Upload
others
View
0
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
LLLLeni CASSAGNETTESeni CASSAGNETTESeni CASSAGNETTESeni CASSAGNETTES
Je vois, j’entends, je touche, je sens, je goûte…
donc je lis ! Une approche multisensorielle de la lecture
pour aider des élèves en difficulté
à entrer dans le déchiffrage.
-------
CAPA-SH Option E Académie de Grenoble
Session 2014 -------
SOMMAIRE
Introduction ...................................................................................................................... 1
1 L’émergence du projet ................................................................................................ 3
1.1 Une approche multisensorielle, qu’est-ce que c’est ? ............................................. 3
1.2 Le contexte, les élèves .......................................................................................... 4
2 Approche multisensorielle de la lecture et mémorisation des correspondances
graphophonologiques ....................................................................................................... 6
2.1 Le rôle particulier du toucher ................................................................................ 8
2.2 Une pause métacognitive : penser à ses propres pensées .................................... 11
2.3 Les apports de tous les sens, simultanément ....................................................... 14
2.4 Emotion et motivation au service des apprentissages ........................................... 17
2.5 Validation de la première hypothèse ................................................................... 19
3 Approches tactiles et kinesthésiques de la lecture et accès à la fusion syllabique .......... 22
3.1 Fusion syllabique : Les limites des approches visuelles et auditives ........................ 22
3.2 Se situer dans l’espace et le temps grâce au toucher ........................................... 23
3.3 Se situer dans l’espace et le temps grâce au mouvement ..................................... 24
3.4 Trouver les ressources pour se réassurer .............................................................. 25
3.5 Validation de la seconde hypothèse .................................................................... 27
Conclusion ...................................................................................................................... 29
1
INTRODUCTION
J’ai enseigné ces dernières années en CLIS, en IME et depuis l’année dernière, sur un
poste E. Dans le cadre de mon travail au sein de classes spécialisées, j’ai accompagné des
élèves pour qui l’apprentissage de la lecture nécessitait, certes, une attention particulière.
Mais malgré les obstacles et les difficultés à contourner, je les ai toujours vus progresser à
leur rythme.
Cependant, quand j’ai commencé à enseigner en tant que maîtresse E, je me suis
questionnée face aux demandes d’aide faites pour des élèves de CP qui ne parvenaient pas à
entrer dans la lecture.
Dans les programmes officiels de 2008, on peut lire que « Dès le cours préparatoire,
les élèves s’entraînent à déchiffrer et à écrire seuls des mots déjà connus. (…) Cet
entraînement conduit progressivement l’élève à lire d’une manière plus aisée et plus rapide
(déchiffrage, identification de la signification). » Mais alors, comment accompagner les élèves
qui n’entrent pas dans le déchiffrage ? Ils ont bien souvent essuyé les multiples tentatives de
chacun (enseignants, parents…) pour leur apprendre à lire, et ce dans différents cadres
(classe, aide personnalisée, APC, maison…). Différentes approches ont été expérimentées.
Rien n’y fait. Et le temps presse. On s’inquiète. L’écart se creuse avec le reste de la classe.
Comment les aider à se lancer dans la lecture ?
D’après la circulaire n° 2002-113 du 30-04-02 : « Dans la plupart des cas, (l’aide
spécialisée) a pour objectif de favoriser la conquête d'acquisitions qui n'ont pu être faites
dans les activités ordinaires d'enseignement » Comment faire autrement ? Tant de choses
ont déjà été tentées. J’ai alors remarqué que souvent, les multiples activités proposées
restent semblables en un point : elles sont presqu’uniquement de nature visuelle et auditive.
VoirVoirVoirVoir et entendreentendreentendreentendre les lettres et les sons n’est-il pas insuffisant pour certains élèves ?
N’auraient-ils pas également besoin de les touchertouchertouchertoucher, de les sentirsentirsentirsentir, de les goûtgoûtgoûtgoûterererer, de les
ressentirressentirressentirressentir avec leur corpsavec leur corpsavec leur corpsavec leur corps tout entiertout entiertout entiertout entier ????
2
J’ai donc élaboré la problématique suivante :
Auparavant, j’avais déjà ponctuellement mis en place des activités sensorielles dans le
domaine de l’écrit : utilisation de lettres tactiles pour l’apprentissage de la lecture, activités
motrices dans le cadre du graphisme, chansons en phonologie… Mais il m’est soudain
apparu intéressant de créer du lien entre ces différentes approches sensorielles. J’ai donc
envisagé une première hypothèse répondant à ma problématique :
Cependant la simple mémorisation des correspondances graphophonologiques n’est
pas suffisante pour que les élèves puissent entrer dans le déchiffrage. Il faut également qu’ils
soient capables de fusionner les phonèmes entre eux. De cette réflexion est apparue ma
seconde hypothèse :
J’ai choisi de mêler la théorie et la pratique tout au long de ce mémoire. Ceci reflète
bien le cheminement qui a été le mien durant ce projet : les constants allers et retours entre
lectures, observations, relectures, recherches d’informations complémentaires, ajustements
aux besoins des élèves etc.
L’utilisation L’utilisation L’utilisation L’utilisation simultanéesimultanéesimultanéesimultanée de plusieurs canaux sensoriels dans de plusieurs canaux sensoriels dans de plusieurs canaux sensoriels dans de plusieurs canaux sensoriels dans
l’apprentissage de la lecture devrait améliorer la l’apprentissage de la lecture devrait améliorer la l’apprentissage de la lecture devrait améliorer la l’apprentissage de la lecture devrait améliorer la
mémorisation des correspondances graphophonologiques.mémorisation des correspondances graphophonologiques.mémorisation des correspondances graphophonologiques.mémorisation des correspondances graphophonologiques.
Hypothèse
n°1
Les approches Les approches Les approches Les approches tactiles et kinesthésiques, de par leur rapport à tactiles et kinesthésiques, de par leur rapport à tactiles et kinesthésiques, de par leur rapport à tactiles et kinesthésiques, de par leur rapport à
l’espace (latéralisation, repérage…) et au temps (d’abord…, l’espace (latéralisation, repérage…) et au temps (d’abord…, l’espace (latéralisation, repérage…) et au temps (d’abord…, l’espace (latéralisation, repérage…) et au temps (d’abord…,
puis…), devraient permettre aux élèves d’accéder à la fusion puis…), devraient permettre aux élèves d’accéder à la fusion puis…), devraient permettre aux élèves d’accéder à la fusion puis…), devraient permettre aux élèves d’accéder à la fusion
syllabique.syllabique.syllabique.syllabique.
Hypothèse
n°2
En quoi une approche multisensorielle de la En quoi une approche multisensorielle de la En quoi une approche multisensorielle de la En quoi une approche multisensorielle de la lecture peutlecture peutlecture peutlecture peut----elle elle elle elle
permettre à des élèvespermettre à des élèvespermettre à des élèvespermettre à des élèves de cycle 2 en difficultéde cycle 2 en difficultéde cycle 2 en difficultéde cycle 2 en difficulté dddd’entrer dans ’entrer dans ’entrer dans ’entrer dans
le déchiffragele déchiffragele déchiffragele déchiffrage ? ? ? ?
Problématique
3
Dans une première partie, je traiterai de l’émergence du projet. Dans la seconde,
j’aborderai les effets d’une approche multisensorielle sur la mémorisation des
correspondances graphophonologiques (en lien avec l’hypothèse 1). Enfin, la troisième partie
traitera de la manière dont les approches tactiles et kinesthésiques peuvent influer sur l’accès
à la fusion syllabique.
1 L’EMERGENCE DU PROJET
1 .1 UNE APPROCHE MU L TI SEN SO RI EL L E , QU ’E ST-CE QU E C ’E ST ?
J’entends par « approche multisensorielle» un enseignement qui utilise différents
modes sensoriels de perception. Il s’agit donc de mettre en œuvre des activités qui sollicitent
les cinq sens… voire six… ou sept ! En effet, Gérard Brasseur1 précise que nous avons au
moins sept entrées sensorielles pour apprendre et mémoriser.
1 BRASSEUR Gérard, Compétence mémoire, Accès éditions, 2001
Apprentissage
Mémorisation
Les yeux
(Entrée visuelle)
Les oreilles (Entrée
auditive)
La peau
(Entrée tactile)
Le coeur (Entrée
affective)Le
mouvement (Entrée
kinesthésique)
La bouche (Entrée
gustative)
Le nez
(Entrée olfactive)
4
On trouve parfois dans certains écrits, le terme « polysensoriel ». On peut tout à fait le
rapprocher du mot « multisensoriel ». En effet multi- est une racine latine. Poly- est une
racine grecque. Mais elles sont toutes deux la marque d’une pluralité.
1 .2 LE CON TEX TE , L E S EL EVE S
Le groupe est constitué de 3 élèves de CP issus de la même classe de GS-CP.
Suite aux discussions en conseils de cycle, à la lecture des fiches de demande d’aide
remplies par l’enseignante fin décembre et à des entretiens avec elle, j’ai pu avoir une vision
des caractéristiques de ces élèves :
• NarcisseNarcisseNarcisseNarcisse : Il ne connait ni le nom ni le son des lettres. Il ne sait pas non plus les écrire.
Il n’est pas du tout entré dans la lecture. Il ne parvient pas à s’investir dans les
activités de la classe. Il ne trouve pas d’intérêt dans les apprentissages. Il a beaucoup
de mal à se concentrer, à être attentif et à travailler en autonomie. Il ne parvient pas
à mener une tâche à son terme. Il perturbe la classe par son agitation. Il bouge
beaucoup. Il y a toutefois une activité qui suscite intérêt et motivation chez lui :
l’éducation physique et sportive.
• OlivierOlivierOlivierOlivier : Des difficultés en langage oral et en phonologie avaient été repérées en
grande section de maternelle. La différenciation pédagogique au sein de la classe,
l’aide personnalisée et quelques séances en regroupement d’adaptation en fin
d’année avaient été profitables. Lors de son entrée en CP, l’enseignante a noté de
réels progrès par rapport à la GS. Cependant l’entrée dans le monde de l’écrit semble
difficile. La mémorisation des correspondances graphème/phonème est très
laborieuse. Il a des difficultés à se repérer dans l’espace et dans le temps. Malgré la
volonté dont il fait preuve, il a du mal à se concentrer sur sa tâche. Il demande
souvent l’aide de l’adulte.
5
• ClémentineClémentineClémentineClémentine : Elle a des difficultés pour accéder à la lecture. Elle est motivée face aux
apprentissages mais ne parvient pas à se concentrer et à travailler seule. Elle a des
difficultés de repérage dans l’espace. Elle semble manquer de confiance en elle.
Nous avions décidé que je leur ferai passer une évaluation diagnostique avant le début
des séances d’aide (début janvier) afin d’avoir une analyse plus précise des réelles capacités
et difficultés de chacun.
Pour préparer ces évaluations2, je me suis appuyée sur la « proposition de progression
pédagogique à travers les difficultés de français » présentée par Liliane Sprenger-Charolles et
al. 3. Celle-ci m’a permis de cibler les apprentissages fondamentaux permettant l’entrée dans
le déchiffrage, toujours en associant les activités de lecture et d’écriture. Voici les résultats4
obtenus :
Scores aux évaluations initiales (Début janvier 2014)
NarcisseNarcisseNarcisseNarcisse OlivierOlivierOlivierOlivier ClémentineClémentineClémentineClémentine MOYMOYMOYMOY....
Correspondance script/cursive 8/12 67 %67 %67 %67 % 10/12 83 %83 %83 %83 % 9/12 75 %75 %75 %75 % 75 %75 %75 %75 %
Connaissance du nom des lettres 7/21 33 %33 %33 %33 % 15/21 71 %71 %71 %71 % 11/21 52 %52 %52 %52 % 52 %52 %52 %52 %
Connaissance des phonèmes 8/21 38 %38 %38 %38 % 14/21 67 %67 %67 %67 % 11/21 52 %52 %52 %52 % 52 %52 %52 %52 %
Transcription
de phonèmes en graphèmes
En cursive 0/21 0 %0 %0 %0 % 10/21 48 %48 %48 %48 % 1/21 5 %5 %5 %5 % 18 %18 %18 %18 %
Toutes écritures
confondues 9/21 43 %43 %43 %43 % 12/21 57 %57 %57 %57 % 7/21 33 %33 %33 %33 % 44 %44 %44 %44 %
Déchiffrage de syllabes 3/20 15 %15 %15 %15 % 9/20 45 %45 %45 %45 % 6/20 30 %30 %30 %30 % 30 %30 %30 %30 %
Encodage de syllabes 3/7 43 %43 %43 %43 % 0/7 0 %0 %0 %0 % 2/7 28 %28 %28 %28 % 24 %24 %24 %24 %
Déchiffrage de pseudo-mots 0/8 0 %0 %0 %0 % 0/8 0 %0 %0 %0 % 4/8 50 %50 %50 %50 % 17 %17 %17 %17 %
Déchiffrage de mots simples 0/8 0 %0 %0 %0 % 4/8 50 %50 %50 %50 % 2/8 25 %25 %25 %25 % 25 %25 %25 %25 %
MOYENNE TOTALEMOYENNE TOTALEMOYENNE TOTALEMOYENNE TOTALE 27 %27 %27 %27 % 47 %47 %47 %47 % 39 %39 %39 %39 % 37 %37 %37 %37 %
2 Un exemplaire vierge de ces évaluations se trouve en annexe 1 3 DEHAENE Stanislas, sous la direction de., Apprendre à lire - Des sciences cognitives à la salle de classe, Odile
Jacob, 2011 4 Voir les résultats complets en annexe 5
6
Globalement, le nombre de correspondances graphème/phonème acquises était
faible, surtout si on retire les voyelles, maitrisées par tous. Ceci m’a semblé être un point de
première importance pour la suite de mon intervention.
D’autre part, j’ai affiné les caractéristiques de chaque élève afin de bâtir un projet de
groupe5 cohérent et prenant en compte les besoins de chaque élève.
2 APPROCHE MULTISENSORIELLE DE LA LECTURE ET MEMORISATION DES
CORRESPONDANCES GRAPHOPHONOLOGIQUES
D’après Jocelyne Giasson, « L’apprentissage des correspondances lettre-son est surtout
une affaire de mémorisation. Il est donc pertinent de fournir aux enfants des repèresrepèresrepèresrepères qui leur
permettent d’associer rapidement les graphèmes qu’ils rencontrent dans les mots aux
phonèmes correspondants. »6 Je me suis alors attelée à trouver quels pouvaient être les
repères les plus pertinents à construire avec les élèves pour faciliter cette mémorisation.
La lecture des travaux de Régine Zekri-Urstel a confirmé les doutes que j’avais concernant
les difficultés liées à la mise en place d’activités reposant uniquement sur des indices visuels
et auditifs : « Aujourd’hui dans l’apprentissage classique, la mémoire de la lettre se met en
place essentiellement grâce à la vue et à l’ouïe. Cependant, si cette approche est
évidemment nécessaire, elle est bien loin d’être suffisante. Seule l’utilisation des cinq sens
permet une mémorisation idéale : voir et entendre, c’est bien, mais manipuler, toucher,
sentir, goûter, c’est mille fois mieux. »7
Dès les prémices de mon projet d’apprentissage multisensoriel de la lecture, j’ai ressenti
le besoin de lire les écrits de Marcel Proust à propos de la petite madeleine. Les sensations
que celle-ci lui a procuré on fait réapparaître des souvenirs qu’il pensait pourtant effacés de
sa mémoire (sa tante Léonie à Combray, lui faisant goûter ses fameuses madeleines durant
5 Le projet de groupe est présenté en annexe 2 6 GIASSON Jocelyne, La lecture, apprentissage et difficultés, De Boeck, 2011, p.134 7 ZEKRI-HURSTEL Régine, L’alphabet des cinq sens, Robert Laffont, 2005, p.38
7
son enfance) : « La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse
goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les
tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres
plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la
mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé ; les formes (…) s'étaient abolies, ou,
ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la
conscience. Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste (…), seules, plus frêles mais plus
vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore
longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le
reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du
souvenir. »8
Il ne tenait donc qu’à moi, de m’appuyer sur cette réflexion pour faire surgir chez les
élèves, non pas le souvenir de la tante Léonie, mais le souvenir de la lettre, de sa forme, du
son qui lui est associé. Ceci m’a conforté dans l’idée, qui peut paraître incongrue, d’associer
un goût et/ou une odeur aux phonèmes. J’allais m’appuyer sur les extraordinaires capacités
de de la mémoire olfactive et gustative. Des études, relayées par Régine Zekri-Urstel9, ont
d’ailleurs mis en avant les taux de rétention après un an en fonction du type de mémoire :
Je vais donc maintenant m’attacher à comprendre en quoi cette approche
multisensorielle de la lecture permet une meilleure mémorisation des correspondances
graphophonologiques.
8 PROUST Marcel, Du côté de chez Swann in A la recherche du temps perdu, Tome I, Gallimard, La Pléiade,
1913, pages 46-47 9 ZEKRI-HURSTEL Régine, L’alphabet des cinq sens, Robert Laffont, 2005
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90%100%
Mémoire olfactive
Mémoire du goût, du toucher et du mouvement
Mémoire auditive
Mémoire visuelle
Taux de rétention après 1 an
8
2.1 LE ROL E PAR TI CU LI ER DU TOU CHER
Edouard Gentaz10 abonde également dans ce sens. En effet il a démontré que lors de
l’apprentissage de la lecture, une des difficultés que notre cerveau rencontre est de créer des
connexions entre :
- les représentations orthographiques des lettres (ce que l’on voit)
- et les représentations phonologiques correspondantes (ce que l’on entend).
Les élèves en difficulté de lecture considèrent souvent les lettres et les sons comme deux
entités totalement indépendantes. Un enseignement de la lecture uniquement basé sur des
activités de nature visuelles et auditives ne s’avère donc pas suffisant pour eux. Un lien peut
être créé entre le visuel et l’auditif en introduisant d’autres modalités sensorielles (le toucher
en ce qui concerne les travaux d’Edouard Gentaz, mais aussi, nous le verrons par la suite, le
goût et l’odorat). En effet, pendant les activités multisensorielles sur les lettres, il s’opère un
codage multiple de l’information qui « permettrait alors une meilleure activation des
représentations des lettres qui se sont développées à l’aide de multiples sources
d’informations. »11.
Edouard Gentaz explique encore que lors de la présentation d’une lettre à un adulte,
l’aire visuelle du cerveau est, certes, activée. Mais, chose plus surprenante, une zone du
cortex prémoteur s’active également, même si une réponse motrice n’est pas attendue. Les
lettres sont donc stockées en mémoire par leurs composantes visuelles et sonores mais aussi
par leurs composantes sensorimotrices.
10 GENTAZ Edouard, La main, le cerveau et le toucher, Dunod, 2009. 11 Ibid., p.93
9
Créer le lien entre l’image et le son de la lettre en passant par le toucher
Ceci explique une des observations que j’ai pu faire lors des séances menées avec les
élèves : Clémentine ne se souvient plus du son que fait la lettre « L ». Elle fixe la lettre
longtemps mais ça ne lui revient pas. Je lui propose de la retracer avec son doigt, sur la table.
Pendant le tracé elle s’exclame : « LLLLLL ! Oh ! Ca y est ! Ça m’a retrouvé ma mémoire ! ».
Dans son cerveau, les composantes visuelles et auditives de cette lettre n’étaient pas reliées.
Par contre le geste était bien associé au son. En passant donc par la composante tactile, elle
a pu recréer cette connexion lettre/son. Avant la lecture des travaux d’Edouard Gentaz, je
n’aurais certainement pas pensé à lui proposer de tracer la lettre avec son doigt et elle serait
certainement restée face à un échec.
Il est également intéressant de noter que l’utilisation du toucher permet d’éviter les
confusions entre les lettres en miroir comme b et d par exemple. Stanislas Dehaene12 nous
explique que passer par un traitement uniquement visuel de ces lettres-là, est source de
confusion. En effet la région visuelle de notre cerveau est initialement habituée à traiter la
12 DEHAENE Stanislas, sous la direction de., Apprendre à lire - Des sciences cognitives à la salle de classe, Odile
Jacob, 2011
Composante tactile tactile tactile tactile de la lettre
Composante visuellevisuellevisuellevisuelle de la
lettre
ffff
Composante auditiveauditiveauditiveauditive de la lettre
«««« ffffffffffff !!!! »»»»
10
reconnaissance des objets, des visages… or dans ces cas-là, des vues symétriques en miroir
correspondent bien à un seul et même objet. Ce n’est pas le cas avec les lettres.
Confusions dues aux lettres en miroir
Le fait de tracer les lettres avec le doigt permet une entrée gestuelle. Une aire cérébrale
différente est alors activée, en lien avec le cortex moteur. Ceci permet donc de surmonter les
confusions visuelles. Le geste est fondamentalement
différent que l’on trace un b ou d (surtout en cursive). On
comprend alors qu’on a à faire à deux lettres différentes.
Afin de faire profiter les élèves de ces découvertes
théoriques, je leur ai fait tracer les lettres en cursive (au
doigt puis au stylo) par-dessus les lettres scripts
correspondantes en filigrane. Ceci leur a permis d’associer à chaque lettre une gestuelle
unique et fondamentalement différente de celle des autres lettres, tout en ayant sous les
yeux l’aspect visuel de cette même lettre en script. Cette approche a été efficace pour les
lettres étudiées ensemble. Cependant j’ai remarqué lors de l’évaluation finale que certaines
confusions visuelles perduraient pour Narcisse et Olivier, sur des lettres que nous n’avions
pas abordées. Je pense en effet que l’expérience vécue avec une lettre n’est pas
automatiquement transférable sur une autre. Il est indispensable que l’élève ait pu
réellement vivre la gestuelle de chaque lettre pour pouvoir l’intégrer au niveau moteur et
éviter la confusion visuelle. Le travail se poursuivra donc dans le cadre de la classe, en
concertation avec l’enseignante.
C’est la même
personne.
b d C’est la même
lettre ???
11
2.2 UNE PAU SE MET ACOG NI TI VE : PEN SER A SE S PROPR E S PEN SEE S
L’évènement relaté à la page précédente (Clémentine ayant retrouvé la mémoire grâce
au tracé de la lettre) a été l’occasion de faire une pause métacognitive très intéressante pour
la poursuite du projet. J’avais en tête les différentes constituantes de la métacognition
décrites par Anne-Marie Doly13 :
J’ai alors mené une discussion assez libre sur ce qui venait de se passer, en posant des
questions assez ouvertes : « Qu’est-ce qui t’a aidé à réussir ? » « Qu’est-ce qui peut nous
empêcher de réussir ? » « Qu’est-ce qu’il se passe dans votre cerveau quand… » etc.
Nous avons tout d’abord mis en évidence les nouvelles métaconnaissancesmétaconnaissancesmétaconnaissancesmétaconnaissances que nous
venions de découvrir. Tout d’abord sur le fonctionnement cognitiffonctionnement cognitiffonctionnement cognitiffonctionnement cognitif : Clémentine a expliqué
qu’elle s’était rendu compte que « Toucher ça aide bien mon cerveau. Moi j’aime bien
toucher les choses. » Nous avons aussi discuté des métaconnaissances sur les métaconnaissances sur les métaconnaissances sur les métaconnaissances sur les
connaissancesconnaissancesconnaissancesconnaissances. Olivier nous a dit que « En fait une lettre c’est un truc qu’on voit et aussi un
son et un truc qu’on touche. Mais des fois on sait plus ce qui va ensemble ». Ce qui a permis
de mettre en évidence les trois composantes de la lettre. Enfin, les métaconnaissances sur les métaconnaissances sur les métaconnaissances sur les métaconnaissances sur
les stratégiesles stratégiesles stratégiesles stratégies ont aussi été mises en avant. « Quand on sait plus comment on doit écrire
avec notre stylo, on peut essayer de le faire avec notre doigt » nous a dit Narcisse. Régine
Zekri-Urstel14 explique qu’il est important que les élèves aient pleine conscience des différents
13 DOLY Anne-Marie, "La métacognition : de sa définition par la psychologie à sa mise en œuvre à l’école" in
TOUPIOL Gérard (dir.), Apprendre et comprendre, Place et rôle de la métacognition dans l’aide spécialisée, Retz,
2006 14 ZEKRI-HURSTEL Régine, L’alphabet des cinq sens, Robert Laffont, 2005
Métacognition
Les métaconnaissances
Méta-connaissances
sur les personnes et le fonctionne-ment cognitif
Méta-connaissances sur les tâches
et les connaissances
Méta-connaissances
sur les stratégies
Méta-connaissances
sur l'interaction
entre les trois catégories
précédentes
Les habiletés de contrôle
L'anticipation et la prévision
L'évaluation-régulation
L'évaluation terminale
12
langages sensoriels qu’ils ont à leur disposition : le langage oral et le langage écrit, bien
connus de tous mais aussi le « Langage-toucher » et le « Langage odorant ». C’est justement
ce que la métacognition leur permet de découvrir.
Cette discussion a été un réel déclencheur pour la suite de notre travail et leur a permis
de développer des habiletés de contrôlehabiletés de contrôlehabiletés de contrôlehabiletés de contrôle (« ensemble d’opérations mentales mis en œuvre
par le sujet, qui visent à contrôler et à réguler sa propre activité pour la guider jusqu’au but :
le sujet se distancie donc de ce qu’il fait pour le surveiller et en assurer une plus grande
réussite »15) On sait que ces habiletés sont automatisées chez les experts et les élèves en
réussite scolaire mais absentes chez les élèves en difficulté. Il semble donc primordial de les
aider à les construire. Parmi ces habiletés de contrôle on retrouve : l’anticipation et la l’anticipation et la l’anticipation et la l’anticipation et la
prévisionprévisionprévisionprévision, l’évaluationl’évaluationl’évaluationl’évaluation----régulationrégulationrégulationrégulation et l’évaluation terminalel’évaluation terminalel’évaluation terminalel’évaluation terminale.
Auparavant, face à la difficulté, Narcisse agissait dans l’impulsivité, un peu au hasard et
quand il s’apercevait de son erreur, il se renfermait, refusait toute aide extérieure violemment
et râlait contre lui-même. Mais, dès la séance suivant cette discussion métacognitive,
Narcisse a commencé à réinvestir les métaconnaissancmétaconnaissancmétaconnaissancmétaconnaissanceseseses mises en évidence et à se les
approprier efficacement. Il souhaitait ce jour-là écrire la lettre qui fait « fffff ! ». Je l’ai
entendu dire à voix basse « Je sais comment elle est dans les livres mais je sais pas faire en
attaché ». Il a donc fait preuve d’anticipation et de prévisiond’anticipation et de prévisiond’anticipation et de prévisiond’anticipation et de prévision. Il s’est rendu compte que s’il
l’écrivait en script, il n’obtiendrait pas le résultat attendu. Il s’est donc arrêté, a calmement
posé son stylo et a tracé la lettre du bout du doigt sur sa feuille. Il a repris son stylo et a écrit
la lettre avec succès. Il a donc mis en œuvre une évaluationévaluationévaluationévaluation----régulationrégulationrégulationrégulation. Il a pris conscience
qu’il ne parviendrait pas à son but avec la stratégie initialement prévue (passer directement
du son à la lettre en cursive). Il a alors procédé à une auto-régulation en changeant de
procédure et en passant par le toucher. Enfin, il s’est écrié : « Ouais ! T’as vu mon " f " qui
fait " ffffff ! " » Il a donc procédé à l’évaluation terminalel’évaluation terminalel’évaluation terminalel’évaluation terminale et a pu, de lui-même, apprécier
l’adéquation de son résultat avec le but qu’il s’était fixé.
15 DOLY Anne-Marie, "La métacognition : de sa définition par la psychologie à sa mise en œuvre à l’école" in
TOUPIOL Gérard (dir.), Apprendre et comprendre, Place et rôle de la métacognition dans l’aide spécialisée, Retz,
2006
13
Ce contrôle métacognitif a pu se mettre en place car les conditions exposées par Anne-
Marie Dolly étaient réunies :
- UneUneUneUne demande (et aide)demande (et aide)demande (et aide)demande (et aide) du tuteurdu tuteurdu tuteurdu tuteur : écrire la lettre qui fait « fffff »
- Une Une Une Une motivation pour atteindre le bumotivation pour atteindre le bumotivation pour atteindre le bumotivation pour atteindre le but et donc t et donc t et donc t et donc
une représentation de ce butune représentation de ce butune représentation de ce butune représentation de ce but : grâce au tableau
de progrès16 que chaque élève avait dans son
cahier. C’est un outil qui permet à l’élève de
visualiser concrètement sa propre progression dans
la connaissance des correspondances graphopho-
nologiques qui servent à lire et à écrire.
- Un travail en commun (avec ou sans conflit socioUn travail en commun (avec ou sans conflit socioUn travail en commun (avec ou sans conflit socioUn travail en commun (avec ou sans conflit socio----cognitif)cognitif)cognitif)cognitif) : Discussions métacognitives,
entraide, collaboration…
- Une habitude de mener un travail métacognitif, et une confiance dans ce mode de Une habitude de mener un travail métacognitif, et une confiance dans ce mode de Une habitude de mener un travail métacognitif, et une confiance dans ce mode de Une habitude de mener un travail métacognitif, et une confiance dans ce mode de
gestiongestiongestiongestion : A chaque séance, autant de fois que nécessaire et en mettant toujours en avant les
bénéfices qu’on en tire.
- Une difficulté particulière, imprévue, un problème à résoudre qui fait obstacleUne difficulté particulière, imprévue, un problème à résoudre qui fait obstacleUne difficulté particulière, imprévue, un problème à résoudre qui fait obstacleUne difficulté particulière, imprévue, un problème à résoudre qui fait obstacle : je ne
sais plus comment transcrire ce son et je n’ai pas de dispositif d’aide à disposition. Je dois
m’en sortir seul.
Pendant ces séances, j’ai pu me rendre compte que le travail métacognitif était un
formidable outil pour parvenir à la « prise de conscience des manières de faire qui conduisent
à la réussite »17
16 Un exemplaire du tableau de progrès se trouve en annexe 3
17 Circulaire n° 2002-113 du 30 avril 2002 - BO n° 19 du 09 mai 2002
14
2.3 LE S APPOR T S DE T OU S L E S SEN S, SI MU L TANEMEN T
Lors de mes recherches je n’ai trouvé qu’un seul outil pédagogique réellement
multisensoriel (c’est-à-dire mettant en œuvre au moins 5 sens) et fiable : celui du docteur
Régine Zekri-Hurstel. Elle est à l’origine de l’A/Z sensoriel, qui permet l’apprentissage des
lettres à travers la mémoire visuelle, auditive, tactile, kinesthésique, olfactive et gustative.
Ce support pédagogique comprend vingt-six petits objets multisensoriels. Ceux-ci se
présentent sous le forme de lettres-jouets que l’on peut manipuler, sentir, regarder,
toucher... Ce dispositif est reconnu par l’UNESCO, l’OMS et est validé par l’Education
Nationale en tant qu’outil d’éveil en maternelle et outil de rééducation pour tout enfant en
difficulté au cycle 2. Cependant celui-ci est encore en cours d’expérimentation, difficile à
trouver et surtout très cher (aux alentours d’un millier d’euros).
J’ai donc adapté l’idée avec les moyens à ma disposition, en tenant compte des
principes sous-jacents présentés dans le livre de Régine Zekri-Hurstel 18. Voici les activités
supports que j’ai alors envisagées à l’aube du projet :
18 ZEKRI-HURSTEL Régine, L’alphabet des cinq sens, Robert Laffont, 2005
15
Approche Propositions d’activités
Visuelle
Présentation classique des lettres - Travail sur les images mentales - Lettres
déguisées - Couleur associée à chaque son – correspondance script/cursive avec lettres superposées en transparence…
Auditive
Son des lettres - Utilisation du « whisper phone » - Chansons, comptines,
musique. Instruments - Rythmes - Lecture accompagnée …
Tactile
Outil « Entraînement Multisensoriel GS/CP – La Cigale » : lettres en relief
(lecture) et en creux (écriture) à manipuler yeux ouverts puis fermés – Reconnaissance à l’aveugle - Manipulation de lettres en 3D - Mots Lego -
Mots rugueux - Puzzles de lettres, de syllabes, de mots - Lettres en pâte à
modeler parfumée (A l’odeur attribuée au son) - Peinture a doigt (parfumée également) - Tracés des lettres dans bac à sable (coloré et parfumé en
fonction du son), sur la tablette tactile…
Kinesthésique
Une action associée à chaque son. Exemple : S comme sauter.
Mots/syllabes tracés en grand à la craie (ou crayon Lyra triple One
effaçables à l’eau en intérieur) au sol : passer dessus en marchant et en énonçant les sons les uns après les autres - marelle pour enchainer les
phonèmes - travail avec la marionnette buccale (positions bouche/lèvres) - parcours avec syllabes/mots au sol - former les lettres avec ses mains et/ou
son corps et en enchainer plusieurs pour faire une chorégraphie (utilisation
de l’application « Dance Writer » de Typothèque sur l’Ipad) …
Olfactive et
gustative
Odeur/goût associés à chaque son. Faire manger/boire/sentir aux élèves des
éléments les plus naturels possibles : fruits, plantes, fleurs, huiles essentielles (Parmi celles adaptées aux enfants), hydrolats, extraits aromatiques…
Utilisation de feutres parfumés (Stabilo Trio Frutti ou Pulpi’s de Paper Mate)
Idées d’association graphème/phoIdées d’association graphème/phoIdées d’association graphème/phoIdées d’association graphème/phonème nème nème nème –––– goût/odeurgoût/odeurgoût/odeurgoût/odeur : : : : A comme ananas, L comme lavande, M comme menthe, O comme orange, P comme
pomme, R comme rose, S comme sapin, B comme banane, F comme framboise….
Les activités ont été présentées aux élèves en fonction de leurs besoins et de leurs
intérêts19.
Gérard Brasseur nous explique qu’à chaque nouvel apprentissage, de nouveaux
circuits neuronaux sont créés dans notre cerveau. Il insiste sur l’importance de développer le
mécanisme multidimensionnel de ces circuits dans le but de multiplier les chemins d’accès à
l’information. « Cela implique de multiplier les modes sensoriels lors de la mise en mémoire
19 Le descriptif d’une séance type est présent en annexe 4
16
d’une connaissance nouvelle. (…) Toutes ces expériences vont contribuer à créer pour une
même connaissance des circuits mémoriels multiples qui en faciliteront le rappel. » 20
Effectivement, lors d’activités multisensorielles simultanées, plusieurs circuits cérébraux sont
utilisés et se soutiennent mutuellement, ce qui permet une meilleure mémorisation. J’ai alors
toujours fait attention à présenter des activités relevant des différentes approches au sein
d’une même séance.
Olivier : « Ce qui m’aide le plus c’est de faire tout en même temps : voir entendre,
toucher, sentir… ça rentre dans ma tête par tous les côtés ! »
De plus pour chaque activité proposée, j’ai été attentive à ce que les élèves aient
systématiquement à disposition l’aspect visuel du graphème et le son associé (Autorépétition
ou répétition par le maître ou les pairs). En effet, le but étant de créer du lien entre ces deux
dimensions, il me paraissait indispensable qu’elles soient toujours présentes. Par exemple : Si
la lettre étudiée était le « m » de menthe, pendant la dégustation du sirop de menthe, une
affiche avec les différentes écritures du « m » était placée au centre de la table, nous
cherchions le mot menthe sur l’étiquette de la bouteille de sirop (« Il faut que ça commence
par un m ! ») et le son associé à la lettre était régulièrement rappelé et accentué dans la
conversation (« MMMMMMMMMMMMh ! MMMMMMMMMMMMoi j’adore le sirop de MMMMMMMMMMMMenthe ! Et toi
MMMMMMMMClémentineClémentineClémentineClémentine ? »). C’est une habitude que les élèves ont vite pris, cherchant d’eux-mêmes
à créer le lien entre les différentes dimensions sensorielles. Lors de la découverte de la
pomme, Narcisse l’a prise dans sa main, l’a sentie et a frappé dessus avec son index
recourbé. Puis il s’est exclamé : « Ecoutez ! Quand on frappe sur la P’P’P’P’omme ça fait " P’P’P’P’ ! P’! P’! P’! P’ ! ! ! !
P’P’P’P’ !!!! " comme quand on toque à la P’P’P’P’orte ! »
Selon Régine Zekri Hurstel21 le fait de multiplier les approches sensorielles pour
accéder aux apprentissages permet de contourner la difficulté. On sait que lorsqu’un canal
sensoriel est déficient, les autres deviennent naturellement plus efficace (Par exemple :
toucher plus développé chez les personnes aveugles). Dans le cadre de mon travail avec des
élèves en difficulté en lecture, il n’y a généralement pas de déficience sensorielle. Mais si une
voie sensorielle est moins efficace (ou disponible) que les autres, l’élève peut alors emprunter
20 BRASSEUR Gérard, Compétence mémoire, Accès éditions, 2001, p.5 21 ZEKRI-HURSTEL Régine, L’alphabet des cinq sens, Robert Laffont, 2005
17
d’autres voies pour parvenir à son but. De plus, ceci renforcera la voie qui était peu
efficiente. Gérard Brasseur va même plus loin : « En classe, un élève en situation d’échec
répété dans une discipline, créera inconsciemment un blocage perceptif à chaque nouveau
cours. L’information ne passe plus, même au prix de fastidieuses répétitions. » 22
Un jour, Narcisse tentait d’écrire le graphème « ch » :
Narcisse : « Chhhh ! Je vais l’écrire ! Oh je sais plus ! Je l’entends mais j’arrive pas à le voir »
En colère, il se cache la tête dans les mains.
Moi : « Tu te souviens de ce qu’on a fait avec ce son ? »
Narcisse retrouve le sourire soudainement : « Chhhh… chocolat ! Miam ! » et trace le c et le
h en cursive, sans difficulté.
Sa mémoire visuelle n’était pas disponible à ce moment-là, peut-être même inhibée à
cause de trop nombreux échecs en lecture. Mais en faisant appel à sa mémoire gustative,
l’information est revenue.
2.4 EMOTI ON ET M OTI VATI ON AU SERVI CE DE S APPRENTI SSA G E S
Toucher, patouiller, sentir, ressentir, goûter, se régaler, chanter, sauter d’une lettre à
l’autre… tout ceci a été source de plaisir et d’émerveillement de chaque instant pour les
élèves. Or Régine Zekri Hurstel nous rappelle que si nous proposons aux élèves des outils qui
leur donnent envie d’apprendre, la mémoire s’en trouve incroyablement améliorée : ils
mémorisent plus facilement et plus durablement. Olivier un jour nous a dit : « Moi j’aime ce
travail parce qu’on doit toucher, bouger, faire. Ça, j’aime vraiment. Dans la classe on doit
juste regarder et écouter et moi j’arrive pas. Faire tout, ça m’apprend mieux. »
Selon Régine Zekri Hurstel, faire appel aux 5 sens, plus particulièrement au goût et à
l’odorat, suscite « une sorte d’émotion immédiate qui trouve son origine dans l’histoire
22 BRASSEUR Gérard, Compétence mémoire, Accès éditions, 2001, p.14
18
personnelle de l’enfant ».23 Effectivement, j’ai pu régulièrement faire cette observation avec
les élèves avec lesquels j’ai travaillé. Le goût ou l’odeur d’un élément leur rappelle
soudainement quelque chose lié à leur propre vécu (tout comme le goût de la madeleine a
replongé Marcel Proust dans ses souvenirs enfantins). En associant ce souvenir au son et à la
forme de la lettre, la mémorisation en est considérablement renforcée. J’ai alors
régulièrement incité les élèves à rechercher ce que leur rappelait tel goût ou telle odeur. Ils
ont très vite appris à le faire d’eux-mêmes. Le jour où j’ai apporté des oranges, que nous
avons goûtées et senties, Clémentine a déclaré : « Hum… ça me rappelle… ma grand-mère !
Chez elle, il y a toujours du chocolat à l’orange. Elle m’en donne toujours un peu quand je
vais la voir ». Elle qui, auparavant, ne savait pas écrire le o en cursive, l’a immédiatement
mémorisé. Quelques séances plus tard, je l’ai entendue dire, en l’écrivant « C’est le o de ma
grand-mère ! ». Le lien entre mémoires affective, gustative, auditive et visuelle permettant
d’accéder à la maîtrise de cette correspondance graphophonologique s’était fait.
Lors de l’élaboration de mon projet de mémoire, je m’étais questionnée sur le fait que les
« objets sensoriels » que j’allais mettre à disposition des élèves n’allaient pas forcément avoir
un écho dans leur vie personnelle. L’efficacité allait-elle être au rendez-vous lors, par
exemple, de la présentation de la datte avec le phonème « d» si les élèves n’avaient jamais
vu, senti, goûté ce fruit ? J’ai alors pris soin de générer des souvenirs pour la suite. J’ai fait en
sorte que chaque séance soit une expérience sensorielle marquante et unique. J’ai aussi,
autant que possible, laissé une trace affective tangible de chaque séance aux élèves : le
papier du chocolat dégusté, avec le graphème « ch » inscrit au verso. Un brin de lavande
séché collé dans le cahier, à côté du « l » dans les différentes écritures etc. Les élèves ont été
très sensibles à cette attention et ont particulièrement bien mémorisé les phonèmes liés à ces
petits trésors. Ils ont d’ailleurs par la suite spontanément fait leur propre collecte : Narcisse
m’a un jour apporté des chewing-gum aux fruits « Regarde ! Il y en a un à la FFFFFFFFFFFFraise qui
commence par un « FFFF » ! » et un à la MMMMMMMMMMMMenthe qui commence par un « MMMM » ! ; Olivier a
remarqué qu’il avait du gel douche à la « P’P’P’P’omme » chez lui et a décidé de garder l’étiquette
etc.
D’autre part, notamment pour Clémentine qui manquait beaucoup de confiance en elle
et était très anxieuse dès qu’on lui présentait une activité de lecture et/ou d’écriture, le fait
23 ZEKRI-HURSTEL Régine, L’alphabet des cinq sens, Robert Laffont, 2005, p.86
19
de passer par des activités ludiques et proches du quotidien ordinaire (de par leur aspect
sensoriel) a permis de dédramatiser les apprentissages. Nous nous sommes libérés de ce
climat anxiogène face à la lecture. Lors des premières séances, Clémentine répétait souvent
« On a bien joué là. On n’a même pas appris à lire ! Moi j’aime bien jouer » puis petit à petit,
par les échanges avec les autres et le rappel fréquent de la raison de leur présence dans le
groupe d’aide (Apprendre à lire et écrire plus de lettres pour pouvoir lire des syllabes, puis
des mots) le discours de Clémentine s’est modifié et est devenu « Moi je sais mieux lire
maintenant, je connais toutes les lettres, j’aime lire, je suis la plus forte à lire ! » Il a alors été
nécessaire de repréciser ce qu’était « lire », et de lui faire entrevoir le chemin restant à
parcourir. Mais l’essentiel était là : la confiance enfin retrouvée.
2.5 VAL I DATI ON DE L A PREMI ERE HY POTHE SE
Ma première hypothèse était la suivante : L’utilisation L’utilisation L’utilisation L’utilisation simultanéesimultanéesimultanéesimultanée de plusieurs de plusieurs de plusieurs de plusieurs
canaux sensoriels dans l’apprentissage de la lecture devrait améliorer la canaux sensoriels dans l’apprentissage de la lecture devrait améliorer la canaux sensoriels dans l’apprentissage de la lecture devrait améliorer la canaux sensoriels dans l’apprentissage de la lecture devrait améliorer la
mémorisation des corresmémorisation des corresmémorisation des corresmémorisation des correspondances pondances pondances pondances graphophonologiquesgraphophonologiquesgraphophonologiquesgraphophonologiques. . . .
Les trois élèves avec lesquels j’ai travaillé ont tous beaucoup progressé dans leurs
connaissances des correspondances graphophonologiques :
20
Evolution du score moyen de chaque item entre le début et la fin du projet d’aide24
En croisant ces résultats avec les apports théoriques et les observations faites
précédemment, je considère que cette hypothèse est validée.
De plus, lors de l’analyse des évaluations initiales et finales des élèves, je me suis
rendu compte qu’ils ont non seulement mémorisé les correspondances
graphophonologiques qui avaient été abordées ensemble (a, o, l, v, f, ch, p, b et m) mais
aussi de nombreuses autres. Le tableau de progrès25 présent au début de leur cahier
contenait vingt-et-un phonèmes, sélectionnés comme faisant partie d’un objectif qui me
paraissait ambitieux mais atteignable. Les élèves étaient conscients que tous les phonèmes
ne seraient pas travaillés au sein du groupe d’aide. Ils ont fait preuve d’une grande
motivation pour les mémoriser coûte que coûte, en classe, à la maison…
24 Voir les résultats complets en annexe 4 25 Ce tableau de progrès est visible en annexe 3
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Connaissancedu nom des
lettres
Connaissancedes phonèmes
Transcriptionde phonèmes
(Toutesécritures)
Transcriptionde phonèmes
(cursive)
Début janvier 2014
Fin février 2014
21
Clémentine : « Tu sais maintenant, je sais le « s ». Je vais te montrer. Je le sais. Je l’ai
appris sans toi. Je l’ai appris dans la classe. C’est la première fois que j’apprends une lettre
dans la classe. »
Narcisse : « Chez moi, au lieu de faire du sport, j’ai appris mes lettres. J’ai pris de la
peinture pour les écrire. En plus j’ai trouvé un modèle de lettres en attaché chez moi. »
Olivier : « J’ai appris dans la classe en regardant ma table (chaque élève a emmené un
référentiel à coller sur sa table avec le graphème dans différentes écritures et l’image de
l’objet gustatif et odorant correspondant à chaque phonème). Je repasse avec mon doigt
dessus pour apprendre. Et je me souviens. »
Durant les premières séances du projet, les cahiers que nous utilisions avec les élèves
restaient dans mon placard en fin de séance. Je me suis vite rendu compte qu’il était
regrettable qu’ils ne puissent pas les emmener avec eux pour pouvoir s’y référer quand ils le
souhaitaient. J’ai donc proposé aux élèves d’emmener leur cahier en classe et chez eux, à le
montrer, à le regarder avec les membres de leurs familles, leurs amis etc. Ils ont pu présenter
leur travail à leur maîtresse et à leurs camarades. Ceci a favorisé un réinvestissement plus aisé
des connaissances dans les différents cadres.
Lors des séances d’aide ils ont certes acquis des connaissances, mais le plus important
à mon sens est qu’ils ont « appris à apprendre ». Ils savent maintenant comment faire,
quelles ressources employer.
22
Clémentine : « Ici j’ai appris la technique d’avoir envie de travailler et de savoir comment
travailler ! »
3 APPROCHES TACTILES ET KINESTHESIQUES DE LA LECTURE ET ACCES A
LA FUSION SYLLABIQUE
3.1 FU SI ON SY L L ABI QU E : LE S L I MI TE S DE S APPROCHE S V I SU EL L E S E T AU DI TI VE S
Selon Jocelyne Giasson, « La fusion syllabique consiste à unir les sons représentés par
deux graphèmes (ou plus) pour former une syllabe. […] Alors que ce procédé semble très
simple pour un adulte, l’apprenti lecteur ne comprend pas toujours la façon de procéder.
[…] Il faut donc porter attention à la fusion syllabique dès le début de l’apprentissage de la
lecture. »26 Elle propose ensuite des activités diverses :
• Travail avec des syllabaires (carnet coupé en deux avec consonnes d’un côté,
voyelles de l’autre) ou des dés (un dé pour les consonnes un autre pour les voyelles).
Ceci avait déjà été tenté en classe avec Clémentine, Narcisse et Olivier. Malgré
l’attrait visuel de ce matériel, ceci ne leur avait pas permis d’intégrer réellement la
fusion syllabique.
• Utilisation d’une petite histoire, (Un enfant « f » sur une luge glissant jusqu’au bas
de la pente en faisant « ffff ! » jusqu’à son ami « a ») Là encore, cette approche avait
été essayée en classe, à partir de l’histoire des alphas (La fusée « f » qui tombe sur la
tête de monsieur o ) sans succès. Il faut préciser ici, que l’activité a été proposée
sans manipulation de matériel (personnages des alphas, figurine sur une luge…).
Dans le cas contraire, nous allons le voir par la suite, les résultats auraient pu être
différents.
26 GIASSON Jocelyne, La lecture, apprentissage et difficultés, De Boeck, 2011, p.136
23
Le point commun de toutes les propositions qui avaient été faites auparavant aux
élèves était toujours leur appartenance au domaine du visuel et de l’auditif. Ceci ne semblait
pas suffisant pour les élèves avec qui je travaillais.
Stanislas Dehaene précise que « La seule chose qui importe au tout début de la lecture,
c’est l’enseignement explicite et systématique des correspondances entre l’ordre temporel du
langage parlé (la séquence de phonèmes) et l’ordre spatial de ce qui est écrit (l’agencement
des graphèmes, de gauche à droite). »27
Comment alors accéder à cette maîtrise de l’espace et du temps permettant d’accéder
à la lecture ?
3.2 SE SI TU ER DAN S L ’E SP ACE ET L E TEMP S G RACE AU T O U CHER
Jocelyne Giasson relaye cependant une entrée qui m’a semblé être différente des
autres : suivre la séquence du mot avec le doigt.28 Deborah G. Litt explique que ceci peut
être bénéfique pour les élèves qui ne respectent pas l’orientation gauche-droite du mot.
C’était effectivement le cas de certains élèves, notamment Clémentine, qui, lors des
premières évaluations avait lu « po » au lieu de « op ». Cette inversion s’expliquerait par une
recherche d’éléments connus (Je sais lire « po » donc toutes les formes approchantes sont
lues ainsi). Or, si on propose à l’élève de suivre la séquence du doigt, en rappelant qu’on lit
obligatoirement de gauche à droite, il n’y a pas d’erreur possible. Quand mon doigt est sur le
« o » je dis « oooo » quand il arrive sur le « p » je dis « p’ ». Le cheminement du doigt le long
des mots permet aux élèves de se rendre compte que le sens de lecture est immuable. Il n’y
a pas d’exception possible. On ne lit jamais de droite à gauche, pas même pour un petit
segment de mot. Permettre à l’élève d’accéder à une bonne organisation spatio-temporelle
de la syllabe (puis des mots) facilite la compréhension de la fusion syllabique.
27 DEHAENE Stanislas, "Semaine du cerveau", Le café pédagogique, mars 2014, http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/03/13032014Article635302900918362864.aspx 28 LITT Deborah G., "10 rules for reading" in The reading Teacher, Vol. 60, N°6, Mars 2007, pp. 570-574
.
24
D’après Stanislas Dehaene « La recherche continue, et l’on redécouvre par exemple
l’importance du geste d’écriture. Ecrire le mot lentement au tableau tout en l’épelant, faire
tracer les lettres par l’enfant, sont bénéfiques, notamment parce que ces méthodes
soulignent l’organisation spatiale et temporelle du mot.»29
Faire lire et tracer les lettres à l’élève simultanément me paraissait judicieux.
Cependant, pour les raisons évoquées précédemment, un tracé au doigt me semblait encore
plus efficace qu’un tracé à la craie ou au stylo. J’ai alors tout simplement décidé de continuer
dans la lancée du travail impulsé avec les lettres en relief et j’ai fabriqué des syllabes
rugueuses. Les résultats ont été immédiats pour Clémentine et Olivier. L’avancée du doigt sur
le tracé rugueux de la syllabe faisait automatiquement naître une chaine orale dans sa juste
temporalité. «C’est mon corps qui m’a dit la syllabe ! » (Olivier).
Néanmoins, pour Narcisse, la fusion syllabique restait difficile. Le doigt avançait plus
vite que la parole. Il n’arrivait pas à coordonner le geste et la voix. Son impulsivité semblait le
dépasser, il n’arrivait pas à canaliser son geste pour pouvoir en tirer profit. C’est alors que je
me suis orientée vers l’approche kinesthésique.
3.3 SE SI TU ER DAN S L ’E SP ACE ET L E TEMP S G RACE AU M OU VEMENT
Régine Zekri-Hurstel explique que pour certains élèves, le mouvement, voire
« l’hypermouvement », est un réel besoin qui est à prendre en compte pour leur permettre
d’apprendre. C’est une étape qui mène vers une maîtrise du langage. J’ai alors compris que,
pour Narcisse, mon rôle était de l’aider à « ne plus confondre mouvement et agitation,
mouvement et difficultés. Il faut comprendre que c’est par le mouvement que le petit garçon
découvre l’espace, qu’il l’arpente en même temps qu’il jauge et l’intègre. Il n’est jamais un
spectateur passif »30
29 DEHAENE Stanislas, "Semaine du cerveau", Le café pédagogique, mars 2014,
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/03/13032014Article635302900918362864.aspx 30 ZEKRI-HURSTEL Régine, L’alphabet des cinq sens, Robert Laffont, 2005, p.106
25
Il me fallait donc offrir à Narcisse un cadre dans lequel son excès de
mouvement pouvait s’exprimer librement pour pouvoir ensuite aller vers
un mouvement plus canalisé et raisonné. C’est à ce moment-là que j’ai
mis en place les activités à dominante kinesthésique, par exemple, la
marelle des syllabes : on la dessine au sol avec un graphème sur chaque
case. Il faut prononcer le phonème correspondant quand nos pieds se
trouvent dessus. On saute (en poursuivant l’émission du son) et au moment de l’atterrissage
sur la case suivante on prononce le second graphème.
Narcisse s’est pleinement investi dans cette activité (comme il en a d’ailleurs l’habitude
lors des activités sportives en classe. Ce n’est pas anodin.) Il a, au sens propre comme au
sens figuré, sauté à pieds joints dans la lecture de syllabes. Le passage du mouvement au
langage se faisait de manière naturelle et spontanée. Le son semblait venir du plus profond
de lui-même, sous l’impulsion donnée par son corps. La fusion syllabique est venue
naturellement.
De plus, au fil des séances, j’ai pu observer Narcisse passer des mouvements larges et
explosifs (donc inadaptés au travail de classe) à des mouvements plus discrets, restreints à
l’espace de son cahier ou de son bureau (et donc transférables en classe). A ce moment-là,
nous avons alors pu repasser à des activités tactiles avec les syllabes rugueuses. Régine Zekri
Hurstel précise que le passage du geste (hémisphère droit du cerveau) au langage
(hémisphère gauche du cerveau) stabilise le mouvement. Ceci expliquerait le fait que Narcisse
se soit petit à petit tranquillisé.
3.4 TROU VER L E S RE SSOU RCE S POU R SE REA SSU RER
Pendant que je travaillais avec les élèves sur la fusion syllabique, j’ai clairement senti que
ceci leur demandait une concentration intense. Il s’agissait en effet d’une tâche complexe :
percevoir les graphèmes, se remémorer le phonème associé, le garder en mémoire le temps
d’analyser le second phonème pour pouvoir enfin associer les deux.
26
Régine Zekri-Hurstel31 distingue deux axes qui sont en interaction constante au cours
d’un apprentissage multisensoriel :
Dans le texte qui va suivre, l’alternance entre ces deux axes sera marquée par l’utilisation des couleurs suivantes : le violet pour le sensoriel primaire, le vert pour le sensoriel secondaire.
L’élève passe d’un axe à l’autre au fur et à mesure de ses besoins. En effet, la
sensorialité primairesensorialité primairesensorialité primairesensorialité primaire est accessible à tous. Il n’y a pas de peur de mal faire, de ne pas
réussir. Il suffit de sentir, toucher, goûter… c’est facile et valorisant. C’est au moment du
passage à la sensorialité secondaire sensorialité secondaire sensorialité secondaire sensorialité secondaire que l’élève peut être déstabilisé, au moment où les
attentes sont plus fortes : il faut comprendre, mémoriser, restituer… Mais le retour à la
sensorialité primaire sensorialité primaire sensorialité primaire sensorialité primaire est toujours possible, le temps de se rassurer, de reprendre des repères
pour pouvoir à nouveau se lancer dans la réflexion et la compréhension des processus mis en
œuvre.
Il m’est donc apparu primordial de laisser cette possibilité aux élèves de retourner à la
sensorialité primairesensorialité primairesensorialité primairesensorialité primaire lorsqu’ils en ressentaient le besoin. Ceci s’est essentiellement résumé à
avoir une attitude ouverte aux expériences de chacun, à leur laisser le temps de la réflexion,
31 Idib.
Voir
Entendre
Toucher
Sentir
Goûter
L’axe des simultanéités (Sensoriel primaire)
- Il est lié à la découverte.
- L’élève regarde, touche, sent… mais
n’analyse pas.
- Il reçoit seulement les informations
via ces sensations primaires.
L’axe des successivités (Sensoriel secondaire)
- L’élève intègre ce qu’il a vu, écouté, touché etc.
- Il mémorise, il comprend.
- Il devient capable de restituer ce qu’il a appris par
le biais du langage ou du geste.
27
des retours en arrière…. Le plus dur étant de calmer l’ardeur des camarades autour qui sont
impatients de dire, de faire, de montrer !
Lorsque nous avons travaillé avec la marelle des syllabes (évoquée dans la partie 3.3),
passer à une sensorialité secondairesensorialité secondairesensorialité secondairesensorialité secondaire était une nécessité : il faut notamment anticiper la
prochaine correspondance graphophonologique tout en poursuivant l’émission du premier
son, ce qui demande une réelle analyse de la situation. NarcisseNarcisseNarcisseNarcisse se trouvait sur la première se trouvait sur la première se trouvait sur la première se trouvait sur la première
casecasecasecase : «: «: «: « aaaaa…aaaaa…aaaaa…aaaaa… ». Il saute, atterrit sur la seconde case et s’interrompt. Il n’arrive pas à ». Il saute, atterrit sur la seconde case et s’interrompt. Il n’arrive pas à ». Il saute, atterrit sur la seconde case et s’interrompt. Il n’arrive pas à ». Il saute, atterrit sur la seconde case et s’interrompt. Il n’arrive pas à
se remémorer le son correspondant au second graphème (f).se remémorer le son correspondant au second graphème (f).se remémorer le son correspondant au second graphème (f).se remémorer le son correspondant au second graphème (f). De longues secondes
s’écoulent. Clémentine a la réponse au bord des lèvres, prête à jaillir. Je pose ma main sur
son épaule. Elle comprend et patiente. NarcisseNarcisseNarcisseNarcisse écarteécarteécarteécarte alorsalorsalorsalors ses deux pieds et se penche ses deux pieds et se penche ses deux pieds et se penche ses deux pieds et se penche
pour tracer la lettre du doigt au sol. pour tracer la lettre du doigt au sol. pour tracer la lettre du doigt au sol. pour tracer la lettre du doigt au sol. Le son lui revientLe son lui revientLe son lui revientLe son lui revient : «: «: «: « ffffffffffffffffffff !!!! » Il recommence. Se » Il recommence. Se » Il recommence. Se » Il recommence. Se
remet sremet sremet sremet sur la première case. «ur la première case. «ur la première case. «ur la première case. « aaaaa…aaaaa…aaaaa…aaaaa… » saute sur la seconde» saute sur la seconde» saute sur la seconde» saute sur la seconde : «: «: «: « ffffffffffffffffffff !!!! ». J’ai réussi à lire ». J’ai réussi à lire ». J’ai réussi à lire ». J’ai réussi à lire
«««« afafafaf »»»» ! ! ! ! Au sein de cette tâche qui requiert une sensorialité secondairesensorialité secondairesensorialité secondairesensorialité secondaire, Narcisse a fait de
lui-même un retour à la sensorialité primairesensorialité primairesensorialité primairesensorialité primaire au moment où il s’est senti en difficulté. Ceci
lui a permis de surmonter cet obstacle et de parvenir à son but (lire la syllabe).
3.5 VAL I DATI ON DE L A SECON DE HY POTHE SE
Ma seconde hypothèse était la suivante : Les approches tactiles et kinesthésiques,Les approches tactiles et kinesthésiques,Les approches tactiles et kinesthésiques,Les approches tactiles et kinesthésiques,
de par leur rapport à l’espacede par leur rapport à l’espacede par leur rapport à l’espacede par leur rapport à l’espace et et et et au temps, devraient permettre aux élèves d’au temps, devraient permettre aux élèves d’au temps, devraient permettre aux élèves d’au temps, devraient permettre aux élèves d’accéder accéder accéder accéder
à la fusion syllabiqueà la fusion syllabiqueà la fusion syllabiqueà la fusion syllabique. . . .
Les progrès des élèves concernant la fusion syllabique sont les suivants :
28
Evolution du score moyen de chaque item entre le début et la fin du projet d’aide32
Il est intéressant de noter que bien que le travail n’ait porté que sur les syllabes, les
élèves ont été capables de transférer leurs connaissances en lecture de mots. Nous avons
régulièrement discuté des finalités (à court ou plus long terme) du travail effectué. Les élèves
ont toujours gardé à l’esprit qu’ils apprenaient les correspondances graphophonologiques
pour pouvoir lire des syllabes puis des mots, des phrases, des textes, des histoires etc. Ceci,
couplé à l’utilisation du tableau de progrès33, les a aidés à devenir pleinement conscients de
ce qu’ils savent et de ce qu’ils ne maîtrisent pas encore et donc du chemin restant à
parcourir en classe ou ailleurs (mais en dehors du groupe d’aide). Lors du bilan de fin de
projet avec les élèves, chacun a été capable de me dire très précisément l’état actuel de ses
connaissances et quels étaient ses projets d’apprentissage pour la suite (réviser les phonèmes
sources de confusions, apprendre les sons complexes…).
32 Voir les résultats complets en annexe 4 33 Le tableau de progrès se trouve en annexe 3
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Décodage desyllabes
Encodage desyllabes
Décodage demots simples
Décodage depseudo-mots
Début janvier 2014
Fin février 2014
29
A la lecture des évaluations finales, je peux affirmer que chacun des trois élèves a pu
accéder à la fusion syllabique. Au vu des apports théoriques et observations faites sur le
terrain, je pense que les approches tactiles et kinesthésiques employées ont été un facteur
prédominant.
CONCLUSION
A l’aube de mon projet de mémoire, j’avais élaboré cette problématique :
Mes recherches théoriques et ma pratique professionnelle m’ont permis de découvrir
toutes les richesses de cette approche. En effet, grâce à ses apports sur la mémorisation, la
motivation, le rapport à l’espace et au temps, les élèves ont réellement progressé :
Evolution du score moyen entre le début et la fin du projet d’aide34
34 Les résultats détaillés pour chaque élève se trouvent en annexe 5
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
Narcisse Olivier Clémentine
Début janvier 2014
Fin février 20142
En quoi une approche multisensorielle de la lecture peutEn quoi une approche multisensorielle de la lecture peutEn quoi une approche multisensorielle de la lecture peutEn quoi une approche multisensorielle de la lecture peut----elle permettre à des elle permettre à des elle permettre à des elle permettre à des
élèvesélèvesélèvesélèves de cycle 2 en difficultéde cycle 2 en difficultéde cycle 2 en difficultéde cycle 2 en difficulté dddd’entrer dans ’entrer dans ’entrer dans ’entrer dans le déchiffragele déchiffragele déchiffragele déchiffrage ? ? ? ?
30
Cependant, le plus important à mon sens, est qu’ils ont compris pourquoi et comment
ils apprennent. Enfin, ceci a eu de réelles retombées sur leur travail en classe. Leur
enseignante les a trouvés beaucoup plus investis, volontaires, attentifs et efficaces…. et…
« Ça y est ! Ils sont entrés dans la lecture ! ».
Cependant nous (Les élèves, l’enseignante et moi) sommes totalement conscients que les
réussites obtenues ne sont qu’un point de départ. Il reste encore beaucoup de choses à
apprendre et à découvrir dans le monde de la lecture. Nous nous sommes attelés à accéder
au déchiffrage (appliquer systématiquement les correspondances graphophonologiques et
les fusionner pour lire), ce qui ne signifie pas décodage (reconnaître le sens du mot
déchiffré). Mais à ce jour, nous pensons que ces élèves sont maintenant capables de
poursuivre leurs apprentissages en classe.
Quant à moi, cette année de formation alternative un peu particulière a été l’occasion
de m’informer et d’apprendre par moi-même. Ceci n’est qu’un commencement. Mes
recherches m’ont ouvert la voie d’une multitude de sites et revues à surveiller et de
nombreux ouvrages que je suis impatiente de découvrir. Il me semble important d’avoir en
main une multitude d’outils et d’idées à mettre au service des élèves afin de s’adapter au
mieux aux besoins de chacun.
Au cours de mon travail sur ce mémoire, j’ai pu préciser et réaffirmer certains éléments
que je trouve essentiels dans mon rôle de maître E : la métacognition, le réinvestissement des
connaissances, le lien avec la classe (mais aussi les enseignants et autres acteurs), l’attention,
la motivation, la mémoire… autant de connaissances et compétences que je réemploierai
assurément avec d’autres élèves et dans d’autres domaines.
Une question demeure toutefois pour moi : comment utiliser cette approche
multisensorielle dans d’autres domaines ? J’entrevois alors beaucoup de perspectives
motivantes pour la suite de mon parcours professionnel en tant que maître E.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages • BRASSEUR Gérard, Compétence mémoire, Accès éditions, 2001
• DEHAENE Stanislas, sous la direction de., Apprendre à lire - Des sciences cognitives à
la salle de classe, Odile Jacob, 2011
• GENTAZ Edouard, La main, le cerveau et le toucher, Dunod, 2009
• GIASSON Jocelyne, La lecture, apprentissage et difficultés, De Boeck, 2011
• PROUST Marcel, Du côté de chez Swann in A la recherche du temps perdu, Tome I,
Gallimard, La Pléiade, 1913
• TOUPIOL Gérard (dir.), Apprendre et comprendre, Place et rôle de la métacognition
dans l’aide spécialisée, Retz, 2006
• ZEKRI-HURSTEL Régine, L’alphabet des cinq sens, Robert Laffont, 2005
Articles • BARA Florence et al., "Les effets des entraînements phonologiques et multisensoriels
destinés à favoriser l’apprentissage de la lecture chez les jeunes enfants" in Enfance,
Vol. 56, Avril 2004, pp. 387-403
• CHAILLEZ Pascale-Dominique et O’CONNELL Lynda, "La lecture et la tablette tactile,
une expérience multisensorielle !" in Revue préscolaire, Vol. 50, n°3, 2012
• DEHAENE Stanislas, « Semaine du cerveau », Le café pédagogique, mars 2014, http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/03/13032014Article635302
900918362864.aspx
• GENTAZ Edouard, "Apprendre à lire avec les doigts" in Médecine & enfance,
septembre 2004, pp 388-391
• LITT Deborah G., "10 rules for reading" in The reading Teacher, Vol. 60, N°6, Mars
2007, pp. 570-574
• CHARDON Saint-Cyr, "Evaluation d’un entraînement à la lecture au cours préparatoire
sollicitant les modalités visuelle, auditive et haptique" in Revue française de
pédagogie, n°153, Octobre-novembre-décembre 2005, pp 93-107
Sites • Toucher pour connaître et apprendre (Edouard Gentaz) : http://webcom.upmf-
grenoble.fr/LPNC/LpncPerso/Permanents/EGentaz/web/?CV_de_Edouard_Gentaz
• RIRE Réseau d’information pour la réussite éducative : http://rire.ctreq.qc.ca
Conférences • DEHAENE Stanislas, Journée des Sciences de la cognition, 15 janvier 2014, Aix-les-
bains
• TB Formation, Mieux communiquer avec les élèves et les familles, 28 novembre 2012,
Sévrier
ANNEXES
• Annexe 1 : Exemplaire d’évaluation vierge
• Annexe 2 : Projet de groupe
• Annexe 3 : Tableau de progrès
• Annexe 4 : Séance type
• Annexe 5 : Résultats aux évaluations finales et terminales pour
chaque élève
Annexe 1 : Exemplaire d’évaluation vierge
Evaluation
lecture Prénom : Ecole :
Date :
PRINCIPE ALPHABETIQUE Nom : Enseignant : Classe :
1. Correspondance script/cursive
a / a o / o ²$ / s ²m / m ²i / i ²t / t d / d ²r / r ²l / l ²p / p ²b / b ²f / f
Remarques
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
2. Distinction et connaissance du nom et du son des graphèmes simples
Nom
a i s l e o f p m r u é g n t b v d c è j
Son
Remarques
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
3. Décodage de syllabes (CV – VC – CVC)
lililili ma totototo pipipipi ra si da bo fa ba
iriririr as op alalalal ab sarsarsarsar mir pol pafpafpafpaf bal
Remarques
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
4. Capacité de transcrire les phonèmes simples en graphèmes. (dicter les phonèmes
correspondant aux lettres du 2.)
Remarques
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
5. Décodage de pseudo-mots
oli ari sar ima malo pila rabi sofi
Remarques
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
6. Décodage de mots simples
mal moto papi lama tapis mamie rôti bol
Remarques
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
7. Encodage de syllabes (syllabes en gras dans le 3. )
…………
…………
…………
…………
…………
…………
…………
Remarques
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
Conclusions
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
…………………………………………………………………………………………………
Annexe 2 : Projet de groupe
Du 06/01/14 au 28/02/14 : 14 séances
Ecole : Ecole primaire Marcel Proust. Année scolaire : 2013-2014
Composition du groupe d’aide
Nom Prénom Date de naissance Classe Enseignant
Clémentine xxxx 28/02/07 CP Rose xxx
Narcisse xxxx 07/08/07 CP Rose xxx
Olivier xxxx 11/09/07 CP Rose xxx
Modalités de la prise en charge
Jour Horaire Lieu
Lundi 13h30 – 14h15 BCD
Jeudi 8h30 – 9h15 BCD
Description du projet
Champs disciplinaires Lecture (déchiffrage)
Objectifs
- Connaître les correspondances entre les lettres et les sons dans les graphies simples
- Connaître les correspondances entre minuscules et majuscules d’imprimerie, minuscules et majuscules cursives.
- Lire aisément des syllabes simples
Item du palier 1 du socle commun : Lire seul, à haute voix, un texte comprenant des mots connus et inconnus.
Compétences transversales
- Mener un travail à son terme en restant actif et mobilisé
- Mémoriser des informations
- Eprouver de la confiance en soi, contrôler ses émotions.
- connaître les processus d'apprentissage, ses propres points forts et faiblesses.
Outils et moyens mis en œuvre
- Activités multisensorielles de lecture faisant intervenir la vue, l’ouïe, le toucher, le goût, l’odorat, le mouvement…
- Travail coopératif riche en interactions entre les élèves.
- Discussions métacognitives.
- Mise en place d’un tableau de progrès permettant aux élèves de se fixer des objectifs d’apprentissage et de visualiser leur progression.
Liens avec la classe
- Référentiel commun (Affichage et mémo sur la table de chaque élève) - Discussions autour du projet en classe, avec l’enseignante de la classe et les autres camarades
- Dans le cadre du groupe d’aide : référence aux apprentissages faits en classe, aux affichages de la classe…
- Cahier qui voyage entre le groupe d’aide, la classe et la maison. - Discussions métacognitives au cours des séances et lors des bilans de fin de séance : « En classe je vais me resservir de… » « Aujourd’hui
j’ai appris à… je pourrai l’utiliser en classe quand … »
Annexe 3 : Tableau de progrès
Chaque étiquette est mobile et peut être déplacée d’une colonne à l’autre.
Annexe 4 : Séance type
AC
CU
EIL Réactivation
- Qu’avons-nous fait et appris lors de la séance précédente. (Contenus et méthodes) - Mise à jour du tableau de progrès de chacun : Situer son avancée par rapport aux objectifs fixés. Petit
test rapide pour voir si on a acquis de nouvelles connaissances.
AC
TIV
ITES
Mise en projet
Que va-ton faire aujourd’hui ?
Devinette « Le délice du jour » : deviner le mot référent du son qui va être étudié. Indices lexicaux (par exemple :
c’est un fruit…) et phonologiques (nombre de syllabes, rime avec…)
Annoncer les activités prévues et donner les critères de réussite.
Tâches Toutes les tâches suivantes ne sont pas réalisées systématiquement. A chaque séance ce schéma global
est réadapté en fonction des besoins.
Découverte collective :
- Affiche de référence (lettres script et cursives, image) – Visualisation mentale
- Découverte gustative et olfactive de l’élément associé au phonème. - Modèle articulatoire si besoin avec la marionnette bouche.
- Comptine/chanson associée au phonème. Recherche de mots contenant ce phonème.
- Invention personnelle ou collective d’une phrase rythmique et mélodique associée au son. (Ecoute puis production)
- Découverte tactile : avec les lettres tactiles de La Cigale. Repasser 5 fois avec son doigt les yeux ouverts
puis 5 fois les yeux fermés. Puis discrimination à l’aveugle parmi d’autres. Travail individuel et autonome (Chaque élève choisit l’ordre des activités et le temps passé sur chacune d’elles). :
- Manipulation tactile (avec renforcement olfactif) : pâte à modeler parfumée et/ou tracés dans le sel
parfumé et/ou peinture à doigt parfumée et/ou tracés sur tablette tactile. Chaque tracé est accompagné d’une production orale (son ou phrase mélodique associée au son)
- Travail à dominante visuelle : lettres déguisées et/ou lettres superposées script/cursive
Mise en commun : Discussions et confrontations. Ceci peut se faire lors du travail individuel si besoin.
Travail collectif :
- Approche kinesthésique : former les lettres avec son corps et/ou Marcher sur les tracés au sol en
produisant le son correspondant et/ou Marelle des syllabes et/ou « arbres à syllabes » dans le cahier…
Alternance de phases d’action, d’observation (de l’autre en action) et de réflexion.
Trace écrite dans le cahier qui sera emmené en classe et à la maison. Toutes les fiches ont un cadre de la
couleur associée au phonème ainsi qu’une photo du référent (par exemple une pomme pour « p ») et les
différentes écritures de la/des lettre(s).
- Référentiel (Lettres dans les différentes écritures, photo, couleur)
- Lettre tactile (Matière différente pour chaque phonème : feutrine, points de colle, laine, peinture pailletée, mousse, sets de table rugueux, papier de verre, Play Maïs, peinture au sable, feutrine…)
- Correspondance lettre script/cursive en transparence
- Notes sur le ressenti de chacun, sur ce que les goûts et odeurs nous évoquent… - Parole de la comptine/chanson écoutée
- Photos de l’enfant en action
- Graphème écrit de la main de l’enfant, avec mise en évidence de l’essai le plus concluant
BIL
AN
Questionnements et discussions
- A propos de l’essence même du projet : quels sens ont été mobilisés ? Dans quelle activité ? Qu’est-ce
qui m’a le plus marqué ? De quoi vais-je me souvenir (le gout, la forme, le son…)
- A propos du fonctionnement cognitif de chacun : ce qui m’a aidé à réussir, ce que j’ai trouvé difficile,
comment j’ai contourné la difficulté, ce que je ferai la prochaine fois, ce qui me resservira en classe…
SOU
VEN
IR Garder un « souvenir » de la séance Par exemple :
- Le papier de chocolat avec le phonème chchchch écrit dessus au marqueur.
- Tracer la lettre dans la main de l’enfant, de la bonne couleur, y associer l’odeur (une goutte de parfum,
odeur du feutre…)
Annexe 5 : Résultats aux évaluations finales et terminales
Narcisse
Evaluation initialeEvaluation initialeEvaluation initialeEvaluation initiale
09/01/1409/01/1409/01/1409/01/14
Evaluation finaleEvaluation finaleEvaluation finaleEvaluation finale
25/02/1425/02/1425/02/1425/02/14
Correspondance script/cursive 8/12 67 %67 %67 %67 % 12/12 100 %100 %100 %100 %
Connaissance du nom des lettres 7/21 33 %33 %33 %33 % 16/21 76 %76 %76 %76 %
Connaissance des phonèmes 8/21 38 %38 %38 %38 % 19/21 91 %91 %91 %91 %
Transcription de
phonèmes en
graphèmes
En cursive 0/21 0 %0 %0 %0 % 16/21 76 %76 %76 %76 %
Toutes écritures
confondues 9/21 43 %43 %43 %43 % 16/21 76 %76 %76 %76 %
Décodage de syllabes 3/20 15 %15 %15 %15 % 18/20 90 %90 %90 %90 %
Encodage de syllabes 3/7 43 %43 %43 %43 % 5/7 71 %71 %71 %71 %
Décodage de pseudo-mots 0/8 0 %0 %0 %0 % 4/8 50 %50 %50 %50 %
Décodage de mots simples 0/8 0 %0 %0 %0 % 5/8 63 %63 %63 %63 %
MOYENNEMOYENNEMOYENNEMOYENNE TOTALETOTALETOTALETOTALE 27 %27 %27 %27 % 77 %77 %77 %77 %
ObservationsObservationsObservationsObservations
09/01/14
- Bonne conscience phonologique
- Volontaire et motivé (ce n’est pas le cas en classe). En décodage de syllabe, suite à plusieurs échecs, je
lui dis « On s’arrête là. » il me répond « Non, non, on continue ! » - Ecriture : mélange de lettres scripts majuscules et minuscules. Pas de cursive du tout.
- Lecture de syllabes : grosses difficultés liées au faible nombre de correspondances
graphophonologiques acquises. De plus il ne réinvestit par forcément les sons connus lors de la lecture de syllabes.
- Le principe de la combinatoire n’est pas compris.
25/02/14
- Lenteur pour retrouver les correspondances graphophonologiques, aussi bien en décodage qu’en
encodage : Réflexion intense, se remémore le mot référent (vvvvvv…. C’est comme… euh… vanille ! Alors attend… [trace le v avec son doigt sur la table]… ça y est je sais ! [L’écrit correctement sur sa
feuille]) Aura besoin d’automatiser ces nouvelles acquisitions.
- Quelques confusions visuelles (t/f p/d) mais non systématiques. - Lecture de syllabes CV (consonne/voyelle) acquise. VC : laborieux mais réussi. A automatiser. CVC : ne
pose pas de problème.
- Encodage de syllabes : CV et VC : acquis. CVC à revoir. - A l’écrit : n’arrive pas à segmenter les mots en syllabes.
- Bons résultats en lecture de mots : réussit mieux qu’avec les pseudo-mots. S’appuie sur le sens. Echec
lors de la lecture de mots qu’il ne connait pas. (lama et rôti)
Olivier
Evaluation initialeEvaluation initialeEvaluation initialeEvaluation initiale
09/01/1409/01/1409/01/1409/01/14
Evaluation finaleEvaluation finaleEvaluation finaleEvaluation finale
25/02/1425/02/1425/02/1425/02/14
Correspondance script/cursive 10/12 83 %83 %83 %83 % 12/12 100 %100 %100 %100 %
Connaissance du nom des lettres 15/21 71 %71 %71 %71 % 16/21 76 %76 %76 %76 %
Connaissance des phonèmes 14/21 67 %67 %67 %67 % 17/21 81 %81 %81 %81 %
Transcription de
phonèmes en
graphèmes
En cursive 14/21 67 %67 %67 %67 % 14/21 67 %67 %67 %67 %
Toutes écritures
confondues 10/21 48 %48 %48 %48 % 17/21 81 %81 %81 %81 %
Décodage de syllabes 9/20 45 %45 %45 %45 % 19/20 95 %95 %95 %95 %
Encodage de syllabes 0/7 0 %0 %0 %0 % 7/7 100 %100 %100 %100 %
Décodage de pseudo-mots 0/8 0 %0 %0 %0 % 8/8 100 %100 %100 %100 %
Décodage de mots simples 4/8 50 %50 %50 %50 % 8/8 100 %100 %100 %100 %
MOYENNE TOTALEMOYENNE TOTALEMOYENNE TOTALEMOYENNE TOTALE 47 %47 %47 %47 % 89 %89 %89 %89 %
ObservationsObservationsObservationsObservations
07/01/14
- Bonne conscience phonologique - Peu de correspondances graphèmes-phonèmes ont été mémorisées.
- Beaucoup de confusions visuelles et/ou auditives : a/o p/b/d m/n u/v…
- Inversions de lettres aussi bien en décodage qu’en encodage. - Lecture de mots meilleure que la lecture de pseudo-mots : s’appuie sur le sens.
- Ecriture : confusions script/cursive.
- Difficultés de prononciation de certains sons
25/02/14
- Correspondances script/cursive : hésitations sur b/d/p puis se corrige tout seul. - Bonne connaissance des noms et sons des lettres. Seule la confusion b/d demeure en décodage et p/b
en encodage (« b comme pomme ! »)
- Difficultés en écriture : m, n et j sont écrits en script. - Quelques inversions de lettres demeurent (beaucoup moins qu’avant), en encodage uniquement.
- Les difficultés de prononciation sont toujours présentes.
Clémentine
Evaluation initialeEvaluation initialeEvaluation initialeEvaluation initiale
09/01/1409/01/1409/01/1409/01/14
Evaluation finaleEvaluation finaleEvaluation finaleEvaluation finale
25/02/1425/02/1425/02/1425/02/14
Correspondance script/cursive 9/12 75 %75 %75 %75 % 12/12 100 %100 %100 %100 %
Connaissance du nom des lettres 11/21 52 %52 %52 %52 % 20/21 95 %95 %95 %95 %
Connaissance des phonèmes 11/21 52 %52 %52 %52 % 20/21 95 %95 %95 %95 %
Transcription de
phonèmes en
graphèmes
En cursive 1/21 5 %5 %5 %5 % 20/21 95 %95 %95 %95 %
Toutes écritures
confondues 7/21 33 %33 %33 %33 % 20/21 95 %95 %95 %95 %
Décodage de syllabes 6/20 30 %30 %30 %30 % 19/20 95 %95 %95 %95 %
Encodage de syllabes 2/7 28 %28 %28 %28 % 7/7 100 %100 %100 %100 %
Décodage de pseudo-mots 4/8 50 %50 %50 %50 % 8/8 100 %100 %100 %100 %
Décodage de mots simples 2/8 25 %25 %25 %25 % 8/8 100 %100 %100 %100 %
MOYENNE TOTALEMOYENNE TOTALEMOYENNE TOTALEMOYENNE TOTALE 39 %39 %39 %39 % 97 %97 %97 %97 %
ObservationsObservationsObservationsObservations ::::
07/01/14
- Bonne conscience phonologique.
- Correspondance script/cursive : Ce sont les lettres à boucles qui posent problème (l, b, f…)
- Connaissance des correspondances graphophonologiques (en encodage comme en décodage) très bonnes pour les voyelles, quelques difficultés sur les consonnes longues (f, j…), les consonnes courtes
ne sont globalement pas connues.
- A partiellement compris le principe de la combinatoire mais ne parvient pas à lire car les correspondances graphophonologiques ne sont pas mémorisées.
- Manque de confiance en elle : S’arrête souvent pour dire « Je ne connais pas le son du i » « Je ne vais
pas y arriver » « J’ai oublié » mais si on la rassure, elle réussit. - Grosses difficultés en écriture : confusions script/cursive majuscule/minuscule. Quand elle écrit en
cursive, elle n’attache pas les lettres entre elles.
26/02/14
- Clémentine répond vite, lit vite, de manière très impulsive. Au premier jet : souvent des erreurs liées à
des confusions visuelles et/ou auditives (p/b b/d m/n etc.) mais elle se corrige souvent d’elle-même.
- Très bons résultats dans toutes les épreuves. - Plus d’hésitations sur ses propres capacités. Elle enchaine les exercices sans faire d’arrêts.