Jacky Goupil - Cas de Farce Majeure extrait - Le … · Quitter sa femme en se faisant aider par un homme invisible, voilà la formule idéale ! Toutefois, quand on réunit une femme,

Cas de Farce Majeure - [email protected] - 06 11 60 87 89 - page 2

J a c k y G o u p i l

CAS DE FARCE MAJEURE

Ma femme, ma maitresse, mon Ma femme, ma maitresse, mon Ma femme, ma maitresse, mon Ma femme, ma maitresse, mon

fantôme et moifantôme et moifantôme et moifantôme et moi !!!!

Jacky Goupil - 06 11 60 87 89 - [email protected]


Caractéristiques

DURÉE approximative : 75 minutes

DISTRIBUTION 2 hommes & 2 femmes Ou 1 homme et 3 femmes (disponible : une version où le fantôme est une femme) (le rôle du fantôme peut être joué par une femme)

CHARLIE : Le mari

LAETITIA : La femme

ROXANE : La maîtresse

ARSÈNE : Le fantôme

COSTUMES : L’acte 1 se déroule dans un appartement. Aucun costume particulier à prévoir. La suite de la pièce se déroule dans un camping, prévoir des tenues adaptées, selon les gouts de chacun (short, tongs, maillot de bain…) comme en vacances !

ACCESSOIRES : Une tente de camping Quechua. Un paravent pour délimiter la douche.

RÉSUMÉ : Comment quitter sa femme quand on n’a pas le courag e de le faire ? En se faisant aider par un fantôme !

Charlie a une femme et une maîtresse, rien de plus banal (surtout au théâtre !) Que la deuxième veuille prendre la place de la première, c’est logique. Mais Charlie ne sait pas trop comment s’y prendre. C’est alors qu’apparait Arsène, un étrange personnage qui dit à Charlie qu’il est sa conscience. Ce n’est pas possible ? Si ! La preuve, personne ne voit Arsène, personne ne l’entend… sauf Charlie. Quitter sa femme en se faisant aider par un homme invisible, voilà la formule idéale ! Toutefois, quand on réunit une femme, un amant, une maitresse et un fantôme, on prend le risque de provoquer quiproquos, mensonges, malentendus, méprises et autres gaffes. Une farce décapante et originale qui dresse un portrait décalé et férocement drôle de l’homme face aux femmes et inversement.

Jacky GOUPIL

06 11 60 87 89

[email protected]


Cas de farce majeure une comédie de Jacky Goupil

ACTE 1 - L’appartement

Un salon, une chaise, une table basse. Laetitia écoute son portable. Silence.

CHARLIE /off. Chérie ? Chérie ? Chériiiiiiie ? (il entre avec une valise et des affaires bien pliées). Tu pourrais répondre quand je t’appelle !

LAETITIA. Chut !

CHARLIE. Chut quoi ?

LAETITIA. À l’enterrement de mon grand oncle, il y a eu une minute de silence, je l’ai enregistrée. C’est émouvant…

CHARLIE chiffonnant ses affaires dans la valise. On n’entend rien !

LAETITIA. C’est ça qui est émouvant ! Vous les hommes, rien ne vous touche !

CHARLIE. Elle dure longtemps ta minute ?

LAETITIA. Soixante secondes. (elle écoute puis coupe) C’était beau…

CHARLIE. Je passerai ça le jour de ton enterrement ! Dis donc, où sont mes chaussures pour marcher ?

Laetitia range soigneusement ses affaires dans son sac.

LAETITIA. Je ne sais pas où sont tes chaussures pour marcher, Charlie. Ni tes chaussures pour manger, ni celles pour te laver les dents !

CHARLIE. Les noires.

LAETITIA. Personnellement, ce week-end, je n’ai pas l’intention de marcher. Manger, dormir, d’accord, peut-être bouquiner si quelqu’un me tourne les pages, c’est tout ! Le reste du temps, je ne fais rien (elle se fige), j’écoute mes cheveux pousser.

CHARLIE. On ne va rien foutre ?

LAETITIA. Pourquoi veux-tu toujours faire quelque chose ?

CHARLIE. Quand j’étais môme, si je ne faisais rien, mon père me collait illico une corvée pour m’occuper, du genre tondre la pelouse ou ranger ma chambre. Du coup, je faisais n’importe quoi pour éviter qu’il m’occupe ! Bon, je prends mes chaussures ou pas ?

LAETITIA. Prends-les, tu marcheras avec Justine.

CHARLIE. Je me réjouis d’avance de marcher avec ta copine rabat-joie.

LAETITIA. Son mari l’a larguée comme un vieux slip, ça lui remontera le moral de partir en week-end, ça va lui changer les idées.

CHARLIE. Pourquoi elle se change les idées avec nous ? Qu’est-ce qu’on lui a fait ?

LAETITIA. C’est ta B.A. de l’année !

CHARLIE. En échange, tu cherches mes chaussures ?

LAETITIA. Devine.


CHARLIE content. Ça veut dire oui ?

LAETITIA. Non.

CHARLIE. Dommage…

Le téléphone sonne, Laetitia décroche

LAETITIA. Bonjour mamie, comment allez… Ah zut ! Je vous en apporte… avant de partir, oui, c’est préférable... Je me moque de vous ? Quelle idée mamie !… D’accord, je… oui je… Je vais… Il faut que je… (très vite) Je vous embrasse, mamie, à tout à l’heure… (elle raccroche).

CHARLIE. Tu lui as raccroché au nez ?

LAETITIA. Pas du tout ! J’ai appuyé sur le bouton "Stop" pour interrompre sa logorrhée verbale… Notre fille a oublié sa Ventoline. Je vais lui en apporter…

CHARLIE. Purée, on n’est pas partis !

LAETITIA. On n’est pas en retard !

CHARLIE. Le train part dans… (il regarde son poignet) trois heures.

LAETITIA. Tu n’as pas de montre.

CHARLIE. Je n’ai pas besoin de montre pour savoir qu’on est pressés.

LAETITIA. Porte les restes de bouffe chez la voisine, je finis mon sac.

CHARLIE. Pitié, Laetitia, ne m’oblige pas à parler avec la voisine qui pue de la gueule.

LAETITIA. Fais un effort…

CHARLIE. Elle a une haleine de rat crevé, c’est insoutenable... Il devrait y avoir une loi qui oblige les gens qui puent de la gueule à porter un masque.

LAETITIA. Carrément !

CHARLIE. Quand je l’écoute, je frise l’asphyxie. Je retiens ma respiration. Je lui fais la conversation en apnée ! (il imite) "Bonjour Madame qui pue de la gueule, comment allez-vous ? Pitié, ne répondez pas !"

LAETITIA. Tu exagères…

CHARLIE. Hypocrite, c’est toi-même qui lui as offert un diffuseur de parfum à accrocher à sa porte d’entrée. Maintenant, ça pue le rat crevé… au milieu d’un champ de lavande !

Laetitia prend le sac de restes.

LAETITIA. OK, j’ai compris, j’y vais ! Merci pour ton aide.

CHARLIE. De rien ! (il se pince le nez) Prend une pince à linge ! Et traine pas pendant deux plombes !! (Laetitia sort, il cherche) Où j’ai mis mes pompes ? Purée, on n’est pas partis ! (il cherche ses chaussures) derrière le panneau biblio)

Roxane entre sans qu’il l’entende.

ROXANE. Coucou !

CHARLIE sursautant. Aaaaaaaah ! (il la voit) AAAAAAAAH !

ROXANE. Merci, ça fait plaisir !

CHARLIE. Roxane ?! Mais comment t’es rentrée ?

ROXANE. La porte était ouverte.

CHARLIE. Qu’est-ce que tu fais ici ?

ROXANE. Je suis venue te faire un petit bisou avant que tu partes. (elle tend ses lèvres, Charlie la laisse en plan pour s’occuper de ses bagages) Tu pourrais être plus tendre, tu vas m’abandonner pendant deux jours, tout un week-end avec ta Laetitia...


CHARLIE. Je te rappelle que c’est ma femme !

ROXANE menaçante. Plus pour longtemps, j’espère…

CHARLIE. Tu me files la trouille, des fois !

ROXANE. Tu lui dis pour nous deux ce week-end ? Promis ? (elle tend sa main droite)

CHARLIE. Promis ! (il tope)

ROXANE. Juré ? (elle tend sa main gauche)

CHARLIE. Juré ! (il tope)

ROXANE. Craché ? (elle tend les deux)

CHARLIE. Craché ! (il crache)

ROXANE. T’es dégoutant ! (elle s’essuie sur lui)

CHARLIE. C’est toi qui m’a dit de cracher.

ROXANE à son cou. J’ai hâte qu’on soit dans notre petit nid. Tu n’as pas hâte, toi ?

CHARLIE surveillant l’entrée. Oh si j’ai hâte ! Je ramasserai des vers de terre, tu couveras les œufs ! Mais… tu crois que le contexte week-end c’est bien pour annoncer à sa femme qu’on veut la quitter ?

ROXANE. Mais bien sûr, c’est idéal, tu seras détendu…

CHARLIE. Genre "Au fait, chérie, j’en ai une bien bonne à te raconter : je te quitte, je pars vivre avec ta meilleure amie ! Elle est bonne, non ? Continue de bronzer, on en reparle à l’apéro !

ROXANE. C’est sûr que dit comme ça, ça manque de tact…

CHARLIE. Tu lui dirais comment, toi, t’as une idée ?

ROXANE. Estimes-tu que ce soit le rôle d’une maitresse d’expliquer à son amant comment il doit quitter sa femme ?

CHARLIE. Ah oui !

ROXANE. Pardon ?

CHARLIE. Non, j’ai dit : ah non !

ROXANE. J’aime mieux ça !

CHARLIE. Je vais me débrouiller, tu parles ! Je vais trouver facile… tiens, d’ailleurs, j’ai déjà trouvé…

ROXANE. Tu vas dire quoi ?

CHARLIE. J’ai trouvé, mais je préfère ne pas en parler. Ne me met pas la pression, je ne m’appelle pas Kronenbourg !

ROXANE. Tu vas lui dire, je compte sur toi ? Croix de bois, croix de fer ?

CHARLIE. Croix de bois, croix de fer, si je mens…

ROXANE. Tu vas en enfer !

CHARLIE. Quand même pas !

ROXANE se colle à lui. Allez, serre-moi fort !

CHARLIE. Laetitia va revenir ! (il la repousse)

ROXANE. Tu la ménages, ta petite femme.

CHARLIE. Je n’ai pas de raison de lui aboyer dessus ! Surtout que j’aboie très mal (il aboie)

ROXANE lui file une tape. Couché, sale bête !


CHARLIE. Et puis y’a sa copine Justine, qui va arriver.

ROXANE. C’est qui cette Justine qui vient avec vous ? Une autre de tes maitresses ? Elle est jolie ?

CHARLIE. Tu vois Sophie Marceau ?

ROXANE. Ben oui !

CHARLIE. Eh ben elle ne lui ressemble pas du tout ! (le téléphone sonne, Charlie regarde le cadran) Tiens, c’est Justine justement !…

ROXANE lui prend le téléphone des mains. Je réponds !

CHARLIE. Non, non, non !

ROXANE prend le combiné. Allô ? (Charlie tente de lui reprendre le combiné)

JUSTINE off. Je suis chez Laetitia et Charlie ?

ROXANE. Chi chi…

JUSTINE off. C’est qui ?

ROXANE. Le Mochieu et la Madame chont pas là, ils chont chortis…

JUSTINE off. Je suis leur amie Justine, je pars en week-end avec eux, vous êtes au courant ?

ROXANE. Chi, chi… La mère de Mochieu est chouffrante…

JUSTINE off. Souffrante ?

ROXANE. Chi, chi, chouffrante. Une crise d’appendichite… Ils chont partis préchipitamment.

JUSTINE off. Précipitamment ?

ROXANE. Ch’est cha, à toute viteche !

JUSTINE off. Ils n’ont rien dit pour moi ?

ROXANE. Chi, chi, la Madame a dit le week-end est chupprimé. Rechtez chez vous.

JUSTINE off. Je l’appelle sur son portable…

ROXANE. Surtout pas, ils ne veulent parler à personne.

JUSTINE off. Vous n’avez plus d’accent ?

ROXANE. Chi, chi, j’ai un akchent… Au revoir madame, j’ai des chpaghettis sur le feu. Je vous lèche.

JUSTINE off. Au rev… (Roxane coupe)

ROXANE. Et voilà, tu es débarrassé d’elle ! Tu es content ?

CHARLIE effaré. "Je vous lèche" ? Tu lui as dit "je vous lèche" ?!

Laetitia revient.

LAETITIA. Tu lèches qui ?

CHARLIE. Oh, lèche tomber !…

LAETITIA. Ma Roxane ! Qu’est-ce qui t’amène ? (elles se font la bise)

ROXANE. Je passais dans le quartier, alors je…

CHARLIE la coupant. Justine a appelé !

LAETITIA. Elle est en retard ?

CHARLIE. Oh bah oui, elle est vachement en retard : elle ne vient plus.

LAETITIA. Elle ne vient plus ? Pourquoi ?


CHARLIE. C’est euh… sa mère qui est malade… une crise d’appendicite.

ROXANE. Et même d’appendichite !

CHARLIE. Voilà, ch’est cha… euh, c’est ça !

LAETITIA. D’appendichite ? Oh shit ! Je l’appelle.

CHARLIE. Pas la peine, elle est déjà partie !

LAETITIA. On fait quoi, alors ? On part en week-end tous les deux ? (Charlie grimace)

ROXANE. Et si je partais avec vous ?

LAETITIA. C’est une super idée !

CHARLIE. Non-non-non, pas super idée, pas super idée !

ROXANE. Merci, on se sent aimée !

CHARLIE. C’est pas ce que je voulais dire mais…

Charlie fait des signes désespérés à Roxane dans le dos de Laetitia pour l’inciter à dire non.

LAETITIA. C’est réglé, tu pars avec nous. Je porte la Ventoline chez ma mère, on se retrouve ici. (à Roxane) Tu as une heure pour faire tes bagages, ça ira ?

ROXANE. Largement !

LAETITIA. Ça va être gé-nial ! (à Charlie). Charlie ?

CHARLIE surpris. Gé-nial !

Laetitia sort avec la Ventoline.

CHARLIE. Tu ne peux pas partir avec nous !

ROXANE. Notre premier week-end en amoureux, ça ne te fait pas plaisir ?

CHARLIE. Avec ma femme entre nous, ça va être très romantique ! On va lui dire de nous jouer de la mandoline et de nous faire la danse du ventre !

ROXANE contente. C’est une super idée, demande-lui ! Je file préparer mon sac.

CHARLIE. Prends ton temps, ma chérie, prends tout ton temps…

ROXANE. Tu espères que je rate le train ?

CHARLIE. Ooooh, qu’est-ce que tu vas imaginer ?!

Elle sort.

Arsène tout en blanc, entre sans que Charlie le voit.

CHARLIE. Résumons la situation. Petit un, je suis marié. Petit deux, j’ai une maitresse. Petit trois… petit trois… eh bien je suis super mal barré !

ARSÈNE. Mais non, mais non…

CHARLIE. Mais si, mais si, oh l’autre, hé ! (il sursaute) Hein ? Quoi ? Qui a parlé ? Qui est là ?

Arsène s’approche, main tendue.

ARSÈNE jovial. Bonjour Charlie !

CHARLIE. Comment connaissez-vous mon nom ? Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici ? Comment êtes-vous entré ? Qui vous a…

ARSÈNE. Hop-hop-hop ! Une par une les questions ! (montrant son front) Y’a pas marqué Macintosh !

CHARLIE. C’est quoi ce gag ?

ARSÈNE. C’est pas une question, ça.

CHARLIE. Vous êtes qui ?


ARSÈNE. Ça c’est une question. Je m’appelle Arsène, comme Arsène Lupin. Enchanté (il lui tend la main que Charlie ne serre pas)

CHARLIE. Vous êtes un cambrioleur ?

ARSÈNE. Perdu ! Question suivante ?

CHARLIE l’attrape par le col. Vous allez me dire ce que vous faites ici ou je vous transforme en steak tartare !

ARSÈNE. J’adore le steak tartare !

CHARLIE. Vous voulez que je vous dise où je vais fourrer les oignons rouges et le tabasco ?

ARSÈNE. Cool, mon pote, cool, tu vas péter un tuyau à t’énerver comme ça !

CHARLIE. Deuxième sommation : qu’est-ce que vous faites ici ?

ARSÈNE. Tu ne vas pas me croire…

CHARLIE. Dernière sommation : ok, je cogne !

ARSÈNE. Du calme, du calme… Je viens t’aider à quitter ta femme !

CHARLIE le relâche. Pourquoi je quitterai ma femme ?

ARSÈNE. Parce que tu l’as promis à Roxane.

CHARLIE . Vous connaissez Roxane ?

ARSÈNE. Évidemment ! Et je comprends que tu veuilles changer. À côté d’elle, ta bonne femme est beaucoup moins comestible ! Elle a passé la date de péremption. T’auras beau lui trafiquer le moteur et refaire sa carrosserie, elle aura toujours les amortisseurs fatigués et les suspensions avachies.

CHARLIE. Ma femme n’a pas les suspensions avachies ! (croyant comprendre) Vous êtes garagiste, vous voulez me vendre une bagnole, c’est ça ?

ARSÈNE. Je ne suis pas garagiste, mais toi t’es bouché ! Et même boucher-charcutier ! (il rigole, Charlie non) D’accord, t’as pas d’humour !

CHARLIE. Si, si, j’ai énormément d’humour !

ARSÈNE hilare. C’est vrai, ça se voit !

CHARLIE. Maintenant, ça suffit ! Primo, vous me dites ce que vous faites ici et secundo, euh… vous me dites ce que vous faites ici !

ARSÈNE. Je te l’ai dit : je viens t’aider à quitter ta grognasse…

CHARLIE. Vous êtes son amant ?

ARSÈNE. Ta femme a un amant ?

CHARLIE. Je ne pense pas…

ARSÈNE. Pourquoi tu me coupes la parole ?

CHARLIE. Qu’est-ce que vous foutez dans mon salon ?!

ARSÈNE. Je vais t’expliquer, mon petit Charlie…

CHARLIE. Je ne suis pas petit.

ARSÈNE. Je vais t’expliquer, mon grand Charlie… Je suis… ton expérience, ta lucidité, ton double, ton guide…

CHARLIE. Vas-y, Dark Vador, dis-moi aussi que tu es mon père !

ARSÈNE. Je suis une représentation fantomatique de ta conscience, un substrat de ta réalité, une évanescence de ton existence…

CHARLIE regarde autour de lui, rassuré. OK, j’ai compris, j’ai compris !


ARSÈNE. T’as de la chance, personnellement, je ne comprends pas toujours ce que je dis !

CHARLIE. C’est pour la caméra invisible ! On peut dire que vous m’avez bien eu, moi j’ai plongé direct !

ARSÈNE. Comment t’as deviné ?

CHARLIE. Je ne suis pas si idiot que j’en ai l’air ! C’est vachement bien foutu votre truc ! Elles sont où, les caméras ?

ARSÈNE. Eh ben si, t’es aussi idiot que tu en as l’air : ce n’est pas du tout pour la caméra invisible !

CHARLIE. Ah bon ?

ARSÈNE. Je connais toute ta vie, Charlie. Tout. Même ton futur. Tiens, je te parie que dans quelques secondes, tu vas avoir mal à la tête.

CHARLIE. Bravo, Nostradamus, effectivement, j’ai mal à la tête !

ARSÈNE. Je suis trop fort !

CHARLIE. Parce que c’est vous qui me donnez la migraine !

ARSÈNE. On va faire un jeu : pose-moi une question sur toi, n’importe laquelle, tu verras, je te connais comme si je t’avais fait !

CHARLIE. Oui maman !

ARSÈNE. Alors, la question ?

CHARLIE. (temps) Le nom de ma première amoureuse ?

ARSÈNE. Trop facile ! Géraldine, en 3e B.

CHARLIE. Faux, c’est Johanna, en CP.

ARSÈNE. Tu avais six ans avec Johanna, espèce de prétentieux. Par contre, Géraldine, c’est la première à qui tu as roulé une pelle.

CHARLIE. Dites-moi un truc plus personnel, intime, un truc que personne ne sait.

ARSÈNE. Ce que tu fais au lit avec Roxane ?

CHARLIE. Vous savez ça ?

ARSÈNE. Tu veux de l’intime, je te donne de l’intime. C’est souvent sexuel, l’intime… Ah, ça y est, j’ai un truc intime… (malin) très intime…

CHARLIE. Je ne sais pas si j’ai envie de l’entendre…

ARSÈNE. C’est à cause d’une ectopie testiculaire détectée à quatorze ans que tu as (chuchotant à son oreille) une couille molle.

CHARLIE. Je n’ai pas (chuchotant à son oreille) une couille molle, j’ai un testicule atrophié ! Ça n’a rien à voir. Et je vais vous dire une bonne chose, Monsieur Je sais tout : vous commencez à me les casser, les testicules !

ARSÈNE. Je te rappelle que tu n’en as qu’un.

CHARLIE. Mais qui vous a dit ça ?

ARSÈNE. Je suis toi, je te dis ! Je suis ton double, ton fantôme, on est comme les cinq doigts de la main toi et moi.

CHARLIE. Sauf qu’on n’est que deux.

ARSÈNE. Eh bien on est comme les deux doigts de la main.

CHARLIE. Et on ne se ressemble pas du tout !

ARSÈNE. Ça c’est vrai : je suis beau, tu es moche. Je suis costaud, tu es chétif. Je suis intelligent…


CHARLIE. …et je suis nul, merci, j’ai compris le principe.

ARSÈNE. Tu vois quand tu veux !

CHARLIE bouscule Arsène. Ha ha, voilà la preuve que vous n’êtes pas un fantôme. Un fantôme, on peut lui passer les mains à travers le corps.

ARSÈNE amusé. Tu peux le faire ! Ça fera un gros trou, mes intestins dégoulineront par terre, j’aurai horriblement mal, mais tu passeras à travers mon corps. T’as trop vu de films, toi ! Les fantômes qui passent à travers les murs ou qui mangent des chauves-souris, c’est à Hollywood !

CHARLIE. Vous mangez des chauves-souris ?

ARSÈNE. C’est trop bon avec du ketchup et des frites !

CHARLIE. Pourquoi vous avez attendu si longtemps pour apparaître dans ma vie ?

ARSÈNE. Tu n’as pas eu besoin de moi avant.

CHARLIE. On n’aurait pas été trop de deux pour passer le bac.

ARSÈNE. Que tu as raté…

CHARLIE. Admettons que je vous crois, si c’est une connerie, je passe pour un imbécile…

ARSÈNE. Et si tu ne me crois pas et que c’est vrai ?

CHARLIE. Je passe pour un gros naze !

ARSÈNE. Choisis ton camp…

CHARLIE. Admettons que je sois un gros naze...

ARSÈNE. Enfin, un peu de lucidité !

CHARLIE. Pourquoi vous occupez-vous de mes affaires ?

ARSÈNE. Je suis ta bonne étoile, profites-en, ça ne durera pas l’éternité.

CHARLIE. Je ne crois pas Père Noël, je ne crois pas à la petite souris, pourquoi je croirais aux fantômes ? Je vais me ressaisir… (pour lui-même sur l’air de "Y’a d’la joie"). "Tout va bien / y a pas d’raison de s’inquiéter / Tout va bien / C’est pas la peine de paniquer / Tout va bien, tout va bien…" Aaaah, je me sens mieux…

ARSÈNE balance les vêtements du sac de Laetitia. Qu’est-ce que tu chantes faux !

CHARLIE. Ça y est, j’ai compris !

ARSÈNE. Qu’est-ce que tu as encore compris ?

CHARLIE. Je dors, c’est ça l’explication, je suis en train de roupiller. Je suis bien installé dans mon petit dodo… Je vais juste me pincer pour voir que je dors bien… (il se pince) Aïe, ah bah non, je dors pas ! Je vais compter jusqu’à dix et vous aurez disparu. (il se cache les yeux pour compter. Arsène trouve des biscuits et les mange) 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10.

ARSÈNE. Ils sont bons, ces gâteaux !

CHARLIE découvre ses yeux. Vous êtes encore là ? Je me disais que vous auriez disparu, et puis non.

ARSÈNE. Et puis non !

CHARLIE. Maintenant, il faut partir. Ma femme va revenir d’une minute à l’autre, si elle vous voit, elle ne va pas comprendre.

ARSÈNE. Sûrement pas.


CHARLIE. Si, je la connais. De voir un inconnu dans son salon en train de bouffer ses biscuits chocolatés, elle va se poser des questions. Ça fonctionne comme ça une femme : un problème égale des questions, des questions égale des réponses !

ARSÈNE. Pour chaque problème, il y a une solution, et s’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème ! T’inquiète, ta femme ne s’apercevra pas que je suis là.

CHARLIE. Monsieur Arsène Lupin…

ARSÈNE. Appelle-moi Arsène ça suffit…

CHARLIE. Monsieur Arsène ça suffit, je vous le demande gentiment : partez ! (la porte d’entrée claque) Et ça y est, voilà ma femme ! Purée, on n’est pas partis !

Laetitia entre, voit ses affaires éparpillées. Elle ne voit pas Arsène.

LAETITIA. Qu’est-ce que tu as foutu ?

CHARLIE . Une minute chérie. (à Arsène) Eh ben… c’est sympa d’être passé, ça m’a fait plaisir.

LAETITIA . Pardon ?

CHARLIE. Je disais à mon vieil ami, qu’il n’est de bonne compagnie qui ne se quitte… (il lui désigne la sortie. Laetitia stupéfaite) Content de vous avoir vu, mon vieux, et à la prochaine !

ARSÈNE. Je vais rester encore un peu.

LAETITIA. Tu discutes avec la chaise ?

CHARLIE. Je parle à Monsieur.

ARSÈNE. À moi !

LAETITIA. Qu’est-ce que tu as fumé pendant que j’étais sortie ?

ARSÈNE. Le paillasson !

CHARLIE. Là, la chaise, tu le vois Arsène Lupin ?

LAETITIA. Tu appelles la chaise Arsène Lupin ?

ARSÈNE. T’es mal barré…

CHARLIE. Laetitia, qu’est-ce que tu vois sur cette chaise ?

LAETITIA. Je vois du vide, comme dans ton cerveau.

CHARLIE. Rien d’autre ?

ARSÈNE. Je te l’avais dit qu’elle ne me verrait pas. Il n’y a que toi qui peux me voir.

CHARLIE. Je deviens dingue, c’est ça, je suis taré ?

LAETITIA. Je ne te le fais pas dire ! (elle s’assoit sur les genoux d’Arsène et range ses affaires) Tu m’auras tout fait, toi ! (Charlie fait des mimiques à Laetitia) Quoi encore ?

CHARLIE. Tu… tu es bien installée ?

LAETITIA. Très bien, oui, il est très confortable ton copain Arsène Lupin.

ARSÈNE. C’est la première fois qu’on me dit que je suis confortable…

CHARLIE. Ce n’est pas possible, ça n’existe pas…

LAETITIA. Qu’est-ce qui n’existe pas ?

CHARLIE énervé. Les fantômes, les gens invisibles, ça ne se peut pas. Dans les dessins animés, d’accord, mais pas dans la vraie vie…

LAETITIA. Pourquoi tu t’énerves ?

ARSÈNE. C’est pas la peine de t’énerver…


CHARLIE énervé. Je ne m’énerve pas !

ARSÈNE. C’est pas conseillé de s’énerver comme ça.

CHARLIE à Arsène. Je ne m’énerve pas !

LAETITIA. Ça va, j’ai compris !

CHARLIE. C’est pas à toi, que je parle ! Je parle à…

LAETITIA. À ton amie la chaise ! (à la chaise) Madame la chaise, pourriez-vous rentrer chez vous sur vos petits pieds ? Merci beaucoup, au revoir et la bise à vos petits coussins. (à Charlie) Ça y est, j’ai compris, elle et toi, vous êtes coussins germains !

CHARLIE. Très drôle.

ARSÈNE à Laetitia. Faut lui donner un calmant.

LAETITIA va chercher des cachets et de l’eau. Tu vas prendre un calmant.

CHARLIE. Tu as entendu ce qu’il a dit ?

LAETITIA. Qui ça ?

CHARLIE. Il a dit "faut lui donner un calmant" et tu le fais. Donc tu as entendu ce qu’il a dit, dis-moi que tu l’as entendu ?

LAETITIA. Tu vas prendre deux calmants ! Un parce que tu t’énerves et un autre parce que tu m’énerves !

CHARLIE. Tu ne vois rien d’anormal ?

LAETITIA. La seule chose anormale ici, c’est toi.

ARSÈNE. Ça me plairait pas qu’on me dise ça !

CHARLIE. C’est pas possible, c’est pas possible, c’est pas possible !

LAETITIA. Prends deux autres calmants !

ARSÈNE. Tu ne vas pas être frais !

LAETITIA. Le week-end s’annonce calme !

CHARLIE. Je dois être mort… C’est ça, je suis mort ? Ooooh, je suis mort !

LAETITIA bouscule Charlie. Écoute-moi, Toutankhamon, tu arrêtes immédiatement tes élucubrations, sinon tu vas incontestablement être mort, parce que je vais te tuer de mes propres mains !

ARSÈNE. Ouh la la, elle rigole pas mémère ! (il lui prend une mèche de cheveux) Je lui tire les cheveux ?

CHARLIE à Arsène. Arrête !

LAETITIA. J’arrête si tu te tais !

ARSÈNE. Tu la laisses te parler comme ça ?

CHARLIE. J’ai pas le choix.

LAETITIA. Non, tu n’as pas le choix. Tais-toi !

ARSÈNE. C’est qu’elle mordrait, c’te sale bête !

Laetitia ramasse un vêtement et le plie soigneusement. On sonne

LAETITIA . Et voilà, Roxane revient et t’es pas prêt ! (elle lui donne le vêtement) Range ça dans mon sac. (elle va ouvrir) J’te jure !

Charlie balance le vêtement et s’agenouille devant Arsène.

CHARLIE. Pourquoi vous me voulez du mal ?

ARSÈNE. Je ne te veux pas de mal, quelle idée !


Laetitia revient avec Roxane qui porte un sac de voyage.

ROXANE. Charlie, La Mecque, c’est de l’autre côté !

LAETITIA. Reprends des calmants !

CHARLIE. Je vais être complètement abruti !

ARSÈNE. Tu l’es déjà !

ROXANE. Il va pouvoir conduire jusqu’à la gare ?

LAETITIA. Pas sûr, il y a cinq minutes, il parlait avec la chaise… Je conduirai, je vais chercher mes papiers. Elle sort.

Roxane va pour poser son sac sur Arsène.

CHARLIE. Pas sur la chaise !

ROXANE. Je ne vais pas la salir ! (elle pose sèchement son sac)

ARSÈNE. Aïe (il fait tomber le sac)

ROXANE. Ça va pas toi ?! (elle ramasse son sac)

CHARLIE. Moi pas touché.

ROXANE. Menteur ! (elle repose le sac sur Arsène)

ARSÈNE. Elle m’énerve, celle-là ! (il fait tomber le sac).

ROXANE fixant Charlie. Arrête, Charlie !

CHARLIE levant les bras. Je ne fais rien, regarde, je ne fais rien !

Sans quitter des yeux Charlie, elle ramasse son sac et le repose. Arsène le fait encore tomber.

ROXANE. Je ne sais pas comment tu fais ça, mais je te jure que… je ne sais pas comment tu fais ça ! (elle pose son sac ailleurs en surveillant Charlie. Elle attend de voir s’il tombe. Non. Réaction de méfiance).

CHARLIE lui tend sa joue. Une claque !

ROXANE. Pardon ?

CHARLIE. Donne-moi une claque !

ROXANE. T’as fumé un verre ou bu un pétard ?

CHARLIE. C’est pour aujourd’hui ou pour demain ?

Laetitia revient.

ROXANE. Pour aujourd’hui. (elle claque).

LAETITIA. Je peux ?

CHARLIE. Vas-y ! (il tend l’autre joue)

LAETITIA. Quand on peut faire plaisir ! (elle claque).

CHARLIE. Ça fait du mal, mais ça fait du bien !

ARSÈNE. Moi aussi je peux ? (il lui claque les fesses)

CHARLIE. Aïe ! (il met sa main sur ses fesses)

LAETITIA. Tu te frottes les fesses quand tu reçois une claque sur la joue ?

ROXANE. Il est dyslexique de la claque.

LAETITIA. Tu as toujours envie de partir avec cet hurluberlu ?

ROXANE. Oh que oui, le week-end s’annonce trop marrant ! Et puis tu connais le dicton : "Quand le goéland se gratte le gland, c’est signe de mauvais temps mais quand il se gratte le cul, c’est pas bon non plus".


LAETITIA. Ça va te faire du bien de te reposer, toi ! Allez, go, on l’embarque !

Elles entraînent Charlie. Arsène fait quelque chose.

ROXANE. Il est lourd, ce cochon ! On le passe par la fenêtre ?

LAETITIA. On habite au troisième !

ROXANE. Et alors ?

LAETITIA. On n’a rien le droit de jeter par les fenêtres, le gardien va râler.

ROXANE. Il dort ou pas, pépère ?

LAETITIA. Presque… Attends… (il ronfle) Maintenant, il dort !

Elles sortent.

Fin de l’ACTE 1


Intermède acte 1 / acte 2

Cet intermède peut être joué ou enregistré préalablement et diffusé pendant le changement de décor.

Bruit de train qui roule. Ronflement de Charlie.

ROXANE. Il ronfle fort, pépère ! C’est plus un TGV, c’est une locomotive à vapeur ! Il ronfle tout le temps comme ça ?

LAETITIA. Oh non ! Quand il est réveillé, il ne ronfle pas.

ROXANE. Tu me rassures !

LAETITIA. Je vais siffler, tu vas voir, c’est super efficace. (elle siffle quelques secondes, Charlie stoppe). T’as vu ça ?

ROXANE. Impressionnant !... (Charlie recommence à ronfler) …mais ça dure pas longtemps, la locomotive redémarre !

LAETITIA. Vas-y, siffle ! (Roxane siffle mal, Charlie ronfle). C’est comme ça que tu siffles, toi ? Recommence ! (elle siffle idem) Oh la la ! Essaie encore… (même jeu). On va siffler ensemble, d’accord ? Á 3, on y va. 1, 2, 3, 4, 5, 6

ROXANE. Tu ne démarres pas à 3 ?

LAETITIA. C’était pour vérifier si tu suivais ! Allez, go (elles sifflent). C’est pas terrible, terrible !

ROXANE. De toutes façons, s’il faut siffler pendant tout le trajet, je préfère terminer le voyage à pied ! Je vais lui pincer le nez ! (le ronflement s’arrête). Alors, c’est pas efficace ?

LAETITIA. Il ne peut pas respirer !

ROXANE. C’est pas faux ce que tu dis… mais on va quand même attendre encore un peu… qu’on profite du calme...

Charlie s’étouffe.

CHARLIE. Vous êtes complètement folles !

ANNONCE SNCF. Deauville-Trouville, terminus. Correspondances pour Honfleur, empruntez le passage souterrain. Assurez-vous de n’avoir rien laissé dans les voitures, sinon ne comptez pas sur nous pour vous rendre ce que vous aurez oublié.


ACTE 2 - Au camping

Un décor d’arbres, une tente de camping. Sur un côté, un rideau de douche.

Un petit meuble de camping, une chaise longue, une chaise de camping, une petite table.

Bruit de douche. Roxane devant la tente avec des affaires. Elle referme la tente.

ROXANE fredonnant "Le curé de Camaret". Na na na na na… c’est quoi cette chanson, déjà ? (elle cherche) na na na na na na… Le curé de Camaret a les cou… Ça va pas, je ne veux pas chanter ça ! N’importe quoi !

Elle se sert un café. Laetitia sort de la douche en se brossant les cheveux.

LAETITIA. Bien dormi ?

ROXANE. J’ai rêvé que j’étais une cocotte-minute ! Je mangeais des tonnes de poireaux à la chantilly et ça me faisait gonfler comme une montgolfière ! Du coup pour maigrir je lâchais de la vapeur par les oreilles. Pchhh pchhh pchhh… Et toi, bien dormi ?

LAETITIA. Entre Charlie qui ronflait à ma gauche et toi qui pchitait à ma droite, j’ai passé la nuit dans une locomotive à vapeur. Rrron Pcchh rrronn Pcchhh

ROXANE. Il n’était pas frais Charlie, hier !

LAETITIA. Il était périmé tu veux dire ! (elle l’imite) Je dois être mort… C’est ça, je suis mort ?

ROXANE. J’ai adoré lui donner une claque !

LAETITIA. Comme dit le proverbe : Tape ton mari tous les jours, si tu ne sais pas pourquoi, lui, il le sait.

ROXANE. On le réveille ?

LAETITIA. Il ne va pas apprécier…

ROXANE. Raison de plus pour le faire ! (elle secoue la tente) Debout là-dedans, la marée monte !

LAETITIA. Charlie, y’a une chaise qui veut te parler !

ROXANE. Déconne pas, il va encore péter un câble.

LAETITIA. Ah, l’instant est grave, l’ours sort de sa caverne…

ROXANE. On imagine le pire…

Charlie apparait, endormi.

LAETITIA. Aïe aïe aïe, c’est pire que le pire !

ROXANE. C’est le vampire !

LAETITIA. Je vais lui servir un café.

ROXANE. Combien tu lui as donné de calmants, hier ?

LAETITIA. Six.

ROXANE. Sers-lui six cafés ! Pendant ce temps-là, je vais me laver. (elle prend une serviette) Où sont les douches dans ce merveilleux camping ?

LAETITIA. Tu as le choix. Notre douche individuelle : robinet déglingué, eau chaude aléatoire, mais avec nos microbes ! Ou alors les douches collectives : robinet high-tech et eau chaude garantie, mais ce sont les microbes des autres.


ROXANE. Les microbes des autres ne me font pas peur, l’eau chaude aléatoire, si. Je prends les collectives. Tu ne veux pas venir Charlie, ça te réveillerait ?

CHARLIE. Grmmlll.

ROXANE. Ça doit vouloir dire non ! (elle sort en fredonnant "Le curé"). Na na na na na na… (choquée) Oooh, pourquoi je chante ça ?!

LAETITIA apporte un café à Charlie. Fais voir ta tête… Bois, il manque des morceaux !

CHARLIE. Grmmlll.

LAETITIA. De rien. Tu sais ce qu’on m’a dit au boulot ? Roxane, elle sort avec un vieux.

CHARLIE soudain réveillé. Comment ça un vieux ?

LAETITIA. Des collègues l’ont vue avec un mec qui avait facile vingt ans de plus qu’elle.

CHARLIE. C’était peut-être son père ?

LAETITIA. C’est ce qu’ont dit mes copines, ça pourrait être son père.

CHARLIE. Les gens exagèrent toujours. Je vais prendre une douche, tiens. Un vieux, et puis quoi encore ?!

Charlie prend sa douche. Tandis qu’il parle avec Laetitia, Arsène sort de la tente, s’étire bruyamment, fait quelques mouvements de gym, boit le café de Laetitia, mange son gâteau.

CHARLIE /off douche. Le mec de Roxane…

LAETITIA. Le vieux ?

CHARLIE. Il est peut-être pas si vieux... Tes collègues, elles l’ont reconnu, enfin, je veux dire, elles l’ont identifié ?

LAETITIA. Non, elles ne savent pas qui c’est…

CHARLIE. Tant mieux.

LAETITIA ironique. Tant mieux ?

CHARLIE. Euh oui, oui, tant mieux, parce que c’est embêtant, tiens !… (l’eau coule) Hmm, elle est bien chaude, l’eau !

LAETITIA pour elle-même. Profite de ta douche, mon petit chéri tant-mieux, profite, je t’en prépare une bien froide qui va te rafraichir le cervelet. Monsieur s’imagine qu’il peut avoir une maitresse sans que je le sache ? (vers Charlie) Tu me prends pour une idiote ?!

CHARLIE. Parle plus fort ! Avec la douche, j’entends mal.

LAETITIA. Je m’en fous.

CHARLIE. Qu’est-ce que tu dis ?

LAETITIA. Je-m’en-fous.

CHARLIE. Quoi ?

LAETITIA. Je m’en… Oh, zut ! Zla tapika pika !

CHARLIE. C’est sûr ! (Laetitia étonnée)

LAETITIA. Ezla bodi bololo ?

CHARLIE. Tu m’étonnes !

LAETITIA . Ça c’est trop fort ! Récapitulons… (elle sort un papier. Arsène lit par-dessus son épaule). Petit un : Emmener Charlie au Camping des Primevères, c’est fait, je coche. (À Charlie) Charlie ?

CHARLIE . Quoi ?


LAETITIA . Izbao boli bola ?

CHARLIE. Plutôt deux fois qu’une !

ARSÈNE. C’est marrant ce truc-là ! Je vais essayer : Tubouli pouic pouic ?

CHARLIE. Plutôt deux fois qu’une, je t’ai dit !

LAETITIA. Oui, j’ai entendu.

ARSÈNE. Génial !

CHARLIE. Aaargh, c’est froid d’un seul coup, qu’est-ce qui se passe ?

LAETITIA. Stromboli roudoudou !

ARSÈNE. Et Puchi puchi bunda !

CHARLIE. Oui, ben c’est pas agréable !

LAETITIA lisant. Petit deux : Faire semblant d’ignorer qu’il me fait cocue. Ça marche, je coche aussi. Petit trois : Faire payer cher (elle corrige) Ah non, très cher, le traitre. C’est en cours, je ne coche pas ! (elle range le papier. À Charlie) La vengeance est un plat qui se mange froid ou chaud, mais qui se mange ! Au menu : traquenard de gros cochon à la sauce piquante.

CHARLIE. J’adore la sauce piquante.

LAETITIA. Ça me donne faim, tiens… (à Charlie) Je vais acheter à manger ! (elle sort en fredonnant Le Curé). Na na na na na na na

Charlie sort de la douche en s’essuyant la tête.

CHARLIE fredonne. Na na na na na na na

ARSÈNE chante. Le curé de Camaret a les…

CHARLIE. Quoi, qui est là ? (il soulève la serviette, voit Arsène). C’est pas possible ! C’est pas possible, c’est pas possible ! (il se cache les yeux avec la serviette puis regarde) Oh si, c’est possible !

ARSÈNE. Moi aussi ça me fait plaisir de te voir.

CHARLIE. Vous ne pouvez pas me laisser tranquille ?

ARSÈNE. Tu peux me tutoyer, ça sera plus sympa…

CHARLIE. Lâche-moi la grappe ! T’es content, c’est assez sympa ?

ARSÈNE. Très content, merci.

CHARLIE. Pénible de chez pénible, lui !

Roxane revient.

ROXANE. Tu discutes encore avec une chaise ? C’est grave.

CHARLIE. Y’a pas de chaise.

ROXANE. C’est encore plus grave !

CHARLIE. C’est comme ça, il y en a qui ont du diabète ou du cholestérol, moi, je parle aux chaises.

ROXANE. Tu as consulté un spécialiste ?

CHARLIE. Je suis allé chez Conforama, j’ai changé tout mon mobilier, ça n’a rien arrangé.

ARSÈNE. Je vais faire pipi ! (il sort).

CHARLIE. Ça pisse, un fantôme ?

ROXANE. Pourquoi tu me demandes ça ?


CHARLIE. Pour rien...

ROXANE se colle à lui fougueusement. Embrasse-moi…

CHARLIE la repousse. Arrête, y’a Laetitia…

ARSÈNE. Tu veux que je l’embrasse ?

ROXANE. Tu m’embrasses ou je crie ?!

CHARLIE. Tu ne vas quand même pas crier ?

ROXANE sirupeuse. Mais non, mon chéri, je ne vais pas crier… (Charlie soulagé) je vais hurler ! LAETITIAAAA !

Arsène revient.

CHARLIE. Je t’embrasse, je t’embrasse ! (bise sur le front) Voilà.

ROXANE. Pas terrible.

CHARLIE. Je t’embrasserais terrible quand j’aurai parlé à Laetitia.

ROXANE. Tu as réfléchi à ce que tu allais lui dire ?

CHARLIE. Bien sûr que j’ai réfléchi ! Un vrai miroir.

ROXANE. Je t’écoute…

ARSÈNE. Qu’est-ce que tu vas inventer, Pinocchio ?

CHARLIE. Tais-toi.

ROXANE. J’ai rien dit !

ARSÈNE. Tu veux que je parte ?

CHARLIE. Oui, casse-toi !

ROXANE. Tu me vires ?

CHARLIE. Pas du tout ! Assied-toi (il l’entraîne vers la chaise puis voit Arsène) Non, t’assoit pas !

ROXANE. Alors, Laetitia, tu vas lui dire quoi ?

Arsène quitte la chaise.

CHARLIE. Eh ben… si, assied-toi… Mettons elle est assise là, détendue. Mais pas détendue (planant) "oh oh oh"… Mais pas non plus détendue (grognon) "oh oh oh »… Détendue.

ROXANE. C’est compliqué tes explications…

CHARLIE. Attends, attends… Elle va me dire "Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu veux me parler ?" et là je lui dirai, direct, droit dans les yeux, sans chichi, je vais pas y aller par quatre chemins, sans hésiter je lui dirai…

ARSÈNE. C’est vrai que c’est compliqué !

CHARLIE. Ta gueule !

ROXANE. Tu lui diras « ta gueule » ?

CHARLIE. Oui !... Non, non, non, je lui dirai euh… "Laetitia, on a vécu des moments formidables, (Arsène mime un violon), tu es la plus belle chose qui me soit arrivée dans la vie…"

ROXANE. Merci, c’est sympa pour moi !

CHARLIE. Ne m’interrompt pas, s’il te plait…

ARSÈNE. Ne l’interrompt pas s’il te plait…

CHARLIE. Seulement voilà, quand le soleil… euh… le soleil…


ARSÈNE chante. Le soleil a rendez-vous avec la Lune…

CHARLIE. Je ne peux pas ! Je ne peux pas te dire à l’avance ce que je vais lui dire ni comment je lui dirai… mais je lui dirai, mais je ne sais pas comment… mais je lui dirai… mais je ne sais pas comment… (il s’éloigne)

ROXANE le rejoint. Tu m’aimes ?

CHARLIE. Mais oui je t’aime ! Plus qu’hier et moins que de demain.

ROXANE. Je reviendrai demain, alors...

CHARLIE la pousse vers la sortie. Voilà, ça c’est une bonne idée ! Pars tout de suite comme ça tu seras à l’heure !

ROXANE. Tu me chasses ?

CHARLIE. Pas du tout, pas du tout… mais va quand même chercher Laetitia. Vite ! (elle sort. À Arsène) Pfff ! Coriace celle-là ! Tu ferais quoi, toi ?

ARSÈNE. Tiens tiens, tonton Arsène redevient fréquentable ?

CHARLIE. J’ai besoin de conseil !

ARSÈNE. Un bisou !

CHARLIE. Pardon ?

ARSÈNE. Tu veux que je t’aide, fais-moi un petit bisou !

CHARLIE. Tu ne veux pas que je te roule une pelle non plus ?

ARSÈNE. Comme tu veux. (il sifflote)

CHARLIE fait une bise. Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire !!!

ARSÈNE. Sache que le bisou est un premier pas important dans les rapports humains. On devrait s’embrasser plus souvent parce que... Ok, le sujet du bisou ne te passionne pas…

CHARLIE. Pas avec toi, tu as trop mauvaise haleine. Alors, Laetitia ?

ARSÈNE. Tu as trois possibilités. La première, la deuxième et ?... (Charlie ne réagit pas)... et ?

CHARLIE. La troisième, merci, j’ai un cerveau.

ARSÈNE. On dirait pas ! Possibilité numéro 1. Number one. Tu te montres sous ton plus mauvais jour. Tu rotes, tu pètes, tu éructes, tu sors des blagues abominables…

CHARLIE. Je ne rote jamais, je ne pète jamais, je n’éructe jamais et je ne connais aucune blague abominable.

ARSÈNE. J’en connais une avec une girafe borgne et deux cochons daltoniens, géniale, tu vas voir… C’est une girafe qui a deux trous de balle… (Charlie s’impatiente) D’accord, on oublie les trous de balle. Tu as tort, c’était une bonne idée de devenir infect, puant et vulgaire, elle ne t’aurait plus supporté…

CHARLIE. Et elle aurait raconté partout que j’étais un gros porc, merci !

ARSÈNE. C’est pas faux mais on ne fait pas d’omelette sans casser les vieux (il rigole). Possibilité n° 2. Number two. Tu deviens ministre…

CHARLIE. Ministre ?

ARSÈNE. Je déconne ! Tu t’es vu ministre ? Prétentieux ! Tu deviens sinistre, c’est presque pareil mais c’est pas pareil. Sinistre, lugubre si tu préfères, tu ne parles que de trucs tristes…

CHARLIE. J’comprends pas !


ARSÈNE. Tu connais le dicton : "Femme qui rit est à moitié dans ton lit". C’est valable dans les deux sens ! "Femme qui en a marre est à moitié dans le couloir !".

CHARLIE. N’importe quoi !

ARSÈNE. T’es difficile. Possibilité n° 3. Number three et dernière, je te rappelle, tu lui dis ce que tu as sur le cœur.

CHARLIE. Merci, merci du conseil, super utile ! Lui parler, pourquoi je n’y ai pas pensé tout seul ? Comme disait Lao Tseu, qu’est-ce que je ferai sans toi ?

ARSÈNE. Il a dit ça, Lao Tseu ?

CHARLIE. Il l’a certainement dit s’il était aidé par un bras cassé dans ton genre ! Maintenant, écrase, j’ai besoin de réfléchir. (il prend la position du penseur de Rodin).

ARSÈNE. Tu veux que je me taise ?

CHARLIE. Ferme ta bouche, ça suffira.

ARSÈNE. C’est ta main qui tient ta tête ou ta tête qui est posée sur ta main ? Moi, si quelqu’un me parle, ça ne m’empêche pas de réfléchir … ça dépend des gens, finalement… Y’en a qui peuvent réfléchir… y’en a qui peuvent pas, moi je peux…

CHARLIE. Tu n’as pas l’intention de te taire ?

ARSÈNE. Pas maintenant.

CHARLIE. OK, j’ai compris, je réfléchirai plus tard. Ma priorité : me retrouver en tête à tête avec Laetitia.

ARSÈNE. Je vais t’arranger le coup !

CHARLIE. Ne te mêle pas de ça, je me débrouillerai tout seul. Il faut aussi que j’empêche Roxane de m’embrasser ! Elle devient trop collante, je vais finir par me faire choper.

ARSÈNE. T’as qu’à bouffer de l’ail !

CHARLIE. J’ai horreur de ça ! (des voix) Les voilà !

Laetitia et Roxane reviennent avec des courses.

ROXANE. Zut, on a oublié le pain ! Je retourne le chercher. (à Charlie). Profites-en pour parler à Laetitia…

CHARLIE. Oui, oui.

Roxane sort. Laetitia range les courses dans la glacière.

ARSÈNE. Allez, attaque !

CHARLIE. Écrase !

LAETITIA. Pardon ?

CHARLIE. Écrase… le moustique, là là bzz bzz ! (il fait semblant de vouloir claquer un moustique)

LAETITIA atterrée. C’est dans ta tête qu’il y a un moustique ! Bzz-bzz ! Un gros BZZ-BZZ même ! T’es complètement piqué ! (elle sent une boite de thé). Hmmm, il sent bon ce thé…

CHARLIE. Je voulais te parler d’un truc…

ARSÈNE. Ouh la, mauvais démarrage, ça…

CHARLIE. Ferme-la !

LAETITIA. Tu as raison, il va s’éventer, mais ce n’est pas la peine de me le dire sur ce ton !

CHARLIE. Ça y est les courses, je peux parler ?


LAETITIA. Oui, bien sûr ! Passe le sac. (il le lui passe, énervé) On a acheté que des trucs faciles à bouffer, on ne va pas se prendre la tête avec la cuisine (elle lui donne l’ail). Range l’ail là-bas.

CHARLIE. Tu ne m’écoutes pas !

ARSÈNE mange le Nutella. Vu comment tu t’y prends, c’est pas étonnant !

LAETITIA. Si, je t’écoute.

CHARLIE. Répète ce que je viens de dire.

LAETITIA. Tu m’as dit "Tu ne m’écoutes pas !", tu vois que je t’écoute ? Alors ? Je t’écoute…

CHARLIE. Ben… Euh… oh, je ne sais plus, tu m’interromps tout le temps, c’est pénible !

LAETITIA. Du calme, pépère ! Mange du poisson si tu perds la boule ! (elle lui donne une boite) Tiens, voilà des sardines !

Roxane revient. Arsène prend une dernière lichette de Nutella et repose le pot.

ROXANE. Y’a plus de pain, on s’en passera ! (voyant le Nutella) Punaise, le Nutella, il a pris une claque !

LAETITIA. Tu crains, Charlie, j’aime pas qu’on pioche dans le pot !

CHARLIE. J’ai rien fait !

Arsène le nargue avec son doigt plein de Nutella et sort.

LAETITIA. Voleur et menteur, joli pédigrée ! (elle range le pot) T’as mangé ta part, le reste, c’est pour nous ! Pour ton goûter, tu boufferas des sardines !

CHARLIE. J’m’en fous, j’adore ça !

LAETITIA. Tant mieux pour toi ! Je vais faire une sieste, j’ai un programme de glandouille à tenir ! (elle va sur la chaise longue)

ROXANE se colle à lui. Je suis ta petite sardine ?

CHARLIE. Oui, tu es ma petite sardine. Tu es même ma grande morue, si tu préfères.

ROXANE. C’est une réponse de maquereau, ça ! Alors, tu lui as parlé ?

CHARLIE. Oui mais non… En fait, j’ai pas pu, tu es revenue trop vite, j’ai pas eu le temps…

ROXANE. Tu n’es pas très motivé. Embrasse-moi pour me prouver que tu m’aimes.

CHARLIE. Encore ?

ROXANE. Encore ?!

CHARLIE. Je veux dire : tout de suite ?

ROXANE. Bah oui, pas demain !

ARSÈNE. Tu veux de l’ail ?

CHARLIE. Ah non !

ROXANE. Tu ne veux pas m’embrasser ?

ARSÈNE. Tu ne veux pas d’ail ?

CHARLIE. Ah si ! (il avale de l’ail).

ROXANE ferme les yeux et tend les lèvres. Donne-moi un vrai baiser d’amour, comme à Hollywood.

CHARLIE. Tout de suite, ma chérie, tout de suite… (il l’enlace et lui expire dans le nez)

ROXANE se dégageant. Aaaah, tu pues ! Le baiser, ça sera demain.


CHARLIE. Quel dommage !

ROXANE. Tu sais ce qu’il a dit, Clint Eastwood ?

CHARLIE. Si tu commences à citer les philosophes !

ROXANE. « Dans la vie, il y a deux sortes de gens. Ceux qui ont une belle paire de chaussettes et ceux qui ont une belle paire de coucougnettes. Les deux sont utiles, mais pas pour la même chose ».

CHARLIE. Ce qui veut dire ?

ROXANE. Que tu as de très jolies chaussettes !

CHARLIE. J’ai essayé de lui parler, mais c’est pas simple. Elle pensait qu’à la bouffe. Laetitia, quand elle a faim, tu peux danser la mazurka en slip kangourou, rien ne la détourne de son estomac.

ROXANE. Aux douches, il y en avait un slip kangourou…

CHARLIE. Un slip dans les douches ? Il est crade ce camping !

ROXANE. Un slip kangourou… avec un mec dedans ! Super bien gaulé, le mec, belle gueule, viril mais pas trop, joli sourire…

CHARLIE. Il t’a souri ? Et t’as fait quoi ?

ROXANE. Je lui ai souri aussi, je n’allais pas lui tirer la langue !... T’es jaloux ? Ouh, il est jaloux. T’inquiète, j’ai un truc pour me débarrasser des dragueurs : je leur donne le numéro de ma chef de bureau !

CHARLIE. La vioque qui a soixante-dix piges, du poil au menton et qui est bourrée de tics ? (il mime)

ROXANE. Pourquoi n’aurait-on pas droit à l’amour (tique) quand on a du poil au menton ? Mais c’est fini maintenant, je donne le mien de numéro, comme ça, si tu ne quittes pas Laetitia, j’aurai moult fiers chevaliers servants sur le pas de ma porte…

CHARLIE. C’est du chantage !

ROXANE. Tu n’aimes pas chanter mon amour ? Dommage, c’est sympa de chanter. (sur l’air de Gainsbourg) "Laetitia, est-ce que tu le sais, qu’ton mari te trompe avec moi, L-A E dans l’A T-I-T-I-A". C’est mélodieux, n’est-ce pas ?

CHARLIE. Ça manque d’amour.

ROXANE. C’est fini l’amour avec Laetitia, c’est fini les "je t’aime". Maintenant, c’est "je te quitte". Essaye, ça commence pareil : « Je… »

CHARLIE. Je…

ROXANE. Bien ! « Je te… »

CHARLIE. Je te…

ROXANE. Très bien ! « Je te quitte ! »

CHARLIE. Ça va lui faire un choc, elle ne s’attend pas à ça.

ROXANE. C’est sûr, on programme rarement de se faire larguer quand on se marie. Ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ?

CHARLIE. Longtemps...

ROXANE. Très longtemps ou trop longtemps ?

CHARLIE. Très trop longtemps.

ROXANE. Je t’aime, mon amour ! Viens ! (elle l’entraine)

Lumière sur Laetitia qui téléphone sur la chaise longue, une bandeau noir sur les yeux.


LAETITIA. On dit que dans le temps, on vivait mieux, sainement, moins pollué, d’accord. N’empêche qu’ils mourraient tous à quarante ans ! (Charlie et Roxane entrent. Charlie se penche au-dessus de Laetitia en faisant une grimace) Je te le demande. Vaut mieux crever jeune en bonne santé ou vieux à moitié malade ?... (elle rigole) Ma biche je te laisse… Bisous bisous…

Elle raccroche, soulève son bandeau des yeux et hurle en voyant Charlie. Lumière totale.

CHARLIE. Bouh !

LAETITIA. Aaaaah ! T’es nul, toi ! T’as pris des cours, c’est pas possible, ça peut pas être inné la connerie à ce point !

CHARLIE. C’est pour rigoler.

LAETITIA. Ah je rigole ! J’ai le cœur qui bégaye et les genoux qui font des claquettes, mais je rigole ! Je vais me baigner, tiens, ça m’empêchera de rigoler.

ROXANE. Je prends mon maillot, je viens avec toi. (Elle va le chercher dans la tente et coince Arsène avec la fermeture).

ARSÈNE. Aïeeuh !

ROXANE à Charlie. Tu ne veux pas venir avec nous ?

CHARLIE. Non, non, tu diras bonjour à ton kangourou de ma part !

LAETITIA. C’est quoi, cette histoire de kangourou ?

ROXANE. Ton mari rêve de porter des slips kangourous !

LAETITIA. Tu n’es pas assez bien foutu, mon chéri !

ROXANE. C’est ce que je lui ai dit !

CHARLIE. Allez vous baigner, les requins ont faim ! (Roxane et Laetitia sortent. Charlie triture ses poignées d’amour). Pas assez bien foutu, pfff, je t’en foutrais !

Arsène sort de la tente.

ARSÈNE. Elle m’a fait mal, c’te gourde, avec la fermeture éclair !

CHARLIE. Arsène, j’ai besoin de toi…

ARSÈNE. C’est-y pas mignon, il me fait une déclaration ! (cérémonial) À genou chevalier !

CHARLIE. Tu vas pas me refaire le coup du bisou ? (Arsène impassible. Charlie pose un genou à terre.) Grrr… Arsène, j’ai besoin de toi…

ARSÈNE. Relève-toi voyons, restons simples…

CHARLIE. J’ai deux problèmes. Primo, je ne sais pas comment dire à Laetitia que je vais la quitter…

ARSÈNE. Facile à résoudre. Deuxio ?

CHARLIE. Deuxio, je ne sais pas à quel moment lui dire. Il faudrait un incident déclencheur pour provoquer la discussion…

ARSÈNE. Trop facile aussi. Tu me fais confiance ?

CHARLIE. Comment tu comptes faire ?

ARSÈNE. Pour l’incident déclencheur, je te fais la surprise.

CHARLIE. C’est vachement rassurant !

ARSÈNE. Pour la déclaration, on va répéter tous les deux. Je fais Laetitia.

CHARLIE. Tu ne lui ressembles pas tellement.

ARSÈNE imitant Laetitia. "Ha ha ha, ma biche je te laisse, bisous bisous…" Alors, c’est Laetitia ?


CHARLIE. C’est sa sœur jumelle tout craché !

ARSÈNE. Parfait ! Maintenant, tu me dis que tu veux me quitter, je fais comme si je ne m’y attendais pas. La-la-la, il fait beau, les oiseaux chantent, cui-cui-cui… (Charlie reste coi) Bah vas-y !

CHARLIE. Euh… Laetitia, je te quitte !

ARSÈNE. C’est trop mou !

CHARLIE. Laetitia, je te quitte !

ARSÈNE. Encore trop mou. T’as bouffé des chamallows ou quoi ?

CHARLIE. Laetitia, je te quitte !

ARSÈNE. Trop ferme !

CHARLIE. Trop mou, trop ferme, faudrait savoir.

ARSÈNE. Il faut que ce ne soit pas trop mou, mais pas trop ferme. Fais-le fermou.

CHARLIE. Fermou ? Ça existe ce mot ?

ARSÈNE. Bien sûr que ça existe, fermou ! Fermoutis, fermoutum, fermoutaüs, t’as pas fait de latin à l’école ?

CHARLIE. Non.

ARSÈNE. C’est pour ça que tu ne connais pas le verbe fermouter.

CHARLIE. Toi, par contre, t’es bien fermou !

ARSÈNE. Allez, je t’écoute !

CHARLIE. Laetitia, je te quitte.

ARSÈNE. Oh la la, c’est trop mauvais !

CHARLIE. J’étais pas fermou ?

ARSÈNE. T’étais pas fermou du tout ! Laisse tomber, t’es trop nul. On va procéder autrement. Tu lui parleras pendant que je te soufflerai ce que tu vas dire, comme dans Cyrano.

CHARLIE. Cyrano ?

ARSÈNE. Cyrano de Bergerac, tu connais ? C’est pas du latin ! J’ai toujours rêvé de jouer Cyrano ! (prenant la pose) C’est un pic, c’est un roc, c’est un string…

CHARLIE. Un string ?

ARSÈNE. T’as pas un chapeau ? Cyrano il a un chapeau.

CHARLIE. Ça sent la cata, ça sent la grosse cata…

ARSÈNE. Fais confiance aux classiques !

Les filles reviennent. Arsène fouille dans un sac dans la tente. Il pique une culotte de Roxane et la met dans une poche de Charlie puis observe.

CHARLIE. Vous revenez déjà ?

ROXANE. Piscine indisponible. Roxane jette sa serviette et son maillot sur la chaise-Arsène.

LAETITIA. Problème de filtre ou je ne sais pas quoi. Zut, je me suis tachée ! (à Charlie) Tu as un mouchoir, s’il te plait ?

CHARLIE fouille dans sa poche. Je ne crois pas… Ah si !

Il donne un mouchoir à Laetitia qui déplie la culotte de Roxane.

LAETITIA. Original, ce mouchoir en forme de petite culotte ! C’est à qui ? (à Roxane) À toi ?


ROXANE. À moi ? Tu veux dire "à moi" ? Tu tu… tu rigoles, ce n’est pas du tout ma taille de mouchoir !!!… Oh ! Ils disent un truc à la piscine, je vais voir ! (elle sort précipitamment)

ARSÈNE. J’ai fait l’incident, y’a plus qu’à déclencher !

LAETITIA. Elle est à toi cette petite culotte, mon chéri ?

CHARLIE. Tu me prends au dépourvu !

LAETITIA agitant la culotte sous son nez. Je m’en doute. Connais-tu le nom de sa propriétaire ?

ARSÈNE. On y va ?

CHARLIE. Oui.

LAETITIA. C’est déjà ça. Comment s’appelle-t-elle ?

ARSÈNE. Tu m’écoutes ?

CHARLIE. Oui oui.

LAETITIA. Elle s’appelle Oui-oui ?

CHARLIE. Non-non.

LAETITIA. Elle s’appelle Non-non ?

ARSÈNE. Vas-y, répète. (marquant les alexandrins) Laetitia, écoute-moi, j’ai une chose à te dire…

CHARLIE alexandrins. Laetitia, écoute-moi, j’ai une chose à te dire…

LAETITIA id. Je t’écoute, mon chéri, que vas-tu me sortir ?

ARSÈNE. "Notre amour était fort, mais le temps l’a brisé, la routine, la vie, l’âge, ont mon cœur sclérosé"…

CHARLIE discrètement. T’es sur ?

ARSÈNE. Vas-y, vas-y…

CHARLIE. "Notre amour était fort, mais le temps l’a brisé, la routine, la vie, l’âge, ont mon cœur sclérosé"

ARSÈNE. "Je croyais pour toujours, que le soleil brillerait, je n’pensais pas qu’un jour, le feu s’éteinderait."

CHARLIE. S’éteinderait ?

ARSÈNE. Bah oui, sinon, il manque un pied !!

CHARLIE. "Je croyais pour toujours, que le soleil brillerait, je n’pensais pas qu’un jour, le feu s’éteinderait."

ARSÈNE. "Ô Passion tu m’enflammes, ô passion je succombe"… Et mets-y du cœur

Arsène prend la main de Charlie et la pose sur son cœur.

CHARLIE. "Ô Passion tu m’enflammes, ô passion je succombe"…

ARSÈNE. "Car mon cœur est en drame, car mon cœur est… euh… euh…"

CHARLIE. "Car mon cœur est en drame, car mon cœur est… euh… euh…"

ARSÈNE pas convaincu. "…concombre" ?

CHARLIE stupéfait. "…con-combre" ?!!

ARSÈNE. C’est tout ce que j’ai trouvé pour faire la rime !

CHARLIE à Laetitia. Concombre…

LAETITIA. Con-combre ?!


CHARLIE. C’est tout ce que j’ai trouvé pour faire la rime !

LAETITIA. Tu écris des poésies ? C’est chouette ! Je n’ai pas tout compris les concombres, mais c’est joli, en alexandrins… Ta ta ta ta ta ta / ta ta ta ta ta ta… On aurait dit du Molière.

ARSÈNE flatté. Elle me compare à Molière ! Je le savais que j’avais du talent !

LAETITIA. Tu me feras lire tes chefs d’œuvre ?

CHARLIE. Euh oui… oui…

LAETITIA. J’ai hâte ! Revenons à nos moutons, mon petit poète… Mon petit pouet-pouet !... Comment cette jolie petite cu-cu-lo-lotte est-elle arrivée dans ta po-poche ? Jetée d’une soucoupe volante par une ravissante extra-terrestre ?

CHARLIE. Tu me crois si je te réponds oui ?

LAETITIA. Oui.

CHARLIE. C’est vrai ?

LAETITIA. Non !

ARSÈNE. Elle est marrante ta femelle !

LAETITIA. J’écoute la belle histoire de la petite culotte. Il était une fois…

CHARLIE. Ce n’est pas du tout ce que tu crois !

LAETITIA. Tant mieux, je ne crois rien !

ARSÈNE. Fais-lui croire que tu faisais semblant de croire qu’elle croyait que tu croyais qu’elle pouvait te croire !

CHARLIE à Arsène. T’es un boulet, toi ! (à Laetitia) L’explication est simple, ma chérie…

LAETITIA. Quand on commence comme ça, ça veut généralement dire que c’est compliqué, néanmoins, je suis tout ouïe…

CHARLIE faux-cul. C’est Géraldine, la nana de la compta, tu vois qui c’est ? (elle opine) Elle a fait une démo-vente de lingerie au bureau et elle a oublié cette culotte. Elle trainait sur le dossier Techno-Sup, tu te rends compte ? Enfin bref, je l’ai ramassée, je la lui rendrai lundi. (il lui pique la culotte et la met dans sa poche)

ARSÈNE. Si elle gobe ça, t’as une chance de cocu !

LAETITIA. Pourquoi tu ne me l’as pas dit tout de suite ?

CHARLIE. J’avais peur que tu t’imagines des choses…

LAETITIA. Pourquoi irai-je imaginer des choses avec Géraldine ?! Elle mesure 1,80 m, elle a des seins comme des obus et un fessier qui ferait perdre le nord à une boussole ! Je ne vois pas ce que tu pourrais lui trouver, mon chéri ! N’as-tu pas tout ce qu’il te faut avec moi ?

CHARLIE. Si…

ARSÈNE. Mais non !

Une cloche d’un commerçant ambulant sonne.

LAETITIA. C’est le glacier, je vais acheter un esquimau. Tu en veux ? Elle sort.

CHARLIE. Hein ? non, merci. Tu t’en vas ? Elle s’en va !

ARSÈNE. Alors là, tu as assuré, bravo !

CHARLIE surpris. Ah oui ?

ARSÈNE. J’ai rarement vu ça.

CHARLIE content. C’est vrai que…


ARSÈNE. Je déconne ! T’as été nul, super nul ! Tu as raté une occasion en or !

CHARLIE. J’ai pas eu le temps, t’as vu ? Elle court, elle saute, elle part, c’est pas une femme, c’est une bille de flipper !

ARSÈNE. C’est toi la bille, t’en touches pas une !

CHARLIE. Je n’ai peut-être pas eu non plus une aide très efficace ?

ARSÈNE. On fait ce qu’on pneu, on n’est pas des chambres à air ! (il rigole)

CHARLIE. Parce que le coup des alexandrins, jolie trouvaille ! Je suis juste passé pour un gros naze !

ARSÈNE. Pour un poète !

CHARLIE. Oui, c’est ce que je dis...

ROXANE passe la tête discrètement avant d’entrer. Tu lui as parlé ?

CHARLIE. Je lui ai parlé.

ROXANE se jette dans ses bras. Tu lui as dit, oh tu lui as dit !

ARSÈNE sort. Je te laisse patauger !

ROXANE. Je t’aime, je t’aime, je t’aime ! Le coup de la culotte dans ta poche, c’était génial !

CHARLIE. J’y suis pour rien !

ROXANE. C’est Laetitia ?

CHARLIE. Je ne vois pas pourquoi Laetitia glisserait une petite culotte dans ma poche ! Ni une grande culotte, d’ailleurs !

ROXANE. Peu importe, c’est le résultat qui compte. Elle est où ?

CHARLIE. La culotte ? Là.

ROXANE. Laetitia !

CHARLIE. Partie acheter un esquimau.

ROXANE. Comment elle le prend ?

CHARLIE. Par le bâton, comme tout le monde…

ROXANE. Comment elle le prend, que tu la quittes ?

CHARLIE. En fait… Je lui ai dit à mots couverts et… je ne sais pas si elle a bien compris !

ROXANE. Ça veut dire quoi, à mots couverts ?

CHARLIE incompréhensible. Je lui ai dit en poésie…

ROXANE. Pardon ?

CHARLIE incompréhensible. Je lui ai dit en poésie…

ROXANE. PAR-DON ?

CHARLIE. Je lui ai dit en poésie…

ROXANE. En poésie ? Genre "Au clair de la lune, mon ami Pierrot" ?

CHARLIE. Quand même pas !

ROXANE. Tu rigoles j’espère ? (il fait non) Tu ne rigoles pas ?

CHARLIE. C’était en alexandrins…

ROXANE. En alexandrins ? Pourquoi tu ne lui as pas chanté ? Avec une guitare et des maracas, j’aurais fait les chœurs ! (sur l’air de "Chérie je t’adore") "Chérie je te quitte, chérie je te largue, à l’ananas, à l’abricot, cent francs le kilo !"


CHARLIE. Je ne savais pas quoi dire. J’avais la tremblote, les mains moites…

ROXANE. Et les pieds poites ?

CHARLIE. C’est pas simple de quitter sa femme, tu sais !

ROXANE. Je ne sais pas, je n’ai pas de femme ! Pas de mari non plus, d’ailleurs. J’en ai un en vue, mais il n’est pas disponible ! (elle regarde vers l’extérieur)

CHARLIE. Qu’est-ce que tu regardes ?

ROXANE. Si Laetitia revient, j’ai hâte de lui annoncer la bonne nouvelle… Tu crois qu’elle acceptera d’être la marraine ?

CHARLIE. J’ai peur de comprendre…

ROXANE. Tu comprends parfaitement mon poulet : je vais annoncer à Laetitia que je suis enceinte !

CHARLIE. Depuis quand ?

ROXANE. Depuis deux minutes !

CHARLIE. Oh l’autre !

ROXANE. Elle n’ira pas vérifier !

Charlie se met devant « l’entrée » pour lui barrer la passage.

CHARLIE. Pour lui parler tu devras me passer sur le corps !

ROXANE se rue sur lui. Je ne demande que ça, mon amour ! (sensuelle) Déshabille-toi !

CHARLIE à genoux. Laisse-moi encore une chance, Roxane ! (alexandrins) J’ai foiré, c’est exact, mais demain, ça ira / Je serai ferme et fort, pour lui dire à dieu vat / D’un seul souffle, d’un seul cri, d’un seul jet, elle saura / Qu’elle et moi, c’est fini, qu’elle et moi, tout s’en va.

ROXANE. Tu fais encore des alexandrins ?

CHARLIE. Ça sort tout seul !

ROXANE alexandrins. Écoute-moi mon p’tit père, tes rimes, tes vers, ton style / J’en ai trop rien à faire, ça m’défrise pas les cils / Avec ta frime kéké, tu commences à m’courir / Dépêche-toi d’lui parler, sinon tu vas mourir !

CHARLIE. Toi aussi tu fais des alexandrins !

ROXANE se touche le front. Oh la vache, c’est contagieux ton truc !

NOIR.


ACTE 3 - Camping de nuit

Nuit. Laetitia et Roxane assises avec pour seul éclairage une lampe de camping. Elles piochent alternativement dans le pot de Nutella.

LAETITIA. À vingt ans, quand un mec me quittait, je me laissais dépérir. Maintenant, je me gave de Nutella !

ROXANE. C’est pas régime !

LAETITIA. Oui, mais ça console !

ROXANE. Pourquoi tu ne l’as pas dit à Charlie, quand tu as découvert qu’il te trompait ?

LAETITIA. J’ai failli lui mettre le nez dans son petit caca mou, et puis je me suis dit que l’infidélité de Charlie, c’était l'occasion de retrouver ma liberté…

ROXANE. Pourquoi tu ne l’as pas quitté ?

LAETITIA. Si je le quitte, il est la victime et je suis la méchante. Si c'est lui qui me quitte, il se sentira péteux, il sera aux petits soins pour moi et je pourrais obtenir tout ce que je veux de lui !

ROXANE. Pas bête !

LAETITIA. Et ça sera beaucoup plus rigolo !

ROXANE. C’est pour ça que tu as monté toute cette mise en scène ?

LAETITIA. Ça fait des années qu’on s’encroute. On va terminer sur un feu d’artifice et ensuite, j’irai voir ailleurs si l’herbe est plus verte !

ROXANE. Tu as un amant ?

LAETITIA. Non et c’est dommage, ça m’aurait fait marrer de lui faire ce coup-là !

ROXANE. Tu veux que je te branche avec le slip kangourou ?

LAETITIA. Pour qu’il me glisse dans sa poche ? Non merci.

ROXANE. En attendant, le pauvre Charlie, il s’en sort pas !

LAETITIA. Tu l’aurais vu avec ses alexandrins ! Pa-thé-tique.

ROXANE. C’est quoi la suite de ton plan ?

LAETITIA. Un flagrant délit.

ROXANE. Lui et moi ?

LAETITIA. Évidemment, c’est toi la maitresse de Charlie, ce n’est pas la voisine !

ROXANE. Ne m’appelle pas sa "maitresse", ça me gêne.

LAETITIA. Désolée, ma chérie, une femme qui couche avec le mari d’une autre, ça s’appelle une maitresse.

ROXANE. Je me sens coupable…

LAETITIA. Je vais t’appeler "la fille qui me pique mon mari", tu préfères ?!

ROXANE. C’est glauque !

LAETITIA. Pas du tout, je suis très contente que tu sois la maitresse de Charlie. Je préfère que ce soit toi plutôt qu’une pétasse qui tortille du derrière !

ROXANE. Tu es très très compréhensive !


LAETITIA. C’est une de mes nombreuses qualités…

Arsène arrive en s’éclairant avec une lampe de poche.

ARSÈNE. Qui c’est qui a de nombreuses qualités ?

ROXANE. Tu m’as fait peur !

LAETITIA. T’étais où ?

ARSÈNE. Je suis allé boire un verre. Être un homme invisible, ça donne soif !

LAETITIA. Moins fort ! Si Charlie se réveille, il va tout comprendre.

ARSÈNE. Vous ferez semblant de ne pas me voir, vous avez l’habitude, maintenant.

ROXANE. Vivement que ça finisse cette histoire, j’ai toujours peur de gaffer !

ARSÈNE. T’inquiète, il a mis le temps, mais maintenant, il gobe tout. Hé ! Le coup de Cyrano ? Il répétait comme un perroquet. (rigolant) "Car mon cœur est en drame, car mon cœur est concombre" ! On aurait dû continuer, je me sentais en verve !

LAETITIA. Tu aurais pu trouver mieux que concombre !

ROXANE. C’est efficace pour les rides, les concombres.

LAETITIA. Le meilleur, c’est le masque à la choucroute. Tu te mets de la choucroute sur le front, du lard dans les oreilles et des saucisses dans les trous de nez et tu rajeunis de dix ans.

ROXANE. Sans blague ?

LAETITIA. Quand tu veux des conseils beauté, tu me demandes. Je vous explique mon plan pour demain ?… (ils acquiescent, elle chuchote).

ROXANE. On va être ridicules !

LAETITIA. Si le ridicule tuait, il y a longtemps que je serais veuve !

ARSÈNE. Je crois surtout qu’on va bien se marrer !

Charlie va-t-il être découvrir le pot-au-roses ? Parviendra-t-il à retourner la situation à son avan tage ?

Vous le découvrirez en lisant la suite et la fin de cette comédie Que je vous enverrai avec plaisir si vous me la dem andez !

Jacky Goupil - 06 11 60 87 89 - jackygoupil@wanadoo .fr

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Jacky Goupil - Cas de Farce Majeure extrait - Le … · Quitter sa femme en se faisant aider par un homme invisible, voilà la formule idéale ! Toutefois, quand on réunit une femme,