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JEAN-HERVÉ LORENZI AVEC MICKAËL BERREBI FAUT-IL DÉMANTELER GOOGLE... ET QUELQUES AUTRES ?

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JEAN-HERVÉ LORENZIAVEC MICKAËL BERREBI

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FAUT-IL DÉMANTELER GOOGLE... ET QUELQUES AUTRES ?

Ce livre est un plaidoyer pour le progrès. Il nous fait pénétrer dans l’univers des nouvelles technologies, ses exceptionnelles perspectives et ses risques.

On évoque aujourd’hui beaucoup le numérique, à juste titre, mais bien d’autres domaines scientifiques sont concernés, la génétique, l’énergie, les nano-technologies. Peut-être notre liberté est-elle en danger : les dirigeants de ces grandes entreprises technologiques veulent définir le monde dans lequel nous vivrons dans les décennies à venir.

Il s’agit donc d’éviter que les entreprises imposent leurs choix au monde, au détriment des puissances publiques, dans tous les domaines de notre vie sociale et privée.

Une première question parmi bien d’autres émerge : faut-il démanteler Google et les autres GAFA ?

Jean-Hervé Lorenzi est professeur d’économie à l’université de Paris-Dauphine et président du Cercle des économistes. Mickaël Berrebi est diplômé de l’ESSEC, fi nancier et membre de l’Institut des actuaires.

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17 €

Couverture : Imaginima studio © GettyImages Studion Eyrolles © Éditions Eyrolles

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FAUT-IL DÉMANTELER GOOGLE... ET QUELQUES AUTRES ?

Ce livre est un plaidoyer pour le progrès. Il nous fait pénétrer dans l’univers des nouvelles technologies, ses exceptionnelles perspectives et ses risques.

On évoque aujourd’hui beaucoup le numérique, à juste titre, mais bien d’autres domaines scientifiques sont concernés, la génétique, l’énergie, les nano-technologies. Peut-être notre liberté est-elle en danger : les dirigeants de ces grandes entreprises technologiques veulent définir le monde dans lequel nous vivrons dans les décennies à venir.

Il s’agit donc d’éviter que les entreprises imposent leurs choix au monde, au détriment des puissances publiques, dans tous les domaines de notre vie sociale et privée.

Une première question parmi bien d’autres émerge : faut-il démanteler Google et les autres GAFA ?

Jean-Hervé Lorenzi est professeur d’économie à l’université de Paris-Dauphine et président du Cercle des économistes. Mickaël Berrebi est diplômé de l’ESSEC, fi nancier et membre de l’Institut des actuaires.

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Groupe Eyrolles61, bd Saint-Germain75240 Paris Cedex 05

www.editions-eyrolles.com

En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisa-tion de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.

© Groupe Eyrolles, 2017ISBN : 978-2-212-56762-5

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Jean-Hervé LORENZIavec Mickaël BERREBI

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Sommaire

IntroductIon

La nouvelle condition humaine .............................................................................. 7L’éternelle prophétie d’un monde meilleur ......................................... 8La répétition du débat entre le progrès et la société ...................... 12Qui déterminera le xxie siècle ? .................................................................. 15Peur et espoir d’un monde en gestation ................................................. 17

chapItre 1

Une grande stagnation, mais pas séculaire .................................................. 21La stagnation séculaire ou les voies de la liberté ............................... 22Transition, les prémices d’une révolution industrielle.................. 31Une influence déterminante et croissante............................................. 42

chapItre 2

L’Éden technologique................................................................................................... 51L’intelligence artificielle ou la déshumanisation ............................... 53La blockchain ou la nouvelle confiance ................................................. 63Le Big Data ou la disparition du libre arbitre .................................... 74La manipulation génétique ou l’homme-dieu ................................... 81

chapItre 3

Un marché du travail explosé .................................................................................. 91Retour sur le passé ................................................................................................. 92Le rêve de la connaissance universelle ..................................................... 94Le rêve de l’entrepreneuriat généralisé .................................................... 101L’explosion de la faible qualification ......................................................... 109Un nouveau rapport salarial ............................................................................ 114

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chapItre 4

Le génie humain à la manœuvre ............................................................................ 121Un grand bond scientifique ............................................................................. 122La mainmise des communautés de réseaux .......................................... 132L’intrusion généralisée ......................................................................................... 137

chapItre 5

Une société du renoncement ? ............................................................................. 145Un monde à plusieurs vitesses ....................................................................... 146Le choc des classes moyennes ......................................................................... 151Le populisme triomphant .................................................................................. 155

chapItre 6

Qui gouverne : politiques ou prophètes technologiques ? ............. 159L’avenir des sociétés humaines aux mains des grandes entreprises technologiques ................................................................................ 160Une société contrôlée par les grandes entreprises technologiques ........................................................................................................... 169Le rêve d’échapper à la fiscalité des États .............................................. 174

chapItre 7

Deux voies possibles, la grande divergence ................................................ 181Brave Westworld ....................................................................................................... 183Anthropos ...................................................................................................................... 190

chapItre 8

Réhumaniser le monde ................................................................................................ 197Casser les monopoles technologiques ...................................................... 199Redéfinir une éthique mondiale .................................................................. 210Restaurer une vraie privacy ............................................................................. 215Remettre la technologie au service de la prospérité ..................... 220Vers une nouvelle puissance publique ...................................................... 223

Annexes .................................................................................................................................. 229

Bibliographie ....................................................................................................................... 239

Index des notions clés ................................................................................................. 245

Index des personnes citées ..................................................................................... 247

Index des entreprises ou institutions citées ................................................ 253

Table des graphiques et tableaux ........................................................................ 255

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Nous tenons à remercier Isabelle Albaret, Antoine Lefébure, Maurice Ronai et Guy Turquet de Beauregard pour leur aide précieuse,

tant sur les idées, commentaires et suggestions.Nous tenons également à remercier Angélique Delvallée

pour son soutien permanent.Et enfin, nous remercions Marius Amiel, Pierre Garin, Léa Konini

et Julien Maire pour leur gentillesse et leurs dernières relectures.

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Introduction

La nouvelle condition humaine

Le monde est perplexe, peut-être même perdu. Il découvre avec surprise que la sortie de crise ne suppose en rien le retour à cette croissance exceptionnelle du début des années 2000. Il comprend enfin que le vieillissement, le choc démographique, le ralentissement des gains de productivité, l’explosion des iné-galités, la finance non maîtrisée créent des conditions écono-miques totalement nouvelles et, de fait, un ralentissement de l’économie mondiale. Les politiques monétaires accommodantes arrivent à leur terme, les taux d’intérêt vont retrouver une pente ascendante, les politiques budgétaires sont limitées par le poids des dettes publiques sauf peut-être des exercices temporaires à la Trump. C’est aujourd’hui le moment du recul du monde ration-nel, celui de la montée des extrémismes et du populisme, celui où alors le rêve technologique apparaît comme le seul d’un monde meilleur. C’est de cela que ce livre va parler. Les risques que fait courir à nos sociétés une vision naïve et simpliste de l’Éden tech-nologique, celui où les politiques s’effacent devant les nouveaux prophètes de la technologie qui dessinent pour nous le monde qu’ils veulent pour eux.

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L’éterneLLe prophétie d’un monde meiLLeur

L’illusion technique a un prophète, Jeremy Rifkin. Certes, il est loin d’être seul. Il est le porte-parole de formidables entrepre-neurs qui, au-delà de leurs promesses d’aujourd’hui, imaginent qu’ils peuvent façonner le monde à l’aune de leurs innovations. Mais Rifkin demeure le plus emblématique car il donne à ces perspectives une apparence scientifique et culturelle.

Pourquoi s’acharner sur ce malheureux propagandiste d’un monde enfin débarrassé de toutes les contraintes subies depuis des millénaires : le travail, l’ignorance, les guerres, les transitions multiples à commencer par celle du climat ? Tout simplement parce qu’il résume, à lui seul, cette vision naïve d’un monde où le maître mot est celui de progrès. Ou simplement, un monde où un consommateur repu et apaisé définira la nouvelle condition humaine. Rifkin confond sous le terme général de « progrès » les évolutions exceptionnelles de la science et leurs applications techniques pour le plus grand nombre. Mais qu’entend-on préci-sément par le terme de « technique » ? On peut la définir comme l’ensemble de simples procédés destinés à la production et donc comme le résultat d’une application concrète de la science, outil de compréhension du monde. Tout procédé de la science désigne une connaissance qui se veut parfaite, rigoureuse, de plus en plus soucieuse de formalisme, et qui fonde cette prétention par un recours accru à des outils de calcul inconnus jusqu’alors. Les techniques puis les innovations ne sont que des applications de ces progrès géants dans la connaissance. C’est de cette confusion que naît le problème.

Reprenons Rifkin. Son dernier ouvrage, La Nouvelle Société du coût marginal zéro 1, réussit ce coup de force de faire de tout de l’Internet la réponse à la crise du système capitaliste, à ses menaces sur l’humain et sur l’environnement. Comment mieux résoudre le chômage de masse, voire la fin du travail comme Rifkin l’an-nonce depuis longtemps, que d’imaginer ces « prosommateurs »

1. Jeremy Rifkin, La Nouvelle Société du coût marginal zéro, Babel, 2016.

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capables de produire tout ce dont ils ont besoin ? Comment mieux en finir avec l’obsession d’une croissance plus qu’hypo-thétique et régler le problème devenu central des inégalités que d’envisager une société de pair à pair, de partage et de collabo-ration, où le profit n’a plus de sens et qui peut essaimer dans les zones les plus pauvres du monde, comme c’est le cas dans cer-taines communes rurales en Inde ? Comment mieux recréer du commun que d’imaginer un nouveau modèle de gouvernance, les « communaux collaboratifs » qui ne sont pas sans faire pen-ser aux « commons » datant des féodalités où la production pour l’usage prévaut sur la production pour l’échange ? Enfin, dans le domaine des fausses évidences, comment mieux réduire l’em-preinte carbone de l’activité humaine que de privilégier les éner-gies renouvelables et un style de vie qui réconcilie l’abondance – le « tout gratuit » – et la durabilité ?

Selon Rifkin, c’est en fait vers une troisième révolution indus-trielle, fondée sur l’Internet des objets connectés, que se dirige le monde. Mais peut-on affirmer qu’il s’agit d’une révolution industrielle, au sens d’un nouvel équilibre de production et de consommation, fondateur d’un nouveau cycle de croissance éco-nomique et résultant d’une série d’innovations liées à l’essor et à la diffusion de nouvelles techniques ? Cette conclusion est hasar-deuse car le développement de l’Internet des objets et des éner-gies demeure embryonnaire et incertain.

Mais, surtout, le concept abusivement usité de révolution indus-trielle ne fait pas consensus. C’est une fois de plus Schumpeter qui nous remet dans le droit chemin : « Arpentant le cours de l’histoire économique, nulle part nous ne trouvons de brus-ques ruptures mais uniquement une lente et continuelle évolu-tion 1. » Les économistes et historiens ont toujours été en débat constant sur la dynamique de l’évolution technique. Certains, comme Braudel, la voient comme un processus linéaire, tandis

1. Joseph A. Schumpeter, « Capitalism » (1946), Essays on Entrepreneurs, Innova-tions, Business Cycles, and the Evolution of Capitalism (édité par Richard V. Cle-mence), Transaction Publishers, 2003, p. 189-210.

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que d’autres privilégient une approche par ruptures. L’idée de révolution industrielle, le résultat de la seconde approche, doit être maniée avec précaution.

L’incertitude sur l’hypothèse d’une troisième révolution indus-trielle n’est d’ailleurs pas seulement technique. Le dévelop-pement de l’Internet des énergies renouvelables suppose une approche collaborative de l’économie qui dépasse le mode de production traditionnel fondé sur l’échange marchand. Qu’il s’agisse des progrès techniques ou du mode de production et de consommation que ces évolutions techniques supposent, on peut se demander si les conditions d’une révolution industrielle sont réunies.

En dépit de cette approche si discutable, Rifkin, le prophète, sorte d’héritier de Charles Fourier et de ses phalanstères, fait mouche dans un monde où les scénarios catastrophe sont légion, et son propos d’un optimisme si naïf en séduit plus d’un et non des moindres.

Mais s’il était seul, le monde serait simple, et la critique aisée. En fait, il est rejoint par d’autres prophètes qui, eux, ne se contentent pas de prébendes conférencières, mais sont au cœur de l’organi-sation économique actuelle, et qui nous décrivent le monde tel qu’il doit être. Écoutez-les. Eric Schmidt 1 explique que « votre voiture doit se conduire toute seule [et qu’il] est impensable de laisser des humains conduire ». De la même manière, Jeff Bezos 2 estime que c’est à un drone que revient la tâche d’effectuer des livraisons de colis, et qu’« un jour, ces livraisons seront aussi cou-rantes que de voir un camion de courrier ». Pour Sundar Pichai 3, celui dont on dit qu’il joue pour Larry Page 4 le même rôle que Moïse pour Dieu, à savoir décrypter des projets abstraits d’un esprit trop éclairé pour être compris de tous, « le concept même d’appareil sera amené à disparaître. Avec le temps, l’ordinateur

1. PDG de Google de 2001 à 2011.2. Fondateur d’Amazon et de l’entreprise aérospatiale Blue Origin.3. Nommé PDG de Google en 2015.4. Cofondateur de Google.

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lui-même, quelle que soit sa forme, sera un assistant intelligent qui vous accompagnera tout au long de la journée ». Quant au fascinant Elon Musk 1, il est bien déterminé à créer des villes entièrement autonomes sur Mars, car « si nous restons toujours sur Terre, il y aura éventuellement un événement d’extinction massive ».

Ce sont des hommes exceptionnels, des innovateurs et des indus-triels remarquables. Mais doivent-ils pour autant nous tracer la route de l’humanité ? Une humanité fascinée par de nouveaux outils, éperdue de reconnaissance envers ceux qui nous les four-nissent ; une humanité fascinée par d’extraordinaires moyens de communication, éperdue face à un monde indiscernable. Au fond, tout se résume à l’idée simple que le progrès est infini, qu’il s’impose à tous et en tout lieu, qu’il transforme et améliore notre condition, et que c’est à ceux qui le dessinent qu’il convient d’en fixer les règles.

Ainsi, l’intelligence artificielle et le génie génétique seraient les instruments aux mains de démiurges tout-puissants qui, à par-tir de leur pouvoir économique d’aujourd’hui, seraient naturel-lement qualifiés pour être les seuls concepteurs d’un monde à recréer. Fini les penseurs de ce qu’est le progrès humain, celui de l’équité de John Rawls, celui du développement de chacun, des capabilities d’Amartya Sen. Fini les femmes et hommes qui ont su alerter le monde sur le risque climatique. Fini ces figures qui, dans un monde violent, ont su tracer les voies de la paix, les Mandela et autres. La parole est désormais exclusivement aux Mark Zucker-berg 2, Larry Page et autres Sergey Brin 3. Mais, comme toujours, tout cela est-il nouveau ?

L’usage abusif de la technique et le discours de ces prophètes sont-ils uniques dans l’histoire humaine ?

1. Fondateur de SpaceX (astronautique et vol spatial) et cofondateur de PayPal.2. Cofondateur de Facebook.3. Cofondateur de Google avec Larry Page.

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La répétition du débat entre Le progrès et La société

En fait, ce débat n’est pas bien nouveau. Cela fait des siècles que se sont affrontées les conceptions dominatrices : les conceptions de ceux qui maîtrisent les ruptures technologiques pour en des-siner les traits de la société de demain, et les conceptions de ceux qui pensent que le pouvoir de faire progresser la société appar-tient à ceux qui la pensent comme société humaine. Pensons seu-lement à la réticence forte de grands penseurs vis-à-vis de cette conception du progrès : Paul Valéry ne disait-il pas que « l’homme moderne est esclave de la modernité : il n’est point de progrès qui ne tourne à sa plus complète servitude 1 » ? Technologie contre Humanités, c’est un éternel conflit car le seul véritable enjeu du pouvoir, c’est celui de fixer les règles des modes de vie de ceux qui nous succéderont.

Dans le passé, les économistes percevaient le progrès technique comme une variable exogène et se déclaraient incompétents pour l’analyser. Lionel Robbins écrivait d’ailleurs que « la technique comme telle n’intéresse pas les économistes 2 ». Même Pareto exclut l’évolution technique de la logique économique et la consi-dère dans son modèle comme une donnée externe et gratuite.

Mais l’absence de l’économiste dans cette aventure n’a pas duré, au point de faire progressivement de l’innovation un des princi-paux leviers de croissance et de rapprocher les cycles d’innovation de ceux de la croissance économique, à l’instar de Kuznets, pour qui « plusieurs périodes de la croissance économique à l’époque moderne peuvent être identifiées avec des innovations majeures, et la croissance relative des secteurs et des industries concernés 3 ». Cette évolution de la pensée économique trouve, on le sait bien, sa formulation la plus aboutie chez Schumpeter, qui fait du progrès

1. Paul Valéry, Regards sur le monde actuel (1931), Folio, coll. « Essais », 1988.2. Lionel Robbins, Essai sur la nature et la signification de la science économique,

Librairie de Médicis, 1947.3. Simon Kuznets, « Innovation and Adjustments in Economic Growth », The

American Economic Review, vol. 63, n° 3, juin 1973, p. 247-258.

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technique le moteur de l’histoire ; et de l’innovation, celui de la croissance. En fait, l’influence du progrès technique sur la crois-sance et le développement économique paraît s’être définitive-ment imposée. Pas tout à fait, peut-être. Rappelons-nous Jacques Ellul, le penseur de la technique par excellence, méconnu pour avoir sans doute dit les choses trop tôt, le doute n’est pas permis. À travers la technique, c’est bien une pulsion de l’homme qui est à l’œuvre, la pulsion de puissance. « La technique est puissance, faite d’instruments de puissance et produit par conséquent des phéno-mènes et des structures de puissance, ce qui veut dire de domina-tion 1. » Une pulsion qui a trouvé, selon les âges, des traductions bien différentes, qu’il nous faut garder à l’esprit car cela permet d’espérer que l’avenir n’est pas définitivement écrit.

Revenons dix siècles en arrière. En l’an mil, l’Europe est à la traîne, largement distancée par les sociétés ou civilisations chinoise et islamique. La première, on le sait, a déjà vu naître la poudre à canon, la boussole, la pâte à papier, l’imprimerie. La seconde a produit l’algèbre, donné un nouvel élan à la médecine… Mais ces innovations et techniques, fruits d’une élite érudite, restent dans l’entre-soi des puissantes dynasties, avec leur flux et leur reflux. Ainsi en va-t-il de l’horloge inventée par le moine bouddhiste et mathématicien Yixing. Exposée au palais même de l’empereur en 725, elle fut reléguée ensuite faute d’avoir été entretenue. Si l’Europe débute sa « première industrialisation », comme le dit à juste titre Jean Gimpel, dès le xie siècle avec la généralisation de cette nouvelle source d’énergie que sont les moulins, mais aussi la sélection des semences, la forge…, c’est peut-être en raison, selon l’historien Georges Duby, du christianisme qui est une religion de l’histoire et, partant, du progrès. Paradoxalement, c’est aussi le fait des faiblesses du pouvoir central, qu’il soit temporel ou spiri-tuel. Les dissidences chrétiennes, comme celle de saint Bernard au xiie siècle, diffusent le savoir technique dans le monde rural. Plus près de nous, les Lumières auront raison des absolutismes et ouvri-ront la voie à la révolution industrielle qui débute au xviiie siècle

1. Jacques Ellul, Le Système technicien (1977), Le Cherche-Midi, 2012.

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en Angleterre. Que retenir de ce bref rappel historique sinon que les rapports de force autour de la technique n’ont pas toujours été les mêmes et que son appropriation par le plus grand nombre s’est souvent faite contre une autorité ou un système de domination.

Certes, les hommes qui pensent l’avenir sont ceux qui pensent le progrès. Mais comme le rappelle Ellul, la technique n’est ni bonne ni mauvaise, mais ambivalente. À un Saint-Simon qui ne voit le progrès humain qu’à travers le développement de l’in-dustrie répond en écho le jeune Jules Vallès qui se dit, en 1848, le député de la misère et de ces sans-statut que sont les prolétaires. Sciences et techniques sont-elles le synonyme d’une libération ou d’un asservissement de l’homme ? Éternel débat, éternel combat entre ceux qui pensent le juste et ceux qui pensent l’utile, sans oublier les iconoclastes qui refusent ce dualisme. Pensons à l’Allemand Herbert Marcuse qui écrit : « La puissance libératrice de la technologie – l’instrumentalisation des choses – se convertit en obstacle à la libération, elle tourne à l’instrumentalisation de l’homme 1. » Des films comme Metropolis (1927) de Fritz Lang ou Les Temps modernes (1936) de Charlie Chaplin illustrent à la fois l’importance du progrès technique et l’asservissement des masses qu’il engendre. L’homme est naturellement méfiant et, si l’on en croit Ellul, il n’a pas tort. La technique ne consiste pas en une simple accumulation de machines mais en la recherche légitime des moyens de production les plus efficaces dans tous les domaines. Elle se déploie donc autant dans le matériel que dans l’immatériel, et finalement organise notre vie sociale. L’anthro-pologue évoque ce temps technicien, celui où nous vivons, qui aurait obéré la liberté d’action et de jugement de l’homme. Triste constat, pour lui, qui s’explique par l’émancipation de la tech-nique, devenue autonome, par rapport à l’organisation sociale ou, pour le dire autrement, par rapport à l’économie, au politique, au culturel, à la morale, bref à l’humain. Une lecture qui n’est pas sans rappeler les travaux d’André Leroi-Gourhan, non dans ses

1. Jürgen Habermas, La Technique et la science comme « idéologie » (1978), Gallimard, coll. « Tel », 1990.

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conclusions, mais dans ses prémices : « Ce rapport entre la tech-nicité manuelle et le langage […] est certainement un des aspects les plus satisfaisants de la paléontologie et de la psychologie car il restitue les liens profonds entre le geste et la parole, entre la pen-sée exprimable et l’activité créatrice de la main 1. »

Nous sommes donc témoins d’un conflit permanent entre le progrès et la société. Qui va gagner celui des années à venir ?

Qui déterminera Le xxie siècLe ?

Tout cela paraît bien lointain. Notre rêve est celui d’échapper à cette terrible domination de la matière sur l’esprit. Nous sommes convaincus aujourd’hui que le progrès scientifique et technique est définitivement domestiqué ; que ceux qui en sont les arti-sans, en ce début de xxie siècle, ne sont que les apôtres d’une révolution tranquille. Tout cela n’est que pure naïveté car jamais dans l’histoire humaine cet enjeu permanent de notre condition, celle du pouvoir des uns sur les autres, ne s’est aussi fortement concentré entre les mains de ceux qui créent et savent, abandon-nant de vieux oripeaux, les conquêtes des derniers siècles, celles de la libre pensée et de la démocratie. Il nous suffit, pour s’en rendre compte, de reprendre le débat sur la climatologie et le risque majeur pour l’humanité de la disparition programmée. Sans aller jusqu’aux positions un peu extrêmes d’Ulrich Beck pour qui la société mondiale est une « manufacture à risques 2 » avec ses maux devenus endogènes, ses dangers sans limite géogra-phique, temporelle ou sociale, on peut souscrire à son propos en forme de réquisitoire lapidaire : « le système de réglementation qui doit assurer le contrôle “rationnel” de ces potentiels d’auto-destruction en marche vaut ce que vaut un frein de bicyclette sur un jumbo-jet ».

1. André Leroi-Gourhan, Mécanique vivante, Fayard, coll. « Le temps des sciences », 1983.

2. Ulrich Beck, La Société du risque : Sur la voie d’une autre modernité [« Risikoge-sellschaft »], Aubier, 2001.

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Sans jamais oublier les succès des dernières décennies, ceux de l’émergence d’une classe moyenne éloignée de la pauvreté, il s’agit de savoir où se situera le pouvoir de demain. Très légiti-mement, on peut avoir des craintes. Un des scientifiques les plus emblématiques, Stephen Hawking, « pense que le développe-ment d’une intelligence artificielle complète pourrait mettre fin à la race humaine 1 ». C’est pour cela que des chercheurs, comme Laurent Orseau ou Stuart Amstrong travaillent sur l’élaboration d’un « bouton rouge », un système censé éviter qu’une intelli-gence artificielle puisse défier la deuxième loi de la robotique formulée par l’écrivain Isaac Asimov, c’est-à-dire empêcher un quelconque acte de rébellion de la machine dans le cas où elle décidait de ne plus obéir à un être humain. Sur la question du génome humain aussi les scientifiques expriment leur inquiétude. Lorsque l’équipe de Junjiu Huang 2 a tenté en 2015 de modifier le génome d’un embryon humain à l’aide d’une nouvelle tech-nique 3 pour prévenir le développement d’une maladie, l’expé-rience contenait aussi le risque de modifier l’hérédité humaine, et non plus une partie seulement des cellules défaillantes ! De nombreux scientifiques se mobilisent pour mettre en lumière les implications éthiques et sociales d’un progrès technique non pensé, comme les Nobel de médecine David Baltimore et Paul Berg en 2015, car, si dans le passé corriger le génome était encore très compliqué, il semblerait que ce ne soit plus le cas aujourd’hui.

On comprend alors où se situe le problème. Bien entendu, il faut s’extraire de travaux pénibles ; bien entendu, il faut trouver des solutions génétiques à des maladies et malformations jusqu’alors incurables et il s’agit sans nul doute d’évolutions majeures dans l’histoire humaine. Mais, ce n’est pas ça le problème. Le problème est de déterminer qui fixera les limites de l’intelligence artifi-cielle, de la transformation génétique, de l’utilisation des données privées…

1. Dans un entretien avec la BBC en décembre 2014.2. Université Sun-Yat-Sen, Canton.3. Technique d’ingénierie du gène appelée CRISPR-Cas9.

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Or jamais le problème ne fut aussi concret, essentiel. Les vio-lences se font plus intellectuelles que guerrières.

peur et espoir d’un monde en gestation

C’est tout ce combat que nous allons essayer de décrire, ces risques que nous allons soulever, ces espoirs que nous allons susciter. Il n’est évidemment pas question de se cantonner à la description de ces prémices d’une nouvelle révolution scienti-fique et technique. Ces imprimantes 3D, ces smartphones, tout cela n’est qu’une description naïve d’un monde présenté comme en rupture. En réalité, l’essentiel des bouleversements est devant nous. Celui qu’on aime surnommer « le Thomas Edison d’au-jourd’hui », Raymond Kurzweil, futurologue très écouté du MIT et appointé chez Google, est sans doute l’un des prospectivistes les plus prolifiques. Sa liste de prédictions est longue, elle s’étend jusqu’en 2099. Il décrit les différentes phases qui vont conduire l’homme vers un nouveau genre, celui de l’homme « augmenté », mi-homme, mi-robot. Fervent adepte de la loi de Moore, il estime que d’ici à 2029 un ordinateur atteindra le niveau d’intelli-gence d’un humain. Mais derrière tout cela, son objectif consiste d’abord et avant tout à repousser l’âge de la mort et, pourquoi pas, à rendre l’homme enfin immortel. Mais tout cela est bien loin.

Aujourd’hui, le principal risque est celui d’une vraie polarisation de l’emploi qui traduirait une logique de sablier. On assisterait à la coexistence d’emplois très qualifiés, concernant 1 à 10 % de la population, de « bullshit jobs » et à un déclin relatif de la classe moyenne, comme l’a précisément décrit Daniel Cohen 1 : « Tout en haut, on trouve les superjobs, ceux des 1 %, qui ont capté à eux seuls la moitié de la croissance économique. Tout en bas les bullshit jobs, ceux dont personne ne veut, dans le bâtiment, l’arrière-cuisine, les ordures, que seuls les immigrés acceptent parce que c’est leur

1. Daniel Cohen, « L’élection de Trump ? Une infinie demande de protection ? », Le Nouvel Observateur, 19 novembre 2016.

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18 L’avenir de notre liberté

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ticket d’entrée dans la société. Et, au milieu, une classe ouvrière qui a subi la désindustrialisation, une classe moyenne inférieure qui a perdu tout espoir de promotion parce que les logiciels ont rendu inutiles les emplois intermédiaires qu’elle occupait, ceux dont la fonction était de faire le lien entre le haut et le bas de la société. »

Cette situation totalement inédite aboutit à la création de ce que Pierre-Noël Giraud appelle des « hommes inutiles 1 ». C’est cette dénomination qu’une nouvelle forme de prolétariat fuit, cher-chant à s’intégrer à n’importe quel prix à cette société qui les exclut, suivant en cela Joan Robinson : « La misère d’être exploité par les capitalistes n’est rien à côté de la misère de ne pas être exploité du tout 2. » Comme il est loin notre rêve d’un fordisme libérateur.

Et comme toujours, la parole est reine. C’est elle qui définit le bien, le mal, le progrès, l’avancée, l’amélioration, le monde à venir. On nous annonce, à juste titre, une robotisation des processus. Alors qu’en 2013 Carl Benedikt Frey et Michael Osborne 3 annonçaient qu’aux États-Unis 47 % des emplois étaient sus-ceptibles d’être remplacés par des robots dans les dix ou vingt prochaines années, c’est au tour de l’OCDE de fournir une sta-tistique du même ordre de grandeur. Selon l’Organisation, les robots menacent de se substituer à 40 % des travailleurs qui n’ont pas le niveau bac 4. On nous décrit l’incroyable créativité humaine dans le domaine des logiciels, et cela est passionnant ! On nous présente les évolutions de la médecine, et cela est une immense satisfaction ! On se réjouit de l’allongement de la durée de vie en bonne santé, un peu partout. Mais en même temps, ce monde s’aseptise, se segmente, se fragmente, éloigne la mort, et donc la vie avec ce rêve stupide d’un homme éternel.

1. Pierre-Noël Giraud, L’Homme inutile – Du bon usage de l’économie, Odile Jacob, 2015.

2. Joan Robinson, Philosophie économique (1962), PUF, 1967.3. Carl Benedikt Frey et Michael A. Osborne, « The Future Of Employment:

How Susceptible Are Jobs to Computerisation ? », Oxford Martin Programme on Technology and Employment, septembre 2013.

4. OECD, « The Risk of Automation for Jobs in OECD Countries – A Compa-rative Analysis », 14 mai 2016.

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La nouvelle condition humaine 19

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Notre approche, ni optimiste ni pessimiste, mais seulement volon-tariste pour affirmer le primat de l’homme sur la machine, de la réflexion du discours rationnel sur la prophétie, est conduite de manière, nous l’espérons, rationnelle et convaincante. Il s’agit, tout d’abord, de reprendre la querelle sur l’évolution de l’écono-mie mondiale confrontée à ce progrès technique et d’en faire la présentation la plus objective. Dans Un monde de violences 1, nous annoncions le ralentissement de l’économie mondiale. Mais il n’est pas, comme certains le pensent, éternel. Ensuite, nous ten-terons de montrer que les ruptures technologiques n’en sont qu’à leurs prémices, et que l’enjeu des années à venir est beau-coup plus important que cet apport d’une modernité présentée exclusivement comme liée aux instruments de communication numérique. Nous tenterons de retrouver l’humain qui continue inlassablement, lui, à avoir besoin de se nourrir, se soigner, se for-mer, se loger, et donc de travailler. On a souvent le sentiment que c’est d’un autre homme dont on nous parle, surhumain et maîtri-sant les objets définitivement connectés. Et cet homme nouveau, triste référence, ce sont bien nos maîtres actuels de la technologie qui le dessinent. Et pendant ce temps-là, la société se redéfinit, porteuse d’inégalités rarement vues depuis deux siècles, et dans laquelle la maîtrise de la technologie soigneusement discriminée, entre les uns et les autres, segmente rigoureusement une société en régression sociale. Alors qui décidera de l’évolution de ces socié-tés ? Celles et ceux qui aujourd’hui, par des technologies numé-riques encore rudimentaires, savent tout de nos états, de nos vies, à travers ce qu’on ne peut appeler autrement que de l’espionnage généralisé ? Ou bien celles et ceux qui ont toujours su redonner des formes diverses d’humanité à des sociétés parfois à la dérive ?

Et c’est tout l’objectif de ce livre, celui de proposer, à côté d’un monde dominé par la technique et ses prophètes, un monde où cette même technique est guidée par l’humain et par la définition d’un progrès qui considère que l’épanouissement des uns et des autres est la vertu cardinale d’une société en progrès.

1. Jean-Hervé Lorenzi et Mickaël Berrebi, Un monde de violences, Eyrolles, 2014.