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Je vous souhaite de connaitre cette paix intérieure…ekladata.com/.../EBOOK_Ludivine_Delaune_-Et_puis_un_jour.pdf · ... , me faire rentrer dans le monde. Tomber dans ton monde

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Jevoussouhaitedeconnaitrecettepaixintérieure…

Jevoussouhaitedesmatinsgais,dessoiréestristes,desnuages,desaversesetdesgrandsciels

bleus…

Jevoussouhaitedevoussentirvivant,libred’êtrelàoùvousêtes…

Jevoussouhaited’êtrefou,vieux,souriant,ridé,apaisé,anxieuxetputain,devoussentirbienunpeu…

Jevoussouhaited’êtreporté,commejelesuis,

parlesdeuxêtresexceptionnelsquim’ontdonnélavie…

Sarah

***

Il y a des rencontres qui changent le cours de notre vie. Il y a desmoments qui nousmarquerontàjamaisettransformerontnotrefaçondevivre,d’appréhenderletempsquipasseetles

annéesquiengloutissentnosrêvesdegrandeur.

Ilyadesinstantsvolésquenousneregretteronsjamaisparcequ’ilsnousaurontfaitnoussentir vivant ! Il y a l’évidence qui détruit les principes que nous avons, quimettent de côté notreinterprétation du bien et dumal.Après tout, qui a fixé les règles de ce qui se fait et de ce qui secache?

Ilyasesyeux,savoix,sonodeur,safaçond’êtrelui…ilestceluiquel’onconnaitdéjàparcœur.Ilestcettesensationdedéjà-vu.

Ilyalessentimentsquidéferlent,nousparviennentcommeunevague,nousretournent,nousemportentetnouslaissentchancelante,vidéesurleborddelaplage.

Ilyaladifférenceentreêtreaimépourcequel’onestetêtreaimépourcequel’onparaitêtre.

Etpuisunjour,ilfaudraoublier…Oublierpournepastomber…

Alorsunjouronoubliera,commeonoublielesdateshistoriques,lespoésiesapprisesparcœuràl'école,lesparolesdechansonsquel'onécoutaitdescentainesdefois,ladated'anniversairedenotremeilleurecopineaucollège,l'odeurdenotrepremièrevoiture,leparfumdenotreenfance...

Onoublieralesmomentspassésensemble,lespapillonsdansleventre,lesyeuxquipétillent,ladouceurde samaindans lamienne, legoûtde ses lèvres, l'odeurde sapeau, le tempsquinouséchappe,lesrires,lacomplicité,lesinstantsdesilence.Onoublieral'imagequel'onsedonnel'undel'autre,lasensationdesesentirchezsoitl'unavecl'autre.Onoubliera...

Onoublieraparcequeçafaittropdemaldeserappeler...Etpuisàforced'oublier,onserappelleradetout,qu'entrenousc'estuneévidence.

Enfait,jepensequel'onchercheàsepersuaderquetoutça,l'amour,l'évidence,ledestin,sontunebelleconnerieinventéedetoutepièceparlasociété,oupire,parleshormones,legoûtdel'interdit,lepimentdelavie.

Alorsqu'aufondnousavonsgoûtéquelquesinstantsaurassemblementdedeuxpersonnesquin'enformentplusqu'une,leplusvraietancestralsecretdelavie…

Gino

***

Nousavonsvécucesmomentssifacilementetmaintenantjeconnaisladifficultéquisuit;le

manquequitebrûlelecœur,teserrelagorge,t’empêchedereprendretonsouffle,quitecontaminelatêteàendevenirfou...Etrefoud’amour.

Sarah, te rends-tucomptesque tum’asoffert lemeilleurmaisaussi lepire,surtout lepire,parcequ’encemomentjeneressensquelepiredetonabsence.

Tum’asoffertl’espoir,celuidecroirequ’ilexistedesmomentssimples,vrais,deceuxquitefontdevenirtoi.Jeneregretteriendenous,j’auraisjustesouhaitéqueceladurepluslongtemps.Maisaprèstout,serions-nousdevenusfoussil’onavaitlaviedevantnous?N’est-cepascetempscompté,quiasunousfaireprofiterdenous?

Tum’as prouvé que ce qui semblait impossible pouvait devenir possible. C’est donc celadevenirvivant?Etreaimé,portépar tonregard,mefairerentrerdans lemonde.Tomberdans tonmondeSarahenfait,etmesentirnoyé.Parcequecen’estpasenfaisantleplongeonquel’onsenoie,c’estenrestantsansbouger.

En quelques jours tum’as fait changer alors qu’en toute une vie rien n’a bougé. Tum’aspermisdemedécouvrir,desavoirquel’onpeutsedonnerentièrementsansbarrièrenijugement.

J’aioséSarah,jen’aipluspeurdemessentiments,jelesaivécusintensément.

Le souvenir de ces moments avec toi vaut tous mes voyages. Tu as été ma plus belledécouverte, tu étais l’Amérique etmoiChristopheColomb !Tum’as fait voyager à l’intérieur demoi,detoi,j’aisortimestripes.

J’aidécouvertquij’étaisentombantamoureuxdetoi.Tueslacléquiadéverrouillétouteslesportes,tufaisressortirlemeilleurdemoi.Aujourd’huijesouffre,jemebats,jepeins,jepleure.Maisjevis!Avanttoij’étaiséteins,lisse,fade.Maintenantjebouillonne.Tucoulesdansmesveines,tumestimules,tumerattrapes,tumedonnesunbut,celuid’êtreenfinmoi,tumerendsvivant!

Maintenant,jelesvoistoutescespersonnesquivivent,sansserendrecompte,qu’enfait,ilssurvivent,parcequeleurrêveàeux,c’estd’êtreheureux.Alorsquemonrêveàmoi,c’estjustetoi.

Premierjour

***

Sarah sortit de sa première journée de formation parisienne, la tête remplie de textesjuridiques,deloisetdetableauxderecensement.Malgrél’investissementduformateur,l’implication

desstagiairesetlabonnehumeurquis’endégageait,elleressentitlebesoinpresqueviscéraldesortirprendrel’air,d’évacuercesurplusd’informations,desesentiranonymedanslafoule.

La nuit venait de tomber sur Paris, une fine pluie recouvrait les trottoirs, les toits desimmeubles, se fixait sur les cheveux des passants. Le froid de février s’abattait sur les corps, sefaufilaitsouslesvêtements.

Cematin, elle était partie de chez elle avant le chant des oiseaux, avait embrassé son filsendormi,sonmari,essuyéunepetitelarmequicoulaitlelongdesajoue,attrapésavaliseetlaisséletrain l’emmenerquatre longs jours loindesa famille,deseshabitudes,de la formerassuranteduquotidien.

Apeinesortiedutrain,elles’étaitretrouvéeperduedansleflotdespassagersdelagareSaintLazare. Elle avait alors posé sa valise et s’était sentie désemparée, se demandantmême ce qu’ellefaisaitici,unsentimentdesolitudel'avaitenvahie.

Enfant,Sarah s’était toujours sentie seule. Issued’une famillenombreuse, elleneparvenaittoujourspasàtrouversaplace.Adulte,ellesesentaitmalàl’aise,épiéesanscesseetjugéeparceuxquidevaientjustementl’aimerpourcequ’elleest,etnon,paspourcequ’elledevraitêtre.Elleavaitl’impressionquesafamilledécortiquaitlamoindredesesactionspours’enservircontreelle.Ellepréféraitlefoyerrassurantqu’elles’étaitconstruit,devenantquelqu’undanslesyeuxdesonfils.

Dèsl’adolescence,elleavaitdéveloppéunefortecapacitéd’adaptation.Ilfallaitqu’elleailledanslesensdechacun,nepasfroisserlessusceptibilitésdesunsetdesautres.Elleauraitvouluavoirlecouragederenonceràsefaireapprécierdetous,deneplusvouloirêtreaiméeàtoutprix,pardesgensqui,sanslesavoir,n’avaitfaitquelapiétiner.

Comment comprendre la compétition entre frères et sœurs si l’on ne l’a jamais vécue ?Commentconcevoirque tous les jours, sansmême levouloir,noussommescomparés lesunsauxautres?Sarahétaitunepetitefilletimide,assezsolitaire,préférants’inventerdeshistoiresenjouantseule dans sa chambre plutôt que de participer aux jeux de société avec ses deux frères et quatresœurs. L’esprit de compétition des uns, la mauvaise foi des autres et la tricherie de chacunl’exaspéraientaupointdeluifaireoublierlemomentqu’ilspartageaientenétantréunis.

Pourtant elle aurait tellement voulu avoir le cran de dire les choses, de ne plus se cacherderrièresonrôled’enfantdefratrie.Etaujourd’huiencore,elles’abritederrièresesresponsabilitésdemamandévouée,defemmeraisonnableetd’employéesage.Etenfin,fairetomberl’armurequiluipesait.

Cematin,elles’étaitinstalléedansunepetitechambreautroisièmeétage,dansunhôteldelaPorted’Italie, avecunevue imprenable sur lepériphérique sud, les filesdevoitureset lesklaxons

incessants.Elleeutletempsderangersesaffaires,dedéposersatroussedetoilettedanslasalledebain,depositionnerunephotodesonfilssurlatabledechevetetdedescendreprendreuncaféavantd’attaquersonpremiermoduledestage,dansleslocauxdel’hôtel.

Elleassistaitàuneformationsurlarédactiondescontratsetdesactesjuridiques.Sapremièrejournéede stage s’était biendéroulée, le contenu était vaste et les débats très constructifs.Cela luipermitdeseviderlatêteetdenepaspenseràlasolitudequil’attendraitàlafindelajournée.Leurpetitgroupededouzepersonnessecomplétaitparfaitement,Sarahétaitlaplusjeune.Adix-septheuretrente,chacunpartitetelledécidad’allersepromenerseule.Ellenetrouvaitpasd’intérêtàfaireleschoses sans personne à ses côtés pour partager. Mais aujourd’hui, elle avait besoin de voir desinconnusetdesoufflerunpeu.

Avantdesortir,elleremontarapidementdanssachambreetselaissatombersursonlit.Elleôta ses bottes couleur camel et sonmanteau noir qu’elle jeta sur la chaise de bureau.Elle dénoual’élastique qui retenait ses cheveux brunsmi- longs et enleva les lunettes qui lui étaient très utileslorsqu’elledevaitseconcentrer.Unefoisàl’aise,elleparcourutleplandelavillequesonhôtelluiavait fourni, et elle jetabienvite sondévolu sur le quartier duChatelet.Denombreuxmonumentshistoriques y étaient regroupés et elle adorait les vieilles pierres et surtout l’histoire qui s’endégageait. Pour elle, l’histoire façonne le présent, il faut la connaître pourmieux appréhender lafaçondevoir leschoses. Il fautdécouvrir lepassépourcomprendre l’instantprésentetassumer lejourquivient.

Elleserenditdanslasalledebainpourretouchersonmaquillage:unepointedemascaraetdegloss rosevinrent rehausserson teint.Ellese regardadans laglaceetsesgrandsyeuxverts luirenvoyèrentl’imaged’unejeunefemmeunpeulasse.Tirantlalangueàsonrefletellevaporisaunetouchedesonparfumsursarobenoirefétiche.D’unpasvolontaireelleenfilasonmanteau,sesbottesetfit trois toursd’écharpeautourdesoncou.Elleattrapasonsacenbandoulièreetclaqualaportederrièreelle.

Dès la porte de l’hôtel franchie, elle ressentit lamorsure du froid sur ses joues.Marchantd’unpasqueseulslestouristesconnaissent,elleprenaitsontemps.Etcetteuniquesensationdenepasêtrepressée ladétendit instantanément.Elle s’engouffradans labouchedemétronuméro sept à lastationported’Italie.Unpeuperdue,elleregardaleplanpourconnaîtrelenomdelastationoùelledevaitdescendre.

Unefoisassisedanslemétroàcôtéd’unemèreetdesafilleadolescente,elleregardaparlafenêtresale, lesarrêtsdéfilés.Lesparisiensavaientcettefacultédemarchersivitequ’ilspouvaientbousculerlesgenssansmêmes’enrendrecompte.Ilsavaientcommeunehorlogeàlaplacedesyeuxetchaqueminutegagnéeétaitprécieuse.Al’approchede l’arrêtChatelet,ellese levaetsortitde la

rame.Ellemarchalelongdescouloirsinterminables,elleserraunpeuplusfortsonsacetaccéléralepas.Lesdédalesensouterrainsluisemblaientdangereuxetterriblementlongs.Enfinellemontalesescaliersetdébouchadevant l’hôteldeville.Elles’immobilisaet respiraunegrandeboufféed’air,lentementlestressressentis’affaiblissait.

Il étaitunpeuplusdedix-neufheureset son regard fut attirépar la splendeurdubâtiment.CetteplaceétaitconnueauMoyenAgecommeétant laPlacedegrèveoù lesparisienssans travailvenaientmanifesterleurmécontentement.Puisenjuillet1789,LouisXVIapparutsurlebalcon.Sarahleva lesyeuxet imagina leRoisaluant sessujets.L’endroitavaitbienchangédepuisdeuxsiècles !Elles’approchadupetitattroupementetdécouvritunepatinoireàcielouvertsurlaplacecentrale.

Curieuse, elle s’avança et regarda les patineurs évoluer sur la piste, certains avec plusd’assurancequed’autres.Contretouteattente,entouréed’étrangers,sanspersonneàquiparlerSarahne se sentit pas seule. Dans sa vie de tous les jours elle n’existait pas réellement par elle-même.Aujourd’hui, elle prenait le temps, et cela faisait bien longtemps qu’elle ne l’avait pas fait. Troplongtempspeut-être…

Sarahcontinuademarcherlenezenl’airpourappréciertoutelagrandeurdubâtiment.

Gino

***

Maisquelleidéeavait-ileud'invitercettetouristeslaveàvisiterlacapitale?Ilseretrouvaitpour lacentièmefoisdevant l’Hôteldeville, ilne remarquaitplussonarchitecture, les impactsdeballes laissés par la deuxième Guerre Mondiale et encore moins l’ambiance qui y régnait. Sonattentionétaitfocaliséesurlabelleplanteàsescôtésetsonespritvagabondéverstoutesleschosesqu’illuiferait…

Bien sûrelle répondaitparfaitementà soncritèreprincipal, labeauté.Uncorps ferme,unetaillefine,deshanchesàattraper,leslèvrespulpeuses.Elleferait trèsbienl'affairepoursonaprès-soirée. Il nedemandait pas aux femmesd’avoirde la conversationoude la culture, il aimait justequ’ellessoientsouriantes,joyeusesetmême,quelquefoiséméchées!

SiseulementellepouvaitarrêterunpeudejacassersurlabeautédelaFrance,celal'aideraità

passeràsonpland'attaque.

Il luiparleraitdesesvoyagesautourdumonde,eninsistantsurdesanecdotesetsonaccentitalien.Illuidiraitaussiquedanslavielesrencontresnesontpaslefruitduhasard,etquel’onnesaitpasdequoiserafaitdemain,qu’ilfautprofiterdecequelavienousoffreaujourd’hui.Illuisortiraittoutes lesphrasesbien faitesqui fontcraquer les femmespour lamettredansson litetaprès,ciaobella.

Et peut-être que pendant quelques heures il oublierait le vide autour de lui, l’absence de

sentiments, la présence qui lui manque tant. Et cette douleur, il n’en parle pas, il ne veut pas lapartager, pour ne pas avoir l’impression qu’elle prend vie, qu’elle rentre dans son appartement,s’insinue dans les conversations, tapisse les silences et les gestes. Il veut la garder au fond de lui,commeune rage, un panneau lumineux lui rappelant de ne pas s’investir dans une relation. Il fauttoujoursavoiruncoinjusteàsoi,sinoirfutlesien.

Ilneveutpaspartagermaisquelquesfoisilaimeraitquecettedouleurs’endorme…Alors pour tous lesmoments qui ne s’oublient pas, il y a l’alcool, pour pouvoir noyer le

tempsdedans,puisqu’ilparaitqu’ilfautdutempspoureffacer…Etquelquefois,plusletempspasseetplusl’absencedevientprésente.

Ginoavaitdoncapprisqu’unbonverredevodkapouvaitatténuerlesond’unevoix…

Sarah

***

Ellenebaissapasassezvitelesyeuxetsecognadansuncouplearrêtédevantelle.Lafemmese retourna vivement, grande, blonde, souriante, avec des jambes interminables et une lueur desupérioritédansleregard.L’hommeàsescôtésportaitunimperméablenoiretunbéretvert,ilpritsontempspourseretourner,s’aidantdesonparapluie, ilessayadeseretenird’exploser, il respiraprofondémentpoursecalmerprêtàfairefaceàunénièmeparisientroppressé…

C’estalorsqu’ilsetournaverselle.Avantmêmequ’ilneparle,Sarahvitqu’ilavaittoutduclichéitalien:lesourirecharmeur,lesyeuxquipétillent,l’alluredigne,lavestecoupéeetajustéeàlaperfection, et la peau ambrée. Il ouvrit la bouche et marqua une petite pause. Tous deux sedévisagèrentsansparler.Danslespetitsclinsd’œildudestin,ilyadesmotsquineserventàrien.Ilsneselâchèrentpasduregard,Sarahrougitetsemorditlalèvre,l’hommenesutquedire.Lafemmeàsescôtésrompitlesilence:

—EtbienMademoisellevousêtesbienpressée!

—Jesuisdésolée,jenevousaipasvu.Jen’avaisquel’Hôteldevilledansleregard.J’espèrenepasvousavoirfaitmal?

—Non,ilm’enfautbienpluspouravoirmal!Sivousaimezlesvieillespierres,ilyaNotreDameàvoir,denuitelleparaitencoreplusmajestueuse.

Savoixétaitmélodieuse,posée,suave,commeunecaresse,pleinedeconfianceensoi.Sonregard posé sur elle l’encouragea et la poussa à parler encore. Sarah lui sourit et ajoutainstinctivement:

— J’aimerais y aller. En fait, pour tout vous avouer, je vous ai bousculé pour que vouspuissiezm’indiquerlecheminpourm’yrendre!

—C’estindécentdefairecela,luirépondit-ilavecunepointed’espiègleriedanslesyeux!

Ils’avançaenboitaillant légèrementetens'appuyantsursonparapluie,et lui indiqualadirectiond'unmouvementdemain.

—Onnepeutpasfaireplussimple.Ilvoussuffitdemarchertoutdroitetellevoustomberadessus!

Unefoisrenseignée,Sarahlesremerciarapidementetseretourna,essayantdecacherlepetitpincementaucreuxdesonventre,annonciateurd’uncoupdecœur.

Elles’interpella : "Que t’arrive-t-il?Tunepeuxpascommeça,croiserunhomme, tedirequetuleconnaisdéjàetvouloirpasserdutempsaveclui!Ressaisistoivoyons,tun’espascegenredefille!"

Elles’accoudaàlabarrièrepourregarderlesenfantspatiner,tomber,sepousser,éclaterderire.Combiendetempsresta-t-ellelà,lesourireauxlèvres?Ellen’auraitsuledire.Ellesedécidaàpartir,seretournaets’arrêtabrusquement.Ilétaitlà,faceàelle.

Surprise,ellenebougeapas.Ils’approchad’elleavecassuranceetsanslalâcherdesyeux,charmeur,illuidit:

—Votresourirememanquaitdéjà!

—Monsouriredoitaussimanqueràmonmarietàmonpetitgarçon!

Cepetittonnarquoisluipluttoutdesuite.

—Tantpispourmoi.Maispermettez-moidevousaccompagneràNotreDame.

—Etvotrecharmanteamieblondesejointànous?

Laquestionétait sortiesi soudainementqueSarahsesentit rougirdevantsapropreaudace.Ilouvritlesbrasetsetournasurlui-même.

—Jugezparvous-même,elles’estenvolée!ElleapréférépartirplutôtquedeparcourirlesruesdeParisavecuneconnaissancequiparlebeaucoup!

Sapointed’humouretsadésinvolture luiplaisaientbien,elleaccepta.Tousdeuxsemirentàmarcher.Leurpassecalantsurlamêmecadence,ilsseturentcinqminutesprofitantd’avoirParis sous leurs yeux. Puis il s’arrêta, sortit un petit appareil photo numérique de sa poche et setournaversSarah.

—J’aimelesphotos,ellespermettentdefiger l’instantprésent,defairerenaitredessensations,desodeurs.Maisavantdeconserverlessouvenirsilfautd’abordlesvivre.J’aicettedrôledesensationquelavienousamissurlemêmechemin,cen’estpastouslesjoursqu’unefemmemerentrededansetmesurprend…Jepeuxvousprendreenphoto?

—Voussurprend?Etpourquoiunephotodemoi?

—Jemesuisretourné,jevousaivueetj’aicruvousconnaitredéjà…Dansmaviejem’inspiredeschosesquimetouchent,m’interpellent,dessensations,desmoments.

Sarah avait ressenti la même chose mais elle ne pouvait pas croire ses paroles.S’agissait-ild’unbeauparleur?D’undragueurinvétéréoud'unetechniquededrague?

—D’accord!

Et pour la deuxième fois de la soirée, elle accepta sa proposition. Elle fixa l’objectif etentenditledéclicduflash.Ellesedemandas’ilprenaitenphototouteslesfemmesqu’ilcroisait.

Ilremitvitesonappareildanssapoche,craignantqueSarahneseraviseetluidemandedelasupprimer,etilsreprirentleurchemin.

Il n’y avait plus grand monde dans la rue et bien vite les lumières de l’Hôtel de villes’estompèrent. Sarah promenait son regard partout, sur la devanture des magasins, sur les beauxappartements typiques, sur les toitsdes immeubles, sur lespassants.Elle respirait àpleinpoumonsl’odeurdelacapitale,sonimpétuosité,sacadence.

Pendantcetemps,illaregardait.Ilsemblaitfascinéparsajoiedevivre,luiquiavaitconnutantdemondeblasédevantlasimplebeautéd’unlieu.PourGino,l’enthousiasmeavaitlaisséplaceàl’indifférence.Ilrompitlesilence.

—Voussavez,j’aimemarcher,c’estunbesoinpourmoi,çamerappellemavillenatale,celleoùj’aigrandi,appris,découvert.VousconnaissezRome?

Sarahsecouanégativementlatête.

—C’est dommage…Chezmoi nous adorons parler, raconter des anecdotes, échanger nosexpériences etmême se confier. Seul nous n’avançons pas bien loin, il faut savoir apprendre desautres.

Sarahmarchasansparler.Ellel’écoutaitattentivement,sonaccentyjouaitpourbeaucoupetsa gentillesse presque naïve la faisait sourire. Il ne seméfiait pas, n’avait pas peur d’être jugé, ildévoilaitdespetitsdétailsdelui,desmorceauxdesespensées.Saraheutsoudainlasensationd’êtreaubonendroitaubonmoment,commesielleméritaitceregardconfiantqu’ilposaitsurelle.

Elle lui demanda ce qu’il faisait commemétier et pourquoi il était venu en France. Il luiréponditsansdétourqu’iltravaillaitdansletourisme,qu’iladoraitleslanguesetparlaitlefrançais,l’anglaisetl’espagnol.Iltrouvaitcelaimportantdepouvoircommuniquerpardesmotsmêmesisonlangagepréféréétaitceluiducorps.

Il se qualifiait d’artiste, de peintre de la nature, peindre la vérité nue. En Italie, il peignaitbeaucoup, surtout les paysages. Il adorait lorsque ses toiles savaient retranscrire le vent dans lesfeuillesd’unarbre.Lorsquel’onpouvaitpresquesentirl’odeurd’unefleuroulesoleilsurlapeau.

Ilyavaitlongtempsqu’iln’avaitpaspeintavecsoncœur,sestripesetsesémotions.Celaluimanquaitmaisl’inspirationreviendrait,illesavait.

— Peindre le moment présent. Ressentir les émotions que j’éprouvais en peignant,uniquementenregardantlatoile.Voilàmonobjectif.

— C’est comme si vous ne peigniez que pour vous, mais pourquoi ne pas essayer detransmettre les sentiments auxautres, pourqu’ils les ressentent aussi ? Jepenseque les sentimentssontuniversels,c’estunlangagecommun,unesortedelienentretous.

Ils’arrêtademarcherpourregarderSarahdanslesyeux.

Puisavecunsourirenostalgique,illuiexpliquaqu’ilétaitvenuvivreàParispourfuirsaseulepeinedecœur. Il avaitpassé sept annéesavecLouisa,une italienne simpleetbelle,pleinedepassionetdecréation.Tousdeuxétaientpassionnésd’artetdelittérature.Avecleurbanded’amisilssillonnaient l’Italie tous les week-ends pour se rendre à différentes expositions et notamment lestableauxdeBartolomeoGiuliano quisavait retranscrireavec tantdefidélité, toute l’intimitéd’unescène. Ses portraits lumineux et colorés l’avaient beaucoup inspiré et avaient fait naître en lui denombreusesenvies.

Iltombaamoureuxduportraitde"lajeunefemme"oùl’onpouvaitliretoutelasolitudeetladéterminationdanssonregardetsaposture.Unepeinturesimple,sansarrière-planquiauraitnuiauxsentimentsquisedégageaient,lafemmeetuniquementlafemme,sansdéballageautour.

AvecLouisa,leursdeuxhistoiresétaientliéesdepuislongtempscarilshabitaientl’unàcôtédel’autre,avaientfréquentélesmêmesécolesd’art.Ill’avaittoujoursconnue.

Ensemble, ilsavaientbeaucoupvoyagé,découvrantdenombreusesvilles, faisantdeshaltesdansdescapitaleseuropéennes.IlsavaientadoréBruxellesetétaientrestésdixmoislà-bas.Puisunmatin, il s’était réveillé et avait découvert que ses sentiments tenaient plus de l’habitude que de lapassion.Illuienavaitfaitpart.Ensembleilsenparlèrentunenuitentièrepourfinalementsemettred’accord; ils se séparèrent sans fracas, sans disputes et firent l’amour comme deux vieillesconnaissances. Louisa retourna alors vivre à Rome où elle devint institutrice et lui était venus’installeràParis.

Sarahleregarda,sonhistoireétaitbelle,vraieetiln’essayaitpasdesublimerlasituation.Sesentantàl’aiseelleluiditqu’ellen’auraitpaspupartiràl’aventurecommeluil’avaitfait,qu’ellenesavaitpasprofiterdumomentprésent.Ellesesentaitangoisséefaceautempsquipassaitetrassuréeparsonenvironnement.

—Jenesaispaslâcherpriseetçamerongedel’intérieur.Ilfautquetoutsoitorganisépourquejesoisrassurée.

—Etcommentvoussentez-vousmaintenant?

Elleréfléchituninstantetluisourit.

—Sereine

—Doncvousn’avezpaspeur?Pourtantvousn’aviezpasprévunotrerencontre…

IlsseturentetdétournèrentleurattentionsurNotreDamedeParis.Cemajestueuxédificesedessinaitdanslenoirdelanuitparisienne.IlétaittellementimposantqueSarahsedemandacommentdeshommes avaient pu construire un si grandmonument. Il regarda avec admiration la bâtisse et,commeseparlantàlui-même,raconta:

—CetteCathédraleaplusdehuitcentsans.Laposedesapremièrepierreeut lieuen1163sous le règne de Louis VII. Les artisans mirent dix-neuf ans à construire le cœur et ses deuxdéambulatoires.Lecœurest ledébutdetoute l’histoire!Vousvoyezsarosaceaucentre?Ellefaittreizemètresdediamètre,ellefaitpartiesdesplusgrandesCathédralesd’Europe.Commelaplupartdes Cathédrale française, Notre Dame est en forme de croix latine et est de style baroque. Neufs

milles personnes peuvent tenir dedans, à l’époque de sa construction, cela représentait 1/5ème de lapopulationdeParis!C’estunlieudeprièresconnudanslemondeentiermaisc’estaussiunlieudedrame.L’annéedernièreon retrouvaunhommepoignardé, sagorge fut tranchéeaumomentoù ilpriait.Quelquesmoisaprès,unécrivainsesuicidaitdevantl’autelensetirantuneballedanslatête.Ceshistoiresnesontpasflatteuses,maiscelafaitaussipartiedelavieducatholicisme.

Sarah écoutait presque religieusement. Elle aimait connaitre l’histoire des monuments, ledétaild’unlieu,lepetitquelquechosequileferadevenirunique.Elleavaitl’impressiondedétenirunpetitsecret.Ilsrestèrentsilencieux,admirèrentceroyalmonument.

Ginosoupiralégèrementet,àl’idéedemettrefinàcerendez-vousinopiné,unepetitebouleseformaaucreuxdesapoitrine.Ilyavaitbienlongtempsqu’iln’avaitpuouvrirsoncœuretparlerdesavérité.Bienlongtempsqu'ils'étaitintéresséréellementàunefemme,qu'ilavaitenviedeparler,d'écouter,desesentirspécialpourquelqu'unetnonpasjustelebelitalienavecquil'onprenddubontempsaulitavantderetourneràsaproprevie.Ilnevoulutpasquecettedoucesensationdebien-êtres’en aille, il sentit déjà au fond de ses doigts le fourmillement crée par l’envie. Il eut envie de lapeindre devant la Cathédrale, elle semblait hypnotisée, ses yeux étaient brillants et avides dedécouverte, sondemi-sourire enfantin faisait disparaître la lassitudede sonvisage.L’inspiration etl’envierevenaient,grâceàcepetitboutdefemmesiattendrissant.

Sesyeuxdescendirentalorslelongdesabouche,ilydécouvritdebelleslèvrescharnuesetroses.Ildûtseraisonnerpournepass’approcherd’elle,nepaslesgoûter,nepascaresserduboutdesdoigtslacourbedesabouche.Ilessayadesesouvenirdesmoindresdétailsdesonvisage,desfinesmèches de cheveux qui lui balayaient le front, de ses petites boucles d’oreilles en argent, de son

écharpebleuefoncéebiennouéeautourdesoncou,desonpetitnezaquilin,desdeuxpetitsgrainsdebeautésursapommette.

Ilvoulut tendre lamain, toucher sa joue, embrasser chaquemillimètrede soncorps, sentirl’odeurdesapeau,legoûtdeseslèvres,ladouceurdesalangue…

Ellel’interrompitdanssespenséesensentantunequestionindiscrèteluibrûlerlabouche.Lacuriositél’emporta.

—Pourquoi n’avez-vous pas trouvé une belle parisienne, commevotre belle amie blonde,pourpartagervotrevie?

—Oui j’ai embrassé des femmes. J’ai désiré leur corps, j’ai passé de bonsmoments. J’airespiréleurodeur,lemêmeair,j’aipartagédespetitsdéjeuners,j’aiécouté,j’aiparlé.J’aivécuunevied’hommequivitau jour le jour.Jeprofitedeceque l’onm’offre,de ladéraisonéphémèrededeux corps qui ne se connaissent pas. La donna, la femme, est une richesse incroyable pour unhomme;elle l’enivrecomme lebonvinet lenourrit commeun repasgastronomique ! Je chercheaussiàcequ’ellem’inspireetélèvemonesprit.

Pourtomberamoureux,jevoudraisdonner,m’esquinter,pleurer,vivreavecpassionpourmesentirvivant.

Jeveuxcetteévidence,cesourirequinaitvrai,cesyeuxquipétillent,cesmainsquimedécouvrentetcescheveuxquimecaressentletorse.Jeveuxmesmainssursoncorpscommereliéesàsonâme.

Jeveuxlavraiehistoire,cellequinesecachepasderrièredefaussesqualitésetquisedévoileaveclesdéfauts.Jeveuxlaguerrepourconnaîtrelapaix,jeveuxlapluiepourprofiterdusoleil.Jeveuxlapassion,ladestructionpourconnaîtrelaraisonetapprécierlequotidien.

Ouijecroisencetamour-là,celuiquinementpas,quinetrichepas,quifaitmalaussi.Jecroisaussiàladestinée…

Sais-tu qu’à cet instant même j’ai l’impression de te connaitre depuis toujours, de reconnaitre laformedeteslèvres,tesyeuxquiseplissent,cepetitgraindebeautéàcôtédetabouche?Jeteparledemavie,jeracontecequejesaissurlaCathédraleetjepourraistoutteraconter,teparlerdechaquepetitechoseinsignifiante.J’aienviequel’onsesaouledenosconversations.Etjen’arrivepasàmel’expliquer…

Sarahleregardasansdétournersonregard,ellelesoutint.Ellen’avaitmêmepasremarquéqu’illatutoyaitmaintenant.Elleétaitabasourdiepartoutceflotdemotsquirésonnaitenellecommeuneétincelle.Ellesutquecetterencontreétaitlesignedudestinquiluipermettraitdecroireencoreendemainetd’affrontersonquotidien.Ilétaitentraindenourrirsonâme,d’éleversonesprit,ilétait

commeunmessager.Jamaisauparavantellenes’étaitsentieaussilibreetvivante.Sielles’écoutait,elle le prendrait dans ses bras. Elle avait envie de lui prouver qu’ils pourraient avoir cette vraiehistoireensemble.L’embrasseretselaisserallernefaisaientpaspartiedesesprojets.Sarahavaitdenombreux principes dont celui de la fidélité. Elle se souviendra longtemps de cet italien plein decharmequienl’espaced’uneheureavaitsulireenelle.

—Commentt’appelles-tu?

Cettequestionenfantinelefitrire!

—J’aicruquejamaistunemeledemanderais!!

Illuitenditlamain.Leurspaumessetouchèrentpourlapremièrefois.Sesmainsétaientlongues,rassurantes, ilavait lesdoigtsfinsetsamainétaitchaude.IlserradélicatementlamaindoucemaisfroidedeSarah.Illatintbienauchauddanssapaume.

—Gino.

—Sarah.

Leurdeuxuniverssidifférentsseressentaientàtraversleursprénoms.Elleétaitlasagesseetla raison, elle se pensait commune et anodine. Lui était la déraison et l’exotisme, la promesse delendemainquineressemblaitpasaujourd’avant.Ilsesentaitsouventincompris,tristementbienenétantseul.

Ils’approchadoucementd’elle,boitantunpeuplus,illadominaitd’unetête.DélicatementGinoposasesmainssurlesjouesdeSarah.Ellesentiedesfourmillementsaucreuxdesonventreetsedemandacequ’ilallaitfaire.Ellenecherchapasàreculerouàl’interrompre.

Délicatementill’embrassasurlefrontenfermantlesyeux.

—Chezmoi,pouraccueillirunepersonne,onfaitainsi.

Puis,intensémentilplongeasonregarddanslesien.Sarahsemorditlalèvreinférieure.Cesimplegeste fitnaîtreen luiuneenvieanimale.Commesielledevinait son intention.Sarah reculad’unpas,lalibérantdesonétreinteetmettantfinàunrapprochementqu’ellejugeaittropimportant.Ellenevoulaitpasfranchiruncapqu’ellenepourraitassumer.Ilsentitsavolontédenepasallerplusloin.

—J’auraisvouluterencontreravantquetunesoismariée.

—Jen’auraispasété lamême, jen’auraipaspris le tempsde teparler. J’auraieupeur, jet’auraisfui.

—Pourquoirestes-tucesoir?

—Jenesaispas.

C’était lavéritépure, ellen’avait aucune raisonde rester avecun inconnuet encoremoinsavec l'enviede lui raconter lesparts lesplus intimesde sonhistoire.Elle ressentit le besoinde seconfier,d'avouer,de lâcher les chosesqui lui comprimaient le cœur,de s'ouvrir sincèrement, sansretenue.Ilvitpasserdanssesyeuxunepointedetristesseetunesoudainedétermination.Ilvoulutlavoirpétillante,commetoutàl’heure.

—Viens,j’aiquelquechoseàtemontrer.

Ils tournèrent le dos à la Cathédrale Notre Dame et empruntèrent une petite rueperpendiculaire.Iln’yavaitpersonneautourd’eux,etSarahentenditlebruitdelaSeinenonloin.Ill’emmenadanscettedirection.Leurspasrésonnèrentsurlespavés,lefroidsefaisaitplusintense,sefaufilantdansleursmanteaux.Elleeutenviedeluiposerunequestion.

—Pourquoiboites-tu?

—C'estunelonguehistoire…

—C'estunejolierépliquepourmedirequecen'estpasmonaffaire!

—C'estsurtoutuneexcusepourgagneunpeudetemps.Cecôtémystérieuxetinfirmeattiredenombreusesfemmes!

Elle lui donna une petite tape sur le bras en rigolant. Ils arrivèrent soudain devant un petitpont. Sarah poussa un petit cri étonné. Gino gonfla son torse, fier de lui et ouvrit les brasthéâtralement.

—Voilàlarépliquedupontdesarts.

Pour retrouver une contenance, pour savourer cemoment simagique et intense, elle sortitdeux cigarettesmenthol de son sac et lui en offrit une instinctivement. Comme si elle savait qu'ilfumait, comme si ce geste avait déjà été fait auparavant.Délicatement elle l’alluma, la porta à seslèvres et expira doucement l’air en fermant les yeux. Sans le savoir, Gino l’avait emmenée à unendroitqu’ellevoulaitvoir.Elleyavaitpensésifortdansletraincematin.Etvoilàqu’illuioffraitcela,sanscontrepartie,sansmêmeleluiavoirdit!

Leslumièresdelanuitsereflétaientsurlesmilliersdecadenasaccrochéssurlesbarrièresetlesfaisaientscintiller.De loin,cela lui rappelait lesgrossesguirlandesenordeNoël!Cetendroitétaitcommeunmiragedansledésert,elles’ysentaitbien.EllepensaàcetinstantqueGinoétaitvenuàellepourluiouvrirlesyeuxsurlabeautésimpledelavie.Ilsuffisaitd’uninstant,d’unlieuetd’unerencontre pour lâcher prise. C’était le bon moment aujourd’hui, il n’y aurait pas de rendez-vousmanqué.Ilfallaitvivrecettepage,profiterdel’instant,rechargerlesbatteriespouraffronterlavie.

Elles’approchaduborddupontetregardalescadenas,chacunavaitleurproprehistoire.Desmilliersd’amoureux,decouples,étaientvenusscellerleuramouricietavaientjetélaclédanslaSeine.Sarahaimaitleromantismeettoutcequiallaitavec.Fleurbleue,beaucoupdechoseslarendaitémueetellepleurait facilementdevantun film,unehistoire,unmomentouunephrasechargéedesens.

Sarahs’accoudaetregardaunepénichepassernonloind’elle.

— J’aime cet endroit, je n’ai pas l’impression d’être à Paris. C’est calme, reposant,presqu’irréel.Jevienssouventici,jefixelefleuve,jefermelesyeuxetjemesenschezmoi.

Ileutsoudainl’enviedeluifairepartagerunmorceaudelui-même.

—Fermetesyeux,jevoudraistefairedécouvrirmaRoma.

Sarahseredressa,posalesmainssurlepont,fermalesyeuxetinspiral’airàpleinpoumons.

—Te voilà devantmon fleuve, leTibre, il est puissant c’est le troisième plus long fleuved’Italie.Ilestchargéd’histoire,làoùilprendsasource,surleMontFumaiolo.Ilyaunepetitedalleenmarbrequidit"IcinaîtlefleuvesacréauxdestinsdeRome".C’estcefleuvequioffrit,durantdessiècles,l’eaunécessaireauxpaysanspourcultiverleurterre.Maintenant,iln’apportepluslavie,ilportelepoidsdupasséenlui.Ilestbeau,majestueuxetchargéd’histoirepourmoi.C’esticiquej’aicommencéàpeindrepourlapremièrefois.Tutetrouvesàcetendroitprécisément,surlesbordsdufleuve,lecalmerègne.

Tusenslesoleildefévriersurtonvisage,iln’estpaspuissantmaisilréchauffesuffisammentpouratteindrelecœuretl’esprit.Leventestunpeuplusfraisetvientjouerdanstescheveux.Aulointuentendsdesdiscussionschantantesmais tunecomprendspascequisedit.Toutautourdufleuvetudécouvresdespetitsmassifsdefleursdetouteslescouleurs,cesontdesbégoniasetdescampanules.

Autrefois,àlaplacedecesfleurs,ilyavaitdespoisdesenteurquiontvulejourenSicile.PlusieursvariantessontnéesenItalie,autourduTibre.Ilssontlesymboledel’arrogance,delafaussemodestieetdumensonge.C’estpourcelaquelespoisdesenteurontétéenlevés.Denosjours,quandquelquechosenenousplaîtpas,nousl’enlevonsaulieudetoutfairepourvivreavec.

Sous tes pieds tu découvres les pavés d’époque. Ils ont connu les vies d’autrefois, ils sont usés etmêmecassésparendroitmais ilsportentnotrehistoire. Ilssont tous irréguliersmaisensemble, ilsformentune route solide et forte.Rienn’est parvenu à lesdécimer, ni les guerres, ni le poidsdessièclespassés.

Turelèveslatête,etsurtadroitetudécouvresunalignementdepetitesmaisonsblanches.Lesmurssontcraquelésetsemblentrugueux.Unemaisonattiretonattention,elleestpluspetitequelesautres,

ellenecomportequ’unétageetadegrandsvoletsvertsenbois.Laporteestouvertesurunescalierbleu.Unemusiquedefilms’évadedesfenêtresouvertes,tulareconnais,c'estForrestGumpparAlanSilvestri.Tunel’aspasremarquéetoutdesuitemaisunepetitedamed’uncertainâgeestassisesurune chaise usée devant sa maison. Elle a les yeux fermés et parait ressentir la musique, elle estsereine.Sonpieddroit,chaussédesabotnoir,frappeletempo.Unfoulardretientseslongscheveuxblancsetelleporteuntablierdecuisinesursarobeàfleurs.Tutesensapaiséeàlaregarder,laviel’arendueforte,heureusemaiselleestaujourd’huiseule,profitantdechaqueheurequipasse,ellenesaitpasquandlamortviendralacherchermaisellen’apaspeur,elleavécucequ’elledevaitvivre.

La forcedesmamas italiennes résidedans le faitqu’elles extériorisent tout.Le jouroùellesn’ontplus personne autour, les souvenirs deviennent leur plus belle force de vivre, elles se doivent decontinueràavancerparrespectpourlepassé.

TuavancespourtedirigerversCastelSant’Angeloetlà,àlagauchedufleuve,c’estl’effervescence,tu découvres le marché italien avec ses étales de toutes les couleurs. Des fruits et légumes sontassemblés,superposés,c’estunocéandeformes,d’odeursetdecouleurs.Lespassantsnesepressentpas; ils discutent, rigolent, prennent leur temps, respirent, chantent, s’interpellent. Ils prennent letemps de vivre même si en ce moment leur pays va mal, le travail manque et l’avenir devientincertain.C’estchezmoiSarah.Lesgensfontsemblantdecroireendemainmaisaufondilsontpeurdel’avenir,commetoutlemonde.

J’aipeintcefleuvedesdizainesdefois,detouteslessaisons, toutesles lumièresdela journéeetàchaquefoisj’airessentidessensationsdifférentes.Jemesurprendsàimaginerlesanciensmarchandsnaviguantsurlefleuve,lesfemmesvenantlaverleurlinge,etlesromainss’ybaignant.

Un jour, promets-moi d’y aller Sarah. De regarder, de respirer, de souffler, de vivre le momentprésentsansteposerdequestions.Promets-moidetemettredevantmonfleuve,defermerlesyeuxetdepenserànotresoiréeici.Promets-moidetesouvenirdusourirequel’onacesoir.Promets-moidevivrepourtoi-même.

Sarahouvritlesyeuxdoucement,ellenevoulaitpasêtresurpriseparlaréalitédelavie,ellesesentaitbienlà-bas,bercéeparlavoixdeGino.Ilsseremirentàmarcherensilenceetdécidèrentdeseréchaufferenprenantunverredansunbar.Auhasardilspoussèrentlaported’unpetitbistrotquifaisaitl’anglenonloindelaFontaineSaintMichel,ladevantureétaitrougeetlaportenoireetlourde.Al’intérieur,ilss’assirentautourd’unepetitetablecarréeàcôtédelavitrepourpouvoirprofiterdeslumièresextérieures.

Illalaissas’asseoirsurlabanquette.EllecommandaunCosmopolitain,ilchoisituncafénoir allongé sans sucre, et sans réfléchir, confortablement installée sur la banquette rouge et uséed’uncaféparisien,àvingt-deuxheures,elleluiracontasaviesansenjolivernisublimerlavérité.

Elles’étaitmariéeavecsonpremieramour.Ilss’étaientrencontrésaulycéeetavaienteuundébutd’histoireromantique.

— Notre histoire a commencé, idyllique, intemporelle, celle de deux jeunes gens qui setrouvent,sedécouvrent,ets’aimentd’unamourpassionneletdestructeur.Riennenousprédestinaitàêtreensemble.J’étaisasseztimide,réservéeetj’avaispeudeconfianceenmoi.Jenemetrouvaispasassez mince, mes cheveux châtains n’étaient pas assez longs, mes yeux verts sans vie et malmaquillés,jen’avaispaslesacLongchampsàlamode,jenemetrouvaisnisexy,nidistinguée,jemequalifiais de banale. Lui était populaire et charismatique. Il connaissait beaucoup de monde, sonhumourluivalaitlasympathiedebeaucoupetsagentillesseétaitreconnuepardenombreusesjeunesfilles.

SarahmarquaunepauseetGino imaginacette jeune filledoutantde sa séductionetd’elle-mêmemaisquidevaitêtrepleinedecharme.Ilauraittellementaimél’avoirconnueàcetteépoque-là,ilenseraitpeutêtretombéamoureux,ilauraittoutfaitpourqu’ellesesentevalorisée,pourqu’elleouvresesailes,qu’ellecroitenelle.

—AvecSimon,nospremiersregardssesontcroisés, fouillés,dévorés,presquesansgêne,sansretenuemaisavecunecertainepudeur,celledurejetde l’autre.Toutdesuite, je l’aivoulu.Jedésiraisplusquetoutêtreentouréedesesbrassolides,pouvoirpassermesmainsdanssescheveuxchâtains et respirer son odeur, celle animale dans le creux de son cou. Je voulais que ses yeuxplongentenmoi,qu’ilssachenttout,qu’ilsmefouillent,medévisagentetm’emmènent.Jevoulaismevoirbelledanssesyeux,mesentirvivanteetintéressante.

Je n’avais jamais ressenti cette sensation de chaleur au creux de mon ventre, ni ce désir qui nedemandaitqu’àêtreassouvi.Jenemesentaispluscommeunejeunefillefarouche.Aveclui,jevoyaisgrand,jevoyaisloin.

J’airemarquétoutdesuiteseslonguesmainssolides,quinetremblaientjamais,desmainsquivousdonnentconfiance.Ellesétaientparfaitesbienquedetempsentempsillesportaitàsabouchepourserongerlesongles.C’étaitunticnerveux.Sabouche…Pleine,généreuseetbienrose.Deslèvresbienourléesquilaissaientplaceàdepetitesdentsbienblanches,lesquellesn’étaientpasparticulièrementbienalignéesmaisavaientlemérited’êtredroites.

Sonsourirefaisaitnaîtreaussiunsouriresurmonvisage,celadoits’appelerlabéatitudejepense!

Iln’étaitpasparticulièrementbienhabilléouplusintelligentqu’unautre.Ilétaitlui,etçamesuffisait.

Je luiavaispeuparlémais jesavaisqu’il seraitmongrandamour,celuid’unevie,celuiaprèsquil’on court. Cet amour qui vous coupe le souffle, qui vous maintient à terre parce que tomberamoureuse c’est tomber tout court. Il faut un jour se relever et accepter de confier sa vie, ses

sentiments,sespensées,sonespoir,sonavenirmaisaussisesdésillusions,sespeursdel’abandonetsonangoissedelaséparation.

Nousétionsdanslamêmeclasse,etencemoisd’octobre,ildevintmontout,monuniversàluiseul.

Ellebutunegorgée,sonregardétaitperdudanslevague,unsouriredenostalgiesedessinantvaguementsurseslèvres.Sarahcontinua.

—Leplusdurcen’estpasl’envolmaislachutequifinittoujourspararriver,dit-elledansunsoupir. Simon, un prénom si courant, commun et tellement lourd de sens pour moi. Cela va tesemblerenfantinmaisc’étaitpourmoileprénomdel’amour.Iln’yavaitplusqu’unseulSimonaumondeet ilétaitdevantmoiavecsonregarddévastateurquinecillait jamais,quim’enveloppaitetfaisaittoutdisparaîtreautourdemoi.

Je suis tombéeamoureusede son regard,puisde sesmains et j’ai aimé toutde lui.De sesgrandspiedsàsescheveuxenbataille,desadémarchenonchalanteàsonvieuxmanteaunoirsansvie.Ilétaitlavie,maviequibouillonnaitdanssoncorps,souslacagethoraciqueetvenaitdévorerchaqueveinedemoncorps.Jepouvaissentirchacundemesbattementsdecœuretchaquesecondedesonattentionfaisaitnaîtreunedélicieusesensationdevertigeaucreuxdemonventre.

Jenemesuisjamaissentieplusenviequ’aucoursdecespremiersmoispassésaveclui.C’étaitilya12ans…

Sarahn’eutpas enviede lui raconter lesdébutsde leurhistoired’amour, c’était son jardinsecret,sonespoirquelamagierevienne.

Sarahcontinuadeluiraconterqueletempsavaitpassé,emmenantavecluilapassiondesdébuts.

—Nousnoussommesperdusdansnotrequotidien.Laroutinedelavies’étaitinstallée.Nousavonsdécidédenousmarierquelquesannéesaprès,sademandeétaitbelle,simpleetpleinedebellespromesses.Cen’étaitpasunedécisionpriseàlalégèrepuisquel’amourétaitlemoteurdecetteunion.

Lavieestfaiteainsi,larencontre,l’amour,lemariageetlesenfants.

C’est ainsi que Sarah était tombée enceinte juste après sonmariage et avait accouché d’unpetitNoamenparfaitesanté.Ilétaitlefruitdeleurunion;unpetitêtrechoyéquibouleversatouteleurvieet surtout leur relationdecouple. Ils sortaientmoinset recevaientpeu.Noamne faisaitpassesnuits et réclamait beaucoup d’attention, Simon devait aussi s’occuper des travaux de la maisonqu’ensemble,ilsvenaientd’acheter.

Ilss’étaientainsiéloignés, laissantunfosséd’incompréhensionsecreuserentreeux,vivantdans l’ombre de leur idéal de couple. Le plus dur était d’accepter l’absence de l’autre. Simon lui

manquait. Son Simon plein de passion et de déraison. Son humour, ses conseils, sa joie de vivredisparaissaient plus vite que la neige au soleil, ne laissant qu’unepetite flaque de lassitude. Il étaitdevenuaigrietseulelatélévisionluiprocuraitdel’intérêt,caraumoins,disait-il,elleneluifaisaitpasdereproches.

Sarahétaittropexigeanteavecelle-même,maisaussietsurtoutaveclui.Elledisaitqu’ilfallaittoujourspousserl’autre,l’élever,lefaireavancer.Ellevoulaittoujoursplusetnesecontentaitpasdechosessimples.Chacundeleurcôtéilsseperdaient,pourtantilsavaientrêvéd’unegrandevieàdeux.

—Nousnousétionspromisquenousnedeviendrionspascommecescouplesquineviventpas l’unavec l’autremais l’unàcôtéde l’autre,quenousaurions toujoursquelquechoseànousdire, que lapassionhabiterait toujoursnosdeuxcorps.Nousnous étionspromisde toujourscommuniquer,denepassuccomberàlaroutine.Lespremièresannéesnousavonsréussiàtenirnospromesses.Letempsareprissondroitetnosbellesillusionsavec.

Leplusdurtuvois,c’estdesesentirseulequandnoussommesdeux.

Etpourtantjesaisquenousnousaimonsprofondément.Noussommesjustemarquésparletempsetladésillusion.

Sarahmarquaun arrêt et ses yeux fixèrent unpoint imaginairederrièreGinoqui nedisaitrien.Ilsenourrissaitdesesparoles,essayantdenepasmélangerlessentimentscontradictoiresqueluiinspiraitcettediscussion:ledécouragement,l’amour,lesbrasquel’onbaisseaulieudesebattre.Lavieestunebataille,lesmomentsdebonheurensontlavictoire.Maisilnefautpasselaisserallercarchaquejourunenouvelleluttenait.Ilfautserelever,vouloirsebattreetcontinueràcroirequecesinstantsvalenttoutlereste.

— Nous savions que pour être heureux il nous faudrait partir. Nous avions envisagé dedéménagerdanslesudvoiredanslesîles.Lànousaurionseuunepetitemaisontoutesimpleenborddeplage, à l’écart de tout site touristique.Notre labradorbeige s’amuserait à courirdans le sable.Nousaurionsvécudepetitsboulotssansdeveniresclavesdenotrevie.

Chaquedimanche,nousserionsallésaumarchédenotrevillageenvélopouracheternosfruitsetnoslégumes.Lesétalespleinesdecouleursetd’odeursnousauraient faitnoussentirvivantset surtoutlibres.Nousaurionsjusteététouslesdeux,nousnousserionssuffisànousmême.Iln’existepasdeplusbellepreuved’amourquecelledesecontenterdel’autre.

Maistoutcelan’estqu’unebelleutopie,unidéalquinepeutpasseréaliserdanslavraievie.Nousn’avonsjamaiseulaforcenilecouragedefranchirlepas.Notreamouresttoujoursprésent,ilestjuste différent. L’amour est ainsi fait, il arrive d’un coup, dévaste tout autour, se nourrit de notre

confiance,prendracinedansnossentimentsetchangedoucement.

Sarahexpliquaqu’elleaimaittoujourssonmari,quesonamouravaitévoluéavecletemps,qu’ilsétaientunisfaceauxépreuves.D’uncoupdefoudre,ilsétaientdevenusamants,amisetparents.Iln’yavaitplusdejeuxdeséduction,ilétaitconfortabledesavoirquel’onavaitquelqu’unàcôtédesoi.

Simon

***

—Quellejournéededingue,pensa-t-il!

Luiquiétaithabituéàrentrerdutravail,jouerunpeuavecsonfils,mangerunbonpetitrepaspréparéavecsoinetsedétendredevantlatélévision,avaitdûgérertropdechosesaujourd’hui,ilsesentaitvidéetlessivé!

Il avait toujours été plein de vie, sautant sur n’importe quelles occasions pour sortir,découvrir des choses, aller au cinéma. Il avait eu des projets plein la tête, des envies de faire de

grandeschoses,deparcourirlemonde,dedevenirquelqu’unquicompte,surquil’onpeutsereposer.Maislesannéespassentetemportentavecelleslesespoirsd’unevie.

Il se renditcomptequ’il avait réussipasmaldechosesentreunbeaumariage,unemaisonsolide,unpetitgarçonenbonnesantéetdeuxvoituresderniercri.Etcelaluisuffisaitamplement.Iln’avaitpasuncaractèreàenvouloirtoujoursplus.

Mais depuis queSarah était partie à sa formation il n’avait plus uneminute à lui. Il devaitrécupérer son enfant chez la nourrice, le laver, préparer le repas, lui donner à manger, tout enjonglant avec son travail…Il se rendit compte qu’il avait besoin de Sarah, besoin de leurcomplémentarité,besoindesereposersurquelqu’un.

UnefoisNoamcouché,ilpassadevantlacuisinesansmêmeoserrangertoutlebazarqu’ilyavaitmis,descasserolestrainaientdansl’évier,desboîtesdeconservesouverteshabillaientleplandetravail.Ilouvritlaporteduréfrigérateuretensortitunebièrebienfraiche.

—LeMojitoserapourdemainsoir,sepromit-il.

Ils’installaconfortablementdevantlatélévision,posasespiedssurlatablebasseetsereleva.Quelquechoselegênaitetilfallaitqu’ils’enoccupetoutdesuite.Ilcontournalatablepuisdéplaçal’étendoir à lingequimasquaitunepartiede la télévision.Satisfait il retourna s’asseoir etpassa lasoiréeàregarderunesériesurlescombatsetlaguerre.

Ilsecouchatrèstard,ilaimaitprofiterdecesinstantsoùlamaisonestendormie,oùilpeutseretrouveraveclui-même.Personneneluidemanderien,illaissesonespritvagabonder.Etilsaitqu’ilpourraseblottircontrelecorpschauddeSarah,quesaprésenceserarassurante…Maispascesoir…

GinoetSarah

***

Ginol’écoutasans jamais l’interrompre.Achacundesesmots ilavait ressenti lesentimentderrièrelesparoles.Lapromessed’unamouréterneletlaréalitéquisurgitpéniblement.

—Jen’ai jamaisraconté toutcelaàquiconque.Ilestplusfaciledeparleràun inconnu,aumoinstoi,tunemejugeraspas,luidit-elleenluisouriantducoindeslèvres.

Ces lèvres qu’il contempla, elles étaient charnues, roses et pleine de vie. Il se voyait lui

mordillerlalèvretoutenl’embrassantavectoutesonâmepourluiprouverquelavien’estpasqu’unmomentmanqué.Sarahsoupiradoucementethaussalesépaules.

—Qu’est-cequiterendheureuse,luidemanda-t-ilavecattention?

—Deschosesbasiques:lalecture,unfeudecheminée,m’asseoirsurlesableetécouterlameretsurtoutmonenfant.Ilestcommelalumièred’unevoiturequiéclairelanuitnoireetmeguidesurlechemin.Ilm’aideàemprunterlabonnerouteetànejamaisregardertroplongtempsdanslerétroviseur.Ouijepeuxmetromper,freiner,m’arrêtermaispourlui,jamaisjen’emprunteraisunerouteoùsaprésenceneserapas.

Plus elle parlait, plus il buvait ses paroles. Il découvrit une femme passionnée, aimante,sincère, vibrante. Il ne connaissait pas cette vie puisqu’il n’avait aucune attache, il aurait voulu luiprouverquetoutpouvaitsepassersimplementetautrement.

Pourlapremièrefoisdelasoirée,Sarahregardasamontre.Ilétaitpresqueminuit.

—Attention,luidit-il,tudevienscommecesparisiennespresséesquifoncentdanslesgens!

Ellesourit,espiègle.

—C’estquemoi,Monsieur,jenesuispasuneartiste.Demainmatin,jedoismelever,commetoutescespersonneslambdaquetunesemblespascomprendre!

Elle savait que si elle restait là, elle se confierait de trop. Elle ferait sortir des sentimentsqu’ellenedésiraitpasaffronter,uneréalitéquiluinoueraitlagorge.Parcequesavieétaitbientropéloignéedecequ’elleavaitimaginé,etqu’ilétaitdifficiledeserendreàl’évidence…

Ellesavaitqu’unefoisrentréedanssachambred’hôtelellecogiterait,elleréfléchiraitàsavieetellen’enavaitpasenvie.Ellevoulaitjusteprofiterdumomentprésent.Elleselevaavantqu’ilnesoittroptard,enfilasonmanteau,nouasonécharpeenfaisanttroistoursautourdesoncou.

—Jen’aimepaslesadieux,jepréfèreneriendireetpartir.Jen'aimepasmedirequejamaisplusjenepourraisrevoirlesgensàquijedisaurevoir.

Asontour,ilselevaprestementetavantqu’ellenefranchisselepasdelaporte,illuidit:

—Demainjeseraidevantl’hôteldeville,jechercheraitonsouriredanslafoule.Reviens.

Ellelefixa,sourit,etsortitsansunmot.Elles’éloignarapidement,marchaenfixantlesol,lesépaules levéeset lenezdans sonécharpe.Elle se rendit comptequ'elleneprenaitmêmepas letempsderespirer,secontentantdequelquesboufféesd'oxygène.

Elleavaitdûsefaireviolencepourpartir,seforcerànepasécoutersonenviequiluicriaitde

rester, de parler, d'écouter, de partager, de voir les petites ridules au coin de ses yeux quand ilsouriait,des'imprégnerdusondesavoix,cettevoixquil'apaisait.

Ilrestadeboutplusieursminutes,prisleverrequ’elleavaitlaissésurlatable,puisposaseslèvres sur les traces de rouge à lèvres. Il ressenti déjà un manque, il sût à cet instant, que leurrencontren’étaitpaslefruitduhasard,qu’elleallaitchangerquelquechoseenluietiln'imaginapasàquelpoint.

Ellerepritlemétrosansjamaisseretourneretseforçaàaccélérerlepas,laissantdeplusenplus de distance entre eux. Sans cela, elle aurait été capable de faire demi-tour et de retourners’asseoir devant lui. Elle adorait la façon intense dont il la regardait comme si rien d’autre necomptait.Sonregardposésurelle,sesyeux,safaçondeposersonmentonsursesmainspourmieuxl’écouter.Elleéprouvaunegênesoudaine,nesachantpascommentinterpréterlespetitsgargouillisaucreuxdesonventre…

Assisedanslemétro,ellelaissasonespritvagabonderetdevinauneplénitudequ’ellen’avaitpasressentiedepuislongtemps,cettecurieusesensationd’avoirtrouvésaplace,qu’elleleconnaissaitdepuistoujours.

Lesstationsdéfilèrentdevantsesyeux,àKremlinBicêtreellesortitdelarame.Lescouloirsdumétroneluisemblèrentplussifroidsouaustères.Ellegravitlesmarchesmenantàlarueetunefois arrivée en haut, ses épaules se détendirent inconsciemment et un petit sourire flotta sur sonvisage.Elleavaitvécuceclind’œildudestincommeunerévélation.Sesentanttoutsimplementbien.Ellenes’étaitpascachéedevantlui,elleavaitrévélédespenséesintimes,sonhistoiredevie.

Ellepensaquec’étaitincompréhensiblederéussiràs’ouvrirautantfaceàuninconnuplutôtqu’àsonpropreentourage…

Elleseditqu’elleneretourneraitpasdevantl’hôteldevillelelendemainsoir.Ellenevoulaitpasrisquerdebriserlamagiedecettesoiréeetd’êtredéçuelelendemain.Aprèstoutelleétaitvenueicidanslecadredesontravail.

De toute façon, qu’avait-il d’autre à lui offrir puisqu’il venait de lui donner un véritableinstantdepartage?Etqu’avait-elleàluidonnerenretour?Ellechassadesonespritlapetitevoixquiluiditdeprofiter,quepersonneneseraitaucourantdecequ’ellefaisaitici,etqu’aprèstout,elleneconnaissaitpersonne.

Unefoisrentréeàsonhôtel,ellefitcoulerunbainbienchaudetsedébarrassaenvitessedesesvêtements.Plongéedansladouceurdel’eau,ellefermalesyeuxetdécidad’envoyerunmessageàsonmaripourprendredesnouvellesdeleurfils.Auneheuredumatinpasséellesutqu’ilneluirépondrait pas. Elle attrapa une pomme dans son sac, se souvenant qu’elle n’avait pas dîné et la

mangearapidement.Ellesecouchafinalementépuiséemaissereine.

Elle s’endormit rapidement et évolua dans un demi-sommeil… Elle rêva d’une forêt…Lesoleilpassaitàtraversleshautesbranchesdesarbres,ellesesentitperdueetseule.Enavançantelledébouchasuruneclairière.Lesherbesétaienthautes,desmilliersdecoquelicotsdansaientsoussesyeux,elleavaitlesentimentdeconnaîtrecetendroit.Leventeffleuraitsonvisageetjouaitavecsescheveuxbruns.Letempssemblaitsuspendu,aucunbruitextérieurnevenaitdérangerlaquiétudedecetinstant.

Elleplissalesyeuxetremarquaauloinunhommeallongésousungrandetimposantsaulepleureur.Ellereconnutaussitôtlechapeauposéàcôtédujeunehomme:unbéretvert.Ilsentitalorssaprésenceetserelevasurlesavant-bras.

—Situsavaisdepuiscombiendetempsjet’attends…

Ilse levaet lui tendit lamain.Sarah l’attrapa, lecontactdesamain luiétait si familier,ellesesentaitchezelle.

Deuxièmejour

***

Leréveil la tirabrutalementdesonsommeil.L’imageflouedeGinoluisouriants’estompaprogressivement.Illuifallutplusieursminutespourchasserlesouvenirdecerêvesiréaliste.

Elle se leva, s’étira, ouvrit les rideaux sur la vue du périphérique. Les phares rouges des

voitures illuminaient la rue.Tantdepersonnes et si peude tempsaccordé,desviesquidéfilent aurythmedu travail, desheuresquipassent, desprogrammesà la télévision.Et si l'on s'accordait dutempsjustepourlevivre?

Ellesedébarrassadesanuisetteetentrasousladouche.Lejetchaudluimassalesépaules,ellefermalesyeuxetlaissal’eauluimouillerlevisage,descendrelelongdesescheveux.Ellepritsontemps.Ellen’avaitnibesoindepréparersonfilspourl’école,niderangerunpeulamaison,nidefairelepetitdéjeuner.Elleappréciacemomentdebien-êtreoùellenes’occupaitqued’elle.Ellesesentitégoïstedepensercela…

Elle enfila un jean brut et un petit pull bleu canard à fines rayures argentées. Elle sécharapidementsescheveuxetattrapaunepincenoirepourlesattacher.Seretrouvantdevantlaglace,ellepassaunecrèmehydratantesursonvisage.Unetouchedemascara,unpeudepoudreetunetouchederouge à lèvre vinrent terminer sa préparation. S’autorisant un petit moment, elle fit chauffer labouilloireetseservitunthéfaceàlabaievitrée.Asamontreilétaithuitheuresetcinquante-quatreminutes. Elle assortit ses boucles d’oreilles à son haut puis passa son manteau. Enfila ses bottesmarronssanstalons,faisantlestroistoursquotidiend’écharpeautourdesoncouetclaqualaportedesachambre.

Elle descendit les trois étages à pied puis lança un "bonjour " joyeux au réceptionniste.Traversantlehalld’entrée,ellepassaensuiteunepetiteportequilafitdébouchersurunlongcouloir.Devant la troisièmeporte sur sa gaucheoù figurait le nom "Acacias ", elle frappa doucement etentra.Douzepairesd’yeuxsetournèrentverselle.

—Excusez-moipourmonretard,dit-elletimidement.

Ellerepritsaplaced’hieroùl’attendaitencoresoncahieretses livresdeformation.Lestablesformaient un U et Sarah était assise dans l’angle du fond. Son voisin Stéphane lui dit d’un airmoqueur:

—Heureusementquetuasprisunechambreicipournepasarriverenretard!

Elleluiréponditd’unsourirechaleureuxetappréciasapointed’humour.Venantd’unegrandeentreprise,Stéphaneétaitleresponsableduserviceformation.Ilavaitunepetitequarantained’annéeet son lookd’éterneladolescentétait attendrissant. Ilportaitun jean,desconversesbleusetun tee-shirtcoloré.Sescheveuxblondsétaientenbatailleetilpassaitsouventsamaindedans.Grandetfinilvenaitdesemarieretavaitdesjumeauxdetreizeans,l’âgedetouteslesrebellionsluiavait-ilconfié.

Il habitait en banlieue parisienne, une petite maison à étage coincée entre une maison deretraiteetlapharmacie.Savieétaitrégléecommedupapieràmusique,sortantdesontravail versdix-septheurestrenteilarrivaituneheureplustardchezlui,sechangeaitetmangeaitencompagnie

desafemmedevantlatélévision.Leweek-end,ils’octroyaitdetempsentempsunepartiedegolfetunsoda.Ledimanchemidiilspartaientbruncherchezsesbeaux-parents.Ensomme,ilavaituneviestable, rassurante. Il parlait de sa journée de travail avec sa femme et lui faisait l’amour tous lessamedis soirs. Tout chez lui était contrôlé et maitrisé. Le seul moment de distraction était lesformationsauxquellesilassistait.Là,etseulementlà,ils’autorisaitàfairedesblagues,às’ouvrirauxautresetàmangercedontilavaitenvie.

BienvitelespenséesdeSarahlaissèrentderrièreelleslarédactiondescontratsetdesactesjuridiques, lecodeétait tellementcomplexeetchaquesituationétaitdifférente.EllepensaàGino,àsonsourire, à soncharme,àcebien-êtrequ’elle ressentait en saprésence.Dèscemomentelle sutqu’elleseraitaurendez-vouscesoir.Celaneservaitàriendesebattrecontrel’évidence.

Lamatinéepassarapidement.Ilsdéjeunèrenttousensembledansunepizzeriatouteproche.Leséchangesconviviauxfusaient,chacunracontantdesanecdotessursontravail.SarahétaitassiseàcôtédeJean-François,uncinquantenairepétillantdevie.Ilaimaitseconfieretlefitvolontiersavecelle:

—AvecStéphanie,ma femme,nousnevoulionspasd’enfant.Nous rêvionsdevoyage, deweek-end, de changer de villes tous les trois ans.A trente-cinq ans, nous avions déjà parcouru lePérou, leChili, l’Inde, et l’Argentine. Il nous restait tellement de pays à visiter,mais nous avionsencoreletemps.Nousaimionslepenserentoutcas.

Puis Stéphanie est tombée malade. Elle vomissait beaucoup, avait des vertiges. Un soir je l’airetrouvéepleurantdansnotrelit.Entredeuxhoquetsellem’annonçaqu’elleétaitenceintedequatremois !Niellenimoin’étionspréparésàcela.Notrevieétait toute tracéeetdevait se faireàdeuxuniquement…Maisàlapremièreéchographie,àlapremièreécoutedesoncœur,noustombèrentsouslecharmedecepetitêtrequigrandissaitenelle.Lemoisquisuivitfutleplusbeauvoyagedenotrevie !Lebébédonnait despetits coups, nous lui parlions…Cettegrossessenous a encoreplus liée,nousfaisaitdécouvrirdespartiesdenous-mêmequenousneconnaissionspas,commedescontréesinconnues.

Etàcinqmoisetdemidegrossesse,Stéphaniesaigna…Jamaislesangnenousavaitparuaussifatal.

Sarahl’écoutaavectoutesonattention,elleremarquauniquementàcet instant,quel’onvenaitdeluiservirsapizza.Ellelepressadecontinuer.

—L’ambulanceestvenue lacherchercheznousetquandjesuisarrivéà l’hôpitalelleétaitdéjà en salle de travail. Je n’ai pas eu le droit de rentrer. Je tournais comme un lion en cage. Jedevenais fou ! Je fumais cigarettes sur cigarettes. J’avais peur. La peur qui te cloue au sol, qui teretourneleventre.Lapeurquitefaitperdrelanotiondutemps,del’espace,desgensautourdetoi.

Auboutdeplusieursminutes,lesdeuxportessesontouvertessurunaquariumsanseau.Destuyauxensortaientdetouslessens.Uneinfirmièreestpasséedevantmoiencourant,m’ajetéunregard,m’asourietm’adit"félicitations".Surlecoupjen’aipasréagi.Enfait,jen’aipascomprispourquoiellemedisaitcela!Et,sanssavoir,pousséparuninstinct,j’aicouruaprèselle.Elles’estalorsarrêtéedevantl’ascenseur.

Monregarda traversé laparoide lacouveuseet je l’aivu!Monfilsétait là !Sous respirateur, sipetit,emmitouflédansunecouchetellementgrandepourlui,sapeaumarbrée,sanssourcils,nicils.Sesminusculesdoigtsétaientposéssursonventre.J’airessentiuneboufféedefiertéettoutdesuiteaprès un gouffre de panique. Un médecin est arrivé et m’a demandé de le suivre. Nous sommesretournés en salle d’attente, et il m’a expliqué que ma femme avait fait une hémorragie interne,qu’elle était très fragile mais que tout allait bien. Par contre mon petit garçon n’était pas encorestable,ilnepesaitqueneufcentquatre-vingt-cinqgrammesetnesavaitpasrespirerseul.

TuvoisSarah,àchaquefoisquenousparlionsdenotreenfant,jamaisnousn’aurionsenvisagécettesituation.Nousnous imaginionsheureux,notrebébéenbonne santédansnosbras, avec sesbellesjouesrosesetunpetitbonnetbleu.

L’imagedemon fils si fragileetvulnérabledans sacouveusem’est revenueenmémoirequand lemédecinacommencéàmemettreengarde.Mon fils étaitungrandprématuréet les risquesd'unemortsoudainepouvaitêtrebienplusqu'envisageable.Jesavaisqu’ilauraitlaforcedesebattre,quejenelaisseraispaslaviemelereprendre.

Sarah,leslarmesauxyeux,essayadechasserdesonespritlavisiondecepetitbébéluttantpourvivre.C’étaittropdurd’imaginerledésespoir,lecourage,lapeuretl’enviedevaincre.Ellesemitàlaplacedesafemmeetcelaluinoualagorge.

—Ne t’inquiètepasSarah !Toutvabienmaintenant.Maisnousvivonsun longcombat ! Je teraconteraislasuitedemainmidisituveux!

Unefoisrevenuedanslasalledeformation,l’après-midipassatoutaussivitequelamatinée.Leformateurétaitcaptivant.Acinquanteans,ilavaitfuilagrandedistributionpourseconsacreràlaformation,iln’ysubissaitplusautantdepression.Adix-septheures,lajournéepritfinetchacunsedispersa.

Sarahdécidaderemonterdanssachambred’hôtelpourlireunlivre.C’étaitl’unedesraresdistractions qu’elle avait en dehors de son travail et de sa famille.Avant son départ de lamaison,jamaisellen’auraitenvisagésesentirbiensanssonmarietsonfils.

Aforcede lesaimer,elleavaitoubliédes’aimerelle-même.Elleavaitsacrifiésespropresenviespourseconsacreràsafamilleetc’étaitsonchoix.Elleluiapportaitlastabilité,lachaleur,lesvéritablesliensetsurtoutunbutdeseleverlematin.

Ellevoulaitavanttoutêtreunemèreprésenteetelleculpabilisaitàl’idéedefairegardersonfils.Lessortiesseuleavecsonmariétaientraresmaisluifaisaitdubien.Pourelle,avoirunenfantétaitunchoixetnonunecontrainte.Bienqu’àseulementtrenteetunansellesesentaitterriblementresponsableetn’avaitplusenviedefairedessoiréesdebeuveriequise terminentaupetitmatin.Atortouàraison,sonsouhaitétaitdevoirgrandirsonfils,d’êtreprésenteàchaqueétapeetd'avoirunautreenfant.

Elles’allongeasursonlit,sedébarrassadeseschaussuresetouvritledernierlivredeCarlosRuizZafon"Marina".Elles’yplongeacomplétement,faisantabstractiondetoutautourd’elle.Nilebruit,nilevent,nilespasdesclientsdel’hôtelnevinrentperturbersalecture.

Lorsqu’ellecommençaàavoir lesyeuxquipiquent,unengourdissementdans lesbras,ellerefermasonlivre.Ilétaitpresquedix-neufheurestrente.Sansvraimentréfléchir,commepousséeparunbesoinsoudain,ellesedirigeadanslasalledebainetseremaquilla.Elleposaunefinecouchedeglossrosesurseslèvresetunepointedeparfumaucreuxdesoncou.

Elleattrapasonmanteau,sonsacetsonécharpebleuepuisclaqualaporte.Prised’unélandelibertéendescendantlesescaliers,ellesouritpleinement.

Ensortantdesonhôtel,ellemarchaendirectiondumétro.Lanuitétaittombéesurlaville,etlespassantssehâtaientderentrerchezeux,exactementcommelaveille.

Les journées passent mais les habitudes restent, comme le refrain d’une chanson. Ellesreviennentsanscessepourdevenirtellemententêtantes,qu’ellesnesontplusunplaisir.

EllepritlemétronuméroseptendirectiondeCourneuveets’arrêtacommehieràlastationChâtelet.Ellenecherchapassaroute,ellenepritpasle tempsdeflâner,ellemontarapidementlesmarchesetseretrouvadevantl’hôteldeville.L’horlogedeNotreDamesonnavingtheures.

Ellenedoutapasunesecondequ’ilnesoitpas là.Ellemarchadroitdevantelle, traversalarouteetseplaçadevantlesbarrièresdelapatinoire.Ellenepritpasnonplusletempsd’admirerlespatineurs.Elledévisagealesgensautourd’elle,maisnelevitnullepart.Dixminutess’écoulèrentetladéceptions’installapetitàpetit.Commentavait-ellepusefaireavoir?Iln’étaitpaslà,illuiavaitmentietellesesentitridiculeetvulnérable.Décidantdepartir,ellesedétournavivement.

Ilétaitlà,devantelle,commehier.

—Tuascruquejeneviendraispas,jel’aivudanstesépaulesquisesontaffaissées,danstamanièredetournerlatêtenégativement.Penses-tuvraimentquej’auraisratécetinstantSarah?

Elleneluiréponditpas.Soulagée,ellesenoyaitdanssonsourire,danssesyeuxcharmeurs,dans sa présence qui irradiait. Elle sentit sa tête tourner, ses mains devenir moites et son cœurs’emballa.Elle le trouvaencoreplusattirantqu’hier,sentantunmagnétismeentreeux,unebullesecréa,laissantlesautresendehors.Commesiplusrienautourn'avaitlamoindreimportance,queplusaucunsonneluiparvenait,querienn'auraitpuanéantircettesensationd'êtreaubonendroitaubonmomentaveclabonnepersonne.

IlluitenditsonbrasetSarahpassalesiendessous.

—Etsicesoirjetefaisaisdécouvrirmonunivers?Veux-tuyentrer?

Elleritenluirépondant.

—Ouijeleveux!

Sonrirefrais,vivant,vibrantluiréchauffalecœur.

—Tuesbienimpatientemapetite,luidit-ilenluieffleurantleboutdunez!

Ilsprirentlemêmecheminqu’hier,passantdevantNotreDame,longeantlepetitpontdesarts.UnefoisarrivédevantlafontaineSaintMichel,Ginotournaàgauche.Ilsempruntèrentunepetiteruellepleined’animation.Lespavésétaientinstablesetseulslespiétonspouvaientlesemprunter.Larue de la Huchette comprenait essentiellement des bars et des restaurants, quelques boutiques desouvenirs y étaient décimées. Ce lieu si vivant lui donna un sentiment de liberté. Partout les gensparlaient,riaient,s'interpellaient.

Il se tourna vers elle et observa sa façon de découvrir un nouvel endroit qui devaitmanifestement, la changer de son quotidien. Son visage était épanoui, lumineux, ouvert vers lemonde. Elle avait cette grâce que seule les gens humbles possèdent. Ses yeux verts en amandebrillèrentlorsqu’unejeunefemmel’apostrophadevantunbaràlafaçadecolorée.

—Les amoureux, un petit cocktail pour commencer cette soirée ?Nous avons le cocktailplaisiràvousfairegoûter!

Sarah,prenantGinodecourt, rentradanslebaretchoisitunepetite tablerondeaufonddubar.Lalumièretamiséeetlesbougiessurchaquetablecréaientuneambiancedevacances!Unpeupartoutdespetitspalmierségayaientlapièced’environ100m².Lesolétaitpartiellementrecouvertdesable,desspotsjaunesetoranges,dirigésversleplafondéclairaientdescentainesetdescentainesdeguirlandeshawaïennes!

Sarahsoupiradeplaisir.

—Queldépaysement!Décidémenttonuniversestpleindesurprises,bonnesoumauvaises!

—Jeterappellequec’esttoninstinctquinousafaitentrer!Jenesuisjamaisvenu,j’ypassetouslesjoursmaisjepréfèrelesambiancesplusintimistes.

—Monsieurnechangejamaisd’universàcequejevois!

Elleponctuasaphrased’unpetitclind’œil,ilsouritfaceàsoncommentairepiquantmaissijuste.

— Je n’aurais pas pensé qu’une femme qui aime ce genre d’endroit puisse avoir de larépartie!

Leserveurvint leurapporterunverre immensepourdeux. Ilétaitgarni toutautourdebonbonsetdeuxpaillesétaientposéesdedans.

—Uncocktailplaisirpourdeux.

Illeurfitunpetitclind'œilavantdes'éclipser.SarahregardagoulûmentlesbonbonsetGinos’enamusa.

—Deuxoptions:soitnousbuvonsenmêmetempscommelabelleetleclochard.Bienquejenesoispaspourlenomde"clochard"meconcernant!Soittumangeslesbonbonsettumelaisseslaboisson!

Espiègle,elleattrapatouslesbonbonsautourduverred’unemainetdel’autreellepritsapaille.

—Etsic'étaitleplusrapidequigagne!

Coinçant lapailleentre ses lèvres,elleaspira lemélangede rhum-mangue-passion-ananas-curaço-siropde fraise,ellenes’arrêtaqu’auboutde lahuitièmegorgéesous lesyeuxmédusésdeGino.

—Délicieuxcemélange,j’enreprendraisbienunautre!

Se mordillant les lèvres pour effacer toute trace de sucre, elle commanda deux autrescocktailsauserveur.

Illadévoraitdesyeux.Finalementilauraitbienaiméqu’ellesoitcommetouteslesautres.Ill’auraitenivrée,luiauraitracontédeshistoiresitalienneseninsistantsursonaccentquilesfaisaientcraqueràchaquefois.Ilseseraitpermisdereplacerunemèchedecheveuxderrièresonoreille,ilseserait penché vers elle et l’aurait embrassée avec impatience, ouvrant ses lèvres pour y glisseragressivementsalangue.Puisill’auraitramenéechezluietl’auraitpousséeviolemmentsursonlit

pourallervite. Ilvoulaitprendreetdonnerduplaisirvite,pourse retrouverseulencoreplusvite.Aucuned’entreellesnerestaitchezluiaprèscetélanbestial.Unefoislafillepartie,ilsemettaitnudanssonatelier,lacigaretteàlaboucheetilpeignait,toujoursavecforce,quelquefoisavecnoirceuretardeur.

Maisavecelle,Ginon’étaitplus toutà fait lui-même.Oui il encrevaitd’enviedesentir sabouchesurlasienne,deluiôtersonpull,d’attrapersescheveuxpourluitirerlatêteenarrièreafindelui embrasser le cou.Mais il crevait aussi d’envie d’entendre sa voix, d’écouter sesmots, de voirl’étincelledanssesyeux,cellequis’estaniméequandelleavaitvu la répliquedupontdesarts.Dejustelaprendredanssesbraspourlarassurer,deluimontrercommentprofiterdumomentprésent,deluiprouverqu’ellepouvaitvivrepourelle.

Illaregardaetilsentittoutdesuitequ’elleneseraitpasjusteuneinconnuedepassagedanssatête,qu’ilcommençaitàconnaîtrelacourbedesesyeux,lahauteurdesespommettes,lamélancoliedans son regard. Il reconnaitrait entre plusieurs les petites boucles accrochées à ses oreilles. Il sutqu’àchaquefoisqu’ilcroiseraitunejeunefemmeavecuneécharpebleuenouéeplusieursfoisautourducou ilpenserait à elle. Il eut soudainementenviequ’elle le connaissevraiment, sansqu’ilne secache.

—Tuesbienpensiftoutd’uncoup…,l’interrompit-elle.

—Çateplairaitdevoirmonatelier?

Sans réfléchir elle lui répondit "oui ", et pendant une fraction de secondes elle crut qu’ils’ennuyaitavecelle!Ellesentitlecocktailmonterdélicieusementàsatête,luiprocurerunsentimentdeliberté.Cetinstantluiétaitréservéetellecomptaitbienenprofiter!Aprèstoutqu’yavait-ildemalà aller voir un atelier d’artiste ? Elle se garda bien d’écouter la petite voix au fond d’elle qui luisoufflaitquecen’étaitpasunrendez-vousanodin,qu’elleenvoulaitplus,…

Ginoallapayerleursconsommationsetilssortirentdanslarue.

—Nousn’avonspasloinàaller.

Effectivement, une vingtaine de mettre plus loin ils poussèrent une porte noire et il tapa"3567B"surundigicode.

Elle arriva dans un petit hall d’entrée d’où partait un escalier noir en colimaçon. Il passadevantelleetluiditdenepasparlerpourgardersonsouffle,qu’ellecomprendraitenarrivant.

Ils gravirent sans un mot les trois premiers étages. Sarah commençait à avoir la tête quitournait,elleralentitdoucement.Ilseretournaetluitenditlamain.Leursdoigtssemêlèrentcommes’ils étaient moulés pour s’épouser parfaitement. Ses mains, chaudes et rassurantes la tirèrent

doucement.Iln’ymettaitpasdeforcemaisSarahsesentaitguidée,rassurée.Elleeutl’impressiondemonter en haut de la plus haute tour d’un château. Les marches défilèrent, et une fois arrivés auquatrièmeétage,ils’arrêta.Iln’auraitpaspuallerplushaut.Leursmainsselâchèrentlorsqu’ilmitlamaindanssapochepourenressortirsontrousseaudeclef.Sarahlevalatête,ellesetrouvadevantunepetiteportebleue,lepalierdel’étageétaitminusculeetsanslumière.Ginoactionnalaminuterieetlalumièreilluminalepalier.

LastupéfactionparalysatoutlecorpsdeSarahetsonvisages’éblouit.

—Jesavaisbienquetuallaisavoirbesoindesoufflepouradmirercela!

Du sol au plafond, de toutes les tailles, toutes les couleurs, tous les styles, dans toutes leslangues,desmilliersdemotsétaientalignés!Lapremièrephrasequ’ellevitfut"Neverbackdown",puisvintensuiteunefabledelaFontaine"lalaitièreetlepotaulait".Descitations,desexpressions,desextraitsde livres, lesmursétaientcomplétement recouverts, ilaurait falluypasserdesheurespourtoutlire!

—Quandjesuisarrivéiciilyaquelquesmois,ilyavaitdéjàdesphrasesécrites.Dèsquejetrouveunpassaged’unlivreoudemusique,quimeparle,m’inspire,jel’inscrissurcesmurs.

Ilpointaunpetitcoinencorelibre.

—Situveuxilyaunepetiteplacepourtoi.Commecelailyauraunboutdetoigravéchezmoi!

L’accentde savoixet l’humourde saphrase servit àdédramatiser sa révélation. Il eutsoudaintrèsenviedesavoircequ’elleallaitécrire,d’infiltrersespensées.Decomprendrelesmotsquilafontvibrer,réagir.

Ilglissalaclédanslaserrure,soulevalapoignéeetouvritlaported’ungesteenlalaissantpasserdevantlui.

—BenvenutonellamiacasaSarah.

Elleavançadoucement,posantsespiedssurleparquetenboismassif.D’uncoupd’œilelleembrassa l’entrée quimenait directement sur une grande pièce.Des grandes fenêtres sans rideauxdominaienttoutlecôtédroit,leplafonddonnaitunsentimentdehauteur.Unpeupartoutdesparaventsgrisétaientdisposéspourformerdespetitsespaces.Surlagaucheunecuisineentouréedeverrièresétaitenvahiepardesplatscuisinés.Lesmeublesderécupérationdonnaientuneatmosphèrehétérocliteàlapièce.Ilsétaientpourlaplupartenboisbrutourepeintennoir.

L’entréemenaitdirectementsurlagrandepièceprincipale.L’endroitn’étaitpasstructuré,ungrandlitsetrouvaitaumilieudelapièce,iln’yavaitpasdetélévisionetaufinaltrèspeudemeubles

maisbeaucoupd’objetsdisposésàmêmelesol.Unegrandelampeayantpourpieduntroncd’arbres’élevaitjusqu’auplafond,lemurdufondétaitrecouvertd’étagèresdébordantdelivres.Dansl’angleau fondde la pièce se trouvait une chainehifi avecunmeuble plein deCD.Tous lesmurs étaientrecouvertsdetableaux,desgrands,despetits,desronds,descarrés,deshorizontaux,verticaux.Desmilliers de couleurs, des centaines de traits, et la mer sous toutes ses formes, tous ses états. Surcertainstableauxlamerétaitcalme,douce,paisibledecouleurclaireetsurd’autresellefaisaitdesvagues,deséclaboussures,venaitsefracassercontrel’épaved’unbateau.Ilyavaitdelaforcedanscecontact,delapuissanceetunmélangedepeur,lecielétaitnoir.

—Tuvois, je suisallévoiruneexpositionàPissy-Pôville ilyaquelquesannéesquand jefaisaisletourdelaFrance,j’aidécouvertunpeintrephénoménal.Ilsaitpeindrelamermieuxquepersonne,cequetuvoisc’estuneébauchedesentiments.Ilsaitpeindrelesjambesd’unefemme,toutelafinessequis’endégage.JesuistombéenadmirationdevantsontableauduCasinodeDeauville.SitulevoyaisSarah!Jesuisrestéplusdedeuxheuresdevant,ilm’aenvoûté,transporté.Essayerdeteledécrireavecdesmotsneseraitmêmepasluirendrehommage,lesmotsn’ontplusdevaleurquandla beauté d’uneœuvre te transperce. Le pire Sarah c’est que l’argent ne peut pas tout acheter. J’aivoulupourtantmaisiln’étaitpasàvendre.

Unchevaletdisposédevantlesfenêtresetunautredel’autrecôtérappelaientplusunatelierqu’unappartementdevie.

—Quandjepeinsj’aibesoind’avoirlatêtechargée,pleinedebruits,delumières.Ilmefautressentir pleins de sentiments contradictoires, avoir une terrible envie de parler sans trouvermesmots,commesilabarrièredelalanguenepouvaitsecomprendrequepardespeintures.Jenesaispasparlerdemessentiments,jesaisjustelespeindreSarah.

Achaque foisqu’ilprononçait sonprénom,Sarah se sentait êtreunepersonnequi compte,unepersonnevivante.

— J’ai besoin de ressentir ce bourdonnement dans ma tête, celui annonciateur d’unemigrainequit’empêchederéfléchir,celuiannonciateurd’imagination.

Ilnefinitpassaphraseetd’uncoupilsentitsatêtetourner.

Il s’arrêta et la regarda évoluer dans son espace. Son imagination et son envie prirent ledessus. Il sevits’approchantd’elle, luipousserdélicatement lescheveuxsur lecôtéet l’embrasserdanslecou.Ilsevitrespirantsonodeur,touchersesépaulesetlaretournerfaceàlui.Ilsevitmettrelamainsursajoueetapprocherseslèvresdessiennes.Ilsevitl’embrassersipassionnément,avectantdeforceetdevie.Ilsevitaussil’emmenersurlelitetcouvrirsoncorpsdebaisers.Illavittellequ’elleétait.Sonespritcessadeluijouerdestoursetavantquelebrouillardnesedissipetotalement,

ilsut.

Ilsutqueçaseraitelle.Quequoiqu’ilfasseiltomberaitamoureux.Illevitàlafaçonqu’elleavait de toucher délicatement la reliure de ses livres, d’étudier ses CD en se mordillant la lèvreinférieuredeconcentration,àsaprésencequidonnevieàsonappartement,àlamanièrequ’elleadele regarder, d’attendre sa réponse, de lui donnerun sens, de réfléchir, dans sesgrandsyeuxvrais,dansladélicatessedesonpoignet,danssonécharpenouéeautourdesoncou.Ilsutetileutpeur…

Peurdeladouleurquisuitl’euphorie.Ilsutqu’ilvenaitdetomberamoureux,deressentircecoupdecœur,cetteforcedessentimentsquivouspousseàtoujoursallerplusloin,plusvite.

—Quesepasse-t-il?

Elles’étaitapprochéedoucementdelui,ils’assitsursonfauteuild’angle,illevaverselleunvisagepâle,anxieuxetluirépondit.

—Es-tuheureuse?

Ellebaissalesyeuxetcommeelleneluiréponditpas,ilrétorqua.

—Tuvois, tonsilenceendit long: ilparlepour toi.Pourtant tuasdéjà toutcequelaviepeutoffrir,tuasunefamille,unmétier,unevraievie.

—Parcequetoituesheureuxpeut-être?Jesaisquetuvasmementir,medirequ’iltemanqueuniquementdel’argent.Maisjecroisreconnaîtredanstesyeuxcettepetitelueur,cellequiveutplusqu’uneroutineconfortable.Nememenspas,iltemanquequelquechosequin’estpasmatériel…dis-moi.

Ellerepritsarespiration.

—Sanslesavoirpeut-êtrenousmanque-t-illamêmechose…Cettepassiondontoncrève,cellequitefaittesentirvivant.Jen’airienàt’offrirSarahettulesais.Queveux-tu?

Ellesentitquec’étaitlebonmoment,celuioùilfautfaireunchoix.Paspourlesautres,pasparcequ’onyestobligé,maisunchoixparégoïsme.Alorssansréfléchirelleluiconfiasesenvies,sespensées.Elles’ouvritsansappréhension,sansserefreiner,sansmêmeseposerdequestions.Etpourunedespremièresfoisdesavie,elleosa:

—Jenetedemandepasdem’aimer,nidemepromettremontsetmerveilles,jeveuxjustequetum’aidesàycroireencore.Tusais,ilyadessoiréesoù,unefoisnotrefilscouché,nousnenousparlonsplus.Chacunrestedanssoncoin, ilarrivemêmequenousnemangionspas.Etpourtant lerepasestprêt, la tableestmise.Audébut j’étaispleinedehainecontre lui,contremoi-même.Maismaintenant,jesuisrésignée,parcequejen’ycroisplus.

Ilparaitquelespromessesd’unhommesontcomparablesauxvaguesdelamer,ellesmeurentaussivitequ’ellesnaissent.Pourmoi,lesactesontplusdevaleursquelesmots.Rienneremplacerajamaisunmomentpartagé,uninstantdequalitéfaceàundialogueemplidebellespromessesinachevées.

Jesuislasseetc’estcelalepire.J’aiperdulegoût…

Ilvitsoudaindanssesyeuxdespetiteslarmesprêtesàtomber.Ilsereleva,s’approchad’elleetluipritlevisagedanssesmains.Ellefrissonnaaucontactdesapeau.Illuirelevalementonpourqueleursregardssetrouvent.Ilessuyatendrementleslarmesaucoindesesyeuxetuneboufféedetendresselefitsourire.

—Ensemble nous allons y croire Sarah, tu verras que la vie peut avoir un vrai goût, unesaveursiparticulièrequ’ellepeuttefairetoutoser.

Il sepenchavers elle, laissantquelquescentimètres entre eux, il voulutquece soit ellequifranchissel’espacelesséparant.Ellehésitauninstant,sedemandantsicelaétaitbien,sedisantqu’elleallait commettre l’irréparable. Elle lut dans son regard cette petite flamme du désir, celle qu’ellen’avaitplusvudanslesyeuxdesonmari.C’estàcemoment-làqu’ellecompritqu’iln’étaitplusuninconnu,qu’elleleconnaissaitdéjà,qu’ilsavaientdéjàpartagédeschoses.Elleaussi,ellesut…

Alors elle s’approcha et ses lèvres vinrent se poser sur les siennes, d’abord délicatement,pournepasbrusquer,pourgoûter,effleurer,ressentirladouceur,lesouffle.Puisilemprisonnaseslèvres dans les sienne,mordillant, aspirant, laissant courir sa langue.Cette soudaine avidité eut ungoûtd’infini,cen’étaitpas là l’interdit,c’étaitunretourà lamaison,uneadéquationparfaiteentreleurslèvres.Ens’embrassantavectantd’intensité,ilserenditcomptequepersonnen’avaitsu,avantSarahrépondreparfaitementàsesbaisers.

Ilsseserrèrentl’uncontrel’autre,leursbouchessetrouvantenfinpourneplusselâcher.Ilpromenasesmainslelongdesesépaules,danssescheveux,elleluicaressaledos.Ilsn’entendirentpluslesbruitsextérieurs,ilsétaientuniquementàl’écoutedeleurscorps.

Dansunélandepassionillaplaquacontrelemur,luilevalesmainsau-dessusdelatêteenlesluimaintenant.Ilquittasabouchepourembrassertoutsonvisage,ilmorditdélicatementsoncou,etlanaissancedesapoitrine.Lecontactdeseslèvresluimanquadéjàetpassionnémentilluilâchalesmainspoursouleversonpull.Ilcaressaseshanchesetrelevasonpropretee-shirtpourplaquerleursventresl’unsurl’autre,ressentirladouceurdeleurpeau,lachaleurquis’endégage.

Il l’embrassa avec plus d’empressement, de force, ses mains venant caresser ses seins. Ildégrafasonsoutien-gorgeetilpinçadélicatementsontétonpuismurmurasonprénom.

Leursouffleétaitrapide,elleluienlevasonhautetlelaissatomberparterre.Illaregardalui

enleversesvêtementspuis ils’écartapourl’admirer.Jamais iln’avaitdésiréautantquelqu’un, il latrouvaitparfaiteavecdeshanchesbiendessinées,sonventredemamanetdesseinsfermes.Ellenelelâchapasduregard,lecorpstenduverslui.

— Tu ne le crois pasmais tu es si belle…Si seulement tu pouvais te voir à traversmesyeux…,luidit-ilàboutdesouffle.

Sansluidonnerplusd’explication,ilrepritsaboucheetsesmainscaressèrentchaquepartiede son corps. La tension sexuelle était palpable. Tout en s’embrassant ils s’approchèrent du lit etbasculèrentdessus.

Elleneserappelapluscommentelleavaitenlevésonpantalon.Ellenevoyaitplusrienautour,nilestableaux,nileslivresquitrainent,plusriennecomptait.

Il vint sur elle, l’embrassant, la regardant, lui souriant, la caressant. Ses mains si douces,chaudes, rassurantes. Sa peau lisse, son torse fort, ses bras musclés. Elle n’eut pas peur. Ellen’appréhendapas,neculpabilisapasetelleselaissajustealler,euphorique.Commesitoutcelaétaitnormal.Ilvoulutlacaresser,l’embrasserplusbas,elleluiditqu’ellen’avaitpasbesoindeça,qu’ellelevoulaitlui,enentier.

Sansselâcherdesyeuxilentraenelle,sansforcenibrusquerie.Ilremontasesjambesetsonprénoms’échappadeseslèvres.Elleaccrochasesjambesautourdeseshanchespourlefaireentrerplusprofondémentenelle.Toutvintrapidement.

Enlacés dans les draps de son lit, Gino caressa les cheveux de Sarah qui commença às’endormir.Ellesesentaitchezelledanssesbras.Leursdeuxcorpsétaiententrelacés,satêtesursontorse.

Ellesesentitbienetnevoulutsurtoutpaspenseràchezelle.Elleprofitadumomentprésentetavaitlâchéprisesansmêmes’enrendrecompte.

Ginoluiavaitouvertlaporte,desonappartementmaisaussidesonêtre.Ilsesentaitcomplet,serein,ébahi,et iln’eutpasbesoindeparler,pasbesoindecombler lesilenceentreeux.Enfait, iln’avaitbesoinderiend’autre,laprésencedeSarahsuffisaitàcomblersesmanquements,levidedesavie.

Etd’uncoup,ilpritpeur.Ileutsoudainpeurdulendemain,del’aprèsSarah.

—Quevas-tudireàtonmaris’iltedécouvrechangée?

Elleserelevaetlefixa.

— Laisse-nous vivre ce moment Gino. Tu sais que je n’ai rien d’autre à t’offrir que ces

quelquesjoursetdetoutefaçontuneveuxriend’autredemoi,tun’aimespaslessentiments.

Nousallons,si tuveuxbien,vivrecesdeux joursensemble,sansseposerdequestions.Commelesoleiletlalunequis’assemblentunefoissurdeuxcentquarante-septans.Noussommescetteéclipsequetoutlemondevoitsansjamaislasaisir.Moi,j’aienviedesaisircemomentuniqueavectoi,sanspenseràaprès.

Ne me parle pas de ma vie d’hier ni de celle que je vais reprendre dans deux jours. Parle-moiseulementdemaintenant,detamaindanslamienne,detoncorpssurlemien.S’ilteplait,aide-nousàfairedecetterencontreuneparenthèseinattendue.Sanspromesseniregret.Laisse-moiêtrejustemoisansrienattendred’autre.Prends-moitellequejesuisaujourd’huidevanttoietpascommecellequejesuistouslesjours.

Illaregardalonguement,sentantuneinfinietendressenaîtreenlui,unattachementsisoudainpresqueviscéral,commesielleluiappartenait.

ReplaçantunemèchedecheveuxderrièrelesoreillesdeSarah,ildégageasonbras,semisdeboutetessayadechasserlesentimentd’appartenancequ’ilressentait.Ilattrapasoncaleçon,lepassa.

—Unpetitrepasitaliençatetente?

—J’aicruquetun’allaisjamaismeleproposer!

Unpetit gargouillis s’échappade sonventre et ils se regardèrent complices en souriant.Sarahenfila son pull et sa petite culotte, et se dirigea vers l’entrée de l’appartement où se trouvait laverrière.Elleentradanslacuisineets’assitsurleplandetravaildel’îlotcentral.

GinoattrapaunebouteilledePinotGrigioSacchetto,enlevalebouchonetsortitdeuxverresballonsduplacard.

—UnvinblancitalienoriginaireduVeneto,ilestsecmaisiltelaissedécouvrirsongoûtderaisin. Il vientdirectementde là-bas, de chezmoi.Souvent j’ouvreunebouteille seul, je ferme lesyeux,jefumeunecigaretteetjepeins.

Ilneluiditpasquegénéralementilbuvaitcevinseul,aprèsavoirraccompagnésaconquêtedusoirà laportedechez lui. Iln’avaitpasenviequ’elleparte, ilvoulait lagarderprécieusement,goûterchaqueminuteensemble.Vivresansseposerdequestions.

Illuitenditunverreetsansunmotilstrinquèrent.Elleportalevinàseslèvres,ilétaitdoux,fruitéavecunepetitetouched’amertume.C’étaitunvindecaractère,commeGino.

Ilsortitdeuxoignons,deuxpoivronsrougesetdeuxtomatesqu’ilcoupaenpetitsmorceaux.

Ilmitl’huiled’olivedansunecasseroleetyversasapréparation.Sesgestesétaientmaîtrisés,presqueinnés.Ilyajoutadel’ailécraséetdupersilainsiquedespetitsmorceauxdejambonfumé.Ilremplituneautrecasseroled’eaubouillanteetyplongealestagliatelles.Ilrâpaduparmesanqu’ilmitdansunpetitbol.Ilsortitdeuxassiettescreuses,deuxfourchettesetdeuxcuillèresàsoupe.Ils’installasuruntabouretdebaren facedeSarahqui le regardait faire.Elleavait l’impressiondedéjàconnaître lacourbedesamâchoire,sesgestessolides,sonpetithaussementdesourcilslorsqu’ilseconcentrait,sesmainspuissantes,l’épidesescheveux,labarbenaissantequiluimangelevisage,sonsourire…Laperfectiondeseslèvres,sesdentsbienalignées…Elleauraitpuleregarderdesheuresencore.

Ilinterrompitsarêverie.

—Quandj’étaispetit,mamamancuisinaitbeaucoupettoutelajournéedesodeursdecuisineemplissaient la maison. Je faisais comme toi, je me mettais dans un coin de la cuisine et je laregardaisfaire.J’étaisenadmirationdevantcettefemmeprêteàtoutpoursafamille.Ellemechantaitbeaucoupdechansonsetquelquefois,lesparolesdeLuigitencomepoursuiventencore:

Lasolitastrada,biancacomeilsale

ilgranodacrescere,icampidaarare.

Guardareognigiorno

sepioveoc'e'ilsole,

persapersedomani

siviveosimuore

eunbelgiornodirebastaeandarevia.

Ciaoamore,

ciaoamore,ciaoamoreciao.

Ilchantad’unevoixlégère,graveetpleinedemélancolie.Sarahselaissabercer,emporteretluidemandacequelachansonsignifiait.

— Cette personne part, décide de découvrir le monde et se rend compte que l’amour était làdevantlui.Maisàtropvouloirsavoircequ’ilsepasserademain,lebonheurpasseetilesttroptardpourrevenirenarrière.Danslesannéessoixantemonpaysaconnudenombreusesavancées,lamini-jupefaitsonapparitionetlesfemmesprennentunpeuplusdepouvoirauseindelafamille.Mamèreécoutait la radio à longueur de journée et surtout la station Ciao Italia qui diffusait beaucoup dechansonssentimentales,avecunemorale.

Ilsortid’untiroirunpaquetdecigarettes,enportauneàseslèvres,craquauneallumetteetinspiraunebouffée.IllatenditàSarah.Ellelaportaàseslèvresetfutsoudainementtouchéeparcepetit gested’intimité, commesiun lien lesunissait etqu’il savait cedont elle avaitbesoin sansenparler.

Sentiment déroutant pour elle qui devrait connaître cela avec l’homme qui partage sa viedepuistellementd’annéesmaisquiluiestoffertparunhommequ’elleconnaissaitàpeine.

—J’aimebeaucoupHorace,encoreun italienmediras-tu ! Il estnéensoixante-cinqavantJésus Christ. Nous ne lui connaissons ni mère ni frère et sœur, son père avant de devenircommissaire-priseurétaitunesclave.UnefoisinstalléàRome,celui-ciluifaitprendredescoursdegrammaireetilrentrealorsdanslesplusgrandesécoles.AvingtansilpartàAthènespourdécouvrirla philosophie.C’est vers l’âgede trente-cinq ans, après avoir connu la guerre, qu’il commence àécrire.Etsonversleplusconnuàfaitletourdumondeetdessiècles:

"CarpeDiemquamminimumcredulapostero"

Cueillelejourprésentetsoitlamoinscrédulepossible.Cettephrases’adaptetellementbienmêmeauvingt-et-unièmesiècle.AveccesmotsHoracevoulaitinciterunejeunefemmeàprofiterdumomentprésentetluifairedécouvrirlebonheursanssesoucierdumomentdesamort.

—N’ya-t-il pasunecertaine ressemblanceavec ceque l’onvitmaintenant, toi en traindecuisineretmoientraindeteregarder.C’estça,profiterdumomentprésent!

Sarahsesentaitpleinementdétendue,àl’aise.Elleavaitl’impressiond’êtreàsaplace,d’avoirtoujoursconnucethomme,deconnaîtredéjàsavoix,sonintonation,elledevinaitsesgestes.

Elleselaissaitvivre,commec’étaitagréabledenepaspenseràl’heurequ’ilétait,denepassedirequ’ilfallaitrangerlamaison,préparerlesaffairespourlelendemain.

Ilattrapalapoêleetlesservitgénéreusement.Ilss’installèrentsurleschaisesdevantleplandetravail,l’unenfacedel’autresesouriant,complices.

—Raconte-moi!Parle-moi!J’aienviedeconnaîtrepleindechosessurtoi,laisse-moientrerdanstonunivers,luidemanda-t-ilsoudain.

—Queveux-tuquejetedise?

—Parle-moidetacollèguequitetoucheleplus

Sarah prit quelques minutes pour décrire au mieux celle qui partageait son bureau, sesaspirations professionnelles, ses petits coups de gueule et de déprime. Celle qu'elle voyait le pluslongtempsdanssajournée.

—Elles’appelleHélène,c'estunebouled'énergie,ellenemarchepas,ellevirevoltedanstouslessens.Elleaenvironquaranteans.C’estunefemmeatypique,quimefaitrireparsonfranc-parler.Elleatrouvésapropreliberté,lalibertédesmotsetdedirecequ'elleveut.

Elleestsouventdanslalune,boufféepardespetitssoucispersonnelsquin’ensontpasvraiment.Ellefaittoutvitepournepasavoirl'impressiondeperdredutempsinutilement.

Elleneseforcepas,niàsourireauxgensqu’ellen’appréciepasouneconnaîtpas,niàleurparler.Auxyeuxdebeaucoupc’estunefemmefroide,hautaine,endehorsdumouledel'entreprise.Maisàmesyeuxelleestcellequipimentelajournée!

Habilléeclasselesbeauxjoursetdécontractéequandilfaitfroid,ellearrivelematinenpantalonetbasketetdanslamatinée,elleressortdubureauenjupecrayonettalonsaiguilles!

Des fois ellem’agace avec toutes lesquestionsqu’elle répètequatre fois, où sa capacité ànevoirqu'elle.Maisellemefaitdubien,ellemefaitpenseràautrechoseetsurtout,ellemefaitrire.Ellemefaitsupporterlecôtéadministratifetstressantdemontravail.

Hélène

***

Sa journée commençait mal, courir pour attraper le métro était un signe annonciateur demauvaisesnouvelles.

Ellearrivaessouffléedevantsonbureau,etfranchitlaported’unpasrapide,d’unedémarchevolontaire,sanssepréoccuperdespersonnesautourd’elleetsansmêmelesavoirvu.Ellebousculaau passage Jérôme de la compta, en pleine conversation sur le taux de change des dollars avecGhislaine,etnes'excusapas

Enaccélérant lepasellemontadans l’ascenseuretserecoiffadiscrètementdevant laglace.Sentantdepuisquelquessemaineslepoidsdesannées,ellesesouvintavecnostalgie,qu’elleavaiteu

beaucoupdesuccèsauprèsdeshommes.Etcela,avantd'être rattrapéeparsonhorlogebiologique,elle se sentaitprêteàdevenirmaman,elleenavaitmêmeviscéralementenvie.A trente-cinqans, ilétait temps de se poser, de construire une vie qui ne tournait pas uniquement autour de sa propreexistence.

A ce moment-là, elle commençait une relation quasi-exclusive avec Romain, de quelquesannéessonainé.Cen’étaitpaslapassion,nilecoupdefoudremaisc’étaitunetranquillitérassurante.Illuiapportaitlasécuritéd’unevieetilétaitfoud’elle.Elledécidadoncdeneplusbatifoleretdeseposer.TrèsviteelletombaenceinteetserenditcomptequeRomainneluiconviendraitjamais,qu’ilsn’avaientrienencommun.

Romane arriva quelquesmois plus tard, elle était si belle, si petite, insouciante.Hélène luidonna toute son attention, et son couple passa à l'arrière-plan. Ils vivaient comme des étrangers,chacuns’occupantdefairesescourses,deseprépareràmanger,de laverson linge.Romaindisaitquec'étaitlàleuréquilibre,Hélèneparlaitdelibertédevivre!

Parfois ils faisaient l’amour, souvent c’était violent, bestial, primitif, ils assouvissaient unbesoinanimal.Ilsdormaientdanslemêmelitmaisn’échangeaientaucuneparole,aucungestetendre.

Incompris,solitairesetisolésilsrestaientensembleparamourpourleurenfant,nepouvantserésoudre à ne la voir qu’une semaine sur deux.Et tout deux essayait de se persuader qu'ils étaientheureuxainsi.

HélèneoccupaitsesjournéesentreletravailetessayerdecomblerRomane.Parcequequandsafillesouriaitc'étaitunpeuellequisouriaitaussi.UnevieparprocurationpensaitsouventSarah.

Achaquesortied’écoleellel’emmenaitàladanse,aucinéma,auparc,enpromenade.Ellenevivaitpluspourelle,neseconnaissaitplus,avaitperdulegoûtdetoutautrechosequesafille.Pourcomblercevide,elleparlaità longueurde journée, répétant souvent lesmêmesphrases,cherchantdesactivitésà faire leweek-end,desnouvellesdestinationsdevacances, imprimantdescoloriages.Toutétaitbonpournepaspenseràlaviequ’elles’étaitconstruiteetqu’ellen’auraitjamaisenvisagéavoir.

Elle sortitau troisièmeétage,en trombeelle traversa lecouloiren rentradanssonbureau.Sesyeuxseposèrentsurlepremierbureauetunsourireflottarapidementsursonvisagequandellevit la photo de Sarah et de son fils dans un cadre. Puis elle se souvint que sa collègue était enformation et sa mauvaise humeur revint. Sarah lui apportait une bonne dose de douceur, ellel’écoutait, laconseillait, savait aussi lacanaliserquandelleparlait avecvirulence.Unpetitboutdefemmehabilléetropsimplementmaisausourirecommunicatif.

Ellepassasajournéeàparlervite,marchervite,mangervite.Adix-septheures,elleattrapa

sonsacetsortitencourant,ellerécupérasavoitureetroulavitepourrécupérerRomaneàl’école.

Hélènesedemandaintérieurementsiunjour,ellearriveraitàseretrouver…

GinoetSarah

***

Ginose leva,essayadenepasécouter lapetitepointededouleurauniveaudesa jambeets’approchad’elle.Ileutbesoindesoncontact,desentirsapeaucontrelasienne,decréerdesliens,ilenressentitl’envieprofonde,celledes’attacher,d’ycroire,del’avoirrienqu’àlui.

Ilpassa lamainsursa joue, luicaressantd’unfrôlement, la lèvreets’yattarda.Levantsonvisageverslui,ellereconnutcettepetiteflammequiavaitdisparuduregarddesonmari,celledelapassion, du désir, du début de chaque histoire. Tendrement il se pencha vers elle et l’embrassa, ilmorditsalèvreinférieur,jouantavecsalangue,l’aspirant,lafaisanttourner.

Leur étreinte se fit plus pressante, presque bestiale, il la souleva et la posa sur le plan detravail. Sarah rejeta sa tête en arrière pour le laisser embrasser son cou. Il lui mordit le lobe del’oreille,passalesmainssoussonpullpourtouchersoncorpssidoux.Ellefrémitsoussonregardardent, sous ses mains puissantes, chaudes et dominatrices. Et sans mots, sans emballage, sansfioriture,illuienlevasaculottepourluifairel’amouravecforceetimpétuosité.

Leur désir monta rapidement et dans un même souffle, ils se collèrent l’un à l’autre.Essoufflés,trempésmaistellementsereins,ilssesourirent.Délicatementellesedétachadelui.

Ils se fixèrent quelques instants. Etant un peu gênée par ce qui venait de se passer, Sarahrompitlesilence.

—Jeneseraispascontreunpetitdessert…J’aimeraisbienuntiramisu!

—Madameestexigeante.Chezmoic’estlafemmequifaitlacuisine.

—Tonpetitsourireettonaccentn’ychangerontrien,jesuistoninvitée!

Démasquédanssonintentiondejoueravecsalanguenatale,ilsouritenouvritlaporteduréfrigérateur,regardasoncontenuetsedécidaàsortirdeuxyaourts.

—Deuxyaourts goût tiramisu.Madame est servie, lui dit-il en lui présentant le dessert.EtdevantlamineatterréedeSarahilneputs’empêcherderigoler.

—Jenesuispasunsiboncuisinierqueçatusais!Ettut’attendaisvraimentàcequejenousimproviseuntiramisu?

Ilsmangèrentleuryaourtcôteàcôtesansdireunmot.Normalement,Sarahsesentaitmalàl’aise lorsqu’il y avait des blancs dans une conversation, elle lançait alors de nouveaux sujets dediscussion,n’importequoipourcomblercevidedemots.Maisàcet instantprécis, elleadorait cesilence entre eux. Il ne signifiait pas l’ennui ni lemanque d’intérêt,mais le partage d’unmomentsimple.

Unefoisterminés,ilsrangèrentlacuisine,remplirentlelave-vaisselleetsedirigèrentdanslecoinsalondelapièceprincipale.Sarahbaillaens’installantsurlecanapé,ellerepliasesjambessouselleetposasatêtecontreledossier.Ginos’approchadesarangéedeCD,réfléchituninstant,puisinséraundisquedanslachainehi-fiposéeàmêmelesol.Avantdelancerlamusiqueilvints’installeràcôtédeSarah.

D’ungestenaturelill’encercladanssesbras,satêtereposantdanslecreuxdesonépaule.Illuiembrassalefrontetluicaressalescheveux,cequifitfrissonnerSarah.Unnouveausentimentsecréaaucreuxdesonventre,léger,aérien,commelesailesd’uncolibri…

Gino lança une compilation de musiques douces, sans paroles, sans chanteurs. Sarahdécouvrit alors des mélodies merveilleuses, Now we are free d'Hans Zimmer et Lisa Gerrardl’emporta bien au-delà de son imagination. Elle laissa son esprit vagabonder, libre, sans penser àl’organisation, à demain, auménage, à l’heure qui défile. Elle posa sa tête contre le dossier et leregarda.

Elle voulait tout prendre de lui, emmagasiner chaque détail, le nom de son parfum, sonsourcilquisesoulève,sapetitefossetteaucreuxdelajoue.Sesmains,souventpleinedepeinture.Sesongles un peu trop longs. Sa façon de la fixer, ses yeux qui deviennent foncés, qui plongent, quidésirent.Safaçondel’attireràlui,demordilleretaspirersalèvre,deglissersalanguesurlasienne,defairecourirsesmainsdesonvisageàsoncorps.Desoupireraucreuxdesabouche,dediresonprénomdansunsoufflequandsalanguecaresselasienne,quandelleluimordillel’oreilleetlecou.

Ellevoulutlegraverenelle,prendreunephotoetl’archiverdanssatête,pours’ensouveniràtoutjamais,pourqu’ellecomblelasolitudequ’elleressentaitavantdelerencontrer.

Se souvenir de ses épaules puissantes, bien dessinées, la rondeur de ses fesses, sa barbenaissante, le charme de sa voix posée et douce.De son besoin de tout contrôlermalgré un aspectbohémien,sonenviedebriserleschainesduquotidienbienquesaviesoitatypique.Desafaçondenepaslaissertransparaitresonmalêtre.Sonbesoindesesentiraimée,parcequ’aufinalnoussommestous pareil, nous avons besoin d’affection, de moments de qualité. Sans amour la vie vaut-ellevraimentlapeine?Quandnousneferonspluspartisdecemonde,cen’estniletravail,nilesactionsquisesouviendrontdenous,ceserontlespersonnesquenousavonsaimées.Vivre,aimer,exister.

—Aquoipenses-tu?

Il brisa le silence autour d’eux et lui caressa les cheveux. Il créa une intimité entre eux quifascinaitSarah.Celasemblaittellementnaturelenfait.Luiàcôtéd’elle,assiscôteàcôtesurlecanapéaprèsunbonrepas.

—Jemedisquej’aidelachance.

Ilsoulevaunsourciletl’invitaàcontinuer.

—J’ail’impressionquetufaisaisdéjàpartiedemoiavantnotrerencontre.Quetuastoujoursété là sans que je puisse te voir. Et j’aimerais te dire que ton regardme fait exister, que seule taprésenceanéantiemonsentimentdesolitude,qu’entendre tavoixapaisemesdémons. J’aimerais tedirequetuescemorceauquimemanque,quejesuisterriblementbienàtescôtésetçamefaitpeuràmoi-même.Jesuisencolèredansmonbonheur,jen’aipasledroitderessentirçapourtoietpourtantjelevisàmillepourcent.

Sarah s’arrêta de parler, sentant ses joues s’empourprer, elle se rendit compte qu’elle nemettaitpasdebarrièreentresapenséeetlesparolesqu’elleprononçait.Commesidesannéesdenon-ditavaientbesoind’êtreeffacées.Ellen’eutpashontedepensercela,etencoremoinsdelepartager.Pluslesmotssortaient,plusellesesentaitenpaix.

—Tusais,jeressenslamêmechosequetoiSarah,commesinousnousconnaissionsdéjà…Crois-tuendesviespassées?

Etsansattendresaréponse,ilpoursuivit.

—Ilexisteunelégendechezmoi,laleggendaMaria.AucoursdessièclesunemaisonsurlacollineRosania restait inchangée.Bâtieaubordduprécipice, faceà lamer, surmontéede4petitestoursàchaqueextrémité,elledominaitlaville.Seshautesfenêtres,sespierresblanchesetsonalléede graviers étaient bordés de hauts buissons. Lamaison semblait perpétuellement inhabitée, à partquelquessemainestouslesvingtansenviron.

Lesvieillardsdenotrevillageracontentqu’ilsontvulamaisonprendreviecinqfoisaucoursdesesquatre-vingtdernièresannées.Lapremièrefois,futdurantl’étédeleursquinzeans,ilssebaignèrentdans lamerencontrebasde lacolline. Ilsse lancèrent leparidesauterduhautde lacolline.Pourcela,ilsdevaientpénétrerdanslapropriétéprivée.N’écoutantqueleurcourage,ilsgravirentl’alléeescarpée. Le portail en fer forgé s’ouvrit dans un grincement. L’endroit semblait abandonné, ilsl’avaient toujours connu commecela.S’approchant de la bâtissepour la contourner, leurs regardss’arrêtèrent surune fenêtreau rez-de-chaussée. Instinctivement les troisamis s’arrêtèrentd’unseulhomme,unedoucemusiqueaupianos’échappait.Ils’approchèrent,silencieusement,s’accroupissantsouslerebord,l’und’entreeuxglissafurtivementunœiletcequ’ilvitlefitpâlir.

Unefemmeauxlongscheveuxblondsjouaitdupiano,seslongsdoigtsfinseffleuraientàpeinelestouches,unsourireflottaitsursonvisage.Unhommegrandetblondétaitaccoudéetlaregardaitavectellement de tendresse dans les yeux qu’il était impossible de ne pas voir l’amour qui les unissait.C’estalorsquel’hommeremarquacetadolescententraindelefixer,ilsedirigeaverslafenêtrequ’ilouvritd’uncoup.

Lestroisjeunesgarçonsn’attendirentpasetpartirentencourant.Touslesjoursilsdécidèrentd’allerespionnercecouplesimystérieux.Ilsdécouvrirentquetousdeuxsepromenaientmaindanslamainauborddelacolline,qu’ilsparlaientbeaucoup,rigolaient,setouchaientenpermanence.Ilémanaitd’euxunliensifort…

Biensûrcecouplesavaitqu’ilsétaientespionnés.Ilsleurarrivaientmêmed’enjouerenlaissantunefenêtreouvertepourquelamusiques’enéchappe.

UnjourPierre,undestroisjeuneshommes,n’ytintplusetdécidad’allerfrapperàleurporte.C’était

cinqjoursaprèsladécouverte.L’hommeluiouvritetd’unsourires’effaçapourlelaisserentrer.

—Jemedemandaisquandtuauraislecouragedevenir.JesuisMaxenceetvoiciIsabelle,seprésenta-t-il en désignant la jeune femme assise au piano. Tu dois sûrement avoir beaucoup dequestions…

Pierrelesfixa,ilsétaientjeunes,àpeinetrenteans.

—Cettemaisonestinhabitéedepuisdesannées.Quefaites-vouslà?

—Cette bâtisse appartient àma famille depuis des générations. La guerre a tué toutes lespersonnesdemonentourage,cettemaisonestdésormaislamienne.

—Pourquoinevenez-vouspasyvivre?

—Assieds-toi,nousavonsunepetitehistoireàteraconter,situasletemps…

—…Pierre,jem’appellePierre,dit-ilens’asseyant

—J’airencontréIsabellel’annéedenosquinzeansàunbal.Jevouspasselesdétailssurlescirconstancesdel’événement.Nousnoussommesfixésetnousavonssu,commel’onsaitquelecielestbleu,quelesoiseauxvolent.Jel’aireconnu.Nousavonsjustepuéchangerquelquesphrases,nousnoussommespromisdenousretrouverseptjourschaqueannéedanscettemaison.

—Jenecomprendspaspourquoivousnevousêtespasmariésensemble.Sil’amourétaitsifortpourquoivouscacher?

—Isabelleétaitpromiseau filsduMaréchal.Etmesparentsavaient,de leurcôté, annoncémesfiançaillesaveclafilledelaDuchessedeSantaVictoria.Acetteépoque-là,nousnedécidionspasavecquidevionsnousmarieretvivre.

Pierrelescontempla,sanscomprendre,puisillesfixadenouveau.Isabelles’approchaetpritlaparole.

—Celava teparaîtreétrange,surréaliste, tunevaspasnouscroiremaisnoussavonsqu’ilfautquetusoisaucourant.

Nous nous sommes rencontrés pour la première fois en 1776 peu avant la montéerévolutionnaire.Lavienousa toujours séparémais a su toujoursnous réunir.Nousnous sommesretrouvés une année après dans cette maison, nous avons vécu une passion que peu de gensconnaissent. Mais nous étions déjà mariés chacun de notre côté et les gardes de Maxence nousdécouvrirentrapidement.Ilsl’emmenèrentetmecondamnèrentaubuché.Maxenceatoutessayépourme délivrermais il ne pouvait aller au-delà des décisions.Quelquesmois après, submergé par latristesseilsautadecettefalaise.

Cen’est quevingt ans aprèsque l’on se retrouva,nousn’étionsplus lesmêmespersonnesmaisnotre lienn’avaitpaschangéetnousnous reconnûmesencoreune fois.Et lavienousséparaencoreaprèsquelquesannées.

Noussavonsqu’encemomentc’estpeut-êtreladernièrefoisquenousnousvoyonsdanscettevie mais nous n’avons pas peur car nous nous retrouverons dans la prochaine. C’est un amourimpossiblemaistoutamoursedoitd’êtrevécu.

IsabellepritlamaindeMaxencedélicatementetilssesourirent.Pierreselevaetsansunmotpartit."Cesontdeuxfous"pensa-t-il.

Deux jours après, un terrible incendie dévasta une partie de la grande bâtisse en bord defalaise.Lesgendarmesdécouvrirentdeuxcorpscalcinés.Cesdeuxcorpsétaiententrelacés.

LesyeuxgrandsouvertsSarahécoutaitavecfascinationcettehistoire.

—Tuasditqu’aucoursdesdernièresdécennieslamaisonavaitreprisvie.

—Unpeuplusdetrenteansaprèscedrame,Pierresepromenaitlelongdusentierquilongelamaisondelafalaise.Unemélodieimperceptibleluiparvint,illareconnutimmédiatement,c’étaitl’airquejouaitaupianoIsabellecettefameusesemaine.Ilnel’avaitplusentendudepuis.Sespaslemenèrentdevantlamêmefenêtre,ilydécouvritunhommeetunefemmeentraindeseparler.Alafaçonqu’ilsavaientdeseregarder,aulienquilesunissait,Pierresutqu’ilsétaientderetour…

Ellerestapensive,leregardperdudanslevague.Celadevaitêtredurdedevoirsesépareràchaquefois.Dereprendre lecoursdesaviealorsquerienneseraplus jamaispareil.Savoirqu’ilétait son double, qu’il y avait l’amour, le vrai, le soudain, le palpable, l’enivrant.Et essayer de sebattrepourgardertoutcela.Maiscommentsebat-oncontrelafatalité?Contreledestinquivousunitetvoussépare…

—Allezviensnousallonsnousreposerunpeuavantd’attaquerunenouvellejournée.

Ginoluiattrapadélicatementlamain,ilsseglissèrentsouslesdraps,elleseblottitcontreluietilluicaressalescheveux.

Elles’endormitprofondément,nepensaàriend'autreetselaissasubmergerparlesentimentdepaixquil'envahit.

Troisièmejour

***

Ilsesurpritlui-même,ilavaitlaisséunefemmedormirdanssonlit.Ilnepouvaits’empêcherderesterencontactavecsapeau,desentirsescheveuxsursonmenton.Leurssoufflesétaientcallésl’unsurl’autre,lefaiblesoleildefévrieréclairaitlapièce,ilsesentitvivantetlibreenmêmetemps.

Sarah remua doucement. Elle s’étira, se frotta les yeux en se souvenant de ne pas s’êtredémaquillée, puis les ouvrit. Elle ne reconnut pas le torse de Simon à côté d’elle et se relevarapidement.

—BonjourbelleSarah,as-tubiendormi?

Son sourire sincère et enfantin lui réchauffa le cœur et la petite bouffée de culpabilité quis’étaitemparéed’elle,sedispersad’uncoup.

—Bien,maispasassez.J’aimeraismerendormirmaisilfautquejeparte.

Siellevoulaitêtreàl’heureilluifallaitfairevite.D’unbonelleselevaetluidemandasiellepouvaitempruntersasalledebain.Ginoacquiesçad’unmouvementdetêtesansdétournerlesyeuxdesonvisage.Unpeumalàl’aisedevantl’intensitédesonregard,ellerefermalaportederrièreelle.

Se débarrassant de son pull, elle fit couler l’eau de la douche et se mit sous le jet d’eauchaude.Ellefermalesyeuxetlaissal’eauruisselersursoncorps,elleressentitlescaressesdeGino,la force de leur passion. Des sensations qu’elle pensait avoir oublié, s’élevèrent dans son ventre,commeuneenvoléedelibellules...

Elleouvrit lesyeux,ellenevoulaitsurtoutpasressentircela,nesurtoutpastombersouslecharme.ElleaimaitSimon,ilétaitsonrepère,sonpilier,lepèredesonenfant.C’estavecluiqu’elleavaittoutesseshabitudes,etpourtant,ellesetrouvaitchezunhommequ’elleneconnaissaitpas,avecquielleavaitcouchédeuxfois…Uninconnuquienquelquesheuresl’avaitfaitrenaitre,avecquielleavait parlé comme cela ne lui arrivait jamais.Qui l’écoutait, la regardait vraiment, la dévorait duregard.Unhommequilafaisaitrire,quibrisaitsonquotidien.Unhommepourquielleavaituncoupdecœur.

Enseséchantavec laseuleserviettequ’elle trouva,elle réalisaqu’ellenevoulaitpaspartird’ici.

Elle enroula la serviette autour de son corps et ouvrit la porte. Elle trouva Gino dans lacuisine,vêtud’unsimpleboxernoirquilaissaitdévoilerlescourbesdesesfesses.Ilsetournaverselleavecunetassedecafé.Rougissantdes’êtrelaisséesurprendreàleregarder,elletenditlamain.

—Noiravecunepointedelaitetunsucre,commemoijel’aime.

—C’estparfait,çavameréveiller!

—Tusaiscequimesurprendleplus?Lefaitdet’avoircematin,àcôtédemoi,etquecelameparaissetellementnormal.

Savoixchaude,sonaccentitalien,sonsourire,lecharmequisedégageaitdelui,sesépaulesmusclées,toutconcordaitàcequ’ellecraque.Unealchimieducorpsetducœur?Luttantcontreelle-même,elleessayadenepass’approchermaissentitunechaleurmonterenelle.

Ilsposèrent leur tasseenmêmetempssur leplande travail,nese lâchantpasduregard ilss’approchèrent l’un vers l’autre. Les lèvres gonflées, les yeux brulants, le ventre en feu, ilss’embrassèrentavecforce.Leurslanguesserencontrèrent,secaressèrentpendantqueleurscorpssecollèrent. Elle sentit ses jambes flancher, il la souleva et ses cuisses encerclèrent son torse, ilparcourutsoncoudebaisers.Illadéposasurlelit,ilsneselâchèrentpasduregard.Leurétreintesefitdansl’urgencecommesic’étaitladernière.

Il tint leurs mains au-dessus de sa tête, leurs mouvements de bassins s’épousèrentparfaitement.Elle avait les lèvres sèches, il commença à transpirer, les klaxons de la rue se firententendre, levoisindudessousmis lamusique.Tous sespetitsdétailsn’attirèrentpas leur attentionmais ils s’immiscèrent dans leur subconscient, et quand il entendra la mêmemusique, quand ellesentiraseslèvressèches,ilspenserontauplaisirqu’ilssesontdonnés.

QuelquesinstantsplustardSarahenfilasonmanteauetenroulasonécharpetroisfoisautourdesoncounelaissantapparaitrequesonnez.Il l’accompagnaà laporteet luiouvrit.Elle levalesyeuxverslui

—Neditsurtoutpasmerciouuneconneriedecegenre.Nemedispasnonplusau-revoirparcequejesaisquetuvasrevenircesoir.D’ailleursjenebougepasd’ici.

Devantautantdeconfianceenlui,ellenesutquoiluirépondre.Ellesehissasurlapointedespiedsetluidéposaunbaisersurlajoueavantdesortir.

Ilrefermalaportedélicatementderrièreelle,ellequiavaitréussiàentrerdanssonunivers.

Ensortantdel’immeuble,ellefrissonna.Décidémentcemoisdefévrierétaitbienfroid.Ilyavaitquelquechosed’étrangedanscesentimentdominant,danscetélanaucreuxducœur,danscettesensationdeneplus toucher terre.Elle se sentit heureuse, vivante, libre, désirée.Brisant toutes lesrèglesdumariage,étantinfidèleàsonmarimaisaussiàsespropresvaleurs,ellerayonnaetunvraisourire,deceuxquinaissentsanssecacher,vintilluminerledébutdesajournée.

Se sentir belle dans les yeux d’un autre, se sentir désirée pour celle qu’elle est. Se sentirvivante, librede sesactes sanspenserau lendemain.Apprendreà lâcherprise sans se soucier desrépercussions.

Elle traversa la rue de la Huchette, dépassa la fontaine Saint Michel et le boulevard puiss’engouffradanslabouchedemétroavectoujoursaucoindesyeuxlespetitesétoilesqueGinoavaitréussiàrallumer.

Elle eut une soudaine envie de partager son trop plein de sensations, de bien-être, deplénitude.Ilfallaitqu'elleparledesoncoupdefoudrepourqu'ilprennevie.

Sarah voulut appelerMarie, celle à qui elle pouvait tout raconter, sans se sentir jugée. Ilfallaitqu'elleentendeMarieluidirequenon,iln'yapasquedanslesfilmsqu'ilssepassentcegenrederencontre.

Elledébloquasontéléphone,appuyasurunraccourciettombasurlerépondeurdesonamie.

Marie

***

—Eteignezmoicesacréréveilavantquejelejetteparlafenêtre.

Enroulée dans sa couette, la tête sous l’oreiller, Marie pesta contre le réveil avant del’éteindre,ilafficha7h32.Acontrecœurellesortitdesonlit,nuecommeunverellesedirigeadansla cuisine jouxtant sa chambre et appuya sur le boutonmarchede la cafetière.Pendant que le cafécoula,ellepritunedouchechaudeetyrestaplusdequinzeminutes.Elleenroulauneservietteautourdesataille,laissantsapoitrineàl’airlibre,puisouvritlesportesdesonplacardpourypiocherunslimnoir,untee-shirtnoiretunevestenoire.

De retour dans la cuisine elle but une gorgée de café et comme chaquematin se brûla leslèvres.Elleemportasatassedanslasalledebainpoursemaquillerd’untraitd’eyeliner,demascara,d’unetouchedeblush,defardàpaupièretaupeetvaporisasonparfumféticheenabondancesursesvêtements.

Enlevantl’élastiquequimaintenaitseslongscheveuxbruns,ellemitlatêteenarrièrepouryvaporiserunelotionpourredonnerdutonusàsesbouclesnaturelles.Unrougeàlèvrerougevifvintrehaussersonteintetelleenfilasesescarpinsnoirsrestésdansl’entrée.

Lemercredimatin elle n’avait pas besoin de conduireNino à l’école puisque son père legardaitàdormirchezlui.

Avantdepartir,ellefixa laphotodesonfilssur l’étagèreducouloir,unpetitgarçonbrun,avecdesbeauxyeuxvertsetunsourirecharmeur,toutleportraitdesonpèrepensa-t-elle.Ninoavaithérité de samère sa joie devivre incroyable, sa curiosité pour tout ce qui l’entoure et le charme.Avantderefermerlaportedesonappartementunpetitsoupirs’échappadeseslèvresetdurantuneminuteellepensaàlaviedefamillequ’elleauraitpuavoirsi…Elleseressaisitbienviteetsecoualatête.

—NerabâchepasdevieuxsouvenirsMarie,iln’ajamaisétéàlahauteur,ilt’afarcilatêtedebellesparoles,demotsdoux,derire,decomplicité.Alorsquetoutcelaétaitfaux.Tun’aspasouvertlesyeuxàtempsetbienheureusement,Ninoestlefruitdetonaveuglementetc’estlemeilleurcadeauquecettepourritureaput’offrir.

Dans l’ascenseur elle surprit le regard gourmand du voisin du dessus sur elle et sa bonnehumeurrevintinstinctivement.Ilfautdirequ’àtrenteanselleincarnaitlafemmesexyetsûred’elle,

ayant réussi àdevenirune référencedans ledomainede l’architecturedesbureaux.Son travail luiapportaitlalibertédevivreseule,sansattaches,sanscompteàrendre.Bienqu’ayantunedizainedekilosentropàsongoût,soncorpspulpeuxattiraitdenombreuxregardsetelleenjouait.

Aprèstout,unefemmeindépendantesedoitaussid’êtrelibéréesexuellementetdechoisirsespropresaccèsauxplaisirs,quecesoitpourpartageraussibien,unbonrepasquesonlit.

MontantdanssadernièreAudiA5coupéblanche,elleentenditsonportablesonnermaisn’eutpas le temps de décrocher. Installée confortablement dans le siège en cuir de son allemande ellepoussalevolumeàfondetCiarafeatMissyElliottenvahitl’habitacle.

Il y a une dizaine d’années, Sarah et elle s’amusaient comme des folles sur cette chanson.Jeunes,insouciantes,libresetlégèrementdévergondées,ellessavaientlâcherpriseetvivrepourelles.Celaluiparaissaitsilointainetunepetiteboufféedenostalgieluipinçalecœur.

Attrapantsonportabletoutenconduisant,Mariepianotaunrapidetextod’unemain.

—MaLoute,tut’ensorsàParis?Penseàdécompresser!

Moinsd’uneminuteaprèslaréponseluiparvint.

—Situsavaistunemecroiraispas!

Piquéedanssacuriosité,Marieralentitetprofitad’êtrearrêtéeaufeupoursentirquequelquechoseétaiten traindechanger.ElleconnaissaitSarahdepuisaussi longtempsqu’ellesesouvienne.C’étaitl’unedesrelationsauxquelleselletenaitleplus.Sesproblèmesétaientlessiensetinversement.Elles partageaient aussi bien les désillusions de la vie que les moments de bonheur. Tombantenceintespratiquementenmêmetemps,elless’étaientépaulées,rassurées,engueulées,avaientréaliséleursséancesdepréparationàl’accouchementensemble.

Lespremièressemainesdeviedeleursenfants,elleslesavaientpasséescôteàcôte,sedisanttoutes leschoses inavouables, lessentimentsdemamanquicommencentànaître, lapeurdenepasêtreàlahauteur.

—Jet’appellecemidi!

Unefoisarrivéedevantlaportedesonbureau,elleprituncaféavecsescollèguesetselançadans un appel d’offre compliquémais prometteur.Après tout la vie était ainsi faite, se donner lesmoyensderéussir.

Sarah

***

Unfoisassisedanslaramedemétro,elleeutenviedecrieraumondeentierqu’elleavaitrencontré quelqu’un. Elle occulta complétement une partie de sa vie et surtout le fait qu’elle soitmariée.

Seressaisissantelleattrapasonportablepourvoirqu’ilétaitàpeine8h15,elleavaitdoncletempsdetéléphonerchezelleavantqueSimonemmèneNoamàl’école.Auboutdetroissonneriesildécrocha:

—Allo.

—Bonjourc’estmoi,toutvabien?

—Onestenretard,Noamarenversésonchocolatchaudsursonpantalonjenesaispasquoiluimettred’autreetiln’yapluslescéréalesqu’ilveut.

Ellesentittoutdesuitelereprochederrièrecesdeuxphrases.Ausondesavoix,ellesutqu’elleauraitdûfairelepleindecoursesavantdepartiretprévoirdesvêtementsderechangepourNoam.

—Cen’estpasgrave,ilyadespantalonspropresdanssonarmoire,etàlaplacedescéréalesilpeutmangerunebiscotte.Toiçava?

—Jesuisdébordéetj’aiunegrosseréunioncematinavecdesclientspotentiels,jenepeuxpasmepermettred’arriverenretard.

—D’accord,tupeuxmepasserNoam?

—Noam,viensparleràmamanelleestautéléphone.

AuloinSarahentenditlespetitspiedsdesonfilsquimartelaientlesol,ilcouraitetcesimplefaitluiréchauffalecœur.

—AlloMaman!!Papan’apasvouluquejemettemonjogging.

—Bonjourmoncœur,cen’estpasgravetulemettrasceweek-end.Tuasbiendormi?

—Ouimaisj’aiattenduquetuviennesmefaireunbisouetàdoudouaussi.

—Jenesuispaslàpendantencoreundodo,tutesouviensnousenavionsparlétouslesdeux.Jereviensjeudiaprèstonécole.

—Jesaismamanmaisjet’aime.

—Moiaussijet’aimepourtoujoursetàjamais.Jet’appellecesoir.

—Acesoir.

Sarah s’attendait à avoirSimonau téléphonemais il avait raccroché.Elle se sentit soudainbienseule.Sonfilsluiapportaittellementdechoses,ilétaituncondenséd’amour,ilreprésentaitsonunivers,sonavenir.Elleserenditcomptequ’ilsn’entretenaientpluslaflamme,qu’ilssecontentaientdevivrel’unàcôtédel’autreetnonplusl’unavecl’autre.Elleétaittoutautantfautivequelui,sicen’estplus,carelles’enrendaitcomptemaislaissaitfairelecoursdelavie.

Leurcouples’estperduquelquepartentrelesannéesquipassentetseressemblent,lafatigueduquotidien,l’usuredelaprésence.Pourquoinepréservons-nouspascequenousavons?Pourquoiselasseretpenserquetouterelationestacquise?

Ilsavaientpourtanttoutpourêtreheureuxmaistoutnesuffitpas;ilfallaittoujoursplus.Cesontlespetitsplusdelaviequiluidonnenttoutsonsens.Cen’estplusd’avoirunemaisonàsoiquicomblelesentimentdesécurité.Cen’estpasd’avoirlefrigobienrempliquicomblelemanquedemomentsdequalité.Cen’estpasd’avoiruntravailfixequicomblelapassion.Biensûrtoutçapermetde combler les besoins vitaux, mais les besoins du cœur et de l’âme ne sont-ils pas tout ausiimportants?

SespaslamenèrentmécaniquementdevantleCampanile,pourlapremièrefoisendeuxjourselleseraà l’heureetpour lapremière foisdepuisdesannéeselle recommençaitàexisterparelle-même,quelplaisirdeseretrouver!

Elle chassa toutes les mauvaises pensées et pénétra dans la salle de formation. Stéphanel’accueillitaveclesourireetfaisantsemblantderegardersamontreilluidit:

—Pasenretardmaisenavance,tuespleinedesurpriseSarah!

—Situsavais…!

Ellerougitàl’idéedepenseràcequ’ellefaisaitdansunpetitatelierruedelaHuchette…

Stéphane

***

EncetroisièmejourdestageStéphaneeutenfinl’impressiondevivreunpeupourlui-même.Pourcertains,unhommenepeutpascomprendrel’instinctmaternel.Certesilfaisaitmoinsdechosespoursesenfantsquesafemmemais il lesaimaitplusque tout. Ilsentaitsoncœurseserrerquand,petits, ils se jetaientdanssesbras. Il ressentaituneboulede fiertéquanddes inconnuss’extasiaientdevant eux, il était inquiet à chaquepetitemaladie, il gardait dans son tiroir tous les petits dessinsqu’ArthuretHugoluiavaientfait.Ilaétélàpourlesaideràmarcher,àfaireduvélo,duroller.Etmaintenant qu’ils rentrent dans l’adolescence il doit leur apprendre les choses de la vie, ne pas selaisserinfluencerparlesautres,faireleurspropreschoix.

Alorsoui,sesfilssontgâtésbienplusquederaison,oui,ilssontsaprioritéetilselaissedecôtépoureux.Il lesaccompagneaufoot,aubasket, travailled’avantagepourmettredel’argentdecôtépourpayerlescolonies,lesvacances,lesfringuesdemarque,lestennisàlamode,leslunettesRayban.Ouiillesprotègeunpeutrop,mêmeà13ansilfautqu’illesamèneàl’écoletouslesmatinsetilnerepartquequandilssontbienrentrésdansl’enceinte.

Mais les autres ne peuvent pas savoir l’angoisse qu’il a connue avec sa femme pendant lagrossesse.Desmoisderendez-vouschezdesspécialistesdelaprocréationmédicalementassistée,destraitements,despiqures,pour s’entendredireplusieurs longsmois après, par l’obstétricienqu’il yavaitdeuxbébés.Desjoursdebonheurquisuiventàl’idéed’avoirdesjumeaux.Puissontvenuslesmotsredoutésdegrossesseàrisque.

Lesgensnecomprennentpaslapeurdelesperdreàtoutmoment,leverdictdeséchographieschaque semaine. Non ils n’ont pas vécu le fait de voir leur femme tout compter, vérifier chaquechiffre,chaquecourbe,compareraveclesrésultatsdelasemainedernièreetceladirectementdanslavoituresurleparkingdel’hôpital.Ilsnel’ontpasvupleurerparcequ’ellepensaitquec’étaitsafautesisesfilsnegrandissaientpasbienenelle.

Non les autres ne peuvent pas imaginer la douleur de ne pas les voir tout de suite aprèsl’accouchement,denepasêtrelespremièrespersonnesàlesavoirtenusdanslesbras.

Alors oui certains de ses proches semoquent de luimais jamais ils ne pourront imaginer

cetteangoissedelagrossesse,l’appréhensiondefairelamêmechosepourl’unquepourl’autreafinqu’iln’yaitpasundesesfilsquisesententàl’écart.

Aujourd’hui sa vie est réglée, organisée, planifiéemais le simple fait demanger tous lesquatreautourdelatableestunebellevictoiresurlavie.

Ets’iln’yavaitquedesbonheurssimplesetquetoutleresten’étaitqu’illusion?Lebonheurd’avoirunemaisonàsoiavecuncréditde30anssurledosest-ilvraietpur?Ouest-celasociétédeconsommationquinousl’inculquedèsleplusjeuneâge?

Plongédanssespenséesdepuisdelonguesminutes,ilchassasesidéespoursourireàJean-François qui venait de raconter une blague…D’ailleurs lui-même en avait quelques-unes qu’ilcommençaàraconter…

Gino

***

Unefoislaporterefermée,ilretournadanslacuisinesefaireuncaféetfumerunecigarette.Aujourd’hui,iln’avaitaucungrouped’italiensàquiprésenterlesmonumentsparisiens.Ilaimaitceboulot,rencontrerdespersonnesdifférentesàchaquefois,parleritalien,retrouverlesticsducorps,lesgestesaveclesmains.Invariablementildevaitrépondreauxmêmesquestions"Quefaites-vouslà ? Combien demètres fait la Tour Eiffel ? Pourquoi y a-t-il un rond-point autour de l’arc deTriomphe?"

Cettedernièrequestionl’inspiraitplusetilyallaitsouventdesespropresanecdotes,mentantquelquesfoisenracontantquelesplusgrandssecretsdupaysétaientconsignésdanslescolonnes.

Soncaféfumantàlamain,ils’approchaducanapéetallumasachaîneHI-FI.Ils’allongeaetferma les yeux, se laissant bercer par lamélodie qu’il écoutait hier avec Sarah. Il se demanda cequ’elle était en train de faire, à qui elle souriait, si elle mordillait sa lèvre de concentration enécoutantleformateur.

Celafaisaitdesannéesqu'iln'avaitpassespenséesfocaliséessuruneautrepersonnequelui-même, il se sentit soudainement vulnérable. Comme si ses propres sentiments dépendaient dequelqu'und'autre.D'uncaractèrefort,frivole,indépendantetsûrdelui,ilsentitsacarapacecraqueler...Ilavaitmêmeenviequ'elles'ouvreàSarah.Ilsavaitquecettepetitehistoirenedureraitjamais;ilavaitdonctoutàdonnerenl'espacedequelquesheures.Etsipourunefoisilécoutaitl'organequiluipermettaitde vivre ? Et si les battements de son cœur pouvaient faire écho à celui d'un autre ? Et s'il sepermettait de croire en l'amour, aumoinsune fois encore, la dernière.Et après cela, après elle, ilauraitleloisirdevivred'aventuressanslendemain,sansregretterdenepass'êtreouvertàquelqu'un.Deprendrelerisquedetoutdonner,devivreintensémentsansseposerdequestions,sanssefreiner,sansavoirlesentimentdepasseràcôtédequelquechose.Ets'ilarrivaitàs'ouvriraupointdetoutrévélersurLya?Ets'ilavouaitàSarahquesonpremieramourn'étaitplusenvieàcausedelui...

Sarah***

LamatinéepassatellementvitequeSarahserenditcomptequ'ellen'avaitpresquepas

prisdenotes,niparticipé.Perduedanssespensées,essayantdeseconvaincrequecequ'elleavaitfaitavecGino était unemonstruosité indigne de ces principes et de ses valeurs. Elle ne se rendit pascomptequ'ilétaitplusdemidietqueleformateurinvitatouslesparticipantsàallermanger.

—Lescontratsdedroitsprivésn'ontpasdûtepassionnercematinSarah.LuiglissaStéphanedoucementàl'oreilleensortantdelasalledeformation.

LepetitgroupesortitduCampanileaumomentoùletéléphonedeSarahvibradanssa

poche.ElledécrochaimmédiatementetsouritenentendantlavoixdeMarie.

—Jeveuxtoutsavoir...nonsurtoutnemedisrien.Nemedispasquetuasfaitcequejepense...Sidis-moicequetuasfait,lesdétailssurtout.Jeteconnaisjesaisquelespetitsdétailsfonttoutpourtoi.

—BonjourMarie,ouimercijevaisbienettoi?

—Ouioui...alors???Jedoistesupplierpoursavoir?Parcequeouijeteconnaisdepuisdesannéesetjesaisquetun'espascellequiagitsuruncoupdetête,parcequeçac'estmoi!

Sarahinspira,essayadechasserl'excitationquilagagnait.Ellenevoulaitpasgardercela

pourelle,c'était trop,çadébordaitde touslescôtés,çaprenaitdelaplace,çaremplissaitsonâme,nourrissaitsonégo,sepavanaitdanssesyeux,danssonventre.

—J'airencontréquelqu'un...JesuisentraindetomberamoureuseMarie.Maispasdugenretomberparterreetsecasserlenez.Jesuisentraindetomberdemonpetitnuagepresqueparfaitpourmeretrouverdansunbrouillardquimefaitvivre.Jenesaispasoùjevais,nicommentj'yvaismaisjetejureMariequej'ysuis,quejesuisbien.J'aienviedehurler,desauterdejoie,dedansercommeunefolle,j'aienvied'êtremoietpascommeonaimeraitquejesois.J'aimeMarie!Jevis!Putain,jerespireenfin!

Sarahsouritendisantcela,elleserenditcomptequel’absurditédedévoilercela,mais

elleavaitterriblementenviedepartagersafolie.

—Merde,Sarahtuesinfidèle!Cen'estpaspossible?!!Pourquoituasfaitça?

—J'ail'impressiondetedécevoir.Jenesuispasheureuse.Ouij'aimeSimon.Maistu crois que je vis moi dans cette petite vie parfaite ? Je pensais que tu serais la seule à mecomprendre.Maisjemesuistrompée.Pourtantc'estbientoiquiveuxquejelâcheprise?

—Maisbonsang,lâcherpriseneveutpasdiret'envoyerenl’airaveclepremiermecvenu!

Découragée, se sentant incomprise, Sarah lui répondit d'une petite voix avant de

raccrocher.

—Tuasdéjàeulesentimentdeconnaîtrequelqu'unquetuneconnaispas?Dereconnaîtredanssesgestesl'impressiondeteretrouvercheztoi?Jeneteparlepasdecul,jeteparledesensations!J'auraisvouluparlerdetoutçaavectoi,maisàpremièrevue,tumeprendspourunefillefacile.Onenreparleradansquelquesjours...Quelquesminutesaprèsavoirraccroché,Sarahreçuuntexto

—Jamaisjenetejugerais,comprendsmoi,denousdeuxc'esttoilapersonnesage,matureetréfléchie.Tun'asjamaistransgressélesrèglesetvoilàquetuvisunefollehistoire.Excuse-moid'êtresurprise.Jesuislà.Visàfondcequetuasàvivre.Maisn'oubliepasquetavieestlàavecnous...

AvantderangersontéléphonedanssonsacelleenvoyaunmessageàSimon.

—Toutsepassebien,cetteformationestsuperintéressante!J'espèrequetoutvabien?Vousmemanqueztouslesdeux.Levibreursemitenmarchequelquessecondesplustard

—Beaucoupdeboulot,débordé.Noamalenezquicouleetj'aitâchémacravate.Rentrevite!Ellesuivitlegroupe,entradanslabrasseried'unepetiterueets'installaaufonddelasalle.Ellepréféraitsemettreenboutdetable,commecelaellenesesentaitpasétoufféeparlesautres.Ellepouvaitfuiràtoutmoment.LetextodeSimonluirevintenmémoirequandellecommandaunesaladeniçoise.CelaluifitpenseràNice,leurspremièresvacancesenamoureux.Passantdeuxfoisparjoursurlapromenadedesanglais,mangeantdesglacesmaindanslamain,explorantdespetitsvillages,s'embrassantsurleborddelaplage,cherchantungaletoriginalàramener.

Commentenétaient-ilsarrivésàuneroutinesitriste?Sepuisse-t-ilquel'amours'amenuiseaufildesannéespournedevenirqu'unpetit feuaucoind'unepiècequivivote tantbienquemal?Commentavoirl'envieetlaforcederajouterchaquejourdenouvellesbûchespourredonnerdelamatièreàlaflamme?

PoursortirSarahdesonsilence,Jean-François, luiglissa,aucoursdurepas,unephotodesonfilslepremierjourdesavie,qu'ilgardaittoujoursdanssonportefeuille.

—Quandjepenseque jesuisdevantunesituation insurmontable, je regardecettephotode

monfilsdanssacouveuse,avecdestuyauxpourrespirer,dessondespourmangeretilmemontrelaplusbelledesvictoires,celledenejamaisrenonceretdetoujoursycroire.

Sarah relativisa, se disant que la vie n'était au final qu'un combat, qu'il fallait encaisser les

coupsjusqu'auchaosfinal.EllesouritàJean-Françoisquandilluiprésentaunenouvellephotodesonfils,ungrandadolescent,unappareildentairefraichementposéetunballondefootdanslesmains.

—Elleestlàlavictoiredemavie,etchaquejournousnousbattonsunpeupluspouressayer

deluifairevivreunevienormale.Quandtoncœurestmontéàl'envers,difficiledevoirleschosesàl'endroit!CelafaitunmoisqueLouisestinscritsurlalistedesdemandesdegreffedecœur,ilaunecardiopathiecongénitale,sonartèrepulmonaireetl'aortesontinversées.

SarahcessademangeretrelevasonvisageversJean-François,defineslarmesbrillaientaufonddesesyeuxetillaregarderasanslavoir,sespenséesétaientdéjàloin.

—Nousnevoulionspasd'enfantavecmafemme,etmaintenantquenousl'avonsdansnotre

vie,nousnevoulonspasleperdre.Ilsoupiraetredressalesépaules.—Aprèstout,ilresteencoredel'espoir,Louisestbienplusfortquelamaladie,j'enfaisle

pari!Tuverraiscommeilsedébrouillebienàl'école,c'estleclowndesaclasse!Etàlamaison,jenetecachepasqu'ilestlepetitprince!Lavieenvautlapeine.

L'après-midipassatoutaussivitequelematinetàpeinelesderniersmotsduformateurprononcés,Sarahattrapasonsacetpartitendirectiondumétrosansprendrelapeinederemonterparsachambre.LesmotsdeJean-Françoislamarquèrentplusqu'ellenevoulutsel'avouer.Elleressentitcettedéraisonnablefureurdeplongerdanslavie,d'enressortirtransformée,marquée,maisvivante.

Ilétaitunpeuplusde17h30quandSarah frappadoucementà laporte,enquelquessecondeselles'ouvritcommesiGinoétaitadosséderrière.

—Tuesvenuealors?

Cettephrasen'étaitpasuneinterrogationmaisunpetitcriducœur,commeunsoulagement.

—Neretirepastonmanteauj'aienviedet'emmenerdansunendroitquej'apprécie,j'ai envieque tuvoisdemoiautrechoseque l'artiste raté reconverti enguide touristique,quiaunaccentchantantetunejambequidéraille.

Toutendévalantlesescaliersaussivitequ'illepouvaitavecsonboitillement,ilcontinuadeparlercommes'iln'avaitrienditdelajournéeetqu'ilattendaitleretourdeSarahpourenfintoutlâcher.

—J'aibesoinquetudécouvresquijesuis.Commecela,peutêtrequedanstesyeux,jeme comprendraismieux, que je pourrais avancer, ne pasme trouver d'excuses. Je sais que nosheuressontcomptéesmaisjeveuxlesvivrevraiment,pasjustemoiàl’intérieurdetoi.Jeveuxquecesoit toià l’intérieurdemoi,dansmavie,dansmacarapace,dansmestripes,dansmesfolies,dansmessagesses.

Il l'emmena au sous-sol et ouvrit la porte rouillée et sale d'un garage. Il n'y avaitquasiment pas de lumière et Sarah eut dumal à s'habituer à la pénombre. C'est alors qu'une finelumièreblafarde,s'échappantd'uneampoulenuesuspendueaugaragemiteux,vintéclairerunVespanoir.

—Jevoisqueleclichédel'italientepoursuit.Enmêmetempsj'ail'impressionquetulecherchesavecceVespa!

—Queveux-tu?Onnepeutpasreniersaculture!

Luidit-ilenluiadressantunpetitclind'œil.Ils'approchad'elleuncasquenoiràlamain.Doucementilvintremettreunemèchedesescheveuxderrièrel'oreilleetSarahsourittimidement.Ils'avançaplusprèsd'elle et la saisissantpar la taille, il colla ses lèvres aux siennes, doucement, encaressant sa bouche avec ses doigts, il l'embrassa avec plus de fougue et de passion. Il s'écartasoudain, essayant de lutter contre son désir et laissa Sarah essoufflée. Il lui mit son casquerapidement,puislesien,etmontasurlescooter.

—EnrouteBella.Ellemontaàcalifourchonderrièreluietposasespiedsderrièrelessiens.Unpetitsourireflottasurseslèvres,jamaisellen'avaitétésurundeuxroues,misàpartsonvélod'adolescente.Ellesentit une poussée d'adrénaline l'envahir quand il mit le contact. Une légère odeur d'essence sedégageaetbizarrementelle la trouvaparfaite.Uneodeurforte,commelaliberté,commel'interdit,commetoutcequiestmalmaisquivousfaitdubien. SoudainGinotournal'accélérateuretleVespafitunpetitbondenarrièrecequifitcrierSarah.Un cri libérateur, un cri de surprise, un cri qu'elle ne pouvait contrôler.Dorénavant, assisederrièrelui,ellenepouvaitqueselaisserporteretprendrecequ'ilavaitàluioffrirsansseposerdequestions.

IlsortitduparkingsouterrainetdébouchaderrièrelaruedelaHuchette,ilsoulevasavisièreetsetournalégèrementpourparleràSarah.

—Tudevraist'accrocheràmoi...Ilneluilaissapasletempsderépondreetaccéléraaussivitequ'illeput.Elleagrippasatailleetseserracontrelui.Leventvenaitfouettersonvisage,leslumièresdelavilledéfilaient,ildoublait

les voitures n'importe comment, les frôlaient, se rabattaient devant elle.Et plus il faisait cela, plusSarahriait.Danslerétroviseur,illavoyaitrigoler,lesyeuxpétillants,labouchegrandeouverte,despetiteslarmesaucoindesyeuxàcausedufroid."Desétoilesaucoindesyeux"seditGino.Ilfuttellement fier de la rendre heureuse, vivante, pleine de joie, profitant de cet instant que lui seulmaitrisait.Iltraversalesboulevards,passadevantlaTourEiffelilluminée,s'arrêtaaufeusanslegrillerpourqu'elleadmirelaDamedeFer,lamajestédel'acier,cequeleshommespouvaientréaliser.Puisilempruntalerond-pointdel'étoileetroulaBoulevardHausman,longeantlesboutiquesdeluxe,lesarbustesparfaitementtaillésauxquelsaucunesfeuillesnedépassaient.Était-cecelalebutdechacun,rentrerdansunmouleoùaucunécartneseraittoléré?IlpassadansleXIèmearrondissementpuismontaunerueétroiteetfine.Ildébouchasurunepetite place entourée d'arbres, elle était animée, des caricaturistes étaient rangés bien sagement enligne.Ilsegaraprèsd'unpetitbancetcoupalemoteur,sansunmotelledescendit,sesjambesétaientunpeucontractéesetendoloriesparlefroid.Ildescenditàsontour,setournaversSarahpourluiôtersoncasque.Sescheveuxbrunsétaienttoutemmêlésmaisillapréféracommeça,elleneressemblaitpasauxarbustesbientaillésduboulevardHaussman.ElleressemblaitàlafemmequeseraitdevenueLyasijamais...Nonildevaitselibérerdecepassé,ildevaitenparler.Alorsilluipritlamainetlaconduisitlelongdesrangéesdecaricatures.Ils'arrêtadevantunefemmed'unecinquantained'annéesàlapeaumate,auxcheveuxondulésetauxhanchessolides.Elleavaituncoupdepinceau sûret aiguisé.Decellequivoit lesdétails avant lesgrandsaxes.Decellequipeutretranscrireuneémotionavant lacourbed’unmenton,quipeutvoir lepetitgraindebeautéaucoindel’œilquirehaussel’intensitéduregard.Sarahsetournaversluiunpeudécontenancée.

—Tum'asfaitfaireautantdekilomètrespourquejemeretrouveassisesansbougeràmefairetirerleportrait?

—J'aimeraisquetutevoiestellequejetevoismaintenant.J'aimeraisfixercetinstantoùtuesenaccordavectoimême,oùturesplendisSarah.Parcequetuestoi,sansartifices,sansbarrières,sansobligations.

Ellese laissaconvaincreets'assit sur lepetit tabouretque luiprésentaGino. Ilvints'assoirparterreàcôtéd'elle,commecelaSarahnepouvaitpaslevoir,maisluipouvaitl'observer.

—J'aibesoindeteraconterlapartielaplusnoiredemoi.Nem'interrompepass'ilteplait.Il

fautquejemelibère.J'ail'impressionquetoiseulepeuxmecomprendreetenmêmetempssijamaistune lepouvaispas, si jevoyaisde lahainedans tesyeux, je sauraique jamais jenepourraismepardonner.Ilrespirauninstant,prissontempsavantdecontinuer,ilmitsesidéesauclairpourraconterl'histoiredesavied'unefaçonlaplusneutrepossible.

—J'avaisdix-septanslesoiroùj'airencontréLyadansunesoirée.Elleétaitpleinedevie,sûred'elle,avecunrirefortquidominaittouslesautres.J’étaisunpetitDonjuanàl'époque.Jemesuis approché d'elle en faisant ma star, l'homme en devenir plein d'assurance. Cette caricatureitaliennedonttumeparlestant.Figuretoiqu'ellem'aignoré!M’atournéledos.J'aimisdessemainesavantqu'ellenem'adresselaparoleetencoreplusdesemainesavantd'échangernotrepremierbaiser.Elle avait des lèvres qui auraient pu combler un assoiffé, elle avait une peau qui aurait pu calmertouteslesbrulures.Onnesedoutepasdelapuissancedupremieramouravantqu'ilnevousdévaste.Dixmoisetdeuxsemainesplus tard,nousétionsenlacésdans la rue.Nousvenionsd'allervoirunnavetennoiretblancaucinéma,undeceuxqu'elleadorecommeTimetJim.Untypeestpassédevantmoietm'abousculé.Voulantjoueràl'hommejel'aiinsultésansvoirquedeuxautresdesescopainsétaientderrièremoi.JenemesuispasdégonflédevantLya,ilyadesfiertésquevouspayeztoutevotrevie.Unebagarreacommencéet j'ai frappéà l'aveugle, réussissantàcasserunedentd'undesgars.Lesdeuxautressesontmoquésdelui,ilestalorsrentrédansunecolèrenoire.J'aivusesyeuxchanger,sonexpressiondevenirfolle.Etsesmotsrésonnentencoredansmatête"Tuveuxfairelemalin,onvavoirsituvascontinueràfrimer".Lesdeuxautrestypesm'ontattrapéetm'ontclouéausol,ilsontpenchématêtepour que je puisse tout voir " Regarde sale merde, regarde ce que je vais faire à ta copine etseulementaprèsjevaistedéfoncer."Ils'estalorsapprochédeLya,larueétaitsombre,iln'yavaitpersonne,j'aiessayédecriermaisaucunsonn'estsortidemabouche,jemesuisdébattu...C'estalorsqu'il luiaarrachélechemisier.Ilétaitroseavecdespetitesfleursblanches,tellementfinetdélicat.Ellen'apashurlé,ellen'apasbougé,elleestrestéedroiteetdigne.Puisill'aembrassésiviolementqu'elleenaperdul'équilibre,illuiaenlevésajupe.C'estalorsqueLyaluiamordulalèvredetoutesesforces,lesangajailli,letypeacrié.Il l'a traitéedesaleputeet luiadécrochéuncoupdepoingdanslamâchoire.Unefoisà terre, ilacontinuéà luidonnerdes coupsdepiedsdans leventre, lapoitrine, la tête.Ellen'étaitplusqu'unepoupéedechiffon.J'airéussiàmedégager, jemesuisjetésurluiet lesdeuxgarsmesonttombésdessus, ils ont alors sorti un couteau et l'un d'eux la planté profondément dans ma cuisse, puisplusieursfoisdansmontorse.Jemesuisréveillélelendemainàl'hôpital,mamèrepleuraitàcôtédemoi.J'aiappeléLya,j'aihurlésonprénom…Etmamèreasecouélatête,enbaissantlesyeux...J'aicomprisqu'ellen'étaitpluslà,

que j'avais réussi à survivreaux sixcoupsdecouteauxetqu'elle avait succombéauxcoupsdecesenfoirés.J'aicomprisquec'étaitàcausedemoiqu'elleétaitmorte.Maputaindefiertél'avaittuée.Etilnesepassepasunjoursansquejepenseàelle,sansquejem’enveuille.Mêmesiellen’étaitpasrestéeavecmoi,elleseraittoujoursenvie…

Savoixétaitrauque,ilrevoyaitlesimages,revivaitlascène,ilressentaitladouleurdelaperte,lapeur,lahaine,etpireencore,laculpabilité.Decellequivousréveillelanuit,quivousprendàlagorge,vousparalyse,vousclouesurplace.IllevalesyeuxversSarahquin'avaitpasbougé,elleessayadecontenirsonémotion.

—Cen’estpastafiertéquil'atuéeGino,c'esttonamourpourelle.Tunepeuxpastereprocherdel'avoiraiméeaupointdevouloirluiprouverquetupouvaislaprotégerdetout.Situasréponduàcetypec'estpourmontreràLyaquetun'étaispasunhommequiselaissefaire,quetuétaisunpilierd'acierqu'ilnefallaitpasabattre.Cen'estpastoiquil’astuéepartescoups.

Sansbouger,Sarahluiattrapalamainetdessinadespetitscerclessursonpouce,ilseraccrochaà elle. Il avait enfin extériorisé sesblessures etmit desmots sur cequi le rongedepuistellementd’années.Mais ilnepeut s'empêcherdesedemandercequeseraitdevenuesavie, siLyaavaitencorefaitpartiedecemonde?Serait-ildevenucethommesansattaches,sansresponsabilitésetquivitaujourlejouretneselaissepasapprocher?

SarahserenditbiencomptequeGinovenaitdeselibérerd’unpoids,qu’iltentaitdetournerunepage.Elleneditplusrien,laissantlesilences’installer.Parfois,seulelaprésencesuffitàguérirdesmauxquel’onn’ajamaissudire.

Pendantcetemps,lafemmecommençaàpeindrel’intérieurdelapupilledeSarah,elleajoutaquelques traits de fusain délicats, tapota une partie de la paupière avec son index et se recula dequelquescentimètrespourjugerdel’effet.Ellereconnutladéterminationdansleregard,laforcedecaractère derrière de longs cilsmais aussi la petite cage dorée qui l’entourait. Elle tomba sous lecharmedecepetitcoupleatypique,decethommequis’asseyaitaupieddesacompagneetquin’avaitpaspeurde se laisseraller.Decette jeune femmeunpeuétriquée.Onne lui faisaitpasàelle, ellesavaitreconnaitrel’amour,aussicompliquéqu’ilsoit.

Quelquesminutesplustard,ledessinsoigneusementenroulé,ilss'installèrentaupetitbarde

l’anglede laplaceMontmartre.Gino retrouvaunpeude force,d'entrainetde joiedevivre.Sarah

portaitsurluilemêmeregardqu’avantsonaveu,bienqu’ilsoitlégèrementplusinsistant,commesielle désirait le sonder, lire en lui.Ou alors était-ce de la pitié ?Cette question lemit en colère, ilbouillonna.Lapitiéinspiraitlemépris,lafaiblesse,etilnevoulaitenaucuncasqu'onletraiteavecuneindulgenceparticulièreetencoremoilapersonnequ'ilaffectionnait…

Aprèstout,queldroitcettepetitemamanpropresurelle,avecsonécharpetournéetroisfois

autour du cou, avait sur sa vie à lui ?Pourquoi lui accordait-il autant d’importance ?Pourquoi lavoulait-ilpour lui?Enfait ilprit soudainpeurqu’elleparte,qu’elle le laisseànouveauseul, sanssentiments,sansrepères…

—Quesepasse-t-il,ellebrisalesilencepesantautourd’eux?

—Ilyaceuxquiaimentun joursurdeux,ceuxquiaiment l’idéed’aimeretmêmed’êtreaimé,ilyaceuxquiaimentparhabitude,ceuxquinesaventpasaimer,ceuxquinesaventpasêtreaimé.Etpuisilyaceuxquiycroienttoujours,malgréladéception,l’échecetl’abandon.Ce sont ceux-là les pires car ils peuvent tout donner et tout reprendre. Ce sont ceux-là qu’il fautcraindre car tu sais qu’en les laissant entrer dans ta vie, ils vont tout chambouler, ils vont te fairesentir exister, et puis un jour ils partiront sans se retourner. Ce sont ceux qui s’esquintent, quitombent, se relèvent et retombent encore, c’est le cerclevicieux, celuiqui tenoue leventre,qui tecloueausol.Quipassepartoutestesveines,quigranditdanstonâme,quidévoretespenséesetquitelaissent seul. Ce que l’on appelle l’ascenseur émotionnel, tu peuxmonter tellement haut, et chuterencoreplusbas,ettoutcelaenunefractiondeseconde,enunephrase.C’estcesentimentlàquejeneveuxpasconnaître!Jepréfèremecontenterdemonunivers,jeneveuxplustomberSarah.

Ilselevarapidement,renversantlafindesoncapuccinosurlatable,enfilasonimperméable

kakiets’enalla.Sarah se retrouva seule, avantmême d’avoir pu ouvrir la bouche. Elle prit ses affaires et

sortitàlahâtepourleretrouver.Elleneleretrouvapas…Ellenecompritpassaréactionnisondésirdefuir.Elleavaitpourtantétéclaireavecluidès

ledébut,iln’yauraitpasdesuitepossibleaprèscesquelquesjourspassésensemble.Aucreuxdesonventre,unepetiteboulededéceptionetdetristessel’envahitsoudainfaisantécloresonsentimentdesolitude.Elleperditpieds,nesachantpluscommentluttercontrelaforcedesessentiments,contreleflot de sensations qui la submergea, les larmes coulèrent doucement sur ses joues. La culpabilitéarrivabienviteaugaloppourenrajouterunecouche.Elleavait faitunepromesseàsonmaribon

sang,bienqu’ilaitdesdéfautscelanejustifiaitpassoninfidélité.Commentpouvait-elleressentirdesifortssentimentsenversGino?

Elle s’assit sur l’une des premières marches qui menaient à l’Eglise Saint Pierre de

Montmartre.Un jeune homme brun jouait de la guitare, elle laissa son esprit vagabonder etGinoenvahitinstantanémentsespensées.

Physiquement,iln’étaitpassongenreetheureusement,çaluipermitdel’aimerpourcequ’il

représentait vraiment. Elle aima à l’instant sa façon de fumer, d’entrouvrir les lèvres, de poser lacigarette dessus et d’aspirer rapidement la fumée en levant la tête.Elle aima tout de suite la façonqu’ileutdesouleversachemise,dereleversontee-shirtauniveaudesonventreetdecollersapeauàlasienne.Elleaimait lafaçonqu’ilavaitdeluiparler,del’écouter,deluiposerdesquestions.Elleaimaitqu’ils’impliquedanscequ’ilfaisait,danssapeinture,danssavieendehorsdesonpays.Elleaimait la façonqu’ilavaitde l’embrasser,decouvrir toutesaboucheavec lasienne,quesa languesoitsiimpatiente,quesesmainsseposentsursonvisageetreplacentdesmèchesdecheveuxderrièresesoreilles.Elleaimaitlaforcedesesbras,sonaccentchantant,labarbenaissantequiluimangeaitles joues, ses vêtements un peu décalés, son regard insistant. Elle adorait son côté enfantin, elleressentaitsesblessuresetavaitenviedeleserrersifortqu’elleferaitdisparaitrelapeur…Ellesentituneprésenceàcôtéd’elleetavantmêmequ’ilneluiparleellesutqueGinoétaitassisàcôtéd’elle.

—LabutteMontmartreestleplushautsommetdeParis,c’esticiquetuauraslameilleurevue d’une colline. Montmartre signifie le " Mont des martyrs ". Au Moyen Age, des femmes sefaisaienttorturerpourtoutessortesd’actesquipeuventparaitreanodinsaujourd’hui:avoirmarchésurlepiedd’unsoldat,s’êtreservidel’eaudupuitroyal.Ellesétaientexposéesainsiàlavuedetous.Savais-tuqu’àl’époque,seuleslesfemmesétaientmartyrisées?Ellesontunseuilderésistanceàladouleursupérieuràceluideshommes.Etjesaisdéjà,Sarah,quemonseuilderésistanceestbas…Quejenevaispasfairefaceàtondépart.Jenesuisqu’unidiotd’avoirréagicommecelaetd’êtreparti...Jepensequejesuisentraindetomberamoureuxdetoi, tuesmon"colpodicuore",moncoupaucœur,sanslevouloir.Maisl’évidencenesecherchepas,nesecalculepas,ellenoustombedevantlesyeux.Jen’aipaspeurdemessentiments,j’aipeurdeladouleurquisuit.

Elleluipritlamainetleursdoigtss’entremêlèrentparfaitement,leurspouceseffectuantdespetitscerclesl’unsurl’autre.Sarahposalatêtesursonépauleetécoutaleguitaristejouerlesnotes

d’hometowngloryd’Adèle.Ilsneparlèrentpaspendantplusieursminutes,ellegoutaauxsensationsque lui procuraient les mots de Gino, à la douceur simple de se sentir à sa place. Elle se sentitnostalgiquedeleurmoment,decesquelquesjoursquiluiontfaitvivredesdizainesd’années,àcetteintensitéquiluinoualeventre.Ellesutqu’illuiavaitpermisd’ouvrirdesportesferméesdepuisdesannées.

—Jenesavaispasquel’onpouvaitregardersaviepasser,défiler,jouraprèsjourenrépétantlesmêmeschosessansressentircefrissondevivre.Jenepensaispasqu’àmonâgejepouvaismesentirsivieilleetsiseule.Jusqu’àtoi.

—Ilsuffiraitquetut’arrêtes,queturegardesautourdetoi,labeautéd’unarbre,d’unsimplecoucherdesoleil,pourtesentirvivante.Appréciechaquechosequelavienousoffre,paslematériel,lefauxoulesur-joué.Si lavie teparait troptriste,vaenborddemer,assiedtoietfixe l’horizon,écoutelebruitdesvagues,sentlesouffleduventsurtonvisageetrespire.

—Quandpeut-onavoirleluxedefaireçadanslaviedetouslesjoursGino?Cettequestionlancéeavecbeaucoupdeforce,presquededésespoirluifitressentirsonmal-êtreàelle.Cetteterreurquimontrequelaviepasseetqu’elles’enrendcomptesansrienyfaire.

—LeLuxe,c’estdesavoirprendredutempslàoùcelanousparaittropinsurmontable.

Elleréfléchit,entresontravail,lescourses,lesrepas,lamaison,sonenfant,soncercled’amisetdefamille,ellenetrouvaenfaitqu’unmomentpourfairecela:lanuit.SedessinadevantelleunesoiréetypiqueoùaprèslecoucherdeNoam,Simonseposteraitdevantlatélévisionetellevaqueraitàdesoccupationsdomestiquesquiaulieudeluifaireplaisirlarendaientesclave.Ouiunefoisrentréeellepartiraitunesoiréeseuleàlamer,ellemettrait1h30deroutepouryallermaiselleleprendraitcetemps,pourelle.Vivrepoursoi.

—Viens,ilnousrestevingt-quatreheuresàpasserensemble,jeveuxquetuconnaissestoutdemoi,queturentresdansmavie,quetulaissesunetracepartoutoùj’iraiaprès.

—Oùm’emmènes-tu?

—J’aimeraisquetuconnaissesmesamisd’ici.

Ils se rendirent main dans la main jusqu’à la place des caricaturistes, Gino posa le tubecontenantleportraitdeSarahdanslepetitcoffrederrièrelescooterpuisl’aidaàmettresoncasque.

Bien vite ils se retrouvèrent à parcourir les boulevards, les lumières de la nuit dansaientdevantlesyeuxdeSarah,sesmainsserrantsontorse,ilssefondaientavecleVespa.IlstraversèrentParis,prirentl’A86,bienquelesscootersysoientinterdits,etsortirentàNanterreUniversité.

UnsentimentdeplénitudeenvahitSarah,guidéeparGinoellen’appréhendaitpasdevoirdespersonnesinconnues,ellenepensaitpasauregardqu’ilsauraientsurelle.Toutcequicomptaitétaitdeledécouvrirencoreplus,d’apprendresesgestes,safaçondepencherlatêteenarrièrepourlaisseréclatersonrire,derentrerdanssonquotidien,departagerdeschosesnouvelles,des’ouvriràlavie.Alavraievie,cellequivousrendmeilleur,quivouspousseàvoussurpasser,quivoussurprend.

Ginoralentitdoucement, lesgrands immeublesfontplaceàdespetitesmaisonsmitoyennessansjardin,auboutd’unepetiterue,ils’arrêtadevantungrandportailmarronenferforgé.IlinvitaSarahàdescendreetilouvritleportillonpouryentreravecleVespa.Délaissantcasquesetscootersur lepetit parking il lui attrapa lamain, dansungeste lent, il caressa les cheveuxdeSarah et luidéposaunpetitbisousurlenez.

— Je préfère te prévenir, ils sont tous assez particuliers. Ce sont des artistes, desanarchiques,desgensquiontétéblessésparlavieetquisesontconstruitunebulle.

Etsansajouterunautremot,ill’entrainasurlecôtédelamaison.EnformedeU,comportantdeuxétagesettroisportesd’entréerépartiessurchaquefaçade,cetterésidence,aucrépibeigesale,luifit l’effetd’unemaisonhantée.Lesolenbétonn’arrangeaitpascesentimentd’insécurité,aucuncharmenes'endégageait,aucuneplantesnevenaientdébarrasserl'austéritédeslieux.

Sansfrapper,ilsfranchirentlepasdelaporte,personnenevintlesaccueillir,unlongcouloirdesservait plusieurs pièces dont toutes les portes étaient ouvertes.Une odeur d’encens se dégagea,mélangéeàunemusiquehardrock.Luitenantlamainill’entrainaverslaportedufond.Enentrant,Sarahdécouvritunepetitedizainedepersonnes,certainesétaientallongéessurdesgrandscanapésetfumaient,d’autressedisputaientautourd’unlivre.Unhommed’unequarantained’années,avecdesdreadlocksblondsetdesbottesdemotards’approchad’euxettapadansledosdeGino.

— Ah, te voilà enfin, t’avais disparu ?! Hier on a eu une grande discussion surl’impressionnismeduXIVèmesiècleetAgathemesoutenaitqu’AlfredSisleycouchaitavecRenoir.Ilfautquetuluidisesquecen’estpasparcequ’onfaitunportraitdequelqu’unqueçajustifiedepasserpourunhommefacile!

Emportant Gino avec lui et sans même se présenter, ils partirent dans une autre pièce lalaissantseuleaumilieudetouscesgensquineluiprêtaientpaslamoindreattention,commesiellen'existaitpas.Personnenevintluiparler.Sesentantmalàl’aise,ellecherchaunpetitcoinpourlesobserveràsontour,jugerl'ambianceavantd'osers'approcherdequelqu'un.

Elle s’avança pour s’asseoir sur un des canapés occupés par une grande blonde élancée,

mouléedansunjeanbrutetunpetitpullrouge.EllesetournaversSarahquilutdanssesyeuxtropmaquillés, une antipathie sans retenu et, dans sa posture, un air supérieur. Tout dans cette femmetrahissaitsonbesoind’enfoncerlesautrespoursemettreenvaleur.Etavantmêmequ’elleouvrelabouche,Sarahsentitqu’ilensortiraitduvenin.Elles'exprimad'unevoixforteoùneperçaitaucunsignederespect.

—Ginon’amènepasdefilles ici.D’habitude il lesbaisedanssonatelieret lesdégagedechezluiaussivite.Tuluiaspromisquoi?Tudoisêtrebienfriquéepourqu’ils’intéresseàtoi…Oualors,tueslapetitefemmebiensagequ’ilessayededévergonderavantdelajeter.

Gino s’approcha à cemoment-là et la femme se tut instantanément.Les joues rougesdeSarahtrahirentsonénervementetelleneputs’empêcherderétorquersanssesoucierduregarddesautres:

—Peut-êtrequejustementilenamarredecoucheravecdesfemmesdanstongenre,desfillesfacilesquiseprennentpourBeyoncéetquin’ontaucuneconversation.Tavulgaritéestàlahauteurdetonintelligence:basseetminable.

Et sansunmot elle se relevaducanapéetquitta lapièce lesyeuxbouillonnantsde rage.Gino

sourit,unéclairdemaliceilluminasonregard,ilsuivitSarahduregard.

—Jenesaispascequetuluiasditmaisj'aimelafaçondontellet'arépondu.Ilétaittempsquequelqu'unteremetteàtaplace,luidit-ilenluifaisantunpetitclind'œilamusé.Asontour,illaissaAdelineencolère,seulesurlecanapé.

Adeline***

Ellecachaittellementdechosessoussonapparencedefillefacile,soussonmascaraetsonrougesangauxlèvres.Sesjupescourtes,sestalonshauts,samoueboudeuse...Toutenelleréclamaitl’argent facile et le sexe. C'est justement les choses futiles qu'elle désirait pour oublier l'hommequ'elleaime.AinsiPersonnenepensaitqu'ellesouffraitencoreetencore,d'unmalquineguérissaitpas,lemalducœurbriséparl'amour.Ellegardaitprécieusementdanssonpetitstudiounelettrequ'ellen'avaitjamaispuenvoyer.Quand la douleur était trop forte, elle la sortait de sa petite boite cachée derrière la télévision,s'asseyaitentailleursursonlit,écoutaitTennesseedeHansZimmersursonmp3etlisait:Paul,situsavais...Çametroueleventre,çamesoulève,çamedonneenviedetecrierquec'esttoi,quejet'aime,quejeteveux.Quejeconnaistoncaractèrechiantetquelquefoisarrogant.Quetesmanièresmefatiguentparfois,quetafaçondet'enfoutrem'hérisse.Tupassesdevantmoi, tues làmais tues inaccessible, fermé, tuasremis tonpanneau"Interdictiond'entrer ".Et j'ai enviede te serrerdansmesbras tellement fort que jepourrais réparer toutes lescassures, tous les doutes de la vie, toutes les incertitudes, lesmoments de solitude.Est-ce possibled'aimerautantouest-cel'imagequetumerenvoiesdemoiquej'aime?Sanstonregardjen'avancepas...jetrébuche,jedoute,jemeremetsenquestion.Ilm'arrivemêmedesombrer.J'aidésespérémentbesoindetoi,demeraccrocheràlaforcedetonregard.Etj'aimald'êtresanstoi,jenepensaispaspouvoiravoirmalàcepoint.Jenem'yattendaispas,jefaisaislaforte,jetedisais:

—Maisnon,net'inquiètepas.Etmaintenant,jevoudraistedire:

—Oui,inquiète-toi,çanevapas.Et tu me claques la porte au nez, tu fermes les volets et tu mets la musique à fond pour ne pasm'écouter,nepasmevoir.Dansmavie,jet'aivuentrerunjour,sansfairedebruit,ent'installantconfortablement.Tuasd'abordoccupé une petite place, dans le coin, rassurant. Puis tu as occupé le centre de toute la pièce, tul'éclairaispartaprésence, ta façondemefairesourire, tesyeuxquimecherchaient,metrouvaient,m'emmenaientcommes'iln'yavaitquenous.Maistunem'aspasditqu'ilfaudraitquejepartagece"nous"avecelle.Celleavecquituvisdepuisplusde12ans,quit'accompagnetouslesjoursdanslequotidien,quit'adonnétroisenfants.Et tu n'as pas eu besoin de me le dire, je l'ai deviné dans l'étincelle qui pimentait tes yeux, dansl'impétuosité de tes lèvres et de ta langue sur lamienne, dans ta façond'être vieux en étant jeune.Parcequ'à44anstudoispouvoirencorecroirequelavienes'arrêtepasàuneroutine,àunemaison,trois enfants, une femme, un jardin, à la pousse de ton herbe, à la senteur du romarin dans lesjardinières.Audétourd'unephrase,d'unrire,d'uneblaguepartagée, l'amourm'est tombédessussansque je leveuille. Tu es monmiroir, tu me comprends, tu me devines derrière les mots choisis. Tu aimes lesmêmeschosesquemoi,lesdétailsquifonttout,lessandwichesthoncrudités,lessaladesniçoisessanslesanchois,lerougeducoucherdesoleil.J'aime tes lèvres, tes yeux bleus, tes fesses, ta carrure, ta bouche, tes dents, ta carapace, tonacharnementàêtre tout le tempsoccupé, tes initiatives, tonbesoindevivre, tavoix, tonregard, tonsourire,lafaçondeporterlacigaretteàteslèvres.Tumerassures,meguides,mesoutiens,m'écoutes,meparles,mefaissourire,merendsbelle.Tuesmondouble.Etj'aipeur,parcequejepourraienvoyertoutbaladerpourtoi.Il te suffit de poser lamain surma joue, surmon cou pour que j'oublie tout. Tu as cette façon dem'embrasser, commesi tu t'accrochaisàmoipournepas tomber.Tusaisdéclencher ledésir, tumemordilles la lèvre,m'embrassesavecpassionpuisavecdouceur, tuembrassesmes joues,mon front,monnez,tumecroqueslecou,aspiresmesoreilles.Tesmainstiennentmeshanches,tum'attiresverstoi,tusoupiresettufermeslesyeuxpourquecesoitplusintense.Enl'espacedequelquesmois,jemesuishabituéeàtesmots,tadisponibilité,etunjourtoutachangé,tu as pris de la distance, ton regard s'est voilé, tu as détourné les yeux, tu répondais vaguement,

presqued'ungestevaguedelamain.Tufuyaismonregard,jetecherchaismaistun'étaispresquepluslà.Parpeur?Parintérêt?Êtreuneoption?Nonmerci.Ettulesavais.Tuvois,leplusdifficileaujourd'huin'estpasdementir,decacher,defairefaceàl'adultère,defairecommesiriennes'étaitpasséauxyeuxdesautres.Leplusdifficileestdetevoirtouslesjours.Je dépends de toi, je n'ai jamais su dépendre de quelqu'un et maintenant je coule, je me noie, jesuffoque,jeremonte,jeboislatasseetjetetendslamain...maistunel'attrapespas.Tum'asditunjourquetuétaismalheureuxdanstonbonheuretqu'ilfallaitdompterlesdouleursquelaviemetsurtaroutepourgrandir.Maisgrandirmesertàquoisitun'espaslà?Tu es parti, tu laissesun vide indescriptible enmoi.C'est comme s'ilmemanquait une jambepouravancer, sans toi je tourne en rond, jeme cogne. A quoi bon continuer sans ton regard surmoi ?Quandtuconnaisl'évidence,commentsereleverd'avoirperdularaisond'ycroireencore?Croirequelavievautlapeinedecontinuersanslapartageravectoi.Tedireàquelpointjet'aimeneserviraitàrien...Parcequetulesaisdéjà,toutcommejesaisquetum'aimes.Jeneteproposepasunevieàdeuxmerveilleuse,avecdespetitsdéjeunerslumineuxetchantant,jeteproposejusted'êtrenous...Elle plia la lettre soigneusement et essaya de faire disparaitre la boule de solitude au fond de sagorge…

GinoetSarah***

Il retrouvaSarah dans la cuisine, elle regardait par la fenêtre, il devina qu'elle essayait decontenir son énervement. S'apercevant de sa présence, elle se rapprocha de lui, les joues encorerouges,larespirationsaccadéeetlespoingsfermés.

—Sitoustesamisluiressemblent,çanemedonnepasenviedelesconnaitre.Ilsnesaventmêmepasdirebonjour,ici?!

—Ilssedemandentjustepourquoitoi,tunefaispaspartiedemeshabitudes.— Et tes habitudes ressemblent à des grandes quiches sans saveur qui pensent être

supérieuresauxautresjusteparcequ’ellessedisent"artistes"?

—Tuesunefemmeeccezionale,personneneparleàAdelinecommeça!Un sourire de fierté naquit sur ses lèvres, il fut sous le charmede ce caractère volcanique

qu’ilneluiconnaissaitpas.Ellesavaitsedéfendreetcelalerassura,ellepourraitaffronter,apprendreàsedébattrecontrelavieetàriposter.Ellereprit:

—Aulieudesedemanderpourquoi,ilsdevraientjustementêtreheureuxpourtoi!—SoyonsréalisteSarah,dansquelquesheurestuparset…Qu’attends-tudemoi?

Elle leva sonvisagevers lui et elleunvoilede résignationpassadans son regard,commesiellesepréparaitdéjààaffrontersondépart.

—Maisqueveux-tuque j’attendede toiGino?Que tuviennesmedélivrerdemaprisonpourm’emmenerloinavecmonfils?Quetumefassesdécouvrirtonpays,quejem’ysentebien,qu’ons’yinstalle,quel’onsoitheureuxtoutenotrevie?Leshappyendingsn’existentquedanslesfilms!

Jevoudrais justeque tume fassesdécouvrirque lavien’estpas finieune foisque tuesmariéeetmaman.Je…tu…j’aibesoindenous,j'aibesoinquetumeregardespourcequej'aiencoreàoffriret

nonpourcequimemanque…

Ilne lui laissapas le tempsde finir saphrase, il laprit tellement fortdanssesbrasqu’elle

bascula légèrement. Elle attrapa son visage entre ses mains, et plaqua ses lèvres aux siennes, leforçant à se coller contre le mur. Il laissa échapper un petit soupir de désir et leurs langues serencontrèrent, elle fit glisser sa bouche contre la sienne et aspira délicatement sa lèvre du bas. Ilmurmurasonprénom,sentantledésirl'engloutir,ilauraitpulaprendresurlatabledelacuisinelàmaintenant.

Elleseforçaàreculerpourmettrefinàleurrapprochement,etinnocemmentluidit.

—Cen’estpasjolideprofiterdemoicommeça,jepensaisqu’onvenaitparleràtesamisetpassepelotercommedesadolescents!

—Tumesautesdessusettumelaissesd’uncoup,c'esttoiquidevraisavoirhonte!—Allez,présentemoitesamis.Jepensenepaspouvoirsortirautantdemonuniversqu'en

étantavectoutetabande!

Ilsretournèrentdanslapiècedufond,personnen'avaitbougéetlamusiquecontinuaitdeserépercutersurlesfenêtres.Cettefois-ciGinos'approchad'unpetitgroupeetsetournaversSarah.

—HeyThomas,approchequejeteprésentemaSarah.Tunelaverrassûrementplusaprès,mais il est important que tu saches qu'elle est cet être spécial dont on parle si souvent et qu'onrencontre rarement. Jeneveuxpasquevousnousposiezdesquestionset lapetitealtercationavecAdelineseralaseule.Maintenantmontronsluicommentonsaits'amuserici!LasoiréesedéroulacommesiSarahfaisaitpartiedeleurcercledepuisledébut.Adelineallamêmejusqu'às'asseoiràcôtéd'elleet luiproposauncocktail,bientropchargé,maisdélicieux.Legoûtdelaceriseinondasaboucheavantquelabrûluredelavodkairradiesagorge.AprèsavoirbutroiscocktailsetfuméunecigarettespécialeavecThomas,Sarahsedétenditinstantanémentetleurtrouvaàtousunpetitquelquechosed'attachant,d'enfantin.Commes'ilsfuyaientlaréalitédelavie,bien tropdure à supporter, pour s'évader, décoller, profiterdemoments éphémèresmais tellementréels.

Jamaisauparavantelleneseseraitlaisséealleràrigolersansretenue,àfixerlesgensautourd'elle, à prendre part à leur conversation alors qu'elle ne connaissait rien à la sculpture ou à la

peinturedessièclespassés.Elledonnasonavis,sonimpressionetsonressenti,ellenes'offusquapasdupetitgloussementd'Adeline,nidesamainposéesurl'épauledeGino.Quelqu'uneutlabonneidéedechangerdemusiquepourmettreunmélangedezouketdesalsa, la lumière baissa doucement, certains continuaient de fumer, d'autres de danser et Sarah sesurprit à regarder le corps d'Adeline bouger. Il se dégageait d'elle une telle sensualité qu'elle endevenaitcaptivante.GinoenlaçaSarahparderrièreetluimurmuraaucreuxdel'oreille:

—Toiaussitupeuxdansercommecelaetjetegarantisquel'effetsera1000foismieux.Ellesecouanégativementlatête

—Jamaisjen'oserais... Ilapprochadeses lèvres le restede jointdeThomasetelle inspiraune très longue

bouffée.Toutd'uncoupSimons'immisçadanssespensées.—S'ilmevoyaitàcetinstant,ilauraitsûrementhontedemoi…Ellecompritqu'elleavaitparléàvoixhautequandGinolaregardaétonné,avecaufond

desyeuxunepointedereproche.IlpréféranepasreleverlaphrasedeSarah,ill'avaitprisecommeun petit coup de couteau, pourquoi pensait-elle à sonmari alors qu'elle était avec lui ?C'est à cetinstantqu'ildécouvritlesensdelajalousie,cesentimentquiteronge,quis'insèredanstesdésirs,quitedonneenviedeposséderlapersonneàquitutiens,dedevenirsonuniqueunivers…

SarahchassatrèsviteSimondesonesprit,lasensationquiparcouraitsoncorpsétait

indescriptible,ellecommençaàsesentirinvulnérable,intouchableetindépendante!Cederniermotlafitglousser, jamaisellenes'était sentieaffranchie,commesi les liensquientravéssa libertéd'êtreelle-même,venaientd'êtrecoupés.Ellelaissalamusiques'infiltrerenelle...Etlasoiréefutl'unedesmeilleuresdesavie!

Elledansasurlecanapé,ellechantaenduolachansondeMarvinGay"Ain'tnomountainhightenought",ellerigolaàs'enfairemalauventre,ellepleuraquandLucieluiracontaunepartiedesavie,elle tint lescheveuxd'Adelinependantqu'ellevomissaitdans les toilettes,elledit leschoses

qu'ellepensaitàl'instantsansymettredefiltre,ellen'eutpaspeurdesesentir jugée,nideparaîtretropinculteoupasassezmince.Toutaulongdesheuresquidéfilaient,ellesentaitleregarddeGinosurelle,un regardpleinde force,desoutien,d'encouragementetd'attention.Elle se sentaitélevée,soutenue, tellement intéressante. Ils rigolaient auxmêmesblagues, se lançaient des petits pics avecuneespiègleried'adolescents.Ilsseregardaient,secomprenaient,s'élevaient.Ilsavaientl'impressiond'êtreaubonendroit,aubonmomentetaveclabonnepersonnequivoussurprendàchaquefois.

Etlacomplicitéquilesunissaitàcemomentprécis,lespropulsadansunebulledepaixet

leur fit découvrir le vrai sens des sentiments. Il n'y avait plus de faiblesses, plus de forces, plusd'infidélité,plusdeblessures,depassé,defutur,iln'yavaitqu'eux,icietmaintenant,pourtoujoursetàjamais.

VerstroisheuresdumatinGinodécidaqu'ilétaittempsderentrer,lelendemainmatinSarahattaquaitunenouvellejournéedeformationetilnevoulaitpasqu'ellepasseàcôtédeça,pourlui.Elledevaitvivrepourelleetnonenfonctiondeseschoixàlui.

AllantcontrelavolontédeSarah,ill'entrainadehorspourremontersurleVespa.

—Jen'aipasenviedepartir!Jemesensbien!—Turestesavecmoijeneteramènepasmaintenant.Rienquenousdeux,çamesuffitSarah.

Illuimituncasquesansfilsurlesoreilles,AgreatbigworlddeChristinaAguilera,

commençaetSarahressentittoutescesdernièresbarrièress'effondrer,elleenlaçaletorsedeGinoetlaroutedéfila.Letempsavecluineluiparaissaitpluslemêmequechezelle,icitoutpassaitvite,toutétaitricheenintensité,enémotion.

Sarahnepensaniautempsquipasse,niaufroidquivenaitluimordrelecorps,elleneprêtapasattentionà lavitesse,à lacirculation.Elleneconnaissaitmêmeplus ladated'aujourd'hui.Rien n'avait d'importancemis à part le corps deGino devant elle, la puissance de ses épaules, lesentimentd'apaisement,d'êtrearrivéeauboutduchemin.

Acetinstantlemondeauraitpus'écrouler,elleauraitpumourir,avoirunaccident,cela

neluifaisaitpaspeur.Ellevivait,enfin!Ellesesentaitfondamentalementheureuse...Commesiellevenaitdedécouvriroùétaitsavraieplace.ElleculpabilisanéanmoinsenpensantquemêmeNoamneluimanquaitpastantqueça...

Maisnepaye-t-onpasunjour,unsigrandsentimentdebonheur,surtoutquandcelui-ciestvoléetcachéauxyeuxdesautres?Etsisapénitenceétaitderenonceràlui?

Ginos'arrêtaprécipitamment,arrachantSarahàsespensées.IlsdescendirentduVespaetretirèrentleurscasques.Ilssetrouvèrentsurunpetitparkingdésertiqueenpleinmilieud'habitationsparisiennes, des petits immeubles de deux ou trois étages. Tous blancs, sans aucun charme, nidistinctionsparticulières.Ginoluitenditlamain.

—Viensavecmoietfermetesyeux.Elles'exécutasansposerniquestionsnirésistances,curieusedesavoircequ'ilpouvait

bienencoreluifairedécouvrir.IlposalecasquesursesoreillesetelleentenditfaiblementlamusiquedeRadicalface,Welcomehome.

—Jecomptejusqu'àtroisettuouvreslesyeux…ElleouvritlesyeuxetdécouvritunepartiedeParisàsespieds.Ilssetrouvaientaubord

d'une petite colline surmontée demaisons, les lumières éclairaient chaque petite rue, chaque coincaché.Ilallumaunecigarette,laluitendit,retiralecasquequ'elletenaittoujoursàlamainsetreculad'unpaspourlalaissersavourercettevue.

Lesentimentd'apaisementqu'elleavaitressentisurleVespalasaisitdepleinfouet.Elle

inspiraunelongueboufféed’oxygène,laissantsesmusclessedétendreetsatêtesevider.Ilnerestaitautour d’elle que le silence d’une ville endormie et un homme qui lui faisait découvrir qu'il étaittempsd'apprendreàvivre.

Ilvintseplacerderrièreelleetentourasataille.Ilsrestèrentainsiplusieursminutesà

savourercetinstant.Puisillafitsetournerverslui,ilreplaçaunemèchedesescheveuxderrièresesoreillesetcegestetendreluifitbattrelecœurplusrapidement.Illuiditdesonaccentgrave:

—Tuescommeunechansonquejeneconnaissaispas.Jet’aidécouverteilyaplusdedeuxjoursetmaintenantjet’entendspartout,jeconnaistonrefrain,lesmélodiesdescouplets.Jeteconnaisparcequejemeconnais.Jenesaispasdequoidemainserafaitmaisjemesensbienlorsquetueslà.Cettesoiréeavectoidansmonuniversm’aapprisqu’ilnesuffitpasdedonneràunefemmeunemaison,ilfautqu’ellesesentechezellejusteenétantavectoi.Ilnesuffitpasdelarendremère,ilfautqu’ellesesentefemmeavant

tout.Ilnesuffitpasd’êtregentiletphysiquementprésent,ilfautsavoirluidirenon,luiparler,lafairerire,lafairedevenirelle.Ilnesuffitpasd’êtreaimantdevanttoutlemonde,ilfautluimontrerqu’ellecomptepourelle-même,quetul’aimespourcequ’elleestetnonpourcequ’ellereprésentefaceauxautres.Tu sais Sarah, j’ai un caractère dominant, fort et indépendant mais tu me pousses dans mesretranchements.Jecherchetonsourirederrièremesairsd’italiensûrdelui.Tamaindanslamiennemedonnelecourageetl’envied’avancer.

Avecuneinfiniedouceur,illaserracontrelui,sentantsescheveux,savourantlachaleur

desoncorpscontrelesien.

—Jeteprometsquerienneserapluspareil.D'ailleurs,rienn'estdéjàpluspareil.Quelques fois les choses ne se passent pas commeon aimerait. Il arrive qu'elles se passentmieuxqu'onnelepense…

Ellenetrouvaaucunmotjuste,elleenavaitentendudescentainesdeparoles,demots

enrobés,débordantdeniaiseriemaisellesavaitqu’ilavaitraison.Elleselaissaallercontrelui,fermalesyeuxetinspiraleparfummélangéàl’odeurdesesvêtements.

—Ilesttempsderentrer,demainarrivevite.Sarahn’opposaaucunerésistancequandill’accompagnasurleVespa.

—Noussommesplusprochesdetonhôtel,veux-tuquejeteraccompagne?—Resteavecmoi,letempspassesivite,jeneveuxpasperdredutempsàêtresanstoi.Demain

matin j’irai récupérer mes cours dans la salle de formation et nous passerons la journéeensemble,elleseravisa.Enfinsituleveuxbien…

—Çanem’arrangepas,Adelinem’attenddansmonlit!Iléclatad’unrirecommunicatifetdevantlaminesévèredeSarah,ilrigoladeplusbelle.

—Tusaisquejeplaisante!Biensûrquej’aienviedepasserdutempsavectoi!Allezviens,rentrons.

Enunevingtainedeminutesilsarrivèrentdevantl’hôtel,Ginogaralescootersurune

placeréservée.Commesitoutecettesituationleurparaissaitlogique,ilsentrèrentmaindanslamaindanslehall.Ilsnedirentrienenattendantl’ascenseur,secontentantdeladouceprésencerassurantedel'autre.Ildessina,avecsonpouce,despetitscerclessursamain.Lesportess’ouvrirentetelleattiraGinoàelle,lesaisissantparlecoldesaveste,elleseplaquacontreluietl’embrassaavecforce.Cettefois-cic'estellequidonnaitlerythmeàleursbaisers,quiinséralalangueentreseslèvresetpassalamainsur ses fesses.Elleeutbesoindesentirqu’il avaitenvied’elle, toutdesuite, sans retenue. Ilsarrivèrentautroisièmeétageetdurentseséparerpourmarcherjusqu’àlachambre.Ilsselancèrentdesregardschargésdetentation,leurbullelesencerclaplusencore.

Unefoislaportedelachambrerefermée,ilssejetèrentl’unsurl’autre…Ginoluifit

découvrirdespartiesoubliées,délaissées.Sarahluifitprendreconsciencequeleplaisirnedominerajamaislessentiments.Etquelemeilleurétaitdemélangerlapassionetl'abandon,latêteetlecorps,lessentimentsetleplaisir,lebienetlemal.

Ilsprirentleurtemps,firentmonterledésirpetitàpetit.Ilembrassasapeaudouceet

sucré, fit courir ses doigts sur chaque grain de beauté, les laissa glisser, pianoter, s'attardaparesseusement sur la zone si sensible et délicate entre ses cuisses.Elle luimordit délicatement lecou,lesépaules,laissasalanguefaireletourdesoncorps,etfinitparleprendredanssabouche.Iln'ytintplus,illuidemandadevenir,ilvoulutlasentirautourdelui.Ill'attira,passasajambeautourde son torse. Il fit durer les choses, s'attardant quand la pression était trop forte, quand le désirdevenaitincontrôlable.

Ce fut commedesmillionsd'explosions, des envolésdemilliers de libellules, des

centainesdefeuxd'artifices.Elleeutl'impressionquesoncœurnesupporteraitpasautantdeplaisir,quelesbattementsallaientfaireexplosersacagethoracique,ellecriasonprénom,lesuppliad'arrêtertellementlaforcedel'orgasmeluicoupaitlesouffle.

Ilsseretrouvèrenttouslesdeuxhaletantsettranspirantsdanslesbrasl’undel’autre.Ill'attiracontresontorse,luiembrassalefront,dégageadescheveuxhumidesdesoncou.Pleindefatigueilsne prirent pas la peine de se laver et s’endormirent blottis l’un contre l’autre, peau contre peau,jambesentremêlées.

Quatrièmejour***

Sarahseréveillaensursaut.Ellesefrottalesyeuxetserenditcomptequ’elleétaitdanssachambred’hôtel.ElledétournalatêteetdécouvritGinoendormiàsescôtés,unsourireinnocentetsereinauxlèvres.Ellenevoulutpasleréveilleretsortitdoucementdulit,ellesefaufiladanslasalledebainetprit une bonne douche. Saisissant son téléphone, elle regarda l’heure…08h37. Parfait, pensa-t-elle,

justeletempsdemeprépareretd’allercherchermesaffairesensalledeformationavantquetouslesstagiairesarrivent. Elle ne se demanda pas ce que le formateur penserait de son départ précipité, ni desrépercussionsquecelacauserait.Toutpassaitaprèscettedernièrejournéeaveclui…Nonpastoutenfait.Ellepianotasursontéléphone,écoutalessonneries,lemessaged’accueiletdit:

—Bonjourc’estmoi,unpetitmessagepoursavoirsitoutsepassebienàlamaison?Noamvabien?Ilabiendormi?Jerentrecesoir, jevaisdevoirprendreun trainplus tard jepense, j’aiencorebeaucoupdechosesàvoir.Maisjetetiensaucourant.Jet’embrasse.Trenteminutesplustard,sesaffairesdeformationrécupérées,sonhorairedetrainconfirmé,ellesepenchadoucementsurlelit,caressalevisagedeGino,dégageantlescheveuxdesonfrontetl’embrassa.

—Deboutlabelleauboisdormant,j’aifaim!

Avantmêmed’ouvrirlesyeux,unsourireilluminasonvisage.IlattrapaSarahetlafittombersurlui.Ilrespirasescheveux,glissalamaindanssondosetluimordillal’oreille.

—Une journée rienqu’ànous, laisse-moi le tempsdeprendremadoucheet je t’emmèneprendrelepetit-déjeuner.

—Etsijeveuxfaireungrand-déjeunerjepeux,luidemanda-t-ellemalicieuse?

Il fit couler l’eau longtemps sur son cou et ses épaules, s’imprégnant de la sensation deplénitudequil’envahitensachantqueSarahl’attendaitdel’autrecôtédelaporte.Sesentirimportantavecelle,àsaplace,iln’auraitvouluêtrenullepartailleurs.Ils’essuyaavecunedesdeuxserviettes,peuluiimportaitqu’elleaitdéjàservi,aucontraire,Ginoadoraitl’idéequeSarahs’étaitessuyéeaveclamêmeserviette.Commes’ilspartageaientencoreplus…

Unefoissortidelasalledebain,ilsprirentleurmanteauetsefaufilèrentdanslaruedevantle

Campanile.SonbrasenroulalesépaulesdeSarahetilsmarchèrentcollés,sanssepresser.Lefroidrenditleursjouesrouges.Lesparisienspassèrentsousleurnez,leurfaisantdesqueuesdepoisson.Lesoleil avait dumal à percer la couche de nuage.Un couple de touristes chinois les dévisagea.Un

chien promené en laisse faillit les faire trébucher. Sarah grava tout cela, photographia ces instantsmentalement.Ellemâchouillasalèvreetsedit,quebonsanglaviepeutêtrebelleetsimple.

Quelquesmètresplusloin,ilsentrèrentdansunpetitcafé-boulangerie.Elledénoualestroistoursd’écharpeautourdesoncouetsefrottalesmainspourseréchauffer.Ilregardalavitrineavecgourmandiseetpassalacommande:

—Bonjour,deuxpainsauchocolat,unemascotte,uncafécrèmeavecdusucre,uncafénoirallongésanssucres’ilvousplait.Surplace.

Sarah remarqua tout de suite la serveuse faire desminauderies, des grands sourires, joueravecsescheveuxenservantGino.Ilfautdirequesoncharmedevaitêtreunatoutpourdraguerlesfemmes…Unepetitepointedejalousieluipiqualeventre,elleneputs’empêcherdepenserqu’ilétaitàelle,aumoinsencorepourquelquesheures.

Ginonese renditcomptederien,bien tropoccupéàsedemandersiSarahnevoudraitpas

autrechoseàmanger…Ils s’installèrent sur une petite table ronde dehors, devant la devanture. Il avait du mal à

supporter les endroits confinés, préférant sentir le vent sur lui.Ainsi il put fumerune cigarette enmêmetemps.Elleadoraitregarderlesgenspasser,s’imaginerleurvie.

—Celui-ci,dit-elleenpointantdudoigtun jeunehommeencostume,vientde trouveruntravaildansunebanque.D’ordinairesûrdelui,ilcommenceàdouter.Sedisantqu’ildevraitlaissertomberetallerfairedel’humanitaire.Maisilvientderencontrerunefemme,savoisine,ilsouritrienqu’enpensantàelle.Tuvoiscommeilbombeletorseetseredressepourmarcher?

Ellebutunegorgéedecaféavantdetrempersaviennoiseriededans.Ellefittomberquelquesgouttessurlatable,nes’enrenditpascompteetcontinua.

— Elle, c’est une danseuse dans un cabaret. Elle revient d’une soirée arrosée avec songroupedecopines.Ellesontbuetrigolétoutelanuitenmaudissantleshommes.

—Vous,lesfemmes,vouspenseztoutletempstombersurlePrinceCharmant,enItalieelless’attendentpresqueàcequ’unhommeleurchantedeschansonsd’amoursouslafenêtreavecunerosedanslabouche.Arrêtezdenousidéaliser,etarrêtezdevouloirnousfairechanger!

— Pas changer, mais évoluer, grandir, avancer, tomber, soutenir, faire rire surtout ettoujoursnousfairecroirequenouspouvonsréaliserdebelleschoses.

—TuasréponseàtoutmaSarah.J’aimebien.

Ilmorditdanssonpainauchocolat.

—Quelletristesseunefemmesansrépartie!C’estcommeParissansmonumentshistoriques,ontourne en rond, rien de spectaculaire à visiter. Etmoi j’aime lesmontagnes russes, il faut que çabougeetqueçachamboule!

Illuidéposaunbaisersurlenez.

—Allezenroute,assezmangé!

Ilsrepartirentendirectiondel’hôteletGinoallachercherleursdeuxcasques.

Il l’emmena se promener au parc des Buttes Chaumon. Napoléon III, dans sa quêted’aménagementdeParisetpouramourpourlesgrandsespaces,décidad’aménagercettebuttenonfertile en un jardin de 25 hectares pour son bon plaisir. Ils longèrent le lac, ils s’arrêtèrent pourregarderlamajestéd’unarbrecentenaire,unoiseausepavanant,oujustepoursavourerlemomentprésentetcegoûtdeliberté.Ginopensaquelaplusgrandedeslibertésestdechoisirlapersonneavecquilapartager.

Sarah souriait, contemplait, respirait enfin, débloquant la sensation d’oppression dans sa

poitrinequis’étaitaccumuléeaufildesannées.Elleseconfia:

—J’avais six ou sept ans, j’apprenais à lire. Tous lesmatinsmon pèreme réveillait uneheureavantmes frères et sœurs, c’était notremoment à tous lesdeux.Ça sentait le café, lesdrapsfroissésetlepaingrillé.Ilmedisait:"AllezlispourmoiSarah,pendantquej’épluchelespommesdeterre".Illefaisaitquasimenttouslesjoursavantdepartirautravailafinquemamèren’aitpasàs’enoccuper.Je butais sur lesmots, décortiquais les phrases. "Mets y des intonationsma fille, sinon commentapprécierleschosessiellessonttroplisses?"Jem’appliquais,j’essayaisdecomprendrelesmotsavantdelesdire,delesassemblerpourenfaireunevraiehistoire.

Monpèren’ajamaisétéexpressif,pasbesoindemotscheznouspourseprouverleschoses.Quandjelisais sansm’interrompre, je sentais son regardpleinde fiertéposé surmoi, et çamedonnaitdesailes!J’ai su lire en un rien de tempsmais je continuais àme lever une heure avant tout lemonde. Jechoisissaismoi-mêmeleslivres,lespassagesetquelquesfoisj’improvisais!Monpèrelevaitalorslesyeuxetunpetitsourireéclairaitsonvisage,ilsavaitquej’inventaismaisnem’interrompaitjamais.

—L’imaginationestplusfortequetoutSarah,plusfortequelavolonté,queledésir,parcequ’ellen’apasdelimite,ellepeuttoutcréer,toutaffronter.Avecl’imaginationtudeviensmaîtredetesémotions.Siunjourunepersonneterabroue,veutterabaisser,contentetoidefaireappelàtonimagination.Imaginelesscènes,lesmotsquetuluidirais,imaginetoujoursetunjourtuserasassezforte pour que ton imagination prenne le pas sur la réalité. Et à ce moment-là tu deviendras unepersonnebienplussolideque toutes lesautres.Car il fautde la forcepourcontinuerd’avancer,seremettre en question. Les gens faibles s’en prennent aux autres, c’est bien plus facile que de s’enprendreàeux-mêmes!Etpuisj’aigrandi,jesuisdevenueuneadocommetouteslesautresetj’aiarrêtédemeleverplustôt.Avecmonpèrenousavonsgardécelien,sansparler,sanss’appesantirsurleschoses,illesdevinait,lessentait.Aujourd’huiilestlà,ilveilledeloin,ilm’accompagnesurlechemindesannées.

Ilss’assirentsurunbanclongeantlelac,lesbranchesd’unsaulepleureurtombèrentdevant eux, les plongeant un peu plus dans leur bulle. Il la prit dans ses bras, lui embrassaaffectueusementlescheveux.Ellecollasonnezdanssoncou,fermalesyeux,inspirabienfortpoursesouveniraumaximumdesonodeur.

Ilsnebougèrentpaspendantplusieursminutes,savourantletempsquipasse,leventdanslesfeuilles,l’odeurdelaterrehumide,lesquelquesrayonsdesoleilquisereflétaientsurlelac.

Ginonesesentaitpluslebesoindeluiparlerdeschosesdesavie,ilvoulaitsimplementselaisserglisser,l’écouter,sesaoulerdesconversationsdeSarah.Emmagasinerchaquedétails,sesyeuxqui seplissentàchacundeses sourires, sa façondemordiller sa lèvre,d’admirer leschosesautourd’elle,sonnezquivientsenicherdanssoncouàlui,ladouceurdesapeau.

Ilvoulaitmettreledoigtaussisurlaforcedesoncaractère,surlaprofondeurquise

dégageait de son regard, sur sa soif d'écouter et d'être entendue. Sur son besoin d'être, d'existeruniquementparelle-même,sursavolontédedévorerchaquechose,d'ouvrirgrandslesyeuxetd'en

prendrepleinlafigure.

—J'ail'impressiondesentirentoiuneformederage...Commesitutebattaiscontretoi-même.Jelesensquandtonregards'enfuitloinderrièremoi,quandtuserreslespoings,quandtuessayesdeme faire croire que tout va bien, que nous n'avons que quelques jours à nous offrir et qu'il fautprendreleschosesainsisanschercherplus.C'estcommedudésespoir…

—Tu sais je suis en colère contre les personnesqui sont censées t'aimer plus que toimême.Quandtuaimessincèrementunepersonne,avectestripes,avectonâmeentière,tuescensétoutfairepourqu'elleréussisse.Pour luifaireréaliserqu'elleestunique,qu'elleenvaut lecoup,qu'ellepeutaccomplirsesrêves.Tulapoussesverslehaut,mêmes'ilfautlasecouer,luifaireprendreconsciencedeschoses,mêmesidesfois,çafaitmald'ouvrirlesyeuxetdeseremettreenquestion.Ettuessayesdefaireressortirlemeilleurd'elle.Tul'écoutes,tupartages,tudis,tutelivres,tutemetsdecôté.Tuneluifaisniperdreconfianceenelle,nisesrêvesdevue.Jemerendscomptedetoutcelaavectoi,grâceàtafaçond'être,demerendreàmoi-même,d'ouvrirdesyeuxquiétaient justeentrouvertsdepuis troplongtemps.Tucroisquec'estsimplepourmoiderecevoirtellementdetoialorsquejedevraisl'avoirchezmoi,dansmafamille,auprèsdemesfrèresetsœurs?Jesuisencolèreparcequejemerendscomptequel'onestseul,seulfaceàseschoix,seuldanslescombats.Jevisà traversleregarddesautresetseconstruireaveceuxrevientà jouerunepiècedethéâtre.Quand le rideaus'abaisse tun'esplus,personnen'est làpourposer son regardsur toiet tefaireexister…Tuesseul!Ouijesuisencolère,parcequesituaslemalheurdefaireunpasdetravers,tuesmontréedudoigt,jugée,catégorisée.Maisquipeutàcepointêtreau-dessusdemoipourjustifierquesonaviscompteplusquelemien?Jemerendscomptequejedeviendraisquijesuislejouroùleregarddesautresnemeconstruiraplus,maisjedeviensmoigrâceàtoiGino.Jesuisencolèrecontre les lâcheset lesdonneursde leçons.Contre lesgensquinedisent rien,encolèrecontrelavieparcequ'ilyalamortquivaavec.J'aiétéencolèredansmonproprebonheuràcausedeceuxqui jugentd'unregard,qui te rabaissent, tesoulèventetpuis t'écrasentausol. J'enaimarred'êtreencolère,jeneveuxplusl'être.Etc'estmaintenantquej'exprimeenfintoutecettecolèrequimerongeparcequedepuistoij'aienvied'êtremoi.

Sarahreprissonsouffle,chassalescheveuxdedevantsonvisageetsetournaversGino.

—Tuneveuxplusêtreencolèrealorsarrêted'attendredesmots,uneprésence,desbras,desactes.Tuattendspourrien,parcequelesvraieschosesnes'attendentpas,ellessedonnents'échangentetseviventauprésent.Tuneveuxplusêtreencolère,alorsmarchetoujourslatêtehauteSarah,commecelatuaurasplusdehauteuretdereculsurleschoses.Tupourraslesaffronterdepleinfront,sansplier,soisbienstablesurtespieds.Nelaissespaslemoindresouffletefairedéfaillir,nelaissepaslesimpleregardd'unepersonnetefairedouterdecellequetues.Nelaissepluslesgenst'atteindre.Grandis.N'oubliespasquetonbien-êtredépendessentiellementdetoietdecequetuveuxbienlaisserentrerdanstoncœur.Nebaissesjamaislatête,regardesleschosesdanslesyeux,affrontesles,ettuverras,çairamieux.Disaussimerciàceuxquetefontdumal,ilst'aidentàdevenirunepersonneplusforte.

Du doigt il caressa sa joue et il leva son visage vers le sien pour l’embrasserdélicatement.

Al’heuredudéjeuner,ilss’installèrentdanslapetitebrasserieduparc,ilcommandadeuxcroquessaladeetdeuxgrandsverresdecidre.IlsparlèrentdutravaildeSarah,desesdossiers,il lui raconta ses toiles, son aspiration à exposer un jour. Les heures défilèrent…Vers 13h30 ilsreprirentleVespa.

—Retournonsàtonhôtelpourquetuprennestesaffaires.Jeveuxteramenerchezmoiunedernièrefois.

Sarahdétestaitlesmots"dernièrefois".Elleressentaitunvideenlesprononçant,unlivrequi se ferme, une main que l'on agite au loin, une disparition définitive. Cela l'avait toujoursangoissée…

Illadéposedevantlehalld'entréeetchoisitdel'attendredehors,ilenprofitapourfumerunecigaretteetessayer, tantbienquemal,derefouler lesentimentdesolitudeetdepaniquequi lesubmergea.

Ellemontalestroisétagesàpieds,attrapasongrossacetfourratoutdedanssansprendrelapeinedeplier.Ellevoulutfairevite,nepaslaissercoulerleslarmesquimenaçaientdetomber.Elleseregardadanslemiroir,soufflaungrandcoup,s’aspergealevisaged’eauetseditàhautevoix:

—Tut’attendaisàquoimafille?Quecettejournéeduredesannées?Ilesttempsdereprendrelecoursdetavie.Tunepeuxpasêtreégoïste.Allez,zou,essuiesteslarmes,sourisetvasvivrelesdernièresheuresquiterestentaveclui.

Elle ferma laportede sa chambre, jetaundernier regardenarrière, sur lesdrapsfroissésdesanuitaveclui,surlesserviettesdebainmélangées,etpartitpayersesnuitsd’hôtel.

Ginol’attendaitassissurlepetitmuretdevantl’hôtel,pâle,illevaverselleunsourireteintédetristesseetluitenditlamain.

—Jenepensaispasqu'onpouvaitressentirunattachementsifort, jenelesavaispas.L’heureapproche,tuvasrepartir,tuvasmelaisserseul.C’estdur.

Elles’approchaetleserrafortcontreelle,glissalamaindanssescheveux,luimurmuradesparolesrassurantesetluiditquepersonnen'avaitditquelavieseraitfacilemaisqueçaenvalaitlapeine.

Ils rentrèrentchezGinoet firent l’amouravecbrutalité,commesi lemondedevaits’écrouler. Elle s'accrocha à lui pendant qu'ils étaient unis, elle lui griffa le dos et les fesses. Ilaccélérasesmouvementsdevaetvientets'arrêtaitpourlareprendreencoreplus.

Blottis l’un contre l’autre dans le lit,Gino laissa évacuer le flot de paroles qu’ilcontenait, il ne voulait pas que la pensée qu’ils aient commis un acte impardonnable etincompréhensibleauxyeuxdesautres,puisseprendre ledessussur lessentimentsqu'ils ressentent,puissesalirleurhistoire.

—Doit-on demander pardon lorsqu’on se laisse aller, que l’on profite de ce que la vie nous

offre,quel’ontombesuruneaussiintenseparenthèseinattendue?Doit-ondemanderpardonquandlapersonnequivousfaitvoussentirvivantn’estpascellequipartagevotrefoyer?Quandondécidedevivrepoursoi?Riennesauraplusfortquelesouvenir.Ilarrivequenotreespritdécidedeneplusserappelerdecertainsmoments,desensations,desentiments,lapersonnequetuasleplusaiméepeutdevenirinexistanteàtesyeuxmaiscelanedurequ’untemps.Après,chaquedétailtefaitpenseràelle,chaqueendroit,etmêmelesodeurstefonttesouvenirdetout.C’estcelaleplusdifficileàgérer.Etjesaisdéjàquej'auraimal,tuesmafaiblesseSarah,jesuispeut-êtrelatentationdumalmaisonlesaittoutletempsquedubienpeutendécouler.

NetetorturepasSarah,tunepourrasjamais,mêmeenquittanttonmari,oublierceluiquetuasaiméaudébut.Parcequ’aujourd’huitunevoisquelepire,maisleslendemains,tuverrascequitemanquevraiment, le sourire dumatin, l’odeur de son café, ses commentaires devant les films à la télé, etmêmesafaçonderâler.Tutedirasquefinalementcen’étaitpassimaletquecelas’appellelespetitsbonheursduquotidien.

— Tu essayes de me faire déculpabiliser d’avoir été infidèle ? Mais juste en ayant dessentimentspourtoi,jelesuis.Cen’estpasparcequejesuisdanstonlitquec’estpire.

Outuessayesdemedirequec’estmieuxpournousquejeretournechezmoiauprèsdemonmari?

Ilneréponditpasàsesquestions,laregardaintensémentetunerévélations'infiltraenlui.

—Tuesmonâmejumelle,lemiroirquimereflète.Lesancienspensentqu’ilexistedesâmesjumelles, ce sont bien plus que des âmes sœurs, ce sont des âmes qui se connaissent depuis leurpremière incarnation. Comme l'histoire d'Isabelle et Maxence…C’est ce sentiment de déjà vu, deconnaîtrelapersonnemieuxquesoimêmealorsquel’onvientjustedelarencontrer.Ilparaîtqu’ilfautrestertoutletempsl’espritouvertpouravoirlachancederencontrersonâmejumelle.

Nous nous sommes rencontrés Sarah. Tu as fait naître cette étincelle en moi, je me suis réveillédepuisquetueslà.Etjeteconnais,jepourraisdevinertesréactions,jesuischezmoiavectoi.Nousne formons qu’un. Désormais rien ne sera plus jamais pareil parce que nous savons que noussommeslamoitiéd’untout.

Maisn’êtreplusqu’unnesignifiepasqu’onseraheureux,ceseracompliqué,durd’êtreséparés.

—Aquoibonseretrouversil’ondoitseséparer?

—Les anciensparlentd’une leçondevie, celadoit nous élever encoreplushautpourquel’onpuisseseretrouverdansnosprochainesvies.Maispourcela,ilfautquel’onapprenne,quel’ongrandisse.

—Celamesertàquoidegrandirsitun’espaslàpourlevoir?

— Mais les âmes jumelles se ressentent Sarah. Je ne serai pas là physiquement mais jeressentiraitaprésenceettoilamienne.Jefermerailesyeuxettuseraslà.

SarahsesouvintdupremierrêveoùGinoluiétaitapparuetdécidadeluiraconterleur

rencontredansunchampdecoquelicots.Laseulefleurparmidesmilliersquifanequelquesinstantsaprèsavoirétécueillie.

—Elleestd’unrougeprofond,d’unebellesimplicité,elleportesatêtebienhauteetsefichedepousserautourdeschampsouenborduresderoute.Elleestéphémère,belle,sesuffitàelle-mêmemais une fois cueillie, ellemeurt. Et si notre histoire ressemblait à cette fleur?Nous n'avons pasbesoind'êtrecoupés,détachés,miseenévidencedansunvaseauxyeuxdetouspourexister…Nousavonsjustebesoindetrouverlebonendroitpourvivre…

Sarahregardasamontreetunebouleluinoualagorge,elleneputriendiredeplusetdans

uneinspirationelleserelevadulit,sansunbruitenfilasonjean,passasontee-shirtàmêmelapeauetenfila ses chaussures. Il fallait qu’elle ne réfléchisse pas et qu’elle agisse vite. Elle fit le tour del’appartementpouressayerdenerienoublier, fairevite, toujoursplusvite,pournepas laissersespenséesintervenirdanssesactions.

Ilréalisa,enlaregardantpréparersonsac,rassemblerdesmorceauxdeleurhistoire,quetoutsimplement, il l’aimait.Que sonmondeétaitdevenuelle,qu’ilnevoyait riend’autreque sesyeuxdanslessiens,qu’ilattendaitchaquemotsortantdesabouche,qu’iln’avaitqu’unepensée,qu’unmot,qu’undésir:Sarah.Ilcompritqu’ilfaudraitqu’ilapprennedésormaisàrespirersanselle,ànepluscherchersonregard.Qu’ilapprenneàparlerd’elleaupassé.Qu’ilapprenneànepasl’attendre.Maisilsavaitqueceseraitlecombatleplusdifficiledesavie,celuicontrelequeltucombatschaquejourde l’année, celuiqui te saigne,ouvredesplaieset en refermed’autres. Ildevrait avoir la forcedecontinuer, lavieest faiteainsi, lechoixn’estpaspermis, soit tuvissoit tu te laissespartir. Ilavaitemmagasiné tellement de beauté en quatre jours qu’il pourrait vivre encore plusieurs années encouleurgrâceàsonsouvenir.

Ilchoisitdenepasparler,deneriendire.Ilnevoulutpas,qu'enouvrantlabouche,soncœurparteavec le flotdesmots. Ilyades fiertésquiempêchent lechagrindepasser. Il se sentit faible,vulnérableetpréféraselever,toujoursêtreenaction,nepasréfléchir,avancer,s’habiller.

Avantdepartir,illuiglissaunfeutrenoirdanslamain.Devantsonregardinterrogateurilluidit:

—Tutesouvienslapremièrefoisquetuesvenue?Jet’aimontréuncoinlibresurlemurdupallierpourquetuymettesunmot.

Elleattrapalefeutre,seglissaderrièrelaporte,fixalemuretchoisituncoinvide.Elles’agenouillaetcommençaàécrire:

Nousavonstousdébutédanslaviedequelquefaçonquecesoit…Mondébut,c’estquandtuesarrivédanslamienne…

Pendantcetemps,ilpritlesaffairesdeSarah,fermalaporteàclésetregardalafemmequ’il

aimaitluilaisserunderniermessagequ’ilpourraitlireencoreetencore.

Arrivésenbasdesescaliersilluipritlamain,s’yaccrochafermementetnelalâchaquepourlafairemontersurleVespa.IlposalegrossacentresesjambesetlutlebilletdetrainqueSarahluimontraafinqu’ilsserendentàlabonnegare.

Une fois le scootergaré, il l’emmenadansunepapeteriedans lagare, il se rendit dansunrayon,choisitdeuxcahiersidentiques,lespayaàlacaisseetretrouvaSarahdevantladevantureenluitendantundescarnets.

—Quand j’en aurai besoin je t’écrirais sur ce cahier, tu feras pareil. Ce sera notre appeltéléphoniqueànous.Etpeut-êtrequ'unjournouspourronséchangernoscarnets.Tuesd’accord?

Elleacquiesça,luisourit,neputriendire.

Ellenevitplusnilafoule,nilesnéons,lesdevanturesdesmagasins,elleneressentitnile froid, ni l'impatience, nimême le désir de partir. Elle ne vit que ses yeux à lui, les promessesqu'elleylisait,lasoifdudésir,etcetteéternellesensationdeleconnaîtreplusqu'elle-même.

Ilssefixèrentsansciller,sanssedétacher,commeseulslescouplessolidespeuventle

faire. Elle se noya dans son regard, attrapa ses non-dits, ses rêves, ses blessures, son amour quidébordaitdechaquecoindesoncorps.Elleauraitpuluidiredestorrentsdephrases,enchainerlesmots sansmettre ni points ni virgules, lui déverser l'évidence de leur rencontre.Leur silence étaitencoreplusfortquetoutcela,ilsignifiaittout,c'estcommes'ilsvenaientdedécouvrirl'essencedelavie,lepremiersentimentressentiparunêtrehumain,lathéoriedubigbangetdel'univers.

—Jedétestelesaurevoir,jenesuispasfortepourça.JedétestelesdernièresfoisGino,jene

saispasfairefaceàelles…Illuipritlesmains,lesportaàseslèvresavantdelesembrasseretluisouritfaiblement.

—Alorsdis-toiquel'onneseditpasaurevoirmaisàbientôt.Letempsquipassenesignifierien, ne change pas les sentiments. Et puis qui a dit qu'une vie durait bien une vie et non dix ?Quoiqu'ilarriveSarahdanscelle-cioudansuneautre...IlessuyaunelarmequitombasurlajouedeSarah,luicaressalefront,fitcourirsesdoigtssurseslèvresetfermatrèsfortlesyeux.Ilsentitqu'ellesedégagea,iléprouvaunvideetn'ouvritpaslesyeux.Ilrestaainsidelonguesminutes,essayantdenepastomberdanslegouffrequivenaitdesecreuser dans sa poitrine, envoyant valser tout autour de lui. Il sentit sa tête tourner, son cœur

s'emballer,uncrivoulutsortirdesabouche,ill'étouffaavecsonpoing. Elle attrapa son sacposé à sespieds,marcha à reculonspour levoir encorequelquessecondes,puisseretournaetpartitencourant.Ellebousculaunefemme,ouunhommeellenesutpas,sespasmartelaientlesol.Satêtetambourinait,elleavaitenviedevomir,decrachertoutesadouleur.Commesil'amourétaituneputaindemaladie,ilfallaitqu'ellel'évacue,qu'ellelevomissedetoutessestripespoursesoulageretqueladouleurrevienne,parvagues,deplusenplusforte.Pourensuitetoutvomirencoreetencorejusqu'àcequ'ilneresteplusrienàenlever.

Ellecourutsanss'arrêter,leslarmesnoyaientsavision,mouillaientsonécharpe,s'écrasaientpar terre.Ellenes'arrêtaquedevantunwagonet s'yengouffraenvérifiant lenumérodu train.Cetrainquiallaitlaramenerchezellemaisl'éloignerd'elle-même.

Nesurtoutpaspenser,nesurtoutpashurler,nesurtoutpasfairedemi-tour.Avancertoujoursmêmesicelafaisaitmal.

Elleattenditqueletrains'emballe,semetteenmarchepourrespirervraiment,reprendredegrandesboufféesd'air, ellen'avait pasvuqu'elle suffoquait.Elle laissa sonesprit vagabonder, elleregardalesderniersimmeublesparisiensdisparaîtreparlafenêtre.Etpetitàpetitelleserésigna,ellepritconsciencedetoutcequi l'entourait,desonfoyer,dusacentreses jambesqui luirappelaitsesresponsabilités,sespetitsmomentsdeplaisiravecsafamilleetsesamis.

ElleremitsonpetitcostumedeSarahMartin, laSarahduquotidien,cela l'apaisa,aumoinsellepouvaitremettrelemasquedel'épouseetlamaman,reprendrelesrôlesqu'elleconnaissait.

Alorsprogressivement elle reprit le contrôled'elle et attrapa son téléphone.A ladeuxièmesonnerie,ellerépondit.

—JesuispartieMarie,jesuisdansletrainquimeramènecheznous.Tuavaisraison,jenepeux pas vivrema vie pourmoi, je dois reprendre le dessus. Elle laissa échapper un petit soupir.Maisputainçafaitmal...commeunegrossebrûlurequimeconsumeleventre,jemesenssiseule...

—Ça te faitmal parce que ça compte.Mais tu n'as pas le choixSarah, pour ton fils, tonmari,tafamille,tutedoisdecontinueràêtrelà.Etpendantletrajet,n'essayespasd'imaginertavieaveclui.Cen'estpaslaréalitéetjeneveuxpasquetul'idéalisesmaintenantquetunel'asplus.

—C'estencorepiredesavoirqu'onpourraitêtrebiensimplementensemble.

—Mais tu temens à toimême bon sang ! Comment peux-tu imaginer que ton idylle nesouffrepasduquotidien?Quelavienevoustransformerapasenétrangerl'unpourl'autre?Nesoispasnaïveàcepoint!

—Est-cenaïfdecroirequequelqu'undanscemondeestledoublequitecomplète?Avecquitupeuxêtretoi?

—Maistuauraisfaitquoiaveclui.Tucroisqu'iltesuffitdevivreàParis,defairel'amourtouslesjoursetnerienvoird'autrequesesyeuxàluiposéssurtoi?

Mariesetutuninstantpourrassemblerlecouragenécessairepourabattresadernièrecarte et faire revenir son amie dans le monde réel pour ne pas qu'elle détruise tout ce qu'elle aconstruit.Pournepaslalaissercroireenl'avenird'unehistoireéphémère.

—EtNoam,tupensesàlui?

Deslarmesperlèrentaucoindesesyeuxetellecomprit...Ellecompritqu'ellenepartiraitjamaisdechezelle,qu'ellenevivraitpassaproprevie.Qu'est-cequelebonheurd'unepersonnefaceàceluideplusieurs?Sarahchoisitcemomentpourluiraconterleconceptdesâmesjumelles.

—MaisSarah,ceconceptn’estriend’autrequ’uneprojectiondesoitsurquelqu’und’autre.Onne fait pas sa vie avec sonmiroir, son double. Il était là pour refléter toutes ces choses qui terongentsansquetunelevoies.Quet’a-t-ilapporté?

—Ilmedonneconfianceenmoi,ilcroitenmoi.Ilm’aapprisàneplusfairedechoixenfonctionsdesautresetdeleurregard.Jesaislâcherprise,profiterdumomentprésent.Ilm’apermisdecroirequelavien’estpaslinéaire,quel’onpeutchangerlecoursdeschoses.

—Ettoituluiasapportéquoi?—Jenesaispas,jenesaisplus.Luiapprendrequelaprioritén’estpasdefairedeschoses

maisdelespartager,lelaissers’ouvriraumondequ’ill’entoure,enleverlesbarrièresetlaisserlesémotionss’installer.Ilatellementdechosesàm’apprendreencore.

—Cechemin tudois le continuer seuleSarah. Il t’a appris à être toi sans compter sur leregarddesautres.Alorsapprendsàrestercellequetuesuniquementgrâceàtoietnongrâceàlui.Tu as la chance d’avoir un mari et un enfant parfait, ne gâche pas tout pour une histoire sanslendemain.

SarahserenditcomptequeMarienepourraitpascomprendre.Comprendrequ'ellevenaitdelaisser sur le quai la vraie Sarah. Comprendre qu’elle regardait la vie passer sans réellement laprendreàbraslecorps,queGinoluiavaitfaitentrouvrircequ’estlaforcedessentiments,l’évidencedelavie,lasimplicitédubonheur.Cetteforcesipuissantequiauraitpudétruiretouteslespeursetlesdoutes.

Sarah raccrocha et ferma les yeux en laissant tomber sa tête sur le fauteuil. Le train étaitpresqueplein,ellesetrouvaitàcôtéd'unedameentraindelire.Ellesemitàpleurersanssesoucierduregarddesautres.

Maisellenepleuraitpasdetristesse,ellepleuraitparcequ'enfinelleavaitosé,elleavaitvécu

pourelle,pourlui,pourtoutcequ'illuiapportait.Lesplusbelleshistoiressontcellesquel'onn'apaseuletempsdefinir.Ellesrestentéclatantescarellesn’ontpasétéravagéesparletempsquipasse,parleshabitudesetlesresponsabilités.Aprèstout,sont-ellesbellesparcequ’ellessontéphémères?

Quatrejoursplustard–mars2014–22h35—Gino

***

C’est douloureux d’imaginer ton regard plongé dans le mien et c’est encore pire det’imaginerpensantàmoi.Pourl’instant,jenesuisquedouleur.Ilyadesheuresoùladouleurestplusforte,quandj’entendsunemusiquequiteplairait,quandjecroist'apercevoiraucoind'unerue,quandjemepromènesurmonVespa.

Situsavaistoutcela,peut-êtrereviendrais-tu?

J’encrèved’entendretavoix,depasserlamaindanstescheveux,d’embrasserchacundetesgrainsdebeauté,detesentirenmoi.J’encrève.

Je fumeunecigaretteet jepenseà toi, leshistoiresdesautresm’ennuient, j’essaiede fairebonnefiguredevanteux,jelesécouteetjeleursourismaisriennet’efface.

Jevoisdescopainsenessayantdepenseràautrechosequ’àtoi,maisrienn’yfait.J’aiessayédetehaïr,det’envouloird’êtrepartiemaisjesaisquetuasbienfait,qu’ai-jeàt’offrir?Tuasdéjàtavielà-bas,loindemoi,loindenous.Alorsj’aiessayédetefuir,d'oublier,maistoutmeramèneàtoi.

Jenousimagine, jedéambuledanslesruesquenousavonstraversées,et j’imaginetamaindans lamienne. Les passants doiventme trouver bien étrange à parler tout seul et à sourire à tonvisageabsentdeleursyeux.Lesjourspassent,lesheuresdéfilent,c’estétrangedevoirquelemondecontinuedetourneralorsquepourmoitouts’estarrêté…Plusrienneseracommeavant.Maisjesuisrassuré,jesaisquetuexistesquelquepartetcelamecalme.

J’aimeraisquetusoisàmescôtéspourréalisermesrêvesmaisj’aimeraisaussit’avoiràmescôtéslejouroùilsneseréalisentpas.

Cinqjoursplustard–Simon–14h17–texteécritdanssonandroïd

***

Elleestrevenue,elleareprislecoursdenotrevie,jonglantentreletravail,lamaisonetnotreenfant.Elleparaitplussereineetmature.J’airessentilechangementdèslesoirdesonretour.Elleestplusdistante,quelquefoisellesemblemêmeabsenteetunpetitsourireflottesursonvisage.

Je ne pose pas de questions, je sens qu'elle a besoin de temps pour elle, pour créer denouvelleshabitudes.Elles'isolelesoirvenu,passedutempsdanslebureau,écoutedelamusiqueetenressortdifférente.

Aujourd’huiellesemblerésignée,presquedocile.Cettesituationmeconvient,jesaisdequoidemain sera fait et aumoins elle neme fait pasde reproches.Notre équilibre est sûrement trouvédepuistoutessesannées.

Oualors,jemecachelavérité,peut-êtrequenotrecoupleestarrivéauboutduchemin…?

Unesemaineplustard–03h26–Gino

***

Tusaisilm’aurafalluseptjours,septputainsdejourspourfairefaceàtondépart.Ilfautquej’écrive.Tout sebousculedansma tête. Jene trouveplus l’envie, j’aiperdu lanotiondu temps, jedeviensl’ombredemoi-même.Commentsurvivrequandtum’astoutoffertettoutrepris?

Jet’enveuxdemefairesubircela,moiquin’aijamaisplusvouluaimer.Tum’avaispourtantprévenu en me disant que tomber amoureux c’était tomber avant tout. Et la chute est longue,douloureuse, cruelle. Je me réveille souvent en pleine nuit, comme aujourd’hui, parce que je techerchedanslelit,jetendslamainmaisjen'attrapequeduvide.

Et j’imagine que tu es restée avec moi, que tu as tout quitté pour nous. Le réveil est sipéniblement effrayant que je me venge sur le whisky. Je ne peux même plus boire de vin, il merappelletropteslèvressurlesverresquel’onapartagésetl'amourquenousavonsfait.

Lebruitdetonabsencefaitencoreplusmalquetaprésence.

Etfinalement,jemedisquejeremercieladouleur,elleestlapreuvequecequenousavonsvécuaréellementexisté,quetueslàenmoi.

Quinzejoursplustard–22h58—Gino

***

JenesavaispasSarahque l’onpouvaitmourirdumanque.Jepenseà toisisouventque jen’arriveplusàtechasserdemonesprit.Jepenseàtoilesoirquandjeboisplusquederaisonavec

mesamis,jemesaoulepouressayerdeneplusressentirtonabsence.Maislelendemainestencorepire.

Jepenseàtoiquandjemarchedanslarue,jedévisagechaquepersonnerêvantdevoirunjourton sourire sur l’uned’elle. J'aimêmecru t'apercevoir au loin, j'ai reconnu tes cheveux, l'écharpeautourdetoncouetj'aicriétonprénom,j'aihurléjusqu'àcequetuteretournesetquandj'aidévisagéuneinconnue,jemesuiseffondré.

JedeviensfouSarah.

J’aimeraistellementprendremontéléphoneetentendretavoix,prendreletrainetsonneràtaporte. Je ne te demanderais pas de faire un choix, j’accepte de te partager Sarah. Pourquoi secantonner àun seul amourquand le cœurpeut être tellementgrand?Tout seradéjàmieuxquecevide.Siseulementjet’avaisdemandétonnumérodetéléphone,c’estmonseulregret…

J'ai retrouvé, dans le coffre du Vespa, le tube contenant le dessin de Montmartre. Je l'aiaccrochésurmonmur,àcôtédelaphotoquej'aiprisedetoilepremiersoir.Jesenstonregardsurmoi,jerevoistout,tonodeur,tafaçonderougir,ladouceurdetapeau,legoûtdeteslèvres…Etjesouris!

Jedeviensfou…

Unmoisplustard–23h48–Sarah

***

Lesommeilnevientpas,enmêmetempsj’appréciecesmomentsoùlamaisonestendormie,

il n’y aplusunbruit, c’est ainsi que je suis libredepenser à toi. Je retarde lemomentd'allermecouchercarjesaisqu’ilmesuffitderesterseule,aucalme,pourapercevoirtonvisage,entendrelesondetavoix,sentirtesmainssurmoi.

Jesuistombéeamoureuse,jemerelève,jesuismarquée,amochée,lecœuràvifetquelquepeuabîméemaisjesuisvivante.Jedeviensmoi,Gino.

Et je ressens l'incontrôlable envie de prendre le train, de sonner chez toi, de gravir lesescaliers, de lirema phrase sur tonmur, de te voir ouvrir la porte, deme jeter dans tes bras, derespirer ton odeur et de me retrouver chez moi en étant avec toi…Mais je ne le ferai pas, notremomentestpassé.

Un jour tu es arrivé dans ma vie, sans faire de bruit, et ta présence était à elle seule, lapromessedelafindemasolitude.Etpuistuesreparti,etlebruitdetonabsencemerappellechaquejourquejenesuispasseule…

L’importantn’estpaslenombred’annéespasséesensemble,maisl’intensitéquenousavonsmisedanschaquemomentpartagé…

Unmoisetdemiplustard–21h14–Sarah

***

Jem’ennuie,etjepenseàtoi,jemedisquetusauraismedivertir.Jepasseunebonnesoirée

alorsjepenseàtoienmedisantquetoiaussituauraisappréciécemoment.Jesuisnostalgiquedesannées qui passent alors je pense à toi,medisant que tu sauraisme faire rire. Je suis seule ou engroupeetjepenseàtoienmedisantqueseuletaprésencepourraitanéantirmasolitude.Jetravailleenpensantàtoi,jemedisquej’auraisaiméteracontercequejefais.Jefumeetjepenseàtoi,medisantquetuauraistrouvéd’autressolutionsquecettedépendance.

Jepenseàtoietjesaisquejet’idéalise,quejetemetssurunpiedd’estal.

Et pourtant je sais que ce n’est pas le cas, que tu ne viendras jamais. Je le sais car tumeconnais,tusaisquejen’auraipaslaforcedetoutquitter,d'abandonnercequej'aiconstruit.Tusaisque j'auraipeurd'oservivre,demesentirbien,épanouie.Lebonheur faitpeur…Etcettepeurpeutcouvrirbiendesbonheurs…

Serions-nousvraimentheureuxensemble?Nousn’avonsni lamême façondevivreni lesmêmes attentes de la vie. Comment concilier la passion et le quotidien ? Comment vivre une vieorganiséeetlaisserplaceànosenvies?Commentréussiràêtreresponsableetlibreenmêmetemps?

Etpourtantj’ycrois,quelquesfois,quandtaprésenceestsiabsentequ’ellemecrèvelecœur.

Deuxmoisplustard–15h14–Gino

***

Jen’aipasécritdepuislongtemps,mondémonintérieuratrouvéuneautrefaçondecomblermesjournéesautrequel’alcool,ladépressionetlasolitude.

Jefumetrop,jesorstrop,jeboistropetpourtantjen’aipastouchéuneautrefemmequetoi.

Jepeuxpasserdesjoursentierssanssortirdechezmoi,situmevoyaisSarah,tusauraisquetuaséveilléenmoilavraiepassion…Celledontonpourraitcreverunjour,quivouspousse,vousécorche,voussecoue.

Sarahoùes-tu?Tum'asapprisàvivre,j'auraisvouluquetum'apprennesaussiàtesurvivre.

Sixmoisplustard–Gino–23h33

***

Ilyadesjournéesoùtapenséemarcheàmescôtés,etd’autresoùelleestjustedevantmoi,j’aibeaufermerlesyeuxrienn’yfait,turesteslà.Maisj’yarrive!J’arriveàavancer,àcontinuerdevivre,àparler,rire,manger.

J'yarriveparcequejesaisquetueslà,j'aiconfianceennotreamour.Lecombatdemaviejelejouemaintenant,enacceptantdeteperdre,j'acceptedelâcherprise…

Sixmoisplustard–Sarah–23h33

***

Quatrejours,ilm'aurafalluquatrejourspourmeconnaîtreGino,pourapprendreàêtremoietsurtoutàm'apprécier.

Jesuisredevenuecelled'avanttoi,maisavecunpetitquelquechoseenplus.Parcequejesais

maintenantqu'ilnepeutpasyavoirdefinheureuse,ilpeutjusteyavoirdesmomentsdepaix,commeceuxquenousavonspartagés.

J'ai appris qu'il ne fallait pas accepter certaines choses que la vie nous offre, comme la

routine,lemanquedetemps,legoûtd'inachevé,l'impressiondésagréabledepasseràcôtédequelquechoseetdevoirlaviedéfiler.Parcequeletempsneguérierien,ilnousapprendàavancerquoiqu'ilpuissesepasser.Puisqueluines'arrêterajamais.

J'aiapprisquelemanquedetempsn'existepas,maislemanqued'intérêtoui.Quandtuaimes

avectestripes,enlaissanttonégoïsmedecôté,chaqueopportunitéestunprétextepourseretrouver.Etledimanchedevientlemardi,l'hiverdevientl'été,lapluiedevientlesoleiletl'impensabledevientréalisable…

Aujourd'hui je t'écris de mon petit bureau aménagé entre des cartons de souvenirs et des

papiersdefamille.Jesuiscachéesouscettepilepourpouvoirmeretrouver.Essayerd'êtrecellequejedésireLespersonnesfaibless'enprennentauxautreset lespersonnesfortesàelles-mêmes.Etsimaintenantjeprenaislepartid'êtreforte?Dediremerde,dedirejen'aipasenvie,dedirenon,dedirestop aussi. Arrêter de vouloir être l'épouse et la maman parfaite, de lâcher ce costume, de fairetombermonmasqueetdememontrertellequejesuis?Etsijedoisperdredespersonnesenagissantainsi...Nonjenepeuxpas,jenepourraispasleurmontrermafaiblesse,relâcherpriseetmelaisserguiderparlelendemain.Parcequetuneseraspaslàpourmetenirlamainlelongdecechemin.

Tuvois,jenesaistoujourspasperdrelecontrôlemaisjesaisquejepeuxlefaire,quejel'ai

faitpendantquelquesjours.Etjamaisjenemesuissentieaussivivante,aussilibre,aussivraie.Ilnesuffitpasd'aimercommeunefolle,ilfautsavoiraimercommeillefaut.

Jet'aiaimépuisaufildesmoisjet'aioubliéetàforcedet'oublierjet'aimeencoreplusfort.Tues là,danschacundemeschoix,dansmes larmes,dansmespetits sourires,dans lesétoilesaucoindemesyeuxquandonmeparled'Histoire,dansl'odeurducafélematin,dansunparfumportéparlevent,audétourd'unvespa,...Tuespartoutmaistun'espaslà.

Epilogue-Gino

***—Pourquoiserais-jemoinsmalheureuxaujourd'hui?

Thomassoupiraetvoulufairesortirsonpotedecegouffresansfondoùilesttombé.il

enaplusquemarredel'entendreparlerdeSarah,delevoirsombrer,s'isoleretdevenirl'ombredelui-même.

—Parcequ'ellen'estpluslààhabillertesjournées.Pendantquatrejourstuétaisoù?Tuaspeint,tuascréé?Tuasfaitd'ellelemoteurdetavie,tunepensesplusqu'àelle,tut'oublies!Tutedis:"TiensSarahauraitadorécettehistoire-là".Ettutemarrestoutseul!Puistuterendscomptequ'ellen'estpaslà,ettufronceslessourcils,tonregards'endurcit.Tuasprisdixansd'uncoup!Ouvre-toibonsang.Relâchelapression.Baisselesépaulesetbombeletorse.TuesGino,l'hommeinsaisissable,quinelaissepasunegonzessedominersavie.Reprendstoimerde!

—Jenepeuxpasfairecommesiellen'existaitplus,tunepeuxpascomprendre.Elleestlàtout le temps,ellemeprend lamainetensemblenousavançonsversdemain.Ellen'estpasmiennemaisjen'aipasbesoindelaposséderpourl'avoir.Jel'aime!Terendstucomptesqu'ellem'habite?!Jesuismalheureuxdansmonbonheur.Maiselleestlà,elleexiste,quatrejoursettroisnuitsensembleonsuffitàmebâtirdesannéesdepartage.Jevoisàtraverselle,jelaressens.

—MaiselleestPARTIE,ellet'alaissé.Envolée,évaporée,évanouie...

—Tuesconoutulefaisexprès?!!Commentpeut-elleêtrepartiepuisqu'elleestmoi?Jesuiselle.Uneâmepourdeuxcorps.

Thomashaussalesépaulesetpartitenmarmonnant:"ilestdevenucomplètementtaré".Avantqu'ilnesoittroploinpourneplusl'entendreGinocria:

—C'estgrâceàelletoutça!Et il ouvrit grand les bras pour luimontrer les toiles qui ornaient la salle de présentation du

musée.

C'est là, au-dessus de la grande cheminée victorienne, qu'il avait installé la piècemaitressedesacollection,unetoilededeuxmètressurdeux,leprofild'unefemmeavecdesétoilespleinlesyeuxdevantl'EglisedeNotreDame.

Chaquetoilesreprésentaientunendroit,unesensation,unsentiment,unmoment.Comme

cellede "la table" où sedessinait le rested'un repasdepâtes, d'oignons, depoivrons rouges, detomates.Deuxverres devinblanc àmoitié bu, unpaquet de cigarettes dansun coin et deux corpsenlacéssurunplandetravail.Deuxcorpsquin'enfaisaientqu'unenréalité...

Ouil'absenceestdifficile,ellecreuseuntrouaufonddesonventre.Elleluiinfligedes

nuitsd'angoisse,desolitudeimmense.Etpuisilregardelaphotoprised'elledevantl'hôteldevilleauChâteletlepremiersoir.Dèsledébutilavaitsuqu'ellen'étaitpasétrangèreàsavie.

Danscesmoments-là,ilseditquetoutcemalenvautmillefoislapeineinfligée.Avoirmalc'est

êtrevivant!

Sarah***

Ellebutunegorgéedecitronàl'eau,savouralesoleilsursonvisage,refermalejournalet leposa sur la table.Legros titre et laphotod'unhommedevantunegaleried'artisteparisienneattiraleregarddelaserveusequiluiditdansunfrançaisapproximatif:

—Ginovivreiciquandluipetit!Samamaestamieàmoi!

Sarahluisourit,remitseslunettespournepasquel'onpuissevoirlespetitesétoilesbrilleraucoindesesyeuxetluirépondit.

—Jel'aibienconnumoiaussi,etjesuisfièredelui.Ilestalléauboutdelui-même,ilexposeenfinsestoiles!Onpeutmêmetoucherduboutdesdoigtslapassionquis'endégage,saisirl'émotion,lapalper.

Laserveusenecompritpaslesmotsdecettejeunefrançaisemaiselleressentiunepuissanceetunesincéritédanssavoix.Puiselleseprécipitaàl'intérieurpourservirdesclientsmécontents.

Sarahselevaetdéposaunbilletsurlatable.Toujourslesourireauxlèvres,elles'avançaversleTibreetposalesmainssurlarambarde.EllefermalesyeuxetentenditlavoixdeGinodécrirelepaysage, lesmaisons sur sa gauche, lemarché un peu plus loin, l'agitation autour d'elle.Une finelarmesefaufilaentresescils.Ellevoulaitpartageraveclui,surtoutlesdétails,lerefletdusoleilsurl'eau,lechantd'unoiseau,l'odeurdupainchaud.Iln'étaitpasprésentphysiquementmaiselleleressentaitenelle.Ellevoulait qu'on l'entende, ne plus se cacher pour penser.Etre elle, simplement elle.Elle commençaitseulementàseconnaitre,sedécouvrir,apprendresesréactions,sesenvies.Elleessayadechasserlapetitevoixquiluisoufflaitqu'elledevenaitégoïste.Maisquiprendraitsoind'ellesiellenelefaisaitpas?EllecompritqueGinoavaitétéledéclencheurdanssavie,qu'enfaitiln'étaitpaslebutnilafinduchemin.Ilétaitlalignededépart.Sarahserenditcomptequ'ellen'avaitplusbesoindepartageravecSimonouMarie.Ilfallaitjustequ'ellepartageavecelle-même,qu'ellesenourrissel'âme.Avantdevoiràtraverslesautres,ilfallaitd'abordsedécouvrir,seconnaître,s'apprivoiser.Elleressentitunepaixintérieure.Cevoyage

avecelle-mêmeétaitleplusbeau,celuiquiluiapprenaitleplusdechoses.

—Un jour je changerai de vie. Jem'achèterai une petitemaison tout en bord de plage, etj'apprendraiàvivre.

Elles'enfitlapromesse.Ellesortitsontéléphoneetpritunephoto.Avant,ellemitraillaitàtourdebraspouressayerdenerienoublier.DepuisGino,avantdephotographierlesmoments,ellelesvivait,lesressentait,sentaitleursensetleursilence.Ellelaissaouvertelaporteauxémotions,auxsentiments,auxodeurs.Elleneverrouillaitplustoutcelabienaufondd'elle.Ellerespiraitlaplénitude,decesgensquiseconnaissent,secomprennentetontapprisàallerau-delàdetout,ànepluss'enfermerdansuneviequineleurconvientplus.Elleavaitapprisqu'ilnesuffisaitpasdedonnerunemaisonàunefemme,ilfallaitqu'ellesesentechezelleàdeux.Quesitun'étaispasheureuxicituneleseraisnullepartailleurs,peuimportel'endroit.Qu'ilnesuffisaitpasd'êtregentilleetapprécierdetous,qu'ilfallaitsavoirdirenon,oserparler,fairerire,bousculer,relever,fairegrandir,apprendreàdonnerdutempsetavoirlecouraged'allerauboutdesesrêves.Sarahavaitdécidéd'allerauboutsansdemanderd'avisauxautres. Elleavaitapprisqu'ilnesuffitpasdedonnerunebonneimagedesoiauxautres, il fautd'aborddevenirsoi.

Elleespéraquechacunpuisseconnaitrecette rencontre,etpuisun jour,qu'ellepermettedefairechangerleschoses.Elledécouvritquechaquepersonneavaitsonpetitsecret,sonpropreatelierruedelaHûchette,soncoupdecœur,safaiblesse.

Quel'onnepouvaitpassavoirdequoil'avenirserafaitmaisqu'enseprenantparlamainle

cheminétaitbeaucoupplusbeau.

PlaylistEtpuisunjour…

***

ForrestGumpparAlanSilvestri

Nowwearefreed'HansZimmeretLisaGerrard

Ciara-1,2Stepft.MissyElliott

HometownGloryd’Adèle

TennesseedeHansZimmer

MarvinGay"Ain'tnomountainhightenought"

AgreatbigworlddeChristinaAguilera

Radicalface,Welcomehome.

Remerciements

***Iln'yapasdepetitsgestes,parcequ'êtrepetitc'estbien,çaa lemérited'exister!Alorsmieuxvautdonnerpetitquedeneriendonnerdutout.Etpourtouscesactes,jevoudraisvousremercier.Merciàceuxquim'ontdonnédesailes(Nina,Emy,Vincent,Arni).Merciàceuxquim'ontpousséàm'envoler(Caillotte,Sbou,Priscillia,MagDelaune,leslecteursdemapageFacebookEtpuisunjour...,Cédric).Merciàceuxquiontcontinuédesoufflerpourm'aideràmemaintenirenl'air(Muriel,malibelluleMailys,Céc, lesBitches, le groupedes parents de jumeaux et j'en suis fier,Mag,CamilleTagada,Hervé).Merciàceuxquiétaientlàpourmevoiratterrir(lesEditionsEdilivreetsurtoutVous!)Etmerciàceuxquiétaientprésentstoutaulongdecesmoments(Marie-JeanneetÉricDelaune).J'aiunepensée touteparticulièrepourmongrand-pèreàqui j'ai faitunepromesseque jeviensdetenir...j'espèrequedelà-hauttusouris...

Résumé***

Sarahestcenséeaimerjusqu'auboutetrespectersapromessedemariage.Maiselleadévié

ducheminimposé...Ellearencontréceluiquichangetout,quienvoievalser toutes lesvaleurs,quiremetencauselesensmêmedel'amour...Celuiquitientsonâmedanslasienne.Ilneserapassien,maisellen'apasbesoindeleposséderpourl'avoir...Mariée,mamanetemployée,Sarahcroitquesonquotidien sera toujours le même, qu'elle n'existe que par le regard des autres, qu'elle se doit detoujoursêtreirréprochable.Etpuisunjourellelâcheprise…

Ginoestartistepeintre,installéàParis.Ilsecroitfort,enchainelesconquêtes,netouchepasauxsentiments,joueaveclesmotsetsonaccent,s'imprègnedesfemmespendantunenuit.Etpuisunjourildécouvrel'évidence...Sarahvaluiapprendreàvivremaisneluiapprendrapasàsurvivre...

Leur rencontre n’aura rien d’extraordinaire. Et pourtant, elle va remettre en question lesvaleursque l’ons’imposeetnousouvrir lesportesd’unquotidienqui ressembleàceluide tout lemonde.Peut-onvivreunepassionenétantmariée?