertu de lrsquoarticle 8 de la Convention

51 La Cour rappelle que pour un parent et son enfant ecirctre ensemble repreacutesente un eacuteleacutement

fondamental de la vie familiale (Buscemi c Italie no 2956995 sect 53 CEDH 1999-VI Saleck Bardi c

Espagne no 6616709 sectsect 49 et 50 24 mai 2011 et RMS c Espagne preacuteciteacute sect 68) et que des mesures

internes qui les en empecircchent constituent une ingeacuterence dans le droit proteacutegeacute par lrsquoarticle 8 de la

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Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 151 CEDH 2001-VII et Barnea et Caldararu c

Italie no 3793115 sect 63 22 juin 2017)

52 Comme la Cour lrsquoa indiqueacute agrave plusieurs reprises lrsquoarticle 8 de la Convention a

essentiellement pour objet de preacutemunir lrsquoindividu contre les ingeacuterences arbitraires des autoriteacutes

publiques il ne se contente toutefois pas de commander agrave lrsquoEacutetat de srsquoabstenir de pareilles

ingeacuterences En effet si les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute responsable aboutissant au placement

drsquoun enfant dans un centre drsquoaccueil srsquoanalysent en des ingeacuterences dans le droit drsquoun parent au

respect de sa vie familiale (W c Royaume-Uni preacuteciteacute sect 59) les obligations positives inheacuterentes agrave

un respect effectif de la vie priveacutee ou familiale peuvent impliquer lrsquoadoption de mesures visant au

respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux (X et Y c Pays-Bas 26

mars 1985 sect 23 seacuterie A no 91 et Mincheva c Bulgarie no 2155803 sect 81 2 septembre 2010) Dans un

cas comme dans lrsquoautre il faut avoir eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts

concurrents ndash ceux de lrsquoenfant ceux des deux parents et ceux de lrsquoordre public - (Maumousseau et

Washington c France no 3938805 sect 62 6 deacutecembre 2007) en attachant toutefois une importance

deacuteterminante agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir dans ce sens Gnahoreacute c France no 4003198 sect

59 CEDH 2000-IX) qui selon sa nature et sa graviteacute peut lrsquoemporter sur celui des parents (Sahin c

Allemagne [GC] no 3094396 sect 66 CEDH 2003-VIII) De mecircme dans les deux hypothegraveses lrsquoEacutetat

jouit drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation (Saleck Bardi preacuteciteacute sect 50 et KAB c Espagne preacuteciteacute sect

95)

53 La Cour reacuteaffirme le principe bien eacutetabli dans sa jurisprudence selon lequel le but de la

Convention consiste agrave proteacuteger des droits concrets et effectifs (K et T c Finlande[GC] preacuteciteacute sect

154) Elle rappelle qursquoelle nrsquoa pas pour tacircche de se substituer aux autoriteacutes internes mais

drsquoexaminer sous lrsquoangle de la Convention les deacutecisions que ces autoriteacutes ont rendues dans

lrsquoexercice de leur pouvoir discreacutetionnaire

54 Comme la Cour lrsquoa affirmeacute agrave de nombreuses reprises lrsquoeacuteclatement drsquoune famille constitue

en effet une mesure tregraves grave qui doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de

lrsquoenfant et avoir assez de poids et de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC]

nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Agrave cet eacutegard et srsquoagissant de lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat de prendre des mesures positives la Cour a affirmeacute agrave maintes reprises que lrsquoarticle 8

implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et lrsquoobligation pour

les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie

A no 156 et Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre 1992 sect 90 seacuterie A no 250) Dans ce genre drsquoaffaire

le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise en œuvre car le passage du

temps peut avoir des conseacutequences irreacutemeacutediables sur les relations entre lrsquoenfant et le parent qui ne

vit pas avec lui (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 SH c Italie no 5255714 sect 42

13 octobre 2015) La deacutecision de prise en charge drsquoun enfant doit en principe ecirctre consideacutereacutee

comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances srsquoy precirctent et tout acte

drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et lrsquoenfant (K

et T c Finlande preacuteciteacute sect 178) Lorsqursquoune peacuteriode de temps consideacuterable srsquoest eacutecouleacutee depuis que

lrsquoenfant a eacuteteacute placeacute pour la premiegravere fois sous assistance lrsquointeacuterecirct qursquoa lrsquoenfant agrave ne pas voir sa

situation familiale de facto changer de nouveau peut lrsquoemporter sur lrsquointeacuterecirct des parents agrave la

reacuteunion de leur famille Degraves lors la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes jouissent drsquoune grande

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latitude pour appreacutecier la neacutecessiteacute de prendre en charge un enfant mais il faut exercer un controcircle

plus rigoureux agrave la fois sur les restrictions suppleacutementaires comme celles apporteacutees par les

autoriteacutes aux droits et aux visites des parents et sur les garanties destineacutees agrave assurer la protection

effective du droit des parents et enfants au respect de leur vie familiale (K et T c Finlande [GC]

preacuteciteacute sect 155) Lrsquoobligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la

famille degraves que cela sera vraiment possible srsquoimpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la

peacuteriode de prise en charge et avec de plus en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance

avec le devoir de consideacuterer lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Par ailleurs les obligations positives ne

se limitent pas agrave veiller agrave ce que lrsquoenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui

mais elles englobent eacutegalement lrsquoensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce

reacutesultat (voir mutatis mutandis Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004

etAmanalachioai c Roumanie no 402304 sect 95 26 mai 2009)

55 Il revient agrave la Cour drsquoappreacutecier si les autoriteacutes espagnoles ont agi en meacuteconnaissance de

leurs obligations positives deacutecoulant de lrsquoarticle 8 de la Convention (Hokkanen c Finlande 23

septembre 1994 sect 55 seacuterie A no 299-A Mikulić c Croatie no 5317699 sect 59 CEDH 2002-I P C et

S c Royaume-Uni no 5654700 sect 122 CEDH 2002-VI Evansc Royaume-Uni [GC] no 633905 sect 76

CEDH 2007-IV et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 98)

56 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter drsquoun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de lrsquoarticle

8 de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lrsquoapplication et lrsquointerpreacutetation des

dispositions leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de lrsquoarticle 8 de la

Convention en tenant notamment compte de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir mutatis

mutandis Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 et Barnea et Caldararu c

Italie preacuteciteacute sect 65 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115 RMS c Espagne preacuteciteacute sect 72)

b) Application en lrsquoespegravece des principes susmentionneacutes

57 La Cour relegraveve que le 15 juin 2012 les trois enfants du requeacuterant dont sa fille mineure acircgeacutee

agrave lrsquoeacutepoque drsquoun an et demi ont eacuteteacute placeacutes dans un centre drsquoaccueil agrave Madrid agrave la demande de leur

megravere et deacuteclareacutes en situation leacutegale drsquoabandon Agrave la suite du deacutemeacutenagement de leur megravere les

enfants ont eacuteteacute placeacutes dans des centres drsquoaccueil de Murcie Le requeacuterant nrsquoen a pas eacuteteacute informeacute

(paragraphes 8 et 9 ci-dessus)

58 Dans une affaire comme celle de lrsquoespegravece le juge se trouve en preacutesence drsquointeacuterecircts souvent

difficilement conciliables agrave savoir ceux de lrsquoenfant et ceux de ses parents biologiques et

notamment dans la preacutesente cause ceux du pegravere biologique et ceux de la famille drsquoaccueil Dans la

recherche de lrsquoeacutequilibre entre ces diffeacuterents inteacuterecircts lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale (Moretti et Benedetti c Italie no 1631807 sect 67 27 avril 2010)

59 En lrsquoespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave la neacutecessiteacute de lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en se reacutefeacuterant

aux maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves que ce dernier aurait infligeacutees agrave ses enfants agrave

lrsquoinstabiliteacute eacutemotionnelle et agrave lrsquointelligence limiteacutee de leur megravere (paragraphes 14 et 21 ci-dessus)

ainsi qursquoagrave lrsquoabsence de contact du requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date du placement

de ces derniers dans des centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du

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requeacuterant avec le service de protection des mineurs (paragraphe 21 ci-dessus) et agrave lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le requeacuterant et sa fille (paragraphe 24 ci-dessus) La Cour relegraveve qursquoagrave aucun

moment de cette proceacutedure administrative lrsquoacquittement du requeacuterant le 27 septembre 2013 de

toutes les charges retenues contre lui et lrsquoannulation des mesures drsquoeacuteloignement prises initialement

agrave son encontre lrsquoempecircchant entre-temps de garder le contact avec ses enfants (paragraphe 20 ci-

dessus) nrsquoont eacuteteacute pris en compte

60 La Cour observe que la deacutecision du juge de premiegravere instance de Murcie dateacutee du 11 feacutevrier

2015 (paragraphe 25 ci-dessus) enteacuterinant la deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales

relative au placement preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en famille drsquoaccueil persistait agrave ne pas

prendre en compte la nouvelle situation peacutenale du requeacuterant depuis le 27 septembre 2013 date de

son acquittement Elle note que le juge de premiegravere instance de Murcie ne se prononccedilait drsquoailleurs

pas sur les capaciteacutes eacuteducatives et psychosociales du requeacuterant pour reacutecupeacuterer la garde de sa fille

mineure La deacutecision se bornait agrave prendre en compte les arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes dans les

rapports eacutetablis par lrsquoadministration

61 La Cour observe que la question de savoir si le processus deacutecisionnel a suffisamment

proteacutegeacute les inteacuterecircts drsquoun parent deacutepend des circonstances propres agrave chaque affaire(W c Royaume-

Uni 8 juillet 1987 sect 64 seacuterie A no 121 Elsholz c Allemagne [GC] no 2573594 sect 52

CEDH 2000-VIII) Pour ce faire elle doit veacuterifier si les juridictions nationales se sont livreacutees agrave un

examen approfondi de lrsquoensemble de la situation familiale et de toute une seacuterie drsquoeacuteleacutements drsquoordre

factuel affectif psychologique mateacuteriel et meacutedical notamment et si elles ont proceacutedeacute agrave une

appreacuteciation eacutequilibreacutee et raisonnable des inteacuterecircts respectifs (voir mutatis mutandis Neulinger

et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 139 CEDH 2010) La Cour relegraveve agrave cet eacutegard que au cours

de la proceacutedure devant le juge de premiegravere instance et lrsquoAudiencia provincial le requeacuterant a eu la

possibiliteacute de preacutesenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des proceacutedures

judiciaires ougrave il eacutetait repreacutesenteacute par un avocat au moins agrave partir du 19 novembre 2013

(paragraphe20 ci-dessus) La Cour ne deacutecegravele en conseacutequence aucun manquement formellement

imputable aux juridictions internes agrave cet eacutegard mais plutocirct une inertie des ces derniegraveres dans la

prise en compte des conclusions des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de

lrsquoadministration intervenus tout au long de lrsquoexamen de affaire

62 La Cour rappelle que dans les affaires touchant la vie familiale la rupture du contact avec

un enfant tregraves jeune peut conduire agrave une alteacuteration croissante de sa relation avec son parent (voir

entre autres Pini et autres c Roumanie nos 7802801 et 7803001 sect 175 CEDH 2004-V (extraits)

et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 103) Il en va ainsi dans la preacutesente affaire Les rapports des 28 feacutevrier

et 18 deacutecembre 2014 (paragraphes 21 et 23 ci-dessus) ont deacutemontreacute que la fille du requeacuterant eacutetait

bien inteacutegreacutee dans sa famille drsquoaccueil depuis le 24 septembre 2013 (paragraphe 17 ci-dessus) Le

passage du temps a eu pour effet de rendre deacutefinitive une situation qui eacutetait censeacutee ecirctre provisoire

compte tenu du tregraves jeune acircge de lrsquoenfant lorsque la situation leacutegale drsquoabandon a eacuteteacute constateacutee et

que la mise sous tutelle est intervenue (paragraphe 8 ci-dessus)

63 La Cour rappelle qursquoil ne lui appartient pas de substituer son appreacuteciation agrave celle des

autoriteacutes nationales compeacutetentes quant aux mesures qui auraient ducirc ecirctre prises car ces autoriteacutes

sont en principe mieux placeacutees pour proceacuteder agrave une telle eacutevaluation Tout en reconnaissant qursquoen

lrsquoespegravece les juridictions internes se sont appliqueacutees de bonne foi agrave preacuteserver le bien-ecirctre de la

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

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67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 15: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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Convention (K et T c Finlande [GC] no 2570294 sect 151 CEDH 2001-VII et Barnea et Caldararu c

Italie no 3793115 sect 63 22 juin 2017)

52 Comme la Cour lrsquoa indiqueacute agrave plusieurs reprises lrsquoarticle 8 de la Convention a

essentiellement pour objet de preacutemunir lrsquoindividu contre les ingeacuterences arbitraires des autoriteacutes

publiques il ne se contente toutefois pas de commander agrave lrsquoEacutetat de srsquoabstenir de pareilles

ingeacuterences En effet si les deacutecisions prises par lrsquoautoriteacute responsable aboutissant au placement

drsquoun enfant dans un centre drsquoaccueil srsquoanalysent en des ingeacuterences dans le droit drsquoun parent au

respect de sa vie familiale (W c Royaume-Uni preacuteciteacute sect 59) les obligations positives inheacuterentes agrave

un respect effectif de la vie priveacutee ou familiale peuvent impliquer lrsquoadoption de mesures visant au

respect de la vie familiale jusque dans les relations des individus entre eux (X et Y c Pays-Bas 26

mars 1985 sect 23 seacuterie A no 91 et Mincheva c Bulgarie no 2155803 sect 81 2 septembre 2010) Dans un

cas comme dans lrsquoautre il faut avoir eacutegard au juste eacutequilibre agrave meacutenager entre les inteacuterecircts

concurrents ndash ceux de lrsquoenfant ceux des deux parents et ceux de lrsquoordre public - (Maumousseau et

Washington c France no 3938805 sect 62 6 deacutecembre 2007) en attachant toutefois une importance

deacuteterminante agrave lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir dans ce sens Gnahoreacute c France no 4003198 sect

59 CEDH 2000-IX) qui selon sa nature et sa graviteacute peut lrsquoemporter sur celui des parents (Sahin c

Allemagne [GC] no 3094396 sect 66 CEDH 2003-VIII) De mecircme dans les deux hypothegraveses lrsquoEacutetat

jouit drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation (Saleck Bardi preacuteciteacute sect 50 et KAB c Espagne preacuteciteacute sect

95)

53 La Cour reacuteaffirme le principe bien eacutetabli dans sa jurisprudence selon lequel le but de la

Convention consiste agrave proteacuteger des droits concrets et effectifs (K et T c Finlande[GC] preacuteciteacute sect

154) Elle rappelle qursquoelle nrsquoa pas pour tacircche de se substituer aux autoriteacutes internes mais

drsquoexaminer sous lrsquoangle de la Convention les deacutecisions que ces autoriteacutes ont rendues dans

lrsquoexercice de leur pouvoir discreacutetionnaire

54 Comme la Cour lrsquoa affirmeacute agrave de nombreuses reprises lrsquoeacuteclatement drsquoune famille constitue

en effet une mesure tregraves grave qui doit reposer sur des consideacuterations inspireacutees par lrsquointeacuterecirct de

lrsquoenfant et avoir assez de poids et de soliditeacute (Scozzari et Giunta c Italie [GC]

nos 3922198 et 4196398 sect 148 CEDH 2000-VIII) Agrave cet eacutegard et srsquoagissant de lrsquoobligation pour

lrsquoEacutetat de prendre des mesures positives la Cour a affirmeacute agrave maintes reprises que lrsquoarticle 8

implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et lrsquoobligation pour

les autoriteacutes nationales de les prendre (voir par exemple Eriksson c Suegravede 22 juin 1989 sect 71 seacuterie

A no 156 et Olsson c Suegravede (no 2) 27 novembre 1992 sect 90 seacuterie A no 250) Dans ce genre drsquoaffaire

le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa mise en œuvre car le passage du

temps peut avoir des conseacutequences irreacutemeacutediables sur les relations entre lrsquoenfant et le parent qui ne

vit pas avec lui (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 SH c Italie no 5255714 sect 42

13 octobre 2015) La deacutecision de prise en charge drsquoun enfant doit en principe ecirctre consideacutereacutee

comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que les circonstances srsquoy precirctent et tout acte

drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau le parent par le sang et lrsquoenfant (K

et T c Finlande preacuteciteacute sect 178) Lorsqursquoune peacuteriode de temps consideacuterable srsquoest eacutecouleacutee depuis que

lrsquoenfant a eacuteteacute placeacute pour la premiegravere fois sous assistance lrsquointeacuterecirct qursquoa lrsquoenfant agrave ne pas voir sa

situation familiale de facto changer de nouveau peut lrsquoemporter sur lrsquointeacuterecirct des parents agrave la

reacuteunion de leur famille Degraves lors la Cour reconnaicirct que les autoriteacutes jouissent drsquoune grande

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latitude pour appreacutecier la neacutecessiteacute de prendre en charge un enfant mais il faut exercer un controcircle

plus rigoureux agrave la fois sur les restrictions suppleacutementaires comme celles apporteacutees par les

autoriteacutes aux droits et aux visites des parents et sur les garanties destineacutees agrave assurer la protection

effective du droit des parents et enfants au respect de leur vie familiale (K et T c Finlande [GC]

preacuteciteacute sect 155) Lrsquoobligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la

famille degraves que cela sera vraiment possible srsquoimpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la

peacuteriode de prise en charge et avec de plus en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance

avec le devoir de consideacuterer lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Par ailleurs les obligations positives ne

se limitent pas agrave veiller agrave ce que lrsquoenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui

mais elles englobent eacutegalement lrsquoensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce

reacutesultat (voir mutatis mutandis Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004

etAmanalachioai c Roumanie no 402304 sect 95 26 mai 2009)

55 Il revient agrave la Cour drsquoappreacutecier si les autoriteacutes espagnoles ont agi en meacuteconnaissance de

leurs obligations positives deacutecoulant de lrsquoarticle 8 de la Convention (Hokkanen c Finlande 23

septembre 1994 sect 55 seacuterie A no 299-A Mikulić c Croatie no 5317699 sect 59 CEDH 2002-I P C et

S c Royaume-Uni no 5654700 sect 122 CEDH 2002-VI Evansc Royaume-Uni [GC] no 633905 sect 76

CEDH 2007-IV et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 98)

56 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter drsquoun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de lrsquoarticle

8 de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lrsquoapplication et lrsquointerpreacutetation des

dispositions leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de lrsquoarticle 8 de la

Convention en tenant notamment compte de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir mutatis

mutandis Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 et Barnea et Caldararu c

Italie preacuteciteacute sect 65 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115 RMS c Espagne preacuteciteacute sect 72)

b) Application en lrsquoespegravece des principes susmentionneacutes

57 La Cour relegraveve que le 15 juin 2012 les trois enfants du requeacuterant dont sa fille mineure acircgeacutee

agrave lrsquoeacutepoque drsquoun an et demi ont eacuteteacute placeacutes dans un centre drsquoaccueil agrave Madrid agrave la demande de leur

megravere et deacuteclareacutes en situation leacutegale drsquoabandon Agrave la suite du deacutemeacutenagement de leur megravere les

enfants ont eacuteteacute placeacutes dans des centres drsquoaccueil de Murcie Le requeacuterant nrsquoen a pas eacuteteacute informeacute

(paragraphes 8 et 9 ci-dessus)

58 Dans une affaire comme celle de lrsquoespegravece le juge se trouve en preacutesence drsquointeacuterecircts souvent

difficilement conciliables agrave savoir ceux de lrsquoenfant et ceux de ses parents biologiques et

notamment dans la preacutesente cause ceux du pegravere biologique et ceux de la famille drsquoaccueil Dans la

recherche de lrsquoeacutequilibre entre ces diffeacuterents inteacuterecircts lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale (Moretti et Benedetti c Italie no 1631807 sect 67 27 avril 2010)

59 En lrsquoespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave la neacutecessiteacute de lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en se reacutefeacuterant

aux maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves que ce dernier aurait infligeacutees agrave ses enfants agrave

lrsquoinstabiliteacute eacutemotionnelle et agrave lrsquointelligence limiteacutee de leur megravere (paragraphes 14 et 21 ci-dessus)

ainsi qursquoagrave lrsquoabsence de contact du requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date du placement

de ces derniers dans des centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du

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requeacuterant avec le service de protection des mineurs (paragraphe 21 ci-dessus) et agrave lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le requeacuterant et sa fille (paragraphe 24 ci-dessus) La Cour relegraveve qursquoagrave aucun

moment de cette proceacutedure administrative lrsquoacquittement du requeacuterant le 27 septembre 2013 de

toutes les charges retenues contre lui et lrsquoannulation des mesures drsquoeacuteloignement prises initialement

agrave son encontre lrsquoempecircchant entre-temps de garder le contact avec ses enfants (paragraphe 20 ci-

dessus) nrsquoont eacuteteacute pris en compte

60 La Cour observe que la deacutecision du juge de premiegravere instance de Murcie dateacutee du 11 feacutevrier

2015 (paragraphe 25 ci-dessus) enteacuterinant la deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales

relative au placement preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en famille drsquoaccueil persistait agrave ne pas

prendre en compte la nouvelle situation peacutenale du requeacuterant depuis le 27 septembre 2013 date de

son acquittement Elle note que le juge de premiegravere instance de Murcie ne se prononccedilait drsquoailleurs

pas sur les capaciteacutes eacuteducatives et psychosociales du requeacuterant pour reacutecupeacuterer la garde de sa fille

mineure La deacutecision se bornait agrave prendre en compte les arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes dans les

rapports eacutetablis par lrsquoadministration

61 La Cour observe que la question de savoir si le processus deacutecisionnel a suffisamment

proteacutegeacute les inteacuterecircts drsquoun parent deacutepend des circonstances propres agrave chaque affaire(W c Royaume-

Uni 8 juillet 1987 sect 64 seacuterie A no 121 Elsholz c Allemagne [GC] no 2573594 sect 52

CEDH 2000-VIII) Pour ce faire elle doit veacuterifier si les juridictions nationales se sont livreacutees agrave un

examen approfondi de lrsquoensemble de la situation familiale et de toute une seacuterie drsquoeacuteleacutements drsquoordre

factuel affectif psychologique mateacuteriel et meacutedical notamment et si elles ont proceacutedeacute agrave une

appreacuteciation eacutequilibreacutee et raisonnable des inteacuterecircts respectifs (voir mutatis mutandis Neulinger

et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 139 CEDH 2010) La Cour relegraveve agrave cet eacutegard que au cours

de la proceacutedure devant le juge de premiegravere instance et lrsquoAudiencia provincial le requeacuterant a eu la

possibiliteacute de preacutesenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des proceacutedures

judiciaires ougrave il eacutetait repreacutesenteacute par un avocat au moins agrave partir du 19 novembre 2013

(paragraphe20 ci-dessus) La Cour ne deacutecegravele en conseacutequence aucun manquement formellement

imputable aux juridictions internes agrave cet eacutegard mais plutocirct une inertie des ces derniegraveres dans la

prise en compte des conclusions des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de

lrsquoadministration intervenus tout au long de lrsquoexamen de affaire

62 La Cour rappelle que dans les affaires touchant la vie familiale la rupture du contact avec

un enfant tregraves jeune peut conduire agrave une alteacuteration croissante de sa relation avec son parent (voir

entre autres Pini et autres c Roumanie nos 7802801 et 7803001 sect 175 CEDH 2004-V (extraits)

et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 103) Il en va ainsi dans la preacutesente affaire Les rapports des 28 feacutevrier

et 18 deacutecembre 2014 (paragraphes 21 et 23 ci-dessus) ont deacutemontreacute que la fille du requeacuterant eacutetait

bien inteacutegreacutee dans sa famille drsquoaccueil depuis le 24 septembre 2013 (paragraphe 17 ci-dessus) Le

passage du temps a eu pour effet de rendre deacutefinitive une situation qui eacutetait censeacutee ecirctre provisoire

compte tenu du tregraves jeune acircge de lrsquoenfant lorsque la situation leacutegale drsquoabandon a eacuteteacute constateacutee et

que la mise sous tutelle est intervenue (paragraphe 8 ci-dessus)

63 La Cour rappelle qursquoil ne lui appartient pas de substituer son appreacuteciation agrave celle des

autoriteacutes nationales compeacutetentes quant aux mesures qui auraient ducirc ecirctre prises car ces autoriteacutes

sont en principe mieux placeacutees pour proceacuteder agrave une telle eacutevaluation Tout en reconnaissant qursquoen

lrsquoespegravece les juridictions internes se sont appliqueacutees de bonne foi agrave preacuteserver le bien-ecirctre de la

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

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67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 16: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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latitude pour appreacutecier la neacutecessiteacute de prendre en charge un enfant mais il faut exercer un controcircle

plus rigoureux agrave la fois sur les restrictions suppleacutementaires comme celles apporteacutees par les

autoriteacutes aux droits et aux visites des parents et sur les garanties destineacutees agrave assurer la protection

effective du droit des parents et enfants au respect de leur vie familiale (K et T c Finlande [GC]

preacuteciteacute sect 155) Lrsquoobligation positive de prendre des mesures afin de faciliter la reacuteunion de la

famille degraves que cela sera vraiment possible srsquoimpose aux autoriteacutes compeacutetentes degraves le deacutebut de la

peacuteriode de prise en charge et avec de plus en plus de force mais doit toujours ecirctre mise en balance

avec le devoir de consideacuterer lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant Par ailleurs les obligations positives ne

se limitent pas agrave veiller agrave ce que lrsquoenfant puisse rejoindre son parent ou avoir un contact avec lui

mais elles englobent eacutegalement lrsquoensemble des mesures preacuteparatoires permettant de parvenir agrave ce

reacutesultat (voir mutatis mutandis Kosmopoulou c Gregravece no 6045700 sect 45 5 feacutevrier 2004

etAmanalachioai c Roumanie no 402304 sect 95 26 mai 2009)

55 Il revient agrave la Cour drsquoappreacutecier si les autoriteacutes espagnoles ont agi en meacuteconnaissance de

leurs obligations positives deacutecoulant de lrsquoarticle 8 de la Convention (Hokkanen c Finlande 23

septembre 1994 sect 55 seacuterie A no 299-A Mikulić c Croatie no 5317699 sect 59 CEDH 2002-I P C et

S c Royaume-Uni no 5654700 sect 122 CEDH 2002-VI Evansc Royaume-Uni [GC] no 633905 sect 76

CEDH 2007-IV et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 98)

56 Il appartient agrave chaque Eacutetat contractant de se doter drsquoun arsenal juridique adeacutequat et

suffisant pour assurer le respect de ces obligations positives qui lui incombent en vertu de lrsquoarticle

8 de la Convention et agrave la Cour de rechercher si dans lrsquoapplication et lrsquointerpreacutetation des

dispositions leacutegales applicables les autoriteacutes internes ont respecteacute les garanties de lrsquoarticle 8 de la

Convention en tenant notamment compte de lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant (voir mutatis

mutandis Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 141 CEDH 2010 et Barnea et Caldararu c

Italie preacuteciteacute sect 65 KAB c Espagne preacuteciteacute sect 115 RMS c Espagne preacuteciteacute sect 72)

b) Application en lrsquoespegravece des principes susmentionneacutes

57 La Cour relegraveve que le 15 juin 2012 les trois enfants du requeacuterant dont sa fille mineure acircgeacutee

agrave lrsquoeacutepoque drsquoun an et demi ont eacuteteacute placeacutes dans un centre drsquoaccueil agrave Madrid agrave la demande de leur

megravere et deacuteclareacutes en situation leacutegale drsquoabandon Agrave la suite du deacutemeacutenagement de leur megravere les

enfants ont eacuteteacute placeacutes dans des centres drsquoaccueil de Murcie Le requeacuterant nrsquoen a pas eacuteteacute informeacute

(paragraphes 8 et 9 ci-dessus)

58 Dans une affaire comme celle de lrsquoespegravece le juge se trouve en preacutesence drsquointeacuterecircts souvent

difficilement conciliables agrave savoir ceux de lrsquoenfant et ceux de ses parents biologiques et

notamment dans la preacutesente cause ceux du pegravere biologique et ceux de la famille drsquoaccueil Dans la

recherche de lrsquoeacutequilibre entre ces diffeacuterents inteacuterecircts lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de lrsquoenfant doit ecirctre une

consideacuteration primordiale (Moretti et Benedetti c Italie no 1631807 sect 67 27 avril 2010)

59 En lrsquoespegravece la Cour observe que les autoriteacutes administratives ont motiveacute leurs deacutecisions

concluant agrave la neacutecessiteacute de lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en se reacutefeacuterant

aux maltraitances physiques et eacutemotionnelles graves que ce dernier aurait infligeacutees agrave ses enfants agrave

lrsquoinstabiliteacute eacutemotionnelle et agrave lrsquointelligence limiteacutee de leur megravere (paragraphes 14 et 21 ci-dessus)

ainsi qursquoagrave lrsquoabsence de contact du requeacuterant et ses enfants entre le 28 juin 2012 date du placement

de ces derniers dans des centres drsquoaccueil et le 19 novembre 2013 date du premier contact du

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requeacuterant avec le service de protection des mineurs (paragraphe 21 ci-dessus) et agrave lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le requeacuterant et sa fille (paragraphe 24 ci-dessus) La Cour relegraveve qursquoagrave aucun

moment de cette proceacutedure administrative lrsquoacquittement du requeacuterant le 27 septembre 2013 de

toutes les charges retenues contre lui et lrsquoannulation des mesures drsquoeacuteloignement prises initialement

agrave son encontre lrsquoempecircchant entre-temps de garder le contact avec ses enfants (paragraphe 20 ci-

dessus) nrsquoont eacuteteacute pris en compte

60 La Cour observe que la deacutecision du juge de premiegravere instance de Murcie dateacutee du 11 feacutevrier

2015 (paragraphe 25 ci-dessus) enteacuterinant la deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales

relative au placement preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en famille drsquoaccueil persistait agrave ne pas

prendre en compte la nouvelle situation peacutenale du requeacuterant depuis le 27 septembre 2013 date de

son acquittement Elle note que le juge de premiegravere instance de Murcie ne se prononccedilait drsquoailleurs

pas sur les capaciteacutes eacuteducatives et psychosociales du requeacuterant pour reacutecupeacuterer la garde de sa fille

mineure La deacutecision se bornait agrave prendre en compte les arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes dans les

rapports eacutetablis par lrsquoadministration

61 La Cour observe que la question de savoir si le processus deacutecisionnel a suffisamment

proteacutegeacute les inteacuterecircts drsquoun parent deacutepend des circonstances propres agrave chaque affaire(W c Royaume-

Uni 8 juillet 1987 sect 64 seacuterie A no 121 Elsholz c Allemagne [GC] no 2573594 sect 52

CEDH 2000-VIII) Pour ce faire elle doit veacuterifier si les juridictions nationales se sont livreacutees agrave un

examen approfondi de lrsquoensemble de la situation familiale et de toute une seacuterie drsquoeacuteleacutements drsquoordre

factuel affectif psychologique mateacuteriel et meacutedical notamment et si elles ont proceacutedeacute agrave une

appreacuteciation eacutequilibreacutee et raisonnable des inteacuterecircts respectifs (voir mutatis mutandis Neulinger

et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 139 CEDH 2010) La Cour relegraveve agrave cet eacutegard que au cours

de la proceacutedure devant le juge de premiegravere instance et lrsquoAudiencia provincial le requeacuterant a eu la

possibiliteacute de preacutesenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des proceacutedures

judiciaires ougrave il eacutetait repreacutesenteacute par un avocat au moins agrave partir du 19 novembre 2013

(paragraphe20 ci-dessus) La Cour ne deacutecegravele en conseacutequence aucun manquement formellement

imputable aux juridictions internes agrave cet eacutegard mais plutocirct une inertie des ces derniegraveres dans la

prise en compte des conclusions des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de

lrsquoadministration intervenus tout au long de lrsquoexamen de affaire

62 La Cour rappelle que dans les affaires touchant la vie familiale la rupture du contact avec

un enfant tregraves jeune peut conduire agrave une alteacuteration croissante de sa relation avec son parent (voir

entre autres Pini et autres c Roumanie nos 7802801 et 7803001 sect 175 CEDH 2004-V (extraits)

et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 103) Il en va ainsi dans la preacutesente affaire Les rapports des 28 feacutevrier

et 18 deacutecembre 2014 (paragraphes 21 et 23 ci-dessus) ont deacutemontreacute que la fille du requeacuterant eacutetait

bien inteacutegreacutee dans sa famille drsquoaccueil depuis le 24 septembre 2013 (paragraphe 17 ci-dessus) Le

passage du temps a eu pour effet de rendre deacutefinitive une situation qui eacutetait censeacutee ecirctre provisoire

compte tenu du tregraves jeune acircge de lrsquoenfant lorsque la situation leacutegale drsquoabandon a eacuteteacute constateacutee et

que la mise sous tutelle est intervenue (paragraphe 8 ci-dessus)

63 La Cour rappelle qursquoil ne lui appartient pas de substituer son appreacuteciation agrave celle des

autoriteacutes nationales compeacutetentes quant aux mesures qui auraient ducirc ecirctre prises car ces autoriteacutes

sont en principe mieux placeacutees pour proceacuteder agrave une telle eacutevaluation Tout en reconnaissant qursquoen

lrsquoespegravece les juridictions internes se sont appliqueacutees de bonne foi agrave preacuteserver le bien-ecirctre de la

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

wwwdirittifondamentaliit (ISSN 2240-9823)

67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 17: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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requeacuterant avec le service de protection des mineurs (paragraphe 21 ci-dessus) et agrave lrsquoabsence de lien

drsquoattachement entre le requeacuterant et sa fille (paragraphe 24 ci-dessus) La Cour relegraveve qursquoagrave aucun

moment de cette proceacutedure administrative lrsquoacquittement du requeacuterant le 27 septembre 2013 de

toutes les charges retenues contre lui et lrsquoannulation des mesures drsquoeacuteloignement prises initialement

agrave son encontre lrsquoempecircchant entre-temps de garder le contact avec ses enfants (paragraphe 20 ci-

dessus) nrsquoont eacuteteacute pris en compte

60 La Cour observe que la deacutecision du juge de premiegravere instance de Murcie dateacutee du 11 feacutevrier

2015 (paragraphe 25 ci-dessus) enteacuterinant la deacutecision de la direction geacuteneacuterale des affaires sociales

relative au placement preacuteadoptif de la fille du requeacuterant en famille drsquoaccueil persistait agrave ne pas

prendre en compte la nouvelle situation peacutenale du requeacuterant depuis le 27 septembre 2013 date de

son acquittement Elle note que le juge de premiegravere instance de Murcie ne se prononccedilait drsquoailleurs

pas sur les capaciteacutes eacuteducatives et psychosociales du requeacuterant pour reacutecupeacuterer la garde de sa fille

mineure La deacutecision se bornait agrave prendre en compte les arguments deacutejagrave deacuteveloppeacutes dans les

rapports eacutetablis par lrsquoadministration

61 La Cour observe que la question de savoir si le processus deacutecisionnel a suffisamment

proteacutegeacute les inteacuterecircts drsquoun parent deacutepend des circonstances propres agrave chaque affaire(W c Royaume-

Uni 8 juillet 1987 sect 64 seacuterie A no 121 Elsholz c Allemagne [GC] no 2573594 sect 52

CEDH 2000-VIII) Pour ce faire elle doit veacuterifier si les juridictions nationales se sont livreacutees agrave un

examen approfondi de lrsquoensemble de la situation familiale et de toute une seacuterie drsquoeacuteleacutements drsquoordre

factuel affectif psychologique mateacuteriel et meacutedical notamment et si elles ont proceacutedeacute agrave une

appreacuteciation eacutequilibreacutee et raisonnable des inteacuterecircts respectifs (voir mutatis mutandis Neulinger

et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 139 CEDH 2010) La Cour relegraveve agrave cet eacutegard que au cours

de la proceacutedure devant le juge de premiegravere instance et lrsquoAudiencia provincial le requeacuterant a eu la

possibiliteacute de preacutesenter les arguments en faveur de sa cause dans le cadre des proceacutedures

judiciaires ougrave il eacutetait repreacutesenteacute par un avocat au moins agrave partir du 19 novembre 2013

(paragraphe20 ci-dessus) La Cour ne deacutecegravele en conseacutequence aucun manquement formellement

imputable aux juridictions internes agrave cet eacutegard mais plutocirct une inertie des ces derniegraveres dans la

prise en compte des conclusions des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes de

lrsquoadministration intervenus tout au long de lrsquoexamen de affaire

62 La Cour rappelle que dans les affaires touchant la vie familiale la rupture du contact avec

un enfant tregraves jeune peut conduire agrave une alteacuteration croissante de sa relation avec son parent (voir

entre autres Pini et autres c Roumanie nos 7802801 et 7803001 sect 175 CEDH 2004-V (extraits)

et KAB c Espagne preacuteciteacute sect 103) Il en va ainsi dans la preacutesente affaire Les rapports des 28 feacutevrier

et 18 deacutecembre 2014 (paragraphes 21 et 23 ci-dessus) ont deacutemontreacute que la fille du requeacuterant eacutetait

bien inteacutegreacutee dans sa famille drsquoaccueil depuis le 24 septembre 2013 (paragraphe 17 ci-dessus) Le

passage du temps a eu pour effet de rendre deacutefinitive une situation qui eacutetait censeacutee ecirctre provisoire

compte tenu du tregraves jeune acircge de lrsquoenfant lorsque la situation leacutegale drsquoabandon a eacuteteacute constateacutee et

que la mise sous tutelle est intervenue (paragraphe 8 ci-dessus)

63 La Cour rappelle qursquoil ne lui appartient pas de substituer son appreacuteciation agrave celle des

autoriteacutes nationales compeacutetentes quant aux mesures qui auraient ducirc ecirctre prises car ces autoriteacutes

sont en principe mieux placeacutees pour proceacuteder agrave une telle eacutevaluation Tout en reconnaissant qursquoen

lrsquoespegravece les juridictions internes se sont appliqueacutees de bonne foi agrave preacuteserver le bien-ecirctre de la

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

wwwdirittifondamentaliit (ISSN 2240-9823)

67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

wwwdirittifondamentaliit (ISSN 2240-9823)

circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 18: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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mineure la Cour constate lrsquoexistence de graves manques de diligence dans la proceacutedure meneacutee par

les autoriteacutes responsables de la tutelle du placement de lrsquoenfant et de son eacuteventuelle adoption

(KAB c Espagne preacuteciteacute sect 104) et notamment lors de la prise en compte des nouvelles

circonstances entourant la proceacutedure peacutenale entameacutee contre le requeacuterant et de son acquittement

deacutefinitif pour les deacutelits qui avaient justifieacute la mesure drsquoeacuteloignement provisoire de ses enfants

64 Agrave cet eacutegard et comme elle lrsquoa deacutejagrave mentionneacute au paragraphe 54 ci-dessus la Cour rappelle

que lrsquoarticle 8 de la Convention implique le droit pour un parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir

avec son enfant et lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de les prendre Toutefois lrsquoobligation

pour les autoriteacutes nationales de prendre des mesures agrave cet effet nrsquoest pas absolue car il arrive que

la reacuteunion drsquoun parent avec ses enfants ne puisse avoir lieu immeacutediatement et requiegravere des

preacuteparatifs La nature et lrsquoeacutetendue de ceux-ci deacutependent des circonstances de chaque espegravece mais

la compreacutehension et la coopeacuteration de lrsquoensemble des personnes concerneacutees en constituent

toujours un facteur important Si les autoriteacutes nationales doivent srsquoeacutevertuer agrave faciliter pareille

collaboration une obligation pour elles de recourir agrave la coercition en la matiegravere ne saurait ecirctre que

limiteacutee il leur faut tenir compte des inteacuterecircts et des droits et liberteacutes de ces mecircmes personnes et

notamment des inteacuterecircts supeacuterieurs de lrsquoenfant et des droits que lui reconnaicirct lrsquoarticle 8 de la

Convention Dans ce genre drsquoaffaires le caractegravere adeacutequat drsquoune mesure se juge agrave la rapiditeacute de sa

mise en œuvre (Maumousseau et Washington preacuteciteacute sect 83 6 deacutecembre 2007 et Mincheva preacuteciteacute

sect 86)

65 Le point deacutecisif en lrsquoespegravece consiste donc agrave savoir si les autoriteacutes nationales ont pris toutes

les mesures neacutecessaires et adeacutequates que lrsquoon pouvait raisonnablement exiger drsquoelles pour faciliter

le retour de la fille du requeacuterant dans les plus brefs deacutelais aupregraves de son pegravere tel que celui-ci le

reacuteclamait pour qursquoils puissent mener une vie familiale normale avec les fregraveres de la mineure

avant de la placer dans une famille adoptive

66 Dans les circonstances de lrsquoespegravece on peut certes comprendre que les trois enfants du

requeacuterant aient eacuteteacute placeacutes sous tutelle de lrsquoadministration puisque crsquoeacutetait leur propre megravere qui le

demandait Cela eacutetant cette deacutecision aurait ducirc srsquoaccompagner dans les meilleurs deacutelais des

mesures les plus approprieacutees permettant drsquoeacutevaluer en profondeur la situation des enfants et leurs

rapports avec leurs parents au besoin avec le pegravere et la megravere seacutepareacutement le tout dans le respect du

cadre leacutegal en vigueur Les enfants ont eacuteteacute seacutepareacutes de leur pegravere apparemment contre le greacute de

celui-ci qui eacutetait sous le coup drsquoune proceacutedure peacutenale pour violences conjugales agrave la suite drsquoune

plainte deacuteposeacutee par leur megravere Bien qursquoil ressorte du dossier qursquoil nrsquoa pas seacutejourneacute en prison il ne

faut pas perdre de vue que le requeacuterant ne pouvait pas approcher ses enfants et qursquoil est donc

resteacute eacuteloigneacute et sans aucun contact avec ces derniers pendant toute la dureacutee de la proceacutedure

peacutenale Cette situation eacutetait particuliegraverement grave compte tenu de lrsquoacircge de sa fille qui nrsquoavait

qursquoun an et demi lors de son placement sous tutelle agrave Madrid La Cour nrsquoest guegravere convaincue par

les raisons que lrsquoadministration et les juridictions internes ont estimeacute suffisantes pour justifier le

placement en accueil preacuteadoptif de la mineure Elle observe qursquoagrave aucun moment de la proceacutedure

administrative nrsquoont eacuteteacute pris en compte le tregraves jeune acircge de la fille du requeacuterant au moment de la

seacuteparation de ce dernier et de son eacutepouse la relation affective preacutealable existant entre la mineure et

ses geacuteniteurs le deacutelai eacutecouleacute depuis leur seacuteparation ainsi que les conseacutequences qui en deacutecoulaient

pour tous les trois ainsi que pour la relation de lrsquoenfant avec ses fregraveres

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67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 19: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

wwwdirittifondamentaliit (ISSN 2240-9823)

67 Il faut toutefois garder agrave lrsquoesprit la mention faite dans le rapport drsquoorientation du 20 juin

2013 aux maltraitances physiques du requeacuterant envers ses enfants ce qursquoil conteste et le

deacuteseacutequilibre psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant (Bertrand c France (deacutec) no 5737600

19 feacutevrier 2002 et Couillard Maugery c France no 6479601 sect 261 1er juillet 2004) Neacuteanmoins

lrsquohypothegravese des maltraitances physiques nrsquoa pas eacuteteacute prouveacutee et ne figure que dans le rapport

susmentionneacute (paragraphe 14 ci-dessus) le Gouvernement nrsquoayant pas donneacute drsquoautres indications

agrave cet eacutegard Elle semble faire reacutefeacuterence au contenu de la plainte pour violences conjugales deacuteposeacutee

par lrsquoeacutepouse du requeacuterant charges dont il a eacuteteacute acquitteacute par la suite Quant au deacuteseacutequilibre

psychique de lrsquoeacutepouse du requeacuterant cela ne suffit pas agrave deacutemontrer une eacuteventuelle influence

neacutegative du requeacuterant mais plutocirct le contraire notamment apregraves son acquittement Preuve en est

que lrsquointeacuteresseacute srsquoest vu accorder la garde de ses deux fils et qursquoil persiste dans sa volonteacute de

reacutecupeacuterer eacutegalement la garde de sa fille mineure Les tribunaux nrsquoont pas constateacute de deacuteficits

affectifs (voir a contrario Kutzner c Allemagne no 4654499 sect 68 CEDH 2002-I) question qursquoils ont

manqueacute drsquoexaminer chez le requeacuterant ni drsquoeacutetat de santeacute inquieacutetant des enfants Srsquoil est vrai que

dans certaines affaires deacuteclareacutees irrecevables par la Cour le placement des enfants avait pu ecirctre

motiveacute par des conditions de vie insatisfaisantes ou des privations mateacuterielles cela nrsquoavait

toutefois jamais constitueacute le seul motif servant de base agrave la deacutecision des tribunaux nationaux en ce

que drsquoautres eacuteleacutements tels que lrsquoeacutetat psychique des parents ou leur incapaciteacute affective eacuteducative

et peacutedagogique srsquoy ajoutaient (Rampogna et Murgia c Italie (deacutec) no 4075398 11 mai 1999 MG et

MTA c Italie (deacutec) no 1742102 28 juin 2005 et Wallovaacute et Walla c Reacutepublique tchegraveque no 2384804

sectsect 72ndash74 26 octobre 2006) Cela nrsquoa pas eacuteteacute le cas dans la preacutesente affaire du moins en ce qui

concerne le requeacuterant Ses capaciteacutes eacuteducatives et affectives par rapport agrave sa fille mineure nrsquoont pas

non plus eacuteteacute formellement mises en cause et ses deux enfants eacutegalement mineurs habitent

maintenant de nouveau chez lui La prise en charge de la fille du requeacuterant a eacuteteacute ordonneacutee agrave la

suite de la demande de sa megravere agrave cause des difficulteacutes bien preacutecises qursquoelle traversait agrave lrsquoeacutepoque

des faits sans qursquoil ait eacuteteacute tenu compte des demandes du requeacuterant

68 La Cour estime que les autoriteacutes administratives espagnoles auraient ducirc envisager drsquoautres

mesures moins radicales que lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de la fille mineure du requeacuterant et en

tout eacutetat de cause prendre en compte les demandes du pegravere de lrsquointeacuteresseacutee agrave partir du moment ougrave

sa situation peacutenale avait eacuteteacute clarifieacutee La Cour considegravere que le rocircle des autoriteacutes de protection

sociale est preacuteciseacutement drsquoaider les personnes en difficulteacute en lrsquoespegravece notamment la megravere des

enfants qui srsquoest vue contrainte de placer volontairement ses enfants compte tenu de sa situation

familiale grave de les guider dans leurs deacutemarches et de les conseiller Elle observe par ailleurs

que tant le juge de premiegravere instance no 3 de Murcie dans son jugement du 11 feacutevrier 2015 que

lrsquoAudiencia provincial dans son arrecirct du 7 avril 2016 ont refuseacute de prendre en compte les arguments

que le requeacuterant entendait faire valoir pour srsquoopposer au placement de sa fille en famille drsquoaccueil

en vue de son adoption (paragraphe 26 ci-dessus) et se sont limiteacutes agrave confirmer les deacutecisions

adopteacutees par lrsquoadministration sur la base des arguments utiliseacutes par cette derniegravere et

meacutecaniquement reproduits tout au long des proceacutedures ulteacuterieures La Cour estime en effet que les

autoriteacutes administratives nrsquoont fait que reproduire successivement leurs deacutecisions sans proceacuteder agrave

de nouvelles constatations ni appreacutecier sur la base drsquoeacuteleacutements tangibles lrsquoeacutevolution des

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

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circonstances ce qui montrait clairement une volonteacute de lrsquoadministration de placer lrsquoenfant en

accueil familial preacuteadoptif

69 La Cour rappelle sa jurisprudence citeacutee au paragraphe 54 ci-dessus selon laquelle lrsquoarticle 8

de la Convention implique le droit drsquoun parent agrave des mesures propres agrave le reacuteunir avec son enfant et

lrsquoobligation pour les autoriteacutes nationales de prendre ces mesures Elle observe que malgreacute

lrsquoopposition du requeacuterant agrave lrsquoaccueil familial preacuteadoptif de sa fille (paragraphes 22 et 26 ci-dessus)

cette option a eacuteteacute retenue au seul motif de lrsquoabsence de contacts entre la mineure et son pegravere depuis

plusieurs anneacutees alors que les rencontres entre eux avaient preacuteciseacutement eacuteteacute suspendues par

deacutecision du juge no 1 de Coslada saisi drsquoune plainte pour violences conjugales Les autoriteacutes

compeacutetentes sont donc responsables de lrsquointerruption des contacts entre le requeacuterant et sa fille du

moins depuis lrsquoacquittement de lrsquointeacuteresseacute et elles ont failli agrave leur obligation positive de prendre

des mesures afin de permettre agrave ce dernier de beacuteneacuteficier drsquoun contact reacutegulier avec la mineure

(Pontes c Portugal no 1955409 sect 92 10 avril 2012) La Cour estime qursquoil faut normalement

consideacuterer la prise en charge drsquoun enfant comme une mesure temporaire agrave suspendre degraves que la

situation srsquoy precircte et que tout acte drsquoexeacutecution doit concorder avec un but ultime unir agrave nouveau

le parent naturel et lrsquoenfant (Johansen c Norvegravege 7 aoucirct 1996 sect 78 Recueil 1996-III)

70 La Cour estime que la prise en consideacuteration de la vulneacuterabiliteacute de lrsquoeacutepouse du requeacuterant au

moment du placement de sa fille en accueil institutionnel aurait pu jouer un rocircle important pour

comprendre la situation dans laquelle se trouvaient lrsquoenfant et sa megravere De mecircme lrsquoacquittement

deacutefinitif du requeacuterant et la leveacutee de lrsquointerdiction de tout contact avec ses enfants interdiction qui

expliquait preacuteciseacutement lrsquoabsence reprocheacutee desdits contacts ne semble pas avoir retenu lrsquoattention

du juge Celui-ci srsquoest limiteacute agrave prendre en consideacuteration dans son jugement du 11 feacutevrier 2015

lrsquoaccord donneacute par lrsquoorganisme chargeacute de la protection des mineurs et par la famille drsquoaccueil au

placement de la mineure en accueil familial malgreacute lrsquoabsence de consentement des parents

biologiques Les services de protection de lrsquoenfance les juridictions internes et le Gouvernement se

sont en effet baseacutes principalement sur des rapports eacutelaboreacutes par les diffeacuterents organes

administratifs intervenus tout au long de la proceacutedure et par conseacutequent eacutegalement au cours de la

peacuteriode pendant laquelle le requeacuterant ne pouvait pas deacutemontrer son aptitude agrave ecirctre pegravere puisqursquoil

se trouvait priveacute de lrsquoautoriteacute parentale et faisait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure peacutenale Cette attitude de

lrsquoadministration nrsquoa toutefois pas changeacute suite agrave lrsquoacquittement deacutefinitif du requeacuterant

71 La Cour note en outre que le rapport drsquoorientation du 28 feacutevrier 2014 du service de

protection des mineurs concluait qursquoil ne fallait pas autoriser le requeacuterant agrave rendre visite agrave sa fille

car pregraves de deux ans srsquoeacutetaient eacutecouleacutes depuis le placement de cette derniegravere pendant lesquels ils ne

srsquoeacutetaient jamais vus Selon ce rapport la mineure laquo srsquoeacutetait parfaitement adapteacutee lors de la

proceacutedure drsquoaccueil preacuteadoptif raquo (paragraphe 21 ci-dessus) Il est inteacuteressant de souligner que bien

que le rapport note que les deux autres enfants montraient toujours laquo de la peur et un manque de

confiance envers la figure paternelle raquo le requeacuterant srsquoest rapidement vu rendre la garde de ses fils

qui eux nrsquoavaient pas fait lrsquoobjet drsquoune proceacutedure de preacuteadoption

72 La Cour estime que la proceacutedure aurait ducirc srsquoentourer des garanties approprieacutees permettant

de proteacuteger les droits du requeacuterant et de prendre en compte ses inteacuterecircts Ainsi le temps eacutecouleacute

conseacutequence de lrsquoinertie de lrsquoadministration et lrsquoinertie des juridictions internes qui nrsquoont pas

qualifieacute de deacuteraisonnables les motifs donneacutes par lrsquoadministration pour continuer de priver un pegravere

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

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de sa fille sur la seule base de lrsquoabsence de contacts interdits par ailleurs judiciairement ont

contribueacute de faccedilon deacutecisive agrave lrsquoabsence de toute possibiliteacute de regroupement familial entre le

requeacuterant et sa fille

73 Eu eacutegard agrave ces consideacuterations et nonobstant la marge drsquoappreacuteciation de lrsquoEacutetat deacutefendeur en

la matiegravere la Cour conclut que les autoriteacutes espagnoles nrsquoont pas deacuteployeacute des efforts adeacutequats et

suffisants pour faire respecter le droit du requeacuterant agrave vivre avec son enfant en compagnie des

fregraveres de cette derniegravere meacuteconnaissant ainsi son droit au respect de sa vie priveacutee et familiale

garanti par lrsquoarticle 8 de la Convention

74 Partant il y a eu violation de lrsquoarticle 8

II SUR LrsquoAPPLICATION DE LrsquoARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75 Aux termes de lrsquoarticle 41 de la Convention

laquo Si la Cour deacuteclare qursquoil y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles et si le droit

interne de la Haute Partie contractante ne permet drsquoeffacer qursquoimparfaitement les

conseacutequences de cette violation la Cour accorde agrave la partie leacuteseacutee srsquoil y a lieu une satisfaction

eacutequitable raquo

Dommage

76 Le requeacuterant reacuteclame le retour de sa fille aupregraves de lui

77 Le Gouvernement ne srsquoest pas prononceacute sur la demande de satisfaction eacutequitable du

requeacuterant

78 La Cour estime dans les circonstances particuliegraveres de lrsquoaffaire qursquoil ne lui appartient pas

de donner suite en tant que telle agrave cette preacutetention Elle rappelle que lrsquoEacutetat deacutefendeur reste libre

en principe sous le controcircle du Comiteacute des Ministres de choisir les moyens de srsquoacquitter de ses

obligations au titre de lrsquoarticle 46 sect 1 de la Convention pour autant que ces moyens soient

compatibles avec les conclusions contenues dans lrsquoarrecirct de la Cour (Verein gegen Tierfabriken

Schweiz (VgT) c Suisse (no 2) [GC] no 3277202 sect 88 30 juin 2009 Ferreacute Gisbert c Espagne

no 3959005 sect 46 13 octobre 2009 et Bondavalli c Italie no 2355321 sect 91 17 novembre 2015) La

Cour se reacutefegravere de toute maniegravere aux exigences de rapiditeacute mentionneacutees au paragraphe 72 ci-dessus

79 Toutefois eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin urgent

de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale la Cour invite les

autoriteacutes internes agrave reacuteexaminer dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure

agrave la lumiegravere du preacutesent arrecirct ainsi que la possibiliteacute drsquoeacutetablir un quelconque contact entre eux en

tenant compte de la situation actuelle de lrsquoenfant et de son inteacuterecirct supeacuterieur et agrave prendre toute

autre mesure approprieacutee dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de la mineure (Soares de Melo c Portugal

no 7285014 sect 130 16 feacutevrier 2016 Bondavalli preacuteciteacute sect 83 Ageyevy c Russie no 707510 sect 244 18

avril 2013)

80 Elle estime que la forme la plus approprieacutee de redressement pour une violation de lrsquoarticle 8

de la Convention dans un cas comme celui de lrsquoespegravece ougrave le processus deacutecisionnel meneacute par

lrsquoadministration et les juridictions internes en lrsquoespegravece peut mener agrave lrsquoadoption de la fille du

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident

Page 22: La CEDU si pronuncia in materia di diritto al rispetto

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requeacuterant par sa famille drsquoaccueil consiste agrave faire en sorte que le requeacuterant se retrouve autant que

possible dans la situation qui aurait eacuteteacute la sienne si cette disposition nrsquoavait pas eacuteteacute meacuteconnue

(Atutxa Mendiola et autres c Espagne no4142714 sect 51 13 juin 2017 et Otegi Mondragon

c Espagne nos 418415 et 4 autres sectsect 74 et 75 6 novembre 2018) Elle note que le droit interne

preacutevoit la possibiliteacute de reacuteviser les deacutecisions deacutefinitives deacuteclareacutees contraires aux droits reconnus

dans la Convention par un arrecirct de la Cour en application des articles 510 et 511 du code de

proceacutedure civile laquo pourvu qursquoelle ne porte pas preacutejudice aux droits acquis par des tiers de bonne

foi raquo

PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute

1 Deacuteclare la requecircte recevable

2 Dit qursquoil y a eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention

3 Dit qursquoil est souhaitable eu eacutegard aux circonstances particuliegraveres de la preacutesente affaire et au besoin

urgent de mettre fin agrave la violation du droit du requeacuterant au respect de sa vie familiale que les

autoriteacutes internes reacuteexaminent dans un bref deacutelai la situation du requeacuterant et de sa fille mineure agrave

la lumiegravere du preacutesent arrecirct et qursquoelles prennent les mesures approprieacutees dans lrsquointeacuterecirct supeacuterieur de

lrsquoenfant

4 Prend note de la proceacutedure de reacutevision conformeacutement aux articles 510 et 511 du code de proceacutedure

civile

Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 18 juin 2019 en application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3

du regraveglement de la Cour

Stephen PhillipsVincent A De Gaetano

GreffierPreacutesident