LA BIPÉDIE HUMAINE - arlette.hatesse.free.frarlette.hatesse.free.fr/documents/bipedie_humaine.pdf · 5 C'est apparemment il y a 6 à 8 Millions d'années que les voies évolutives

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  • Mmoire prsent en vue de l'obtention du Diplme Inter-Universitaire

    de POSTUROLOGIE CLINIQUE

    LA BIPDIE HUMAINE

    Grard Hatesse

    Facult de Mdecine SAINT-ANTOINE

    Universit Pierre et Marie Curie PARIS VI

    Anne universitaire 2002/2003

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    HOMME QUI MARCHE 1960

    Alberto Giacometti

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    LA BIPDIE HUMAINE

    A l'occasion de l'enseignement de Posturologie clinique dans le cadre de ce D I U, nous avons t amens raliser un voyage "initiatique", qui nous a permis de nous incorporer dans ce "compagnonnage posturologique" Marseille, Toulouse, Paris et Rennes.

    C'est au cours de ces "promenades", que m'est venu le dsir de rflchir sur notre mode de dplacement : la marche bipde.

    Si vous m'accompagnez, nous reviendrons un instant sur le chemin dj parcouru, afin d'entrevoir nos origines et cette qute de la verticalit propre notre espce.

    Nous nous attarderons ensuite sur quelques donnes techniques, neurologiques et musculo-squelettiques de ce moyen de locomotion.

    Une escapade posturologique nous permettra de visiter quelques capteurs avant de nous laisser sduire par la thorie du moteur vertbral qui semble relier les diffrents types de dplacements des vertbrs.

    Cette balade se terminera par un survol de quelques donnes concernant la biomcanique des membres infrieurs ...

    Alors, en route !

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    LA BIPDIE HUMAINE

    n a longtemps considr que le fait de se tenir debout tait le propre de l'homme et lui confrait une suprmatie sur le reste du rgne animal. De

    rcentes tudes sur la locomotion animale, enrichies par des hypothses locomotrices bties sur des fossiles comme Lucy, montrent pourtant qu'il ne s'agit pas d'un comportement exclusivement humain mais qu'il existe dans notre ligne des caractristiques spcifiques acquises progressivement. 1

    Deux dfinitions pour aborder ce voyage vers nos origines :

    - Littr : la bipdie est le propre d'un tre humain ou d'un animal qui se dplace sur deux pieds.

    - Larousse : c'est la locomotion des vertbrs terrestres qui utilisent pour se dplacer le bipde (les deux pattes postrieures). La bipdie (marche, course, saut, escalade) est :

    - exceptionnelle chez les reptiles et les dinosauriens

    - rare chez les mammifres (kangourou)

    - de fait chez les oiseaux

    - inconstante chez les primates

    - habituelle chez l'homme.

    Les origines de la bipdie humaine se confondent avec nos propres origines, et mme si la bipdie exclusive est le propre de l'homme, elle peut se rencontrer dans d'autres branches du rgne animal.

    L'observation des grands singes actuels dans leur environnement naturel rvle l'adaptation de ce mode de dplacement dans leur milieu forestier. L'examen de nos anctres hominids a permis de dcouvrir une mosaque d'espces aux bipdies plus ou moins affirmes et la bipdie humaine actuelle est issue d'une longue ligne de bipdie d'hominodes. 2

    En effet, se tenir redress sur ses pieds ne signifie pas obligatoirement tre bipde, de mme que se tenir debout ne veut pas dire marcher, enfin courir requiert des conditions particulires d'quilibre instantan et d'enchanement de contractions

    O

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    musculaires que ne possdent pas toutes les espces bipdes. Les problmes mcaniques poss par la bipdie deviennent plus complexes quand on passe de la posture (immobile) au dplacement. En effet, la posture assure une station fixe qui obit un schma gomtrique de l'ensemble de l'organisme rgi par les rgles de la statique.

    En position fixe, les centres de masse de chacun des volumes du corps, articuls entre eux, se concentrent en un centre de masse parfois dsign centre de gravit. Ce centre de masse se projette verticalement au niveau des soles plantaires, qui reoivent une raction du sol oppose, gale au poids de l'organisme. Le systme osto-articulaire et musculaire permet de fixer la position des diffrents segments mobiles selon un schma anti-gravitaire.

    De nombreuses espces animales sont capables de se dplacer sur leurs deux membres postrieurs ou infrieurs, mais la bipdie humaine prsente quelques particularits spcifiques acquises progressivement au cours de l'volution, permettant un mme tre vivant de possder la fois : la marche, la station debout, l'escalade et la course grce ses seuls membres postrieurs.

    L'ide de cette chane volutive est cependant une acquisition rcente dans nos connaissances. Ds le XIXme sicle, Lamarck propose dans sa Physiologie Zoologique 3, une origine animale l'homme, il y voque un lointain anctre quadrumane arboricole qui devient bipde modifiant sa face et librant ses mains. A la fin du XIXme sicle, Darwin, dans L'origine des Espces 4, propose que les espces se transforment et s'adaptent progressivement aux conditions de l'environnement, par la voie de la slection naturelle. Il voque le premier une origine africaine pour l'anctre commun aux singes et aux hommes actuels.

    A la mme poque, Ernst Haeckel, dans son Histoire de la Cration des tres organiss d'aprs les lois naturelles 5, voque pour la premire fois le "chanon manquant" entre l'homme et le singe.

    La recherche d'hominiens de par le monde, va faire circuler le berceau de l'humanit de l'Europe l'Asie pour le planter dfinitivement en Afrique au XXme sicle.

    C'est en effet en Afrique Centrale que l'on retrouvera les restes fossiles des hominodes qui prcdent la dichotomie entre les lignes des hominids (l'Hominiscence de Michel Serres) et celle des grands singes (entre -10 et -7 Millions d'annes) 6.

    L'arborescence actuelle (et donc provisoire...) simplifie permet de survoler ces origines de l'homme, elle repose sur les donnes de l'anatomie compare et les informations bio-molculaires 7.

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    C'est apparemment il y a 6 8 Millions d'annes que les voies volutives se sont spares :

    - la voie de la bipdie + escalade qui s'teindra avec les australopithques (Lucy)

    - la voie de la bipdie de plus en plus spcialise et exclusive qui aboutira Homo.

    L'tude du pied 8 confirme cette sparation phylogntique des primates, les proprits du pied suffisant, elles seules, isoler le genre Homo des autres primates, notamment les australopithques.

    " Nous tions prpars tout admettre, sauf d'avoir dbut par les pieds. " Andr Leroi-Gourhan 9

    Tout a donc commenc par le pied, et aujourd'hui encore, l'homme possde une main de structure primitive, peu modifie au fil du temps et peu diffrente de celle des autres primates alors que son pied est totalement et exclusivement spcialis pour la locomotion bipde.

    Yvette Deloison (CNRS) affirme d'ailleurs que le genre Homo n'est jamais pass par une phase arboricole 10.

    Les australopithques ont toujours eu un pied arboricole, tout comme les singes actuels, qui ne peuvent recourir qu' une bipdie temporaire.

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    Le passage de l'arboricolisme avec brachiation la marche partiellement bipde avec appui sur la partie dorsale des deuximes phalanges des doigts (knuckle walking), suivie d'une bipdie progressivement exclusive aurait laiss des traces, en fait absentes chez Homo.

    La bipdie actuelle statique, posturale, obit une gomtrie de l'organisme vivant, ralisant un quilibre de forces.

    Tout tre vivant est soumis la force de gravitation qui, la verticale de tout point du globe joint son centre de masse au centre de la Terre.

    La lutte contre la gravit commence au Dvonien (- 400 Millions d'annes), quand les tres vivants quittent le milieu liquide (qui annulait presque intgralement la force de gravit grce la pousse d'Archimde) pour s'aventurer sur le sol terrestre.

    Cette lutte anti-gravitaire difficile, leur impose la reptation plat ventre, colls au sol, plaqus par leur masse, appuyant latralement sur leurs pattes, en extension partielle, afin de librer leurs ctes pour parvenir respirer.

    Les nageoires, base unique sont alors remplaces par des pattes en "Z" latralises.

    Les mouvements d'inflexion latrale du rachis, qui permettent la propulsion aquatique, se sont mus en mouvements alternatifs permettant la progression sur les nageoires-pattes.

    Le dplacement au sol imposa que l'inflexion latrale rachidienne soit combine une rotation axiale, l'ensemble entranant des mouvements de flexion-extension. Progressivement, les muscles de la cavit abdominale migreront vers les membres postrieurs pour donner les ischio-jambiers qui augmenteront la puissance de propulsion locomotrice.

    Les premiers quadrupdes rampants, clous au sol, vont ensuite relever leur tronc en avant en tendant progressivement les pattes antrieures. Ces ttrapodes transmettent les forces au sol essentiellement au niveau de leurs pattes arrires.

    La lutte contre la gravit leur permettra de relever la tte puis le tronc, l'ensemble tte/cou s'assouplissant ; le centre de masse va s'lever du sol, l'angle du "Z" des pattes s'agrandit, mais cette attitude cote plus cher sur le plan de l'nergie musculaire.

    Pour conomiser cette dpense nergtique nouvelle, la motricit va donc s'orienter vers un fonctionnement des quatre membres dans un plan sagittal, diminuant en consquence les composantes transversales inutiles au soutien et la progression. Ces postures statiques vont, pour se dynamiser, imposer de nouvelles contraintes.

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    Tout mouvement implique l'action d'une force sur le centre de masse, par un systme musculaire agissant sur les leviers squelettiques.

    Le dplacement impose un appui, une pousse sur le sol avec ouverture des angles des membres, ceci est vrai tant pour la bipdie que pour la quadrupdie, et les extenseurs jouent un rle capital dans ce mouvement.

    L'autre solution de progression est la brachiation (traction/suspension du gibbon par exemple) o le rle des flchisseurs est prdominant : on pousse sur ses pieds ou on tire sur ses bras pour se dplacer.

    La bipdie est-elle avantageuse ?

    La locomotion permet la recherche de nourriture, la fuite face aux prdateurs et la rencontre de partenaires sexuels, mais cette mobilit a un cot nergtique important.

    Sur le plan biomcanique, la mobilisation de deux membres est plus simple que celle de quatre membres. Le dplacement sur deux pattes s'est donc retrouv trs tt, chez les lpidosauriens (lzards), les archosauriens (dinosaures puis oiseaux), et enfin chez les mammifres (gerboise, marsupiaux, primates...).

    Dans tous les cas, les membres postrieurs sont plus longs que les membres antrieurs ces derniers pouvant mme devenir accessoires (tyrannosaure, oiseaux coureurs).

    La bipdie, mme occasionnelle est l'allure la plus rapide, sauf chez les primates non humains, chez qui la plus grande vitesse de fuite est obtenue par le "knuckle walking" 11(marche quatre pattes avec appui sur le dos des phalanges des mains).

    La posture bipde permet un dmarrage rapide grce l'nergie potentielle "haut place" du centre de masse, l'amorce de chute mettant l'organisme en mouvement. La position haute de ce centre de gravit permet d'ailleurs d'effectuer de rapides changements de direction, initis ds la racine du membre infrieur par la rotation de la hanche et non par l'inflexion latrale du tronc comme chez les quadrupdes. Enfin, l'acclration est rendue plus facile par la ligne d'action des forces dans l'axe du mouvement, limitant le drapage.

    La bipdie est-elle un inconvnient ?

    Sur deux pattes, la raction au sol est plus leve sur chaque pied, la bipdie entrane donc des contraintes osto-articulaires plus grandes.

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    Le systme viscolastique de l'ensemble muscles-tendons-os absorbe cette nergie de choc (nergie cintique lie la vitesse et la masse) qui sera restitue au pas suivant, l'extension en s'appuyant sur le sol prolongeant la propulsion.

    L'nergie totale est donc conserve par une transformation rciproque de l'nergie cintique en nergie potentielle, le bipde possdant, grce ses membres postrieurs, un double systme de propulsion oscillant dont l'nergie est entretenue par un systme viscolastique musculo-squelettique ; l'alternance des deux appuis entretenant un enchanement absorption-restitution d'nergie. La bipdie humaine est notablement diffrente de celle des reptiles, oiseaux, mammifres et mme primates par son caractre dynamique gnral. En effet, les diffrentes masses corporelles : tte, cou, tronc, membres sont mobiles les unes par rapport aux autres selon des axes verticaux, le corps ralisant un empilement de pices oscillantes.

    Les dplacements de cet ensemble imposent qu'un systme "haut plac" intgre alors toutes les informations priphriques. La tte devient cette plate-forme de rfrence gravito-inertielle qui calcule les acclrations linaires (notamment la verticale gravitaire) et les acclrations angulaires.

    La posture du bipde humain est donc "connue" en permanence par rapport un rfrentiel fixe (la gravit) et des informations multiples (peau, muscles, tendons, os, il, vestibule...) et congruentes qui permettent en permanence le mouvement et sa correction pour aboutir au mouvement programm ncessaire.

    La tte est donc la tour de contrle du bipde.

    Cette tte, elle-mme volume pesant, dote d'une certaine inertie, perturbe l'ensemble dynamique du corps en quilibre mais le systme musculo-osto-articulaire cervical autorise une grande capacit de mouvements.

    Sept vertbres cervicales portent le crne, l'articulation occipito-atlodienne permet des mouvements verticaux axiaux (oui-oui), l'articulation atlo-axodienne autorisant les mouvements horizontaux de rotation (non-non). 12

    La moelle pinire, prolongeant le systme nerveux central, sort verticalement du crne par le trou occipital, le cardan occipito-vertbral limitant ses contraintes de dformation.

    La verticale, centre par le trou occipital, passe par le centre de masse du crne, ce qui diminue les dpenses nergtiques ncessaires la stabilit crnienne.

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    Au total :

    La bipdie, qui semble apporter un handicap de stabilit statique, offre des intrts dynamiques de dmarrage, acclration, changements de direction ; elle permet ainsi des dplacements rapides sur de longues distances, le marathonien distanant nombre de quadrupdes sur le plan de l'endurance.

    La course bipde humaine permet enfin le "vol" entre deux appuis podaux, alors que les autres primates reprennent, dans la fuite rapide, le galop quadrupde en utilisant comme appui supplmentaire au sol la face dorsale des deuximes phalanges des mains. Ce qui fait dire Yvette Deloison (CNRS) que la bipdie n'est pas apparue partir d'un "singe arboricole brachiateur", mais bien partir d'un primate dj bipde alors que Lucy ne l'tait qu'occasionnellement ; les "vrais marcheurs" pr anthropiens ont poursuivi leurs chemins volutifs et les enfants de Lucy ont disparu... 10

    La position debout permanente et prfrentielle, plus que la "simple" bipdie, semble donc tre le propre de l'Homme ; certains primates (lmuriens et petits singes) peuvent se relever mais ne marchent pas, d'autres (gibbons) marchent debout mais ne peuvent rester debout immobiles ; enfin les primates suprieurs non humains adoptent souvent la position debout arboricole, alors qu'au sol la posture rige est plutt une attitude d'alerte, de surveillance, pour regarder ou couter.

    Chez les primates, l'orthostatisme est nergtiquement coteux et trs vite, ils reprennent leur allure quadrupde.

    Chez l'homme, la position debout, tte-tronc-membres rigs, pieds rapprochs plat au sol, requiert une nergie moindre.

    Pour courir, l'homme allonge ses enjambes, grce l'extension de ses membres infrieurs et la rotation oppose de son couple bassin-paules ; entre deux appuis au sol le corps est en suspension en l'air, ce que ne peut raliser aucun autre primate.

    L'Homo Sapiens aujourd'hui ?

    Reste-t-il des traces de notre lointain pass arboricole dans notre morphologie actuelle ? Oui, au niveau des membres suprieurs, o les signes de suspension sont encore visibles, la tension des muscles flchisseurs provoquant, ce niveau, un balancement des bras la marche, ces caractres arboricoles ayant t "recycls" en accumulation d'nergie pour la locomotion bipde.

    Les forces et l'orientation des articulations scapulo-thoracique et glno-humrale nous permettent toujours de grands mouvements arboricoles, tant vers le haut que sur les cts.

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    Mais en descendant du tronc vers les membres infrieurs, tout se modifie, du fait de l'adaptation la bipdie. Le tronc et les membres infrieurs sont en compression, avec des mouvements la marche et la course qui ne sont plus que sagittaux ou para sagittaux.

    Le bipde humain se "rsume" donc :

    - une tte non prognathe, en quilibre sur son cou,

    - des muscles de la nuque insrs bas sur l'occiput,

    - un rachis lombo-sacr en double courbure inverse,

    - une rgion lombaire plus longue (5 vertbres lombaires au lieu de 4 chez les autres primates),

    - un sacrum large et rejet vers l'arrire, point d'ancrage de sa puissante musculature lombaire,

    - un bassin raccourci supportant le poids du tronc,

    - des os iliaques incurvs en avant, en cuvette, favorisant la flexion-extension de la hanche pendant la marche,

    - des ischions courts, dirigs vers l'arrire, amliorant l'efficacit des muscles extenseurs de hanche pour la propulsion,

    - des os des membres infrieurs rectilignes permettant le rapprochement des genoux et des pieds,

    - des pieds aux os massifs, formant une double vote plantaire longitudinale et transversale supportant un corps verticalis,

    - et enfin des orteils courts et rectilignes, parallles et trs peu prhensiles. 13

    Signalons ici que la position assise avec redressement du tronc et libration des mains est aussi une caractristique des primates.

    Le terme de bipdie recouvre donc diffrentes activits : possibilit de s'asseoir, de se tenir debout, de marcher, de courir, de grimper, toutes activits qui requirent une verticalit corporelle ; mais seule la station debout prolonge et la course bipde se rvlent caractristique de l'homme.

    Si l'on s'en tient au schma volutif, nos singes actuels ne deviendront jamais totalement bipdes car ce comportement ne pourra pas constituer pour eux un avantage volutif.

    Pour terminer, il est utile de signaler le "conflit" obsttrical provoqu par la bipdie, qui a "oblig" un accouchement plus difficile, vers l'avant des ischions, alors qu'il se fait beaucoup plus facilement vers l'arrire des ischions chez tous les autres mammifres.

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    La rduction de hauteur du bassin a favoris la marche mais a aussi rendu l'accouchement plus complexe ; devant ce pari volutif d'un nourrisson tte de plus en plus grosse n d'une mre la fertilit limite et aux ischions resserrs, la Nature "a choisi" de privilgier un tre fragile mobilit rapide plutt qu'une espce plus fertile...

    Revenons donc notre petit bipde humain ; au cours de l'ontogense, l'enfant va progressivement se construire un ensemble de rfrentiels posturaux, grce des stratgies d'quilibre de plus en plus complexes. 13

    Ces stratgies reposent sur deux principes fonctionnels :

    - le choix de rfrentiels stables, qui seront, dans notre espce, d'une part la verticale gravitaire et de l'autre le sol sur lequel on repose ; l'appui au sol, jouant un rle essentiellement proprioceptif ascendant du pied vers la tte.

    - et la matrise des degrs de libert des diffrentes articulations du corps pendant la marche ou la course ; le contact pied/sol tant alors intermittent, on admet que le bassin puisse jouer alors le rle de relais de stabilisation, du fait de sa proximit du centre de masse.

    L'homme tant rsum un "ensemble" de modules superposs, plus ou moins indpendants les uns des autres, soumis une rgulation priphrique et centrale. Le but primordial est la stabilisation de la tte sur le monde environnant. Nous verrons plus loin, ce propos, le rle jou par le couple oculo-vestibulaire sur l'ensemble musculo-squelettique. Le cou, systme articul complexe va permettre la tte des rotations dans les trois axes (tangage, roulis et lacets).

    Le contrle tte/tronc peut obir deux stratgies :

    - soit la tte est stabilise sur le tronc, c'est la strap-down strategy de Nashner (simple, conomique, rapide, favorisant les influences visuo-vestibulaires). 14

    - soit la tte est stabilise sur l'espace, ou stable-platform strategy de Nashner.

    Quatre priodes vont permettre l'acquisition d'une stratgie d'quilibre chez l'enfant 15.

    - de 0 1 an, on observe une verticalisation progressive et cphalo-caudale des diffrents segments du corps jusqu' la station debout, avec un passage par la station assise vers 6 mois permettant l'alignement tte/ tronc, la libration des membres suprieurs et l'augmentation de l'amplitude de l'espace visuel.

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    - partir de 1 an, apparition de la station bipde avec diminution de la surface dappui au sol et augmentation des problmes d'quilibre lie l'ascension du centre de masse.

    La matrise des membres infrieurs devient alors capitale avec accroissement de l'action des extenseurs et acquisition des contractions alternes. Les pieds carts (pour largir la surface d'appui) vont se rapprocher jusqu' 3 ans. Ensuite et jusqu' 6 ans les enfants stabilisent plutt la tte sur le tronc.

    - aprs 7 ans, l'enfant va matriser la stratgie de stabilisation de sa tte sur l'espace, en librant son cou dans un schma d'organisation descendante. De plus, vers 7 ans, l'enfant perd , en partie, le contrle stabilisateur de la vision priphrique qui reviendra dfinitivement vers 8 9 ans, favorisant alors son contrle vestibulaire ; c'est aussi le moment o l'enfant va acqurir sa denture dfinitive.

    - enfin le passage l'ge adulte, va aboutir la prdominance de la stabilisation de la tte sur l'espace avec un contrle slectif des articulations du cou (rle essentiel des petits muscles verniers sous-occipitaux).

    Cette stratgie descendante de la tte stabilise devient alors essentielle dans les situations d'quilibrage difficile.

    Rvons donc, un instant, devant ce "pass prometteur", nos enfants "nageant" dans leur milieu amniotique, sortant l'air libre pour rester plat-ventre quelques semaines crass par leur poids de naissance, se soulevant progressivement sur leurs "antrieurs", pour bientt acqurir le quatre-pattes, parvenir s'asseoir et se redresser en cultivant l'extension, et enfin se relever pour rapprocher leurs ttes des toiles, rsumant ainsi en quelques mois ces millions d'annes d'volution.

    "Lontognse est une courte rcapitulation de la phylogense"

    Ernst Haeckel, 1866.

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    LA LOCOMOTION BIPDE ou COMMENT A MARCHE ?

    La moelle pinire peut provoquer, sans intervention supra-bulbaire, des commandes motrices rythmes, qui programment la locomotion (un centre bulbaire identique rythme les mouvements respiratoires). 16

    Ces informations motrices, l'origine de la marche, proviennent d'un patron central ou CPG (Central Pattern Generator) qui gnre les dplacements par activations rythmiques alternes des muscles extenseurs et flchisseurs des membres infrieurs.

    La motricit des membres infrieurs repose surtout sur les muscles anti-gravitaires intervenant de faon inconsciente sur la posture, la conscience s'attachant plutt aux activits motrices alternatives d'extension et de flexion.

    La motricit axiale non consciente, dpend surtout des CPG, ce qui explique probablement la faible reprsentation motrice de cette rgion au niveau cortical, alors que son activit est essentielle. 17

    Le CPG est un mtronome, d'une rgularit parfaite (prcision de l'ordre du 1/100 de seconde) non adaptable et donc obligatoirement sous dpendance d'informations basses venues des rcepteurs sensoriels de la proprioception, qui modulent son rythme par contrle spinal ou supra-spinal. 18

    Cet automatisme, s'il tait isol, serait source de dsquilibre ; il impose donc un ajustement postural permanent, la locomotion humaine tant une fonction motrice qui assure le dplacement bipde plantigrade de l'tre humain dans son environnement.

    Les mouvements du cycle locomoteur, purement automatiques leur origine, sont engendrs par un ou plusieurs CPG spinaux, dclenchs ou inhibs partir de structures supra-spinales ; l'excution des mouvements est adapte par des boucles de contrle exploitant les informations sensorielles.

    Le cortex crbral n'est donc pas indispensable au dclenchement de l'activit locomotrice.

    Si l'activit locomotrice est exprimentalement possible, une fois les affrences sensorielles limines, ces dernires interviennent surtout quand la ralisation du mouvement est perturbe par une cause externe.

    Les messages sensoriels influent sur la ralisation du cycle locomoteur : les extrocepteurs (cutans) et les propriocepteurs (organes tendineux de Golgi, fuseaux neuromusculaires, rcepteurs articulaires et capsulaires...) interagissent sur

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    les CPG voire directement sur les moto neurones, par des voies courtes, spinales ou des voies longues supra-spinales qui transitent toutes par le cervelet.

    Le cervelet, qui n'est pas indispensable la ralisation du programme locomoteur de base, permet cependant la rgulation fine du mouvement, en aboutissant un geste fluide, harmonieux et conomique.

    La remonte des informations se fait par :

    - le faisceau spino-crbelleux dorsal, qui informe le cervelet sur l'tat du systme priphrique (angles articulaires, longueur des muscles stris et forces qui y sont appliques).

    - le faisceau spino-crbelleux ventral qui informe le cervelet, par "copie conforme" (la dcharge corollaire), de la bonne commande reue par le muscle depuis le moto neurone.

    Le cervelet compare la commande motrice (par la copie d'information) au mouvement rellement produit. 19

    En cas de diffrence, entre le programme tabli et la ralisation, un "rattrapage" est ralis par :

    . la formation rticule bulbaire,

    . le faisceau vestibulo-spinal (qui contrle surtout les phases d'appui et d'extension).

    . le noyau rouge msencphalique (qui contrle essentiellement les flchisseurs) par la voie rubro-spinale.

    Ces trois faisceaux (vestibule, rticulo, et rubro-spinaux), voies conduction rapide, permettent la correction immdiate des mouvements et l'adaptation la locomotion, par une action directe sur le moto neurone, plutt que sur le CPG.

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    MOTRICIT ET BIPDIE

    La motricit est commande partir de diffrents territoires corticaux.

    1/ Les Aires Motrices :

    - L'aire motrice primaire : chacun des points de cette aire correspond un muscle de l'hmicorps controlatral. Ces points moteurs, situs dans la circonvolution frontale pr-rolandique, sont organiss en colonnes, ils commandent ou inhibent l'excitation d'un muscle. Ces points sont rpartis selon une somatotopie musculaire. Les muscles des racines des membres occupent la plus grande surface de cette aire, de mme que les muscles distaux ou ceux du visage.

    Les muscles axiaux du tronc occupent une petite surface corticale, la plus grande partie de leur information motrice venant de CPG spinaux. Nous les reverrons plus loin propos de l'hypothse du moteur vertbral 20.

    Au niveau cortical, une large surface motrice correspond un grand nombre de moto-neurones autorisant une commande musculaire fine et prcise.

    - L'aire pr-motrice : situe au niveau du cortex frontal, elle permet le mouvement rgional au niveau d'un membre, en grant les commandes de stimulation-inhibition de groupes musculaires agonistes-antagonistes. Elle permet des mouvements squentiels et coordonns.

    - L'aire motrice supplmentaire : situe, elle aussi, au niveau du cortex frontal, permet des mouvements plus complexes impliquant la coordination des muscles des deux hmicorps comme, par exemple, dans l'orientation.

    Les aires pr-motrices et motrices supplmentaires sont inactives en cas de lsion de laire motrice principale, en effet, elles ne contiennent que des programmes moteurs qu'elles transmettent l'aire motrice principale pour excution.

    2/ Les Voies de la Motricit :

    Les aires motrices corticales informent les noyaux moteurs du tronc crbral et les moto-neurones de la moelle pinire.

    On retrouve deux grandes voies descendantes : l'une relie le cortex aux structures motrices basses controlatrales (voie cortico-spinale et voie cortico-bulbaire) ; l'autre implique un relais intermdiaire par le noyau rouge msencphalique (voie cortico-

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    rubro-spinale), vestigiale chez les primates, elle a disparu chez l'homme.

    Une autre voie contrle les ajustements posturaux d'accompagnement, involontaires (voie cortico-rticulo-spinale).

    Les connexions entre les voies cortico-spinale, rubro-spinale et les moto-neurones se font le plus souvent par l'intermdiaire d'inter neurones. Mais chez les primates et chez l'homme, des connexions monosynaptiques sont retrouves au niveau des pieds et des mains.

    Les aires motrices agissent aussi sur les motoneurones fusimoteurs, en modulant le rflexe myotatique permettant d'obtenir ainsi une modification de la longueur du muscle.

    Le cortex moteur est lui-mme inform par les voies de la sensibilit gnrale de la ralisation correcte du mouvement command : affrences directes issues du thalamus et du cortex somesthsique parital postrolandique 16

    La somatotopie post-rolandique somesthsique est directement connecte avec la somatotopie motrice pr-rolandique, l'aire pr-motrice jouant un rle important dans cette interconnexion, elle reoit encore des affrences :

    - spino-corticales (d'origine musculo-tendineuse compltant le rflexe myotatique),

    - crbelleuses via le thalamus,

    - ou en provenance des noyaux gris de la base via le thalamus.

    3/ Le Cervelet.

    - Le cervelet spinal contrle l'activit posturale et supervise en dernier lieu l'excution du mouvement.

    Les affrences crbelleuses proviennent du faisceau spino-crbelleux dorsal qui remonte les informations musculaires homolatrales (fuseaux et Golgi) et du faisceau spino-crbelleux ventral qui vhicule les informations controlatrales depuis le moto-neurone (c'est la voie de la dcharge corollaire, de la copie conforme).

    Les effrences vont essentiellement rejoindre les noyaux moteurs du tronc crbral.

    - Le cervelet crbral participe l'activit motrice.

    Les affrences apportent des informations motrices et somesthsiques issues du cortex controlatral via le pont.

  • 17

    Les effrences aboutissent ce mme cortex via le noyau dentel. Cette rgulation cortico-crbello-thalamo-corticale intervient dans la programmation du mouvement, le contrle de son excution et la correction d'une erreur ventuelle.

    - Le cervelet vestibulaire, c'est le "vieux cervelet" des mammifres. Les affrences labyrinthiques y parviennent soit directement partir du ganglion de Scarpa, soit aprs relais dans les noyaux vestibulaires.

    Les affrences visuelles arrivent du cortex visuel, du corps genouill latral et du colliculus suprieur.

    Les effrences issues des cellules de Purkinje aboutissent directement dans les noyaux vestibulaires, c'est la voie des ractions posturales d'quilibration et du contrle des mouvements conjugus de la tte et des yeux.

    4/ Les Noyaux Gris de la Base

    Ils interviennent dans la programmation harmonieuse, fluide et normokintique du mouvement.

    5/ Le Corps Calleux

    Son rle de connexion (c'est la plus importante des commissures crbrales) permet le transfert d'informations d'une aire corticale visuelle vers son homologue controlatrale. Sa fonction se modifie au fil des annes en excluant un grand nombre de connexions juvniles exubrantes. Cette structure joue un rle essentiel dans la synergie visuelle droite-gauche, la perception du mouvement et la perception de la verticale visuelle.

    Le corps calleux permet de se rfrer un "mridien vertical" centr "droit devant" qui intgre grossirement les distances en confirmant la perception fine de l'information rtinienne nasale fovale aboutissant ainsi une vision en trois dimensions 21.

    6/ Le Systme Rticul

    C'est un complexe neuronal qui s'tend du tronc crbral la base du diencphale, y jouant un rle facilitateur ou inhibiteur dans les transmissions 22

    7/ Les Colliculi

    Le colliculus suprieur contrle surtout les mouvements visuels : orientation, cibles et synergie droite-gauche, l'infrieur grant les informations auditives qui dirigent le regard vers un bruit peru 23.

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    8/ Les Voies de la Sensibilit

    La sensibilit du corps repose sur l'activation de terminaisons nerveuses par des rcepteurs spcifiques rpartis dans les diffrents tissus.

    Les rcepteurs transforment une information en un message affrent. Ils fournissent des informations sur la modification du milieu intrieur ou extrieur. Ils ont donc une fonction d'alarme, d'information, ou simplement d'veil qui permit Head de distinguer la sensibilit protopathique de la sensibilit picritique.

    Le systme lemniscal, empruntant le lemnisque mdian, est une voie directe, rapide, paucisynaptique dont les relais accentuent les caractres discriminatifs spatiaux et temporels de l'information.

    Le systme extra-lemniscal, de conduction plus lente, multisynaptique, est constitu de neurones effectuant une sommation spatiale et temporelle des informations permettant une adaptation loco-rgionale paralllement transmise aux niveaux suprieurs.

    Toutes les affrences sensitives gagnent la moelle par les racines postrieures selon des dermatomes.

    La voie lemniscale reoit des informations des tguments et des capsules articulaires, elle est forme de fibres rapides, mylinises, de diamtre moyen vhiculant des dcharges intenses et brves ; elle remonte par un cordon postrieur homolatral (le faisceau de Goll et Burdach) vers le bulbe, le lemnisque mdian, le thalamus jusqu'au cortex somesthsique o il se rpartit selon une somatotopie prcise. La voie extra-lemniscale ne des terminaisons libres et des rcepteurs thermiques remonte ses informations nociceptives, par des fibres fines, amyliniques, multi-synaptiques, grce au faisceau (palo- ou no- ) spino-thalamique, contro-latral, jusqu'au bulbe, la protubrance et au thalamus.

    La voie extra-lemniscale effectue, chaque niveau, une sommation spatiale et temporelle des informations affrentes, opposes la discrimination.

    Le systme extra-lemniscal, plutt charg de transmettre les informations dalarme et de protection, s'oppose donc au systme lemniscal ddi l'exploitation des acquisitions informatives.

    Les activits de ces deux systmes s'inhibent rciproquement.

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    LES CAPTEURS DU SYSTME POSTURAL

    Se tenir debout peut se rsumer une lutte constante contre la gravit. Le systme postural tonique va donc rassembler, chaque instant, des informations venues de l'extrieur (grce aux extrocepteurs corporels), et des informations internes (fournies par les propriocepteurs).

    La locomotion, dans un environnement o la gravit reste toujours identique, semble avoir toujours exploit ce rfrentiel gravitaire, car on retrouve des structures "d'quilibration" intracrniennes ds nos plus anciens anctres vertbrs : les poissons primitifs.

    Pour quitter l'eau et s'aventurer sur la terre ferme, il a t ncessaire de possder une batterie de capteurs capables d'analyser en permanence la position de nos diffrents segments corporels au sein de l'environnement.

    Ce systme postural devait donc pouvoir analyser, en permanence, l'organisme lui-mme et l'espace environnant.

    Les capteurs d'informations "internes" sont les propriocepteurs avec leurs endo-entres, alors que les capteurs " l'coute" des informations extrieures environnementales sont les extrocepteurs avec leurs exo-entres.

    Tout comme la libellule fut le premier animal quitter la surface terrestre (il y a 350 millions d'annes) pour s'aventurer dans les airs, ralisant le "rve" des premiers arthropodes du fond des mers, les vertbrs se sont organiss autour d'un "projet" d'acquisition de la verticalit.

    Diffrents capteurs sont donc retrouvs chez notre "bipde" :

    - les extrocepteurs : vision, audition, toucher, got, olfaction vont l'ouvrir sur le monde,

    - et les propriocepteurs moins "vidents" puisque non visibles et ngligs dans les descriptions sensorielles littraires depuis Aristote, mais qui permettent de contrler en permanence l'organisme lui-mme dans tous ses dplacements.

    Ces propriocepteurs sont :

    - les rcepteurs musculaires et tendineux, qui vont apporter la kinesthsie, ce "sens du mouvement" cher Alain Berthoz 23, qui permet d'apprhender la tension musculaire et la vitesse de contraction de chaque muscle stri squelettique (ceci s'appliquant aussi, bien sr, aux six paires de muscles oculomoteurs).

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    - les rcepteurs ostoarticulaires et capsulaires qui analysent l'angle, le jeu et la vitesse angulaire des mouvements.

    - les rcepteurs cutans, qui explorent la tension, la pression et le frottement.

    - les capteurs d'inertie et de gravit labyrinthiques situs dans l'oreille interne.

    Toutes ces informations seront analyses, compares au niveau du systme nerveux central, relays par des circuits courts, rapides, mdullaires.

    "L'esprit n'est pas ce qui descend dans mon corps, mais ce qui en merge".

    Maurice Merleau-Ponty

    Enfin, nous assimilerons le pied lui mme un ensemble de capteurs, seule interface entre nous et le sol de notre plante, ce pied informateur cutan, musculaire, tendineux, articulaire, osseux et, bien sr, effecteur puisque les groupes musculaires qui l'animent interviennent sur le maintien de l'quilibre postural, ds le sol avec une dpense nergtique modeste.

    LES EXTEROCEPTEURS

    Les extroceptions auditives, olfactives et gustatives semblent un peu ngliges dans notre espce pour le dplacement, mme si le reptile explore le monde de la pointe de sa langue et si la survie animale dpend en grande partie de capacits d'audition ou d'olfaction.

    Pour la bipdie, nous nous concentrerons sur le toucher et la vision.

    - Le toucher : la sensibilit tactile reposent sur diffrents types de capteurs qui mesurent la pression, les variations de pression, la sensibilit lie au poil, la chaleur, le froid (thermorcepteurs), et la douleur (nocicepteurs). Ces capteurs se concentrent dans les zones les plus impliques (bouche, main, sexe...) et surtout sur la plante des pieds, qui "sent" le sol o l'on se tient debout. Ces informations seront intgres dans les champs rcepteurs du cortex somato-sensoriel.

    - La vision : citons, une fois encore, Alain Berthoz : je vais o je regarde. Chaque il et ses six muscles oculomoteurs externes, fournit deux types

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    d'informations : la vision et la position de l'il dans l'orbite. La vision est une information rtinienne, exo-entre pure qui apporte deux types d'informations 24 :

    . la vision fovale, permet la reconnaissance des objets et oriente le regard vers des cibles par rapport aux positions de la tte et du corps.

    . la vision priphrique apporte des informations sur la place du sujet dans son environnement 25.

    La perception du mouvement propre (vection) joue un rle essentiel dans l'quilibre dynamique 26.

    Les muscles oculomoteurs externes, au nombre de six par oeil, sont des effecteurs sensitifs car ils deviennent rcepteurs proprioceptifs grce leurs capteurs d'tirement.

    Comme pour tout couple musculaire agoniste/antagoniste, c'est le muscle tir par la commande motrice et non le muscle contract, qui informe du mouvement. C'est donc l'antagoniste qui code le mouvement.

    La notion de distance exploite les deux sources d'informations : cible et convergence plus ou moins marque des globes oculaires.

    LES PROPRIOCEPTEURS MUSCULO-SOUELETTIQUES ET VISCERAUX

    Les rcepteurs de Ruffini et Paccini fournissent des informations capsulaires et ligamentaires sur les angles, les vitesses angulaires et la direction du mouvement d'une articulation (prcision de l'ordre de 8 secondes d'angle).

    Au niveau du tissu conjonctif, des fascias et du prioste, on retrouve des mcanorcepteurs sensibles la pression et aux vibrations, et des terminaisons libres sensitives.

    On retrouve enfin des rcepteurs de gravit dans l'abdomen, au niveau des viscres creux, des reins, du msentre et des gros vaisseaux. 27

    LE SYSTME VESTIBULAIRE ET LABYRINTHIQUE

    II va permettre de mesurer les mouvements de la tte dans un systme de rfrence euclidien, tridimensionnel.

    Ce systme joue un rle prpondrant dans la rgulation du systme postural en permettant la stabilisation de la posture. 28

  • 22

    Le systme vestibulaire est un capteur de force d'inertie (capteur inertiel) qui informe le systme nerveux central des diffrents mouvements de la tte et du corps dans l'espace.

    Cependant, un capteur inertiel ne peut faire de diffrence entre la gravit et une acclration du mme ordre de grandeur. Ce problme peut entraner une confusion entre l'inclinaison de la tte et son acclration, le rle de la vision permet alors de lever cette ambigut. 29

    Les canaux semi-circulaires sont remplis d'endolymphe et munis d'une cupule o sont situs les capteurs cilis qui analysent (par variation de pression et dformation des cils) les dplacements de l'endolymphe en cas de mouvement de la tte. Ces rcepteurs sont sensibles la vitesse angulaire et mme la secousse. Chaque canal a sa propre orientation dans un repre tridimensionnel et n'est sensible qu'aux acclrations angulaires dans son propre plan gomtrique. 30

    On retrouve une relation lective entre l'orientation spatiale de chaque canal et la paire de muscles oculomoteurs qui dplace l'il dans le mme plan et les muscles du cou notamment les petits muscles verniers sous-occipitaux.

    Le second type de capteur du systme vestibulaire est le capteur otolithique, qui est sensible aux acclrations linaires horizontales et verticales (utricules et saccules), notamment sensibles aux positions de la tte par rapport au champ gravitationnel terrestre.

    LE SYSTME MANDUCATEUR

    C'est l'ensemble des organes utiliss pour la prhension alimentaire, la mastication et la dglutition. Ces fonctions sont perturbes localement par la phonation et la ventilation. Ce systme semble intervenir comme un lment parasite du systme postural, car son rle s'observe le plus souvent par les perturbations qu'il provoque du fait de sa connexion avec le trijumeau, les centres oculomoteurs et les centres de commande de la musculature cervicale haute. 31

    LE CAPTEUR PODAL

    Le pied semble en effet lui seul un capteur primaire d'quilibration. Il informe sur la gomtrie de la zone d'appui corporel au sol mais est aussi capable d'analyser la force de raction qui s'exerce ce niveau. 32

    La proprioception du pied occupe environ 80% de la sensibilit du membre infrieur.

  • 23

    Les soles et votes plantaires analysent en permanence les diffrences de pression sous les deux pieds, permettant d'apprhender les irrgularits du sol, afin d'y adapter l'appui en produisant ses propres forces musculaires internes, ce qui permet au centre de pression de s'inscrire dans la surface d'appui.

    Sur le plan dynamique, les informations sont apportes d'une part par les capteurs tendino-musculaires, et de l'autre par les rcepteurs cutans profonds et les corpuscules de Pacini qui rgulent le travail musculaire. 33

    LA RGULATION CENTRALE

    Les influx nerveux provenant des capteurs sensoriels aboutissent des structures corticales et sous-corticales. Leur action d'intgration des informations permet le contrle de l'ensemble des informations du systme postural grce un certain nombre de rflexes. Le contrle de la stabilisation du regard est possible grce au rflexe vestibulo-oculaire ainsi qu'au rflexe visuo-oculomoteur. Les rflexes vestibulo-spinal et vestibulo-oculocervical permettent le contrle global et le maintien de la posture par leur action sur le rflexe myotatique. 16

    L'ensemble des quatre noyaux vestibulaires est une rgion de passage oblige intervenant dans le contrle central, avec des affrences du labyrinthe, des yeux, du systme limbique, du colliculus, du thalamus, des divers noyaux crbelleux et du cortex crbral.

    Le cervelet joue un rle de contrle car il possde des connexions effrentes et affrentes avec les noyaux vestibulaires. 30

    LE MUSCLE STRI : Effecteur et Capteur

    Jean-Pierre Roll nous a indiqu que le muscle est un "effecteur sensitif' qui renseigne, en permanence, le systme nerveux central sur nos mouvements et nos postures. 34

    Le muscle stri contient, en effet, des formations cellulaires : les fuseaux neuro-musculaires, forms de 4 6 fibres musculaires courtes, non contractiles, intra-fusales niches dans une capsule, dont la partie centrale est noye dans un liquide visqueux.

    Les "vraies" fibres musculaires, motrices sont d'ailleurs dites extra-fusales.

    Ces fuseaux neuro-musculaires sont des structures sensorielles, car des terminaisons sensibles innervent la zone quatoriale de ces fibres ; ces fibres remontent vers la moelle par la branche postrieure des nerfs rachidiens, le corps cellulaire de ces

  • 24

    neurones se situant dans les ganglions. Les informations remonteront ensuite jusqu'au cerveau pour rguler la motricit rflexe ou volontaire.

    Les muscles autorisant les gestes les plus prcis sont les plus riches en fuseaux neuro-musculaires, par exemple les muscles du cou, des mains, des pieds ou des yeux.

    Les terminaisons nerveuses situes dans les fuseaux sont sensibles la longueur du muscle qui les contient et la variation de longueur de ce muscle.

    Pour une longueur constante, elles mettent un message sensitif stable, fait d'impulsions lectriques caractristiques de la longueur musculaire : plus le muscle est tir, plus la frquence s'accrot, cette dernire diminue en cas de raccourcissement. Ces variations de frquence fournissent donc une information sur la vitesse d'tirement et sur la longueur effective du muscle lors de la stabilisation du geste.Toutes les informations issues des diffrents groupes musculaires qui mobilisent une articulation, remontent jusqu'au systme nerveux central, qui les analyse, les informations de contraction des muscles agonistes tant "compares" aux donnes d'tirement des muscles antagonistes.

    Les diffrences de frquences fournies par les groupes musculaires opposs permettant d'intgrer les paramtres de trajectoire de l'articulation concerne, ces informations seront ensuite susceptibles d'tre mmorises afin d'entrer dans une stratgie gestuelle ou posturale.

    Jean-Pierre Roll 33 nous affirme donc que cette action perceptive des muscles nous permet de "voir" nos mouvements, c'est le sixime sens d'Alain Berthoz. 23 Tout dernirement, on vient d'identifier un systme de cognition inn chez le nourrisson, qui ds sa premire semaine de vie est capable d'extraire des informations manuelles (donc cutanes et musculaires) sur la forme des objets avec transposition secondaire dans un schma visuel. 37

    LE FUSEAU NEURO-MUSCULAIRE est l'origine du rflexe myotatique, segmentaire et monosynaptique : l'tirement du muscle provoquant une variation de la frquence de l'influx dans les fibres nerveuses Ia, ce qui entrane deux types de rponses :

    - l'une dynamique ; prcoce, rapide, lie la vitesse de l'allongement,

    - l'autre plus lente et rendant compte de l'amplitude de l'allongement.

    Les fibres Ia sont en contact synaptique direct avec le motoneurone , ralisant ainsi l'arc rflexe myotatique, qui permet un contrle de l'excitation destine aux muscles agonistes et de l'inhibition rserve aux muscles antagonistes. 16

  • 25

    L'ORGANE TENDINEUX DE GOLGI est un mcanorcepteur situ en srie (dans les tendons) ou en parallle (sur les aponvroses) sur une partie des fibres musculaires ; il dtecte l'activit contractile de la fibre laquelle il est asservi, c'est un dtecteur de la variation de la force exerce par les units motrices sur leurs attaches tendineuses. Ce systme d'inhibition autogne est cependant plus qu'un simple amortisseur des variations de l'intensit d'une contraction musculaire permettant d'viter un tirement excessif (alors assimil un vritable disjoncteur faisant cder le rflexe myotatique). En effet, cette inhibition, en remontant la moelle par les fibres Ib pour inhiber les motoneurones du groupe musculaire synergique (voie uni, bi ou trisynaptique) va exciter les muscles antagonistes (voie polysynaptique) permettant un contrle prcis du jeu articulaire par la contraction musculaire "surveille". 16

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    LA THORIE DU MOTEUR VERTBRAL 35

    La locomotion est l'activit essentielle des tres vivants suprieurs, la libert physique tant indispensable leur survie et leur reproduction ; elle doit entraner, si possible, une dpense nergtique minime.

    Leur anatomie doit donc permettre une diminution maximale des contraintes de dplacement, dans un champ gravitationnel invariant.

    La solution originale adopte par l'homme pour se mouvoir repose sur un "Moteur Vertbral" oscillant.

    Les membres infrieurs semblent "faciliter" la locomotion sans en tre rellement l'origine (on peut en effet "marcher" sur ses deux genoux flchis voire sur une ou deux prothses mme rudimentaires de membres infrieurs).

    L'lment moteur principal initial de la marche serait donc la musculature rachidienne (celle qui, par ses mouvements de latro-flexion successifs, fait depuis toujours nager les poissons), les membres infrieurs gardant un rle secondaire d'amplification des mouvements du bassin.

    L'alternance de contraction des muscles para rachidiens droits et gauches permet la propulsion des poissons et des serpents. L'acclration et l'amplification de ces mouvements est possible grce un autre couple d'actions : la flexion / extension du rachis qui va se prolonger vers les membres.

    Pour l'homme, la rotation du bassin autour de son axe vertical tire ce dernier vers le bas, ce qui diminue le rendement. Pour rsoudre ce problme, on doit utiliser la force de gravit comme site de stockage nergtique : l'nergie musculaire fournie par le membre infrieur est conserve pendant la phase d'oscillation par la rotation du rachis qui se prolonge jusqu'aux membres suprieurs (alternance du mouvement des bras en phase avec la marche).

    L'nergie est accumule en tordant le rachis par mobilisation du pelvis et des vertbres. Chaque disque intervertbral transforme l'nergie de compression en un couple axial, ce qu'voquait la structure croise obliquement des fibres de collagne du disque, plus adapte la torsion qu' l'amortissement.

    Le disque intervertbral serait donc un accumulateur plus qu'un amortisseur.

    En effet, si ce disque tait un amortisseur pur, le travail d'absorption son niveau dgagerait localement de la chaleur, ce qui "cuirait" nos marathoniens... et entranerait une dpense nergtique totalement inutile.

  • 27

    De plus, l'nergie contenue dans l'impulsion de propulsion des muscles du membre infrieur serait alors perdue, ce qui est peu probable, l'volution "tendant" viter les gaspillages.

    En revanche, si cette impulsion "dforme" le rachis et ses composants lastiques, elle produit une drotation ascendante du rachis qui absorbe progressivement toute l'nergie produite, celle-ci s'annulant en atteignant la jonction rachis cervical / crne, ce qui facilite la stabilisation de la tte.

    On pourrait donc rsumer ce processus en disant que les mouvements du rachis et surtout la rotation axiale drivent l'nergie produite par les muscles extenseurs des hanches, pour l'emmagasiner sous forme d'nergie potentielle dans la rotation rachidienne.

    Si le disque n'tait qu'un amortisseur, on faciliterait sa tche en diminuant l'impulsion (en courant sur de la mousse ou sur du sable sec), mais dans ce cas, l'nergie produite par l'appui se perd sur le sol mou, imposant un relais moteur par les muscles abdominaux et un cot nergtique plus important.

    Les rotations axiales du rachis demandent un volant d'inertie qui puisse s'ajuster rapidement au cours du cycle de la marche. Ce volant d'inertie doit avoir une relation directe avec le rachis pour assurer la drotation des vertbres. Les membres suprieurs prolongeant la ceinture scapulaire sont idalement placs pour cette action.

    La marche impose de faire tourner le pelvis dans son axe horizontal, or les muscles rotateurs du pelvis ne sont pas dans ce plan. La contribution du rachis la locomotion est base sur le mouvement coupl de la colonne vertbrale, qui convertit la flexion latrale en couple axial entranant une rotation du pelvis. Ceci fut dmontr chez les sujets atteints d'agnsie des membres infrieurs qui ne se dplacent que sur leurs ischions.

    Cette hypothse du moteur vertbral fut voque la premire fois par Lowett en 1898. Les modles actuels permettent de vrifier le lien irrductible entre les phnomnes de torsion et de compression du rachis qui sont parties prenantes du principe de la locomotion humaine.

    Classiquement, l'absence de muscles horizontaux pelviens faisait jouer un rle essentiel aux membres infrieurs dans la locomotion bien que leur action ne modifie pas l'orientation du pelvis.

    De plus, en cas de marche grce aux membres postrieurs, la deuxime loi de la thermodynamique favoriserait " l'excs" le dveloppement de ces membres au dtriment des extrmits suprieures. C'tait le cas chez le tyrannosaure chez qui le seul lment propulseur tait les pattes arrires.

  • 28

    Rle de l'interaction rachis / membres infrieurs

    La puissance des extenseurs de hanches est transmise au rachis par deux voies musculo-aponvrotiques grce au grand fessier et aux ischio-jambiers (surtout le biceps femoris) qui contribuent la drotation rachidienne pendant la marche :

    - la voie du biceps femoris (Planches n 1 et 2)

    Ce muscle prolonge son action jusqu'au ligament sacro-tubreux qui enjambe la crte iliaque, se perdant dans les fibres collagnes dans l'aponvrose lombaire des recteurs du rachis, qui elles-mmes donnent naissance du mme ct l'ilio-costalis lumborum et au longissimus lumborum (qui s'insrent sur les apophyses transverses), et au multifidus (qui s'insre sur les pineuses). Du ct oppos les ischio-jambiers se prolongent grce au ligament sacro-tubreux jusqu' l'ilio-costalis thoracis.

    - La voie du grand fessier (Planche n 3)

    Ce muscle (gluteus maximus) est connect l'aponvrose lombaire, soude elle-mme au lattissimus dorsi qui remonte jusqu'au membre suprieur. La contraction du grand fessier entrane une extension du rachis qui verrouille l'articulation sacro-iliaque, grce son insertion sacre et surtout son insertion iliaque, qui prolonge son action vers l'ilio-costalis lumborum et le longissimus lumborum.

    Lors de l'impact pied/sol, l'nergie cintique est rcupre sous la forme d'une impulsion qui remonte le long du membre infrieur. Cette impulsion est adapte la nature du sol porteur par les filtres que sont cheville, genou, hanche. L'nergie remonte par le membre infrieur va alors tre distribue, entranant une rotation des diffrents tages du rachis, au niveau des disques intervertbraux.

    Le dvissage du rachis lombaire

    Juste avant l'impact du pied droit, le rachis est flchi droite et les apophyses pineuses tournent dans le sens inverse des aiguilles d'une montre (vue de dessus). Immdiatement aprs l'impact, le pelvis continue de s'incliner tout en absorbant l'impulsion compressive qui remonte la jambe. L'ilium droit s'affaisse rapidement. L'aponvrose lombaire trs rigide applique alors une force vers la gauche et le bas, qui renforce l'extension et la drotation. Le fait que l'pine iliaque postro-suprieure soit trs en arrire des apophyses pineuses de L5 et de L4 augmente cet effet.

    Aprs l'impact, l'ilio-costalis et le longissimus lumborum, via l'aponvrose lombaire obligent le rachis se dvisser. La force applique l'apophyse transverse gnre donc un couple contraire (sens trigonomtrique).

  • 29

    Au mme moment, la partie gauche du lattissimus dorsi se contracte, ce qui rapproche l'humrus des pineuses, l'inertie des extrmits suprieures bien dveloppes permet l'application d'une force suffisante pour crer cet effet. La partie gauche de l'aponvrose lombaire est dtendue car le pelvis commence tout juste s'affaisser, ce qui augmente l'efficacit du mcanisme. Le rachis vrill est plac en extension au moment o les facettes sont engages, c'est ce moment que l'impulsion comprime le disque, appliquant les facettes des vertbres adjacentes l'une contre l'autre. Les facettes acclrent le processus de dvrillage.

    Quand le pelvis reprend sa position horizontale, le rachis se redresse. La contribution des facettes au dvrillage s'arrte alors que la contrainte discale augmente du fait de sa rigidit viscolastique. Le couple rotateur du rachis est ainsi gnr alternativement par les facettes et le disque.

    Au niveau du rachis cervical, on retrouve un processus similaire mais inverse par rapport au rachis lombaire.

    Aprs l'impact du pied droit, l'paule droite continue descendre et une tension est exerce sur les apophyses pineuses, ce qui induit une rotation axiale qui redresse le rachis cervical.

    Alors que dans la zone lombaire une rotation horaire induisait un redressement, dans la zone cervicale, c'est une rotation anti-horaire qui a le mme effet. Cette inversion est indispensable, car quand le pied frappe le sol, le pelvis et les paules ont un mouvement contraire.

    L'effet stabilisateur du mouvement inverse coupl des deux ceintures a pour but de ramener le mouvement de la tte un minimum, quel que soit le mouvement des paules.

    Au total, la marche serait donc possible grce la transformation squentielle de l'nergie libre par les extenseurs de la hanche. Cette transformation exige la prsence d'un champ gravitationnel constant pour permettre la rotation axiale horizontale du pelvis.

    Cette transformation d'nergie et l'efficacit nergtique de la marche sont facilites par la prsence d'extrmits suprieures bien dveloppes.

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    BIOMCANIQUE ARTICULAIRE DES MEMBRES INFRIEURS 12

    1 - Le Pelvis et l'Ensemble Sacro-Coccygien

    Le sacrum et le coccyx sont les parties fixes du rachis. Le sacrum est le socle sur lequel repose la colonne. Il assure la transmission des efforts l'anneau pelvien et aux membres infrieurs. Le poids du corps est transmis aux deux os coxaux par les articulations sacro-iliaques et aux deux membres infrieurs par les coxo-fmorales. La force de raction du sol remonte en sens inverse par les cols fmoraux et les sacro-iliaques. Une partie de la raction du sol est amortie par la symphyse pubienne.

    L'articulation sacro-iliaque, diarthrose, assure une excellente cohsion avec une trs faible amplitude de mouvement.

    La charnire lombo-sacre impose des contraintes mcaniques de glissement car sa surface d'appui est oblique en bas et en avant (32) imposant un amarrage ligamentaire puissant. Les articulations sacro-iliaques permettent deux types de mouvements :

    - la nutation sacre : le promontoire descend en avant et la pointe sacre remonte en arrire.

    - la contre-nutation ralisant le mouvement inverse

    - plus rcemment, on a dcrit deux axes de rotation diffrents dans cette articulation, permettant une rotation limite des surfaces sacre et coxale mais aussi des petits mouvements de dcoaptation et de translation (Lavignole).

    2 - L'articulation Coxo-Fmorale

    Articulation proximale du membre infrieur, elle le mobilise dans tous les plans de l'espace, permettant, grce au dcentrement induit par le col fmoral, l'orientation du pas.

    Elle permet la station verticale grce un puissant systme musculo-ligamentaire. C'est une articulation sphrode entre le fmur et la clef de vote du cotyle (runion ilio-ischio-pubienne). Le systme moteur li la coxo-fmorale comprend :

    - les flchisseurs (psoas, iliaque, droit antrieur, sartorius, tenseur du fascia lata)

    - les extenseurs (grand fessier, ischio-jambiers : biceps fmoral, demi-tendineux, demi-membraneux)

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    - les abducteurs (moyen et petits fessiers)

    - les adducteurs (long et grand adducteurs, gracilis et pectine)

    - les rotateurs : . latraux (piriforme, obturateur interne, jumeaux suprieur et infrieur, carr fmoral, obturateur externe)

    . mdiaux (petit fessier et adducteurs)

    3 - Le Genou et l'Appareil Extenseur

    Articulation double (fmoro-tibiale et fmoro-patellaire) elle assure le passage du pas en raccourcissant le membre infrieur et s'adapte la marche en terrain accident.

    Le compartiment mdial est trs stable grce un condyle fmoral troit log dans une cavit tibiale concave maintenue par un mnisque interne trs fix.

    Le compartiment latral, avec son condyle large, sa cavit tibiale convexe et son mnisque lche, est plus mobile.

    Le systme moteur du genou repose sur :

    - en avant : le quadriceps

    - latralement : le tenseur du fascia lata, le biceps fmoral

    - mdialement : la patte d'oie, tri-axe runissant le sartorius, le gracilis et le demi-tendineux

    - en arrire : demi-membraneux avec son tendon rcurent, poplit et gastrocnmien.

    4 - La Cheville

    L'articulation tibio-fibulo-talaire est une trochlarthrose, qui, grce la dissociation des deux flasques de la mortaise, ralise une pince serrage lastique.

    5 - Le Pied

    L'articulation sub-talaire est une double trochode inverse unissant le talus au calcanum qui permet la marche en terrain accident.

    Le calcanum "roule, vire et tangue" sous l'astragale selon la dfinition de Farabeuf.

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    Rouler = aller d'un bord l'autre

    Virer = tourner horizontalement droite ou gauche

    Tanguer = effectuer un mouvement d'avant en arrire

    La notion clinique fondamentale est la double divergence talo-calcanenne :

    - dans le plan sagittal, le talus regarde en bas, le calcanum en haut ;

    - dans le plan horizontal, le talus regarde en avant et en dedans, le calcanum regarde en avant et en dehors.

    L'astragale est solidaire de la pince tibio-fibulaire distale et s'articule avec le bloc calcano-pdieux.

    L'articulation mdio-tarsienne de Chopart, runit le calcanum et le cubode, l'astragale et l'os naviculaire, elle est fonctionnellement dpendante de la sous-astragalienne.

    La talo-naviculaire est une narthrose avec trois axes de mouvement et trois degrs de libert.

    La calcano-cubodienne est un embotement rciproque, autorisant des mouvements de glissement.

    L'articulation de Lisfranc est dispose entre les cuniformes, le cubode et la tte des mtatarsiens ralisant deux mortaises : l'intercunenne et l'intermtatarsienne.

    Le deuxime mtatarsien s'embote tel un tenon entre les deux premiers cuniformes et le troisime mtatarsien est verrouill autour du troisime cuniforme.

    Cette articulation rgle le jeu de la palette des mtatarsiens autour de l'axe que constitue l'ensemble des trois mtatarsiens mdians, le premier et le cinquime mtatarsiens pouvant tre mobiliss dans le plan vertical.

    Le pied est l'organe de transmission des pressions au sol et l'organe de rception des forces de raction du sol.

    Ce systme podal constitue un trpied (M1, M5 et calcanum) qui se prolonge en haut par l'astragale.

    Les forces d'appui partent du calcanum selon deux axes :

    - l'axe externe, stable, calcano-dpendant comprenant : calcanum, cubode, quatrime et cinquime mtatarsiens ;

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    - l'axe interne, mobile talo-dpendant constitu par : talus, os naviculaire, trois cuniformes et trois premiers mtatarsiens.

    La cl de vote osseuse du pied est renforce par la "ferme" : deux arbaltriers solidariss entre eux (les muscles flchisseurs plantaires) et dpendant du systme musculo-aponvrotique du triceps sural dont ils prolongent l'action. C'est le systme achilo-plantaire de dynamisation du pied.

    La palette mtaphysaire permet l'adaptabilit au sol grce des mouvements actifs d'cartement ou de rapprochement du gros orteil par rapport l'axe du pied passant par le deuxime rayon (rle de l'adducteur transverse du I).

    L'arche externe est stabilise par l'abducteur du cinquime orteil.

    La divergence des pressions talo-calcanenne est compense par un lment dynamique : le long flchisseur du I (qui passe sous le sustentaculum tali) dont la contraction lors de l'rection du gros orteil (lors de l'attaque du pas) compense la bascule et ramne le calcanum dans l'axe.

    Il y a donc une rpartition galitaire des pressions entre les deux arbaltriers, base de la stabilit des deux pieds au sol.

    CONCLUSION

    Depuis que Darwin nous a rattachs la grande famille des primates, de nombreuses corrlations ont t retrouves entre l'volution des espces au fil du temps et la croissance du bipde humain.

    Christine Berge (CNRS) 36, nous a montr que l'on retrouve dans notre espce une transformation du bassin qui le rend de plus en plus adquat la bipdie (bien que cela provoque des difficults obsttricales croissantes).

    Les os du bassin du ftus humain sont plats (tout comme ceux du chimpanz ou du gorille, nos "frres" en phylogense) ; en grandissant, le bassin du petit d'homme s'incurve, facilitant l'orthostatisme et la marche. L'australopithque avait un bassin peu incurv et une marche hsitante, Homo Erectus et Nandertalis ont acquis une bipdie de plus en plus proche de la ntre.

    Homo Sapiens, au cours de son embryogense et de son ontogense (croissance) nous rvle, au niveau de son bassin, une forme simienne chez le ftus, une allure d'australopithque la naissance, puis une anatomie de plus en plus humaine

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    jusqu' sept-huit ans, ge o sa croissance n'est pas encore termine.

    L'embryon humain et le bb d'aujourd'hui repassent par les diffrents stades de l'adaptation la bipdie.

    La croissance prolonge dans notre espce, peu prs jusqu' vingt ans, nous a permis d'avoir de longues jambes particulirement adaptes la marche et la course (la croissance des primates suprieurs actuels tout comme celle d'australopithque s'arrtant vers dix-douze ans).

    La phylogense (l'volution) semble donc laisser sa trace dans l'embryogense et dans l'ontogense de l'tre humain : on voit en effet l'embryon humain passer par tous les stades de l'organisation de complexit croissante des tre vivants, pendant sa vie in utero : de l'unicellulaire au poisson, de l'amphibien au reptile, du mammifre au primate, et du primate l'homme.

    Pendant leur premire anne de vie, nos enfants passent donc d'une position couche une position debout, alors que les annes suivantes les adapteront la course

    Cette adaptation la bipdie intgrale rsumant ainsi, du premier trimestre de grossesse jusqu' leurs vingt ans, le processus volutif de notre mode de locomotion...

    Merci de m'avoir accompagn, quelques instants pour cette promenade, cette balade, cette randonne parfois un peu buissonnire sur les chemins de la bipdie ...

    Nangis, le 11 juin 2003

    G. H.

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    BIBLIOGRAPHIE

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    11 - Yves Coppens et Pascal Picq : Aux origines de l'humanit, Fayard, 2001

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    16 - Daniel Richard et Didier Orsal : Neurophysiologie, Dunot, 2001

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    32 - Paul Bessou: DIU Posturologie clinique, Toulouse 2003

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    37 - A. Streri et E. Gentaz, in Somatosensory and motor research, 2003

    Les planches anatomiques ont t inspires des dessins de B. D. Cummings, que l'on peut admirer dans les livres de Janet G. Travell et David G. Simons : Douleurs et troubles fonctionnels myofasciaux. Edition Haug, 1983.

    L'Homme qui Marche, d'Alberto Giacometti, est visible Saint-Paul de Vence (Fondation Maeght).

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