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Les Échos de Saint-Maurice Nouvelles de l’Abbaye Numéro 9 • Juin 2004

L É S -M ’A · 2020. 2. 28. · Guy Luisier 34. Allocution de M. Pierre-François Mettan 37. Escales Maurice Chappaz 44. A propos de l’Évangile selon Judas Guy Luisier 46. De

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Les Échos de Saint-MauriceNouvelles de l’Abbaye

Numéro 9 • Juin 2004

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Comité de rédactionChanoinesOlivier RoduitJean-Bernard Simon-VermotM. Michel Galliker

ExpéditionFrère Serge Frésard

AdministrationChanoine Jean-Paul Amoos

AbonnementsA votre bon cœur !

CCP 19-192-7Échos de Saint-Maurice

ImpressionRhôneGraphic SA Saint-Maurice

Toute correspondance relativeaux Échos doit être adressée à :Les Échos de Saint-MauriceAbbaye Case postale 34CH-1890 Saint-Maurice

CouvertureDans le hall du Collège pendantune pause.

Crédit photographiqueC. Bornand: 30. C. Chanez: 15. Y. Escher: 2.Y. Fournier: 28, 29. J. Rochel: 46, 47.O. Roduit: couv., 1, 3, 4, 6, 7, 9, 13, 16, 20,26, 55. S. Rouiller: 48, 49, 50. LDD: 10, 23,24. A. Schafer: 21, 27, 30, 32, 34, 42, 51, 52.

Les Échos de Saint-MauriceNouvelles de l’Abbaye

Revue éditée parl’Abbaye de Saint-Maurice99e année.Quatrième sérieNuméro 9. Juin 2004

Sommaire1. Soyons européens!

Mgr Joseph Roduit3. Chronique de l’Abbaye

Jean-Bernard Simon-Vermot16. Un nouveau chanoine honoraire18. Colloque Saint Maurice19. La Passion anonyme de S. Maurice

Eric Chavalley23. La mission du Sikkim, suite et… pas fin

Danièle Montangero24. Qu’est-ce que le Forum 4 5 6 ?

Dominique Studer26. Chronique du Collège

Michel Galliker39. Journée Blaise Cendrars

Pierre-François Mettan40. Le Collège rend témoignage à

Maurice ChappazMichel Galliker

31. Inauguration de la Salle Maurice ChappazMot d’accueil de M. le Recteur

Guy Luisier34. Allocution de M. Pierre-François Mettan37. Escales

Maurice Chappaz44. A propos de l’Évangile selon Judas

Guy Luisier46. De Saint-Pétersbourg à Pékin

Johan Rochel48. Le Miracle de Théophile

Théo Fyle51. Le gala des étudiants

Jérôme Favre52. Des poèmes pour la paix

H. Kechavarz, I. Ferraz, R. Delieutraz54. Chronique des Anciens56. Travaux et générosités

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ABBAYE DE SAINT-MAURICEAvenue d’Agaune 15Case postale 34CH-1890 Saint-Maurice

Tél.: [0041] (0)24 486 04 04Fax: [0041] (0)24 486 04 05Site internet: www.stmaurice.chE-mail: [email protected]

PORTERIE DE L’ABBAYE

La Porterie de l’Abbaye est ouverte tousles jours de 7h30 à 12h00,de 13h00 à 19h00 et de 19h45 à 21h00

MESSES ET OFFICES

Dimanche7h00 Messe8h30 Office du matin (Laudes)9h00 Messe conventuelle11h30 Office des Lectures18h00 Office du soir (Vêpres)19h15 Office des Complies19h30 Messe

En semaine6h30 Office du matin (Laudes)11h30 Office des Lectures18h05 Messe conventuelle et vêpres20h15 Office des Complies(Samedi: messe à 11h00)

Jours de fêteMesse pontificale à 10h00Fête-Dieu et Saint Maurice: messe à 9h30le reste comme le dimanche

TRÉSORET FOUILLES ARCHÉOLOGIQUES

Horaire des visites:

Janvier, février, mars, avril (jusqu’à Pâques):15h00.Après Pâques, avril, mai, juin:10h30, 15h00, 16h30.Juillet, août 2004: ouvert en continu (visites li-bres) 9h30-12h00, 14h00-18h00, visites guidéesà 10h30, 14h00, 15h15, 16h30.Septembre, octobre: 10h30, 15h00, 16h30.Novembre, décembre: 15h00.

Dimanches et des jours de fête: fermé le matinLundi: fermé toute la journée

Groupes : uniquement sur entente préalable,par écrit à l’adresse suivante:Chancellerie de l’AbbayeCase postale 124CH-1890 Saint-MauriceTél. [0041] (0)24 486 04 10ou par Fax: [0041] (0)24 486 04 05

Tarifs:Adultes CHF 6.- (4 euros)Enfants CHF 3.- (2 euros)Réduction pour les groupes.Conditions particulières pour les pèlerins.

PÈLERINAGES

Organisation et accueil:Chanoine Gaby Stucky, SacristeTél.: [0041] (0)24 486 04 04 ou 486 04 10Fax: [0041] (0)24 486 04 05

LES ÉCHOS DE SAINT-MAURICE. NOUVELLES DE L’ABBAYE

Revue éditée par l’Abbaye de Saint-Maurice à l’intention de ses amis

Faites connaître… Abonnez-vous… C’est gratuit!

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Les Échos de Saint-Maurice, Case postale 34, 1890 Saint-Maurice

Vous pouvez aider la Missionen envoyant vos timbres-poste à

Frère Serge Frésard, Case postale 34,CH-1890 Saint-Maurice

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ABBAYE DES CHANOINES RÉGULIERS DE SAINT-MAURICE

CASE POSTALE 34CH-1890 SAINT-MAURICE

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1LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

SOYONS EUROPÉENS !

A l’heure où l’Europe s’agrandit con-sidérablement vers l’Est, à l’heure où laFrance et l’Allemagne s’embrassent sur lesplages de Normandie il est bon de rappelerqu’il y a d’autres manières de vivre quel’«American way of life».

Même si l’Europe n’ose pas affirmerles valeurs chrétiennes dans ses textes, nousavons à rappeler davantage que nos raci-nes sont judéo-chrétiennes. La chute ducommunisme a permis aux chrétiens or-thodoxes de retrouver les leurs et leurs égli-ses s’emplissent à nouveau. Trois évènementssuccessifs me renforcent dans ces idées.

La Via Francigena

Invité à parler à Rome, le 19 mai der-nier, devant 300 personnes impliquées dansla réhabilitation de la Via Francigena, j’aiété frappé de la teneur des discours. Disonstout d’abord que cette Voie des Francs al-lait, dès le 9e siècle, de Canterbury à Rome. Si on n’en a pas retrouvé partout la trace,on veut lui redonner un parcours pédestre à l’écart des grandes routes pour permettreun cheminement intérieur personnel, comme le passage dans des lieux historiques etculturels intéressants. Une vingtaine d’orateurs se sont succédés au micro: surtout lessyndics des villes italiennes concernées, tout comme des agents du tourisme ou encore lemaire de Canterbury. Tous ont relevé la nécessité de faire connaître à nos contempo-rains, et à nos jeunes surtout, les signes d’un passé culturel et religieux impressionnant.

La procession dansante d’Echternach

A trente kilomètres de Luxembourg, la cité d’Echternach vit chaque année, lemardi de la Pentecôte, une tradition plusieurs fois centenaire d’une procession dan-sante. Quelque 12’000 pèlerins y ont participé cette année. Emmenés par deux cardi-naux, une vingtaine d’évêques et abbés de monastères et une centaine de prêtres, des

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2 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

Lors de la sa rencontre avec les jeunes de Suisse à Berne le 5 juin dernier,le pape Jean Paul II a reçu un accueil enthousiaste.

chrétiens de tous âges entraînés par 43 corps de musique ont dansé et prié dans les rues.Le Luxembourg accueillait ce jour-là des catholiques hollandais, belges, allemands etfrançais. On sentait vibrer l’âme de l’Europe profonde.

La rencontre des jeunes avec le pape à Berne

Après avoir été détractée, la visite du pape à Berne a suscité l’étonnement, voire lalouange de la plupart des journaux, des radios et des télévisions du pays. Comment unhomme fatigué et presqu’inaudible peut-il encore mobiliser des foules et surtout desjeunes? La simple présence de ce pape venu d’Europe orientale à travers le rideau de ferqu’il a contribué à faire tomber est déjà tout un symbole. De plus, dans une Europe àl’apostasie silencieuse, il ose dire aux jeunes la nécessité de l’intériorité et de l’approfon-dissement de la foi. Il ose aussi montrer les exigences de l’Évangile et même s’ils ont biende la peine à les vivre, les jeunes vibrent à cet appel aux efforts personnels. Nos jeunessont prêts à se lever pour défendre des valeurs chrétiennes. C’est à nous les adultes à nouslaisser interpeller et à les aider sur les chemins parfois bien escarpés du 21e siècle.

+ Joseph Roduit, Abbé de Saint-Maurice

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3LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

La route des justes est comme la lu-mière de l’aube, dont l’éclat grandit jus-qu’au plein jour. (Prov. 4,18)

1. Dans l’élan spirituel de l’année li-turgique

Jetons un regard sur le dernier se-mestre écoulé, de la Toussaint à Pâques.Il couvre en gros toute l’année liturgi-que dans ce qu’elle a de plus significa-tif: Noël préparé par l’Avent, puis leCarême culminant avec la SemaineSainte et Pâques. Tout le mystère chré-tien est là, et la liturgie nous le fait vivreen son mouvement progressif: faisantnôtre son élan dynamique, nous com-prenons que notre vie doit être unemontée continue, à l’imagedu Verbe incarné qui, néfrêle enfant à Bethléem,s’est offert au Père jusqu’ausacrifice suprême, ayant«aimé les siens jusqu’aubout». Voilà ce que peuventnous suggérer les six moisque cette chronique passeen revue, si nous savons leslire à une certaine profon-deur.

Et la Toussaint? Cettefête est plutôt un prélimi-naire… à moins qu’on nevoie en elle le rappel du cy-cle liturgique précédent,

CHRONIQUE DE L’ABBAYE

comme la moisson mûrie par l’Espritau long des âges, ces saints que l’on acélébrés depuis la Pentecôte, parmi les-quels il faut bien sûr aussi compter noschers disparus.

Mais venons-en aux faits tout sim-ples et prosaïques: tout au long de l’été,les ouvriers avaient mené les travaux deréfection de l’aile centrale de l’abbaye àbonne fin et il ne restait plus que l’amé-nagement de l’ancienne bibliothèque:celle-ci change de visage au cours de cesderniers mois et devient peu à peu lasalle capitulaire longtemps souhaitée.Des livres anciens, tous antérieurs à1850, au nombre d’environ 6500, sontinstallés dans des armoires latérales; leurton bleu violacé étonne d’abord quel

Il a fallu en tout près de 500 heures de travail pourdépoussiérer et nettoyer nos 6’500 livres anciens.

Mme Shazar, restauratrice, a supervisé ces travaux.

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Nos bibliothécaires ont trié les livres anciens en respec-tant le classement d’un ancien catalogue de 1860.

que peu, mais lorsque le mobilier clairsera mis en place, le tout sera d’un beleffet. Une salle capitulaire, c’est un lieudestiné essentiellement à la commu-nauté; cependant, exceptionnellementelle sera ouverte au public, avec l’auto-risation expresse du Père-Abbé et pourdes réunions de caractère religieux.

En cette fin d’automne, les activi-tés scolaires au collège vont bon train.Au début de novembre, on organisepour les étudiants des visites de l’abbaye:par groupes de classe, ils parcourent lescouloirs, la basilique, le cloître, le tré-sor, le Martolet. Quant aux anciens élè-ves, leur rencontre annuelle a lieu le sa-medi 8 novembre; le thème de la con-férence donnée au Théâtre du Martoletpar le Père Jean-Bernard Livio, S.J., estd’un intérêt très actuel: La Terre promiseavant et après Jésus-Christ (lire p. 54).

Reprenons le fil de l’année liturgi-que. Le dimanche 30 novembre, nousentrons dans l’Avent. C’est une aurorequi, évoquant les lointaines préparationsdu Messie, nous fait communier à l’at-

tente de tous les peuples. C’estdonc bien à propos que notrehôte arrivé la veille, Mgr Geor-ges Kwaiter, archevêque grec-catholique de Saïda, au Liban,nous sensibilise dans l’homéliede la messe qu’il préside auxproblèmes du Proche-Orient etdes peuples éprouvés par lessuites de la guerre.

Le 8 décembre, la fête del’Immaculée-Conception nousinvite à nous préparer à Noëldans un climat marial d’intério-rité. A mesure que les célébra-tions si belles et expressives de

l’Avent se déroulent, l’attente de l’Em-manuel se fait plus vive. La lumièrecroissante des quatre cierges alluméssuccessivement symbolise cette progres-sion. Nous aimons ces antiennes quiémaillent les offices: «Préparez les che-mins du Seigneur, aplanissez la route»,«Dieu vient nous sauver, et la terre est rem-plie de sa gloire». Et l’attente s’approfon-dit à la faveur d’une récollection spiri-tuelle animée par un frère capucin deSaint-Maurice, Marcel Dürrer, qui nousmontre que plus le Christ vit en nous,plus nous sommes capables de «vivre enfrères».

En décembre, deux concerts à labasilique nous donnent déjà un avant-goût de Noël: le 14, troisième diman-che de l’Avent, l’orchestre du collège,sous la baguette de son nouveau direc-teur M. Ernst Schelle interprète avecbrio des cantates de Schubert et des mé-lodies de Schumann. Quelques joursplus tard, mercredi, c’est la fanfare mu-nicipale L’Agaunoise qui harmonise sesproductions avec des chants de Noël,

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5LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

anglais pour la plupart, donnés par deschœurs d’enfants et des solistes. On estdéjà un peu dans l’ambiance de la fête,d’autant plus que le surlendemain lesétudiants, avant de rentrer dans leurs fa-milles, ont «leur» messe de Noël enl’église Saint-Sigismond: ils s’y rendenten grand nombre, huit garçons serventà l’autel, un chœur de filles apporte parses chants une note de joie et leur aumô-nier Yannick-Marie Escher sait leur par-ler, dans son langage direct et moderne,de l’amitié avec le Christ «qui doit naî-tre dans notre cœur», et des échangesavec les autres. Après une dernièreaubade de la fanfare du collège venuedans nos murs nous apporter une notechaleureuse, c’est le calme des mini-va-cances hivernales et la préparation im-médiate à Noël: sur les parois du rez-de-chaussée, à chacun des sept derniers

jours de l’Avent apparaît le texte desantiennes dites «les grandes O», tandisqu’Aurélien, fidèle à sa tâche de novice,monte une crèche à l’église: nouvel en-cadrement toujours apprécié des mêmespersonnages si beaux dans leur paisiblecontemplation de l’Enfant-Dieu, Ma-rie, Joseph, les bergers (n’oublions pasl’âne et le bœuf qui guignent par-der-rière), et plus tard les rois.

2. Vie culturelle

Mais avant de parler de Noël, re-venons en arrière pour donner un échode quelques manifestations musicalesrécentes. A l’occasion du 40e anniver-saire de sa fondation, l’Ensemble Vocalde Saint-Maurice a présenté à la basili-que, le samedi 15 novembre et le len-demain dimanche, un grand Oratorio:«Le Procès de Maurice». Cette œuvremagistrale, composée par le musicienFrançois-Xavier Delacoste sur un textede l’abbé Philippe Baud et jouée sous ladirection de Pascal Crittin est consacréeà la mémoire de saint Maurice et de sescompagnons. Ce n’est ni une reconsti-tution historique de leur martyre, ni undrame religieux à la manière de la«Passion des martyrs» représentée àVérolliez, mais plutôt une actualisationde leur témoignage: il prend toute sasignification de nos jours où tantd’hommes et de femmes souffrent pourleur foi, ou pour la justice et la frater-nité dont ils se veulent les garants. Lalutte dramatique entre l’esprit évangé-lique qui porte à «donner sa vie pourceux qu’on aime» et l’esprit du mondeattaché aux seules valeurs terrestres, yressort avec une poignante vigueur. Cetantagonisme est représenté sous la forme

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La traditionnelle crèche de la Basilique.

d’un procès imaginaire à la fin destemps. Il se déroule en cinq mouve-ments, dans un crescendo souvent pa-thétique qui s’achève dans la joie pas-cale et l’exaltation des martyrs.

Une belle œuvre pour fêter le ju-bilé de l’Ensemble Vocal, fondé parnotre confrère Marius Pasquier en 1963,qui a mis tout son cœur et sa compé-tence musicale pour le diriger jusqu’en1996, remplacé depuis par PascalCrittin. La fidélité dévouée et l’enthou-siasme des nombreux choristes ont per-mis une évolution continue de cechœur: après avoir débuté par l’anima-tion des messes radiodiffusées qui resteson premier rôle, il s’est ouvert peu àpeu aux concerts classiques puis moder-nes donnés non seulement à Saint-Mau-

rice, mais encore en d’autres lieux deSuisse romande et de France. Nous luidevons beaucoup de reconnaissancepour avoir maintenu et développé l’hé-ritage culturel et religieux d’Agaune.

Au printemps suivant, le 13 mars,le Chœur-Mixte de Saint-Maurice aprésenté pour sa soirée annuelle un con-cert spirituel à l’église Saint-Sigismond,«La Noël du printemps»: des pièces trèsvariées et d’une grande beauté d’exécu-tion, toutes dédiées à la Vierge Marie.

Le 28 mars, pour le concert de laPassion, les responsables ont fait appelà l’orchestre symphonique du conser-vatoire de Prague, un conservatoire cé-lèbre qui joue depuis deux siècles un rôleimportant dans la culture tchèque. Avecle concours du Chœur Novantiqua de

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7LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

Photo historique: le jour des vœux, Mgr Joseph Roduit est entouré de cinq présidentsagaunois. De gauche à droite, M. Laurent Rimet, président de la Noble bourgeoisie,

M. Jean-Jacques Rey-Bellet, président du Conseil d’Etat du Valais, M. Georges-AlbertBarman, président de la ville, M. Jean-Paul Duroux, président du Grand Conseil

du Valais, M. Alexandre Délez, président du Conseil général de la Ville.

Sion et de l’Ensemble Vocal de Saint-Maurice, ces musiciens ont interprété,sous la direction de Miriam Nemcova,le Stabat Mater d’Antonin Dvorak. Unorchestre, 70 chanteurs et des solistes,c’était à la mesure de cette œuvre trèsample du compositeur tchèque, adap-tation originale de la séquence grégo-rienne bien connue.

La vie musicale, on le voit, gardetout son dynamisme à Saint-Maurice,et il faudrait encore mentionner les deuxconcerts de décembre dont on a déjàparlé plus haut.

3. Le repos de Noël et de Nouvel An

La veille de la Nativité, l’office desVigiles introduit la messe radiodiffuséede minuit, une messe de Gounod chan-tée par le Grand Chœur de la Basiliqueet suivie du réveillon coutumier. Et c’est

la joie de Noël, que beaucoup de con-frères vont porter tout alentour par leurministère dans des paroisses proches ouplus lointaines. Joie festive qui se pro-longe toute la semaine.

Puis le passage à la nouvelle année2004 est marqué par une veillée deprière qui suit les Vigiles de la fête SainteMarie Mère de Dieu; le lendemain 1er

janvier, à la messe pontificale de 10h00,Mgr Joseph Roduit présente ses vœuxaux autorités civiles, et à la sortie toutle clergé souhaite la bonne année à lafoule des fidèles. Au repas de midi, se-lon la tradition, le Prieur exprime auPère-Abbé les vœux de toute la com-munauté, il le remercie de jeter sur no-tre vie un regard positif, cherchant àencourager les initiatives de chacun.Pour illustrer son propos, il exhibe undessin humoristique qui nous amuse

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8 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

beaucoup: un visage triste, amer et cour-roucé devient… simplement lorsqu’onle retourne, amène, souriant, jovial! Sou-venons-nous en aux heures sombres!

Le jour suivant, la communauté aucomplet, confrères des paroisses et del’intérieur, se retrouve pour la «journéedes vœux». Comme il se doit, les échan-ges des vœux se font également avec lesautorités civiles du canton: nous ac-cueillons les Conseillers communaux etbourgeoisiaux de Saint-Maurice le sa-medi 3, et un peu plus tard le Conseild’État: deux rencontres qui attestent desrelations cordiales existant entre cesautorités et notre monastère. Pour ce quiest de la ville, ces liens se traduisent en-core à l’occasion d’un voyage à l’abbayede Conques entrepris par des déléguésde la commune et notre confrère Mi-chel-Ambroise Rey, chargé de la pasto-rale du tourisme. Cette visite les a tousconvaincus que notre trésor des reliquesest un bien patrimonial abbatial, maisen même temps agaunois, et qu’il estsouhaitable de lui assurer un plus grandrayonnement tant pour le développe-ment touristique de la ville qu’en vued’apporter un message religieux aux vi-siteurs et pèlerins. La ville de Saint-Maurice est partie prenante de cet ef-fort d’amélioration que l’on prévoit defaire ensemble. Pour le moment, se-condé par quelques collaborateurs, no-tre sacriste Gabriel Stucky continue àse dépenser généreusement, malgréquelques accrocs de santé, pour ac-cueillir ceux qu’attirent ces lieux mar-qués par une tradition de quinze siècles— encore qu’à cette saison, ce ne soitpas l’affluence de l’été!

4. Une vie communautaire qui se cons-truit pas à pas

Après les fêtes de Noël, de NouvelAn et de l’Épiphanie, fêtes toutes enro-bées de la lumière de l’Emmanuel, aprèsl’intermède reposant et festif qui les suit,la vie habituelle, avec sa grisaille plusrarement coupée de moments plussaillants, reprend en janvier, avec toutde même l’élan reçu par la grâce de cestemps forts liturgiques. Une petite di-zaine de confrères enseignent au collège,des maîtres laïcs complètent le corpsprofessoral, une centaine de personnesen tout. Plusieurs confrères s’investis-sent généreusement dans des retraitesd’étudiants, à l’hospice du Simplon, àl’abbaye d’Hauterive, dans des monas-tères de France ainsi qu’au chalet desGiettes. Tout cela se fait dans le cadrede l’aumônerie, qui connaît une grandevitalité.

Quant à la direction du collège, elleest assurée par l’Abbaye, avec l’équipedu recteur Guy Luisier, du pro-recteurJean-Paul Amoos et de l’administrateurFranco Bernasconi (qui est aussi procu-reur). Cette équipe se voit malheureu-sement secouée depuis quelques moispar la maladie de Jean-Paul Amoos, gra-vement atteint dans sa santé. Opéré àMartigny, il subit ensuite un long trai-tement de chimiothérapie à l’hôpital deGenève, traitement qui s’avère d’autantplus efficace que le moral de notre cherconfrère est au beau fixe. Il reste qu’ildoit être remplacé comme pro-recteur:Alexandre Ineichen est désigné, ce quiprive l’Internat de l’un de ses deux pré-fets. Antoine Salina tient bon, et il estmaintenant secondé à titre d’essai par

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Groupe de réflexion lors d’une retraite au Simplon.

un jeune universitaire, ancien élève, Da-vid Ramel.

On le voit, comme beaucoupd’autres communautés, la nôtre connaîtun vieillissement certain (moyenned’âge en janvier 2004: 65 ans), les for-

ces jeunes se raréfient, elles ne rempla-cent que trop lentement celles qui sen-tent le poids de l’âge, d’autant plus quedeux jeunes, Jean-Baptiste Farquet, puisSébastien Bauer, comprenant que leurvoie n’est pas ici, nous ont quittés toutrécemment… Nous souhaitons que leSeigneur les éclaire, leur fasse trouver lechemin où ils s’épanouiront. Les aînéspourtant, en dépit de l’âge ne sont pasinactifs et tiennent vaillamment leurposte; on peut dire de beaucoup, selonl’expression du psaume: «vieillissant, il

fructifie encore, il garde sa sève et sa ver-deur» (Ps. 91,15). Dieu soit loué! Il estvrai qu’il faut toujours s’attendre à lamaladie ou l’infirmité, plus d’un le saitbien: outre le pro-recteur Jean-PaulAmoos, plusieurs ont fait un stage plus

ou moins prolongé à l’hôpital oumême subi une opération: MM.Léon Imesch, Marius Pasquier,Marcel Heimo, Joseph Henry et,pendant plus de huit mois, FrèrePaul. Longuement hospitalisé luiaussi, Raphaël Gross a finalementrejoint Amédée Allimann au FoyerSaint-Jacques. Dans ces circonstan-ces difficiles, on aime à méditer cesparoles que le Père Timothy Rad-cliffe, O.P., adressait l’an dernier àla journée des religieux à Fribourg:«Oui, Dieu est présent en ces tempsde faiblesse… Un petit groupe de frè-res et de sœurs pauvres, vieux et ma-lades, peut être un puissant signe devie». Et l’on fait tout son possiblepour être, par la présence au chœur,ces permanents de la prière quesont les chanoines réguliers, mêmesi plusieurs restent assis, voire enchaise roulante: la «petite espérance»

de Péguy demeure toujours d’actualité.

5. Contacts intercommunautaires etœcuméniques

La neige hivernale et le froid nefavorisent guère les voyages… pourtantdurant toutes ces semaines les hôtes nemanquent pas: nous sommes heureuxde revoir le Père Michel Lepcha, quiaprès avoir accompagné une petite in-firme de son pays à l’hôpital de Bâle oùelle devait subir une opération, s’arrêtechez nous et nous donne des nouvelles

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10 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

Le père Michel Lepcha nous a présenté le «Gianora Home»,maison pour les prêtres retraités du diocèse construite à Kalimpong

en souvenir de Mgr Aurelio Gianora.

de Kalimpong:l’œuvre mission-naire de l’abbaye acréé des liens pro-fonds qui nous rat-tachent encore à ceschrétiens de l’Hi-malaya. Frère Nes-tor, un jeune reli-gieux du Congo-Brazzaville qui avaitfait un long séjourici l’an dernier,passe égalementparmi nous pen-dant les fêtes. Unpeu plus tard, unevingtaine de membres de la commu-nauté Saint Martin, de Blois, en tour-née de vacances en Suisse s’arrêterontdeux jours, puis nous aurons la visitede six jeunes confrères de la congréga-tion canoniale de la vie commune, ve-nus de Mariabronnen en Forêt-Noire;le Père-Abbé de l’abbaye bénédictine deSolesmes, Philippe Dupont s’arrêteraégalement plusieurs jours dans notremonastère, et M. X. Elorza, de Belgi-que, viendra pour la Semaine Sainte. Enfévrier, Mgr Joseph Roduit et FrançoisRoten rejoindront les délégués desautres congrégations canoniales àNeustift, pour le Conseil primatial et la«semaine d’études canoniales»(studium). Le prochain Congrès desChanoines Réguliers y sera préparé: prisen charge par nos confrères de la Con-grégation de Saint-Victor, il se tiendraà Châteauneuf-de-Galaure du 5 au 9juillet et aura pour thème: «la Beauté,l’Harmonie, la Gloire, la Transfigura-tion».

La semaine de prière pour l’unitédes chrétiens est célébrée conjointementavec nos frères protestants à l’abbaye levendredi 23 janvier: les membres desconseils de communauté catholiques etréformés de la région, une trentaine entout, se réunissent à 18h00 dans la sallede théologie, où Mgr Joseph Roduit leurprésente notre vie et nos activités; ilsparticipent ensuite au chant des vêpreset nous les accueillons pour le repas dusoir au réfectoire, exceptionnellementouvert aux dames pour la circonstance.Après quoi une liturgie de la Parole estanimée alternativement par protestantset catholiques.

Le lundi 2 février, en la fête de laPrésentation du Seigneur, religieux etreligieuses du Bas-Valais et du Chablaisse rassemblent dans la basilique: l’of-frande de Jésus au temple est pour euxun vivant rappel de leur propre consé-cration à Dieu. La Présentation, c’estcomme une charnière, un point de jonc-tion entre Noël et Pâques: rappel du

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11LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

HumourComble de la distraction

DevinetteQuel est le confrère qui, à

table, a versé par distractionson vin dans son lien de

serviette?

passé, l’émouvante procession où cha-cun tient une petite bougie alluméesymbolisant le mystère de la Nativité,tout de lumière et de joie, orientationvers l’avenir vers lequel on se tourne àl’approche du carême. Ce qu’exprime àsa manière le Père-Abbé dans son ho-mélie: jouant sur les mots, il voit danscette fête un triple aspect: «je crois» aumystère de la venue du Sauveur; «jecroîs», je m’efforce de croître sans cessedans son amour, et cela ne va pas re-noncement, sans «croix».

Mais avant le carême, voici un évé-nement qui est signe d’espérance: le sa-medi 14, notre jeuneconfrère Cédric Chanezest ordonné diacre parMgr Henri Salina. Laveille, l’heure d’adora-tion hebdomadaire à lachapelle des reliques,ainsi que des Vigiles pro-longées ont été une pré-paration spirituelle àcette ordination diaconale. De nom-breux parents et amis ont tenu à entou-rer de leur amitié notre nouveau diacreà la messe d’ordination; et maintenant,tout en poursuivant ses études théolo-giques à Fribourg, il est désormais auservice de l’Eucharistie aux messes pon-tificales et de la Parole de Dieu par desprédications occasionnelles.

6. La montée vers Pâques

Après l’intermède quelque peuburlesque de carnaval et le répit de quel-ques jours de congé au collège, nousentrons en carême le mercredi des cen-dres, 30 février. L’élan dynamique ducycle liturgique annuel rejaillit à nou-

veau de plus belle; on pense à la maximedes Proverbes: «La route des justes estcomme la lumière de l’aube, dont l’éclatgrandit jusqu’au plein jour» (Pr. 4,18).Ce n’est plus comme à Noël la fraîcheurpoétique et la joie intime du mystèrede la Nativité, c’est plutôt le sérieuxd’une maturité qui se veut réaliste grâceà une remise en chantier de tout l’effortspirituel: la «montée vers Pâques». Nousy aident les textes évangéliques évoca-teurs de chaque dimanche, à commen-cer par l’épisode symbolique de Jésusau désert; puis la lettre pastorale duPère-Abbé répercutée dans toutes les pa-

roisses; de même les con-férences du jeudi cen-trées, dans une perspec-tive ecclésiale, sur lethème de l’Action de ca-rême: «donner à tous desconditions de vie plus di-gne». La salle capitulaire,inaugurée à cette occa-sion et, comme on l’a dit,

ouverte exceptionnellement au public,permet à une cinquantaine de person-nes, avec son vaste espace et sa bonneacoustique, de suivre aisément l’inter-venant. Le premier exposé est fait par lePère-Abbé, qui développe le thème: «lasolidarité et les appels de l’Église». Ilévoque de nombreux documents qui,dans la foulée de Vatican II, sont de nosjours source d’initiatives pour soutenirles pauvres par ce que Jean-Paul II ap-pelle «une nouvelle imagination de lacharité». Il fait en particulier mentiond’un projet de partenariat entre plu-sieurs diocèses d’Afrique et d’Europe,projet dont il a lancé l’idée et qui pren-dra forme en novembre 2004 par une

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Le Nouvelliste a consacré un grand article au cybercafé quenotre jeune confrère Yannick-Marie Escher a installé à

l’aumônerie du collège avec la collaboration d’étudiants.

rencontre à Rome entre50 évêques d’Europe etd’Afrique.

Tout cela illustre lemot de saint Jacques: «Aquoi bon dire qu’on a la foisi on n’a pas les œuvres?» (Jc.2,14) C’est vrai. Il n’em-pêche qu’une activité quin’aurait pas de fondementspirituel serait vaine: c’estce que montre le Père-Maître Roland Jaquenouddans la deuxième confé-rence. «Peut-on parlerd’un Dieu solidaire?» sedemande-t-il. La solidarité est une ex-cellente chose, mais elle doit avoir, pourêtre chrétienne, un axe vertical et théo-logique: elle s’enracine dans le mystèrede la Sainte Trinité, dans les relationsd’amour entre Personnes divines. C’estainsi qu’elle est communion d’amourentre les hommes unis en Dieu,«koïnônia».

Retour aux actions concrètes avecla troisième conférence: Mme GabrielleNanchen parle du «développement du-rable, une solidarité dans le temps etdans l’espace». Après avoir brossé untableau historique des efforts entreprisdepuis un demi-siècle pour promouvoirun développement à l’échelle mondiale,elle expose la situation actuelle. Le faitque nous sommes, nous occidentaux,le 20% de la planète et utilisons le 80%des ressources mondiales est un défidont nous devons prendre conscience.De très nombreuses initiatives, heureu-sement tentent de le relever, elle endonne beaucoup d’exemples et apporteson témoignage personnel; le souci des

générations futures n’en reste pas moinsune urgence.

Puis notre confrère Paul Mettandéveloppe le thème: «la faim dans lemonde». Après avoir mis en évidence lasituation déplorable de millions d’êtreshumains qui meurent de faim sur la pla-nète (un enfant toutes les dix secondes),il passe brièvement en revue les causesdirectes, à savoir la politique commer-ciale injuste des nations riches qui affa-ment les pays pauvres, pour mettre l’ac-cent sur les causes intérieures: égoïsme,goût de l’argent, soif de domination.Une réorientation s’impose: remplacerla soif de jouissance et de dominationpar la soif de vrai bonheur. Dieu le pre-mier veut étancher cette soif en propo-sant aux hommes de s’abreuver auxsources d’eau vive qui jaillissent duCœur du Christ. Alors ils s’ouvrirontaux autres tout en réalisant leur propreaccomplissement, ils leur donneront au-delà de leur superflu, luttant par là effi-cacement pour éliminer ce fléau de lafaim dans le monde.

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Une partie de l’équipe de ski de l’Abbaye au Challenge Delavay à Champex: les chanoinesOlivier Roduit, Calixte Dubosson, Louis-Ernest Fellay, Michel-Ambroise Rey, Mgr Joseph

Roduit; manquent Gilles Roduit et André Abbet.

Enfin Yannick-Marie Escher, entant qu’aumônier des étudiants, envi-sage «la solidarité avec les jeunes». Ilcommence par définir la «culture» spé-cifique des jeunes aujourd’hui. Dansleur vie personnelle, ils voient leur bon-heur menacé par le sentiment d’an-goisse, et ils sentent que la communi-cation aux autres est freinée par la mon-tée de l’individualisme; ils vivent aussile temps au régime de l’immédiat. Dansleur rapport au monde extérieur, ils setrouvent face à un univers en mutation,systémique, pluriel, mobile, incertain,complexe et en crise de sens. Ensuitenotre confrère souligne deux obstaclesquand on envisage notre solidarité avecles jeunes: le sentiment religieux et lasignification du langage chrétien, quileur est devenu incompréhensible. Se-

lon lui, la solidarité avec les jeunes passepar les vertus théologales vécues concrè-tement avec eux. En guise de conclu-sion ou plutôt d’ouverture, il nous of-fre une belle méditation sur les sept pa-roles du Christ en Croix, qui sont pourlui comme une charte de la solidaritéavec la jeunesse.

Ces conférences ont été orientéesen somme sur la troisième pratique tra-ditionnelle de carême: le partage, lesdeux autres étant la prière et le jeûne.La prière, dans notre vie conventuelle,c’est d’abord celle de l’Église, et nousnous efforçons d’y participer aussi per-sonnellement que possible: une récol-lection, vers la fin du carême, nous yaidera. Quant au jeûne, nous nous bor-nons communautairement à la «soupede carême» du vendredi soir. Quelques

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confrères se joignent à un groupe d’unetrentaine de personnes qui pratiquentpendant une semaine un jeûne total;elles se retrouvent chaque jour à l’ab-baye pour un temps de réflexion et deprière et elles participent à certains denos offices.

Dans cette «montée vers Pâques»,il y a la détente de mi-carême, avec latraditionnelle et toujours sympathiquerencontre chez les Pères Capucins, quinous invitent à partager leur «dîner desescargots» (ceux-ci étant maintenantplutôt symboliques…), sans compter,pour quelques confrères surtout desparoisses, les deux journées qui chaqueannée rassemblent pour un concours deski des prêtres du Valais, de Savoie etdu Val d’Aoste: les 8 et 9 mars, ils sontune centaine à concourir sur le lac deChampex encore gelé. Il y a aussi le con-cert de la Passion dont on a parlé déjà.

7. Le sommet de l’année liturgique

Avant d’aborder la Grande Se-maine, une récollection, on l’a dit, nousprépare à vivre plus intensément ce som-met de l’année liturgique. Une innova-tion est à signaler: pour permettre desrécollections plus fructueuses, il a étédécidé qu’elles se dérouleraient désor-mais sur deux jours, et qu’au lieu d’unexposé oral, on distribuerait un textespirituel à chacun. Et cela, non plusmensuellement mais quatre fois par an:au début de l’Avent, en Carême, à laPentecôte et en automne. Formule ap-préciée, car elle offre, dans un silenceplus strict, un large espace de réflexionpersonnelle et de prière; en outre, la pos-sibilité de se réunir l’après-midi du se-cond jour pour des échanges donne à

ce temps fort une dimension commu-nautaire.

Le 4 avril, le dimanche des Ra-meaux et de la Passion nous fait entreravec toute l’Église — et nous sommesen communion avec les Orthodoxeségalement, puisque leur fête de Pâquescoïncide cette année avec la nôtre. Lelien de notre abbaye avec la paroisse deville est souligné par la procession quise rend à la basilique après la bénédic-tion des rameaux devant l’église Saint-Sigismond. Nouveau signe de commu-nion, avec toutes les paroisses du terri-toire abbatial, par la messe chrismaleanticipée le soir du Mercredi Saint, pré-sidée par Mgr Henri Salina. Suit unmoment de convivialité, au réfectoiredu lycée, avec les délégués de ces pa-roisses, des figures connues de Saint-Maurice, Vernayaz, Salvan et Finhautqui d’année en année nous deviennentfamilières. La fraternité Eucharistein estaussi représentée par quelques-uns deses membres.

Les célébrations liturgiques duTriduum pascal, à partir du Jeudi Saint,sont à la mesure de la densité exception-nelle de ces jours qui chaque année sontcomme un nouvel et plus profond en-fouissement dans le mystère de Jésusmort et ressuscité. Leur sobre beauténous aide, ainsi que les nombreux fidè-les présents, à les vivre avec beaucoupd’intériorité. Le Jeudi Saint, jour del’Eucharistie et du sacerdoce, la veilléenocturne nous donne l’occasion deméditer la lettre que le pape adresse ence jour à tous les prêtres: «au cours de ladernière cène», dit-il, «le Rédempteur aappelé par son nom chaque prêtre detous les temps. Son regard s’est tourné

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Le vendredi saint, Mgr Joseph Roduit a présidé un grand chemin decroix dans les rues de Saint-Maurice.

vers chacun… et par des voies multi-ples, il continue à en appeler tantd’autres à être ses ministres».

Le Vendredi Saint à 15h00, la li-turgie de la Passion est particulièrementprenante, avec les chants de l’Ensemblevocal qui accompagnent la vénérationde la Croix, suivis des impropères gré-goriennes. Le soir de ce jour, en colla-boration avec la fraternité Eucharistein,un groupe d’environ 150 personnes,formé surtout de jeunes mais auquel se

joignent nombre d’adultes, fait un che-min de croix en parcourant les rues dela ville en tous sens. A chacune des 14stations, arrêt devant une maison reli-gieuse ou une église, chants et lectured’un texte remarquable: c’est sur cemême texte que, lundi déjà, des jeunesdu collège avaient eux aussi médité enfaisant, à la basilique, un chemin de

croix illustré par une chorégraphie.L’aumônerie avait pris l’initiative de l’or-ganiser. En dépit de tant de misères,voilà des signes d’espérance, qui inspi-rent confiance dans les jeunes, dontbeaucoup sont visiblement visités parl’Esprit.

Après l’intensité dramatique duVendredi Saint, c’est l’apaisement et lesilence du Samedi-Saint: «Tenebraefactae sunt… Jesus… emisit spiritum, lesténèbres se firent… Jésus clama dans un

grand cri: Père,entre tes mains…inclinant la tête ilrendit l’esprit». Etle grand élan li-turgique s’achèvele jour de Pâquespar l’éveil à la vieressuscitée, cettevie dont les lectu-res de la Vigilepascale annon-cent la progres-sive éclosion dansl’humanité, dansla personne duChrist d’abord etpar lui en tous leshommes. Unchœur de jeunesuniversitaires de

Fribourg anime cette Vigile, tandis quele feu du cierge pascal est un symboleparlant de la lumière du Verbe. Lumièrequi est Vie et que le «grand chœur»soutenu par l’orgue célèbre en faisantretentir à nouveau l’Alléluia de Pâques.Puisse cet Alléluia se prolonger tout aulong du Temps pascal.

Chne Jean-Bernard Simon-Vermot

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Le 21 septembre, l’Abbaye a remisle camail de chanoine honoraire à M.l’abbé Pierre Sandrin. Pourquoi donc unprêtre du diocèse de Créteil (F) a-t-ilété choisi par l’Abbaye pour devenir le6e chanoine honoraire de l’Abbaye? Tout

simplement parce qu’il a longtemps étécuré de Saint-Maurice… de Saint-Mau-rice (Val-de-Marne), la commune ju-melle de Saint-Maurice d’Agaune enValais. C’est à ce titre que pendant unedizaine d’années, il a accompagné la

UN NOUVEAU CHANOINE HONORAIRE À L’ABBAYE

L’ABBÉ PIERRE SANDRIN

délégation officielle française pour no-tre fête de Saint Maurice. Ayant eu àchaque fois l’occasion de loger à l’Ab-baye, c’est tout naturellement que desliens se sont créés.

Pierre, Eugène, Moïse Sandrin est

né le 15 mars 1932 à Paris. Il est issud’une vielle famille de cultivateurs deChâtillon (92) aux portes de Paris. Ilest le troisième d’une famille de quatreenfants. Son enfance et sa jeunesse ontété marquées par des engagements dans

Au jour de la remise de son camail de chanoine honoraire, l’abbé Pierre Sandrin est entouréde Mgr Joseph Roduit, de sa sœur Thérèse-Geneviève de Jésus, de son frère Jacques et de sa

belle-sœur Élisabeth.

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divers groupes: les enfants de chœur, laCroisade eucharistique, les scouts, lesRoutes de la Paix organisées par PaxChristi…

Le jeune Pierre Sandrin est entréau petit séminaire de Paris à Charentonen 1947. Il a étudié ensuite au grandséminaire à Issy-les-Moulineaux de1954 jusqu’à son ordination sacerdotale.C’est Mgr Brot qui, le 29 juin 1961, l’aordonné prêtre à Notre-Dame de Paris,sous la présidence du cardinal Feltin,archevêque de Paris.

L’abbé Sandrin fut d’abord vicaireà Saint-Michel-du-Mont-Mesly à Cré-teil (1961-1968), puis à Sucy-en-Brie(1968-1979). Il sera ensuite curé àSainte-Marie-aux-Fleurs de Saint-Maur-des-Fossés (1979-1986), à Saint-Christophe de Créteil (1986-1993),puis à Saint-André de Saint-Maurice(Val-de-Marne) (1993-2002). Pendanttoutes ces années de ministère parois-sial, il a assumé diverses charges diocé-saines: aumônier de Pax Christi et desScouts de France, aumônier du LycéeLimeil-Brévannes (1972-1979), déléguédiocésain pour le Catéchuménat desAdultes, etc.

Le nouveau chanoine résideaujourd’hui à Charenton où il est prê-

tre associé pour les paroisses du secteurCharenton-le-Pont, Joinville-le-Pont etSaint-Maurice. Il est donc toujours enministère sur notre commune jumelledu Val de Marne.

L’Abbaye a été heureuse de lui re-mettre son camail de chanoine hono-raire au cours des premières vêpres dela Saint Maurice 2003. Il avait invitépour l’occasion les membres de sa fa-mille: son frère aîné Jacques avec sonépouse Élisabeth et sa sœur Thérèse, enreligion Petite sœur Thérèse-Genevièvede Jésus.

L’Abbaye de Saint-Maurice compteactuellement avec lui six chanoines ho-noraires: Auguste Berz, André Babel,Léonce Bender, Patrice Esquivié, RégisFélix Burnier et Pierre Sandrin. Noschanoines d’honneur sont eux au nom-bre de cinq: M. le Cardinal HenrySchwery, évêque émérite de Sion, MgrKarl-Josef Rauber, nonce apostolique àBruxelles, Mgr Pierre Mamie, évêqueémérite de Lausanne, Genève et Fri-bourg, Mgr Gérard Daucourt, évêquede Nanterre et Mgr Norbert Brunner,évêque de Sion.

L’Abbaye souhaite un bon minis-tère à son confrère parisien et se réjouitde le revoir régulièrement.

Gian Franco Schubiger, Couplessaints et bienheureux. Un chemin de sanc-tification. Éditions Parole et silence,Paris, 2004, 192 p.

CHRONIQUE DES LIVRES

REÇU À LA RÉDACTION

Bernard Gillièron, Dieu exauce-t-il toujours?. Quelques repères à travers leNouveau Testament. Poliez-le-Grand,Éditions du Moulin, 2004, 89 p.

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Du 17 au 20 septembre 2003 s’esttenu à l’Université de Fribourg, à Saint-Maurice et à Martigny un colloque in-ternational sur le thème «Saint Mauriceet la Légion thébaine». Cette rencontrea été organisée à l’initiative du profes-seur Otto Wermelinger conjointementpar l’Université de Fribourg (départe-ments de patristique et des sciences del’Antiquité), l’Université de Zurich(Historisches Seminar) et l’Abbaye deSaint-Maurice. Plus de trente conféren-ciers se sont succédés pour évoquer di-vers aspects de la recherche historique,archéologique, patristique, théologique,littéraire et liturgique à propos de notresaint Patron.

Depuis plusieurs siècles, on discutel’authenticité de la Passion des martyrsd’Agaune écrite avec grand art par l’évê-que Eucher de Lyon au milieu du Vesiècle. Aujourd’hui on sait qu’il faut élar-gir le débat. Le colloque a permis de faireun bilan constructif des observations etdes résultats obtenus durant cette der-nière décennie dans de nombreuses dis-ciplines scientifiques. Les nouvelles don-nées ont rendu plus claire la fonctionhistorique du récit à l’époque de sa créa-tion et pendant les siècles suivants deson utilisation, et plus perceptible lepouvoir social et culturel de l’interpré-tation historique d’Eucher. La nouvellesynthèse va bien au-delà de l’acquis; elleconstitue le fondement de recherchesnovatrices sur le sujet.

COLLOQUE SAINT MAURICE ET LA LÉGION THÉBAINE

UN NOUVEL ÉCLAIRAGE SUR SAINT MAURICE, SON MARTYRE ET SON TEMPS

Les actes du colloque paraîtront en2005 dans la collection Paradosis (Uni-versité de Fribourg, Academic Press Fri-bourg). Nous en reparlerons. Signalonspour l’instant l’intéressant numéro 92de la revue Connaissance des Pères del’Église (1) consacré entièrement à cecolloque. Mme Marie-Anne Vannier,qui s’est exprimée au colloque, y veutdonner «une idée d’ensemble de cet écritpatristique qu’est la Passion des martyrsd’Agaune, où la figure de Saint Mau-rice est centrale.» Après une introduc-tion de Mgr Joseph Roduit, sept confé-renciers présentent leur contributiondans un langage accessible à tous.

Nous avons choisi de reprendre icila contribution de M. Éric Chevalleyconsacrée à la Passion anonyme de SaintMaurice d’Agaune. Ce texte a été troplongtemps oublié jusqu’à son édition en1990 par M. Chevalley (2). La recher-che actuelle ne pourra faire l’économied’une étude très attentive de ce docu-ment plus ancien que ce qu’on a bienvoulu le dire jusqu’ici. Les discussionsdu colloque ont d’ailleurs longuementévoqué la Passion anonyme.

(1) Saint Maurice, Connaissance des Pères del’Eglise, n° 92, décembre 2003, Editions Nou-velle Cité, 8,50 euros (disponible en librairie,quelques exemplaires en vente à la réception del’Abbaye).(2) Éric CHEVALLEY, La Passion anonyme desaint Maurice d’Agaune. Édition critique,Vallesia, t. 45, 1990, pp. 37-120 (Contient aussila traduction française).

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La tradition attribue le martyre dela célèbre Légion Thébaine au règneconjoint de Dioclétien et Maximin: uneunité provenant de Thébaïde en Égypteavait été appelée à renforcer l’armée deMaximin lors d’une expédition que cedernier dirigea en Gaule. Après avoirfranchi les Alpes, l’empe-reur, qui avait établi soncamp à Octodure (Marti-gny, VS), donna un ordreaux Thébains stationnés àAgaune (Saint-Maurice,VS). Ceux-ci refusèrent del’exécuter car ils l’esti-maient contraire à leur foi.Maximin commanda quela légion rebelle fût déci-mée. Malgré ce châtiment,les Thébains refusèrentd’obtempérer. Nouvelle dé-cimation, nouveau refus.Finalement, la légion fut entièrementpassée au fil de l’épée. Ce sont les élé-ments essentiels d’une tradition attes-tée par bon nombre de sources ancien-nes. Parmi celles-ci, figure la PassioAcaunensium martyrum (BHL 5737-40). Grâce à une lettre de dédicace ac-compagnant la Passion, nous connais-sons son auteur et son destinataire, demême que l’origine de ses informations.Ainsi, il s’agit de l’œuvre d’un écrivainimportant du Ve siècle: Eucher, évêquede Lyon de 432/441 à 450 environ.

LA PASSION ANONYME DE S. MAURICE D’AGAUNE

Nous apprenons également que ses in-formations remonteraient à Théodore,dans le passé évêque d’Octodure. C’estlà une situation exceptionnelle pour cegenre de texte: il est en effet datable avecune relative précision et bénéficie d’unetransmission très autorisée puisqu’il fi-

gure dans un manuscrit duVIIe siècle, le Parisinus lat.9550.

Cependant, malgréses garanties d’antiquité, laPassio Acaunensiummartyrum présente des dif-ficultés sérieuses d’unpoint de vue historique etsuscita une abondante lit-térature secondaire, tant dela part des partisans del’historicité du martyre quede celle des négateurs. Endernier lieu, l’étude de van

Berchem montra de façon définitive lecaractère livresque des informations del’évêque de Lyon et son intention véri-table, qui était d’offrir aux martyrs untexte d’une qualité littéraire digne deleur mérite.

Face à ce constat, que la critique laplus impartiale est obligée d’admettre,l’intérêt des défenseurs de l’historicitédu martyre s’est porté sur un documentjusqu’alors peu pris en considération: laPassion anonyme de S. Maurice et de sescompagnons (BHL 5741-45).

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La chapelle de Vérolliez est bâtie sur le lieu tradi-tionnel du martyre de saint Maurice et de ses

Compagnons.

Tout en présentant de nombreuxpoints communs avec le récit du mar-tyre tel que nous le transmet Eucher deLyon, la Passion anonyme s’en écarteparfois de façon significative: elle four-nit en effet un cadre historique diffé-rent ainsi qu’une autre justification del’attitude des Thébains. Ainsi, cet épi-sode fameux remonterait au début durègne de Maximin, alors qu’il n’étaitencore que César et qu’il avait été chargéd’une sorte de mission de police enGaule où la paix publique était trou-blée par des bandes d’esclaves révoltésque l’on nommait Bagaudes. De même,le refus des soldats chrétiens est motivépar une forme d’horreur sacrée à l’idéede prendre part à une cérémoniepaïenne:

Une fois donc les Alpes franchies,Maximin César vint à Octodure et,dans l’intention d’y offrir un sacrifice

à ses idoles, ordonna que l’armée s’y ras-semblât; il avait notifié à ses hommesl’ordre abominable de prêter serment,sur les autels consacrés aux démons, des’engager à combattre sans faillir lamultitude des Bagaudes. Dès que la Lé-gion Thébaine en eut connaissance, dé-passant la ville d’Octodure, elle se ren-dit précipitamment en un lieu qui s’ap-pelle Agaune, dans l’espoir que les douzemilles la séparant d’Octodure lui évi-teraient l’obligation de commettre unsacrilège.

Pour le reste, nous l’avons dit, lesdeux documents sont unanimes: lespersonnages sont les mêmes — Mau-rice, le primicier, Exsupère, le porte en-seigne, Candide, le sénateur; dans lesdeux textes, un vétéran, nommé Vic-tor, que son attitude avait rendu sus-pect aux yeux des soldats, est obligé deconfesser sa foi et subit avec fermeté le

martyre. Le déroulement des épi-sodes est également très proche:même succession de menaces etde mesures punitives, mêmesuite de réponses. Pourtant, ils’agit bien de deux textes diffé-rents, présentant des idées, desdéveloppements particuliers, ex-primés avec des mots propres àchaque document. Aussi, dans laPassion anonyme, Maurice ex-horte-t-il ses compagnons à te-nir bon dans leur refus d’obtem-pérer aux ordres du tyran; pourcela, il leur adresse un long dis-cours sur l’inutilité de toute ré-sistance physique (alors que celaeût été facile pour des soldats enarmes), sur la valeur suprême dumartyre:

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Je vous félicite de votre courage,excellents compagnons, car grâce à vo-tre attachement à notre foi, les ordresde César ne vous ont causé aucunefrayeur; c’est plutôt avec joie, si j’ose dire,que vous avez vu que l’on conduisaitvos compagnons à une mort glorieuse.

Comme j’ai eu peur que l’un d’euxne tente de résister à cette bienheureusemort, ce qui, sous prétexte de se défen-dre, est aisé pour des hommes en ar-mes! Déjà, pour nous détourner de cettetentation, l’exemple du Christ se pré-sentait à moi, lui qui, de sa propre voix,a ordonné à l’Apôtre de remettre aufourreau l’épée qu’il avait dégainée,montrant que l’assurance de la foi enChrist est plus forte que toutes les ar-mes.

Maurice poursuit en rappelant lavanité du pouvoir des grands devantDieu; il cite à ce propos l’exemple de

Daniel enfermé dans la fosse aux lionset conclut de façon triomphante et pro-vocante en même temps: «Ne va paschercher plus longtemps des gens quise dérobent, sache que nous sommestous chrétiens. Le corps de chacun seratotalement en ton pouvoir, mais tun’auras pas la moindre prise sur nosâmes tournées vers le Christ qui leurdonne sa force.»

Si, pour le récit du martyre en lui-même, les deux Passions présentent desrédactions différentes, la situation n’estpas la même pour la conclusion du texte:il se trouve, en effet, que dans presquetous les manuscrits de la Passion ano-nyme figure un passage emprunté litté-ralement au texte d’Eucher, ou plus gé-néralement aux différentes interpola-tions que connut ce document; ce pas-sage final se rapporte au culte des mar-tyrs et à la vie du sanctuaire d’Agaune.

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La présence dans les témoins de laPassion anonyme d’éléments manifeste-ment empruntés à Eucher (en fait, ilssont encore plus fréquents, car bonnombre de manuscrits offrent au lec-teur un texte constitué à la fois de par-ties originales et de reprises dans le corpsmême du texte) a incité la majorité desphilologues et des historiens qui se sontpenchés sur ce texte à le considérercomme foncièrement lié à celuid’Eucher: il s’agirait, selon eux, d’un re-maniement de l’œuvre de l’évêque deLyon et non d’une production auto-nome et originale. Cette vision des cho-ses fit que longtemps on désigna la Pas-sion anonyme sous le nom de Passioretractata. Pour Bruno Krusch, le grandéditeur des Vies de saints dans la collec-tion des «Monumenta GermaniaeHistorica», cette réécriture daterait duIXe siècle et serait l’œuvre d’un éruditinquiet de ne pas retrouver chez Eucherles circonstances de la nomination deMaximin et, de façon générale, ce qu’ilpouvait savoir de cette époque reculéegrâce à ses lectures. Néanmoins, unecollation d’un grand nombre de manus-crits de la Passion anonyme ainsi que larecension des témoins retenus ont per-mis de mieux comprendre cette situa-tion. En fait, nous avons affaire à aumoins quatre familles indépendantes; enoutre, la présence des épisodes finauxdu texte d’Eucher remonte à l’archétypede chaque famille et non au texte origi-nal. Ceci est, par ailleurs, confirmé parl’existence d’une famille exempte detoute contamination. Dans ces condi-tions, la Passion anonyme ne saurait êtreconsidérée comme une simpleretractatio, mais comme une œuvre ori-

ginale, dont les témoins ont souvent étémassivement contaminés par diversemprunts au texte d’Eucher.

Le statut de ce texte est donc plusintéressant qu’on ne l’avait pensé pen-dant longtemps, d’autant plus que la da-tation habituelle de ce document, leIXe siècle, est également caduque. Eneffet, les auteurs, se basant sur la cor-rection manifeste de la langue de l’Ano-nyme, ont pensé y reconnaître une pro-duction typique de l’école carolin-gienne. Or, deux manuscrits de la Pas-sion datent de la fin du VIIIe siècle etleur place dans le développement dutexte atteste indiscutablement une his-toire antérieure. Ainsi, la Passion ano-nyme de S. Maurice et de ses compagnonsne peut avoir été composée qu’avant lemilieu du VIIIe siècle. Comme, parailleurs, le style de l’Anonyme ne semblepas correspondre à celui des auteurs del’époque mérovingienne, il paraît légi-time d’envisager une date de composi-tion sensiblement plus ancienne.

De telles conclusions demandent,pensons-nous, que l’on accorde une at-tention véritable à la Passion anonymequi, en définitive, mérite d’être consi-dérée comme un document de premièreimportance lorsque l’on s’intéresse auculte des martyrs de la Légion Thébaine.En effet, si la valeur potentielle des in-formations historiques fournies parl’Anonyme a bien été mise en évidence,il convient maintenant de s’intéresser àl’œuvre en elle-même, en tenant comptede tous ses aspects, des difficultés qu’elleprésente et, en particulier, du rapportque l’Anonyme entretient avec la Passionque composa l’évêque de Lyon.

Éric Chevalley

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23LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

En 1934, les chanoines del’Abbaye de Saint-Maurice arri-vèrent aux confins de l’Himalayaet y restèrent jus-qu’en 1996. Pen-dant ce temps, ils seconsacrèrent au mi-nistère pastoral dansdes conditions sou-vent difficiles, développèrent l’alphabé-tisation, la santé, créèrent les collègesde Pédong et de Kalimpong, aidèrentles plus pauvres sans distinction de reli-gion, etc.

En 1980, une associationMIBLOU fut créée par des laïcs, J. etB. Millar, et le chanoine EmmanuelGex-Collet, pour parrainer l’écolage desenfants les plus pauvres. Cette associa-tion s’est spécialisée récemment pour lesenfants handicapés. Aussi, le chanoineÉdouard Gressot, rentré au pays en1996, a-t-il eu le souci, le désir de con-tinuer l’œuvre des débuts. C’est ainsiqu’est née l’association NAMASTE(nom de la salutation indienne qui si-gnifie: je salue l’hôte de votre cœur). As-sociation sans but lucratif ni politiqueet bien que d’inspiration chrétienne, setenant à l’écart de tout prosélytisme, nefaisant pas de distinction de race, decaste, de religion. Elle a pour but d’amé-liorer la condition économique des cou-ches les plus pauvres de la population

LA MISSION DU SIKKIM

SUITE ET… PAS FIN!

de Kalimpong et des environs(Nord-Est de l’Inde) en parrainantla scolarisation et la formation

professionnelle desenfants pour leurouvrir le marché del’emploi. Il est indis-pensable d’avoir undiplôme d’études se-

condaires ou d’apprentissage pour ob-tenir un travail rémunéré correctementet ainsi sortir du cercle vicieux de la mi-sère, ce qui implique un suivi scolairede chaque enfant pendant une quin-

Le chanoine Emmanuel Gex-Collet.

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QU’EST-CE QUE LE FORUM 4 5 6 ?

De l’automne 2004 au printemps2007, la partie francophone du diocèsede Sion et le territoire abbatial de Saint-Maurice vont vivre un très importanttemps de réflexion dans le cadre du Fo-rum 4 5 6.

L’idée de ce Forum est née à l’oc-casion du jubilé de l’an 2000 qui offritl’occasion d’un bilan historique ainsique celle d’un regard prospectif sur l’ave-nir de l’Église valaisanne. Les responsa-bles pastoraux et les fidèles émirent alors

Le chanoine Gustave Rouiller.

zaine d’années. Ces enfants sont égale-ment suivis sur le plan de leur santé, deleur nutrition et de leurs conditions devie. Un coordinateur local, le père JohnLasrado, aidé d’une ancienne enfantparrainée devenue institutrice, s’occupeavec beaucoup de dévouement de cha-que enfant et tient des comptes détaillésavec rigueur. A titre d’exemple, avec unfranc suisse par jour, un enfant estnourri, soigné, scolarisé et bénéficied’un uniforme. Les frais généraux et ad-ministratifs de l’association sont réduitsau minimum, les membres du comitéœuvrant bénévolement.

Vous tous, anciens du collège, étu-diants actuels, amis de l’Abbaye, vou-lez-vous nous aider à poursuivre cetteœuvre humble mais chargée d’espoir?De tout cœur, MERCI.

Danièle Montangero

Avec 1.- par jour, un enfant se nourrit, se soigne et étudie. Pour vos dons ouparrainages, CHF 30.- par mois ou CHF 365.- par an. A verser au Crédit Suisse,1211 Genève 70, CCP 12-35-2, Namaste compte 0281-881768-11. Pour recevoirde la documentation: Secrétariat de Namaste, Adeline Aubry, Av. du Petit Lancy 46,1213 Petit Lancy; Tél. 022/792.29.58.

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25LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

le souhait d’un temps de réflexion pourrépondre aux nouveaux défis proposésà l’Église du diocèse et pour tracer leschemins d’une pastorale fidèle à la mis-sion d’annoncer l’Évangile, Une telledémarche se justifiait d’autant plus quela dernière réflexion d’ensemble sur lavie de l’Église diocésaine remontait ausynode 1972, il y a déjà plus de trenteans.

Le Forum 4 5 6 se déroulera du-rant les trois prochaines années pasto-rales 2004-2005, 2005-2006, 2006-2007. Il se veut une démarche soupleet ouverte s’adressant à toute personne

intéressée, qu’elle se situe dans l’Égliseou en marge de celle-ci.

Concrètement, chaque année duForum s’ouvrira à l’automne par le con-grès du conseil pastoral diocésain quiprésentera la thématique annuelle. Laréflexion se déroulera ensuite sous laforme d’un questionnaire. En juin, auterme de chaque année, une grande as-semblée du Forum présentera la syn-thèse des réponses annuelles parvenuesau comité d’organisation.

Les thématiques prévues pour cha-que année seront largement diffuséesdans les médias et les paroisses maispourront être obtenues par tout un cha-cun sur le site Internet du diocèse deSion. Toute personne intéressée pourraainsi apporter sa contribution soit à ti-tre individuel, soit au terme d’échanges

effectués dans le cadre d’équipes ecclé-siales ou de groupes formés pour l’oc-casion.

Au long des trois années, différentssujets seront abordés successivementcomme les réussites et les difficultés denotre Église diocésaine, les défis poséspar l’évolution du monde actuel et lesprojets pour la pastorale de demain.

Le Forum 4 5 6 se veut l’expérienced’un peuple en marche acceptant sanscrainte le défi de la réflexion. Il est aussiune espérance à vivre, celle de dessinerensemble les contours d’une Église tou-jours soucieuse de remplir au mieux la

mission reçue du Christ dans un mondeen constante évolution.

Nous vous invitons donc à fairebon accueil à cette belle entreprise et ày apporter, dès l’automne, votre contri-bution personnelle.

Dominique Studer, président duComité directeur du Forum 4 5 6

NB L’année pastorale 2004-2005 estplacée sous le thème: «Une Eglise pouraujourd’hui: quel visage?». Le lancement duForum 4 5 6 se fera lors du Congrès quiaura lieu le 18 septembre prochain à l’Ab-baye de Saint-Maurice.

Vous trouverez tous les renseignementsvoulus dans vos paroisses ou sur le siteInternet: http://www.cath-vs.ch/fr/forum456.html

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CHRONIQUE DU COLLÈGE

TOUSSAINT 2003 – PÂQUES 2004

La chronique de ce numéro desÉchos est moins étoffée que les précé-dentes. Au cours des derniers mois,d’importantes manifestations culturel-les ont marqué la vie du Collège. Plu-sieurs articles évoquent ces événementsqui ont rythmé la vie des étudiants.

Rencontres littéraires

Sur l’invitation de Pierre-FrançoisMettan, Madame Miriam Cendrars par-ticipe le 13 novembre 2003 à une jour-née littéraire consacrée à son père, BlaiseCendrars (lire en page 29).

9 janvier: Grand jour d’émotion.Maurice Chappaz honore de sa présencel’inauguration de la Salle MauriceChappaz au Collège et le vernissage del’exposition réalisée par Pierre-FrançoisMettan à la Médiathèque Valais à Sionen 2003 (lire en page 30).

Spectacles

La vie musicale et théâtrale fut degrande qualité. Deux manifestationseurent lieu au mois de novembre: uneinitiation à la musique classique parl’Orchestre du Collège et la représenta-tion d’un mystère médiéval, Le Miraclede Théophile. Lancé par l’aumôneriepour la fête de Noël, ce projet théâtralet musical fut une exceptionnelle réus-site (lire en page 48).

Après cinq mois de travail, de sou-cis, un groupe d’élèves emmené par Jé-

rôme Favre (5e Socio) réussit à organi-ser un gala caritatif en faveur du collègecatholique de Bacau. Un large public —les élèves dans l’après-midi, parents etamis le soir — s’est pressé le 12 févrierdans la Grande Salle pour applaudir lesjeunes espoirs du Collège. En soirée,plusieurs virtuoses confirmés, MmeBéatrice Berrut, M. Julien Duchoud aupiano et M. Stéphane Simonazzi au vio-loncelle impressionnèrent l’auditoire parleur talent (lire en page 51).

Portait d’indien réalisé par Virginie Oreiller(5e Litt.) pour son travail de maturité.

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Semaine culturelle

Du 5 au 13 février, la Semaine cul-turelle de l’année scolaire 2003-2004 estconsacrée aux Amérindiens. Plusieursconférences, documentaires et films ontprésenté ces sociétésoutre-At lant ique ,leurs traditions cultu-relles et religieuses etabordé certaines ques-tions économiques ac-tuelles.

Ciné-club

La saison 2003-2004 a connu un suc-cès mitigé. Aux der-nières séances, lesrangs des parterresétaient plutôt clairse-més. La programma-tion se voulait attrac-tive. Tous les filmsprojetés ont marqué leur époque quelque soit leur genre.

Le projet des ciné-clubs est tradi-tionnellement exigeant. Combien degénérations depuis l’après-guerre ont étéinitiées à la cinéphilie par ces passion-nés du cinéma qui les fondèrent dansles établissements scolaires ou universi-taires. Que d’émotions partagées et dedébats captivants! Doit-on abandonnercette formation que d’aucuns jugentélitiste et se ranger aux aspirations cul-turelles du spectateur moyen?

Réception

Vendredi 21 novembre, le collègeaccueillait avec chaleur deux Saint-Mauriards illustres, anciens du Collège.

MM. Jean-Paul Duroux, président duGrand-Conseil, et Jean-Jacques Rey-Bellet, président du Conseil d’État, rap-pelaient avec humour leurs longues an-nées d’études et d’amitié jusqu’à leurmaturité en 1969.

Distinctions

Trois élèves du Collège ont brillépar leurs mérites sportifs et culturels.

À la veille de quitter le Collège,Stéphane Lambiel (5e Scientifique) en-thousiasme ses fans. Le patineursaxonain a connu une saison remarqua-ble. Après avoir obtenu son 4e titre dechampion suisse en décembre 2003 àNeuchâtel, il a magnifiquement parti-cipé aux championnats d’Europe à Bu-dapest (février) et aux Mondiaux orga-nisés à Dortmund (mars). Nul douteque dans les prochaines années, sa vir-tuosité et ses immenses qualités sporti-ves lui permettront d’obtenir une placesur le podium dans les grandes rencon-tres internationales.

Les deux présidents Rey-Bellet et Duroux retrouvent un instantleur ancienne salle de classe…

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Nos champions réunis pour un hommagedans le hall du Collège.

Une sympathique élève de 3e FÉconomie, Émilie Gex-Fabry se faitégalement un nom. Cette jeune fille deVal-d’Illiez s’affirme comme un desgrands espoirs suisses du ski-alpinismechez les femmes. Au Val d’Aran (Espa-gne), elle vient de remporter le titremondial, dans la catégorie Cadettes.

Quant au jeune Côme Vuille, deMuraz (4e Littéraire A), il s’est derniè-rement illustré à Québec. Avec peu defautes, il a remporté la 11ème dictée desAmériques, section Juniors. Sur un textedu romancier canadien, Gaëtan Soucy,il a montré sa parfaite maîtrise du voca-bulaire et de la syntaxe.

Mémoire

L’émotion a gagné le corps profes-soral à l’annonce du décès de notre an-cien collègue Bernard Fararik. Profes-seur de géographie, respecté pour la qua-lité de son enseignement, Bernard s’étaitretiré en Galice, après avoir pris une re-traite anticipée en 2002. Il espérait yretrouver force et sérénité. Dans les deuxdernières années de son professorat, ilavait traversé des moments de grandesinquiétudes quand sa santé était deve-nue chancelante. Le destin l’a frappé le7 février dernier au soir d’un après-midide promenade. Accompagné dans sesderniers instants par son épouse Maya,il s’est éteint paisiblement, victime d’unmalaise cardiaque.

Michel Galliker

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Madame Miriam Cendrars, fille del’écrivain Blaise Cendrars, auteur dedeux livres importants sur son père (1),a passé une journée entière dans notreétablissement. Elle a d’abord réponduaux questions de trois groupes d’étu-

diants de première année qui avaient luL’Or; elle a ensuite participé à la confé-rence donnée par Mme Christine LeQuellec Cottier et enfin inaugurél’exemplaire de La Prose du Transsibé-rien et de la Petite Jehanne de France, quise trouve dorénavant exposé dans unendroit bien visible du collège. Cette

œuvre originale, manifeste de l’Avant-Garde, est un poème-tableau: les cou-leurs de Sonia Delaunay dialoguent avecla poésie résolument moderne de BlaiseCendrars. Il existe une centaine d’exem-plaires de l’œuvre originale de 1913;pour cette copie de l’exemplaire déposéà la Bibliothèque nationale à Berne,Madame Cendrars a donné au Collègeles droits de reproduction photographi-que.

Journée mémorable pour tousgrâce à cette grande Dame qui, avantde vouer son existence à la mise en va-leur de l’œuvre de son père, fut journa-liste. En 1940, à l’âge de vingt-et-un ans,elle se trouve à Londres. Au service dela France Libre, elle travaille au secréta-riat du Général de Gaulle, en lui prépa-rant chaque matin sa revue de presse.Après la guerre, elle fonde un magazinepour enfants qui la verra collaborer no-tamment avec la psychanalysteFrançoise Dolto, avant de prêter sonconcours à la revue fondée par son mariAlbert Gilou, Connaissance des Arts.

Elle commença ainsi son allocutionpour l’inauguration de la reproductionde la Prose, citant une phrase de BlaiseCendrars dans Le Lotissement du ciel:«Le seul fait d’exister est un véritablebonheur.» Merci Madame Cendrars!

Pierre-François Mettan

(1) Miriam Cendrars, Blaise Cendrars,Balland, 1993 et L’or d’un poète, Découver-tes Gallimard, 1996.

JOURNÉE BLAISE CENDRARS (13 NOVEMBRE 2003)

Mme Miriam Cendrars en compagnie deMme Christine Le Quellec Cottier devant

La Prose du Transsibérien.

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LE COLLÈGE REND TÉMOIGNAGE À MAURICE CHAPPAZ

Au début du printemps 1976 l’ac-tion audacieuse de trois étudiants fitdate. Le «Vive Chappaz» peint sur lerocher surplombant l’Abbaye apportaitson soutien à l’auteur des Maquereauxdes Cimes Blanches.

Le 18 juin 1998, au moment de laparution du numéro spécial des Échosde Saint-Maurice, qui lui était consacré,Maurice Chappaz rencontrait les jeunesétudiants du Collège. Ce fut l’occasiond’un dialogue fécond entre l’écrivain etla jeunesse. (1)

À la réponse de Maurice Chappazaux mots d’accueil du chanoine Luisieret de Pierre-François Mettan en ce 9janvier 2004, nous joignons la lettre quel’écrivain a envoyée à ses amis et con-naissances pour les vœux 2004. Impré-gnés d’émotion et pleins de sagesse, cetexte et son allocution ne peuvent secomprendre l’un sans l’autre.

(1) Maurice Chappaz, Partir à vingtans. Préface de Jean Starobinski. Genève,La Joie de Lire, 1999.

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31LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

M. le Recteur Guy Luisier a saisi l’occasion de l’exposition de la Médiathèquepour réaménager l’ancien Salon du Recteur en Salle Maurice Chappaz. Cet espaceest destiné à devenir un lieu de réunion et de réception. C’est Maurice Chappaz lui-même qui a choisi dans son œuvre la phrase qui se trouve inscrite sur l’un des murs decette salle:

INAUGURATION DE LA SALLE MAURICE CHAPPAZ

MOT D’ACCUEIL DE M. LE RECTEUR

Cher Monsieur Chappaz,Je ne veux pas tomber dans la ba-

nalité en disant que c’est une grande joiepour le Collège de l’Abbaye de vous re-cevoir ici dans ses murs, car à bien yregarder, peut-on dire que vous l’avezquitté ce Collège, qui a participé à vo-tre formation intellectuelle, poétique ethumaine.

Même si les horizons de la vie chan-gent, ce qui nous a construit demeure,et j’ai l’impression que vous êtes restémembre de plein droit de ce Collège.

Alors qu’à l’Abbaye on lit les épî-tres de saint Paul disant que ce quicompte ce sont les pierres vivantes del’édifice spirituel, le vrai Collège deSaint-Maurice est lui aussi fait des pierres

* * *

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32 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

Echange amical entre Maurice Chappaz et le Recteur Guy Luisier devant la vitrined’exposition consacrée à S. Corinna Bille.

vivantes d’un édifice intellectuel et cul-turel. Le vrai Collège de Saint-Mauriceest partout où des personnalités humai-nes gardent vivant et transmettent leflambeau d’une certaine vision de la

culture et de l’exigence intellectuelle.Vous êtes une pierre vivante de ce Col-lège où vous avez été étudiant, Mon-sieur Chappaz. Votre prénom vous rat-tache particulièrement à lui et les tracesdu Collège se glanent facilement à tra-vers votre œuvre et nous en sommesfiers.

C’est cette idée qui a présidé à lamise en place d’une salle MauriceChappaz en nos murs. Il y a dans cettesalle un devoir de mémoire et de recon-

naissance, mémoire pour l’aîné que vousêtes pour les anciens du Collège, pourles jeunes d’aujourd’hui et qui pour ceuxqui viendront se frotter à la culture et lapoésie dans cet établissement; c’est aussi

un devoir de reconnaissance pour votreœuvre dont vous nous laissez un mor-ceau sur le mur de la salle que nous inau-gurons aujourd’hui:

Un beau soir, je suis parti en quêted’un petit fruit vert et mal mûr qui étaitmoi-même.

Puissions-nous tous prendre à no-tre compte cette phrase et cette quête.

Monsieur Chappaz nous seronsheureux de vous entendre sur cela toutà l’heure.

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33LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

Nous avons voulu joindre à cetteinauguration, le vernissage de l’exposi-tion Partage de Minuit Corinna Billeet Maurice Chappaz. Le commissaire del’exposition est un professeur passionnéde notre Collège, Pierre FrançoisMettan et à travers son travail c’est aussiun peu de notre Collège qui a organisécette promenade poétique dans les con-trées de la famille Bille-Chappaz.

Les liens entre l’Abbaye de Saint-Maurice et la famille Bille ont été et sontencore solides et bien réels. La lumièredes vitraux d’Edmond Bille dans la Ba-silique illumine jour après jour la prièreabbatiale. Ils rappellent aux priants etaux visiteurs de l’église de l’Abbaye quedepuis le martyre de saint Maurice àtravers l’histoire religieuse d’Agaunenous avançons vers l’épanouissement dutemps et la victoire des témoins del’Apocalypse comme nous l’évoquent lesgrands vitraux de Bille du chœur.

Les différents contacts d’amitiés etd’émulation intellectuelle et spirituelleque Corinna Bille a entretenus avec desmembres de notre communauté abba-tiale et professeurs de notre école sontun autre jalon de ce qui relie notre Col-lège de l’Abbaye à la famille et à l’œuvrede Corinna Bille et Maurice Chappaz.

Nous avons donc beaucoup de rai-sons d’être heureux, après la Médiathè-que de Sion, d’accueillir cette exposi-tion dans nos murs pour ce début 2004et de l’inaugurer en ce soir.

Ce qui me permet pour termineren distribuant des remerciements cha-leureux de la part de tout le Collège.

Merci bien sûr à Maurice Chappazpour sa présence malgré le temps d’hi-

ver qui a dû rendre difficile le détache-ment des montagnes bagnardes.

Merci à Pierre François Mettan etses collaborateurs artistiques et techni-ques en particulier à notre collègue Jean-Daniel Berclaz, pour leur travail de réa-lisation de la salle et de l’exposition.

Merci à notre collègue MichelGalliker d’avoir toujours gardé un con-tact étroit avec Maurice Chappaz, aunom du Collège notamment.

Merci à la Médiathèque de Sion età ses responsables Jacques et AlainCordonier, qui ont été les initiateurs decette magnifique exposition. Merci àceux qui en ont permis la réalisation:les responsables des archives cantonalesde Sion, des Archives littéraires deBerne, de la Bibliothèque nationale, enparticulier Monsieur Michaud et Ma-dame Cudré-Mauroux.

Merci à Madame Marie-ClaudeMorand, directrice des Musées canto-naux qui a gracieusement prêté sontechnicien Alexandre de Torrenté pourle montage et le démontage de l’exposi-tion.

Merci à Jacques Bille, petit-filsd’Edmond Bille et neveu de MauriceChappaz, président de l’associationEdmond Bille.

L’aventure d’une telle exposition amis en mouvement beaucoup de dé-vouement et je voudrais remercier glo-balement tous ceux qui ont été touchésde près ou de loin par elle.

Soyons des pierres vivantes d’uneculture ouverte, critique et libre commenous le montrent Corinna Bille et Mau-rice Chappaz. Merci à tous.

Chanoine Guy Luisier, recteur

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34 LES ECHOS DE SAINT-MAURICE

ALLOCUTION DE M. PIERRE-FRANÇOIS METTAN

Cher Maurice,

Je commencerai par un souvenird’école. Je ne l’ai pas trouvé dans un devos livres, mais dans une réponse à unequestion impromptue que vous posaitPatrick Ferla lors d’un entretien radio-phonique. Le journaliste vous demandeavec malice si vous savez chanter. Votreréponse est directe: «Je ne sais pas chan-ter mais j’ai toujours désiré chanter» (1).

Vous évoquez alors un souvenir:vous aviez sept ans, vous vous souvenezavoir été expulsé d’un cours de chanttant vous aviez été malhabile à monterles notes de la gamme. Dans cet aveuémouvant de la détresse d’un enfant quine sait pas chanter et qui essaie dans lasolitude de retrouver un air à chanterpour lui, je trouve cher Maurice, uneclé qui permet de mieux comprendrevotre œuvre. Écrire a été pour vous une

Maurice Chappaz dialoguant avec Mgr Joseph Roduit et Pierre-François Mettan.

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respiration, la poésie une tentative deretrouver le chant inaccessible à l’enfant.

Souvent, à la manière socratique,vous évoquez tout ce que vous n’avezpas su faire: enfant, vous étiez solitaireet aviez de la peine à parler; plus tardvous avouez que vous avez été peu apteaux travaux manuels, ne sachant pas«planter un clou»; grand arpenteur denos montagnes, vous déclarez être unmauvais alpiniste; adulte lancé dans lavie, vous vous êtes senti inapte à l’exer-cice d’un métier habituel. Or, votreoncle Maurice Troillet, célèbre hommepolitique, qui fut pour vous un secondpère, était profondément enraciné dansle faire et dans l’action; votre beau-père,l’artiste Edmond Bille, que vous admi-riez, était aussi quelqu’un qui avaittrouvé sa place dans la cité. Protestantneuchâtelois, il avait décoré bon nom-bre d’églises du Valais; il s’était engagéen politique et avait trouvé non sanspeine une conciliation entre l’art et lavie.

Quant à vous Maurice, tout enadmirant les réalisations concrètes del’homme politique ou du peintre, vousavez avec ténacité et dignité toujours re-vendiqué la noblesse du dire face aufaire, la valeur de l’inutile et la beautédu chant. En parlant de vos études àSaint-Maurice, vous avez dit et reditl’importance d’un enseignement qui necherche pas d’abord l’utile. Dans LePartage de Minuit (2), il s’agit du livreécrit à deux mains qui a donné le titre àcette exposition, vous dites ceci, évo-quant vos années de collégien:

«Le vrai but des études que nouspoursuivions n’était pas une professionmais une vocation, un imaginaire (…).

Si nous recevions une culture c’était pourfavoriser une disponibilité en nous, em-pêcher que soit tout de suite étouffée par«l’utile» (…) la mince part contempla-tive.»

Eh bien Maurice, votre chant atoujours laissé résonner cette vocation,cet imaginaire et cette «mince part con-templative». «Enfant qui croyait au pa-radis», «petit fruit vert et mal mûr», vousêtes devenu l’un de nos plus grands poè-tes, vous avez su transformer vos faibles-ses en une force qui ne s’oubliera pas etnul doute que votre œuvre sera aussi«durable» que celle de votre oncle et devotre beau-père.

Dans ce trajet de vie, je n’oubliebien sûr pas Corinna Bille: elle aussi sesentait assez fragile et démunie face à lavie, face à une époque qu’elle ne com-prenait pas toujours. Elle utilise la mêmeexpression que vous, dans un autre en-tretien radiophonique, pour justifier sonactivité d’écriture: écrire est une «bou-teille jetée à la mer», bouteille qui lui apermis de respirer, de chanter, encoredavantage — de survivre. Tout étaitpour elle matière à l’écriture: les rêvesde sa mère, de ses tantes ou de ses en-fants, les lectures innombrables, les his-toires qu’on lui racontait, l’observationminutieuse de la nature… Peu d’écri-vains ont comme elle accordé tant deplace à l’altérité: parler pour les autres,parler vers les autres, mais aussi parlerde l’autre en soi, de tout ce que notreraison ne peut pas saisir.

La Médiathèque Valais m’a donnécomme mandat, dans le cadre des ex-positions consacrées à la famille Bille,de proposer une lecture croisée des deux

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écrivains. Il y avait là de quoi faire peurà l’enseignant généraliste que j’étais: unmassif impressionnant de livres (plusd’une centaine à vous deux), des car-tons de manuscrits soigneusement con-servés et classés à la Bibliothèque natio-nale, des articles de journaux par cen-taines. De prime abord, le lecteur voitplutôt la ligne de partage — comme l’onparlerait de la ligne de partage des eaux— entre les deux œuvres. L’une, cellede Corinna, plus narrative, ne cherchepas à expliquer le monde; la vôtre estplus lyrique, elle commente inlassable-ment les rapports entre l’homme et lemonde, entre le divin et l’humain, elleexplore tout particulièrement la partcontemplative. Pourtant si ces différen-ces sautent aux yeux, ne serait-ce quedans l’écriture elle-même, nombreuxsont les points de rencontre entre vosdeux œuvres. Ce Partage de Minuit —le titre est un clin d’œil à Paul Claudelque Norbert Viatte aimait tant, car tousvos livres Maurice, comme ceux deCorinna, dialoguent avec les livres dumonde entier — ce partage, je le pro-pose dans un parcours qui s’organiseautour de quatre grands thèmes: les fi-liations, l’ici et l’ailleurs, l’usage dumonde, le moi et l’autre (3).

L’exposition ne cherche pas àêtre didactique: plutôt que d’expliquer,nous invitons à la découverte. L’écriturecomme la lecture sont par définition desexpériences très intimes qui ne se mon-trent guère, d’où la difficulté de mettreen scène deux écrivains. Pour cet aspect,je suis reconnaissant vis-à-vis de deuxpersonnes: Viviane Actis, graphiste etJean-Daniel Berclaz, scénographe del’exposition. Je ne veux pas oublier un

autre collègue, Nicolas Fournier, qui aeu le grand mérite d’effectuer le mon-tage des plans-fixes tournés par les élè-ves de la 5e Arts visuels de cet établisse-ment: il s’agit de lecteurs qui s’expri-ment sur votre œuvre et sur celle deCorinna.

Vous voyez que de nombreusespersonnes de ce Collège ont apporté unconcours actif: je les en remercie,d’abord M. le Recteur pour sa bien-veillance, les proviseurs, en particulierMme Gagliardi et M. Fournier, mescollègues, sans oublier M. le Conciergeet les dames du nettoyage qui ont faiten sorte que tout soit prêt ce soir.

Serait-ce vous trahir, cher Maurice,de dire que votre œuvre, tout commecelle de Corinna, est d’abord évangéli-que? L’essentiel pour moi a toujoursd’été d’aller vers le partage: mettre enimages, mettre en mots, donner à lire,aller vers d’autres lecteurs pour que lesœuvres ne meurent pas.

Pierre-François Mettan

(1) Radio suisse romande, 20.12.1982.(2) S. Corinna Bille et Maurice

Chappaz, Le Partage de Minuit, Fédérop,Lyon, 1984, p.29.

(3) Un livre, disponible dans les mé-diathèques de Sion, Martigny et Saint-Mau-rice, prolonge ce parcours: P.-F. Mettan, LePartage de Minuit: Corinna Bille et MauriceChappaz, Acatos, 2003.

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ESCALES

Le ChâbleTandis que Décembre court après Janvier

2003-2004Mes amis,

Un avant-dernier message…

Le flot des lettres c’est le flot des visages aux fenêtres de l’Abbaye. Vous êtes là,j’entends même le murmure de vos voix sur le rivage des éternels murs gris plusjeunes que moi.

Je regarde le temps le souffle de la vie.

A la fin des livres, à la fin de l’écriture qui a toujours été ma vraie, ma seuleréponse à ce monde qui nous interpelle avec une hâte grandissante, une meur-trière banalité,

je suis happé de plus en plus par les nouvelles de la nature, les nouvelles lesplus ordinaires: celles de la pluie, celles de la neige, celles du vent. Lire les joursavec l’œil du corps et l’œil intérieur… Ce nuage dans le ciel bleu fumée, qui traîneune longue ombre humide sur les lointaines pentes blanches de la montagne

où détellent des bois d’aulnes et de bouleaux.Et un verger tout près d’ici, derrière les maisons muettes, la lumière sinue, secache, s’étend soudain comme de l’eau sur une vaste surface de neige tout en pliset en fuites. Je m’arrête devant de vieux pommiers trapus avec leurs torsions et lagiclée noire des branches lustrées par le gel qui égratignent l’air, l’air argentin dusoleil d’hiver;

ces vieux pommiers ont quelque chose de gothique.

J’aime la neige et la pluie simultanées qui emmêlent les jours.

Les coteaux s’émiettent, passent sans cesse du brun au blanc. Toutes les ligness’effacent, les granges s’assombrissent ensemble d’un trait; les toits, les murs s’effa-cent, se prolongent sans angles. On croirait qu’on est en train de peindre. Lesmontagnes s’éloignent, se rapprochent. Des collines figées, éclairées rêvent

avec leurs villages à demi voilés.

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Parfois il y a des apparitions.J’ai connu autrefois sur les glaciers, à skis, intermède à l’ouragan qui boxait

les cabanes prêtes à s’envoler, ces refuges dont le toit était parfois assujetti à unrocher par un câble,

le fameux jour blancle brouillard solaire.

Maintenant c’est le jour nuit

qui s’harmonise avec le grand âge.Quelles nouvelles vous apporter? «Si tu es là, la mort n’est pas là»

redisent les livres.Or je vous l’ai annoncé, déjà ils m’échappent. Et s’il y a succès, me dépassent.Deux rééditions en France ont été les bienvenues: le Testament du Haut-Rhône

et Vocation des Fleuves chez Fata Morgana. J’ai tenu avec joie en mains quelquesexemplaires, voici six semaines. Suivront Verdures de la Nuit et Les Grandes Jour-nées de Printemps prévues à peu près pour l’époque où l’on taillera les vignes. J’es-père voir luire les miennes, elles, en mains sûres de ma nièce Marie-ThérèseChappaz.

Quelques parchets d’Arvine et d’Ermitage remontent à mon oncle MauriceTroillet, vignes plantées par lui en 1920. Avec leurs mêmes ceps d’origine, renou-velés par bouturage uniquement.

Tandis que les titres que je cite, plusieurs fois réédités dans la pure et simpleconfiance, avaient paru en 1944 à Porrentruy et en 1945 à Lausanne.

A mes moments perdus je rumine, non sans plaisir, ces dates.La nouveauté c’est la durée,la vérité attend.

Palézieux m’accompagne de ses gravures, de ses dessins. Il est l’artiste qui a eule génie de ces instants indéfinissables, insaisissables quand le paysage s’humanise,

entre existence et néant,silence des couleurs et toutes les confidences de l’hiver.Il rend sensible une justesse intérieure de la nature: y compris celle des mon-

tagnes si proches, avec ou malgré leur architecture telle le séisme assoupli.

Permettez-moi cette pensée, ce paysle Valais tout particulièrement ne survivra que s’il s’exprimeratifiant cette très ancienne valeur: la solitude.

Bruno Roy, l’éditeur de Fata Morgana a cru presque exclusivement à un dia-logue avec la poésie. Il a fait ce pari et l’a tenu. A travers toutes les péripéties.

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Je ne cèlerai pas mon dialogue avec un responsable le dos au mur de sa maison:— L’actualisation des subsides fausse tout choix aujourd’hui. C’est ce qu’il y

a de plus difficile à contourner: la médiocrité est primée.— Oui, la médiocrité nous exile sur place. Le désert ou le compte d’auteur

était plus honnête autrefois.

Exister est une aventure.Je croirai toujours que les sources sont dans le désert. C’est ce que je voudrais

vous dire en terminant, avec la plume sur les lèvres, amis épars.

Fata Morgana a envisagé deux ultimes recueils de poèmes:Office des Morts et Tendres Campagnes (S’il s’agit du verbe aimer, «les femmes

entrent en campagne» a écrit La Bruyère.)

J’interroge ma fenêtre.Il bruine, il floconne, il gèle.Il rebrille, je vais tenter quelques pas, écrire avec mes jambes.Le soleil a la pâleur de la lune. Les sapins cheminent des Alpes vers les rivières

avec leurs scalps de neige.Dans l’étonnement de tout ce qui respirechères âmes

mes livres et mes vœux s’envolent!

Maurice Chappaz

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Saint-Mauricece 9 janvier 2004

Mesdames et Messieurs,Monseigneur Roduit Abbé de Saint-Maurice,Monsieur le Recteur Luisier,Messieurs les professeurs Mettan, Galliker, Berclaz qui ont œuvré aux réalisations d’aujourd’hui.

Je soulignerai la si juste, si neuve réussite de Pierre-François Mettan dans saprésentation critique de mon œuvre associée à celle de Corinna Bille inégalabledans sa force observatrice et intuitive.

Le grand ouvrage dans la basilique, de son père le peintre verrier EdmondBille, aussi nous accompagne et nous illumine.

Et je vous dis mon émotion à l’écoute de vos paroles chaleureuses dans cettesalle qui m’est dédiée.

Permettez-moi d’appeler les disparus en m’adressant à vous et à tous les amisprésents.

J’arrive de l’Abbaye du Châble ma paroisse desservie depuis toujours par leschanoines de Saint-Maurice, où votre prédécesseur, Monseigneur, était mon amile Curé Louis Ducrey, qui fut vicaire, curé, aumônier pendant 40 ans à Bagnes.Quel exemple! Sous ce nom je redirai ma reconnaissance la plus vive à mes anciensprofesseurs au collège, à tous, particulièrement à trois d’entre eux que je n’ai ja-mais oubliés, Norbert, Paul et Alexis (1).

De même mon affection et mes vœux vont à l’ultime condisciple qui partagevotre vie conventuelle le chanoine Marius Pasquier le musicien, l’organiste et parlui à tant de camarades

dont je garde le souvenir.

Pour répondre à l’essor généreux de vos éloges je commenterai brièvement laphrase inscrite au mur et celle qui suivra à un autre endroit plus tard.

Les mots sur la paroi ouvrent un livre de poèmes intitulé A Rire et à Mourir éditépour la première fois, voici 20 ans, en 1983:

…Un beau soir je suis partien quête d’un petit fruit

vert et mal mûr qui était moi-même.

Il s’agissait quand je l’ai écrit d’une rencontre à demi imaginaire avec les mortsde la Toussaint et d’un départ avec eux. J’appliquerai ces lignes plus nettement aupetit garçon de douze ans qui est entré dans ce collège… déjà trois quarts de siècle,en 1928. Il sourit d’être encore là et d’y revenir aujourd’hui.

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Ce petit fruit vert a cherché, trouvé ici plus qu’une profession, une vocation.L’adolescent doit découvrir avant tout l’homme qu’il est.

C’est ce que ce petit fruit vert a tenté parmi vous.Il y a ce qu’on enseigne et ce qu’on ne peut même pas enseigner.Sauf, j’en suis convaincu, si la culture prodiguée n’est jamais séparée du mys-

tère religieux, mais reliée avec prudence à ce mystère.Voilà ce qui me semble avoir été pratiqué à Saint-Maurice qui a paru souvent

être la capitale intellectuelle du Valais.

La future seconde phrase, je l’ai réellement entendue prononcée en chairedans la basilique. Un moine citait et expliquait le Cantique des Cantiques.

Il s’écria:

La poésie a l’importance du boisqui a servi à dresser le Christ

sur le monde.

Je l’ai rappelé dans un texte du Partage de Minuit qui s’intitule L’Eglise quienseignait la Poésie, une vingtaine de pages qui racontent mes classes à Saint-Mau-rice.

La poésie n’est pas une moralité. Elle est un signe, elle dit une présence. Dansle visible d’une réalité qui est le secret de la nature. Qui semble définissable et quinous échappe: la beauté. Le moment angoissant de s’ouvrir, de comprendre untout petit peu, se situe dans l’adolescence. Ce qui se passe au collège est presquetoujours plus important que ce qui se passera à l’Université.

On met ensuite toute une vie pour devenir, non pas représentant de ceci oude cela, mais homme.

Quelle longue naissance avant l’inconnu de l’autre vie qui est déjà dans celle-ci.

Ce bois qui servit à dresser, à greffer le Christ, ce cerisier, ce mélèze ou ce pin(c’était un pin, assure-t-on)

c’est l’Arbre de la Connaissance, cet arbre superbe qui nous pose une ques-tion par laquelle je terminerai en m’accrochant à saint Jean: Comment «être dansle monde sans être du monde»?

Sinon il n’y a toujours que des paradis ou des églises perdues…

Cette conclusion m’est mise dans la bouche par un ami, un de vos frères del’Abbaye revenu des Indes, Edouard Gressot, chapelain à Bagnes.

Je lui redis et vous redisà tous mon plus cordial merci.

Maurice Chappaz

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…Et il y a le Bois

Je ne puis pas après Saint-Maurice, sa parole et ses exemples, ne pas signalersoudain le poète Gustave Roud (2). «Bienheureux les pauvres par l’esprit, le royaumedes Cieux leur revient» (plutôt que «leur appartient»). Je suivrais ces mots au senslittéral; le paradis terrestre qui a existé et nous a échappé, nous retrouve, nousreprend.

La poésie est au premier degré, je m’aligne sur Paul l’apôtre, «ce qu’il y a defou dans le monde», ce balancement, ce balbutiement

d’un instant et d’un toujours.Cette avant-résurrection tremblante vécue par Roud,de l’Adieu à un Requiem.Le pays même est ici et ailleurs attendant son écriture.

… il y a le Boisoù l’éternité s’enracineavec l’autre mémoire

celle des tombeaux vides.

Privez-vous par amour de ce monde, l’autre apparaîtra.

Maurice Chappaz

(1) Norbert Viatte, Paul Saudan, Alexis Peiry.(2) Edmond Humeau, oblat temporaire envoyé par Jacques Maritain, est mon pro-

fesseur de français en troisième latine (dite classe de Grammaire) et Roud écrit dans sonJournal (27 juin 1932): «Humeau a seul vu clair» parmi tous les critiques à propos du Petittraité de la marche en plaine, son dernier livre. Ramuz, Cingria, Roud dans bien des leçonsétaient rencontrés.

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LIVRE D’OR DU COLLÈGE

* Réflexion d’Édouard Herriot (1872 – 1957), maire de Lyon en 1905, citéepar l’ancien élève Maurice Troillet (1880 – 1961), conseiller d’État de 1913 à1953 en Valais.

… — Oui, on peut partir à la chasse au chamois mais est-ce qu’on peut partirà la chasse à la vérité? —

— gouvernementale…?

(Sourires à l’Abbaye du Châble vers 1950. M.C. et M.T.)

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A PROPOS DE L’ÉVANGILE SELON JUDAS

DE MAURICE CHAPPAZ

Il est des chemins qui ne convien-nent qu’aux rudes souliers des poètes;les chaussures vernies des théologiens nepeuvent s’y aventurer sans risques. Telssont les sentiers intérieurs de Judas, dis-ciple de Jésus, ami et traître, une énigmechrétienne à portée universelle: com-ment peut-on trahirl’être le plus transparentque la terre ait porté,l’homme parfait dont leregard même est éter-nellement créateur?Quel poids d’amertumeressassée du fond del’enfance a pu amenerce Judas à préférer lesombres à la Lumière ve-nant en ce monde?Qu’est-ce que la libertéau cœur du brouillard?

Les contrées inti-mes de la vie de Judassont faites de pics ennei-gés, de vallées abruptes,de collines rocailleuses(comme des golgothas…), d’arbres fan-tomatiques où des gosiers de grives selancent des antiennes à cœur joie ou lit-téralement «à fendre l’âme».

Cet univers intérieur est si sembla-ble aux différents biotopes humains ex-plorés par notre chantre valaisan qu’oncomprend bien que Maurice Chappaz

se soit laissé happer par le projet d’un«Évangile selon Judas». L’entreprise estrisquée; les Évangiles «canoniques» eux-mêmes nous laissent au bord del’abîme et nous invitent à reculer loindu suicide et du mystère de cet hommedes ténèbres: «Il eut mieux valu que cet

homme-là ne fût pasné» (Évangile de Mat-thieu 26,24).

Mais MauriceChappaz ne craint pasle mystère — fût-ilsombre. Celui-ci le sé-duit — j’allais dire «letente» — comme l’ap-pel des cimes blanches.Et le voilà en marche,avec une poésie tortu-rée, exaltante et exal-tée, pour 160 pages deluttes avec les mots, lespierres, les idées, lesbrouillards de la vie, lessons pour trouver cettealchimie qui approche

ce que même les écrits inspirés n’ont pasvoulu dire: cette gémellité du Christ etde Judas, l’inextricable alliance du Roiet du fou, de l’amour absolu et del’amour exclusif, de la gloire et de lahonte.

Le lecteur, en cordée avec ce guideexigeant, sent bien, dès les premières pa-

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ges, que l’entreprise est folle, que lesnuages qui s’accumulent sur «ces facesnord» devraient nous faire rebrousserchemin. Il tire la langue et souffre àprendre le pas des phrases sur le rudechemin qui grimpe ou descend en à-pic.

Quelquefois — souvent –—il s’ar-rête pourtant, heureux sur un replat, oùune piste s’éclaire. Je pense à cette lu-mineuse idée de faire de Judas un res-capé du massacre des Innocents? Lespages y sont fortes, dures et belles. Noussommes, il est vrai, dans l’imaginationpoétique, mais nous pouvons y enten-dre les échos bien réels de toutes sortesd’autres massacres aux conséquencesabyssales… D’autres très belles clairiè-res se présentent aussi, où la pensée deChappaz se fait plus philosophique:

Nous succomberons (à un niveau trèsbas) aux trois tentations du Fils del’homme dans le désert: réduire le vrai àl’utile, préférer l’univers à l’âme, faire desmiracles avec le mal.

Tous les royaumes à la queue leu leun’arrivent à survivre, ni à répondre aupetit village où il a été écrit: «Tu adorerasDieu seul.»

La boue arrive. «On mourra de propreté», me dit

l’ange. (p. 31)Et l’on monte encore… et descend

encore… à travers les mystères de cecompagnonnage unique entre le Fils deDieu et son frère Judas, ce frère ambigutellement semblable à chacun d’entrenous. On monte à Jérusalem; on montevers ce repas du don de l’un et de la tra-hison de l’autre. On monte encore versles marges finales, celles de la croix de

l’un et de la corde de l’autre jusqu’à cemoment où il faut bien que l’espoir resteencore au bout du chapitre du poète:

Ah! le Christ en croix: la branche duprunier accorde son parfum à qui l’a bri-sée! (p. 120)

Chappaz emmène son lecteur surles bords d’aube de la Résurrection. Ils’agit là de regarder le ciel, et l’histoire,et d’y lire quelques signes d’une vie pourcelui qui a été englouti par une mortsans espoir… Le dernier mot, de toutefaçon, n’est pas à l’écrivain mais à laParole qui s’est faite chair. Et nous denous taire.

Le lecteur arrive aux dernières pa-ges de ce livre-expédition complètementfourbu, épuisé par une marche au pasde charge, mais avec quelques souvenirslumineux, comme des traits de lumiè-res dans un texte dru qui colle à sonsujet.

Comme ceux qui ont gravi avecsuccès des sommets trop élevés pour leurpréparation physique, le lecteur quittele guide Chappaz avec l’impressiond’avoir accompli quelque chose degrand: il a réfléchi, questionné, douté,souffert…

Le mystère Judas est-il vaincu? Rienn’est moins sûr, mais Chappaz sait,comme tous les montagnards, que l’ex-pression «vaincre la montagne» est men-songère et vaine. Judas restera toujoursle frère mystérieux, caché dans notreombre.

Chanoine Guy Luisier

Maurice Chappaz, Évangile selon Ju-das. Récit. Paris, Gallimard, 2001, 167 p.

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Avril 1974. Deux Chablaisiens dé-cident de relier Lausanne au Japon parle rail. Pari fou pour l’époque, les com-pères traversent l’immensité de l’URSSet atteignent Vladivostok après huitjours passés dans le prestigieux Transsi-bérien. Trente ans plus tard, les géantsrusses et chinois sont en pleine muta-tion et l’ouverture sur le monde boule-verse des années d’habitudes commu-nistes. Les mœurs ont évolué et monvoyage n’a assurémentpas été le même quecelui de mes deuxcompatriotes. Sac audos rempli de souve-nirs, j’ai bouclé monpériple le 22 décem-bre 2004: de Saint-Pétersbourg à Hong-Kong par le rail. Plusde 12000 kilomètresdans les trains russes,mongols et chinois.

Le voyage com-mence à Saint-Pétersbourg. Pour fa-ciliter mon premiercontact avec la boule-versante Russie, un

DE SAINT-PÉTERSBOURG À PÉKIN

Au début de l’automne 1979, Maurice Chappaz et Corinna Bille empruntaientla ligne du Transsibérien pour traverser le monde russe. Blaise Cendrars avait vécucette même expérience quelques années avant la Première Guerre mondiale.

Après sa maturité (Économie) en juin 2003, Johan Rochel a senti le besoin impé-rieux de partir à la découverte d’autres sociétés. Son esprit d’aventure l’a conduit vers lalointaine Asie. Enrichi par ses rencontres au cours de son voyage sur cette ligne mythi-que, il donne avec ce texte des notes vivantes sur son périple.

ancien étudiant du collège, Yan Walther,exilé pour une année universitaire, m’ac-cueille dans son appartement. Muséesd’une richesse incroyable, cathédrale etéglises imposantes, Saint-Pétersbourgest une cité magnifique. J’en garde unsouvenir ébloui, peut-être la plus belleétape de mon voyage si coloré. Mais letemps s’écoule rapidement sur les bordsde la Néva et, après une courte semainepétersbourgeoise, c’est déjà le moment

du départ directionMoscou.

Livré à moi-même dans la capitale,tout m’apparaît tropdémesuré. Des im-meubles staliniens auxavenues sans fin, Mos-cou n’est pas une villeà dimension humaine:l’individu s’évanouitdans cette jungle bé-tonnée. Sans trop deregrets, je quitte leKremlin un dimanchesoir. Les Russes sepressent déjà sur lesquais: le départ duTranssibérien est im-Vue sur la Place Rouge de Moscou.

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minent. Dans ma cabine,un jeune militaire qui re-joint sa caserne et deuxpoliciers en route pourNovossibirsk. Dans unétrange mélange anglo-russe, l’amitié s’installepeu à peu dans la confor-table cabine. Nous avonsle temps, tellement detemps à consacrer à cespetits instants. Le voyageen Transsibérien ressem-ble à un long pique-ni-que. Dès que le train s’ar-rête, on descend sur lesquais enneigés pour faire quelques em-plettes. Surtout prendre son temps.Apprécier les flocons sur son visage. Leretour à la douce cabine n’en sera quemeilleur.

Après cinq jours de voyage, le lacBaïkal! L’Asie est toute proche et les vi-sages se font plus nuancés. A Irkoutsk,plusieurs commerçants mongols sontmontés à bord. Les passagers qui pour-suivent la route jusqu’à Vladivostok bi-furquent ici. Mon train prend plein sud;Oulan-Bator, la capitale mongole, est àmoins d’un jour de voyage. Tout justearrivé sur les terres de Gengis Khan,j’embarque pour un périple dans lessteppes. Un américain de 22 ans ren-contré dans le train m’accompagne dansl’aventure. Après cinq heures de route àtravers des étendues lunaires, nous arri-vons dans une famille d’éleveurs. C’estjour de boucherie et la famille s’affaireau dépeçage des bêtes. Les deux touris-tes ne restent pas les bras ballants etdoivent aider à rapatrier les 600 têtesdu troupeau familial. A cheval donc!

Souper de viande fraîche et nuit de re-pos bien méritée parmi les membres dela famille et c’est déjà le retour à l’agita-tion d’Oulan-Bator. Les rues bruyanteset surpeuplées ont remplacé les plainesdésertiques. Adieu le calme et la séré-nité de la vie en autarcie! Mais l’heuretourne et le train siffle déjà sur les quais:dernier appel pour Pékin.

Appréhensions. Mais aussi atten-tes au contact de l’immense Empire. LaGrande Muraille ou la Cité Interdite ontpeuplé mon imaginaire comme autantde territoires lointains et inexplorés. Ilsfaisaient pour toujours partie du do-maine des rêves et de l’inaccessible. Etpourtant, demain. La gare de Pékin etson incessant ballet de bicyclettes. Tantde choses sont déjà derrière moi alorsque le train s’arrête au poste frontièrechinois. Devant, la découverte continue.Un nouvel apprentissage à recommen-cer: la troisième «naissance» de cet éton-nant voyage.

Johan Rochel

Surtout prendre son temps sur les quais…

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LE MIRACLE DE THÉOPHILE

UN SPECTACLE DU COLLÈGE POUR L’ABBAYE DE SAINT-MAURICE

Vers 1260, Rutebeuf, l’un des ra-res poètes français du Moyen Age dontle nom et l’œuvre soient parvenus jus-qu’à nous à travers les siècles, entreprendde composer un poème lyrique destinéà être joué devant le bon peuple: c’est leMiracle de Théophile.

Sans doute Rutebeuf s’est-il inspiréde l’œuvre de Gautier de Coinci (1177-1236). Il devait aussi avoir connaissancede la longue et riche tradition des récitsen latin (et dans les principales langueseuropéennes de l’époque) relatifs à l’his-toire de Théophile, prêtre et économede l’église d’Adana, en Cilicie (une ré-gion de l’Asie Mineure), au 6e siècle.Théophile, spolié par son évêque, s’étaitdonné au diable pour retrouver son pou-voir et ses richesses, et, après son repen-tir, n’avait dû son salut qu’à l’interven-tion de la Vierge Marie.

Cette histoire populaire a été inté-grée au culte marial, et on la retrouvedans les arts jusqu’au 16e siècle environ:vitraux, tympans de cathédrales (Notre-Dame de Paris, Lyon), peintures et mi-niatures, sculptures, qui relatent ou il-lustrent différents épisodes de l’histoirede Théophile. Même François Villon s’yréfère dans l’un de ses poèmes (Balladepour prier Notre-Dame).

De cette histoire et des versionsprécédentes, Rutebeuf va tirer un ma-gnifique poème qui alterne les octosyl-labes, les tétrasyllabes et les alexandrins,et qui combine une admirable richesse

de contenu poétique (jeux sur les ima-ges et sur les significations, équivoques,émotions) avec une remarquable maî-trise technique (rimes, allitérations, as-sonances, structure du poème).

Vers le printemps 2003, l’aumône-rie du Collège a exprimé le souhaitd’animer le temps de la Nativité de lamême année par une manifestationquelque peu inhabituelle.

Alors, l’idée a germé — et s’est trèsvite développée! — de créer un specta-cle qui serait directement lié au cultemarial, qui serait joué dans les églises,comme au Moyen Age, et qui consti-tuerait en quelque sorte un cadeau deNoël du Collège à l’Abbaye, Abbayesans laquelle le Collège n’existerait pas.

Le projet était d’autant plus perti-nent et d’actualité qu’en 2003, le

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Chœur du Collège et l’Aumônerie fê-tent tous deux leur 25e anniversaire!

Afin que le spectacle soit le plus re-présentatif possible de l’ensemble duCollège, on décida d’unir les efforts, lescompétences et les qualités du Chœurdu Collège, sous la direction de MichelRoulin, et de l’Atelier-théâtre, dirigé parHormoz Kéchavarz. Dans le but d’as-surer la plus grande cohérence possibleet une efficacité artistique maximale auspectacle, les pièces interprétées par leChœur furent tout spécialement écri-tes pour Le Miracle de Théophile, tantpour les textes (Michel Roulin) quepour la musique (Oscar Lagger). Ellessont donc totalement originales.

Le texte même de Rutebeuf a étéretranscrit par Hormoz Kéchavarz enfrançais compréhensible aujourd’hui,tout en lui gardant un «aspect» ancienet une patine moyenâgeuse, et surtouten respectant jalousement le vers, la mé-trique et le caractère même de poèmerimé de cette œuvre de Rutebeuf, ce qui,à notre connaissance, n’avait pas été faitauparavant. Le texte de Rutebeuf a étécomplété par quel-que 400 vers, pourdes raisons de cohé-rence théâtrale, etpour permettre àtous les élèves-co-médiens, et surtoutà toutes les élèves-comédiennes, dejouer.

Les décors,imaginés et conçuspar Jean-PierreCoutaz et HormozKéchavarz, étaient

eux aussi tout à fait originaux, et ont,d’après de nombreuses réactions, séduitet enchanté le public. Des tulles (gen-res de voilages spécialement conçus pourle théâtre) étaient tirés sur des structu-res légères et discrètes; sur ces tullesétaient projetés des motifs variés, ce quipermettait de changer de décor et d’am-biance, et de faire apparaître et dispa-raître le Chœur et l’orchestre à volonté.Dans le cadre majestueux et imposantde la Basilique de Saint-Maurice, c’étaitmagique!

On peut donc dire, sans exagéra-tion, mais avec une pointe d’humour,que ce spectacle original a constitué une«première mondiale», en ce qui con-cerne Le Miracle de Théophile!

Les éditions Saint-Augustin ontréalisé une édition bilingue, comportantle texte original de Rutebeuf en ancienfrançais, avec en regard la retranscrip-tion et les ajouts, ainsi que les parolesdes chants du Chœur (1).

Les costumes et les accessoires dejeu furent mis à disposition par la so-ciété La Bayardine, de Saillon, par l’in-

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termédiaire de Stéphane Roduit et deson épouse Stéphanie, qui ont donc lar-gement contribué au succès de la mani-festation. L’indispensable recherche defonds, qui permit de boucler un bud-get de CHF 40’000.- sans déficit, futassuré par le procureurde l’Abbaye, le cha-noine FrancoBernasconi, et par leproviseur Yves Four-nier. Les loges pour lesacteurs et autres facili-tés, le mobilier descène, quelques acces-soires de jeu, etc., fu-rent mis à dispositionpar l’Abbaye, qui fitpreuve d’un soutien etd’une compréhensionsans failles, en particu-lier pour l’installationdes structures (lourdes)son et lumière dans la Basilique, pourles répétitions, et aussi pour les inévita-bles perturbations pendant les heures deculte, etc.

Ce spectacle représentait donc unprojet ambitieux, un geste du Collègepour l’Abbaye, et un témoignage desliens profonds et essentiels qui les unis-sent.

Le spectacle a été présenté au moisde décembre 2003, trois fois à la Basili-que à Saint-Maurice (une séance publi-que le 5 décembre, et deux séances pourles professeurs et les élèves du Collègele vendredi 19 décembre à 9h30 et à13h50), une fois à l’église Saint-Michelà Martigny-Bourg, le samedi 20 décem-bre 2003 à 20h00, et une fois à l’égliseSaint-Guérin à Sion, le dimanche 21

décembre à 15h00, à chaque fois avecun grand succès. L’aventure s’est termi-née en apothéose à l’église Saint-Gué-rin, à Sion, devant un public conquis,qui avait rempli l’église (près de 500 pla-ces!), et qui a longuement ovationné le

Chœur, l’orchestre etles acteurs.

Plus de quatre-vingt-dix participantsont assuré le succèspublic de ce spectacle:pour la très grandemajorité, c’étaient desélèves du Collège (co-médiens, choristes,instrumentistes, figu-rants et personnel descène). L’équipe a étécomplétée par quel-ques professeurs et an-ciens élèves du Collège(choristes et instru-

mentistes) et par des musiciens profes-sionnels.

Les échos et les réactions du pu-blic ont été plus que positifs. Nombreuxfurent ceux et celles qui regrettèrent quele spectacle n’ait pas fait l’objet de re-présentations supplémentaires. De l’avisgénéral, Le Miracle de Théophile devraitêtre repris!

Ce fut une belle aventure, une for-midable réalisation collective, et, aprèsune telle expérience, nos jeunes artistes— et les nouveaux venus — ont hâtede vivre des moments aussi exaltants!

Théo Fyle(1) Des exemplaires de cette édition

sont en vente au prix de fr. 12.- à la porteriede l’Abbaye. DVD du spectacle:Mastromauro, Palm Studio, 079 460 77 57

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Musique, solidarité, étudiants. Telsétaient les trois termes que nous nousétions proposés d’associer dans notreprojet de Gala des Étudiants.

Près de trois mois plus tard, deuxnouveaux mots les ont remplacés: suc-cès et merci.

Cette soirée de charité a été, il fauten convenir, un succès. Lequel peut toutà fait être qualifié d’inespéré. Si l’onconnaissait la valeur de nos musiciens,qui n’ont pas failli à leur réputation etqui ont mis toutes leurs qualités et toutleur cœur sur la scène du Martolet, toutle reste n’était qu’incertitude et, dans nosrêves les plus fous, nous imaginions ac-cueillir quelque deux cents personnes,et récolter une somme avoisinant les7’000 francs.

Quelle heureuse surprise, donc, le12 février, que de retrouver environ 450personnes dans la Grande Salle. Etquelle heureuse surprise que d’appren-dre, après bouclement des comptes quenous pourrons apporter près de 13’000francs à nos amis roumains. Et quelle

plus heureuse surprise en-core que d’y ajouter le sou-tien d’un généreux donateur— qui souhaite rester ano-nyme — qui n’a ni plus nimoins doublé la somme!

La représentation dusoir a donc été couronnée desuccès, à l’image du specta-cle de variétés présenté auxétudiants l’après-midi, de-vant une audience nom-breuse et généreuse. Forceest donc de constater quetout le monde a réponduprésent à l’appel de la soli-darité. A une époque où l’in-dividualisme semble régner,

cela réchauffe le cœur.Et surtout, le Collège Saint-Joseph

de Bacau pourra recevoir une sommesuffisante à l’élaboration de sa biblio-thèque et qui pourra peut-être mêmepermettre de mettre en route d’autresprojets pour garantir à ces jeunes collé-giens roumains des conditions d’étudesfavorables.

Il reste encore un mot pour quali-fier l’aventure de ce Gala, et qui estdonc: Merci! Car sans le soutien de tout

LE GALA DES ÉTUDIANTS

Béatrice et Anne-Catherine Berrut ovationnées au termede leur duo.

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Le 30 janvier de chaque année, datede la mort du Mahatma Gandhi, desactions et des manifestations diversessont mises sur pied dans de nombreu-ses écoles à travers le monde pour pro-mouvoir activement les idées de paix,de non-violence et de solidarité.

L’année dernière, le Collège s’estassocié à cette démarche en récoltantplus de 500 signatures de collégiens etde professeurs en faveur d’un «Mani-feste de Paix».

Cette année, le 30 janvier, environ1’500 «Paroles de Paix», découpées enformes variées dans du papier fort parles élèves de 8e du CO privé, furent of-fertes aux élèves et aux professeurs.

Par ailleurs, afin de participer àcette journée, toujours sur une base li-bre et volontaire, mais de façon plus

DES POÈMES POUR LA PAIX

créatrice, il a été proposé aux élèves departiciper à un concours de poésie, avecpour thème: la Paix. Le résultat dépassales espérances des professeurs qui avaientlancé le projet, puisque plus de 35 élè-ves remirent un poème dans les délais.

Un jury, composé de quatre pro-fesseurs, décerna un premier prix (Fr100.-), un deuxième prix et un troisièmeprix (Fr 50.- chacun) dans deux catégo-ries différentes: d’une part, les élèves de3e, 4e et 5e année, et d’autre part, les élè-ves du CO privé, de 1ère et de 2e année.Les prix furent remis aux vainqueurs parle recteur au cours d’une brève cérémo-nie publique. Tous les poèmes ont étéaffichés dans le hall du Collège pendantune quinzaine de jours.

On pourra lire ci-dessous les deuxpoèmes lauréats.

Une musique angélique grâce à laharpiste Marie Frachebourg.

un chacun, qu’il ait été logistique, financier,artistique ou moral, et par la présence nom-breuse du public, jamais ce spectacle n’auraitpu atteindre ses buts. Musique et Solidarité— les deux Formes suprêmes de la philoso-phie platonicienne, le Beau et le Bien — onttriomphé des embûches rencontrées durantles neuf mois de préparation. Neuf mois? Onpeut alors dire que l’accouchement s’est bienpassé, et qu’en a résulté un très beau bébé!

Maintenant, avec le soutien de l’aumô-nerie, il reste à éduquer ce bébé, et à le pré-server des difficultés qu’il pourrait rencontrer,dans son voyage vers nos amis de l’Est. Quisauront apprécier l’effort.

Encore merci, en leur nom et en celui detous ceux qui ont pu «profiter» de l’expérience.

Jérôme Favre 5 éco

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Lueur d’espoir

Des cieux déchirés et abandonnésReflètent toujours tous ces gouffres sourdsOù explose, vaine, une immense haine.

Mais parmi les huées, fidèle aux destinées,Une plume angélique allume, féerique,

Dans un espoir secret, les lettres du mot paix.

Irène Ferraz, 5D

Une paix dans le silence

Depuis sa cachette, il vous observe vivre.Il veut fermer les yeux sur vos grossièretés.Alors vos échanges et rires le rendent ivre.

Comblé, son cœur pourrait sans regrets s’arrêter.

Quand il déborde et veut se mêler à la fête,Là, devant lui, un rideau se dresse et l’arrête.

Que pourrait-il apporter à vos relations?Sinon de tout briser par son intervention.

Il la connaît trop bien, votre méchanceté.Après tout ce temps, peut-être avez-vous changé?Approchez, ne le laissez plus dans ses tourments.

Approchez, il ferme les yeux, il vous attend.

Sur son épaule une main viendrait se poser.Et d’autres encore sans jamais le blesser.Ne blâmez ni sa retenue ni sa prudence,

C’est qu’il préfère vous aimer dans le silence.

Ryan Delieutraz, 2B Latin

Le succès rencontré par l’initiative— et la qualité des œuvres présentées— encouragera sans aucun doute lesinitiateurs à renouveler l’expérience l’an-née prochaine, tant il est réconfortantde constater que le goût de la poésie nes’est pas perdu parmi nos jeunes étu-

diants: nombre d’entre eux nous ont ditqu’ils rédigeaient des poèmes pour leurplaisir, mais qu’ils n’avaient pas «osé»participer!

Nul doute qu’ils et elles seront dela partie l’année prochaine!

Hormoz Kechavarz

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Décès

M. Roland Adam, de Clarens (vo-lée 1947), Roland Antony, de Saint-Maurice (volée 1960), Georges Bavarel,de Vernayaz, Bernard Benvenuti, deMassongex (volée 1966), RogerBernasconi, de Genève, Gabriel Boinay,de Porrentruy, Roger Bovey, de Lavey-Village (volée 1944), Jean-François

Nous ne publions dans cette rubrique que les nouvelles qui nous sont communi-quées ou que nous relevons dans la presse. Nous demandons à tous nos anciens élèves, àleurs familles et à nos amis, de nous communiquer systématiquement toutes les nouvel-les susceptibles d’intéresser nos lecteurs. Écrivez simplement à : Rédaction des Échos deSaint-Maurice, Abbaye, Case postale 34, 1890 Saint-Maurice

CHRONIQUE DES ANCIENS

La rencontre annuelle des anciensélèves du collège eut lieu le samedi 8novembre. Elle fut l’occasion d’une re-marquable conférence donnée au Théâ-tre du Martolet par le Père Jean-Ber-nard Livio, S.J., sur un thème d’un in-térêt très actuel: La Terre promise avantet après Jésus-Christ. «Terre promise»: unbeau vocable religieux qui nous jette enpleine révélation biblique, mais concrè-tement, qu’est-ce que cela signifie? Lesaléas de l’histoire, les conflits perma-nents dont cette terre a été le théâtredepuis plus de trois millénaires, fontqu’il est bien difficile de savoir ses limi-tes exactes et ses occupants légitimes.

RENCONTRES DE SAINT-MAURICE 2003

Les Juifs gardent pour elle un attache-ment viscéral, la prétention des milieuxsionistes à justifier la colonisation de laPalestine par les textes bibliques n’est pasfondée: elle ne tient pas compte de laréalité géopolitique du Proche-Orient.Un dépassement spirituel s’avère néces-saire pour s’élever à la vraie perspectivemessianique et à la Jérusalem céleste. Ledébat qui suivit a été animé par YvesBesson, ancien diplomate et arabisant,qui fit lui-même un exposé très préciset bien documenté dans lequel il s’éten-dit longuement sur la situation politi-que, mettant en évidence les causes etles mécanismes du drame actuel.

Braun, de Grandvaux (volée 1967),Georges Breganti, de Monthey, ErnestCherbuliez, de Dardagny, ArmandChevalley, de Saint-Maurice (volée1935), Victor de Kalbermatten, deMonthey, Tibor de Siklossy, de Zurich(volée 1959), Gérard Delaloye O.P., deGenève (volée 1942), René Delaloye,

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de Martigny, Jean-Marie Domon, deGenève (volée 1952), Gaston Dussex,de Kloten (volée 1941), HansjörgFlueler, de Pfäffikon (volée 1947), AlainFrachebourg, de Salvan (volée 1979),Salvador Garcia, de Monthey (volée1991), Jean-Benoît Gay-Balmaz, deMartigny (volée 1968), DanielHauswirth, de Choëx (volée 1968),Bernard Indermuhle, de Muraz/Illarsaz(volée 1960), Henri Jaquenoud, deMonthey, Dominique Kuhnis, deArdon (volée 1953), Ephis Lorétan, deHohtenn (volée 1944), Jean-FrançoisLusci, de La Chaux-de-Fonds (volée1986), Pierre Marlétaz, de Genève (vo-lée 1967), Henri Mehling, de Plan-les-Ouates (volée 1946), Albert Monay, deTroistorrents (volée 1968), Stéphane

Morend, de Saint-Maurice (volée1989), Nicolas Mottet, de Evionnaz(volée 1977), Raymond Paccard, deMonthey, Yves C. Perreten, de Genève(volée 1984), Jean-Paul Pignat, de Lau-sanne (volée 1954), Jean-Marie Revaz,de Petit-Lancy (volée 1960), AndréRomanens, de Grand-Sacconex (volée1967), Michel Sarrasin, de Pully (volée1948), Jean-Jacques Schwarz, de Pully,Albert Suter, de Overwil (volée 1950),Paul Theurillat, de Bassecourt, BernardTissières, de Martigny (volée 1939),André Turini, de Sierre, GeorgesVouilloz, de Finhaut (volée 1932),Pierre Wildhaber, de La Chaux-de-Fonds, Michel Wuilloud, de Collombey(volée 1978).

La nouvelle salle capitulaire aménagée dans notre ancienne bibliothèque a été bénite levendredi de Pâques 16 avril à l’occasion du chapitre général annuel ordinaire.

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Comme chaque année, nous avonsdemandé à M. le Procureur de nous in-former des travaux réalisés ou en cours.La liste est toujours impressionnante !

En automne 2003 s’est terminél’important chantier de la restaurationl’ancienne bibliothèque pour en faireune magnifique salle capitulaire. Lestravaux de finition ont duré encore quel-ques mois, et ce n’est que le 16 avril2004 que Mgr Joseph Roduit put bénirnotre nouvelle Aula capitularis à l’occa-sion du chapitre annuel. Ces travaux ontencore permis l’aménagement de ma-gnifiques chambres pour le noviciat àl’étage supérieur et pour les confrèresou les hôtes de passage au 3e.

Dans le monastère lui-même, laremise à neuf de l’ascenseur a été entre-prise durant l’été dernier. On a profitédu changement de prieur pour rafraî-chir sa chambre et son bureau. Au grédes déménagements internes, d’autreschambres du cloître ont elles aussi étérepeintes.

Au collège on poursuit de mêmerégulièrement la rénovation des salles declasse et on procède à divers aménage-ments nécessités par les nouvelles exi-gences pédagogiques. Le Salon du rec-teur est devenu, comme il été dit dansce numéro, Salle Maurice Chappaz.

Ce printemps, on a transformé undortoir de l’Internat en quatre nouvel-les chambres. Le grand réfectoire trou-

TRAVAUX ET GÉNÉROSITÉS

vera cet été une nouvelle jeunesse grâceà des travaux de peinture et de menui-serie. Des fuites d’eau à plusieurs en-droits ont nécessité des interventionsrelativement lourdes.

A la cuisine, notons le renouvelle-ment coûteux des deux grandesbraisières.

Du côté de la Basilique, plusieurschantiers vont démarrer bientôt. Unnouveau carillon de concert sera amé-nagé dans le clocher. En automne, lechœur et l’avant-chœur de l’église se-ront enfin réaménagés après de longuesétudes préparatoires; c’est un architecteparisien qui a été choisi pour ce projet.L’éclairage du sanctuaire sera lui aussirenouvelé.

Frère Laurent va pouvoir placersous peu des nouvelles fenêtres de safabrication dans les cages d’escalier dubâtiment de la Procure.

Divers autres travaux d’entretienou de réfection vont être entrepris dansles divers immeubles du complexe ab-batial: au Parvis, à la Ferme en Pré…

A l’Hospice Saint-Jacques, l’instal-lation du nouvel atelier de condition-nement et restauration de documentsd’archives a nécessité le déménagementà l’étage du locataire.

La Communauté abbatiale remer-cie de tout cœur tous les amis de l’Ab-baye pour leur générosité et pour le sou-tien qu’ils ne cessent de lui apporter.