Upload
others
View
5
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
©HugoRoman
ie
DépartementdeHugoetC
ISBN:9782755616200
CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.
Àmesamisquionttoujoursétélàpourmoi,
mafamillequim’atoujourssoutenue
etmesfansquionttoujourscruenmoi.
Jevousadoretous!
S.C.Stephens
S
Couverture
Titre
Copyright
Dédicace
1-Extasetemporaire
2-Tomberamoureux
3-Honnêteté
4-Aurevoir,pourlemoment
5-Unvraiaurevoir
6-Soiréefilles
7-Tuvasmemanquer,Seattle
8-Uneproposition
9-Touchesfinales
10-Lebuzz
11-Lamachineestlancée
12-L’amourenvidéo
13-Projets
14-Sedonnerenspectacle
15-Sansrancune
16-Spectacle
17-Lapreuve
18-Delacompagnie
19-Ledéni
20-Assez
21-C’estl’heuredefairelafête
22-Unservice
23-Maldedos
24-Beautéetcruauté
25-Seulscontretous
26-Cracherlemorceau
27-Impensablecauchemar
28-Jeleveux
29-Uncoupdemain
30-Lesuccès
31-Épilogue
Remerciements
RomansparusetàparaîtredanslacollectionHugoNewRomance
1
Extasetemporaire
Unemainquicouraitlelongdemacuissemetirademonsommeil.Jem’étiraiensouriantet
plaçaimamainsurlesdoigtsbaladeurs.Ilsétaientdouxetchauds,etilsemprisonnèrentlesmiens.
Puisjesentislecontactfroidd’unanneaudemétalsurmapeau,etjesourisencoreplusentripotant
celuiassortiàmonannulaire.
Jem’étaismariéelanuitdernière…ausensspirituelduterme,aumoins.Unepromessede
dévotionéternellenoussuffisaitpourlemoment.Cen’étaitpasunecérémonieofficielleetunboutde
papierquifaisaientunmariage.C’étaitl’explosiond’amourdansmapoitrine,lasensation
bouleversantequej’avaisétécoupéeendeuxàlanaissanceetque,miraculeusement,j’avaisréussià
retrouvermonautremoitié.Etcequiétaitencoreplusincroyable,c’étaitqu’ilressentaitlamême
chose.
Deslèvresdoucestouchèrentmonépaule,etjemeblottisplusprèsdececorpsquiétaitma
sourcederéconfort.Lesdrapsenroulésautourdenousétaientlesplusdélicatsdanslesquelsj’avais
jamaisdormi,maisleurluxen’étaitriencomparéàl’hommeallongéprèsdemoi.Avecsesjambes
chaudesentrelacéesaveclesmiennes,sontorsemusclépressécontremondosetsesbrasautourde
moi,ilétaitbienplusconfortablequeleplusluxueuxdeslits.
J’amenaisamainjusqu’àmaboucheetembrassail’anneauàsonannulairegauche.Illaissa
échapperunpetitrire,puisseslèvressensuellescommencèrentàsepromenerdansmoncou.J’eus
immédiatementlachairdepouleetressentisuncourantélectriquemetraverser.
–Bonjour,madameKyle,murmura-t-ilunefoissaboucheprèsdemonoreille.
Moncœurtambourinadansmapoitrineetjepivotaipourluifaireface.Ilmedévisageaitavec
unpetitsourireauxlèvres.Toutétaitparfaitchezlui,etjen’auraispaspurêverd’unplusbelhomme
pourmedonnersonnom.
–Bonjour,monsieurKyle.
Unpetitrireincrédulesortitdemabouche,etlesouriredeKellans’agrandit.Lecontentement
danssonregardétaitpresquepalpableetcelameréchauffaitlecœurdesavoirquec’étaitmoiquile
faisaissesentircommeça.Ilavaitassezsouffertdanssavieetilméritaitd’êtreenpaix,àprésent.
L’intensitédesonamourpourmoimesemblaitencoreunpeusurréaliste.Parfois,jen’avaispas
l’impressiondelemériter,maisj’étaisreconnaissantechaquejour.
–Jen’enrevienspasqu’onaitfaitça.
Ilhaussalessourcilsavecunsouriremalicieux.
–Quoi?Qu’onaitfaitl’amourcommedesbêtes?Çanedevraitpast’étonnertantqueça.
Chaquefoisavectoiesttoujoursincroyable,dit-ilavecunaird’adoration.
Jememordislalèvreetmeforçaiànepasrougir.
–Jeneparlaispasdeça.Jeparlaisdumariage.
Ilseredressasursoncoudeetmeregarda.Puissesyeuxseposèrentsurnosdoigtsentrelacéset
lajoiesursonvisagesetransformaenextase.Jenel’avaisjamaisvuaussiheureux.
–Jusqu’àcequelamortnoussépare,murmura-t-il.
Jelaissaimesdoigtscourirsursontorseridiculementparfaitetsentisl’excitationmegagner
immédiatement.
–Mesparentsneteconsidérerontjamaiscommemonmaritantquetunem’auraspasamenéeà
l’autel,tusais.
Jefronçailessourcilsenmerappelantquej’avaislaisséunvaguemessagesurlerépondeurdu
fixedeKellan,étantdonnéqu’ilsdormaientàlamaisonpourmaremisedediplôme.Çan’allaitpas
leurplairedeseréveilleretd’apprendrequejem’étaismariéesansprendrelapeinedelesprévenir.
J’étaisétonnéequemontéléphonen’aitpasencoresonné…etqu’ilsn’aientpasdéfoncélaportede
lachambred’hôtel.
Kellanritetvintsemettreau-dessusdemoi,etjeluisourisenluicaressantledos.
–C’estprévu.
Ilsepenchapuism’embrassadanslecouetsurl’épaule.
–Ilsaurontunevraiecérémonieofficielle.
Puisillaissaseslèvrescourirdemaclaviculejusqu’àmapoitrineetjeluttaipournepasme
tortiller.
–Jet’offrirailemariagedetesrêves,Kiera.
Seslèvresserefermèrentautourdelapointedemonseinetlapassiondelanuitdernièreme
revintparvagues.Notrepremièreunionentantquemarietfemmeavaitbeauavoirétéplusque
satisfaisante,j’envoulaisplus.J’avaisencoreenviedelui,etjedoutaisqueças’arrêteunjour.
Alorsquejepassaismesdoigtsdanssescheveux,seslèvresquittèrentlazoneérogèneoùelles
setrouvaient.Monregardcroisalesienetilmesouritavantdem’embrasserentrelesseins.Rienque
lefaitdel’imaginerdescendrem’excitadavantage,etsonsouriresefitplusaudacieux,commes’ille
savait.
–Jetedonneraitoutcequetudésires,Kiera,maisjusqu’àcequejesoisenmesuredele
faire…
Illéchamonnombrilpuiscommençaàdescendre,etj’arquaileshanchestoutenpoussantsatête
verslebas.Ilritenm’embrassantauniveaudelahancheetjesentissonsoufflechaudsurmapeau.
–Onferaitmieuxdeprofiterdesavantagesennature.
Puissalanguemecaressapilelàoùilfallaitetj’arrêtaidefairesemblantdetoutavoirsous
contrôle.
Plusieursheuresplustard,onfinitparsedécideràs’habillerpourquitternotrechambred’hôtel
huppée.Enjetantuncoupd’œilàmonportable,jemerendscomptequeKellanl’avaitéteint.Ça
expliquaitsûrementpourquoionnenousavaitpasinterrompus.Ilattrapasavestesurlebancdela
coiffeuse(unbancqu’onavaitbaptisélanuitdernière)etjerallumaimontéléphone.Unbipm’avertit
quej’avaisunmessagevocal,etquelquechosemedisaitqu’iln’yenavaitpasqu’un.
Étantdonnéqu’onallaitvoirmesparentstrèsmécontentsdansquelquesminutes,jeneprispas
lapeined’écouterlesmessages.Jemedoutaisdecequ’ilsdisaient,detoutefaçon.
–Tupensaisàquoi?Tunepeuxpasl’épouser,Kiera!Rentretoutdesuite,qu’ontemetteavec
nousdansunavion!
Etj’enpasse…Illeurfaudraitunmomentpouracceptercetteunion.
Etilleurfaudraitencorepluslongtempspouraccepterlefaitquej’allaisbientôtpartirsurles
routesavecmonmari.J’avaisdumalàycroiremoi-même.FaireletourdupaysavecKellanavait
étéhorsdequestiontantquej’étaisencoreàlafac,maisj’étaisdiplôméemaintenant,j’étaislibre.Je
pouvaisfairecequejevoulais.EtjevoulaisêtreavecKellan,peuimporteoù.
Monpèreétaitdelavieilleécole:vaàlafac,obtienstondiplômeettrouveunboulot.Kellan
n’étaitmêmepasalléàl’université:ils’étaitenfuidechezluiaprèslelycée,ilavaitcommencéà
joueràLosAngelesavecEvan,MattetGriffin,etilss’étaientjamaisarrêtédepuis.Leschoixdevie
deKellanétaientunmystèrepourmonpère,etlesmiensallaientlerendrecarrémentfurieux.
Maisc’étaitmavie,etj’allaisfairecequimerendaitheureuse.EtêtreavecKellan…çame
rendaitfolledejoie.Jen’avaisenvied’êtrenullepart,exceptéàsescôtés.Jen’allaispas
abandonnermesrêvespourvivreàtraverslui,néanmoins:j’allaisréalisermespropresrêves.Ilse
trouvaitsimplementqueleboulotdemesrêvess’accordaitàmerveilleaveclesien.
Jevoulaisêtreécrivain,cequimedonnaitpasmaldeliberté,étantdonnéquejepouvaisfaire
çan’importeoù,tantquej’avaisunendroitoùêtreaucalme.Çaseraitsûrementcompliquédansun
busremplidemecs,maisj’étaiscertainequej’arriveraisbienàtrouverquelquesheureschaquejour
pourécrire.J’étaisenpleindansl’écrituredemonpremierlivre,quiétaitautobiographique,en
quelquesorte,étantdonnéqu’ilsefondaitsurlesévénementsactuels.C’étaitunedescriptionintime
etdétailléedetoutcequis’étaitpasséentreDenny,Kellanetmoi.L’amour,ledésir,latrahison…
toutétaitlà.
Écrireétaitparfoisunetorture,maisc’étaitaussiunethérapie.Enprenantdeladistancepour
examinerlasituationd’unpointdevuecritique,c’étaitfaciledevoirtoutesleserreursquej’avaispu
faire.Ilyavaitdesmomentsoùj’avaispleurniché,oùj’avaisétécollante,immature,cul-cul,
énervante,etvoirtousmesdéfautsmisànum’apprenaitvraimentl’humilité.Lelivreétaitsi
personnelquejen’étaismêmepassûred’êtrecapabledelefairelireàquelqu’und’autre,surtoutà
Kellan.Maisj’avaisditouiquandilmel’avaitdemandéetjenevoulaispasrevenirsurmaparole.Il
faudraitjustequejelerassurependantlalecture,enluidisantquejen’étaispluscettefillefaibleet
pathétique.Maintenant,jesavaiscequejevoulais,etc’étaitlui.
J’inspectailachambrepourm’assurerqu’onn’avaitrienoubliéetmesyeuxseposèrentsurle
litdéfait.L’édredonétaitenboule,etlesdrapsdesatindéfaits.OnavaitfaitbonusagedulitKing
size,etnoscrisd’extaserésonnaientencoredansmatête.Pourlaénièmefois,jeremerciaileciel
queKellanaitapprouvémonidéedelouerunechambred’hôtelpournotrelunedemiel.Jamaisje
n’auraispufairecequ’onavaitfaitlaveilleavecmesparentsdanslapièceàcôté.
Kellanvintpassersesbrasautourdematailleetj’inspiraiprofondément,savourantsonodeur
siunique.
–Ilfautqu’onyaille,murmura-t-il.J’aiditàGavinquejeprendraislepetitdéjeuneraveclui,
etonestdéjàsuperenretard.C’estplutôtunbrunchàl’heurequ’ilest.
Jeleregardaipar-dessusmonépauleetnepusm’empêcherdesourire.GavinCarterétaitle
pèrebiologiquedeKellan,quiavaitrepoussélarencontrependantdesmois,terrifiéàcetteidée.
Maiscelle-ciavaiteulieulaveille,etmaintenant,Kellanallaitessayerd’avoirunerelationavec
celuiquiavaitcontribuéàsavenuesurTerre.
Jepivotaietmependisàsoncou,puisjepassaimesdoigtsdanssescheveuxetl’embrassai
doucement.
–Jesuissûrequ’ilcomprendra.C’étaittanuitdenoces,aprèstout.
Kellansoupiraetmeserracontrelui.Soncorpsmuscléétaitpressécontrelemien,etmes
doigtsmouraientd’enviedelecaresser,maisçafinissaittoujoursdelamêmefaçon…etilfallait
vraimentqu’onyaille.Avectoutelabonnevolontédumonde,jelaissaimesmainslàoùelles
étaient,etilm’embrassasurlefront.
–Jen’arrivetoujourspasàcroirequetusoismafemme.
Jepressaimonvisagecontresontorseavecl’impressionquemoncœurallaitexploser.Je
l’aimaistellement…Ledésircommençadenouveauàmonterenmoi,etjedusencoreunefoislutter
contrel’enviedeluiprouverphysiquementmonamourpourlui.
–Tuasraison,onferaitmieuxd’yaller.
–Tuveuxremettreça,c’estça?demanda-t-ilensouriant.
Jerougisetreculaid’unpas.
–Onabattuassezderecordslanuitdernière…etcematin.
Ilbaissalatêteetm’attrapaparlementonpourm’obligeràleregarder.
–Tuveuxfairel’amour?demanda-t-ilavecleplusgrandsérieux.
Saquestionétaitsidirectequej’eusdumalànepasbaisserlesyeux.Parréflexe,j’eusenviede
détournerleregardmaisjenelefispas.
–Oui,lâchai-je.
Ilmesouritavecfierté.
–Tuvois,cen’étaitpassicompliquéàadmettre.
Jevoulusfermerlesyeuxmaisjemeretins.Ilnevoulaitpasquejesoisgênéeavecluietil
n’étaitpasentraindemetaquiner:ilessayaitdem’aideràgrandir.
–Enfait,si…C’étaitmêmeplutôtgênant.
Ils’écartademoietpinçaleslèvres.
–Jeveuxquetumedemandesdecoucheravectoi.Maintenant.
–Kellan…
Malàl’aise,jecroisailesbrassurmapoitrine.JeportaistoujourslapetiterobemoulanteIKKS
quemasœurm’avaitprêtéepourmacérémonieetellenecouvraitpasgrand-chose.
–Jet’aidéjàdemandéavant.Pourquoitufaisexprèsdememettremalàl’aise?
–Tumel’asdemandédanslefeudel’action,alorsqu’onallaitlefairedetoutefaçon.Jeveux
quetutesentesassezenconfiancepourmeledemandern’importeoù,n’importequand.
–N’importeoù?demandai-jeenhaussantlessourcils.
–N’importeoù,répéta-t-ilavecunpetitsourire.
Sachantqu’iln’allaitpaslâcherlemorceau,jepoussaiunsoupire,puisjecomptaimentalement
jusqu’àdix.C’estvraiquecen’étaitpassicompliqué.Jedevraisêtrecapabledeluidemanderde
coucheravecmoi.J’avaisdéjàutilisémoncorpspourluidemander,etpasqu’unefois.Maisc’était
différentdeledireàvoixhaute:çamefaisaitmesentirbeaucoupplusvulnérable.
–Kellan,est-cequetuveuxcoucheravecmoi?finis-jepardemanderenrelevantlementon.
J’avaisvoululedired’untonfermemaismavoixétaitsortieaiguëettremblante.C’étaittout
saufsexy,maisàvoirl’expressiondeKellan,vousauriezpucroirequejevenaisdeluifaireun
strip-tease.Sesyeuxbrûlantsdedésirseposèrentsurmoietjesentisunincendiesedéclencher
immédiatement.Ilregardameslèvres,mapoitrineetmeshanches,etmêmes’ilnemetouchaitpas,
moncorpsréagissaitcommesic’étaitlecas.Quandsonregardcroisadenouveaulemien,ilfitun
pasenavant,etjeretinsmonsouffleensentantseshanchescolléesauxmiennes.
–C’estletrucleplussexyquetum’aiesjamaisdit,susurra-t-ilàmonoreille.
Jefermailesyeux,enayantl’impressionquejevibraisenattendantqu’ilmetouche,toutesles
partiessensiblesdemoncorpsfrémissantd’impatience.Toutcequ’ilavaitàfaireétaitdeposerses
lèvressurlesmiennes,caressermapoitrineoumetoucherlesfesses,etj’exploserais.J’enétais
sûre.
Ilrefermaseslèvressurlelobedemonoreilleetjelaissaiéchapperungémissement.
–Maisondoitpartir.
Endisantça,ilmepritlamainetmetiraenavant.Surprise,jerouvrislesyeuxetvitqu’il
souriaitd’unairamusétoutensedirigeantverslaporte…etnonpasverslelit.Jefronçailes
sourcilsetilrit.
–Désolé,maistuvasdevoirresterfrustréeunpetitmoment.C’esttonkarma…pourtoutesles
foisoùtum’aslaisséenplanalorsquej’enmouraisd’envie.
Jesentislaculpabilitérefairesurfacemaisjelarepoussai.Notrepassén’avaitplus
d’importance.
–Tueshorrible,murmurai-je.
–C’estpossible,dit-ilenm’embrassantsurlajoue.
Puisilm’attrapaparlatailleetmecollaàlui.L’incendieserallumaimmédiatementetje
grognaidoucementavantdereprendremesesprits.
–J’aivraimenthâtedepasserlajournéeàtechercher,souffla-t-ilenfrottantleboutdesonnez
dansmoncou.
Agacéed’êtreaussiexcitée,jelerepoussai.
–Tucrains.
Ilritenouvrantlaporteetj’attrapaimonsacavantdejeterundernierregardversleliten
désordrequiavaitl’airdecrierIlssesontéclatéscommedesbêtes!
–Kellan,attends.Onnedevraitpasfairelelitavantdepartir?
–Tuesvraimentadorable,dit-ilensecouantlatête.Etnon,onlaisselachambreexactement
commeelleest.Jeveuxquelemondeentiersachecequis’estpasséici…lanuitoùonaconsommé
notremariage.
Unefoisdanslehall,laréceptionnistenelequittapasdesyeuxuneseuleseconde.Jevisson
regardseposersursonalliancequandilluitenditsacartedecrédit,maisàvoirl’étincelled’intérêt
quibrillaitdanssesyeux,ilétaitclairqu’elles’enmoquaitpasmalqu’ilsoitmarié.
Ilétaitbeaucommeundieu,etleshommescommeluiattiraientl’attentiondèsqu’ilsarrivaient
quelquepart.J’avaisl’habitudedecegenrederéaction,etçanemedérangeaitplusvraiment…du
moins,moinsqu’avant.
L’employéedel’hôteltenditsonreçuàKellanetfronçalessourcilsquandillaremerciasans
mêmeluijeterunregard.Ellesemblaitdéçue,commesielleavaitespéréqu’illuiproposedevenirà
l’étageaveclui,etquandellemeregardaenfin,jedusfaireuneffortpournepassourire.Elleavait
peut-êtrepenséàuneliaisonexpresseettorrideaveclecanonsurlepointdequittersonhôtel,mais
Kellannefaisaitpluscegenredechose.
Jemeblottiscontreluietlaremerciaipolimentpournotreagréableséjour.Jegloussaiaprès
avoirditça,encoresurexcitéeparmanuitdenoces.Kellanm’embrassapuisnousguidaversla
sortie.
–J’appelleraiGavinenarrivantàlamaisonetjeluidiraidevenirdéjeunercheznous.Autant
faireserencontrernosfamilles,non?
Sonsourirejoyeuxmeréchauffalecœur.Ilavaitemployélemot«famille»pourparlerdeson
père.Ilavaitvraimentfaitduchemindepuisl’époqueoùilnevoulaitmêmepasentendreparlerde
lui.
–C’estunebonneidée.Enfin,simesparentsnenoustuentpasavant.
IlsecontentadehausserlesépaulesensedirigeantverssaChevelle.Ilouvritgalammentma
portièreetm’embrassasurlajoueavantquejemonte.Puisilfitletourdelavoitureaupasdecourse
ets’installaauvolantavecungrandsourire.Ilavaitl’airsiheureuxquejesoissafemme…J’avais
toujoursespéréquel’hommequej’épouseraism’aimeraitplusquederaison,maisKellanm’aimait
par-dessustout.Laprofondeurdesessentimentsmebouleversaitparfois,maisjesavaisquemon
amourpourluiétaittoutaussipuissant.Ilétaittoutpourmoi.
Jemedécalaisurlabanquettepourmerapprocherdeluietilsouritenpassantsonbrasautour
demesépaules.
–Jetemanquedéjà?
Jehochailatêteetl’embrassaietilretournaavidementmonbaiserenprenantmonvisageentre
sesmains.Jefisbrièvementglissermalanguecontrelasienneetilgrognaavantdemerepousser.
–C’estmoiquisuiscenséteprovoqueraujourd’hui,paslecontraire.
Ilfitunemoueadorableetjenepusm’empêcherderire.
–J’aieuunbonprofesseur.
Ilpoussaunsoupirthéâtraletretirasonbraspourfairedémarrerlavoiture.
–Çam’apprendra.
Lemoteurrugitetileutdenouveaul’aircontent.Monexpressionreflétaitlasiennetandisqueje
posaismatêtesursonépaule.Mêmesilaréceptionnistel’avaitouvertementmaté,mêmesimonpère
allaitnoustuer,etmêmesilepèrefraîchementdécouvertdeKellanallaitpasserunepartiede
l’après-midiavecnous,nousempêchantderesterseuls,c’étaitunejournéeparfaite:rienn’allait
pouvoiraltérermonbonheur.
EnarrivantdanslaruedeKellan,j’eusvraimentlesentimentderentreràlamaison.Mêmesi
j’avaisadorénotrenuitàl’hôtel,j’étaisheureusederentrercheznous.Etj’étaisvraimentheureuse
d’êtrerevenuevivrechezluiquelquessemainesplustôt.Unevoitureétaitgaréedansl’alléedevant
lamaisonetKellanobservalaJettasportrougepétanteenfronçantlessourcils.J’étaisaussicurieuse
quelui:lavoituren’appartenaitàpersonnequejeconnaissais.
IlcoupalemoteurdelaChevelleetouvritsaportièreetjel’imitai,enmedemandantsiGavin
etsesenfantsétaientdéjàlà.Ilsn’étaientpasdeSeattle,alorspeut-êtreavaient-ilslouéunevoiture?
Celadit,j’avaisdumalàimaginerGavinarriveràl’improvistesansprévenirKelland’abord,
d’autantqu’ilauraiteubesoind’indicationspourtrouverlamaison.Etjedoutaisqu’unevoiturede
locationaitunautocollantàl’arrièrequidisaitSituveuxgrimpercebijou,aumoins,tire-moiles
cheveux.
Sachantquelavoitureappartenaitprobablementàl’unedestrèsnombreusesexdeKellan,jele
suivisàcontrecœur.Siunefilles’étaitramenéenuesousunlongmanteaualorsquemesparents
étaientlà…
Laported’entréen’étaitpasferméeàcléetKellanentraenpremier.Samaisonn’étaitpasbien
grande:depuisl’entrée,vouspouvieztourneràdroitepouralleràl’étage,ouàgauchepouraller
danslacuisine,ouallertoutdroitetatterrirdanslesalon.Mesparentsétaientassissurlecanapé
défoncédusalon,monpèreaveclessourcilsfroncésaumaximum.Quantàmamère,jevoyaisbien
qu’ellen’étaitpasravienonplus,mêmesielleessayaitdenepaslemontrer.
Jen’étaispassûredelaraison:est-cequec’étaitàcausedemonescapadeoudelapersonne
vautréedanslefauteuildeKellan?Cefauteuilavaitunegrandevaleursentimentalepourmoiétant
donnéqueKellanmel’avaitdonnéquandonavaitrompu.Çavoulaitdirebeaucouppourmoiqu’ilait
tenuàmoiaupointdefairecelaàuneépoqueoùj’étaisloindelemériter.Etmaintenant,une
inconnueyétaitassise,entraindebalancersespiedschaussésdetalonsaiguillesau-dessusde
l’accoudoir.
Ennousentendantentrer,elletournalatêteverslaporte.
–Merde,murmuraKellan.
Puisilmeregardad’unairinquiet,etlenœuddansmonestomacsetransformaenglacealors
quejemedemandaisquiétaitcettefille.
Kellanserramamainetentradanslapièce,etl’inconnueleregardaenplissantlesyeux.Elle
avaitdelongscheveuxaussinoirsquesesyeux.Lanoirceurdesonregardétaitaccentuéeparun
maquillagesombreetseslèvresécarlatesformaientunemoueàlafoisirritéeetsensuelle.Elleétait
magnifique,maisçanem’étonnaitpas:laplupartdesconquêtesdeKellanl’étaient.
–Putain,KellanKyle.
Contented’elle,ellesourit.
–Enfin,jen’aisansdoutepasbesoindeterappelercequetues.
Jeladétestaisdéjà.Ignorantsaremarque,Kellansedirigead’abordversmesparents.
–Martin,Caroline.
Puisilsetournaversl’intrusevautréedansmonfauteuilpréféré.
–Joey.
Jehaussaitellementlessourcilsqu’ilsdevaienttoucherlaracinedemescheveux.Joey?
CommeJoeyl’ex-colocataire?Lafillequiavaitvécuiciavantqu’onemménageavecDenny…ilya
plusdedeuxans?Jamaisjen’auraiscruqu’ellereviendrait.Qu’est-cequ’ellefichaitici?
Tendu,Kellanfitéchoàmespensées.
–Qu’est-cequetufaislà?
Ellebonditsursespieds,croisalesbrassursonimposantepoitrineetrelevalementon,les
yeuxpleinsdefougue.
–Jepeuxsavoiroùsontmesaffaires?
Ilrestabouchebéeetdelacolèreselutdanssesyeux.
–Çafaitdeuxansquetuespartie,dit-ilenserrantmamainplusfort.Jelesaibalancées.
Jememordislalèvre.Enréalité,c’étaitmoiquiavaistoutbalancé.Joeyétaitpartieen
catastropheaprèsqueKellaneutcouchéavecelleavantdes’envoyerenl’airavecquelqu’und’autre
toutdesuiteaprès.Iln’avaitpastoujoursétél’hommedouxetloyalqu’ilétaitmaintenant.Quandil
m’avaitracontécettehistoire,ilavaitinsistésurlefaitqueJoeyn’avaitaucunsentimentpourluiet
qu’elleétaitjustepossessive.Ill’avaitvexéeencouchantavecuneautrefille…alorsqu’elle-même
avaitfaitdemêmejusteaprès.
Dennyetmoiavionsutilisésesmeublesànotrearrivéeicimaisaprèsnotrehorriblerupture,je
m’étaisdébarrasséedetouscesfantômespourpurifierlamaison.Peut-êtrequejen’auraispasdû,
étantdonnéquecen’étaitpasàmoi,maisj’avaiseuenvied’unnouveaudépartavecKellan.Jene
m’étaispasattenduqueçamerevienneenpleinefigure.
L’airthéâtralementoutré,elledonnauncoupdansl’épauledeKellan.
–Quoi?C’étaitàmoi,connard!
Rouge,Kellanfitunpasenavant.
–Tuespartieenquatrièmevitesse,cen’estpasmonproblèmesituastoutlaisséderrièretoi!
Cen’estpastongarde-meubles,ici.
–C’estbon,épargne-moitesdiscours.Tun’asqu’àmerembourser.Millecinqcents,çadevrait
fairel’affaire.
J’émisunpetitbruitétrangléetJoeytournalatêtepourmeregarder.
–Ettoi,tuesqui?Sadernièreconquête?
Monpèreseleva,lesjouesécarlates.
–J’ignorequivousêtes,mademoiselle,maisjevousconseilledeparlerautrementàmafille.
Monpèreavaitl’airsiénervéquej’avaispeurqu’ilnefasseuneattaque,maisapparemment,ce
n’étaitriencomparéàlaragedeKellan.IllâchamamainetallaseplanterpiledevantJoey.
–Faistrèsattention,Josephine.C’estàmafemmequetuparles.
Elleeutl’airintimidél’espaced’uninstantetreculad’unpas,puiselleeutl’aird’enregistrerce
qu’ilvenaitdedire.Elleécarquillalesyeuxetouvritgrandlabouche,avantdesemettreàrire.
–MonDieu,tuplaisantes?Toi,leplusgrandbaiseurquejeconnaisse,tuesmarié?C’estune
blague.
Kellancroisalesbrasetmonpèresoupiraavantdeselaisserretomberdanslecanapé.Cette
histoiredemariageétaitvraimentloindeluiplaire.Jecrusentendremamèresangloter,maisj’étais
tropfocaliséesurJoeypouryfaireattention.Mamauvaisehumeurétaitentraindemonterenflèche,
etjen’avaisenviequed’unechose:quecettesalepetitegarcedégage.Etapparemment,Kellanen
pensaitautant.
–Parfait,dit-ilenluimontrantlaporte.Jetedonneraimillecinqcentsdollarspourtesmeubles.
Etmaintenant,barre-toi.
MaisJoeysecoualatête.
–Jenecroispas,non…
Illaregardasanscomprendreetj’enfisautant.Puis,soudain,jeserrailespoingsetme
précipitaisurelle.
–Tuasentendu?Tuaurastonargent.Alorsmaintenant,retournedansletroudonttuessortie.
Ellemefusilladuregardpuiss’adressaàKellansanstoutefoismequitterdesyeux.
–J’aiuntrucàtoiquejevoudraisterendre,étantdonnéquejen’enaiplusbesoin.
Ilfronçalessourcilsetellesouritenvoyantsonairconfus.
–Saufquesituveuxlerécupérer,chéri,ilvafalloirdoublerlamise.
–Tuescomplètementcinglée,magrande,répliquai-je.
Ellenemeréponditpas,lesyeuxrivéssurKellan.Puisellesepenchapourattrapersonsac
posésurlefauteuil,sajupecourteremontantpresquejusqu’àsesfesses.Elleouvritsonsaceten
sortitunecarte-mémoirecommecellesqu’ontrouvaitdansdesappareilsphoto.Kellanécarquillales
yeuxenlavoyantets’adressaàJoeyavantquej’aieletempsdeluidemandercequisepassait.
–C’estbon.Jetedonneraitroismille.
Ellem’adressaunsourirevictorieuxettenditlacarteSDàKellan.J’avaislecerveauen
ébullition.Quepouvait-ilbienyavoirsurcettecartepourqueKellansoitprêtàpayerautant?Il
s’emparadelacartepuismontralaporte.
–Tuaurasl’argentdemain.
Elleluitapotalajoue.
–Çavautmieuxpourtoi.Autrement,jevaisfairedetavieunenfer,dit-elleenmelançantun
sourirediabolique.
–Dégage,Joey.Etnet’avisepasderevenirici.
Joeyfitunpetitsignedelamainàmesparentspuismarchaàpaslentsjusqu’àlaported’entrée.
Quandellesortitdelamaison,personnenebougeanineparla.Lorsquelebruitdumoteurdesa
voiturenousparvint,Kellansemblaenfinsedétendre.Ilsetournaversmesparentsetglissa
discrètementlacartedanssapoche.
–Jesuisdésolé.J’espèrequ’ellenevousapastropdérangéspendantnotreabsence.
MonpèresetournaversKellan,raidecommeunpiquet,etj’auraispujurerquesescheveux
blanchissaientdesecondeenseconde.
–Jesuispluspréoccupéparcequevousdeuxfabriquiezhiersoirqueparvotreexécrableamie.
SonregardallaitetvenaitentreKellanetmoi.
–Qu’est-cequec’estquecettehistoiredemariage?Tuasperdulatête,Kiera?
Mamèrerenifladenouveau,etmonpèreluitapotalamain.J’avaisenviedem’asseoirpour
discuterdecequis’étaitpassélaveille,maisj’étaisencoretropchoquéeparcequivenaitdese
produire.Qu’est-cequeKellanavaitdanssapochequipouvaitbienvaloirtroismilledollars?
Kellanlevalesyeuxsurmoitandisquemonpèretapaitdupiedsanss’arrêter,l’airàlafois
amusé,résignéetunpeueffrayé.Jenesavaispass’illefaisaitexprès,maisilétaittournédetelle
façonquejenepouvaispasvoirlapocheoùilrangeaitsonporte-cartes.Maisjesavaisquandmême
quecefoututrucétaitlà.
Kellanmefitsignedem’asseoirprèsdemonpèrepuiseutungesteendirectiondelaporte.
–Jerevienstoutdesuite.Jeveuxjusteallerm’assurerqu’ellen’apasabîmémavoiture.Sielle
arayémonbébé,tuvasdevoirmeretenir,medit-ilavecunpetitsourire,parcequejeseraiscapable
delatuer.
Ilritetcommençaàsedirigerverslaporte,maiscequejeluidisleclouasurplace.
–Ilyaquoisurlacarte?
Sonsourireamusédisparutinstantanément.
–Riendutout.Net’enfaispaspourça.
J’ignoraimomentanémentmesparentsetavançaiverslui.J’essayaidepassermonbrasderrière
luipourglissermamaindanssapoche,maisils’écartahabilementetjedusfaireuneffortsurhumain
pourcontrôlermacolère.
–Ilyaquoisurlacarte?
–Onpeutparlerdeçaplustard?Enprivé?demanda-t-ilàvoixbasse.
J’avaisenviedehocherlatêteetd’allerm’asseoiravecmesparentsinquietspourleur
expliquermonmariage«symbolique»,maisjen’arrivaispasàm’enleverlesouriredeJoeydela
tête.
–Ilyaquoisurlacarte?lâchai-je,agacée.
–Àtonavis?Ons’estfilmésentraindebaiser!
Leremordselutinstantanémentsursonvisagequandilserenditcomptequ’ilm’avaitparlé
aussigrossièrement.Quandilétaitencolère,ilavaitparfoistendanceànepasfiltrercequisortaitde
sabouche,etlaconfrontationavecJoeyl’avaitpousséàbout,renforcéeparmesquestions
incessantes.
Jerestaibouchebéeavecl’impressionqu’onvenaitdemeviderunseaud’eauglacéesurla
tête.Jesavaisqu’ilallaitdireça,j’enétaismêmesûre,maisl’entendrel’avouermefitmaletje
sentismesyeuxseremplirdelarmes.
–Tut’esfilméaulitavecelle?
Mamères’éclaircitlagorgeetc’estàcemoment-làquejemesouvinsquenousn’étionspas
seuls.J’avaisétéincapabled’attendrequ’onnesoitquetouslesdeuxpourcommencercette
conversation.Siseulementj’avaispucontrôlermacuriosité…J’auraistoutdonnépournepassavoir
qu’ilexistaitunevidéodemonmarientraindecoucheravecuneautrefille.Etj’auraisaussitout
donnépourquemesparentsnesoientpasaucourant.
Envoyantàquelpointj’étaismal,Kellanavançaversmoi,lesbrastendus.
–Kiera,jepeuxt’expliquer.
Jelevailamainpourl’arrêter,tandisquedeslarmesroulaientsurmesjoues.Là,toutdesuite,
jenevoulaispasd’explications:jevoulaisjusteêtreseule.TournantledosàKellanetàmes
parents,jemeprécipitaiàl’étage.J’entendisKellanmesupplierd’attendreetmamèrem’appeler
maisjelesignorai.Jeclaquailaportederrièremoi,fisvalsermeschaussuresàtraverslachambre,
melaissaitombersurlelitetexplosaienlarmes.
Riennedevaitvenirgâchermajournée.
2
Tomberamoureux
Unefoismacrisedelarmespassée,jemesentisunpeumieux.Jesavaisquejedramatisais:ce
n’étaitpascommesiKellanvenaitjuste…J’étaischoquée,toutsimplement,etdégoûtée,aussi.Jene
supportaispasl’idéedesmainsd’uneautrefemmesurlui,peuimportequandçaavaitpuarriver.Me
souvenirdeluidonnantduplaisiràd’autresfillesalorsquej’étaisdel’autrecôtédupaliersuffisait.
L’idéedevoirçamedonnaitcarrémentenviedevomir,àtelpointquejemisunemaindevantma
bouche,justeaucasoù.
J’entendisdesbruitsdeconversationaurez-de-chaussée,sûrementmonpèrequiétaitentrain
dedireàKellansafaçondepenser.Sachantquejedevaispasseràautrechose,j’essayaisdenepas
penserauxtalonsaiguillesdeJoeyenroulésautourdelatailledeKellan.Saufquec’étaitvraiment
difficiledefairesortircetteimagedemonesprit.
Pourmedistraire,jeretiraimonanneauetexaminailespetitsdiamantsquil’ornaient.Alorsque
j’étudiaischacund’eux,jemesouvinsdetoutesleschosesromantiquesettouchantesqueKellan
n’avaitditesqu’àmoi.
Jepréfèreêtreencompagnied’unejoliefillequeprendredescoupsdanstouslessens.J’ai
besoind’êtreprêtdetoi.Quandj’étaisavecelles,c’esttoiquejevoyais…c’esttoiquejeveux.
Onpourraitêtretellementheureuxensemble.Tumerendsdingue.Resteavecmoi.Trouveune
solutionavecmoi.Nemequittepas…s’ilteplaît…Jesaisquejeveuxpasserlerestedemavie
avectoi.Onestmariés.Tuesmafemme.Jet’aime
Aumomentoùj’entendisunpetitgrattementàlaporte,j’étaisunpeupluscalme,etjeme
sentaismêmeunpeuridicule.Kellanentrouvritlaportemaisilrestasurleseuil.
–Kiera…Jepeuxentrer?
Jem’essuyailesyeuxetrajustaimarobe.
–Oui,dis-jed’unevoixenrouée,enmetournantverslui.
Ilnebougeapasetjefronçailessourcils.
–Tunevaspasmejeteruntruc,si?
Jelaissaiéchapperunpetitrire,etenm’entendant,Kellanouvritlaporte.Jesourisenvoyant
sonairinquietetjesecouailatête.
–Non.C’estbon,tupeuxentrer.
Ilrefermalaportesansfairedebruitpuiss’approchadulit.Sonregardseposasurmonanneau,
quej’étaisencoreentraindetripoter,etils’arrêta,lesyeuxhumides.
–Tumequittes?
Jemerendiscomptedecequemongestevoulaitsûrementdirepourlui.J’étaissortiedemes
gonds,j’étaispartiecommeunediva,etàprésent,ilmetrouvaitentraindetripotermonalliance
commesijenevoulaispluslaporter.Jelaremisimmédiatementetillevadesyeuxencorepleinsde
larmesversmoi.Jesentismoncœurseserreretjeluitendislamain.
–Biensûrquenon,jenetequittepas.
Iln’avaittoujourspasl’airconvaincu,alorsjememisàgenouxetattrapaisontee-shirt.Puisje
l’attiraiàmoietpassaimesbrasautourdesoncou.Ileutenfinl’airdesedétendre.
–J’étaisentraindemerappelerdetouteslesraisonsquifontquejet’aimeautant.Jepensaisà
toutesleschosesquetufais,àcommenttues.J’étaisentrainderetomberamoureusedetoi.
–Lelendemaindetonmariage,tuapprendsquej’aifaitunesextapeavecuneautrefille…etça
tefaitretomberamoureusedemoi?
Iltouchamonfront,commesij’avaisdelafièvre.Jerisetl’attiraisurlelitavecmoi.
–Ça,çanem’enchantepas,mais…ilyatellementd’autreschosescheztoi,dis-jeenappuyant
matêtesursonépaule,quejerefusedelaisserçatoutdétruire.Nousdétruire.
Ilsouritetm’embrassasurlefront.
–Jet’aiditàquelpointjet’aimais,aujourd’hui?
Blottiedanssesbras,jemêlaimesjambesauxsiennesetappuyaimatêtesursontorse,làoù
monnométaittatoué.
–Sûrement,maisjenemelassepasdet’entendreledire.
Jeprisuninstantpourprofiterduconfortdesesbras,jusqu’àcequesavoixbriselesilence.
–Jesuisvraimentdésolé,Kiera.Jenevoulaispasquetul’apprennes.
Jebaissailesyeuxenmedemandantsilacarteétaittoujoursdanssapoche,puislesrelevaiet
vissonairdésolé.
–Jeneveuxpasquetumecachesdeschosesparcequetupensesquelavériténevapasme
plaire.Onadéjàeuassezdeproblèmesàcausedeça.
Ilhochalatête,pensif.
–Tuasraison.Etjepensequej’auraisfinipart’enparler,maiscertainementpaslematinaprès
notrenuitdenoces.Àvraidire,j’avaisoubliél’existencedecetruc.
Ilpinçaleslèvres,clairementcontrariéquelapetitevisitedeJoeyluiaitrafraîchilamémoire.
–Commentpeux-tuoublieravoirfaitunesextapeavectacolocataire?J’auraistendanceàme
rappelerd’untrucpareil.
Jelesentisseraidir,etilsoupiraensecouantlatêteavantquej’aieeuletempsdeposerla
questionquirésonnaitdansmatête.
–Jesuisvraimentdésolé…Elleademandé,etmoi,çam’étaitégal.Jenedisaispassouvent
nonàl’époqueetelle…
Ilfermalesyeuxquelquesinstants.
–Jenepensaispasàl’avenir,àcemoment-là,niàcequejelaissaisderrièremoi…jesuis
désolé.
Jemeredressai,enproieàuntrèsmauvaispressentiment.
–Ilyad’autresvidéos,c’estça?
Ilsecrispaetj’eusmaréponse.
–Jesuisdésolé,Kiera,murmura-t-ilànouveau.
Jecroisailesbrasetsecouailatête,incrédule.
–Bonsang…J’aiépouséRoccoSiffredi.
Kellanessayadegarderunairsérieuxmaisçanedurapaslongtemps.Quandiléclataderire,je
luidonnaiuncoupdansl’épauleetilpritmesmainsdanslessiennes,s’assitetpassamesbrasautour
desatailleavantdemefrotterdoucementledos.Lesrestesdecolèrequejeressentaisdisparurent,
puisjemesentissubmergéeparunevaguedemélancolie.
–Ellesnevontpasresterauxoubliettes,Kellan.Pasunefoisquetongroupepasseraàlaradio
etquetonnomseraconnu.Quandlesgensaurontcomprisqu’ilspeuventtesoutirerdel’argent…les
vidéosvontécloredepartout.
Ilsourittristementethochalatête.
–Jesais…ettun’imaginespasàquelpointjesuisdésolé.
–Cen’estpasmoncorpsquiestexposéàlavuedetous.Tun’aspasbesoindet’excuserpour
quelquechosequetuasfaitilyadesannées.Jemesensjustemaldesavoirquetavieintimeva
deveniraussi…publique.
–Jem’enfiche.Jeneveuxjustepasqueçatefassesouffrir,c’esttout.
Jelaissaiéchapperunlongsoupir.
–Aumoins,onsaitàquois’attendre.Etcen’estpascommesij’allaislesregarder,dis-jeen
souriant.
Kellanritetjefermailesyeux.Çafaisaitmaldemedirequelemondeentierallaitpouvoir
profiterdelavuedemonmaridansleplussimpleappareil,maisçan’avaitpasvraiment
d’importance.Iln’étaitpluscethomme-là:c’étaitmonhomme,maintenant.
J’ouvrislesyeuxetscrutaisonvisageinquiet.
–Tuesvraimentunsalaud,dis-jepourplaisanteretluifaireoubliersapeurd’êtrequitté.
Ilhochalatêteensouriantetm’attirasurlematelasaveclui.Auboutd’unmoment,jeme
rappelaiqu’onavaittouslesdeuxdeschosesàfaireetdesgensquinousattendaient.Aumomentoù
jem’étiraisetoùj’allaisrappeleràKellanqu’ildevaitappelerGavin,quelqu’unfrappaànotre
porte.
–Kiera,machérie,toutvabien?demandalavoixinquiètedemamère.
Kellans’étiraendessousdemoietmefitroulersurlecôtépourpouvoirselever.Jeme
redressaietrajustaimarobeenregrettantdenepaspouvoirresterdanssesbras.
–Oui,entre.
Enentrantdanslachambre,elleregardaKellanenproieàdesémotionscontradictoires.Elle
n’étaitclairementpasraviedecequ’elleavaitentenduaurez-de-chaussée.ElleadoraitKellan,mais
elleétaitprotectrice,commemonpère,etKellanlarendaitnerveuse.Labeauté,lacélébrité,la
jeunesseetlamonogamiefaisaientrarementbonménage,etmêmesiellefaisaitdesonmieuxpour
avoirconfianceenlui,elleétaitcertainequ’ilfiniraitparmetromper.
Maiselleneleconnaissaitpasaussibienquemoi,etj’étaissûrequ’ilneferaitjamaisça.Il
avaitdéjàvécucettevie-là,etilavaitbesoind’autrechose,désormais.Ilvoulaitunehistoirequi
duretoujours…avecmoi.
Jesouristandisquemamères’approchaitdemoi.Kellannousregardapuism’embrassasurla
joue.
–JevaisappelerGavinetjeteruncoupd’œilàmavoiture.Jerevienstoutdesuite.
J’acquiesçaietembrassaileboutdesesdoigts.Mamèreleregardaquitterlapiècepuiss’assit
surlelitavecmoi.Ellenedisaitrien,maissaprécédentequestionselisaitencoredanssesyeux
verts.Jeposaimamainsursongenouetluifournislamêmeréponsequ’avant.
–Toutvabien,maman,jet’assure.
Elleeutl’airdéconcertéeparmaréponse.
–Commenttupeuxdireçaalorsqueluietcettefille…
Ellenefinitpassaquestionetjehaussailesépaules.
–C’étaitilyalongtemps,bienavantqu’ilmerencontre.Çan’arienàvoiravecmoi,et
maintenantquelechocestpassé…jevaisbien.
Elleavaitvraimentl’airperplexeetjerisdoucementenposantlatêtesursonépaule.
–Iln’estpluscommeçamaintenantet…
Jemarquaiunepauseetsongeaiàmespropreserreurs.
–…jenepeuxpasluienvouloird’avoirunpassé.
–Ettonpassé?demanda-t-elle,commesielleavaitperçuquelquechosedansmavoix.Tuveux
meracontercequis’estvraimentpasséentretoietDenny,machérie?
Jeclignaidesyeux,surprise.Mesparentsn’avaientpasposédequestionsquandjeleuravais
ditqueDennym’avaitquittéeparcequ’ilavaittrouvédutravailenAustralie.Maismamèreétait
observatrice,inquièteetcurieuse,etelleavaitsûrementassemblélesregardscoupablesetles
messesbassescommeautantdepiècesdupuzzleDenny-Kellan-Kiera.J’étaissûrequ’ellesedoutait
delavéritéendépitdecequejeluiavaisraconté.Sentantmesyeuxseremplirdelarmes,jesecouai
latête.Non,jenevoulaispasluidireàquelpointj’avaisétéhorrible,jenevoulaispasluidire
qu’elleavaitélevécegenredefille,niquej’avaisencoreplusdetortsquel’hommequiavaitfaitune
sextapeavecsonanciennecoloc.Jevoulaisqu’ellecontinueàmevoircommesafilledouceet
innocente,etenmêmetemps,jenepouvaispasluimentir.
–J’aieuuneaventureavecKellan,murmurai-je,latêtebasse.Dennyl’aapprisetilm’aquittée.
Deslarmesdeculpabilitécommencèrentàroulersurmesjoues.
–Jesuistellementdésolée,maman.
Elleavaitlesyeuxhumidesetj’attendisquedesmotsdurssortentdesabouche,maisrienne
vint.Aulieudeça,ellemepritdanssesbrasetmeserrafort,cequimefitpleurerdavantage.
–Tumedétestes?demandai-jeentredeuxsanglots.
Elleessuyameslarmesetsouritdoucement.
–Biensûrquenon,voyons.
–Tunevaspascrier?Medirequejesuishorrible?
–Jepensequetut’esdéjàassezpunietoi-même.Situn’avaispasderegrets,onnemanquerait
pasdes’occuperdetoncas,tonpèreetmoi,dit-elleensouriantunpeuplusfranchement.Maisçaa
dûêtreextrêmementéprouvantetjesuissûrequetunereferasjamaislamêmeerreur.
Jesecouaiviolemmentlatête.Non,jerefusaisderevivreunetorturepareille.
–C’estplutôtlefaitquetutesoismariéederrièremondosquimecontrarie.
Ellecroisalesbrasethaussalessourcils.
–Tupeuxm’expliquerça?
Jesoupirai,sachantquej’auraisdumalàm’entireràboncomptesurcecoup-là.
Çamepritunmoment,maisjefinisparlaconvaincrequejem’étaisseulementfiancéelanuit
précédente.Kellanetmoiconsidérionscequis’étaitpasséaubarcommeunmariage,maisjesavais
quelemondeextérieurneleverraitpascommeça,etcen’étaitcertainementpasunecérémonie
légale.Ilfautdirequelemessagequej’avaisenvoyéàmesparentsétaitplutôtsuccinct:jeleuravais
justeditqu’ons’étaitmariésetquejenerentreraisquelelendemainmatin.C’étaitunmiracleque
monpèren’aitpasenvoyélesforcesspécialesàmarecherche.
Unefoisquemamèreeutcompriscequis’étaitpassé,ellerit,visiblementsoulagée.
–Tantmieux.J’avaispeurquevousayezfaitunsautàLasVegasetqu’unsosied’Elvisvousait
mariés.
Ellepritmamainpourobservermabague.
–Cen’estpasunefaçondecommencerunevieàdeux…enfin,situessûredevouloirpasserle
restedetavieaveclui…
Jehochailatêteénergiquement.C’étaitbienlaseulechosedontj’étaispersuadée.
–Alorsonferaitmieuxdecommenceràpréparertonmariage,dit-elleensouriantavantdetaper
desmainsd’unairrésolu.Onpourraitfaireçaendécembre,aprèslanaissancedubébé,ouau
printemps,quandtoutestenfleurs?
J’attrapailamigrainequandellecommençaàpasserenrevuetoutesleschosesàfaireavantla
datedumariage,qu’elleallaitd’ailleurssûrementchoisirpourmoi:marobe,larobedemes
demoisellesd’honneur,lalistedesinvités,lesfaire-part,lesfleurs,lamusique,lelieu,letraiteur,le
gâteau,lescostumes…Lalisteétaitinterminableetjeluipriaid’arrêter.
–Maman,jeneveuxpasd’untruccompliqué.Onestdéjàmariés,avecKellan.Onajuste
besoindelégaliserça.
Ellemeregardasansmevoir.
–Tuveuxfaireçaici,àSeattle,ouàlamaisonàAthens?Toutelafamilleestlà-basetçane
seraitpastrèsgentildeleurfaireprendrel’avion.
Jesoupirai.Ellen’allaitpaslaissertomberaussifacilement.J’allaisêtredéguiséeetonallait
mefaireparaderdansunnuagerose,quejeleveuilleounon.Lesimplefaitd’ypensermedonnait
malauventre.
–Jeferaismieuxd’allerparleràpapa,dis-jepourchangerdesujet.
Ilétaitsansdouteencoresouslechocdecettehistoiredesextape,alorslemariage…Le
pauvre.Cen’étaitvraimentpassonjour.
Jedécidaid’enfilerdesvêtementsplusconfortablesavantd’affrontermonpère.Marobeavait
tendanceàremonteretjenevoulaispaspassermontempsàlarajusterpendantqu’il
m’enguirlanderait.Deplus,jenepouvaispasporterdesoutien-gorgeàcausedelaformedu
décolleté.Çaavaitétéunavantagepourmanuitdenoces,maispourunediscussionavecpapounet,
c’étaitloind’êtregénial.
Mamèreétaittoutejoyeusetandisquej’enfilaisunjeanetuntee-shirt.Elleétaitpartiesurle
sujetdesfleurs,cettefois.Unefoishabillée,jemedirigeaiaurez-de-chaussée,pendantquemamère
continuaitàparlertouteseule.Arrivéeaubasdel’escalier,jem’imaginaisdéjàentraindemarcher
versl’autelaubrasdemonmari.Enbas,Kellanétaitàlafenêtre,entrainderegardermonpèreavec
uneexpressionsolennelle,etjememisànousimaginer,luiensmokingetmoienrobedesatin.Dans
matête,ilétaitbeaucommeundieu,commed’habitude,etj’étaisbelleaussi,pourunefois.
Envisagerunepiècenoiredemondemedonnaitunpeulanausée,alorsj’imaginaiquenousétions
seuls.J’eusdespapillonsdansl’estomacaumomentoùlamusiquesemitàrésonnerdansmatête.
Kellanmeregardaetmesourit.Iln’étaitsansdoutepasentraindepenseràlamêmechoseque
moimaisl’expressionsursonvisageétaitaussiamoureuseetémerveilléequelamienne.Rougissante
d’impatience,jemedirigeaiversluietpassaimesbrasautourdesataille.Ilmesouritetm’embrassa
surlefront,etonseregardaitniaisementquandmonpères’éclaircitlagorge.
–Toutvabien?demanda-t-il,lessourcilsfroncés.
J’acquiesçaienluisouriantetilsoupira,visiblementincapabledecomprendrecommentje
pouvaispasserd’unextrêmeàl’autreenvingtminuteschrono.Jerisetserraimonpèredansmes
bras.Lessautesd’humeurétaientlaroutineavecKellan.Çam’amusaitparfois,maisjecommençais
vraimentàavoirenviedetrouverunéquilibre.Onauraitbesoindecalmesionvoulaittenirla
distance.Etlemariageétaitunengagementsurlelongterme,dumoinspourmoi.
Quandjem’écartaipourregardermonpère,jelevisregarderKellanpar-dessusmonépaule.Je
voyaisbienàquelpointilétaitpartagé:ilvoulaitquejesoisheureusemaisiln’étaitpasenchantéde
mevoiravecunerockstarqui,desurcroît,avaitunesextapedanslapoche.
–Kellanm’aparlédevotre…mariage,aubar.Tuessûredecequetufais,Kiera?
Jeluisourisdetoutesmesdentsetl’embrassaisurlajoue.
–Absolumentsûre,papa.
Maréponsen’eutpasl’airdeleréjouir.Ilsemblaprendreuncoupdevieuxendirect.Envoyant
sonairsombre,jeleserraidansmesbras.
–Kellant’aditquesonpèrevenaitmangeravecnous?Kellan,tuaspuluiparler?
–Jeviensdel’avoir.Ilseralàdansunedemi-heure.
Sesyeuxpétillaientdejoie.Avoirdessentimentspositifsàl’égardd’unmembredesafamille
étaitunesensationnouvellepourlui,etilavaitlongtempsluttécontreça.Unepartiedeluihésitait
sûrementencore,commes’ilsepréparaitàl’inévitableexplosiond’émotionsquiallaitseproduire,
maispourlemoment,ilétaitoptimiste.
–Etlavoituren’arien,ajouta-t-ild’unairtellementsoulagéquejeris.
Alorsqu’onattendaitsafamille,mamèrecontinuaitàmeparlermariage,etlesregardsdemon
pèresefaisaientdeplusenplusassassinstandisquemonhommemetenaitlamainetécoutaitma
mèred’unairamusé.J’étaissûrequ’ilaccepteraitn’importequellecérémonieexcentriquequ’elle
proposerait.Çaneledérangeaitpasd’êtreaucentredel’attention,etçaneledérangeraitsûrement
pasnonplusquej’ysoisaveclui.Ilmepoussaitsansarrêtàavoirplusd’assuranceetàêtreplus
extravertie,etmêmesic’étaitgênant,j’adoraisqu’iltienneàmoiaupointdem’encourageràgrandir.
Gavinfrappaàlaportepileàl’heuredite.Kellanexpiradoucement,selevaetfrottases
paumessursonjean.Jenevispasdebossedanssapocheetjemedisqu’ilavaitpeut-êtrejetéla
carte,dumoinsjel’espérais.Jenevoulaisjamaislevoiravecuneautrefemme,maissijetombais
dessus,jesavaisquelacuriositémetuerait.Çamerendraitsûrementfolleaupointdelaregarder,et
ilyavaitdeschosesquevousnepouviezjamaiseffacerdevotremémoire.Kellanentraindefaire
gémirunedesesexn’étaitsûrementpasquelquechosequejevoulaismegraverdanslatête.
L’imaginersuffisait.
Ilétaitvisiblementnerveuxensedirigeantverslaporte,etjetrouvaicelaadorable.Iln’était
presquejamaisanxieux,maisvoirsonpèreétaitvraimentungrandmomentimportantpourlui.Je
n’étaispassûredecommentilsesentait,maisàsaplace,j’auraiséprouvéunmélanged’excitation,
d’appréhensionetdeterreur.Tantdechosespeuventmalsepasserquandvousouvrezvotrecœurà
uneautrepersonne,surtoutquandelleestdevotrefamille.Kellanétaitvraimentcourageux,etj’étais
plusfièredeluiquejamais.
Commepoursedonnerducourage,ilpoussaunautresoupirenarrivantàlaporte.Puisilsourit
etl’ouvrit,etjemelevaiducanapéquandsonpèreentra.Ilsseressemblaientcommedeuxgouttes
d’eau,c’étaitimpossibledenepasvoirqu’ilsétaientdelamêmefamille.Lamêmestature,lamême
taille,lamêmecouleurdecheveux,lemêmeregardd’unbleuprofond…Lesvoircôteàcôtelaissait
entrevoirleKellandufutur.Etapparemment,ilallaittrès,trèsbienvieillir:Gavinétaitterriblement
séduisant.
–MonDieu…entendis-jemamèremurmurerderrièremoi.
Ons’échangeaunregardcomplicetandisquelefilsetsonpèreseserraientlamain.L’air
euphorique,Kellanluifitsigned’entrer.
–Jesuisheureuxquevoussoyezlà.Entrez.
Gavinhochalatêteetrentradanslamaison.Sesenfants,lesdemi-frèreetdemi-sœurdeKellan,
suivaientjustederrièrelui.JefisunsigneàHailey,sasœur,auquelelleréponditensouriant.Elle
avaitpresquelemêmeâgequemoi,peut-êtreunoudeuxansdemoins.Elleavaithéritédesyeuxde
sonpère,maisàlalumièredujour,jepouvaisvoirquesescheveuxétaientunpeuplusclairsque
ceuxdesgarçons.LepetitfrèredeKellan,Riley,étaitsursestalons.Mignoncommeuncœur,il
devaitavoirdixans,deuxansdemoinsqueKellanquandilavaiteusonpremierrapport.Avecses
yeuxbleuclair,ilregardaitsongrandfrèreavecadmiration.Ill’idolâtraitdéjà,c’étaitévident.
Kellanluiébouriffalescheveuxquandilentradanslamaison,puisilleurindiqualesalon.
–Asseyez-vous.
Jem’écartaiducanapépourquelepèredeKellanpuisses’asseoiràcôtédemesparents.Ilsse
levèrentpourluiserrerlamain.Monpèreluidonnaunepoignéeferme,etmamèreeutunpetitrire
bêtequ’elletentadedissimulerens’éclaircissantlagorge.Monpèrefronçalessourcilsenregardant
safemmeserrerlamaindelaversionplusâgéedeKellan,puisilsedécalasubtilementdefaçonà
êtreassisentreeux.
Rileys’assitparterreetregardaautourdelui.J’avaisrécemmentembauchémameilleureamie,
Jenny,pourm’aideràrepeindrelesalon.Anciennementd’unblancterne,lapièceétaitmaintenant
d’unbeigechaudavecunmurrougeprofond.Danslescoinsdumurrouge,elleavaitfaitusagedeses
talentsartistiquespourdessinerdesnotesdemusiqueetreproduitlesparolesd’unechansonde
Kellanengrosseslettres:EverysingledayI’llkeepyouwithme,nomatterhowfarfrommeyou
are.Kellantrouvaitçaunpeuprétentieuxd’avoirsespropresmotssursonmur,maisjetrouvaisça
trèsbeauetj’avaisrefuséqu’ilrepeignepar-dessus.Aprèstout,c’étaitaussimamaison,maintenant.
Haileyvintàcôtédemoietmepritdanssesbras.Elleavaitl’airdem’adoreretjemetrouvais
presquerisiblemaintenantd’avoirsoupçonnéKellandemetromperavecelle.Maisilavaitététrès
secretàproposdeladécouvertedesonpèrebiologique,etill’avaitcachéeàtoutlemonde,moiy
compris.N’importequiàmaplaceauraittirélesmêmesconclusions.
Kellansouriaittellementqu’ilallaitsûrementsecoincerlamâchoire.Sesyeuxseposèrentsur
sonpèreentraindediscuteravecmesparentsetiltapadanssesmains.
–Jevaiscommenceràcuisiner,étantdonnéquec’estpresquel’heuredudéjeuner.Désolé
d’avoirappelésitard,dit-ilàGavin.
Gavinobservasonfils,avantdeposerlesyeuxsurmoi.Ensentantmesjouesrosir,jen’eus
aucunmalàimaginercommentilavaitpuséduireunefemmemariée.C’étaitunesituation
embarrassante,biensûr–aussihorriblequecelleoùjem’étaisretrouvéedeuxansplustôt–,mais
c’étaitfaciledecomprendrepourquoic’étaitarrivé.Gavinn’avaitpasunvisageauquelbeaucoupde
femmespouvaientdirenon.Jemesentisreconnaissantequemonpèrefasseofficedetamponentre
Gavinetmamère.Jemedoutaisqu’iln’allaitpasladraguer,etjesavaisqu’elleneferaitrien,mais
quandmême…
Unsourirechaleureuxilluminasonvisageetilhochalatêtedansmadirection.
–J’aientendudirequevousvousétiezmariéslanuitdernière.Félicitations!
JemesentisrougirlorsqueHaileylaissaéchapperunpetitcri.
–Tufaispartiedelafamille,maintenant,Kiera!Queçateplaiseounon!
Monpèresoupira.
Kellans’approchademoietm’arrachaàsasœurpourm’embrasserdoucement.Ilmedévora
desyeuxcommes’ilmevoyaitpourlapremièrefoisetjecrusquemesjambesallaientsedérober
sousmoi.
–Queçateplaiseounon,murmura-t-ilavantdem’embrasserànouveau.
–Çameplaît,murmurai-je,sentimentale.
Exacerbé,monpèresoupiraànouveau.
Avecunbrasautourdemesépaules,Kellanfitfaceànosfamilles.
–Onseraencuisine.Vousavezbesoindequelquechose?
–Non,onatoutcequ’ilnousfaut,ditmamèreensouriant,lesyeuxrivéssurGavin.
Monpèresetournaverselleetsepenchajusteassezpourluibloquerlavueetl’empêcherde
voirlepèredeKellan.
–Merci,fiston,onn’abesoinderien,ditGavin,quin’avaitrienremarqué.
Kellanriaitquandonarrivadanslacuisine.
–Ilm’aappelé«fiston».
Jeluisouris,raviedevoirleurslienssedévelopper.Ilallaseplanterdevantleréfrigérateuret
sonsourires’évanouit.
–Qu’est-cequejevaisbienpouvoirfaireàmanger?Jesuisloind’êtredouéencuisine.
Mi-paniqué,mi-inquiet,ilouvritlefrigoetregardaàl’intérieurtandisquejeréfléchissaisaux
platsquej’avaispréparésdanslepassésanstroplesrater.
–Jepeuxprépareruneomelette,proposai-je.
Ilsouritenmettantlamainsurdesœufs.
–Super.
Ilmetenditlaboîteetfermalesyeux.
–Dis-moiqu’onadubacon.
J’étaissurlepointdeluirépondrequej’enavaisachetéquelquesjoursplustôtquandilouvrit
lesyeuxetlerepéra.Ilémitunsoupirdesoulagement,etjeposailesœufssurleplandetravail,
amuséedelevoirsinerveux.
–Détends-toi,dis-jeenprenantsonvisagedansmesmains.Ilssontlàpourtoi,paspourle
repas.
–Jesais,c’estjusteque…jeneveuxpasmerder.
Ilsecoualatêteetbaissalesyeux.
–Jemerdetoujourstout,Kiera.
Enlevoyantaussitourmenté,monestomacseserra,etjemecollaiàlui,mesbrasautourdeson
cou.
–Cen’estpasvrai.Regarde-nous.
Ilsourit,commesijevenaisdeluiraconterunebonneblague.Nosproblèmesn’étaientpas
uniquementsafaute:ilsvenaientd’untravaildegroupe.D’unevoixdouce,ilmontradudoigtle
placardsousl’évier.
–Ahbon?Parcequejeviensjustedejeterunesextape.
Monestomacsetordit.J’étaisàlafoisraviequ’ellenesoitplusdanssapocheethorrifiéede
savoiroùellesetrouvaitexactement.Jemeforçaiàsourireaussinaturellementquepossibleet
m’écartaipourattraperunepoêle.
–Justement.Tul’asjetée.
Jem’emparaid’unefourchetteetlepiquaiunpetitcoup.
–Situl’avaisplanquéedansuntiroirpourlamaterplustard,là,tuseraisunconnard.
Ilritetmedonnaunetapesurlesfessesaveclepaquetdebacon.Aumomentoùj’essayaidelui
échapper,sasœurarriva.
–C’estqui,leconnard?
JemefrottailesfessesetmontraiKellandudoigt.
–Moi,apparemment,dit-ilenfronçantlessourcils.
Haileyluisouritets’assitàcalifourchonsurunedeschaisesdecuisinepournousregarder
préparerlerepas.Kellanmitlebaconaumicro-ondespourledécongelerpendantquejepréparais
ducafé.Lesgargouillisducaféentraindepassersemélangèrentbientôtaucrépitementdubaconen
traindefriredanslapoêle.Jecassaiplusieursœufsdansuneautrepoêlepuisj’attendisquelques
minutesqueleblancdeviennesolideavantd’essayerdelesretourner,maisjecassaiundesjaunes.
–Jepensequ’ilfautattendreencoreunpeu,ditKellanenjetantuncoupd’œildansmapoêle.
Jeregardaidanslasienneetremarquaiunefuméesombreetdésagréable.
–Etjecroisquetuesentraindefairecramerlebacon,rétorquai-je.
Ilretournaimmédiatementàsonposte,sousleséclatsderiredeHailey.
–Bonsang,commentvousavezpusurvivreaussilongtemps?
Elleselevaetnousrejoignitsurlechampdebataille.
–Jem’enoccupe.Retournezaveclesautres.
–Merci…sœurette,ditKellanavecunsourired’excuse,auquelellerépondit,toutenretournant
unœuf.
–Pasdequoi,grandfrère.
Jenepuspasm’empêcherderemarquerlasimilaritédeleursourire.J’étaisheureusedevoir
queçaavaitl’aird’êtredanslesgènes.Peut-êtrequenosenfantsenhériteraient?Enfin,quandonen
aurait.Danstrèslongtemps.
Kellanpassaunbrasautourdemesépaulesetsoufflasasatisfactionavantdesecouerlatête,
contrarié.
–Çafaitdesannéesquejemefaisàmanger,jenevoispaspourquoijen’yarrivepascematin.
–Bienvenuedanslemondemerveilleuxdeseffetssecondairesdustress,KellanKyle.
–Jenesuisjamaisstressé.
Haileys’interrompitpourleregarder.
–Tuplaisantes,j’espère?Tutranspireslatrouilleàdixkilomètres.
Ellerit,visiblementfièred’elle,etilfronçalessourcils.
–Jesuistellementcontentd’avoirunesœur.
Raviedelesvoirplaisantercommeça,jepassaimesbrasautourdeKellan.Rileynousrejoignit
quelquesminutesplustard,l’airexcité.
–Kellan,tuveuxbienmemontrertaguitare?
–Biensûr.J’arrive.
Illuisouritetl’embrassadanslescheveux,etjeleregardaiquitterlapièce,auxanges.Puis
Haileyditquelquechosequiéraflaunpeumonbonheur.
–C’estvrai,cettehistoirede…vidéo?demanda-t-elleenhaussantlessourcilsd’unairquien
disaitlong.
Jemeraidis,gênéequ’ellesoitaucourant,etellereposaimmédiatementlesyeuxsurcequ’elle
étaitentraindepréparer.
–Désolée,jen’auraispasdûenparler.Tun’assûrementpasenviedeparlerdeça.
Elleavaitl’airunpeugênée,etRileyconfus.
–Ilafaitpleindevidéos,Hail,intervint-il,lesyeuxpleinsd’innocence.Ilyadestasdevidéos
surleNet.
–C’estvrai…ilyenaplein.
Jesoupirai,ensachantàquelpointc’étaitvrai.
–Désolée,articulaHaileyensilence.
Jehochailatête.Çaneservaitàriendem’inquiéteràproposdetouslesenregistrementsqui
allaientfinirparressortir.J’étaiscapabledegéreretmêmesansdoutebienpires’illefallait.Non
pasquej’enavaisenvie,maissilescirconstancesl’exigeaient,j’étaiscapabledesupporter
n’importequoitantquej’étaissafemme.
Kellanréapparutquelquesinstantsplustard,saguitareàlamain.CommeilétaitrevenudeLos
Angelespourquelquesjours,ilavaitramenésoninstrumentchéri.C’étaitcommeunporte-bonheur
dontilnepouvaitpasresterséparétroplongtemps.
JesourisenlevoyantasseoirRileysurunechaiseetluitendresoninstrument.Rileyétaitsi
excitéquejecrusqu’ilallaits’évanouiretKellanavaitlesyeuxquipétillaientenregardantsonpetit
frère,commes’ilserevoyaitaumêmeâge.Jeleslaissaietessayaid’aiderHaileypourlerepas.Je
trouvaiunmelondanslefrigoetcommençaiàlecouperquandunsondiscordantretentit.
KellanaidaRileyàajustersesdoigts,etenl’entendantluidonnerdesconseils,jemerappelai
delapremièrefoisoùilavaitessayédem’apprendreàjouer.Lesouvenirdesesmainssurles
miennesetdesonsouffledansmonoreillemefitsourire.Àl’époque,jem’étaisvraimentsentie
coupable,àvraidire,jemesentaisencorecommeça.Cequ’onavaitfaitétaitmal,etjelesavais.
J’avaisdéguisénotreflirtencaresseslégères,maisçan’avaitjamaisétéinnocent.Jem’étais
vraimentmalcomportée,etjelesavais.Maiscesouvenirmefaisaittoujourssourire.
Aumilieudesbruitsdeguitareetdecasseroles,j’entendisGavindiscuteravecmesparentsetje
fusétonnéed’entendremonpèreéclaterderire.Gavindevaitêtreaussicharmantquesonfils.Ça
aussi,çadevaitêtredanslesgènes.Dieu,prendspitiédetouteslesfemmesdecemondesiKellan
etmoiavonsungarçonunjour.
Alorsquelerepasétaitpresqueprêt,Gavinapparutdanslecouloirquiséparaitlasalleà
mangerdusalonetileutl’airderesplendirenvoyantsestroisenfantsréunis.Quandsonregard
croisalemien,jeluisouris,heureusequ’ilaitenfinlasecondechancequ’ilavaitsuppliéKellande
luiaccorder.Jeconnaissaislavaleurd’unesecondechance,étantdonnéqu’ilm’enavaitdonnéune,
àmoiaussi.Gavinallas’asseoiràcôtédeRileyetlepetitgarçonlevalesyeuxverslui.
–Tuasentendu,Papa?J’airéussiàjouertroisaccordsdesuite!
Gavinregardasonfilsavecunsourirepleindefierté.
–Super!Tuesdéjàsurlaroutedusuccès.Commetongrandfrère.
RileyrecommençaàjoueretGavingardalesyeuxfixéssurKellan.
–Jepeuxteparleruninstant?l’entendis-jeluidemanderàvoixbasse.
Kellaneutimmédiatementl’airsursesgardes,maisilhochalatêteenindiquantlecouloir.Il
m’embrassasurlajouepuisdisparutavecsonpère.JeregardaiHailey,maisellehaussalesépaules.
EllenonplusnesavaitpasdequoiGavinvoulaitparler,apparemment.
Unefoislemelondécoupé,jemistouslesmorceauxdansunsaladier,puisjemerinçailes
mainsetallailesrejoindre.
Ilsétaientprèsdelaportequimenaitàlabuanderie.
–JenevoulaispasenparlerdevantHaileyetRiley,mais…
Gavins’arrêtaenvoyantquej’étaislà,Kellanluifitsignedecontinueretmesouritpourme
fairecomprendrequejepouvaislesrejoindre.
–MartinetCarolinem’ontparlédelavisitequetuavaisreçueunpeuplustôt.Ilsontditque
quelqu’untefaisaitduchantage?
Kellansoupiraetjemesentisrougir.
–Est-cequetoutvabien?
Kellanserralespoingsetlesmâchoiresuninstant.
–Oui,çava.Cen’estriendutout.Jem’enoccuperaiavantdepartirdemain.
Moncœurseserraàl’idéequ’ildoivedéjàrepartir.Jenepouvaispaspartiraveclui:mes
parentsétaientencoreenvillepourquelquesjours,etilfallaitquejeposemonpréavisaubaraussi.
Peteavaittoujoursétégentilavecmoi,etjevoulaisbienfaireleschoses,cettefois,enluilaissantle
tempsdemetrouveruneremplaçante.Deplus,j’avaisaussipromisàmasœurdel’accompagnerà
sonprochainrendez-vouschezlemédecin,cequivoulaitdireque,malheureusement,Kellan
retournaitàLosAngelessansmoi.
Maisd’abord,ilallaitdevoirrevoircette…fille.Cettepétasse.
3
Honnêteté
Gavinetsesenfantspassèrentl’après-midicheznous,etlamajeurepartiedutempsfut
consacréeàdesjeuxdesociétédanslesalon.HaileyfituncartonauMonopoly,monpèrebottales
fessesdetoutlemondeauScrabble,etoncassalabaraqueauPictionaryavecKellan.Celame
surpritétantdonnéquej’étaisnulleendessin,maisKellanétaittrèsfortpourdeviner.
Àlafindelajournée,Kellanavaitl’airparfaitementàl’aiseavecsanouvellefamilleet
l’incidentdumatinsemblaitoublié.C’estàcemoment-làquemasœurarriva,avecsongrosventreet
lepèredesonbébésurlestalons.
Laportes’ouvritavecfracas.Sûrequ’onétaitsurlepointdesefaireagresser,jesursautai,le
cœurbattant,ettoutlemondesetournaversl’entrée.
Kellanselevaetvintseplanterdevantmoi,etc’estàcemoment-làquesonabrutidebassiste
apparut.Kellansedétenditenvoyantdequiils’agissaitetregardasonmusiciendetravers.
–Griffin,onnet’ajamaisapprisàfrapper?
Cedernierreniflasesglairesetramenasescheveuxblondsderrièresesoreilles.
–Pourquoijefrapperais?Onestdelamêmefamille,mec.
Kellanavaitsûrementenviedeluirétorquerquenon,saufqu’ilnepouvaitpas,étantdonnéque
Griffinavaitmismasœurenceinte.Onfaisaitvraimentpartiedelamêmefamille,maintenant.Au
secours…
Kellanouvritlabouchepourprotesterlorsqu’AnnaentraàsontouretdonnauncoupàGriffin.
–Espèced’hommedescavernes,grommela-t-elle.
Nosparentsselevèrentducanapépourlesaluer,etl’expressiondemonpères’assombriten
regardantlepèredubébé.ÀvoircommentildévisageaitGriffin,j’étaissûrequ’ildevaittrouverque
Kellanétaittoutàcouplegendreidéal,encomparaison.
Encoresouslechocdel’entréedeGriffin,jerejoignisaussimasœur.Annaétaitl’unedesplus
bellesfemmesquejeconnaisse.Sonvisagemettaitleshommesàgenoux,etsoncorpslesfaisaitla
suivrecommedespetitschiens.Mêmeenceinte,sescourbescontinuaientàattirertouslesregards.
Elleavaitdelongscheveuxsoyeuxquiondulaientquandellemarchaitetlesyeuxd’unvertsi
incroyablequec’étaitimpossibledenepaslesregarder.Elleétaitcanon,etgrandiràcôtéd’elle
n’avaitpastoujoursétéfacile.Maisjecommençaisàmesentirmieuxdansmapeau,etsonphysique
avaitenfincessédefairenaîtreenmoideséclairsdejalousie.Toutcequejeressentaisenlaprenant
dansmesbras,àprésent,c’étaitlebonheurdelavoir,mêmesielleavaitamenél’autreidiotavec
elle.
–Salut,sœurette.
Enreculant,jeregardailetee-shirtdegrossessemoulantqu’elleportait.Jenesavaispas
commentellefaisaitpourtrouverdesvêtementsdegrossesseaussiprovocants,maispresquetoutce
qu’elleportaitdévoilaitsonimposantdécolleté.Griffindevaitêtreauparadisdesvicelards.Je
détestaispenseràcegenredetruc.
Annaétaitdansunephaseagréableetcharmantedesagrossesse,àsonquatrièmemois.Elle
n’avaitpresqueplusdenausées,etellerecommençaitàêtrepleined’énergie.Enfin,vousnel’auriez
pasdevinéenlaregardantmarcher:elleexagéraitsonétatdèsqu’elleenavaitl’occasion.Maisje
savaisqu’elleétaitplusactivequ’ellenelelaissaitcroire,etj’étaispresquesûrequesanuitavec
Griffinavaitétéparticulièrementathlétique.
Leregardd’AnnaseposasurGavinetsesenfants,quiattendaientpoliment,etellefronçales
sourcils.
–Oh,désolée,jenesavaispasquevousaviezdesinvités.
–Net’inquiètepas,çanefaitrien,assuraKellan.
MonpèreemmenaAnnaausalonenluitenantlebras,commesielleallaittombersanslui.
Kellanlaserrabrièvementdanssesbrasetlaprésentaàsafamille.
–Anna,jen’aipaseul’occasiondefairelesprésentationshier.C’estGavin,mon…père
biologique.
Ilsegrattalatêteethaussalesépaules,etjemesentisdéborderdefiertéenl’entendantavouer
quelquechosed’aussipersonnelaussifacilement.Ilétaitvraimentàl’aiseaveclefaitd’avoirun
parent,finalement.
Annaécarquillaunpeulesyeux.Ellen’étaitpasaucourantdupassésordidedeKellan.Elle
serralamaindeGavin,puisKellanlaprésentaàsondemi-frèreetàsademi-sœur,cequilastupéfia
encoreplus.GavinfitdelaplacepourAnnadanslecanapéetmonpèrel’aidaàs’asseoir.
–Gavin,RileyetHaileysontvenusnousrendrevisitedepuislaPennsylvanie,expliquaKellan
enprenantsasœurparlesépaules.Est-cequ’ilyad’autresmembresdelafamillelà-bas?demanda-
t-ilens’adressantàGavin.
–Monfrèreetsafamilleviventlà-bas,etmesparentsaussi.
HaileydonnaunpetitcoupàKellandanslescôtes.
–Tuvasadorermamie.Elleaunsacrétempérament.
–Kiera,tuterendscompte?J’aidesgrands-parents.Jen’aijamaiseudegrands-parents.Ni
d’onclenonplus,enfait.
Ilrit,àlafoisamuséetraviàcetteidée.Décidément,safamillen’arrêtaitpasdes’agrandir,et
riennepouvaitmefaireplusplaisir.Griffin,quiavaitassistéàlaconversationsansriencomprendre
àcequisepassait,balayalapièceduregard.
–Attendsmec,jepensaisquetonpèreétaitmort.C’estqui,cesgens?
Toutlemondel’ignora,etleregardd’Annas’attardasurGavincommel’avaitfaitmamère.
Griffin,inconscientouindifférent,neremarquarien.Ilfautdirequ’ilétaitencoreentraind’essayer
decomprendrelasituation.
–Gavin,est-cequevotrefemmeestlàaussi?demandaAnnaavecuncharmantsourire.
Gavinjetaunregardàsesenfants,quiétaientassisparterreentraindefinirunepartie.
–Non,je…Jesuisveuf,dit-ilavecunsouriretriste.LeurmèreestmortequandRileyavait
deuxans.
Haileylevalesyeuxverssonpère,l’airaussitristequelui,etlesourired’Annas’évanouit.
–Oh,jesuisdésolée.
Ilyeutuninstantdesilence,queGriffinbrisa.
–Sérieusement,mec,c’estqui?
Kellanritetluidonnauncoupdansl’épaule.
–Viens,jevaisteservirunebièreettefaireundessin.
SonriredissipalatensiondanslapièceetKellanl’emmenadanslacuisinepourluidirela
véritésursesorigines.Griffinallaitdevenirlepremiermembredugroupeàsavoirquelepère
décédédeKellann’étaitpassonvraipère.Avecunpeudechance,cetimbécilecapteraitleconcept.
Lorsquetoutlemondesepréparaàpartir,ilétaittrèstard.AnnaetGriffinretournèrentchezeux
pourprofiterdupeudetempsquileurrestait,Gavinetsesenfantsregagnèrentleurchambred’hôtel
pourdormirunpeuavantdereprendrel’avionlelendemainmatin,etmesparentsallèrentdansla
chambred’amispourpasseruneautrenuitsurmonvieuxfuton.MonpèresoupiraquandKellanet
moifîmessignedepuislaportedenotrechambrepourleurdirebonnenuit.
Onn’avaitaucuneenviedegâcherlepeudetempsquinousrestaitensembleendormant,alors
onrestadeboutlerestedelanuit.Touthabillés,onsefitdescâlinsendiscutantjusqu’àcequela
lumièregrisedupetitmatinfiltreàtraverslafenêtre.Kellanmecaressaitlescheveuxtandisque
j’avaislatêtesursapoitrine,écoutantlesbattementsdesoncœuretlesonréconfortantdesavoix.Je
mesentaisàl’abridetoutdanssesbras,enveloppéed’unechaleurquiauraitpumeprotégerdela
piretempêtedeglace.
Jem’agrippaiàsontee-shirt,enregrettantqu’ildoivepartirdansquelquesheures,etjele
pressaicontremoi.Ilm’embrassadanslescheveuxetgardalesilencequelquesinstants.
–Kiera?finit-ilpardemander.
Jelevailesyeux:sesyeuxpétillaientetilavaitunpetitsourireauxlèvres.
–Veux-tum’épouser?
Jemeredressai,lecœurbattantàtoutevitesse.
–Quoi?
–Est-cequetuveuxm’épouser?
Jeregardaimabague,puislasienne.
–Onnes’estpasdéjàmariés?
–Si,maisjeviensdemerendrecomptequejenet’avaisjamaisfaitdevraiedemande.Ettu
méritesunevraiedemande,dit-ilenmecaressantlajoue.
Aprèsavoirditça,ileutsoudainl’airpensif,etavantquej’aiepuluirépondre,ilmepoussa
doucement.J’essayaidel’attirerdenouveaucontremoipourluidireouimaisilm’échappaetse
leva.Ilcontournalelitetmeregardapendantunlongmoment,etpileaumomentoùj’allaislui
demandercequ’ilfaisait,illaissaéchapperunlongsoupiretmitlentementungenouàterre.
Jenesaispastroppourquoi,maislesimplefaitdelevoirfaireçam’arrachaunsanglot.Mavue
sebrouillaetjedusm’essuyerlesyeuxpourréussiràbienlevoir.
–KieraMichelleAllen,veux-tumefairel’honneurdedevenirmafemme?Veux-tum’épouser?
J’avaiscommencéàhocherlatêtelongtempsavantqu’ilaitfinideparler.Jemebaissaietpris
sonvisagedansmesmains.
–Oui,biensûrqueoui.
Jel’embrassaifrénétiquementetl’attiraiàmoi.Ilvintau-dessusdemoietons’étregnitenriant,
pleurantmêmeunpeujusqu’àcequelafaiblelumièredujoursetransformeengrandsrayonsde
soleil.J’entendismonpèresortirdelachambrequiavaitjadisétécellequej’avaispartagéeavec
Dennyetonarrêtades’embrasserpourregarderlaporteferméedenotrechambre.
Çaluiprituneéternitémaismonpèrefinitparalleraurez-de-chausséepourfaireducafé.
Kellanmeregarda,auxanges,etilentrelaçanosdoigts.
–Pourquoij’ail’impressiondedevoirmecacherdansleplacard?
Ilpressaseshanchescontrelesmiennesetm’embrassadanslecou,etjepenchailatête,ravie.
Moncorpscommençaitàseréveilleretj’enroulaimesjambesautourdeluienmedemandantàquel
pointonpouvaitêtresilencieux.C’étaitdifficile,maispasimpossible.
–Hum…peut-êtreparcequetuesunvilaingarçonquisesertdemoiuniquementpoursatisfaire
sespulsions?
Ilarrêtabrusquementetrecula.
–C’estvraimentcequetonpèrepensedemoi?
Sonchangementd’humeurmesurprit.
–Euh…Non,jenepensepas.
–Biensûrquesi.Ilpensequetoutcequejeveux,c’estcoucheravectoi,etquetuasune
remplaçantedanschaqueville.
Jepinçaileslèvresenréfléchissantàcommentréfutercequ’ilvenaitdedire,maisleproblème,
c’étaitquec’étaitsûrementlavérité.Monpèreneluifaisaitpasconfiance.Pasavecsonmodede
vie.
–Jesuissûrequ’ilnepensepasquec’estdanschaqueville.
Kellanfronçalessourcilsetseleva,etjemeredressaienlaissantéchapperungrognement
exaspéré.
–Qu’est-cequetufais?
Ilallajusqu’àsacommodeetcommençaàsedéshabiller,etj’oubliaiderâleraumomentoùson
boxeratterritparterre.Ilvitquejel’observaisensouriantetilenfilaunboxeretunjeanpropre
avantdefarfouillerdanssontiroiràlarecherched’untee-shirt,tandisquejecontinuaisàprofiterdu
spectacle.Aussiattirantquepuisseêtresoncorpsnu,c’étaitvraimentérotiquedelevoircommeça
avecsonjeanIKKSpasencoreboutonné.Surtoutavecleslignesdesmusclesdesonabdomenqui
s’étiraientquandilbougeait…
Amuséparmoninspection,Kellanmitlamainsuruntee-shirtrougeetl’enfila,puisilboutonna
sonjeanensecouantlatêteetrevintàcôtédemoi.
–Tusaisquesij’enfaisaisautantavectoi,tumecrieraisdessus.
–Jenecrieraispas…maisoui,jesais.
Jel’embrassaietileutl’airàlafoisamuséetagacéquandils’écarta.
–Lavieestinjuste,dis-jeenriant.Lapreuve,tudoist’enaller…Tuvasoù,d’ailleurs?
Ilsouritetsepassalamaindanslescheveuxpourmettreunsemblantd’ordredanssescheveux
enbataille.
–Jevaismontreràtonpèrequ’ilsetrompe.Etquejeneveuxpasjustecoucheravecsafille.
Ilmefitunclind’œil,posalamainsurlapoignéedelaporteetmeregardapar-dessusson
épaule.
–Mêmesijerêveraisdefaireautrechose,là,toutdesuite.
Sonregardsuffitàéveillermondésiretjemetortillaisurlelit.
–Tuvoisunpeulessacrificesquejefaispourtoi?
Ilsouritetquittalapiècesansmelaisserletempsderépondre.
Jesongeaiàlesrejoindrepuisjedécidaideleslaisserentreeux.Monpèreavaitbesoinde
passerdutempsseulavecluietsurtout,jenevoulaispasdistraireKellanavecmonsex-appeal.Mon
sex-appeal…maisbiensûr.Maproprestupiditémefitsourireetjesortisdulit.C’étaitKellan,le
canondanslecouple.Etmoi…j’étaiscellequiavaitdelachance.
Enallantàlasalledebain,jecroisaimamèresurlepalier.Cen’étaitpastrèsgrandiciet
l’étageserésumaitàdeuxchambresdetaillemodesteavecunepetitesalledebaincoincéeentreles
deux.Secognerdansquelqu’unsurlepalierétaitpresqueinévitable.D’ailleurs,c’étaitlàque
j’avaisvuKellanpourlapremièrefois.
Mamèresouriaitenécoutantsonmariavoiruneconversationciviliséeaveclemienetjela
serraidansmesbrasavantdetendrel’oreille.MonpèreétaitentraindedemanderàKellans’il
pouvaitvraimentgagnerdel’argentavec«sonhistoiredegroupe»,etquandKellancommençaàlui
expliquerqu’ildevrait«biens’ensortir»,mamèrereportasonattentionsurmoi.
–Ondevraitallerfairelesboutiquespendantquejesuisenvillepourtetrouverunerobeavant
quejereparte.
–Maman,jen’aipasenvied’enfairedestonnes,jeveuxquelquechosedesimple.
–Simpleoupas,iltefautunerobedemariée.
Jesavaisqu’elleavaitraisonetjeretinsunsoupir.
–D’accord,situveux.
Sansluilaisserletempsderépondre,jemeprécipitaidanslasalledebainetfermailaporteà
cléderrièremoi.Jesavaisquequatre-vingt-dixpourcentdemonmariageseraitarrangéavantson
départ.Jen’auraisjamaiscruquecegenredechosesl’obsédaitàcepoint,maisonn’enavaitjamais
parléauparavant.Laquestionnes’étaitjamaisvraimentposéequandj’étaisavecDenny.
Peut-êtrequemamèrevoyaitcequ’ilyavaitentreKellanetmoi,etqu’ellesavait,toutcomme
moi,quej’avaistrouvélebon.Monâmesœur.Mamoitié.Maraisond’être.Rienaumonden’aurait
pumerendreplusheureusequeKellan.Jenesavaisvraimentpascequej’auraisfaitsanslui.
Quandjeressortisdelasalledebainaprèsunedoucheinterminable,Kellanétaitdansnotre
chambre,maisilportaitdésormaisunshortaulieudesonjeanetilétaitentraind’enfilerses
baskets.Jedusfaireunedrôledetêtecarilm’observacurieusement.Oupeut-êtrequec’étaitparce
quej’étaisàpeinecouverted’unepetiteservietteblanche.Ilfallaitvraimentquejefasseunelessive.
Ilfinitdenouerseslacetsavecunsourireamusé.
–Quoi?demandai-jeenfermantlaporte.
Ilsecoualatêteetsouritencoreplus.
–Rien.
J’allaisluidemandercequil’amusaitautantmaisilseleva.
–Jevaisallercourirunpeu.
–D’accord.Toutvabien?
Jemedemandaissimonpèren’avaitpasététropdurpendantmonabsence.LesyeuxdeKellan
seposèrentsurmoietjemerendiscomptequejeneportaispasdesous-vêtements.Quandsonregard
croisalemien,ilyavaituneétincelleàl’intérieur.
–Oui.Jeneveuxpasm’empâter,c’esttout.
Ilritettapotasesabdosduplatdelamain.Elleena,delachance,pensai-jeenregardantsa
main.Ilmepinçalesfessesenpassantàcôtédemoi.
–Jepréféreraisqueturestesavecmoi,mêmeavecdubide.
–J’aijustebesoindeprendreunpeul’air,dit-ilenmeserrantcontrelui.
Ilm’embrassa,l’airparfaitementàl’aise,maisj’étaissûrequ’ilmecachaitquelquechose,ou
peut-êtrequej’étaisparano,toutsimplement.Notrerelationn’avaitpastoujoursétéunmodèle
d’honnêteté,maisons’étaitjurédeneplusriensecacher,non?
Jehochailatêteetm’écartai.Sonsourirerestaintactmaisl’étincelledanssesyeuxsembla
s’éteindrequandilseretournapourpartir.
–Etmerde,jenepeuxpas,dit-ilsoudain.
–Dequoi?
Est-cequej’avaisvujuste?Ilm’avaitmenti?
Ilpritunegranderespirationetmeregardasansriendirependantuneéternité.Latension
augmentaitàchaquesecondeetl’airfraismedonnadesfrissons.Chaquegoutted’eauquiperlaitde
mescheveuxmedonnaitl’impressiond’êtretraverséparunpicàglace.Entrelefroidetlestress,je
memisàtrembleretilfitunpasversmoi.
–Tuasditqu’ondevaitêtrecomplètementhonnêtes,pasvrai?
J’acquiesçai,incapabledeparler,etildétournaleregard.Soncerveauavaitl’airdetournerà
milleàl’heure,etjenesavaispaspourquoi.
–Qu’est-cequisepasse?réussis-jeenfinàarticuler.
–Jesuisdésolé.Jet’airacontén’importequoi.Jen’aipasenvied’allercourirnideprendre
l’air.J’aiuntrucàfaire…etjedoislefaireseul.
Laglacesetransformaenfeu.
–Tum’asmenti?Surquoi?C’estquoi,cetrucquetudoisfairetoutseul?
Ilseraiditetlevalesmains.
–Tuvois,c’estexactementlaréactionquejevoulaiséviter,c’estpourçaquej’aimenti.Mais
onaditqu’onessayaitd’êtrehonnêtesalorsj’aichangéd’avispourtedirelavérité.Alorsnete
fâchepas.
Lacolèremedonnaittellementchaudquej’avaisl’impressionquemescheveuxallaientsécher
encinqsecondes.
–Saufquetunem’aspasditlavérité.Tunem’asrienditdutout.Tuesvagueetmystérieux,et
çanemeplaîtpas.
Ilfermalesyeuxetsoupira.
–Çaauraitétéplusfaciledejustetracermaroute.
Jememisàtaperdupiedetilrouvritlesyeux.
–Joeyaappelépendantquetuétaissousladouche.Jedoisallerlavoiretjeveuxqueturestes
iciavectesparents.
–Horsdequestionquetuailleslavoirsansmoi!Jeviensavectoi!
Kellansecoualatête.
–Jerefusequetul’approches.Turestesici.
Sontonétaitfermeetautoritaire,etçametapavraimentsurlesnerfs.
–Tucroisquetupeuxmedonnerdesordres?Jefaiscequejeveux!Etsijeveuxveniravec
toi…
Kellansoupiraetmetournaledos,maisjel’attrapaiparlecoudepourl’obligeràmeregarder.
–Jen’aipasfini!
–Jesaisbienquetufaiscequetuveux.Jel’aibiencomprisquandDennyestrevenudanstavie
etquetunem’asriendit.Maismoiaussi,jefaiscequejeveux,etsijeveuxréglerçatoutseul,je
régleraiçatoutseul.
Là-dessus,iltournalestalonsetquittalapièce,etjenefisrienpourleretenir.
J’allaim’asseoirsurlelit,leslarmesauxyeux.L’honnêtetéabsoluen’avaitpasquedes
avantages.
J’étaisencoreenpétardlongtempsaprèssondépart.Monpèreessayademeconsolerenme
disantqueKellann’étaitpeut-êtrepasceluiqu’ilmefallait,maisilsetutenvoyantmonregard
meurtrier.Mamèreétaitétrangementsilencieusetandisqu’ellefeuilletaitunmagazinedemariage,
maislefaitqu’ellesouriaitcommeuneidioteentournantlespagesetqu’ellenemeposaitaucune
questionindiquaitclairementqu’elleespéraitqu’onrecollerapidementlesmorceaux.C’étaitceque
j’espérais,moiaussi:jedétestaismedisputeravecluiouêtreencolèrecontrelui.
Néanmoins,jesavaisquelesdésaccordsétaientinévitables,etlacapacitéàtrouverune
solutionétaitcequifaisaitfonctionnerunerelation,ouladétruisaitcomplètement.Ons’étaitsouvent
disputésavecKellandanslepassé,maisc’étaittoujoursd’énormesaccrochages.Onnese
chamaillaitjamaispourdesbêtises,oupasvraiment.C’étaitnouveaupournousetjenesavaispas
vraimentcommentgérerça.
Pendantsonabsence,jen’arrêtaipasdepenseràcequ’ilallaitdireàJoeyoufaireavecelle.
Enfin,jenepensaispasqu’ilallaitfairequoiquecesoit.Ilm’aimaitetilconsidéraitqu’onétait
mariés.Iln’allaitpasdétruireçapourunepoufavecquiilavaitcouchéilyadesannées.
Alorspourquoij’avaispeurdecequ’ilallaitluidire?Enréalité,j’étaispresquesûredecequi
allaitsepasser:ilallaitlatraiterdetouslesnoms,luidirequ’iln’auraitjamaisdûcoucheravec
elle,etluibalanceruneenveloppepleinedebilletsenespérantqueçalafassetaire.Jesourisen
l’imaginant:ilétaittellementsexyquandilétaitencolère.
Sourirem’aidaàmecalmerunpeu.Enfait,cen’étaitpasluiquim’inquiétaitdanstoutça.
C’étaitl’élémentinconnu.C’étaitJoeyquimefaisaitpeur.Jenesavaispascequ’elleallaitmijoter,
etçam’angoissait.Etc’étaitexactementpourçaqueKellannevoulaitpasquej’yaille.Illa
connaissait,ilavaitvécuavecelle.Ilsavaitqu’elleavaitunsacrétempéramentetilavaitvoulula
voirseulepourmeprotéger.Etmoi,j’avaisvoululuiarracherlesyeuxpourça.
Macolèresedissipatandisquej’imaginaiscequeKellandevaitressentirdanscettesituation.Il
devaitêtregêné.Pasàcausedel’enregistrement,maisàcausedelafaçondontçaavaitétédévoilé:
devantmesparentsetmoi.Ilvoulaitqu’ellesecalmepourqu’ellepasseàautrechoseensuiteetil
avaitdûsedouterquem’emmeneravecluicontrarieraitsesplans.Joeyauraitsansdoutebalancé
quelquechosequim’auraitoffensée,etj’auraisfiniparluisauterdessus.Ilavaiteuraisonde
m’empêcherdevenir.Àsaplace,j’auraissansdoutefaitlamêmechose.
QuandKellanrevintuneheureetdemieplustard,toutemacolères’étaitévanouie.Toutle
mondetournalatêteenentendantlaported’entrée,etilpritunegranderespirationenlarefermant
derrièrelui.Ilmelançaunregardnerveux,sansmêmesetournercomplètementversmoi.Ilruisselait
desueur,ilavaitdoncdûfinirparallercourir,auboutducompte.Peut-êtrequ’ilenavaiteubesoin
aprèssonentrevueavecl’autretraînée.
Jedevaism’excuser,etjeposailecarnetdanslequelj’étaisentraind’écrirepourlerejoindreà
pasprudents.Ildétournaleregardetgrommelaquelquechoseàproposdeprendreunedoucheavant
departiràl’aéroport.Unéclairdetristessemetraversaalorsquejepensaisàsondépart,maispour
lemoment,c’étaitsurtoutlefaitqu’ilm’évitaitquim’inquiétait.Alorsquej’arrivaisdansl’entrée,il
seprécipitadansl’escalier.
–Kellan?
–J’arrive,j’aijustebesoindeprendreunedouche,cria-t-ilpar-dessussonépaule.
Jejetaiuncoupd’œilendirectiondemesparentsavantdelesuivreàl’étage.Quandj’arrivai
enhaut,ilétaitentraindes’examinerdanslemiroirdelasalledebains.
–Kellan?
Iltournalatêteversmoietjerestaibouchebée.Ilavaitunemarquesanglantesurlevisage,du
hautdesajouejusqu’àlamâchoire.C’étaitpourçaqu’ilnevoulaitpasmeregarderenrentrant:
cettesalopel’avaitagressé.
–Ellet’afrappé?demandai-jeenmeprécipitantverslui.
Ilregardasablessuredanslemiroiretsoupira.
–Jevaisbien,Kiera.
Jeprissonvisagedansmesmainspourleregarderdeplusprès.
–Tusaignes.
–C’estbon,jetedis,insista-t-ilavecunsourireencoin.Cen’estpaslapremièrefoisqu’une
femmemefrappe.
Jedécidaid’ignorersaréférenceprovocanteàunevieillescèneentrenousmaismesyeuxse
remplirentdelarmes.Sonsourires’évanouitetcefutàsontourdemescruter.
–Disonsqueçanes’estpastrèsbienpassé.Tuauraispeut-êtremieuxfaitdevenir,enfinde
compte.
–Jenepensepas.J’auraissûrementfiniaupostepouragression.
Seslèvressourientéphémèrement.
–Jesuisdésolé,jemesuiscomportécommeunabruti.Maisjenevoulaispasquetusois
impliquéelà-dedans.
–Jevoulaisêtrelàpourtesoutenir.
Ilbaissalesyeux,àlafoisreconnaissantetinquiet.
–Jesais.Maisjelaconnais,etjesaiscommentelleauraitréagi.Encoreplusmaintenantqu’elle
saitcequetureprésentespourmoi…Jevoulaisteprotéger.
Jel’embrassaisurlajoue.Sapeauétaitunpeusalée.
–Jesuisforte,jepeuxmedébrouiller.
Ils’assitauborddelabaignoire.
–Jesaisetjepensequec’estmoiquisuisfaible:j’avaisbesoind’êtresûrquetuétaisàl’abri.
Jenevoulaispasquetuaiesàentendre…Çaneregardaitquemoi,Kiera.Jesuisdésolé.
Cen’étaitpascompliquéd’imaginertouslesdétailsintimesqueJoeym’auraitdonnés,ettoutes
lessaleshistoiresqu’ellem’auraitracontéessurKellan.Elleauraitessayédes’interposerentre
nous,justeparcequ’ellen’avaitpasréussiàfairedeluiundesesjouets.Çanefaisaitqueprouver,
unefoisdeplus,àquelpointlajalousiepouvaitêtredangereuse.
–Tupeuxarrêterdet’excuser,dis-jeenpassantlesbrasautourdesoncou.Jet’aidéjà
pardonnédepuisunmoment.
Ilsouritetmepritparlataille,etlesétoilesdanssesyeuxmefirentunpeuoubliersaplaieàla
joue.
–Vraiment?
–Oui,vraiment.Onneserapastoujoursd’accord,toietmoi.Etjesuistellementfièrequetu
m’aiesditlavéritéalorsquetuavaisvraimentenviedementir.Tun’aspasidéedecequeça
représentepourmoi.
Ilhochalatêteetjesentismesyeuxseremplirdelarmesenrepensantàtouslesmensongesqui
avaiententachénotrerelation.L’honnêtetéfaisaitpeut-êtremalparfois,maisc’étaitvraimentla
meilleuresolution.
–Tuveuxmeracontercequis’estpassé?
Ilsoupirad’unairépuiséquimerappelaqu’aucundenousn’avaitdormilanuitdernière,et
j’étouffaiunbâillement.
–Ellevoulaitveniricimaisjeluiaiditdem’attendreaucoindelarue.Jevoulaisarriveravant
ellepourqu’ellen’aitpasletempsdesepointeràlamaisonalorsjen’aipaseuletempsd’alleràla
banque.Jen’avaispasassezdeliquideetquandelleavuquejeluifaisaisunchèquepourlereste,
elleapétéunplomb.Jeluiaiproposédelaconduireàlabanquemaisellem’agiflé,alorsjeluiai
ditd’allersefairefoutre,etaprèsjesuisallécourirpourmecalmer.
Garce.Illevalesyeuxauciel.
–Elleestcinglée.Jenecomprendspascommentj’aifaitpourvivreavecelle.
Etmoi,jecomprenaisencoremoinscommentilavaitfaitpourcoucheravecelle,maisilétait
déjàassezénervéetjegardaimaréflexionpourmoi.
–Ilfautquejemedoucheetquejemeprépare,murmura-t-il.
J’auraistellementaiméqu’ilpuisserester,ouquejepuissepartiraveclui,maisonallaitdevoir
êtrepatients.Kellanouvritl’eauetjefermailaportedelasalledebains.Puisjem’assisetle
regardairéglerlethermostat,enespérantqu’ilresteencoredel’eauchaude.
Ilretiraseschaussures,seschaussettesetsontee-shirt,quelasueuravaitcolléàsapeau,etmes
yeuxseposèrentalorssursontatouage.HeureusementqueJoeynel’avaitpasvu.Kellanauraitpeut-
êtrereçuplusqu’unegifle.Maisilnemontraitpassouventsontatouage.C’étaitcommeunsecret
entrenous.Çamemanqueraitdenepaslevoirsursapeaupendantqu’ilseraitparti.Enfin,c’était
unechoseparmimilleautreschosesquiallaientmemanquer.
–Est-cequejefaisuneerreur?ditsoudainKellan.
–Dequoituparles?
–Enregistrerunalbum,partirentournée…Toutcequejeveux,c’estunevietranquilleavectoi.
Etlecontratquejeviensdesigner…çaimpliquetoutsaufça.
Jeluicaressailajoueenmedemandantcommentleréconforter,toutensachantquejepensaisla
mêmechose.
–Kellan,tavieneserajamaistranquille,peuimportecequetufais.Lascène,c’esttoutetavie.
Tuesnépourça.
Mêmesic’étaittoutlecontrairedelapaixetdusilenceauxquelsonaspirait,jesavaisque
c’étaitvrai.Ilfaisaitcequ’ilétaitcenséfaire:c’étaitsondestin.Maisçanevoulaitpas
nécessairementdirequ’ondevaitrenonceràunevietranquilletouslesdeux.Çavoulaitdirequ’on
devaitêtreflexibles.
–Onvajustedevoirtrouverdesmomentsdecalmeaumilieuduchaos,maisonestplutôtdoués
pourça.
–C’estvrai…
Ons’embrassadoucementpuisilfitunsignedetêteendirectiondeladouche,lessourcils
levés.Jesavaiscequeçavoulaitdire:Tuviensavecmoi?Unegrandepartiedemoiavaitenviede
direouimaisonavaitpleindechosesimportantesàfaire,etj’avaisdeuxparentsespionsaurez-de-
chausséequ’onessayaitd’impressionnerparnotreretenue.Etpuisj’étaispresquesûrequ’ilne
restaitpasassezd’eauchaudedansleballon,detoutefaçon.
Jesecouailatête,l’embrassaiunedernièrefoisetramassaisesvêtementssales.
Ilfronçalessourcilspuisretiralerestedesesvêtementsetmelesdonna.
–Mercid’êtrelà,dit-ilavantdem’embrassersurlajoue.
–Derien,répondis-jeenessayantdeleregarderdanslesyeuxmaissanspouvoirm’empêcher
deregardersoncorpsnu.
Ilfermalerideauetcommençaàfredonneretjem’arrêtaiuninstantpourl’écouter.J’auraispu
resterlàtoutelajournée.D’unseulcoup,jel’entendisaspirerentresesdentsetjurer.
–Çava?
Satêteémergeadederrièrelerideau:sescheveuxétaientramenésversl’arrièreetavaientl’air
plussombrequed’habitude,presqueautantqueceuxdeDenny.
–Oui.Çabrûle,c’esttout.
J’avaisenviedecompatir,maissonairdechienbattufinitparmefairerire.Luin’avaitpas
l’airamusé,parcontre,etildisparutdenouveau.
–Tuveuxquejesortelatroussedepremierssecours?
Ilsoupirabruyamment.
–Çavaaller,merci.
–Grosbébé,dis-jeenouvrantlaporte.
Mamèremontaitl’escalierquandj’arrivaisurlepalieretsonvisages’illuminalorsqu’elleme
vit.Sonlongindexpointaitunarticlesurunepagedumagazinequ’elleavaitentrelesmains.
–Jeviensdetrouverleplusbeaubouquetdemariéedumonde.Ilfautabsolumentquetujettes
unœil.
LesbraschargésdesvêtementspleinsdesueurdeKellan,jeluisourisbrièvement.
–Biensûrmaman,pasdeproblème.Laisse-moijusteallermettreçadanslamachine.
Elleacquiesçaavecenthousiasmeetm’emboîtalepas.
Quandest-cequemesparentsrepartaient,déjà?
4
Aurevoir,pourlemoment
QuandKellansortitdeladouche,j’étaisdanslachambred’amisavecmamère,qui
m’expliquaitlesavantagesetinconvénientsd’unbouquetdemariéetoutblanc.Elleétaitsi
concentréequ’elleneremarquamêmepasqu’ilentraitdanslapièceseulementenveloppédansune
minusculeserviette.Maismêmesiellel’avaitvu,çanel’auraitsûrementpasfaitchangerdesujet.
L’espaced’uninstant,jemeposailaquestiondesavoirsijedevaisluidemandersonavis
concernantlesfleurs,maisjenelefispas.Primo,ildevaitsepréparer,etdeuzio,mamèren’enavait
sûrementpasgrand-choseàfairedesonavisdetoutefaçon.Elleneluiavaitriendemandéjusqu’à
maintenant.Pouruneraisonquelconque,elleneparlaitdumariagequ’avecmoi,commesij’étaisla
seuleàdevoiravoiruneopinion.
Maislaréalité,c’estquemêmemonopinionluiétaitégale.J’avaisrépétédesdizainesdefois
quejevoulaisunecérémoniecourteetsimpleenpetitcomité…sitoutefoisj’enavaisune.Un
mariageimpromptuauPete’sseraitparfait,etcelanemeposaitaucunproblèmedesimplement
passeràlamairiepoursignerlespapiersquilerendraitofficiel.Ensuite,onpourraitavoirunepetite
réceptionavecjustenotrefamilleprocheetquelquesamis.Saufquecen’étaitpasdutoutcequema
mèreavaitentête:unecérémoniedegala.
Unefoishabillé,Kellannousrejoignit.Ilétaitentraindelirequelquechosesursonportableet
souriaitjusqu’auxoreilles.Mamèrearrêtaenfinsonmonologuesurlefaitquedesfleurssauvages
n’étaientvraimentpasassezraffinéespourunmariageetregardaKellan.Latracesevoyaitmoins,
maintenantqu’ilétaitdouchéetqu’ilavaitmisdelacrème,maisc’étaitquandmêmeimpossiblede
passeràcôté.Ellemelançaunregardcurieuxmaisj’ignoraisaquestionsilencieuse.
–Qu’est-cequ’ilya?demandai-jeàKellan.
–C’étaitGavin,dit-ilenrangeantsonportabledanssapoche.Ilallaitdécoller,etilvoulaitme
remercierd’avoirbienvoululerencontrer.Ilm’aaussiditquejepouvaisallerlesvoirquandje
voulais.
Illaissaéchapperunpetitrireetbaissalatête.
–Etàlafin…ilaécritqu’ilm’aimait.
Illevalesyeuxauciel,commes’ilnecomprenaitpascommentquelqu’unsurcetteplanète
pouvaitl’aimer,encoreplusquelqu’undesafamille.Êtreaiméétaitquelquechosedenouveaupour
lui,oudumoins,l’acceptationdufaitd’êtreaimé.Ilconnaissaitcesentiment,pourtant:songroupe
l’aimait,etDennyaussi,maisl’imagequ’ilavaitdelui-mêmeavaitétéfausséependanttellement
longtemps…Ilavaitfalluquejerentredanssaviepourfaireévoluerleschoses.Maisuneviepassée
ànepassesentirdésiréparsesparentsétaitdifficileàoublier,etilensouffraitencoreparfois.
Jemelevaietleprisparlataille.
–Biensûrqu’ilt’aime…Tuessonfils.
–Çaneveutriendire.
Moncœurseserralorsquejevissonairsombreetjepassaiunemaindanssescheveux
humides.
–Moi,jet’aimeraitoujours.
–Promis?demanda-t-ilenmeserrantcontrelui.
–Promis,assurai-jeenposantmatêtesursapoitrine.C’estimpossibledenepast’aimer.
Crois-moi,j’aiessayé.
Ilsouritpuisilm’embrassatendrement,maisnotreinstantdetendressefutinterrompupar
quelqu’unquitoussaillait.Ontournalatêteverslaporteetondécouvritmonpère,plantélàentrain
denousobserver.
–Toutvabien?
Ilessayaitd’avoirl’airdétachémaisjesentisbienqu’ilétaitmécontent.Kellanmelâchaet
secoualatête,puisilréponditàmonpèresansmequitterdesyeux.
–Oui,toutvatrèsbien.Jemepréparejusteàpartir.
Levisagedemonpères’illuminaetilluidonnaunetapedansledos.
–Jepeuxt’aideràfairequelquechose?
SaréponsefitrireKellanetilm’embrassasurlefront.
–Nonmerci,çavaaller.
Iltapotal’épauledemonpèreenpassantàcôtédeluipourretournerdansnotrechambreetje
levailesmainsenregardantmonpèred’unairincrédule.
–Quoi?Jenepeuxpasoffrirmonaideàmonfuturbeau-fils?
Ilétaitvraimentirrécupérable…
Enunéclairdetemps,onseretrouvatouslesquatreenrouteverslePete’s,oùlegroupedevait
seréunirpourundernierverreavantleurdépart.Unefoisdeplus,Kellanavaitrefuséqueje
l’accompagneàl’aéroport.Ildisaitqueregarderl’aviondécollerétaitbientropdramatique.
KellansoupiraencoupantlemoteurdelaChevelleetilcaressamêmelevolant.Puis,lesyeux
plissés,ilmetenditlesclésàcontrecœur.Ilallaitdirequelquechosemaisjeparlaienpremier.
–Jesais.Faisattention,netetrompepasdecarburant,nevapastropvite.C’estbon,j’ai
compris.
J’attrapailesclésetilfronçalessourcils.
–Ilvafalloirqu’ontrouveungaragepourquandtuvasvenirmerejoindre,dit-ilenouvrantsa
portière.Jeneveuxpaslalaisserdansl’alléeaussilongtemps.
Jemeraidisenl’entendantdireçaetregardaimonpère.Jeneluiavaispasencoreditque
j’allaisquitterSeattle,etilavaitlesyeuxrondscommedesbilles.
–Lerejoindre?Oùça?demanda-t-il.
–Jet’expliqueraiplustard,papa,dis-jeenouvrantrapidementmaportière.
–Kiera,attends…
Jesortisdelavoitureetfermaimaportièresansluirépondre.Kellanhaussalesépaulesd’un
aird’excuseetmonpèredescenditàsontour.
–Combiendetemps,Kiera?
Jen’avaisvraimentpasenvied’enparlermaintenant.Heureusement,Griffinfitdistractionen
arrivantàcemoment-là.IlgarasonvanjusteàcôtédelaChevelleetAnnas’extirpadusiège
passagerens’accrochantàlaportière,commesielleallaitexploseraucasoùellebougeraittrop
vite.LaportièrearrièreglissaetMattsortitàsontour.Ilnousfitsignepuistenditlamainàsacopine
Rachelpourl’aideràdescendreduvan.
J’avaisencoredumalàcroirequeMattetGriffinétaientdelamêmefamille.Silencieuxet
réservé,Mattavaittendanceàmeressembler,tandisqueGriffinétaitplutôtdugenre…abruti.
Parfois(ouplutôtsouvent),jeregrettaisquemasœursoitavecluietpasavecMatt,maisMattétait
heureuxavecRachel.
Ilmefitunpetitsignedetêtepuisdonnaunetapesurl’épauledeKellan,etGriffincontournale
vanpourvenirnousrejoindre.IlallasemettrederrièreAnna,l’attrapaparleshanchesetl’attira
contreluiensefrottantcontreelle.Levisagedemonpèreviraaurougeécarlateetiloublia
immédiatementlaconversationqu’ilavaitessayéd’avoiravecmoi.
AumomentoùilsedirigeaitversGriffinpourl’empêcherdetripotersafilleaînée,lavoiture
d’Evanapparut.Ilsegara,coupalecontact,etlesdeuxportièresavants’ouvrirentenmêmetemps.
PuisEvanetJennynousrejoignirentmaindanslamain.
Cecoupleétaitnosmeilleursamis,àKellanetmoi.Kellanadoraittouslesmembresdeson
groupe,ycomprisGriffinàsafaçon,maisc’étaitàEvanqu’ilseconfiaitleplus.Lerockeurpercéet
tatouédepartoutétaitl’undeshommeslesplusaimablesquejeconnaissaisetons’étaittoutdesuite
bienentendus.QuantàJenny,c’étaitmaconfidenteetmonamielaplusproche.Elleétaitbelle
commeunerose,blondeetpétillante,dugenrequiplaisaitbeaucoupàlagentmasculine,etelleétait
d’unegentillessequipouvaitrivaliseraveccelled’Evan.Parmitouslescouplesquejeconnaissais,
ilsétaientceluipourlequeljenemefaisaisaucunsouci.Ilsétaienttropbienensemblepourqueçane
fonctionnepasentreeux.
JedisaistoutàJenny,mêmedeschosesquejen’auraissansdoutejamaisdûluiraconter.Mais
ellem’avaittoujoursacceptée,danslesbonscommedanslesmauvaismoments,etellem’avait
toujourssoutenuedepuismonarrivéeàSeattle.Elleallaitvraimentmemanquerquandjeseraissurla
routeavecKellan.
Ellepinçaleslèvresquandelleremarquaquej’avaisl’aird’êtresurunpetitnuageetjeme
rendiscomptequejeneluiavaispasencoreannoncélagrandenouvelle.Jen’avaispastendanceà
êtreaussijoyeuseavantledépartdeKellan:normalement,j’étaisgrognon,déprimée…unevraie
rabat-joie.Etj’étaistristequ’ilparte,maismabonnenouvellemefaisaitoubliermamélancolie,etje
mesentaisàdeuxdoigtsd’exploserdejoie.
JenedisrienàJennyetmecontentaideleverlamaingauche.Envoyantmabague,ellecomprit
toutdesuiteetsemitàpousserdespetitscrissurexcitésquifirentsursautermesparents.Ellemeprit
danssesbrasetonsemitàsautillersurplace,tandisquelesgarçonsnousregardaientcommesion
avaitcomplètementpétélesplombs.Curieuse,Rachelfitunpasenavant.Elleétaitencoreplus
timidequemoi,maiselleaussimepritdanssesbrasquandellecompritcequisepassait.Annase
joignitaucercleetellesexaminèrenttoutesmonalliance.Ellebrillaitsouslesoleil,s’accordant
parfaitementàmonhumeur.
–Vousêtesfiancés,ditRachelensoupirant,avantdejeterunbrefregardàMattpar-dessusmon
épaule.
–Non…onestmariés.
–Quoi?Vousvousêtesmariés?Sansmoi?
Jennyavaitl’airaussiblesséequemamèrequandellel’avaitappris,etj’euslanette
impressionquej’allaismeretrouveravecunedeuxièmeorganisatricedemariage.
–Détendez-vous,reniflaAnna.Ilssesontjusteéchangéunebaguedansunbar,ilsnesontpas
vraimentmariés.
Mesparentsétaientderrièreelleetjepusclairementvoirunpetitrictusseformersurleslèvres
demonpère.Kellangrimaçaenentendantlaremarqued’Annaetjel’imitai.
–Onestmariésdansnoscœursetc’estçaleplusimportant.Pourlapaperasse,onverraçaplus
tard.
Griffins’écartadeMattdevenusoudainblanccommeunlingepoursejoindreàlaconversation.
–Pitié,lesgars,vousn’êtespasmariés,dit-ilsurlemêmetonqu’Anna.
IlcroisalesbrasetjetaunregardagacéàKellan.
–Pasd’enterrementdeviedegarçon,pasdemariage.C’estlaloi.
–Cen’estpasuneloi,Griffin,dis-jeenadoptantlamêmeposturequelui.
–Ehbiençadevrait.Pasdenichons,pasdecordeaucou.
Ilavaitcepetitsourireinsupportablequimedonnaitenviedelegiflermaisjerésistai.
Heureusement,Annam’aidaenluidonnantunetapeàl’arrièredelatête.
–Quoi?luidemanda-t-ilenplissantlesyeux.C’estnormal:situdoispasserlerestedetavie
avecuneseulenana,lamoindredeschoses,c’estd’enchoperunedernièrejusteavant.Oudeux.Ou
trois.
–Ahbon?demandaAnnaenhaussantlessourcils.Etçateplairaitqu’unconnardfasseçaavec
notrefille?
EllesecaressaleventreetGriffinsuivitsamainduregard.
–Çanevapas,non?Lepremierquifaitçaàmafille,jeluicoupelescouilles.
–Jevois.
Annasouritetl’embrassasurlajouesansrienajouter,maisjepouvaisvoirqueGriffinétait
encoreentraindepenseràcequ’ellevenaitdedire,etqu’iln’avaitaucuneenviequelescénario
qu’ilavaitentêtepourKellanarriveàsafille.OnéchangeaunsourirecompliceavecAnna:peut-
êtrequelecasdesonmecn’étaitpascomplètementdésespéré.
Legrouperentradanslebarpourprendreunverreavantqueletaxiarrivepourlesconduireà
l’aéroport.L’équipedusoirn’étaitpasencorelàmaisilyavaitdesvisagesfamiliers:lesdeux
serveusesdejour,Emily,etTroy,lebarman,avecsonéternelcoupdecœurpourKellan.Sonvisage
s’illuminalorsqu’ilnousvitarriver.
Quandonsedirigeaverslatabledugroupe,jerestaiclouéesurplace.Unhommequeje
connaissaisbienyétaitdéjàinstallé,entraind’attendre:DennyHarris,l’ex-amourdemavie.Kellan
remarquacequiavaitattirémonattentionets’immobilisaaussi,etDennyseleva,lesmainsdansles
poches.
Ilavaitunpeuchangédepuisqu’ilétaitrevenuàSeattle.Ilavaitl’airplusâgéetplusmûr.Sa
façondesetenirmontraitqu’ilavaitgagnéenconfiance,etsesyeuxmarronmontraienteuxaussi
davantaged’assurance.Ilsemblaitsavoirquiilétaitetcequ’ilvoulait,etcen’étaitplusmoi.Ilétait
fouamoureuxdesacopine,Abby.Audébut,çam’avaitfaitmaldevoirqu’ilétaitpasséàautrechose
maisc’étaitcequej’avaisfait,moiaussi.Àprésent,j’étaisvraimentheureusepourlui.
Ilnousfitungrandsourireenvoyantl’airahurideKellan.Ons’avançajusqu’àluietKellanle
pritdanssesbras.
–Tuesvenumedireaurevoir?
–Vousallezdevenircélèbres,alorsc’estpeut-êtremadernièrechancedet’approcher.
Kellandétournaleregardensouriant.
–Ça,jedemandeàvoir.Maisjesuiscontentquetusoislà.
Jem’avançaipourdirebonjouràDenny.JesavaisqueKellann’étaitpasencoretoutàfaità
l’aiseaveclefaitquejesoisamieaveclui,mêmes’ilm’avaitditpleindefoisquenotreamitiénelui
posaitpasdeproblème,alorsjeleprisdansmesbras.
Dennysaluaensuitelerestedugroupe,puistoutlemondepritplaceetjem’assisàuncoindela
tableàcôtédeKellan.QuandDennyeutfinisessalutations,ilvints’asseoiràlaseuleplacelibre,en
boutdetable,àcôtédemoi.L’ironiedusortvoulutqueDenny,Kellanetmoifussionsassis
exactementàlamêmeplacequelapremièrefoisoùDennyetmoiavionsbuunebièreaveclegroupe.
DennymeregardaalorsqueKellancommandaitunetournéepourtoutelatableetjevisqu’il
avaitl’airpensif.Peut-êtrequeluiaussiréfléchissaitàlafaçondontleschosesavaientradicalement
changé.Jehaussailessourcilsdansunequestionsilencieuseetsonexpressionchangea.Ilsecouala
têtepuisreportasonattentionsurEmilyquiarrivaitavecnosboissons.
Kellanmeregardaittandisqu’elleservaitunshotàchacun.Jeneressentaispaslapointede
culpabilitéquimetransperçaitd’habitudequandonétaittousensemble,etjeprissamainpour
embrassersesdoigts.Ilmesouritetmamèreregardaladynamiqueentrenoustroisavecunsourcil
levé.Ellenedevaittoujourspasenrevenirqu’onsoitrestésamis,surtoutmaintenantqu’ellesavait
exactementcequis’étaitpassé.
Unefoisquechacuneutsonshot–àpartmasœur,quiétaitàl’autreboutdelatableentrainde
fixersonjusdepommecommesic’étaitunesubstancetoxique–,toutlemondelevasonverrepour
trinquer.
Mattouvritlabouchepourparlermaissoncousinlepritdevitesse.
–Àlacélébrité,àlafortuneetauxfillesfaciles!
Toutlemondeleregardaboirecul-secsansriendireetmonpèreluilançaunregardnoir.
Quandilreposabruyammentsonverresurlatable,Mattpritlaparolecommesiriennes’étaitpassé.
–Auxbonsamisetàlabonnemusique.
–Santé!
Toutlemondetrinqua,etonsepenchapar-dessuslatableavecDennypourcélébreravecAnna
etRachel.Onbutd’unetraite:l’alcoolmebrûlalagorge,maisletoastenvalaitlapeine.
ToutlemondeétaitentraindediscuterjoyeusementquandunTroymoroses’approchadenotre
table.
–Letaxiestlà,dit-ilenfixantKellan.
Jesentismoncœurseserrer.LesaurevoirfaisaientpartieduquotidienavecKellan,mais
j’avaisencoredumalàm’yhabituer.
Mattregardal’horlogeaccrochéeaumuretsourit.Commec’étaitluilepseudo-manager,il
s’étaitoccupédetoutel’organisation,etsemblaitravidevoirquetoutsepassaitcommeprévu.
Kellanm’aidaàmeleveretonallatoussurleparking.Effectivement,letaxiétaitarrivé.
Toutlemondecommençaàsedireadieu.Kellanm’embrassabrièvementavantdedireau
revoiràceuxqu’ilnereverraitpastoutdesuite.Ilpritmamèredanssesbras,serralamaindemon
pèreetcaressaleventrerondd’Anna.PuisilserraRacheldanssesbras,fittournerJennydansles
airsettapotal’épauledeTroy,quisouritdetoutessesdents.Pendantcetemps,jedisaurevoirà
EvanetàMatt.EvanmeserradanssesbrasdetoutessesforcestandisqueMattm’étreignitplus
doucement.JerestaiàbonnedistancedeGriffinetluifisunsignedelamain,puisKellanrevintà
côtédemoi.
Ilpritmamaindanslasienneettenditl’autreàDenny.
–Tugardesunœilsurelle?Maispasdetropprès,ajoutaKellanensouriant.
–Çanerisquepas,murmureDenny,amusé…
IlpritlamaindeKellanetlaserrafermement.
–Jegardeunœilsurelle.Etj’espèrequeçavamarcherpourvous.
Kellansouritetmeregarda.
–Moiaussi.
Jenesavaispass’ilparlaitdusuccèsdugroupe,maisj’avaisl’impressionquetantqu’onétait
ensemble,lesuccèsn’avaitpasd’importance.Ilmeserraunedernièrefoisdanssesbras.
–Àplustard,murmura-t-il.
Puisilcourutjusqu’àsavoiturepourprendresonseulbagage:l’étuinoirquicontenaitsa
guitare.Ilpassalasanglesursonépauleavantd’allerjusqu’autaxi,etlechauffeurlamitdansle
coffretandisqu’ildisparaissaitdanslavoiture.Jedusmemordrelalèvrepournepasmelaisser
submergerparlatristesse.Jelerejoignaisdanspeudetemps,etj’avaisdéjàhâted’yêtre.
Enfin,letaxisemitenroute.Kellanétaitàlafenêtreetsortitsamainpourmefairesigne,son
alliancebrillantausoleil.Jesouriscommeuneidioteetluifissigneàmontourjusqu’àcequ’il
disparaisseaucoindelarue.
–Alors,commentçasepasse,lemariage,Kiera?
L’accentaustraliendeDennys’enroulamagnifiquementautourdemonnom.Notrerelationavait
changé,maisjetrouvaistoujourslesondesavoixaussifascinant.
Jescrutaisesyeux,àlarecherched’unsignedetristesse,maisjen’envisaucun.
–Plutôtbien.
Jepassaienrevuecequis’étaitdéroulédepuismonmariageimprévu,etlesouvenirdelavisite
surprisedeJoeym’assombritlevisage.
–Tuessûre?
Unepartiedemoin’avaitvraimentpasenvied’évoquermesproblèmesconjugauxaveclui:ça
meparaissaitinappropriéaprèstoutcequis’étaitpassé.Est-cequejenelesméritaispas,tousces
ennuis?MaisDennyétaitquelqu’und’exceptionnel,etunefoisqu’ilavaitpardonnéquelqu’un,iln’y
avaitpluslamoindretracederessentiment.Dumoins,ilessayait.Jel’avaisvuluttercontresa
rancœurenmaprésence,etj’avaisentendulatristessecauséeparmatrahisondanssavoix.Maisil
étaittoujoursdansmavie,c’étaittoujoursmonami,etjeluidevaisuneréponsehonnête.
–Ilyaeuunsouciàlamaison,dis-jeenregardantmesparentsquidiscutaientavecAnna,Jenny
etRachel.
–Lagriffequ’ilavaitsurlajoue?C’esttoiquiasfaitça?
–Non…Sonex-colocataireestvenue…
Avecsamémoired’éléphant,ilserappeladequiils’agissait.
–Joey?Lafillequiavaitdisparuaprèsavoircouchéaveclui?
Jesentismonestomacsetordre.
–Oui,Joey.Elleestvenuerecherchersesaffaires,maisjem’enétaisdébarrasséedepuisun
moment,etKellanadûlarembourser.
–Étantdonnéquec’étaientsesaffaires,çameparaîtnormal.Maisj’imaginequel’histoirene
s’arrêtepaslà?
Jen’avaisvraimentpasenvied’enparler,maisilfallaitqueçasorteetàl’exceptiondeJenny,
c’étaitluimonmeilleurami.
–Elleluiarenduunesextapequ’ilsavaientfaiteensemble…etelleluiademandédel’argent
enéchange.
Ilyeutunlongsilence.Jepouvaisvoirqu’ilréfléchissaitetqu’ilhésitaitsurcequ’ildevait
répondre,etjen’étaispassûred’avoirenviedesavoircequ’ilpensait.Peut-êtrequec’était
préférablequ’ilnediserien?Jeregardaimespiedsetdonnaiunpetitcoupdansuncaillouen
attendantsaréponse.
–Sielleluiarenduavantqu’ildonnel’argent…alorsçaveutdirequec’étaitjusteunecopie.
Tun’aspasfinid’entendreparlerd’elle.
Jen’avaispaspenséàça…Jesavaisqu’ilyavaitd’autressextapes,maisjen’avaispaspensé
qu’elleavaitpuarnaquerKellan.Ellel’avaitapportéeàlamaisonpourlaluirendresansêtreau
courantdemonexistenceetelles’étaitcomportéeavecuntelméprisenversKellan,qu’ellesemblait
vouloirs’endébarasser.Biensûr,peut-êtrequec’étaitjustedelacomédie,unemanièredelui
montrerqu’ellen’avaitplusbesoindeluietqu’ilétaitinférieur.Elleavaitl’aird’unedecesfilles
quiaimentavoirdestrophées,alorsquoidemieuxqu’unenregistrement?Dennyavaitraison:elle
avaitd’autrescopies.
–Jenelaconnaispas,maiss’ildevientvraimentcélèbre,çanem’étonneraitpasqu’elleessaye
deluisoutirerdel’argent.Çapourraitfairelaunedetouslesmagazines.Jesuisdésolé,Kiera.
Jesoupiraienpensantàtouslesproblèmesàvenir.
–Çanefaitrien.Çan’apasvraimentd’importance.
Dennyhaussalessourcilsetjeris.
–Ellen’estpaslaseuleàavoircegenredevidéosavecluialorsellen’entirerapasuntrèsbon
prix.Tusaiscequisepassequandilyatropd’offres.
Penseraunombredesextapessurlemarchémedonnaenviedepleurer,maisaulieudeça,je
risenvoyantlatêtequeDennyfaisait.
–Tuasvraimentchangé,dit-il.
Jesourissansconviction,soucieused’essayerd’accepteraumieuxlasituation.Laviede
Kellann’étantplusprivée,certainsdesesaspectsallaientêtredifficilesàgérer.Maisonconnaissait
nossentimentsl’unpourl’autre,etensemble,onparviendraitàtraverserlesépreuves.
–Jen’arrivepasàcroirequ’ilsesoitfilmé,ditDennyenlevantlesyeuxauciel.Enfin,enfait,
si.
Soudain,ilrougitetjelusunequestiondanssesyeux.Ilnevoulaitpaslaposermaisilmourait
decuriosité.Sachantàquoiilpensait,jeluidonnaiunetapesurl’épaule.
–Non!Jenel’aipaslaissé…onn’apas…Non!bégayai-je,incapabled’articulerunephrase
correcte.
Dennyritetreculad’unpas.
–Désolé,j’yaipenséavantdepouvoirm’enempêcher.
IlritplusfortetAnnanousrejoignit.
–Qu’est-cequisepasse?
ElleregardaDennyfroidement,nihostile,niamicalenonplus.Ellen’avaittoujourspasdigéré
labagarreentreDennyetKellan,etmoi,indirectement.Dennyseraiditetsonrires’évanouit.
–Rien,ondiscute,c’esttout.
Ellesecrispa,commesiellepensaitqueDennyallaitessayerdemepiqueràKellan.Jenesais
pascombiendefoisjeluiavaisrépétéqu’onétaitjusteamis,maisellen’étaittoujourspas
convaincue.
–Jevaisyaller,Kiera,jevaisfaireunesieste.Lesfillesetmoi,onamalpartout.
Jefislamoueensachantqu’elleneparlaitpasdubébédanssonventre.
–D’accord.
EllegagnalevandeGriffinetmesparentsvinrentmerejoindre.Àvoirlatêtedemonpère,
j’étaissûrequ’ilvoulaitmeparlerdemonprojetderejoindreKellanetjemaugréai.
–Tuesprêteàlesvoirrepartir?demandaDenny.
–Ohqueoui!répondis-jeavecunsourire.
Jemedemandaisijedevaisluidirequejepartais.Çaauraitdûêtreplusfacilequedelui
parlerdelasextape,etpourtant,çanel’étaitpas.
Mamères’immobilisa,distraiteparunepièceparterre.Elleramassaittouslescentimesqu’elle
trouvaitetgardaitcellesquidataientd’avantlesannéessoixante-dix.Elleavaitdesdouzainesde
boîtespleinesdevieillespièces,àlamaison.
Alorsquemonpèrerâlaitenluidisantd’arrêter,jefinisparlâchercequejen’avaispas
vraimentenviededire.
–JerejoinsbientôtKellanàLosAngeles,etaprès,jeparsentournéeaveclui.JequitteSeattle.
Éberlué,Dennypâlit.Ilavaitl’aird’avoirprisuncoupdepoingdansl’estomacetjesentisune
vaguededouleurmesubmerger.Jenel’avaisjamaisquittéavant:c’étaittoujoursluiquiétaitparti.
Contrairementàcequejecroyais,peut-êtrequeceluiquipartaitsouffraitplusqueceluiquirestait,
enfindecompte.Çaenavaittoutl’air,entoutcas,etjen’étaismêmepasencorepartie.Dennyreprit
sesespritsetregardamesparents,unmincesourireauxlèvres.
–Jemerappelledequandonaditàtonpèrequetuquittaisl’Ohio.Boncourage.Tuvasen
avoirbesoin.
J’approuvaietmismamainsursonépaule.Unéclairdetristessepassaentrenous,alorsque
nouspensionsàtoutcequ’onavaitperdu.Onallaitbientouslesdeux,maintenant,etonétaitheureux
dansnoscouplesrespectifs,maisçanevoulaitpasdirequ’onavaitoubliécequ’ilyavaiteuentre
nous.
Ilmefitunpetitsourirequimebrisalecœur.Mêmesilesfillesallaientmemanquer
terriblement,sonabsenceallaitêtredouloureuse.Jenesavaispassijedevaisleluidireounon,
alorsjeluisourissimplement.
–JereviendrairégulièrementpourvoirAnnaetm’assurerqu’ellevabien.
–C’estunebonneidée.Jeteproposeraisbiendeveillersurelle,maistusaiscequ’ellepense
demoi…
Mesparentss’étaientsuffisammentapprochéspournousentendre,etjemecontentai
d’acquiescerenguisederéponse.Jenevoulaispasparlerdeçadevanteux.Ilsnesavaientpasce
queDennyavaitfait,ceàquoijel’avaispoussé,etjepréféraisqu’ilsnel’apprennentjamais.Mon
pèreinsisteraitpourquejecoupelespontsavecDenny,etjenevoulaispas.Ilfaisaitpartiedema
vie.
Monpèreavaitl’airépuisé,commes’ilavaitenviedevacancesaprèssesvacances.Ilcroisa
lesbrassursapoitrineenessayantd’avoirl’airaussiimposantquepossible.
–Kiera,jepensequ’ilfautqu’ondiscutedetonprojetderejoindreKellan.
Àvoirsatête,ilétaitévidentqu’iltrouvaitçaridicule.
–TuparsvraimentàLosAngeles?Parcequeçanemeplaîtpasdutoutdetesavoirdansune
villeaussigrande.Etencoremoinsentouréed’ungroupederockstars,ajouta-t-il.
Jesourisetm’apprêtaiàrépondre,maisJennyavaitentendumonpèreetellevintnous
rejoindre.
–Tuvasvraimentyaller?Tuvasêtreaveceuxpendantqu’ilsenregistrentl’album?
Jen’avaispaseuletempsdeluidireçanonplus.Ils’étaitpassétellementdechosesquej’étais
encoreétourdie.JeposaiunemainsurlebrasdeJenny.
–Kellanveutvraimentquejevienne,etétantdonnéquej’aifinilafac,jevaisavoirbeaucoup
detempslibre.
–Tudevraisenvoyerdescandidaturesaulieudeperdretontemps.Çanevapasfairesérieux
danstonCV,intervintmonpère.
JemeraidisetmeserraicontreJenny.D’unseulcoup,jeressentaisvraimentlebesoind’être
soutenue.
–Enfait,papa…jenevaispasposerdecandidatures.Aprèsl’enregistrement,Kellanparten
tournéepourfairelapromotiondel’album…etjevaispartiraveclui.
Pendantuninstant,leseulbruitfutceluidesvoituresquipassaient.PuisJennyetmonpèrese
mirentàparlerenmêmetemps,etàmagrandesurprise,ilsdirentlamêmechose,maissurunton
complètementdifférent.
–Non!
DanslabouchedeJenny,c’étaituneexclamationdesurprise,maisdanscelledemonpère,
c’étaitunordre.
–Jesaisquecen’étaitpasprévu,maisc’estvraimentcequejeveux.
Jennymeserradanssesbras.
–Qu’est-cequejesuisjalouse!chuchota-t-elleàmonoreilleavantdereculer,lesyeux
pétillants.Tuvasmemanquer…maistuvast’éclater,j’ensuissûre.
Jeris,sentantsonénergiemegagner.Puislavoixdemonpèremeramenasurterre.
–Non,Kiera.C’estinacceptable.
Jetournailatêteversluietilserembrunitencoreplus.
–Onnet’apasfaitfaireautantd’étudespourquetupartessuivreungroupeàtraverstoutle
pays.
Illâchalemotgroupeavecuntelméprisqu’unfrissondecolèremeparcourut.J’eusenviede
direàmonpèrequemabourseavaitpayépresquetoutesmesétudesetqu’iln’avaitpascontribué
tantqueça,maisleproblèmen’étaitpaslà.
–Cen’estpasjusteungroupe,papa.C’estlegroupedemonmari.
–Tun’espasvraimentmariée,Kiera,dit-ildédaigneux.
–Etilabesoindemoi,insistai-jeenignorantsaremarque.
Ilreniflad’unairméprisant,commes’ilétaitpersuadéquecen’étaitpasvraietqueKellan
préféraitêtreseulsurlaroute.Jereprislaparoleavantdelaisserletempsàmonpèredeprotester.
–Cen’estpascommesimesétudesn’avaientserviàrien.Jeveuxdevenirécrivain,etjevais
écriresurlarouteavecKellan.
–Écrivain?Cen’estpasunmétier.
Mamèreluidonnauncoupdecoudedanslescôtes.
–Quoi?
Mamèrel’ignoraetsetournaversmoi.
–Jesuissûrequetuyarriveras,machérie.Tonpèreapeurquecesoitdifficile,c’esttout.Juste
audébut,biensûr.
Saufquecen’étaitpasçaquiluiposaitproblème.Àmoinsd’êtrejournalistedansungrand
quotidien,monpèrepensaitqu’écrireétaitaussifrivolequefairedelamusique.Unvraiboulot,
c’étaitdesheuresfixes,unbureaufixeetunsalairefixe.Ilaimaitpouvoirsereposersurcegenrede
certitudes,etmoiaussi,maisjesavaisquelaviedeKellanallaitconnaîtreuntournantradical,et
j’étaisprêteàlesuivre.Monpèren’ycroyaitpeut-êtrepasencore,maisildevraitbientôtserendreà
l’évidence:Kellanavaitbientropdetalentpourresterdansl’anonymat.
–Çavaaller,papa.Ilnefautpasquetut’inquiètes.
Sonagacementsetransformaenangoisse.
–Jeseraitoujoursinquietpourtoi,Kiera.
Jesentismacolères’apaiser.Dansunsoupir,jelâchaiJennyrejoignitmonpèrepourleprendre
dansmesbras.
–Toutvabiensepasser,etmoiaussi,jet’aime.
Jel’entendissanglotterenmeserrantcontrelui.J’étaissûrequ’ilfiniraitpars’yfaire.Iln’était
peut-êtrepasd’accordavecmadécision,maisilnem’entiendraitpasrigueur,toutcommeilnetenait
pasrigueuràAnnadeseserreurs.Mesparentsnousaimaientmêmedanslesmomentsdifficiles,et
mêmesiçaallaitêtredurpoureux,çaallaitêtreuneexpérienceincroyablepourmoi.
–Viens.Onvarentreràlamaisonetjevaistoutt’expliquer,dis-jejoyeusement.
Ilhochalatêtepuissoupiraàfendrel’âme.
5
Unvraiaurevoir
Unesemaineplustard,toutelafamillepritlechemindel’aéroportpouraccompagnermes
parentsetjenepusm’empêcherderegarderlesavionsquidécollaientavecenvie.Siseulement
j’avaispuembarquerdansl’und’euxpourrejoindreKellan…Ilmemanquaitdéjàetc’était
réciproque.J’avaisreçuunecartepostalelaveilleaveclepanneauHollywood.Audos,ilavait
écrit:Dépêche-toidemerejoindre,quejepuissearrêterdepassermesjournéesàrêvasseren
pensantàtoi.
NotremèreserraAnnadanssesbraspendantquenotrepèrem’expliquaitquejedevais
l’appelerchaquejour.
–Jeneplaisantepas,Kiera.Sijerestedeuxjourssansnouvelles,jesautedansunavionetje
vienstechercher.
Sonexpressionétaitsévère,maisjelisaisdanssesyeuxqu’ilétaitréellementinquiet.Ilnese
faisaitpasàl’idéedemevoirpartir.J’enroulaimesbrasautourdesoncouetl’embrassaisurle
front.
–Toutvabiensepasser,papa,Kellanseratoutletempsavecmoi.
Ilsemblamécontent.Apparemment,çan’avaitpasl’airdebeaucouplerassurer.Iln’étaitpas
encoreconvaincuparKellan,etilétaitloindeleconsidérercommelegardeducorpsidéal.Anna
vintledistraireenleprenantdanssesbras.
–Byebye,papa.
Ilsouritenluifrottantledos.Jemetournaiversmamèrepourluidireaurevoiretelle
m’embrassaenmedisantqu’ellem’aimait.
–Alors,pourlemariage,tupréfèresleprintempsoul’hiver?Parcequ’onapleindechosesà
organiser.
Jemecrispai.Ellem’avaitdéjàposécentfoislaquestion.
–Jenesaispasencore,maman.Jetetiensaucourant.
–Rapidement,alors,carilfautquej’envoielesfaire-part.
Unefoisnosparentsdansl’avion,Annasetournaversmoietpoussaunrâleinterminable.
–C’estjusteparcequejesuisenceinteouilssonttoujoursaussisoûlants?
Jem’esclaffai.Jen’ensavaisrienmaissagrossessen’aidaitsûrementpas.Mêmes’ilsétaient
pleinsdebonnesintentions,ilspouvaientvraimentêtreépuisants.
Bienquej’eussehâtedevoirKellan,j’étaisaussitristedequitterSeattle.Unendroitenvalait
unautre,commejel’avaisdéjàditàKellan,maisj’avaisdesamisici,etilsallaientvraimentme
manquer.QuandonfitlafermeturedubaravecJenny,laveilledemonderniersoirauPete’s,jene
réalisaistoujourspas:demainseraitmondernierjour…Unefoisquenousfûmesarrivéessurle
parking,Jennymeserracontreelle,leslarmesauxyeux.
–Tuvastellementmemanquer.
–Arrête,tuvasmefairepleurer,dis-jeenretenantmeslarmes.Etpuisjenesuispasencore
partie:jetravailledemain,tuterappelles?
Ellereniflaets’essuyalesyeux.
–Jesais…c’estjustequejedétestelesaurevoir.
J’essayaid’ignorerlenœuddansmagorge.
–Onn’yestpasencore.Etpuisjevaisrevenir.
–Jesais,dit-elleens’égayantunpeu.Etpuisjeviendraivousvoirdèsquejepourrai.Enfin,il
yaaumoinsuntrucpositifparrapportaufaitquetuquitteslePete’s.
Jeladévisageaienmedemandantcequeçapouvaitbienêtreetellesautillasurplace.
–Onvafaireunefêteentonhonneurdemainsoir!
Unlégermalaisemeparcourut.Jen’avaisvraimentpasenvied’êtreaucentredel’attentionau
coursd’unesoiréededépart.Jennyfronçalessourcilsenvoyantmaréaction.
–Net’inquiètepas,ceseraenpetitcomité.Ungâteaudanslaréservejusteentrenous.
Saufquequelquechosemedisaitqueceneseraitpaslecas.
Surlaroutedelamaison,jefussoudainfrappéeparmasolitude.Kellann’étaitpartiquedepuis
deuxsemaines,maisj’avaisl’impressionqueçafaisaituneéternité.Notrepetitemaisonsemblait
froideetinhospitalière,alorsquequandilétaitlà,elleétaitpleinedevie,d’énergieetdemusique.
J’ouvrislaported’entréetoutenfouillantdansmonsacàlarecherchedemonportable.Ilétait
tard,maissansdoutepouvais-jeréussiràlejoindre.C’étaitunoiseaudenuitdoubléd’unlève-tôt,ce
quivoulaitdirequemêmequandjen’arrivaispasàlecontacter,jen’avaisjamaisbesoind’attendre
trèslongtempsavantdel’entendre.
Jeclaquailaportederrièremoi,lafermaiàclé,puisj’appelaiKellan,quiréponditpresque
instantanément.
–Salut.Commenttusaisquej’étaisentraindepenseràtoi?
–Parcequetuestoujoursentraindepenseràmoi,répondis-jeenriant.
–C’estvrai.Tumemanques…Tuarrivesbientôt?
J’accrochaimavesteetmonsacauportemanteauensouriantdetoutesmesdents.
–Onprendl’avionvendredimatinavecAnna.
Annaavaitposédescongéspourleweek-enddu4juilletpourpouvoirm’escorterjusqu’àLos
Angeles.Bizarrement,çaavaitétél’idéedemonpère,maisAnnaétaittoujourspartantepource
genred’aventureetelles’étaitempresséed’accepter.Ellenousauraitmêmeexpédiéesdèslafinde
monserviceauPete’ssiellen’avaitpaseuunrendez-vousimportantchezlemédecin,lelendemain.
–Tantmieux.J’aipréparénotrechambre,tuvasl’adorer.
–Notrechambre?
Monsourires’agrandit.
–Oui.
J’entendisdesrires.Quid’autrepouvaitbienêtreencoredeboutàcetteheure-ci?
–Ah,etjenesaispassijetel’aidit,maisilyaunepiscinealorsapportetonmaillotdebain.
Kellanetlegroupeséjournaientdansunedemeurequiappartenaitàlamaisondedisques.
D’aprèscequ’ilm’avaitdit,celle-ciétaitgéniale,alorslaprésenced’unepiscinen’avaitrien
d’étonnant.Apparemment,c’étaitbienpluscourantenCaliforniequedansl’ÉtatdeWashington:ici,
onavaitdesstandsàexpressoàchaquecoinderue,etlà-bas,ilsavaienttousunepiscinedansle
jardin.
Jemetraînaijusqu’àl’étageenluidisantàquelpointj’avaishâtedelerejoindre.Êtretoute
seuleàlamaisonétaitunpeuflippantparfoisetj’avaismêmeprisl’habituded’écrireaulitjusqu’au
leverdujour:meplongerdansmesmémoiresamoureuxm’empêchaitdepenseràlapossibilitéd’un
croquemitainecachédansleplacard.ParleràKellanaumomentd’alleraulitm’aidaitaussiàavoir
moinspeur:savoixavaittoujoursceteffetapaisantsurmoi.Enfin,peut-êtrequ’«apaisant»n’était
paslebonmot.Sisavoixmefaisaittoujoursdel’effet,ilyavaitdesfoisoùsonintonationsensuelle
étaittoutsaufrelaxante…
Jemepréparaiàalleraulitavecletéléphonecolléàl’oreilleet,parcequ’ilmemanquait,
j’enfilaiuntee-shirtquejeneportaispasd’habitude.Ilétaitimprégnédel’odeurdeKellanetjene
voulaispasquel’odeurdisparaisse.Puisjemeglissaisouslacouette,vêtuedutee-shirtnoirqui
avaitlemot«DoucheBags»écritengrosseslettresblanches.
PendantqueKellanmeracontaitsajournée,jecollailetissuàmonnezetrespiraisonparfumà
lafoismasculinetfrais.Jenesavaistoujourspasvraimentquellecombinaisondeproduitsilutilisait
pourenarriverlà,maisc’étaitl’odeurlaplussensuelleaumonde.Peut-êtrequec’étaitsimplement
sonodeurnaturelle:aprèstout,sapeauétaitdélicieuse.
–Tufaisquoi?demanda-t-ilsoudain.
Jepouvaisentendreàsavoixqu’ilsouriait.
–Jeviensdememettreaulitet…
–Tuestoutenue?
Jerougisetsentisunedéchargeélectriquemeparcourirjusteenl’entendantdireça.Je
percevaisencoredubruitderrièrelui,cequiindiquaitqu’iln’étaitpasseul,maispeut-êtrequ’il
pouvaits’isoler…
–Non.Jeporteletee-shirtquetum’asdonnéilyalongtemps.C’estmonpréférémaisjenele
portepresquejamais,pourpréservertonodeur.
Lebruitdesonriresuffitàdéclencherunincendiedansmonventreetjepassaiunemainsur
moncorpstoutensentantmasolitudeaugmenter.Ilmemanquaittellement:soncontact,sonsourire,
sesyeux,sontatouage…soncœur.Toutmemanquaitchezlui.
–C’estvrai?J’aiuneodeur?
–Oui,etc’estlaplusagréableetlaplusexcitantedumonde.Encoremieuxquelecafé.
–Etvoilà,j’aienviedetoi.
Jesourisenl’imaginantdanslemêmeétatquemoi.
–Tuestoutseul?
Jechuchotai,effrayéequequelqu’unm’entende,ouentendeKellan.Lesperformancesenpublic
n’étaientpasdugenreàledéranger.
–Attends.
Puisils’adressaauxautrespersonnesdanslapièce.
–Bonnenuitlesgars,àdemain.
J’entendisensuitedesmurmures,puislesilence.
–Maintenant,jesuistoutseul.Tuvoulaismedemanderquelquechose?
Jemepassaiunemainsurlevisage.J’avaisencoredumalàfaireça,àluidemandercequeje
voulaisetcedontj’avaisenvie.Maisjemesouvinscequ’ilavaitditaprèsnotrenuitdenoces:il
voulaitquejesoisassezàl’aisepourluidemanderetluiparlerdetoutetn’importequoi.Jen’aurais
pasdûêtregênée:ilm’aimaitdetoutsoncœuretilneferaitjamaisrienquisoitsusceptibledeme
fairedumal.Ilmetaquinaitparfois,maisquelquechosemedisaitqu’ilneleferaitpascesoir.
–Kellan,murmurai-jed’unevoixrauque,tumemanquesetjeveuxtefairel’amour.Déshabille-
toi.
Jemefrappailefrontduplatdelamain:danslegenresexy,onpouvaitfairemieux…Je
m’attendaisàcequ’ilrie,maisilnelefitpas.
–Situpouvaisvoiràquelpointj’aienviedetoi.
Lecœurbattant,uneimagedeluimevintàl’espritetjerépondissansréfléchir.
–Envoie-moiunephoto.
Puisjememordislalèvresifortquejecrusquej’allaissaigner.Est-cequejevenais
sérieusementdeluidemanderdem’envoyerunephotodesa…?Jamaisjen’auraiscrupouvoirlui
demanderuntrucpareil.Maisencoreunefois,ilyavaitpleindechosesquejen’auraisjamaiscru
faireavantdelerencontrer.
–Attends,medit-ilaumomentoùjecommençaisàmedemanders’ilallaitvraimentlefaire.
Peut-êtrequec’étaitmonimaginationmaisj’eusl’impressiond’entendreunbruitdefermeture
Éclair.MonDieu…Jen’étaispassûred’êtrecapabledesupporterlavisiondel’imagequ’ilétait
surlepointdem’envoyer.Moncorpsbrûlaitdéjàd’enviequ’ilmetouche,alorsvoiràquelpointil
memanquaitetàquelpointilavaitenviedemoi…çarisquaitdem’achever.
Jen’entendisplusrien,puislebruitdesarespirationrésonnadenouveau.Jenesavaispass’il
l’avaitfaitounon,maissoudain,montéléphonebippa.Jefermailesyeuxuninstant,enproieàun
mélangedenervositéetd’excitation,puisj’écartailetéléphonedemonoreille.
Enfaisantattentiondenepasluiraccrocheraunez,jeconsultailemessagequ’ilvenaitde
m’envoyeretjerestaibouchebée.Ill’avaitfait.Ill’avaitvraimentfait.Jen’enrevenaispas.Il
n’étaitpasaussiréservéquemoi,c’estvrai,etc’étaitsansdoutemoinsexceptionnelpourluique
pourmoi,maisquandmême…
Jenepouvaispasarrêterderegarderlaphoto.Bizarrement,elleétaitplutôtartistiquesion
considéraitlesujet,etilavaitl’airaudacieuxetfier,commesurtouteslesphotosoùilapparaissait.
Lalumièreétaitflatteuse,etsamaingaucheétaitplacéedetellefaçonquesonalliancesemblait
briller,commepourdireC’estàtoi,etàpersonned’autre.C’étaitfascinant,désarmant,tendreet
sexyàlafois,etl’incendieenmoisedéchaîna.J’avaisenviedelui…toutdesuite.
–Kiera?Tuestoujourslà?
Jeramenailetéléphoneàmonoreille.
–J’aienviequetumetouches,Kellan.Maintenant.
Cettefois,illaissaéchapperunpetitrire.
–C’estmarrant,moiaussi,j’aienvie.
Avecl’imagedesoncorpsgravédansmatête,jegémisendisantsonnom…Etcefutloind’être
ladernièrefoiscesoir-là…
J’avaisunsourireniaissurlafigureenarrivantautravaillelendemainsoir,maisildisparut
quandjeviscequeJennyavaitfait:elleavaitdécorélebarpourmondépart.Leplafondetles
tablesétaientornésdebanderolesblanchesetroses,etilyavaitdesballonsdetouteslescouleursau
boutdeficellesassezlonguespourquelesgenspuissentlesattraper.Lesclientsavaientl’airde
s’amusercommedespetitsfous.Uneimmensebanderoleétaitaccrochéeaumurnoir,derrièrela
scène,quicriaitAUREVOIR,KIERA!BONNECHANCE!TUVASNOUSMANQUER!en
caractèresbientropgros.
Celameréchauffalecœuretmemortifiaenmêmetemps.Enpetitcomité,mesfesses,oui!
J’étaistoujoursàlaporte,paralysée,etJennysautillajusqu’àmoipourmeprendredansses
bras.
–Onavaitditjusteungâteaudanslaréserve!
–Oh,net’enfaispas,ilyaaussiungâteaudanslaréserve!dit-elleavecungrandsourire.
Maisjemesuisditquetondépartméritaitunpeuplusqueça.C’estungrandmomentpourtoi:tune
quittespasjustelebar,tuquittesaussiSeattle.
Impossibled’argumenter,leslarmesdanssesyeuxmecoupèrentl’enviedelacontredire.
J’avaisenvied’arracherchaquebanderoleetdecreverchaqueballon,maisàlaplace,jelaserrai
dansmesbras.Quelquesdécorationspourunesoiréen’allaientpasmetuer.Néanmoins,jerefusaide
porterlechapeauqu’elleavaitacheté.Mesentircommeuneidioteétaitunechose,maisenavoir
l’airenétaituneautre.
PresquetouslesgensquejeconnaissaisàSeattlevinrentaubarpourmesouhaiterbonne
chance:masœur,mescopainsdefac,leshabituésduPete’s,quelquesamisrencontrésaucoursde
dessin.Dennyaussiétaitlà,assisàlatabledugroupeavecSam,levideur.
C’étaitréconfortantd’avoirtouslesgensquicomptaientdansmavieautourdemoi.Je
n’arrivaispasàcroirequej’allaistouslesquitterdansdeuxjours.Lechangementparaissaitpresque
tropradical,etunepartiedemoipensaitquejen’enétaispascapable.Maisjemeremémoraima
conversationavecKellanlaveilleetsongeaiàcequim’attendaitàLosAngeles,etjesusqueje
pouvaislefaire.Çameferaitmaldepartir,maisc’étaitlabonnedécision.
Plustarddanslasoirée,macopinedefaclaplusproche,Cheyenne,arriva.Elleétait
chaleureuseetouverte,legenredefillequetoutlemondeappréciait.Ellem’avaittoutdesuitebien
aiméeetm’avaitsauvélamiseplusd’unefoisencoursdepoésie.Jen’étaispassûrequej’aurais
obtenumondiplômesanssonaide.Enfin,peut-êtrequesi,maiselleavaitclairementfacilitéles
choses.
Elleentradanslebarsuiviedesacopine,Meadow,etdurestedesmembresdePoeticBliss.
J’étaisétonnéequetoutlegroupesoitlà,carellesnedevaientpasjouercesoir-là.Tandisque
Cheyennemedisaitbonjour,Sunshine,TuesdayetBlessingbranchèrentleursinstruments,Rainalla
prendresaplaceaumicroetMeadows’installaderrièrelabatterie.Oui,ellesavaienttoutesdes
nomsimpossibles,etlesappelerparleurprénomdevantellesavaitétéuncalvaireaudébut.Ce
n’étaitpasévidentd’appelerquelqu’unTuesdaysansperdresonsérieux.
Aumilieudubrouhahaquirégnaitdanslebar,jeregardaimesdeuxamies:Cheyenneobservait
legroupeavecunaird’adorationquejeconnaissaisparcœur,étantdonnéquejefaisaislamêmetête
quandlesD-Bagsétaientsurscène,etJennynetenaitpasenplace,débordéeparlesuccèsdela
soiréequ’elleavaitorganisée.
–Ellesvontjouerjustepourmoi?demandai-je,surprise.
–Biensûr!s’exclamaCheyenne.J’aidemandéàMeadowsiellesvoulaientbienvenirdonner
unconcertpourtadernièresoirée.Ellesontdûréarrangerunoudeuxautresengagementsmaiselles
étaientravies.Tuméritesbiença!
JeclignaidesyeuxtoutenmedemandantsiçameplairaitqueKellanorganiseuntrucpareil
pourunanciencoupdecœur.MaisMeadowmeconnaissaitetellesavaitquej’étaisavecKellan…
etquej’étaishétéro.Çadevaitaideràapaisersajalousie,sitoutefoisilyenavaitune:ons’était
misesd’accordpourêtrejusteamiesavecCheyenneavantqu’ellescommencentàsortirensemble.
Alorsquelasoiréeavançait,j’avaisdeplusenplusdemalàmeconcentrersurmontravail.Je
mefaisaisaborderàchaquepas,etcertainsdesclientsquin’étaientpaslàpourmoiavaientl’airun
peuagacés.Finalement,Peteémergeadesonbureaupourm’autoriseràfinirmonserviceplusieurs
heuresenavanceetjeluitendismontablier,ungestequifutaccueillipardessiffletsetdes
applaudissements.Petemetapotal’épaule,meremerciad’avoirtravaillépourluietmetenditune
sucetteàlapomme.J’essayaidenepaspleurer,maisquandKate,macollègue,meserradansses
bras,jefusincapablederetenirmeslarmes.
Katem’attirajusqu’aubar,aussiémue.Ritaétaitderrièrelecomptoir,commepresquetousles
soirs,etellenousservitdesshotspendantqueJennyallaitchercherlegâteaudanslaréserve.Pourla
premièrefoisdepuisquejelaconnaissais,RitaneparlapasdeKellan.D’habitude,ellesevantait
toujoursd’avoircouchéavecluioufaisaituneremarquedéplacée,maiscesoir,elleavaitpresqueun
airrespectueuxtandisqu’ellemangeaitunepartdegâteauavantdeboireunshotàmasanté.
Aumomentoùonengloutitladernièrepart,j’enétaisdéjààmonsixièmeshot.Ilscontinuaientà
apparaîtredevantmoicommeparmagie,etilyavaittoujoursquelqu’un–masœur,leplussouvent–
pourm’encourageràlesboire.J’étaisdoncunpeudanslevaguequandquelqu’unm’attirasurla
pistededanse.Cheyenne,peut-être?Unefoisaumilieudelafoule,j’oubliaimaretenuehabituelleet
memisàdansercommesimavieendépendait.J’avaistoujourstrouvéladansecommeunbon
éxutoire,etavectoutl’alcoolquej’avaisingurgité,j’avaiscarrémentl’impressiondeflotter.
Aprèsuneéternitépasséeàdanseretàboire,j’étaisensueur,insoucianteetravie.Soudain,je
mecognaidansuncorpsfamilieretathlétique,etjereconnusDenny,quimesouritenm’aidantà
reprendrel’équilibre.Lamusique,lafoule…toutmerappelaunesoiréeoùj’avaisdanséaveclui
dansunesituationbiendifférente.
–Çava,Kiera?demanda-t-ilenscrutantmonvisage.
Jeregardaiautourdenousenmedemandantsisacopineétaitlà.Ilstravaillaientpourune
prestigieuseagencedepubetDennyétaitenquelquesortesonpatron.
–Abbyestlà?
Jebafouillaisunpeu,etaumomentoùDennyallaitmerépondre,unepenséecomplètement
bizarremevintàl’esprit.
–Vuquec’esttoiquicommandesdanslajournée,est-cequec’estelletapatronnelesoir?
Rouge,Dennymarmonnaquelquechoseàproposd’Abbyquiétaitdesortieavecdesamis
tandisquejericanaisbêtement.
Jeremarquaialorsqu’onétaitentraindemetendreunautreshot,etjemepenchaisurDenny
pourm’enempareravidement.Onfinitcollésl’unàl’autreavecmonbrasautourdesoncoupendant
quejebuvais,puisjetendisleverrevideàmonami,hilare,avantdepassermonautrebrasautourde
Denny.Nosregardssecroisèrentetunsentimentdefamiliaritém’envahit.
MêmesiJoséCuervo1sefichaitpasmaldeslimitesànepasdépasser,aufonddemoi,je
savaisqu’onétaittropproches.Jelerepoussaidoucementpourquenospoitrinesarrêtentdese
toucher.Enfin,jevoulaislepoussermaisjefinisparmeforceràreculerd’unpas.Enfaisantça,je
mecognaidansuntypederrièremoietperdisl’équilibre,etDennym’attrapaparlebraspour
m’empêcherdetomber.
–Tuessoûle?
Unrireaigum’échappaenguisederéponseetDennylevalesyeuxauciel.
–J’allaisrentreràlamaison,maisjenepeuxpastelaissertouteseuleicidanscetétat.Tasœur
estdéjàpartie?
Jepinçaileslèvresenessayantdem’ensouvenir.Est-cequ’elleétaitencorelà?Est-cequ’elle
étaitvenue,d’ailleurs?Auboutdequelquesinstants,uneimagemerevint:quelquesminutesplustôt,
elleavaitcommencéàsesentirfatiguéeetavaitdécidéderentreràlamaisonpourallersecoucher.
Elleavaitessayédem’emmeneravecellemaisj’avaisditquejevoulaiscontinueràdanseret
j’avaisrefusédelasuivre.Agacée,elleétaitalléevoirJennyetluiavaitdemandédemeramenerà
lamaison,puiselleétaitpartie.Çam’avaitchoquéecarc’étaitbienlapremièrefoisquejevoyais
Annaquitterunesoiréeenpremier.
–Non,elleestpartie.
–Bon,jevaisteramener,alors.
Jeleserraidansmesbras,touchée.
–C’esttoilemeilleur,Denny.
Soudain,unpetitsanglotm’échappa.
–Jesuistellementdésoléedet’avoirtrompé.
–Ondiraitbienquec’estvraimentl’heurederentrer,dit-ilenm’entraînantverslaréserve.
Allez,viens.
Jem’agrippaiàluietlesuivis,oscillantentrel’euphorieetlatristesse.Unepartiedemoi
détestaitqu’ils’occupedemoiaprèstoutcequejeluiavaisfait,etuneautrepartieadoraitqu’onsoit
encoreaussiproches.J’allaiprendremesaffairesdanslaréservequandoncroisaJennydansle
couloir.
–Qu’est-cequisepasse?
Ellen’eutpasl’airraviequandDennyexpliquaqu’ilmeramenait.
–J’avaisditàAnnaquejelaramèneraisàlafindemonservice.
Dennytournalatêteversmoi:jetenaisàpeinedeboutetjememisàchanceler…cequimefit
éclaterderire.
–Jenepensepasqu’ellepuisseattendrejusque-là.
Pournepasl’inquiéter,jelaprisdansmesbrasetluidisquejel’aimais,maiselleeutl’airde
s’inquiterd’avantage.
Dennym’aidaàmarcherjusqu’àlavoiture.Legroupejouaitencoretandisquejefarfouillais
dansmonsacàlarecherchedesclés,etjemesentiscoupabledenepasassisteràlafindema
soirée.Unepartiedemoiavaitencoreenviededanser,maismatêtecommençaitàtourner.Lesyeux
mi-clos,jetendislesclésàDennyetilouvritlaportièrecôtépassageravantdem’aideràm’asseoir.
–Ettavoiture?
Ilbouclamaceinturedesécuritéensouriant.
–Net’enfaispaspourça,jelarécupéreraiplustard.Leplusimportant,c’estdeteramener
cheztoi.
Ilfermamaportièreetfitletourdelavoiture,etunefoisdeplus,jemesentiscoupable.
Pourquoiest-cequ’ilétaitaussigentilavecmoi?J’avaisététellementhorrible.Est-cequeses
sentimentspourmoiétaientvraimentfortsaupointdevoirplusloinquemesdéfauts…etdem’aimer
encore?
Ils’assitàcôtédemoietjeluiposailaquestion.
–Tum’aimesencore?C’estpourçaquetut’occupesdemoi?
Sesdoigtss’immobilisèrentsurlecontact.
–Jenesaispascommentrépondreàça.Etlàtoutdesuite,jepensequec’estmieuxsijene
répondspas.
Ilfitdémarrerlavoiture,etjemismamainsursonbras,sanscomprendre.
–Pourquoi?
Toutcommençaitàtourneretjepoussaiunlongsoupir.Dennym’observauninstantavantdese
mettreenroute.
–Parcequetuescomplètementsoûle,etquejeneveuxpasquetutefassesdesidées.
Jeretiraimamainetlapassaidansmescheveux,défaisantmaqueue-de-cheval.
–Jenemefaisjamaisd’idées,gloussai-jeenfermantlesyeux.
Ilsoupira,puisilappelaAbbyencheminetsonvisages’illuminaalorsqu’illuiparlait.
D’aprèscequejepouvaisentendre,ellen’avaitpasl’airinquiètedelesavoiravecmoi.Illuiditque
j’avaistropforcéaubaretqu’ilmeramenaitchezmoi.Jenesaispascequ’elleréponditmaisilrit,
etmêmesijecommençaisàavoirunpeulanausée,levoirheureuxmerenditheureuse.
Plusjerestaisassise,pirec’était,etaumomentoùDennyarrêtalavoiture,j’avaisl’estomac
complètementretourné.Jegeignisencollantmonvisageàlafenêtre.
–Çava?demandaDenny,visiblementinquiet.
Jesecouailatêteetplaquaiunemainsurmabouche.Non,çan’allaitvraimentpas.Dennyjura
etsortitdelavoitureenquatrièmevitessepourvenirm’aideràsortiretàmelever.
–Denny,murmurai-je,jenemesenspasbien.
Jetrébuchaietilmerattrapa.Jeserrailesdentsenespérantquelanauséesecalme,maiselle
augmentaitdeplusenplus.
–Jesais,Kiera.Çavaaller,tienslecoup,dit-ilenm’entraînantrapidementverslaporte.
Jedétestaisêtremaladeetj’avaisleslarmesauxyeuxpendantqu’ilsebattaitaveclaserrure.
Enfin,onrentraàl’intérieur.Dennyrefermalaportederrièred’uncoupdepiedetseprécipitaà
l’étageenmetirantparlebras.Onarrivadanslasalledebainspileaumomentoùjen’arrivaisplus
àmereteniretjememisàgenouxpourvomirviolemmentdanslestoilettes.Dennysoupiraenme
frottantledosetretiramonsacàmaindemonépaule;jel’entendismouilleruneserviettequand
j’appuyaimatêtesurlacuvette.Ilmelatenditetjel’attrapai,reconnaissante,avantdem’essuyerla
bouche.J’eusàpeineletempsdebafouillerunmerciquej’étaisdenouveaumalade.
J’eusl’impressiondevomirainsipendantdesheures.J’étaisdansunétatlamentablemais
Dennyrestaàcôtédemoipendanttoutcetemps.Unefoismonestomaccomplètementvide,je
m’allongeaisurlecarrelagefroiddelasalledebains.Lasensationmefitunbienfouetjefermailes
yeux.
–Kiera?chuchotaDenny.
J’étaistellementfatiguéequej’étaisincapablederépondre.Illaissaéchapperunlongsoupiren
ramenantunemèchedecheveuxderrièremonoreilleetj’eusenvied’ouvrirlesyeuxpourvoirson
expression,maismespaupièresétaienttroplourdes.Puisjesentissesbrasmesouleveretilmeporta
doucementjusqu’àmachambreavantdem’allongersurlelit.Ilmeretirameschaussuresetmes
chaussettesetjemeblottissouslescouvertures,enayantl’impressionquec’étaitlasensationlaplus
agréableaumonde.
Ilsepenchasurmoipourmeborderpuisilhésita.Jepouvaislesentirau-dessusdemoiet
j’essayaid’ouvrirlesyeuxunefoisdeplusmaisc’étaitcommesimespaupièresétaientcollées.Au
boutd’unmoment,ilm’embrassadanslescheveuxetcepetitgestetendremefitsourire.Puisilse
reculaetils’apprêtaitàpartirquandjetendisfaiblementlebraspourluiprendrelamain.Jene
voulaispasqu’ils’enaille.Jenevoulaispasrestertouteseuledanscetétat.
–Reste,s’ilteplaît.
Ilsoupira.
–D’accord.JevaisjusteappelerAbbypourlaprévenir.Jeseraidanslachambred’àcôtésitu
asbesoindequelquechose.
Jehochailatêteetluilâchailamain.Jepouvaissentirlesommeilmegagnermaisjeluttaipour
resteréveilléecarDennyétaitencorelà.Ilmeregardasansriendirependantunlongmoment.
–Jenesaispascequejeressenspourtoi,Kiera,finit-ilpardire.Juste…jetiensàtoi.Jeme
préoccupedesavoirsituesheureuse,situestriste,situesensécurité.Etsic’estça,l’amour,alors
oui,jesupposequejet’aime.Jet’aimemaisjenesuispasamoureuxdetoi,tucomprendscequeje
veuxdire?
Çanécessitauneffortsurhumainmaisjemeretournaietouvrislesyeuxpourleregarder.Ilétait
entraindemesourire…luietlesdeuxautresDennyquejevoyais.Jerefermailesyeuxenhochantla
tête.Mêmeaveclatêteenvrac,jecomprenaisparfaitementcequ’ilvoulaitdire.Parcequeje
ressentaisexactementlamêmechose.
Ilmetapotalajambeetquittalapièce.J’étaisdéjàentraindem’endormirquandmontéléphone
sonna,etj’entendisDennyallerlechercherdanslasalledebains.
–Kiera…C’estKellan.Jeréponds?
J’ouvrislesyeuximmédiatement.ÇarisquaitdemalpassersiDennyrépondaitàmaplaceàune
heurepareille.Maisçanepasseraitpasmieuxsijenerépondaispasdutout.Etaussi,onessayaitce
trucd’êtretotalementhonnêtel’unenversl’autre…alorsjen’avaisvraimentpaslechoix.
–Oui,s’ilteplaît…
J’entendisDennydécrocheretdirequelquesmotsàvoixbasse,puisilrevintdanslachambreet
monestomacsesoulevadenouveau.
–Ilveutteparler.
Jeprisunegranderespirationetattrapaimonportabled’unemaintremblante.
–Allô?dis-jed’unevoixpresqueinaudible.
–Kiera?Çava?Dennym’aditquetuétaismalade.
Ilavaitprononcésonnomd’unedrôledevoix.Cen’étaitnideladouleurnidelacolère,mais
quelquechoseentredeux.
–Çavaaller…J’aijustebutropdeshotsauPete’s.
Monestomacsetorditrienqu’endisantlemot«shots»etj’entendisKellansoupirer
profondément.
–Jen’aimepasquetutesoûlesquandjenesuispaslàpourm’occuperdetoi.
–C’estbon,Dennyestlà,répondis-jesansréfléchir.
–Jesais,dit-ild’unevoixtendue.
–Kellan,s’ilteplaît,net’enfaispas,murmurai-je.Tusaisquejet’aime.Jet’aiépousé,pas
vrai?
Ilritettoutetracedetensiondisparut.J’entendisDennyquitterlapièceetfermerlaporte
derrièreluietj’essayaidenepasm’inquiéterdesavoirsicequejevenaisdedireluiavaitfaitdela
peine.Çan’auraitpasdû:ilvenaitdemedirequ’ilneressentaitquedel’amitiépourmoi,après
tout.
–Situsavaiscommejesuismal,grognai-jeensentantmonestomacfairedesloopings.
Ilritdenouveau.
–Bienfaitpourtoi,çat’apprendraàboiresansmoi.Jenepeuxmêmepasprofiterdetoi,en
plus.
Jesourisenmedemandants’ilpouvaitrefairecequ’ilavaitfaitlaveille.Puisj’eusunhaut-le-
cœursiviolentquejecrusquej’allaisêtremaladedanslelit.Pasdetéléphonerosecesoir…
–Jecroisquejevaisvomir.
–Non,monange,répondit-ild’unevoixcalme.Ilfautquetuteconcentressurautrechose,c’est
tout.Tuveuxquejetechanteunechansonpourt’endormir?
–J’adoreraisça,dis-jeenmeroulantenboule.
Uneminuteplustard,j’entendislesondesaguitare,puissavoixrésonnadansmonoreilleetil
selançadansunconcertprivédetoutesmeschansonspréféréesdesD-Bags…rienquepourmoi.Le
sonapaisamonmaldeventre,etjemesentistoutdesuitebeaucoupmieux.J’avaisenviedepasserla
nuitàl’écouter,maisjefinisparsuccomberausommeiletàl’alcoolpourbasculerdansl’oubli.
1..Marquedetéquila
6
Soiréefilles
J’étaiscomplètementdéshydratéeenmeréveillant,ettotalementàl’ouest,aussi.Jeneme
souvenaismêmepasêtrepartiedubar.Jemerappelaisavoirbeaucouptropbu,etd’avoirdansé
pendantleconcert…maisjenesavaispluscommentj’étaisrentréeàlamaison.Pourvuquejen’aie
pasconduit.Kellanseraitenragecontremoi,etjeleseraisaussi,d’ailleurs.
Penseràluiravivaunvaguesouvenirdel’avoirentenduàlaguitaremebercerjusqu’àcequeje
m’endorme.J’étaisincapabledesavoirsic’étaitunvraisouvenirousij’enavaisrêvé,maisc’était
agréableentoutcas,etjesourisenroulantsurledos.
Monestomacn’eutpasl’aird’apprécierlamanœuvre.Etmatêtenonplus.
Jegrognaietmeroulaienboule.J’avaisl’impressionderevenird’entrelesmorts,etjemefis
lapromessedeneplusjamaisboire.Soudain,j’entendisdesbruitsdanslamaison,etunesirènese
mitàrésonnerenmoi.Quiétaitlà?PuisjesongeaiqueçadevaitêtreAnna,quim’avaitsûrement
ramenéeàlamaison.Ellenem’auraitjamaislaisséeconduiredanscetétat.
Jemerendiscomptequejesentaislevomietjemetraînaisdulitpourprendreunedouche.Je
chancelaitoutenmedébarrassantdemonuniforme,puisjeretiraimonjeantoutenpriantpourque
manauséen’empirepas.Jebalançaiensuitemesvêtementsverslepanieràlingesaleetjegrognaià
nouveauenvoyantquej’avaislescheveuxcollésparmonvomidelaveille.C’étaitvraiment
immonde.
J’entendisAnnamonterlesmarchestandisquejedégrafaismonsoutien-gorgeetj’espérai
qu’ellem’apportaitunverred’eau.J’enavaisdésespérémentbesoin.J’essayaidemedébarrasserde
maculottemaisellerestacoincéeautourdemacheville.Tropfatiguéeettropmaladepour
coordonnermesmouvements,jeperdisl’équilibreettombaisurlesfessesdetoutmonpoids.
Aumomentoùjejurai,laportedemachambres’ouvrit.
–Anna!m’exclamai-jeenessayantdemecouvrirdemesmains,surpriseetgênée.Tuesaussi
nullequeGriffinquandils’agitdefrapperàlaporte,jenesuispas…
Jemetusenvoyantlapersonnequisetenaitdansl’encadrementdelaporte.Cen’étaitpasma
sœur.Etcen’étaitpasunefillenonplus.
–Denny?Qu’est-cequetu…
Ilétaitécarlateetildétournaimmédiatementleregard.Demoncôté,j’avaisl’impression
d’avoirlevisageenfeu.Quelleidiote!L’alcool,c’étaitvraimentfini.Dessouvenirscommencèrent
àmereveniraumomentoùDennyfermaitlaportedemachambreenbafouillantdesexcuses.C’était
luiquiétaitvenuàmonsecourslanuitdernière,pasAnna.C’étaitluiquiétaitrestéavecmoipendant
quej’étaismalade,etluiquim’avaitbordéeavantdepasserlanuiticipours’assurerquej’allais
bien.Denny,monextraordinaireexdevenumeilleurami,avaitfaittoutça.Etilvenaitdoncdeme
voiràpoil.Lagrandeclasse.
J’enoubliaimesmauxdetêteetd’estomacetjemerelevaipourattraperuneservietteet
m’enroulerdedans.Puisj’ouvrislaporteetjetombaisurDenny,surlepalier.Ilétaitencorerougeet
fuyaittoujoursmonregard,unverred’eauàlamain.
–Désolé,j’aientendudubruitalorsj’aicruquetuavaisbesoind’aide.
Jem’emparaiduverre,àlafoisreconnaissanteetmortifiée.
–Merci,dis-jeavantdedescendreleverred’untrait.
Ilmeregardaprudemmentetjevisqu’ilportaitlesmêmesvêtementsquedansmesvagues
souvenirsdelaveille,unpantalondecostumeetunechemise.Ilavaitdûlaretireravantdese
coucherdanslevieuxfutondelachambred’amiscarellen’étaitpastropfroissée.
Jeluitendisleverrevideenregrettantquecenesoitpasunebouteillededeuxlitresetillut
dansmespensées.
–Jedoisallertravaillermaisjevaisterapporterdel’eauavantdepartir.Commenttutesens?
–Mortedehonte,dis-jeenfermantlesyeuxuninstant.
Unsourirenaquitsurseslèvresetiltournalatête.
–Jeparlaisdetonestomac.
Jerougisencoreplusqu’avant.Quelleabrutie.
–Oh…Euh…Çavabeaucoupmieux,merci.
Ilhochalatêteetcommençaàdescendrelesmarchespourretournermechercherdel’eau
fraîchedanslefrigo.
–Mercid’êtrerestéhiersoir.C’estvraimentgentil.
Ilmeregardapar-dessussonépauleetmesourit.
–Pasdesouci.Jesaisquetuenauraisfaitautant.
Jehochailatêteavecenthousiasme.
–Jeferaisn’importequoipourtoi,tulesaisbien.
Sonsourires’évanouitetjesustoutdesuiteàquoiilpensait:toutsaufmeresterfidèle.Ilne
ditrien,néanmoins,etsecontentaderetourneraurez-de-chaussée.Jefermailesyeuxetappuyaima
têtecontrelaporte:jefiniraisbienpararrêterdemesentircoupableunjour,non?Non.
Probablementpas.
JemebrossailesdentsetDennyrevintavecunautreverred’eau.J’avaislaissélaporte
entrouvertemaisilfrappaquandmême,etaprèsmondeuxièmeverre,jemesentisbienmieux.Du
moins,jemesentaiscapabledeprendreunedouchesanstomberouvomir.
–Commentvas-tufairepourrécupérertavoiture?demandai-jealorsqu’ils’apprêtaitàpartir.
–J’aiappeléAbby,elleseralàdansuneminute.
–D’accord.Merciencore,Denny…
Ilm’assuraquecen’étaitrienetmefitunpetitsignedelamainavantdepartir.Jecrusentendre
unbruitdeklaxonpendantquejemelaissaisallerauplaisird’unedouchebienchaude.Jeme
demandaicequeKellanpenseraitdufaitqueDennyaitpassélanuitavecmoi,puisjemerappelai
qu’illesavaitdéjà,etjesouris.Jemesentaistellementbiend’êtrehonnêteetdenepasavoirde
secrets,etenrepensantàKellanentraindechanterpourmebercer,jemesentisencoremieux.Il
n’avaitpaspiquédecolère,iln’avaitpassautédanslepremieravion:ilm’avaitfaitconfianceen
pensantquejeneletromperaispas,etilavaiteuraison.
Jemesentisplutôtfièredemoienmelavantlescheveux,pasàcausedetouslesshotsque
j’avaisdescendusmaisparcequejen’avaispaslaissél’alcoolmedictermaconduite.J’avais
l’impressiond’avoirpasséunexamen,etd’avoireulameilleurenotedelaclasse.
Aprèsmadouche,jemedisqueceseraitunebonneidéed’appelermasœurpourluidireque
j’étaisencoreenvieetquejecomptaistoujoursl’accompagnerchezlemédecin.Jeretournailelità
larecherchedemonportableetletrouvaienfouidanslescouvertures.Labatterieétaitmorte,signe
queKellanavaitdûresterenlignejusqu’àcequemontéléphonerendel’âme.Jenemerappelaispas
dumomentoùjem’étaisendormie,maisilétaitcapabled’êtrerestéenlignepourm’écouterdormir.
Peut-êtrequ’ils’étaitendormicommeça,ens’imaginantqu’onétaitdanslemêmelit…Pourvuqueje
n’aiepasronflé.
Quandjemismonportableencharge,jevisquej’avaisplusieursappelsenabsencedeJenny,
KateetCheyenne.Jeleurenvoyaiàtoutesunmessagepourleurdirequej’allaisbien,puisj’écrivis
àAnnapourlaprévenirquejememettaisenroute.
Celamepritdeuxfoispluslongtempsqued’habitude,maisjefinispararriveràmonancien
appart’.Annaavaitlesyeuxbrillantsenmontantenvoiture,excitéedeconnaîtrelesexedubébé.Elle
passaituneéchographieaujourd’hui,etsimanièceoumonneveuymettaitdusien,ondécouvriraitsi
ondevaitpeindrelachambred’enfantsenroseouenbleu.Naturellement,Anna«savait»quec’était
unefilledepuislaminuteoùelleavaitacceptésagrossesse,etelleavaitdéjàremplimavieille
armoiredejenesaispascombiendetenuesrosepâle,mauveetrouge.C’étaitcommesilaSaint-
Valentinavaitvomidansmapenderie,etcetteidéen’aidapasmonestomacàallermieux.
J’étaisverdâtre.Annasouritenmevoyant.
–Bonnesoirée?demanda-t-elled’unevoixbientropforte.
–Pasvraiment,non,répondis-jeenlafusillantduregard.
Enréalité,cen’étaitpastoutàfaitvrai:j’avaispasséunesuperbesoiréejusqu’àcequejeme
metteàvomirtripesetboyaux.JetentaidemeconcentrersurlarouteetAnnarit.
–Jemesensunpeucoupabledet’avoirlaisséeenplan,cen’estpasmongenre.Çaaétépour
rentreravecJenny?
JefronçailessourcilsenrepensantàlatêtedeJennymevoyantpartiravecDenny,etje
répondissansréfléchiràquisetrouvaitenfacedemoi.
–C’estDennyquim’aramenée.
–Quoi?TuesrentréeavecDenny?
J’auraisvoulumegifler.Jen’avaisvraimentpasprévudeluiparlerdeça.
–Jenesuispas«rentrée»aveclui.Ilm’araccompagnéeetils’estassuréquej’allaisbien.
Jem’arrêtaiavantdedirequ’ilétaitrestétoutelanuit,histoired’éviterqu’ellen’accouchedans
lavoiture.Jetournaibrièvementlatêteverselleetlavisplisserlesyeux,sonregardencoreplus
pénétrantqued’habitude.
–Sansblague.Tuascouchéaveclui?
J’ouvrislabouchetellementgrandqu’elledutvoirmesamygdales.
–Bonsang,Anna!Non!Etmercid’avoirautantconfianceenmoi,aupassage.
–J’aiconfianceentoi,maispasenlaquantitéastronomiqued’alcoolquetuasabsorbéehier
soir.Tunel’asvraimentpassauté?
Jegardailesyeuxfixéssurlaroute,biendécidéeànepasrépondreàunequestionaussicrasse.
–C’estbon,situledis,jetecrois,finit-ellepardireaprèsunlongsilence.
Maisletondesavoixindiquaitclairementqu’ellenemecroyaitpasvraiment,etjesoupirai
aveclassitude.
–Ilnes’estrienpassédutout,Anna.Onestjusteamis,jelejure.Etaucasoùtuteposeraisla
question,oui,Kellanestaucourant.Ilm’aappeléehiersoirpendantqueDennys’occupaitdemoi.
Elleréfléchituninstantavantderépondre.
–JepensaisqueDennyt’avaitjusteraccompagnée?
Jelafusillaiduregardetellerit.
–OK,c’estbon.Situdisqu’ilnes’estrienpassé,alorsilnes’estrienpassé.Detoutefaçon,tu
nesaispasmentir.
Ànotrearrivéechezlemédecin,uneéchographistevêtued’uneblousejaunedélavéenous
emmenadansunepiècefaiblementéclairée.Ilyavaitunevagueodeurdeproduitd’entretienetun
ordinateurquivrombissait.LafemmeordonnaàAnnades’allongersurlatablerecouvertedepapier
etAnnas’exécutaavecunsourireémerveillé,avantdebaissersonpantalonpourdévoilersonventre.
–Jetonsunœilàmapetitefille,s’exclama-t-ellejoyeusement.
–Vousconnaissezdéjàlesexe?demandal’échographisteenétalantdugelsursonventre.
Attention,c’estunpeufroid.
Annainspiraquandlegelentraencontactavecsapeau.
–Non,c’estmapremièreécho,maisjesaisquec’estunefille.
Lafemmeluisouritmaisneréponditpas.Elledevaitentendrecegenredepronosticsàlongueur
dejournée.
Quandl’imageapparutsurl’écran,toutcequejedistinguaiétaituntasdepetitesgrappesgrises
informes,maisl’échographisteavaitl’airdesavoircequ’ellevoyaitcarellepointadudoigt
plusieurspartiesducorps.OnéchangeaunregardavecAnnaavantdehausserlesépaules:aucunede
nousnevoyaitenquoiçaressemblaitàunêtrehumain.Maisensuite,onaperçutlacolonne
vertébrale,biendéfinie,etmesyeuxseremplirentdelarmesenvoyantàl’écranquelquechosequeje
reconnaissais.Puisunemainsedétachadureste,cinqpetitsdoigtsabsolumentparfaitsquise
recroquevillèrentlégèrementquandl’échographisteimmobilisalasonde.
–MonDieu,Kiera,regarde…murmuraAnna,lesjouesbaignéesdelarmes.Mafillem’afait
signe.
Jelaserraidansmesbras,aussiémuequ’elle.Aprèsavoireffectuéplusieursmesuresetpris
desphotos,ycomprisunprofilabsolumentparfaitdesonvisage,latechniciennefronçalessourcils.
–Hum…
Jepaniquaiimmédiatement.Quelquechosen’allaitpasaveclebébé?Annaessayadese
redressermaisellenepouvaitpasavecsonventre.Latechniciennedéplaçalasondepourtrouverce
qu’elleessayaitdevoir.
–Nebougezpas,s’ilvousplaît.
–Qu’est-cequisepasse?Ilyaunproblème?demandaAnnad’unevoixtremblantedepeur.
Latechniciennesedétendit,pourfinalementsourire.
–Non,aucun.C’estjusteque…
Ellefixal’écrandenouveausansfinirsaphrase.
–Quoi?demandai-jeenmepenchantenavantpourvoircequ’elleregardait.
Jeneremarquaisriendespécial,maisapparemment,j’avaistort.
–Oui,c’estbiencequejepensais.Jesuisdésolée,mais…vousallezavoirunpetitgarçon.
–Jevaisquoi?demandaAnnaenseredressantsursescoudes.
–J’espèrequevousn’avezpasachetétropderose.
–Ildoityavoiruneerreur.Vérifiezencore.J’attendsunefille.
L’échographistes’exécuta.
–Désolée…c’estdéfinitivementungarçon.
Annasemitàpleurer,maispasdejoiecettefois.
–Non,non,non.J’attendsunefille.J’étaiscenséeavoirunefille!
–Çavaaller,dis-jeenluifrottantl’épaule.Tuvastrèsbientedébrouilleravecunpetitgarçon.
Ellehochalatêteens’affalantsurlatable.
–Jesais…C’estjustequejevoulaisvraiment…
Ellesemorditlalèvrepours’empêcherdecontinuer.Jelacomprenais:elleétaittrèsgirly,et
elleavaitespéréqu’elleauraitunepetitepoupée.Ellenesauraitsansdoutepasparoùcommencer
avecungarçon…maisj’étaissûrequ’elles’ensortirait.
–Jesuisdésolée,ditlatechnicienneenluitendantunmouchoir.
Annaseséchalesyeuxmaisgardalesilence,etelleneditpasunmotjusqu’àcequ’onremonte
envoiture.Puissontempéramentdopéauxhormonesquej’aimaistantrefitsurface.
–Jevaistuerceconnardquandjeleverraidemain.
ElleparlaitsûrementdeGriffin.Elleclaquasaportièredetoutessesforcesetjerentrailatête
danslesépaulesenvoyantcommentelletraitaitlavoiturechériedeKellan.
–Çavaaller,dis-jeenfermantdélicatementlamienne.C’estbienaussi,ungarçon.
Jen’avaisjamaispassébeaucoupdetempsavecdesenfantsenbasâge,garçonoufille,alorsje
n’étaismêmepassûrequec’étaitvrai,maisc’étaitsûrementlameilleurechoseàdire,non?
Apparemment,non.Ellemefusilladuregard,puissemitàpestercontrelatechnicienne,Griffin
etl’universtoutentier.
–Jen’yconnaisrien,moi,surcommentéleverungarçon!Etpuistuasvucequ’ilvaavoir
commemodèle?Çavaêtreunhommedescaverneségoïsteetobsédé,commesonpère.
–Jepensaisquec’étaitcequiteplaisaitchezGriffin.
J’avaisparlétoutbasmaisellem’entenditetmejetaunregardnoir.Jen’ajoutaiplusrienetfis
démarrerlavoiture.Peuimportecequ’ilyavaitentreAnnaetGriffin,lemieuxétaitdenepasm’en
mêler.
Lorsquenousarrivâmesàlamaison,sacolères’étaitunpeudissipée,etlamélancolie
commençaàprendreledessus.Elleversamêmequelqueslarmessilencieuses.Elleavaitvraiment
espéréavoirunefille…Jeposaiunemainsursonépaule,enpriantpourqu’ellen’aillepasme
mordre.
–Tuaimerastonpetitgarçonautantquesiçaavaitétéunepetitefille.Etnet’enfaispaspour
Griffin,tusaisqueKellan,MattetEvans’assurerontqu’iln’aitpasunemauvaiseinfluencesurlui…
enfin,pastrop.
Annamedévisageaunmomentsansriendireetsemitfinalementàsourire.Etmêmesielle
avaitleteintbrouillé,lenezquicoulaitetlesyeuxrouges,elleétaittoujoursbelleàtomber.
Jerestaiunmomentavecelleaprèsça,pourm’assurerqu’elleallaitbienetl’aideràfairesa
valise.Ellenepartaitquepourleweek-end,maissavaliseétaitplusgrossequelamienne.Elle
voulait«pareràtouteéventualité»,etjenepusm’empêcherderegardersongrosventreen
l’entendantdireça.Sicelaavaitvraimentétélecas,elleneseseraitpasretrouvéedanssasituation
actuelle:surlepointdemettreaumondeunmini-Griffin.
Unesurprisem’attendaitquandj’arrivaiàlamaisonunpeuplustard:lavoituredeJennyétait
dansl’alléeetellesetenaitdeboutàcôté,entraindemefairesigne.Quandjemegaraiàcôtéd’elle,
Rachel,KateetCheyennesortirentàleurtour,etjesourisdetoutesmesdentsenlestrouvantlà.
–Qu’est-cequevousfaitesici?
Jennyvintmerejoindreensautillant.
–OnestlàpourfêtertadernièrenuitàSeattle.
–Jecroisquej’aiassezfêtéçahiersoir.
–C’estpourçaqu’onaprévuuntrucunpeuplussoft,dit-elleavantdesepencherdansla
voituredeJennyetd’enressortiravecunduvetàlamain.Unesoiréepyjama.
–Génial,répondis-jeensouriant.
Jenny,RacheletKateattrapèrentleursaffairespendantquej’essayaisd’ouvrirlaporte
d’entrée.Laclérestaitcoincéedanslaserruredetempsentemps,etJennyvintposerunemainsur
monépaulependantquejemebattaisaveccetteclé.
–Çaaété,hiersoir?
Àvoirsatête,jevoyaisbienquecequ’ellevoulaitdireétaitEst-cequ’ils’estpasséquelque
choseentreDennyettoi?Elleétaitjustetropgentillepourposerlaquestiondebutenblanc,mais
elleavaitlesmêmesdoutesqu’Anna.Jesecouailatêteenessayantdenepasmefâcher.C’étaitma
faute,aprèstout.
–Ilnes’estrienpassédutout…àpartqueDennym’avuepasserlanuitlatêtedanslacuvette.
–Désoléequ’ont’aitmisunecuitepareille.Cen’étaitvraimentpaslebut.
–Tun’aspasàêtredésolée,c’estmoiquiaimalgéré.
Jefronçailessourcilsenmedemandantpourquoij’avaisbuautant.
–Apparemment,quitterSeattleestplusdurquecequejecroyais.
Mavoixn’étaitplusqu’unmurmureetmavuesebrouilla.Jen’allaispasdéjàm’effondrer,si?
–Tunevaspascommenceràpleurermaintenant,ditJennyenmeprenantdanssesbras.Parce
quesitupleures,jepleure,etonvatoutespasserlasoiréeàchouiner.
Jeris,etlesautresfillesnetardèrentpasàsejoindreànotreétreinte.Toutlemondetiraitune
têtetellementtristequejefinisparrire.
–Allez,çasuffit,dis-jeenbrisantlecercle.Onn’estpasàuneveilléefunèbre.Etpuis,je
reviendrai.Jemesensbienpluschezmoiiciqu’àAthens.
Kates’essuyalesyeuxetsourit.
–J’aidesbonbonsetdupopcorn.
–Etmoi,j’aitoutuntasdecomédiesromantiques,ditCheyenneenlaprenantparlebras.
Peuaprès,lasoiréepyjamabattaitsonplein.Jen’avaispasfaitçadepuislecollègemaisde
vieuxsouvenirsresurgirentlorsquelesfillesdéballèrentleurstrésors.Ilyavaitassezdefilmspour
tenirunesemaine,assezdebonbonspournourrirtoutl’ÉtatdeWashington,etunstockdeproduitsde
beautéquiauraitfaitunmoisàmasœur.J’eusunénormefourireenmefaisantunmasqueaumilieu
dusalonavecquatreautresfilles:c’étaittellementdrôlequejem’enfichaiscomplètementd’être
ridicule.
Àlamoitiédudeuxièmefilm,onsonnaàlaporteetjemeprécipitaipourouvrir,avecmon
pyjamaetmonmasqueàl’argile.J’ouvrislaporte,vêtued’undébardeuretd’unboxernoirde
Kellan,enespérantquecesoitlapizza.Siçasetrouve,lalivreuseallaitreconnaîtrelessous-
vêtementsdeKellan,étantdonnéqu’ellelesavaitvusquandilavaitcommandéunepizza,lesoiroù
onavaitjouéaustrip-poker.
Monrireamusémourutsurmeslèvreslorsquejevisquisetenaitsurlepasdelaporte.Ce
n’étaitpaslalivreusedepizza:c’étaitJoey.Ellemeregardadespiedsàlatêteavecunpetitrictus
méprisantetjemesentisrougirsouslacouched’argilequiétaitentraindesécher.
–Qu’est-cequetufaislà?Kellant’aditdenepasrevenirici.
Ellem’ignoraetsepenchapourregarderàl’intérieur.
–Kellanestlà?
Jefisunpasdecôtépourluibloquerlavue.
–Non,ilestàLosAngeles.
Elleattrapaunelonguemèchedesescheveuxnoirsetsemitàl’entortillerautourdesondoigt,
terminéparunlongonglerougeimpeccablementverni.Jemerappelaidelamarquesurlajouede
Kellanetjeserrailesdents,dévoréeparl’enviedeluiclaquerlaporteaunez.
–Ilestvraimententraind’enregistrerunalbum?Ouc’estjustesanouvelletechniquede
drague?
Ellesouritenregardantl’anneauàmondoigt,etmêmesijesavaisqueçaauraitdûm’êtreégal,
j’eusenviedelagifler.Kellanetmoiavionstraversétellementdechosesensemblequeçame
rendaitfurieusedelavoircrachersurnotrerelationcommesic’étaituneaventuresanslendemain.
–Oui,ilestenstudio.Jeluidiraiquetuespassée.
J’allaisrefermerlaportemaisellelabloquaavecsonpied.
–Çaalors,c’estintéressant.Toutlemondevabientôtenvouloirunmorceau.Enfin,encoreplus
quemaintenant.
Ellesemorditlalèvreetl’expressionsursonvisagemerappelaEbenezerScroogedansUn
chantdeNoël.Jel’imaginaistoutàfaitentraindecomptersesliassesdebillets,obtenuesenfaisant
duchantageàquelqu’un.
Jeremarquaiquemesamiess’approchaientdelaporteetjesoupirai.
–Tuasd’autrescopiesdel’enregistrement,c’estça?
–Jeluiaijusterendusonexemplaire.Maismoi,j’enaipleind’autres,dit-elleenretirantson
pied.
Jennyarrivaàcôtédemoi,levisagerecouvertdepâteverte,elleaussi.
–Çavousditderegarder?demandaalorsJoey.C’estplutôtchaud.Kellanfaitcetrucoù…
Jelevaiunemainenl’airpourlafairetaire.C’étaithorsdequestionquejelevoieaulitavec
quelqu’und’autre.Etjenevoulaiscertainementpasunvisionnageavecl’option«commentairesdu
réalisateur».
–Jen’enairienàfairedetoioudetonenregistrement.Kellant’apayée,etencequime
concerne,onn’aplusrienàfaireavectoi.
J’entendislesfilless’exclamerderrièremoiencomprenantcequiétaitentraindesepasser.
Jennyétaitlaseuleàquij’avaisparlédelasextapeetj’étaissûrequ’ellen’enavaitpasparléaux
autres.Ellesétaientdoncentraindel’apprendre.
–Commetuvoudras,ditJoeyenhaussantlesépaulesetenrajustantsajupecourte.C’étaitjuste
aucasoùtuauraisvouluvoirlefilmdel’annéeenavant-première.
Elletournalestalonsmaisjefisunpasenavant,àlafoisoutrée,gênéeetmortifiéepourKellan.
–Tuvasvraimentvendreça?Toiaussi,tuesdessus.Tuveuxvraimentqu’untasdetypesse
tripotententeregardant?
Ellemeregardapar-dessussonépaule.
–Siçaveutdireavoirassezdefricjusqu’àlafindemesjours,alorsoui.Etpuis,jeserai
toujoursassociéeàuneillustreetricherockstar,etçamerendracélèbreaussi.Onnepeutpasrêver
mieux.
Interloquéej’étaisincapabledecomprendrecebesoind’êtrecélèbreàtoutprix.J’étaislà,à
essayerdemeprotégerdel’expositiondontKellanfaisaitl’objet,tandisqu’elleétaitprêteàvendre
sonâmeaudiablepourenavoirunemiette.Elledevaitvraimentavoirunbesoindésespéréd’êtreau
centredel’attentionpourenarriverlà.Étrangement,jesentismacolèresedissiperalorsquejela
dévisageaisensilence.Etbientôt,jeneressentisquedelapitiépourelle.
–J’espèrequetutrouverascequetucherches.
Puisjerentraidanslamaisonquej’occupaisavecKellan,etelleeutl’airconfustandisqueje
refermaislaporte.
7
Tuvasmemanquer,Seattle
Jemeréveillaisurexcitée.Onétaitvendredi,etc’étaitmondernierjouràSeattle.Cetaprès-
midi,jeseraisdanslesbrasdeKellan,àLosAngeles,etj’enmouraisd’impatience.Jemelevaiet
trébuchaipresquesurlesfilles,étaléessurlesoldusalon.
Jennygrognaquandjeheurtaisoncoude,maiselleneseréveillapas,etjemeprécipitaià
l’étagepourprendreunedoucheetmepréparer.Annavenaitmechercherdanspeudetemps,etje
voulaisêtrerayonnantepourmesretrouvaillesavecKellan.Iln’étaitpartiquedepuisdeuxsemaines
maisj’avaisl’impressionqueçafaisaituneéternité.Lepassagedutempsavaitl’airdedépendre
directementdesaproximité:plusilétaitloin,plusletempspassaitlentement.
Quandjesortisdeladouche,unedélicieuseodeurdecaféenvahitmesnarines.J’eneustoutde
suitel’eauàlabouche,etjememisàpenseràKellan(mêmesijepensaistoutletempsàlui,en
réalité).Ilétaittoujoursdansuncoindematête,maislecafél’amenaittoujourssurledevantdela
scène.
Unefoishabilléeetprêteàpartir,j’attrapaimessacsetdescendisentrombeaurez-de-chaussée
pourlesdéposerdansl’entrée.Presquetouteslesfillesétaientréveilléesàprésent,entraindese
frotterlesyeuxoudeboireunetassedecafétoutenrangeantleursaffaires.Jennymeserradansses
brasetmetenditunetassefumante.
–Annavientd’appeler,elleestenroute.
Jehochailatêteetbusunegorgée.Lecafémebrûlaunpeuleboutdelalangue,maisilétait
délicieux.Jennybalayaduregardlapièceencorepleinedebazar.
–Jefermeraitoutàcléavantderaccompagnerlesfilleschezelles.
Enl’entendantdireça,jemerappelaidequelquechoseetfouillaidansmonsacpourtrouver
monporte-clés.Jeletrouvaicoincédanslelivrequej’avaisprévudeliredansl’avionetretiraila
clédelaChevelledutrousseau.
–Tupeuxmerendreunservice?JemesuisarrangéeaveclegarageendessousdechezEvan:
ilssontd’accordpourgarderlaChevellejusqu’àmonretour.Tucroisquetupourraisconduirela
voiturejusquelà-bas?
–Pasdeproblème.J’irailadéposeravecRachelcetaprès-midi.
Rachelnousrejoignitetposaunetêtefatiguéesurl’épauledeJenny.Ons’étaitcouchéestrès
tard,etellebâillabruyamment.Jennyluicaressalescheveux,puisRachelrelevalatêteetme
dévisagea.
–TupourraisdirebonjouràMattdemapart?Etluidirequej’aimeraisbienpouvoirêtreavec
lui?demanda-t-elleàvoixbasse.
Ellesemorditlalèvreavectimiditéetjel’assuraiquejepasseraislemessage.Jesavais
exactementcequeçafaisaitd’êtreloindelapersonnequ’onaimait:c’étaitnul.MaisMattetRachel
avaientl’airdouéspourgérerladistance,etj’étaissûrequ’ilsallaientresterensembleendépitdu
modedevieunpeufoudesgarçons.
–EtjeferaiungroscâlinàEvanpourtoi,ajoutai-jeàl’attentiondeJenny.
Ellesouritpuissortitunpetitpaquetdebonbonsdesapochearrière.Ilétaittoutratatinéetplié
entrois.
–Tupeuxluidonnerça,aussi?
Curieuse,jeledépliaietmerendiscomptequ’ilétaitvide.
–Engros,tuveuxquejeluidonneunsachetvide?
–Net’inquiètepas,ilcomprendra,assura-t-elleenriant.
Jemislepaquetdansmonsacenmedemandantcequeçapouvaitbienvouloirdire,et
CheyenneetKatevinrentmeserrerdansleursbras.
–Aufait,JustinestàLosAngelesencemoment,ditKate.Situlecroises,tupeuxluidire…
salutdemapart?
Elleritnerveusementetsaqueue-de-chevalsebalançasursesépaules.Justinétaitlechanteur
d’ungroupeassezconnu:AvoidingRedemption.C’étaienteuxquiavaientdécouvertlesD-Bagset
quilesavaientinvitésàpartiraveceuxentournée.Etc’étaitpendantcettetournéequelegroupede
Kellans’étaitfaitremarquer.C’étaitd’ailleurslamêmemaisondedisquesquecelledeJustinqui
leuravaitproposéuncontrat.Katel’aimaitbien,etjepensequ’ill’aimaitbienenretour.Depuis
qu’ilss’étaientrencontrés,ilss’envoyaientsouventdestextos,etsesyeuxmarronétincelèrentquand
jeluidisquejetransmettraislemessage.
PuislasonnetteretentitetCheyennemeserracontreelle.
–Gareàtesjoliespetitesfesses,d’accord?
JeriaisquandJennyouvritlaporteàmasœur,maisenvoyantlatêted’Anna,monrire
s’évanouit.Elleavaitl’aird’unefurieenbalançantsonsacsurlaconsoledel’entrée.
–C’estdanscesmoments-làquejeregrettevraimentdenepaspouvoirboireunverre!
–Ilyaunproblème?demandaJennyenrefermantlaporte.
–ÀpartlefaitquejevaisbutercetabrutienarrivantàLosAngeles?
Inutilededemanderdequielleparlait…
–Qu’est-cequ’ilafait?
Jennyavaitl’airimperturbable,commesiaucuneréponsenepouvaitl’étonner.Jeconnaissais
cesentiment.JennyauraitplutôtdûdemandercequeGriffinn’avaitpasfait.
–Cen’estpaslafindumonde,Anna,dis-jeensoupirant.
Ellemefusilladuregardetlesautresfillesmedévisagèrent,choquées.Ilfautdirequecen’était
pasdansmeshabitudesdedéfendreGriffin.
–Kiera,ilm’afaitungarçon.Toutcequejevoulais,c’étaitunepetitefille,etcecrétinn’a
mêmepassufaireça.
–Cen’estpascommes’ilpouvaitcontrôlerle…
Leregardglacialdemasœurmefittaire.
–Oh,tuvasavoirunpetitgarçon!s’émerveillaKate.Félicitations!J’a-do-relespetits
garçons.
Cefutsontourdesetaireenvoyantlatêtedemasœur.
–Jesuissûrequeçavabiensepasser,risquaJenny.
AnnasemitàtaperdupiedetJennyhaussalesépaules,vaincue.
–Tuasraison,c’estunabruti.
–Ah,toiaussi,tutrouves?
Jeconsentaienl’entendantcasserdusucresurledosdeGriffinpendantcinqbonnesminutes.
Parfois,vousavezjustebesoinquelesgenssoientd’accordavecvous,peuimporteleproblème.Et
mêmesiAnnaétaitentraindedépasserlesbornes,aucunedenousnepouvaitcontesterlefaitque
Griffinétaiteffectivementuncrétin.
Finalement,Annaditaurevoiràtoutlemondeetm’aidaàchargerlesaffairesdanslavieille
HondadeDenny,ouplutôt,supervisalesopérations.J’avaisjustedeuxsacs,cequiétaitplutôt
raisonnablepourunséjourd’uneduréeindéterminée,maisAnnaavaitcarrémentembarquétroissacs
etunbagageàmainpleinàcraquerquiflirtaitavecleslimitationsdelacompagnieaérienne.
Pileaumomentoùjem’installaisdansmonfauteuiletoùlestewardnousdemandaitd’éteindre
nosappareilsélectroniques,montéléphonevibra.Jejetaidiscrètementuncoupd’œilenpensantque
c’étaitKellan,étantdonnéquejevenaisjustedeluienvoyerunmessagepourluidirequ’onallait
décoller.Jesourisenvoyantquec’étaitDenny.Tuvasmemanquer.Bonnechanceetfaisattention
àtoi.
IlétaitvraimentattentionnéetjefaillismontrerlemessageàAnnapourlafairechangerd’avisà
proposdeDenny.Maisenvoyantça,ellesediraitquej’avaiscouchéavecluil’autresoiretje
n’avaisaucuneenviededevoirencoreunefoisclamermoninnocence,alorsjerangeaimonportable
dansmapochesansriendire.
Levoljusqu’àLosAngelesn’étaitpastrèslong,pourtant,jenetenaispasenplace.J’essayai
d’écrireunpeumaisj’étaisincapabledemeconcentrertellementjepensaisànosretrouvailles.Mon
cœurbattaitàmilleàl’heurequandonatterrit,etj’arrivaisàpeineàrespirernormalementquandon
s’immobilisasurletarmac.
–Calme-toiunpeu,meditAnnad’unairagacé.
Maisj’étaisincapabledemecalmer,etquandlaportes’ouvrit,jemeprécipitaiavantmême
qu’Annaaitletempsdeselever.Onétaitassisesaumilieudel’avionmaisj’étaisladeuxièmeàen
sortir,etj’étaissurexcitéeentraversantlecouloirquimenaitauxarrivées.Est-cequej’allaisréussir
àrepérerKellandanslafoule?Jepourraistoujoursluienvoyeruntextosijeneletrouvaispasavant
d’allercherchermesbagages.
Ensortantducouloir,jescannailespersonnesquiétaientlààattendredelafamilleoudesêtres
chers,puisjememisàrire.Kellanétaitdevant,enpleinmilieu,aveclesbrasenl’aircommeJohn
CusackdansUnmondepournous.Saufqu’ilnetenaitpasunradiocassettequipassaitduPeter
Gabriel,maisunepancartequidisait«MADAMEKELLANKYLE»enénormeslettresnoires.
J’auraisdûmedouterquejen’auraisaucunmalàlerepérer,mêmesanslapancarte.
Jemeprécipitaiversluienriantetenpleurantenmêmetemps.Jen’arrivaispasàcroirequ’on
étaitenfinréunis…etquejen’allaispasrepartir,cettefois.Illâchalapancartepourmeprendre
danssesbrasetjeluisautaiaucouenenroulantmesjambesautourdesataille.Sonparfuminonda
mesnarinestandisquesesmainschaudescaressaientmondos,etmanervositédisparut.J’étaislà,et
onétaitensemble.
Jem’écartaienlesentantrireensilenceetvisqu’ilmeregardaitd’unairravi.Peut-êtreque
c’étaitjustemonimagination,maisj’avaisl’impressionquesesyeuxétaientencoreplusbleusetses
cilspluslongsqu’avant.Mêmesonsourireétaitencoreplussensuelquedansmessouvenirs,comme
s’ilétaitdevenuencoreplusattirantpendantmonabsence.
–Jet’aimanqué?demanda-t-ilavecunregardquivoulaitdireJeveuxt’embrasser.
Jesourisetm’exécutaisansmefaireprier.Mêmeseslèvressemblaientplusdouces,mais
quandsalangueeffleuralamienneetquesamainarrivaenbasdemondos,jemerappelaiqu’on
étaitdansunlieupublicpleindejeunesenfantsinnocents.
J’arrêtaidel’embrasseretreposailespiedsparterre,etilfitlamoue,cequilerenditencore
plusadorable.
–Jem’amusaisbien,moi.
–Oui,jesais.
Jeluiprislamainetsamouedisparut,puisilsepenchapourramassersapancarteetjedus
résisteràl’enviedepassermesdoigtsdanssescheveux.
–J’aimebientapancarte,dis-jeenlamontrantdudoigt.Maisjen’aipasl’intentionde
m’appelermadameKellanKyle.C’esttropdémodé.
–Quoi?C’estmignondeprendrelenomcompletdetonmari,non?
Ilcaressamonanneauendisantlemotmarietonvoyaitclairementqu’ilétaitfierquejesoissa
femme.
–C’estsexiste,Kellan.J’aidéjàunnom,jen’aipasbesoindeleremplaceravecletien.
Poursoutenirmonpropos,jepassailamainsursapoitrineettraçaileslettresdemonnom
tatouésursoncœur.
–Jepeuxjusteprendretonnomdefamille.
Ilmeregarda,puisposalesyeuxsurmeslèvresetjevissalanguecaressersalèvreinférieure.
Lemoinsqu’onpuissedire,c’estquec’étaitdistrayant.Aumomentoùj’étaisentraindeme
demanderjusqu’oùonpouvaitpousserlesdémonstrationsd’affectionenpublicavantdenousfaire
embarquerparlesagentsdesécurité,unevoixretentitderrièremoi.
–Merci,Kiera!J’aifailliaccoucherlorsquej’aidûdescendremonbagageàmainduporte-
bagages.
KellanetmoinousretournâmesversAnna:elleétaitécarlateetbiendéterminéeàmontrerau
mondeentierqu’elleétaitenpétard.Kellanmelâchalamainetavançaverselle.
–Jevaist’aider.
–Griffinestlà?murmurai-jeencherchantlebassisteduregard.
J’étaissûrequ’ilsavaitqu’Annavenaitavecmoi.
–Iladécidéd’attendreàlamaison…
Celam’agaçamaisjedécidaidelaissertomber.Griffinn’avaitjamaisétéunpetitamiattentif.
Çan’avaitjamaisétéunpetitamitoutcourt,enfait:c’étaitjusteunplancul,commeilledisaitlui-
même.J’avaiscruqu’ilchangeraitaveclagrossessed’Annaetqu’ilgrandiraitunpeu,maiscomme
Kellanledisaittoujours,ilétait…enfin,c’étaitGriffin,quoi.
Unefoisqu’oneutrécupérétouslesbagages,cequinouspritunpetitmoment,onsedirigea
verslavoituredeKellan.C’étaituneAudigrismétallisédécapotablequelamaisondedisqueslui
prêtait.Annasepâmaenlavoyantmais,pourmapart,jepréféraislargementlaChevelle.Kellan
laissaéchapperunpetitsoupirens’installantauvolantetjecomprisqu’ilenpensaitautant.
Commeiln’yavaitpasbeaucoupdeplacedanslecoffre,Annaétaitpresqueenfouiesousles
bagagesàl’arrière,maisçan’avaitpasl’airdeladéranger.Elleétaittropoccupéeàapprécierla
baladedanslesruesensoleilléesdeLosAngelesaveclacapotebaissée.
–Pasmal,murmura-t-elle.
IlpleuvaitquandonétaitpartiesdeSeattle,cequifaisaithabituellementlebonheurdes
habitantsdelaville–çadiminuaitlesrisquesd’incendie–,maisici,lecielétaitd’unbleuéclatant,
bienqu’unpeuatténuéparlelégerbrouillardquiflottaitau-dessusdelaville.
L’airaussisemblaitdifférentdeceluideSeattle,commepluschaud.J’étaisémerveilléeà
mesurequejedécouvraislaville:partoutoùjeregardais,touteslesculturesetlesethniesavaient
l’airdesemélangerenharmonie.Leréseauroutiersemblaitbienpluscomplexequeceàquoij’étais
habituéemaisçan’avaitpasl’airdedérangerKellantandisqu’ilnousconduisaitverslecentre.Ilrit
envoyantquejeregardaisdanstouslessenspournerienmanquer,maisjenepouvaispasm’en
empêcher.LosAngelesétaittellementlégendaire,immense…Cen’étaitpaspourrienqu’elleattirait
autantdemonde:onavaitl’impressiondepouvoiryréalisertoussesrêves,etonpouvaitpresque
sentirlaviepulserdansl’air.
Onnetardapasàs’éloignerducentrepoursedirigerversunquartierrésidentiel,oùvivaient
manifestementdesgensinfluents.Lespropriétésétaientimmenses,lesmaisonsgigantesques,les
pelousesd’unvertéclatantetleshaiestailléesaumillimètreprès…
Lesmaisonscommençaientàêtredeplusenpluséloignéeslesunesdesautresetontournadans
uneruedontl’accèsétaitbarréparunebarrièregardéeparunhommebedonnantd’uncertainâge.
L’espaced’uninstant,j’eusl’impressionqu’onpassaitunefrontièreetjen’auraispasétéétonnée
qu’ilnousdemandenospasseports.
–Bonjour,Walter,ditKellanenluitendantunbadge.
–Vousêtesdéjàderetour,monsieurKyle?C’étaitrapide.Etjevoisquevousaveztrouvédeux
joliesjeunesfemmessurvotreroute.
IlsoulevasacasquettepournousdirebonjouretrenditlebadgeàKellanavantdeleverla
barrière.Kellansouritenfaisantrugirlemoteur.
–Attention,Walter,jevaisfinirparcroirequevousessayezdedraguermafemme.
–Jamaisdelavie,monsieur.
Ilmefitunclind’œiletKellansecoualatêteensouriantavantdeseremettreenroute.Avecses
lunettesdesoleil,auvolantdesadécapotable,ilavaitvraimentl’airàl’aiseici.Enfin,ilavaitdéjà
vécuunanàLosAngelesaprèslelycée,mêmesic’étaitdansdesconditionsbiendifférentes.
Onpassadevantdesmaisonsmonolithiquesquidevaientcoûterplusquecequelaplupartdes
gensgagnaientaucoursd’unevieentière,etj’espéraiqueKellann’avaitpasenviedes’installerici.
J’étaisprêteàlesuivrepartout,maiscettevillenem’attiraitpasautantqueSeattle.Toutétaitunpeu
troptape-à-l’œil,commelamaisondevantlaquelles’arrêtaKellan.C’étaitunegrandebâtisse
modernedetroisétagesavecunefaçadeblanche,unegrandeterrassedechaquecôtéetàchaque
étage.Touslesbalconsétaientenverrepolietenacierchromé,etmêmedepuisl’allée,jepouvais
voirqu’ilyavaitunepiscinesurlaterrassedudernierétage.
Çamerappelaitcesgrandesbarraquesqu’onvoyaitdanslesfilmsoùdesétudiantspourris
gâtésorganisaientdessoiréespendantqueleursparentsétaient«envoyage».Lefaitquedes
dizainesdepersonnessebaladaientautourdelamaisonavecunverreàlamainalorsqu’iln’était
mêmepasmidiajoutaitàlacaricature.JeregardaiKellanenfronçantlessourcilstandisqu’unefille
passaitdevantlavoiture,vêtued’unbikiniminuscule,etilréponditàmaquestionavantmêmeque
j’aieletempsdelaposer.
–Lamaisonappartientàlamaisondedisques.Çaveutdirequen’importequelartistepeut
venirici,etcertainsamènentdesinvités.Enfin,toutlemondeamènedesinvités,àn’importequelle
heuredujouretdelanuit,ajouta-t-ild’unairennuyé.
Çamecontrariaencoreplus,carjel’avaisimaginédansunendroitcalmeetisolé,occupéà
travaillersurl’album.Jenel’avaispasimaginédansunemaisondefraternitéétudiante,etj’avais
vraimentcruqu’onauraitdel’intimité.Apparemment,jem’étaistrompée.
Ilhaussalesépaulesd’unairdésoléetsortitdelavoiturepourprendrenosbagages.Jel’aidai
tandisquemasœurregardaitautourd’elled’unairapprobateur.Elleavaitl’airauseptièmeciel,les
yeuxfixéssuruntypeblondauxyeuxblondsavecdesabdossurréalistes.
–Pasmaldutout,même.
Jeregardailafillequiaccompagnaitleblond:elleportaitunhautdebikinitriangulairequi
couvraitàpeinesapoitrine,bientroprondeethautperchéepourêtrenaturelle,soitditenpassant.
–Salut,Kellan,dit-elleenpassantàcôtédenousetenregardantKellandespiedsàlatête.
Ilhochalatêteetmeregardaencoin,etjeparvinsàgarderuneexpressionneutre.Çan’avait
pasd’importancequ’ilsoitentourédeblondescanons:c’étaitmoiquipartageaissonlit.N’empêche
quej’auraispréférénepasvoirsesfessesàmesurequ’elles’éloignait.Elleétaittellementdévêtue
qu’elleauraitmieuxfaitdenepass’habillerdutout.
Lesbraschargésdebagages,onrentradanslamaison.Toutrespiraitleluxe:lespeintureshors
deprixaccrochéesaumur,lescanapésencuir,lestapispersansquirecouvraientleplancher…Tout
avaitl’airdecoûtersicherquejen’osaisrientoucher,maislescouplesàmoitiéhabillésqui
peuplaientlamaisonnesemblaientpastropsegêner.Ilsétaientvautrésdanslesfauteuils,posaient
leursverresdirectementsurlatablebasse,jouaientaveclesfeuillesdesplantesvertestailléesàla
perfection,etilyenavaitmêmeunquifumaitdansuncoin.Rebelle.
Kellanlesignoratousetnousconduisitàl’étage.Delamusiqueretentissaitdehors,maison
l’entendaitdemoinsenmoinsàmesurequ’onavançaitdanslamaison.Jepouvaisvoirlapiscine
danslejardinàtraversdegrandesfenêtresprèsdel’escalier,etjecrusrepérerGriffinparmila
foule…unefilleenbikinisursesgenoux.Tropdistraiteparcequil’entourait,Annanelevitpaset
çaluiauraitétéégaldetoutefaçon.Enfin,jecrois…
Arrivésaudeuxièmeétage,Kellannousconduisitdansungrandespaceauxairsderésidence
universitaire.Lasalleprincipaleétaitlapièceàvivre,laporteàmagaucheétaitcelledelasallede
bains,etlescinqautresportesétaientsûrementcellesdeschambres.Uneportecoulissantemenaità
laterrassedudeuxièmeétage,etEvanetMattapparurentdansl’encadrementaumomentoùonposait
nossacsparterre.
Leguitaristeriaitenjouantavecunballondebaudrucheremplid’eau.
–Bienjoué,dit-ilàEvan,quilevalesbrasd’unairmodeste.
Levisaged’Annas’illuminaenvoyantlesgarçonsetelleregardaderrièreeuxens’attendantà
voirGriffin,quin’étaitjamaisbienloindesoncousind’habitude.Jen’euspaslecouragedelui
avouerqu’ilétaitentraindetripoterdesfillesauborddelapiscine.Jejetaiuncoupd’œilautourde
moietfusraviedeconstaterqu’iln’yavaitpersonneàpartnous.Apparemment,lesfêtardsrestaient
aurez-de-chausséeetàl’extérieur,etçam’allaittrèsbien.Peut-êtrequ’onpourraitavoirunpeu
d’intimité,finalement.
Ennousvoyant,MattetEvanpoussèrentdescrisdejoie.Mattmeserrabrièvementdansses
bras,puisEvanmesoulevadetoutessesforces.
–OùestGriffin?demandaAnnaàMattaprèsleuravoirditbonjour.
EllefaisaitunpeulamoueencaressantsonventreetMattregardaEvan,puisKellan.Jepouvais
lirelaquestionqu’ilposaitsilencieusementàsesamis:Onluiditoupas?Çam’agaçaunpeude
lesvoirseparlerenlangagecodé,maisjedécidaidenepasmefâcher.Ilsseconnaissaientdepuis
longtemps,ilsavaienttraversébeaucoupdemomentsdifficilesensembleetilsétaientcommeune
famille.Etunefamilleseserraitlescoudes…mêmequandl’undesfrèresétaitunabruti.
–Ilestàlapiscine,ditfinalementMattenindiquantlaterrassederrièrelui.
–Chercheceluiquialatroncherecouvertedelaitcaillé,ajoutaEvanensouriant.
–Enpleindanslemille,ditMatt.
LesdeuxgarçonssetapèrentdanslamainetjeregardaileballondanslamaindeMatt.Ilétait
rosepétantet,enregardantmieux,jepouvaisvoirunliquidesombreàl’intérieur.Donc,cen’était
pasdel’eau.Etapparemment,cen’étaitpasjustedulaitnonplus:maintenantquej’étaisassezprès,
jepouvaissentirleballon…etçasentaitmauvais.
Unebombeàlaitpérimé?Beurk.HeureusementquelesvictimesdeMattetEvanétaientàcôté
d’unepiscine.Cen’étaitpastrèssympa,maisj’espéraissecrètementqu’ilsvisentaussilafilleau
bikiniquiavaitouvertementmatéKellan.
Lamaind’AnnasecrispasursonventrequandelleréalisaoùétaitGriffin:entraindefairela
fêteavecdesfillesenpetitetenueaulieudel’aideràportersesaffaires.Elleeutl’airfurieuse,puis
ungrandsourireilluminasonvisageetelletenditlamain.
–Matt,jepeuxt’emprunterça?
Ilritenluidonnantleballon.
–Fais-toiplaisir.
Elleallasurlaterrasse,bientôtsuiviedeMattetEvan,etKellansecoualatête.
–TuveuxvoirnotrechambreoutupréfèresregarderGriffinsefairebombarder?
–C’estvraimentunchoixcornélien.
Ilritetmepritparlamainavantdem’entraînerversunedesportes.
–J’enaimaclaquedeGriffin.Parcontre,detoi…
Ilouvritgrandlaporteetjerestaibouchebéeenentrantdanslachambre.Çaressemblaitplusà
unstudio,etçafaisaitbientroisfoislatailledenotrechambreàSeattle.Lesmursétaientpeintsdans
ungrischaudquitranchaitaveclesmeublesd’unrougeprofond.L’édredonétaitnoiravecdesmotifs
argentés,etlesdrapsetlesoreillersétaientblancsavecdesmotifsassortis.Ilyavaitunelampenoir
etargentsurchaquetabledenuitetdesfauteuilsgrisparfaitspourlireouécrire,ainsiqu’un
gigantesqueécranplataccrochéaumurenfacedulit.
Dansl’ensemble,lapièceétaitplutôtmasculinemaisilyavaitquandmêmedestouches
fémininesicietlà,commedescoussinssurlelitouunedescentedelitassortie.Desbougiesétaient
disposéesàplusieursendroitsetunvasedébordantdelysblancsétaitposésurunecoiffeuse.
Lachambreétaitmagnifiquemaiscen’étaitpasàcausedeçaquej’avaislesoufflecoupé:
Kellanavaitéparpillédespétalesderoserougesurlesoletsurlelit,etforméuncœurenpétalesde
roseblancheaumilieudulit.Ilyavaitunpetitécrinenveloursaucentreetmoncœursemitàbattre
àtoutevitesse.
–Çateplaît?murmuraKellanàmonoreilleenrefermantlaportederrièrelui.
Jefusincapablederépondrecartropconcentréesurlaboîte.Kellanmepoussaenavantetle
parfumdesfleursm’enveloppadélicieusement.Jeretiraimeschaussurespourpouvoirsentirles
pétalessousmespieds,etquandonarrivaàcôtédulit,Kellans’arrêtaetscrutal’écrin.Auboutd’un
moment,ill’attrapaenfaisantattentiondenepastoucheraucœur,etmitungenouàterre,sansdire
unmot.Mêmes’ilavaitdéjàfaitçaavant,etmêmesionétaitdéjàmariésdansnoscœurs,jesentis
leslarmesmemonterauxyeux.
–KieraMichelleAllen,veux-tum’épouser?
Meslarmessemirentàcoulerquandilouvritlaboîteetj’étaisdéjàentraindesautillerquand
jedécouvrislabague.Lapierreaumilieuétaitungrosdiamantrondquibrillaitdanslalumière,
entouréd’unhalodepetitsdiamantsquilemettaientencoreplusenvaleur.Avecd’autrespetits
diamantsincrustéslelongdel’anneau,c’étaitlabaguelaplusmagnifiquequej’avaisjamaisvue.
Kellanétaitd’uncalmeolympienquandillasortitdesonécrin,tandisquemamaintremblait
quandillapassaàmonannulairegauche,àcôtédel’anneaudepromessequejeportaiscommeune
alliance.Lesdeuxbaguessecomplétaientàlaperfectionetjen’arrivaispasàendétachermon
regard.
Kellanritenserelevantetunefoisunpeupluscalme,jeluidislapremièrechosequime
passaitparlatête.
–Tun’avaispasbesoindefaireça.Monanciennebaguefaisaittrèsbienl’affaire.
Jenevoulaispasleblesser,maislanouvellebagueavaitl’airdecoûterunefortune,etjene
voulaispasqu’ildépenseautantd’argentpourmoi.Iln’avaitpasbesoindemeconquérir:j’étais
déjàvaincue.
Ilsouritetmepritparlataille.
–Si.
–Kellan…
–Si,j’avaisbesoindefaireça,m’interrompit-il.
Jefermailesyeuxetmerésignai.C’étaitsonargentaprèstout,etjen’avaispasàluidire
commentledépenser.Ons’embrassa,etl’émotionsemélangeaaudésirprovoquéparnotre
séparation.Çafaisaitbientroplongtempsquejen’avaispasétédanssesbras,etmêmesilamaison
étaitpleinedegens,j’eussoudainenviedeneporterriend’autrequelabaguequ’ilvenaitde
m’offrir.
Jetiraisursontee-shirtetilcomprittoutdesuitelemessage.Unesecondeplustard,je
caressaissontorsenu,sapeaudouceettièdesurplonbantleslignesdesesmuscles.J’embrassaimon
nomtatouésurmapoitrineetilsoupiraenmeserrantcontrelui.
Jerelevailatêteetvisqu’ilavaitlesyeuxfermés,l’airheureuxpaisible.Jefiscourirmalangue
autourdesontétonpuisleprisdélicatemententremesdentsetlemordillai.J’étaissûrequecen’était
pasunezoneaussiérogènequechezmoi,maisj’avaisluquelquepartqueleshommesaimaientbien
çaaussi.Ilouvritlesyeuxetunsourirediaboliqueapparutsurseslèvres,cequiconfirmames
soupçons.
Sesdoigtssebaladèrentlelongdemondosenm’effleurantàpeine,etjepouvaissentirdes
ondesdechaleurpartoutoùilmetouchait.Quandilarrivaàl’ourletdemontee-shirt,ilpassales
mainssousletissupourmeleretirer,etsonregardrestafixésurmonsoutien-gorge.
Engénéral,j’étaisplutôtdugenrepratiquequandils’agissaitdevêtements,etencoreplus
quandils’agissaitdesous-vêtements,avecunepréférencepourlessoutiens-gorgeblancsoubeiges
quirecouvraientcomplètementlapoitrine.Maismasœuravaitcommencéàfourrersonnezdansma
garde-robeenmedisantqu’aucunefemmemariéeàunerockstarnepouvaitdécemmentporterun
soutien-gorged’unemarquedontlesloganétaitEnfinunefemme.Elleavaitfiniparmetraînerdans
desmagasinsdelingerie,etmêmesij’avaisd’abordignorésessuggestions,trouvanttouttrop
vulgaire,ellem’avaitensuitemontrédesensemblesélégantsquim’avaientplu.Celuiquejeportais
étaitunsoutien-gorgepigeonnantendentellerosepâle.Jen’avaispasbeaucoupd’atoutsàlabase
maislemodèledonnaitl’impressionquej’avaisbienplusdepoitrinequ’entempsnormal.J’avaisun
peul’impressiondetricher,maisKellanconnaissaitmoncorpsparcœur,etjenefaisais
qu’améliorerunpeul’emballage,commedisaitmasœur.J’avaishâtequ’ilvoielaculotteassortie.
Illuifallutunebonnequinzainedesecondespourreleverlatêteversmoi,etquandillefit,la
passionbrûlaitdanssesyeux.Ilsemordillalalèvreetsecoualatête.
–Tun’avaispasàfaireça,dit-ilmalicieusement.J’aimaisbienlesanciensmodèles.
Jerisdoucementenl’attirantcontremoi.
–Si,dis-jeavantdeplaquermabouchesurlasienne.
Ilrit,puiss’arrêtaquandjedéboutonnaisonshort,avantdegémirquandjeglissaimamainsous
letissudesonboxer.Ilétaitdéjàprêtpourmoi,etj’avaisenviedesentirsapeaudoucecontremoi
maisilmepoussasurlelit.Jem’assissurlespétalesetilsepencha,attrapamonshortetmeleretira
d’ungeste.Ilgrognaenvoyantmaculotteendentelletransparenteetmeregardad’unairàlafois
excitéetagacé.
–Tuveuxquejetiennemoinsdecinqsecondes,ouquoi?C’estdelatriche.
Ilm’embrassalenombrilpuissemitàdescendre,etj’eusl’impressionquej’allaisexploser.
J’avaistellementenviedeluiquemoncorpsmefaisaitpresquemaletjel’attiraiau-dessusmoi.
–Tuestellementbelle,dit-ilavecunregardpleind’amouretd’adoration.Tulesais,au
moins?
Jemesentisrougiretjedétournaileregard.J’étaismignonne,d’accord,mais«belle»était
plutôtlegenredemotquiallaitàmasœur.Ilretiraseschaussuresetsonshortetmerejoignitsurle
lit.Allongéàcôtédemoi,ilm’attrapaparlementonettournamonvisageverslesien.
–Tulesais?
Jesecouailatêteetilsoupiraenmecaressantlescheveux.
–Ehbienmoi,jelesais.
Ilrecommençaàm’embrasseretàfrotterseshanchescontrelesmiennes,etjecriaiaucontactà
peineatténuéparlaprésencedeladentellefine.
–Jet’aime,dit-ilentredeuxrespirations.
Ilseremitàbougercontremoietj’arquailedosenfermantlesyeux.Jevoulaisluidirequeje
l’aimaisaussimaisj’avaispeurqueriennesortedemaboucheàpartdescris,etunepetitepartiede
moncerveauétaitencoreconscientequelamaisonétaitpleineàcraquer.Alorsjegémisetj’enfonçai
mesonglesdanssesépaules.
Quandilmeretiramonsoutien-gorgeetfitavecsalanguelamêmechosequecequejevenais
deluifaire,j’oubliaicomplètementlaprésencedesautresetjecriai.Ilpassalesdoigtssousl’ourlet
demaculotte,melaretiraetcontinuaàm’explorer,mefaisantcrierànouveau.
Ilm’amenaauborddel’orgasmepuisils’arrêtapileaumomentoùj’allaisjouir.
Heureusement,ilnemelaissapasfrustréetrèslongtemps.Ilretirasonboxer,vintseplacerau-dessus
demoietentraenmoiàlasecondeoùseslèvrestouchaientlesmiennes.
–Tum’asmanqué,murmurai-je.
Ilenfouitsatêtedansmoncouengémissant.
–Onneseraplusjamaisséparés,maintenant.
Puisilsemitàbouger,etjemedisunefoisdeplusqu’iln’yavaitriendeplusagréableau
mondequedelesentirenmoi.
J’enroulaimesjambesautourdesataillepourmepressercontreluietmieuxsentirsesmuscles
secontractercontremoi.Ilm’embrassadanslecouetjepouvaissentirqu’ilrespiraitdeplusenplus
vite.Soncorpssemitàtrembler,etpourtant,ilcontinuaàbougeraveclamêmerégularitéquin’allait
pastarderàm’ameneraupointdenon-retour.Entresonparfum,l’odeurdenoscorpsensueuret
l’arômedesfleursdanslapièce,j’avaistouslessensenéveiletjesavaisquejen’oublieraisjamais
cetinstant.
Auboutd’unmoment,jecambrailedossanslevouloiretjesentislecorpsdeKellanse
contracterettremblerdavantage.Ilapprochaitaussi,maisjevoyaisqu’ilessayaitdeseretenir.Moi,
jen’enétaispluscapable,etjefermailesyeuxensentantunfeud’artificesedéclencherenmoi.Peu
après,Kellanpoussauncriquidécuplaleplaisirquejeressentaisdéjàtandisqu’iljouissaitàson
tour.
Épuisésetheureux,ons’affaladanslesbrasl’undel’autrejusqu’àretrouverunerespiration
normale.
–Désolé,j’auraisbienvoulut’endonnerdeuxpourleprixd’un,maisjen’enpouvaisplus.Tu
peuxremerciertessous-vêtements,finit-ilpardire.
Jerisetl’embrassaisurlajoue.
–Silepremierestassezbon,jen’aipasbesoindusecond.
Ilritetons’embrassalangoureusement,despétalesderosecollésàlapeau.
–Donne-moiuneminute,jepariequejepeuxtefairechangerd’avis.
J’étaisentrainderirequandlaportes’ouvritbrusquement.Jecriaietattrapaiunoreillerpour
mecacher,etKellanvintsemettredevantmoi.Horrifiée,j’assistaiàmonpirecauchemarenvoyant
Griffinfaireirruptiondanslapièce.Ilavaitl’airsurexcitéenregardantKellan,etjemetrompais
peut-être,maisçan’avaitpasl’aird’êtreparcequ’ilvenaitdenoussurprendreaulit.Enréalité,il
n’avaitpasl’aird’avoirremarquémaprésence.
Maintenant,j’étaisvraimentsûrequejen’oublieraisjamaiscemoment…
–Qu’est-cequetufous,Griffin?criaKellan.
–Devinequiestlà?demanda-t-ilensautillantsurplace.
Sescheveuxetsonvisageétaientrecouvertsdegrumeauxblancsetilempestait.Onétaitloindu
parfumdesrosesquiemplissaitnotrenidd’amourtrentesecondesplustôt.
–Jem’enfous,dégage!ditKellanenluibalançantuncoussin.
Lecoussinluiarrivaenpleinetêteetilreculad’unpas.J’étaisécarlate,maisilnem’avait
mêmepasencorevue.
–Mec,tunediraspasçaquandtusaurasquic’est.Sorsdetonpieu,espècedelarve!
C’estseulementàcemoment-làqu’ilremarquaqueKellanavaitdelacompagnie,etilsourit.
–Salut,Kiera…ravidetevoir.
Ilavaitditçad’untonprovocateuraupossibleetj’étaissûrequeKellann’auraitpashésitéàse
leverpourluiencollerunes’iln’avaitpasétéoccupéàfaireécranentreGriffinetmoi.
–Matt!Viensdireàtoncousindedégagerdemaputaindechambreavantquejelebalancepar
lebalcon!
Quelquesinstantsplustard,MattetEvanarrivèrentpournousdébarrasserdeGriffin,etje
pestaienmecouvrantlevisage.Etmerde!Maintenant,c’étaitvraimentuncauchemar.MattetEvan
eurentlagentillessedenepasmeregardermaisj’étaisquandmêmemortedehonte.Annapassala
têtedanslachambreenriantetMattetEvantraînèrentGriffinàl’extérieur.
–Mec,ilspeuventbaiserplustard!Ilfautqu’ilvoiequiestaurez-de-chaussée.Elleveutte
voir,Kell!
Mattluidonnaunetapeàl’arrièredelatête.
–Tuterappellesdecequ’onadit,parrapportaufaitdelaisserKellanunpeutranquillequand
Kieraarriverait…àcausedecetrucqu’ildevaitluidonner?
Visiblement,GriffinnevoyaitpasdutoutdequoiilparlaitetMattlefrappaànouveau.
–Quelcon,grogna-t-ilenlepoussantdehors.Désolé,Kell!cria-t-ilavantdefermerlaporte.
–Dis-moiquec’étaitunrêve,dis-jeàKellan.
Ilsoupiraetmefrottaledos.
–Malheureusement,non.Désolé,j’aioubliédefermerlaporteàclé.J’avaislatêteailleurs,on
dirait,ajouta-t-ilavecunpetitrire.
Jeluijetaiunregardassassin.Personnellement,toutçaétaitloindem’amuser.
–Dequiilparlait?Quiestlàpourtevoir?
–Aucuneidée,répondit-ilensecouantlatête.
Puisiltournalatêteverslaporte.OnpouvaitentendreGriffinetMattsedisputerdel’autre
côté.
–Ilvautpeut-êtremieuxquej’aillevoir.
8
Uneproposition
Avectouslespétalesquinouscollaientàlapeau,ilnousfallutplusieursminutespournous
rhabiller.Kellanriaitenretirantdespétalescoincésdansmescheveuxdécoiffésquidevaient
clairementindiquerqu’onvenaitdefairedesgalipettes.Enfin,çaauraitpuêtrepire,toutlegroupe
auraitpunoussurprendretoutnus.Ah,j’oubliais!C’étaitexactementcequis’étaitpassé…
Jejettaiunregardinquisiteuraulitdéfait,etKellansuivitmonregardtandisqu’ilremettaitses
chaussures.Ilsourit,respiraungrandcouppuism’embrassasurlefront.
–JevaisbuterGriffin.Jerevienstoutdesuite.
Jesourisetlesuivishorsdelachambre.SiKellanavaitl’intentiondeluifairelatêteaucarré,
ilétaithorsdequestionquejerateça.Griffinétaitdel’autrecôtédusalon,àl’opposédenotre
chambre,etilétaitentraindes’essuyerlescheveuxavecsontee-shirt.MattetEvanétaiententrain
deluiparleretAnnatapaitdupied.Ellemouraitsûrementd’enviedeletuerparcequ’illuiavaitfait
ungarçon,maisavectoutcequis’étaitpassé,ellen’enavaitpasencoreeul’occasion.C’étaitquand
mêmeincroyablequ’uneseulepersonnearriveàs’attirerautantd’ennuisaussirapidement.
QuandilvitKellansedirigerverslui,illuifitungrandsourire.
–Mec…
Iln’eutpasletempsdefinirsaphrase.Kellanseprécipitasurlui,posasesmainssursontorse
etlepoussasifortqu’iltombaparterredetoutsonpoids.
–C’estquoi,cebordel?
Leslèvrespincées,Kellanlefusillaitduregardsansriendire.Jel’avaisdéjàvuencolère
contredesgensetmêmecontremoi,maisjenel’avaisjamaisvusecomporterdelasorteavecun
membredesongroupe.Àpartpeut-êtreunefoisoùGriffinavaitvraimentdépassélesbornesavec
moi,maislà,c’étaitdifférent.Ilavaitvraimentl’airàbout.Envoyantqu’ilnerépondaitpas,Griffin
levalesyeuxauciel.
–C’estbon,détends-toi,jen’airienvuàparttesfessesdetoutefaçon.
Kellanmontral’escalierdudoigt.
–Prendstesaffairesetcasse-toi,dit-ild’unevoixglaciale.
MattetEvanleregardèrent,choqués,etmêmeAnnaretintsonsouffle.
–Détends-toi,Kell,ditGriffinenserelevant,jenesavaismêmepasqu’elleétaitlà.
–Tucroyaisquoi,qu’onavaitprisdeuxavionsdifférents?marmonnamasœur.
Griffinreniflaetcroisalesbrassursapoitrine.Ilavaitplusieurstatouagesunpeupartout,mais
àcetinstant,jenepouvaispasm’empêcherderegarderceluid’unefilleavecdesseinsénormesetun
costumemarin.
–Tunepeuxpasmevirerdugroupe,detoutefaçon.
Kellanvintseplanterjustedevantluietjevislesautressecrisper.MattetEvanéchangèrentun
regardetjepuspresqueliredansleurspensées:OK,àtrois,tuattrapesKellanetmoi,j’attrape
Griffin.
–Ettupeuxmedirepourquoijedevraistegarder?
Absolumentpasintimidé,Griffinluisourit.
–Parcequejedéchire,ettulesais.Etpuis,onestlesmeilleursamis,toietmoi,ajouta-t-ild’un
airinnocent.
Kellanfermalesyeuxetreculad’unpas,etMattetEvaneurentl’airdesedétendreunpeu.Il
pritunegranderespirationetrouvritlesyeux.
–Sijesuisquelquepartavecmafemme,n’importeoù,tufrappesàlaporteettuattendsla
permissionavantd’entrer.Tupeuxcomprendreça,abruti?
–OK,commetuveux,ditGriffinenhaussantlesépaules.
Kellantournalestalonsetmepritlamain,etmêmesij’étaisécarlate,jemeforçaiàsourireà
MattetEvanpourlesremercierdeleurcoupdemainunpeuplustôt.
Envoyantquel’orageétaitpassé,Griffindutsedirequetoutétaitarrangé,etilpassaunbras
autourdel’épauledeKellan.Lapuanteurdulaitcaillémemontaaunez,mêmesiKellanétaitentre
nous.Mêmedestoilettesdefestivalauraientsentimoinsmauvais.
–Jepeuxtemontrerquiestlà,maintenant?
Kellanfitlagrimaceenreniflantl’odeurdelaitpourrietrepoussaGriffin,quiendéduisitqu’il
étaitencorefâché.
–Allez,c’estbon,jesuisdésoléd’avoirdéboulécommeça,d’accord?J’étaisunpeuexcité,
c’esttout.Cen’estpastouslesjoursqu’onrencontreunestarduporno!
Moncœurseserraetjecommençaiàavoirunmauvaispressentiment.
–Cen’estpasunestarduporno,grommelaMatt.Arrêtedel’appelercommeça.
–C’estpareil.Elleestdansunevidéooùellecoucheavecunmecetjemesuistripotédevant,
donc,c’estunestarduporno.
Jefermailesyeuxetmepinçailesailesdunez.Pileaumomentoùjepensaisqu’ilnepouvait
pasmedégoûterdavantage,iltrouvaitlemoyend’yarriver.IlignoraMattquilevaitlesyeuxauciel
etAnnaquileregardaitd’unairintrigué.
–Elleaspécialementdemandéàtevoir…elleconnaîttonnom!Tuterendscompte?
–Dequiilparle,àlafin?Quiestenbas?
–SiennaSexton,ditEvanensegrattantlatête.
Kellanouvritgrandlabouche,etmoiaussi.C’étaitunevraiecélébrité,toutlemondela
connaissait.Oui,undesesexavaitrendupubliqueunesextapeavecelle,etoui,onpouvaitencorela
trouverpartoutsurleNet,maisàcôtédeça,elleétaitvraimenttalentueuse.Elleavaitgrandisousle
feudesprojecteursencommençantàjouerdansdesfilmsquandelleétaitpetite,puisengrandissant,
elles’étaittournéeverslamusique.Quandlescandaledelasextapeétaitarrivé,çaauraitpu
détruiresacarrière,maiselleavaitaucontraireréussiàutilisersoncôtéprovocateurpourorienter
samusiqueversdessonoritésplusmatures,Depuis,elleétaittoujoursentêtedesventes.Etelle
connaissaitlenomdemonmari,etellevoulaitlerencontrer.Jen’enrevenaispas.
KellandévisageaMattetEvan.
–Vousêtessérieux?SiennaSexton?Lavraie?Pourquoielleveutmevoir?Commentelleme
connaît?
Lesgarçonshaussèrentlesépaules.
–Aucuneidée,ditMatt.Elleestarrivéeilyaquelquesminutesetelleademandéàtevoir.Elle
t’attendlà-haut.
IlpointaleplafonddudoigtpuisregardaGriffinméchamment.
–Onallaitt’enparlerquandtuauraiseufinidedonner…enfin,tusais,cetrucàKiera.
Ilrougitetmontramamain.
–Labaguetevatrèsbien,Kiera.
–Merci,murmurai-je,mortifiée.
Annas’approchapourmeprendrelamainetjetaunrapidecoupd’œilàmabagueavantdese
mettreàtrépigner.
–Putain,Kiera,onvarencontrerSiennaSexton!
Sesyeuxétincelaienttantquej’étaissûrequ’elleavaitoubliépourquoiellevoulaittuerGriffin.
Jen’étaispassûred’êtreaussiexcitéequ’elleetjesoupirai.Envoyantqu’ilavaitenfinl’attentionde
Kellan,Griffinlepritdenouveauparl’épaule.
–Alors,onpeutyaller,maintenant?
Kellanfitunegrimace,commes’ilallaitvomir.
–Tupues.Tupourraispeut-êtretedoucher,d’abord?
GriffinregardaMattd’unairaccusateur.
–J’enaipourdeuxsecondes.
Ilseprécipitadansunedeschambresetj’entendislebruitd’unedouche.Jen’avaispasencore
euletempsdefaireletour,maisapparemment,toutesleschambresétaientéquipéesd’unesallede
bains.KellansetournaversMattetEvan.
–Onyva,dit-ilavecunpetitsourire.
Visiblement,ilétaitravidesevengerdeGriffin.
Alorsqu’onmontaitl’escalier,Kellanretiraunpétaledemescheveuxetjenepusretenirun
sourirequandilmeletendit.
–Tuallaisvraimentlevirerdugroupe?demandai-jeàsonoreille.
–Non,répondit-ilàvoixbasseenregardantpar-dessussonépaule,jevoulaisjusteluidonner
uneleçon.Quoique,peut-être,enfait…Tuveuxquejelevire?
Jeréfléchispendantuninstantpuisjesecouailatête.C’étaitpeut-êtreunnase,maisilfaisait
partiedugroupe,etpuisçan’aideraitpasmasœurquelepèredesonbébéseretrouvesoudainau
chômage.
Quandonarrivaautroisièmeétage,deuxgardesducorpsnousbloquèrentlepassage.Avec
leursoreillettesetleurslunettesdesoleil,ilsavaientplusl’aird’êtredesagentssecretsquedes
gardesdepopstar.
–Jem’appelleKellan,etc’estmongroupe.MademoiselleSextonademandéànousvoir.
L’undesdeuxpressadiscrètementquelquechosedanssamainetditàquelqu’undans
l’oreillettequeKellanétaitlà,etquelquessecondesplustard,ils’écartaetnouslaissaentrer.Passer
entrecesdeuxarmoiresàglacemerenditunpeunerveuse.Ilsneplaisantaientpasaveclasécuritéet
jepouvaislecomprendre:Siennaétaithypercélèbreetdesfansdevaientsansarrêtessayerdelui
sauterdessus.JemedemandaisiçaallaitarriveràKellanunjour.Est-cequ’ilauraitbesoinde
Gorille1etdeGorille2pourleprotéger?Etpourmeprotéger?
Lana,lareprésentantedelamaisondedisquesquej’avaisdéjàrencontrée(àl’époqueoùje
pensaisqueKellanmetrompaitavecelle),s’avançaversnous.
–Bonjour,Kellan.Bonjour,lesgarçons,ditchaleureusementcellequiauraitpupasserpourle
sosiedeHalleBerry.
–Bonjour,Lana,ditKellanenluisouriant.
–MademoiselleSextonaimeraitteparler.Enfin,situasletemps,biensûr,ajouta-t-elleenme
regardantd’unairentendu.
Jeréussisànepasrougir.Sesinsinuationsn’étaientpasgrand-chosecomparéàcequivenaitde
sepasseravecGriffin.Peut-êtrequ’ilm’avaitrenduservice,d’unecertainefaçon.
–Biensûr.
Lananousfitpasserdansuneautrepièceetjem’attendisàtombersurSiennamaislesseules
personnesprésentesétaientunjeunecoupleentraindefarfouillerdansunmeublepleindebouteilles
d’alcooletunhommeencostumequiattendaitpatiemment,assissuruncanapéavecdespapiersàla
main.Uneautreporteàdoublebattant,quimenaitàlapiscinesurletoit,étaitouverte,laissantentrer
lalumièredusoleiletunebriselégère,etuneautredonnaitsûrementdanslachambre.Est-ceque
c’étaitlàqu’elleétait?MoncœursemitàbattreplusviteetjeserrailamaindeKellan.Quandon
approchaducanapé,l’hommeencostumeselevaettenditlamain.
–Ravideterencontrer,Kellan.JesuisNickWallace,levice-présidentdeVivasecRecords.
Kellanluiserralamaind’unairébahi.Ilavaitdéjàdûrencontrertoutuntasdegensimportants,
maisàvoirsatête,c’étaitlapremièrefoisavecquelqu’und’aussihautplacé.
–Enchanté.
Àcemoment-là,troisautrespersonnesarrivèrentdelaterrasse.Jenereconnuspasdeuxd’entre
elles,maiscelledumilieuétaitfacilementidentifiable:SiennaSexton.Physiquement,elleavaittout
cequevouspouviezimaginerchezunecélébrité:unepeaumatesansaucundéfaut,uneossature
parfaite,etd’aprèscequedévoilaitsonbikini,pasungrammedegraisse.Elleavaitdescheveux
noirslissesetbrillantsquitombaientparfaitementsursesépaules,etsesyeuxdelamêmecouleur
étaientmisenvaleurpardumascaraetdel’eyeliner.Elleavaitunsourirechaleureuxetéclatant
quandelletenditsesdeuxmainsàKellan.
–Kellan,jesuistellementcontentedeterencontrer,dit-elleavecunaccentanglaistoutàfait
charmant.J’adorecequevousfaites.
Ellepritsamaindanslessiennesetl’embrassasurlesdeuxjoues.Elleétaitsiprochequele
tissudesapetiterobeblanchetransparentepar-dessussonbikinifrôlamamain.Ellesentaitlanoix
decocoetavaitunepeaubronzéequirespiraitlasantéetlavitalité,dugenrequ’onvoyait
uniquementdanslespubspourdelacrèmehydratante.
Quandelles’écartapourleregarder,sesyeuxétaientpleinsd’adorationetd’intérêt.C’étaitla
mêmeexpressionquecellequejevoyaischezlesfansdeKellan,alorselledisaitsûrementvrai.Je
serrailesdentspourm’empêcherdemecolleràlui.Sesfansavaientbienledroitdeletoucher…y
compriscellesquiétaientriches,célèbresetbellesàtomber.QuantàKellan,ilavaitl’air
complètementahuri,cequiétaitplutôtrarechezlui.
–Euh,merci.Moiaussi,j’adorecequetufais.
Illuisouritetjenepusm’empêcherdefronceruninstantlessourcils.Adorer?Jel’avais
entendufredonnerseschansonsàlaradiounefoisoudeux,maisças’arrêtaitlà.Ilpréféraitdeloinla
musiquerock,maispeut-êtrequ’ilvoulaitjusteêtregentil.IlnepouvaitpasvraimentluidireMerci,
teschansonsnesontpastropmal.
Siennarit,lâchasamainetreculad’unpas,etjemerendiscomptequej’avaispasséles
dernièressecondesàretenirmonsouffle.
–Tuesvraimentadorable.
LesaccompagnateursdeSiennaallumèrentlatéléets’installèrentdanslecanapé,etKellan
présentalerestedugroupeàSienna,àpartGriffin.Ilétaitsûremententraindehurlerauxgardesdu
corpsdelelaisserentrer.Siennasaluatoutlemondepoliment,maisjusteavecunepoignéedemain
réservée.LabisedevaitêtreréservéeàKellan.Enfin,avecunpeudechance,çanesereproduirait
pas…autrement,ilfaudraitquej’aieunepetiteconversationaveclaprincessedelapop.
Unefoislesprésentationsaveclegroupeterminées,Annafitunpasenavantetattrapalamain
deSienna.
–AnnaAllen.Jesuissuperfandecequetufais,tuesmonidole.
LesdeuxbeautésfatalessesourirentetSiennatapotaleventred’Anna.
–C’estpourbientôt,mabelle?
Annafronçalessourcilsuninstantpuissecoualatête.
–Non,c’estprévupournovembre.
SavoixétaitunmurmureetjemedemandaisielleétaitvexéequeSiennaaitcruqu’elleétait
surlepointd’accoucherparcequ’ellepensaitqu’elleétaitgrosse.Oualorsl’idéed’accoucher
continuaitàlaterrifier?Sûrementunpeudesdeux.
–Ilestdetoi?demandaSienna,lessourcilslevés.
Kellanregardaleventred’Annaetsecoualatête,puisilpassaunbrasautourdemesépaules
pourm’attireràlui.
–Enrevanche,ça,c’estàmoi.
JeluisourisavantdetendrelamainàSienna.Pourvuqu’elleneremarquepasmontremblement.
–Bonjour.Jem’appelleKiera.
Sonsourires’évanouitlégèrementennousregardant,Kellanetmoi,maisilétaitderetourquand
ellemeserralamain.
–Raviedeterencontrer.
SonaccentmerappelaitunpeuceluideDenny,etjemepromisdel’appelerbientôtpourle
prévenirquej’étaisbienarrivée.Jeferaisbiend’appelermonpèreaussi,d’ailleurs.
–Tuvoulaismeparler?demandaKellan.
Siennatapadesmains,cequifitbougersonimposantepoitrine,etjenepusretenirunsoupir.
Elleavaitvraimentuncorpsparfait,etdesseinsencoreplusgrosqueceuxdemasœurenceinte.Je
medemandaisic’étaientlessiens.
–Oui!J’aiunepropositionàvousfaire,quipeutvousintéresser.Etquim’intéresseaussi,
d’ailleurs.
Kellanlaregardad’unairconfusetellepointasonindexsurlui.
–Jeteveux.
J’allaisintervenirpolimentpourluiexpliquerqueçan’allaitpasêtrepossiblequandNickprit
laparole.
–Commevouslesavez,Siennaestlaplusgrandestardulabel.
Siennafitunclind’œilàNick,quiluisourit.
–Elleaécoutécequevousavezenregistréjusqu’àmaintenant,reprit-il,etlemoinsqu’on
puissedire,c’estqu’elleestimpressionnée.Çafaitunmomentqu’onchercheunmoyendedonnerun
petitcoupdejeuneàsamusique.
–Quelquechosedeneufetdefrais,ajoutaSienna.
–Onchercheunecollaborationquiiraitbienavecsonstyle.Etc’estlàquetuinterviens,dit-il
enprenantKellanparl’épaule.
–Moi?
–Oui.Cequetufais,c’estexactementcequeSiennarecherche.Etonalachansonidéalepour
vous,«Regretfully».Siennaadéjàcommencéàenregistrersapartie,etilnemanqueplusquetoi.
Kellanledévisageauninstant,puisilsetournaversMattetEvan.
–Vousvoulezdire,nous,c’estça?
–Biensûr,ditSiennaavecunpetitsourire.
MattetEvanessayaientdegarderleurcalmemaisjevoyaisbienqu’ilsétaientsurexcités.Un
duoaveccellequiétaitentêteduhit-paradelespropulseraitausommet.Moncœurseserraquand
Kellantournalatêteversmoi.J’avaistoujourssuqu’ilseraitcélèbreunjour,maisj’avaiscruque
j’auraisdesannéespourm’yhabituer.Saufquemaintenant,ilrisquaitdedevenirunestardujourau
lendemain.
Ilsemorditlalèvrecommes’illisaitdansmespenséespuisilsetournadenouveauversNick.
–Onadesstylestrèsdifférents.Est-cequejepeuxentendrelachansond’abord,pourêtresûr
queças’accordebienaveccequ’onfait?
Nickpinçaleslèvres.Clairement,ilvoulaitjustequeKellanfassecequ’illuidemandait,mais
ilseforçaàluisourire.
–Biensûr.
–Viens,jevaistelajouer.
SiennapritKellanparlamainetleconduisitaupianoquisetrouvaitàl’autreboutdelapièce.
J’essayaidenepasm’énerverenvoyantàquelpointelleétaittactileetcombienillalaissaitfaire,et
j’essayaiaussid’ignoreràquelpointsarobeétaittransparente.Est-cequelesréunionsdecegenre
n’étaientpascenséessepassertouthabillés?Pasquandvousétiezunestardelapop,j’imagine.
Impatiented’assisteràunconcertprivé,Annaritetmepritparlamain.Siennas’installaau
pianoetKellanrestadeboutàcôtéd’elle,lesbrascroisés.Quandellecommençaàjouer,Mattet
Evanlerejoignirentetjelessuivisàcontrecœur.Jen’avaispasvraimentenviedevoiràquelpoint
cettebombesexuelleétaittalentueuse,maisquandellesemitàchanter,jedusmerendreà
l’évidence:elleavaitunevoixincroyable.Elleétaitàlafoisclaire,puissanteetdouceetlerythme
delachansonétaitmagnifique.Lesparolesétaientgénialesetressemblaientàquelquechoseque
Kellanauraitpuécrire,àlafoisobsédantes,émouvantes,profondesetromantiques.C’étaitune
chansonquiparlaitderupture,dufaitdetoutavoiravecquelqu’un,puisdetoutperdreetd’essayer
derecollerlesmorceaux.
EvancommençaàtaperdupiedenrythmeaveclepianoetMatthochaitlatêteenmesure,surun
arrangementconnudeluiseul.Kellan,desoncôté,seconcentraitpourvoircommentlesdeuxstyles
pouvaientsemélanger.JepouvaispresqueentendrelesD-BagsaccompagnerSiennadansmatête,et
c’étaitdéjàincroyablerienquedansmonimagination.
Àlafindelachanson,MattetEvansemblaientconvaincus,maisKellann’avaittoujourspas
l’airsûrdeluietLanamitunemaindanssondos.
–Çafaitpartiedecesopportunitésdontonaparléetquin’arriventqu’unefois,Kellan.Je
diraisoui,sij’étaistoi.
Ilsouritethochalatête,heureuxdebénéficierdesesconseils.Êtredanscettepièceavecdes
personnesquiconnaissaientKellansousunjourquej’ignoraismefitmesentirtoutepetiteet
insignifiante,maisj’essayaidemeconvaincrequecen’étaitpaslecas.J’avaisunevoix,etunevoix
quicomptait,dumoinspourKellan.
–Tuenpensesquoi?demandai-jeenleprenantparlataille.
–Jenesaispastrop.Ettoi?
J’avaispeurdenepasdirecequ’ilfallait,alorsjedécidaideluidirehonnêtementcequeje
pensaisdelachanson.
–Jetrouveçagénial.Ceseraitdugâchisderefuser.
Etj’aipeurdeteperdresituacceptes.Maisjegardaicettepartie-làpourmoi.
IlmesouritpuissetournaversNick.
–Bon,onn’aplusqu’àsemettreautravail.
Nicksouritcommes’ils’étaitattenduàcetteréponseetSiennapoussauncridejoie.Elle
entamauneautrechansonaupiano,etjefussurprisedevoirquec’étaitunechansondesD-Bags.Elle
étaitvraimentfandeleurmusique.Avantmêmequ’ellecommenceàchanter,jereconnusunedemes
chansonspréférées:c’étaitcellequeKellanchantaitlapremièrefoisquejel’avaisvu,etelleavait
uneplaceàpartdansmoncœur.
–C’estmapréférée,avoua-t-elleaumilieudupremiercouplet.Jevoudraisbienfaireune
reprise,undecesjours.Enfin,sivousêtesd’accord,biensûr.
Ellefitunclind’œilàKellanetilsouritd’unairravi.
–C’estaussilachansonpréféréedeKiera,dit-ilenmeserrantcontrelui.
–Ondiraitqu’onapleindechosesencommun,dit-elleensetournantversmoi.
EnvoyantcommentelleregardaitKellan,jemedisqu’onavaitsansdouteplusencommunque
cequej’auraisvoulu.
Unquartd’heureplustard,onétaitderetouraudeuxièmeétage.Matt,EvanetAnnaétaientdans
tousleursétatsenpensantàlacollaborationàvenir.GriffinfaisaitlatêtedansuncoinmaisAnna
finitparlemettredebonnehumeurenallants’asseoirsursesgenouxpourluimordillerl’oreille.
Rencontrerson«idole»avaitsûrementdûluifaireoublierqu’elleétaitenpétardcontrelui.Ellene
restaitjamaisfâchéebienlongtemps,detoutefaçon.Kellanétaitassisàcôtédemoidanslecanapéet
mecaressaitlamain,perdudanssespensées.J’étaispresquesûrequ’ilpensaitàSienna,etje
voulaisluifairepenseràautrechosemaisjenesavaispasquoidire.Jevoulaistellementlesoutenir
etl’encouragercommeilsavaitlefaireavecmoi.
Finalement,jedécidaid’allercherchermoncarnetetdetravailleràmonromanpourlelaisser
réfléchirtranquillementàjenesaisquoi.Jesavaisqu’ilprendraitlabonnedécisionetquetoutirait
bien,parcequ’onsefaisaitconfiance.Etmêmesij’avaislatêtequitournaitàforced’imaginerdes
scénariosplushorribleslesunsquelesautres,jen’allaispasleslaisseravoirdel’emprisesurmoi.
Siennapassatoutleweek-endàlamaison.Unpetitgroupelasuivaitpartoutoùelleallait,etje
nelavispasuneseulefoistouteseule.Ilnefallutpaslongtempsàmasœurpourfairepartiedesa
clique,etquandSiennadescenditàlapiscine,lesamediaprès-midi,Annaenfilatoutdesuiteun
bikinipourlarejoindre.Personned’autrequemasœurn’auraitpuaussibienporterunbikiniàpois
toutenétantenceinte.
Siennan’arrêtaitpasd’essayerd’engagerlaconversationavecKellan:qu’ilsoitentrainde
bronzersurunechaiselongueouentraindenager,elleétaitlà,àluirépéteràquelpointleursingle
allaitêtregénial.J’essayaisd’ignorerl’éclatdanssesyeuxquandelleluiparlaitetdenepasfaire
attentionàlafaçondontKellanalimentaitleursconversations.Etj’essayaisvraimentdenepas
penseràcombienilsseressemblaient:ilsavaientl’airdesortirdumêmemoule,etsijen’avaispas
étédanssavie,ilseraitsûrementsortiavecelleenmoinsdedeuxsecondes.
Maisilnefaisaitninedisaitriendedéplacéquandilétaitavecelleetilavaitmêmetendanceà
toujoursmetoucherquandilluiparlait,enposantunemainsurmacuisse,enpressantsongenou
contrelemien,enfrôlantmonbras…Ilyavaittoujoursuneformedecontactentrenous,commes’il
voulaitmemontrerquejen’avaispasàm’inquiéter.
LedernierjourdemasœurenCalifornie,onétaitentraindebronzeràcôtédelapiscineavec
Kellan.Laplupartdesinvitésétaientpartislanuitprécédenteaprèslesfeuxd’artifice,etpourune
fois,lamaisonétaitplutôtcalme.Onétaitchacunallongéssurunechaiselongue,lamaindansla
main,etiljouaitavecmonalliance,lesyeuxfermés,pendantquej’admiraissontatouage.Soudain,la
voixagacéedemasœurvintromprenotretranquillité.
–Non,cen’estpasunebonnenouvelle!Jevoulaisunefille!
Ellepassadansmonchampdevisionetjelasuivisduregard.Elleallas’asseoiràunetableet
posasonverredejusdefruitssibrutalementqu’elleenrenversalamoitié.Griffinlasuivait,juste
vêtud’unmaillotdebain,commeKellan.Saufqu’ilétaitloind’avoiruncorpsaussiparfait,mêmesi
luiaussiétaitenforme.
–Ehbienmoi,jesuiscontent,etjepensequec’estgénialqu’onaitunpetitgarçon.Aulieude
l’appelerMyrtille,onpeutl’appelerMyrt,ouMort…Mortimus?
Masœurfitlagrimace,etjel’imitai.Mortimus?Horsdequestion.Soudain,Griffinleva
l’indexenl’air.
–Jesais!Maximus!s’exclama-t-il.
JeregardaiKellanetonsourittouslesdeux.C’étaitdéjàmieuxqueMortimus…Masœur
reniflad’unairméprisant.
–Maximus,commelegladiateur?
–Pourquoipas?Çavaêtreunvraitueur.
Ilarqualeshanchesenavantetj’arrêtaidesourire.Annarit,caressaletorsedeGriffinet
l’attiraàelleentirantsursonshort.Ilsemitàl’embrasserdanslecouetplaquatoutdesuiteses
mainssursesfesses,etjedétournaileregard.Pourvuqu’ilsnedécidentpasd’enfaireunautrealors
qu’ilsétaientàtroismètresdemoi.
Kellanlesobservaencoreuninstant,puisilfermalesyeuxetselaissaallercontreledossierde
sachaiselongue,pileaumomentoùSiennaarrivaitàcôtédelui.Elleretirasapetiterobedeplage
transparenteetfronçalessourcilsenvoyantmasœursefairetripoterparlebassiste.
–Ilssontvraimentencouple?Ilaessayédemedragueraumoinsdixfois.
Leurrelationavaitl’airdelalaisseraussiperplexequemoi.
–Çadépenddetadéfinitiondumot«couple»,ditKellanensouriant.Onn’apasencore
vraimentcompris,nousnonplus.
Siennasourit,etlablancheurdesesdentsfaillitm’aveugler.
–Ilssontloind’êtreaussiexclusifsquevous,alors?
SesyeuxseposèrentsurletatouagedeKellan,avantdeseposersurmonannulaire,etKellan
souritenportantmamainàseslèvres.
–Trèsloin,dit-il.
Siennaréponditparunsourirepoli.SielleétaitdéçuedevoiràquelpointKellanétaitfidèle,
ellen’enlaissarienparaître.Celadit,c’étaituneartiste,etjouerlacomédiefaisaitpartiedeses
talents.Songroupes’installaautourdelapiscine,etelles’allongeasurleventresurunechaise
longue.Sesfessesétaientabsolumentparfaites,etj’ajustaidiscrètementlebasdemonmaillotde
bain.
Elledégageaseslongscheveuxnoirsdesesépaulesetdéfitlesnœudsduhautdesonmaillot.
–JereparsàLondresdemainmatin.Çavousdiraitqu’ondînetouslestroiscesoir?
Kellangardalesilence,melaissantlibred’accepterounon.Saufquejenemevoyaispastrop
refuserd’allerdîneraveccellequiétaitclasséedixièmedelalistedespersonnalitéslesplus
influentes.
–Oui,pourquoipas…Ceseraitsympa.
–Fantastique,ditSiennaenfermantlesyeux.
J’avaisenvied’êtredumêmeavismaisjemedemandaisijenevenaispasdefaireunegrosse
erreur.
Annaétaitfurieusedenepasêtreinvitéeàdîneravecsanouvellemeilleureamie,etGriffin
n’étaitpasmieux.Ilavaitpassésontempsàlamaterpendantl’après-midiqu’elleavaitpasséeà
bronzeràmoitiénueauborddelapiscine,cequin’avaitpaseul’airdecontrariermasœur.Ceque
Griffinfaisaitluiétaitvraimentégal,tantqu’ilfaisaitattentionàelleetqu’ilétaitrespectueuxenvers
moi.Jenesavaisvraimentpascommentilsallaientsedébrouillerpouréleverunenfant.
Unpeuplustard,j’étaisdeboutdevantlemiroirdelasalledebain,àmedemandersij’étais
assezbienhabilléepourêtrevueencompagniedeSiennaSexton.Jen’avaispasprévudevêtements
pourcetypedesoiréeenfaisantmesvalises,etlaseulechoseunpeustandingquej’avaisétaitune
longuerobenoireencotonquidescendaitjusqu’àmeschevilles.C’étaitplusconfortablequesexy
maisjen’avaisriend’autre.Jesoupiraienpassantlamaindansmescheveux.J’avaisvoulules
bouclerpourreleverunpeulestyledelarobemaisj’avaisàpeineréussiàlesfaireonduler.
Kellanarrivaderrièremoietm’embrassasurl’épaule.
–Tuesmagnifique.
Jeregardaisonrefletàcôtédemoi.Avecsonjeanbrutetsachemisebleuequifaisaitencore
plusressortirlebleudesesyeux,ilétaitparfait,commetoujours.
Unepartiedemoiavaitenviedeluidirequejen’auraispasl’airaussimagnifiquequandjeme
retrouveraisàcôtédeSienna,maisjesavaisqu’ilneseraitpasd’accord,alorsjenedisrien.Enme
regardantdanslaglace,j’essayaidevoircequeKellanvoyaitquandilmeregardait.J’avaisdes
yeux«expressifs»,cequi,pourmoi,voulaitdireglobuleux.Engénéral,ilsétaientmarron,mais
danslalumière,levertressortaitunpeuplus,etaveclacouchedemascaraquejevenais
d’appliquer,onauraitmêmepudirequ’ilsétaientbeaux.J’avaisdejoliespommettes,unnezmignon,
deslèvrescharnues.Monmentonétaitpeut-êtreunpeutropproéminentmaisdansl’ensemble,j’étais
plutôtbienproportionnée.Jen’étaispasmagnifiquemais…peut-êtrequej’étaisjolie,enfinde
compte.
Jeluisourisetappliquaiunecouchedeglossàlèvres.
–Merci.
Ilécarquillalesyeux,surpris.
–Quoi?Tunevaspasmecontredireetessayerdemeconvaincrequetun’espasbelle?
Jesecouailatêteetilsourit.
–C’estnouveau.Çameplaît,entoutcas:çaterendsexyd’avoirconfianceentoi.
Soudain,unéclairquejeconnaissaisbienpassadanssonregardetjemesentisrougir.S’il
continuaitàmeregardercommeça,onn’arriveraitjamaisaurestaurant.Jelepoussaihorsdelasalle
debainsetilritpendantquejerassemblaislerestedemesaffaires.Puisonsortitdelachambrepour
rejoindrelerestedugroupe,quiétaitdanslesalon.
Evanvintàcôtédemoietpassaunbrasautourdemesépaules.
–Tuessuperjolie,Kiera.
Jeluisouris,puismerappelaiduservicequeJennym’avaitdemandéquelquesjoursplustôt.
Gênéed’avoiroublié,jemeprécipitaidanslachambreetfouillaidansmonsacjusqu’àcequeje
remettelamainsurlepaquetdebonbons.PuisjeretournaidanslesalonetletenditàEvanavecun
sourired’excuse.
–Jennyditquetuluimanquesetqu’elleregrettedenepaspouvoirêtreavectoi.Etellem’a
demandédetedonnerça.
Ilpritlepaquetetsemitàrougir.
–Ellet’aexpliquécequec’était?
Jesecouailatêteetilritenrangeantlepaquetdanssapoche.
–Merci,Kiera.
Puisilattrapasonportableetalladanssachambre,etjepouvaisencorel’entendrerirequandil
fermalaporte.Iln’avaitpasprévudem’expliquerleurpetiteblague,ondirait.
Avantdepartir,jetransmislemessagedeRachelàMatt,quimesouritetmeremercia.Griffin
etAnnafaisaientlatêteetjemepromisdemerattraperauprèsdemasœur,maispourcequiétaitde
Griffin,çam’étaitégal.Ilpouvaitbouderautantqu’ilvoulait.
SiennaétaitescortéedeGorille1,etjefusétonnéedelevoirs’installerauvolantdela
CadillacEscaladenoire.Peut-êtrequ’elleavaitpeurd’êtredérangéependantledîner,oudesefaire
accosterdanslarue?Jen’avaisjamaispassédutempsavecquelqu’und’aussicélèbrequ’ellealors
jenesavaispastropàquoim’attendre,maisentoutcas,l’idéed’êtredanssonsillagemerendait
encoreplusnerveusequelaperspectivededevoirpasserlasoiréeàluifairelaconversation.
Envoyantquej’étaisstressée,Kellanmetenditdiscrètementquelquechose:c’étaitunpétalede
roserosepâle,etjerepensaiinstantanémentaulitqu’ilavaitdécorépourmoi.Jecaressailepétale
etsourisenvoyantqu’ilavaitécrit«Jet’aime»dedans,puisjelerangeaidansmonsac.
Décidément,iltrouvaittoujoursunmoyendem’aideràmedétendre.
Onarrivavingtminutesplustard,etjesusimmédiatementquec’étaitunegammederestaurant
quiétaitcomplètementau-dessusdemesmoyens.Unvoituriers’occupadelavoituredeSienna
tandisqu’unportierenuniformenousouvraitlaporte.IlsaluaSiennaenl’appelantparsonnomet
nousdécochaunsouriretellementéclatantquejepouvaispresquecomptersesdents.Quelquechose
meditquel’accueiln’auraitpasétésicordialsij’étaisvenueicitouteseule.Siennaremerciale
portieretattenditqu’onlarejoigne,puisellesaisitKellanparlebras.
–Onyva?Jemeursdefaim.Tuvasadorerceresto,dit-elleensetournantversmoi,toutest
superbon.
J’essayaid’ignoreràquelpointsoncorpsétaitpressécontreceluideKellan,etàquelpointsa
mini-jupedévoilaitsesjambes.Etlefaitquesonhaut,amplesurledevant,dévoilaitsondosavecun
décolletéenVquidescendaitpresquejusqu’àsajupe.C’étaitévidentqu’elleneportaitpasde
soutien-gorge,etc’étaitsûrementpourpouvoirportercestyledevêtementqu’elledénouaitsonhaut
pourbronzer.
TandisqueKellanl’escortaitpolimentpourpasserlaporte,jesentisdeséclairsdelumière
derrièrenous.Jeregardaipar-dessusmonépauleetvisplusieurshommesarmésd’appareilsphoto
quimitraillaientdeflashs,jusqu’àcequeGorille1leurbloquelepassageetleurdemandedepartir.
Est-cequejevenaisjustedemefaireprendreenphotopardespaparazzi?J’espéraiquenon.
Lerestaurantétaitaussiostentatoireàl’intérieurqu’àl’extérieuretj’eusl’impressiond’être
vraimentmalhabillée.L’hôtessejetaunregardàSiennaetnousconduisitàunetableisoléeaufond
durestaurant.Siennalasuivitsanshésiter,enondulantdélicatementdeshanchesendépitdela
hauteurdesestalons,etKellanlasuivitavecunemainposéeenbasdemondos.
Latableétaitrecouverted’unenappeimmaculéeetcomptaitquatrechaises.Laserveuseretira
rapidementlecouvertentropetnousfitsignedenousinstallerauxtroisplacesrestantesetjeme
rendisalorscomptequelegardeducorpsnenousavaitpasaccompagnésdanslerestaurant.Il
pensaitsûrementqu’elleétaitsuffisammentensécuritéàl’intérieur.Quelquesclientsnousavaient
suivisduregard,maispersonnen’avaitl’airdevouloirvenirnousdéranger.Ilfautdirequequandun
dînervouscoûtaitl’équivalentd’unmoisdecourses,vousvouliezsûrementenprofiter,mêmeavec
unestarassisequelquestablesplusloin.
Quelquesminutesaprèsnotrecommande,noscocktailsarrivèrentetonsemitàlesdégusteren
attendantnosplats.C’étaitlapremièrefoisquej’avaisvraimentl’occasiondediscuteravecSienna,
etsagentillesse,sadouceuretsonsensdel’humourmesurprirent.Jenem’étaispasattendueàce
qu’elleaitautantlespiedssurterre,etjecommençaisàcomprendrepourquoitoutlemondel’adorait
autant.
Quandnosassiettesarrivèrent,elleportaunemainàsonestomacengémissant.
–Monprofdesportvametuer.Avectouslesgensquipassentleurtempsàm’observer,
j’essayederesterenforme.Lederniertrucquej’aienviedevoir,c’estmesfessespleinesde
celluliteencouvertured’unmagazineàscandale,dit-elleenlevantsafourchette.Cequiveutdire
qu’engrosçafaitdixansquejecrèvedefaim.
Puiselleenfournasafourchettedanssaboucheetémitunbruitbientropextatiquepourundîner
aurestaurant.
Kellanritetregardamonassiettecommepourmedirequ’ilespéraitquej’enprofiteautant.Je
levailesyeuxaucieletm’adressaiàSienna.
–Çanedoitpasêtreévidentd’avoirdesétrangersquipassentleurtempsàépiertesmoindres
faitsetgestes.
–Situsavais…C’esttellementplusfacilepourlesmecs,dit-elleendonnantuncoupd’épaule
àKellan.Tantqu’ilsontunjolisourire,ilssonttranquilles.
Elleluiadressaunsourirerayonnanttoutenlescrutantetjem’éclaircislagorge.
–Commentc’étaitdegrandiraumilieudetoutça?demanda-t-ilalors.
Ellemarquaunepauseentredeuxbouchéesetposasafourchette.
–Pasévident.Mesparentsétaientdugenreautoritairesetobsédésparlascène,etilsne
toléraientaucuneerreurdemapart.C’étaitdifficiledefairefaceàcesattentes,expliqua-t-elleen
baissantlesyeux.Certainssoirs,j’avaisjusteenvied’avoirdesparentsnormauxetaffectueuxqui
s’enmoquaientsij’oubliaismarépliqueousijefaisaisunefaussenote.J’auraisbienaiméavoir
l’impressiond’êtreaiméeautrementqu’enfonctiondemesperformances.
SesyeuxétaienthumidesetKellanavaitl’airperdudanssespensées.
–Jevoiscequetuveuxdire,finit-ilparrépondre.
Jeposaimamainsurlasienneetilsourit,lesyeuxtoujoursdanslevague.Siennanousobserva
uninstantpuissabonnehumeurrevint.
–Entoutcas,s’ilyabienunechosequej’aiapprisedanscemétier,c’estquesoitc’esttoiqui
écrases,soittutefaisécraser,etjerefusedemelaisserécraserparquiquecesoit.
JefixaimonassietteduregardenmerappelantcommentSiennaétaitdevenueaussicélèbre:en
ayantsavieintimeétaléedanstouslesjournaux.Jenesavaispascommentellefaisaitpoursupporter
lefaitquelemondeentieravaitvucesimages.J’ignoraissij’auraisétécapabledegérerçaetjeme
demandaicommentKellanréagiraitquandsaproprevieintimeferaitlaunedesmagazines.
–Tupensesàl’enregistrement,c’estça?demandaSiennaenvoyantmonairpensif.
–Non,je…Enfin,si.Çaadûêtrehorrible,non?
Kellansoupira,visiblementdésolé,etellenousdévisageapendantunlongmomentavantde
répondre.
–Jen’oublieraijamaiscettepériode.Lesmédiass’ensontdonnéàcœurjoie.Lasextape
scandaleuseetsexydeSiennaSexton.Maiscommejel’aidéjàdit,tut’endurcisdanscemétier,
sinontuylaissestapeau.Biensûrquej’étaisenraged’êtretrahieparquelqu’unenquij’avais
confiance,maisc’étaittroptard,etavantquej’aieeuletempsdedireouf,l’enregistrementétait
partout,alorsqu’est-cequej’ypouvais?Finalement,j’aifaitlaseulechosequejepouvaisfaire:
j’aisuivilemouvement.J’aiprisletrainenmarcheetj’enaiprofitépourdonnerl’orientationqueje
voulaisàmacarrière.Cen’étaitpascequej’avaisprévu,maisendéfinitive,çaaétéincroyableetje
n’aijamaisregardéenarrière.Pasderegrets,dit-elleenfixantKellanduregard.Iln’yaquecomme
çaquetusurvivrasdanscetteville.
9
Touchesfinales
Lelendemainmatin,onpritlaroutedel’aéroportavecKellanpourraccompagnerAnna,etcette
fois,Griffinsejoignitànous,aprèss’êtrefaittuerpournepasêtrevenuàl’arrivée.C’étaitbizarre
dedireaurevoiràmasœuretdenepaspartiravecelle:j’avaisl’impressionderatermonvol.Je
m’étaishabituéeàl’avoirprèsdemoietc’étaitdurdelavoirpartir.Heureusement,j’avaisKellan,
etçarendaitvraimentleschosesplusfaciles.Aprèssondépart,Griffinsetournaverslui.
–Hé,mec,tuasentendu?Ellevaavoirungarçon!
LafiertéselisaitdanssesyeuxetKellansouritenmeserrantplusfortcontrelui.
–J’aicrucomprendre,oui.
Jeretinsunsourire:Annaavaitpassésontempsàparlerdusexedubébé,laplupartdutemps
avecunaircontrarié.Ellen’étaittoujourspasravieàl’idéed’avoirunMaximus,maiselleleserait
unefoisqu’ilseraitlà.
Kellanluitapasurl’épauleetonretournaàlavoiture.Commeàchaquefois,iln’yavaitplusla
moindretracedeleurdispute,etilsplaisantaientenquittantl’aéroport.Demoncôté,j’étaisde
nouveaucapablederegarderGriffindanslesyeux,signequemagênecommençaitàs’estomper.
EnentendantGriffindireàquelpointAnnaetSiennaétaientsexyquandellesbronzaientaubord
delapiscine,jeremerciaisilencieusementlecielqueSiennaquitteaussiLosAngelesaujourd’hui.
Ellen’avaitrienfaitdemalensoietjel’aimaisbien,maisl’intérêtqu’elleportaitàKellanmetapait
unpeusurlesnerfs.C’étaitprofessionnel,certes,maisjen’étaispasnaïveaupointdemedirequeça
n’allaitpasplusloin.Elleletrouvaitaussiséduisantquetalentueux,etmêmesiellesavaitqu’ilétait
pris,est-cequeçal’empêcheraitvraimentdetentersachance?Jen’avaisaucuneenviedele
découvriretj’étaisbiencontentequ’ellereparte.
Onserenditdirectementaustudiod’enregistrement,oùKellanetlesgarçonsdevaientfinirde
peaufinerleurschansonsavantdecommenceràtravaillersurleurduoavecSienna.J’avaishâte
d’assisteràuneséanced’enregistrement.Kellanm’avaitdéjàexpliquémillefoiscommentçase
passait,maisj’étaisimpatientedetoutvoirdemespropresyeux.Etsurtout,celafaisaituneéternité
quejenel’avaispasentenduchanteretçamemanquait.
Aprèsavoirpassélecontrôledesécurité,Kellanmeconduisitjusqu’austudiooùiltravaillait.
Fidèleàlui-même,ilavaitsaguitareàl’épauletandisqu’untasd’autresinstrumentsétaientà
dispositionaustudio.
Lasalled’enregistrementétaitungrandespaceinsonoriséconçupourobtenirlameilleure
acoustiquepossible,d’aprèscequeKellanm’avaitexpliqué.Ilyavaitunepetitecabineaufond
réservéeàlabatterie,etuneautreavecuniquementunmicroàl’intérieur,etlesdifférentessections
delapièceétaientséparéespardespanneauxcoulissantsquipermettaientd’isolerleson.Deux
guitaresétaientdéjàbranchées,etuntroisièmesocleattendaitlaguitaredeKellan.
J’étaissurexcitéed’êtrelà;unepartiedemoiavaitenvied’attraperuninstrumentetde
commenceràjouer.Dommagequejesoissinulleenmusique…LerestedesgarçonsarrivaetKellan
fitsigneàquelquespersonnesquinousregardaientàtraverslavitreavantdeposersaguitarepour
m’emmenerdanslasalledemixage.Ilmeprésentaàcinqpersonnesdifférentes,chargéesdes
arrangementsetdelaproductiondel’album.
EliétaitunproducteurtrèsréputéavecunCVlongcommelebras.Ilavaittravaillésurles
albumsdeJustinetSienna,quiavaienttousdeuxremportédenombreusesrécompenses,etcen’était
qu’unsuccèsparmitantd’autres.Ilavaitl’airdrôlementjeunepourquelqu’unquipossédaitautant
d’expérience,maisàlevoirderrièrelatabledemixage,c’étaitévidentqu’ilsavaitcequ’ilfaisait.
IltenditlamainàKellanetréalisauncheckcompliqué,puisilmefitsignedelamain.
–Alorscommeça,ilparaîtquetuasacceptédetravailleravecSienna?demanda-t-ilàKellan.
–Oui,jepensequeçapeutêtreintéressant.
–Intéressant?dit-ilenluidonnantunebourrade.Çavaêtremortel,tuveuxdire!Attends
d’écoutercequ’elleadéjàenregistré.
Jem’assissurunechaiseprèsdelaporteetregardaiautourdemoienayantl’impressiondene
pasvraimentêtreàmaplace.Kellanmesouriaitdetempsentempsmaisilétaitautravail,etil
devaitseconcentrer.Jesongeaiquejeferaisbiendem’ymettreaussietjedemandaiàundes
hommesprésentsdanslapiècesiçadérangeaitquejeresteassiselà.Ilm’assuraqueçanegênait
personneetjesortismoncarnetdemonsac.Jeprenaisunpeudetempstouslesjourspourécrire,et
j’avaisvraimentbienavancédansmonroman.Jenel’avaistoujourspasfaitlireàKellanmaisilne
memettaitpaslapression,mêmesijesentaisbienqu’ilétaitcurieux.Pileaumomentoùj’allaisme
mettreàécrire,quelqu’unm’interpella.
–Salut,Kiera,tuvasbien?
JelevailesyeuxetvisJustinVettel,lechanteurd’AvoidingRedemption,deboutdevantmoi.Je
l’avaisdéjàrencontréquelquesfoisetmeremisrapidementduchocdel’avoirenfacedemoi.
–Trèsbien,dis-jeensouriant.Qu’est-cequit’amène?
IldésignaKellan,quiétaitencoreentraindediscuteravecEli.
–Jevoulaisvoiroùenétaitl’album.
Ilétaitvraimentmignon,avecsesyeuxbleuclairetsacoupedecheveuxqueseulunrockeur
pouvaitsepermettre.Ilportaitunpoloquidévoilaitunepartiedutatouagequiallaitd’uneépauleà
l’autre,etmêmesijenesavaistoujourspascequecelareprésentait,çaavaitl’airvraimentbeau.
–OnestentraindefinirdeplanifierlaprochainetournéeetjevoudraisqueKellanvienneavec
nous.
–Iladoreraitça.Ils’estéclatéavecvous.
–C’estsûrquec’estplussympadepartirentournéeavecdesmecsavecquitut’entendsbien.
Etsinon…tupensesqueKateseraitd’accordpourvenirmevoirpendantunesemaineoudeuxsije
luiposaislaquestion?Enfin,c’estpeut-êtrebeaucoupétantdonnéque,techniquement,onnesort
mêmepasensemble.
Ilrougitunpetitpeu,etjetrouvaiincroyablequ’unestarcommeluisoitdansunétatpareilà
caused’unedemesamies.Célèbreoupas,ilrestaitungarçoncommelesautres,apparemment.
–Jepensequeçaluiplairait.D’ailleurs,ellem’ademandédetedirebonjourdesapartsi
jamaisjetecroisais,alors…Bonjour.
Jelevailesyeuxaucielenm’écoutantparler.J’étaisvraimentnullepourcegenredetruc,mais
Justinsouritetsemorditlalèvre.Soudain,jemerappelaidequelquechosequeKellanm’avaitdit.
–Jecroyaisqu’iln’yavaitquelesfemmesquipouvaientvoyagerdanslebus,paslescopines.
–Lamaisondedisquessefoutpasmaldequiestdanslebus…tantquenous,onestdedans,
dit-ilensouriantmalicieusement.Quit’aditça?
JeregardaidansladirectiondeKellan,etiltournalatêtepileàcemoment-là.Quandnos
regardssecroisèrent,jesecouailatête,avantdememettreàrire.
–Monmari.
Justinritpuismetapotal’épaule.
–Ahoui,c’estvrai!Félicitations.
PuisilalladirebonjouràKellanetjemeremisàtravailler.Quelquessecondesplustard,
j’étaisabsorbéeparmonhistoireetjen’entendaisplusrienautourdemoi.Quandunemainme
caressalegenou,jesursautaietvisquec’étaitKellan,accroupiàcôtédemoi.
–Onvacommencer.Tuesbieninstallée?
Jeluimontraimoncarnetethochailatête,etilfutdésorientéenvoyantmonsacpleinde
feuillesdepapiercouvertesdenotes.
–Situavaisunordinateurportable,tun’auraispasàtrimballeruntasdepapiersansarrêt.Je
pensequ’onvaallerfaireunpeudeshoppingtoutàl’heure.
Jesourisdelevoirsiattentionnéetjel’embrassai.
–Jepensaisquetuaimaisbienmaméthodevieilleécole.
–Etc’estlecas,dit-ilavecsaboucheàquelquesmillimètresdelamienne,maisilfaudrait
rentrerdanslevingtetunièmesiècle,Kiera.
–Venantdetoi,laisse-moirire.
–Tusaiscequinemefaitpasrire,moi?
Ilreculaetjefislamoue.Queteslèvresnetouchentpluslesmiennes?Iltapotamonbloc-
notesd’unaircontrarié.
–Quejen’aiepasencoreeuledroitdeliretonbest-seller.
–Tulelirasquandceserafini.Jeveuxquecesoitparfait.
–Jem’enfiche,moi,quecesoitparfait.
Iltouchamonfrontduboutdesonindex.
–Cequim’intéresse,c’estcequisepasselà-dedans.Jeveuxsavoircequetupensesdecequi
s’estpasséentrenous,ajouta-t-ilàvoixbasse.
Moncœurseserraenvoyantlatristessedanssesyeuxetjemecontentaidehocherlatête,ne
sachantpasquoirépondre.Peut-êtrequeçaallaitnousfairedumalàtouslesdeuxmaisj’étaisbien
décidéeàêtrehonnête,mêmesiçavoulaitdireluimontrerlesaspectslesplussombresdema
personnalité.Luis’étaitcomplètementlivréàmoi,aprèstout.
Ilsouritetmedonnaundernierbaiseravantd’allerrejoindrelesautres.Chacunmitsoncasque
ets’installa,Evanallants’isolerdanssacabinetandisqueKellans’enfermaitdanslasienne.C’était
fascinantàregarder,maisauboutd’unmoment,jecommençaiàm’ennuyer.Leprocessusexigeait
parfoisderejouerlamêmechoseplusieursfoispourensuitegarderlameilleureprise,etquandils
rejouèrentlemêmemorceaupourlasixièmefois,j’arrêtaid’écouterpourmeremettreautravail.
Quandilsterminèrentleursession,j’avaisfaitleplusdurdelapartiesurlaquellejetravaillais.
–Tuesprête?demandaKellan.
Jehochailatêteetmelevaipourm’étirer,lecorpsunpeuengourdid’êtrerestéeassiseaussi
longtemps.Lesrisquesdumétier,sansdoute.Kellanditaurevoirauxtechniciens,quiétaiententrain
d’écouterattentivementlachansonqu’ilsvenaientdefinirdemixer.Lemorceauétaitd’unequalité
incroyable,millefoisplusnetteetclairequelaversionlive,etlavoixdeKellanmedonnades
frissons.Ilsallaientavoirunsuccèsfou.
ElitapadanslamaindeKellan.
–Oncommenceraàenregistrerlanouvellechansondansdeuxjours,histoirequevousayezle
tempsdelatravaillerunpeu,d’accord?
Kellanacquiescaetmoncœurseserra.S’ilsdevaientpréparerunenouvellechansonendeux
jours,jen’allaispasbeaucoupprofiterdelui.Maiscen’étaitpasgrave,étantdonnéqu’aucunde
nousn’allaitnullepart…àpartfairelesmagasins,apparemment.
Lesdeuxsemainessuivantesfurentplutôttranquilles,dumoinsdemoncôté.J’appelaimes
parentsaussisouventquepossible,etmamèrepleuraquandjeluienvoyaiunephotodemabague.
Monpère,lui,n’arrêtaitpasdemerépéterquejenedevaisallernullepartsansêtreaccompagnéede
Kellanetjetrouvaisplutôtcomiquedevoirqu’illeconsidéraitmaintenantcommemonprotecteur.
Kellan,lui,étaitpasmaloccupé.Legroupetravaillasurlanouvellechanson,etmêmesiles
garçonsdevaientjustel’apprendre,etpaslacomposer,ilslefirentnéanmoinsenuntempsrecord.
Heureusementqu’ilsnelacomposaientpas,d’ailleurs:unefois,j’avaisassistéàundébatdetrois
heuresconcernantuneintrodetrentesecondesunsoiroùilsétaientauPete’s.Enfin,Matt,Evanet
Kellanétaientenpleinediscussion.Griffin,lui,essayaitdeconvaincrequiconquevoulaitbien
l’écouterquelelogoStarbucksfrôlaitlapornographie.
Unefoislegroupeprêt,toutlemonderetournaaustudiopourenregistrer.J’accompagnais
Kellantouslesjours,avecmonnouvelordinateurportablesouslebras,etjetravaillais
consciencieusementsurmonlivrependantqu’ilenregistraitsonalbum.J’étaisvraimentraviequenos
deuxcarrièrespuissentcoexisteraussifacilement,etenréalité,celledeKellanaidaitlamienne:son
groupe,samusiqueetsavoixm’ouvraientl’espritetlesmotsaffluaientsanseffort.Ilyavaitmême
eudesjoursoùj’avaisvoulucontinueràtravailleralorsqueluiavaitfinisajournée,maisilarrivait
toujoursàmepersuaderdefermermonordinateuretderentreravecluiàlamaison.L’artdela
séductionétaitvraimentundesesplusgrandstalents,aveclamusique,biensûr.
Àlafindumoisdejuillet,ilsavaientfinileurpartdutravailsurl’album,etc’étaitdésormais
auxtechniciensdes’occuperdumixage.Toutcequileurrestaitàfaire,c’étaitdesefaireprendreen
photopourlacouverturedel’album.Kellann’étaitpasfranchementdebonnehumeursurlaroutedu
studio.
–Jenecomprendspaspourquoiilfautqu’onsoitsurlacouverture.Çanepourraitpasêtreune
photoquelconque?Commeuncanard,ouuntrucdanslegenre?
–Uncanard,vraiment?demandai-jeenramenantunemèchedecheveuxderrièremonoreille.
Mescheveuxn’arrêtaientpasdemevolerdanslabouche.Foutuedécapotable.
–Quoi?C’estsexy,uncanard…non?
Jelevailesyeuxaucieletilsemitàrire.
–Avecleurslongsbecs,leursventresrebondis,leurspiedspalmés…Jenevoispascequi
pourraitêtreplussexy.
Jeleregardai,avecseslunettesdesoleilquilerendaientencoreplusséduisant,etpensai
immédiatementToi.Puisjefinisparéclaterderire.
–Honnêtement?Toutestplussexyqu’uncanard.
–Jepensequ’onnevapasêtred’accord,surcecoup-là…
J’allaisrépondremaismonportablesonnaàcemoment-là.Jel’attrapaiaufonddemonsacet
répondisaprèsavoirrapidementregardél’écran.
–Salut,Denny.Commenttuvas?
Kellanbaissalesondelaradioetjetripotaimonpendentifenformedeguitareenattendantla
réponse,quimettaituneéternitéàarriver.
–Çava.Ettoi?demanda-t-ild’untonclairementinquiet.
–Super.Tuasl’airbizarre,ondirait?
Kellanmeregardaaveccuriositéetjehaussailesépaules,aussiconfusequelui.
–Tuessûrequeçava?
–Oui,pourquoi?Qu’est-cequis’estpassé?
Jepensaiimmédiatementàmasœuretmonneveu.
–Annavabien?C’estlebébé?
Àtouslescoups,Anna,KateouJennym’auraientappelées’ilyavaitunproblèmeaveclebébé,
non?
–Non,ilsvontbien.Çan’arienàvoiravecça.Tuaslulesmagazines,cesdernierstemps?Ou
lessitesdepotins?
JemesentisimmédiatementsoulagéeetfissigneàKellanqu’Annaallaitbien.
–Tantmieux,j’aieupeur.Etnon,jen’aivraimentpaseuletemps.Pourquoijedevraislireces
trucs,detoutefaçon?
Dennysoupira.
–Etmerde.Jet’auraisappeléavantsij’avaissumaisjel’aiseulementvuaujourd’hui.Jene
pensepasquebeaucoupdegenssoientaucourantpourlemoment,maisjemesuisditqu’ilfallait
mieuxquetusoisavertie,histoiredesavoiràquoit’attendre.
–Dequoituparles?demandai-je,nerveuse.
–Lemoisdernier,tum’asbienditquelesgarçonsallaientfaireunduoavecSiennaSexton?
Ilditçad’unairàlafoisémerveilléetincrédule,etjepouvaislecomprendre:çamefaisaitle
mêmeeffet.Maisjenecomprenaispaspourquoiilchangeaitdesujet.
–Oui,maisc’estquoi,lerapport?
–Est-cequeKellan…passedutempsavecelle?
–Non,pourquoi?Ellen’estmêmepasàLosAngeles,elleestrepartieàLondresaprèsavoir
enregistrésapartiedelachanson.Qu’est-cequisepasse,Denny?
–IlyaunephotodeKellanetSiennaquicirculesurleWeb,etelleestaussiencouverturedes
magazines.Pourl’instant,personnen’al’airdesavoirquiestKellan,etonnevoitquasimentqueson
dossurlaphoto,maistoutlemondeparledeSiennaetdesonpetitamimystérieux.
Jecrusquej’allaismedécrocherlamâchoire.
–Quoi?Dequellephototuparles?
–Ilsontl’aird’êtresurlepointderentrerensembledansunrestaurantetelleletientparle
bras.Illaregardeensouriantetçaal’airplutôt…convaincant.
Auboutdequelquessecondes,jemerappelaidespaparazzidevantlerestaurantoùonavait
dînéavecSienna.Ilsavaientprisdesphotosdenoustroisaumomentoùonentrait,etSiennaétaitun
peutropprochedeKellan,maisjenelesavaispasquittésuninstantetilm’avaittenulamaintoutle
temps.Saufquebiensûr,çanelesintéressaitpasdemontrerça:jen’étaispersonne,tandisque
Siennaétaitunestar,etKellanétaitdésormaissonnouveaupetitamimystérieux.S’ilsfaisaientdéjà
launedesjournauxalorsquepersonnen’étaitaucourantpourlesingle,qu’est-cequiarriverait
quandlemorceausortirait?
–Çava,Kiera?reprit-il.
–Cen’estpasdutoutcequis’estpassé.J’étaislà,saufquejenesuispassurlesphotos,
murmurai-je.
L’ironiedelasituationmefitl’effetd’unegifle.Est-cequejen’avaispasvouluêtreinvisibleet
éviterabsolumentd’êtresouslefeudesprojecteurs?Réfléchisbienàcequetuveux.Ehbienc’était
lecas,maintenant.
–Ilfautquejetelaisse,Denny.Aurevoir.
–Kiera,attends!Tuessûrequeçava?
Jeraccrochaisansluirépondre.Non,çan’allaitpas.Kellancoupalecontactetjerestailà,à
fixermonportablesansriendire.C’étaitquoi,cecirque?LesgenspensaientqueKellanetSienna
sortaientensemble?Est-cequeçachangeaitquelquechosepourmoi?Non,pasvraiment.Cequele
publicpensaitn’avaitpasd’importance,carmoi,jeconnaissaislavérité.N’empêchequej’avais
l’estomaccomplètementretourné.
–Kiera,çava?
Kellanavaitl’airaussiinquietqueDenny.
–Oui,murmurai-je.
–Tuessûre?
–Pasvraiment.
–Tuveuxbienmedirecequisepasse?
Jememordislalèvreetlevail’indexpourluiindiquerquej’allaisrépondre,maisqu’ilme
fallaitunpeudetemps.Ilattenditpatiemmentencaressantlabagueàmondoigt,etlechocdela
révélationdeDennyfinitparpasser.JemetournaiversKellan:ilavaitretiréseslunettesdesoleilet
l’inquiétudedanssesyeuxétaitpresquepalpable.
–Parle-moi,murmura-t-il.
Sachantcequ’ilressentait,jemesentisunpeubête,etjesourisensecouantlatête.
–Dennys’inquiètepourmoiparcequ’ilyaunephotodetoietSiennaquicirculesurInternet.
Apparemment,elleestplutôtconvaincanteetlemondeentierpensequetuessonnouveaugrand
amourinconnu.Dennynel’apasditclairement,maisjepensequ’ilacruquetumetrompais.
Jecommençaiàriremaismonrires’étranglalorsquej’imaginaicommentceseraits’ilme
trompaitvraimentavecelle.
–Tusaisquec’estfaux,pasvrai?Ellenem’intéresseabsolumentpas,tulesais,ça?
Jehochailatêteetjecaressaisajouetiédieparlesoleil.
–Jesais.Allez,viens,allonsfairecetteséancephoto.Tupeuxpeut-êtredemanderàavoirun
canardenarrière-plan,ajoutai-jeenmeforçantàsourireetàadopteruntonjoyeux.
Jesortisdelavoitureetilfronçalessourcils.
–Kiera…
Jelevaiunemainenl’airpourl’empêcherdecontinuer.
–Jevaisbien,promis.Est-cequ’onpeutjusteparlerd’autrechose?Detoutefaçon,c’estfaux,
alorsçan’apasd’importance.
Ilhésitauninstantpuisilacquiesçaetsortitdelavoiture.
Onretrouvalerestedugroupedansunstudioàl’intérieurd’ungrandbâtiment.Lemurdufond
étaitrecouvertd’uneimmensetentureblanchequiallaitdusolauplafond,etl’endroitfourmillait
d’activité.Ilyavaitdesgenspartout,entraind’ajusterleslumières,debougerlespanneaux
réflecteurs,delisserlatentureoudemettredel’ordreparmilesaccessoiresetlemaquillage.
Onétaittousentraind’observerlechaossansriendirequandunhommedepetitetaillevêtu
d’unjeanslimetd’uncolroulésedirigeaversnous.
–Tiens,lesstarssontlà.
Àvoirlafaçondontilobservaitnotrepetitgroupeàtraversseslunettesrectangulaires,c’était
impossibledediresic’étaituncomplimentous’ilétaitcondescendant.Ilclaquadesdoigtsetune
blondeavecuneénormepoitrineapparutimmédiatement.
–Arrange-moitoutça,luiordonna-t-il.
Lablonderegardadansladirectiondesfemmesquis’affairaientaumaquillage,etcommesi
ellesvenaientderecevoirunordresilencieuxdelapartdeleurreine,ellesabandonnèrenttoutesce
qu’ellesétaiententraindefairepourvenirnousrejoindre.KellanparutagacéetGriffinsouritde
toutessesdents.
–Jenesuispassûrqu’on…commençaKellanquandlablondes’approchadeluiàgrandes
enjambées.
–Jem’appelleBridgette,interrompit-elleenluitendantlamain,etc’estmoiquivaism’occuper
devousaujourd’hui.
Ellelepritparlamainetl’entraînaversunedescoiffeuses.
–Jenepensevraimentpasqu’onabesoinde…
Ellelepoussasurlachaiseetavaitdéjàlesmainsdanssescheveuxavantqu’ilaitletempsde
finirsaphrase.Mêmesijen’étaispasenchantéedevoirunebellefemmecommeelleletripoter,je
risenvoyantlatêtequ’ilfaisait.AlorsqueBridgetteétaitentrainderéfléchiràcommentmagnifier
monmari,lephotographerevintversnous.
–Paslapeinedeforcersurcelui-ci,ilestbiencommeilest,dit-ilenregardantKellandehaut
enbas.Emmène-led’abordauxessayages.
PuisilpartitinspecterlerestedesgarçonsetKellansoupira.
QuandBridgetteetsescopineslesféeseurentfiniaveclesD-Bags,jedusreconnaîtrequ’ils
étaienttousautop.Chacund’euxétaithyperséduisant,mêmeGriffin.EtquantàKellan…iln’yavait
mêmepasdemotspourledécrire.IlétaitarrivéicivêtudesonjeanbleuIKKSetd’untee-shirtblanc,
maisàprésent,ilportaitunjeanslimdéchirépileauxbonsendroitsetunevesteencuirmarronpar-
dessussontee-shirt.Lavesteétaitsiprèsducorpsqu’elleavaitpresquel’aird’unechemisetaillée
surmesure,etelleétaitàmoitiéfermée.Elleétaitassezcourtepourlaisserentrevoirsaceinture,et
unpeudepeauaussi…Ilétaitsexyàmourir,l’imageparfaitedurockeurmauvaisgarçonqui
inquiétaittellementmonpère.Maisiln’avaitpasl’aircontent.
–Tuescanon.Qu’est-cequinevapas?
–Ellem’amaquillé.J’ail’aird’unidiot.
J’examinaisapeau:iln’avaitabsolumentpasl’airdeporterquoiquecesoit,àpartpeut-être
auniveaudesyeux.Ilsétaientplusdéfinisqued’habitudeetlacouleurressortaittellementqu’on
auraitditdeslentilles.
–Çanesevoitpasdutout.Tuesparfait.
Ilallaitsepasserunemaindanslescheveuxmaiss’arrêtajusteàtemps,etjeremarquaiqu’ilne
portaitpassabague.
–Ellem’amisdel’eyeliner…etjesuispresquesûrqu’ellem’amisdurougeàlèvres,aussi.
J’étaisincapablededissimulermonsourire.
–Tuesparfait,jetedis.Onenmangerait.
–Ahoui?Tuveuxuncroc’?demanda-t-ilenpassantsesbrasautourdemataille.
JemesentisrougiretKellanregardaautourdenousavantdesepencherversmoi.L’odeurdu
cuirmélangéàsonparfumétaitcomplètementenvoûtante.
–Onpeutpeut-êtres’esquivercinqminutes.
–Bridgettevametuersijetedécoiffe.
–Peut-être,maispensequ’àchaquefoisquetuverraislacouverturedel’album,tusauraisque
c’estàcausedetoiquejesouriscommeça.
Sesmainspressèrentdélicatementmesfessesetj’envisageaisérieusementlapossibilitéde
m’isoleravecluijenesaispastropoù,aumomentoûlephotographeclaquadesdoigts.
–Allez,toutlemonde,auboulot!
Kellanritdoucementens’écartantdemoi,etsamainglissalelongdemonbras.Jel’attrapai,
mepenchaienavantetplantaiunbaisersursajouemaquillée.
–Oùesttabague?demandai-je.
–Lamaisondedisquesneveutpasqu’onmontrequ’onn’estpascélibataires.Apparemment,ça
peutfairechuterlesventesdevingtpourcent.Enfin,c’estcequeFrankadit,expliqua-t-ilen
montrantlephotographedudoigt.
Ilhésitauninstant,puisilattrapal’anneaudanssapocheenmedécochantunsourirediabolique.
Iljetaensuiteunrapidecoupd’œilautourdelui,commes’ilétaitsurlepointdepiqueruntrucdans
unmagasin,etlemitàsondoigt.
–Jem’enfouscomplètement,enfait.Etnet’enfaispaspourcettehistoiredephotoavec
Sienna:jevaisréglerça.
J’allaisluidirequeçan’avaitpasd’importancemaisundesassistantsdeFrankletiraen
arrière.UnefoisKellanenplace,Frankcommençaàlephotographier,etjesourisenvoyantqu’à
chaqueprisesabaguebrillaitdoucement,commeunpetitsignederébellioncontrelesystème.
Auboutdequelquesminutesseulement,laséancetouchaàsafin.Lesphotosétaientsûrement
toutesgénialesetj’étaisbiencontentedenepasêtrelapersonnequiallaitdevoirenchoisirune.
Visiblementsoulagé,Kellanvintm’embrassersurlajoue.
–JevaismechangeretmepasserlafigureàlaJaveletj’arrive.
Griffinnousrejoignitàcemoment-là.
–Tucroisqu’onpeutgarderlesvêtements?demanda-t-ilenlissantsavesteencuirduplatde
lamain.
Puisilregardadansladirectiond’unedesmaquilleuseseteutunpetitsourirevicieux.
–Entoutcas,j’enconnaisunquivas’envoyerenl’aircesoir.
L’agacementqu’ilsuscitaithabituellementchezmoisetransformaenindignation.
–Tumedégoûtes,éructai-jeenluilançantunregardperçant.
Ilécarquillalesyeux,àlafoisconfusetagacé.
–C’estquoi,tonproblème?
Jeserrailespoingsetrésistaiàl’enviedeluirefaireleportrait.
–Tuvasavoirunenfantavecmasœurettucontinuesàsautertoutcequibouge.C’est
répugnant!
Ilfitunpasenavantetposasesmainssurseshanches.
–Jesuisunerockstar,etjebaiseavecquijeveux,autantquejeveux.C’estcommeçaqueça
marche.
JesecouailatêteetregardaiMatt,EvanetenfinKellan.Aucund’euxnesecomportaitcomme
Griffin.
–Justementnon,çanemarchepascommeça.
IllançaunregardàKellanetlevalesyeuxauciel.
–Pitié.Cen’estpasparcequetuastransforméKellanengentilpetitgarçonàsamamanqu’il
fautquetutesentesobligéedefairepareilavecmoi.Etpuiscen’estpascommesiAnnanesetapait
pasquiellevoulait.Est-cequetumevoispiquerdescrises,moi?
Jesavaisqu’iln’avaitpastortetqueçanemeregardaitpasmaisilétaittellement…aaarrrhg!
–Ellen’aétéavecpersonnedepuisqu’elleestenceinte,etelleneparled’aucunmecàparttoi.
Bizarrement,ileutl’airdenepasenrevenir.
–Vraiment?
Ilretournaçadanssatêteuninstantennousregardanttouràtour,puisilsetournadenouveau
versmoietlevalesbrasenl’air.
–C’estjusteducul.Qu’est-cequeçapeutfaire?
–Vousalleztouslesdeuxêtreparents,Griffin.C’estlegenredetrucquichangelavie,etAnna
estmortedetrouille.Maistoi,tueslà,àt’amuseretàsauterdesnanasdanstouslessens.Çateplaît
decoucheravecmasœur,maisest-cequetut’inquiètespourelle,aumoins?
Ilmedévisagea,levisageindéchiffrable,puisilpoussaunpetitsoupirméprisant.
–C’estbon,Kiera,jeplaisantais.Détends-toi,unpeu.
Là-dessus,iltournalestalonsetpartitsechangersousleregarddestroisautres.
–Jen’ensuispassûr,finitpardireMatt,maisondiraitbienquetuviensdeluidonnerà
réfléchir.
Ilmetenditlamainetjelaserraienriant.
–Bienjoué,madameKyle.
Ilmefitunclind’œiletdonnaunetapedansledosàEvan,puislesdeuxallèrentrejoindre
Griffin.
–C’estmignondevoirquetucontinuesàessayer,ditKellanenpassantunbrasautourdema
taille.
Jeluisourisetregardaisaveste.
–Ilaquandmêmeposéunebonnequestion.Tupensesquetupeuxgarderlesvêtements?
–Jen’enaipasbesoin,murmura-t-ilàmonoreille.Jepréféreraisplutôtm’endébarrasser,
d’ailleurs.
Jefermailesyeuxetmemistoutdesuiteàimaginersapeau,seslèvresdoucesetses
gémissements.Quandjerouvrislesyeux,ilavaitcommencéàs’éloigner,maisilcontinuaitàme
regarderpar-dessussonépauleavecunepromessebrûlantedansleregard,etmarespiration
tremblaitunpeuquandj’expirai.Ilétaitvraimenttropsexy.
10
Lebuzz
L’albumdevaitsortirletreizeseptembre,etlepremiersingleétaitlachansonqu’ilsavaient
enregistréeavecSienna.Çafaisaitdéjàlebuzzpartout,encoreplusdepuisquelesgensavaient
apprisquel’hommemystérieuxdelaphotoétaitlechanteurdugroupequifiguraitsurlenouveau
morceaudeSienna.Jenesavaispastropcommentilsavaientréussi,maislesmédiasavaient
découvertquiétaitKellan,etlarumeuravaitcommencéàéclorepartoutquelesdeuxartistesétaient
tombésamoureuxpendantl’enregistrement.Maintenantquej’étaisaucourantdecequisedisait,
c’étaitcommesijenepouvaisplusyéchapper:àlatélé,aurayonpressedusupermarché,àla
radio…j’avaisdûvoirlaphotoouenentendreparlerunmilliondefois.Ilfautdirequec’étaitun
boncliché:ilsavaientréussiàcapturerlemomentoùilssesouriaientetilsavaientvraimentl’airdu
parfaitpetitcouple.
Pouruneraisonquelconque,toutlemondeétaitexcitéàproposdeleurromanceimaginaire.Et
toutlemondemouraitd’envied’entendrelachansonquecesdeuxpersonnesauphysique
extraordinaireavaientenregistréeensemble,cequimemefittoutdesuitesoupçonnerlamaisonde
disquesdeKelland’avoirrévélésonidentité.Jelessoupçonnaismêmed’avoirditauxphotographes
oùonallaitdînercesoir-là.Toutétaitbonpourstimulerlesventes.
Kellanfaisaitdesonmieuxpourétoufferlarumeur:aprèslaséancephoto,ilavaitappelé
Siennasurlaroutedelamaison.J’avaistrouvéçabizarrequ’ilaitsonnumérodeportable.Etencore
plusbizarrequ’elleaitlenumérodeKellan.Elleavaittoutdesuitesuquil’appelait.
–Allô,Siennac’est…Oui,c’estmoi,avait-ilditaprèsunepause.
Ils’étaitmisàrireetj’avaisessayéd’écoutercequ’elledisaitmaisjen’entendaisrienàpartla
voixdeKellan.
–Tuasvulaphotodenousdeux?Oui,celle-là.Tuasdéjàpubliéundémentiouquelquechose
?
Ilavaitécoutésaréponse,sonvisages’assombrissant.
–Maislesgenspensentqu’onsortensemble.
Ildevintnerveux.
–Moi,çamedérange,avait-ilreprisenbougeantlesmainscommesielleavaitétéenfacede
lui.Parcequejesuismarié,etjeneveuxpasquelesgenspensentquetoietmoi…
Ilavaitregardéversmoietsecouélatête.
–Non,pasofficiellement,maisonseconsidèrequandmêmecommemariet…
Puiselleavaitditquelquechosequejen’avaispasentendu.
–Tunepeuxpasdirequ’onnefaisaitquetravaillerensembleetquenotrerelationestpurement
professionnelle?Merci.
Puisilavaitraccrochéetilm’avaitsouri.
–Elleaditqu’elleallaits’enoccuper.
–Ettupensesqu’ellevalefaire?
–Biensûr.Pourquoielleneleferaitpas?
Jen’avaispasvraimenteuenviedeluirépondre,maisonavaitpromisd’êtrehonnêtel’unavec
l’autre.
–Parcequejepensequetuluiplais.Parcequejepensequ’elleveutquevoussoyezliés.Parce
queçacréeunbuzzplusimportantpourlesinglesilesgenspensentquevousêtesensemble.Etparce
quejepensequ’elleesttrèsdouéepourmanipulerlepublicafind’avoircequ’elleveut.
Ilavaitgardélesilencependantunlongmoment,cequim’avaitdonnél’impressionqu’ildevait
penserquej’avaisraison,dumoinsenpartie.
–Ettupensesquecequ’elleveut…c’estmoi?avait-ilfinipardemander.
Jem’étaislaisséallercontrel’appui-têteetj’avaisfermélesyeux.Quinevoudraitpasdetoi?
Àmagrandesurprise,elleavaitpubliéunedéclarationpeuaprèsl’appeldeKellan,en
expliquantqu’elleétaitactuellementcélibataireetraviedel’être,etquel’hommeenquestionétait
«simplementunbonamiquiatravailléavecmoisurunprojetquelesfansvontadorer!».
MêmesielleavaitfaitcequeKellanavaitdemandé,jen’étaispassûrequeçachangequoique
cesoit.Personnen’avaitl’airdecroirequece«bonami»n’étaitriendeplusqueça.Ilspensaient
tousqu’enréalitéçavoulaitdire«Onneveutpasencoreannoncerpubliquementqu’onest
ensemble».Çaallaitboosterlesventes,c’étaitcertain.J’avaistoujourscruquesonpremieralbum
seraitunsuccès,maispasquecelaengendreraituntelraffut,alimentéparlesrumeursetles
spéculationsautourdelaviepersonnelledeKellanetSienna.
Quandj’enparlaiavecJenny,KateetCheyenne,ellesm’écoutèrentaveccompassion,etma
sœurmeditdenepasm’inquiéter.Jeluidemandaisielleavaitvulaphoto.
–Oui,unesemaineaprèsêtrerentrée,àpeuprès.Kellanestsupersexylà-dessus,d’ailleurs!
Dommagequ’ilneregardepasversl’appareil,ilsauraientdûattendrepourlesphotographieràla
sortie.
–Pourquoitunem’enaspasparlé?
Letondemavoixindiquaitclairementquejeluienvoulaisetellepoussaunlongsoupir.
–Parcequejesavaisquetuflipperaisetaussiparcequejesavaisquecettephotoétaitbidon.
–Toutlemondelesfaitpasserpouruncoupleettupensesqueçan’apasd’importance?
demandai-jeenscrutantlelustreau-dessusdematête,allongéesurmonlit.
–Qu’est-cequetuenasàfaire,decequelesgenspensent?Toietmoi,onsaitqu’ilnesortpas
avecelle.J’étaislàpendanttouteladuréedesonséjouretjesaisqu’ilnes’estrienpasséentreeux.
Alorsnet’enfaispas.
–N’empêchequeçamecontrarie.
Soudain,jeremarquaiunpétalederosesurl’oreillerdeKellan.Ilétaitcouleurcorailetvenait
dubouquetquelafemmedechambreavaitmisdanslesalonlaveille.Kellanétaitparticouriretil
avaitlaissélepétalepourmoiavecunmessagedessus:Jerentrebientôt.
–Parcequec’esttoiquidécidesdelaisserçatecontrarier,répondit-elled’unevoixpleinede
compassion.Neteprendspaslatêtepourunephotodébile.Qu’est-cequipeutarriver,aupire?
Elleavaitraison,biensûr.Maissavoirquelemondeentierespéraitquevotremariétaitavec
quelqu’und’autrequevous…c’étaitunpeuduràdigérer.
Quelquessemainesavantlasortiedel’album,lesgarçonsfurentpressentispourunetournée
promotionnelleexpresse.IlsdevaientserendredanslesplusgrandesvillesdepresquechaqueÉtat,
etleuremploidutempsdonnaitlevertige.C’étaitunenchaînementnon-stopd’avions,d’interviewsà
laradioetdeconcertsprivés,etilsdevaientparfoisfairetroisvillesdifférentesdanslamême
journée.J’étaisépuiséerienqu’enregardantl’itinéraire,maisaumoins,sionsurvivaitàça,la
tournéenoussembleraitunjeud’enfants.
LeurpremièreinterviewétaitpouruneradiobienconnuedeLosAngeles,ouplutôtlaradio
numérounenville.Lesingledevaitêtrediffusépendantl’interviewetj’avaisl’estomacnoué.Même
siçaallaitremettredel’huilesurlefeurapportàl’histoireentreKellanetSienna,jemourais
d’impatienced’entendrelavoixdeKellandiffuséesurlesondes.
Sachantqu’onallaitêtreprisdansunvraitourbillon,Kellanetmoiessayionsdesavourerle
moindremomentpasséàdeux.IlmefitvisiterlavilleetmemontracertainsdesbarsoùlesD-Bags
avaientjouéàleursdébuts.Jel’imaginaistoutàfaitfraîchementsortidulycéeetmettantenémoi
touteslesstarlettesdeHollywood.Àcemoment-làaussi,sonagendaavaitdûêtrechargé…
Ilmefitaussifaireletourdesattractionstouristiques–Disney,Seaworld,leWalkofFame–,
maislesmomentsquejepréféraisétaientceuxoùonsedoraitlapiluleausoleilauborddela
piscine,surtoutquandtouslesautresétaientabsentsetqu’onn’étaitquetouslesdeux.Parunmatin
ensoleillédelami-août,quelquesjoursavantcequidevaitêtrel’explosiondelacarrièredeKellan,
j’étaistranquillementassisesurlesmarchesblanchesquimenaientàlapiscine,entrainderegarder
l’eauturquoiseclapoterautourdemeschevilles.Unelégèreodeurdechloreetdecrèmesolaire
remplissaitmesnarines,etàpartquelquesoiseauxdansunarbre,toutétaitsilencieux.Jesavourais
pleinementcemoment,sachanttrèsbienqueçanedureraitpas.
Uneformesombres’approchademoisousl’eau,etdesmainsattrapèrentmesjambes.Puis
Kellansortitlatêtedel’eauetmefitungrandsourire.
–Salut.
–Salut,répondis-jelesourireauxlèvres.
Ilavaitlescheveuxramenésversl’arrièreetdesgouttesd’eauruisselaientsursonvisage.Avec
lesoleilquisereflétaitdanssesyeux,ilétaitmagnifique,etàcetinstant,jel’avaispourmoitoute
seule.
Jepassaimesmainsautourdesoncouensoupirantetentouraisatailledemesjambespar
réflexe.Ils’agenouilladansl’eautièdeenm’entraînantaveclui,etjesentisunesatisfactionimmense
m’envahirenlaissantallermatêtesursonépaule.
C’estlemomentquechoisitGriffinpoursortirdelamaison.Ilavançajusqu’auxmarchesense
grattantlatête,commes’ilréfléchissaitàcomments’yprendre,puisilfinitparhausserlesépauleset
tapersurlerailquicouraitlelongdesmarches.
–Quoi?demandaKellan.
–Lemecdelamaisondedisquesestlà.Ilveutteparler.
–Quelmec?
Griffinhaussadenouveaulesépaulestoutenenprofitantpourmereluquer.
–Aucuneidée.Celuiquiselaraconteavecsoncostume.
–Nick?Levice-président?
–Situledis.
Kellanmeregarda.Ladernièrefoisquelevice-présidents’étaitdéplacé,çaavaitétépour
offriràKellanuneopportunitéexceptionnelle,etj’avaisl’impressionquecequil’amenait
aujourd’huiétaittoutaussiimportant.Alorspourquoijemesentaisaussianxieuse,d’unseulcoup?
Kellansortitdel’eau,sesécharapidementetpassauntee-shirt.Jel’imitaietenfilaiunshort.
J’auraisaiméêtreplushabilléequeçamaismondébardeuretmescheveuxmouillésdevraientfaire
l’affaire.Jepréféraisnepasfaireattendrel’hommequiavaitledestindemonmarientresesmains.
Griffinnousemmenaenhaut,làoùonavaitrencontréNicketSiennaladernièrefois.Au
momentoùj’allaisentrerdanslapiècederrièreKellan,Griffinm’attrapaparlecoudeetjemeraidis
immédiatementenlevantlesyeuxverslui.
–Annaditquetunem’aimespas,dit-ild’unaircontrarié.C’estvrai?Jepensaisqu’onétait
potes.
Jedégageaigentimentmonbras,toutenmedemandantpourquoiilvoulaitmeparlerdeça
maintenant.
–Oui,onestpotes…biensûr.
Resteàl’extérieurdemachambre,nemetouchepasetarrêtedeprendremasœurpourune
idioteetceseraparfait.
Sonregardsedurcitetilcroisalesbrassursapoitrine.
–Tumens.Jenecouchepasavectoi,alorsjen’enaipasgrand-choseàfoutredecequetu
pensesdemoi,maisj’aimeraisbiensavoirpourquoitunepeuxpasm’encadrer,étaitdonnéquej’ai
toujoursétésympaavectoi.
Sympa?Ilappelaitçacommeça?Jemeretinsdeleverlesyeuxaucieletregardaipar-dessus
sonépaule:jepusvoirKellanserrerlamaindeNick,etj’avaisvraimentenviedesavoircequ’ils
sedisaient,aulieuderesterlààparlerpourneriendireavecGriffin.
–C’estparcequej’aiditquetoutcequim’intéressait,c’étaitdem’envoyerenl’air?C’était
pourdéconner.
Jeplissailesyeuxsanslevouloirenreportantmonattentionsurlui.
–Non,tunedéconnaispas.Tuesvulgaire,infect,etunplusgrandbaiseurquecequeKellana
jamaisété!
Ilmeregardaavecsonairquivoulaitdire«Maisbiensûr»,maisjecontinuai.
–Tureprésentestoutcequejedétestechezlesrockstars.Lafête,lesfilles,lesexe…tuestout
cequej’aipeurqueKellandevienne!
Ilmedonnaunpetitcoupdansl’épaule.
–Alorscen’estpasvraimentavecmoiquetuasunproblème.SituaspeurdecequeKell
pourraitfairequandtun’espasdanslecoin,c’estavectoiquetuasunproblème.Annanem’a
jamaisdemandédegardermabraguettefermée,onn’ajamaisétéexclusifsetellesefoutd’avecqui
jecouche.Alorsqu’est-cequeçapeuttefaire,àtoi?Etpuisqueçat’intéresseautant,j’aicouché
avecseulementcinqnanascetteannée,etavecpersonnedepuisqu’Annam’aditqu’elleétaiten
cloque.Alorsoui,jetiensàelle,etjecroismêmequejesuisamoureuxd’elle,situveuxtoutsavoir!
Là-dessus,iltournalestalonsetrentraentrombedanslapièce,etjeleregardai,souslechoc.
Est-cequeGriffinvenaitvraimentdemefairelaleçon?Est-cequec’étaitunsigneprécurseurde
l’apocalypse?Celadit,iln’avaitpastortsurtoutelaligne…Sijenel’aimaispas,c’étaiten
majeurepartieparcequej’avaispeurqueKellannedeviennecommelui.MaisKellanétaitdifférent:
ilsétaientcommelejouretlanuit.Griffinétaitcruparfois…maismasœurétaitpareille,etje
l’adorais.Etmerde.Maintenant,j’allaisdevoiressayerpourdevraidebienaimerGriffin.Eten
plus,ilvenaitdedirequ’ilaimaitAnna.J’enavaisvraimentpourmonargent,aujourd’hui.
JefinisparlesrejoindreenpensantqueriendecequeNickpourraitdirenemechoqueraitplus
quelespeechdeGriffin.EntourédeMattetEvan,KellanétaitassisdansuncanapéenfacedeNick.
Ilyavaitpileassezdeplacepourmoietj’allaim’asseoiràcôtédeKellan,toutenayant
l’impressiond’arrivercommeuncheveusurlasoupe.QuantàGriffin,ilselaissatombersurune
chaiseenfacedenous.
Nicks’interrompitpourmelaisserm’installeretjemesentisrougir.Ildevaitbienfairetrente
degrésdehorsmaisilétaitquandmêmeencostumetrois-pièces,sûrementunArmaniquiavaitdûlui
coûterlapeaudesfesses.Ilavaitl’airplutôtjeunepourunvice-président,trente-cinqanstoutau
plus,signequ’ildevaitêtrelegenred’hommeconfiantetambitieuxquiavaitl’habituded’obtenirce
qu’ilvoulait.
Unefoisquejefusassise,Nickmesouritbrièvementetmeregardadehautenbasavantde
reprendrelaparole.
–Jevoisquevousfaitesbonusagedelamaison.Vousavezraison:ilfautvousreposertantque
vousenavezlapossibilité.
Kellanmejetaunregardethochalatête.
–J’aiunebonnenouvelle,continuaNick.Uneexcellentenouvelle,même.
Ilsepenchaenavantettapadanssesmains,etjeremarquaiqu’ilneportaitpasd’alliance.
–DiedrickKrausvientd’accepterderéaliserleclipde«Regretfully».
Envoyantquepersonnenedisaitrien,ilsourit.
–Vousn’avezpaslamoindreidéedequiils’agit,c’estça?
–Désolé,ditKellan.
–DiedrickKrausestungénie.Ilaréalisécertainsdesplusgrandsclipsdenotreépoque,maisil
esttrèssélectifdanssescollaborations.Onluiafaitécouterlachanson,etilveutfaireleclip.Ila
mêmeinsistépours’enoccuper.IlestdisponibleàlafindumoisetSiennaauncreuxàcemoment-
là,donconvacalerçapendantlatournéepromotionnelle.Ondiraitquelesplanètessesont
alignées!
Kellanétaitbouchebéeenregardantlesautres.
–Onvatournerunclip?Lesgensregardentencorecegenredetruc?demanda-t-ilàNick.
Celui-cifronçaimperceptiblementlessourcils.
–Oui.Etaveccelui-ci,onvafrappertrès,trèsfort.
–C’est-à-dire?
–Onvacréerunbuzzdefolie.Depuisquelepublicavucettephoto,toutlemondeveuten
savoirplussurlenouveaumecdeSienna.
–Saufquejenesuispassonnouveaumec.
Nicknerelevapassaremarque.
–Onvaverserdel’huilesurlefeuetatterrirnuméro1desventes.
Moncœurseserradevantl’airavidedeNick.Jen’étaispassûredecequ’ilvoulaitdireparlà,
maisj’étaissûrequeçan’allaitpasmeplaire.
–Qu’est-cequevousvoulezdire?demandaKellanprudemment.
–Onvajouersurlecôtéromantiquedelachansonettournerunclipsupersexy.Descorpsnus,
desbaiserspassionnés,desgémissements,onvamettrelepaquet.Lesgensaurontbesoindeprendre
unedouchefroiderienqu’enregardantlavidéo,ajouta-t-ilenfaisantunclind’œilàKellan.Lebuzz
autourdetoietSiennavaatteindredessommets.
J’avaisenviedemeleveretdehurleràcetypequec’étaithorsdequestion,maisjesavaisque
jen’avaisrienàdirealorsjeserrailesdents.
–Saufquelachansonparled’unerupture,fitremarquerKellan.
–C’estvrai.Ettouteslesgrandesrupturescommencentparunehistoired’amourenflammée.
Toutlemondegardalesilencependantunmoment.EvanetMattmedévisageaientetGriffin
souriaitdetoutessesdents.Jenesavaispass’ilétaitcontentpourleclipouparcequ’ilallaitvoir
KellanetSiennatournerunescènequiluidonneraitenviede«prendreunedouchefroide».
Sûrementunpeulesdeux.
–Jesuismarié,finitpardireKellan.Jenepeuxpasfaireça.
–Moi,jepeux!proposaimmédiatementGriffin.
Nickl’ignoraetregardaKellanavecunetellefroideurquej’eneuslachairdepoule.Iln’avait
vraimentpasl’habitudequ’onluidisenon.
–Jenetedemandepasdecoucheravecelle.Ça,c’esttoiqueçaregarde.
Ilsouritetregardaversmoi,puisilsetournadenouveauversKellantandisquejerougissais.
–Toutcequejetedemande,c’estdetournerunclipavecellepourunechansonquevousavez
déjàenregistrée,etdontonpossèdelesdroits,aupassage.
Unsourirefroidnaquitsurseslèvres,puisils’adossadanslecanapéetposasesmainssurses
hanchescommes’ilallaitselever.
–Divertirlesmassesfaitpartiedetafichedeposte,etparfois,çainclutdedevoirjouerla
comédie.Sionavaitsuquetuseraisaussi…réticent,onn’auraitpassignédecontrat.
Ilseleva,etsepenchasurKellancommes’ilvoulaitl’intimider.
–Toutcequejetedemande,c’estdesourireetdefairetonputaindeboulot.Etaucasoùtu
n’auraispasencorecompris:cen’estpasvraimentunequestion.
Savoixglacialesetut,etils’enalla.
Unsilencepesantflottadanslapièceaprèssondépart.Onauraitpuentendreunemouchevoler.
Commeonauraitpus’yattendre,Griffinfutlepremieràintervenir.
–Mec!TuvastournerunclipchaudavecSiennaSexton!Laclasse!
Illevalamainenl’airpourtaperdanscelledeKellanetjeleregardaiensilence,souslechoc.
Kellanlefusilladuregard,puisileutl’airdesedirequeçaneservaitàriendesedisputeravec
Griffinetbaissalesyeux.
Ilrestasilencieuxencoreunmomentavantdeseleverd’unseulcoup,etsonexpressionse
durcit.
–Toutça,c’estdesconneries.
Puisilquittalapièceàsontour.
–Kellan?appelaEvan.
Kellanneréponditpas.Lespoingsserrés,ilpartitsansnousjeterunregard,etonselevatous.
–Qu’est-cequ’ilvafaire?demandaMatt.
Personnenerépondit,etjesentislapeurm’envahir.Jesavaisexactementcequ’ilallaitfaire.Il
allaitfairecequ’ilfaisaittoujoursquandleschosesdevenaienttropcompliquées:ilallaitprendrela
fuite.
Jesortisàmontouretlesgarçonsmesuivirent.Kellann’étaitpasdansl’escalier,etpourune
fois,lavuesurlapiscinenem’impressionnapas.J’étaistropoccupéeàmedirequej’allais
sûrementdevoirfairequelquechosequejenevoulaispasfaire.J’allaisdevoirleconvaincre
d’embrasseruneautrefemme.Etpasseulementl’embrasser:simulerunescènedesexe.
Jefinisparletrouverdansnotrechambre.Ilavaitl’airfurieuxetilétaitentraindefourrerdes
vêtementsdanssonsac.Monsacvideétaitàcôtédusienetunepartiedemoieutenviede
commenceràemballermesaffairesetd’acceptersadécisionsansriendire.Maiscen’étaitpasla
solution.
–Qu’est-cequetufais?demandai-je,bientôtrejointeparlesgarçons.
Illevalatêteversmoi,deséclairsdansleregard.
–Faistonsac.Onrentreàlamaison.
–C’estquoi,cebordel?s’écriaGriffin.
Evanmitunemainsurl’épauledeKellanpourlecalmermaisKellanlerepoussa.
–Onasignéuncontrat,intervintMatt.Onnepeutpaspartircommeça.
–Qu’ilsnouscollentunprocèsaucul,alors!Horsdequestionquejefasseçapoureux.Je
retourneauPete’s.Vousmesuivezoupas?
Jesavaisquetoutçaétaitmafauteetjesentismoncœursurlepointd’exploserdansma
poitrine.
–T’esvraimentuneputaindemauviette,ditGriffin.
Kellans’avançaversluid’unairmenaçantetEvans’interposa.IlpritKellanparlesépauleset
MattposaunemainsurlapoitrinedeGriffinpourlefairereculer.Ilyavaittellementdetensiondans
lapiècequejesavaisqueriendeconstructifneressortiraitdetoutça.Kellanavaitbesoinqu’onle
calme,pasqu’onleconfronte,etàcemomentprécis,j’étaislaseulequipouvaislefaire.Jedétestais
avoircepouvoir,surtoutqueçanem’auraitpasdérangéederetournerauPete’s…
–Vouspouveznouslaisser?demandai-jeauxautressansquitterKellandesyeux.
Kellanmeregarda,furieux,etEvanserramonbrasavantdequitterlapièce.
–Mets-luiunpeudeplombdanslacervelle,c’estluiquiracontedesconneries!criaGriffin
avantqueMattnel’entraîneàl’extérieurdelapièce.
Quandj’entendislaportesefermer,jefisunpasversKellan.Maintenantquelesautresétaient
partis,iln’avaitplusquemoipourdéversersacolèreetsafrustration,maisj’étaisprête.J’avais
subisesattaquesplusd’unefois.
–Toiaussi,tuvasmetraiterdemauviette?Tupensesquejedevraisaccepteretmelafaire
pourprouverjenesaispasquoi?
Jemeraidisunpeusanspourautantmefâcher,carjesavaisquecen’étaitpasvraimentcontre
moi.Jemerapprochaideluietluiprislesmains.
–Tunepeuxpasabandonnermaintenant.
–Tuasentenducequ’ilsveulentmefairefaire?
–Oui.Etçanemedérangepas.
–Quoi?Çanetedérangepasdemevoirm’envoyerSiennaenvidéo?
Jepassaimesbrasautourdesoncouetileutl’airdesedétendreuntoutpetitpeu.
–Bon,direqueçanemedérangepas,c’estpeut-êtreunpeuexagéré.Maisonestobligés.
Ilsecoualatêteetpassasesbrasautourdemataille.
–Non,onn’estpasobligés.Jeneveuxpastefairedumal,etsij’accepte,jesaisquejevais
t’enfaire.
–Saufquejerefusequetuabandonnestesrêvesàcausedemoi.
Ilsecoualatêteetdétournaleregardmaisjel’attrapaiparlementonpourl’obligeràme
regarder.
–Tuessiprèsdubut.Tudoisjustefairecetrucpourfairedécollertacarrièreetcelledu
groupe.Etaprès,unefoisquetuaurasremplilestermesdetoncontratetquevousserezlegroupe
quetoutlemondes’arrache,vousn’aurezqu’àsignerailleurs.
Ilsouritetjefussoulagéedevoirquesabonnehumeursemblaitrevenir.Maisilnetardapasà
reprendreunairsérieuxetàsoupirerlonguement.Ilgardalesilencependantunlongmoment,etje
pouvaisvoirqu’ilréfléchissaitàcentàl’heuretoutendigéranttoutcequivenaitdesepasser.Quand
ilrepritlaparole,savoixétaitàpeineaudible.
–Jeneveuxvraimentpaslaissertomberlesgarsetjecomprendscequetuveuxdire.Mais
quandj’aiditquetuétaistoutpourmoietquelesautresfillesnem’intéressaientplus,j’étaissérieux.
Jeneveuxmêmepaslatoucher.
–Jesais,etc’estpourçaquejet’aime.Maisiln’yapasderaisonqueçanousaffecte.Tu
restesmonmari,jerestetafemme,etjouerlacomédiedevantunecaméranechangerienàça.
D’accord?
Ilhochadoucementlatêtepuissoupira.
–Jenesaismêmepassijesuiscapabledetournerunescènepareilleavecquelqu’und’autre
quetoi.
–Etmoi,jesuissûrequesi.Tun’aurasqu’àimaginerquec’estmoi.Ceneseraitpasla
premièrefois.
Jeluisourispourluifairecomprendrequejeletaquinais,etilmesouritàsontouravantdese
rembrunir.
–Tuveuxvraimentquejefasseça?
Jememordislalèvre.Est-cequec’étaitvraimentcequejevoulais?Non.Jen’avaisaucune
enviedelevoirdanslesbrasdeSienna.Maisjevoulaisqu’ilréussisse,etpasqu’illaissetout
tomberàcausedeça.
–Oui,finis-jepardire.
Ilfermalesyeuxenhochantlatêteuneseulefois,etjel’embrassaidoucementtoutendétestant
l’idéequequiquecesoitd’autrepuisselefaire.
–Parcontre…
Ilrouvritlesyeux.
–Siçadoitvraimentsefaire,jeveuxêtrelà.Jeveuxvoir.
–Alorsça,certainementpas.
–Illefaut,Kellan.
–Pourquoituveuxassisteràça?murmura-t-il.
Parcequejesuiscomplètementmaso.
–Parcequesij’imagineaulieudevoir,ceseraencorepire.
–Kiera,dit-ild’unairsuppliant,jen’aivraimentpasenviedefaireça,etsijelefais,jeveux
quetusoisleplusloinquepossible.Jeneveuxpastefairedumal,etsilesrôlesétaientinversés,je
nepourraispassupporterdetevoiravecunautre.
–Tum’asdéjàvue,pourtant,murmurai-jeensourianttristement.
Ileutl’airtellementmalheureuxquecelamebrisalecœur.
–Jet’aime,dis-jeavantdel’embrasser.
Pourluifaireoubliersatristesse,jel’embrassaiencoreetencoreetsarespirationfinitpar
s’accélérer.Ilpassasesmainsdansmescheveux,salanguetitillantlamienne,etungémissementvint
perturberlesilencequirégnaitdanslapièce.Puiscefutluiquipoussaunpetitgrognementetje
glissaimesmainsimpatientessoussontee-shirt.J’avaisbesoindefairetombertouteslesbarrières
entrenous.Maintenant.
Ils’écartademoipourretirersontee-shirtpuisseslèvresrencontrèrentdenouveaules
miennes.Jesuivisduboutdesdoigtslescontoursdesesmusclesquejeconnaissaissibien,puisje
tiraisurl’élastiquedesonshortdebainencoremouillé.Kellanm’aidaàl’enlever,etuneseconde
plustard,ilétaitcomplètementnudevantmoi.
Jelaissaimonregardsepromenersurceluiquim’appartenaitcorpsetâme.Siennaallaitpeut-
êtrepasserunmomentaveclui,maisellenesauraitjamaiscequec’étaitqued’êtrevraimentavec
Kellan.L’espaced’uninstant,jefuspresquedésoléepourelle.Presque.
Lesoufflecourt,jepassaimesbrasautourdesoncouetl’attiraiverslelit.Àlasecondeoù
mondostouchalematelas,ilsemitàmedéshabiller.Monshortallarejoindrelesien,bientôtsuivi
demondébardeur,etjegrognaiquandmapoitrineseretrouvadécouverte.Saboucheserefermasur
lapointed’undemesseinsetjem’abandonnaiàquelquechosequ’ilnepourraitjamaisfaireavec
elledansunfilm,etencoremoinsdansunclipinterditauxmoinsde12ans.
Kellanenroulaunedemesjambesautourdesatailleetglissaimmédiatementenmoi,et
j’enfonçaimesdoigtsdanssachairenrâlantsansdoutebeaucouptropfort.Ilinspiraensifflantentre
sesdents.
–MonDieu,Kiera…murmura-t-ilavantdecommenceràbouger.
Peut-êtrequec’étaitàcausedetouteslesémotionsqu’onvenaitd’éprouver,maisj’avais
l’impressionquejedébordaisd’uneénergienouvelleetquechaquesensationétaitdécuplée.Cequi
sepassaitàcetinstantn’appartenaitqu’ànous,etSiennan’yauraitjamaisaccès.Etmêmesielle
étaitàdesmilliersdekilomètres,jecriaiscommesielleétaitdanslapièceàcôté.
Kellanenfaisaitautant,etilnenousfallutpaslongtempspourapprocherdupointdenon-retour.
Ontremblaittouslesdeux,notrepeaucouvertedesueur,etquandl’orgasmeexplosaenmoi,je
plantaimesonglesdansledosdeKellan.Pasaupointdelefairesaigner,maissuffisammentpour
qu’ils’ensouvienneunmoment.C’étaitmamanièrederappelerquionétaitetcequ’onavait
traversé.Kellanenfouitsonvisagedansmoncouetcriatandisqu’unfrissonleparcourait,signequ’il
étaitentraindejouiràsontour.
Non,Siennan’auraitjamaisaccèsàça.Sapâleimitationdecemomentn’arrivaitpasàla
chevilledelaréalité.
Àboutdesouffle,Kellanroulaàcôtédemoietsouritquandjel’embrassaisurlajoue.Puisil
fermalesyeuxetjeleregardaisereposer,fascinée.Iln’arrêtapasdesourire,maissarespirationse
fitbientôtplusrégulièreetlente.Ilfinitpars’endormir,etjemesentislégèrementeuphoriquede
savoirquej’avaislepouvoirdelecalmerautant.Maisquandjememisàpenseraumercredi,ma
bonnehumeurs’envola.Peut-êtrequeSiennanevivraitpasçaaveclui,mais,etsilavidéoleur
donnaitenvied’allerplusloin?Est-cequej’étaisentraindefaireuneerreurmonumentale?
Jemeglissaigauchementhorsdulit,bordaiKellanetenfilaidesvêtementspropres.Puisjepris
sonportablesurlatabledenuitetquittailapiècesansfairedebruit.Unefoisdanslesalon,je
m’attendisàtombersurlesautresD-BagsimpatientsdeconnaîtrelaréponsedeKellan.Maisenme
repassantlascène,jemerendiscomptequ’onn’avaitsansdoutepasététrèsdiscretsetqu’ils
devaientdéjàsavoirquejel’avaisfaitchangerd’avis.Jesentislerougememonterauxjouesmaisje
parvinsànepasmesentirgênée.Aumoins,personnenenousavaitsurpris,cettefois.
J’allaisrejoindrelaterrassequandGriffinsortitdesachambre.Jem’immobilisaienme
demandantquelcommentaireobscèneilallaitbienpouvoirmesortir,maisilmesouritfièrementen
montrantlaportedemachambre.
–T’ascouchéavecluipourleconvaincre?Excellent.
J’eusenviedeletraiterdeporcetdequitterlapièce,maisjem’étaispromisdefaireuneffort
pourêtresympaaveclui,alorsjehaussailesépaules.
–Jel’aifaitchangerd’avisàproposdelavidéo…maismaintenant,j’aipeurd’avoircommis
uneerreur.
Ilsepassaunemaindanslescheveuxetjemerendiscomptequec’étaitlapremièrefoisqu’on
avaituneconversation.C’étaitvraimentbizarre,etjen’avaisaucuneidéedecequ’ilétait
susceptiblederépondre.
–Net’enfaispaspourça.Vousn’êtespasdugenreàpartageralorsçam’étonneraitqu’ilfasse
quoiquecesoitavecelle.
Ilmefitunclind’œil,quebizarrementjetrouvaicharmantaulieudedégoûtant.
–Kellansaitdequelcôtépenchesabite.
–Merci…enfin,jecrois,murmurai-jeenmesentantétrangementrassuréeparsonexpression
absurde.
Ilritavantdequitterlapièce.
–Pasdequoi,Kiera.
Jemedemandaisijenevenaispasd’entrerdansunedimensionparallèleoùj’encourageais
Kellanàsortiravecd’autresfillesetoùGriffinmeréconfortait.Ilallaitsepasserquoi,ensuite?
AnnaetDennyallaientdéciderdesemarieretd’éleverl’enfantdeGriffincommesic’étaitleleur?
L’idéemefitriretouteseulequandjesortis.Aucunechancequecesdeux-làsemettentensemble.
Lesmainsmoites,jememisàfairelescentpassurlaterrasse.Elledonnaitsurlapiscinede
derrièreetjepouvaisvoirMattetEvantremperlespieds,chacunsursonportable.Ilsétaient
sûremententraind’écrireàRacheletàJennyetdeleurparlerduclipavecSienna.Jegrognai
intérieurementetfisdéfilerlalistedescontactsdeKellanjusqu’àcequejetrouvelenumérode
Sienna.Kellanétaitàmoi,etjen’avaispasl’intentiondelaisserlaplaceàquelqu’und’autre.
Elleréponditpresqueimmédiatement.
–Kellan,quellebonnesurprise!Qu’est-cequejepeuxfairepourtoi,chéri?
Sontonaffectueuxm’agaça,maisj’essayaidenepasypenser.Elleappelaittoutlemonde
«chéri».
–Enfait,c’estKiera.
–Ah.Ehbienqu’est-cequejepeuxfairepourtoi,Kiera?
Ilyaavaitunepetitenotededéceptiondanssavoix,maissapolitesseenjouéeladissimulait
presqueàlaperfection.
–Jevoulaisjustetedirequej’aiconvaincuKellandefaireleclipavectoi.
Cettefois,ellefutincapabledecachersadéception.
–Ilnevoulaitpastournerleclip?
Jesoupirai.Jedétestaidevoirlaréconforter,elleaussi.
–Iln’étaitpasd’accordaveclesidéesduréalisateur.Ilnevoulaitpastournercegenredescène
avectoi,maisjeluiaiditque…çaneposaitpasdeproblème.
–Iladûtedemanderlapermission?Commec’est…mignon.
L’amusementdanssavoixétaitévident.SiennaSextonn’avaitsansdoutepaspourhabitudede
demanderlapermissionpourquoiquecesoit.
J’hésitaiàl’envoyerpromener,maisjenevoulaispasvraimentdéfendreKellan,etdetoute
façon,cen’étaitpaspourçaquej’appelais.
–Leplusimportant,c’estqu’ilsoitd’accord,finalement.Jevoulaisjustetedemanderquelque
chose…
Jeprisunegranderespiration.
–Est-cequej’aifaituneerreurenl’encourageant?Tuasl’habituded’obtenircequetuveux,
alorsdefemmeàfemme,réponds-moifranchement:tuveuxmonmari?
Ilyeutunelonguepauseàl’autreboutdufiletmonestomacsetorditaffreusement.J’étais
persuadéequ’elleallaitdireoui.
–Oui,dit-elleenfinsanssurprise.Maispasdelafaçonquetucrois.
Ça,çamesurprit.J’étaispeut-êtrenaïve,maisqu’est-cequ’ilpouvaitbienyavoircommeautre
façon?Ellecontinuasansquej’aiebesoindeluidemanderdes’expliquer.
–Macarrièrestagne,etj’aibesoindeKellanpourlarelancer.Êtreavecluiencouverturedes
magazinespeople,mêmepoursipeudetemps,tun’imaginespaslesrépercussionsqueçaaeu.J’ai
déjàreçupleindepropositionsdecollaborationavecd’autresartistes,etonm’aproposéunscript
pasplustardqu’hier.Alorsoui,j’aidésespérémentbesoindeKellan…maisjustepourlebuzz.
–Oh,chuchotai-je.
–Tuavaisbesoind’autrechose,chérie?
–Non,dis-jeenayantl’impressiond’avoirlatêtequitournait.Mercidetafranchise.
–Pasdequoi.Salut-salut!
ElleraccrochaetjegardailesyeuxrivéssurleportabledeKellanpendantunlongmoment.Est-
cequejelacroyais?Est-cequejepouvaisluifaireconfiance?Seull’avenirmeledirait.
11
Lamachineestlancée
L’airvibraitautourdenouslaveilledulancementdusingle,etKellanenoubliaitpresqueses
scrupulesàl’idéeduclipqu’ildevaitbientôttourner.Toutlegroupeétaitsurdescharbonsardents,
commedesenfantssurexcitéslematindeNoël,etcommetoujoursdanscesmoments-là,ilsse
défoulaientsurleurtêtedeTurcpréférée:Griffin.Pendantquejetravaillaisfiévreusementsurmon
livre,ilsétaientagglutinéedevantlaconsoleetjouaientàHalo.Griffinsemblaitêtreleurcibleà
tous,mêmes’ilsnes’étaientpasmisd’accordexplicitement.Lesinsultesetlesjuronsvolaientà
mesurequ’ilperdaitsoncalme.
–Tuvasarrêterdemebuter,oui?demanda-t-ilàMatt.
Lesyeuxrivéssurl’écran,Mattfitdesonmieuxpournepassourire.
–Désolé,jen’aipasfaitexprès.
–Evan,tum’astouchéenpleinetête!
Evanaussiretintsonrired’exploser.
–Mince,désolé!
–Putain,Kellan,apprendsàviser!
Kellann’étaitpasaussidouéquelesautrespourcachersajoieetilsemitàrire.
–Bandedenases,ditGriffinenjetantsamanette.
Toutlemondeeutunfourirequandilquittalapièceaupasdechargemaislaliessecessa
quandilréapparutdeuxminutesplustardavecdeuxpistoletsàeauchargésàrasbord.
–Creveztous,bandedeconnards!cria-t-ilavantdecommencerànousarroser.
Jecriaienessayantdeprotégermonordinateurportabledumieuxpossibleetlesgarçonsse
dispersèrentenpoussantdeshurlements.Griffinéclatad’unrirediaboliqueetselançaàlapoursuite
deMatt,quiseprécipitadansl’escalier.Evanressortitdesachambrearmédebombesàeauet
courutaprèsGriffinenpoussantuncrideguerre,suivideKellanhilare,etjedésesperaienassistant
aucarnage.Lesmecs,touspareils.
Ilyeutunesuccessiondebruits,d’éclatsdevoixetd’insultes,etlaplupartvenaientdeGriffin.
–Letuyaud’arrosage,c’estdelatriche,Kellan!
Quandilsrevinrenttroisquartsd’heureaprès,ilsétaienttoustrempés.
–Sivouscroyezquejevaisnettoyer,vousvousfourrezledoigtdansl’œil,dis-jeencroisant
lesbras.
Kellansecoualatêteensouriant.
–Net’inquiètepas,lafemmedeménagevientdemainmatin.
Puisilseretournaetdévoilaleseaud’eauqu’iltenaitcachéderrièresondos.
–Non!eus-jeletempsdecrieravantqu’ilnemebalancelecontenuduseauàlafigure.
Trempéeetglacée,jemelevaienhurlant.
–Jevaistetuer,KellanKyle!
Jemelançaiàlapoursuitedemonfuturex-marietGriffinsouritquandjepassaiàcôtédelui.
–Disdonc,elleestfougueusequandelleestenpétard,c’estsexy!
Inutiledepréciserqu’onallatoussecoucherbientroptard,enégardàl’interviewàl’aubele
lendemain.Aprèsleurpassageàl’antenne,ondevaittoutdesuiteprendrel’avionpourentamerla
tournéepourlapromodeleuralbum.Lamachineétaitlancée,qu’onsoitprêtsoupas.
Quandondescendittranquillementaurez-de-chausséelematinavecnossacs,Nickétaitdéjàlà.
–Vousêtesprêts?
Kellanhochalatêteenbâillantetjel’imitai.Nicknoussouritpuisfitungesteendirection
d’unefemmequisetenaitàsadroite:c’étaitunegrandeblondeauxjambesinterminables,tiréeà
quatreépingles,elleaussi.Sonvisageétaitsévèreetimpassible,etellen’inspiraitpasvraimentla
sympathie.
–JevousprésenteTory,c’estellequiseraresponsabledetoutesvosinterviews.
–Raviedevousrencontrer,dit-elleentendantlamainàKellan.Nickm’abeaucoupparléde
vous.
Sonvisagerestaimpassiblemaisjevisqu’ellel’examinaitdehautenbas.
–Commentça,responsable?demanda-t-ilàNickaprèsluiavoirserrélamain.
–C’estmoiquiorganisevosinterviews,intervint-elle.Jevousaccompagneraiàchaquefoiset
jecommuniqueraiauxjournalisteslesquestionsqu’ilsserontautorisésàvousposer.C’estaussimoi
quimettraifinàuneinterviewsilesjournalistesnerespectentpaslesexigencesdelamaisonde
disques.
–Etlesmiennes,d’exigences?
Torysefenditenfind’unsourire.
–Nickademandéquevousn’évoquiezpasvotreviepersonnelle.
Sesyeuxbleuacierseposèrentsurmoi,cequirenditsonsous-entenduencoreplusclair.Nedis
pasquetuesmarié.
–Jen’aipasledroitdeparlerdemafemme?demandaKellanensetournantversNick.Alors
quandonvamedemandercequisepasseavecSienna,jesuiscensédirequoi?
Illevalesmainsenl’airetNickluisouritcalmement.
–Tuleurdisquetun’asaucuncommentaireàfaire.Ilscomprendrontcequ’ilsvoudront.
–Autantleurdirequ’ons’envoieenl’airentrechaqueinterview.
–Jenetedemandepasdementir,jetedemandejustedenepasrépondreetdenepasdivulguer
d’infosinutiles.Tupensesquetupeuxfaireça?
LesgarçonslancèrentdesregardsprudentsversKellanetjeluiprislamain.S’ilnepouvaitpas
réfuterlesrumeursquicouraientdéjà,çaéquivalaitàlesconfirmer.Ilétaitdéjàcontrariéàcausedu
clipqu’ilavaitacceptédetourneravecSienna,etmêmesinepasparlerdesaviepersonnellen’était
pasaussigravequedevoircollersalanguedanslabouched’uneautrefille,çasemblaittoutaussi
intrusif.JemedemandaicequeKellanallaitrépondreàNick,quisemblaitseledemanderluiaussi.
–Onveutquelesinglesoitnuméro1.Quandvotrealbumsortiradansquelquessemaines,çane
m’étonneraitpasqu’ilcaracoledirectdansletopvingtdesmeilleuresventes,etc’estenpartiedûau
faitquelepublicaunfaiblepourtoietSienna.Àleursyeux,vousêtesencoupleetc’estlegenrede
publicitéquin’apasdeprix.Quandleclipvasortir,lebuzzvaatteindredessommets,etsionnetire
pasavantagedeçaetqu’onnesurfepassurlavague,votrealbumvaseretrouverauxoubliettesen
moinsdedeux.Laconcurrenceestféroceetl’industrieregorgedebeauxmecstalentueux.Vous
voulezcommencervotrecarrièreenétantau-dessusdulot,ouendessous?C’estàvousdevoir.
Ilhaussalesépaulescommes’iln’enavaitrienàfaire,maisletondesavoixindiquait
clairementlecontraire.EtilétaitaussitrèsclairqueKellann’avaitpaslechoix:c’étaitNickle
patronetilavaitdéjàprissadécision.
Kellanserralesdentsetneditrien,etjeserraisamainplusfortpourluimontrermonsoutien.
Onpritnosaffairesetonalladehors,oùdeuxénormes4x4nousattendaient.Lesvitresétaient
teintées,commesionétaitdesespionsoudesagentsfédéraux…OnseseraitcrusdansMenin
Black.DansunevillecommeLosAngeles,ilsauraientmieuxfaitdelouerunelimousinepourqu’on
passeinaperçu.Maiss’ilsvoulaientquetoutlemondesedemandequipouvaitbienêtredansla
voiture,alorsilsavaientsûrementfaitlebonchoix.
Undeschauffeursnousaccueillitetouvritlaportièreavantdes’emparerdenossacs,etil
refusal’aidedeKelland’unhochementdetêtepoli.Ilportaituncostumeimpeccableetdeslunettes
desoleil,mêmesilesoleiln’étaitpasencorelevé.Luietl’autrechauffeurmirentlessacsetles
instrumentsdanslecoffredesvoiturespendantqu’onmontaitàl’intérieur.Griffinsautatoutdesuite
àl’avant,MattetEvans’installèrentsurlabanquettedumilieu,etonallas’asseoirtoutaufondavec
Kellan.Onétaitunpeuserrésmaisc’étaitquandmêmeconfortable,etl’intérieurétaitsuperluxueux.
Toutétaitélectrique,lecuirdessiègesétaitdouxcommedelasoie,duboissombreornaitletableau
debordetlesportières,toutsentaitencoreleneuf.
Heureusement,NicketTorygrimpèrentdansl’autrevoiture,etunefoistoutlemondeinstallé,le
chauffeursemitenroute.L’atmosphèredansl’habitacleétaitsurvoltée,etpasseulementàcausede
l’interviewàvenir:lesgarçonsn’enrevenaientpasdecequeNickavaitditàproposduclassement
potentieldel’album.MattetEvanseretournèrentpourregarderKellan.
–Tucroisqu’ilaraison?Tupensesvraimentqu’onvaseclasseraussihautdèsledébut?
Kellanhaussalesépaules,impassible.
–Peut-être,jen’ensaisrien,dit-ilàvoixbasse.
Puisiltournalatêtepourregarderparlafenêtre,etmêmes’ilétaitassisjusteàcôtédemoi,
j’eusl’impressionqu’ilétaitàdesmillionsdekilomètres.
–C’estsûr,lesmecs!criaGriffindepuislesiègeavant.Jepariemêmequ’onseranuméro1
direct!
MattetEvansetournèrentversluipourluiparleretKellansoupiraencollantsonfrontcontrela
fenêtre.
–Çava?demandai-jeenposantmonmentonsursonépaule.
Ilrelevalatêteetregardasesamisd’unairtriste.
–J’ail’impressiondeleslaissertomberenn’étantpasaussiexcitéqu’eux.
–C’estdifférentpoureux:lamaisondedisquesneleurdemandepasdefairelestrucsgênants
qu’ilstedemandentàtoi.Jesuissûrequ’ilscomprennent.Enfin,aumoinsMattetEvan,plaisantai-je
dansl’espoirdeluiremonterunpeulemoral.
Ilsouritmaissonregards’assombrituninstantaprès.
–Çafaitjustetellement…fabriqué.Jenecomprendspaspourquoionfaittoutunplatdecette
prétendueromanceàdeuxballes.Jepensaisquenotretalentsuffirait…Sionréussit,jeveuxquece
soitparcequ’onestdoués,pasàcausedel’intérêtqu’onporteàmavieprivée.
Ilavaitl’aircontrarié,commesil’idéed’incarnercetteimagedurockeuridéalétaitabsurde,et
commes’ilnecomprenaitpaspourquoitoutlemondeétaitenadorationdevantlui.C’étaittoutsauf
absurde,enréalité,maisjecomprenaiscequ’ilvoulaitdire.
–Etceseralecas.Peut-êtrepasaudébut,maisaprès,l’albumresteraentêtedesventesparce
quevousêtesl’undesmeilleursgroupesquej’aiejamaisentendus.
–L’undesmeilleursgroupes?demanda-t-ilenhaussantlessourcils.
Jelevailesyeuxaucieletilregardalesautres.
–Ilsm’onttellementsoutenu…Ilsétaientmafamillequandjen’avaisabsolumentpersonne,et
quandjesuispartideLosAngelespourreveniràSeattle,ilsonttoutquittépourmesuivre.Jeleur
doistellement…Onauraitsignéuncontratilyadesannées,déjà,sionétaitrestésici.Jelesai
privésdecettevie-làunefoisetjeneveuxpasrefairelamêmeerreur.JeleurdoisderéussiretNick
araisonsurunechose:ilyadelaconcurrence,etMatt,EvanetGriffin…ilsn’ontqueçadansla
vie.Poureux,c’estçaourien,alors…
–Alors…
Ilhochalatête.
–Jeneveuxpasquetut’inquiètesetjeneveuxpastefairedumal.Jen’aipasd’aventureetça
nem’intéressepas.Sitoutcequej’aiàfairepourdécoller,c’esttournerunclipetlabouclerpendant
lesinterviews,alorsjeleferai.
Jepoussaiunsoupirenpensantàcequesonsilenceimpliquerait.Lemondeentierpenserait
qu’ilestavecSienna,etilyauraittellementderagotsàleursujetqueceseraitsûrementimpossible
d’yéchapper.Jeseraisbombardéed’histoiresderendez-vousgalants,demariageensecretsurune
plageetautresrumeursdegrossesse.Maisc’étaitjustedesrumeurs,etKellanneseraitmêmepas
avecelle.J’avaisjusteàignorerlastarsulfureusequ’ilincarneraitdanslesmédiasetleschoses
resteraientlesmêmesdansl’intimité.Ilyavaitpirecommecompromis…Etpuisdetoutefaçon,je
n’avaisjamaisvouluêtresouslesfeuxdelarampe.
–Jecomprends.Etçanemedérangepas.
–Vraiment?Alorssiquelqu’unmedemandesiSiennaetmoi,onestmariés,etquejenedis
rien,çanetegênepas?
–Jesaisquec’estdifficiled’êtreunecélébrité.Avant,tuavaisdutalent,lesgensaimaientta
musique,etças’arrêtaitlà.Maismaintenant,enplusdetontalent,tudoisaussiapprendreàjouerle
jeudupublic.Nickestdouéquandils’agitdemanipuler,alorstulelaissesfairesontravail,toitu
faisletien,etjesuissûrequetoutvabiensepasser.
Ilm’offritenfinunsourirejoyeux.
–Jenesaispassituesdevenuesageousituesencorenaïve.
–Jevaisopterpourlapremièreoption.
Ilsemitàrireetsoudain,jepensaiàquelquechose.
–Tucroisqu’onvaquandmêmepouvoirsemarier?Avecunecérémonieettoutça?Mamère
vafaireuninfarctussiondécidedetoutannuler.
Ilsepenchapourm’embrassersurlajoue.
–Biensûrqu’onvasemarier.Ilm’ajusteditdeneriendireaupublic.Etj’aibienl’intention
detedire«Jeleveux».Àtoietdevantdesdizainesdepersonnes.
Jegrognaietlaissaiallermatêtecontremonsiège.
–Pitié…
–Çavaaller,tuverras.Situescapabledesupportertoutcequisepasseencemoment,jesuis
sûrquetupeuxjureramouréternel,dévotionetfidélitédevantquelquesinvités.
Unattroupementnousattendaitquandonarrivaàlastationderadio.Uncordonlelongdu
trottoirretenaituntasdelycéenstandisqu’unautregroupedejeunesfaisaientlescentpasdel’autre
côté,probablementdesstagiairesquitravaillaientàlaradio.
Lapremièrevoitures’arrêtaetToryensortit,suivied’unhommequis’emparadesétuisdes
guitaresdanslecoffre.Lesgarçonsétaientcensésjouerunedeleurschansonsendirectaprèsla
diffusiondeleursingleavecSienna.
–Ilssontlàpournous?murmuraEvan.
Personnen’ensavaitrien,alorspersonneneluirépondit.
Quandcefutnotretourdedescendre,lesfillessemirentàcriersifortquej’eneusmalaux
oreilles.Jen’arrivaispasàcroirequ’autantdegenspuissentfairelepieddegrueàuneheure
pareillepourapercevoirlesD-Bags.QuandKellansortitdelavoiture,lescrisdécuplèrentetj’avais
lesoreillesquibourdonnaientlorsquejeluiemboîtailepas.
Kellanmetenditlamain,cequiétaitsamanièredeserebellerétantdonnéqueNickn’avaitrien
ditquantauxdémonstrationsd’affectionenpublic,maisTorylepoussaversl’avantavantquej’aiele
tempsdel’attraper.Lesportesdelastations’ouvrirentàcemoment-làetSiennaapparut,entouréede
sesdeuxgardesducorps.Jenesavaispasqu’elleseraitprésenteetlavoiricim’étonna.C’étaitdonc
sûrementpourellequetouscesfansétaientlà.Ellen’allaitquandmêmepasfairetoutelatournéede
promoavecnous,si?
Kellanaussieutl’airétonné,surtoutquandSiennasependitàsoncouetl’embrassasurlesdeux
joues.Jepusvoirplusieurspersonnesprendredesphotosavecleurstéléphonesportables,capturant
lesretrouvaillesdes«tourtereaux».Lesfillessautaientsurplaceenlesregardant,etunpeuplus
loin,jeremarquaiunhommeavecuntéléobjectif.Sûrementunpaparazzi,àenjugerparsonsourire
satisfaittandisqu’ilprenaitdesphotosenrafale.
Toujoursprêteàfaireleshow,Siennapoussalebouchonencoreplusloin:elleécartaseslongs
cheveuxdesonvisagepourqu’onlavoiebien,ellesepenchaetluiplantaunrapidebaisersurla
bouche.Kellanlarepoussaetreculad’unpasmaislemalétaitfait.J’étaissûrequelephotographe
n’enavaitpasratéunemiette.KellanparutinterloquéetSiennal’entraînaàl’intérieurdubâtiment,à
l’abridesregards.
Jemeprécipitaiderrièreeux,enayantl’impressiond’êtrel’assistantequ’onlaissaitenplan
plutôtquelafemmeduchanteur,etunefoisdansl’entrée,Kellansedégageadel’étreintedeSienna.
–C’étaitquoi,ça?demanda-t-ild’untonsec.
–Ças’appelledumarketing,chéri,répondit-elleenluitapotantlajoue.Respire,c’estjusteune
photoderiendutoutpourtitillerlepublic.
–Passurlabouche.Iln’yaquemafemmequim’embrassesurlabouche.
Ellesourit,etc’étaitpeut-êtremonimaginationmaisj’étaispresquesûrequ’elleétaitentrain
desedireOnenreparlequandtuserassouslacouetteavecmoi.
–D’accord.Ettavoix,çava?Prêtàchanternotrechansonenacoustique?
Jerestaiclouéesurplace.Jenesavaispasqu’ilsdevaientjouerlesinglecematin,etàenjuger
parlatêtedeKellan,iln’étaitpasaucourantnonplus.L’idée,c’étaitdejouerundesmorceauxde
leuralbumaprèsquelaradioauraitdiffusélesingle,maisapparemment,cen’étaitpasasseztape-à-
l’œilpourlaprincessedelapop.
AvantqueKellanaitletempsderépondre,Siennal’entraînaàsasuiteetilmelançaunregard
tandisquejelessuivais.Jeluisourispourluimontrerquetoutallaitbien,etSiennaetsesgorillesle
poussèrentpresquedansunascenseurtandisquelerestedugroupemontaitdansunautre.Lesdeux
portesserefermèrentavantquejepuisseentreretjesoupiraienattendant,entouréedequelques
stagiairesquigloussaientcommedesécolières.
–Punaise,sonmecestvraimentcanon!murmural’uned’elles.
Jem’assuraiqueToryn’étaitpasdanslecoinavantderépondre.
–Ilsnesontpasensemble.
Nicknem’avaitpasditquejedevaismetaireaussi,mêmesisesregardsappuyésl’avaient
sous-entendu.Maisçan’avaitpasd’importancedetoutefaçon:c’étaitévidentquepersonneneme
croyait.
Quandj’arrivaiàl’étageoùsetrouvaitlestudio,KellanetlesgarçonsétaientdéjàavecSienna
entraindepapoteraveclesanimateurs.Onleuramenaleursinstruments,etjem’assissuruntabouret
dansuncoinpourobserverlascène.
Lesgarçonsseprésentèrentchacunleurtour,etquandcefutàKellan,uneanimatricepritla
parole.
–C’estvraimentdommagequetusoissilaid,Kellan.Heureusementqu’onestàlaradio,
mesdames,carvousseriezvraimentdégoûtées.
Savoixétaitclairementsarcastique,etquandKellansouritensecouantlatête,ellepoussaun
petitgrognement.
–MonDieu…Ilvam’achevers’ilsouritcommeça.
Soncollèguetenditlebrascommepourlaretenir.
–Allez,onsecalme.Onnevapasleursauterdessusavantmêmequ’ilsaientpujouer.
L’animatricelaissaéchapperunsoupirdramatique.
–Tumeconnais…Quandilyaunbeaumecdanslesparages…
–Cen’estpaspourrienquetouslesbeauxmecsdelavilleseplanquent.
Kellanetlesgarçonssemirentàrirepuisleprésentateurrepritlaparole.
–OnaaussiSiennaSextonavecnouscematin,etaunomdetousleshommesquinousécoutent
encemoment,sijepeuxdirejusteunechose…quelcanon!
Elleluisouritetrejetasescheveuxenarrière.
–Merci,c’estadorable,roucoula-t-elle.
–Alors,demandalaprésentatriceenlesmontrantdudoigtelleetKellan,àcequ’ilparaît,vous
êtesencouple?
SiennaetKellanéchangèrentunregardetilserralesdentstandisqu’ellehaussaitlesépaules.
–C’estvraiqu’ilestplutôtmignon…
Puisellesepenchaversl’animatriceavecunpetitsourireconspirateur.
–Jeseraisvraimentbêtedelaisserpasseruneoccasionpareille,pasvrai?
Lafemmesepenchaàsontour,commesielleetSiennaétaientlesmeilleuresamiesdumonde.
–Çaveutdireoui?
Siennaluifitunsouriredesainte-nitouche,etlafemmesetournaversKellan.
–Allez,Kellan,raconte.Qu’est-cequisepasseentreSiennaettoi?
Ilsegrattalatête,visiblementtrèsmalàl’aise.Toryétaitdeboutàcôtédemoi,etelleavait
l’aird’unevipèreprêteàbondirsurlesanimateurss’ilsposaientunemauvaisequestion,ousur
Kellans’ilnerespectaitpaslesexigencesdelamaisondedisques,etrienquedelasentirrongerson
freinàcôtédemoimerendaitnerveuse.
–Ehbien,euh…notresinglesortaujourd’hui,finit-ilparmurmurer,etl’albumseradispoen
septembre.
Lesdeuxanimateursrirentenvoyantqu’ilessayaitmaladroitementdechangerdesujetet
sourirentd’unairentendu,etj’eusl’impressionqu’onvenaitdemeplanterunpoignarddanslecœur.
Ill’avaitfait:enévitantderépondreàleurquestion,ilvenaitdeconfirmerqu’ilsortaitavecSienna.
Jenesavaispascequiallaitsepasseràpartirdelà,maisjesavaisquecen’étaitqueledébut.Sa
réponsevenaitdemettrelefeuauxpoudres,etjenepouvaisrienfaireàpartespérerquel’incendie
soitfacileàmaîtriser.
Kellanmeregardaavecunairconfusetjeluiadressaiunsourired’encouragement.Cequele
publicpensaitn’avaitpasd’importance.Nous,onconnaissaitlavérité.
Lesanimateurspassèrentlesminutessuivantesàinterviewerchacundesgarçons.Evanavait
l’airparfaitementàl’aiseenparlantdeJenny,maisMattavaitl’airdedétesterchaqueseconde
derrièrelemicroetilfutencoreplusévasifqueKellanausujetdesavieprivée.Quandcefutautour
deGriffin,ilfutravid’êtreaucentredel’attentionetdefairepartauxauditricesdesa
«disponibilité»,sijamaisl’uned’entreellesétaitintéresséeparun«concertprivé»,maisensuite,
ilparladufaitqu’ilallaitbientôtavoirunenfantavecsacopine.J’étaisvraimentincapablededire
s’ilétaitsérieuxquandilparlaitdesonstatutdecélibataire,ous’iljouaitavecsonimagederock
star,maisentoutcas,j’étaisétonnéequ’ilparled’Annaetdubébé.
Aprèsça,lesgarçonsallèrents’installerpourjouer.GriffinetMattattrapèrentleurbasseetleur
guitaretandisqu’Evanallaits’asseoirderrièrelabatterieacoustiquequ’undesassistantsavait
installée.QuantàKellan,ilétaitdeboutderrièreunmicro,l’airparfaitementdétenduàprésent.
J’auraissûrementtranspiréàgrossesgouttesàsaplaceensachantquej’étaissurlepointd’être
entendupardesmilliersdepersonnes,voiredavantage.Etchanterenacoustiqueétaitencoreplus
intimidant,caronnepouvaitpascomptersurleboucandesinstrumentspourcacherlesfaussesnotes.
MaisKellann’enfaisaitjamais,etj’étaissûrequ’ilallaitassurer.
Quandlesanimateursleurdonnèrentlefeuvert,Evanattaqual’intro,bientôtrejointparGriffin
etMatt,puisparKellanquelquesmesuresplustard.Lapremièrepartiedelachansonétaitplutôt
douce,etlavoixdeKellannetardapasàremplirlapièce.Puisilsarrivèrentàunpassageunpeu
pluschargéenémotions,etsavoixsefitpluspuissante.Ilétaitparfait,commeprévu,etcequele
publicétaitentraindedécouvrirencemomentétaitquelquechosequej’avaistoujourssu:Kellan
étaitbienplusqu’unbeaumec.C’étaitunvéritableartiste.
QuandcefutautourdeSiennadesemettreàchanter,ellefitaussipreuved’untalent
exceptionnel.Lesdeuxchanteurssetenaientcôteàcôte,etchacunondulaitdoucementaurythmedela
musique,puisquandleduosetransformaenunesortedebrasdefer,ilssetournèrentpoursefaire
face.Jenesaispassic’étaitlachanson,ouleregarddeKellan,maisàlafin,j’avaislachairde
poule.
J’eusenvied’applaudirmaislesanimateursselancèrenttoutdesuitedansunesériede
complimentsalorsjenelefispas.JevoulaisjustequelemondeentiersacheàquelpointlesD-Bags
étaienttalentueux,etapparemment,c’estcequiétaitentraindesepasser.Unécrandevant
l’animateuraffichaitunesuiteininterrompuedemessagesenvoyésparlesauditeurs,etilsétaienttous
plusélogieuxlesunsquelesautres.
Jen’arrivepasàcroirequelachansonétaitlive!Jenelesconnaispasmaisilmefautleur
album!Siennaétaittop,maisKellan…sisonlookestaussicanonquesavoix,jepensequeje
feraisuneattaqueenlevoyant!Jesuiscomplètementfan!
Lescomplimentspleuvaient,toutlemondeavaitl’aircomplètementscotché,etj’étaissifièrede
luiquej’avaisl’impressionquemoncœurallaitexploserdansmapoitrine.
Lesgarçonsremballèrentleursinstrumentsavantdedireaurevoiràtoutlemonde,etKellan
rayonnaitenquittantlestudio.Ilmesoulevadanssesbras,mefittournoyerdanslesairsetSienna
nousregardad’undrôled’air,sanstoutefoisdirequoiquecesoit.Ilmeposadevantl’ascenseurau
momentoùlaportes’ouvrait,etilm’attiraàl’intérieuravantd’appuyersurleboutonquifaisaitse
refermerlesportesavantquequiquecesoitn’aiteuletempsd’entrer.
–Alors,c’étaitcomment?
Ilavaitunsouriredepetitgarçonetjesecouailatêteenmedemandants’ilserendaitcompte
quemaréponseàcettequestionétaitetseraittoujourslamême.
–Génial!Parfait!Mortel!Jecontinue?
Jepassaimesbrasautourdesoncouetilmeplaquacontrelaparoidel’ascenseur.
–Plustard,peut-être.
Ils’avançapourm’embrasserpuiss’immobilisajusteavantquenoslèvresnesetouchent,l’air
inquiet.
–Siennam’aembrassé.J’ail’impressiondedevoirmepasserlaboucheàlaJavelavantde
t’embrasser,toi.
Jesourisetl’attiraiàmoi.
–Jepensequejesurvivrai.
Quandnosbouchesserencontrèrent,jeregrettaiqu’onnesoitpasaudernierétaged’ungratte-
ciel.Salanguecaressalamienneetjesentisseshanchescolléescontremoitandisqu’ilmeplaquait
davantagecontrelemur.Quandilglissasesdoigtssousmontee-shirtetsemitàcaresserlebasde
mondos,jecomprisqu’aucunimmeublesurterren’auraitétéassezhaut,detoutefaçon.
Quandlacabines’arrêta,ilmelâchaetbaissalatête,l’aircontrit.
–Jesuisdésolé,murmura-t-il.
Encoreunpeuétourdieparnotreéchangebrefmaisintense,jerépondisenriant.
–Iln’yavraimentpasdequoi.
–Non,jeparledel’interview,dit-ilensefaufilantentrelesgensquivoulaiententrerdans
l’ascenseur.Quandjen’aipasparlédetoi…J’auraisvraimentbienvoulu,tusais.
–Arrête.Jeneveuxpasquetugâchescemomententesentantcoupable.Jet’aiditqueje
comprenais,etjelepensaisvraiment.Pourlemoment,tun’aspaslechoix,c’estcommeçaetc’est
tout.Etpuis,tuasvulesréactionsaprès?ajoutai-jeavecungrandsourire.Lesauditeursontadoréla
chansonàcausedetavoix,pasàcausedesragots.Unefoisquel’albumsortira,tupourrasdireet
fairetoutcequetuvoudrasetçan’auraplusd’importance,parcequec’esttoiquelepublicadorera,
pastonpseudocoupleavecSienna.
Jeledévisageaietsentisleslarmesmemonterauxyeux.
–Tuviensdejouerenacoustiquepourunedesplusgrossesradiosdelaville,etbientôt,ton
singlepasseraenboucle,ettun’imaginespasàquelpointjesuisfièredetoi.
Ilm’offritunsourireéclatant.
–Veux-tum’épouser?murmura-t-il.
Jerisenl’entendantposerlaquestionpourlaénièmefois,maisavantquej’aieeuletempsde
répondre,l’autreascenseurs’ouvritetTorynousrejoignit,accompagnéedurestedesgarçons.Elle
s’interposaentreKellanetmoietluiditqu’ilavaitd’autresinterviewsàdonneretunavionà
prendre,etquecen’étaitpastroplemomentdetraîner.Néanmoins,elleluiaccordaquandmême
quelquesminutespourallerparlerauxfansquiattendaientdevantlestudio.
Kellanétaitcomplètementdanssonélémenttandisqu’ildiscutaitetsignaitdesautographes,et
sareconnaissanceenverseuxsautaitauxyeux.Leurscrislefaisaientrire,ilsignaittousles
autographesqu’onluidemandait,etposaitpourautantdephotosquepossible.Certainsaspectsde
sonmétierneluiplaisaientpeut-êtrepas,maisiladoraitalleràlarencontredesesfans.
AumomentoùToryclaquadesdoigtspourluidirequ’ilétaittempsdepartir,unelimousine
arrivaaucoindelarue.L’espaced’uninstant,jecrusquec’étaitpournous,jusqu’àcequeSienna
sortedubâtiment.Lesfanscriaientàpleinspoumonstandisqu’elleleurfaisaitsigneentredeux
autographes,etquandellepassaàcôtédeKellan,elleluidonnaunbaiserinterminablesurlajoue.
–Àtoutàl’heure,dit-ellesuffisammentfortpourquelesgensautourd’euxentendent.
Kellaneutàpeineletempsdehocherlatêtequ’elleavaitdéjàdisparu,etquandilregardadans
madirection,jehaussailesépaules.Aumoins,ellenel’avaitpasembrassésurlabouche,cettefois.
Peut-êtrequ’elleallaitrespectersesexigences,aprèstout.
Lesjourssuivantspassèrentdansunbrouillardfaitdevoyagesenavion,defans,d’interviewset
deconcertsenacoustique,letoutsouslasupervisiondugénéralTory.Elleétaittoujourslàdèsqu’on
allaitquelquepartetjen’arrivaispasàdécidersiavoiruneresponsableétaitutileousuperchiant.
JemerappelaisdesdifficultésdeMattquandils’occupaitdel’organisationtoutseuletjesavaisà
quelpointc’étaitcompliqué–rienquelagestiondeGriffinétaitunboulotàpleintemps–,maisily
avaituncôtépeaudevachechezellequinoustapaitsurlesnerfs.
Sansparlerdufaitqu’elleinterrompaittoujourslesmomentsdetendresseentreKellanetmoi.
Jenesavaispassiellelefaisaitexprès,maiselletrouvaittoujourslemoyendesemettreentrenous
enpublic,etladernièrefoisqu’ons’étaitaffichésensembleremontaitàlapremièreinterviewàLos
Angeles.Onn’étaitmêmepasassiscôteàcôtequandonprenaitl’avion,maisonparvenaitquand
mêmeàtrouverdutempsl’unpourl’autre.Ons’échangeaitdespetitsmotsromantiques,etKellanme
tendaitdespétalesderoseavecdesmessagesdèsqu’elleavaitledostourné.Jenesavaispasoùil
lestrouvaitmaisàchaquefoisqu’ilm’endonnaitun,çailluminaitmajournée.Tuessexy,Jet’aime,
J’aienviedetoi,etbiensûrmonpréféré,Épouse-moi.
Çanem’auraitpasétonnéequeNickaitexpressémentdemandéàTorydenousobligeràgarder
nosdistances.IlnevoulaitsurtoutpasquelesgensdécouvrentqueKellanetSiennan’étaientpas
vraimentensemble,etdepuislafameuseinterviewàLosAngeles,toutlemondeenétaitpersuadé.
Entreçaetlaphotodeleurbaiser,leconsensusgénéralétaitqu’ilsétaientencoupleetlessitesde
potinsrivalisaientdedétailsinventésdetoutespiècessurleurrelation.
Lebuzzquilesentouraitétaitsiintensequej’avaispresquel’impressiondesentirl’airvibrer
partoutoùonallait.Parchance,lescheminsdeSiennaetdesD-BagsseséparèrentaprèsLos
Angeles,autrement,saprésenceauraitsûrementjetéencoreplusd’huilesurlefeu.Néanmoins,on
continuaitàposerdesquestionsàKellaneninterview,etàchaquefois,ilfaisaitensortedechanger
desujet.Auboutd’unesemainedetournée,laquestionétaitdevenuetellementprévisiblequ’onen
riaitavecKellandèsqu’onavaitlachancedepasserunpeudetempsensemble.Iln’yavaitpas
grand-chosed’autreàfairedetoutefaçon.
Aprèssadernièreinterviewdelajournée,Kellanselaissaallercontrel’appui-têtedu4x4
danslequelonvoyageait.
–Jesuiscrevé,murmura-t-il.
Onenétaitàlamoitiédelatournée,etonsedirigeaitverslacôteEst.J’appuyaimatêtecontre
sonépauleetgrognaiensigned’assentiment.C’étaitépuisantdecourircommeçadanstouslessens.
Toutcequejevoulais,c’étaitunbonbainchaud,unbonbouquinetunesieste…toutçaavecKellan
pourmeservird’oreiller,biensûr.
Lesautresaussiétaientexténués.MattetEvanétaientmuetscommedescarpesderrièrenous,
Griffin,assisàcôtéduconducteur,étaitentrainderonfler,etj’écoutaislaradiod’uneoreille
distraite,lesyeuxclos.Soudain,jemerendiscomptequejechantonnaisetj’ouvrislesyeux.Je
regardaiKellan,souslechoc,etilparutstupéfait.
–Quoi?
Toutàcoup,ilreconnutlachansonluiaussi.C’étaitsavoixdansleshaut-parleursetilse
penchaverslechauffeur.
–Vouspouvezmonterleson?
Lechauffeurs’exécutaetlavoixdeKellanenvahitl’habitacle.JeréveillaiGriffinentapant
dansmesmainsetensautillantsurmonsiège,etquandilreconnutlamusique,ilm’emboitalepas.
Onfaisaittellementdeboucanquejen’entendisbientôtmêmepluslemorceauaumilieudescriset
desrires.
TorynousavaitditqueleduoSienna–D-Bagspassaitdéjàsurtouteslesradios,maisonavait
ététellementoccupésqu’onnel’avaitpasencoreentendu.C’étaitcomplètementsurréaliste.
–Vouspassezàlaradio!criai-je.
–Jesais!C’estdudélire…dit-illesyeuxécarquillés.
Jeleprisdansmesbrasetleserraidetoutesmesforces.C’étaitentraind’arriver,pourdevrai,
etj’étaisplusheureusequejamais.Quelquessecondesplustard,toutlemondeétaitautéléphone,en
traind’appelerquelqu’unpourluifaireécouterlachanson.J’étaispresquesûrequequasitoutle
mondeàpartnousl’avaitdéjàentendue–jesavaisquec’étaitlecaspourmamère,JennyetAnna,
ellesm’avaientappeléeenglapissanttoutdesuiteaprès–,maispourlesgarçons,c’étaitlapremière
fois,etilsavaientenviedepartagercemoment.MattappelaRachel,EvanappelaJennyetGriffin
appelamasœur.Kellan,lui,appelasonpère,etmoi…j’appelaiDenny.
–Salut,Kiera.Tuesàunefête?
Jemebouchail’autreoreillepourpouvoirl’entendreetjecriaidansletéléphone.
–Tuentends?Lachansonpasseàlaradio!
J’approchaimonportabled’unhaut-parleurpuisjelerecollaiàmonoreille.
–Tuterendscompte?C’estlachansondeKellan!Àlaradio!dis-jeavantdememettreàrire.
–Jel’aidéjàentendue,ilslapassentsansarrêtici!
Àlafindelachanson,lechauffeurbaissalevolumeetonsecalmatousunpeu.Kellanserrait
macuisseenparlantavecsafamilleetjepouvaisvoirl’émotiondanssonregard.Sonpèreétait
sûremententraindeluidireàquelpointilétaitfierdelui,etjepouvaisàpeineimaginerl’effetque
cecomplimentdevaitavoirsurlui,étantdonnéqu’aucunparentneluiavaitjamaisditçaavant.
–J’aivudesnouvellesphotos,aussi…Çava,toi?
Jemedemandais’ilsavaitquetoutcequisedisaitsurKellanetSiennaétaitcomplètementfaux.
–Ilsnesontpasensemble,tusais.Touscessitesracontentn’importequoi.
Dennysoupira,etjel’imaginaientraindesepasserlamaindanslescheveux.
–Oui,c’estaussicequeJennydit,maiselleestplutôt…minoritaire,disons.Laplupartdes
gensavecquij’enaiparlépensentqu’ilyaquelquechoseentreeux.Jesuisdésolé.
–Ettupeuxm’expliquerpourquoijeresteraisaveclui,s’ilétaitvraimentavecelle?
Jesentisqu’iln’avaitaucuneenviederépondre,maisilfinitparlefaire.
–Ilestentraindedevenirricheetcélèbre…Lesgenspensentquetuaccepteslasituationà
causedesonstatut.
–Jenesuispascommeça.Jem’enfichedetoutça,d’ailleurs,çaaplutôttendanceànous
compliquerlavie,àvraidire!
–Jesais,Kiera,dit-ild’unevoixdouce.C’estpourçaquejen’écoutepastoutcequise
raconte.Parcequejeteconnaisetquejesaisquetunetoléreraispasqu’iltetrompe.Onestpareils,
là-dessus.
Jesentisunevaguedeculpabilitémesubmerger.Touslesautresavaientfinileurconversation
etj’étaislà,àmedemandercequejepouvaisbienrépondre.
–Oui,jesais,finis-jeparrépondre.Jedoisyaller,maisjeterappelleplustard,d’accord?
–OK.FéliciteKellandemapart.
–Çamarche.
Kellanétaitentraindem’observerquandjeraccrochaietilpassaunbrasautourdemes
épaules.
–Gavinnel’avaitpasencoreentendue,dit-ilenriant.Ilétaitaussiexcitéquemoi,etHailey
aussi,jecrois.
Jesourisetluimontraimonportable.
–Dennytefélicite.Ilm’aditqu’ill’avaitdéjàentendueplusieursfois.
Ilsouritdetoutessesdentsetjedécidaidenepasluiparlerdurestedelaconversationqueje
venaisd’avoir.Jepouvaistoujoursluidireplustard.Pourlemoment,jevoulaisqu’ilprofitedeson
heuredegloire.Illeméritait.
12
L’amourenvidéo
Deuxsemainesaprèsledébutdelatournéepourlapromodel’album,onrepritl’avion
directionLosAngelespourquelesgarçonstournentleclipde«Regretfully»avecSienna.Ilyavait
del’abattementdansl’airquandonretrouvanotrechambreavecKellan,etpasseulementparce
qu’onétaitépuisés.Onavaitététellementoccupésaveclapromotionqu’onavaitcomplètement
oubliéleclip,maismaintenant,onypensaitsansarrêt.Kellanallaitdevoirfairesemblantdefaire
l’amouràuneautrefemme,etc’étaitloindenousenchanter,l’uncommel’autre.Sansparlerdufait
quej’avaisdécidéd’assisterautournage,histoiredenepasm’imaginerqu’ilsétaiententrainde
tournerunporno.J’avaisentendudirequefilmerdesscènesd’amouravaittoujoursuncôtéclinique
etfroid.Pourvuquecesoitvrai.
Lematindutournage,jemelevaiavantKellan,biendécidéeàluioffrirunmomentinoubliable
souslacouettepourdétendrel’atmosphère.Maisdanslefond,onconnaissaittouslesdeuxlavraie
raisondemesardeurs:j’avaispeur,etnotremomentd’intimitérevêtitaussiunepointededésespoir.
Kellanneditpasunmotsurlaroutedustudio,tandisquelesautresétaientdevraiesboulesde
nerfs.Ilsn’arrêtaientpasderépéteràquelpointilsétaientexcitésdetournerunvraiclipofficiel,et
demoncôté,j’étaisàlafoisimpatienteetmortedetrouille.
LalimousinequeSiennanousavaitenvoyéenousconduisitjusqu’àunimmensecomplexequi
abritaitplusieursstudios.Degrandsbâtimentsrectangulairesnumérotéss’étendaientàpertedevue,
etàmesurequ’onavançait,jenepusm’empêcherdemedemanderquelschefs-d’œuvrepouvaient
êtreencoursdetournageautourdemoi.
Ons’arrêtadevantlebâtimentB7,oùSiennanousattendaitensouriantcommedansunepub
pourdentifrice.Avecsonpetithautblancetsonjeantellementmoulantqu’onauraitpucroirequ’il
avaitétécousuàmêmesapeau,elleétaitjusteparfaite.Est-cequ’elleétaitdéjàcommeçaen
arrivant,oubienest-cequ’elleétaitdéjàpasséeàlacoiffureetaumaquillage?
Seslongscheveuxbrillaientàlalumièretandisqu’elleserapprochaitdenous,etelleprit
Kellandanssesbrasavantdel’embrassersurlesdeuxjoues.
–C’estvraimentbondeterevoir,minauda-t-elle.
Ilsecontentad’approuvertoutenmetendantlamain,maisçan’empêchapasSiennadepasser
sonbrassouslesienpourl’entraîneràl’intérieur.Lestudioétaitremplidegensavecdescasqueset
desoreillettes,etilyavaittellementd’activitéquejemesentistoutdesuitemalàl’aisedenerien
avoiràfaire.J’avaisl’impressiondedevoircourirdanstouslessens,moiaussi,mêmesijene
savaispaspourquoi.
LesgarçonsétaientenextaseetSiennaleurfitunepetitevisiteguidée.Ilyavaitplusieurs
décorsàl’intérieurdustudio,maisonn’allaitenutiliserquedeux.L’unreprésentaitunescène,et
cettevuemeréconfortaimmédiatement.Cedécor-làseraitutilisépourfilmerlegroupedansson
ensemble,etcesséquencesseraientensuiteintégréesaurestedelavidéo,quiseconcentraitsurle
deuxièmedécor:unegrandepièceavecunénormelitenpleinmilieu.Cettevisionmeretourna
l’estomac.
Kellanmeregardad’unairinquietetpressamamainplusfort,etenvoyantSiennas’asseoirsur
lelitetlaisseréchapperdespetitsrirescoquets,jecommençaiàmedemandersij’étaisvraiment
capabled’assisteràça.Rienquelefaitdelavoirassiselàmedonnaitenviedevomir.Maisc’était
ducinéma,etj’avaisdéjàsupportébienpire,alorsjedevaisbienêtrecapabledesupporterça.
Kellanallaitmedirequelquechosequandquelqu’unsurvintderrièrenous.Vêtud’uncostume
impeccable,commeàsonhabitude,Nickvenaitd’arriver,accompagnéd’unhommedontlescheveux
attachésenqueue-de-chevalluiarrivaientjusqu’enbasdudos.NickoffritàSiennaunsourire
dégoulinantetouvritlesbras.
–Sienna,tuesresplendissante,machérie.
Elleselevapourluifairelabise,visiblementravieducompliment.
–Toiaussi,Nicholas.
NickpassaunbrasautourdesonprodigedelapoppoursetournerensuiteversKellan.
–Contentdeterevoir,Kellan.
Ilavaitunéclattriomphantdansleregard,commes’ilavaittoujourssuqueKellanfiniraitpar
donnersonaccordpourleclip.KellanhochalatêteenserrantlesdentsetNickignoralacolèredans
sesyeux.
–Lesgarçons,jevousprésenteDiedrichKraus,ungénievisionnaire,ditNickenmontrant
MonsieurQueue-de-cheval.Diedrich,voiciKellan,Matt,EvanetGriffin.Etvousconnaissezdéjà
Sienna,dit-ilenlaserrantparlataille.
Jetentaidenepasaccorderd’importanceaufaitqueNicknem’avaitmêmepasprésentéeet
j’observaiDiedrichsourireàSiennaavantdesetournerversKellan.Iltenditlamainetsemità
parleravecunaccentassezprononcéquejenereconnaissaispas.Suédois,peut-être?
–Jesuistrèsheureuxdevousrencontrer.Lacaméravavousadorer,dit-ilenserrantlamainde
Kellandanslessiennes.VousetmademoiselleSiennaallezcourt-circuitertoutl’équipementdu
studio.
Ilétaitentrainderireàsapropreblaguequandunhommeavecunporte-blocnousrejoignit
pourdireauxgarçonsqu’ilsdevaientalleraumaquillage,àlacoiffureetauxessayages.Siennafut
emmenéedansunedirectionetlesgarçonsdansuneautre,etKellanm’embrassasurlajoueenme
disantqu’iln’enavaitquepouruneminute.Jemedemandaicequ’ilallaitporter…Avecunpeude
chance,ilauraitledroitdegardersessous-vêtements.
Quelqu’unappelaDiedrich,etjemeretrouvaiseuleavecNick.Ilsetournaversmoi,leregard
sévère.
–J’espèrequetunevaspasposerdeproblème.
Jerelevailementonettentaid’avoirl’airaussiassuréequepossible.
–Cen’estpasprévu,répondis-jed’unevoixferme.
–Tantmieux,dit-ilavecunsouriredetravers.Parcequejen’hésiteraiàtecollerdehorssi
jamaistumetslebazar.D’ailleurs,jesuisquasisûrquejepourraistefairerapatrieràSeattlesijele
voulais.Alorspenses-y,aucasoùtutrouveraisquoiquecesoit…demauvaisgoût.
Puisd’unseulcoup,iltapadanssesmains.
–Etmaintenant,auboulot!
Jemedirigeaiverslebuffetpourpassermesnerfs,etj’étaisentraind’engloutirl’équivalentde
monpoidsencarottesquandGriffinarrivadanslapièce,vêtud’unpantalonnoirmoulant,d’untee-
shirtgris,d’unevesteencuiretd’unbraceletàclou.Sij’avaistoujourseudumalavecsa
personnalité,ilfallaitreconnaîtrequ’ilétaitmignon,etsatenueluiallaitparticulièrementbien.Il
regardaledécor,puissedirigeaversmoi.Jen’étaispassûred’avoirenviedeluiparleretjemis
uneautrecarottedansmabouchetoutenmedemandantsic’étaitlebonmomentpourpasserdes
carottesauchocolat.Griffinattrapaunchocolat,enleval’emballageetlegobaaussisec.
–C’estnul,murmura-t-il.
Loindemoil’idéedelecontredire,maisjemedemandaispourquoiluipensaitça.
–Tun’espasexcitédetournerunclip?
Visiblementsurprisquejedaigneluiadresserlaparole,ilnemeréponditpastoutdesuite.
Quandillefit,ilsetournaversmoipourmefairefaceetjedusrésisteràl’enviedefaireunpasen
arrière.
–Si,superexcitémême.Maisilsvontfilmerlesscènesdugroupeenmêmetempsquelascène
d’amour,expliqua-t-ilenmontrantlelit.Autrementdit,jenevaismêmepaspouvoirmaterSienna
Sextonenpetitetenue.C’estnase.
Jemedemandaisijeneferaispasmieuxderegarderlesgarçonsaulieudemefocalisersur
Kellanetjesoupirai.
–Oui…vraimentnase.
Ileutl’airencoreplussurprisquejesoisd’accordaveclui.Enfin,jen’étaispasd’accordà
proprementparlermaisj’étaisloindepasserunbonmoment.Jelaissaileslégumesdecôtéet
m’attaquaiàunKit-Katavecmauvaisehumeur.
–TuflippestoujoursàcausedeSiennaetKellan.
J’avaisdumalàcroirequ’ilétaitdevenumonconfidentmaisjehochailatête.
–Jen’aivraimentpashâted’assisteràça.
–Net’enfaispaspourça.Ilsvontjusteseroulerquelquespelles,etilyaurapeut-êtreunpeu
defrotti-frotta,maisças’arrêtelà.
Jefislagrimace.Dufrotti-frotta?
–Detoutefaçon,Kellanesttellementd’unehumeurdechienqueçam’étonneraitqu’ilaitne
serait-cequ’unedemi-molle.
J’écarquillailesyeux,souslechoc.Jen’avaismêmepasimaginéqueKellanpuisseêtreexcité,
maiscen’étaitpasimpossible.Cen’étaitpaslestyledephénomènequisecontrôlaitsurcommande.
–Tudevraisl’entendrerâlerdanslacabined’essayage.
Illevalesyeuxaucielpuissavoixgrimpad’uneoctavealorsqu’ilessayaitd’imiterKellan.
–Commejesuismalheureux,jedoisemballerunesuperstarhypersexy.Lesfillestombent
commedesmouchespartoutoùjepasse.J’aidescheveuxmortelsetdesabdosenbéton,ouin,ouin.
Ilfitsemblantdesemasturberàtraverssonpantalonavecunairexcédéetjenepusretenirun
sourire.Ilétaitvulgaireetcruetpeut-êtrequ’ildisaitdeschosesquejen’avaispasenvied’entendre
parfois,maisilavaitaussiuncôtéamusantquipouvaitêtreétrangementréconfortant,etjemesentis
unpeumieux.Onnageaitvraimentenpleindélire.
PuisGriffindutpartiretSiennafitsonapparitionquelquesminutesplustard.Vêtued’un
peignoirblancvaporeux,elleétaitjustecanon.Tandisquejemerapprochaisdelafaussechambre,
Diedrichlarejoignitetfitungesteendirectiondelafouledepersonnesprésentesdanslapièce.Il
étaitprobablemententraindeluidemandersiellepréféraittournerlascèneenpetitcomité,mais
quandelleregardaautourd’elle,ellehaussalesépaulesetsecoualatête.Décidément,rienne
l’arrêtait.Elleretirasonpeignoirqu’elletenditàunassistantquipassaitàcôtéd’elle,etjerestai
bouchebéeenvoyantlalingerieplusquelégèrequ’elleportait.Jel’avaispourtantdéjàvueporter
desbikinismicroscopiques,maisilyavaitquelquechosed’encoreplusprovocantdanslefaitqu’il
s’agissaitdesous-vêtements.
Quelqu’unsifflaàl’autreboutdelapièceetSiennasetournaverslapersonnepourluifaireun
grandsourire.Diedrichfronçalessourcilsetparlasisèchementàunautreassistantquej’eus
l’impressionqu’ilvenaitdelevirer.Lelitétaitrecouvertdedrapsensatin,etquandunassistant
écartaledrapdedessus,Siennagrimpasurlelitavecdesairsdefemmefatale.Puiscefutautourde
Kellandefairesonapparition:ilportaitunpeignoir,luiaussi,etilgardaitlatêtebaisséetandis
qu’elles’étalaitsurledrapdesatin.Ilyavaitquelquechosedesitristedanssonexpressionque
j’eusenviedeleserrerdansmesbras.
Siennafronçalessourcilsenvoyantlatêtequ’iltiraitettapotalaplacelibreàcôtéd’elle.
DiedrichdonnadesindicationsàKellansurcequ’ildevaitfaire–commes’ilavaitbesoinqu’onlui
expliquecomments’yprendresouslacouette.Enrevanche,Diedrichneluidemandapassilui
voulaittournerlascèneencomitéréduit.C’étaitunprivilègeréservéauxfemmes,apparemment.
Kellanhochalatêteetentrepritderetirersonpeignoiretjememordislalèvreenlevoyantse
déshabiller.Heureusement,ilportaitdessous-vêtements,maiscen’étaitpaslegenredecaleçon
qu’ilportaitd’habitude:c’étaitunboxerprèsducorps,etforcément,çaluiallaitàlaperfection.
Plusieursmembresdel’équipearrêtèrentcequ’ellesétaiententraindefairepourleregarder,mais
aucunenefutstupideaupointdelesiffler.
Delàoùj’étais,jepusvoirqu’iln’yavaitpluslamoindretracedutatouagesursapoitrine.
Sûrementl’œuvredelamaquilleuse.Ilsnevoulaientpasvoirmonnomsursapoitrinedansleclip,
sachantqu’ilsvoulaientjouerlacartedumerveilleuxcoupleSienna-Kellan.Ilneportaitsûrement
passonalliancenonplus.
Avantdegrimperdanslelitavecelle,Kellanbalayalapièceduregard.Quandilmevit,ilme
souritfaiblementd’unairperturbé,etégoïstement,savoiràquelpointc’étaitdifficilepourluim’aida
àmesentirunpeumieux.Griffinavaitraison:Kellann’avaitabsolumentpasenviedeça.
Jehochailatêtepourl’encourageretmeforçaiàm’approcherunpeupourlesoutenir.Ilalla
rejoindreSiennasurlelitetellepassaavidementsesbrasautourdelui.J’avaisenviedeluicrier
qu’ellen’étaitpasobligéedelecollertantquelescamérasétaientéteintesmaisNicknemequittait
pasdesyeux,alorsjerestailàsansriendire.
Unautreassistantajustaledrapdefaçonàcequecelui-ciremontejusqu’àleurshanches,
quelqu’unréglaleslumièresetuneautrepersonnes’occupademettreenplacelespanneaux
réflecteurspourcréeruneambiancedecirconstance.Onmitenroutelescamérasainsiquedegrands
écransquiretransmettaientcequiétaitfilméetjedécidaideregarderl’écranaulieuderegarder
directementKellan,convaincuequejetrouveraislasituationplusfacile.C’étaitcommesilesvoirà
latélérendaittoutcelaunpeumoinsréel.
Àl’écran,Kellanavaitl’airhypermalàl’aisetandisqu’ils’allongeaitàcôtédeSienna.Elle
s’appuyasuruncoudeetsepenchasurlui,seslongscheveuxbalayantsonépaule.C’étaitclair
qu’ellen’étaitpasstressée,elleavaitmêmecarrémentl’airenextase.Uninstantplustard,le
réalisateurcria«Action»etlapièceplongeadanslesilence.
Kellannebougeapasd’unmillimètre,maisSiennasemittoutdesuiteautravail:ellesepencha
enavantpourl’embrasser,etjememordisl’intérieurdelajouesifortquejesentisungoûtdesang
dansmabouche.Kellans’efforçadeluirendresonbaiser,maisaulieud’êtresexy,c’étaitmaladroit
etpresqueembarrassant.ToussesmouvementssemblaientforcésetSienna,clairementfrustrée,vint
semettreàcalifourchonsurlui.Maislàencore,ilréagitàl’opposédecequ’onattendaitdelui,ense
contentantderesterallongélàsansbouger.Ellefronçalessourcils,rejetaseslongscheveuxpar-
dessussonépauleetsepenchapourl’embrasser.Grâceaugrosplan,jepusvoirqu’elleglissaitsa
langueentreseslèvres,maisjevisaussiquelamâchoiredeKellannebougeaitpas.Illuirésistait.
–Coupez!
Lecriduréalisateurmefitsursauteretjedesserrailespoings.Jenem’enétaispasrendu
compte,maisj’avaistellementenfoncémesonglesdansmespaumesquejesaignaispresque.
SiennaroulasurlecôtéetKellanseredressa.
–Ilestraidecommeunpiquet,qu’est-cequevousvoulezquejefasse?cria-t-elle.
–Désolé,réponditKellandansunsoupir,jefaisdemonmieux.
–Justement,non,grommelai-jeentremesdents.
Jememordislalèvreenayantenviedemegifler.Jen’arrivaispasàcroirequej’étaisentrain
del’enguirlanderparcequ’iln’étaitpasfichudefairesemblantdefairel’amouràuneautre.Surtout
quecen’étaitpascommesic’étaitlapremièrefoisqu’ilfaisaitçadevantunecaméra.Maiscette
fois,ilétaitloindetrouverçaaussifacile,visiblement.
NickcriaàKellandesemettreauboulot,etKellanmecherchaduregard.Quandilmetrouva,
jehochailatêteetarticulai«C’estbon»,etilsoupira.
Nickmefusillaitduregardcommesic’étaitmafaute,etjedemandaisiçafaciliteraitleschoses
quej’aillesurl’autreplateauaveclerestedesD-Bags.Aumomentoùj’allaisquitterlapièce,
Diedrichdécidad’adopteruneapprocheplusproactivefaceàlaréticencedesonacteurprincipal.
–Enlevezvotresoutien-gorge,chérie.Onvabienréussiràluidonnerenvie,ajouta-t-ilàvoix
basse.
Certainsdeshommesàcôtédeluisemirentàrire,etj’enfonçaidenouveaumesonglesdans
mespaumes.
Siennahaussalesépaulesetretirasonminusculesoutien-gorgenoir,qu’elletenditàunassistant
sansmêmeprendrelapeinedesecouvrir.Commentellepouvaitavoirconfianceenelleaupointde
montrersesseinsdevantuntasd’inconnussanssourciller?Jetrouvaisçaincroyable.Aussi
incroyablequesagénéreusepoitrine,d’ailleurs.
JemeforçaiànepluslaregarderetàmeconcentrersurKellan.Ilévitaitdelaregarderetilse
tortillasurlelitcommesic’étaitl’endroitleplusinconfortableaumonde.Mêmesidesmilliers
d’hommesauraienttuépourêtreàsaplace,ilavaitl’airmalheureuxcommelespierres,etçame
rendaitvraimenttriste.
Siennan’eutpasl’airdeleremarquer,oualorsellefitexprèsdel’ignorer.Ellegrimpaà
nouveausurluietpressasapoitrinenuecontresontorse,puisquelqu’unsurleplateaus’assura
qu’aucunepartieindécentedesonanatomien’étaitvisiblependantqu’ilregardaitleplafonden
soupirantàfendrel’âme.J’auraispayécherpourliredanssespenséesàcemoment-là.
Aprèsunedernièrevérification,unassistantattrapalamaindeKellanetlaposasurlesfesses
deSienna,puisilattrapal’autreetlapositionnaenbasdesondos.Kellanadoraitposersesmainsen
basdemondos…Siennasouritetmurmuraquelquechoseàsonoreille,etillaregardaensouriant
unpeu.Ilavaittoujoursl’airraidecommeunpiquet,commes’ilétaitincapabledesedétendre…ou
qu’ilavaitpeurd’yparvenir.
Diedrichcria«Action»unenouvellefoisetSiennasepenchadenouveausurKellanpour
l’embrasser.Moncœursemitimmédiatementàbattreplusfort,etjedusm’obligeràrespirer
normalement.Kellanl’embrassasansenthousiasme,sesmainsrigideslàoùl’assistantlesavait
placées.Cepetitmanègedurauneéternité,avecSiennaquiessayaitdésespérémentdel’exciteret
Kellanquiréagissaitàpeine,àdesannées-lumièredel’hommepassionnéqu’ilétaitavecmoi.
PileaumomentoùjecroyaisqueDiedrichallaitcrier«Coupez»etqueNickallaitmeflanquer
dehors,Kellanpritunegranderespiration,fermalesyeuxeteutl’airdereveniràlavie.Ilbougea
sesmainsenpremier,caressantSiennaets’attardantenbasdesondos.Puisilsemitàl’embrasser
avecuneréelleferveuretauboutdequelquessecondes,jepouvaisvoirleurslanguessemélangeren
grosplansurl’écrandevantmoi,lespetitsgémissementsquepoussaitSiennaétantlaseulechosequi
venaitperturberlesilence.
MonDieu,pourquoij’aiacceptéqu’ilsfassentça?
Maintenantquesesacteurscommençaientàrentrerdanslapeaudeleurspersonnages,Diedrich
leuraboyaitdesinstructions–touchececi,caressecela,lèvelatête,embrasse-la,viensau-dessus
d’elle…Aumomentoùelleseretrouvasurledos,Kellanétaitàfonddanscequ’ilfaisait,etles
larmesmemontèrentauxyeux,maisjecontinuaiàregarder.
Ilyavaitunecaméraaupieddulitenplusdecellesurlecôté,etelleoffraitunevueimprenable
surledosmusclédeKellan.Ledrapétaitplacéstratégiquementdefaçonàcouvrirsonboxeretà
donnerauspectateurl’impressionqu’ilétaitnuendessous.Letissuétaitsifinqu’ilépousaitla
moindrecourbedesoncorps,etçarendaitchaquecoupdehanchesqu’ildonnaitàSiennavraiment
expliciteetdérangeantàregarder.
Lacaméraplacéesurlecôtéétaitcellequifilmaitleursvisagesengrosplan,etcelle-làme
perturbaitpresquedavantage,carl’expressiondeKellanétaituneexpressionquej’avaisdéjàvue…
c’étaitcellequ’ilavaitquandilétaitaulitavecmoi.Lesyeuxclos,ilrespiraitbruyammententre
deuxbaisersenflammésetSiennasetortillaitetgrognaitendessousdelui.Çanem’auraitpas
étonnéequ’ellenesoitpasentraindejouerlacomédieetqu’elleprennevraimentduplaisir.Mais
alors…est-cequeluienprenait?Est-cequ’ilétaitexcité?Jen’enavaispaslamoindreidéeetça
merendaitdinguedenepassavoir.
LabouchedeKellanjouaitaveclasienneetjevissalangueglisserentreseslèvresavantde
glisserjusqu’aulobedesonoreille.Àlademandeduréalisateur,ilcaressasonflancpuispriten
coupeleseinquiétaitleplusprochedelacaméra.Aumomentoùjepensaisenavoirvuassezpour
fairedescauchemarspendantunmois,Kellancaressasagorgeduboutdesonnez,avantdelaissersa
languesepromenerdanssoncouetjesentisunevaguedejalousieincontrôlablemesubmerger.
C’étaitmacaressepréférée!Etils’enservaitsurcette…pétasse!Alorsnon,onn’avaitpasfixéde
limitessurcequ’ilavaitoupasledroitdefaireaujourd’hui,maisparrespectpourmoi,est-cequ’il
n’auraitpaspuaumoinsseretenirdefairecequ’onfaisaitdansnotrechambre?
Cequemamèrem’avaitditaucoursdudernierNoëlmerevint.Ilfautvraimentavoirdu
courageetducaractèrepoursupportertoutel’attentiondontilfaitl’objet.Tuessûred’êtrecette
personne?Ellen’avaitpastort…Est-cequej’étaiscapabledesupporterça?
J’allaistournerledosàl’écran,dégoûtée,maisjemerappelaidel’expressionsursonvisageau
début,etdelapressionquetoutlemondemettaitsursesépaules.Legroupe,lamaisondedisques,et
mêmemoi…Puisjemerappelaidecequejeluiavaisditquandilavaitditqu’ilnepouvaitpasfaire
çaetquejel’avaisconvaincud’accepterdetournerleclip.Faiscommesic’étaitmoi.Est-ceque
c’étaitcequ’ilétaitentraindefaire?
Leréalisateurcria«Coupez!»etKellans’immobilisaets’écartad’elleinstantanément.Je
pouvaisvoirsapoitrinesesouleveretsamâchoiretrembler,etl’inquiétuderemplaçamajalousie.
Est-cequ’ilallaitbien?
Siennaallaitplusquebien,çanefaisaitaucundoute:ellesepâmaitcommesiKellanétaitla
huitièmemerveilledumonde.Commentellefaisaitpourignorersonmalaiseàcepoint?Est-ceque
j’étaislaseuleàmerendrecompted’àquelpointilsemblaiteffrayé?J’avaisenviedecourir
jusqu’àluietdeluidirequejen’étaispasfâchée,maisauboutdequelquessecondes,Diedrich
recommençaàfilmer.
Dèsqueçatournait,Kellanavaitl’airparfaitementàl’aise:ilsouriait,laprovoquait,lagoûtait
etavaitl’airamoureuxd’elle,maisdèsqu’ilyavaitunepause,ilétaithypertenduetgardaitlesyeux
fermés,commes’ilavaitpeurdevoirmaréactionsijamaisillesouvrait.
Letournageduradesheures,etquandtoutfutfini,j’étaisépuisée.Visiblementravi,Diedrich
remerciasesstarschaleureusementetconvintderetrouvertoutlemondelelendemain.Kellanse
leva,attrapasonpeignoiretquittalapièceavantmêmequej’aieletempsdel’appeler.Quantà
Sienna,elleavaitl’airtristeenrefermantsonpeignoirsursapoitrineencoredénudée.
Indifférenteàsamélancolie,jemelançaiàlarecherchedemonmari,sanssuccès.C’étaitun
dédaledecouloirsavecdesgensdanstouslessens.JefinispartombersurlerestedesD-Bags,qui
s’étaientchangésetportaientdenouveauleursvêtementshabituels,etEvanmeserradanssesbras.
–Kiera!Tuauraisvuça,onétaitmortels!EtKellan,ilestoù?demanda-t-ilenregardant
autourdelui.
Mattmeregardad’unairinquiettandisqueGriffinétaitentraindediscuteravecunedes
assistantes.
–Jenesaispas…Ilestintrouvable.
–Peut-êtrequ’ilavaitbesoind’airetqu’ilattenddanslavoiture?suggéraMatt.
Jenesavaispasoùlechercheralorsjehochailatêteetsortis,suiviedesgarçons.Siennanous
fitsignequandonpassaàcôtédesaloge.Elleaussis’étaitchangéemaisj’avaisencorel’imagede
soncorpspresquenudansmatêteetl’imagedelalanguedeKellandanssoncou.J’avaisl’estomac
retournéenarrivantdehorsetjeprisunegrandeboufféed’aircommesijevenaisdepasserdixans
enferméedansunegrotte.Evanmedonnaunepetitetapedansledospuismontralalimousinenoire
quinousattendait.
–Onvabienvoirs’ilestlà-dedans.
J’acquiesçaifaiblement,leslarmesauxyeux,etlechauffeurouvritlaportièreennousvoyant
arriver.Lesgarçonsmontèrentenpremieretj’entendisEvanhélerKellan.Ilétaitdoncbeletbien
planquédanslavoiture.Griffinluidemandacommentças’étaitpasséetjecrusquej’allaismesentir
mal.Tuveuxsavoircommentc’était?C’étaitatroce.J’hésitaiaumomentdemonterenvoiture.Je
n’étaispassûred’êtreprêteàvoirKellan.Toutçaétaitencorebeaucouptropfrais.
Jefinispargrimperdanslalimousineenévitantderegarderverslui,etunefoisenroute,je
gardailesyeuxfixéssurlepaysagequidéfilait.Jepouvaissentirsonregardsurmoi,maisj’étais
incapabledeluifaireface.Jenem’étaisjamaissentieaussibizarre.Jesavaisàquelpointçaavait
dûêtredifficilepourluietjesavaisqu’ilavaitfaitsemblantquecesoitmoipouryarriver.J’avais
enviedeleréconfortercarjesavaisàquelpointçal’avaitcontrariédedevoirfaireça.Maisen
mêmetemps,jenevoulaispasvoirsatêteparcequejesavaisqueçameferaitaussitôtpenserà
Sienna.
Latensionaugmentaitàmesurequelesdiscussionsallaientendiminuant,àtelpointquemême
Griffins’enrenditcompte.
–Vousvousêtesdisputés?finit-ileffectivementparnousdemander.
Quelqu’unluidonnaunebourradepourl’empêcherdecontinuersoninterrogatoire,cequi
m’arrangeabiencarjenesavaisabsolumentpasquoirépondre.Toutcequejesavais,c’étaitqueje
nemesentaisvraimentpasbien,etquej’aimaistoujoursKellanplusquetout.
Jesortisdelavoitureàlasecondeoùlechauffeurouvritlaportièrepourmeprécipiteràl’étage
etjeclaquailaportedenotrechambrederrièremoi.Jesavaisbienquejen’allaispaspouvoir
l’éviteréternellementmaisj’étaispartagéeentrelaculpabilitéetladouleuretj’avaisjustebesoin
d’uneminute.Enentendantlesgarçonsarriverdanslasalle,jefilaiàlasalledebainsetfiscouler
l’eaudanslelavabopourpouvoirpleurertranquille.Soudain,j’entendisdespetitscoupsàlaporte.
–Kiera…
Ilyavaitunetelledouleurdanssavoixquejecoupail’eau.Jeravalaiunsanglotetmeregardai
danslemiroirenm’ordonnantdemecalmer.Onnedevaitpaslaisserleclipsedresserentrenous.Je
repensaiàsonairhorrifiéetàsaréticenceaudébutdutournage,etcesimagesaidèrentàapaiserle
souvenirdesbaisersenflammésquej’avaisvusensuite.J’étaiscapabledesupporterça.J’étais
capabled’êtreavecluietd’êtresafemme.
Jecommençaisjusteàrespirernormalementquandsavoixretentitdenouveau.
–Kiera…S’ilteplaît.
Soudain,j’entendisunbruitquej’avaissouhaiténeplusjamaisentendre:ilétaitentrainde
pleurer.Quandj’ouvrislaporte,iltenaitsatêteentresesmainsetsesépaulestremblaient.Jelepris
dansmesbrasetilenfouitsonvisagedansmoncou.
–Pardonne-moi.Jesuistellementdésolé…Nemequittepas,jet’ensupplie.
Jeleserraicontremoi,auborddeslarmes,etjeluicaressailescheveuxenleberçant.
–C’estbon,jenesuispasfâchée.Toutvabien.
Ils’écartaetjevisqu’ilavaitlesyeuxrougesetlesjoueshumides.
–Commenttupeuxnepasm’envouloiràmortaprèscequetuasvu?Tudoismedétester…
–Kellan…tuembrassaisqui,aujourd’hui?
–Toi…J’airepenséàlapremièrefoisoùonavaitfaitl’amour…quandtum’avaisditquetu
m’aimais.
Unsourireilluminaenfinsonvisageendépitdesatristesseetjeluisourisenretour.
–Jesais.Etc’estpourçaquejenet’enveuxpas.Jesaisquetupensaisàmoi…etjet’aime
plusquetout.
Ils’écrouladansmesbras,terrasséparlesoulagement.
–J’avaistellementpeurdeteperdre…Tunevoulaismêmepasmeregarderdanslavoiture.
–Jesuisdésolée,dis-jeenmeblottissantcontrelui.J’avaisjustebesoind’unpeudetemps.
–Çanesereproduiraplusjamais.Jemefichedesenjeux,jeneveuxplusjamaistefaireça.Ni
mefaireça.Jerefusedecontinueràjouerleurpetitjeu.
Jemelaissaiallercontrelui,soulagée,etKellanapprochasabouchedelamiennepour
m’embrassermaisjemeraidis.Sesyeuxétaientremplisdepeurquandjelerepoussai.
–Tusenscommeelle…
–Paspourlongtemps.
Endeuxsecondes,ilétaitdéshabilléetsousladouche.Jemedéshabillaiàmontourpourle
rejoindresouslejetd’eauchaude,etilsouritenmetendantlesavon.
Jeluisavonnaid’abordledos,puisjem’attaquaiàsapoitrineetfrottaisansrépitjusqu’àce
quelemaquillagedisparaisseetquemonnomsoitdenouveauvisiblesursontorse.Quandcefutle
cas,jesourisetembrassaisontatouage,etKellansouritàsontouravantdeselaverlescheveux.La
têtepleinedemousse,ilm’observaittandisquejesavonnaisesjambes,etquandjeremontailelong
desescuisses,ilfermalesyeux.
–C’estlaseulepartiequ’ellen’apastouchée,maisj’apprécietondévouement,dit-ilen
rouvrantunœil.
Jerisetm’apprêtaiàl’embrassermaisilm’arrêta.
–Attends.Ilresteencoreuntrucàlaver.
Jemedemandaicequejepouvaisbienavoiroubliéquandjelevisattraperlabouteillede
shampoingetenverserdanssabouche.
–Kellan!
Illevaundoigtenl’airetsegargarisaavecleshampoing,puisilfitunegrimacecommes’il
allaitvomiretsepenchapourcracher.Maisils’étranglaetsemitàtousseretjeristellementfortque
jesentisleslarmesmemonterauxyeux.Etçafaisaitunbienfou.
–Jen’enrevienspasquetuaiesfaitça!
Quandilmitsatêtesouslepommeaudedouche,desbullesseformèrentdanssaboucheetil
finitparsefrotterlalangueaveclafleurdedouche.Àcestade,jeriaistellementquej’enavaismal
auventre.
–Ça,c’estfait!dit-ilenfaisantlagrimaceavantdecouperl’eau.
–Cen’étaitvraimentpasnécessaire.
–Si,çal’était,assura-t-ilensouriant.
Jemependisàsoncouetsautaipourpassermesjambesautourdesataille.
–Jet’aime…mêmesituescomplètementcinglé.
Ilritetouvritlaportedeladouche.
–Tantmieux,parcequejepensequej’enaipourunesemaineàroterdesbullesdesavon.
Jepassaimesmainsdanssescheveuxetledévisageaijusqu’àcequej’aiel’impressionque
moncœurallaitexploser.
–Moiaussi,jet’aime.Jen’aimequetoi,etjet’aimeraitoujours.
13
Projets
Lerestedutournagefutbeaucoupmoinstraumatisant:Kellantournasesscènesaveclegroupe
etfinitaussicellesavecSienna,maishabillécettefois,etletournagedesscènesdegroupefut
vraimentgénial.Lesvoirsurscène,mêmesic’étaitjusteundécor,donnaitvraimentl’impression
d’êtreauPete’s.Kellanétaitincroyableetmêmesil’enregistrementaudioneseraitpasutilisépour
leclip,c’étaitdigned’unedeleursmeilleuresperformances.
Lerestedesscènesdanslachambreétaitplutôtintéressantàregarder,àvraidire.Toutela
chansonétaituneodeàunamourperdu,etlavisiondeDiedrichétaitqueSiennaetKellandevaient
sedisputerautourdulitquiavaitaccueillilesaffresdeleurs«étreintespassionnées»,commeilse
plaisaitàappelerleurscènedesexe.
Ilspassèrentdonctoutelajournéeàfilmerlesscènesderupture,etlecôtétechniqueétait
fascinant.Pendantletournage,Kellansepenchaitsurlelitvideetchantaitenregardantdroitdevant
lui,maisdanslaversionfinale,ilregardaitunclichédeluientraind’embrasserSienna.Àun
moment,uncouplevêtudecombinaisonsvertesgrimpasurlelitpoursimulercequeKellanetSienna
avaientfaitlaveille(ilyavaitdoncvraimentdesgensquifaisaientçacommeboulot?),puisKellan
caressalebrasdudoubledeSienna,cequi,danslaversionfinale,donnaitl’impressionqu’une
versiondeKellanétaitaulitavecSiennatandisquel’autreluitouchaitlebrasd’unairmélancolique.
Simêmemoij’arrivaisàregarderçasansêtrerévulsée,alorsleclipallaitêtreaussimagnifiqueque
lachanson.
Pendantlepassageleplusintensedeleur«dispute»,KellanetSiennachantaientense
regardantetenfaisantbienattentionànepasregarderlelitoùl’imagedeleurscorpsenlacésdevait
ensuiteêtreajoutéenumériquement,etjedoisavouerquejepréféraisdeloinvoirKellanchanteren
regardantSiennaavecméprisquelevoirluilécherlecou.
Lachansons’achevasurKellanetSiennaquittantla«chambre»dansdesdirectionsopposées.
Diedrichexpliquaqu’ilallaitutiliserlepassageoùKellans’écartaitdeSiennaetroulaitsurledos
aveclesyeuxfermésetlamâchoiretremblantecommedernierplanduclip.Ilditquel’expression
surlevisagedeKellanétaitl’illustrationparfaiteduprésagedeleurruptureimminente,etqu’elle
permettaitdecréerunevidéoquipouvaitêtrevisionnéeàl’infini.Jen’enétaispaspersuadée,mais
enmerappelantdeladouleursurlevisagedeKellan,j’étaiscertainequelascèneseraitforteen
émotions.
Avecl’aird’unpèrefierdesonrejeton,Nicks’approchadeKellanàlafindeladernière
journéedetournageetluitapasurl’épaule.
–Alorstuvois,cen’étaitpassiterrible!s’exclama-t-il.Lavidéovafaireuncarton.
Ilsefrottalesmainsetjepuspresquevoirlesbilletsdebanquedéfilerdanssesyeux.Kellan
passaunbrasautourdemesépaulesavantdeluirépondre.
–Raviqueçavousplaise.Parcequec’estlapremièreetladernièrefoisquejefaisuntruc
pareil.
LesouriredeNicks’évanouitimmédiatement.
–Ilnefautjamaisdirejamais.Tudémarrestoutjustedanslemétier,jeterappelle.
LetondesavoixindiquaitqueKellanetsongroupeétaientloind’êtreirremplaçables,maisje
n’étaispasdumêmeavis.LesventesdeleursingleavecSiennaatteignaientdessommetsetj’étais
sûrequecellesdeleuralbumenferaientautantquandcelui-cisortiraitdansquelquessemaines.
KellanmeregardapuissetournadenouveauversNick.
–Non,jeneretourneraijamaisunclipcommeça.J’aimadose.J’aifaitunepromesse,jel’ai
tenueetjeferailemaximumpourvousaideràpromouvoirl’albumparcequejedoisbiençaàmes
musiciens,maismafemmepasseenpremier,etilvafalloirvousyfaire.
Latensionnetardapasàdevenirpalpableentreeux:Nickn’aimaitpasqu’onluidisenon,mais
Kellanenavaitmarrequ’onluidonnedesordres.
–Lemaximum?demandaNick.
–Danslalimiteduraisonnable.Jenevouslaisseraiplusjoueravecmavieprivée,jen’aime
pasl’étaler.Maiscen’estpaspourçaquejevaismetaire,etsionmeposedesquestionssurmavie
personnelle,j’aibienl’intentiondedonneruneréponsehonnête.Ah,etaussi,j’airelumoncontrat.Je
saiscequemonjobimplique,etjesaiscequejesuisobligéounondefairepourvous.
Nicksouritd’unairsuffisant,commes’ilsavaitquelquechosequeKellanignorait,etuninstant
plustard,ilhaussalesépaulescommesiderienn’était.
–Tantmieux.
QuandNicketSiennapartirent,paslongtempsaprès,ilsavaienttouslesdeuxl’airdemauvais
poil.Personnellement,j’étaisravie,etmêmequandGénéralToryvintnouschercherpournous
emmeneràl’aéroportpourrepartirfairelapromodel’album,çan’affectapasmabonnehumeur.
Kellans’étaitrebelléetiln’allaitplusselaisserfaire.Jeluidemandaidenepascitermonnom,car
jenevoulaispasêtreaucentredel’attention,maisàpartirdelà,dèsquequelqu’unluiposaitla
question,ilrépondaitqueSiennaétaitjusteunecollègueetqu’ilétaitencouple.Toryn’appréciait
pasqu’ilrépondeàunequestionàlaquelleNickluiavaitinterditderépondre,maisilsemoquaitde
leuravis,secontentaitdesourirequandelleluitombaitdessusaprèschaqueinterview.
Onpassaitd’unevilleàl’autresansavoirletempsderespirer,maismêmesic’étaitépuisant,
neplusavoiràs’inquiéterduclipétaitvraimentunsoulagement.C’étaitcommesinousavionsété
délestésd’unpoids.SansparlerdufaitqueSiennaavaitcommencésapropretournée,cequi
signifiaitqu’onn’allaitsûrementpaslarevoiravantunlongmoment.Lesrumeursfiniraientpar
s’apaiser,etjefiniraisparneplusentendreparlerdusupercouplequ’elleformaitavecKellan.
J’avaisvraimenthâtequecemomentarrive.
Àlafindelatournéepromotionnelle,legroupeavaitquelquesjoursdereposavantledébutde
latournéeavecJustinetAvoidingRedemption,alorsonprittousl’avionpourSeattle.Lesdernières
semainesnousavaientexténués,etêtredansmonlitnem’avaitjamaisparuaussimerveilleux.Je
dormisdouzeheuresd’affiléelapremièrenuit,etKellandormitencoreplusquemoi.
CommeNickl’avaitprévu,leursingleavecSiennaseclassanuméro1justeavantlasortiede
l’albumdesD-Bags,quiseplaçaimmédiatementendix-neuvièmeposition.MêmesiKellanenavait
parléavecNick,unsuccèspareilavaitquandmêmel’airdel’étonner,maispasmoi.Jesavais
qu’unefoisquelemondeconnaîtraitsonexistence,lesuccèssuivrait.
Ondécidadesortirtousensemblepourfêterça,etcommeonétaitàSeattle,unseulendroit
s’imposait:lePete’sBar,làoùtoutavaitcommencé.
Kellanmepritlamaintandisqu’onregardaitlesignedubarquibrillaitàl’entrée.Onavaitdu
malàcroirequeçafaisaitàpeineplusdedeuxansquej’avaisvuKellanicipourlapremièrefois.Je
l’avaisprispourlepiredescoureursdejupons,cequ’ilétaitàl’époque,maisj’avaisaussifinipar
découvrirunepersonnalitébienplusprofondequeça.
–Jet’aidéjàditquejet’avaisremarquéeàlasecondeoùtuétaisentréedanslebaravec
Denny?demanda-t-ilsoudain.
–C’estvrai?Pourtant,tuétaissurscèneetlebarétaitpleinàcraquer!
Kellanm’entraînaverslesportesenmarchantàreculons.
–C’étaitcommeunedéchargeélectriquequandtuesentréedanslasalle.Commesijesavais
quejeneseraisplusjamaislemême.
Ilsouritetjelevailesyeuxauciel.
–Maisbiensûr.TuasremarquéDenny,maismoi,j’aidumalàycroire.
Ilarrêtad’avanceretjeluirentraidedans.ÊtresurleparkingduPete’savecluimeréconfortait
autantqued’êtredansnotrenidd’amourquelquespâtésdemaisonplusloin.
–J’étaisincapabledetequitterdesyeux.Rienqu’enteregardant,j’avaisl’impressionquemon
cœurétaitpluslégeretj’avaisdespapillonsdansl’estomac.Çaachangémavie.
Sesmotsm’émurentprofondément,maisjenetardaipasàrepenseràsaperformancesurscène
etjesouris.
–Çanet’empêchaitpasdedéshabillertouteslesfillesduregard.
Ilseremitenrouteenriant.
–Tumarquesunpoint.Maisn’empêchequejet’airepéréetoutdesuite.C’étaitimpossiblede
nepastevoir.
Alorsquejeretournaisçadansmatête,Griffinapparutdevantnousetfituneentréedesplus
dramatiques.D’habitude,j’étaisàl’intérieurquandilfaisaitçaetc’étaitunpeubizarrederentrer
danslebaraprèslui.Kellanritenmetenantlaporteetjel’embrassaisurlajoueavantd’entrer.
Unmélangedecris,d’applaudissementsetdesiffletsnousaccueillit,dansuntelvacarmeque
j’eneusmalauxoreilles.RachelsecrispaaussienentrantavecMatt,etquelquessecondesplustard,
legroupeétaitentouréd’untasdenouveauxfansetd’ancienshabitués.OnrejoignitKateetJenny
avecRachel,ettandisqu’onrestaitaubar,àl’écartdesgarçons,jefusémerveilléedevoiràquel
pointlePete’savaitl’airàlafoispareilqu’avantetdifférent.Avant,c’étaitunlieudetranquillité
pourKellan,maismaintenantqu’ilétaitcélèbre,cen’étaitplusvraimentlecas.Aumilieudubruit
quirégnaitdanslebar,jepouvaisentendredesmurmuresetlenomdeSiennacirculer,tandisquepas
maldepersonnesmeregardaientd’unairconfus.Apparemment,ellenoussuivaitvraimentpartout.
JeprisdesnouvellesdeRachel,KateetJennyjusqu’àcequeleraffutautourdesgarçons
commenceàsecalmer.PuisJennyallarejoindreEvan,etillaserradanssesbrasenlasoulevantdu
sol.Jel’entendisl’appelersa«fraiseTagada»etsouris,mêmesijenecomprenaispasàquoiil
faisaitallusion.
Rachels’éclipsadiscrètementavecMattàlapremièreoccasion,Griffinallas’installeràune
tabled’étudiantes,etKellanfinitparseretrouvertoutseulaumilieudesclientscurieux.
JemetournaiversRitapourcommanderàboirepourlesgarçonsenattendantKellanmaiselle
avaitdéjàalignéplusieursbouteillesdebièresurlecomptoir.
–Alors,qu’est-cequisepassevraimententreluietSienna?demandalablondedécoloréeen
faisantunsignedetêteverslui.Parcequ’àvoirleurclip,onal’impressionquecen’étaitpasleur
premièrefois…niladernière.
Jefusétonnée,pasparsaquestionmaisparlefaitqueleclipétaitdéjàsorti.C’étaitsûrement
pourçaquelenomdeSiennaétaitsurtoutesleslèvres.
–Necroispastoutcequetuvois.Illavoitetilluiparleàpeine.
–Chérie,danssapériodefaste,ilnevoyaitnineparlaitàaucuned’elles.
–Onesttoujoursensemble,dis-jeenlevantlamainpourluimontrermabague.
Ritapritmamainetpoussaunsifflementadmiratif.
–Merdealors!Ilavraimentbongoût,dit-elleenregardantdansladirectiondeKellan.
Enlavoyanthumidifierseslèvresbourréesdecollagène,j’euscommeundoutelà-dessus.Ily
avaiteudesmomentsdanssavieoùsongoûtavaitétéplusquedouteux.
Unefoisdébarrassédesesadmirateurs,Kellansedirigeaverslatabledugroupe.Saml’avait
faitelibérerànotrearrivée,cequin’avaitpasl’airdedérangerlesclientsqu’ilavaitdûdéplacer.
DennyetAbbyétaiententraindedîneràunetablepasloin,etKellanallaleschercherpourqu’ils
viennents’installeravecnous.
Assisàmadroite,Dennylevasonverrepourtrinqueravecmoi.Ondiscutapendantquelques
minutesdecequis’étaitpassédansnosviesrespectivespendantmonabsencetandisquelesgarçons
évoquaientlesuccèsdel’album,etàunmoment,DennyjetaunregardàKellanetsepenchavers
moi.
–Çavatoujours,entrevous?
Sontoninquietindiquaitclairementqueluiaussiavaitvuleclipetjecontinsunsoupir.
–C’estàcauseduclipquetudemandesça?Oui,toutvabien.
–Tul’asvu?demanda-t-ild’unairhésitant.
–Paslaversionfinale,maisj’aiassistéautournage.
LesouvenirdeKellanaulitavecSiennarevintàlasurface,maisjelerepoussai.Onétaitlà
pourfairelafêteetjevoulaisenprofiter.
–Ahbon?
Dennyavaitl’airréellementchoqué,etjepouvaiscomprendrepourquoi.J’imaginaisàquel
pointleclipdevaitêtrechaud,etsionajoutaitçaauxrumeursquicouraientsurKellanetSienna…
Çadevaitluiparaîtreincroyablequej’aillebienetquej’aiemêmeacceptéd’assisterautournage,
sachantcombienj’étaistimide,jalouseetégoïsteilyaquelquesannées.
–Çadoitsûrementavoirl’airbienplussexyqueçal’étaitenréalité.C’étaitplutôt…tiède
pendantletournage.
Enfin,lespremièresprisesl’étaient,entoutcas.
–Ahbon?répétaDenny.C’esttrèsconvaincant,entoutcas…
JeposaimonverreetregardaiKellan,assisàgauchedemoi.
–Toutvatrèsbienentrenous,répétai-jeàDenny.
Ilacquiesca,maisàvoirlatêtequ’iltirait,j’étaissûrequecen’étaitpasladernièrefoisqu’il
meposeraitlaquestion.
Annaarrivaàlafindesonserviceetvints’asseoirsurlesgenouxdeGriffin,quiavait
abandonnésonfanclubàlaminuteoùj’avaisapportélesbières.Çam’avaitétonnéedelevoir
préférerlabièreàsonharem,maisenvoyantsonsouriretandisqu’Annamordillaitlelobedeson
oreille,jecommençaiàmedemandersisescentresd’intérêtn’avaientpasvraimentchangé.
Onétaitlevendredisoir,etlesPoeticBlissnetardèrentpasàarriveretàmontersurscène.
RainétaitsurexcitéedesavoirqueKellanétaitdanslepublic,etellel’obligeaàmontersurscène
avecelle.LafoulesemitàcrieretKellanfitsemblantdedonnerdescoupsàRainpourl’éloignerde
lui.Elleesquivasescoupsimaginairesetfitsemblantelleaussidelefrapperavecsespetitspoings.
Sajupeétaittellementcourtequejevoyaisl’ourletdesaculottequandellesepenchaitenavant,et
mêmesiçanemeplaisaitpasdesavoirqu’ilyavaiteuquelquechoseentreeux,jefusobligéede
rireenvoyantleurpetitjeu.
Auboutdequelquesinstants,Kellanserenditetattrapalemicropours’adresseraupublic.
–Salut.
CeseulmotsuffitàdéclencherdescrisperçantsdanstoutlebaretKellansemitàrire.
–Putain,qu’est-cequec’estbond’êtreàlamaison!
Lescrisredoublèrentetmasœursifflaentresesdoigts.Çam’avaittoujoursrendueunpeu
jalousequ’ellearriveàfaireça:j’auraisétéincapabledefairecommeelle,mêmesimavieen
dépendait.Kellanbalayalebarduregard,lesyeuxbrillants.
–ÇavousdérangesilesD-Bagsjouentunmorceauoudeux?
Àenjugerparlaréactiondupublic,çan’avaitvraimentpasl’airdelesgêner:toutlemonde
hochalatêteavecenthousiasme,etquandKellanregardalesautresmembresdesPoeticBliss,elles
acquiescèrentaussi,raviesdesefairevolerlavedette.KellansouritetfitsigneaurestedesD-Bags
delerejoindre.
Griffinselevasivitedesachaisequ’ilfaillitfairetombermasœurmaisDennylarattrapajuste
àtemps.ElleleremerciaàcontrecœurtandisqueMattenvoyaituncoupàGriffin,etlatableàcôté
denousritenvoyantlescousinssebagarrer.
Unefoislesgarçonssurscène,lesfillesleurtendirentleursinstruments.Griffinfronçales
sourcilsens’emparantdelabasserosefluodeTuesdaytandisqueBlessingtendaitàMattsaguitare
bleucanard.Evanallas’installerderrièrelabatteriedeMeadow,quiétaitornéedulogodugroupe
uneénormefleurviolette.Lesfillessedécalèrentsurlecôtédelascènepourlaisserlaplace,etily
eutquelquesricanementsàlesvoiravecdesinstrumentsaussiféminins.Rachelriaittellementqu’elle
attrapalehoquet.
Kellansecoualatêteetsonexpressionamuséefitbattremoncœurplusvite.Kellansurscène…
iln’yavaitriendeplusgénial.Lafouleavaitl’airdumêmeavis,carquandEvanattaqual’intro,l’air
semitàvibrerlittéralementsousl’effetdescris.Avecunemaindanssescheveux,Kellanentamaun
classiquedugroupe,ettouslesfansdelapremièreheuresemirentàchanter,tandisquelesautres
continuaientàhurler.
Kellandétachalemicrodesonpiedetcommençasa«parade»,quiconsistaitendesaller-
retourauborddelascène,pourbienmontreràtouteslesfemmesquileregardaientqu’ilavait
remarquéleurprésence.Ilregardaitchacunedanslesyeuxetleursouriaitenchantant,etils’arrêtait
parfoispourposerunpiedsurunhaut-parleuretsepencherenavantpourtendrelamainàdesfans,
quinemanquaientjamaisdepousserdescrissuraiguseneffleurantleboutdesesdoigts.
Çamerendaitjalouseavant,maisenvoyantàquelpointluietsesfansétaientheureux,jene
ressentaisriend’autrequedelajoie.Ilavaitunerelationexceptionnelle,quasisymbiotique,avec
sonpublic,chacunsenourrissantdel’énergiedel’autre.Alorsquel’apogéedelachanson
approchait,Kellans’immobilisaaumilieudelascène.
–Est-cequec’estçaquetuveux?chanta-t-ilens’adressantàlafoule.
Lesfanscrièrentleurréponsepassionnémentetàlafindelachanson,lesgarçonsenentamèrent
uneautresansattendre.Jenesavaispass’ilsavaientunelisteétablieousiEvandécidaitauhasard
decequ’iljouaitensuiteetsilesautreslesuivaientsanshésiter.Peut-êtreunpeudesdeux…Ils
jouaientensembledepuistellementlongtemps.
Leurchansonsuivanteétaitrapideetentraînante,etavecJenny,onentraînaRachelsurlapiste
dedanse.Annasejoignitànousetsemitàsedéhancherendépitdesongrosventre.JevisDenny
emmenerAbbysurlecôtédelapisteetdanseravecelleavecdegrandssourires.Iln’yavaitpasde
tristesse,pasdejalousie,justedelajoieetdelapaix,cequiétaitcequej’avaistoujoursvoulupour
lui.
Àlafindelachanson,Kellansalualepublic,leremerciaetsautadanslafosse.Iltraversaune
maréedemainstenduespourmerejoindreetmeprendredanssesbras,etlesfansfinirentparle
laissertranquille.Kellanm’embrassatandisquelavoixdeRainretentissaitdanslebar.
–Mercilesgars,maismaintenant,c’estautourdesfillesdecasserlabaraque!
Kellansetournaverselleetsemitàrire,etlesfillescommencèrentleurconcert.Jennyseremit
autravail,RachelallarejoindreMattàlatabledugroupe,etAnnasedirigeaversuntabouretpour
s’asseoir,bientôtrejointeparGriffin.Dennymefitunpetitsigneavantdegagnerlasortieavec
Abby,etonrestaaumilieudelafouleavecKellan,àdansersurlesmorceauxdesPoeticBliss.Cela
faisaitunmomentquejen’avaispasdanséavecluietj’avaispresqueoubliéàquelpointilétait
doué.Ilvintseglisserderrièremoietonduladeshanchesdansunmouvementsisexyquej’eus
immédiatementenviedeplantertoutlemondesurplacepourm’isoleraveclui.Jepouvaissentirson
soufflechauddansmoncouetsonnezcontremanuque,etjefermailesyeuxenappuyantmatête
contresonépaule,raviedesentirsoncorpscontrelemien.
–Tuviens?demanda-t-ilsoudainàmonoreille.
Tuparlesd’unequestion.
Sesmainsglissèrentsurmeshanchesetilm’attiracontrelui.Jen’avaispasbesoindeçapour
savoirqu’ilétaitexcité,maissentirlerenflementdesonjeandéclenchaunincendieenmoi.Je
tournailatêtepourleregarderetluioffrisunsouriremalicieux,etceluiqu’ilm’offritenretourétait
aussidiaboliquequelaflammedanssesyeux.
Jel’entraînaialorsverslecouloir.Plusieurspersonnestentèrentdenousarrêtertandisqu’onse
dirigeaitverslaréserve,oùseulslesemployésavaientledroitd’entrer,maisjelesesquivai
habilementetonfinitpars’yglisserenrefermantrapidementlaportederrièrenous.Kellanmepressa
contrelaporteetlaverrouilla.
–Lenouveauverroufonctionnebien,ondirait,murmura-t-il.
Jerisenl’attirantcontremoi.Jenesaispassic’étaitladanse,lesquelquesbièresquej’avais
bues,lefaitdelevoirsurscèneetencorelanouveautédenousafficherenpublic–cequ’onn’avait
paseul’occasiondefairedepuislatournéepromotionnelle–,maisj’avaisplusenviedeluique
jamais.
Entredeuxbaiserspassionnés,jelaissaimesmainsglisserlelongdesontee-shirtpourdéfaire
sabraguette,etilgeintavantdem’imiter.Jejetaiquandmêmeunbrefregardpar-dessussonépaule
pourm’assurerqu’onétaitseulsdanslapiècemaisjenevispersonneetjerecommençaià
l’embrasserenfermantlesyeux.
Aumomentoùilcommençaitàfaireglissermonjeanlelongdemescuisses,jeglissaimamain
danssoncaleçonetsentisàquelpointilétaitprêtpourmoi.Ilgémitquandjepressaidoucementson
sexedansmamainet,ensentantsondésir,monsoufflesefitplusrapide.C’étaitcommes’ilallait
exploser,tellementexcitéquelemoindrefrôlementétaitsusceptibledel’achever.Soudain,jeme
rappelaidequelquechosequ’ilavaitditunefois,etàDennyenplus,etjel’empêchaidebaissermon
pantalon.Sionétaitvraimentlàpourcélébrersonsuccès,peut-êtrequejedevraisluifaireunpetit
cadeau.Ilyavaitquelquechosequejenefaisaispaspourluid’habitude,maispeut-êtrequeje
devrais,étantdonnéqu’apparemmenttouslesmecsaimaientça.Enfin,c’étaitcequej’avaisentendu
dire.
Jelepoussaietmelaissaiglisserlelongdelaporte,etKellanmeregardad’unairahuri.
–Kiera…?
Quandjem’arrêtaiauniveaudesataille,ilretintsonsouffle,etc’étaitcommesisonregard
essayaitdemedireJet’ensupplie,faiscequejepensequetuvasfaire.Ilcaressamajoueetjeme
sentispluspuissante,plusdésirableetplusbellequejamais.Sansdétachermonregarddusien,je
baissaisoncaleçon,etsonimpatiencedevintpresquepalpable.Quandilseremitàrespirer,son
souffleétaitirrégulier,maisilneditrienetilnememitpaslapression.Ilcontinuaitjusteàme
supplierduregard.Quandjeremarquaiqu’iltremblait,peut-êtreparcequ’ilrésistaitàl’envie
d’attirermeslèvrescontrelui,jebaissailatêteetleprisdansmabouche.Ilgrogna,etjel’entendis
appuyersonfrontcontrelaporteau-dessusdemoi.Jel’avaisdéjàcaresséavecmalangue,maisça
n’étaitjamaisalléplusloinqu’uneléchouilleoudeux.Jen’avaisjamaisfaitquelquechosed’aussi
audacieux,quelquechosed’aussiouvertementdestinéàluifaireplaisir.
Alorsquesarespirationsefaisaitdeplusenplussaccadée,ilcaressamajouetandisqueje
faisaisdemonmieuxpourmedétendre.Plusrapidementqueceàquoijem’attendais,jelesentisse
contracteretsusqu’ilétaitsurlepointdejouir.Jen’étaispascertainedecequejevoulaisfaire,
maisj’avaisvraimentenviedeluifaireplaisiretjesavaiscequemoij’auraisvoulusilesrôles
avaientétéinversés.Alorsquandilmurmuramonnometposaunemainsurmonépaulepourme
repousser,jem’agrippaiàseshanchesetleprisplusprofondémentdansmabouche,décidéeàaller
jusqu’aubout.
Monva-et-vientl’amenaaupointdenon-retour,etilagrippalapoignéedelaporteavantde
gémirenpoussantuncridejouissance.Saréactionsuffitàmefaireoublierlegoût…qui,d’ailleurs,
n’étaitpasaussidésagréablequecequej’avaisimaginé.
J’attendisunmomentquesarespirationsecalme,puisjeluiremissoncaleçonetmerelevai.Il
avaittoujourslefrontcontrelaporteetlesyeuxclos.Enrepensantàsonvisage,sonregardetsa
réaction,jemerendiscomptequejenel’avaisjamaisvuaussiexcité.Jepassaimesbrasautourde
luietmeblottiscontresapoitrine,etilenfouitsonvisagedansmoncou.
–Putain…c’était…merde…
Ils’affalasurmoietjerisdelevoircomplètementincohérent.Apparemment,c’étaitréussi.
–Arrêtedejurer,dis-jeenluicaressantledos.
Ilritetilsecoualatête.
–Désolé,dit-ild’unevoixendormie.
Moncorpsirradiaitdedésir,maisiln’avaitvraimentpasl’airenétatdemerenvoyer
l’ascenseuretjenevoulaispasvraimentqu’illefasse.J’aimaisvoirquec’étaitmoiquil’avais
épuiséetjevoulaisquecemomentsoituniquementpourlui.Jerefermaimabraguettepuisj’enfis
autantaveclasienne,etilreculad’unpas.
–Tufaisquoi?
–Jeterhabille.Çanefaitpastrèssérieuxd’allerretrouverlesautresavectonpantalonsurles
chevilles.
–Maistun’aspas…tuneveuxpasquejetedonneduplaisir,moiaussi?
J’avaisenviedeluiarrachersonjeanetdelesupplierdemeprendrecontrelemurmaisàla
place,jesecouailatêteensouriant.
–Tum’enasdonné.
–Tuessûre?Parcequetufaisplusdebruitqueça,d’habitude.
Jememordislalèvre,àdeuxdoigtsdechangerd’avis.
–Jenesuispeut-êtrepasarrivée…jusqu’aubout,maisj’aivraimentprisduplaisir.J’avais
vraimentenviedefaireça,dis-jeendégageantunemèchedecheveuxquiluitombaitdanslesyeux.
Tupeuxtoujoursmerendrelapareilleplustard…
J’ouvrislaporteetjel’entendisriretandisquejeretournaisdanslecouloir.
AveclatournéeavecAvoidingRedemptionquidevaitcommencerbientôt,lesD-Bags
disparurentdelasurfacedelaterre,commes’ilsseterraientavecleursmoitiésrespectives.Jenevis
pasAnnaetjenel’euspasautéléphonependantcinqjours.Quandjenerendaispasvisiteàdesamis
–surtoutDennyetCheyenne–,jepassaislaplupartdemontempsaulitavecKellan.L’ordinateur
portableétaitvraimentl’idéedusiècle:jepouvaistravaillertoutenétantavecluisouslacouette.
Pourcequiétaitdel’inspiration,difficiledefairemieux.
Unaprès-midioùjesentaisquej’avaisbesoindefaireunepauseetd’arrêterdepenseraux
dramesdemonpassé,jefermailedocumentwordetjecommençaiàsurfersurleNet.Kellanse
redressasuruncoudeetm’embrassasurl’épaule.
–Tuasfini?
–Non,jefaisunepause.Etnon,tunepeuxtoujourspaslelire.
JesourisettapailenomdesonduoavecSiennadanslabarrederecherche.Peut-êtreque
j’étaisfolledevouloirregarderça,maisj’étaisvraimenttropcurieusedepuisqueDennym’enavait
parlé.Detoutefaçon,cen’étaitpasàcausedeSiennaquejevoulaisvoirleclip,maispoursoutenir
Kellan.C’étaitsontoutpremier,etjemesentaiscoupabledenepasl’avoirencorevu.
Ilregardal’écranetfronçalessourcilsenvoyantcequejem’apprêtaisàregarder.
–Tuessûrequetuveuxvoirça?
–Pasvraiment…maisc’esttonpremierclipofficieletjemedisqu’ondevraitleregarder.
Peut-êtrequeçapasseramieuxsionlevoitensemble?
Kellanhochalatêteetmepritlamain,puisilembrassamonalliancecommes’ilétaitdéjàen
traindes’excuseretjeluicaressailajoueavantdereportermonattentionsurl’écrandel’ordinateur.
Quandjecliquaisurlelien,unepubpourunparfumsemitàdéfiler,etjeliscertains
commentairessurleclipenattendant.«KellanetSiennasonttropsexensemble!»«Jeles
ADORE!»«J’espèrevraimentqu’ilssortentensemble!Est-cequ’ilsvontsemarier?»«J’ai
entendudirequ’ilsl’étaientdéjà!»«Kell-Sexforever!»
Jefronçailessourcils.Kell-Sex?Merveilleux.Lesfansavaientdéjàcombinéleursnomsetle
surnomqu’ilsavaienttrouvéétaitcarrémentimmonde,enplus.Ilsn’auraientpasputrouverquelque
chosed’unpeuplus…poétique?
LavidéodémarraetjeserrailamaindeKellandetoutesmesforces,maisçan’eutpasl’airde
ledéranger.Jesentaisqu’ilmedévisageaittandisquejeregardaislesimagesdeluietSiennaaulit.
Jedevaisreconnaîtrequec’étaitdouloureuxàregarderaudébut,maisauboutd’unmoment,jeme
retrouvaiabsorbéeparlabeautéartistiqueduclipetj’oubliaipresquequel’hommeàl’écranétait
monmari.Àlafinduclip,jecompriscequiplaisaitautantauxfans:SiennaetKellanfaisaientdes
étincelles.
Kellans’éclaircitlagorge,etquandjetournailatêteverslui,jevisqu’ilmescrutaitense
demandantcequisepassaitdansmatête.Jedécidaid’êtrehonnêteetdeluidirecequejepensais
avantqu’ilnemeposelaquestion.
–Vousallezsuperbienensemble.Jecomprendspourquoilesfansadorentl’idéequevous
soyezencouple.
Ilcommençaàsecouerlatêtemaisjeluicaressailajoue.
–Tupensaisvraimentàmoitoutletemps?
Ilapprouvaénergiquement.
–C’étaitleseulmoyenquej’avaisd’yarriver.
Jesentismoncœurseserrerdansmapoitrine.Iln’aimaitvraimentquemoi.J’essayaid’oublier
cequelemondeentiervoulaitpourluietdemeconcentreruniquementsurcequeluivoulait,etsur
cequejevoulaisaussi.
–KellanKyle,veux-tum’épouser?
Ilretiral’ordinateurdemesgenouxetmesouritd’unairtaquinenvenantau-dessusdemoi.
–Pastroptôt.J’aicruquetuneposeraisjamaislaquestion,murmura-t-ilavantdem’embrasser
danslecou.
–Çaveutdireoui?demandai-jeenriant.
–Avectoi,jenedisjamaisnon,dit-ilenpressantseshanchescontrelesmiennes.
Aumomentoùilposaseslèvressurlesmiennes,jememisàpenseràmamère…cequiétait
plutôtbizarre,dansunmomentpareil.Maisc’étaitparcequ’ellem’avaitappeléelematinpour
m’entretenirdesfaire-partpourlemariage.Elleavaitessayédenepaslemontrerautéléphone,mais
j’avaisbiensentil’incertitudedanssavoixalorsqu’elleparlaitdemonavenir,etjesavaisqu’ellese
demandaitsilemariageétaittoujoursd’actualité.Elleregardaitlatélé,ellevoyaitlacouverturedes
magazinesetelleentendaitlesmêmesragotsquemoiàproposdeKellanetSienna.Àsaplace,moi
aussi,jemeseraisposédesquestions.Jel’avaisrassuréeetluiavaisditquelemariageétaittoujours
auprogramme,maispasencorededatedéfinitive.
AumomentoùKellanallaitcommenceràembrassermapoitrine,jelerepoussaietillevasur
moidesyeuxbrûlantsdedésir.Jedusavalerdeuxfoismasaliveavantdemesouvenirdecequeje
voulaisluidemander.
–VousavezcombiendejoursdevacancesàNoël?
–Jenesaispastrop.Quatreoucinqjours,peut-êtreunesemaine.Pourquoi?
Jehaussailesépaulesetpassaimesbrasautourdesoncou.
–Çatediraitdeveniravecmoiàunmariagedansl’Ohio?
–C’estquelqu’unquejeconnais?demanda-t-ild’unairamusé.
–Justeunefilleunpeufadasseetagaçantequelamoitiédelaplanètedéteste.
Ilhaussalessourcilsetamenasabouchetoutprèsdelamienne.
–Ilsnetedétestentpas.Ilsteneconnaissentmêmepas.Etpuistun’espasfadasse,etencore
moinsénervante.Enfin,plusmaintenant,entoutcas.
Ilritetjeluidonnaiunetapesurl’épaule.Connard.Puisjefronçailessourcils.Ilavaitraison
quandildisaitquelesfansnemeconnaissaientpas,etc’étaitsansdoutetrèsbiencommeça.Car
s’ilsmeconnaissaient…là,ilsmedétesteraientsûrement.Ilembrassalescoinsdemaboucheetje
sourisdoucement.
–J’adoreraismemarieravectoiendécembre…
–Tupeuxdemanderlesdatesexactes?demandai-jeencaressantsontatouage.Quejepuissele
direàmamère?
Ilhochalatêteetmetournaledoscommes’ilallaitseleveretallerserenseigneràlaminute,
maisjeleretinsetplaçaiundouxbaisersursontorse.
–Situpouvaisattendreunpeu,enrevanche…Parcequej’aimeraisbienqu’onfassel’amour,
d’abord.
Jesentisunsouriredefierténaîtresurmeslèvres:jevenaisdeluidirequej’avaisenviede
fairel’amouravecluietjen’avaismêmepasbafouillé.
–Ehbien,madameKyle,vousêtesdrôlementeffrontée.Jesuischoqué…etsuperexcité,aussi.
Ilallaitvenirsurmoimaisjelepoussaietilritquandjememisàcalifourchonsurlui.Maisson
ricanementnedurapaslongtempsetilfutbientôtremplacépardesbruitsd’untoutautregenre…
14
Sedonnerenspectacle
C’estàpeinesijemerendiscomptequ’onquittaitSeattlepourmonterdansunbusavec
AvoidingRedemption,etçaarrivasivitequej’avaisl’horribleprésentimentqu’ilmemanquait
quelquechose.J’étaispourtantpresquesûreden’avoirrienoublié:j’avaismesvêtements,ma
brosseàdents,monordinateurportable,mesnotesetmonmari.Dequoid’autrepouvais-jeavoir
bienbesoin?Unpeud’intimité,maisçarisquaitd’êtredifficileaucoursdessemainesàvenir.
LepremierconcertdevaitavoirlieuàLosAngeles,àlaHouseofBluessurSunsetStrip.Àmes
yeux,c’étaitl’endroitparfaitpourdémarrerunetournée:célèbre,iconiqueetintimeàlafois,avec
unedispositionquipermettaitàtouslesspectateursdebienvoirlascène.Danslescoulisses,ily
avaitdesfansdanstouslessens,etlecôtéunpeuchaotiquerendaitl’atmosphèreencoreplus
électrique.
KellanetJustinétaiententraindesignerdesautographesavecd’autresmusicienspendantque
jemepromenaisencoulisse.Pendantlatournéeprécédente,legroupeavaitétéajoutéàladernière
minuteetpresquepersonnenelesconnaissait.Maintenant,pleindefansportaientdestee-shirtsD-
Bags.J’étaissûrequetoutlemondeavaitentenduleduoavecSienna,etquebeaucoupavaientaussi
écoutél’album.Àcestade,lesgensnevenaientplusauconcertparaccident:ilsvenaient
spécialementpourlesD-Bags,etc’étaitvraimentexcitant.Mêmesic’étaitJustinlatêted’affiche,on
avaitvraimentl’impressionquec’étaitlatournéedeKellan.
EnplusdesD-Bagsetd’AvoidingRedemption,troisautresgroupesfaisaientaussilatournée.
Lepremiermontasurscèneetlamusiquerésonnacontrelesmurs,maislevacarmeencoulissene
diminuapaspourautant.Quelquespersonnesaumilieudelapiècesemirentmêmeàdanserenlevant
leurverre.
JeregardaiKellanàl’autreboutdelapièce,entraindediscuteravecunefanquiavaitdes
couettesrouges.Toutenécoutantlesgensautourdemoi,jeremarquaiquelaplupartparlaientdu
physiquedeKellan.«Merde,ilestvraimenttropsexy!Commentilréussitàêtreencoreplusbeauen
vrai?»«Tuasvucommentilestgaulé?Imaginecommentildoitêtresanstee-shirt…»
Jem’étranglaipresquedansmonverreetm’éloignail’airderiendelafillequivenaitdedire
ça.Effectivement,c’étaitencoremieuxsansletee-shirtmaissiellecroyaitqu’elleallaitpouvoirle
vérifierparelle-même…J’entreprisdem’intéresseràd’autresconversations,quejetrouvai
beaucoupmoinsamusantes.«IlsortavecSienna,c’estça?»«Jenesaispas.Apparemment,iladit
qu’ilsn’étaientpasensembledansuneinterview.»«Ilsdisenttousça,maisenvraiçaveutjustedire
qu’ilsneveulentpasenparler.»«Ilssonttellementsexy,tuasvuleclip?»«Arrête,j’enétais
malade.C’estvraiqu’ilsvontsuperbienensemble.»
Jenesaispascombiendefoisj’entendiscelasurlesquelquesmètresquimeséparaientde
Kellan,maisquandjelerejoignis,jen’enpouvaisplusdecetteSienna…etellen’étaitmêmepaslà.
Ilmesouritetm’embrassasurlajoue.
–Merci,murmura-t-ilenmepiquantmabière.
Ilpritunegorgéeetjelefusillaiduregard.
–J’aicrachédedans.
Ilgardalagorgéeenboucheunesecondepuisavala.
–Çanemedérangepas.J’adoretesfluidescorporels.
JustinnousdévisageaitetjedonnaiuncoupdansleventredeKellan.
–TupassesvraimenttropdetempsavecGriffin.
Ilritetcontinuaàboiremabière,tandisqueJustinsetrounaiversunefanquivenaitdelui
sauterdessusavecuncriperçant.
–Justin,jet’aime!hurla-t-ellesifortquesavoixcouvraitlamusique.
JustinadoptaimmédiatementlamêmeexpressioncourtoiseetprofessionnellequeKellan
affichaitsouventpours’adresseràsesfans.
–Merci,c’estadorable.
EllepoussaunautrecrietluicolladeforceunboîtierdeCDdanslesmains,cequifaillitlui
fairevalsersabière.Sanss’émouvoirdecetétalaged’excitation,ilsignalemorceaudeplastiqueet
lafilles’éventaavantdesetournerversKellan.Jecrusquesesyeuxallaientluisortirdelatête.
–MonDieu,KellanKyle!Jesuistaplusgrandefan!
Justineutl’airvexépendantuneseconde,puisilritetlevalesyeuxaucielderrièresondos.En
voyantla«plusgrandefan»demonmarisemettreàtrembler,jedusmemordrelalèvrepournepas
rire.
–Merci,çamefaittrèsplaisir,dit-ilpoliment.
EllesortitunautreCDdesonsacetlecollasoussonnez,etj’observailajaquette.Surlaphoto
quelamaisondedisquesavaitretenue,lesgarçonsétaientenligne,Kellanlégèrementplusenavant
quelesautres.Ilavaitlatêteunpeubaisséeetsouriaitàl’appareild’unairséducteur.Laphotoétait
magnifique,maiscommeparhasard,elles’arrêtaitjusteau-dessusdesmainsdeKellan,etonne
pouvaitpasvoirsonalliance.C’étaitàlafoisamusanteténervantdevoirqueNicksedonnaitautant
demalpourcréerl’illusionqueKellanétaitcélibataire.
–TupeuxsignerPourlafilledemesrêves?
EllesoupiraaprèsavoirditçaetJustins’éloignaenricanant.
–Jenesuispassûrqueçaplaiseàmacopine,réponditKelland’unairamusétoutenme
regardant.
Jecontinsunsourire.Mêmesionétaitmariésdansnoscœurs,Kellanrespectaitmonsouhaitde
nepass’étalerenpublicsurnotrerelation.Engénéral,ilrépondaitqu’il«voyaitquelqu’un»ou
qu’il«avaitunefilledanssavie».
–Oh,jesaisquetuesavecSienna,répondit-elleenagitantlamain.Jesaisbienquejen’aipas
vraimentmachance,maisc’estmarrantdefairesemblant.
EllegloussamaisKellanlaregardad’unairsérieux.
–JenesorspasavecSienna.Onajustetravailléensemblesurunechansonetunclip.
Lafansouritetacquiesça,maisc’étaitévidentqu’ellen’encroyaitpasunmot.Kellanme
regardaetouvritlabouchepourparler,maissachantcequ’ils’apprêtaitsûrementàdire,jelepinçai
dansledos.Mêmes’ilrestaitdiscretàproposdemoidanslesmédias,jesavaisqu’iln’hésiterait
pasàmettrelespointssurles«i»aveclesfans,maisjepréféraisl’éviter.Jevoulaisresteraussi
anonymequepossible.
Kellansursautaetrefermalabouche,puissecontentadesignerleCDetdeleluirendre.Elle
serralapochettecontresapoitrinecommesic’étaituntrésoretnebougeapasd’unmillimètre.Je
commençaisàmedemandersielleavaitl’intentiondepasserlerestedelasoiréeavecnousquand,
soudain,ellevitGriffinapparaître.
–Griffin!!Jet’adore!hurla-t-elleenseprécipitantverslui.
Jerestaiincrédule.Justin,Kellan,et…Griffin?Sérieusement?
–C’étaitquoi,ça?demandaKellanensetournantversmoi.
–Dequoituparles?
–Pourquoitum’aspincé?J’allaisjusteluidirequej’étaisavectoietpasavecSienna.
Jefrottail’endroitoùjel’avaispincé.
–Désolée.Jesaisquec’étaitcequetuallaisfaire,c’estjusteque…jeneveuxpasêtreexhibée
quandtudonnesunconcert,niquetumeprésentesàcinquantemillepersonnes.Jeneveuxpasque
lesgensmeregardentouracontentdeschosesàmonsujet,niqu’onparledemoidanslapresse.Jene
veuxpasquedesrumeurscommencentàcirculeràmonproposetjeneveuxsurtoutpasfairelaune
desmagazines.SaufquecommetoutlemondeespèrequetuesavecSienna,c’estexactementcequi
sepasserait.Jedeviendraisunscoopetje…Onn’aqu’àrestervagues,d’accord?Çafinirapar
retomber.
Ilposasonverreetpassaunbrasautourdemataille.
–Alorstuneveuxpasquejefasseça?
–Jenesuispasentraindetedirequ’ondoits’arrêterdevivre.Jepenseseulementqu’on
devraitéviterderentrerdanslesdétails.Onajusteàresterdiscrets,etonestplutôtdouéspourça,
non?
Ilsouritetmeserracontrelui.
–Ilyadesgensquinousregardent.Ilsvontsûrementcomprendrequetuesmacopine.
Jelerepoussaienriant.
–Crois-moi,ilsvontsurtoutsedirequ’ilesttempsquejedégagepourqu’euxaussipuissent
serrerleuridoledansleursbras.
Kellanritmaisjesavaisquej’avaisraison.
Pendantqu’onattendaitquecesoitautourdesD-Bagsdemontersurscène,Kellanetles
garçonscontinuèrentàdiscuteravecdesfansetd’autresmusiciensetjerestaiaveceuxpourprofiter
deleurcompagnie.Plusieursdesmembresdesautresgroupesavaientfaitlatournéeprécédenteetles
connaissaientbien.Certainsmereconnurentmêmeaprèsm’avoirvueenphotodansl’albumde
Kellanetprirentletempsdemesaluer.Hormisquelquesregardsjaloux,lesfansnefirentpasde
commentairessurlefaitqueje«flirtais»avecKellanquandjeleprenaisdansmesbrasouqu’onse
donnaitlamain.Maiscommequelquesfillesavaientréussiàobteniruncâlin,peut-êtrequetoutle
mondepensaitqu’ilétaitletyped’artistequivoulaitabsolumentfaireplaisirauxfansetleurdonner
cequ’ilsvoulaient.Etc’étaitlecas,maisjusqu’àuncertainpoint.
LesD-BagsdevaientmontersurscènejusteavantlegroupedeJustin,etj’embrassaiKellansur
lajoueavantqu’ilentreenpiste.
–Bonnechance.
Ilmesourit,lesyeuxbrillantsd’excitation.
–Merci.Àtoutàl’heure.
Ilseprécipitasurscèneetjeremarquaiquelesfansavaientdisparudescoulisses.Toutle
mondedevaitêtredanslasallepourassisterauconcert,etjemedirigeaiverslecôtédelascène
pourtrouverunendroitoùjenedérangeraispersonne.Unefoisinstallée,jemerendiscompteàquel
pointilyavaitdumonde:lasalleétaittellementblindéequejemedemandaisileslimitesde
capacitéd’accueilétaientrespectées.MaisquandKellanfitsonapparition,lepublicavaitl’airdese
moquerd’êtreserrécommedessardines.
Guitareàl’épaule,illevalamainensedirigeantverslemicro,etlafoulesemitàhurler.
–Bonsoir,susurra-t-ildanslemicrotandisquelesautress’installaient.
Lafouleétaitcarrémentendélireàprésent,etquandlescriss’apaisèrentunpeu,ungroupeen
profitapourhurler.
–Ont’aime,Kellan!
–Moiaussi,jevousaime,dit-ilenriant.
Lesfillesaupremierrangeurentl’aird’êtresurlepointdetomberdanslespommes.
–Vouspassezunebonnesoirée?
Saquestiondéchaînauntonnerredehurlements,etKellanhochalatêteenfaisantglissersa
guitaredevantlui.
–Hum,jenesuispassûr.Vousn’avezpasvraimentl’airdevousamuser.Allez,onessaye
encore.Vouspassezunebonnesoirée?
Cettefois,ilcriasaquestion,etlepublicdevintfou.Lesspectateurscommencèrentmêmeà
taperdespieds,etc’étaitcommesiuntremblementdeterremenaçaitdefaires’écroulerlebâtiment.
Satisfait,ilfitunsignedetêteàEvan,quientamal’introdelapremièrechanson.Ilyavaitdes
chosesdontjenemelasseraisjamais,etregarderKellansurscèneenfaisaitpartie.Quelquechose
émanaitdeluiquifaisaitquec’étaitimpossibledelequitterdesyeux.Etàl’inversedetoutuntasde
chanteursquej’avaisdéjàvusenconcert,ilnesecontentaitpasderesterplantéderrièrelemicro
chansonaprèschanson:ilinteragissaitvraimentaveclepublicetlesfaisaitréellementparticiperau
concert,etj’étaispersuadéequechaquepersonnesesentaitliéeàluiàunmomentouàunautre.Sa
capacitéàchanteràlaperfectiontoutenétantdrôleetcharmeurétaitl’undesesplusgrandstalents,
dumoinsquandils’agissaitdemusique…
Àlafindeleurset,chaqueD-Bagsalualepublicetfilaencoulisse.Kellanmeprittoutdesuite
danssesbrasetjepouvaisvoirqu’ilétaitencoresouslecoupdel’adrénalinequeluiprocuraitla
scène.
–Viens,onretourneaubus,murmura-t-ilenenfouissantsonvisagedansmoncou.
Jefermailesyeuxenréfléchissantàsaproposition.C’étaitautourdeJustindemontersur
scène,etlaplupartdesautresgroupesétaientencoreentraindefairelafêteencoulisses.Onpourrait
sûrementavoirunpeud’intimitésionpartaittoutdesuite.Àlafindudernierconcert,toutlemonde
reviendraitdanslesbuspourqu’onreprennelaroute,etceseraitimpossibled’êtreunpeu
tranquilles.
J’étaisdéjàentraindel’attireràmoiparlaboucledelaceinturequandj’entendisdescris
monterdepuislasalle.JeplissailesyeuxdansuneffortdeconcentrationetKellantournalatêtevers
lascène.
–Ilschantentquoi?
Iltentadedéchiffrercequec’était,maisaprèsquelquessecondes,toutelafoulesemitàcrier
enrythme,cequinouspermitenfindecomprendre.
–Ilscrient«Regretfully».Ilsveulentqu’onjouelesingle.
Nouscomprîmessimultanément.
–OnnepeutpaslajouersansSienna…àmoinsque…
Quandilsetournaversmoi,sesyeuxavaientunéclattellementdiaboliquequejesavais
exactementàquoiilpensait.J’essayaidemedégagerdesonétreintemaisilmeserraitfort.
–Désolé,mabelle.Jedétestedécevoirlesfansetiln’yaquetoiquipuisseslaremplacer.
J’avaisréussiàpivoterdanssesbrasetjeluitournaidésormaisledos,maissestentacules
étaientfermementarriméesautourdematailleetjen’arrivaispasàmedégager.
–C’estmort,Kyle!Jenemontepassurscène!
Ilcommençaàmetirerverslascèneenriant.
–Désolé,maistuvasdevoirchanteravecmoicesoir.
Jecommençaiàcrieretàmedébattrecommes’ilétaitentraindem’agresseretilfinitparme
lâcher,lesyeuxrieurs.
–Tuneveuxpasréalisertonfantasmedechanteuse?Aupire,siletracterendmalade,ilyaun
seaudansuncoindelascène.
–Félicitations,tuviensdegagnerledroitdedormirtoutseulcettenuit!dis-jeenlefusillantdu
regard.
Sonexpressionchangeasivitequejedustournerlatêtepourqu’ilnemevoiepassourire.
–Jeplaisantais,Kiera.
Jefissemblantdenepasl’entendreetm’éloignaiàtoutevitesse.
–Kiera?Tusaisbienquec’étaitpourrire!
Incapabledecontinueràsimuler,jeregardaipar-dessusmonépauled’unairamusé,etle
sourirequ’ilm’adressaenretourétaitsicharmeurquejesusqu’ilnedormiraitpasseul.Peuimporte
làoùilallait,moncorps,moncœuretmonâmelesuivaientsansréfléchir.Exceptésurscène…
Aprèsunesemainedetournée,touslesgroupess’étaientinstallésdansuneroutineconfortable:
voyage,miseenplace,concert,démontage,voyage.Parfois,certainsmembreschangeaientdebus,
maisleplussouvent,lesD-Bagsvoyageaientaveclescinqmembresd’AvoidingRedemptiontandis
quelesautrespartageaientl’autrebus.Toutdesuiteaprèslepremierconcert,Kellans’était
appropriéleseullitqu’ilyavaitdanslenôtre.Ilavaitbarrélaporteavecduscotchdugenre
«Défensed’entrée»etavaitcolléunsigneenpleinmilieuquidisaitRéservéàM.etMmeKyle.Ça
veutdire:interdictiond’entrée.Oui,Griffin,c’estàtoiquejeparle.
Griffinavaitboudéaudébutmaislesautresavaienttrouvéçadrôleetnousavaientlaisséla
chambre,puisquenousétionsleseulcouple.
Àl’exceptiondesfansquiévoquaientSiennaàKellanchaquesoiretquiréclamaienttoujours
leurchansonàlafindechaqueset,lebuzzautourd’euxcommençaitàfaiblir.Nickdevaitêtrevert,et
Siennan’étaitsûrementpasmieux.Maisilsfaisaientleurtournéechacundeleurcôtéàprésent,et
sansphotosvoléesnividéososées,iln’yavaitpasgrand-chosed’intéressantàracontersureux.
Néanmoins,çan’empêchaitpaslesjournalistesdepersister.
–Alors,Kellan,qu’est-cequisepassevraimententreSiennaSextonetvous?
Unepersonnalitédelaradioauregardperçantétaitpenchéesurunmicroetattendaitlaréponse
deKellancommesisavieendépendait.Kellansouritmaisjevisqu’ilavaitenviedesoupirer.Ilen
avaitvraimentras-le-bolderépondreauxmêmesquestionsvilleaprèsville,etpendantuninstant,je
crusqu’ilallaitréadopterlabonnevieillestratégiedu«sanscommentaire»tantilenavaitmarrede
devoirrendredescomptessursavieprivée.
–Onestcollègues.Onatravailléensemblesurunprojet,maisças’arrêtelà.
Ilmarquaunepauseetattenditlaquestionquisuivaitsystématiquement.
–Alorsvousêtescélibataire?
Ilsecoualatêteensouriant.
–Non.Jepréfèrenepasentrerdanslesdétailsmaisjesuisavecquelqu’un.
J’étaisassisederrièrel’animatrice,tandisqueKellanluifaisaitface,etilregardapar-dessus
sonépauleuninstant,letempsderiversesyeuxauxmiens.
–Etjesuistrèsamoureuxd’elle.
Ilregardadenouveaul’animatriceavantqu’elleaitletempsdeserendrecomptequ’il
s’adressaitàmoi,etjemedisquej’avaisvraimentlemeilleurmaridumonde.Jetentaid’avoirl’air
aussiimpassiblequepossiblemaisj’avaisdumalàdissimulerlesouriresurmeslèvres.
–D’accord.Çavousdiraitdenouschanterunechanson?
Kellaneutl’airsurprisqu’elleneréagissepasàça.Peut-êtrequec’étaittoutsimplementparce
qu’ilneluiavaitpasréponducequ’elleavaitenvied’entendre…
MattetGriffinattrapèrentleurguitareetleurbassetandisqu’Evantapaitdansunecaisseclaire.
LavoixdeKellannetardapasàremplirlestudio,etl’atmosphères’allégeaimmédiatement.
Personnenepouvaitdirelecontraire:lesD-Bagsétaientgéniaux.
Aprèsça,ongrimpatousdansdeuxtaxispourregagnerlesbus.Notrechauffeurétaitentrain
d’écouterlaradioqu’onvenaitdequitteretEvan,quiétaitdansletaxiavecnous,sepenchaenavant.
–Vouscroyezqu’ilsparlentdenousmaintenantqu’onestpartis?
OnhaussalesépaulesavecKellanpuisonsemitàécouterplusattentivementcequ’elledisait,
etjeleregrettaiimmédiatement.
–Kellanment,unpointc’esttout.Justecollègues,maisbiensûr.Ilcroitquoi,quejevaisgober
quececlipn’étaitqueducinéma?Désolé,chéri,maisSiennan’estpasbonneactriceàcepoint.Ces
deux-làfontbienplusquechanterensemble!«Jesuisavecquelqu’un»?MerciKellan,tuparles
d’unscoop!
Kellangrommelaetlaissaallersatêtecontrelesiège.Jecomprenaiscequ’ilressentait,et
surtout,jecomprenaismieuxpourquoipersonnenel’écoutait.
Laradiopritensuitedesappelsd’auditeurs,tousdessupportersdeKell-Sexàlavieàlamort
quieuxaussidéformaienttoutsespropos.«IlesttrèsamoureuxdeSienna!Vousavezentendula
voixqu’ilavaitendisantça?Çadoitêtreunpetitamiderêve!»
Evansecoualatête,incrédule,etKellansetournaversmoi.
–Rappelle-moideneplusjamaisfaired’interviewaveceux.
Ilpouvaitcomptersurmoi.
–Tuessûrequetuveuxquejerestevague?
Jememordislalèvremaisj’acquiesçai.Lebattagefiniraitpars’arrêteretsijepouvaisrester
dansl’ombrejusque-là,j’avaisbienl’intentiondelefaire.
LesgarçonsjouaientdansuneHouseofBluescesoir-là,maisàDallas,cettefois.Jen’étais
jamaisalléeauTexas,etjenesaispaspourquoimaisjepassaimontempsàimaginerKellanportant
unchapeaudecow-boypartoutoùilallait.Çamefaisaitriretouteseule,etquandilfinitparme
demanderpourquoijerigolaiscommeçaetquej’expliquailaraison,illevalamainauniveaudesa
têtecommes’ilportaitunStetson.
–Salut,map’titedame,dit-ild’unevoixtraînante.
Griffinluienvoyauneballeakiàlafigure.
–Mec,tufouslahonteàtouslespénisdelaplanète.
Avecunpetitsourire,Kellanramassalaballeetlalançaàtraverslebus.Ill’atteignitenplein
dansl’entrejambeetGriffindevintécarlatesousl’effetdeladouleur,tandisquelesgarçonsqui
assistaientàlascènesecrispaientenlaissantéchapperun«Ooooh»compatissant.Justinsecouala
têteetiltapotal’épauledeGriffin.
–Çadoitfairemal.Cen’estpascommeçaqueturisquesd’avoird’autresenfants,hein,Hulk?
Griffinlerepoussafaiblementtandisquetoutlemonderigolaitquand,soudain,lebassistede
Justin,Mark,seprécipitadanslebus.
–Tunevaspascroirequiestlà,dit-ilàJustin.
J’eustoutdesuiteunmauvaispressentiment.
–C’estqui?
JeregardaiKellan,quiavaitl’airdepenserexactementlamêmechosequemoi.Pitié,toutsauf
elle.
–SiennaSexton,mec!
Onsoupiratouslesdeuxenmêmetemps.Etmerde.PuisKellansetournaversMark.
–Qu’est-cequ’ellefaitlà?
–Aucuneidée,réponditMarkenhaussantlesépaules.Elleestavecunepétasseblondecoincée
quim’ademandédevenirtetrouver,«etqueçasaute».Nonmaisquiparleencorecommeça,sans
déconner?
–ÇadoitêtreTory,soupiraKellan.J’imaginequ’onferaitmieuxd’allervoircequ’elles
veulent.
Jenesavaispassic’étaitpournoussoutenirouparpurecuriositémaisEvanetMattnous
suivirent.Griffinrestadanslebuscarilnepouvaittoujourspasseleveraprèsl’attaquedeKellan.
Siennaétaitdansunbureauquequelqu’unavaitprécipitammenttransforméenlogeetGorille1et
Gorille2gardaientlaporte,cequimeparutinutileétantdonnéqu’iln’yavaitpersonneàpartles
employés.
LesdeuxgardesducorpsregardèrentKellancommes’ilsneleconnaissaientpas,etquandil
posaunemainsurlapoignéedelaporte,ilsposèrenttouslesdeuxunemainsursonbras.
–JesuisKellanKyle,vousvoussouvenez?leurdemanda-t-ild’unairagacé.
Ilsnebougèrentpasd’unpouceetKellanlevalesmainsenl’air.
–Siennaademandéàmevoir.
L’undeuxparladanssonoreillette,attenditquelquessecondespuisnousouvritlaporte.
–Vouspouvezentrer,mademoiselleSextonvousattend.
Kellanlevalesyeuxaucielenmeprenantlamain,etonétaitàpeineentrésqu’ellenoustomba
dessus.Elleétaitaussiparfaitequeladernièrefoisquejel’avaisvue:sapeauirradiait,seslongs
cheveuxbrillaient,etsoncorpsderêveépousaitdesvêtementsmoulantsquinelacouvraientpasdes
masses.Malheureusement,ellenes’étaitmystérieusementpasdéforméedepuisladernièrefois.
Dommage.Toryétaitderrièreelle,adosséecontreunmuretpréoccupéeàconsulterunagendagarni
dePost-itmulticolores.
–Kellan!Çafaittellementlongtemps.
Elleallaitleprendredanssesbrasmaisilluifitsignederesterlàoùelleétait.Çane
l’empêchapasderéussiràl’embrassersurlajoueàlavitessedelalumière.
–Jesuisvraimentcontentedeterevoir.
Inutiledepréciserquej’avaisbienremarquéqu’ellenem’avaitpasencoreadressélaparole.
Ellen’avaitpasnonplussaluéquiquecesoit,d’ailleurs:ellen’enavaitquepourKellan.Quandil
setournaversnous,ellefinitparnousjeterunregard.
–Qu’est-cequetufaisici?Jecroyaisquetuétaisentournée?luidemanda-t-il.
D’unairtimidedesainte-nitouche,ellebaissalesyeuxethaussasesépaulesdénudées.
–J’étaisdanslecoinetjen’avaispasdeconcertcesoir.Jen’allaispasrateruneoccasionde
tevoirsurscène.
–Oui,çadevraitêtresympa,dit-ilenhochantdoucementlatête.
Elletapadanssesmains,l’airauxanges.
–Çavaêtregénial!J’aivraimenthâte.
–Tuvoulaismevoirjustepourmedirequetuallaisassisterauconcertdecesoir?
UneexpressionpassasurlevisagedeSienna,quimerappelaNick:ellesemblaitagacée,
commequelqu’unquinesupportepasqu’ons’adresseàluiautrementqu’aveclaplusgrande
déférence.MaiselleserecomposaimmédiatementetsouritàKellan.
–J’aieuunesuperidéeetjevoulaist’enparler.
Ilcroisalesbrassursapoitrine.
–Ahbon?Etc’estquoi,tonidée?
Ellefronçalessourcilsdevantsonmanqued’enthousiasmepuissonvisages’illuminade
nouveau,commesiKellanjouaitavecuninterrupteurquilafaisaitchangerd’expression.
–Jenesaispaspourtoi,maislepublicn’arrêtepasdemedemanderdechanternotrechansonà
chaqueconcert.
–Pareil.
EllesemorditlalèvreetenfonçaundoigtmanucurédanslapoitrinedeKellan.
–Saufquejenepeuxpaslachantersanstoi.
Kellanfixasondoigtduregardpuisrelevalesyeuxsurelle.
–Nickpeuttedonnerlabandeavecmavoix.Oualorstupeuxtrouverunautremecpourchanter
mapartie.
Elleparutclairementagacéemaiselleserepritimmédiatement.
–Cen’estpaspareil,minauda-t-elle.J’aimeraisbienlachanteravectoi.Çarendraitlesfans
complètementdingues.
–C’estpourçaquetuesvenue?Tuveuxchanterpendantleconcertdecesoir?demanda-t-il,
surpris.
Jepouvaiscomprendrepourquoiilétaitaussiétonné.Lasalleétaituntrouàratcomparéaux
stadesdanslesquelselleseproduisait,maisl’idéeavaitl’airdelatransporter.
–Ceseraitgénial,non?Personnenes’yattend.Qu’est-cequetuendis?
Kellann’avaitpasl’airconvaincuetilsetournaverssescompèrespourdemanderleuravis.
Evanfronçaitlessourcils,conscientdecequelesmédiasracontaientsurSiennaetKellan,mais
Matt,enéternelmanager,souriait,conscientdel’impactqueçaaurait.
–Imaginelesgrostitresdanslesjournauxdemain,ditSiennaenvoyantqueKellanhésitait.
«SiennaSextonsurprendlepublicpendantlatournéeàguichetsfermésdesAvoiding
Redemption»…
Kellanmeregardaensemordantleslèvresetjehochailatête,nevoyantaucunmalàça.
–Tuveuxjusteunechansonetriendeplus?
Ellehochalatêteenriant.
–Çavaêtremortel.
Jesoupirai.Jen’auraispasditmieux.
Quelqu’undécidaquelesD-Bagsmonteraientsurscèneenderniercesoir-là.Kellanprotesta
pourqueJustinpasseendernier,commed’habitude,maisonneluidemandapassonavis.Ça
paraissaitlogiqueétantdonnéquel’interventiondeSiennaétaitunpeulacerisesurlegâteau,et
mêmesijedétestaisdireçaparrapportàJustin,enréalité,c’étaitpourKellanquelesspectateursse
déplaçaientenmasse.
Siennarestacachéependantleconcert.Personnedanslepublicnesavaitqu’elleétaitlàetje
devaisadmettreque,mêmemoi,j’étaisexcitéeetimpatientedevoirlaréactiondesfans.Ilfallait
absolumentquej’enparleàquelqu’un,alorsj’envoyaiunmessageàAnnaetDenny.Dennyrépondit
immédiatementparunSérieux?Waouhtandisqu’Annasecontentad’unJetedétestequimefitrire.
Deuxminutesplustard,jereçusunautretextodeDenny:Attends,elleafaitlaroutedepuisle
MontanapourvenirchanterunechansonàDallas?
Çaeutleméritedemeclouerlebec.ElleétaitdansleMontana?C’étaitçaqu’elleappelait
«êtredanslecoin»?
Maisjen’euspasletempsderuminercarc’étaitl’heurepourlesD-Bagsdemontersurscène.
Peut-êtrequec’étaitparcequejesavaiscequiarriveraitensuite,maisjelestrouvaiencoreplus
géniauxqued’habitude.Lesécouterétaitvraimentunesourced’inspiration,mêmesijen’avaispas
beaucoupécritcesdernierstemps.J’avaisessayédem’aménagerdesmomentspourtravaillerdans
lebus,maisilyavaittellementdemondeetd’activitéquec’étaitvraimentdifficile,ettravailleren
coulissen’étaitpasmieux.J’avaisl’impressiond’assisteràunefêteininterrompue,cequiétait
vraimentsympamaispeupropiceàl’écritured’unromand’amour.
Quandlesgarçonsquittèrentlascène,lepublicsemitàréclamersachansonpréférée,comme
chaquesoir.Delàoùj’étais,jepouvaisvoirquelquestee-shirtsKell-Sexdanslafoule.Envoilàqui
allaientcomplètementhallucinerquandilsallaientvoirSiennaetKellandéboulersurscène.Soudain,
jemerendiscomptedel’effetqueleurperformanceallaitproduireetjecommençaiàmedemander
sic’étaitvraimentunesibonneidéequeça.Onessayaitd’étoufferlesrumeurs,pasdelesattiser.
Maisc’étaittroptard:Siennaétaitdanslesstarting-blocks.
Toutlemondeattendaitquelescrisatteignentleniveaudefrénésiehabituelleetjefinispar
avoirl’impressionquelesfansallaientmettrelasalleàsacsilesD-Bagsnerevenaientpassur
scène.Kellanriaitenattendantlemomentpropicepourréapparaîtreetannoncerqu’ilavaitune
surprise,etjeserraisamainensentantlescrisdupublicrésonnerdansmapoitrine.Quandle
vacarmefuttelqu’onavaitl’impressionqueleplafondallaits’écrouler,ilmedonnaunlongbaiser.
–Jeferaismieuxd’yaller,histoired’enfiniretdet’emmeneraulitaprès.
–Bonneidée,dis-jeensouriant.
Ilmepinçalesfessespuisseprécipitasurscène.Ilallas’installeraumicroetlevalesmains,
maislebruitnes’arrêtapasetildutparlerpar-dessusleshurlementsdesspectateurs.
–Qu’est-cequevousfaitesencoreici?Leconcertestterminé.
Ilfitunpetitgestedelamaincommes’ilvoulaitquelesgenss’enaillent,etplusieurspersonnes
rirentdanslasalle.C’estàcemoment-làqueSiennafitsonapparition,vêtued’uneautretenueque
cellequ’elleavaitenarrivant.Dansl’après-midi,elleportaitunjeanmoulantetunhautsans
manches,maisàprésent,elleportaitunhautblanctransparentavecunsoutien-gorgenoir.Unsoutien-
gorgenoir?Avecunhauttranslucide?Àlafaçondontlesspotsl’éclairaient,elleauraittoutaussi
bienpuporterseulementunsoutien-gorge.
LeshurlementsredoublèrentetKellanregardaderrièrelui.Cen’étaitpasprévucommeça:il
étaitsupposétaquinerlepublic,puisannoncerlaprésencedeSienna,quidevaitentrersurscèneàce
moment-là.Ilseraiditenlavoyant,etdesdizainesdepersonnesdégainèrentleurportablepour
immortaliserl’instant.EllesedirigeaversKellan,rayonnantetandisqu’ellesaluaitlafoule,etelle
glissaunbrasautourdesatailletoutenl’embrassantsurl’épaule,avantd’appuyersatêtecontrelui.
Lafouledévoraitchacundeleursgestes,etKellans’écartadiscrètementd’elle.
–Mesdamesetmessieurs,jevousdemanded’applaudirmademoiselleSiennaSexton.
Autondesavoix,jesentisbienqu’iln’étaitpascontent.UntechnicientenditunmicroàSienna,
quisalualafouleetluiditquelquesmotstandisquelerestedesD-Bagssemettaitenplace.Quand
elleeutfinideparler,KellanfitsigneàMattdecommenceràjouer,etlesfansdevinrentfous.Sa
colèresedissipatandisquesonamourpourlascèneprenaitledessus.Ilétaitunartisteavanttout,et
endépitdecequ’iléprouvaitàl’égarddelapersonneaveclaquelleilchantait,ilvoulaitfaire
plaisiraupublic.
Aprèsunduoquienflammalasalle,Siennaenvoyadesbaisersàlafoulesouslecharmeet
Kellansaluaavantdemeregarderpar-dessussonépaule.Quandnosregardsserencontrèrent,il
secoualatêteethaussadiscrètementlesépaules,impuissant:queçanousplaiseounon,cette
chansonavaitunsuccèsmonstrueuxetentendreKellanetSiennalachanterensemblesurscèneétait
incroyable.
15
Sansrancune
AprèsDallas,latournéenousemmenadansleMidwest,etjedécouvrisdespaysagesaussi
plats,vastesetspacieuxqueKellanmelesavaitdécrits.Lamonotoniequinousentouraitm’aidaità
medétendreetàmeperdredansmespensées.Etcommesouvent,mesréflexionstournaientautourde
Kellan,ouplutôtdenotrepassécommun,pourêtreexacte.Lebusétaitbruyantaveclesgarçonsmais
j’arrivaisquandmêmeàm’aménagerdesmomentsdanslajournéeoùj’arrivaisàm’isolerdansla
chambredufondpourécrireunpeu.
Lebusressemblaitbeaucoupàceluidelatournéeprécédente,privilégiantlenombrede
passagersauconfort.La«chambre»étaitjusteuneversionunpeuplusgrandedesautrescouchettes,
avecunmatelasfincommedupapieràcigarettecollécontrelemurdufond.Çasentaittoutletemps
l’essencemaislapetiteporteparvenaitquandmêmeàatténuerunpeulebruitetlelitétaitassez
grandpourpermettrededormiràdeux,alorsj’étaiscontente.Certes,çanevalaitpasnotrechambre
àlamaisonmaisc’étaitdéjàmieuxqueleslitssuperposés.
UnesemaineétaitpasséedepuislavisitesurprisedeSienna,etnaturellement,savenueavait
générélesgrostitres.SiennaSextonfaitunevisitesurpriseàsonpetitamipendantsatournée!
J’auraisdûm’yattendre,maisjefusquandmêmechoquée.ToutcequeKellanpouvaitfaireoudire
n’avaitpasd’importance:toutétaitdéformédanslesmédiaspourfairecroireaupublicqueluiet
Siennaétaientfousamoureux.
L’imagedeSiennaentraind’embrasserKellansurl’épauleétaitpartout,etj’avaismêmevudes
fansencoulissesdemanderàKellandesignerlaphotoqu’ilsavaientimprimée,maisilrefusaità
chaquefois.Illeurexpliquaitqu’ellen’étaitpassapetiteamieetquelaphotolesavaitinduitsen
erreur,avantdeleurdemanders’ilsavaientautrechoseàsigner.Etlesfansluioffraienttoujoursle
mêmeregardpleindedévotion,convaincusqu’ilétaitvraimenttropchoudevouloirgardersa
relationavecSiennasecrète.Ilspensaienttousqu’illaprotégeaitetilsl’aimaientencoreplus.En
réalité,c’étaitmoiqueKellanprotégeait.
Direquej’étaisagacéequeleduodechocKell-Sexfassedenouveaulaunedesmagazinesétait
uneuphémisme.Aumoins,ilsn’étaientplusdanslamêmevillealorsçafiniraitparsetasser.Et
Kellanm’avaitdéjàprévenuequ’ilrefuseraitsijamaiselles’avisaitderevenirenquêted’un
nouveaucoupdepub.Ilfallaitjustequ’ilcontinueàserrerlesdentsenattendantqu’unautrecouple
destarsintéresselasphèrepublique,etj’étaissûrequeçafiniraitpararriver.Lesgensadoraientce
genred’histoire,surtoutquanduncoupledecélébritéstraversaitunepériodedifficile.
OnétaitdansleDakotaduSudaujourd’huipourfairelapromotiondel’album,selonunconcept
quimefaisaitéclaterderire.Lastationderadioquisponsorisaitl’événementappelaitça«Jouez
aveclesD-Bags»:ilsavaientlouéunesalledebillardpourl’occasionetdevaientrecevoirle
groupepourl’après-midiainsiquequelquesdizainesdeparticipants.Kellanavaithâtedejoueraux
fléchettes,maisilétaitvraimentnulaubillard,etjen’étaispasmieux.Enrevanche,lerestedes
garçonssedébrouillaitplutôtbien,surtoutGriffin,quiétaitvraimentdoué.Enarrivantsurleparking,
Griffinsemitàdonnerdes«conseils»àKellan.
–Silafillesepencheenavantetappuiesapoitrinesurlatablepourtirer,çaveutdirequ’ellea
graveenviequetuluitoucheslesfesses.
–Griffin…grognai-jeenfermantlesyeux.
Maisqu’est-cequemasœurluitrouve,àlafin?
–Quoi?C’estvrai.Absolumentaucuncoupnejustifiedesepencherautant,c’estjusteuncode
pourdire«Vas-y,tripote-moi».
–Çanet’embêtepas?demandai-jeàKellan.
–Pasdutout,répondit-ilensouriantavantdedonnerunetapeàGriffinàl’arrièredelatête.
–J’essayaisjustederendreservice,grommelaGriffinensefrottantlanuque.
QuandGriffinsemitàdiscuteravecEvan,quiétaitassisàl’avant,j’appuyaimonmentonsur
l’épauledeKellanetleremerciaiintérieurementd’avoircompriscequejevoulais,etilembrassale
sommetdematêteenriant.J’essayaispeut-êtred’êtreplussympaavecGriffin,maisilyavaitencore
desmomentsoùilméritaitdesclaquesetj’étaissûrequ’Annaauraitréagipareil,surcecoup-là.
Ondescenditdevoitureetlesemployésdelaradionouspressèrentd’entreràl’intérieur.
Kellanetlesgarçonsprirentlaposepourquelquesphotosaveclesanimateurstandisquej’attendais
avecungroupedestagiaires.UnedesfillessemorditlalèvreenregardantKellanadresserau
photographeunsourireàcouperlesouffle,etc’étaitpeut-êtredansmonimagination,maisj’étais
presquesûredel’avoirentenduegémir.
Toutenjouantavecmonalliance,jemedemandaissij’avaisenviedejouerauxfléchettes.Je
n’avaisaucunecoordination,etilyavaitunvrairisquequejeblessequelqu’unsijedevaislancerun
objetpointuàtraverslapièce.Soudain,lastagiairequittaKellandesyeuxpoursetournerversmoi.
–Vousêtesvenueaveclegroupe,dit-elleenobservantmabague.Vousêtesmariéeavecl’un
d’eux?
Satêteindiquaitclairementqu’elleespéraitquejedisenon,etlestressm’envahit.Jen’avais
pasimaginéquequelqu’unpuissem’interrogersurmavieprivée.C’étaituneconversationprivéeet
pasuneinterview,maiscettefilletravaillaitpourlaradioetluiconfierquelquechoserevenaitau
mêmequedeparleràlavilletoutentière.Enfin,j’exagéraispeut-êtreunpeu,maisl’idéeneme
plaisaitpas.
–Pasmariée,non,répondis-jeenfinsanssavoirquoidired’autre.
C’étaitlavérité,étantdonnéquelégalement,jen’étaispasmariée.Elleavaitl’airsurlepoint
demedemanderautrechoseetjem’excusaiavantdem’éloigner,malàl’aise.
Lesparticipantsétaientdivisésenquatreéquipes,etchacuneétaitattribuéeàundesmembresdu
groupe,quiétaitlecapitaine.L’équipedeKellanétaitsurexcitée,etsilesfillesdesautresgroupes
avaientl’airjalouses,audébut,elless’enremirentvite.Ellesjouaientaubillardetauxfléchettes
avecdesrockstars,aprèstout.Jemefaufilaiparmil’équipedeKellan,mêmesijesavaisquejene
l’aideraissansdoutepasàgagner.Aumoins,jepourraisleréconforterquandonperdrait.Ouplutôt
sionperdait.Ilfaudraitpeut-êtrequejesoisunpeuplusoptimiste,pourcommencer…
ChaqueD-Bagmenaituneéquipededixjoueurssous-diviséeendeuxéquipesdecinqetune
immensefeuilledematchétaitplacardéesurlemur,pouryécrirelesrésultatsetfinalementlenom
duvainqueur.Ilyavaitmêmeuntrophéepourlecapitainedel’équipegagnante,maislamanièrede
compterlespointsétaitpluscompliquéequetouslescoursdestatsquej’avaiseusàlafacetj’étais
incapabledecomprendrecommentçafonctionnait.Toutcequejesavais,c’étaitquemêmesionétait
danslamêmeéquipe,Kellanfaisaittoutcequ’ilpouvaitpourmedéconcentreretjerataismoncoup
presqueàchaquefois.
Pendantlapartiedefléchettes,ilmepinçaitledosdèsquejem’apprêtaisàtireretjemanquai
lacibletroisfoisdesuite.Ilyeutmêmeunefoisoùj’étaistellementconcentréequejenel’avaispas
vuarriver,etquandilpassasamaindansmondosavantdelaglisserdanslapocheavantdemon
jean,jesursautaitellementquejelançaimafléchetteendirectiond’ungroupequijouaitaubillard.
Griffinlapritdanslesfesses,maiscommec’étaitdesfléchettesélectroniques,ilnefutpasblessé.Il
étaitloind’êtreenchanté,néanmoins,etillançaunregardassassinàMatt,persuadéquec’étaitlui
quil’avaitattaqué.
Kellanéclataderireavantdes’écarterpourmelaisserjouer,etungroupedefillesluitomba
dessuscommeautantd’abeillessurunpotdemiel.Personnen’avaitl’airdetrouverl’attitudede
Kellanenversmoibizarre,maisc’étaitsansdouteparcequ’ellesflirtaienttoutesavecluisansse
poserdequestions.Toutletempsqu’ilnepassaitpasàjouer,ildutécarterdesmainsbaladeuses.Il
avaitl’airtellementdésespéréquemêmemoi,jefinispartrouverçadrôle.
Quandnotregroupesedirigeaverslatabledebillard,l’équipedeGriffinétaitentête,suiviede
celled’EvanetdeMatt.Onétaitderniers,cequin’avaitriend’étonnant:personneneseconcentrait
dansnotreéquipe,àpartpeut-êtrelestroisgarçons,maismêmeeuxavaientl’aird’avoirdumalà
restersérieuxavecautantdefillesautour.
Deuxdesgarçonsdenotreéquiperatèrentleurcoupfaceàunegranderoussequin’avaitd’yeux
quepourKellan,etjemepenchaiverslui.
–Jeteparievingtdollarsquej’enrentreplusquetoi.
–Etmoi,jetepariequarantedollarsquetuviensjustedeperdrevingtdollars.
Jerisettendislamain,etilmesourit.
–Histoirederendreçaunpeuplusintéressant,onn’aqu’àdirequesijegagne,oncouche
ensembleencoulissescesoir.Etsic’esttoiquigagnes,alors…oncoucheensembleencoulissesce
soir.
–Jenesuispassûrequetusachestrèsbiencommentçafonctionne,quandlesgensfontunpari.
–Tucrois?murmura-t-ilàmonoreilleenposantunemainsurmonventre.
–OK.C’estd’accord,dis-jeenmourantd’enviedesentirsamainallerplusbas.
Jen’avaisaucuneidéedecommentonallaitréussiraumilieudetoutcecirque,maisàvraidire,
jem’enmoquais.
Onratatouslesdeuxuntiraprèsl’autre,etj’étaisentraindemedemandercommentçase
passaitsiaucundenousnerentraituneboulequand,soudain,lachancesouritàKellan.Ileutl’air
aussiétonnéquemoi.
–Ouais!cria-t-ilenlevantunpoingenl’air.
Étantdonnéqu’onétaittoujoursderniers,toutlemondeleregardacommes’ilétaitdérangé,
maisils’enmoquait.Ensouriantcommeungamin,ilcommençaàjoueravecsaqueuedebillard
commesic’étaituneguitare,ettouteslesfillessemirentàglousser.
–J’aigagné,medit-ilsansprêterattentionàleursregardsénamourés.
Jesavaisqu’ilnemerestaitplusqu’unechancederentreruneboule,etquec’étaitvraimentpeu
probablequej’yarrive.Etsurtout,jesavaisquepeuimportequiremportaitlepari,oncoucherait
ensembledanslescoulissesdetoutefaçon.
CefutfinalementEvanquiremportalaCoupedesD-Bags,souslescrisdépitésdeGriffin,qui
arrivaitdeuxième,avecseulementquatrepointsd’écart.
–Tuastriché,finit-ilpardireàEvan.
–Commenttuveuxquej’aietriché?
–Aucuneidée,maisjesuissûrquetuastriché.
–Sipourtoi,tricherveutdireêtremeilleurquetoi,alorsoui,carrément.
KellanrittandisqueGriffingrimaçait,puistoutlemondesemitàparlerdechosesetd’autreset
Kellanvintàcôtédemoi,lesyeuxpétillants.
–J’aivraimenthâted’êtreàcesoir.
Lesous-entendudanssavoixétaitlimpideetjemesentisrougir.
–Çavaêtrechaud,mesurpris-jeàrépondre.
–Jevaisencoretranspirercommepaspossible.
Jedétournaileregard.C’étaittellementgênant…ettellementsexy,aussi.
–Tuvasêtrevidé,parvins-jeàdiresansciller.
Ilécarquillalesyeuxpuisdétournaleregardàsontourensemordantlalèvre,ettoutlemonde
remontaenvoiturepourserendreàlasalleoùlesgarçonsdevaientseproduirelesoir.
–J’espèrequetutesensd’attaque,meditKellanenouvrantlaportièreunefoisquenousfûmes
arrivés.
–Etmoi,j’espèrequeceseraaussijouissifqued’habitude.
Toutlemondemeregardabizarrementalorsquejedescendaisdevoiture,etGriffinavaitmême
l’airunpeuexcité.Kellanavaitdumalàseretenirderireetjesentislerougememonterauxjoues.
–Pasassezsubtil,c’estça?
Ilsecoualatêtepuissemitàriresanspouvoirs’arrêter.Jecachaimonvisagedansmesmains,
maisenentendantMattetEvanrireaussi,j’écartailesdoigtspourlesregarderetleurssourires
finirentparmefairerireaussi.
Onétaittousdetrèsbonnehumeurenentrantdanslasalle,ettandisqueMattetEvanallaient
aideràtoutmettreenplace,Kellanvintseplacerderrièremoietmepritparlataille.
–Alors,onvaoù?dit-ilenfrottantsonnezdansmoncou.
Jeregardailasalledéjàpleinedefansetdemembresdesautresgroupes.Ceseraitimpossible
d’avoirdel’intimitéici:mêmelesportesdestoilettess’ouvraientetsefermaientsansarrêt.
–Tuétaissérieux?
Ilmefitpivoterpourquejesoisfaceàluietjevisquelquesfanss’arrêterpourledévisager.
EllesespéraientsûrementpouvoirserrerlecopaindeSiennadansleursbras,ellesaussi.
–Quandjeparlaisdecoucheravectoi?Toujours.Etpuis,ilmesemblequejetedoisune
faveur,murmura-t-il.
Seslèvresfrôlèrentmonoreilleetjesentisuncourantélectriquemeparcourirdespiedsàla
tête.
Ilmepritlamainetm’entraînaàtraverslafoule,sansquej’aielamoindreidéedelàoùil
m’emmenait.Dansunplacardàbalai,peut-être?Touslesgensqu’oncroisaitnousdévisageaient.
–Apparemment,çanedérangepasSiennaqu’ilflirteaveclesfans,alorsonapeut-êtreune
chance!ditunefillequandonpassaàcôtéd’elle.
Jen’enrevenaispasquelesgenspuissentêtreaussistupides,maiscen’étaitpasvraimentleur
faute.IlsneconnaissaientpasKellan,ilsnemeconnaissaientpas,etilsn’avaientqueleurs
magazinesàscandale.Avectoutça,jemedemandaissouventquelgenrederagotsj’avaismoi-même
gobésalorsquetoutétaitinventé.
Kellansedirigeaitversuncouloiraupasdecharge,etmêmes’ilsefaisaitinterpellertousles
cinqpas,ilcontinuaitsaprogressionavecentêtement.
–Tunedevraispasplutôtaiderlesgarçonsàtoutinstaller?demandai-jeenriant.
Iln’yavaitpasbeaucoupdetechnicienssurlatournée,alorstouslesmusiciensaidaientàtout
monterettoutdémonteràchaqueconcert.Kellanallaitpasserpourunegrossefeignasses’il
s’esquivaitavecmoiaulieud’allerleurdonneruncoupdemain,etaumomentoùilallaitme
répondre,ontombanezànezavecJustin.Ilétaitentrainderegarderquelquechosesursontéléphone
etilrentradansKellan.
–Désolé,jeneregardaispasoùj’allais.
Ilnousmontrasonportableetjevisunesuitedemessagesavec,danslecoindel’écran,une
photodeKate,cequinem’étonnapasbeaucoup.Ladernièrefoisquejel’avaiseueautéléphone,
ellem’avaitditqueJustinetelles’écrivaienttouslesdeuxjours,etelleriaitàchaquefoisqu’elle
parlaitdelui.Çamefaisaitvraimentplaisirqu’ilssoientencontact:j’aimaisbienJustinetKate
étaitadorable.
–Pasdeproblème,luiditKellan.Onallait…faireunecourse.
Justinfronçalessourcils,visiblementcurieuxdesavoirquelgenredecoursesonpouvaitbien
avoiràfairedansunendroitpareil,etj’eusenviedepincerKellanànouveau.Normalement,ilétait
bienplusdouéqueçapourraconterdesbobards.
KellandonnaunetapeàJustinsurl’épauleetilallaitledépasserquandJustinrepritlaparole.
–Aufait,jevoulaisjustetedire…Jecomprendscomplètement.Sansrancune,mec,jenet’en
veuxvraimentpas.
–Dequoituparles?
–Dufaitquetuquitteslatournée.Jevoulaisjustequetusachesquejecomprends.Vouspouvez
prétendreàbienplusqueça,mêmemoi,jem’enrendscompte.
–Jequittela…quoi?Maisdequoituparles,putain?
L’expressiondeJustinsetransformaenunmélangebizarred’horreur,dechocetdeconfusion.
–Tun’espasaucourant?Jepensaisquetusavais.Merde,jesuisdésolé.
–Quejesavaisquoi?Ils’estpasséquoidepuiscematin,bordel?
Justinsepassaunemaindanslescheveuxensoupirant.
–Pendantquevousétiezentraindefaireletrucaveclastationderadio,ungrosbonnetdela
maisondedisquesestpasséetilacommencéàaboyerdesordresàtoutlemonde.Iladitqu’il
enverraitdesgenscherchervosaffairesaprèsleconcertcesoir,etquesiquiquecesoitytouchait,
ceseraitsafête.
Kellanserramamainplusfortetjeluicaressailebras.
–Etjepeuxsavoiroùpartentnosaffaires?Onvaoù,exactement?
Justinsedandinasurplace,clairementgênéd’êtreceluiquidevaitannoncerlamauvaise
nouvelle.
–VousretournezàLosAngeles.VousjouezauStaplesCenterdemainsoir…avecSienna
Sexton.Ilsvousenvoientfairesatournéeavecelle.
Pendantuninstant,j’avaiscruqueKellanavaitfaitquelquechosedemaletqu’onretiraitle
groupedelatournéepourlepunir.Maisenentendantsonnom,jecommençaiàcomprendre.Sienna
voulaitdavantagedepublicité,etKellanétaitpilecequ’illuifallait.
–Quellesalope!m’exclamai-je.
–Cen’estpasellequil’ademandé,jecrois,intervintJustin.Vouscommencezàêtrevraiment
connusetvouspourriezremplirdessallesdixfoisplusgrandesquecellesoùonseproduit.La
maisondedisqueslesaitetilsfontcequisemblelepluslogique.Jepensequ’ilsontraison:çan’a
pasdesensquevoussoyezentournéeavecnous.Jel’aisuàlasecondeoùSiennaestvenueàDallas
pourchantervotresingle.Vousvalezmieuxqueça,etonvoustireverslebas.
Kellansecoualatête,pasdutoutdumêmeavis.Ilvoulutdirequelquechosemaisaucunsonne
sortitdesabouche,etJustinluisouritetluitapadansledosavantdes’éloigner.
–C’estquoi,cebordel?medemandaKellan.
–DemandeplutôtàSiennaetàNick.
–C’estbiencequej’ail’intentiondefaire,dit-ilenattrapantsonportabledanssapoche.
IlsélectionnalenumérodeNickdanssalistedecontactetappuyasurlebouton«Appel».
–Jenesaispascequec’estquecesconneries,maisçanevapassepassercommeça.
Puissonregardsedurcit,etjecomprisqueNickvenaitderépondre.
–C’estquoi,cecirque?
Vertderage,Kellanl’écoutaensilencependantunmoment,puisd’uncoup,lasurprise
remplaçalacolèresursonvisage.
–Vousêtesoù?demanda-t-ilenregardantverslecouloir.D’accord.Àtoutdesuite.
Apparemment,onallaitquandmêmedanslecouloir,maispaspourfairecequ’onavaitprévuà
labase…
Kellanfourrasonportabledanssapocheetseprécipitadanslecouloir,etcommeilmetenait
toujourslamain,jefusobligéedelesuivre.Detoutefaçon,jenevoulaispasraterça.Nickn’avait
pasledroit:Kellann’étaitpassachoseetilnepouvaitpasluidictersesmoindresfaitsetgestes.
C’étaitabsolumentinadmissibleetçaallaitbeaucoupplusloinquecequiétaitspécifiédansle
contratdeKellan.
Lecouloircomptaitplusieursportesenenfilade,etunhommesetenaitdevantl’uned’elles,les
brascroiséssurlapoitrine.Kellansedirigeadroitsurluietl’hommefrappaàlaported’uncoup
sec.
–Ilestlà.
Nickdutrépondrequelquechosecarl’hommeouvritlaporte.Kellanentradanslapiècesans
luijeterunregardetonseretrouvadanscequidevaitêtrelebureauduresponsabledelasallede
spectacles.Nicknousattendait,assisàunbureaurecouvertdepilesdepaperasse.
–Onpeutsavoirpourquoivousnousavezretirésdelatournée?
Nicknousoffritunsourired’uncalmeolympienquimetapasurlesystème,etilnousindiqua
deuxchaises.
–Asseyez-vous,jevousenprie.
–Jen’aipasenviedem’asseoir,etjeneveuxpasquitterlatournée.
Nicksoupira.
–Ondiraitquetucroisquetuastonmotàdire,saufquecen’estpaslecas:c’estmoiqui
décide.Engénéral,jesuisplutôtflexibleetjefaistoujourstoutcequiestenmonpouvoirpour
laisserautantdelibertéquepossibleàmesartistes.
J’émisunpetitreniflementméprisantenl’entendantdireçaetilmefusilladuregard.
–Maisdanscertainscas,reprit-il,lorsqueletalentdelamaisondedisquesn’estpasreprésenté
correctement,j’ail’obligation,etmêmeledevoird’intervenirpourarrangerça.
Ilseleva,mitsesmainsdanssespochesetsedirigeaversnous.Sonattitudeétaitàlafois
détendueetintimidante.
–Leproblème,danslecasprésent,c’estquevousaveztropdesuccès.Cequ’ilvousfaut,ce
sontdesstades.Vousgâchezvotretalenticietc’estuneperted’argentdejouerdansdessallesaussi
petites.Etjenesuispasdugenreàaimergaspiller.
Ils’assitauborddubureauetilhaussalesépaules.
–C’estavecSiennaquevousdevezêtre.C’estuneévidencedepuisquejevousaivussurscène
touslesdeux.C’estmagiquequandvousêtesensemble,etondoitentirerpartiaumaximum.
–Non.Jeresteici.
Nickcontinuacommes’ilnel’avaitpasentendu.
–Siennaaétéprévenue,etelleagentimentprisdesdispositionspourvousaccueillir.Vos
affairespartentcesoir,maisvouslesavezsansdoutedéjà,etunevoitureviendravouscherchertout
desuiteaprèsleconcertpourvousconduireàl’aéroport.UnefoisàLosAngeles,lalimousinede
mademoiselleSextonviendravouschercher.
Kellanlâchamamainetcroisalesbras.
–J’aiditqu’onrestaitici.
Nickselevalentementetvintseplanterdevantlui.Kellanétaitplusgrandqueluimaisça
n’avaitpasl’airdel’impressionner.
–Etjet’aiditquetun’avaispastonmotàdire.Situasbienlutoncontrat,alorstudoissavoir
quelamaisondedisquesalederniermot.Sionveutvousretirerd’unetournéeetvousintégreràune
autre,onlefera.SionveutvousenvoyerenAlaska,onlefera.Etvousirez,parcequecequetun’as
toujourspasl’airdecomprendre,c’estque…
IlserapprochadeKellanetamenasaboucheprèsdesonoreille.
–…tunousappartiens.
QuandNickrecula,iltapotalebrasdeKellan.
–Etpuisjeterappellequetum’asdittoi-mêmequetuferaistoutcequetupourraispournous
aideràpromouvoirl’album…danslamesureduraisonnable.
Ilreniflaetlissalespansdesaveste.
–Etjepensequec’estplutôtraisonnabledetedemanderdeteproduiredanslesplusgrandes
sallesdesÉtats-Unis…Tunecroispas?
Kellann’avaitrienàrépondreàça.IlétaitcoincéetNicklesavait.Ill’avaittoujourssuet
c’étaitpourçaqu’iln’enavaitpasfaittoutunfoinladernièrefoisqueKellanl’avaitcontredit.Il
contrôlaittoutdepuisledébut.
KellantremblaitquandNickquittalapièceetjepouvaisvoiruneveinepulserdanssoncou.Il
étaitlivideetjerestaiàcôtédeluisansriendireenattendantqu’ilsecalme.Illaissaéchapperun
grognementfrustré,puisilattrapaunedeschaisesàcôtédenousetlajetacontrelemur.
Jesursautaietposaiunemainsursonbras.
–Çavaaller,Kellan.
–Plusçavaetplusilsmetraitentcommeunefoutuemarionnette.
Jeposaimamainsursajoue.
–Jesais,çacraint.Crois-moi,jecomprends.Mais…jepensequeNickn’apastoutàfaittort.
Ilfronçalessourcilsmaissacolèreeutl’airdesedissiperunpeu.
–Qu’est-cequetuveuxdire?
–J’adoreJustinetlerestedugroupe,maisilaraison:vousavezbeaucoupplusdesuccès
qu’eux.Vouslesavezdéjàremplacésdansl’ordredepassage.Vousdevezjouerdansdesstades.
Jesourisetpassaimamaindanssescheveux.
–EtleStaplesCenter…C’estdurdefaireplusgrandqueça.
–Maisj’aimebiencequiestpetit.Etintime,ajouta-t-ilavecunadorablesourire.
–Jesais.Maispeut-êtrequeçaaussi,çavateplaire.Tantquetun’aspasessayé,tunepeuxpas
savoir.
–Jetetrouvedrôlementnaïvesurcecoup-là,dit-ilensecouantlatête.
Untasdescénarioscommencèrentàdéfilerdansmatête,certainsplausibles(commeSienna
étantsansarrêtdansnospattes)etd’autrescomplètementimprobables(commelamaisondedisques
droguantKellanpourqu’ilselaisseséduireparcettedernière.Aprèsleuraventured’unsoir,Sienna
seraitenceinteetlemondeentierattendraitavecimpatiencel’arrivéedubébé,queNickbaptiserait
«Disquedeplatine».)Monpropredéliremefitfroncerlessourcils.
–J’essaiejustedevoirleboncôtédeschoses.
Illaissaéchapperunsoupirinterminable.
–Onferaitmieuxd’allertrouverlesautrespourleurannoncerla«bonnenouvelle».
Aprèsleconcert,onquittalasalleàlaseconde.Lafouleréclama«Regretfully»aveclamême
furiequed’habitude,maisonnelaissamêmepasletempsauxgarçonsdefaireunrappel.Ilsfurent
expédiéssirapidementqueKellann’eutmêmepasletempsd’embarquersaguitare,etils’inquiétaà
proposdesoninstrumentpendanttouteladuréeduvol.Ilétaitsistresséquejefaillisluiproposer
d’allerfairel’amourdanslestoilettesdel’avion,histoiredeluichangerlesidées,maisjefinispar
luidiredenepass’inquiéteretquetoutiraitbien.
LavoiturequinousattendaitàLosAngelesétaitvraimentimpressionnante.Cen’étaitpasune
limousineclassique,c’étaitunHummer,etGriffinétaitauborddel’hystérie.
–Bonsang,Kell,dit-ilunefoisàl’intérieur,tudevraisvoirlebarlà-dedans.Ilyamêmeassez
deplacepourunebarreverticale!Ilfautvraimentquej’enachèteuneundecesquatre.
Kellanlevalesyeuxaucieletm’aidaàmonterenvoiture.Lesgarçonsavaientdessentiments
partagésconcernantlatournée.IlsadoraientAvoidingRedemptionetlesautresgroupes,maisfaire
unetournéeavecSiennaétaitvraimentuneopportunitéenorquipouvaitleurouvrirtoutuntasde
portes,etleurvisibilités’enressentiraitsûrementsurlesventes.
Àmagrandesurprise,Siennanousattendaitdanslavoiture,entrainderemplirdescoupesde
champagne.
–Bienvenue,meschéris!s’exclama-t-ellejoyeusementtandisqu’onprenaitplace.
MattetEvanlasaluèrentchaleureusementmaisKellansecontentadeluisourireetellesoupira
d’unairmorose.
–Jesuisvraimentdésoléequeçasesoitpassécommeça,dit-elleencommençantàfairepasser
lescoupes.Nickenaledroit,c’estvrai,maisparpolitesseenverslesautresgroupes,iln’auraitpas
dûfaireça.
Elleavaitvraimentl’airdedésapprouverladécisiondeNicketsecoualatêteenfinissantde
servirtoutlemonde.
–Jeluiaiditqu’ilfaisaituneerreuretqu’ilferaitmieuxdevouslaissertranquilles,mais…il
selaisseemporter,parfois.
Ellesouritavecempathiemaisjen’étaispasentièrementconvaincue.Sondiscoursparaissait
sincère,maisçaluiprofitaitautantqu’àNick,alorsj’avaisdumalàcroirequ’ellen’avaitrienàvoir
danstoutça.Quandoneuttousunverre,Siennalevalesienbienhaut.
–Cen’estpeut-êtrepasidéalcommedébut,maisjeproposequ’ontrinque.Àlameilleure
tournéedumonde,dit-elleentendantlebras.
Kellansoupiramaisiltrinquaavectoutlemonde,etsedérida.IlnecroyaitsûrementpasSienna
nonplus,maisildevaitsansdoutepenserqu’ilferaitmieuxd’entirerlemeilleurpartipossible.
C’étaitdurdequitterJustinmaisonnepouvaitplusrienychanger,etondevaitallerdel’avant.
Aprèsavoirbuunegorgéedechampagne,Siennaglapitcommeunepetitefille.
–J’aivraimenthâtedevousmontrervotrebus,vousallezl’adorer.C’esttellementplussympa
etluxueuxqueceluidanslequelvousétiez.
Kellanregardaautourdelui.Baignerdansl’opulencen’avaitpasl’airdel’impressionner.Si
Siennaleconnaissaitvraiment,ellesauraitqueçanevoulaitpasdiregrand-chosepourlui.Iln’avait
pasbesoindebiensmatérielspourêtreheureux.
Mêmes’ilétaittrèstard(outrèstôt),Siennainsistapournousmontrernotrebus.Apparemment,
toutlemondeallaitàl’hôtelcesoir-là.Est-cequeçavoulaitdirequ’ondormaitàl’hôteldetempsen
temps?C’étaitunluxequ’onn’avaitjamaislorsdelatournéeavecJustin.
Rayonnante,Siennanousfitvisiternotrenouvellemaison.Ilyavaitplusieurstablesentourées
defauteuilsmoelleux,uncanapéetunécranplat,etmêmeuneconsoleavecavecunnombre
hallucinantdejeuxvidéo.Siennaavaitraison:c’étaitvraimentmieuxquenotreancienbus.Elle
passaabsolumenttoutenrevueavantdenousemmenerlàoùonallaitdormir.Ilyavaitdeslits
superposés,commedanslebusprécédent,saufqu’ilsétaientbeaucoupplusespacés.Aumomentoù
jemedemandaiss’ilfaisaitpluschauddanslescouchettesduhautoudanscellesdubas,Siennaprit
Kellanparlamainetl’entraînaverslefonddubus.Jefronçailessourcilsenvoyantqu’ilselaissait
fairemaisjelessuivis.Aprèsleslits,ilyavaitunesalledebains–avecunedouche!–etuneporte
ferméequidevaitmeneràlachambredufond.Deboutàcôtédelaporteaveclemêmesourireque
celuid’uneprésentatricetélé,elletournalapoignée.
–Etvoilàlasuitenuptiale,murmura-t-elleenobservantKellantandisqu’ilentrait.
Ilmetenditlamainetjelesuivis.Lapremièrechosequejeremarquai,àpartlefaitquela
pièceétaitmillefoisplusaccueillantequelaremisedanslaquelleonavaitl’habitudededormir,
c’étaientlesfenêtres.Lestroismursavaientd’immensesfenêtresetjepouvaisvoirtoutleparking.
Pourvuquecesoitdesvitressanstain…C’estalorsquejeremarquail’énormelitaumilieudela
pièce…Onallaitdormirdansunvrailit,surunvraisommier!Ilyavaitunependerieprèsdela
portepournosvêtements,etmêmeunécrantélé.C’étaitpresquecommeavoirnotreproprestudio,et
j’étaistellementcontentequej’auraispuprendreSiennadansmesbras.
Encoresouslechocduconfortdontonallaitbénéficierici,jemetournaiversnotrebienfaitrice.
–Merci,Sienna.
–Cen’estriendutout,dit-elleenagitantlamain.Jeveuxquetoutlemondeytrouveson
compte.
Sonvisageirradiaitlasincéritéetj’avaisvraimentenviedelacroire.Saufquejen’yarrivais
pas.
16
Spectacle
J’étaisunevraiebouledenerfsenattendantquelesgarçonsmontentsurlascène.LeStaples
Center…C’étaitcomplètementfou!Onétaitloindelasalledeconcertclassique:c’étaitcarrément
unstade,etd’aprèscequejepouvaisvoirdepuislescoulisses,onjouaitàguichetfermé.Jen’avais
aucuneidéedecombiendepersonnesétaientlà,maisj’étaissûrequ’ilyenavaitdesdizainesde
milliers,etjen’enrevenaispas.
Kellanétaitvautrédansunfauteuilentraindesiroterunebière,aussirelaxques’ilagissaitd’un
autreconcertauPete’s.Tandisquejetripotaisnerveusementmoncollier,ildiscutaittranquillement
avecDeacon,lechanteurdugroupeHoleshot,quiassuraitlapremièrepartieduconcertdeSienna.
Ilsavaientétélesseulssursatournéejusqu’àcequeNickretirelesD-Bagsdelatournéed’Avoiding
Redemption.
J’étaistellementstresséequejememisàfairelescentpas,sousleregardamusédeKellan.
Deaconaussiavaitl’airdetrouverçadrôle,d’ailleurs.Songroupeavaitunechansonquipassaitàla
radio,maiselleétaitloind’êtreaussicélèbrequeleduodeKellanavecSienna.Celadit,lefaitque
lesD-Bagsfassentdésormaispartiedelatournéeetquesongroupeaitparconséquentmoinsde
tempssurscènenesemblaitpasledéranger.Ilavaitjustel’aircontentd’avoirquelquesmecsenplus
avecquitraîner,etçatombaitbien,étantdonnéqu’onallaitpasserlesprochainsmoisdanslemême
bus.
LuietKellanétaientvraimentcommelejouretlanuit:Kellanavaitlescheveuxchâtainseten
bataillecommes’ilsortaitdulit,tandisqueceuxdeDeaconétaientd’unnoirprofondetpluslongs
quelesmiens.LesyeuxdeKellanétaientd’unbleuprofondetceuxdeDeacond’unbleusiclair
qu’ilssemblaientpresqueblancs.EtsiKellanétaittoujoursrasédeprès,Deaconarboraitunbouc
éternellementbientaillé.Maisàcôtédeça,ilspartageaientlamêmepassionpourlamusique.
Jecontinuaiàarpenterlapièce,ravied’avoirassezdeplacepourpassermesnerfs.Dèsnotre
arrivée,j’avaisremarquéquelasécuritésurlatournéeétaitbienplusélevéequeceàquoionétait
habitués.Avant,lescoulissesétaientrempliesdefillesetdebière,maislatournéedeSiennaétait
beaucouppluscarrée.Aprèslesréglagesson,seulunpetitgroupedefansavaitpurencontrerles
garçons.Tory,enéternellechefderégiment,leuravaitdonnédesinstructionstrèsstrictesquantàce
qu’ilspouvaientfaireounonenprésencedesrockstars.Elleavaitaboyésurlegroupedegagnants
d’uneémissionderadiojusqu’àlestransformerengentilstoutousdociles,etj’avaisétévraiment
choquéeparsamanièredes’adresseràeux.Sansparlerdufaitqueses«règles»rendaientla
rencontrevraimentbizarre,aussibienpourKellanquepourlesfans.D’aprèsmoi,sielleavaitlaissé
lesfansetlesmusiciensinteragircommesurl’autretournée,l’expérienceauraitétébienplus
enrichissantepourtoutlemonde,maisellen’avaitpasl’airdecomprendrequelesgarçonsavaient
besoindeleursfansetvice-versa.
Àprésent,lesseulespersonnesprésentesencoulissesétaientdesjournalistes,lepersonneldu
stade,lestechniciensdelatournéeetlesmembresdesdifférentsgroupes.Iln’yavaitquenoustrois
danslalogeoùonsetrouvait,etl’absenced’activitéautourdenousmerendaitencoreplusnerveuse
pourKellan.
–Elleesttoujourscommeça?demandaDeaconenmepointantdudoigt.
–Plusoumoins,réponditKellanenmesouriant.
Laportes’ouvritetunhommeavecuneoreilletteapparut.
–Deacon,c’estbientôtàvous.
Deaconhochalatête,selevaets’étirarapidement.
–Àtoutàl’heure!
KellanluisouritpuissetournaversmoiunefoisDeaconparti.
–Tuveuxbient’asseoir,s’ilteplaît?
–Tun’aspaslatrouille?demandai-jeenpressantlespaumesdemesmainssurmonestomac.
–Çaallait,jusqu’àcequejetevoiedanscetétat.
Ilpritunegorgéedebièrepuisilposasabouteillesurunetablebasseàcôtédeluiettapotases
genoux.
–Vienslàetaide-moiplutôtàmedétendre.
Jemedirigeaiversluisansparveniràcroirequ’ilpuisseêtredétenduàcepoint.Çanele
stressaitvraimentpasd’êtresurscène.Ilauraitpuchantertoutnudevantunmilliondepersonnesque
çanel’auraitpasdérangé.Iln’étaitvraimentpasnormal.J’allaim’asseoirsursesgenouxetpassai
lesmainsdanssescheveuxenespérantquesoncalmesoitcommunicatif.Jel’embrassaidoucement
surlajoueetilrit.
–Ah,voilà,çavadéjàmieux.
Raviequ’onsoitseulsdanslapièce,jemeserraidavantagecontreluietl’embrassaiplus
passionnément.Illaissaéchapperungémissementetpassasesmainslelongdemondospuissous
montee-shirt.Jepressaimapoitrinecontresontorseetmelaissaiemporterparsonparfumetparses
baiserslégèrementaromatisésàlabière,oubliantlemondeautourdenous.
Ilmecaressaitledostandisquesalangueglissaitdoucementcontrelamienne,puisildégrafa
monsoutien-gorge.J’arrêtaidel’embrasseretluiadressaiunregardmécontent.Onétaitpeut-être
seulspourlemoment,maislalogeétaittoutsaufprivée.
–Oups,désolé,dit-ilensouriantmalicieusement.
Alorsquej’étaisentrainderemettremonsoutien-gorgeenplace,laportes’ouvritdenouveau
etjemelevaiàtoutevitessepourluifaireface.J’avaismalremismonsoutifetj’étaisécarlatequand
Siennaentradanslapièce.
–Désolée,vousétiezoccupés,peut-être?
–Pasdesouci,dit-ilenmesouriant,oncommenceàavoirl’habitude.
Elleritets’installadansunfauteuil.
–Ahoui?Jeseraiscurieused’ensavoirplus.
Monsoutien-gorgefinalementmaîtrisé,jevinsm’asseoiràcôtédeKellan.J’étaisdenouveau
nerveuseetjeremuaislesjambessansarrêt.Holeshotvenaitdecommenceràjoueretleurmusique
parvenaitjusqu’ànous.Ilsn’étaientpasaussibonsquelesD-Bags,maisj’aimaisquandmême
beaucoupcequ’ilsfaisaient.
–Tuesprêt?demandaSienna.
Kellanattrapasabière,laluimontraetenbutunegorgée.
–Plusqueprêt.
Siennasouritetsecoualatêted’unairamusé,jedétestaivoirqu’ilavaitceteffetsurelle.Ilsse
lancèrentensuitedansunegrandediscussionsurlamusique.Mêmes’iln’aimaitpastroplespetits
jeuxauxquelselles’adonnait,jepensequeKellanl’appréciaitquandmêmeentantquepersonne.
Maisquandellecommençaàparlerdesesparents,ildevintsilencieux.
–Ilsseraiententraindemecrierdessusencemomentmême.Enfin,s’ilsétaienttoujours
autorisésàveniràmesconcerts,dit-elled’unevoixvided’émotion.Etjemonteraissurscène
terroriséeàcaused’eux.
–Désoléquetuaiesdûtraverserça.
–Merci,répondit-elleenposantunemainsursacuisse.
Lavoirflirteravecluimefitoubliermonstressenunclind’œil.
–Ettoi,ilsétaientdequelgenre,tesparents?Gentilsetaffectueux?demanda-t-elleen
souriant.
Ilpritsamainetlareposasursacuisseàelle,polimentmaisfermement.Ellefronçales
sourcilsmaiselleneprotestapasetKellanbutuneautregorgéedebièreavantderépondre.
–Vraimentpas,non.Maisjen’aiplusdesouciàmefaireàcesujet.
JeposaimamainsursontorseetKellanmesourit.Jesavaisquesaphrased’apparenceanodine
contenaitbienplusdesouffrancequetoutcequeSiennapouvaitimaginer.Jel’embrassaidoucement
pourleréconforteretaussipouradministreràSiennaunepetitepiqûrederappel.Ilestpeut-être
sympaavectoi,maisilestamoureuxdemoi.
–Décidément,lafamille,c’estloind’êtreaussiexceptionnelquecequ’ondit.
–Moi,j’aiunefamillegéniale,dis-jeenpensantàmasœurvolage,monpèretropprotecteuret
mamèreobsédéeparlemariage.
–Tuenas,delachance,réponditSiennaensouriant.Etvousdeux,alors?Vousenvisagezde
fonderunefamilledanslefutur?
Sesyeuxsefixèrentsurmonestomacetjemesentishypermalàl’aise.
–Unjour,biensûr.
–Peut-êtreaprèsqu’onseraofficiellementmariés,ditKellanenmedonnantunpetitcoup
d’épaule.Onfaitçalevingt-septdécembre,aufait,pendantlapausedeNoël.
Heureusement,lestournéesdeJustinetdeSiennaavaientlesmêmesvacances.Mamère
m’auraitétripéesij’avaisdûchangerladatedumariage,surtoutqu’elleavaitenvoyélesfaire-part.
LabouchedeSiennasetorditlégèrementmaisellenousréponditd’unevoixdouce.
–C’estvrai?Alors,toutesmesfélicitations.
Elleavaitl’aird’avoirenviedeprendreKellandanssesbras,maislafaçondontonétaitcollés
l’unàl’autreneleluipermettaitpasvraiment.PuislemêmehommequiétaitvenuavertirDeacon
vintchercherKellan,etSiennaselevaenmêmetempsqueluietluitenditlebras.
–Jet’emmène?
Peut-êtreétait-cemonimagination,maisj’avaisl’impressionqu’ilyavaitundoublesensdans
saquestion.Ilnelapritpasparlebrasmaishochapolimentlatêteetjelessuivis,mamaindans
celledeKellan.Ungroupedepersonnesquiportaientdesbrassardsaveclenomd’unedesradios
localesrepérèrentSiennainstantanément.C’étaitdifficiledenepaslavoir,celadit.Elleportaitson
costumedescène,unecombinaisondanslestyleannées1970recouvertedestrassquibrillaientde
millefeux.Lacombinaisonétaitundosnuquidescendaitsibasquejepouvaisvoirlescreuxenbas
desondos,etsondécolletéétaittellementprofondqu’elleavaitdûutiliserdel’adhésifdoubleface
pourquetoutresteenplace.
–Sienna,jepeuxvousposerquelquesquestions?Unephoto,peut-être?
Sesgardesducorpslasuivaientpartoutetnelaissaientjamaispersonnel’approchertantqu’elle
n’avaitpasditoui.
–AvecKellan?demandauneblondedansunjeanhyperserré.
LesouriresurseslèvresétaittoutsaufprofessionneletKellandésignalascèned’ungeste.
–Désolé,maisjedoisyaller.
Lablondefitlamoue,appareilphotoenmain.
–Justeunephotoencouple!
Kellansetournaversmoietlevalesyeuxauciel.J’étaisderrièrelui,alorslablondenepouvait
sansdoutepasvoirqu’onsetenaitlamain.
–Onn’estpasensemble,répondit-ild’unevoixferme.
Lablondeluisouritd’unairentenduetjepouvaispresqueliredanssespensées.C’estbon,j’ai
compris,vousnevoulezpasencoreparlerdevotrerelation.Jegarderailesecret,pasde
problème.Ilavaitl’airdevouloirlaremettreenplacemaisjetiraisursonbras.Laremettreenplace
impliquaitdeluidirequij’étaisetjenevoulaispasfairepartieduspectacle.Etd’ailleurs,l’homme
avecl’oreilletten’arrêtaitpasdenousfairesignedenousdépêcher.Alorsqu’ontournaitledosaux
journalistes,jevisSiennaenvoyerunbaiseràKellan.
–Etça,c’estqui?demandaalorsquelqu’unenmemontrantdudoigt.
–JusteunevieilleamiedeKellan,ditSiennaavecunsourirecharmeur.
Ellearboraunpetitairsatisfait,puiscontinuaàrépondreauxquestions.Kellannel’entenditpas
maisjelafusillaiduregardsanssavoirsijedevaisêtrefâchéeounon.Elleavaitditquej’étaisune
vieilleamiealorsqu’elleauraittrèsbienpurépondrequejen’étaispersonne…Jenesavais
vraimentpasquoipenserd’elle.Parfois,jelatrouvaissympa,etl’instantd’après,elleétaitaussi
manipulatricequeNick.J’étaisincapabledelacerner.
PenserauxvieuxamisetàcequejeressentaismefitalorspenseràDenny.Lepassquej’avais
autourducoumepermettaitd’allerabsolumentpartoutdanslescoulisses,alorsjeprisquelques
photosavantdelesluienvoyer.Enroutepourallervoirlesgarçonsjouer,jeprisunephotodela
foulequisautaitsurplaceetluienvoyaiendisantTuasvuunpeulemondequ’ilya?Maisjuste
après,jeremarquaisurlaphotounepancartequ’unfantenaitau-dessusdesatêteetquidisait«Kell-
Sexforever».Décidément,jedétestaiscesurnom.
Dennyréponditalorsquejescannailafouleàlarecherched’autrespancartesdanslemême
style.Jeseraiscomplètemententraindefairedansmonfrocàsaplace.Maisbon,j’imaginequ’il
estsuperzen.
Jerisetluirépondisqu’ilétaitcomplètementdétendu.Flegmatique,même.
Puislalumièredesspotssemitàdansersurlepublicetlesfanslevèrentlesbrasenpoussant
descrisd’impatience.Soudain,toutesleslumièressebraquèrentsurlascène,etlepublicsemità
hurler.Lesgarçonss’étaientinstallésdansl’obscuritéetunefoisquelepublicserenditcompte
qu’ilsétaientlà,cefutuntonnerredecrisetd’applaudissements.Visiblement,lesfansétaient
hystériquesquelesD-Bagsaientrejointlatournée,etjemecouvrislesoreillesenriantpournepas
finirsourde.Delàoùj’étais,jepouvaisvoirKellansecouerlatête,complètementépoustoufléparla
foulequis’étendaitdevantsesyeux.Etmêmesijel’avaisdéjàvufaireçaunmillierdefois,une
vagued’excitationmesubmergealorsquejeleviss’approcherdumicro.
–Bonsoir,LosAngeles!
Kellanoffritunsourireradieuxaupublicenajustantsaguitareetjevisunefilleaupremierrang
s’évanouiraumilieudesesamies.Illevaunemainenl’airetlevacarmediminua.Enfin,plusou
moins.
–OnestlesD-Bagsetonestvraimentravisdejouerpourvouscesoir.Enrevanche,onjoue
seulementsivousavezétésages.
Ildécrochalemicrodesonpiedets’approchaduborddelascènepourcontemplerlafoule
devantlui.
–Alors…vousavezétésages?demanda-t-ild’unevoixdébordantdesensualité.
Laréponsedupublicfutsistridentequejen’entendismêmepasEvanattaquerl’intro.
Heureusementquelesgarçonsportaientuneoreillettesinonilsn’auraientrienentendunonplus.
Kellanrevintàsaplace,remitlemicrosursonpiedetsemitàjouer,etlesondesaccordsdesa
guitareserépanditpartoutdanslestade.
Silachansonétaitunclassiquepourmoi,laplupartdesspectateursprésentsnelaconnaissaient
pasetilsfurentimmédiatementconquis.LavoixdeKellanétaitsiparfaiteetpuissantequej’enavais
desfrissonsetçam’inspiraittellementdeleregarderquejemeprécipitaidanslalogepouraller
chercherdupapieretuncrayon.Àmonretour,ilsavaiententaméunenouvellechanson,etKellan,
libérédesaguitareletempsd’unmorceau,arpentaitlascènedelongenlarge,titillantlepublic.
LesmotsaffluaientdansmatêtetandisquelavoixdeKellanrésonnaitdansmesoreillesetje
memisàécrirefrénétiquementtouteslesimagesquidéfilaientdansmonesprit.Çan’avaitaucun
rapportaveclatragédiedemonpassé,cettefois,ettravaillersurquelquechosedenouveaufitnaître
unimmensesouriresurmeslèvres.C’étaittellementenrichissantd’écrire,etlefairetoutenécoutant
Kellanmemettaitdansunétatprochedel’euphorie.
Kellanvintmeretrouveràlafinduconcertetjesautaipresquedanssesbrastellementj’étais
fièredelui.Commeàchaquefois,lepublicréclamaituneautrechansonetEvanetMattn’en
revenaientpas.QuantàGriffin,ilavaitl’airdetrouverqu’untelsuccèsétaitleminimumsyndicalet
iltapasurl’épauledeKellan.
–Ilfautqu’onfasseunrappel.
–Onn’apasletemps,ditKellanensecouantlatête.C’estleconcertdeSienna,etelledéteste
quandilyaduretard.
GriffinsepinçaleslèvresetpritKellanparlebras.
–Qu’est-cequej’enaiàfoutredeSienna?C’estnotremomentdegloire,dit-ilenpoussant
Kellanversl’avant.
MattetEvanlepoussèrentaussi.
–Passelatêteetfais-leursigne,ditMatt.Bouche-toilesoreilles,Kiera,ajouta-t-ilenriant.
Jeluiobéis,etheureusement,carjepensequemestympansauraientexploséquandils
retournèrentsurscène.Unemployécomplètementpaniquéleurfaisaitdessignesfrénétiquespourleur
demanderderevenirencoulissesetilsriaienttousquandilsvinrentmerejoindre.Kellanpassason
brasautourdematailleetlevacarmesecalmaunpeu.
–OndoitresterdanslesparagespourleduoavecSienna,maiscommec’estladernière
chanson,onpensaitalleraubardel’autrecôtédelarue.Çatedit?
Unepartiedemoiavaitenviederesterpourcontinueràécrireleromanquis’étaitmisà
bourgeonnerdansmatête,maisl’enthousiasmedeKellanétaitsicontagieuxquejen’arrivaipasà
refuser.Etpuisilyauraittoutuntasd’autresconcertspourm’inspireràl’avenir.Jehochailatêteet
Kellanmontralebloc-notesquejetenaisserrécontremapoitrine.
–Tuasécritpendantquej’étaissurscène?
–Çam’inspiredeteregarder.
Ilsepassaunemaindanslescheveuxd’unairincrédule.
–Jet’inspire?Vraiment?
–Biensûr.Touslesjours.
Ilmeregardacommesij’étaisunMartien.
–Etaprès,c’estmoiquisuisridicule.
Jerisjusqu’àcequ’ils’emparedemoncarnet.J’essayaideleluireprendremaisilletendità
l’hommequiétaitvenulechercherdanssaloge.
–C’estl’avenirdelalittératurequevousavezentrelesmains.Jevousleconfiejusqu’ànotre
retour.
L’hommeécarquillalesyeuxens’enemparant.
–Bien,monsieur.
Jecrusqu’ilallaitnousfaireunerévérence.
–Assurez-vousdebienlerangerdansl’étuidemaguitare.
–Oui,monsieur,répétal’hommeavantdedisparaître.
–Est-cequ’ilvientvraimentdem’appeler«monsieur»deuxfois?
Kellanritenmeprenantparlatailleetjeluidonnaiunebourrade.
–Necommencepasàprendrelagrossetête.
–Çanerisquepas,m’assura-t-ilensouriant.
Puisonsedirigeatousverslasortie,avecMattetGriffinquiouvraientlamarcheetavançaient
commesionétaitdescambrioleurs.
–Onaledroitdequitterlestadependantleconcert?demandai-jeàKellan.
–Aucuneidée.C’estpourçaquecesdeux-làjouentàJamesBond.
Onfitdenotremieuxpournecroiserpersonneetonfinitparatteindredesportessurmontées
d’unsigne«Sortie».Ons’engageaprudemmentdansuncouloirdontMattdéclarad’unairassuré
qu’ilmenaitauxbus.Saufqu’onn’allaitpasauxbus,maispersonnen’avaitbesoind’êtreaucourant.
Unefoisdehors,ontombasurunvigilepostéprèsdelaporte.Lesgarçonslesaluèrentenpassantà
côtédeluicommesiderienn’était,etsoitillesreconnut,soitilvitlepassautourdemoncou,mais
ilnenousposapaslamoindrequestion.Ilétaitsansdoutetropoccupéàgérerlesgensquiessayaient
des’incrusterdanslescoulissespours’inquiéterdesgensquiensortaient.
Ilfutlaseulepersonnequ’oncroisajusqu’aumomentoùonarrivadanslarue,etcetteespèce
deliberténousrenditeuphoriques.Toutlemonderiaitetj’étaisraviedefairepartiedeleurpetite
escapade.GriffinsemitenquêtedubaretKellanpritMattparlebras.
–Tusaisàquelleheureondoityretourner?
Matthochalatêteentapotantlecadrandesamontreetj’espéraiqu’ildisaitvrai.Autrement,ils
risquaientd’avoirdegrosproblèmes.D’unseulcoup,Griffinallongeasonbrasdroit.
–Là!Barenvue!s’écria-t-il.
PuisilpritlaroutedesonparadisalcooliqueaupasdecourseetMattetEvanlesuivirenten
riant.
–Ledernierarrivés’assoitàcôtédeGriffin,ditalorsKellan.
J’étaisdéjàentraindecouriravantlafindesaphrase.J’avaisunénormepointdecôtéen
arrivantàl’entréemaismonpiedtouchalepaillassonunedemi-secondeavantceluideKellan.Les
mainssurlesgenoux,jetentaidereprendremonsouffleenleregardant.Çafaisaitunbailquejene
n’avaispascouru.
–Jet’aieu,parvins-jeàarticuler.
–Jet’ailaisségagnerpourprofiterdelavue,dit-ilenouvrantlaporte,luiaussiàboutde
souffle.
Jem’attendaisàcequetoutlemondedanslebars’arrêtedeparlerenvoyantentrerlesgarçons,
maispersonnen’avaitl’airdesavoirquiilsétaient,jefusraviedeconstaterqu’ilspouvaientencore
êtreanonymes.Kellanfutleseulquisemblaéveillerlessoupçons,maisjenesavaispassic’était
sonphysiqueoulesphotosavecSiennaquiétaientlaraisondesmurmuresquiémanèrentdeplusieurs
tables.
Griffinsedirigeaversunetabledanslefonddubaretonlesuivit.
–Mêmesrèglesqued’habitude,dit-ilsoudainavecleplusgrandsérieux.
Mattlevalesyeuxauciel,EvanritetKellanfronçalessourcils.
–Onnejouepasàçacesoir,Griff.
–C’estcequ’onvavoir,dit-ilavecunsourirearrogant.Quoi,tuaspeurdeperdre?
–Ilatoujoursgagnéàcejeu,ditEvan.
–Queljeu?demandai-je,curieusedesavoiràquoiilsjouaientd’habitudequandilsétaienten
tournéeetqu’ilsallaientdansunbar.
–C’estunjeudébilequeGriffinainventé,réponditKellancommesidébileetGriffinétaient
dessynonymes.
–Tapette.Tufaistontimideparcequetacopineestlà?
–Mafemme,corrigeaKellan.
–Peuimporte,onjoue.Toutlemonderetournesespoches,allez.
Ilfitlegesteenmêmetemps,révélantdespochesvides.Kellanregardaversmoietjefisouide
latête,tropcurieusepourrefuser.Kellanretournasespoches,videsellesaussi,etunefoisqueMatt
etEvaneneurentfaitautant,Griffineutl’airsatisfait.
–Bien.Commed’hab’,chaquenumérorapporteunpointetchaquecapoteenrapportecinq.Le
perdantpayel’addition,etchacunpayeunshotaugagnant.Etlepremierquitrichesefait
immédiatementbotterlecul.
IldésignasesyeuxavecsonindexetsonmajeurpuislesyeuxdeMattcommepourdireJet’ai
àl’œil,etMattsoupira.Quantàmoi,jen’avaistoujourspascomprislejeu.Descapotes?C’était
quoi,cetruc?
–C’estquoi,tonjeu?demandai-je.
–Celuiquifinitavecleplusgrandnombredenumérosdetéléphonedanslespochesgagne,dit
Griffinenparlantlentementcommesij’étaisdéjàsoûleetquejenecomprenaisrien.
J’écarquillailesyeuxetmetournaiversKellan.
–Ettun’asjamaisperdu?
–Maissansjamaisriendemander,jet’assure,répondit-ilenlevantlesmains.
JeserraileslèvresetKellansegrattalatête.
–Euh…tuveuxboirequelquechose?
–Humhum,dis-jeensouriantd’unairpincé.
Ilsedirigeaimmédiatementverslebaretjerisenlevoyanttraverserlafouletêtebaissée.
–Iln’avraimentpasbesoindedemander,ditEvanenpassantunbrasautourdemesépaules.
Lesfillesontjustetendanceàluicollerauxbasques.Regarde.
Curieuse,jememisàobserverattentivementmonmari.Alorsqu’ilattendaitd’êtreservi,deux
filless’approchèrentdeluietilnefallutquecinqsecondesàl’uned’ellespourglisseruneserviette
enpapierdanssapoche.Jerestaibouchebée,estomaquéequecesoitallésivite,etGriffinavait
l’airaussiscotchéquemoi.
–Putain,ilplaisanteouquoi?Espècedepute!cria-t-ilàKellan.
Certainesfillesdurentcroirequ’ils’adressaitàellescarellesregardèrentGriffinenfronçant
lessourcils.Envoilàquelques-unesquinerisquaientpasdeluidonnerleurnuméro…
Kellansetournaversnousetquandilvitmonairamusé,ilagitalaservietteendirectionde
Griffinavantdelaremettredanssapoche.
–Horsdequestionquecetenfoirégagneunefoisdeplus.
Puisildisparutdanslafoule,etjesusqu’ilnesegêneraitpaspourdemanderdesnumérosau
lieud’attendrequ’onlesluidonne.Voirequ’iln’hésiteraitpasàlesacheteràcoupdeshots.Je
savaisquecejeuauraitdûmedégoûter,maisàpartGriffin,aucundesgarçonsnefaisaitquoiquece
soitpourgagner:leurphysiqueetleurcharismesuffisaient.Ilsétaienttoujoursprêtsàplaisanteretsi
facilesàvivrequ’uncerclenetardapasàseconstituerautourd’eux,etj’euspresquel’impression
d’êtreencoreauPete’s.Àladifférenceprèsqu’ilsuffisaitàKellandepasseràcôtéd’unefillepour
seretrouveravecunboutdepapierdiscrètementglissédanssapoche.MaisenvoyantqueKellanne
réagissaitàaucunesollicitation,jecommençaiàmedemandersi,peut-être,cen’étaitpasmoiquime
trompais.Peut-êtrequec’étaitexactementcommechezPete’smaisquejenefaisaispasattentionà
çaquandonétaitàSeattle.Entoutcas,jen’avaisjamaisrienretrouvédanssespoches.
Quantauxgarçons,ilsprenaientvraimentlejeuàlarigolade.ÀchaquefoisqueKellanallait
prendreunverreaubarouqu’ilallaitauxtoilettes,undesgarçonsluidemandaitcombiendenuméros
ilavaitrécupérésaupassage.MaisquandGriffinrevenaitànotretableavecl’airagacé,Mattlui
disaittoujourslamêmechosed’unairfaussementcompatissant.
–Mince,pasdechance.
CeàquoiGriffinrépondaittoujoursgracieusementparunbrasd’honneur.
Labièreetlabonnehumeurcoulaientàflotetjemefélicitaiintérieurementd’avoirdécidéde
lessuivreàtraverstoutlepays.Lorsquel’alarmedelamontredeMattretentit,onseregardatous
pendantunefractiondesecondeavantdenousrappelerquelesgarçonsdevaientencoremontersur
scène.
–Merde,Siennaapresquefini.Ilfautqu’onyaille!
Ildescenditsabièred’untrait,l’airinquiet,ettoutlemondeallaitsemettreenroutequand
Griffinlevalesbras.
–Passivite!Ilnousfautungagnant.Videzvospoches!
Jegloussai,unpeuéméchée,toutenmedemandantquiavaitbriséleplusdecœurscesoir.
ProbablementKellan.Jemepenchaisurluicommes’ils’apprêtaitàrévélersamainaupokeraulieu
d’unecollectiondenumérosdetéléphone.Evanvidasespochesenpremieretplaquaunboutde
papierrouléenboulesurlatable.
–Unseul,dit-ilenhaussantlesépaulesavecl’airdes’enmoquer.
Surexcité,Griffindévoilauneservietteenpapier,unecartedevisiteetcequiressemblaitàun
morceaudepapiertoilette.
–Ah!Trois,bandedenases!
IlcroisalesbrasetlançaàKellanunairdedéfi.Certainequ’ildevaitenavoirplusqueça,je
luidonnaiunpetitcoupdanslescôtesetilvidasespochesàsontour.
–Euh…cinq,annonça-t-ilunefoisqu’ileutfinidedépliertouslesboutsdepapier.
–Etmerde!criaGriffinentapantsurlatable.
–Seulementcinq?demandaEvan.Petitesoirée.
–Bon,tuveuxboirequoi?grommelaGriffin.
–EtMatt,alors?demandai-je.
Leguitaristeavaitassistéàlascèneensilence,unpetitsourireauxlèvres,etilallaitrépondre
quandGriffinl’interrompit.
–Pff,commes’ilpouvaitbattreKellan.C’estplié,jetedis.Saufsiquelqu’unt’afiléune
capote?
Mattsecoualatêtefaceàl’airinquisiteurdesoncousin.
–Non…
Puisilmitlamaindanssapoche,enressortitcequiressemblaitàunecartedecréditetlajeta
surlatable,lesjouesrouges.
–Onm’afilélacléd’unechambred’hôtel.
Enentendantlesgarçonscrieretsiffler,onauraitpucroirequeMattvenaitdegagnerauLoto.
–Putain!s’exclamaGriffin.VictoireparK.-O.!
IlsautasursespiedsetattrapaMattparl’épaule.
–Bonsang,Kellanaperdu!cria-t-ilenfaisantpivoterMattavantdelepousserverslebar.Hé,
toutlemonde!C’estmoncousinetilvientjustededétrônerMisterUnivers!
Mattdevintécarlateetentrepritdesedirigerverslaporte.
–Mec!Ettesshots?
Evanriaitsifortqu’ilenpleurait,etj’étaismortederireaussi.
–Bon,ondiraitquej’aiperdu,finitpardireEvan.
IlattrapasonportefeuillemaisKellanposaunemainsursonbrasettenditunbilletdecent
dollarsàlaserveuse.Oupeut-êtredeux,jen’étaispassûre.
–C’estbon,Evan.
–Merci,Kell,ditEvanenluitapantsurl’épaule.
Puisongagnatouslasortie,enabandonnantlesnumérosetlacléd’hôtelsurlatable,etje
sourisenvoyantqu’aucunmembredugroupen’avaitgardélemoindrenuméro,mêmeGriffin.
–Tun’espasfâchée?medemandaKellanunefoisdehors.
–Jesuisfurieuse,çanesevoitpas?
Ilhaussalessourcilsetjeris.
–SiGriffinavaitgagné,là,jeseraisenpétard.
KellanregardadansladirectiondeGriffin,quiétaitentraindehurleràtoutelarueque«les
boulesdesoncousinétaientenfindescendues»tandisqueMattbaissaitlatête,mortdehonte.
–Çanerisquepas,murmuraKellan.
Matteutdumalàlescontrôler,maislesgarçonsfinirentparregagnerlestade,saufquepasser
levigiledelaportedederrièreserévélapluscompliquéqu’audépart.Cen’étaitpluslemêmeque
toutàl’heureetilvoulaitabsolumentunepreuvequelesgarçonsfaisaientpartiedelatournée.
Kellan,MattetEvanavaientleurpassaveceuxmaisGriffinavaitoubliélesienetonétaittoustrop
soûlspourconvaincrelevigiledenouslaisserentrer.Griffinn’arrêtaitpasdeluimontrerlepass
autourdemoncousanscomprendrequ’iln’étaitvalablequepourmoi,maisheureusement,Deacon
finitparentendrecequisepassaitdepuisl’intérieurdubusetparrapportersonpassàGriffin.
Unefoisàl’intérieur,lesgarçonsseprécipitèrentverslascèneetuntechnicienàboutdenerfs
leurfitsignedesetenirprêts.Kellanm’embrassaavantd’entrersurscène,etensentantsonhaleine
chargéed’alcool,j’espéraiqu’iln’oubliepaslesparolesdelachanson.
Jeretournaiàmonposted’observationpourregarderSiennaannoncerquelerappeldecesoir
seraitunpeuspécial.Lafoulesedoutaitdequellechansonils’agissaitettoutlemondeétait
hystérique.Pompetteetimpatiente,j’essayaidesifflerenmêmetempsquelepublicmaisçaeutle
mêmeeffetquesij’avaissoufflédansunechambreàair.
–Mesdamesetmessieurs,ditSiennaendésignantlascènederrièreelle,jevousdemande
d’applaudirdenouveaulesD-Bags,ettoutparticulièrementl’extraordinaireKellanKyle!
Jenesavaispassic’étaitparcequej’avaisbu,maislescrismeperçaientaffreusementles
tympans.LesgarçonsfirentleurapparitionetprirentlaplacedesmusiciensdeSiennapresquesans
trébucher.KellanallarejoindreSiennaquipritsamainetl’embrassasurlajoue,cequimetapasur
lesnerfs,commetoujours.Kellans’écartadiscrètementd’elletoutensaluantlepublic,etenles
entendantcommenceràchanter,jemedemandaisilesfillesquiavaientglisséleursnumérosàKellan
cesoirs’étaientrenducomptedequiilétait.
Mêmes’ilavaittrébuchéetqu’ils’étaitcognédansunlampadaireentrelebaretlestade,il
avaitl’aircomplètementsobreenchantantsaruptureimaginaire,maisquandSiennaapprochason
visagedusienpourchantersapartie,elleétaitsiprèsquej’étaissûrequ’ellepouvaitsentirqu’il
avaitbu.Aulieudechanterfaceaupublic,ilsrestaientfaceàfaceetfaisaientcommes’ilsignoraient
lafoule,cequirendaitlachansonencoreplusdramatique.Àlafin,Kellanfitsemblantdevouloir
quitterlascène,commes’ilétaittellementencolèrequ’ilnesupportaitplusdelavoir.Ç’auraitété
fidèleàlafinduclip,maisvisiblement,Siennan’étaitpasdecetavis.Quandilpassaàcôtéd’elle,
ellelepritparlebrasetKellanluirentradedans,tropsoûlpourrésister.Rapidecommel’éclair,
ellel’attrapaparlecouetpressaseslèvrescontrelessiennesdeuxsecondesavantquelascènene
plongedansl’obscurité,uniquementtroubléeparleflashdestéléphonesportablesdupublicen
délire.
J’étaistellementsouslechocquej’étaisincapabledebouger.
Heureusementqu’elleavaitditqu’ellenel’embrasseraitplussurlabouche.
Mêmesijesavaisqu’ellel’avaitsurtoutembrassédevantlepublicpourcréerlaphotode
l’année,j’avaisladésagréablesensationqu’ellel’avaitaussifaitpourmontrerqu’elleétait
intéressée,etnotreconversationtéléphoniquemerevintcommeunegifleenpleinefigure.Biensûr
qu’ellevoulaitKellan.Quin’auraitpasvouludelui?Maisc’étaitmonmarietellenepouvaitpas
l’avoir.
Jemedirigeaientrombeverslasortiedesartistes,àl’arrière,lespoingsserrés,toutensachant
quejerisquaisdemefaireéjecterdelatournée.Est-cequej’étaisvraimentsurlepointderefairele
portraitàunesuperstar?J’enmouraisd’envie,entoutcas.Elleétaitalléetroploin.
Tandisquejemedirigeaisverslasortie,Kellandévalalesmarchesquimenaientdelascène
auxcoulisses.Ilavaitl’airfurieux,etEvanétaitjustederrièrelui.
–Franchement,tudramatises,chéri,ditSiennaduhautdel’escalier,lesmainssurleshanches.
Lesdentsserrées,Kellanfermalesyeux.Engénéral,c’étaitlatêtequ’ilfaisaitquandilétaitsur
lepointd’arracherlesyeuxdequelqu’un.Puisilrouvritlesyeuxetsetournaverselle.
–Jet’aiditpassurlabouche!
Avecunpetitsourire,elledescenditlesmarchesàsontouretdépassaEvan,quiétait
visiblementtenduenvoyantlatêtedeKellan.
–Jemesuislaisséemporterparlamagiedel’instant,maisçan’arriveraplus,dit-elleenposant
unemainsursonbras.
–Tum’étonnes,queçan’arriveraplus!dis-je,moncouragesûrementdécupléparl’alcoolque
j’avaisdanslesang.Iln’estpasàtoi!
J’allaismejeterenavantmaisquelqu’unm’attrapaparlesépaules.Jecrusd’abordquec’était
Kellan,maisenregardantderrièremoi,jevisquec’étaitundesgardesducorpsdeSienna,Gorille2
apparemment.Siennaavançajusqu’àmoi,l’airserein.
–C’estunêtrehumain,chérie,pasunechose.Iln’appartientàpersonne.
Ellefixatoutlemonded’unairglacial,commesielleétaitau-dessusdetoutça,maisquandelle
meregardadenouveau,sesyeuxlançaientdeséclairs.
–Etaucasoùtunel’auraispasremarqué,onnepeutpasdirequ’ilm’aitrepoussée.
PuiselleregardaKelland’unairdedéfi.Jevissamâchoiresecrispermaisilneditrien,et
Siennatournalestalons,visiblementsatisfaite.
Gorille2melâchaetjesoufflaienmeredressant.Ellen’avaitpastort…Lesgensautourde
nousreprirentcequ’ilsétaiententraindefaireetjemetournaiversKellan.Evanmetapotal’épaule
etMattlesuivitentirantGriffinderrièrelui.Parchance,aucunjournalisten’avaitassistéàlascène.
JenesavaisvraimentpasquoipenserdeKellanàcemomentprécis.Unepartiedemoicomprenait:
c’étaitunartiste,ilétaitsurscèneetilétaitdevantdesmilliersdepersonnes.Maislesmotsde
Siennarésonnaientdansmatête.Ilnel’avaitpasrepoussée.Est-cequeçavoulaitaussidirequ’illui
avaitrendusonbaiser?
Incapabledesupportersavuepluslongtemps,jetournailestalonsetleplantailà,maisilme
rattrapaimmédiatement.
–J’aitropbu,Kiera,etc’estallétellementvite,jen’aimêmepaseuletempsde…
–Jesais!
–Alorspourquoituesfâchée?
Jesoupiraietmetournaipourluifaireface,etlemouvementm’étourditunpeu.
–Parcequemoiaussi,j’aitropbu!
J’allaisluitournerledosmaisilm’attrapaparlebras.
–Tuveuxbienarrêterdemetournerledos?
Agacée,jeluilançaiunregardquej’espéraisaussifurieuxquepossible.
–Tum’enveux?
–Jen’ensaisrien.Tuluiasrendusonbaiser?
Ilouvritlaboucheetjevisdanssesyeuxlabataillequiselivraitenlui.Pourl’avoirvuà
l’œuvre,jesavaisqu’ilétaitaussibonmenteurquechanteur.C’étaitd’ailleursl’unedesraisonspour
lesquellesnotrerelationavaitétéaussicompliquéeaudébut:c’étaitdifficiledefaireconfianceà
quelqu’uncapabledementiraussifacilement.Maisj’étaisvraimentmalplacéepourparler,etc’était
pourçaquejenem’étaisjamaisvraimentserviedeçacontrelui.Onétaittouslesdeuxcapablesdu
pire,cequiexpliquaitpourquoil’honnêtetéavaitdésormaisuneplaceaussiimportantedansnotre
couple.
–Pendantunedemi-seconde,pasplus,finit-ilparrépondre.
Jesentisleslarmesmemonterauxyeux.
–Jesuissoûletellem’aprisparsurprise.C’étaitcommeunréflexe,j’aibougéleslèvresd’un
millimètremaisjetejurequejenerecommenceraijamais.Quandjemesuisrenducomptedecequi
sepassait,jel’airepoussée,maisleslumièresétaientdéjàéteintesàcemoment-là.
Jevoulaisvraimentêtreencolèrecontrelui,maisjenelecomprenaisquetropbien,eten
réalité,j’étaisfièrequ’ilmediseunevéritédifficileàentendrealorsquementirauraitététellement
plusfacile.J’étaisblesséemais,néanmoins,jereniflaienpassantmesbrasautourdesoncou.
–C’estbon,murmurai-jeàsonoreille.Cen’estpasàtoiquej’enveux.C’estàelle.
–Onestdeux,dit-ilenmeserrantcontrelui.
17
Lapreuve
J’étaistellementhabituéeaufaitdevoyagersansarrêtquejenesavaismêmeplusdepuisquand
onétaitsurlesroutes.J’avaiseudumalàdormiraudébut,aveclesmouvementsdubusqui
n’arrêtaientpasdemeréveiller,surtoutquandlechauffeurralentissaitouprenaitunvirage,mais
maintenant,jenem’enrendaismêmepluscompte.
Presqueàchaquefoisquej’ouvraislesyeux,onétaitsurlaroute.Çaprenaituncertaintempsde
toutdémonteraprèschaqueconcertdeSienna–ilyavaitbeaucoupplusdematérielquesurla
tournéedeJustin–,cequivoulaitdirequ’onprenaitsouventlaroutedelavillesuivantetarddansla
nuitoutrèstôtlematin.Certainsmusiciensetcertainsmembresdupersonneldormaientalors
quelquesheuresàl’hôtel,maisonaimaitbiennotrechambreavecKellan,aussionrestaitdanslebus
àchaquefoisqu’onenavaitl’occasion.
Enregardantlepaysagedéfilerparlafenêtre,jeremarquaiqu’ilétaittrèstôtcarlecielétait
encoreteintéderose.Lavoitureminiaturequej’avaisofferteàKellanàNoëltrônaitsurlerebordde
lafenêtreetroulaitdoucementd’avantenarrière,bercéeparleroulisdubus.Etpresqueàchaque
foisquej’ouvraislesyeux,j’étaisseuledansnotrelit,avecKellanparterreentraindefairedes
pompes.Ilfaisaittoujoursçaenseréveillant:despompesetdesabdos.Ildisaitquec’étaitpour
resterenforme,maisjepensequeçal’aidaitaussiàseviderlatêtelesmatinsoùiln’avaitpasbien
dormi,cequiluiarrivaitsouvent.Leplussouvent,jedormaisencore,maisparfois,çameréveillait
etjeleregardaiensecretavantdemerendormir,cequimegarantissaitgénéralementdefairedes
superrêvesensuite.
J’avaisungrandsouriresurlevisageensuivantduregardleslignesdesmusclesdesondos.
Sesbrastremblaientlégèrementàmesurequ’ilmontaitetdescendaitetjemedemandaiàquelle
heureilavaitbienpucommencer.Ilrepoussaitvraimentseslimites,parfois,presquecommes’ilse
punissaitenendemandanttoujoursplusàsoncorps.
J’espéraisquesonacharnementn’avaitrienàvoiravecSienna.Ellenel’avaitplusembrassé
surscène,maislaphotodusoiroùellel’avaitfaits’étalaitpartout.Leuramourscelléparunbaiser
étaitletitrequiremportaittouslessuffrages,etlesmagazinesdepotinss’endonnaientàcœurjoie
maintenantqueSiennaetKellanétaiententournéeensemble.J’avaisperdulefildunombred’articles
quej’avaisvusetquiexpliquaientqu’ils«nepouvaientpassepasserl’undel’autre»etdunombre
detitresdugenre«KellanKylequitteprécipitammentlatournéed’AvoidingRedemptionpouraller
rejoindrecellequ’ilaime».Toutlemondeétaitconquisparlefaitqu’ilsemblaitincapabled’être
séparéd’elle,endépitdelamanièreabjectedontilniaittouterelationentreeux.
–Çava?luidemandai-je.
Ils’arrêtaàquelquescentimètresdusol,puissesbraslâchèrentetils’étalacommeunecrêpe.
–Super,grommela-t-ilenriant.
Ilselevaetagitalesbraspourdétendresesmuscles.
–Désolé,jenevoulaispasteréveiller.
–J’étaisréveilléedetoutefaçon,dis-jeenlaissantmonregardvagabondersursoncaleçonnoir.
Ilrevintsemettreaulitavecmoi,lapeauchaudeetunpeuhumided’avoirfaitdel’exercice.
–Tuesensueur,dis-jeenm’écartantdelui.
Ilritetenroulasesjambesautourdesmiennes.
–Danscecas,jevaistefairetranspireraussi,commeça,çanetegêneraplus.
Jepassaimesbrasautourdesoncouenriantetl’attiraicontremoi,mondégoûtdéjàoublié.
Tandisqu’ilcommençaitàm’embrasserdanslecou,jevisqu’onétaitsurlepériphériqued’uneville
quelconqueenpleineheuredepointe.Ilyavaitunevoiturejustederrièrenousetleconducteur
chantaitunechansoncommes’ilétaitlechanteurd’ungroupederock.Jem’immobilisaienme
demandantunefoisdepluss’ilnepouvaitvraimentpasmevoirderrièrelesvitresteintéesdubus.
Kellanneremarquapasquej’étaisdistraiteetilpassasesdoigtssousmontopIKKS,sansdoute
dansl’intentiondemeleretirer.Maisquandjegrognaietquejefermailesyeuxàdemi,Kellan
s’arrêtaetmedévisageaaveccuriosité.
–Tucroisqu’ilspeuventnousvoir?demandai-jeendésignantlavitre.
–Non,répondit-ilàlahâted’unairquimontraitqueluis’enmoquaitpasmaldetoutefaçon.
Jedécidaidelecroireetmedétendisenfin.Ilyavaitquelquechosedefollementérotiquedans
lefaitdefairel’amourdansunendroitquidonnaitl’illusiond’êtrevusdetousetjecommençai
rapidementàavoirdeplusenpluschaud.Lesoufflecourt,j’aidaiKellanàmedéshabiller,etune
foisquejefusnueendessousdelui,ilsemitàcaressermapoitrineetàlapresserdélicatemententre
sespaumes.Jeglissaimamaindanssoncaleçonetconstataiquejen’étaispaslaseuleàêtreexcitée.
Jememisàlecaresseraussietilarrêtadem’embrasseretfermalesyeux.Sarespirationsefitplus
rapide,etquandj’augmentail’intensitédemescaresses,ilappuyasonfrontcontremonépaule.
–J’adorequandtumetouches,murmura-t-ildansmonoreille.
Sesmotsmefirentl’effetd’unedéchargeélectriqueetj’eustoutdesuiteenviedebienplus.Je
voulaislefairegémiretcrierjusqu’àcequ’ilsoitincapabled’alignerdeuxmots,etsavoirquej’en
étaiscapablemefaisaitmesentirbelleetséduisante.
Maisavantquej’aieeuletempsdebouger,ilsemithorsdemaportéeetpritleschosesen
main.Ilglissasamainentremesjambesalorsqu’illéchaitlapointedemesseins,etjecriaien
m’agrippantàmonoreiller.Pendantquesesdoigtsattisaientencoreplusl’incendieenmoi,j’arquai
ledosetjetaiuncoupd’œilsurlavoiturederrièrenous.Ilavaitl’airdes’ennuyeràmourir.S’il
savait…
LeslèvresdeKellangagnèrentrapidementmonventre,faisantnaîtrelachairdepoulesurleur
passage,etjenetardaipasàbafouillersonnomenserrantmonoreillersifortquej’avais
l’impressionquej’allaisledéchirerendeuxd’unesecondeàl’autre.Ilmecaressaenfinlàoùj’en
mouraisd’envie,maisensuite,ilnefitplusrien.J’avaisl’impressionquel’attenteallaitmetuer
quand,soudain,ilm’attrapaparleshanchespourm’empêcherdebougeretsoufflasurmapeau.
C’étaittellementbonquejedusréunirtoutemavolontépourm’ordonnerdenepasjouir.
JecrusentendreKellanrire,maissalangueétaitdéjàrevenuesurmapeauetjememoquaispas
maldesavoirsiçal’amusaitoupas.Jepassaimesdoigtsdanssescheveuxetsentisqu’ildécrivait
différentsmouvementssurmapeausensible.Auboutd’unmoment,jefusincapablederésisterplus
longtempsetjecriaiensentantunfeud’artificeexploserenmoi.
–Jen’arrivejamaisàallerplusloinqueleHavectoi,dit-ilunefoisrevenuau-dessusdemoi.
–Quoi?
Quandjecaressaisondos,ilpressaseshanchescontrelesmiennesetmonexcitationrefit
immédiatementsurface.
–L’alphabet.Jen’arrivejamaisàallerplusloinquelalettreHavantquetu…finisses.
–Maisdequoituparles?
Ilfitcourirsonnezlelongdemoncou,salanguegoûtantdélicatementmapeau,puisilsemità
titillerlelobedemonoreille,etc’estlàquejecomprisenfincequ’ilvoulaitdire.
–Tudessinesl’alphabetquandtu…
Ilsouritd’unairamuséetm’embrassasurlajoue.
–Jemesuisfixél’alphabetentiercommeobjectifmaisjen’aipasencoreréussi.Enfin,jen’ai
pasditmonderniermot.
Puisilglissal’extrémitédesonsexeenmoietseretiraaussitôt,etjegrognaidedésespoir.Il
voulaitmetuerouquoi?
–Ettoi,ontel’adéjàfait?demandai-jeenmeretenantdenepasl’attraperpourleforcerà
entrerenmoi.
Soudain,jemedemandaisimaquestionétaitbizarre.Est-cequec’étaitpossibledefairela
mêmechosesurunmec?Est-cequeçaluiplairait?Cesquestionsm’excitèrentencoreplus.Ilvenait
demefairejouir,etsijepouvaisluifaireressentirunefractiondecequejevenaisd’éprouver…
Avantqu’ilaitletempsderépondre,jevinsmemettreau-dessusdeluietjecommençaià
l’embrassersurletorse,etsarespirations’accéléraquandilcompritoùjevoulaisenvenir.
–Jesaisquecen’estpastontruc.J’adoresentirlegoûtdetapeausurmalangue,c’estpourça
quejelefais,maisjeneveuxpasquetufassesuntrucquineteplaîtpasjustepourmefaireplaisir.
–Cen’estpascequejepréfère,maisj’adorevoirl’effetqueçatefait.
Jelemordisdoucementauniveaudelahancheetilfermalesyeuxenlaissantsatêtereposersur
l’oreiller.
–D’accord,bafouilla-t-il.
Jesentissesmainsdansmescheveuxtandisquej’embrassaileboutdesonsexe,puis,ne
sachantpastropquoifaire,jeleprisdélicatementdansmabouche.Cen’étaitvraimentpascequeje
préférais,maisj’adoraisentendreKellangémiretsentirl’étreintedesesdoigtsseresserrer,etje
décidaidemeconcentrerlà-dessus.J’alternailescaressesavecmamainetmaboucheetjedessinai
unelettredifférenteavecmalangueàintervallesréguliers.EnarrivantàlalettreG,ilavaitl’air
complètementsurexcitéetçadécuplamondésir.Jemelaissaicomplètementalleretjesentislamain
deKellantrembler.ÀlalettreL,ilsetortillaittellementsurlelitquejefaillisperdrelecontrôle,
maisjeparvinsàcontinuermonpetitmanège.Quandj’enroulaimalangueautourdeluipourdessiner
lalettreO,ilseredressaetmepoussaetm’attiraàluisansunmot.Unesecondeplustard,ilme
coupalesouffleens’introduisantenmoi.
Onétaitserrésl’uncontrel’autreetjenel’avaisjamaisvuaussiexcitéquandoncommençaà
bouger.Ilnenousfallutquequelquessecondespourjouiretons’écrouladanslesbrasl’unde
l’autre,épuisés,tandisquelepauvrechauffeurderrièrenousavaittoujoursl’airaussiapathique.
–C’étaitgénial,finitpardireKellanaprèsquelquesinstants.
–Ondiraitquemoinonplusjen’aipaspufinirl’alphabet,répondis-jeenretenantunsourire.
J’avaislesjambesquiflageolaientunpeuenmedirigeantverslasalledebainsquelques
minutesplustardetj’entendisdesronflementsdel’autrecôtédurideauquinousséparaitdurestedu
bus.Tantmieux,çavoulaitsûrementdirequepersonnenenousavaitentendus.Demoncôté,j’étais
complètementréveilléeàprésent,etj’avaishâtedemedoucherpourpouvoirensuitecommencerà
écrire.
Kellann’étaitplusdansnotrechambrequandjerevinsdelasalledebainetjegagnailecoin
détentedubus,passantàcôtédesautresquidormaientencorecommedesmasses.Lechauffeurmefit
unsignedetêtequandj’agitailamainversluietj’espéraiqu’iln’avaitrienentendu,luinonplus.
J’avaispresquetendanceàoublierqu’onavaitdeschauffeursavecnous,parfois.Celui-ciétaitun
hommed’uncertainâgeabsolumentadorablequis’appelaitJonathan,etentantquechauffeurdebus
degroupesderock,ilenavaitsûrementvud’autres.
Kellanétaitassisdansunfauteuilentraindejouerdelaguitare.Illevalatêteenm’entendant
arriveretmesourit.
–Tuveuxuncafé?demanda-t-ilendésignantunetassefumantesurlatable.C’estde
l’instantané,parcontre,ajouta-t-ilavecunegrimace.
Ilyavaitunekitchenettedanslebus,prèsdelasalledebain,maisàpartlemicro-ondesetle
mini-frigo,ças’arrêtaitlà.J’acceptaiquandmêmelatassedebonnegrâce.
–Merci.
Ilmeregardam’installeravecmesnotesetmonordinateurpuisilseremitàjouer.Ontravailla
commeçaunbonmoment,entrelebruitdesaccordsetceluidemonclavier,puisKellansemità
fredonnerunechanson.Jeneconnaissaispaslamélodie,alorsjefisunepausepourécouterplus
attentivement.Apparemment,jen’étaispaslaseuleàêtreinspirée,cematin.J’adoraisqu’onpuisse
êtreensembletoutentravaillantchacundenotrecôté.Êtreréunisnouscomblait,mêmesionavait
chacunnotrevie,nosloisirsetnosamisetqu’onnedépendaitpasdubonheurdel’autre.
Alorsquej’étaisentraindemedirequejepourraisvraimentm’habitueràcestyledevie,une
exclamationdesurprisedanslefonddubusmefitsursauter.Onsetournaverslerideaud’unbloc
avecKellan,maisilétaittoujoursferméetonnepouvaitrienvoir.
–NomdeDieu,semitalorsàrépéterGriffinencriantbienplusfortquenécessaire.
Plusieurspersonnesrâlèrenttandisqued’autresluiordonnaientdesetaireetluidemandaient
s’ilavaitvul’heure,maisdemoncôté,c’étaitl’inquiétudequidominait.Qu’est-cequipouvaitbien
choquerGriffin?
–Nebougepas,m’ordonnaKellan.
Ilposasaguitareetselevaet,pourunefois,jedécidaideluiobéiretleregardais’engouffrer
derrièrelerideau.
J’entendisdesmurmuresexcitésetdesplaintesetjen’avaistoujourspaslamoindreidéedece
quisepassait.PlusKellanmettaitdetempsàrevenir,plusmacuriositéaugmentait,etjefaillisme
leverunedemi-douzainedefoispourallerlerejoindre,mêmesijen’étaispassûredevouloirsavoir
cequisepassait.
Enfin,Kellanréapparutetjenesavaispassic’étaitmonimaginationmaisilavaitl’airunpeu
pâle.Tandisqu’ilmarchaitversmoi,j’entendismonportablesonnerdansnotrechambre.Puiscefut
lesilence,suivid’unenouvellesonneriequelquesinstantsplustard.
Kellans’assitàcôtédemoisansriendireetGriffinpassalatêteparlerideau,etj’étais
incapabledediresicequiselisaitsursonvisageétaitdel’incrédulité,del’excitationoujusteune
curiositémaladive.IldisparutdenouveauderrièrelerideauetjemetournaiversKellan,morte
d’inquiétude.
–Quoi?murmurai-je.
Ilsefrottalatête,commes’ilcherchaitcesmots,etmonportableseremitàsonner.
–Jeferaismieuxderépondre,c’estpeut-êtremasœur.
–Çaneseraitpasétonnant.
–Qu’est-cequisepasse?demandai-jeenvoyantsonairsombre.
Ilsoupiraetposaunemainsurmongenou.
–Joeyabalancélavidéo.Toutlemondeneparlequedeçacematin.
Moncœurseserra,maispaspourlongtemps.C’étaitloind’êtreunesurprise,aprèstout.
–C’esttout?Tum’asfaitpeur.
Maisilsemorditlalèvreetjesusqu’ilyavaitautrechose.
–Quoi?
Ilsemassalestempescommes’ilavaitlamigraine.
–Sonappareilétaitpourrietlavidéoesttellementgranuleusequ’onlareconnaîtàpeine.Et
avectoutesleshistoires,lesphotos,etlefaitqueNicknousaitchangésdetournée,maintenant,toutle
mondecroitque…
–QuetuasfaitunesextapeavecSienna.
Ilhochalatêteetc’étaitcommesimoncœurs’arrêtaitdebattre.
–Ellesseressemblentalorsellessontfacilesàconfondre,surtoutdepuisl’angleoùc’estfilmé.
Etpuisiln’yapasdedatesurlavidéo…Enrevancheonvoitmonvisageengrosplanétantdonné
quec’estmoiquilancel’enregistrementet…Joeyditbeaucoupmonnom.
J’euspresquelanauséemaisjerésistaienmerappelantqu’ilavaittournécettevidéolongtemps
avantdemeconnaître.
–Tuvasfaireunedéclarationàlapresse?
–Oui,maisjepensequeçanechangerarien.Lesgensvontcroirecequ’ilsveulent.
Ilfermalesyeuxeteutsoudainl’airépuisé.
–MêmeGriffincroitquec’estSiennasurlavidéo.
Ilrouvritlesyeuxetmecaressalajoue.
–Jesuisvraimentdésolé.Ondiraitque,sanslevouloir,jeviensdeleuroffrirsurunplateaula
preuvequ’ilsattendaienttous,etàcestade,c’estfichu.
Jesavaisqu’ilavaitprobablementraisonetjesoupiraiàfendrel’âme.Onnepouvaitpasse
contenterdepublierundémentietimaginerque,d’unseulcoup,toutlemondeallaitnouscroire.Le
publicétaittropamoureuxdel’idéedeSiennaetKellanencouple.Personnenel’avaitjamais
vraimentcruavant,alorsmaintenantquecettevidéovenaitdenousexploseràlatronche,çaallait
êtreencorepire.Avecle«sanscommentaire»desdébuts,onavaitmisdel’huilesurlefeusansle
savoir.PuisNicketSiennaavaientprisleschosesenmainetlesragotsétaientdevenus
incontrôlables.Toutcequ’onpouvaitfaireàprésent,c’étaitattendrelachuteenespérantqu’onnese
feraitpastropmalàl’atterrissage.
Jerangeaimonordinateur,plusdutoutinspirée,puisjepassaiuneéternitéautéléphone.Ma
sœur,Jenny,Kate,etcombledel’horreur,mesparents,toutlemondeypassa.Heureusement,mon
pèreetmamèren’avaientpasvulavidéomaisilsétaientaucourant,etmamèren’eutpasl’airde
mecroirequandjeluidisqueçanechangeaitrienpourlemariage.
Jefinisparréussiràcalmertoutlemondemaisjedusvraimentconvaincrechaquepersonneque
c’étaitunvieilenregistrement.Jefinispardireàchacunderegarderlavidéoenseconcentrantsurla
poitrinedeKellan.Envoyantqueletatouagen’yétaitpas,alorsilssauraientqueçan’avaitpasété
filmépendantqu’onétaitensemble.Çanem’aideraitpasaveclegrandpublic,étantdonnéque
presquepersonneneconnaissaitl’existencedutatouageetqu’ilétaitinvisibledansleclip,maisau
moins,çaconvaincraitmesamis.Etdefait,ilsfinirenttousparmecroire,mêmesic’étaitparfoisun
peuàcontrecœur.
Dennyfutledernieràm’appeler,etc’étaitlaconversationquejeredoutaisleplus.J’étais
assisesurlelitquandletéléphonesonna.Lebusétaitarrêtédepuisunmomentdansunevilledontje
seraiincapabledemerappelerlenomettouslestechniciensétaiententraindetoutinstallerpourle
concertdusoir.
TouslesgarçonsétaientpartissebaladeretilsallaientsûrementintroduirelesHoleshotàleur
petitjeuàboire.Lesdeuxgroupess’entendaientbien,cequin’avaitriendesurprenant:lesD-Bags
étaientvraimentfacilesàvivreetilss’entendaientgénéralementavectoutlemonde.Kellanm’avait
proposédelesaccompagner,puisderesteravecmoiquandj’avaisditnon,maisj’avaisrefuséaussi.
J’avaisenvied’êtreunpeuseulepourréfléchirtoutenregardantlapluietomberparlafenêtre.Après
sondépart,j’avaistrouvéunpétalederosecolléaumiroirdelasalledebainquidisaitJesuis
désolé.Jelesavais.Etmoiaussi,j’étaisdésolée.
Jeregardaimonportable,agacée.Jen’étaispassûred’avoirencorelecouraged’expliqueràun
autreamiqueKellannecouchaitpasavecSiennaSexton.Çametapaitunpeusurlesnerfsdeles
voirtirerdesconclusionsaussivite,maisavectoutesles«preuves»quis’accumulaientcontre
Kellan,jenepouvaispasvraimentleurenvouloir.Sijen’avaispasétéencoupleaveclui,j’en
auraissûrementpenséautant.
EnvoyantlenomdeDennys’afficher,j’hésitai,puisjefinisparrépondre.
–Salut,Denny,dis-jed’unairfatigué.
–Salut…Tudoisêtreépuiséederépondreautéléphone.
Jesourispourlapremièrefoisdepuisdesheures.
–Situsavais…Maisjesuiscontentequetuappelles.
–Bon…Jeposelaquestionoupas?
–C’estlasextapedeJoey,lafilledontjet’aiparlé.Saufquetoutlemondepensequec’est
Sienna.Franchement,c’estpresquetristepourelle:Joeyrêvaitd’êtresouslefeudesprojecteurs,et
mêmeavecunepreuve,elleaquandmêmeratésoncoup.
JerisjauneetDennysoupira.
–J’enétaissûr.Çava,toi?
Lesoulagementm’envahit.J’étaistellementcontentedenepasavoiràleconvaincre,luiaussi.
–Çapeutaller,sionconsidèrequeKellanfaitlaunedetouslesmagazinesavecuneautre.Ça
craint,jet’assure.Jen’osemêmepasallersurInternet.
–Laissefaireletemps.Ilsfinirontbienparpasseràautrechose.
–Jesais,maissiçasetrouve,leprochainragotporteraluiaussisurKellan.
Jereniflai,leslarmesauxyeux,toutenmedétestantdememettredanscetétat.
–C’estjustequeçamemanquede…
Jenefinispasmaphrase,incapablededirequel’époqueoùpersonneneleconnaissaitme
manquait.Pourtant,c’étaitvrai.MêmesiKellanavaittoujoursétéunestaràsafaçon,c’étaitàbien
pluspetiteéchelleàl’époqueduPete’setjeregrettaiscettepériode.
–Jesais,ditDenny.Tupeuxtoujoursrentreràlamaison,tusais.Çateferaitpeut-êtredubien?
Jeramenaimesgenouxsousmonmentonenréfléchissantàcequ’ilvenaitdedire.J’auraispu
restertranquillementàlamaisonetpassermontempsàécrire.J’auraispurendrevisiteàmasœuret
àmesamis.J’auraismêmepusauterdansunavionpourrendrevisiteàmesparents,oupasserdu
tempsavecDenny.C’étaittentantetréconfortantmaismoncœurétaitarriméàceluideKellanetje
refusaisd’êtreséparéedelui.Ilétaittoutpourmoietjenevoulaispasrateruninstantdecevoyage,
endépitdesmomentsdifficiles.Quandj’avaisacceptédedevenirsafemme,j’avaisaussiaccepté
d’êtreavecluipourlemeilleuretpourlepire,etsij’avaisétécapablederesteràsescôtéspendant
letournagedecettefoutuevidéo,alorsjepouvaisbienêtreàsescôtéstandisqu’ilpayaitlespots
cassésdesajeunessedébridée.Jenevoulaispasmesauveroumecacher.C’étaitfini,toutça.
–Non.Maplaceestici,aveclui.Maismercidem’avoirécoutée,Denny.
QuandjecroisaiSienna,cesoir-là,elleétaittoutsourire,ravieducoupdepubmonstrueuxdont
ellebénéficiait.Biensûr,elleprenaitunairtotalementmortifiédèsqu’elleétaiteninterview.Elle
plantamêmeunejournalisteenpleinentretien,lesbraslevésetpartantaupasdecoursecommesi
elleétaitoffenséequecettepersonneaitoséaborderlesujet.Lemoindredesesgestesconfirmaitla
rumeur:Kellanetelleavaientfaitunesextapeensemble,etleurglorieuxcoupleétaitentrainde
révolutionnerlastratosphère.
Kellanessayadecalmerlejeu.Physiquement,d’abord,ilrestaitaussiloind’ellequepossible,
allantjusqu’àêtreàl’autreboutdelasallelorsqu’ilschantaientlesingle.Ildisaitaussiàquivoulait
bienl’entendrequeSiennan’étaitpaslafilledelavidéoetqu’iln’étaitpasavecelleetnel’avait
jamaisété.Maisc’étaittroppeu,ettroptard.Personnenepouvaitplusfairetairelarumeur.
Deuxsemainesaprèslapublicationdelavidéo,lesragotssordidescontinuaient.Onétaità
Atlanta,enGéorgie,unendroitquej’avaistoujoursvouluvisiter,etlesgarçonsavaientuneinterview
avecuneradioendébutd’après-midi.J’étaisassisesuruntabouretcontrelemuràcôtédeTory,qui
étaittoujoursprésentequandKellanetlesgarçonsparlaientàlapresse.Sij’étaisavachiecontrele
mur,Tory,elle,étaitraidecommeunpiquetetlégèrementpenchéeenavant,commesielleétaitprête
àbondir,etelleavaitl’aird’unemamanoursequiprotégeaitsespetits.
–Alors,Kellan…Larumeurcontinueàenfler.Vousavezquelquechoseàdireàproposdela
charmanteettrèstalentueuseSiennaSexton?
Àlafaçondontilavaitinsistésurlemottalentueuse,toutlemondedanslestudioavaitbien
comprisqu’ilnefaisaitpasréférenceàsamusique,etKellansetortillasursonsiège.
–Pourlamillionièmefois,c’estjusteuneconnaissance.Ontravailleensemble,riendeplus.
Toryfronçalessourcilsenl’entendantdireça,maisellesavait,toutcommeNicketSienna,que
riendecequeKellanpouvaitdiren’avaitplusd’importance,etl’animateurnetardapasàle
confirmer.
–Voustravaillez…jevois.C’estlegenredeconcertquimeplairaitbien,àmoiaussi,dit-ilen
setournantverssoncollègue.
IlsrirentdeboncœurtouslesdeuxetKellanserembrunit.
–JenesuispasencoupleavecSiennaetjenel’aijamaisété.
Lesanimateursleregardèrentd’unairincrédule.
–Alorscen’estpaselleavecvoussurlavidéo?
Kellanfermalesyeuxetmituneéternitéàlesrouvrir.
–Non.
–Çayressemble,pourtant,intervintledeuxièmeanimateur.Etonafaitdesarrêtssurimage.
Jesentismonestomacsetordreetjeserrailespoings.Jedétestail’idéequetoutlemondedans
lapièceavaitdûvoirlavidéodeKellanentraindecoucheravecuneautre.Enfin,toutlemondesauf
moi.Ilétaitjustehorsdequestionquejeregardecetruc.Certainesimagesrestaientgravéesàjamais
danslamémoire,etj’étaissûrequeceseraitlecasdecelles-cisijelesvisionnais.
–Jenevoispascequetoutcelaaàvoiravecl’album,ditsoudainKellan,etc’estpourparler
del’albumquejesuisici.Lafillesurlavidéoestunefilleavecquijesuissortiilyadesannées.Je
neconnaissaismêmepasSiennaàl’époque,etmêmesilafilleparaîtluiressembler,cen’estpas
elle.
Lesdeuxanimateurséchangèrentunregard.
–Danscecas,pourquoicettefillenesemanifestepas?C’estbizarre,non?Enfin,sic’estune
autrequiadévoilélavidéo…oùest-elle?
Malheureusement,c’étaitlàquelebâtblessaitàchaquefois.Joeyavaitdisparudelasurfacede
laterre.Ellen’étaitpasvenuedéfendresaplaced’actriceprincipaledanslavidéoetellen’étaitpas
venuecherchersesmiettesdecélébrité.ElleétaitrestéeplanquéedanssontrouetavaitlaisséSienna
s’emparerdesa«partdugâteau»,cequineluiressemblaitabsolumentpas.
–Jene…Jenesaispas,bafouillaKellan.
Sachantqu’ilétaitentraindes’enfoncer,ilcherchaToryduregardetluidemanda
silencieusementdemettrefinaumassacre.Maisapparemment,unedesfillesdanslestudioavait
décidédes’enmêleraussi.
–Moi,jetrouveçamignonqu’ilprotègeSiennaendisantqu’iln’yarienentreeux.C’est
chevaleresque,etvousferiezbiend’enprendredelagraine,dit-elleenmontrantdudoigtlesdeux
animateurs.
J’auraisvoululapoignarderavecunstylobille.Qu’est-cequeKellanpouvaitdirepourqu’on
lecroie?
Toryfitunpasenavantetpassasonpoucesoussagorgedansunmouvementquelesanimateurs
comprirenttoutdesuite:Vouspassezàautrechoseouonarrêtetout.Ilschangèrentdonc
rapidementdesujetetsemirentàposerdesquestionssurleconcertquelegroupedevaitdonnerle
mêmesoir,cequidétenditinstantanémentKellan.
Àlafindel’interview,Kellansedirigeaversmoi,morose.Ildétestaitnepaspouvoirchanger
l’opiniondupublicetêtreunemarionnettequidépendaitdelabonnevolontédeNicketSienna.Je
luitapotailebrasmaisnefisaucungestetendre,pourtenterdelimiterauminimumles
démonstrationsd’affection.Avectoutcequisepassaitencemoment,jenevoulaissurtoutpasme
faireremarquer,carsiKellanétaitincapabledecontrôlercequelesgenspensaientdelui,ilserait
encoremoinscapabledecontrôlercequelesgenspensaientdemoi.Etsitoutescessalescommères
apprenaientquij’étais,onn’auraitplusuninstantderépit.Ilsmeprésenteraientcommel’autre
femmequivenaits’immiscerdanslarelationKell-Sexettoutlemondemedétesteraitetme
diaboliserait.Êtreimpliquéedansunscandaleàl’échelleplanétairemefaisaittellementflipperque
j’avaismêmedemandéàKellandeportersonallianceàlamaindroitequandonsortait.Cen’était
paslapeinedem’attirerdesennuisinutiles,etlapressionretomberaitdèslafindelatournéede
toutefaçon.
C’étaitabsurde,maisenréalité,c’étaitmoilesecretinavouabledeKellan,etc’étaitun
sentimenttropfamilierpourqueçamedérange.Enrevanche,jenesavaisvraimentpascommenton
feraitendécembrepournepasattirerl’attentionsurnotremariage.Surtoutquelesbansétaient
publiéspubliquement,non?N’importequifaisantunminimumderecherchesapprofondiespouvait
découvrirlepotauxroses.
Étantdonnéqu’onétaitarrivéslematinmaisqueleconcertn’avaitlieuquelesoir,onnous
avaitattribuéunechambred’hôtel,etcettefois,onavaitacceptéd’abandonnernotrenidd’amour
danslebuspourunesuiteavecunjacuzzi.OnétaitdansunénormeSUV,enrouteversl’hôtel,quand
monportablesonna.Jefouillaidansmonsacetletrouvaicoincéparmilespagesd’unlivreque
j’essayaisdelirependantmontempslibre.Saufquej’étaistellementoccupéeàécrirequeçaaurait
étéplusvitequeKellanmefasselalecture.Peut-êtrequecen’étaitpasunemauvaiseidée,
d’ailleurs.Jesourisenvoyantlenomsurl’écran.
–Salut,sœurette.Çava?
–Tuesoù?réponditAnna.
–ÀAtlanta.Pourquoi?
–JesaisquetuesàAtlanta.Cequejeveuxsavoir,c’estoùtuesexactement,làtoutdesuite.
–Onestsurlaroute.Onvientdequitterlastationderadioetonretourneàl’hôtel,unpalace
danslequartierdeBuckheel,ouBuckhead,enfin,untruccommeça.Pourquoi?
–Alorsilvafalloirdireauchauffeurdepassermeprendreàl’aéroport…Parcequejeviensau
concertcesoir!
Jemisquelquessecondesàcomprendrecequ’ellevenaitdemedire.
–TuesenGéorgie?
–Quoi?AnnaestenGéorgie?demandaGriffinenpivotantsursonsiège.Tropbien!Elleest
où?
–Àl’aéroport.
–Oui,jeviensd’atterrir!intervint-elle.
Interloquée,lapremièrequestionquimepassaparlatêtefut«Pourquoituesvenueen
Géorgie?»,suiviedepassermechercher?L’aéroportétaitàl’opposédenotrehôtel:onétaitdans
lenorddelaville,làoùleconcertsedéroulaitcesoir,etl’aéroportétaitdanslesudd’Atlanta.Ce
n’étaitpasdutoutnotreroutemaisjen’allaispasl’abandonneràl’aéroport,etGriffinavaitdéjàdit
auchauffeurdefairedemi-tour.
–Allez,ramène-toi!Jet’aime!dit-elleavantderaccrocher.
Jesecouailatêteetremismonportabledansmonsac.C’estvraiquemasœurétaitdugenreà
traverserlepayssuruncoupdetêtepourassisteràunconcert.
18
Delacompagnie
Machèresœurspontanée,imprévisibleetreinedansl’artdel’improvisation,trimbalaitune
demi-douzainedesacs,cequimedonnal’impressionqu’elleavaitprévuderesterbienplusquele
tempsd’unconcert.Sonventreétaiténormedepuisladernièrefoisquejel’avaisvueetellene
faisaitplussemblantdesedandinerenmarchant,désormais.Quandjelaprisdansmesbras,lebébé
sepressacontremonventreetjerisenposantunemainsursonventre.
–Salut,Max.
–C’estMaximus,corrigeaGriffinavantdemepousserpourprendremasœurdanssesbras.
Ilpritensuitesonvisagedanssesmainsetl’accueillitenl’embrassantàpleinebouche,cequi
nemanquapasdem’écœurer,commed’habitude.Celadit,j’avaisobservéGriffindepuisqu’il
m’avaitavouéqu’iln’avaitcouchéavecpersonnedepuisqu’Annaluiavaitannoncéqu’elleétait
enceinte,etapparemment,ildisaitlavérité.Unetelleabstinencedevraitvraimentêtreuneépreuve
pouruncoureurcommelui.
Quandilsarrêtèrentdes’embrasser,masœurleregardacommesic’étaitlapremièrefois
qu’ellevoyaituncarrédechocolataprèssixmoisderégime.Elleaussis’étaitabstenue,etelleavait
unappétitsexuelaussiinsatiablequeceluideGriffin.Super.Àmoinsdem’enfermerquelquepart,
j’allaissûrementavoirleprivilèged’entendreleursexploits,voired’yassister.Savisiteallaitêtre
longue.
Danslavoiture,ilsn’arrêtaientpasdesetripoteretMatt,assisderrièreeux,fitlagrimace.
–Rassurez-moi,onrentredirectementàl’hôtel?
KellanetEvanrirenttandisquejefaisaisdemonmieuxpourignorerleursrespirations
entrecoupées.Jegardaislesyeuxrivéssurlepaysagequidéfilaitparlafenêtremaisjepouvaisles
entendrefroisserlesvêtementsl’undel’autre.Pourvuqu’ilsnesemettentpasàsedéshabiller.Si
j’entendaisunbruitdefermetureÉclair,jesautaisenmarche,peuimportequ’onsoitsurl’autoroute.
OnarrivaenfinauSt.RegisAtlanta,ungrandbâtimentélégantetmajestueuxquitranspiraitle
luxeetl’opulence.Toutdansl’architecturedulieuavaitétéconçupourintimideretimpressionner,
maisàcetinstant,çam’étaitbienégal.Toutcequejevoulais,c’étaitdescendredevoiture,etquand
leSUVs’arrêta,onseprécipitaàl’extérieurcommesil’habitacleétaitremplid’ungaztoxique.Evan
etKellanétaienttoujoursentrainderiretandisqu’ilsattrapaientlesbagagesd’Annadanslecoffre,
Mattavaitl’airsurlepointdevomir,etnaturellement,AnnaetGriffinnedescendaientpasde
voiture.
Ungroomapparutcommeparmagieavecunchariotàbagagesetnotrechauffeurpritlasuite
d’EvanetKellanpourdéchargerlecoffre.Onavaitplusieurschauffeursquisetenaientànotre
dispositiondèsqu’onvoulaitallerquelquepart,etcelui-cis’appelaitPaul.Ilétaitpoli,compétent,et
surtout,ilétaitsilencieux.Ilnenousparlaitquesionluiposaitunequestion,etj’étaissûreque
c’étaitpourçaquelamaisondedisquesl’avaitchoisi.Ilavaitdûsignerunpaquetdeclausesde
confidentialité.
EvanetMatts’éloignèrentaveclegroom,Paulretournas’installerauvolant,etjerestailàavec
Kellanenattendantquemasœursortedelavoiture,pendantdessecondesquisechangèrentbientôt
enminutes.Ilfaisaitbeaupourunefindemoisd’octobre.ÀSeattle,leventdevaitcommencerà
souffler,lapluieàtomberetlestempératuresàchuterlesoir,maisici,ilfaisaitaussibonquepar
unebellejournéedeprintemps.N’empêche,jen’avaispasl’intentiondepasserlajournéeàattendre
quemasœursortedelà.
PaulétaitassisàlaplaceduconducteuretattendaitpolimentqueGriffinaitfini…cequ’ilétait
entraindefaireàAnna.Jen’avaisaucuneenviedelesinterrompreetjemetournaiversKellan.
–Tuveuxbien…?
–Avecplaisir,dit-ilavecunsourirerevanchard.
Ilseprécipitasurlapoignéeetouvritlaportièrecôtépassagerpuisilsautadanslavoiture.
J’espéraisvraimentqu’ilsétaientencorehabillés…Uninstantplustard,Kellanréapparutsuivid’un
Griffinébouriffé…etquiavaitlabraguetteouverte,unevuequimeretournal’estomac.Alorsque
Griffinallaitselancerdansunediatribefurieuse,Annasortitdelavoitureetl’embrassasurlajoue
avantd’ajustersarobedegrossessemoulante.Songestelecalmainstantanément.Ellevintme
rejoindreetmepritparlebrascommesiellenevenaitabsolumentpasdefaireunebranlettesurla
banquettearrièred’unevoiture.
–Çavaêtregénial,Kiera!glapit-elleensecollantàmoi.
Alorsqu’ellem’entraînaitversl’hôtel,jeregardaipar-dessusmonépaule:lesyeuxdeGriffin
étaientrivéssursesfessesetiln’avaittoujourspasrefermésonpantalon.
Legroomnousattendaitquandonarrivadanslehall,etenregardantautourdenous,j’enpris
unenouvellefoispleinlavue.Lehalld’entréeavaitl’airdesortirtoutdroitd’Autantenemportele
vent,avecsesgrandsescaliers,seschandeliersencristal,sessolsrecouvertsdeplancheretsestapis
luxueux.Tandisqu’Annaobservaitledécorbouchebée,MattetEvanserendirentàlaréceptionpour
réglerlesdétailsdesonséjour.Çamefaisaitvraimentplaisirdevoirquelesgarçonsacceptaient
aussifacilementlaprésencedescopinesoudesfemmesdesautres,quecesoitpourunweek-endou
pourplusieursmois.Pourdesmusiciensdeleurâge,ilsétaientvraimentloindustéréotypede
rockeursquicassenttoutdansleurchambred’hôtel,s’envoientgroupieaprèsgroupieetfontlafêteà
longueurdetemps.
Quandlegroomreçutl’autorisationdeconduireAnnaànoschambres,onsedirigeavers
l’ascenseur.LesportesintérieuresétaientencuivreetonpouvaitsevoirdedansavecAnna.Cethôtel
étaitvraimentleplusluxueuxquej’avaisjamaisvu,encorebienmieuxqueceluioùonavaitpassé
notrenuitdenocesavecKellan.
–Jesuisvraimentcontentedetevoir,finis-jeparluidire,maistuessûrequec’estraisonnable
devoyagerdanstonétat?
–Dansmonétat?répéta-t-elleenarrêtantdejoueravecseslongscheveuxbruns.Jenesuispas
malade.
Legroomfitlagrimace.Ilregardaitdroitdevantlui,maisàvoirsonrefletdanslesportesen
cuivre,c’étaitévidentqu’ilavaitlesyeuxfixéssurlerefletdelapoitrineimposanted’Anna.
–Maissiletravailavaitcommencéplustôtqueprévu?Dansl’avion,parexemple,tu
imagines?
Ellepassaunbrasautourdemoietmesourit.
–Tuteprendstroplatête.Etpuisçaseraitgénial,enplus.Imagineunpeu:«Unpetitgarçon
naîtà10000mètresd’altitude».
Legroomlaissaéchapperunpetitrirequ’ilessayademasquerentoussant,etAnnaluiadressa
unsouriredestardecinéma.Envoyantça,jenepusm’empêcherderessentirunepointedejalousie:
pouruneraisonquelconque,jen’avaispashéritédugène«rienàsecouer».Unesonnerieretentit
quandl’ascenseurs’immobilisaetlegroomnousinvitapolimentàsortirdelacabineenpremier.Je
medemandaisic’étaitlarègledanssonmétierousic’étaitpourpouvoirmaterlesfessesdema
sœur.
Tandisquenospiedss’enfonçaientdansletapisàmesurequ’onavançait,jejetaiunœilversla
quantitéastronomiquedebagagesquemasœuravaitapportée.
–Entoutcas,çafaitbeaucoupd’affairespourvenirjusteàunconcert.
–Enfait…jereste,dit-elleenriantetenprenantmamainentrelessiennes.
Jecrusquej’allaismedécrocherlamâchoire.
–Quoi?Mais…ettontravail?
Annatravaillaitdansunrestaurant«familial»delachaîneHooters.Saresponsableavaitpassé
beaucoupdetempsàlaformeretàluiapprendretoutcequitouchaitàlagestiondurestaurant,et
jusqu’à…hier,leprojetd’Annaétaitdedevenirgéranteaprèsl’arrivéedubébé.Ellenevenait
quandmêmepasdedémissionner,si?Enfin,venantd’elle,çanem’auraitpasétonnée.
Ellehaussalesépaules,complètementindifférente.
–J’aidécidédeprendremoncongématernité.
Onarrivaenfinànoschambres,auboutducouloir.LesD-Bagsetmoioccupionsdeux
chambresd’uncôtéetlestroismembresdeHoleshotoccupaientunechambredel’autrecôté,tandis
queSiennaoccupaitlepenthouse.QuelquechosemedisaitqueGriffinetAnnaallaientsûrement
s’octroyerunedeschambresetqu’ondevraitseserreraveclesautres.Peut-êtrequ’onallait
retournerdormirdanslebusplusvitequeprévu,avecKellan.
–Maisilteresteencoreunmois,parvins-jeàarticuler,souslechoc.
Jetrouvaimacléetouvrislaporte,etAnnaentradanslachambrecommesielleétaitla
maîtressedemaison.
–Jesais!Encoreunmoisdefolieetd’insouciance!
Elleavançajusqu’aulitimpeccableetsevautrasurlacouverturefinementbrodée.
–Jen’allaisquandmêmepasgâchermadernièrechancedeprofiterunpeudemalibertéet
restercoincéedansunrestoaulieudefaireletourdupaysavecungroupederockstars!
Ellehaussalessourcilscommesij’étaiscenséelacomprendre,etc’étaitlecas.Saufquec’était
loind’êtreaussisimpledanslavraievie.Jevinsm’asseoiràcôtéd’elletandisquelegroom
apportaitsesbagagesàl’intérieur.
–Etlebébé,alors?Oùest-cequetuvasaccoucher?
–Tuvassûrementtrouverçadingue,maisfigure-toiquejepensaisaccoucheràl’hôpital.
Elleavaitunairmoqueuretjesecouailatête.
–Etsionn’estpasàcôtéd’unhôpitalàcemoment-là?Onferaquoisionestaumilieudenulle
part?
MonDieu…Est-cequej’allaisdevoiraccouchermasœur?Dansunbus?Jemesentismalrien
qued’ypensermaisellebalayamesinquiétudesd’ungeste.
–Çavaaller,Kiera,détends-toiunpeu.
Jesavaisquel’accouchementlastressait,elleaussi,etjecommençaiàmedemandersic’était
ça,lavraieraisonpourlaquelleelleavaitfuiSeattle.Quandils’agissaitdedéni,personnenelui
arrivaitàlacheville.
GriffinetKellannousrejoignirentuneminuteplustardetKellandonnaunpourboireaugroom
tandisqueGriffinvenaits’allongeràcôtédemasœur.Ilglissasesmainssoussarobeavantque
j’aieeuletempsdedétournerleregardetjemeprécipitaiversKellan,écarlate.Illesregardait
s’embrasserfougueusementenriantetjeleprisparlamainpourl’emmenerhorsdelachambre.
–Àtoutàl’heure,lançai-jepar-dessusmonépaule.
Annagrommelaquelquechosepuisellelaissaéchapperunlongrâle,etjefermai
précipitammentlaporteavantdemedirigerversl’autrechambreréservéeaugroupe.AnnaetGriffin
pouvaientgarderlachambre,çaneposaitvraimentpasdeproblème.
Commeprévu,Annarestadoncpourleconcert,puis,quandlesbusquittèrentAtlanta,elleprit
sesaffairesetpartitavecnous.Griffinétaitauseptièmeciel,etmêmesiunepartiedemoipensait
quec’étaitjusteparcequ’ilavaitdenouveaudesrapportssexuelsréguliers–ouplutôttrèsréguliers
–,jecaptaisdebrefsmomentsdetendresseentreeuxquilaissaientsupposerque,peut-être,ils
s’aimaientvraiment.
J’étaisravied’avoiruneautreprésenceféminineàmescôtéssurlaroute,etvraimentheureuse
deretrouvermasœur,carçafaisaitdubiend’avoirquelqu’unàquiparler.Leseultrucquineme
plaisaitpas,c’étaitlapertedemonlit:GriffinetAnnanousavaientéjectésdelachambreàla
secondeoùelleétaitarrivéedanslebus.Vuqu’elleétaitenceintejusqu’auxdents,jenepouvaispas
vraimentmeplaindre.Lafairedormirdansunecouchetteauraitréellementétécruel.
JemeglissaisdoncdemauvaisegrâceentreKellanetlaparoidubustouslessoirs,enessayant
denepaspenseràl’absencedeconfortetd’intimité.Çanefaitrien,j’adoremasœuretelleena
plusbesoinquemoiétaitdevenulemantraquejemerépétaischaquesoirquandj’essayaisde
m’endormiraumilieudesronflements,desbruitsetdesdiscussionsdedortoir.
Enmeréveillantavecuntorticolisaprèsuneautrenuitpresquesanssommeil,jemedemandaisi
onpouvaitloueruncamping-caravecKellanjusqu’àlafindelatournée.J’enétaismêmeàregretter
lematelasqu’onavaitdanslebusdeJustin.Ilfaisaitsombreettoutétaitétrangementsilencieux,ce
quivoulaitdirequ’ilétaitsûrementtrèstôt,outrèstard,jen’ensavaisrien.Quandvouspassiez
votretempsàdéfairevossacsenpleinenuitetprendrelarouteàl’aube,vousn’aviezpluslanotion
dutemps,etchangerdefuseauhorairen’arrangeaitrien.Monhorlogeinterneétaitcomplètement
déréglée.
Lapartiedortoirdubusn’avaitpasdefenêtre,lepetitrideaugrisquinousdonnaitl’illusion
d’avoirunpeud’intimitéétaitfermé,ettoutétaitpaisible.Mesyeuxs’habituèrentrapidementà
l’obscuritéetlapremièrechosequejefinispardistinguerfutunsouriredanslenoir.
–Bonjour,murmuraKellan.
J’étiraimoncorpsendolorietsentisunevilainedouleurdansmoncou.J’allaisdevoiracheter
unoreillerergonomiquesiçacontinuait.
–Bonjour.C’estlematin?
Jebâillaietilm’attiraàlui.
–Aucuneidée.
Alorsquej’enroulaismesjambesautourdessiennes,noscorpss’alignèrentetlesourirede
Kellans’agranditensentantmeshanchescontrelessiennes.
–Biendormi?
–Pasvraiment.Çamemanquedeneplusdormirdansnotrelit.
Envoulantchangerdeposition,ilsecognalatêtedanslacouchetteau-dessusdelanôtre.
–Pareil.Onestserréscommedessardines,là-dedans.
Jepassaimesbrasautourdesoncouensoupirant.
–Onn’estpasobligésdedormirensembletouslessoirs.Peut-êtrequ’ondormiraitmieux
séparément.
–Jepréfèrenepasdormirdutoutquedormirsanstoi.
Ilmeserracontresontorseetm’embrassadoucement,etquandjesentissesmainssousmon
haut,jepressaimoncorpscontrelesien.Êtreserrén’étaitpassimal,enfait,mêmesileproblèmede
l’intimitéseposait.Onn’avaitpasvraimenteudemomentsàdeuxdepuisquemasœuravaitrejoint
latournéedeuxsemainesplustôt,etjemouraisd’enviedeluifairel’amour.
Visiblement,ilétaitdanslemêmeétat.Unedesesmainssuivitlacourbedemondospourvenir
selogersurmesfesses,sousmaculotte,etjegrognaienpressantmeshanchescontrelessiennes.
J’étaissûrequ’onpouvaityarriver,mêmesansavoirdeplace.
Notrebaisersefitplusintense,etaprèsquelquesmanœuvresdélicates,Kellanréussitàse
mettresurledosetmoiau-dessusdelui.Mondostouchaitpresquelacouchettedudessusetc’était
vraimentbizarredemedirequ’Evandormaitjusteau-dessus.Kellanplialesgenouxetarquales
hanches,etj’essayaidenepaspenserquelatêtedeMattétaitauniveaudespiedsdeKellan.
Maintenantqu’iln’yavaitplusd’obstacleentreluietmoi,ledésirquiavaitcommencéàéclore
enmoiserépandaitàtraverstoutmoncorps.Jeluimordisl’épaulepournepascrieretilretintson
souffleenbaissantlebasdemonpyjama,cequiétaitloind’êtrefacileentrelemanquedeplaceet
lesdrapsenroulésautourdenous.Kellanavaitraison:j’auraisvraimentdûdormirtoutenue.Après
pasmaldejuronsetdecontorsions,ilfinitparréussiràlebaisserjusqu’àmeschevillesetj’utilisai
mespiedspourfinirdeleretirer,sansm’occuperdelàoùilallaitatterrir.
Jel’embrassaifougueusementetm’attaquaiàsoncaleçon.J’avaistellementenviedeluique
j’auraispuarracherletissu.Illevaleshanchesetbaissasoncaleçonsanstoutefoisleretirer,maisça
mesuffisait.Ilgrognaquandjemepressaicontreluietjeplaquaiunemainsursabouchepourle
fairetaire.Iln’yavaittoujoursaucunbruitdanslebus,ettantquec’étaitsilencieux,jepouvaisfaire
commesionétaitseuls.
Jen’avaispasbesoindepréliminaires,jen’avaispasbesoindejeux,j’avaisjustebesoindelui,
etonsemitàbougeravecdétermination.Lacouchettegrinçait,nosrespirationsétaientrapidesetje
savaisquesiquelqu’unseréveillait,ilcomprendraittoutdesuitecequ’onétaitentraindefaire,
maisjem’enmoquais.L’expressionsurlevisagedeKellanetlefeuquibrûlaitentrenousétaient
toutcequiimportait.
Ensentantl’orgasmemonter,j’enlevaimamaindelabouchedeKellanetplaquaimeslèvres
contrelessiennes.Onsemitàgémirentredeuxbaisers,etaumomentoùj’étaisentraindemedire
quejen’enpouvaisplus,jesentisunevoluptédéferlerenmoi.Kellanseraiditsousmoi,signequ’il
étaitentraindejouir,luiaussi,etjesentismoncorpstremblertandisqu’ilsetortillaitsousmoi,les
yeuxfermés.J’adoraisjouirenmêmetempsqueluietdevoirlefaireensilencerendaitl’expérience
encoreplusintense.
Quandons’écarta,onavaittouslesdeuxlesoufflecourtetjem’affalaicontrelui.Quelques
instantsplustard,jeguettai,enquêtedumoindrebruit,maisheureusement,jen’entendisrien.
JerestaiblottiedanslesbrasdeKellanaussilongtempsquepossiblemaisjesavaisqueje
n’allaispasmerendormiretj’avaisbesoind’allerauxtoilettes.Jepassaipar-dessusKellan,àla
recherchedemonbasdepyjama,etilmechatouilla,cequin’aidavraimentpasmavessie.Jepassai
latêteparlerideauetvisquemonpantalonavaitatterridanslecouloir.Commeonétaitsurla
couchettedubas,j’avaisjusteàtendrelebraspourlerécupérer.Soudain,jeremarquaiquelerideau
delacouchetteenfacedemoiétaitouvertetqueDeaconétaitentraindelireàlalumièredesa
liseuse.
Jemesentisblanchirenlevoyantmeregarderramassermonbasdepyjama.Maintenant,jeme
rappelaispourquoijedormaishabillée…Heureusementquej’avaisgardélehaut.Ilmefitunpetit
signedelamain,etmêmes’ilfaisaittropsombrepourquejevoiebiensonvisage,sonsourireétait
clairementgêné.
J’ouvrisetfermailabouchecommeunpoissonhorsdesonbocal.Qu’est-cequejedevais
dire?Est-cequejedevaism’excuser?C’étaitquoi,l’étiquette,dansunesituationpareille?Que
feraitmadamedeRothschildàmaplace?Alorsquejecherchaisquoifairepourdétendre
l’atmosphère,Deaconretiraunécouteurdesonoreilleetdelamusiquesemitàretentirensourdine.
–Tuasditquelquechose?
Jesecouailatête,soulagée.Iln’avaitrienentendu.Enfin,mêmes’iln’avaitrienentendu,il
n’étaitpasidiot.Ilavaitvumonbasdepyjamatomberdulitetilétaitentraindemeregarderle
ramasser.Ilsavait.Etj’ignoraisdepuiscombiendetempsilétaitréveillé,entraindelireet
d’écouterdelamusique.Peut-êtrequ’onl’avaitréveilléetqu’ilavaitmisdelamusiquepourneplus
nousentendre.Aumoins,ilétaitpoli.Siç’avaitétéGriffin,ilauraitprobablementtoutenregistré
avecsonportable.
Jeramassaimonpyjamaetretournairapidementderrièrelerideau,puisj’enfouismonvisage
danslecoudeKellan.
–Çanevapas?
–Notrechambrememanquevraimentbeaucoup.
–Jenousprendraiunechambred’hôteldèsqu’onpourra.
Çameréconfortaunpeu.Deraresmomentsd’intimitéétaienttoujoursmieuxqueriendutout.En
medépêchantdemerhabiller,jedonnaiuncoupdegenoudanslespartiesdeKellansanslefaire
exprèsetilmefusilladuregardenétouffantuncridedouleur.
–Désolée,chuchotai-jeenl’embrassantsurlajoue.
–Vivementl’hôtel,grogna-t-il.
Tirailléeentrelaculpabilitéetl’enviederire,jemedirigeaiverslefonddubuspouralleràla
salledebain,engardantlesyeuxrivésausol.Sid’autresétaientréveillés,jepréféraisnepasle
savoir.
Endébutd’après-midi,onarrivaàCharlotte,enCarolineduNord,pourleconcertdusoirqui
sedéroulaitàlaTimeWarnerCableArena.AnnaétaitentraindesurfersurInternettandisque
KellanetEvanjouaientaupokeravecDeaconetDavid,lebassistedesHoleshot.Heureusement,
Deaconn’avaitfaitaucuncommentaireparrapportàcequis’étaitpassélematin.Mattétaitau
téléphone,probablementavecRachel,etlebatteurdesHoleshot,Ray,jouaitàGuitarHeroavec
Griffin,quiétaitentraindeluimettreuneraclée.Quantàmoi,celafaisaituneheurequej’attendais
qu’Annamerendemonordinateurpourpouvoirécrireunparagrapheoudeuxavantleconcert.À
chaquefoisquejeluidemandaissielleenavaitencorepourlongtemps,ellerépondaittoujours
«Justeuneminute»,maiscommeelleétaitsurdessitesd’éducation,jen’insistaispastrop.Je
pouvaisbienretourneràmonbloc-notespourunejournée.
–J’aimaismieuxlaFloride,ditAnnaenregardantlecielchargédenuageslourds.
AprèsAtlanta,onavaitpasséunpeudetempsàMiami,etmêmesielleétaitenceintejusqu’aux
yeux,elleenavaitprofitéaumaximum.Elleavaitétéenchantéedepouvoirbronzerenpleinautomne,
etelleavaitmêmevoulusortiraprèsunconcert.Jeluiavaisrappeléqu’elledevaitaccoucherdans
deuxsemainesetquepasserlanuitenboîten’étaitpeut-êtrepasunesuperidée.Ilyavaitdéjàassez
debruitpendantlesconcerts,alorscen’étaitpaslapeinederendrebébéMaximussourdendansant
prèsd’uncaissondebasse.Ellem’avaitregardédetraversmaiselleavaitfiniparcéder,etelle
avaitpassélanuitdanssachambreavecGriffin.
Jeluisourisettapotaisurmonbloc-notesduboutdemonstyloenpensantàlafaçondonton
s’étaitretrouvés,avecKellan.J’approchaisdel’épilogueetc’étaitmapartiepréférée,carc’étaitle
momentoùj’avaisenfinarrêtéd’avoirpeuretoùj’avaisfiniparaccepterlefaitqu’onétaitfaitsl’un
pourl’autre.Cesouvenirm’absorbacomplètementetlesmotssemirentàaffluerbientropvitepour
monstylo.
Soudain,Annarenifla,cequiinterrompitmaconcentration.
–Quoi?demandai-je,contrariée.
Entreellequimeparlaittouteslescinqsecondes,levacarmedujeuvidéoetlescrisen
provenancedelatabledepoker,j’auraissûrementétéplusaucalmesurmacouchette.
–Tusaisqu’ilyadessitesdontleseulbutestdeprouverquec’estbienSiennasurlavidéo?
Saquestioneutlemérited’attirermonattentionetjeposaimoncarnetdansunsoupir.Ellefit
pivoterl’ordinateursurlatablepourquejepuissevoirl’écranetjeconstataiquequelqu’unavait
crééunblogconsacréàprouver–sansl’ombred’undoute–queKellanetSiennas’étaientbien
filmésaulit.Sérieusement?
Lapageregorgeaitdecapturesd’écrandelavidéodeJoey.Lesimagesétaientgranuleuseset
sombres,etcertainsobjetsétaiententourésd’uncercle,avecendessousdesthéoriesplusfantaisistes
lesunesquelesautres.VoirKellandedosalorsqu’ilétaitentraindefairel’amouràuneautreétait
bienplusquecequejevoulaisvoir.Çamerappelal’horreurdelevoirtournerleclip,saufquelà
c’étaitpire,carc’étaitréel.Etjenevoulaispasenvoirplus.
Jefislagrimaceenretournantl’écranversmasœuretellejetaunregarddansladirectionde
Kellanavantdesepencherversmoicommesielleétaitsurlepointdepartagerunsecretd’État.
–IlscomparentdesarrêtssurimageduclipavecSiennaàlarecherchederessemblances,etils
onttrouvéunemarqueàl’intérieurdelacuissedeJoeyquiressembleàlatachedenaissancede
Sienna.
Ellelevalesyeuxaucieletj’essayaidenepaspenseraugenred’anglequiavaitdûpermettre
devoircetypededétails.
–N’importequoi.Ilsdisentmêmequ’ilyaunréveildanslachambrequiestexactementle
mêmequeceluidansleschambresd’unhôtelprèsdesstudiosoù«Regretfully»aététourné,et
qu’ilssesont«entraînés»avantletournage.Çavaloin,dit-elled’unairamusé.Alorsque
franchement,c’estévidentqu’ilssontdanslachambredeJoey.
Soudain,monsangseglaçadansmesveines.KellanetJoeys’étaientfilmésdanssonancienne
chambreàlamaison.Monanciennechambre.Lachambrequej’avaispartagéeavecDenny.Lelit
quej’avaispartagéavecDenny.Ilsavaientcouchéensemblesurlemêmematelas.Çamedonna
enviederendre
JeregardaiKellan,quivenaitdeposersescartessurlatabled’unairabattutandisqu’Evanse
moquaitdelui.Est-cequ’ilyavaitpensé,aumoins?Ilsavaitqu’onavaittousfaitl’amourdansce
lit,maisiln’yavaitsûrementpasréfléchiplusqueça.Aprèstout,ilavaitamenéuntasdefillesdans
sonlit,etêtredanssonlitavecluinemedérangeaitpas.Alorspourquoiçamegênaitautantqu’ilait
couchéavecquelqu’undansmonlit?Endépitdetoutesleschoseshorriblesquej’avaisfaites,je
n’avaisjamaisinvitéKellandanslelitquejepartageaisavecDenny.C’étaitpeut-êtreidiot,comme
limite,maisc’enétaitune.JemetournaiversmasœurenessayantdenepasimaginerKellanentrain
defairedesgalipettesdanslelitoùonavaitdormiavecDenny.
–Commenttupeuxêtresûrequec’estmonanciennechambre?Lesphotossontsuperfloues.Tu
asregardélasextape?
–C’esttoiquim’asditdelaregarder,tutesouviens?Ettuavaisraison:pasdetatouage.
J’avaisenviedem’énervermaisc’étaitvrai:c’étaitmoiquiavaisditàtousmesamisde
regarderpourleurprouverquecen’étaitpasSienna,alorsjenepouvaispasmeplaindre.Maisje
n’avaispasvraimentimaginéqu’ilsleferaient:j’avaiscruqu’ilssecontenteraientdemecroiresur
parole.Pourtant,connaissantAnna,j’auraisdûmedouterqu’ellesauteraitsurl’occasion.Elles’était
mêmesûrementpréparédespop-corn.
–Allez,dit-elleenvoyantmonaircontrarié,situn’étaispasaveclui,toiaussi,tuvoudrais
regarderlavidéo.C’estsexycommepaspossible.
–Anna!m’exclamai-jeenluidonnantunetapesurlebras.Jen’aipasbesoind’entendreça.
–Désolée.Maisn’empêchequec’estvrai,regarde-le.
Ellefitungestedanssadirectionetonsetournatouteslesdeuxversluienmêmetemps,cequi
attirasonattention.
–Quoi?nousdemanda-t-ilcommesionvenaitdelesurprendreentraindepiquerdesbonbons.
–Ilpourraitrendreunepubpourdupapiertoilettesexy,marmonna-t-elle.Etunevidéoavectoi,
alorslà…Laissetomber,çaferaitfondreledisquedurdel’ordi.
Elleparvintàmefairerireetjemedétendisunpeu.Kellanétaittoujoursentraindenous
dévisagerd’unairperplexeetonéclataderireavecAnna.J’étaisdoncentrainderireparcequ’une
sextapeavecmoiseraitencorepluschaudequecelleavecJoey.Quandest-cequemavieétait
devenueaussisurréaliste,exactement?
Onfinitparsecalmerenarrivantàlasalledeconcert,etAnnamerenditenfinmonordinateur.
–Aufait,medemanda-t-ellesoudainavecleplusgrandsérieux,tuaseumamanautéléphone
cesdernierstemps?
Moncœursemitàbattreplusviteenvoyantsonairinquiet.Est-cequ’elleallaitbien?Ils’était
passéquelquechose?Elleavaitsurmontésoncancerdepuisdesannéesmaispeut-êtrequ’ilyavait
unenouvelletumeur?Maismonpèrem’auraitappeléesic’étaitlecas,non?Etelleavaiteul’air
d’allertrèsbienladernièrefoisquejeluiavaisparlé.
–Non,pascesjours-ci.Pourquoi?
–Ilfautquetul’appellestoutdesuite.
J’allaisdéjàpartircherchermonportableencourantquandellem’interrompit.
–Étantdonnéquetonmariageestdansàpeineplusd’unmoisetquetul’aschargéedetout
organiser,cequejetrouvecomplètementdébile,aupassage…ellet’atrouvéunerobe,etellem’a
envoyéunephoto.
Jemerassissurmonsiège,soulagée.
–Jesuissûrequelarobeesttrèsbien,Anna,dis-jeenriant.
–Tunediraispasçasitul’avaisvue.Elleadesmanchesbouffantes,Kiera.Desmanches.
Bouffantes.Ilfautquetuarrangesçaaussivitequepossible!
Jesoupirai.Delàoùj’étais,jenepouvaispasyfairegrand-chose,etjenemevoyaisvraiment
passauterdansunavionpourallerdonneruneleçondestyleàmamère.L’idéed’avoirdesmanches
bouffantesétaitloindemefairerêver,maisc’étaitsurtoutpourellequ’onfaisaittoutça,alorsest-ce
quecequej’allaisporteravaitvraimentdel’importance?Pastantqueça.Toutcequim’intéressait,
c’étaitKellan.Lereste,c’étaientdesdétails.
–J’aivraimenthâtedevoircequ’elleachoisipourtoi,mademoisellelademoiselled’honneur.
Annasouritdetoutessesdentsensesouvenantdurôlequejeluiavaisconfié,maispaspour
longtemps.
–Etmerde!Ellen’oseraitjamais…
JeregardaiAnnasanscilleretsouris.Biensûr,qu’elleoserait.Annaselevaencatastropheet
sedirigeaverslefonddubus,sûrementpourattrapersonportableetprévenirnotremèrequ’elle
préféreraitmourirqueporterdutaffetas.
Peuaprès,l’équipedestechniciensétaitdéjààl’œuvrepourtoutmettreenplace.Contrairement
àlatournéedeJustin,l’aidedesmusiciensn’étaitpasvraimentnécessaire,carl’équipetechnique
étaitvraimentimportante.Aprèsavoireffectuélesréglagespourleson,Sienna,HoleshotetlesD-
Bagspassèrentenvironuneheureavecleursfans.Silaplupartd’entreeuxavaientgagnéledroitde
lesrencontrerenparticipantàunjeuàlaradio,certainsavaientcarrémentachetéunpassVIP.
Commetoujours,ToryetlesgardesducorpsdeSiennaétaientlàpourveilleraugrainetgarderun
œilsurlesfansenpleinecrisedenerfs.
Avecnospassautourducou,onattendaitdansuncoindelapièceavecAnnaetonregardait
Toryénoncerlesrèglesdelarencontre:interdictiondeprendrelesstarsdanssesbrasetautorisation
deparleràchacunpendantquinzesecondesaumaximumavantdedevoirpasseràlapersonne
suivante.C’étaitaffreusementmécanique,etmêmesilasollicitudedeKellanàl’égarddesesfans
m’avaitdérangéeàuneépoque,c’étaittoujoursmieuxquelecôtéfroidetcliniquedecesséances.
ToryauraitmieuxfaitdecrierdirectementVouspouvezregardermaispastoucher.
Detoutefaçon,cequeKellanvoulaitouauraitvoulun’avaitpasd’importance.C’étaitle
concertdeSiennaetcesrèglesprimaient:ellepréféraitgarderdeladistanceavecsesadmirateurs.
Est-cequec’étaitparcequ’elleavaiteuunemauvaiseexpériencedanslepassé?Sûrement.Est-ce
queKellanallaitavoirsonlotdecinglées,luiaussi?EntreCandyetJoey,onpouvaitdirequ’ilavait
déjàcommencésacollection.
Ilyavaitdel’électricitédansl’airtandisquelesfansattendaientlemomentoùleursstars
préféréesallaientenfinapparaîtreetonobservaitlascèned’unœilamuséavecAnna.C’était
vraimentbizarredeconnaîtrepersonnellementceuxquifaisaientl’objetd’unetelleadoration.
Commed’habitude,ilyavaitbeaucoupdefansdesD-Bagsdansletas,etmalheureusement,ilyavait
aussiplusieurstee-shirtsKell-Sexdanslelot.Leurssupporteursavaientcommencéàapparaîtreun
peupartoutcesdernierstemps,etchaqueconcertapportaitsonquotadebanderolesetdonnaitlieuà
untasdemontagesvidéoréalisésparlesfanseux-mêmes.Etmêmesicertainesvidéosétaientparfois
réussies,jelesdétestaistoutessansexception.
Soudain,monregardseposasurunefanKell-Sexquiavaitunepetiteculotteendentelleàla
main.EllepensaitvraimentqueKellanallaitsignerça?C’estalorsquejeremarquaicequ’ilyavait
surlapetiteculotteetjemedécrochaipresquelamâchoire.
–Bonsang,Anna,regardeça.
Annaregardadansladirectionquejepointaisdudoigtetsemitàrire.Uneprodelacouture
avaitbrodélesinitialesKKsurledevantetlesmotsDieudurockàl’arrière.Jememislamainsur
labouchepournepaséclaterderireetm’imaginaisatêtesijeportaisuntrucpareil.Çan’auraitpas
manquédel’amuser.
–Ilmefautcetruc,ditAnnaenselevant.
Puisjelavissedirigerverslafille,luimontrersonpassenluidisantjenesaispasquoipuis
memontrerdudoigt.LafillesemitàsautersurplaceetdonnaimmédiatementlaculotteàAnna,qui
revintversmoitandisquelafilleetlacopinequil’accompagnaitpoussaientdescrissuraigus.
–Qu’est-cequetuleuraspromisenéchange?
Ellemetenditlaculotteetm’offritunsourireradieux.
–Jeleuraiditquetuétaisl’assistantedeKellanetquetuleurarrangeraisunentretienprivési
ellesmeladonnaient.
Jelevailesyeuxauciel.Commentellevoulaitquejefasseça?Toryfaisaitentrerchaquefan
puislesfaisaitressortiraussivitequepossibleetjamaisellen’enlaisseraituneresterplus
longtemps.Maiscettepetiteculotteétaitvraimenttropgénialeetjedécidaidetrouverunmoyen
d’honorerlapromessed’Anna,mêmesiçadevaitfairepéteruncâbleàTory.
Aumomentoùjemelevaietoùjeglissailaculottedansmapoche,lesstarsfirentenfinleur
entréeetunesériedecrisstridentsretentit.LesgarçonsdeHoleshotentrèrentenpremieretsaluèrent
lesfansd’ungestedelamainensedirigeantverslazonequileurétaitréservée,lelongdumur.Je
sourisenvoyantlacoiffuredeDeacon:ilavaitramenésescheveuxenqueue-de-cheval,commeà
chaquefoisqu’ilrencontraitdesfans.Ilm’avaitracontéqu’unefois,unefilleluiavaitcarrément
arrachéunemèchedecheveuxetquedepuis,ilavaittendanceàseméfier.DavidetRayn’avaient
pasceproblème:Davidavaitlecrânerasé,etlescheveuxdeRayétaienttrèscourts.
LesD-Bagsnetardèrentpasàarriver,etlescrisdevinrentsistridentsquejemebouchailes
oreilles.AnnasejoignitauxfanstandisquelesgarçonsallaientrejoindreDeaconetlesautres,etje
remarquaiqueMattavaitl’airaffreusementmalàl’aise,commeàl’accoutumée.Jecompatissais:
moinonplus,jen’aimaispasêtreaucentredel’attention.
EvanscannalapièceduregardensourianttandisqueGriffinparadaitcommeunroidevantses
sujets.Ilsouffladanssapaumepourvérifierqu’ilavaitl’haleinefraîchepuissefrottalesmainsen
souriantd’unairdeprédateur,commes’ils’apprêtaitàdéposséderunepauvrefilledesavertu.Mais
jesavaisquec’étaitjustepourleshow:Annal’avaitdompté,dumoinspourlemoment.
PuiscefutautourdeKelland’entrer.Commeàsonhabitude,ilétaithabilléconfortablement,
avecuntee-shirtnoiretunjeanunpeularge,etlasimplicitédesesvêtementsnefaisaitqu’accentuer
labeautédesonvisage.Ilbalayalapièced’unregardcharmeurqui,jelesavais,s’adressaitàmoi,
maislesfansétaientsansdouteconvaincuesqu’ilpassaitlafouleenrevueàlarecherched’une
partenairepotentielle,etungrandnombred’entreellessemblaientraviesdeseportervolontaires,y
comprisdesfillesvraimentjeunes,cequiétaitunpeuperturbant.
Jerisenlevoyantmechercherduregard.J’avaisvraimenthâtedevoirsatêtequandjelui
montreraislasurprisequej’avaisdansmapoche.
Enfin,Siennaentradansl’arène,suiviedesacourhabituelle.D’aprèslesrèglesprécédemment
énoncéesparTory,elleétaitcenséesetenirprèsdelaportepourêtreladernièrepersonnequeles
fansrencontraient,maisvisiblement,Siennan’étaitpasdecetavis:elleallaseplacerentreKellanet
Matt,faisantdeMattlederniermaillondelachaîne.Kellanlaregardad’unairabsentmaiselle
souritetluidonnaunpetitcoupd’épaulepourbienmontreràtoutlemondeàquelpointilsétaient
«proches»,ettoutlemondesemitàprendredesphotospourimmortaliserlemoindremouvementde
cebeaucouplefollementamoureux.Maisbiensûr.
Jetentaidecacheraumieuxmonagacement.ÉtantdonnéqueKellanavaitcommencéàrefuser
deposeravecelle,elledevaitdésormaissecontenterdemomentsprissurlevifpourcontinuerà
captiverlepublic.C’étaitclairqueKellandétestaitsonpetitjeuetilfaisaitdesonmieuxpour
gardersesdistancestandisqueSiennafaisaittoutcequ’ellepouvaitpourresterprèsdelui.
Toryetlesagentsdesécuritédemandèrentauxfansdeformeruneligne,puisilslesfirent
avancerunparun,commelorsquelesgensfaisaientlaqueuepourféliciterdesjeunesmariésaprès
unecérémonie.EtcommejevoulaisparleràKellan,jemeglissaidanslaqueueavecAnna.
Lesfansétaienttellementsurexcitésautourdenousqueçamerendaitunpeunerveuse.C’était
ridicule,biensûr,étantdonnéquejeconnaissaistouslesmusiciensetquejelesavaismêmevu
ronfler,roteretpire,maisl’anxiétéambianteétaitcontagieuse.Deaconmesouritquandjepassai
devantluietjerougisenrepensantàcequis’étaitpassélematin.Enfin,cequiétaitfaitétaitfait,et
çaneservaitàrienquejeressasse.Quandj’arrivaiàlahauteurd’Evan,ileutl’airdevouloirme
prendredanssesbrasmaisilseretint.Autrement,lerestedesfillesautourdenousprendraitça
commeunsignequ’ellespouvaientsejetersurluietçafiniraitencarnage.
PuisjepassaidevantGriffin,quis’humectaleslèvresetembrassalevideenmevoyant.Ça
restaitvulgairemaismoinsqued’habitude,etj’éclataiderire.PuisquandAnnaarrivadevantlui,il
tenditlesmains.
–Hé,toi,lafilleenceinte!Jeveuxabsolumentunephotoavectoi,tuesvraimenttropcanon.
Ellelevalesyeuxaucielmaisjoualejeuensortantunpetitappareilphotonumériquedeson
sac.
–Jenesuispasvenuelesmainsvides.
Ilhaussalessourcilsd’unairsuggestif.
–Jesuissûrquetuestoujoursparée.
Annaritetsefrottaleventre.
–Àpartunefois…
LeregarddeGriffins’adoucitenregardantleventred’Anna.
–Jenesaispasquiestlepère,maisiladelachance.
–C’estunabruti,maisjel’aime,dit-elleenhaussantlesépaulesd’unairnonchalant.
Personnedanslafoulenepouvaitcomprendrel’énormitédecequivenaitdesepasser,àpart
moi,etjesentismoncœurbattreàtoutrompredansmapoitrinetandisquejeregardaisAnna
dévisagerGriffin.Ildéglutit,malàl’aise,etilallaitluirépondrequandlesfansquiattendaient
derrièreAnnasemirentàprotester.
–Bon,tulaprends,taphoto?
Annasoupiraetmetenditsonappareilpuiselleallasemettreàcôtédelui.Griffinnefaisait
vraimentpaslemalin.Ilnepassamêmepasunbrasautourd’elleetnetiramêmepaslalangue,pas
plusqu’ilneluifitlesoreillesdelapincommeillefaisaitd’habitude.Ilsecontentaitdelaregarder
sansriendire,souslechoc,unétatdanslequeljen’auraisjamaiscrulevoirunjour.
Jen’enrevenaistoujourspasquandj’arrivaiàlahauteurdeKellan.Ilposaitpourdesphotos
avecSienna,cequim’étonna.Ilsnesetouchaientpasetunfanposaitentreeuxdeux,maisça
n’empêchaitpasSiennadeleregarderd’unairénamouré.Elleprofitad’unmomentd’inattentionpour
poserlatêtesursonépaule,etmêmesiKellans’écartasansattendre,c’étaittroptard:plusieurs
personnesavaientprisunephoto.
Kellanfitunpasdecôtéensoupirantd’unairexaspérépuis,quandilvitquej’étaisla
prochaine,ilécarquillalesyeuxsousl’effetdelasurprise.
–Salut,dit-ild’unairmalicieux.Jevoussigneunautographesurquelquechose?
JeregardaiSiennaensecouantlatêteetilfronçalessourcils.
–Lafilleasupplié,expliqua-t-ilencomprenantquejen’étaispascontenteàcausedelaphoto.
Jenevoulaispasêtremalélevé.
Jehochailatêteenessayantd’êtrecompréhensive.Lesfansavaientattendupendantuneéternité
etsefaisaienttraitercommedubétail,alorsKellanvoulaitjusteêtregentil,tandisqueSienna
trouvaitlemoyend’enprofiter.EnvoyantqueToryétaitoccupéeàaccompagnerverslasortiedes
fansquiavaientfinileurtourdesartistes,jefissigneàKellandeserapprocherdemoi,puisjelui
désignailafanquim’avaitdonnésarelique.Ellen’étaitpasloinderrièremoi,entraind’admirerles
tatouagesd’Evan.
–Ellem’adonnéquelquechosedespécial,tupeuxlaremercierpourmoi?
–C’estquoi?
–Tuverrasplustard,dis-jeavecunsourire.Maisjeluiaipromisquetupasseraisunpeude
tempsavecelle.
Ilhochalatêteetunefanenragéequiavaitdoublémasœurpourarriverjusqu’àKellanplusvite
mepoussa.
–Jevaisvoircequejepeuxfaire,promit-il.
Sonairintriguém’amusa,maismonsourires’évanouitquandj’arrivaiàlahauteurdeSienna.
–Tun’aspasbesoindefairelaqueuepourmeparler,tusais,medit-elleavecungrandsourire
poli.
Jesais,oui.Ettoi,tun’aspasbesoind’essayerdeconvaincrelemondeentierquetucouches
avecmonmari.
Mêmesijemouraisd’enviedeluidiremafaçondepenser,jegardaimesréflexionsetme
contentaideluisourireavantdequitterlapièce.Jenepouvaispasluiparler,dumoinspasici.Peut-
êtrequesij’arrivaisàmeretrouverentête-à-têteavecelle,jepourraislaconvaincred’arrêter
d’alimenterlarumeurdesaromanceimaginaireavecKellan.Çadevenaitfranchementridiculeetla
dévotiondesgroupiesenverscetterelationbidonétaitprochedufanatisme.Sielledisaitneserait-ce
qu’unmot,j’étaissûrequeleschosessecalmeraient.Maisleursdeuxalbumsétaiententêtedes
ventes,alorsilyavaitdegrandeschancespourqu’ellecontinueàjouerlejeu.Avéréeounon,la
rumeurleurfaisaitgagnerdel’argentetSiennacontinuaitdedispenserdescommentairesaussi
ambigusquepossible.«C’estunhommeremarquable»,«J’adorepasserdutempsaveclui»,
«J’admiretellementsontravail»,etmapréférée:«Ilavraimenttoutpourlui:ilestbeau,
intelligent,charismatique,talentueuxetilauncorps…jenevousdispas.»
C’étaittellementfrustrant…J’auraisvoulupouvoirtenirlamaindemonmarienpublicsansavoir
peurqu’onsefassesurprendreparunpaparazzi.J’auraisvoulupouvoirêtreheureusedevoirKellan
portersonalliancepartoutoùilallait.Etsurtout,j’auraisvoulupouvoirarrêterdestresseràl’idée
quedesfansobsédésparKell-Sexsetapentl’incrusteàmonmariagelemoisprochain.
19
Ledéni
Àlafindelaséance,KellanretournavoirmademoisellePetiteCulotteetsacopine,etelles
semblaienttouteslesdeuxsurlepointdesefairepipidessus.QuantàTory,elleavaitl’airfuraxque
sonprogrammesoitcontrarié,maisenmêmetemps,elleavaittoujoursunairfâché.Kellanluifitson
plusbeausouriredanslacatégorie«Causetoujours»etilemmenalesdeuxfansavecluipourune
visiteprivéedescoulisses.
Étantdonnéquej’étais«l’assistante»demonsieurKyleetquej’étaisàl’originedecette
visite,jesuivislepetitgroupepourquelesdeuxfillesnetrouventpasçabizarre.Ellesétaientplutôt
marrantes:tandisqueKellanmarchaitdevantelleetleurparlaitdesdifférenteszones,des
instrumentsetdesdifférentsgroupes,elless’agrippaientl’uneàl’autrecommesiellesétaientdes
bouéesdesauvetage.Ellestremblaienttellementquej’avaispresquepeurqueletrop-plein
d’endorphinesnelesfasses’évanouiret,quandKellanlesregardaitdirectement,elleslaissaient
échapperdespetitscrisaigussuivisdegloussementsincontrôlés.Est-cequej’étaisaussinerveuse
queçaquandj’étaisensaprésenceaudébut?Pasquejesache,entoutcas.
Kellanfinitlavisiteensautantsurscèneetentendantlamainauxdeuxfillespourlesaiderà
grimper.Ellesdevinrentpâlescommedesmortesetjem’avançaipourêtreprêteàlesrattrapersi
l’uned’ellestombaientdanslespommes.Bonsang,c’étaitjusteunhomme…Certesunhomme
attirantettalentueux,maisunhommequandmême.
Ilritenvoyantleurtêteetlesaidaàgrimper,puisilavançaversleborddelascèneettenditle
brasversmoi.
–Besoind’uncoupdemain,madameKyle?demanda-t-ilassezbaspourqu’ellesnel’entendent
pas.
Sesyeuxpétillaientdemalicemaisjesecouailatêteetmontaisurscènetouteseule.
–Merci,monsieurKyle,maisçavaaller.Deplus,jepensequ’ilvautmieuxquevousgardiez
lesmainslibrespourrattrapercesdemoisellessijamaiselless’évanouissaientettombaientdela
scène.Vousnevoudriezpasqu’ellesvouscollentunprocès.
Lesfillesétaiententraindegloussertandisqu’ellesmataientouvertementsesfesses,etquandil
setournaverselles,ellessemirentàglapir.
–Heureusementquetunecriespascommeçajustequandjeteregarde.Jepréfèredevoirle
mériter,ajouta-t-ilàvoixbasse.
Ilretournaverslesfansetmelaissalà,rougissante.Ilsavaitvraimentjoueraveclesmots.
Alorsquelavisiteprivéetouchaitàsafin,Siennaarrivasurlascène,suiviedeloinparses
deuxgorilles.Lesdeuxfanseurentunnouveausursautd’excitationenvoyantlasuperstars’approcher
d’elles,d’autantqu’elleétaitdéjàentenuedescène,vêtuedesafameusecombinaisonmoulante.Ses
cheveuxétaientramenésenunequeue-de-chevalimpeccablequimettaitsoncoudélicatetses
pommettesenvaleuretluidonnaitl’aird’unedéessegrecquequivenaitrejoindresonAdonis.
Lesfanssortirentleurappareilphotoenmoinsdetempsqu’iln’enfallaitpourledireet
parvinrentàfairerentrerlefameuxcoupledansunseuletmêmecadre.Siennaleuroffritunsourire
façoncérémoniedesOscarsetellefitungesteendirectiondedeuxagentsdesécuritéquiattendaient
unpeuplusloin.
–C’estl’heure,chéri,dit-elled’unevoixrauqueetsensuellequiavaitl’airdesuggérerqueça
pouvaitêtrel’heuredetoutuntasdechoses.
Kellanallaitluirépondremaislesdeuxfillesattrapèrentenfinleurcourageàdeuxmainset
prirentlaparole.
–Sienna,ont’adore.TuestropgénialeetontrouveçatropbienquetoietKellanvoussoyez
tombésamoureuxenenregistrantunechanson.Ilsdevraientfaireunfilmsurvous.
Siennajubilait.
–Ceseraitgénial!Jepourraismêmejouermonproprerôle!
EllesouritàKellanetsemitàglousserdeconcertaveclesdeuxautrescommesiellesétaientà
unesoiréepyjama.AumomentoùKellanétaitentraind’expliquerauxdeuxfillesqu’iln’étaitpas
avecSienna,lesdeuxagentsdesécuriténousrejoignirentpourdemanderauxdeuxfillesdequitterla
scène,etellesfirentlamouecommedeuxgaminestandisqu’onlesescortaitloindeleurssuperstars.
L’uned’ellesavaitpresqueleslarmesauxyeuxetc’étaitclairqu’ellesnecroyaientpasceque
Kellanvenaitdeleurdire.EncoredeuxvictimesdelamachinerieKell-Sex.
JelevailesyeuxaucieletsuivisKellanencoulissestandisquelestechniciensfinissaientde
toutpréparerpourleconcertquidevaitdémarrerdansdeuxheures.Habituésàêtretoutletempsen
présencedestars,ilsnenousprêtaientmêmepasattention,etjetrouvaisqueleurattitudeaidait
vraimentàgarderlespiedssurterre.
–Ilfautqu’onparle,dit-ilenarrivantàcôtédeSienna.
–Pasdeproblème,chéri,dit-elleenfaisantcommesielleneremarquaitpassonairglacial.
Ellenousfitsignedelasuivreetsedirigeaverssalogesansmêmevérifiersionétaitderrière
elle.Elledevaitvraimentavoirl’habitudequ’onluiobéisseaudoigtetàl’œil.Elles’engouffradans
salogesansnousjeterunregardetjeposaiunemainsurletorsedeKellanunefoisdevantsaporte.
–Siçanetedérangepas,j’aimeraisbienluiparler,moi.Seuleàseule.
Ilfronçalessourcilsmaisilacquiesça.
–Jevaisallerfaireuntour.Préviens-moiquandtuaurasfini.Etsurtout,netesenspasobligée
d’yallerdoucement.
Jecaressaisajoueetilembrassamonpoignetavantdes’éloigner.Mapeaupicotaitlàoùses
lèvresl’avaienteffleuréeetjen’enrevenaispasqu’ilcontinueàmefaireceteffet.Maisj’étaisravie
quecesoitlecas.
Jerentraidanssalogeetfermailaportederrièremoietelleseretournapourmefairefaceen
poussantunsoupirdramatique.
–Dis-moicequinevapas,Kellanchéri.Oh,dit-elleenremarquantqu’iln’étaitpaslà,c’est
justetoi?
–J’aidemandéàKellandenouslaisserseules.
Ellemitsesmainssurseshanchesd’unairamusé.
–Ahbon?Etpourquoifaire?Memenacerdet’enprendreàmoiphysiquementsijenegarde
pasmesdistancesavectonhomme?
Entoutesincérité,jen’avaispasvraimentréfléchi,etmêmesilescénarioqu’ellevenait
d’énoncerm’étaitpasséparlatête,jel’avaisaussitôtécarté.Laviolencen’étaitpasunesolution.Je
devinaisquetoutcequejepourraisrépondreàsaquestionlamettraitsurladéfensive,alorsje
décidaidem’yprendreautrement.
–Tuasdéjàétéamoureuse?
Elleclignadesyeux,priseaudépourvu.
–Jen’aivraimentpasletempspourça…
Savoixmefitdouterdelavéracitédesesdiresetjefisunpasverselle,avecl’impressionque
j’avaismisledoigtsurquelquechose.
–EhbienKellanetmoi,onestamoureux.Profondémentamoureux.Onatraversébeaucoupde
chosesensemble,etilavécubienpireavantdemeconnaître.Etcetterelationinventéedetoutes
piècesentrevousestvraimentdérangeante.Iladorecequ’ilfait,iladoresesfans,etilnevitque
pourlamusique,maistoutcefoutoir,çalerendmalheureux.Çanetefaitriendesavoirqu’ilest
malheureux?
Ellemeregardad’unairimpassiblequinemedonnaaucunindicesurl’intérêtqu’elleportaitou
nonaubien-êtredeKellan,puisellefinitparhausserlessourcils.
–Jeneluifaisaucunmal.Etj’airespectésaconsignedenepasl’embrassersurlabouche.
Jesoupirai.Ellen’allaitvraimentrienfairepourmefaciliterlatâche.J’ouvrislabouchepour
luirépondremaisellefutplusrapide.
–Jerespectetadémarche,etjevousaimevraimentbientouslesdeux,maisqu’onsoitbien
d’accord:macarrièrepasseenpremier,etjeferaitoutcequejepeuxpourresterautop,ycompris
flirtergentimentavecunhommemarié.
Ellelevalesyeuxaucieletjenesavaispassic’étaitàcausedelapartiesurleflirtoudecelle
surlemariage.Enfin,lesdeuxconceptsluiparaissaientsansdouteaussiridiculesl’unquel’autre.
Jeserrailesdentsetm’apprêtaiàsortirdesalogeentrombe.J’auraisdûsavoirqueçane
servaitàriendediscuteravecelle.ÇaluiétaitégalqueKellansesentemanipulé.Toutcequi
l’intéressait,c’étaitquesonalbumsoitnuméroun.Ilétaitsortiquelquessemainesavantceluide
Kellan,etl’objectifn’étaitpasencoreatteint.
–Désoléedet’avoirfaitperdretontemps.Jevoulaisjusteavoiruneconversationd’adultesà
proposdeKellan,peut-êtremêmetrouverunesolutionquiconviendraitàtous,étantdonnéquetuas
ditquetuvoulaisquetoutlemondeytrouvesoncompte.Maisondiraitquetut’intéressesseulement
àcequ’ilpeutfairepourtoi,alorsjevaistelaissertevautrertranquillementdanstagloire.
Jetournailestalonsmaisellem’attrapaparlecoudeetsonregardsombremetransperça.
–Vousdramatiseztouslesdeux.C’estcommeçaqueçasepassequandondevientconnu,et
j’essaiedefaireavancerlacarrièredeKellanautantquelamienne.Sij’étaisaussiégoïstequece
quetucrois,Kellanseraitdansmonlitencemoment,pasdansletien.Maisjen’airiententéaveclui
parcequejerespectevotrerelation.
Jelafusillaiduregard,furieusequ’elleprétendepouvoirleséduireaussifacilement.D’autant
quecen’étaitpaslecas:Kellanm’aimaitplusquetout.
Ellemelâchalebrasenayantl’airdesecalmer,etquandellerepritlaparole,sontonétaitplus
doux.
–Toutcecirquemédiatiquequ’ildétestetellement,çavacontinuer,avecousansmoi.Aucas
oùtunel’auraispasremarqué,Kellanesttrèsattirant,dit-elleavecunsourire,ettrèstalentueuxpar-
dessuslemarché.Etc’estlegenredecomboquialacapacitéinquiétantederéduirelafemmelaplus
sophistiquéeàl’étatd’adolescentetremblotante.Jepensequemêmeunefemmemariéeheureusedans
soncouplen’hésiteraitpasàtoutenvoyerbaladerpourunenuitaveclui.
Là-dessus,ellen’avaitpastort,etjememisàrire.
–Habitue-toidèsmaintenant,dit-elleenposantsurmonbrasunemainpresqueréconfortante,
tantqu’ilestensécuritéavecmoi,parcequelesmédiasvontluiprêterdesaventuresavectoutesles
femmesqu’ilvacroiser.C’estcommeça,onn’ypeutrien.
Moncœurseserramaisjesavaisqu’elleavaitraison.
–Oui,saufqu’avectesgroupies,c’estdifférent.Ilssontcomplètementfanatiquesetilsvousont
transforméenuneespècedesupercouple…Kell-Sex.
–Cesurnom…dit-elleenlevantlesyeuxauciel.C’estvraimentimmonde,tunetrouvespas?
Jesourisetmesentisunpeumieux.
–J’aipeurdeletoucherquandilyadesgensautourdenous.J’aipeurqu’onsoitdécouvertset
quelesfanss’enprennentàmoi.Qu’est-cequisepasseraits’ilsdécouvraientmonexistence,àton
avis?
Ellehaussalesépaules.
–Ilsbaveraientsurtondos,ilspleurnicheraientettuteferaissûrementassassinersurlaToile,
maisjenepensepasqu’ilstecourraientaprèsavecunefourche.Jenepensepasqueçaauraitun
effetaussinégatifsurvousquecequetucrois,dit-elleenmesouriantfranchement.Lesfanss’en
remettraient:ilsaimenttropKellan.
Ellemefitunclind’œilets’emparad’untubederougeàlèvressursacoiffeuse,puisellese
penchadevantlemiroir.
–Jevaisleverunpeulepiedsurlesdémonstrationsd’affection,siçavousdérangevraimentà
cepoint.
–Ceseraitgentil…merci.
Elleexauçaitenfinnossouhaits,maisçan’avaitpaslasaveurd’unevictoirepourautant.
J’hésitai,puisjedécidaideluidemandercequej’avaisvraimententête.
–Tupensesquetupourraisdirequelquechoseàtesfans?LeurdirequeKellanestencouple?
Sansdiremonnomouquoiquecesoit,ajoutai-jerapidement,justepournousaideràcalmerunpeu
lepublic.
Ellemituneéternitéàappliquersonrougeàlèvres.
–Pasdeproblème,chérie,finit-elleparrépondre.
Croyantquenotrepetiteentrevueétaitterminée,j’allaispartirmaissavoixmefit
m’immobiliser.
–Jet’aivueécrireencoulisse.Çaavance,tonlivre?
–J’aipresquefini,répondis-je,étonnéequ’elleaitremarquéquej’écrivais.
Ellesetournaversmoiets’assitenéquilibresurleborddesacoiffeuse.
–Jeconnaisdesgensdanslemondedel’édition.Ilspourraientpeut-êtrejeteruncoupd’œilà
tonmanuscrit,unefoisquetuaurasterminé?
J’avaisl’impressionqu’accepterdel’aidevenantd’ellerevenaitpresqueàpasserunpacteavec
lediableetjedécidaiderestervague.
–Merci.Jem’ensouviendrai,dis-jeensouriant.
Ellemefitunpetitgestedelamain,signequ’onenavaitterminé,etjesortisdelapiècesans
vraimentsavoirsilaconversations’étaitbienpasséeoupas.Pourmechangerlesidées,jememisen
quêtedemarockstarpréférée,etcequ’ilétaitentraindefairequandjeletrouvaim’étonnaunpeu.
L’équipen’avaitpasencorefinid’installerlesinstrumentssurscèneetilyenavaitplusieursqui
traînaientencoreencoulisses,ycomprisunebatterie.EtKellanétaitinstalléderrière,entrain
d’essayerdejouerunechansondesD-Bagssouslesriressanspitiéd’Evan.
Jenel’avaisjamaisvujouerdelabatterieavantetc’étaitàlafoisbizarreetnaturel.Cen’était
clairementpassaspécialité,etilsemordaitlalèvreenseconcentrant,cequejetrouvais
terriblementséduisant.Etapparemment,jen’étaispaslaseule,carunpetitcercleétaitentraindese
constituerautourdenouspourl’écouterjouer,ouplutôtessayerdejouer.
Evanmerepéraetvintmeserrerdanssesbras.Iln’arrivaitpasàs’arrêterderireetjecrus
qu’ilallaitsemettreàpleurerenvoyantKellansemélangerlespinceauxetfairetomberune
baguette.
–C’estcooldesavoirquejesuismeilleurqueluidansundomaine.
JerisenregardantKellanjureretsecouerlatête.Ilavaitvraimentdumalàgarderlerythmeet
jereconnaissaisàpeinelachansonqu’ilessayaitdejouer.
–Ilad’autrestalents,murmurai-je.
Evanritetjemerendiscomptedudoublesensdemaphrase.
–Enfin,lechant,jeveuxdire.
–Oui,oui,j’avaiscompris,dit-ilenriantplusfort.
–Aufait,c’estquoi,letrucdupaquetdebonbons?
Jenevoulaispasêtreindiscrète,maislacuriositémedévoraitdepuisdesmois.Evanbaissales
yeuxetjevisqu’ilrougissaitunpeu.
–Euh…AvecJenny,lapremièrefoisqu’ona…enfin,tusais,onétaitentraindemangerces
bonbons-làet…disonsquelepaquets’estfaitratatinerdanslefeudel’action.Jenesavaispas
qu’ellel’avaitgardé.
Illevalesyeuxversmoietsouritd’unairattendri.
–Elleestsentimentale.
–Commelaplupartdesfilles,répondis-je.
–Etmerde,j’abandonne!criasoudainKellan.
Lesgensautourdenoussemirentàrireetillaissatomberlesbaguettesparterre.
–Lepauvre,ditEvanenmetapantdansledos.Ilvafalloirquetuleconsolesavantleconcert.
Jerisetallairejoindremonmaridécouragé.
–Jesuisnul,dit-ilenfaisantlamoueavecunetêtedechienbattu.
Jerésistaiàl’enviedel’embrasseretluitendislamainpourl’aideràselever.
–Tunepeuxpasêtrelemeilleurpartout,dis-jeenjouantavecsonallianceavantdeluilâcher
lamain.
–Tuasraison,dit-ild’unevoixrauque,jevaism’entenirauxtrucsoùjesuisvraiment,
vraimentbon.
Puisilmelançaunregardquifitmonterenflèchematempératurecorporelle,maisaumoment
oùj’allaislerappeleràl’ordre,ilchangeadesujet.
–Commentças’estpasséavecSienna?
–Elleaditqu’ondramatisait.Etelleaaussiditqu’elleferaitensortedetecollerunpeumoins.
–Elleadéjàditçaavant.Maisdèsqu’unappareilphotoestbraquésurelle,c’estcommesielle
avaituntroudemémoire.Elleestprêteàtoutpourdonnerauxfanscequ’ilsveulent.
–Jepensequec’estparcequ’elleaétéélevéecommeça.C’estsûrementcommeçaqu’ellea
survécuàlatransitionentreenfantstaretsuperstar.
Mespropresparolesmefirentclignerdesyeux.Est-cequejevenaisvraimentdeprendresa
défense?Kellaneutl’airétonnéaussienouvrantlaportedesaloge.
–Jecomprends.Enfait,jepensequelaseulechosequejecomprendsvraimentchezelle,c’est
qu’elleaeuuneenfanceaussipourriequelamienne.
Jerefermailaportederrièrenousetpassaimesbrasautourdesoncou.
–Sonenfancen’arienàvoiraveclatienne.Absolumentrien.
Uneexpressiontristequejeconnaissaisbiens’inscrivitsursonvisageetjeleserraidansmes
brasdetoutesmesforces,pourluirappelerquemonamourpourluiétaitplusfortquetoutela
méchancetéquesesparentsavaientbienpuluitémoigner.
Unpeuplustard,alorsquelesD-Bagsétaientsurscène,Annavintmerejoindreàl’endroitoù
jem’installaisd’habitude,justederrièrelascène.Engénéral,jeprofitaisdeleursconcertspour
travaillersurmonnouveauroman.Travaillersurdeuxromansenmêmetempsn’étaitsûrementpasle
meilleurmoyend’enfinirun,maisdèsquejeregardaisKellansurscène,j’avaisdixidéesàla
minutepourmanouvellehistoire.
Jem’arrêtaienpleinmilieud’unephraseetregardaimasœur:ellen’avaitpasl’airtrèsen
formeetellemassaitunendroitsurlecôtégauchedesonventre.Sesyeuxémeraudebrillaientunpeu
àlalumièredesspotsetjenesavaispassic’étaitparcequ’elleétaitémueoujustefatiguée.Ça
devaitêtreépuisantdeporterunenfant,sansparlerdufaitdedevoirsupporterGriffin.Jerepensaià
ladéclarationqu’elleluiavaitfaitel’après-midietjemedemandaisielleallaitbien.
Jerefermaimonordinateur,melevaietluimontraimachaise.
–Tuveuxt’asseoir?
Cen’étaitpascequ’ilyavaitdeplusconfortablemaisaumoins,çaluiéviteraitderester
debout.
–Merci,dit-ellesansquitterlascènedesyeux.
Elleallas’asseoirettournalatêtepourcontinueràavoirlesgarçonsdanssonchampdevision
(oupeut-êtreunseuld’entreeux)et,endépitdesonmaquillage,jevisqu’elleavaitlesyeuxcernés.
Ellenel’admettraitjamaismaiselleétaitépuisée.Elleauraitvraimentmieuxfaitderentreretdese
reposertantqu’ellelepouvaitencore.
–Çava,sœurette?demandai-jeenposantunemainsursonépaule.
–Oui,répliqua-t-elleenprenantunairdur.Pourquoiçan’iraitpas?
J’auraispuluicitertoutuntasderaisonsmaisjechoisisdemeconcentrersurcelledontelle
accepteraitsansdoutedeparler:lafatigueliéeàsagrossesse.
–Tun’arrêtespasdetefrotterleventre.
–Maximusn’arrêtepasdedonnerdescoupsexactementaumêmeendroit.Jevaisavoirunbleu,
s’ilcontinue,expliqua-t-elleenfaisantlagrimace.
–CeneseraitpaslefilsdeGriffins’iln’étaitpaspénible,dis-jesansréfléchir.
–Ilvautmieuxquecequetucrois.
–Jesais,répondis-jeenmeremémorantcertainesconversationsquej’avaiseuesaveclui.
Elleouvritdesyeuxrondscommedesbillesenm’entendantadmettreuntrucaussiénormeetje
luidonnaiunepetitetapequilafitrire.Voyantqu’elleavaitl’airdemeilleurehumeur,jedécidaide
luiposerlaquestionquimetrottaitdanslatête.
–Maissinon,çavaaprèscequis’estpassétoutàl’heure?AvecGriffin,jeveuxdire.
Sabonnehumeurs’évanouitimmédiatement.
–Dequoituparles?
Jeretinsunsoupirexaspéré.Cesdeux-làétaientvraimenttêtuscommedesmules.Onétaitdes
petitsjoueursavecKellan,comparésàeux.
–Tuluiasditquetul’aimaisetils’esttransforméenstatue.
Ellefronçalessourcilsetdétournaleregard.
–Çanemeposepasdeproblème.Onn’apasunerelationaussignangnanquelavôtre,etçame
vatrèsbien,dit-elleenmeregardantencoin.Jen’aipasbesoindetoutescesconneriesprétendument
romantiques.Etpuisdetoutefaçon,jeplaisantais.Jenelepensaispasvraiment.
Elleserralesdentsetdéglutittroisfoisdesuite,etquandjevissesyeuxseremplirdelarmes,
jesusqu’ellementait.Ellelepensaitvraiment.Elleneplaisantaitpas.Etçaluiposaitunproblème.
Elleenattendaitdavantagedesapartmaisjamaisellen’accepteraitdelereconnaître.Dansledoute,
elleappliquaitlabonnevieilleméthode:ledéni.
Nesachantpastropquoifaire,jel’embrassaisurlajoue.
–Jet’aime,Anna.
SiGriffinn’étaitpascapabledeleluidire,ellepouvaitaumoinsl’entendredanslabouchede
quelqu’und’autre.Ellelevalatêteversmoietunelarmeroulasursajoue,qu’elleessuya
immédiatement.
–Ilm’aditqu’ilt’aimait,ajoutai-je.
Jecrusqueçal’aideraitàsesentirmieuxmaiselleavaitjustel’airfatiguéenregardantGriffin
surscène.Maisbon,peut-êtrequec’étaitjusteàcausedelagrossesse.
–Jevaisallerm’allongerdanslebus,sijamaisGriffindemandeoùjesuis.
Jeluipromisdepasserlemessage,lecœurlourd.
Àlafinduconcert,ilnemeposapasdequestionsmaisjeluidisquandmêmeoùelleétait.Il
hochalatête,cequiprouvaitqu’ilm’avaitentendue,maisaulieudesedirigerverslebus,ilresta
assislàjusqu’àcequelesD-BagsdoiventretournersurscènepourleduoavecSienna.Pourla
premièrefoisdemavie,jeregardaiGriffinaulieudeKellanetSienna:mêmesurscène,souslefeu
desprojecteurs,ilavaitl’airperdudanssespensées.C’étaitlapremièrefoisquejelevoyaisdans
cetétatetjenesavaisvraimentpasquoipenser.
Àlafinduconcert,lesgarçonsmeretrouvèrentdanslescoulisses,avecSiennaquileur
emboîtaitlepas.JepensaisqueGriffinvoudraitsûrementallerretrouverAnna:onjouaitdansla
mêmesallelelendemainsoir,cequisignifiaitqu’onavaitunpeudetempslibreetlapossibilitéde
dormiràl’hôtel.Kellanavaittenusapromesseetnousavaitréservéunechambrerienquepournous.
Saufqu’aulieud’allerchercherAnna,GriffinsetournaversMatt.
–Onvaboireunverre?
Matthochalatêteetsetournaversnous.
–Çavousditdesortir?
–Carrément,dis-jeenposantmonordinateuralorsqueKellanétaitdéjàentrainderépondre
«non».
Ilmeregardad’unairahuri.Onavaitévitédesortiraveclesautresdepuisl’explosiondu
coupleKell-Sexetonavaitplutôtfaitprofilbas,cequin’avaitpasmanquédenousvaloirdes
réflexionsdelapartdesautres–enfin,delapartdeGriffin.Maiscettefois,j’avaisenviedesortir
aveceux.L’expressionsurlevisagedeGriffinnemeplaisaitpas,etlevoirsefrotterlesmainsavec
impatiencemeplutencoremoins.
–Jetrouvequec’estunesuperidée!s’exclamaSienna,apparemmentaussiexcitéequelui.Je
connaisunendroitgénial.
Elleavançaetfitungestecommesielles’apprêtaitàprendreKellandanssesbras,maisellese
retintàladernièresecondeetjemesentispresquefièred’elle.Presque.Kellancontinuaitàme
dévisageretjepouvaisliredanssespensées.Tunepréféreraispasêtreseuleavecmoidansune
chambred’hôtelaulieud’allerboiredescoupsavecGriffin?Jemeforçaiàsourirepourle
convaincredemonenthousiasme.Biensûrquej’auraispréférérentreravecluiàl’hôtel.MaisAnna
étaitmafamilleetjedevaisprendresoind’elle.
Siennapassauncoupdefilpourprendredesdispositionsetonsedirigeaverslesloges.Jeme
demandaiquiellepouvaitbienconnaîtreenCarolineduNordetoùelleallaitnousemmener.De
toutefaçon,c’étaittroptard:enàpeinecinqminutes,lesgarçonss’étaientdéjàchangésetparfumés,
jeremarquaiqueGriffinavaiteulamainparticulièrementlourdesurl’eaudetoilette.
Siennamituneéternitéàsechanger,etquandelleémergeadesaloge,jesongeaiquej’aurais
peut-êtremieuxfaitd’allermechanger,moiaussi.Elleportaitunerobecorailquiavaitl’aird’avoir
étéfaitepourallerenboîteetlebasdelarobeformaitcommedespétalesquisesoulevaientet
dévoilaientsescuissesdèsqu’ellefaisaitlemoindremouvement.
Quantàmoi…jeportaisunjeanIKKSetdesbasketsentoile.Sexy.Maisdetoutemanière,je
n’avaisaucunerobedecestyledansmesaffairesalorsj’essayaidemettredecôtémonsentiment
d’êtreaffreusementquelconque.J’allairejoindreKellanquiregardaSiennaetlevalesyeuxauciel.
–Mêmedanssesmeilleursjours,tuesquandmêmeplusbellequ’elle.
Jerougisenayantsoudainl’impressiond’avoirremportéleconcoursdeMissAmerica.Son
complimentdonnaitl’impressionqueSiennaenavaitfaitdestonnespoursefaireremarqueretqueça
larendaitpresqueridicule.Çalarenditunpeumoinsbelleàmesyeuxetjemesentisdavantageson
égalelorsqu’onquittalasalledeconcert.
Siennaavaitl’aird’êtregeléeetfrottaitsesbrasnus,maisellen’eutpasàattendrelongtemps.
Unelimousineapparutcommeparmagie,etonseprécipitatousàl’intérieur.Jesoupiraienvoyantla
débauchedeluxedansl’habitacle.Cen’étaitpascommeçaqu’onallaitfairecouleurlocale…Çame
fitvraimentregretterlesboîtesoùonsortaitavecKellanàSeattle.EtlessoiréesauPete’s.Etla
tournéeavecJustin.Jeregrettaisl’époquedelasimplicité…
Kellangardasonbrasautourdemoipendanttoutletrajet,etSiennanousobservaavecune
drôled’expression.Sonregardétaitbienveillant,maisilyavaitaussiunepointedenostalgie,et
peut-êtremêmedelatristessedanssesyeux.Peuimportesoncôtébravache,j’étaissûrequ’elleavait
étéamoureuseàunmomentetqueças’étaitmalterminé.L’espaced’uninstant,sonverniscraquaet
j’euslesentimentdevoirlavraieSiennaaulieudesondoublecélèbre,maisquandelleremarqua
quejel’observais,ellereprittoutdesuitesonairassuréetmefitunclind’œil.
Lorsquelechauffeurs’arrêtadevantuneboîtequis’appelaitPoison,untasdephotographesse
trouvaientdevantl’entrée,commes’ilssavaientdéjàquisetrouvaitdanslavoiture,etils
commencèrentàmitrailleravantmêmequ’onsortedelalimousine.Onseseraitcruàl’avant-
premièred’unfilm,etsachantqu’onétaitenCarolineduNord,j’étaispresquesûrequ’ilsn’étaient
paslàparhasard.JenesavaispasquiSiennaavaitbienpuappelerpourorganisernotrepetite
soirée,maisdésormais,jecomprenaismieuxpourquoielleavaitmisdixplombesàsepréparer.
Lechauffeurfitletourdelavoiturepournousouvrirlaportière,ettandisquejeregardaisles
flashesd’unairhorrifié,jevisunpetitsourireseformersurleslèvresdeSienna.Unesoiréeenboîte
avecsoncélèbreamant,voilàquiallaitluifaireunsacrécoupdepub.Mêmes’ilsentraient
séparément,çaferaitlacouverturedetouslesmagazinesdèslelendemainmatin.Etqu’est-cequeles
fansallaientpenserdemoi,dansl’histoire?Peut-êtrequ’ilsallaientmeprendrepouruneamiede
Sienna,oupourlacopined’undesmembresdugroupe?Maissij’entraisavecKellan,çarisquaitde
déchaînerunocéanderumeursàmonsujetetjevoulaisabsolumentéviterça.
Siennalissasarobeavantdesedévoilerauxobjectifsdesphotographes,etlechauffeurlui
tenditlamainpourl’aideràsortirdelavoiture.Quandelleapparut,lesflashessedéchaînèrentet
elles’arrêtaauboutdetroispaspourattendreKellan.EvanetGriffinallaientseleverpoursortir
aussimaisKellanlevalamainetsepenchaverslechauffeur.
–Vouspouveznousemmenerautrepart,s’ilvousplaît?
LechauffeurhochalatêtepuisildemandaàSiennasiellevoulaitpartir,elleaussi,ousielle
préféraitrester.Ellehésitaenregardantlafouleautourd’ellemaisellefinitparremonterenvoiture
etlechauffeurseremitenroute.
–Tuexagères,dit-elleàKellanenfaisantlamoue,c’estlameilleureboîtedelaville.
–Tupeuxyretourner,situveux,répondit-ilavecunsourirecharmeur.
Ellelevalesyeuxaucielpuisdonnaauchauffeurlenomd’uneautreboîtequidevraitêtre«un
peumoinsblindée»,selonelle.Effectivement,enarrivant,jefussoulagéedeconstaterquepersonne
nenousattendaitàl’entrée.Àl’intérieur,lesbassesmedonnaientl’impressiondevibreretun
hommenousconduisitjusqu’àuncarréVIP.Ilavaitl’airfoudejoiedenousavoirdansson
établissementetilsemblaitprêtànousdécrocherlalunesionleluidemandait.Jenesavaispassi
c’étaitlepropriétairemaisilétaitentourédedeuxfillesvêtuesdecorsetsetdeshortsnoirs,qui
auraientaussibienpuêtrestrip-teaseusesqueserveuses.
SiennacommandadeuxbouteillesdeCristaletunedesdeuxfillespartitendirectiondubar.
Serveuse,donc.JerepensaiavecnostalgieàmonuniformeduPete’s.J’avaisvraimenteudela
chance.Siennasouritaupropriétaireets’installadansunfauteuilrouge,etjefusamusée
intérieurementenvoyantquelacouleurdufauteuiljuraitavecsarobe.Iln’yavaitpersonnedansla
pièceàpartnous,leproprioetlasecondeserveuse,ettouslesautresclientsétaientdel’autrecôté
d’uneépaisseparoienverre.Onavaitunevueimprenablesurlescentainesdecorpsquibougeaient
aurythmedelamusique,etjemedemandais’ilssavaientqu’onpouvaitlesvoir.C’étaitclairqu’eux
nesavaientpasqu’onétaitlà,etjerougisenvoyantuntypepasserlamainsouslajupedelafille
avecquiildansait.
Griffinbalayalapièceduregard,puisconcentrasonattentionsurcequisepassaitdel’autre
côtédelavitre.
–Çamanquedenanas,ici.
Lepropriétaireallaaussiaussitôtlerejoindreetclaquadesdoigtsàl’attentiondelaserveuse.
–Vouspréférezlesblondes,lesbrunesoulesrousses?
Griffinluiadressaunsourirequimedonnalanausée.
–J’aimetout.
LepropriétaireaffichalemêmesourirerépugnantetlançaunregardendirectiondeKellan.
–Etj’imaginequelataillemannequinestleminimum?
Griffinhochalatêteavecenthousiasmeetlepropriétairefitunpetitsigneàlaserveuse,quise
dirigeaimmédiatementverslaporte.
–J’enveuxaumoinsunedouzaine!luicriaGriffin.
ElleacquiesçaavantdedisparaîtreetjeplissailesyeuxenregardantGriffinetlemaîtredes
lieux.J’ignoraisqu’onpouvaitcommanderdesfillesaussifacilementqu’unebouteilledebière…On
s’installasuruncanapéenveloursavecKellantandisquejeluttaicontreuneenviedevomir.
–Dèsquetuasenviedepartir,tumeledis,murmuraKellanàmonoreille.
Jehochailatêtetoutensachantquejen’iraisnullepart.Jen’allaispaslaisserlecopaindema
sœurtoutseulaumilieuduparadisdesfillesfaciles.
20
Assez
Laserveusenetardapasàreveniraveclesbouteillesdechampagneetservirplusieurscoupes,
etontrinquaavecKellanpileaumomentoùle«divertissement»arrivait.Pourleplusgrandplaisir
deGriffin,unemini-légiondenanastoutesplussexylesunesquelesautresentradanslaloge,et
ellesavaienttouteslataillemannequinavecleurstee-shirtsmoulants,leursshortsmoulantsetleurs
jupesmoulantes.Peut-êtrequ’ilyavaituncongrèsdebimbosenvillecettesemaine-là?Entoutcas,
ledélugederiresbêtes,desouriresetdepaillettesserépanditdanslapiècecommeunparfumde
supermarché.Quelques-unesallèrents’installeràcôtédeSienna,uneoudeuxs’assirentprèsd’un
Evanpasdutoutintéresséetd’unMattrougetomate,unedemi-douzaineentouraGriffin,etlerestese
précipitasurKellan.Avecuneagressivitéquinemeressemblaitpas,jesautaisursesgenouxet
passaimesbrasautourdesoncou.Baslespattes,pétasse.Çaeutleméritedelesteniràdistance,ce
quin’auraitsûrementpasétélecassijen’avaispasbougé,etellesseconcentrèrentsurlescoupes
dechampagnequeleurtendaitlaserveuse.
–J’aimebienquandtudéfendstonterritoire,ditKellan.Peut-êtrequ’onpourraitleurdemander
denoussuivrepartout?
Jefisunesaletêtemaissonsourireétaitsiprovocateurquejefinisparyrépondre.Enguisede
punition,jemedécalailégèrementpourfaireappuyermonpoidspileauxbonsendroits,etjevisun
éclairdanssesyeux.Ilattrapamonverreetleposasurleplateaudelaserveusequipassaitparlà
avantdemepousseretdeselever.
–Onferaitmieuxdedanser.
Jemelevaiàmontouretplusieursfillesnousrejoignirentaucentredelapièce,maisjeme
plantaifaceàKellanenlesignorant.Ilposasesmainssurmeshanchesetserapprocha
progressivementdemoijusqu’àcequenoshanchessetouchent,puisonsemitàbougerensemble
d’unefaçonquiendisaitlongsurnotrerelation.Maisendépitdeça,aucunedesfillesn’avaitl’air
decomprendrequ’ilétaitpris,oudumoins,qu’ilétaitavecmoi.
Certainesn’arrêtaientpasderegarderKellanetSiennaenalternance,maisétantdonnéque
Siennaleregardaitd’unairpresqueindifférentsanspiquerunecrise,ellesfinirentparsedireque
flirteravecluineposaitsûrementpasdeproblème.MêmesilesmainsdeKellanétaientsurmoi,ça
nelesempêchapasdemettreleurssalespattessurluietjedusplusieursfoisretirerdesmains
poséessursontorse.Àunmoment,ilsecoualatêteensedébarrassantd’unepairedemainsquise
baladaientsursesfessesetj’eusl’impressiond’êtreavecunporte-bonheurvulenombrede
personnesquivoulaientletoucher.
Unenouvellechansonenvahitlapiècefaiblementéclairéeet,toutencontinuantàdanseravec
Kellan,jejetaiuncoupd’œilaurestedesgarçons.EvanetMattnem’inquiétaientpas:ilss’étaient
toutdesuitelancésdansunegrandeconversation,etencemomentmême,Mattétaitentrainde
montrerunaccordàlaguitareàEvanquisouriaitdetoutessesdents.Jen’auraispasétéétonnée
qu’ilssoiententraindeparlerd’unenouvellechanson,etc’étaitassezcomiquedevoirlesfilles
essayerdésespérémentd’attirerleurattention.J’avaispresqueenvied’allerlesvoirpourleurdirede
nepasperdreleurtempsetdeprofiterdeleurcoupedechampagnegratuite.Ilsneferaientrienqui
soitsusceptibledefairedumalàleurscopines.
Surleurgauche,Siennaflirtaitavecdeuxgarçonsquiavaientl’airdesortirtoutdroitd’unepub
pourAbercrombie.Apparemment,lepropriétaireluiavaitamenédesjoujoux,àelleaussi,etelle
jouaitavecsescheveuxetriaitenpassantleurcorpsenrevue.Elleavaitl’airdeleurfairecroire
qu’ilsavaientunechanceavecelle,maissonregardfinissaittoujoursparrevenirseposersur
Kellan.Toujours.
JepassaimesdoigtsdanslescheveuxdeKellanetl’attiraiplusprèsdemoi.Nospoitrinesse
touchaientàprésentetunpetitsouriredémoniaqueseformasurseslèvres.Ilsentait
merveilleusementbonetseslèvresétaientterriblementtentantes,àquelquesmillimètresdesmiennes.
Sesmainssepromenaientsurmoi,lelongdemesflancs,dansmoncou,danslebasdemondos,etje
ressentissoudainl’enviedesentirsesmainssurmapeaunue.Jemerappelaiqu’onavaitune
chambrequinousattendaitetj’allailuidemandersionpouvaitpartirdecettedrôledesoiréequand,
soudain,jemerappelaipourquoionnepouvaitpas.
JecherchaiGriffinduregardavecappréhension,etenletrouvantentraindenettoyerles
amygdalesd’uneblonde,jesentisunevaguedefureurmesubmerger.Annaluiavaitavouéses
sentimentsetc’étaitcommeçaqu’illaremerciait?Quelsalecon!J’arrêtaidedanseretobservai
Griffintoucherlesfessesdelafillequisetenaitdevantlui,tandisquedeuxautresétaientpenduesà
soncouetqu’unerousseavaitlamaindanssonpantalon.J’étaistellementenragequejecommençai
àmedirigerversluipourluidiremafaçondepensermaisKellanmetiraenarrière.
–Faireunscandalenevapasserviràgrand-chose.Jeluiparleraiplustard.
JerepoussaiKellanavechumeur.
–Plustard?Tuveuxdireaprèsqu’ilselesseraenvoyées?
IlsecoualatêteetallaitmerépondrequandSiennasejoignitànous,ungigoloàchaquebras.
–Toutvabien?demanda-t-elle.
Undesgarçonsavaitlesyeuxrivéssursesseins,etl’autre…surKellan.Pourchanger.Toutle
mondeadoraitKellan.Saufmoi,encetinstantprécis.
–Trèsbien,répondit-ilavecunsourirebref.
Jem’apprêtaiàprotesteravecvéhémencequandGriffinpassadansmonchampdevision.Un
brasautourdelablondeetl’autreautourdelarousse,ilsedirigeaitverslestoilettesdelazoneVIP,
etj’étaissûrequecen’étaitpasparcequ’ilavaitenviedepisser.
–Quelenfoiré!grommelai-jeenfaisantunpasverslui.
Jen’allaissûrementpasresterplantéelàetleregardertrompermasœursansrienfaire.Mais
Kellanmetenaitfermement.
–Lâche-moi.
Ilsecoualatêteetm’attiraverslui.
–Tunelechangeraspas.Ilchangeraseulements’ilenaenvie.Etilnevapasarrêterjuste
parcequetudébarquesenluicriantdessus,crois-moi.Toutcequetuvasrécolter,c’estdestrucsque
tun’asabsolumentpasenviedevoir.
Jedégageaimamainetlepoussai.
–Alorsvas-y,toi.
J’étaistellementencolèreettristepourmasœurquejesentisdeslarmesmemonterauxyeuxet
ilmecaressalajoue.
–C’estàluidedécider,Kiera.Sic’estmoiquileforce,çanesertàrien.
Sonregarddébordaitdecompassionetjecomprisqu’ilavaitraison.Onnepouvaitpas
surveillerGriffinàchaquefoisqu’onsortait,maisçamefaisaitmalderesterlàsansrienfaire.
–Ilnevapass’ensortircommeça.Jen’aipasl’intentiondementirpourlecouvrir.
Soudain,jemesentisenvahied’unprofondrespectpourJenny.Sij’enétaismaladedenerien
fairetandisqueGriffintrompaitmasœur,elleavaitdûressentirlamêmechosequandj’avaistrompé
Denny.Jeluidevaisbienplusquelesexcusesquejeluiavaisprésentées.
–Annasaitcommentilest,Kiera.Tun’aspasbesoindementir.
–Jeveuxm’enaller,dis-jeenluttantcontremonenviedepleureretdevomir.
Kellanhochalatêteetmeserracontrelui,etjerestaiblottiecontresontorsependantqu’il
demandaitàuneserveusedenousappeleruntaxi.AprèsdesaurevoirenhâteavecSiennaetlesD-
Bagsquienvalaientlapeine,onsortitparderrièreetons’engouffradansletaxijauneetnoirqui
nousattendaitdéjà.Kellandonnal’adresseauchauffeuravantdesetournerversmoi,etsonvisage
étaitàlafoisinquietetdésolé.
–Jeledéteste,sifflai-jetandisquedeslarmescommençaientàroulersurmesjoues.
Pileaumomentoùjecommençaisàbienl’aimer…C’étaitcomplètementirrationnel,mais
j’avaisl’impressionqu’enplusdemasœur,ilm’avaittrompéemoiaussi.
Kellanpritmonvisagedanssesmainspourm’embrassertendrement.Tousleshommesn’étaient
pasdesminables,heureusement.
J’étaisfuraxtandisquej’étaisallongéedansmonlitKingsizeàcôtédemonmariendormi.Je
n’appréciaismêmepaslecontactdesdrapsencotonégyptienoudel’édredon,etlespomponsqui
décoraientlesquatrecoinsdemataied’oreillermeservaientuniquementàpassermesnerfs.Griffin
étaitdéfinitivementunabrutidecompétition.Simonpèrenel’avaitpasfait,peut-êtrequemoi,je
pouvaisletuer?J’étaissûrequeKellanaccepteraitdem’aideràcacherlecorps.
JeguettaislemoindrebruitdanslecouloirpourêtresûredenepasraterGriffinquandil
reviendrait.J’allaisleréduireenmiettesetniKellannipersonnenepourraitrienfairepourm’en
empêchercettefois.Ilétaitallétroploin.
JesavaisqueKellanavaitraisonetquec’étaitGriffinquidevaitchoisirdedevenirrespectable
maisbonsang,Annaallaitaccoucherdujouraulendemain.Ilnepouvaitpasattendrejusqueaprèsla
naissancedesonfilspourrecommenceràs’envoyern’importequi,aumoins?Sansparlerdufait
qu’iln’étaitpaslemecleplusfutédumonde.Est-cequ’ilutilisaitdespréservatifs?Ets’ilallait
mettreunedesbimbosenceinte?OuattraperuneMSTqu’ilpouvaitrefileràmasœur?Çame
révulsaetnefitqu’accroîtremacolère.
Jen’arrêtaipasdegigoterenattendantGriffin,etvoirKellanendormipaisiblementàcôtéde
moim’agaçaitencoreplus.Commentpouvait-ilprendreçaavecautantdecalme?Lesmecs
pouvaientvraimentêtrebizarres.Etenmêmetemps,GriffinetAnnaétaientbizarres.Ilsnes’étaient
jamaisrienpromismaisaveclanaissancedubébéetlamonogamietouteneuvedeGriffin,j’avais
cruque…enfin,j’avaisespéréqueleschosesétaientdevenuesdifférentes.Peut-êtrequej’aurais
mieuxfaitden’envouloirqu’àmoi-même,pouravoircruqu’ilavaitchangé.
Parcequ’enréalité,c’étaittoujoursunconnard.
Jemeglissaihorsdulitenentendantdesvoixdanslecouloiretj’ouvrislaportesansmêmeêtre
sûrequec’étaitlui.Latêtebasseetlesmainsdanslespoches,ilsetrouvaitpiledevantmoiquandje
sortisdanslecouloiretjeleplaquaicontrelemur.Ilsecognadanslaporteenfacedelamienneet
jeremarquaiqu’ilétaitlivide.J’allaisluipasserlesavondesavie,ettantpissiçaréveillaittous
ceuxquiessayaientdedormirànotreétage.C’étaitl’honneurdemasœurquiétaitenjeu.Etoui,je
savaisquec’étaithypocritedemapartmaisçam’étaitégal.
–Tuesleplusgrosenfoiréquej’aiejamaisrencontré!
–C’estquoi,tonproblème?
MattetEvanétaientaveclui,etenvoyantquej’allaismejetersurlui,Evanm’attrapapour
m’enempêcher.
–Masœurvaaccoucherdetonfilsettoi,tusauteslespremièrespétassesvenuesdansdes
toilettes?J’espèrebienqu’Annavatedégager!
–CommeDennyt’adégagée,toi?
–Griffin!
MescrisavaientréveilléKellan,quisetenaittorsenusurlepasdenotreporte,etilfusillait
Griffinduregard,quiluirenvoyaunregardirritémaisprudent.Jeprofitaidecemomentdesilence
pourenremettreunecouche.
–Annat’avouequ’ellet’aime,ettoi,tunetrouvesriendemieuxàfairequedetefairetripoter
parunepoufiasse?Qu’est-cequinevapas,cheztoi?
GriffinfitunpasversmoietEvanetMattposèrenttoutdesuiteunemainsursonbraspourle
calmer.
–Jen’airienfaitdutout,d’accord!hurla-t-ilenamenantsonvisageprèsdumien.Alorsfous-
moilapaix!
–Ettucroisquejevaisgoberça?Jet’aivu.
Ilsoupiraetmeréponditenbaissantunpeuleton.
–Oui,onacommencé,etellesétaienttouteslesdeuxprêtesàmesauterdessusmaisje
n’arrêtaispasdepenseràAnna.Etaufinal,jen’enaisautéaucune,etc’estparcequejesuis
amoureuxdetasœur!C’estbon,connasse,tuescontente?Jesuisdevenuungentiltoutou,comme
lesautreschochottes,dit-ilenmontrantlesautres.
Jerestaibouchebée.Jen’avaisaucuneidéedequoirépondremaisquelqu’und’autrerépondità
maplace.
–Tuesamoureuxdemoi?
ToutlemondetournalatêteverslachambredontAnnavenaitd’émerger,etMattetEvan
lâchèrentGriffin.
–Oui,dit-ild’unairdéfait.Jesuisamoureuxdetoietjeneveuxpersonned’autre.
Ilfronçaitlessourcils,commes’ilnecomprenaitpascommentlescoupsd’unsoiravaient
soudainpuperdredeleurintérêt,etAnnaavançaversluiensouriant.
–Moiaussi,jet’aime,etjeneveuxpersonned’autrenonplus.Justetoi,çamesuffit.
Elleposaunemainsursajoueetilsouritenfin.
–Pareil.
–Alorsviens,dit-elleenl’entraînantversleurchambre,parcequejesuischaudecommela
braise,là.
Illasuivitsanshésiteretluipelotalesfesses.
–Moiaussi,murmura-t-ilavantdel’embrasser.
J’eusenviedevomir,maispasdutoutpourlesmêmesraisons,etjevoulusrentrerdansma
chambremaisKellanbloquaittoujourslepassageetilavaitl’airencolère.
–Griffin!
Griffinarrêtad’embrassermasœuràcontrecœuretsetournaversnous.
–Jeteconseilledeneplusjamaistraitermafemmedeconnasse.
GriffinluisouritavantdereportersonattentionsurAnna.
Onretournasecoucheraprèsçamaispaspourbienlongtemps.Kellanavaitunesérie
d’interviewsautéléphone,cequeTorynemanquapasdeluirappelerenfrappantàlaportecomme
uneforcenée.
–Téléphonedansdixminutes,Kyle.
Fatiguéetdanslegaz,ilseredressaparesseusementetm’embrassasurlajoue,etjepassaima
maindanssescheveux.J’étaisbientropencolèreenrentrantlaveillepourfairequoiquecesoit,
maiscematin,j’étaisapaiséeetheureuse,etc’étaitdommagedenepasprofiterdulit.Dixminutes,
cen’étaitpastrèslong,maisçasuffiraitsûrementpourunpetitcouprapide,etj’attiraiKellancontre
moitandisqu’ilmemordillaitl’oreille.
–Bonjour,murmura-t-il.
J’enroulaimesjambesautourdessiennesetmepressaicontrelui,biendécidéeàleréveiller
complètement.
–Bonjour.
Jefermailesyeuxenlesentantcontremoietilentrepritimmédiatementdemedéshabilleraussi.
Quandonfutnus,jesupposaiqu’ildevaitnousresterneufminutes,etquandilseglissaenmoi,jeme
laissaicomplètementaller,raviedeprofiterdecemomentdelibertédansnotresuite.Lanouveauté
d’êtrecomplètementseuleavecluim’excitaittellementquej’atteignisl’orgasmeenuneminuteet
demie.QuandToryrevintfrapperàlaportepourdirequ’illuirestaitcinqminutesetqu’elleluiavait
envoyéleprogrammedesajournéepartexto,j’enétaisàmondeuxième,etquandellerevintpourle
prévenirqu’illuirestaitsoixantesecondes,j’eneusuntroisième,auquelKellansejoignit.
Onétaitessoufflésetravisquandilsortitdulitavecsonportableàlamainpourcommencersa
séried’interviews,etjemedemandaiensouriants’ilallaitavoird’autresposesdedixminutesdans
lajournée.
Étantdonnéqu’onneprenaitpaslarouteaujourd’hui,jedécidaid’êtreparesseuseetdefaire
appelauservicedeblanchisserie.C’étaitlemanagerdeSiennaquiavaitréservélesdifférentshôtels
delatournée,etelleavaitdesgoûtsplutôtextravagants,cequivoulaitdirequ’onnedormaitjamais
dansautrechosequedescinqétoiles.Parconséquent,leshôtelsdanslesquelsonséjournait
pouvaientlaveretrepasservotrelingesivousenfaisiezlademande,etçam’arrangeaitbiencarje
détestaisfairelalessive.LavieavecSiennan’avaitpasquedesinconvénients,etjedevais
reconnaîtrequejemesentaisvraimentchouchoutée.
Aprèsavoirmistousnosvêtementsdansunsac,j’allaichercherdeuxpeignoirsdanslasallede
bain.Longsetblancs,ilssentaientlalavandeetétaientplusdouxquetousceuxquej’avaisportés
dansmavie.J’avaisl’impressiond’êtreenveloppéedansunnuageetc’étaittellementagréableque
j’eusenvied’enpiquerun.
Kellanétaitinstalléàunetableprèsdelaporte-fenêtrequidonnaitsurlebalcon.Lavuesur
Charlottedepuisnotrechambreétaitimpressionnanteavectoussesgratte-ciel,maisjen’yjetaiqu’un
rapidecoupd’œil.Kellanétaitassissursachaisecomplètementnu,cequiétaitbeaucoupplus
distrayantcommepaysage.Maisilrisquaitdefairefaireunecrisecardiaqueàl’employéedel’hôtel
siellelevoyaitcommeçaetjeluibalançail’autrepeignoirpourqu’ilsecouvre.Ilmesourittouten
continuantàparleravecl’animateuretilsecontentad’étalerlepeignoirsursesjambes,maisça
feraitl’affaire.
Alorsquej’envisageaisdepiquerlesdeuxpeignoirs,onnousapportalepetitdéjeuner.Sefaire
monteràmangerdanslachambreétaitcequejepréférais:c’étaitvraimentgéniald’êtrelà,aumilieu
d’oreillersmoelleuxetqu’onviennedisposerdubacon,desœufs,desroulésàlacannelle,dujus
d’orangeetducafésurunplateausousvotrenez.J’adorais,etçamedonnaitl’impressiond’êtreune
princesse.Enfait,j’auraisadorécontinueràvivredansleluxeaprèslatournée.Peut-êtreque
j’auraispuemployerunedemesamiespournousamenerlepetitdéjeuneraulit,oupeut-êtreRita?
ÇaneladérangeraitsûrementpasdevoirKellantorsenutouslesmatins.Hum…Àlaréflexion,on
sepasseraitdeRita.
Unemployédel’hôteldisposalepetitdéjeunerdeKellansurlatabledevantluietjetendisle
sacdelingesaleàlafemmedechambre.C’étaittellementpratiquedenepasavoiràchercherun
Lavomatique.L’employéeétaittrèsprofessionnellemaissesyeuxfixaientlecorpsàmoitiénude
Kellanàintervallesréguliers,cequidonnaitpresquel’impressionqu’elleavaitunticnerveux.
Kellaninterrompitsaconversationuninstantpourlesremercieretj’attrapaimonporte-monnaie
pourleurdonnerunpourboire.L’employépritlesienpolimentetquittalapiècesilencieusement
maislafemmedechambren’avaitpasl’airpresséedepartiretjecommençaiàmedemandersije
n’allaispasdevoirlapousserjusqu’àlaporte.
–Merci,Leanne,dis-jeaprèsavoirregardésonbadge.
Entendresonnomlaramenasurterre:ellearrêtadedévisagerKellanetmesouritenrougissant
unpeu.
–Sivousavezbesoind’autrechose,n’hésitezpas,dit-elleavantdesortirprécipitamment.
Jenepouvaispasvraimentluienvouloir:voirKellandanscetétatauraitperturbén’importe
qui.
Onpassalerestedelajournéeàsereposerdansnotrechambreetàprofiterdecesquelques
heuresd’intimité.Ons’habillaseulementavantdepartirpourleconcert.Nosaffairesétaientpropres
etrepassées,etjeretirailepeignoiràcontrecœurpourmettremonsoutien-gorgeetlafameusepetite
culotteKK.QuandKellanremarquacequejeportais,ilrestaclouésurplace.
–C’estquoi,cetruc?
Jetournaisurmoi-mêmepourqu’ilvoieaussil’inscriptionDieudurocksurmesfesses.
–C’estcequej’airécupéréenéchangedelavisiteprivée.Çateplaît?
Ilfronçalessourcilsetcroisalesbras.
–Ilyamesinitialessurtapetiteculotte.Biensûr,queçameplaît.
–Pourquoitufaiscettetête-là,alors?
–Parcequesituavaisportéçaplustôt,j’auraispul’arracheravecmesdents.Maisonn’aplus
letemps…Dommagepourtoi.
–Laculotteseratoujourslààlafinduconcert,tusais…
Ilmeregardaavecunelueurcoquinedanslesyeuxetj’eusautantdemalàendétachermon
regardquelapauvreLeanne.
J’étaisimpatientederetrouvermasœurenarrivantàlavoiture.Jen’étaispassortiedema
chambredelajournéeetj’étaiscurieusedesavoircommentçaallaitentreelleetGriffin.Mattétait
déjàdanslavoitureetonattendaitKellanquiétaitentraindesignerdesautographesàdesfansqui
l’avaientreconnuenpassantdevantl’hôtel.Siennadevaitsûrementêtreaveclui.
–TuasvuAnna?demandai-jeàMatt.
Ilsecoualatêted’unairinquiet.
–Ettoi,tuasvuGriffin?
Quandjesecouailatêteàmontour,ilsoupira.
–S’ilrateleconcert,jeletue.
–Ilseralà.Ilestdébilemaispasàcepoint.Rachelvabien,aufait?
Mattsouritetsepenchaversmoiavantdeselancerdansuneréponsedétaillée.Ilétaitassez
réservé,d’habitude,maisletondesavoixindiquaitclairementqu’elleluimanquait,etc’étaitsans
doutepourçaqu’ilavaitenviedeseconfier.MattetEvann’avaientpasvuleurscopinesdepuisun
momentetjesavaisàquelpointc’étaitdifficile.Mattavaitl’aird’avoirbesoindeparlerà
quelqu’un,etjeluiaccordaitoutemonattention.
Jem’étaisàpeinerenducomptequ’onquittaitl’hôtellorsqu’onarrivasurleslieuxduconcert.
Lesagentsdesécuriténousemmenèrentencoulissesetnousconduisirentjusqu’àdeuxlogesennous
disantqu’ilsreviendraientchercherlesgarçonspourlarencontreaveclesfans.
–JevaisallervoiroùestAnna,dis-jeensuiteàKellan.
–OK,maisjesuissûrqu’ellevatrèsbien.Àplustard,KK.
Jerestaiimmobile,lesjouesenfeu.Est-cequ’ilétaitvraimententraindeparlerdemapetite
culotte?Enfin,j’étaissansdoutelaseuleàavoircompris.Lesautrespensaientsansdoutequ’il
parlaitdemesinitiales,etjemerendissoudaincomptequej’avaislesmêmesquelui,cequi
m’amusa.
–Vivementcesoir,KK.
Kellanécarquillalesyeuxencomprenantàquoijefaisaisallusion,etjemesentisassezfièrede
moiquandjequittailapiècepourmelanceràlarecherchedemasœur.
Bizarrement,elleétaitintrouvable,etpersonnedansl’équipenel’avaitvue.Jepassaidel’unà
l’autreetdemandaiàabsolumenttoutlemondesipersonnen’avaitvuunefilletrèsenceintemaisla
réponseétaitinvariablementlamême.Jecommençaiàvraimentm’inquiéter,carellen’étaitpasdu
genreàmanquerlesrencontresaveclesfansetlesréglages,mêmequandelleétaittrèsfatiguée.
Jemedirigeaiverslasalleoùavaiteulieulaveillelarencontreaveclesfansenpensant
qu’elleétaitpeut-êtredéjàlà-bas,maisellen’yétaitpasnonplus.Lesfansétaienttousarrivéspar
contre,etHoleshotfitsonentréedansunconcertdecris,suivideprèsparlesD-Bags…sansGriffin.
Mattavaitl’aircomplètementflippéetilscrutaitsontéléphonesousleregardinquietd’Evan.
–Alors?articulaKellan,lessourcilsfroncés.
Jesecouailatête.Ellen’étaitnullepart,etapparemment,Griffinnonplus.Ets’ilyavaitun
problème?Sielleavaitcommencéletravailcematin?Siçasetrouve,elleétaitdansunhôpitalen
traind’accoucheretjen’étaismêmepasaucourant!Ellem’auraitappelée,quandmême…Pourquoi
ellenem’avaitpasappelée?Elleétaitoù,àlafin?
J’attrapaimontéléphoneportableetjequittailapiècepourpasserdescoupsdefildansles
différentshôpitaux.Lesfanspassaientàcôtédemoiaprèsleurentrevueavecleursstarspréférées
maisjeleurtournailedos.Quandjeremismonportabledansmonsac,j’avaisappelétousles
hôpitaux,touteslescliniquesetmêmetouslesvétérinairesquej’avaisputrouver.Dieusaitoù
Griffinauraitpuamenermasœursielleétaitsurlepointd’accoucher…Pourvuquelebébénesoit
pasentraind’arriver.
Lapeurauventre,j’envisageailapiredessolutions…appelernotrepère.Ils’étaittellement
inquiétéconcernantmasécuritéquelapossibilitéquequelquechosearriveàAnnanel’avaitsans
doutemêmepaseffleuré.Elleavaittoujoursétésiforteetsiindépendante…Jenesavaismêmepas
simonpèresavaitqu’elleétaitsurlarouteavecnous.Ilrisquaitdepéterunplombetd’envoyerla
Gardenationaleàsarecherche…
Jeressortismonportableetm’assissuruntabouretpliant,puisjemeplongeaidansla
contemplationdemonécran.Monpèreallaitsûrementmerenierofficiellement…Kellanvintme
rejoindrealorsquejeréfléchissaisàcequej’allaisbienpouvoirluidireetilsemitàgenouxdevant
moi.
–Toujoursrien?
Jesecouailatête,leslarmesauxyeux.
–Ets’illuiestarrivéquelquechose?
–ElleestavecGriffin,jesuissûrequ’ellevabien.
Ilmecaressalajoueetj’entendisdesbruitsdégoûtésderrièrelui:deuxfansquiétaiententrain
denousobserver.Ellesmeregardaientavecuneaversionclairementaffichéeetrestèrentlàjusqu’à
cequ’unagentdesécuritélesobligeàavancer.C’étaitquoi,cecirque?LesfansdeKell-Sexétaient
tellementattaquéesquemaintenantiln’avaitmêmeplusledroitdeconsoleruneamie?Entoutcas,si
ellesétaientaussijalousesqueça,çadevenaitvraimentinquiétant.
–Qu’est-cequ’onfait?demandai-jeàKellan.
–Onattend.JesuissûrqueGriffinarriveraàtempspourleconcert,etilsauranousdireoùest
Anna.
J’eusl’impressiond’attendreuneéternité.Jen’arrêtaispasd’appelersursonportablemaiselle
nedécrochaitpas,etàchaquefoisquejedemandaisàKellansijedevaisappelermesparents,ilme
disaitd’attendreencoredixminutes.Saufquejen’enpouvaisplusd’attendre,etMattn’étaitpas
mieux.Ilfaisaitlescentpasdanslapièceenaboyantdanssontéléphone.
–Onentreenscènedansvingtminutes,Griffin!Jenesaispascequetufousmaisramène-toi!
Jen’avaisjamaisvuMattencolèreavantetçafaisaitvraimentbizarre.MêmesiGriffinetlui
n’arrêtaientpasdesechamaillercommeunvieuxcouple,ilss’aimaientbeaucoupetilétaitsûrement
aussiinquietpoursoncousinquejel’étaispourAnna.
–Détends-toi,ditKellan,ilvavenir.
Mattserrasontéléphonedanssapaume,commesic’étaitlafautedesonportablesiGriffin
avaitdisparu.
–Ets’ilnevientpas,onfaitquoi?Onannuleouonjouesansbassiste?
Evansegrattalatêteetfitungesteendirectiondelascène,oùHoleshotétaitentraindejouer
unedernièrechanson.
–Davidaditqu’ilpouvaitjoueravecnoussiGriffinn’étaitpaslà.
–Ilconnaîtnoschansons,aumoins?demandaMatt.
–Iladitqu’ilferaitsemblant,réponditEvanenhaussantlesépaules.
–Semblant?Génial!
Aumomentoùj’allaisproposeràMattd’appeleràsaplacepourluiéviterdecasserson
portable,Griffinentradanslapièce.Enlevoyantarriver,Mattperditlepeudecalmequiluirestait
etluijetasonportableàlafigure.
–Tuétaisoù,bordel?
Griffinparvintàrattraperletéléphonedejustesse.
–J’aifaillimeleprendreenpleinetête!T’esmalade?
Annaapparutàsontouretelleétaitentouréed’uneauraquejeneluiavaisjamaisvue
auparavant,commesielleétaitcomplètementpaisibleetheureuse.Aumoins,voirqu’elleétait
toujoursenviem’apaisa,moiaussi,etjemejetaisurellepourlaprendredansmesbras.
–J’étaismorted’inquiétude,tuétaisoù?
ElleregardaGriffinquiluisourit,etc’estàcemoment-làquejeremarquaiqu’ilportaitun
anneauenoràlamain.J’attrapaiimmédiatementlamaindemasœuretvisqu’elleavaitunebague,
elleaussi.
–Sansrire!Vousvousêtesmariés?
EllesemitàrireetGriffinpassaunbrasautourdesesépaules.
–Oui!glapit-elleenlevantlamaingauche.
Lesgarçonslaregardèrentsansriendire,tropabasourdispourfaireuncommentaire.Saufque
moi,j’étaistropchoquéepourneriendire,aucontraire.
–Tut’esmariée?répétai-je.
–Oui,dit-elleenfaisantlamoue,visiblementdéçuedenosréactions.
–Aveclui?demandai-jeenmontrantsonnouveaumaridudoigt.
–Oui.
Elleserraitlesdentsàprésentetjedusvraimentprendresurmoipournepaslasecouercomme
unprunieretluicrierMaispourquoituasfaituntrucpareil?Kellans’approchaetlapritdansses
bras.
–Félicitations,Anna.
–Merci!dit-elleavecunpetitrire.
–Etàtoiaussi,j’imagine,dit-ilendonnantunetapedansledosdeGriffin.
Griffinlevalementonavecfierté.
–Merci.Onfêteramonenterrementdeviedegarçondanslaprochaineville.
MattetEvanfinirentparlesféliciteràleurtour,puisMattattrapaGriffinparlebras.
–Ilfautqu’onyaille.
Touslesgarçonsquittèrentlapièceetjemetournaiverselle.
–TuasépouséGriffin?
Ellemedonnaunetapesurlebras,sifortqu’unemarquerouges’imprimaimmédiatementsur
mapeau.
Tandisqu’ellemeracontaitsajournéesuperromantique,passéeàlamairiedeCharlottepour
essayerdesemarierenunaprès-midi,jesongeaisqueGriffinétaitofficiellementmonbeau-frère,
maintenant.Lesvacances,lesanniversaires,lesréunionsdefamille…ilseraitlàtoutletemps.Etsi
onavaitdesenfantsavecKellan,ilseraitleuroncle.TontonGriffin.Rienquel’idéemedonnaitdes
frissons.
Jeregardaileconcertdansunesortedebrouillard.MasœuravaitépouséGriffin.Suruncoup
detête.Parcequ’illuiavaitditqu’ellel’aimait.Etcequiétaitencorepire,c’étaitqueGriffin,leplus
groscoureurquej’avaisjamaisrencontré,avaitépousémasœur.Jen’auraisjamaiscruqueça
arriveraitunjour.C’étaitcommesilaTerres’étaitarrêtéepuisqu’elles’étaitmiseàtournerdans
l’autresens.Commentelleavaitfaitpoursemarieravantmoi?Nosparentsallaienthalluciner.Ou
peut-êtrepas.C’étaitlegenredetrucsquiarrivaitavecAnnaet,aprèstoutescesannées,ilsdevaient
avoirl’habitude.
J’avaisabsolumentbesoindepartagermonincrédulitéavecquelqu’unetj’envoyaiuntextoà
Denny.Devineunpeuquiapétélesplombscetaprès-midietadécidédedevenirofficiellement
madameGriffinJe-suis-un-abruti?
Saréponsenesefitpasattendre.AnnaaépouséGriffin?Sérieux?Waouh.Tonpèrevase
jeterparlafenêtre.
Jerisenlisantsaréaction.Onétaitvraimentpareils,luietmoi.
21
C’estl’heuredefairelafête
Quelquesjoursaprèslemariageimprovisédemasœur,latournéepassaitparWashingtonD.C.
etunegrandepartiedelamatinéefutemployéeàexplorerlavilleaveclesautres.Jen’arrivaispasà
croirequelacapitaledenotrenationsoitaussichargéeenhistoire:ilyavaitdesmonumentsetdes
symbolesabsolumentpartoutetj’avaisl’impressiond’êtredansundocumentaire.Celamedonna
enviedereveniravecKellanpourprendreletempsdevraimenttoutvisiter.
Puisonrentrasereposerunpeuavantleconcert.Dansl’après-midi,alorsqueKellanétaiten
traind’écrirelesparolesd’unenouvellechansondansundesescarnets,jeterminaienfinmonlivre.
JetapaiFin,sauvegardailedocumentpuistendislamainpourattrapercelledeKellan.Jemesentais
vraimentsoulagéeenmelaissantallercontreledossierdemachaise:çafaisaitdubiend’avoir
réussiàsortirtoutçadematêteetd’avoirfinid’écriretoutcequej’avaisàraconter,etKellan
remarquamonexpression.
–Tuasfini?Çayest,jepeuxlelire?
J’hésitai,puisjefispivoterl’ordinateurverslui.Ilyavaitcertainspassagesquin’allaientpas
luiplaire,beaucoupmême,maisj’avaispromisquejelelaisseraislelireetjesavaisqu’ilenavait
envie.Ilposasonstyloetseredressalentementenmeregardantdroitdanslesyeux,conscientdela
confiancequejeluitémoignaisenlelaissantliremespenséeslesplusprofondes.
Quandilposalesyeuxsurl’écran,unmélangehorribledepeuretdestressmeretourna
l’estomacetj’eussoudainenvied’êtren’importeoùsaufdanscebus.J’auraispréféréadmettreque
j’étaislapetiteamiedeKellandevantunparterredejournalistesplutôtquedeleregarderliremon
roman.
Jefinisparmeleveretilmeregardacurieusement.
–Désolée,jesuisincapablederesterassiselàpendantquetulis,expliquai-jeentremblant
légèrement.
Jeregardailebusvidesanssavoiroùaller.Toutlemondeétaitparti:certainsétaientàl’hôtel,
d’autresvisitaientlaville,etAnnaétaitpartiefairelesboutiquesavecGriffin.Elleétaitentrainde
transformerlefonddubusencrèchecequimefitmedemandersielleallaitvraimentfairelatournée
jusqu’àcequ’elleaccouche.
Kellancommençaàbaisserl’écranpourfermerl’ordinateur.
–Siçategêne,jenesuispasobligédelelire.
–Non,jeveuxquetulelises.Maisjepensequejenepeuxpasteregarderfaire.
Ilrouvritl’ordinateuretjemedirigeaiverslescouchettespourempruntersonDiscmanet
écouterunpeudemusique.Ilyavaitquelquesfanssurleparking,etenregardantparlafenêtredu
bus,jevisqu’ilscommençaientàs’agiter,àcrieretàsortirleursappareilsphoto.Onauraitditune
hordedehyènes,saufquej’ignoraiscomplètementpourquelleraisonilsétaientdanscetétat-là.
Àcemoment-là,quelqu’unfrappaàlaportedubusetonsetournatouslesdeuxverslaporte.
Quiçapouvaitêtre?Unagentdesécurité?Untechnicien?Touslesautresétaientpartisetjesavais
qu’aucund’entreeuxn’auraitfrappéenrevenant.Enfin,àpartGriffin,peut-être:ilcontinuaità
frappersystématiquementquandilsavaitqu’onétaitdansunepièceavecKellan.Jenesavaispass’il
lefaisaitpourêtrerespectueuxoupoursepayernotretête,maisdanstouslescas,çam’allaitbien.
Kellansedirigeaverslaportetandisquejejetaisdenouveauunœildehors,etjelevailesyeux
auciel.Sienna.Biensûr,quid’autrepouvaitdéclencherunefrénésiepareille?
–Sienna?demandaKellanenouvrantlaporte.Qu’est-cequetuviensfairelà?
Cen’étaitvraimentpasdansseshabitudesdevenirnousembêterjusquedansnotrebus.
–Jepeuxentrer?demanda-t-elleavecunsourirecharmeur.
Ilreculad’unpasetl’invitaàentrerd’ungeste,etellemarquaunepauseenpassantdevantlui.
–Merci,murmura-t-elleenbattantdescils.
Ilrestaimpassibleenrefermantlaportesurlafoulederegardscurieuxetlesfanssemirentà
leurcrierdesquestionsavantqu’ilnerefermelaportecomplètement.Vousêtesensembledepuis
longtemps?Vousallezvousmarier?Onvousadore!Kell-Sexforever!Enentendantça,jenepus
m’empêcherdeleverlesyeuxauciel.J’avaisvraimentdumalàcomprendrecommentunerelation
imaginaireétaitdevenueuntelsujetd’obsessionpourautantdegens.
Siennaarrivadanslecoindétentedubusetmesouritjoyeusementcommesitoutétaitnormal.
–Salut,Kiera!Jesuiscontentedetevoir.
–Salut.Moiaussi,répondis-jesanslepenservraiment.
–Qu’est-cequetuveux?demandaKellan.
Ilavaitl’airdepenserqu’ellevoulaitquelquechoseetj’avouequemoiaussi,maisavectoutes
lesphotosquivenaientd’êtreprises,peut-êtrequ’elleavaitdéjàcequ’ellevoulait.
Ellesetournaversluietluisourit,faussementtimide.
–C’estinterditdepasservoirsesamis?Engénéral,j’ail’habituded’avoirdumondeautourde
moietlà,aveclatournée,iln’yaquemesgardesducorpsavecmoidanslebus.Niveaucompagnie,
cen’estpasgénial.Çavousdiraitdevousinstallerdansmonbuspourlaprochaineétape?
Kellanouvritlabouchepourrépondremaisjefusplusrapidequelui.
–C’estgentilmaisçavaaller.Onestbieninstallésici.
IlnemanquaitplusqueKellanpartageunbusavecellepourquetouslesjournauxàscandalela
déclarentenceintedanslestroisjours.Ellefitlamoue,déçue.
–Commevousvoudrez.Maissivouschangezd’avis,voussavezoùmetrouver.Monbusest
vraimentplussympaquecelui-ci.
Kellanpassaàcôtéd’elleets’emparademonordisurlatable.
–J’aimeraisallermereposerunpeuavantleconcert,j’espèrequeçatenedérangepas.
Ellesecoualatêteetilsetournaversmoi.
–Çavaaller?
IlfitunpetitsignedansladirectiondeSiennaetjesusqueçavoulaitdireÇavaallersijete
laisseseuleavecelle?Jehochailatêteeteffleurail’ordinateurduboutdesdoigts.
–Jesuisunpeuinquiète,c’esttout.
Ilm’embrassasurlajoueetamenasaboucheprèsdemonoreille.
–Çanechangerarienàcequejeressenspourtoi.
Sonsoufflesurmapeaumedonnalachairdepoule.
Ils’éloignaverslefonddubusetjevisqueSiennaleregardaitavecunpetitsourire.
–C’étaitbizarre,non?demandai-je.
–Dequoi,chérie?demanda-t-elleenarrêtantderegarderlesfessesdeKellan.
Jetentaideluisourireaussisincèrementquepossible,maisj’étaissûrequ’ilétaitévidentque
jemeforçais.
–Touscesphotographesquandonestarrivésdevantlaboîte.
–Pasvraiment.C’estcommes’ilsmesuivaientàlatraceàlongueurdetemps,jepeuxàpeine
allerauxtoilettestranquille.Jesuisunpeujalousequandjevousvoisalleretveniraussifacilement.
Tasœurestaucentrecommercialcetaprès-midi,pasvrai?
Jehochailatêteetellesoupira.
–Jenepeuxmêmepasmettrelespiedsdansuneboutiquesansprovoquerunmouvementde
foule.
Jesongeaiàsavie,etautournantquecelledeKellanétaitentraindeprendre.
–Tupourraistoutabandonner.Partirdansuncointranquille.
Elleritenjouantavecunemèchedecheveux.
–Abandonnerlascène?Jepourrais,c’estsûr,maisàquoiçasertdevivresic’estpournepas
fairecequinousrendleplusheureux?Mêmesicen’estpastoujoursfacile,lesavantagessontplus
nombreuxquelesinconvénients.Jesuisausommetetjenechangeraisçapourrienaumonde.Jesuis
trèsbiencommeça.
Sesyeuxglissèrentverslefonddubusetjemedisqu’ilyavaitaumoinsunechosequ’elle
changeraitsiellelepouvait:ceseraitd’avoirKellanàcôtéd’ellependantqu’ellegouverneraitle
monde.
Ellerestaunebonneheureavecmoi,maisenvoyantqueKellanneréapparaissaitpas,ellefinit
parfroncerlessourcils,etjenesavaispassic’étaitparcequ’elleétaitdéçueouparcequ’elle
s’ennuyait.
–Jevaisyaller,finit-ellepardire.Àtoutàl’heure.
ElleavaitparléassezfortpourqueKellanl’entende,maisilneréponditpasetellequittalebus
latêtehaute.
Aprèssondépart,lacuriositél’emportaetjedécidaid’allervoirKellan.J’écartailerideaudu
dortoiretvisquelerideaudenotrecouchetteétaitouvertetlalumièreallumée.Kellanétaitallongé
surlecôté,lesyeuxrivéssurl’écrandel’ordinateur,etilavaitl’airhyperconcentré.
–Siennaestpartie,murmurai-jeenarrivantàcôtédelui.
Ilsursauta,surpris.
–Jenet’aipasentenduerentrer.Tum’asfoutuunedecestrouilles.
Jesouris,m’assisauborddulitetmontrail’ordinateurenmemordantlalèvre.
–Tumedétestes?demandai-jeàvoixbasse.
Ilmeregardapendantunlongmoment,impassible,etjen’avaisaucuneidéedecequ’ilpensait.
Est-cequ’ilavaitlulespassagesoùjeparlaisdemessentimentspourDenny?Oulesscènes
d’amour?Jen’auraispasdûlelaisserlirelaversionintégrale.Çametuaitdenepassavoircequi
luipassaitparlatêtemaisjenevoulaispaslebrusquer,alorsjerestailààattendre.Quandenfinil
soupiraetqu’ilrabattitl’écran,jemepréparaiaupire,etilchangeadeplacepourvenirs’asseoir
avecmoiauborddulit.
–Jesuisvraimentdésolé,murmura-t-ild’unairtriste.Pourtoutelapeinequejet’aifaite.
–Quetum’asfaite?C’estmoiquiaiétéhorrible.
–Jen’ensuispasencoreàcemoment-làdel’histoire.J’ensuisencoreaumomentoùjesuisun
connard.
Jesourisetluidonnaiunpetitcoupd’épaule.
–J’aimebiença,parfois,quandtuesunconnard.
Ilsourit,lesyeuxfixésausol.
–Jem’ensouviendrai.Maisjesuissérieux:jesuisvraimentdésolé.J’auraisdûêtrehonnête
avectoi.J’avaisenviedetedirecequejeressentais,mais…c’étaittropduretjen’yarrivaispas.
–Jesais.Ettun’aspasàt’excuser.Cequej’aifait,c’estcentfoispire,etj’aibeaum’excuser,
jesaisqueçanesuffitpas.
Ilneréponditpasetsecontentademesouriretristementenessuyantunelarmesurmajoue.
–JesuisdésoléepourlesscènesavecDenny.Jen’auraispasdûtelaisserlireça.
–C’estbon,jecomprends.Avantdecommenceràlire,jesavaistrèsbienqu’unehistoiresurtoi
etmoidébuteraitparunehistoiresurtoietlui.Ilaoccupéuneplaceimportantedanstavie,tuasun
passéetc’estnormal.C’estcequiafaitdetoilafemmequetuesetc’estpourçaquejesuistombé
amoureuxdetoi.Enfin,celadit,j’aizappécertainspassages,avoua-t-ilenriant,j’espèrequetune
m’enveuxpas.
Jesecouailatêteetleprisdansmesbras.Biensûrquenon,jeneluienvoulaispas.J’enfouis
matêtedanssoncoupourlaisseréchapperquelqueslarmesdeculpabilitéetderemordspuis,une
foispluscalme,jel’embrassaidanslecou.
–Jet’aime,tusais?
Ilmeserracontreluietmefrottaledos.
–Jesaisquetuaimesmescheveux.
Jem’écartaipourleregarderetvisqu’ilavaitleplusgrandmalàdissimulerunsourireamusé.
–Jeveuxdire,tuaimesvraimentbeaucoupmescheveux.Oncroiraitpresquetuesobsédée.Ah,
etmesabdosaussi.Onpeuttracerlescontoursaumarqueur,situveux?Ouavecdelacrème
Chantilly,ceseraitplusdrôle.
Jelepoussaietmelevai.Abruti.Ilm’attrapaparlatailleetm’attirasursesgenouxetjerisen
basculantdanssesbras.
–Seulementsitufaispareilsurmoi.
Ilmemitàcalifourchonsurluietsesyeuxsemirentàbrillerd’excitation.
–Çamarche,dit-ilavantdem’embrasser.
Puisilaventurasesdoigtssousmontee-shirtetjelessentisdansersurmapeau,mechatouillant
etmecaressantàlafois,etjeregrettaiqu’onnepuissepassesauverdansunechambred’hôtel.
–Tiens,j’aidéjàvuçaquelquepart…ditunevoixderrièremoi.
Jem’écartaideKellanetregardaiquiétaitlà.Çanemeterrifiaitplusautantqu’avantdeme
fairesurprendremaisçanevoulaitpasdirequej’aimaisça.Maisquandjevisquiétaitlà,lechoc
l’emportasurtoutlereste.
–Jenny?
Ellesemitàrireensautillantsurplace.
–Surprise!
JepoussaiuncrietsautaidesgenouxdeKellanpourlaprendredansmesbras,leslarmesaux
yeux.Çanefaisaitquedeuxmoisqu’onnes’étaitpasvuesmaisj’avaisl’impressionqueçafaisait
uneéternité.
–Kate?Rachel?Cheyenne?dis-jesoudainenvoyantquiétaitderrièreelle.
C’étaitcomplètementsurréalistedevoirtoutesmesamiesdeSeattleàWashington.Jennyriten
voyantmatêtetandisquemonregardallaitdel’uneàl’autre,etKellanregardaitlascèneensouriant
commes’ilétaitaucourantdetout.
–Ilsepassequoi?
GriffinetAnnarentraienttoutjustedeleurexpéditionaucentrecommercialetAnnaétaitjuste
derrièreCheyenne,joyeuse.Griffindisparaissaitsouslessacsetils’effondrasurunechaise,laissant
touttomberautourdelui,etdeuxpetitsbodysdebébédépassèrentd’unsac.
AnnapassaunbrasautourdeRacheletmetenditl’uniquechosequ’elleportait:unsacen
plastiquenoir.Unpeunerveuse,jem’enemparaietregardaiàl’intérieur:ilyavaittoutuntasde
chosesàl’intérieur,maiscequiretintmonattentionfutunénormepénisquiavaitl’airdeme
regarder.JerefermailesacetmetournaiversKellan.
–Sérieusement,ilsepassequoi?
Ilritetpassaunbrasautourdemoi.
–Étantdonnéqu’onsemarieofficiellementlemoisprochainetqu’AnnaetGriffinviennentde
fairelegrandsaut,onadécidédefêterça,dit-ilenpointantdudoigtAnnaetlui-même.
–Doubleenterrementdeviedejeunefille,Kiera!criaAnnaensautillantsurplace.
Jelesregardaichacuneleurtour,souslechoc.Ellesavaienttraversétoutlepaysenétant
prévenuesàladernièreminute,justepourça?Enfin,etaussipourvoirleurscopains,danslecasde
JennyetRachel.JelespristoutesdansmesbraspuisretournaiprèsdeKellan.
–C’esttoiquiasorganiséça?
Ilhaussalesépaulesensouriant.
–Onadesviesdedingue,etilfautsavoirfaireunepausepourapprécierlesbonsmoments,
parfois.Autrement,toutça,çanevautpaslecoup.Etunmariageavectoi,çarentredéfinitivement
danslacatégoriedesbonsmoments.
JesentisleslarmesmemonterauxyeuxetentendisKatelaisseréchapperunsoupirrêveur.Puis
Griffinvintinterromprenotremomentromantiqueenfaisantcequ’ilfaisaitlemieux:ouvrirson
clapet.
–Etpendantquevousserezentraindebaversurdesmecs,nous,onseraentourésdefillesà
moitiéàpoil.
AnnaluidonnauncoupdansleventreenriantetjeregardaiKellan,quisecoualatête.
–Onvajustedansunbaraprèsleconcert,cesoir.
–J’aiditquejevoulaisunclubdestrip-tease,ditGriffinenfaisantlamoue.
–Etmoi,j’aiditquejevoulaisunbar.Maissituveuxvraimentunbaràstrip-tease,tupeux
toujoursyallertoutseul.Perso,jen’aipasl’intentiondefêtermonmariageenmefrottantàdesfilles
couvertesdepaillettes.
Griffinlevalesyeuxaucieletimitalebruitd’unfouetquiclaquedansl’air,etKellanse
contentadeluisourire.
–Etnous,onvafairequoiexactement?demandai-jeàAnna.
–Net’enfaispaspourça.Toutestsouscontrôle.
Quelquesheuresplustard,jemeregardaisdanslaglaceenmedemandantsij’avaisenvie
d’embrassermasœuroudelabuter.Elleavaiteulagrandeidéedenousfairehabilleràl’identique,
àmi-cheminentreunefilled’unevidéodeRobertPalmeretunpersonnagedesMuppets.Onportait
toutesunepetiterobeàmancheslongues,JennyetAnnanousavaientmaquilléesavecdurougeà
lèvresrougeetdel’ombreàpaupièressombre,etCheyenneetKateavaientramenénoscheveuxen
arrièreenunequeue-de-chevalsophistiquée.Jecrusqu’onallaits’enteniraustyle«Addictedto
Love»,maisj’auraisdûsavoirquecen’étaitpasassezexcentriquepourmasœur:unefoisqu’onfut
prêtes,ellenousassénalecoupdegrâce,unassortimentdeperruquesdetouteslescouleurs.
Annavintmerejoindrealorsquejepassaislesdoigtsdansmaperruqueroseetellesemitàrire
souslamassebleueélectriquequirecouvraitsatête.
–Onenvoiedulourd.
Jemetournaiversellepourl’examiner:mêmeavecunventreassezgrospourcontenirdeux
bébés,ellearrivaitàêtrecanon,etj’étaissûrequ’elleallaitsefairedraguer.
–Jemesenscomplètementridicule.
–Arrêteunpeu,tuesmagnifique.
–Ilfautvraimentquejeporteça?Kellanaeusonmotàdirepoursasoirée,alorsjepeuxen
faireautant,non?
–Non,répondit-elleensouriant.
Jefislagrimaceetelleseregardadanslemiroirdelasalledebains.
–Cesoir,tun’espasKiera.
Ellesepenchapourquenosvisagessoienttoutprêtsl’undel’autreet,pourlapremièrefois,je
remarquaiqu’enfaitonseressemblaitbeaucoup.
–Cesoir,tuesKiki,déessedusexe!
Jegrognaipuisjememisàrire.Pourquoipas,aprèstout?Çameferaitdesvacancesdeme
mettredanslapeaud’uneautrepourunesoirée.
–C’estbon,tuasgagné.
Ellemedonnaunetapesurlesfessesavantdequitterlapièce.
–Commed’habitude,Kiki.
Unefoisprêtes,onallarejoindrelesgarçons,etGriffinsifflaennousvoyant.Mattrougit,Evan
souritdetoutessesdents,etàvoirlatêtedeKellan,ilavaitl’aird’aimercequ’ilvoyait.
Jennyallasependreaucoud’Evanavecsaperruqued’unvertaciduléetl’embrassasurlajoue,
luilaissantunegrossemarquederougeàlèvres.Rachelportaituneperruquejaunecanarietplaqua
unemainsursabouchepourétoufferunriregênéquandMattlapritdanssesbras.Aumoins,je
n’étaispaslaseuleàmesentirmalàl’aise.Katearrangeasescheveuxvioletsensouriantet
Cheyenne,dontlaperruquerougeécarlatemerappelaitlescheveuxdeMeadow,medonnaunetape
surl’épauletandisqueKellanselevaitpourm’accueillir.
–Jesensquejevaisavoirdumalàmeconcentrerpendantleconcert,grogna-t-ilàvoixbasse.
Tuescanon.
–Merci,dis-jeendépitdemonenviedelecontredire.
Ilsouritavecfiertéenvoyantl’assurancedontjefaisaispreuve,etilsepenchasurmoipendant
quemesamiesdisaientaurevoiretrassemblaientleursaffaires.
–Tugardeslaperruque?
Iljouaavecuneboucleroseensemordantlalèvre,etenvoyantlefeuetlapassiondansses
yeux,jen’eusplusenvied’allernullepartexceptédansunechambred’hôtelaveclui.
–C’estleseultrucquej’aiprévudegardertoutàl’heure.
Ilgrogna,mepritparlatailleetinterpellalesautres.
–Lesmecs,changementdeprogramme,onannuleleconcertdecesoir.
LevisagedeMatts’illumina,EvanpoussauncridejoieetattiraJennysursesgenoux,etGriffin
pinçalesfessesdemasœur.
–Grave!Tropbien,s’exclama-t-il.
–Biententé,maistusaisqueçanemarchepascommeça,dis-jeàKellanensouriant.
–Jesais,maisonpeuttoujoursrêver.
Ilsoupiraetjel’embrassaisurlajoue,puisjemaugréaienvoyantAnnas’emparerdusacen
plastiquenoir.Ellenoustenditàchacuneuncollieretdessucettesenformedepénisetunboaqui
allaitavecnosperruques.Naturellement,ilyavaitdespetitspénisenplastiquecoususentreles
plumes.Onallaittoutespasserpourdesfollesassoifféesdesexe…
Onsortittoutesdubusetunelimousinenoirearrivasurleparkingàcemoment-là.
–Ilfautqu’onyaille,meditKellantandisquelesgarçonssedirigeaientverslescoulisses.Je
vousailouéunelimousinepourlasoiréepourquevoussoyeztranquilles.Amuse-toibien,tuenas
besoin.
–Merci.Amusez-vousbienaussi.
Ilallaits’éloignermaisjel’attrapaiparlebras.
–Aufait…situveuxvraimentallerdansunclubdestrip-tease,çanemedérangepas.J’ai
confianceentoi.
Jen’étaispasravieàcetteidée,maisj’avaisassezconfianceenluipoursavoirqu’ilneferait
rienderrièremondosqu’ilneferaitenmaprésence.
–Çamefaitplaisirquetudisesça.Maisjen’enaipasvraimentenvie,detoutefaçon.Etpuis,
çanem’ajamaisparticulièrementattiré.
Jevoulaisbienlecroire:iln’avaitjamaiseubesoindepayerpourquedesfillessejettentsur
lui.Pourça,illuisuffisaitd’organiserunesoiréechezlui.
Onsedirigeaverslalimousineaveclesfilles,moiaumilieu,latêtebassesousmaperruque
rose.LechauffeurnousouvritlaportièreetAnnaéchangeaquelquesmotsavecluiavantdenous
rejoindreàl’intérieur.Enrepensantàcequis’étaitpasséquandonétaitallésauPoison,jeregardai
derrièremoi,nerveuseàl’idéequequelqu’unnoussuive,maisAnnamedonnaunpetitcoupdansles
côtes.
–Détends-toi,Kiki.
–Tuasraison.Allez,allonsnousamuserunpeu.
Suivantlesdirectivesdemasœur,lechauffeurnousconduisitd’abordaurestaurant,etmêmesi
j’avaisl’impressiond’êtrelareinedesidiotesenrentrantàl’intérieur,j’étaisraviequ’onaille
d’abordmangerquelquechose,jemouraisdefaim.
L’ambiancedanslerestoétaitunpeuchaotique,etjetrouvaiqu’onsefondaitplutôtbiendansle
décor,enfait,mêmesitouslesclientsnousdévisageaient.Jesuivismasœuràl’étageenessayant
d’ignorerleursregardsetonallatoutess’installerdansunbox,avecJenny,KateetRacheld’uncôté
etCheyenne,Annaetmoidel’autre.Unserveurarrivaquelquessecondesplustard.
–Bonsoir,jem’appelleGabeetc’estmoiquivaism’occuperdevotretablecesoir.
Enterrementdeviedejeunefille?demanda-t-ilenpointantnosserpentsd’unairamusé.
Jeretiraimonboaetleposaisurmesgenoux.C’étaitunrestaurantfamilialalorscen’étaitpeut-
êtrepasunesuperidéedeporterça.Enchemin,déjà,j’avaisréussiàconvaincremasœurderetirer
soncollieretdemepromettredenepassortirsasucetteici.
EllepassaunbrasautourdemoietsouritàGabe.
–Enpleindanslemille!
–Félicitations,dit-ilenposantsonregardbleusurmoi.
Bizarrement,j’eusl’impressionqu’ilmedévisageait.Ilmemataitouquoi?
–Merci,murmurai-je.Onfêtesonmariage,àelleaussi,dis-jeenmetournantversAnna.Jen’en
revienstoujourspasquetuaiesépouséGriffin.
–Tuvasmelâcher,unpeu?Tuespirequepapa.
Jefusobligéederire.J’étaispresquesûrequemonpèren’étaitpasaucourant,etd’ailleurs,il
nesavaitsûrementmêmepasqu’ellen’étaitpasàSeattle.
–Vousêtessœurs?demanda-t-ilensouriant.
Puisilsouritàchacune,avantdeseconcentrerdenouveausurmoi.
–J’aiexactementcequ’ilvousfaut.Cocktailsurprise?
Ilmefitunclind’œiletjemefigeai.Ilétaitvraimententraindemedraguer.
–Euh,non,c’estbon,onvousfaitconfiance.
–Sansalcoolpourmoi,enrevanche,d’accord?
EllesefrottaleventreetGabedétournaleregarduninstant.Ilhochalatêteetsetournavers
moi,unefoisdeplus.
–Pasdeproblème.Nebougezpas,jerevienstoutdesuite.
Dèsqu’ilfutparti,touteslesfillessetournèrentversmoi.
–Ilétaitgraveentraindetedraguer!s’exclamaJenny.
Jem’enfonçaidansmonsiègeetjouaiavecunemèchedemaperruque.
–N’importequoi.
Maisjesavaisqu’elleavaitraisonetjememisàrire,incapabledegardermonsérieux.
MalheureusementpourGabe,jen’étaispascélibataire.J’étaismêmesurlepointd’épousermon
amourderockstar,dontlabeautéextérieuren’étaitriencomparéeàsabeautéintérieure.Jedoutais
qu’onpuissefaireplusparfaitetjemesentisvraimentchanceuse.
Gaberevintquelquesminutesplustardavecdesverresénormesremplisd’unliquidefruitéet
fortquimefitgrimaceraprèslapremièregorgée.
–Avecça,vousdevriezêtred’attaquepourlasoirée,ditGabeenmefaisantunclind’œil.
Jeleremerciaipuisjecommandaidesbâtonnetsdepoulet.Sijamaisc’étaitlegenrede
cocktailsqu’onallaitboirecesoir,j’avaisintérêtànepasavoirl’estomacvide…
Gabecontinuaàflirteravecmoipendanttoutlerepasetlesfillespassèrentleurtempsàse
moquerdemoi.Ilétaitmignonetj’étaisflattée,maisjen’étaisvraimentpasintéressée.Àlafindu
repas,j’ouvrisdesyeuxrondsenvoyantqu’ilavaitinscritsonnumérodeportablesurl’addition
qu’ilmetendait.
–Aucasoùçanemarcheraitpas…dit-ilenhaussantlesépaules.
–Euh,merci.Maisjepensevraimentqueçavalefaire.
Ilavaitl’airdémoraliséquandjemelevaipourpartir,etj’avaistellementl’habitudedevoir
cetteexpressionsurlesvisagesdesfansdeKellanquec’étaitbizarredemedirequec’étaitmoiqui
enétaislacause.Enmontrantlereçuàmasœurunefoisdehors,jerepensaiaujeuauquelKellanet
lesgarçonsjouaientquandilssortaientetjesongeaiquesionavaitjoué,çaauraitétémoila
gagnante.L’idéemefitrireetjeprisunephotoduboutdepapierpourl’envoyeràKellan,avecles
motsJ’aigagné!J’espéraiqu’iltrouveraitçadrôleetqu’ilnes’inquiéteraitpasdecequej’étaisen
traindefaire.Aprèstout,sijeluifaisaisconfianceconcernantlesstrip-teaseuses,ilfallaitqu’ilme
fasseconfiance,luiaussi.
Ilneréponditpasàmonmessagemaisçan’avaitriend’étonnant:ildevaitencoreêtresur
scène.C’étaitdrôledenepasêtrelàpourl’entendrechantermaisjepassaisvraimentunbon
moment.Jenesavaispasoùondevaitallerensuite,maislecocktaildeGabeétaitentraindefaire
soneffetetçam’étaitégal.Quandlechauffeurdenotrelimousinenousouvritlaportière,Annalui
donnaunbisousurlajouequilefitrougir,etjel’embrassaisurl’autre.
Naturellement,onallaensuitedansunclubdestrip-tease,etjefronçailessourcilsenarrivant
surleparkingetenvoyantlesnéonsrosesenformedejambesàl’entrée.Leclubs’appelaitlePole
Palace,etrienquelenommefitgrimacer.
–Çanem’intéressevraimentpasd’allervoirdesfillesàmoitiénuessefrotteràdeshommes
mariés.
Annapoussaunsoupirexaspéré.
–Ettongoûtpourl’aventure,alors,Kiki?Çavateplaire,crois-moi.
Jen’étaispascertainededevoirlacroireetjesortisdelalimousined’unpashésitant.
–Sivousmevoyezsortirencourant,dis-jeauchauffeur,ramenez-moitoutdesuiteàlamaison,
d’accord?
–Biensûr…Kiki,dit-ilpolimentavecunsourire.
Denouveauparéesdenosboas,onserassembladevantl’entrée.Çan’avaitpasl’airde
dérangerJennyetKated’êtrelàetCheyenne,elle,souriaitcarrément.Ellescontrastaientavec
Rachel,quiavaitunairaussidubitatifquelemien.Soudain,jevisunepancarteposéesurunchevalet
prèsdelaporte.Ladiesnight!Venezvoirlesmecslesplussexydelaville!J’auraisdûm’en
douter…
Pouruneraisonquelconque,jemesentisunpeumieuxensachantqu’onallaitvoirdesmecsse
frotteràdesfemmesmariées.Jetrouvaisçaplusinnocent,mêmesijemesentaisquandmêmehyper
gênée,d’autantquej’étaisfagotéecommeunepoupéeBratz.
–Tuplaisantes,Anna?
–Non,dit-elleavecungrandsourireavantdesetournerverslevideur.
Jenny,KateetCheyennelasuivirentenriantetonéchangeaunregardmortifiéavecRachel
avantdenousdécideràleuremboîterlepas.Leclubétaitremplidefemmesdetouslesâgesqui
sifflaientetcriaientenregardantlesétalonsluisantsd’huilesurscène,etvoirceshommesondulerdu
bassinetdonnerdescoupsdehancheclairementévocateursmemitunpeumalàl’aise.
J’attrapaiAnnaparlebrasenmedemandantsiKellanseraitvraimentd’accord,étantdonné
qu’onn’avaitpasparlédelapossibilitéquemoij’ailledansunbaràstrip-tease.
–Kellanetlesgarçons…tuessûrequeçaneleurposeraitpasdeproblème?demandai-jeen
montrantdudoigtdesserveursentraindeposerpourdesphotosavecdesclientesplusqu’amicales.
–Absolumentsûre,crois-moi.
Maisjen’étaispasconvaincueetjemesentisunpeucoupabled’êtrelà.Jen’allaisrienfairedu
toutaveccestasdemuscles,biensûr,maisKellannesavaitpasquej’étaislàetjetrouvaisça
malhonnête.Jesortismonportablepourl’appelermaisAnnadevinacequej’allaisfaireetelle
s’emparademontéléphone.
–Jeluiaiditoùonallait,Kiera,etçaneluiposeaucunproblème.C’estmêmeluiquiatrouvé
leclub.
Jefussurprise,maislàencore,j’auraisdûm’endouter.Ilvoulaitquejem’amuseavecmes
amies,etàenjugerparleursricanements,lesfemmesiciavaientvraimentl’airdebiens’amuser.Et
surtout,Kellanadoraitmemettremalàl’aise,etc’étaittoutàfaitl’effetquecestyled’endroitavait
surmoi.
Jefinisparrireetparmerésoudreàpasserunbonmomentavecmesamies.Annanousfit
prendreplaceàunetableprèsdelascène,etauboutdedeuxverres,jecriaisaussifortquelereste
desfemmesdanslepublic.Lesdanseursétaientamusants,etjedevaisavouerqu’ilsétaientsuper
sexy.Cequejepréférais,c’étaientleurscostumes:pourlemoment,onavaiteudroitàunpompier,
unpolicieretunouvrier,etjeriaissanspouvoirm’arrêter.
Àunmoment,unnouveaudanseurdéguiséencow-boyarrivasurscène.Ilavaitunbandanaqui
luicouvraitlebasduvisagecommesic’étaitunbanditetunchapeaudecow-boyquiluicouvraitles
yeux.Ilavaitunemainquitenaitsonchapeauetsonautrebraspendaitlelongducorps.Ilportaitun
débardeursansrienendessousetsesmusclesbrillaientcommes’ilétaitcouvertd’huile.Commetout
cow-boyquiserespecte,ilportaitdesjambièresencuir,avecendessousunboxerenlycraet…rien
d’autre.Ilétaitcanonetunfrissonparcourutlepublic.Rienquelafaçondontilsetenaitenattendant
quelamusiquedémarreétaitséduisante,etj’eusl’impressionqu’iln’auraitpasdemalàmettre
l’ambiance.
LespremièresmesuresretentirentetjereconnustoutdesuiteunechansondeRihanna.Uninstant
plustard,lecow-boyrelevalatêtepourbalayerlasalleduregardetjecrachailagorgéedecocktail
quej’avaisdanslabouche.
–Putaindemerde!
Jenny,Kate,CheyenneetRachelsetournèrenttoutesversmoienmêmetempscommesij’étais
devenuecomplètementcingléependantqu’Annasetenaitlescôtes,mortederire.
J’étaisincapablederépondreauxregardsinterrogateursdemesamies,tropperturbéeparle
regardd’unbleuprofondquejevenaisdereconnaître.Tandisqu’ilcommençaitàondulerdes
hanchessouslescrisapprobateursdupublic,sesyeuxserivèrentauxmiens,etmêmesijene
pouvaispasvoirsabouche,jesavaisqu’ilmesouriait.J’avaisenviedem’enfoncersousterre,mais
jenepouvaispaslequitterdesyeux.Qu’est-cequeKellanfichaitlà,àdanserdansunbaràstrip-
tease?
Puisilsemitàdanseretj’arrêtaidemeposerdesquestions.C’étaituncharmeur-né,etc’était
complètementenivrantdeleregarderbougersurscènedevantunpublicaussisubjuguéqueceluiqui
venaitassisterauxconcerts.Ilsemitàparcourirlascèneavantdevenirseplanterdevantnotretable
etderetirersondébardeur.Moncœurbattaitàmilleàl’heureetquandilmebalançaleboutdetissu,
jefaillisnepaslerattrapertellementj’étaisperturbée.Lesfemmesautourdemoisemirentàhurler
envoyantsontorse,etendécouvrantsontatouage,lesfillessetournèrentversmoiavecdesyeux
écarquillés.
–C’est…?commençaJennysansfinirsaphraseparpeurquequelqu’und’autrenousentende.
Detoutefaçon,ellen’avaitpasbesoindediresonnom:onsavaittoutesdequielleparlait,et
quandjehochaifaiblementlatêtepourluidirequeoui,c’étaitbienKellanquiétaitlàentrainde
tortillerdesfesses,ellessemirenttoutesàrireetAnnasifflaànousenpercerlestympans.
ToutcommequandilétaitsurscèneaveclesD-Bags,Kellans’approprialascèneetséduisitle
public.Illaissaitlesfillesletouchermaisreculaitdèsqu’ellesdevenaienttroppressantes.Lafaçon
dontilsecaressaitillustraitsûrementlamanièredontlesfemmesdanslepublicauraientaiméle
caresser,etàlamoitiédelachanson,ilarrachasesjambières,cequidéclenchauntonnerre
d’applaudissements.J’enfouismonvisagedansmesmains,àlafoisexcitéeetmortedehonte.
J’arrivaisàpeineàcroirequ’ilétaitentraindefaireça,maisçan’auraitpasdûmesurprendre:
c’étaitexactementgenredetrucsqu’ilétaitprêtàfaire.
Verslafindelachanson,ilavançadansmadirection,désormaisuniquementvêtudesesbottes,
sonboxer,sonbandanaetsonchapeau,etjeretinsmonsouffletoutenpriantintérieurementpour
qu’ilpuissegarderlecostume.Ilsautaàbasdelascèneetatterritpileàcôtédenotretable.Avant
quequiconqueaiteuletempsdesejetersurlui,ilmepritparlamainetmefitmelever.Lesautres
clientesprotestèrentmaisilfinitsonnuméroensoulevantmajambeetl’enroulantautourdelui.Mon
corpsépousainstinctivementlesienetl’espaced’uninstant,j’oubliaiqu’onétaitlecentrede
l’attention.Unefoislachansonterminée,ilmefitbasculerenarrière,etquandilmereleva,son
visagen’étaitqu’àquelquesmillimètresdumien.Sonbandanasesoulevaitrapidement,signequesa
respirationétaitaussiagitéequelamienne.Sansplusaccorderd’importanceauxgensautourdenous,
jel’embrassaiàtraversletissuetjesentissesmainsmecaresserlesfesses.
Lafoulesemitàhurleretjem’écartaideluiàcontre-cœur.
–Tuferaismieuxdenepastropm’exciterdanscettetenue,jerisquedefinirchezlesflics.
Jerisenrepoussantsapoitrinehuileuse.
–Jen’enrevienspasquetuaiesfaituntrucpareil.
Ilsepenchapourmefairelebaise-main.
–Jen’aipaspurésister.C’étaitsonidée,dit-ilenmontrantmasœurdudoigt.
Jelafusillaiduregardetellesecontentadelematerdespiedsàlatêteavantdemefaireun
clind’œil.Unnouveaudanseurfitsonentrée,vêtud’ununiformeblancdesoldat,etKellanmeserra
danssesbras.
–Jedoisfiler,sij’arriveenretardpourleduoavecSienna,Mattvametuer.Etpuisilfautque
jemedouchepourmedébarrasserdetoutecettehuiledemerde.
Jerisetjel’embrassaisurlajoue.
–Tun’esvraimentpascommetoutlemonde.
–Toinonplus.Jesuiscontentquetut’amuses,entoutcas.Jeteretrouveàl’hôteltoutàl’heure.
–Comptelà-dessus,dis-jeenimitantsontoncharmeuretenhaussantlessourcils.
Lecoindesesyeuxseplissaetjesusqu’ilétaitentraindem’adresserunsourirequiauraitfait
tournerlatêtedeplusd’unefemmedanslasalle.J’avaisenviedeluiretirersonmasquemaisjene
voulaispasquequelqu’unlereconnaisse.Kellanàmoitiénudéguiséencow-boyn’étaitvraimentpas
uneimagequej’avaisenviedevoirdanslesmagazines.CeKellan-làn’étaitqu’àmoi.Enfin,àmoi
etàuntasdespectatricesquiignoraientquiilétait.
Ilfinitparsedirigerverslescoulissespourallersedoucheretsechangeravantderetournerau
concertetplusieurspersonnesenprofitèrentpourlecaresseraupassage.Avantdedisparaître,ilse
tournaunedernièrefoisversmoietsoulevasonchapeaupourmesaluer,etjesourisensoupirant,
aveclesentimentd’êtreencoreplusamoureusedeluiqu’avant.
Lerestedesdanseursparaissaitbienfadeencomparaisonetjefinisparpenseràluiaulieude
regardercequisepassaitsurscène.QuandAnnacommençaàfatiguer,jesuggéraiqu’onrentreet
toutlemondeapprouva.Onsortitpourallerretrouverlalimousineetjeremerciailechauffeurquand
ilnousouvritlaportière,commetoujours.
–Vousavezpasséunebonnesoirée?demanda-t-ild’unairamusé.
–Excellente,répondis-jedansunsoupir.
Unefoisdanslavoiture,Annaposasatêtesurmonépauleetmerenditmonportable,etjelui
caressailescheveuxenconsultantmesmessages.Jen’enavaisqu’un,deKellan.Aprèsavoirreçu
maphotoaveclenumérodeGabe,ilavaitréponduC’estavecmoiquetuvasdormircesoirettous
lessoirs,alorsjepensequec’estmoiquiaigagné.
Jememordislalèvreetdemandaiauchauffeurdenousramenertoutdesuiteàl’hôtel.Kellanet
lesgarçonsneseraientsûrementpasrentrésdeleurexpéditionaubaraprèsleconcert,maisçaneme
dérangeaitpas.Onl’attendraittoutelanuits’illefallait,maperruqueetmoi…etavecunpeude
chance,ilauraittoujourslesbottesetlechapeaudecow-boypouralleravecledébardeurque
j’avaisglissédansmonsac.
22
Unservice
KateetCheyenneavaientunairfatiguélorsqu’ellesgrimpèrentdansletaxiquilesconduisità
l’aéroportlelendemainmatin.Ellesm’avaientvraimentmanquéetj’étaisémueaumomentdeleur
direaurevoir.JennyetRachel,elles,restaientencoreunpeupourfairedutourismeavecEvanet
Matt.Notrebusétaittellementblindé,bruyant,débordantdemusiqueetderiresqu’iln’avait
sûrementrienàenvieràDisneyland.
EnarrivantàPhiladelphie,la«villedel’amourfraternel»,toutlemondedanslebussemità
fairedesprojetspourl’après-midi.Jenny,Rachel,MattetEvanavaientchoisid’allervisiterla
ville;Deacon,RayetDavidétaientoriginairesdelàetallaientdoncenprofiterpourvoirdesamis;
etAnnaetGriffindécidèrentd’allermangeruneglace,étantdonnéquemasœurenmouraitd’envie.
OnavaitenviedepasserunpeudetempsàdeuxavecKellanetondéclinalesinvitationsdetoutle
monde.
Quandonseretrouvaseuls,jeluisourisd’unaircharmeur.
–Alors,maintenantqu’onn’estquetouslesdeux,monsieurKyle,qu’est-cequevousavezenvie
defaire?Vouspourriezpeut-êtrevousacquitterdecettedettequevousavezenversmoi?demandai-
jed’unevoixgrave.
J’étaisassezfièredemoi:nonseulementj’avaisditçasansrougirmaismavoixavaitmême
résonnédefaçonérotique.Jedevenaisvraimentdouéeàcepetitjeu.Maisàmagrandesurprise,
Kellanfronçalessourcilsetbaissalatête.
–Enfait…j’aiunserviceàtedemander.
–Qu’est-cequec’est?
Ilportaituntee-shirtblancàmancheslonguesavec,par-dessus,untee-shirtnoiràmanches
courtes,etsatenueillustraitparfaitementsonexpression.Ilsemblaitàlafoisimpatientetréfractaire,
heureuxetmalheureux,paisibleetmélancolique,etjedétestaisvoircettedualitésursonvisage,
surtoutquandj’enignoraislaraison.Ilpassaunemaindanssescheveuxetlevalatêteversmoi.
–J’aibeaucoupréfléchiàuntruc.Jepensaisquejen’allaispaslefaireaudébut,alorsjen’en
aimêmepasparlé,maisplusonrestelàetplusçameperturbe,alorsjemedisque…peut-êtrequ’il
vautmieuxquejelefasse,enfait.Jecroismêmequej’enaibesoin.Maisjenepeuxpaslefairetout
seul:j’aibesoindetoi.
Jenem’étaispasattendueàçaetjeluiprislamain.
–Biensûr.Demande-moitoutcequetuveux,c’estd’accord.Jesuistoujourslàsituasbesoin
demoi.
Sesyeuxseremplirentdelarmesetlevoircommeçamebrisalecœur.
–Qu’est-cequetuasbesoindefaire?
Ils’éclaircitlagorge.
–Jedoisallervoirquelqu’un.
Puisildétournaleregardetjel’embrassaisurl’épaule.
–D’accord.
Jen’avaispasbesoindesavoirqui.Çan’avaitpasd’importance.Ilavaitbesoindemoi,etje
voulaisêtreprésente.
Kellanappelauntaxipendantquej’allaischerchermonsacetuneveste.Lamaisondedisques
nousfournissaitunchauffeur,maisgénéralement,c’étaitseulementpourlessortiesofficielles.Quand
ils’agissaitdefairedescourses,ondevaitsedébrouillertoutseuls.ÀlademandedeKellan,notre
chauffeur,Jonathan,avaitbienvouludéplacerlebusdefaçonquelaportesoitcachéeparl’autrebus.
ÇanousprotégeaitunminimumdesfansetdesphotographesetçaempêchaitaussiSiennade
débarquerdanslecadred’unautrecoupdepub«visiteconjugale».
Quandletaxiarrivaetqu’ileutpassélecontrôledesécurité,ilvintsegarerpiledansl’espace
comprisentrelesdeuxbusetKellanenfilasavesteencuir.
–Merci,murmura-t-iltristementavantdem’aideràmettremaveste.
–Nemeremerciepas.C’estnormal.
Quandongrimpaenvoiture,ilétaitcomplètementimpassible.
–AucimetièredeSaint-Joseph,danslecantondeGloucester,s’ilvousplaît,indiqua-t-ilau
chauffeur.
Jem’étaisattendueàtoutsaufàçaetjen’avaisaucuneidéedecequ’onallaitfairedansun
cimetière.
–C’estlàquemesparentssontenterrés,ajouta-t-ilenmeregardant.
Sachantàquelpointcettejournéeallaitêtredifficilepourlui,jemismamainsursacuisseetil
larecouvritimmédiatementdelasienne.
–PourquoiilssontenterrésicietpasàSeattle?demandai-jetandisqu’ilregardaitlaville
défilerparlafenêtre.
Ilhaussalatêtesansmeregarder.
–Matantearapportéleurdépouilleiciaprèsl’oraisonfunèbre.Elleaditqu’ilsn’avaientrien
dansl’ÉtatdeWashingtonetqueçaneservaitàriendelesfaireenterrerlà-bas.Ducoup,ellea
décidéqu’ilsreposeraientici,prèsdel’endroitoùelleagrandiavecmamère.
–Alorstatantevitici?
–Jenesaispasetçam’estégal.Onn’estpasencontact.Onnel’ajamaisété.
Visiblement,iln’avaitaucuneenviedeparlerd’elleetjen’insistaipas.
Ons’arrêtaencheminpouracheterdesfleurs.Moncœurseserraquandjelevisseprécipiter
danslaboutiqueetenressortiravecdeuxbouquets,etjecrusquej’allaismemettreàpleurerquand
ilmetenditunpétalederoseblanchequidisaitJesuiscontentquetusoislà.
Letrajetjusqu’aucimetièrenouspritàpeinevingtminutes,durantlesquelleslapluielégèrequi
tombaitànotredépartdePhiladelphies’étaittransforméeenaversetorrentielle.Jen’avaispasde
parapluieavecmoimaisçanefaisaitrien.Toutcequiimportait,c’étaitKellan,etilavaitbesoinde
faireçapourpouvoirtournerlapage.Lechauffeurs’arrêtadansuneruequifaisaitletourd’une
grandeétenduedeverdureavecunimmenseangeenpierreaumilieu.Kellanluidemandadenous
attendrepuisilsortitdelavoiture,lesbouquetsàlamain,etsemitàregarderpartoutautourdelui.
Quandjelerejoignis,ilétaitdéjàtrempéjusqu’auxosetcontinuaitàbalayerlecimetièrevidedu
regard.
Ilsecoualatêteetsepassalamaindanslescheveux.
–Jenesaispasoùilssont.
Jepuslirelatristessedanssesyeuxd’avoiràavouerqu’ilnesavaitpasoùsesparentsétaient
enterrés.Jeluiprislamainetregardailamerdepierrestombalesquinousentourait:lecimetière
étaitimmenseetuncheminsurnotregaucheconduisaitàencoreplusdestellesquis’étendaientà
pertedevue.Onpourraitpasserdesjoursàcherchersanslestrouver,etonn’avaitquequelques
heuresdevantnous.
–Onvalestrouver,assurai-jeenserrantsamain.
Onsemittoutdesuiteàchercherencommençantsystématiquementparlafindechaquealléeet
enlaissantdeuxoutroisalléesentrenouspourcouvrirautantdesurfacequepossible.Onmitune
demi-heureàparcourirlapremièresectionsansrientrouveretjeregardailechauffeurdetaxien
traindebouquinerausecdanssavoiture.Jemedemandaiscombienlapromenadeallaitbienpouvoir
nouscoûter,maistoutcommelalimousinedemonenterrementdeviedejeunefille,c’étaitlestylede
dépensequineledérangeaitpas.
Tremblantsdefroid,onsedirigeaversladeuxièmemoitiéducimetière.Ellefaisaitaumoins
deuxfoislatailledelasurfacequ’onvenaitdeparcouriretjemesentisfatiguéerienqu’enla
regardant.Maisonn’avaitpaslechoixetoncontinuaàchercher.Jeregardaischaquepierreérodéeà
larecherchedesnomsJohnetSusanKyle.Ilyavaittellementdegensenterréslà,chacunavecson
passé,seshistoiresd’amour,sesjoiesetsespeines…C’étaitbouleversantdepenseraunombrede
viesquechacunavaitcroisé,pourlemeilleurmaisparfoisaussipourlepire.
J’étaistellementconcentréequequandleurnompassadevantmesyeux,jefaillislesmanquer.
JohnetSusanKyle.Parentsetamisadorés.Jeregardailaplaquedemarbrenoire,souslechocde
lesavoirtrouvés,etvisducoindel’œilqueKellanétaitencoreentraindechercher,quelques
rangéesplusloin.Sesfleursétaientdansunpiteuxétat,maintenant.
–Kellan,l’appelai-jed’unevoixblanche.
Iltournalatêteversmoipuisregardalapierretombaleàmespieds,etjelevisprendreune
granderespirationavantdesedirigerversmoi.Jenesavaispassic’étaitàcausedufroid,maisil
tremblaitquandilarrivaàmescôtés.Ilposasurlatombeunregardvideets’accroupitdevantsans
direunmot.Puisilbrossalenomdesamèreetensuitedesonpèreduboutdesdoigts,avantdeposer
samainsurl’herbemouilléedevantleurtombeetdefermerlesyeux.
Endépitdelapluiebattante,jevisdeslarmesroulersursesjouesetjeposaimamainsurmon
épaule.Quandilrouvritlesyeux,ilsétaienthumidesetjesentisunnœudseformerdansmagorge.
Pendantcombiendetempsilcontinueraitàavoirmalàcaused’eux?Ilplaçaensuiteunbouquetsous
chaquenomavectendresse,etlevoirfaireçamebrisalecœur:aprèstoutcequ’ilsluiavaientfait,
aprèsleursinsultes,leurscoups,aprèsluiavoirfaitcroirequ’ilneméritaitpasd’êtreaimé…illes
aimaitencore.J’avaistrouvéçabizarredelire«Parentsadorés»surleurtombe,maispeut-êtreque
cen’étaitpastoutàfaitfaux.Qu’ilsleméritentounon,leurfilslesavaitvraimentaimés.
–Jesuisdésolédenepasavoirétécequevousvouliez,dit-ild’unevoixpresqueétoufféepar
lapluie.
Sesyeuxseposèrentalorssurlenomdesamère.
–Jesuisdésoléd’avoirgâchétavie.Etlatienne,ajouta-t-ilenregardantlenomdesonpère.
J’auraisaiméqueleschosessoientdifférentesmaisonnepeutplusrienyfairemaintenant.Alorsje
voulaisjustevousdireaurevoiret…
Ildéglutit,levisagedéforméparladouleur,etj’eusleplusgrandmalàretenirmeslarmes.
–…etvousdirequejevousaimetouslesdeux.
Quandilfinitparserelever,ilreniflaitetsamâchoiretremblait.Jepassaimesbrasautourdesa
taillepourleréconfortertoutenluttantcontremapropreenviedepleureretilmeserracontrelui
sansquitterlatombedesyeux.
–Tupensesqu’ilsseraientfiersdemoi?medemanda-t-ilaprèsunlongsilence.Mêmeuntout
petitpeu?
Savoixsebrisaetjeleserraiplusfort.Pourunefois,j’hésitaiàbrisernotrepactede
l’honnêteté,carjenemevoyaisvraimentpasluidirecequejepensaisdesesconnardsdeparents,
maisjenelefispas.
–Jen’ensaisrien,répondis-jeàlaplace.Maismoi,jesuisfièredetoi,pourtoutcequetuas
accomplijusqu’àprésentetpourcequetuviensdefaire.
Jefusalorsincapablederetenirmeslarmes,etilhochalatêteententantdenepascraquermais
ilfinitparsemettreàpleureraussietunsanglotluiéchappa.Jeleprisparlanuqueetilenfouitsa
têtedansmoncoutandisqu’ilpleuraitsurtoutcequ’ilavaitenduré,cequ’ilavaitperduetcequ’il
n’auraitjamais.
Lapluiefinitparsecalmerenmêmetempsqueseslarmesetilappuyasonfrontcontrelemien.
–Jet’aimetellement…
Enl’embrassant,jesentislegoûtdeseslarmessursabouche,ettoutparutétrangementsolennel
autourdenous:lesoiseauxnechantaientpas,iln’yavaitpasdevoituresquipassaient,justele
contactdesgouttesd’eauquiruisselaientlelongdesfeuillesdesarbres,etlesilenceétait
cathartique.Soudain,unflashdelumièreattiramonattention.
Jecrusd’abordquec’étaitlesoleilquiavaitenfindécidédesemontreretquisereflétaitdans
lepapierargentéd’unbouquetdefleurs,maisleflashfutsuivid’unbruitfamilierd’obturateur.On
s’écartal’undel’autreetontournalatêteenmêmetempsversl’hommequisetenaitprèsd’unmassif
d’arbustesavecunappareilphotoàlamain.Unpaparazziavaitdûsuivrenotretaxienespérantfaire
laphotodel’année.Etlepire,c’estqu’ilavaitréussi.UnclichédeKellanentraindem’embrasser
souslapluie,çarisquaitdesevendreàprixd’or.
–Dis-moiquejerêve,ditKelland’untonàlafoisincréduleetfurieux.
Unsentimentdefrustrationvints’ajouteràlapeinequejeressentaispourlui,etlemélangemit
lefeuàunincendiedecolère.J’enavaistellementras-le-boldetoutcecirque.LesfansdeKell-Sex,
lesmédias,NicketSienna,ilspouvaienttousallersefairefoutre!Sansoublierletypequiétaiten
traind’interrompreunmomentaussiintime.Jeserrailespoingsavantdemedirigerversluiaupas
decourse,cequieutl’airdeluiplairecarilpritunerafaledephotos.
–Vousn’avezvraimentaucunemoraleouquoi?Onestdansuncimetière,bordel!Vousne
pourriezpasfairepreuved’unpeuderespect?
Jen’étaisplusqu’àquelquespasdeluietilsouriaitdetoutessesdents,visiblementraviqueje
medonneenspectacle.Jepouvaispresquevoirlesdollarsdanserdanssesyeuxetçamerenditfolle
derage.Ilrigoleraitmoinsquandjeréduiraissonbelappareilphotoenmiettes.J’allaistendrele
brasversluiquandKellanm’arrêta.
–Arrête…
Lephotographereportasonattentionsurlui.
–Alorscommeça,ontrompeSienna?C’esttasalepetitemaîtresse,Kellan?
Kellanvintsemettredevantmoietplantasonindexentrelescôtesduphotographe.
–Faisgaffeàcequetudis!Cen’estpasmamaîtresse!
Ilreculad’unpasoudeux,sansarrêterdenousmitrailler.
–Ahbon?Pourtant,ondiraitbienquetutetapescettegarcedansledosdeSienna.Pourcequi
estdegarderlesecret,c’estraté.Jet’aiprisenflag’,mec!Tapétasseestsurlepointdefaireles
grostitres!
Kellansourit.Lephotographecrutsûrementquec’étaitparcequ’iltrouvaitçaamusant,mais
moi,jesavaiscequeçavoulaitdire:ilétaitagacé.Ilétaitmêmebienplusqu’agacé,ilétaitàdeux
doigtsdeluifaireunetêteaucarré.Soudain,ilserralepoing,tenditlebrasetfrappaletypeenplein
danslamâchoire.Peut-êtremêmemoinsdedeuxdoigts,enfait…
Lephotographeperditl’équilibreetlaissatombersonappareil,maismalheureusement,celui-ci
étaitattachéautourdesoncou,etilnesefracassapasparterrecommejel’espérais.L’intrusreprit
vitesesespritsetseremitànousphotographier.
–Espècedemalade!Jevaisporterplainte!
Dusangcoulaitlelongdesonmenton,etpourtant,ilavaitl’airétrangementravi.Kellanfitun
pasenavantmaisjeleretins,parpeurqu’iln’aillevraimenttroploin.
–Arrête,Kellan,çanevautpaslecoup.
–Ilaréussiàteprendreenphoto.
Jesoupiraiensecouantlatête.
–Ehbientantpis.Çavautmieuxquedefinirchezlesflics.
Ilselaissaentraîneràcontrecœuràl’écartduphotographe,quiriaitcarrémentàprésent.
–Espècedesacàmerde,luicriaKellanpar-dessussonépaule.
–Entoutcas,cen’estpasmoiquifaiscoculananalaplussexydelaplanète.
Kellanluitournaledos.
–Jesuismariéàlananalaplussexydelaplanète,grommela-t-ilentresesdents,etjamaisjene
latromperais,connard.
–Cen’étaitpeut-êtrepastrèsmalin,maisjesuiscontentequetuluiaiescognédessus.
–Moiaussi.
Ilpassasonbrasautourdemoietonregagnaletaxi,latêtehaute.Tousleseffortsquej’avais
déployéspourresterdansl’ombreétaientinutiles:j’étaisgrillée,maintenant.Àcausedel’objectif
decetabruti,notremomentintimeallaitfairelacouverturedesjournauxettoutlemondeconnaîtrait
monvisage.C’enétaitfinidemonanonymat,etdemalibertéaussi.Jenepourraisplusmecacheret
lesfanstarésetobsédésdeKell-Sexsauraienttoutdemavie.Cen’étaitqu’unequestiondetemps.
Unefoisderetouràlasalledeconcert,jepensaisqu’onretourneraitdanslenidchaudetsûrdu
bus,maisapparemmentKellanavaitd’autresprojets.Ilmepritlamainpourm’emmenerverslebus
deSienna.Jemeraidis,incertained’avoirenviedelesuivre,maisKellanavaitl’airaussimenaçant
quelecield’oragequipesaitsurPhiladelphieetjesusqu’ilvalaitmieuxquejel’accompagne.
Iltambourinaàlaportedubusenappelantsonnom,sanssuccès.Aumomentoùjecommençais
àmedirequ’elledevaitêtresortie,ouentraind’attendreledébutduconcertdansnotrehôtelde
luxe,Gorille1vintouvrirlaporte.Ilnousexaminadespiedsàlatête,aucasoùonseraitarmés,puis
ils’écartapournouslaisserentrer.Unefoisàl’intérieur,jemedemandaipourquoiellenedormait
paslàtouslessoirs.C’étaitunvraitempleduluxesurroues:danslapremièremoitiédubus,ily
avaitdescanapésencuirdechaquecôté,tandisquelefondabritaitdesfauteuilsinclinablesqui
faisaientfaceàunénormeécranplat.Ilyavaitunecuisine,maisd’aprèscequejepouvaisvoir,
aucunecouchette.LachambredeSienna,toutaufond,étaitsûrementplusluxueusequelaplupartdes
studiosdupays,etj’eussoudainlesentimentd’avoirvécudanslamisèreaucoursdesdernières
semaines.
Lovéedansundescanapésetplongéedanslalectured’unmagazinedemode,ellelevalesyeux
ennousentendantentrer.
–Kellan,Kiera,quellebonnesurprise!
Elleregardaimmédiatementverslafenêtre,àl’affûtdesphotographes.
–Qu’est-cequejepeuxfairepourvous,parcebelaprès-midi?
KellanallaseplanterdevantelleetGorille2redressasonfauteuil,visiblementpasravide
l’expressionsurlevisagedeKellan.
–Tunousastenduunpiège?
Jen’avaispasimaginéqu’ilenétaitarrivéàcetteconclusionetjeleregardai,surprise.
N’empêchequec’étaittoutàfaitplausible,commescénario…J’observaiSienna:est-cequec’était
ellequiavaitmontéunsalecoup?Ellesecoualatête,confuse.
–Dequoituparles,enfin?Etd’oùvoussortez,touslesdeux?Vousêtestellementtrempés
qu’ondiraitquevousavezprisunedouchetouthabillés.
Ellesouritpuisclaquadesdoigtsettenditlebras.Uninstantplustard,songardeducorpslui
tenditdeuxserviettesqu’ellenoustenditàsontour.
–Onaétéprisenembuscadeparunconnardavecunappareilphoto.Jeluiaimisunpain,mais
ilaquandmêmeréussiàprendreKieraenphotoavant.
Elleluioffritunsourirecomplice.
–Ilssontpiresquedescafards,pasvrai?Ilss’incrustentvraimentpartout…Net’enfaispas
pourça,monéquipevas’enoccuper.Avecunjolichèque,neufphotographessurdixrenoncentà
porterplainte.
Jel’écoutaitoutenmeséchantlescheveuxetKellanplissalesyeux.
–Tul’aspayé?
Ellefitlamoueetsesyeuxsombresscrutèrentsonvisage.
–Jenesavaismêmepasoùtuallais.Commentvoudrais-tuquejetebalancesijenesavaispas
oùtuétais?
–Avectoi,jen’arrivejamaisàsavoirsitudislavéritéousituracontesdesconneries.
Jedissimulaiunsourire:moinonplus,jen’arrivaisjamaisàsavoir.Etrienquepourcette
raison,jesavaisquejamaisilnevoudraitdeSienna.Mêmesiquelquechosem’arrivaitdemainet
s’ilseretrouvaitseuldujouraulendemain,ilnesortiraitjamaisavecquelqu’unàquiilnepeutpas
faireconfiance.
Prêtàpartir,iljetanosserviettessurlecanapéetm’entraînaverslaporte.
–Jen’airienàvoirlà-dedans,réitéraSiennad’untonclairementirrité.Jenesuispasune
espècedeconspiratricequiessaiedesabotervotrerelation.Jeprendsleschosescommeelles
viennentetvousdevriezapprendreàenfaireautant.
–Sijedécouvrequetuasquoiquecesoitàvoiravecça,c’estterminé.Jefaismesvalisesetje
mebarredecettetournée,etjen’enairienfoutredecequeNickpourrabienmefaire.Qu’ilmecolle
unprocèspourrupturedecontrats’ilveut.
Plustard,cesoir-là,jerestaidanslalogependantqueKellanétaitsurscèneaulieud’assister
auconcert.J’avaistropdechosesentête.Dansquelquesheures,demainmatinauplustard,laphoto
seraitpartout,etlebuzzseraiténorme.Jesentismonestomacsetordre.Jedétestaisêtrelecentrede
l’attention,etcequim’attendaitétaitbienpirequetouslespremiersjoursd’école,touslesnouveaux
boulots,touslesentretiens,touslesanniversairesetautrescérémoniesderemisedediplômeque
j’avaispuvivre.D’unseulcoup,çameparaissaitsimplecommebonjourd’avancerversl’autelau
milieud’unefouled’invités.
J’étaistellementstresséedeneplusêtreanonymequej’avaisl’impressiond’avoirpasséles
dernièresannéesdansunecouverturedoubléeenmoumoutequimeprotégeaitduvent,dufroidetdes
agressions…etqu’onvenaitdemel’arracher,melaissantcomplètementnue,exposéeàtousles
regards.Kellanaussiétaitquelqu’undediscret…Est-cequeçaluifaisaitceteffet-là,àluiaussi,
quanddeparfaitsétrangersparlaientdesavie?Peut-être…Maisaumoins,ilavaitl’amouret
l’admirationdesesfanspourleréchauffer,tandisquemoi…ilsn’allaientcertainementpas
m’accueilliràbrasouverts.J’étaisunobstaclepourKellanet,d’aprèscequej’avaisvu,lesfans
voulaientlevoiravecSienna,oubienlevoulaientpourellestoutesseules.Iln’yavaitpasde
troisièmechoix.
Jenepouvaispascontrôlerlaréactiondesfans,maisjesavaisquec’étaitàmoidedécider
commentjevoulaisréagiràcettesituation.Jepouvaisdéciderdemecacheretderesterenfermée
danslebusenespérantquetoutçaretomberapidement.Oualorsjepouvaisprendrepositionet
marcherfièrementauxcôtésdemonmari.Jen’avaisjamaiseuenvied’unetelleexposition,maisje
nevoulaisplusmecacher.Onavaittraversétropd’épreuvesavecKellanpourêtreensembleet
ensuitelerester.Jenevoulaispasreveniraupointdedépartetdevoircachernotrerelation.
J’adoraisêtreavecluietj’avaisenviedecrieraumondeentierqueKellanétaitàmoi.
JennyetRachelassistaientauconcertétantdonnéqu’ellesrepartaientàSeattletôtlelendemain
matin,etAnnametenaitcompagnie.Enfin,plusoumoins:vautréedansunfauteuil,elleavaitla
boucheouverteetronflaitdoucement,sûrementépuiséeparsonaprès-midiavecGriffin.Maisje
savaisquetoutseraitdifférentdemain,peuimportaitlafaçondontondécideraitdegérerlatempête
médiatiqueavecKellan,etjelasecouaidoucementpourlaréveiller.
Ellesursautaetregardaautourd’elle,danslegaz.
–Oui,maman,jesuisréveillée.
Puiselleclignadesyeuxetmereconnut.
–Kiera?Ilestquelleheure?
Elledevaitsûrementcroirequ’ilétaittroisheuresdumatin.
–Ilesttôt,lesgarçonssontencoresurscène.
Ellelaissabasculersatêteenarrièreetfermalesyeux.
–Pourquoitumeréveilles,alors?JohnnyDeppétaitentraindememasserlespieds.
–Jepensequedemain…çavavraimentcraindre.Ilyauntrucquejevoudraisfairecesoir
pendantquejesuisencoreuneillustreinconnueetjemedemandaissituvoudraisbienveniravec
moi.
Elleselevasanshésiter.Ouplutôt,elleessaya:cen’étaitpasévidentpourelle,avecMaximus,
etjel’aidaiàsemettredebout.
–Onvaoù?
Enentendantmaréponse,elleposasamainsurmonfront.
–Tuesqui,etqu’est-cequetuasfaitàmasœur?
–Jesuisunefillequienamarredesecacher.Jeveuxquetoutlemondesache.
Ellemesouritetsemblafièredemoi.
–Alorsonyva.
Onseglissadiscrètementdehorsetvingtminutesplustardlechauffeurdetaxinousdéposait
devantunsalondetatouage,dansunquartierpastrèsreluisant.Lechauffeurnousavaitassuréqu’ils
étaientlesmeilleursdelaville,etqu’ilsétaientouvertstardlesoir,cequiétaitunebonnetactique
d’unpointdevuecommercialsiontenaitcomptedufaitqu’ilsétaientenfacedecequiressemblaità
unbardemotards.
Uneclochettetintaquandj’ouvrislaporteetleregardd’Annas’illuminaenvoyantlesphotos
detatouagequidécoraientlapièce.
–Jen’enrevienspasquetut’apprêtesàfaireça,medit-ellealorsqu’onexaminaitunephotode
femmeavecuneconstellationd’étoileslelongduflanc.Mapetitesœurestvraimententrainde
grandir.
Jelevailesyeuxaucielenmedirigeantverslecomptoir.
–Jedevraism’enfaireunaussi!s’exclama-t-ellesoudain.LenomdeGriffin,justelà.Comme
ça,ilpourraitl’embrasseràchaquefoisqu’ilmegonfle,dit-elleenmontrantsesfessesdudoigt.
–Tupasseraistontempspenchéeenavant.
Ellem’adressaunsourireperversetjechangeairapidementdesujet.
–Tuferaispeut-êtremieuxd’attendred’avoiraccouchépourtefaireuntatouage.
–Tuassûrementraison.Ilfaudraitquej’essaied’êtreresponsabledetempsentemps.
Jerisavecelleetpassaimamainsursonventre.
–Çaneteferaitpasdemal.
–J’espèrequ’ilvaarriverbientôt,entoutcas.J’enaimaclaqued’êtreenceinte!
Aumomentoùj’allaisdemanderàmasœursielleallaitrentreràSeattleoucheznosparents
pouraccoucher,unhommeséduisantapparutderrièrelecomptoir.Sesbrasétaientrecouvertsde
tatouagesdetouteslescouleursquimerappelaientEvan,etluiaussiportaitdesplugsauxoreilles.
–Évitezjusted’accoucherici,siçanevousembêtepas.
Annaluisouritetquandiltenditlamainpournousdirebonjour,jeremarquaiqu’ilavaitles
motsNoregretstatouéssurlepouce.J’étaiscomplètementd’accordavecluietjemeseraisbienfait
tatouerlamêmechose,maispascesoir.J’avaisprévuautrechose.
–Jem’appelleBrody.Qu’est-cequejepeuxfairepourvous?
Jeluisecouailamainpuisluimontrail’intérieurdemonpoignetdroit.
–Jevoudraislenomdemonmariàcetendroit-là.
–Pasdeproblème.Ils’appellecomment?
–Kellan,dis-jeensouriant.
Quandonressortitdelà,monpoignetrecouvertd’unépaisbandage,jen’étaisvraimentplus
sûredevouloirunautretatouageunjour.Avoiruneaiguillequivousrentraitdanslapeaudes
centainesdefoisétaitloind’êtreunesensationagréable,etj’étaisdugenreassezsensibleàla
douleur.C’étaitunmiraclequejesoisrestéeassisetoutletemps.Àlasecondeoùl’aiguilleétait
entréedansmapeau,j’avaisfaillimeleveretpartirencourant,etjel’auraissûrementfaitsile
tatouageavaitétéautrechosequelenomdeKellan.
LesgarçonsjouaientencoreàPhiladelphielelendemainalorsondemandaautaxidenous
rameneràl’hôtelaulieud’allerassisteràlafinduconcert.Annaétaitfatiguéeetjen’avaisvraiment
pasenvied’êtrelàpourentendrelaréactiondesfanspendantleduopassionnéquiavaitétélepoint
dedépartdetoutcecirque.J’envoyaiunmessageàKellanpourqu’ilnes’inquiètepaspuisj’allai
l’attendreaulit,justevêtued’untee-shirtlégerpar-dessusmessous-vêtements.
Plusfatiguéequecequejepensais,jem’endormisàpeinelatêtesurl’oreilleretmeréveillai
seulementensentantuncorpsseglisserdanslelit.Ilavaitdûprendreunedoucheavantdeme
rejoindrecarsapeauétaitfraîcheetunpeuhumideetilsentaitlegeldoucheaucitrondel’hôtel.Je
frissonnaiquandilcollasontorsecontremondosetqu’ilenroulasesjambesautourdesmiennes.
–J’aifroid,murmura-t-il.Tuveuxbienmeréchauffer?
Jemeretournaipourluifairefaceetmeserraicontrelui.Quandilenfouitsatêtedansmoncou,
jel’embrassaisurlajoueetilgrognadesatisfaction.
–Tuestoutechaude…
Jeluifrottailedospourleréchaufferetquandilm’embrassadanslecoupileàl’endroitque
j’aimaistant,j’eussoudainenviedebienplusquedeluitenirchaud.
Ildutliredansmespenséescarilmefitroulersurledosetvintseplacerau-dessusdemoi.
–J’adorequandtumedonneschaud,murmura-t-il.
Puisilplaquasabouchesurlamienneetjelaissaiéchapperungémissement.Sentirqu’ilétait
prêtetqu’ilavaitenviedemoisuffitàm’exciter.Lajournéeavaitététellementintensequefaire
l’amourétaitexactementcequ’ilmefallait,etc’étaitsûrementlamêmechosedesoncôté.
Jeluirendissonbaiseretattrapaisonboxer,etKellansemitàmedéshabiller.J’avaisenviede
crierdèsqu’ilmetouchait,dèsquejesentaissaboucheetsesmainssurleszoneslesplusérogènes
demoncorps,etquandjesentislapointedesonsexeglisserenmoi,j’agrippaiàdeuxmains
l’oreillersousmatête.
–Oui…s’ilteplaît…suppliai-jeensachantàquelpointilaimaitquejediseça.
Jem’attendaisàcequ’ils’introduisecomplètementenmoietàcrierdeplaisir,jem’attendaisà
agripperseshanchesetàl’encourageràdonnerdescoupsdereinpuissantsetrapides.Maisilse
contentades’allongeràcôtédemoietjepoussaiungrognementfrustréavantd’embrassersontorse
etdepasserunejambeau-dessusdelui.Siluinemeprenaitpas,moi,j’allaisprendreleschosesen
main.
–Kiera?demanda-t-ileneffleurantmonpoignet.
J’ignoraisaquestionetmemisàcalifourchonsurlui,maisilm’empêchadepressermes
hanchescontrelessiennesetcaressalebandage.
–Qu’est-cequec’estqueça?demanda-t-il,tendu.
Jegrognaietmetortillaidefaçonàlefaires’introduireenmoi.J’avaiscomplètementoublié
montatouagequandilavaitcommencéàm’embrasseretc’étaitladernièrechosedontj’avaisenvie
deparler,maisjesavaisqu’ilétaitinquiet.
–C’estpourtoi,gémis-jeenlesentantglisserenmoi.
Ilretintsonsouffle,puisilmitsesmainssurmeshanchespourm’attireràlui.
–C’estquoi?
J’avaisvraimentdumalàmeconcentrertandisqu’ilcommençaitàbougerenmoietilmefallut
quelquessecondespourréussiràparler.
–Tonnom,murmurai-je.
–Quoi?Pourquoi?Oh,Kiera,qu’est-cequec’estbon…
Oubliantsesquestions,ilgrognaetmeserracontrelui.Puisons’embrassaetonsemitàbouger
ensembledeplusenplusvite,jusqu’àcequemespetitesexclamationssetransformentencrisde
plaisir.MonorgasmemefoudroyaetquandjeserraiKellancontremoidetoutesmesforces,illaissa
échapperunlonggémissementenjouissantàsontour.
Àboutdesouffle,ilmecaressalajoue.
–Alors?
–Alorsquoi?
Ilprituninstantpourreprendresarespirationpuisilattrapamamainpourexaminermon
bandage.
–Qu’est-cequetuasfait?
Jem’assisetallumailalampesurlatabledenuitpourluimontrer.Ilplissalesyeux,ébloui,
puisillesécarquillaetouvritgrandlaboucheencomprenantcequej’avaisfait.
Jeretiraiprudemmentlebandagepourrévélerl’encreencorebrillantesurmapeauetilgardale
silencetandisqu’onexaminaitleslettresdesonnomsurmonpoignet.Jecommençaiàcroirequ’il
n’aimaitpasetqu’ilnesavaitpascommentmeledirequandillevadesyeuxbrillantssurmoi.
–Tusaisquec’estpermanent?
Jesourisenremettantlabandeenplace.
–Tusaisquenous,c’estpermanent?
–Jesais,oui.
Jefeignislasurprise.
–Ahbon?Tunevaspasmecontredireetmedirequejesuisridicule?
–Ridiculepeut-être,maispourcequiestdepasserlerestedemavieavectoi,jen’aipas
l’intentiondetecontredire,non.
–Tantmieux.Parcequetusaisquejesuisfolledetoi,pasvrai?
–Oui,répondit-ilensouriant.
–Ettusaisquetuesquelqu’undebien.
–Oui,répondit-ild’unairhésitant.
–Ettusaisquetuméritesd’êtreaimé.
Ilfronçalessourcilsetjecrusquej’avaisperdulabataille,maisauboutd’unmoment,un
sourirenaquitsurseslèvres.
–Oui,dit-ilenfind’unevoixassurée.
Jemesentisincroyablementfièredeluietj’allail’embrasserquandils’écarta.
–Ettoi,tusaisquetuessexy,fascinante,adorableetquejen’aimequetoi.Tusaisquetuesla
plusbellefillequej’aiejamaisvue.
–Oui,dis-jeensouriantencoreplus.
–Bien.
Ilsouritd’unairtriomphantetm’embrassaenfin.
–J’adorequandtudisoui.Etj’adoretontatouage.
–Tantmieux,parcequemoi,c’esttoiquej’adore.
23
Maldedos
Lelendemainmatincommençatranquillement,maisjesavaisqueçanedureraitpas.Alorsque
lesoleilcommençaitàseleveretquesesrayonscaressaientlespartiesdenoscorpsquin’étaient
pasrecouvertesparlesdraps,lesinquiétudesliéesàl’avenirmesemblaientencoreloinetjedécidai
demeconcentrersurl’hommeallongéàcôtédemoi.
Luiaussiavaitl’airpaisibleetheureuxenpassantsesdoigtssurlebandagequicouvraitmon
poignet.Jesavaisqu’onavaittouslesdeuxdeschosesàfaireaujourd’huietqu’ilallaitbienfalloir
qu’onselèvepouraffronterl’explosionquis’étaitsansdoutedéjàpropagé,maisquelquesminutes
detranquillitésupplémentairesnepouvaientpasnousfairedemal,etquelquechosemedisaitquece
seraitlesdernièresqu’onconnaîtraitavantunbonboutdetemps.
Mescraintesseconfirmèrentdixminutesplustard,quandmonportableetceluideKellanse
mirentàsonnerpresqueenmêmetemps.Jeprisunegranderespiration,onéchangeaunregardeton
restalàsansbougerpendantquelquesinstants.
–Rappelle-moipourquoionaachetédesportables?
Jerisetl’embrassaisurleboutdunez.
–Onferaitmieuxderépondre.Lesphotosontdûêtrepubliéesetnosparentsdoiventêtre
inquiets.
Jemeraidisenmedemandantsimesparentslesavaientvues.Monpèreallaitpéterunplomben
voyantsafillesefairetraiterdetouslesnomsdanslesmagazines.
Kellansoupiraetilallaitseleverquandjeposaiunemainsursajoue.
–Peuimportecequivasepasser,jeveuxquetusachesquejen’aiaucunregret.Êtreavectoi,
t’aimer,vivreçaavectoi…Jesaisqueçaenvautlapeineetqu’onréussiraàtraverserçaensemble.
Onestuneéquipe,etmêmesionestseulscontretous,jesaisqu’onvagagner.
–Seulscontretous?Çanouslaissepeudechances.
Nostéléphonesarrêtèrentdesonnerl’espaced’uninstant,pourrecommenceraussitôt.Jeriset
l’embrassaidoucement.
–C’estmieuxquezérochance.
Onétaitcomplètementempêtrésdanslesdrapsetonriaitquandonfinitparréussiràsortirdu
lit.Heureusedevoirqu’onarrivaitencoreàplaisantermalgrélechaosautourdenous,j’enfilaides
vêtementspropresetKellanmituncaleçon,etjeprisquelquessecondespourprofiterdelavuede
soncorpspresquenuavantderépondreautéléphone.
Jeregardail’écrandemonportable,curieusedesavoirquiparmimesprochesauraitlaprimeur
demesimpressions,etjesourisenvoyantlenomdeDenny.C’étaitréconfortantdesavoirqueje
pouvaistoujourscomptersurlui.
–Salut,Denny.
Kellanétaitdel’autrecôtédelapièceetilétaitaussiautéléphone,àprésent.
–Kiera,tuvasbien?Tuasvulesjournaux?Taphotoestpartout.Ilsconnaissenttonexistence
etilsdisenttousquetueslamaîtressedeKellan.
Jem’assissurleborddulitensoupirant.
–Jen’aipasencorevumaisjesavaisqueçaallaittomber.Ons’estfaitsurprendreparun
photographehieralorsqu’onpensaitêtreseuls.Ilsmedétestenttous,c’estça?
Ilpoussaunlongsoupirquiparlaitpourlui.
–Disonsquecertainsd’entreeuxsontvraiment…passionnés.Etcréatifs.Etquej’espèrepour
toiquetunevaspaslescroiserdansuneruesombre.Tuvasdirequejerépètetoujourslamême
chose,maistupeuxtoujoursrentrersijamaisçadevientvraimentcompliqué.Abbyamêmedit
qu’ellepouvaittecacherdansunplacard,ajouta-t-ilenriant.
–Oui,parcequerentreràSeattleetmecacherchezmonexetsacopine,çaaméliorerait
vachementleschoses!
Kellanentenditmoncommentaireetmesourit.
–Mafiancée…ditenfinDennyaprèsunlongsilence.J’aidemandéAbbyenmariageetellea
ditoui.
Mêmesijem’yattendais,çamefitquandmêmel’effetd’unebombe.Çaavaitdûluifairepareil
quandKellanetmoinousétions«mariés»justesoussonnez…J’avalaimasaliveetjefisensorte
d’ignorerlapointededouleurquejeressentais,laissantlajoiequejeressentaispourmonmeilleur
amiprendreledessus.
–Denny,c’est…Félicitations!Jesuistellementcontentepourvous.Tuméritesd’êtreheureux,
etjesuissûrequetuleserasavecAbby.
Illaissaéchapperunsoupirdesoulagement.
–Merci.J’avaisunpeupeurdetel’annoncer.
–Tunedevraispasavoirpeurdem’annoncerunebonnenouvelle,onadépassécestade.Enfin,
j’espère.
–C’estvrai.
Onparlaencorequelquesinstantsavantderaccrocher,etmontéléphonesonnadenouveauune
secondeplustard.Quelquechosemedisaitquej’allaispasserlajournéeàçaetj’enavaisdéjà
marre.Jeconsultail’écranetdécrochaienfaisantlagrimace.
–Salut,papa.
J’essayaid’avoirl’airaussidétenduequepossiblemaisçan’eutpasl’airdelecalmer.
–Tuvastoutdesuiterentreràlamaison!
Jem’installaiconfortablementsurlelitetpassailesvingtminutessuivantesàconvaincremon
pèrequej’allaisbien,queKellanallaitbien,quetoutétaitmerveilleuxetqu’iln’avaitaucuneraison
des’inquiéter,toutenespérantquec’étaitlavérité.
Maismonpèreavaitl’airàdeuxdoigtsdesauterdansunavionpourvenirmechercheretj’eus
touteslespeinesdumondeàmettrefinàlaconversation.Entre-temps,Kellanavaitlaisséentrer
JennyetRachel,etJennymeserradanssesbrasaprèsquej’eusraccroché.
–Onvoulaitjustetedireaurevoiravantdepartirpourl’aéroportavecRachel.
Ellesétaientloind’êtreaussijoyeusesqued’habitude.
–Çamedégoûte,toutcequ’ilsracontentdanslesmédias.Ilstefontpasserpourladernièredes
garces.
LetéléphonedeKellanseremitàsonneretilréponditensoupirant.Ilétaitencoreencaleçonet
Rachelprenaitsoind’éviterderegarderdanssadirection.QuantàJenny,ellen’avaitmêmepasl’air
des’enrendrecompte.
Lanuitdernière,Kellanm’avaitapportémonordinateuretunsacavecquelquesaffaires,et
pendantlaconversationavecmonpère,j’avaisfaituntoursurleNet.Jen’avaispaseudemalà
trouvercequejecherchais:çaapparaissaitcarrémentenpaged’accueildemonnavigateur.
IlyavaittroisphotosdeKellanetmoidansl’article.Lapremièreétaitungrosplansurnos
visagestandisqu’ons’embrassait,etonvoyaitclairementqueKellanavaitl’airendeuil.La
deuxièmephotomontraitlemomentoùons’étaitrenducomptedelaprésenceduphotographe.On
regardaitdroitdanssadirection,visiblementchoqués,etlegrosplanétaittelqu’onnevoyaitpasles
tombesautourdenous,cequidonnaitvraimentl’impressionqueKellanétaitdévastéparcequ’il
venaitdesefairesurprendreentraindetromperSienna.Demoncôté,j’avaisl’airdelamaîtresseau
cœurdepierrequileforçaitpresqueàêtreinfidèleàlafemmequ’ilaimait.
LadernièrephotomontraitKellanpenchéau-dessusduphotographejusteaprèsl’avoirfrappé.
Ilavaitl’airfurieuxetsurlepointdeluifracasserlatête,commeunhommeinfidèleenragedes’être
faitprendrelamaindanslesac.Cesphotosétaientunevraiemined’or,terriblementtrompeuseset
compromettantes.
Jejetaiuncoupd’œilendirectiondemonordinateuretJennysoupiraensuivantmonregard.
–Jemesenstellementcoupabledet’abandonneraumilieudececirque.
–C’esttoujoursunpeulecirqueaveclui,tusais,dis-jeenregardantKellan.Maisçavautle
coup.
–Ondoityaller,maisappellequandtuveuxd’accord?Etsoisforte,dit-elleenmeserrant
danssesbras.
J’acquiesçaienluttantcontreunesoudaineenviedepleurer.Rachelaussimeserrabrièvement
contreelle,puisellespartirentetjemesentisterriblementseule.J’avaisététellementheureusede
retrouvermesamies…Maisjemesouvinsquejelesreverraisbientôtàmonmariage,etentre-temps,
j’avaistoujoursmasœurpourmetenircompagnie.Jemedemandaisielleavaitdéjàvulesjournaux.
–Lesfillessontparties?demandaalorsKellan,quivenaitderaccrocher.
–Oui,MattetEvanlesaccompagnentàl’aéroport.
Ilhochalatêtepuisdésignasonportable.
–J’aieumonpèreetHailey,ilssontinquietspourtoi.Haileyapeurquetutefasseslyncherpar
lesfans,dit-ilenfronçantlessourcilscommes’ilenpensaitautant.
–Net’enfaispaspourmoi,onverraçaplustard.Pourlemoment,jeterappellequetudoiste
préparerpourleconcertprivé.
Ilbasculalatêteenarrièreenserappelantqu’ilavaitencoredesobligationsaumilieudecette
folie.
–J’avaiscomplètementzappé.Jevoulaispréparerunedéclarationofficiellecetaprès-midi
maisjepensequejenevaispasavoirletemps.
Jecaressaisontatouagesursontorseetaumomentoùjel’embrassai,nosportablesseremirent
àsonneretToryfrappaàlaporte.
–Dixminutes,Kyle!
J’enavaismarredemecacher,alorsquandlaSUVdelamaisondedisquesnousdéposaàla
salledeconcert,jesortisentenantKellanparlamain.Unevéritablenuéedepaparazziattendaitde
l’autrecôtédesbarrièresdesécurité.Jen’avaisjamaisvuautantd’appareilsphotodemavie,etils
entrèrenttousenactiondèsqu’onapparut.Lesflashesbrillaientdanstouslessensettoutlemonde
criaitsonnom,etjeremerciaimentalementKellandelaforcequ’ilmecommuniquaenserrantma
main.Jetremblaistellementquej’avaisl’impressionquej’étaissurlepointdem’écrouler.
Jen’avaisjamaisétéaussimalàl’aisedetoutemaviemaisjemeforçaiàmeredresseretà
releverlatête.Jen’avaisrienfaitdemaletjen’avaisaucuneraisond’avoirhonteoupeur.Maisles
fansprésentsdanslafouleprirentçapourdel’arroganceetlesinsultessemirentàfuser:salope,
pétasse,briseusedeménage,garceetbiend’autresencorequejenevoulaismêmepasrépéter.
Kellanmeserraitlamainàm’enfairemal,etunefoisqu’onarrivaàl’intérieur,jelasecouai
pourquelesangrecommenceàcirculer.
–Désolé,murmura-t-il.C’estleseulmoyenquej’aitrouvédenepascognerdansletas.
–Étantdonnéquelaplupartdesgensdansletasétaientdesfilles,c’estsûrementunebonne
chose.
–J’avaisquandmêmeenvie,dit-ilenpassantunbrasautourdemataille.
–Etmoidonc.
Montonétaitrieurmaisjen’étaispassûredevraimentplaisanter.Quandonarrivadanslaloge
dugroupe,lesgarçonsétaientdéjàlàetAnnaétaitaveceux.Ellesetenaitprèsd’unepetitetable
recouvertedetrucsàgrignoteretétaitentraindeviderunpaquetdeM&Msdansunsaladierdéjà
remplidepop-corn.Elleallaensuites’asseoirlaborieusementsurunechaiseetposalesaladiersur
sonventre,etjevinsm’asseoiràcôtéd’elle.
–Salut,dis-jeenobservantlespop-cornquivenaientdebougersouslescoupsdeMaximus.
–Salut.Alorscommeça,ilparaîtquetuesunesalegarcequiapiquélemecdeSienna?
Jemelaissaiallercontreledossierdemachaiseetluisouris.
–C’estça.Jesuisofficiellementlapiregarcedumonde.
Ellepritunepoignéedepop-cornetdechocolatetsefitundevoirdel’engloutiravantdeme
répondre.
–Jet’aimetoujours,tusais,mêmesituesladernièredessalopes.
–Merci,moiaussi,jet’aime.
Jerisettendislamainpourprendredupop-cornmaisellemedonnaunetape.
–Cen’estpasparcequejet’aimequej’ail’intentiondepartagermespop-cornavectoi.
Débrouille-toi,pétasse.
Jepoussaiunsoupirthéâtraletj’allaismeleverquandjelavisfairelagrimaceetmettreune
maindanssondos.
–Çava?
–Oui,j’aijustemalaudosmaisçava.
Enlaregardantmieux,jelatrouvaipâleetéteinte.Peut-êtrequec’étaitjusteparcequ’ellene
portaitpasd’ombreàpaupièresnidemascaraalorsquej’avaisl’habitudedelavoirtoujours
maquillée.Çarendaitmonpèredinguequ’ellenemettejamaislenezdehorssansmaquillage.
–Pourquoituasbesoindemettredumascaraalorsquetuvasêtredanslenoiraucinéma?
disait-iltoujours.
–Parcequ’ilyadelalumièredanslehall,voyons,papa,répondait-elleinvariablement.
Rienquelefaitqu’ellenesesoitpasmaquillélesyeuxaujourd’huiendisaitlongsurlafatigue
qu’elledevaitéprouver.
–Peut-êtrequetuferaismieuxd’allert’allongerdanslebus.
Ellesecoualatêteetmêmesescheveuxmeparurentternes.
–Jeveuxvoirleconcert.Griffinaditqu’ilallaitjouerunsolopourmoi.
Mêmedouloureux,sonsouriremontraitbienàquelpointelleaimaitsonmari.Etmoi,je
n’arrivaistoujoursàm’habitueraufaitquelemot«mari»puisses’appliqueràlui.
Torynetardapasàvenirchercherlesgarçonspourleurséancededédicacesetjerestaiavec
Anna,tropbieninstalléepouravoirenviedesuivreGriffin.Saufquejen’étaismêmepassûre
qu’ellesoitsibieninstalléequeça:enapparence,elleavaitl’aird’allerbien,maislamême
expressionrevenaitrégulièrementsursonvisageetellesemettaitensuiteàinspireretexpirer
lentement.Puisellesemblaitallermieuxetrecommençaitàsegaverdepop-corn.
–Tuessûrequeçava?
–Àvraidire,pasvraiment.TouslesM&Mssontaufonddusaladier.
Saréponsenemefitpasrireetjemontraisondos.
–Physiquement,jeveuxdire.Çava,tuessûre?
–C’estjusteunmaldedos,jetedis.Çaarrivequandtutrimballesunebouledebowlingde
cinquantekilos,maisçavapassersijegardelesjambessurélevées.
–Peut-êtrequetuferaisquandmêmemieuxdevoirundocteur.C’étaitquand,ladernièrefois
quetuenasvuun?
Ellen’avaitpasvraimentétésuiviedepuissondépartdeSeattleetj’étaissûrequ’un
gynécologueauraitpuluidonnerdesconseils,maisellelevalesyeuxauciel.
–Pourunmaldedos?Ilsvontmefairequoi,àl’hôpital?Medirederesterassiseetdeme
reposer,etc’estcequejefais.Tuvois,jesuistellementdouéequejerespectelesconsignesdu
docteuravantmêmedel’avoirvu.
J’allaisrépliquerfaceàsontonsarcastiquequandellegémitetsifflaentresesdents.Le
saladierdepop-corns’écrasaparterreetéclataenmillemorceauxtandisqu’ellemassait
frénétiquementsachutedereins.J’allaiimmédiatementmeplacerderrièreelleetappuyaidanslebas
desondos,etellesepenchaenavanttoutenessayantderespirercalmemententredeuxcrisde
douleur.Jemerendissoudaincomptequec’étaitbienplusqu’unsimplemaldedos:c’étaitmon
neveuquiarrivait,etmoncœursemitàbattreàtouteberzingue.
–Ondoitt’ameneràl’hôpital.Letravailacommencé.
Ellesecoualatête.
–C’estjusteunmaldedos,jetedis.Jedoisaccoucherlasemaineprochaine.
Dansuneautresituation,jeluiauraisdonnéunetapeàl’arrièredelatêtecommeKellanle
faisaitavecGriffin.
–Presquepersonnen’accoucheàterme,Anna.
–Pourquoiilsappellentçaleterme,alors?Ilsferaientmieuxd’appelerçaladate
approximativedelivraison.
–Entoutcas,c’estlebébéquicommande,etMaximusabienl’airdécidéàdébarquer
aujourd’hui.
–Mais…etmesM&Ms?
–TesM&Msattendront,dis-jeenlamassantd’unemainetencherchantmonportabledansmon
sacdel’autre.
Unefoisdeplus,montéléphones’étaitglisséentrelespagesdemonlivre.J’essayaid’appeler
Kellanmaisilneréponditpas,etGriffinnonplus.Sanstropd’espoir,j’appelaiMattetEvan,puisde
nouveauKellan,maisenvain.Çan’avaitriend’étonnant:lapolitiquedeToryétaitsuperstricteàce
sujetpendantlesrencontresaveclesfans.Deaconavaitréponduunefois,etToryl’avaitétripéaprès
laséancededédicaces.Ilsavaientbeauêtredesrockstars,ellesavaitquiilfallaitchouchouterpour
fairemonterlesventes.
–Jevaisdevoirallerleschercher.
Cequivoulaitdirequej’allaisaussidevoirtraverserunesalleblindéedefansdeKell-Sex,
maisjen’avaispastroplechoix.
–VachercherGriffin…JeveuxGriffin…ditAnnad’unepetitevoixperdueeteffrayée.
Jeluifrottailedosetmelevaimaisellemerappelaquandjem’apprêtaisàsortir.
–Kiera!
Quandjemetournai,ellesemblaitterrifiée.
–Jecroisquejeviensdemefairepipidessus.
Eneffet,sonpantalonnoirétaittrempéetsachaiseétaitmouilléeaussi.
–Etmoi,jecroisquetuviensdeperdreleseaux.
Enentendantça,ellesemitofficiellementàflipper.
–Non,non,non!Jenevaispasaccoucherdanslescoulissesd’unconcertderock!Jeveuxêtre
dansunhôpital,etjeveuxêtredéfoncéeauxantidouleurs!
–Ilaétéconçudanslescoulissesd’unconcertalorsçaparaîtlogiquequ’ilnaisseaumême
endroit.
Ellemefrappaaubras,sifortquej’auraissansdouteunbleulelendemain.
–Emmène-moiàl’hôpital,putain!
Jetournailestalonsetquittailapièceaupasdecourse.Pourlapremièrefoisdepuisledébutde
latournée,iln’yavaitpersonnedanslescouloirs,mêmepasuntechnicien.D’habitude,ilyavait
toujoursuntasdegensoccupésàfairequelquechosemaisaujourd’hui,lescoulissesétaientvideset
jedusmerésoudreàallerlàoùjesavaisqu’ilyauraitdumonde…Ilyauraitmêmebeaucouptrop
demonde,maisc’étaitlàqu’étaitGriffinalorsjen’avaispaslechoix.
Enapprochantdesportes,jepusentendrelescrisetlesgloussementsquiindiquaient
généralementquelaséanceavaitcommencé.Lesportesétaientgrandesouvertesetquelquesfans
étaientdéjàentraindesortir,certainesaveclesjouesrougescommesiellesavaientpleuré.Je
passaiàcôtéd’ellesàtoutevitesseetl’uned’entreellespoussauncri.
–C’estelle?LapétassequicoucheavecKellan?
–Jecroisquec’estelle,répondituneautre.Elleestgonflée,qu’est-cequ’ellefoutici?
J’avaisvraimentdesproblèmesplusurgentsàgéreretjelesdépassaienserrantlesdents.
Quandj’entraidanslapièce,monregardrencontraimmédiatementceluideKellan,deboutàcôtéde
Sienna,etilécarquillalesyeuxenmevoyant.Ilsavaitquesij’étaislàc’estparcequ’ilsepassait
quelquechosedegrave,etilpritunairalarméquelesfansallaientprendrepourdelapanique.Oh
non,mamaîtresseestdanslamêmepiècequemacopine.
Ilessayad’avancerversmoimaislesfansl’empêchaientdebouger,etdetoutefaçon,cen’était
pasluiquejevoulaisvoir.Jetraversailafouledefansentraindefairelaqueuepouratteindre
Griffinetunsilences’abattitsurl’assemblée,bientôtremplacépardesmurmuresrageurs,àbasede
«C’estelle!Elleestlà!Quellesalope!».Puistoutlemonderéagitenmereconnaissant:audébut,
lesgenssecontentaientdemebloquerlepassage.J’avaisbeaum’excuser,demanderpoliment,
c’étaitcommesilesfansformaientunmurenbétonarméetjecommençaiàpaniquer.Masœurallait
accoucher,elleavaitbesoindesonmarietilfallaitabsolumentquejeleprévienne.Incapablede
penseràautrechose,jememisàlesbousculer,etonmebrusquaimmédiatementenretour.
Néanmoins,quandl’endroitsemitàressembleràunefossependantunconcert,jecommençaienfinà
avancer.Lavérité,c’étaitsurtoutqu’onmepoussaitbrutalementenavant,maissiçamepermettait
d’arriverjusqu’àGriffin,çam’étaitégal.
Aumomentoùj’étaispresqueàsahauteur,quelqu’unmepoussacontreunefilleauxairsde
grossedurequiavaitunecrêterosesurlatête.Elleportaituntee-shirtKell-Sex,etquandelleme
reconnut,jeluttaicontreuneénormeenviedesoupirer.Ellenemelaissamêmepasletempsde
m’excuseretdelacontourner:pourleplusgrandplaisirdelafoulequinousentourait,ellemegifla.
Onnem’avaitjamaisgifléeauparavant,etmaintenantquejesavaiscequeçafaisait,jemepromisde
neplusjamaisfrapperquelqu’un,mêmesilapersonneleméritait.
Malgrémonoreillegauchequisifflait,j’entendisKellancriermonnommaisjeprofitaidece
momentd’inattentiondesfanspourenfinrejoindreGriffin.
–Putain,ellet’avraimentgiflée?Çava?
Ilétaitdéjàentraindesedirigerverslafillemaisonavaitautrechoseàfairequedéfendremon
honneuretjeluiprislamain.
–Annaaperduleseaux,ilfautl’emmeneràl’hôpital!
Ilrestabouchebéeetsesyeuxseposèrentsurlaporte,dontl’accèsétaitbloquépardes
centainesdefansquiavaientarrêtédefairelaqueuebiengentiment.Torycriaitpouressayerde
rétablirunpeud’ordreetj’entendisKellancriermonnommaisjerestaiconcentréesurGriffin.
–Ellevabien?demanda-t-il,inquiet.
–Non,dis-jeenletirantparlebras.Ellealatrouilleetj’aidûlalaissertouteseulepourvenir
techercher.
Ilhochalatêteetsemitàavancerjusqu’àlasortie,sanssedonnerlapeined’êtreaussipolique
moi.
–Dégagezlepassage,putain!cria-t-ilenmetirantderrièrelui.
MattetEvanessayèrentdenoussuivre,maisc’étaitimpossibledebougerdelàoùilsétaient.
–Anna!Hôpital!criai-jepar-dessusmonépauleàl’intentiondeKellan.
IlcomprittoutdesuitecequejevoulaisdireetsetournaversSienna.Lesfansn’avaientpasla
moindreidéedecequisepassaitmaisilssautèrentsurl’occasionpouroutrepasserlesconsignesde
Toryetseruersurleursstarsadorées.UngroupeplaquaKellancontrelemuretlesfanstroploinde
l’actionsevengèrentsurmoi.Onm’insulta,onmefitdescroche-piedsetjesuispresquesûreque
quelqu’unmecrachadanslescheveux.Heureusement,Griffinnemelâchaitpasetonfinitpararriver
danslecouloiraumomentoùGorilles1et2arrivaientàlarescousse.Griffinsemitàcourirpour
allerrejoindremasœuretjelesuivistoutenespérantquelesgardesducorpsparviennentàmettre
KellanetSiennaàl’abri.
Quandonarrivadanslaloge,Annafaisaitlescentpasensefrottantleventre,respirant
bruyamment.Delasueurcommençaitàperlersursonfrontmaisl’expressiondedouleursurson
visagesemblas’atténuerunpeulorsqu’ellevitGriffin.
–Griff,jecommencevraimentàavoirmal.
–D’accord.Pasdesouci,onvateconduireàl’hôpitaletilsvonttedonnerdescachets.
Jenevouluspasjouerlarabat-joieenleurfaisantremarquerquec’étaitsansdoutetroptard
pourlapéridurale,maisjemedécidaiquandmêmeàleurfairepartd’undétail.
–Etpourleconcertdecesoir?
–Etmerde!s’exclamaGriffinavantdeposerlesyeuxsurmoi.Tuconnaisnoschansons.Tu
n’asqu’àjoueràmaplace.
–Arrête,jesaisàpeinejouerunaccordàlaguitare!
–Jesuissûrquetuvasassurer.Boncourage!
Ilmetapotalebrasetjeleregardaiquitterlapièceensoutenantmasœur.Ilvenaitvraimentde
medésignerbassisteremplaçante?Jesecouailatêteetmelançaiàleurpoursuite.
–Non,jeviensavecvous!Detoutefaçon,onvasûrementmejeterdesœufssijemontesur
scène.
–Pasgrave,Mattsedébrouillera.
PauvreMatt…Ilallaitsûrementfaireuneattaque.
Enouvrantlaporte,jemedemandaisijedevaisappeleruntaxiouuneambulance,maisjen’eus
besoindefairenil’unnil’autre.Unevoituredelamaisondedisquessemitàavancerversnous,et
mêmesilechauffeurparutétonnéenvoyantAnna,ilouvritquandmêmelaportière.Jesupposaique
Kellans’étaittournéversSiennapourluidemanderdenousenvoyerunevoitureetjemepromisde
laremercierplustard.
Montéléphonesonnaalorsquelechauffeurprogressaitrapidementdanslesruesde
Philadelphieetjepoussaiunsoupirdesoulagementenconstatantquec’étaitKellan.Aumoins,les
fansnel’avaientpaspiétiné.
–Toutvabien?demandai-je.
–J’allaisteposerlamêmequestion.Jen’enrevienspasquecetteconnasset’aitfrappée.
–Çava.
Majouepiquaitetj’étaispresquesûred’avoirencorelamarquedesesdoigts,maiscen’était
pasgrand-chosecomparéàAnna.Ellerespiraitbruyammentetelleavaitsimalqu’elleavaitlesyeux
pleinsdelarmes.
–EtAnna?
–Çapeutaller…
Àcemoment-là,ellefermalesyeuxetpoussauncridedouleur.Griffinlapritdanssesbras
plustendrementquecequejen’auraisjamaisimaginéetsemitàluimurmurerdesmots
d’encouragement,etenlesvoyantcommeça,melereprésenterenbeau-frèrefêtantNoëldansma
famillemesemblaunpeumoinsbizarre.
–JevoudraisvraimentêtreavecvousmaisMattflippecomplètementpourleconcert.Onpart
répéteravecDavidpourqu’ilsoitprêtàremplacerGriffin,maisjevaisdireàSiennaquejeneserai
paslàpourlerappeletjeviendraivousrejoindre.Jesuissûrqu’ellecomprendra.
J’étaisloind’enêtreaussisûrequeluimaisjesavaisqu’ilfaudraitqu’ellel’attachepourl’en
empêcher.
–D’accord.Àtoutàl’heure,boncourage.
–Toiaussi.
Quandonarrivaauxurgencesd’undesnombreuxhôpitauxdelaville,j’envoyaiunmessageà
DennypourlemettreaucourantetluidemandaideprévenirtousnosamisàSeattle.Puisjesortisde
lavoitureetaidaiGriffinàfairesortirAnna,avantdelaconduirejusqu’àl’entréedesurgences.Elle
n’arrêtaitpasd’essayerdes’accroupir,commesielleavaitenviedefairepipi.
–Attendspourpousser,onyestpresque.
–Facileàdire!Jevoudraisbient’yvoir!
–Jesais…maisessaiedetenirencoreunpeu.
Heureusement,lesurgencesétaientplutôtcalmesànotrearrivée,etGriffininterpellaune
infirmièreàl’accueil.
–S’ilvousplaît!Lebébévasortir!
Jefussoulagéedeconstaterqu’ilavaitréussiàdireçasansjurer.L’infirmièreapportaun
fauteuilroulantpourAnnaettenditdesformulairesàGriffin.
–Vousdevezremplirça.
Ilregardalespapierscommesic’étaitduchinois.
–Jenevaispasremplirdesputainsdeformulairespendantquemafemmeestentrain
d’accoucher,vousêtestaréeouquoi?
Jepoussaiunsoupirexaspéréetm’emparaidespapiers.Sansjurer,tuparles…
–C’estbon,jem’enoccupe.VaavecAnna.Elleadéjàperduleseaux,ajoutai-jeàl’attention
del’infirmière.
EllehochalatêteetemmenaAnnadansunesalle,avecGriffinsurlestalons.
–Merci,Kiera,cria-t-ilpar-dessussonépauleavantdedisparaître.
Jem’assisetsoupiraiensongeantquemonneveuseraitsûrementdéjàlàquandj’enauraisfini
avectoutecettepaperasse.Maisaprèstout,c’étaitnormalqu’AnnaetGriffinfassentçaensemble.
Quandj’eusterminé,jedonnailespapiersàl’infirmièrequiavaitadmismasœuretelle
m’indiquaoùsetrouvaitAnna.Enchemin,jem’arrêtaidansuneboutiquedel’hôpitalpouracheterun
oursenpeluchebleuetjemedirigeaiverslessallesd’accouchementencaressantlerubansoyeux
quientouraitlecoudunounours.
Unefoisarrivéeàlasalledesinfirmières,j’allaisdemanderdansquellechambresetrouvait
Annaquandj’aperçusGriffin,quimarchaitdanslecouloirl’aircomplètementhébété.Unebouffée
d’angoissemepritàlagorgeenvoyantsatêtetandisqu’ilpassaitàcôtédemoipours’avachirdans
unfauteuiletj’allailerejoindre,mêmesijemouraisd’enviedecourirauchevetdemasœur.
–Griffin…çava?
–C’était…letruc…leplusrépugnant…quej’aiejamaisvu.
Mapeurs’évanouit.Jecomprisquec’étaitpourçaqu’iltiraitunetêtepareillemaisquema
sœurallaitbien.Jetapotaisongenouetsonexpressionchangea.
–Etletrucleplusincroyable,aussi.
Sesyeuxseremplirentdelarmesetjesentismagorgeseserrer.
–Tuauraisdûlavoir,elleaététellementcourageuse.
Jehochailatêteetj’eussoudainl’enviebizarredeleprendredansmesbras.
–Tupeuxallerlavoir.Elleestmagnifique…commesamaman.
–Elle?C’estunefille?
Ilhochalatêteetunelarmeroulasursajoue.
–Annaavaitraison.Commed’habitude.
Unsanglotm’échappaetjesautaiaucoudeGriffin.Ilritetilpleuradansmesbrasetje
ressentisquelquechosequejen’avaisjamaisressentipourGriffin:uneprofondeaffection.
–C’estquellechambre?
Griffinselevaetindiqualeboutducouloir.
–Jeviensavectoi.
Masœurétaitàlafoisépuiséeetrayonnantequandj’entraietelleavaitunpetitpaquetdansses
brasentouréd’unecouvertureroseetcoifféd’unbonnetpastel.JemeremisàpleureretquandAnna
levalesyeuxversmoi,ellepleuraitaussi.
–J’airéussi,Kiera.
Jemepenchaisurellepourlaprendredansmesbras,bouleversée.
–Jesavaisquetuassurerais.
Elledéplaçalégèrementlebébécontresapoitrinepourquejepuissevoirsonvisage:elleétait
roseetparfaite,avecdesjouesdoduesquidonnaientenviedelacouvrirdebaisers.Commesielle
savaitquejelaregardais,elleouvritlesyeux,puiselleouvritlabouchecommesielleessayaitdéjà
desourire.Griffinavaitraison:elleétaitmagnifique,etsurtoutunedesplusbelleschosesque
j’avaisjamaisvues.Ouplutôtlaplusbellechosequej’avaisjamaisvue.
Jetendislamainpourcaresserdoucementlapetitemainquin’étaitpasenserréedansla
couvertureetjerecommençaiàpleurerquandsespetitsdoigtsserefermèrentinstinctivementautour
demonauriculaire.
–Jepensequ’ilvafalloirquej’aillel’échanger,dis-jeàAnnaenluimontrantl’oursbleu.
–Jeluiavaisbienditquej’attendaisunefille,àcettegrossevache.
–Etalors…Myrtille?
–Turigoles?C’étaithorsdequestionquejel’appellecommeça.Etpuisonaeuunemeilleure
idée.
Jelesregardaitouslesdeuxenmedemandantcequ’ilsavaientbienpuchoisir,aprèsavoirété
fixéssurMaximuspendantdesmois.
–Elles’appelleGibson,ditGriffinensouriant.
Jecompristoutdesuiteàquoicelafaisaitréférence:Gibsonétaitunemarquedeguitare.
C’étaitunnomassezsurprenantpourunbébé,surtoutunepetitefille,maisc’étaitlenomparfaitpour
unenfantderockstar.Jesourisetcaressailajouedubébé.
–Bonjour,Gibson.Jesuisvraimentcontentedeterencontrer.Etj’adoretonprénom.
Soudain,jepensaiàquelquechose:mamèren’avaitpascesséd’appelermasœuraucoursdes
deuxdernièressemainespourveniràSeattleetêtrelàpourlanaissance.Annan’avaitpasarrêtéde
luidirequec’étaittroptôt,maisjepensequ’envéritéellenevoulaitpasluiavouerqu’ellen’était
pasàSeattle,contrairementàcequecroyaientnosparents.Etnotremèreallaitêtrefurieused’avoir
manquélanaissancedesapremièrepetite-fille.
–Anna…Mamanvanoustuer.
24
Beautéetcruauté
Ondécidad’appelernosparentslelendemainmatin.Ilsavaientratélanaissancedetoutefaçon,
alorsquelquesheuresdeplusoudemoinsn’allaientpaschangergrand-chose.Etsurtout,ilsallaient
vouloirsavoircequ’ellecomptaitfaireensuite,etAnnan’yavaitpasencoreréfléchi.Pourle
moment,ellevoulaitjusteêtreunpeuaucalmeetprofiterdesafille.
Jelisaisdansuncoindelapiècependantqu’AnnadormaitetqueGriffintenaitGibsondansses
bras.Iln’arrivaitpasàlaquitterdesyeuxetjenel’avaisjamaisvuaussiheureux.Ilriaitdoucement
dèsqu’ellebougeaitunorteil,c’étaitunspectacleinédit.C’étaitvraimentadorableetj’abandonnai
rapidementmonlivrepourlesregarder.
–Jepensequ’ellevaêtreblonde,commemoi,dit-ilenajustantsonbonnetetencaressantles
petitscheveuxquidépassaient.Maisj’espèrequ’elleauralesyeuxd’Anna.
Pourlemoment,elleavaitlesyeuxbleufoncémaisl’infirmièrenousavaitexpliquéquela
plupartdesbébésavaientlesyeuxdecettecouleuràlanaissance,etquelacouleurdéfinitive
apparaîtraitpendantlapremièreannée.J’étaisétonnéequeGriffins’ensouvienne.
QuandKellanarrivaavecEvanetMatt,lesvisitesétaientpresqueterminées.J’étaisdansla
salled’attenteentraind’acheterquelquechoseaudistributeuretjevisKellanfairesonnumérode
charmeauxinfirmièresqui,biensûr,lelaissèrententrer.Encoreunpeuetellesluiauraientsûrement
préparéunlitetfaitcoulerunbain.
Jeremarquaiquetouslesgarçonss’étaientchangésetçamefitsourirequ’ilssesoientfaits
beauxpourl’occasion.Tropoccupéàchercherlachambred’Anna,Kellannemevitpas.Jeles
rattrapaisansfairedebruitetluipinçailesfesses,cequilefitsursauter.
–Salut,vous.Vousvenezsouventparici?
Ilsourit,soulagéquecenesoitquemoi.
–Passijepeuxl’éviter,non.
Jerisetluimontrailachambre.
–Elleestlà.
Impatiente,jememordislalèvreenlesvoyantseprécipiterdanslachambrepourrencontrerle
nouveaumembredelafamille.Jeleuravaisenvoyéuntextoaprèslanaissancepourleurdire
qu’Annaetlebébéallaientbienmaisjeneleuravaispasrévélélesexe,pourleurfairelasurprise.
MattfutplusrapidequelesautresetvitGibsonenpremier.Evanétaitjustederrièrelui,suivi
deKellanetmoi.Annaétaitréveilléemaisétaittoujoursalitéeetc’étaitGriffinquiavaitGibson
danslesbras.
–Tunetrouvespasqu’elleamonnez?
–C’estunefille?
Mattlesregardaàtourderôle,souslechoc.
–Félicitations.Elleestmagnifique.
Griffinrayonnacommesic’étaitluiquiavaitfaittoutletravailalorsqu’enréalitéiln’avaitpas
faitgrand-chose.
–Merci.
Annasouritenvoyantàquelpointilétaitfieretindiqualelavabodel’autrecôtédelachambre.
–Lavez-vouslesmainsetvouspourrezlaprendredansvosbras.
C’étaitdrôlederegardercesrockstarsnormalementinsouciantessepassercepetitêtrecomme
s’ilétaitcomposédematièrenucléaireet,quandcefutenfinautourdeKellan,ilfrottalespaumesde
sesmainssursonjean.
–Çamestresse,memurmura-t-il.Etsijelafaistomber?
–Net’enfaispas,tuesplutôtdouéaveclesfemmes.
Illevalesyeuxaucieletlapritdesmainsd’Evanavecprécaution.Lesourirequinaquitsurses
lèvresétaittelquej’eneusleslarmesauxyeux.Levoirtenirunenfantdanssesbras…j’avais
toujoursimaginéquelascèneluiiraitcommeungant,maiscen’étaitriendutoutcomparéàça…Il
avaittellementd’amouràdonner,çasevoyaitcommelenezaumilieudelafigure.
–Ellesentbon,murmura-t-ilensetournantversmoi.Commentçasefaitqu’ellesenteaussi
bon?
Jehaussailesépaules.S’ilsavaitcombiendefoisjemeposaislaquestionleconcernant…
Ilsemitàlabercertoutenluifaisantdesgrimacespouressayerdelafairerireetj’essuyaiune
larmesurmajoueenleregardant.Etquandilsepenchapourluifaireunbisouesquimau,jedus
tournerlatêtepournepasmemettreàsangloter.Jepouvaispresquesentirmeshormonesmecrier
«Jeveuxunbébé»,maischaquechoseensontemps:ilfallaitdéjàquejecommenceparmemarier.
QuandjetournailatêteversAnna,jevisqu’elleavaitleslarmesauxyeux,elleaussi.
–Jepensequ’ilenveutun,articula-t-elleàmonattentionenlemontrantdudoigt.
Jesecouailatêteetluirépondiscequejevenaisjustedemerépondreàmoi-même.Pastoutde
suite.
Mattprenaitjenesaispascombiendephotosetmêmesij’enavaisdéjàprisdesdizaines,je
ressortismonportablepourenprendredeGibsonetKellan.
–Jevaisenenvoyeràmesparents,ditMattensouriant.Aufait,Griff,tuasappelélestiens?
–Oui,ilsveulentqu’onvienneàLosAngelesdèsquelatournéeseraterminée.
MattetGriffinétaienttouslesdeuxoriginairesdeLosAngelesetilsavaientencoredela
famillelà-bas,dansunquartieràl’opposédupalacedelamaisondedisques.Ilsavaienttousles
deuxrenduvisiteàleursparentspendantqu’onétaitlà-basmaisilsnelesavaientpasvutantqueça,
étantdonnéque,selonGriffin,lamaisonqu’onoccupait«déchiraitgraveparrapportàlabaraquede
sesparents».
J’avaisenviededemanderàmasœurcequ’elleavaitl’intentiondefaireensuite,maisMattfut
plusrapidequemoi.
–Ondoitreprendrelaroutecesoir.Qu’est-cequevouscomptezfaire?
GriffinregardaAnna,lamortdansl’âme.
–Ilfautquejeparteaveceux.
–Jesais,dit-elletristement.
–Jevaisresteravectoi.Jesuissûrequesitoutvabien,ilstelaisserontsortirdemain,etàce
moment-là,jeteramèneraiàlamaison.Enfin,chezlesparents,jeveuxdire.Tun’aurasqu’àrester
là-basettereposerjusqu’aumariage.
Ellen’eutpasl’aird’appréciermonidéedepasserunmoischeznosparentsmaisiln’yavait
pastrente-sixsolutions.SiellerentraitàSeattle,çavoudraitdirequ’elledevraitquandmême
reprendrel’avionpourAthensensuite,etpendantlapériodelapluschargéedel’année.Autant
rentrerdirectementdansl’Ohio…EtpuisçarassureraitAnnad’avoirnotremèreprèsd’ellepour
l’aider…mêmesielleallaitlarendrefolle.
Ellehochalatête,résignée,maisGriffinn’avaitpasl’airdel’entendredecetteoreille.
–Alorsça,çam’étonnerait.
IlpritdélicatementsafilledesbrasdeKellan,quin’avaitpasdutoutl’aird’avoirenviedela
lâcher,etAnnarelevalatêtedansl’espoirqueGriffinaittrouvélasolutionmiracle.Demoncôté,je
croisailesbrassurmapoitrine,curieused’entendrecequ’ilavaitàproposer.
–Jeneveuxpasquetut’enailles.Jeveuxqueturestesavecmoi.Unefoisqu’ilsluiaurontdit
qu’ellepeutsortir,dit-ilensetournantversmoi,jeveuxquetumelaramènes.
Àenjugerparletonqu’ilemployait,cen’étaitpasunequestion,maisjenepusm’empêcher
d’intervenir.
–Tuveuxavoirunnouveau-nédanslebusavectoi?
Ilhaussalesépaulesetregardalesautres.
–Pourquoipas?
L’instinctmaterneld’Annavenaitsûrementdeseréveillercarellen’avaitpasl’airemballée.
–Niveauhygiène,jenesuispassûrequecesoitunebonneidée,Griff.
–C’estsûrementmoi,letruclepluscradedanscebus,ettudorsavecmoitouslessoirs.
J’essayaidenepasriremaisj’échouailamentablementetKellanmedonnauncoupdecoudeen
secouantlatête.Annanesemblaittoujourspasconvaincueetsonregardallaitdesafilleàmoi.
–Tuenpensesquoi,Kiera?
MaintenantqueGibsonétaitnéeetquesonexistenceétaittangible,Annaparaissaitterrifiéeà
l’idéedefairecequ’ilnefallaitpasetdeprendreunemauvaisedécision.
ElleetGriffinmedévisageaienttouslesdeuxd’unairanxieux,maispourrépondreàcette
question,ilfallaitquejelesoublieetquejemeconcentresurGibson.Qu’est-cequiétaitlemieux
pourelle?Sic’étaitmafille,jeferaisquoi?Jen’yconnaissaisrienenbébésmaisj’enconnaissais
unrayonsurlaviedansunbus.Etàl’exceptiondemesparents,quiavaienttouslesdeuxuntravailà
pleintempsqu’ilsnepouvaientpasabandonnerpouraidermasœur,personnen’étaitsansdoute
mieuxplacépourl’aiderquelesD-Bags.
–Defaçongénérale,jepensequec’estcomplètementdingued’avoirunenfantetdevivrelavie
qu’onmène.
AnnafronçalessourcilsetGriffinallaitrépliquermaisjelevailamainpourlefairetaire.
–Maisdanscecasprécis,jepensequeçapourraitmarcher.Votrefillen’aurapasuneenfance
traditionnelle,detoutefaçon,ets’ilyabienunendroitoùellerecevratoutl’amourdumonde,c’est
biendanscebus.
Annasouritetsesyeuxseremplirentdelarmes.
–Etpuisl’infirmièreabienditquependantlespremiersmoisilsnefaisaientquedormir,
mangeretfairecaca,non?
Griffinm’adressaunsignedetêtereconnaissant,puisileutsoudainl’airderéaliserqueles
autresaussiavaientleurmotàdire.
–Etvous,lesgars…vousêtesd’accord?
–Jepensequec’estunesuperidée,ditKellanenpassantunbrasautourdemataille.
Evanhochalatête,toujoursimperturbable,etMattsourit.
–Cen’estpascommesionn’avaitpasdéjàl’habituded’entendredescrisenprovenancede
votrechambreàlongueurdetemps.
Toutlemonderit,puisKellansetournaversMatt.
–Ilfautqu’onparleaveclesmecsdeHoleshot.
–Deaconestdugenrefacileàvivre,jesuissûrqu’ildiraoui.
–Aupire,glissai-je,ilspeuventtoujoursallerdanslebusdeSienna.Elleabienditqu’elleen
avaitmarred’êtretouteseule,non?
KellanritetGibsonsursauta.
–Envoilà,unebonneidée.
–Mec,ditGriffinenlefusillantduregard,baissed’unton,tufaispeuràmafille.
–Désolé.
Puisilimitalebruitd’unfouetquiclaquaitdansl’airetjedusenfouirmonvisagedanssoncou
pournepaséclaterderireàmontour.
Kellanetlesgarçonspartirentpeuaprès.Leconcertétaitterminéetlestechniciensétaientsans
douteentraindetoutdémonter.J’attendisdanslecouloiravecEvan,MattetKellanpendantque
Griffindisaitaurevoiràsafamille.
–Tuvasmemanquer,meditKellan.
–Toiaussi,répondis-jeenmeblottissantcontrelui,maistuvasjusteàEastRutherford,c’est
toutprès.
–Moi,jetrouveçatroploin.TucroisqueGriffinseraunbonpère?
Jeregardailaporteferméedelachambred’Anna.Çafaisaitbienunquartd’heurequ’ildisait
aurevoiràsafemmeetàsafille.
–Bizarrement,jepensequeoui.
–Ettupensesquemoi,jeseraiunbonpère,unjour?
Jemeserraicontreluietacquiesçaiénergiquement.
–Tuserasgénial,j’ensuissûre.
Ilsouritàlapromessequemaphrasecontenait:pourluietmoi,laquestionn’étaitpasde
savoirsionvoulaitdesenfantsmaisplutôtdesavoirquand.
QuandGriffinsortitenfindelachambre,ils’essuyadiscrètementlesyeux.Jenel’avaisjamais
vuaussimalheureuxetjenepouvaispasm’empêcherdeledévisager.
–Quoi?grommela-t-il.
Puisiltraversalecouloir,s’éloignantàchaquepasdesdeuxpersonnesquiétaientmaintenant
toutesavie,etMattetEvancoururentderrièrelui.EvanpassaunbrasautourdesesépaulesetMatt
luidonnaunepetitebourradedanslescôtes.Kellanlesregardaensourianttristement.
–Ilfautquej’yaille,maisonsevoitbientôt.Faisattentionàtoi,d’accord?
–Jefaistoujoursattentionàmoi.Jet’aime,dis-jeavantdel’embrasserdoucement.
–Moiaussi,jet’aime.
Enleregardants’éloigner,j’essayaidenepaspenseràquelpointilallaitmemanquer,et
observerlafaçondontsesvêtementsépousaientlaformedesoncorpsm’aidaàmechangerlesidées.
Arrivéàlaporte,ilregardaderrièreluietmefitunpetitsigneavantdesortir.Enluirépondant,je
remarquaiqu’uneinfirmièreleregardaitensoupirantetjeris,avantd’enfaireautantenlevoyant
disparaître.
Vingtminutesplustard,montéléphonesonnaetjemeprécipitaipourrépondre.
–Jetemanquedéjà?
–Àtonavis?Jevoulaisjusteteprévenirqu’ilyavaitungroupedefansdevantl’hôpitalquand
onestpartis.
Jemelevaiimmédiatementpourregarderparlafenêtremaislachambred’Annadonnaitsurune
coursituéeaucentredel’hôpital,passurl’extérieur.
–Desfans?Ici?Maiscomment…
Jenefinispasmaphrase.Jevenaisdemerappelerquej’avaisannoncéquej’allaisàl’hôpital
devantdesdizainesdefans.LesplusacharnésavaientdûmesuivreenespérantcroiserKellanou
peut-êtremerefaireleportrait…
–Onestsortisducôtédesurgences,ilsnem’ontpasvumaisilsdoiventpenserquejesuis
encorelà…avectoi.J’aiappelél’hôpitalpourlesprévenir,doncjenepensepasqu’ilslaisseront
rentrerquiquecesoitmaisfaisattentionensortant,d’accord?Jen’aipasencoreeuletempsde
faireunedéclarationàproposdelaphoto.
–D’accord.Merci.
Génial.Est-cequej’allaisvraimentdevoiraffronterunehordedefansenragésenessayantde
sortird’iciavecmanièce?Etmoiquipensaisquemavienepouvaitpasdevenirplusbizarre…
Quandjemeréveillai,lelendemain,j’avaisledosencompoteetl’impressiondenepasavoir
dormidelanuit.Quelqu’unétaitvenuplusieursfoisdanslanuitpourvérifierquelebébéallaitbien,
etjem’étaisréveilléeàchaquefois.Unefoiscomplètementréveillée,jemerendiscompteque
Gibsonn’étaitpluslà.J’avaisdûfinirparm’endormirprofondémenttôtlematinetquelqu’unétait
venulachercher.J’étaispresquesûrequec’étaitimpossibledekidnapperunbébé–ilsportaientun
braceletquisonnaitsionlesfaisaitsortirdel’hôpital–,maisjesentisquandmêmeunevaguede
paniquemesubmerger.
Annan’étaitpluslànonplus,cequivoulaitsûrementdirequ’elleétaitavecsafille,maistandis
quejemettaismeschaussures,j’envisageaiquandmêmedefouillerl’hôpitalchambreparchambre
pourtrouvermanièce.C’étaitsansdouteplusraisonnablededemanderàuneinfirmièrenéanmoins,
etquandjesortisdanslecouloirpourentrouverune,jemerendiscomptequej’avaispaniquépour
rien:Annaétaitlà,vêtuedelarobedechambredel’hôpitaletentraindebercerGibson,etle
soulagementm’envahitimmédiatement,pourbientôtfaireplaceàdel’amusement:uninfirmierla
suivait,lesbraschargésd’unsiègebébé,defleursetdedeuxénormessacs.Mêmequelquesheures
aprèsavoiraccouché,masœurarrivaittoujoursàfairefaireauxhommescequ’ellevoulait.
–Gibsonvientjustedepasseruntestpourcontrôlersonaudition.Toutestnormal.
Ellemesourit,souritàsafilleetdemandaàl’infirmierdetoutposersursonlit.Ils’exécutade
bonnegrâceetilluidemandamêmesielleavaitbesoind’autrechosemaisellesecoualatêtesans
quitterGibsondesyeux.
Aprèsledépart(àcontrecœur)del’infirmier,jemetournaiverslelitpourexaminersessacs.
–Euh…Tuesalléefairelesboutiques,cematin?
Onétaitpartiespourl’hôpitalsansrien,àpartlesvêtementsqu’onavaitsurledos.
–Non,c’estSiennaquiaenvoyétoutça.Elledevaitsedouterqu’onétaitpartiesencatastrophe
etquelesgarçonsnepenseraientpasànousapporterdesaffaires.
J’écarquillailesyeuxenexaminantlesprésentsdeSienna.C’étaitvraimentattentionnédesa
part.J’espéraisjustequ’ilyavaitdesaffairesdetoilettedansundessacs:j’auraisputuerpourune
brosseàdents.
–C’estgentildesapart,reconnus-je.
AnnafrottasonvisagecontreceluideGibsonavantdelaremettredanssonberceau.
–Oui,elleamêmedemandéàunchauffeurdenousattendrepournousramenerunefoisqueje
seraisautoriséeàsortir.
Ellesemitàdéballerlecontenudessacsetensortitdesvêtementspourelle,pourlebébé,età
magrandesurprise,desvêtementspourmoi.
–Quandellen’estpasoccupéeàmanipulerlepublicpourluifairecroirequ’elleentretientune
liaisonavecmonmari,elleestplutôtsympa.
–Tupensestoujoursqu’ellecourtaprèsKellan?
–Jenepensepasqu’elleluicoureréellementaprèsmaisjepensequ’ellenediraitpasnon.
Annas’assitsurlelitpourcontinueràviderlessacsetellefitlagrimaceens’asseyant.Elle
devaitavoirencoremal.
–Enmêmetemps,Kiera,quiluidiraitnon?
–Toi,j’espère,dis-jeenattrapantlebodyroseleplusminusculedumonde.
Ellericanaenfrottantunecouverturerosecontresajoue.
–Çacouledesource.Pareilpourtoi,d’ailleurs.
Ellehaussalessourcils,toutàfaitsérieuse,etjem’étranglaienavalantmasalive.
–Attends…Tut’inquiètespourmoietGriffin?
–Non,répondit-elleenriant.C’étaitjustepourvoirtatête.Çavalaitlecoup.
Aprèsledéjeuner,unpédiatrevintnousvoirpourprocéderàunexamencompletdeGibson.
–Votrefilleal’airenparfaitesanté,déclara-t-ilunefoisl’examenterminé,ettoussesrésultats
sontnormaux.Est-cequevousavezdesproblèmesconcernantl’allaitement?
Jerepensaiaumatin,quandAnnaavaitjurécommeuncharretierenessayantdedonnerleseinà
Gibson.Apparemment,cen’étaitpasaussifacilequeçaenavaitl’air,maisAnnaavaitfinipar
réussir.Néanmoins,elleneluiditpasqu’elleavaiteudumalàyarriver,niqu’elleallaitéleverson
bébédansunbusrempliderockstars.Lemédecinl’auraitprobablementfaitinterner.
–Non,toutsepassebien.
–Danscecas,vouspouvezsortirdèsaujourd’hui,ditledocteurensouriant.
Troisheuresplustardetaprèsavoirvisionnéunevidéoennuyeuseàmourirsur«Comment
prendresoindevotrenouveau-né»,AnnaetGibsonfurentofficiellementautoriséesàquitter
l’hôpital.Pendantquej’appelaiKellanpourleprévenirqu’ons’apprêtaitàsortir,Annaappelaenfin
nosparents.Notrepèren’eutpasl’airdetrèsbienleprendre,carAnnaéloignasonportablede
cinquantecentimètresdesonoreille.Detempsentemps,elleessayaitdeglisserun«Papa…Mais…
Je…»,maisilnelalaissaitjamaisterminer.Ellefinitdoncpararrêterd’essayerdesejustifieret
ellesecontentadejoueravecsafilleenl’écoutantàmoitiépiquersacrise.
Unefoislaleçondemoraleterminée,ellemetenditsonportablemaisj’étaisencoreenligne
avecKellanetjesecouailatête.Jen’avaisabsolumentpasenviedemeprendreunsavonmaisAnna
insista.
–Désolée,jedoisyaller,monpèreveutmeparler.
LeriredeKellanmefitsourire.
–Boncourage,àplustard.
–Aurevoir.
Jeraccrochaietprisleportabled’Annaàcontrecœurenm’attendantaupire.
–Allô?
–Bonjour,machérie.
Lasurpriseetlesoulagementm’envahirent:c’étaitmamère,cequivoulaitdirequ’ilyavaitde
forteschancesquejenemefassepascrierdessusentantquecompliceduprojetd’Annadedonner
naissancesurlaroute.
–JevoulaisjustesavoirsituvenaispourThanksgiving.Çameferaittellementplaisirdete
voir,surtoutqu’onapleindechosesàréglerpourlemariage.Etpuisj’aivraimenthâtedetemontrer
larobequej’aiachetée.Elleestmagnifique,tuvasl’adorer,tuverras.
Masœursemitàrireetjelafusillaiduregard.
–Àvraidire,maman,Kellanavaitvraimentenvied’allervoirsonpèrepourThanksgiving,et
commeonvapasserNoëlavecvous…Jesaisqu’ondoitparlerdepleindechosesmaisKellann’a
jamaisvraimentpassédevacancesenfamilleetjevoudraisvraimentluifaireplaisir.Jesuis
désolée…Tuveuxbien?
Aprèsunsilencedeplusieurssecondes,ellesoupira,vaincue.
–D’accord.Biensûr,jecomprends.Tuesmariée,enfinpresque,alorsilvafalloirqueje
m’habitueàtepartager.
Elleavaitunetoutepetitevoixetj’espéraiqu’ellenesemettepasàpleurer.
–Entoutcas,j’aivraimenthâtedevoirtoutcequetuaschoisietjesuissûrequeçavaêtre
génial.Mercidet’occuperdetoutça,maman.Jemesenshypercoupabledenepaspouvoirt’aider
davantage.
–Jesaisquetuaspleindechosesàgérer,machérie.
L’inquiétudes’entendaitdanssavoix.Ellesavaitquec’étaitcompliquéencemoment,et
j’allaisluidirepourlaénièmefoisquetoutallaitbienquand,soudain,sonhumeurchangea.
–Jesuistellementimpatientedetevoirdanstarobe!
OnpapotaencoreunmomentpuisjeluidisaurevoiretrendissonportableàAnna.
–Jen’enrevienspasquetun’aiesrienditpourlesmanchesbouffantes.Ondiraituntrucde
l’époqueélisabéthaine,jetejure.Jesuissûrequec’estdangereux.TupourraismettretonmariKO
entournanttropviteetenheurtantsatêteavectamanche,etaprèsilfaudraitquejeleranime.
Jerisetjeluibalançaiunbavoirenplastiqueàlafigure.
EastRutherford,dansleNewJersey,nesetrouvaitqu’àdeuxheuresderoute,cequivoulait
direqueceseraitfacilederejoindrelesgarçons.Sionsedépêchait,onpourraitpeut-êtremême
arriveràtempspourlaséancededédicaces.Nonpasquej’aieprévud’yassister…
Annaappelalechauffeurpourluidemanderdevenirnouschercher,etilnousrejoignitdansla
chambrepournousaideràtransporternosaffaires.Enfin,lesaffairesdeGibson,plutôt.Ilnousfallut
unedemi-heurepourl’installerdanssonsiègebébéetAnnalachangeabienvingtfoisdeposition.Ça
devaitlastresserdelatransporterenvoiture,etsachantqu’ellen’étaitpasdugenreinquiet,je
trouvaisçavraimenttouchantdelavoirdanscetétat.Quandjem’aperçusqu’elleétaitsurlepointde
détacherdenouveauunesanglepourlaremettre,jeprissesmainsdanslesmiennes.
–C’estbon,Anna.
–Tuessûre?Peut-êtrequec’esttropserré,oupasassez?Etsatête,tucroisqu’elleestbien
tenue?
Elleavaitlesyeuxhumidesetjeprissonvisageentremesmains.
–Ellevabienettoutvabiensepasser.Aieconfiance.
Ellepritunegranderespirationetacquiesça.
–J’enaimalauventre.Çacraint.
Jenepusm’empêcherderire.
–Maintenant,tusaiscequepapaetmamanressententtouslesjours.
–Mince…tuasraison.Ilfautabsolumentquejeleurprésentedesexcuses!
Lechauffeuravaitfinidechargerlavoituredepuislongtempsetilnousattendaitpatiemment
devantl’entréeprincipaledel’hôpital.Jepouvaisvoirlaberlinedepuislecouloiretjepouvais
aussivoirungrouped’unedouzainedepersonnesquelechauffeuressayaitd’éloignerdelavoiture.
Etmerde!J’avaisoubliéquelesfansétaientlà.J’avaiscomplètementoubliédedemanderau
chauffeurdevenirnouschercheràl’arrièremais,surtout,jem’étaisditqu’ilsseraientpartis,depuis
letemps.Jepouvaisvoirleursjouesrosesetlabuéequisortaitdeleurbouche,signequ’ilfaisaitun
froiddecanarddehors.Est-cequ’ilsétaientrevenuscematinouest-cequ’ilsavaientpassélanuità
attendre?Danstouslescas,pourquoiilsrestaientlà?IlsdevaientsavoirqueKellanavaitd’autres
concertsàdonneretqu’iln’étaitplusàPhiladelphie.C’étaitvraimentpourmoiqu’ilsétaientlà?En
quoijepouvaislesintéresser?
Heureusement,lechauffeurétaitassezbaraquépourréussiràlesteniràl’écartetl’accèsàla
voitureétaitdégagé.Envoyantlesgensdehors,j’eussoudainl’impressiondequitteruntribunaletde
devoiraffronterungroupedemanifestantsopposésauverdictduprocès.
–Ilsepassequoiaveclesgroupies?demandaAnnaenarrivantàlapremièresériedeportes
automatiques.C’estpourtoi,toutça?
–Jepensequec’estpourKellan.
Jevissamainseresserrerplusfortautourdel’ansedusiègebébé.
–Peut-êtrequ’ondevraitdemanderauchauffeurdefaireletour.
Jecommençaisàmedirelamêmechosequandunefillenousaperçutetavertitlesautres.
Touteslestêtessetournèrentversmoiettouslesvisagesdevinrenthaineux.C’étaitclairqu’ils
croyaienttouscequelesjournauxracontaientetquepersonnen’étaitdemoncôté.Pourvuquejene
soispassurlepointdemefairelyncher.
–Troptard,ilsnousontvues.Autantyaller,maintenant.
–D’accord,dit-elleenjetantunregardinquietàsafille.
Jefissigneauchauffeurpourluiindiquerqu’onarrivaitetqu’ondevaitsedépêcher,etle
grouperassembléautourdelavoitures’approchadelaporte.Desflashessemirentàcrépiter,et
deuxsurveillantsdel’hôpitalnousaccompagnèrentjusqu’àlaporteprincipaleenvoyantquela
tensioncommençaitàmonterdehors.Ilsdemandèrentpolimentaugroupedefairemoinsdebruitmais
c’étaitcommes’ilsparlaientunelangueétrangèreettoutlemondeseprécipitasurnousàlaseconde
oùonfutdehors.Angoisséeparlasensationd’avoirdesinconnusquienvahissaientmonespacevital,
jemeprécipitaiverslavoiture.Deuxfillesmepoussèrentcontremasœur,maislamajoritédu
groupesecontentaitdem’insulter.Etleursmotsétaientcommeautantdegiflesenpleinefigure.
–LaisseKellanetSiennatranquilles!Ilssontfaitsl’unpourl’autre!Tun’esriendutout!Tu
neméritesmêmepasderespirer,espècedepétasse!Tun’auraisjamaisdûveniraumonde!Vate
pendre,toutlemondeseracontent!
Annadevintécarlatemaisjeserraisonbrasetlafismonterenvoiture.Jen’avaispasbesoin
qu’ellesebattepourmoialorsqu’elleportaitsafille.Ellemitlesiègebébéaumilieuetmontaen
voiture,cequim’obligeaàcontournerlavoiturepouratteindremonsiège.
Lechauffeuretlesemployésdel’hôpitalm’aidèrentàmefrayerunpassage,etjeremarquaique
lesflashesnevenaientpasseulementdesappareilsdesfans:ilyavaitcarrémentdesphotographes.
ToutlemondesurInternetdevaitsavoiroùj’étaisàcetinstant,etlespaparazzimemitraillaientsans
répitpendantquelesfanscontinuaientàm’insulter.
–Tutecroisbelle?Cageot!TucroisqueKellanenaquelquechoseàfoutredetoi?Ilest
amoureuxdeSienna,pétasse!Quandilenauramarredetoi,iltejetteracommeunemerde.Espèce
desalope!
J’avaisleslarmesauxyeuxmaisjecontinuaiàavancersansrépondre,latêtehaute.Ils
n’avaientaucuneidéedecequisepassaitvraiment.Celadit,leurdévotionétaitadmirable:jamais
jen’auraispum’enprendreàquelqu’unaussiméchamment.
Jetremblaisenmontantdanslavoiture,etdesfillessemirentàtaperàlafenêtre,toujourssous
l’œilvigilantdesphotographes.Jeverrouillaimaportièretandisquelechauffeurenvoyaitbalader
lesfans,puisjemetournaiversGibson.Elleétaitvraimentadorable.Jeplaçaimondoigtdanssa
paumeenignorantlesharpiesàl’extérieuretellerefermasamainautourdemonindex.
–Çava?demandaAnnaalorsqu’ons’éloignaitenfin.
Unelarmeroulasurmajoueetjetremblaisencorecommeunefeuille,maisjehochailatête.
–Maniècemetientlamain.Toutvabien.
–Jet’aime,tusais,ditAnnaenessuyantmajoue.
–Moiaussi.
Letrajetfutbienpluslongqueprévu.Onduts’arrêterdeuxfoispourGibson,unefoispourla
changeretl’autrepourluidonneràmanger,etonseretrouvaaussicoincésplusieursfoisdansles
bouchons.
Quandonfinitpararriver,leconcertavaitdéjàcommencéetAnnaétaittellementfatiguéequ’on
décidad’allerdanslebus.J’avaisjusteenviededormir.
Étantdonnéquelesgarçonsétaientsurscène,iln’yavaitnifansniphotographespournous
dérangerpendantqu’onvidaitlavoiture,etc’étaittantmieuxcarjenepensepasquej’auraisété
capabledesupporterçadeuxfoisdanslamêmejournée.J’étaistellementcontentederevenirdansle
bus,commesijerentraisàlamaison,etjeconstataiquetoutétaitcommed’habitude.Desbouteilles
debièrevidessurlestables,deschaussettesdanslecouloir,unbolàmoitiévidede…jenesaispas
quoisurlecanapé…C’étaittoujourslemêmebazar,quej’avaisapprisàaimeravecletemps.Anna,
elle,n’avaitpasl’airenchantéeenregardantautourd’elle.
–Ilssontvraimentcrades.Ilvafalloirqu’ilsapprennentàrangeretànettoyermaintenantque
Gibsonestlà.
Celamefitriredelavoirsoudainaussiinquiètedelapropretédubus,sachantquejusqu’à
maintenantelleavaitautantcontribuéàlasaletéetaudésordrequelerestedesgarçons.
AvecGibsontoujoursdanssonsiège,onsedirigeaverslachambreetjerestaibouchebéeen
entrant.Ilyavaitunpetitparccoincéentrelelitetlafenêtre,unmobileaccrochéau-dessusavecdes
instrumentsenpelucheetdespeluchesdansleberceau,ainsiqu’uneadorablecouverturerose.
Del’autrecôtédulit,ilyavaitunepetitecommodeavec,au-dessus,unpetitmatelasetun
systèmed’attachesparfaitpourl’allongeretlachanger.Unautremobileétaitaccrochéauplafondau-
dessusdelatableàlangerimprovisée,etlelitétaitrecouvertdesacsquidébordaientdevêtements
roses.
AnnaposaGibsonetfouilladansundessacs.
–J’ailemeilleurmaridumonde,dit-elleensortantdusacunepetiteguitareroseenpeluche.
J’étaistellementsouslechocquejenepusmêmepasrépondre.
J’aidaiAnnaàrangerlamontagnedevêtementsrosesqueGriffinavaitachetéspourleurfille,
maisétantdonnéqu’ilsavaientdéjàtoutuntasdetrucsbleusqu’ilsavaientachetésenprévisiond’un
garçon,onfinitparrangerdeshabitsetdesvêtementsunpeupartoutdanslebus.Chaquecouchette
videétaitrecouverted’affairesetonglissamêmedesbavoirsdanslaportièreduchauffeur.Unefois
qu’AnnaetGibsonfurentbieninstalléesetendormies,jemetraînaijusqu’àlacouchettequeje
partageaisavecKellanetm’yallongeaiavecbonheur.Puisjereniflainotrecouverture,quiétait
imprégnéedesonodeur,etjenetardaipasàm’endormirdansunsoupirdesatisfaction.
25
Seulscontretous
Jemeréveillaiensentantdesbrasautourdemoietdesjambesentrelacéesauxmiennes.Lebus
étaitimmobileetsilencieuxmaisjenesavaispassic’étaitparcequ’onétaitarrivésàdestinationou
sionétaitencoredansleNewJersey.Jem’étiraiensouriantetmeblottiscontreKellan.
–Ilestquelleheure?
–Tard,murmura-t-il.Ilssontentraindetoutdémontermaisonpartseulementdemainmatin.Tu
m’asmanquélanuitdernière.Jen’aipasréussiàdormir.
Jemeretournaipourluifairefaceetonseserral’uncontrel’autre.
–Salut,dit-ilencaressantmajoue.
–Salut.
Ilm’embrassa,etensentantsalanguejoueraveclamienne,jem’agrippaiàsontee-shirtpourle
luienlever,enespérantqu’onétaitseulsdanslebus.Ilm’aidaenleretirantpourmoietjecaressai
sondosnu.
–Salut,répétai-jeensouriantencoreplusqu’avant.
–Pourcequiestdemedéshabiller,tuneperdsjamaisdetemps.
Jefermailesyeuxenriantetsavourailasensationdesoncorpsprèsdumien,etdesesdoigts
quimecaressaientsousmontee-shirt.
–Çaaétéenpartantdel’hôpital?
Jegémisdoucementensentantseshanchescontrelesmiennes,mêmesiplusieurscouchesde
vêtementsnousséparaient.
–Sionoublielesfansquim’ontditquejen’auraisjamaisdûveniraumonde,impeccable.
–Quoi?demanda-t-ilens’immobilisant.
L’inquiétudeselisaitdanssesyeuxetjesecouailatête.
–Çava.Jevaisbien.
Jemetortillaipourqu’ilrecommenceàmecaresser.Échectotal.Ils’allongeaprèsdemoien
retirantsesmainsdesousmontee-shirtetjemeredressaisurmoncoude.
–Ilst’ontmenacée?
–Non.Ilsontjustemanifestéleurmécontentement,onvadire.Maispersonnenem’atou…
enfin,personnenem’afaitdemal,corrigeai-jeenmerappelantlafaçondontonm’avaitpoussée.
Kellanseredressatantbienquemaletrestalàsansriendire.Mêmedanslenoir,jesavaisqu’il
étaitperdudanssespensées.
–Kellan,personnenem’afaitdemal.
Quandilrelevalatêteversmoi,lacolèreselisaitsursonvisage.
–Cettefois-ci,maislaprochainefois?J’enaimarredecesconneries,tuesmafemme.Tory
nousafaitfaireuneséancededédicacesdansunlycéequiavaitgagnéunconcours,etçaapristoute
lajournée.J’étaistellementdébordéquejen’aieuletempsdeparleràpersonne,saufàtoi.Ilfaut
quejeparleàlapressesinonçavacontinueràempirer.
Ilavaitl’airvraimentfrustrédenepasavoireuletempsdeprendremadéfense,maisl’effet
bouledeneigeavaitétésirapidequ’illuiavaitétéimpossiblederéagir.Jel’embrassaietl’attirai
au-dessusdemoi.
–Çanefaitquedeuxjours,cen’estpastafaute.
Ilneréponditpasetmerenditàpeinemonbaiseretjesavaisqu’ilcontinuaitàpenseràtoutça.
Saufquemêmeenressassant,leproblèmeseraittoujourslàdemainmatin,etjevoulaisjusteprofiter
dumomentprésent.Jepassaimamaindanssescheveuxetl’attiraiplusprès,etilfinitpar
m’embrasserpluspassionnément.
Quandseshanchesfurentdenouveaupresséescontrelesmiennes,jelaissaiéchapperunlong
soupirdesatisfaction.Àprésent,jemefichaisqu’onsoitseulsdanslebusounon:lesgarçons
avaienttousdesiPods,detoutefaçon,etj’avaisbesoindesentirKellan,toutcommeilavaitbesoin
demoi.Ilglissaunemainsousletissudemaculotteetj’arquailedosdansuneprièresilencieuse.
–J’aienviedetoi,souffla-t-ildansmonoreille.
L’entendredireçadécuplamondésiretjebaissaisabraguette.Iln’avaitpasmissonpyjama
avantdevenirmerejoindremaisj’étaisplusqueraviedel’aideràfinirdesedéshabiller.
–Maisjeveuxêtresûrquetuesensécurité.
Jem’arrêtaipourleregarder:sesyeuxétaientbrillantsdedésir,seslèvresentrouvertesetsa
respirationrapide.Jesavaisqu’ilavaitenviedemoimaisjesavaisaussiqu’ilsefaisaitdusouci.
–Net’inquiètepas,je…
–Jet’aientenduparleravecDennydelapossibilitéderentreràSeattle.Jesaisquetu
plaisantaismais…peut-êtrequec’estunebonneidée.Peut-êtrequetuferaismieuxderentreràla
maisonletempsquejerègleça.
Jen’enrevenaispasqu’ilmeproposeuntrucpareil.
–Non.Jeveuxresteravectoi.Êtreàlamaison,çaveutdireêtreavectoi,peuimporteoùc’est.
–Moiaussi,jeveuxêtreavectoimaisjenesupportepasquelesgensteparlentcommeça.Ça
medonneenviedeleurcognerdessus.Etjeneveuxpasqueturestessic’estdangereuxpourtoi.
J’allaisrépliquermaisilnem’enlaissapasletemps.
–J’aivucommentcettefillet’agifléealorsnemedispasqu’iln’yapasdedanger.
–Tuasditqu’onavaitbesoindes’aménagerdesmomentsàdeuxparcequesinon,çanevalait
paslecoup.Tutesouviens?
–Jesais,maisc’étaitavantqueçaparteautantenvrille.Etmêmesijefaisunedéclaration,ça
nechangerarien,siçasetrouve.Lesgenssonttellementcurieuxqu’ilscontinuerontpeut-êtreàte
harceler,oumêmeàt’insulter,etjenesupportepasça.Jenepeuxpastravaillercorrectementsije
passemontempsàm’inquiéterpourtoi.Jeveuxquetusoisensécurité,mêmesiçaimpliquequ’on
soitséparés.
Ilavaitl’airdesesentirvraimentcoupablemaisjesavaisàquelpointilétaitinquietetj’étais
contentequ’ilmedisehonnêtementcequilepréoccupait.
–Etmoi,jeveuxêtreavectoi.Tantpissionmeharcèle,sionmeprendenphoto,qu’onme
ridiculiseoumêmequ’onmegifle.Maisjerefusequecesgensnousobligentànouscomporterd’une
certainefaçonetàêtreséparés.Ons’esttropbattuspourêtreensemble.Alorsmêmesionestseuls
contretous,jem’enmoque,maisjerefusequ’onnousdictenotreconduite.C’estànousdedécider.
Unpetitsourirenaquitsurseslèvres.
–Qu’est-cequetuessexyquandtuescommeça.
Jepassaimesbrasautourdesoncouetjel’embrassai.
–Alorsarrêted’essayerdemerenvoyeràSeattleetfais-moil’amour.
Ilmerenditmonbaiseretm’aidaenfinàluiretirersonjean.
Quandjemeréveillai,j’étaisnue,etjetâtonnaiautourdemoiàlarecherchedemonpyjama…
saufqu’ilétaitintrouvable.J’ouvrislesyeux:ilcommençaitàfairejourdehors,etonvoyaitdonc
assezclairdanslebus.Toujourspasdepyjama.
Kellandormaitencoreàcôtédemoietpourquejesoisréveilléeavantlui,çavoulaitvraiment
direqu’iln’avaitpasdûdormirbeaucouplanuitprécédente.Enregardantbien,jevisqueses
vêtementsavaientdisparuaussi.C’étaitquoicedélire?Jemerappelaispourtantbienlesavoirmis
dansuncoindelacouchettepourqu’ilsneseretrouventpasunenouvellefoisparterredansle
couloir.
JesecouaidoucementKellanetilfitunpetitbruitquiressemblaità«Quoi?»maissansouvrir
lesyeux.
–Kellan,est-cequenosvêtementssontparterre?
Siçasetrouve,jen’avaispasfaitattentionlanuitdernièreetonlesavaitfaittomberdanslefeu
del’action.Kellanouvritunœiletbâilla.
–Quelsvêtements?
–Ceuxqu’onn’estpasentraindeporter.
Ilsouritetroulasurlecôtépourposersatêtesurmapoitrine.
–C’estmontypedevêtementspréféré.
Ilsemitàmecaresseretjefermailesyeux.Puisilpritlacouvertureentresesdentsetlatira
pourexposermapoitrine,etavantquej’aieletempsderéagir,ilétaitdéjàentraind’embrasserla
pointedemesseins.Qu’est-cequej’avaisperdu,déjà?
–Tupeuxregarders’ilssontparterre?
–Tuessûre?dit-ilsansquittermapoitrinedesyeux.
–Oui,répondis-jeenriant.S’ilteplaît.
Ilglissasatêteàtraverslerideauetlarentraimmédiatement,lessourcilsfroncés.
–Iln’yarien.
Jem’assisetfouillaipartout,ycomprissouslematelas.Rien.
–Nosaffairessontoù,alors?
–Aucunei…
Ils’interrompitetsoupira.
–Jevaisletuer.
Jeremontailedrapsousmonmentonpourcouvrirmapoitrine.
–Griffinapiquénosvêtements?
Ilhaussalessourcilsenguisederéponse.J’auraisvouluêtremortifiéeetencolèremaisc’était
tellementnormalqueGriffinsecomportecommeunabrutiquejefinisparéclaterderire.J’étais
tellementcontentequeleschosessoientredevenues«commed’habitude»àcetinstantquej’eus
presqueenvied’embrasserGriffin.Presque.
Kellanmeregardacommesij’avaiscomplètementperdulaboule.Etc’étaitpeut-êtrelecas,
maisjepréféraislessalesblaguesdeGriffinauxinsultesdeparfaitsinconnus.
–Vanouschercherdeshabits,dis-jeenpoussantKellan.
Ilgrognaetfitpendresesjambesàl’extérieurdelacouchette.
–Tuveuxquejesortedelààpoil?
Jem’agrippaiàlacouverture.LablaguedeGriffinétaitpeut-êtredrôlemaisjen’avaispas
enviederesterlàcomplètementnueavecjustelerideaupourmeprotéger.
–Depuisquandçatedérangedetebaladeràpoil?
Ilsourit,m’embrassaetsautaàbasdelacouchette.
–Jerevienstoutdesuite.
Jeristoutenespérantqu’ilarriveàprendredesaffairesdansnossacssanstropsefairevoir.Je
passailatêteàl’extérieur:iln’yavaitpersonne,maisonentendaitdesbruits.Certainsdesgarçons
ronflaient,d’autresétaientdansl’espacedétente,etjepouvaisaussientendreGibsonquipleurait.
Nosaffairesétaientdansunplacardprèsdelasalledebains,etaumomentoùjemedemandaisoù
étaitKellan,ilémergeadederrièrelerideauquiséparaitlescouchettesdel’arrièredubus.Ilétait
touthabilléetentrainderire,etjemedemandaipourquoijusqu’àcequejevoiemasœurapparaître
derrièreluiunesecondeplustard.Est-cequ’ellel’avaitvutoutnu?
Elleledépassaensouriantetm’ébouriffalescheveuxenpassantàcôtédemoi.
–Tonmariavraimenttoutcequ’ilfautoùilfaut.Petiteveinarde,dit-elleenmefaisantunclin
d’œil.
Jemesentisdevenirrougecommeunetomate.ElleavaitdoncvuKellandansleplussimple
appareil.Génial.EllequittalapièceetKellanvints’accroupirdevantlelit,untasdevêtementsàla
main.
–Tiens,dit-ilenriant.
Siquelqu’unm’avaitsurprisetoutenue,j’auraisétémortedehonte,maislui,çaavaitl’airde
l’amuser.
Quandonrejoignitlesautres,GriffinétaitentrainderegarderAnnadonnerleseinàGibson.
Quelquesjoursplustôt,jemeseraisattendueàvoirunéclatperversdanssonregardmaiscen’était
paslecas.Enréalité,ilneregardaitmêmepaslapoitrinegonfléedemasœur:iln’avaitd’yeuxque
pourGibsonetunsourirecombléilluminaitsonvisage.
Kellanl’interrompitenpleinecontemplationenluidonnantunetapeàl’arrièredelatête.
–Qu’est-cequetufous?demandaGriffin.
–C’estpourteremercierd’avoirpiquénosfringues.
GriffinricanaetsetournaversAnnaquiéclataderire.
–Ah,ça.Ouais,c’étaitdrôle.
IltenditlebrasversAnnaquiluitapadanslamainetsetournaversKellanquiévitait
soigneusementderegarderdansladirectiondemasœur.
–Gibsonn’arrivaitpasàserendormiralorsj’aifaituntourdanslebusavecellepourla
bercer.Etquandonavuvosjeansdépasserdurideau,onn’apaspus’enempêcher.
On?ParcequeGibsonétaitsacomplice,maintenant?
–TueslemeilleurDILF1dumonde,ditAnna.
Ilselaissaallerdanssonfauteuilavecdesalluresderoisursontrône.
–Merci,MILF2.Tun’espasmalnonplus.
Leurspetitssurnomsmedonnèrentenviedevomir.
–Vousnepourriezpasvousappelerautrement?
–Genrequoi?Monpetitlapinensucre?
Soudain,sonvisages’illuminaetilregardaAnna.
–Dis-moi,mapetiteMILFensucre,quandest-cequec’estmontour?
–Net’enfaispas,monpetitDILFensucre,jem’occuperaidetoitoutàl’heure.
Jeleurtournailedos,leventreenvrac.Ilspouvaientbiensedonnerlessurnomsqu’ils
voulaienttantqu’ilsarrêtaientdediredestrucspareilsenpublic.
Kellanallas’asseoiràcôtéd’Evanpendantquej’allaisfaireducafé.J’allaisavoirbesoind’un
coupdepoucepourm’aideràresterdebouttoutelajournée.Àmonretour,KellantenaitGibsondans
sesbrasetjerestaiclouéesurplaceenlevoyant:ilsetenaitaumilieudubusetlaberçait
doucementtoutenluichantantunechanson.Ilchantaittoutdoucementetj’avaisdumalàl’entendre
par-dessuslejeuvidéoauquellesHoleshotjouaientmaisapparemment,cen’étaitpasuneberceuse:
c’étaitunechansondesD-Bags.Etc’étaitmapréférée.Ilsentitquej’étaislàetlevalatêteavecun
sourirequejeneluiavaisjamaisvuavant.Masœuravaitraison:ilrêvaitsûrementd’avoirun
enfantàquidonnertoutsonamour.Jetremblaisunpeuquandj’allaim’asseoiràcôtéd’Annaetque
jeposainostassessurlatable.Est-cequej’étaisprêteàluidonnerunenfant?Moninstinctmaternel
hurlaitOui!maisjedevaisréfléchiravecmatête.Sionavaitunenfant,ondevraitêtreséparés.Un
bébésurlaroute,c’étaitunechose,maisunenfantenbasâge?Etunenfantenâged’alleràl’école?
C’étaitcomplètementdifférentetmêmesijen’avaispasenviedepasserlerestedemonexistence
surlaroute,jen’étaispasencoreprêteàrenonceràcestyledevie.Àl’exceptiondecequise
passaitavecSiennaetdescouchettesminuscules,j’adoraismavieaveclesD-Bags,etpeut-êtreque
c’étaitégoïstemaisjevoulaisavoirKellanpourmoitouteseulependantencorequelquesannées.Et
aprèsça,onpourraittoujoursavoirunetripotéed’enfants.
AnnaaussiregardaitKellanetellepassaunbrasautourdemesépaulestandisqu’ilentamaitune
autrechanson.Soudain,ils’arrêta,fitlagrimace,etsemitàporterGibsonàboutdebras.
–Ellenesentplustrèsbon,d’unseulcoup.
AnnaritetselevamaisGriffinfutplusrapidequ’elleetilallaprendresafilledesmainsde
Kellan.
–Mauviette,lança-t-ilàKellanavantd’emmenerGibsondanslachambre.
–Qu’est-cequetuasfaitàGriffin?demandai-jeàAnnaavecleplusgrandsérieux.
–Moi?Riendutout.Maislapetitelemèneàlabaguette.Jen’auraisjamaiscruvoirçaunjour.
Jevoulaisbienlacroire.Moinonplus,jen’auraisjamaisimaginévoirçaunjour:unGriffin
apprivoisé.C’étaittellementperturbantquejenesavaismêmepascommentréagir.
JeregardaiparlafenêtreetvisquenotrebusévoluaitdanslesruesdeNewYork.Ilyavaitdes
gratte-cielpartoutetjecommençaiàpenserauxmillionsdegensquivivaientdanscetteville
immense.Combiend’entreeuxviendraientauconcertpours’enprendreàmoi?Kellandisaitque
toutlemondevoulaittoutsavoirsursavie,maispeut-êtrequ’ilsvoulaientaussitoutsavoirsurla
mienne.J’étaisuneénigme,aprèstout:est-cequej’étaisjusteuncoupdecœur,uneaventurede
quelquesjoursdanslaviedeKellan,ouest-cequec’étaitplusqueça?C’étaitlaquestionquetoutle
mondeseposait.
Mattémergeaducoincouchettesetnousfitsigne.Aumomentoùjeluirépondais,leportablede
Kellansemitàsonner.Ilnesemblaitpasavoirenviederépondreetjenetardaipasàcomprendre
pourquoi.
–Salut,Sienna,dit-ilfroidement.
Quelquesinstantsplustard,ilfronçalessourcils.
–Oui,toutlemondeestlàsaufGriffin,pourquoi?
Puisillevalesyeuxauciel.
–Commetuveux.
Puisilécartasonportabledesonoreilleetsetournaversmoi.
–Commentjemetscetrucsurhaut-parleur?
Jeretinsunsourireenvoyantàquelpointilétaitnuldèsqu’ils’agissaitdetechnologie.On
auraitplusditunpapydequatre-vingt-dixansqu’unerockstardanslavingtaine.Jemislehaut-
parleuretKellanposaletéléphonesurlatable.GriffinétaittoujoursdanslachambreavecGibson,et
entraindejurer,d’aprèslessonsquiparvenaientjusqu’ànous,etonfitsigneàEvanetMattdevenir
àcôtédenous.
–C’estbon,vas-y.
LavoixpétillantedeSiennaretentit.
–D’abord,jevoulaisvousdireàquelpointvousmemanquiez.Onaététellementoccupésque
j’ail’impressionqu’onnesevoitjamais!
OnéchangeaunregarddubitatifavecKellan.MêmesiSiennaavaitétéaussioccupéeque
Kellancesdernierstemps,onsavaittrèsbientouslesdeuxquecen’étaitpaspourçaqu’elleavait
disparu.Lavraieraison,c’étaitqu’ellejouaitàlafemmeblessée.Dèsqu’unobjectifétaitbraquésur
elle,elleaffectaitunairtristeetparvenaitmêmeàparaîtreauborddeslarmes.J’avaisdéjàvudes
photosd’elleentraindesetamponnerlesyeuxavecunmouchoir.Désormais,elleinterprétaitson
duoavecKellanenagissantcommesielleétaitenpleinchagrind’amour,etmêmesiellecontinuaità
prendreplaceàcôtédeluipendantlesséancesdedédicace,legroupem’avaitditqu’ellejouaitaussi
leséploréesdanscesmoments-là.L’animateurradioquinousavaitconfiéunjourqu’ellen’étaitpas
sibonneactricequeças’étaittrompé:ellejouaitlerôledelapetiteamietrahieàlaperfection.
Maisàcetinstant,elleavaitl’airaucombledubonheurtandisqu’ellepiaffaitdansletéléphone.
–J’étaisincapabled’attendrequelesbuss’arrêtentpourvousannoncerlagrandenouvelle!
–Qu’est-cequisepasse?demandaKellan,inquiet.
CequiétaitunebonnenouvellepourSiennanel’étaitpasnécessairementpourlerestedu
monde.
–Jeviensd’avoirNickautéléphone…etvotrealbumestnumérodeux,justederrièrelemien!
ElleglapitetonseregardaavecKellan.
–Tuesnuméroun?
Jen’enrevenaispasquetoutessesmanigancesluiaientréellementpermisd’obtenircequ’elle
voulait.
–Oui,etlesD-Bagssontnumérodeux!C’estgénial,non?
Kellanavaitl’aird’hallucinerautantquemoi.SiennaetNickavaienttotalementmanipuléle
publicenluifaisantcroireàuneromanceinventéedetoutespièceset,dansleurcourseausuccès,ils
nes’étaientpasdutoutinquiétésdufaitqueleursplanspouvaientblessercertainespersonnes.Etça
avaitmarché.Çameparaissaitinjuste,etabsolumentincorrect.Annaetlesgarçonsétaientsurexcités
etilsavaientvisiblementenviedepousserdescrisdejoie,maisenvoyantlatêtequ’ontiraitKellan
etmoi,ilsgardèrentlesilence.
Kellanfermalesyeuxetsepassaunemainsurlevisage,puisdanslescheveux.Quandilrouvrit
lesyeux,sonregardétaitunmélangedejoieetdefrustration,etilsetournaversmoi.
–SitusavaiscommelePete’smemanque.
Sienna,quis’attendaitàdescrisdejoie,parutconfuse.
–C’estunesupernouvelle.Tudevraisêtreentraindesauterdanstouslessensenpoussantdes
cris,aulieudeboudercommesijevenaisdet’annoncerquetonmeilleuramidéménageait.
Ilregardaletéléphoneensouriant.
–Lepublicpensequemafemmeestunetraînée,alorstum’excuserasdenepassauterdejoie.
MaintenantqueNickettoi,vousavezeucequevousvouliez,c’estmontour.Etcequejeveux,c’est
quetudiseslavérité.Toutelavérité.
OnentenditSiennaprendreunegrandeboufféed’air.
–Laisse-moit’expliqueruntruc,chéri:sionavouequ’onainventéunerelationbidonentre
nouspourboosterlesventes,lepublicvavraimentmalréagiretçaauradesrépercussionsnégatives
pourtoutlemonde.Çaferaunscandaleetçatepoursuivrapendanttoutetacarrière.C’estvraiment
legenredecasserolesquetuveuxtetrimballer?
–Cescandaleestentièrementtafaute,depuisledébut.Etmaintenant,tumedemandessic’est
çaquejeveux?Jen’aijamaisvouluça!
–Tuasmarché,Kellan,répondit-elled’unevoixdefemmed’affaires.Personnenet’aforcé.
Onrestabouchebéetouslesdeux.Personnenet’aforcé?Onavaitétéintimidésetmanipulés
danstouslessens,etKellanavaitfaitcequ’ilavaitpupourresterhonnêteenverslepublic,mais
NicketSiennaavaientétébienmeilleursqueluiàcepetitjeu.
–Personnenem’a…
Kellannefinitmêmepassaphrasetellementiln’enrevenaitpasetSiennapoussaunsoupir
frustré,commesionvenaitdegâchersafêted’anniversaire.
–J’aijusteditqu’onnepouvaitpasdirelavérité,pasqu’onnepouvaitpasmettrefinàKell-
Sex.Siçatechiffonneaupointdenepaspouvoirprofiterdetonquartd’heuredegloire,onn’aqu’à
«rompre»àlafindelatournée.J’aurailecœurbrisépuisjerencontrerairapidementquelqu’un
d’autre,etquandlepublicverraàquelpointjesuisheureuseavecmonnouveaumec,toiettafemme
pourrezvivrevotrepetitevietranquillement.
J’enavaistellementpleinlatêtequejebégayaiplusieursfoisavantderéussiràfaireunephrase
complète.
–Etenquoiçarésoutleproblème?Jeseraitoujoursl’autrefemmequiaprovoquévotre
rupture.
Ellesoupiraunefoisdeplus.
–Onvabientôtarriver.Jevoulaisjustevousféliciter.
Là-dessus,elleraccrochaettoutlemonderegardaletéléphonesansriendire,jusqu’àce
qu’Annaprennelaparole.
–Ellenevapasvousaiderdutoutenfait,c’estça?
–Ilvafalloirqu’onrègleçatoutseuls,ditKellan.
Annaavaitvudesesyeuxàquelpointlepublicmedétestait,etellepritmamaindanslasienne
etlaserra.
GriffinetGibsonnousrejoignirentetGriffinremarqualadrôledetêtequefaisaientEvanet
Matt.
–Pourquoivousaveztousunairconstipé?Vousavezbuunmauvaiscaféouquoi?
EvanexpliquaàGriffincequivenaitdesepasseretcederniersautaauplafondquandilapprit
queleuralbumétaitnumérodeuxdesventes.Parpeurqu’ilnefassetomberGibsondanssajoie,je
melevaipourlaprendredansmesbrasetsonodeurdetalcm’apaisaunpeu.
–Numérodeux,sansdéconner?!C’estuntrucdemalade!criaGriffinenbattantdesmains.
Ilsemitàpousserdescrisdejoieencourantdanslecouloirdubusetnotrechauffeursecouala
têteenriant.
L’enthousiasmedeGriffinétaitsicommunicatifquelesautresfinirentparlaisserlibrecoursà
leurjoie,ycomprisKellan.Notremélodramepouvaitattendre:pourl’instant,ilsdevaientprofiter
deleursuccès.
–Tuterendscompte,Kell?demandaMatt.Onestnumérodeux!
KellanritetpritGibsondanssesbras.
–Jesais,jen’arrivepasàycroire.
Ilsouritauxautresenlaberçantetj’auraispujurerqu’elleluisouriait.
–Numérodeux…justederrièreSienna…Sionm’avaitditçailyaquelquesmois,jen’yaurais
jamaiscru,ditEvan.
Griffinsemitàondulerdeshanchesd’unemanièresiprovocantequej’eusenviedecacherles
yeuxdeGibson.
–Moi,si.J’aitoujourssuquejefiniraisparêtrejustederrièreelleunjour.
LesmembresdeHoleshotnousrejoignirentpileaumomentoùGriffinfaisaitsemblantde
prendreSiennapar-derrièremaisilsyprêtèrentàpeineattention.Ilsavaientl’habitude,depuisle
temps.Quandilarrivaà«l’orgasme»,jemecouvrislesoreillespournepasentendre.LuietAnna
n’étaitpasdugenresilencieux,etlesfoisoùjelesentendaissansfaireexprèsmesuffisaient
amplement.
Unefoissonnuméroterminé,GriffinnoussaluaetAnnaapplaudit.Quantàmoi,jenepus
m’empêcherderireenmêmetempsquelesgarçons.Savulgaritém’amusait,désormais,maisc’était
horsdequestionquejeluidise,carilprendraitçacommeprétextepourenrajoutermacouche.
–Ravidevoirqueçanechangerienquetusoismariéetpèredefamille,ditMattendonnant
unetapedansledosdeGriffin.
–Etpuisquoi,encore?
Unefoisquelesriressecalmèrent,Kellanlesregardatousunparunetilscomprirentqu’il
voulaitleurparler.
–Demainmatin,ondoitjouerpourunestationderadio.Ondoitjouerdeuxmorceaux,parlerde
l’albumetduconcertets’enallergentiment,maiscen’estpascequejeveuxfaire.Jeveuxleur
balancertoutcequis’estpassé.
Ilmeregardaetjesentislestressm’envahir.
–TuesentraindedirequetuveuxfaireunedéclarationdansledosdeNicketSienna,etdire
aumondeentiercequ’ilsontfait?
–Ça,etjeveuxaussidirequitues.
Jesentisunsourirenaîtresurmeslèvresenmêmetempsqu’unnœudseformerdansmon
estomac.
–Alorsjeviensavectoietonfaitl’interviewensemble.
–Tuessûre?C’estunedesplusgrossesradiosdetoutelacôteEst…
Monsourires’évanouittandisquejem’imaginaisentraindeprendrelaparole«face»àdes
milliersd’auditeurs.Maisilfallaitquejelefasse.
–Oui,jesuissûre.Situasdécidédefaireuntrucaussitaréquebalancertamaisondedisques
etlaplusgrandestardelapopdelaplanète,alorsjeveuxêtreprèsdetoi.
Jelevailepoignetpourluimontrersonnomtatouésurmapeau.
–J’enaimarredemecacher.Bon,etmaintenant,ilfautquejetelaisse,jedoisallervomir.
Ilritetsepenchasurmoipourm’embrasser.
–Çavaavoirdesconséquencessurvousaussi,dit-ilensuiteauxgarçons.Sijedisàtoutle
mondecequ’onafaitpourboosterlesventes,çapeutnousfairedutort.Siennaavaitraisonlà-
dessus,c’estlegenredetrucquipeutnouspoursuivrependantdesannées.Vousenpensezquoi?
J’observailesautresprudemment.Kellanavaitraison,çaconcernaittoutlegroupeetilne
voulaitpasquelesautressouffrentàcausedelui.C’étaitd’ailleurspourcetteraisonqu’ilavait
acceptédejouerlejeuaudébut.
Evanavançajusqu’àmoietmeserradanssesbras.
–Çamedégoûteàchaquefoisquej’entendsundecesragotsdébilessurtoialorsjesuiscontent
quecesoitbientôtfini.
KellanhochalatêtepuissetournaversMatt.Ilrisquaitd’êtredifficileàconvaincre:ilprenait
lacarrièredugroupetrèsausérieuxetonétaitsurlepointdeprovoquerunscandalequipouvait
vraimentleurfairedutort.MattleregardadanslesyeuxsansriendireetKellanhaussalesépaules.
–Jesuisdésolé,Matt.Jenem’attendaispasdutoutàtoutça…maisjenecracheraipasle
morceausitoutlemonden’estpasd’accord.
Mattsouritettapotal’épauledeKellan.
–Jepensequec’estlabonnedécision.Ilvajustefalloirqu’onfasseundeuxièmealbumqui
déchireratellementquetoutlemondeauraenviedel’acheterdetoutefaçon.
–Marchéconclu.
1..Del’anglais«DaddyI’dliketofuck»NDE.
2..Surlemêmeprincipe«MotherI’dliketofuck»NDE.
26
Cracherlemorceau
J’avaislesnerfsencompotedanslavoiturequinousconduisaitaustudio.J’étaishabituéeàêtre
dansl’ombreetjem’ysentaisbien,etmeretrouverd’uncoupsouslefeudesprojecteursrisquaitde
laisserdestraces.Maisjerestaidéterminée.Çanechangeraitpeut-êtrepascequelesgenspensaient
demoi,maisjevoulaissoutenirmonmarialorsqu’ilsetrouvaitsurlacorderaide.Etsilacorde
cassait,aumoins,onseraitensembleaumomentdelachute.
Lesgarçonsregardaientlespaysagesdéfilersousleursyeuxtandisqu’ontraversaitlesrues
embouteilléesdelaGrossePomme.OnétaitdéjàpassésàNewYorkaumomentdelatournée
promotionnellemaisj’étaistoujoursaussiétonnéeenvoyantlenombredetaxisetdevoituresdans
lesrues.Ilyavaitdel’activitéabsolumentpartout,surlestrottoirs,lachaussée,danslesbâtiments,
etlavillevibraittellementquec’étaitcontagieuxetquejen’arrêtaispasderemuerlesjambes.Mais
peut-êtrequec’étaitjustelestress.
Kellanmeregardaitd’unairamuséetj’auraisvoululuidired’arrêterdesemoquerdemoi,
maisj’avaislagorgesinouéequejenepouvaispasparler.Ilmitlamaindanssapoche,attrapa
quelquechoseetmeletendit.Curieuse,jebaissailesyeuxetvisquec’étaitunpétalederose
fuchsia.IlavaitécritBravoaumarqueuràl’intérieuretjeleregardaisanscomprendre.
–J’aifinitonlivre.C’estgénial.Ilfautabsolumentquetutefassespublier.
Jesourisetcaressailepétaleduboutdesdoigts.
–Merci.Jemedemandaiscommenttuallaistesentiraprèsl’avoirlu.
–Jenepensaispasquec’étaitpossiblemaisjecroisquejet’aimeencoreplus.Lafaçondonttu
mevois…jen’auraisjamaiscruquequelqu’unpuisse…
Ilnefinitpassaphraseetjemeblottiscontrelui.
–C’estparcequetun’arrivespasàtevoircommemoi,jetevois.
Ilritetmeserracontrelui.
–Jepourraistedirelamêmechose.
Jerestailà,toutcontrelui,tandisqu’iljouaitavecmonalliance.Ilavaitvraimentledondeme
réconforteretdemesurprendre.
–Oùest-cequetutrouvestouscespétales?
–C’estunsecretquejenepeuxvousdévoiler,madameKyle,dit-ilavecunregardmalicieux.
Lafouleétaitimmensedevantlastationderadio.Jenecomprenaisvraimentpascommentles
gensfaisaientpourtoujourssavoiroùonétait.C’étaitcommes’ilyavaitunealerteD-Bagquise
déclenchaitdanschaquevillequ’onvisitait.
BeaucoupavaientdespancartesaveclenomdeleurD-Bagpréféréetc’étaitvraimentbizarre
devoirdesgensquejeconnaissaisêtreidolâtrésàcepoint.Certainesfillesétaientcarrémenten
traindesangloteretj’étaispresquesûrequesilafillequitenaitlapancarteÉpouse-moi,Griffin
l’avaitvraimentconnu,elleneseseraitpasmisedansunétatpareiletauraitencoremoinsvoulu
l’épouser.Quoique,lenouveauGriffinpluscalmeetplusdouxn’étaitpassimal…MaisleGriffin
d’avantGibson?Aucunechance.
Lavoiturenousdéposajustedevantl’attroupementquis’étaitforméàl’entrée.Toryétaitavec
nousetelleessayad’entraînerimmédiatementlesgarçonsàl’intérieurmaisilsnelasuivirentpas
toutdesuite.Evanrestaenarrièrepourdiscuteravecdesfans,signerdesautographesetmêmefaire
quelquesaccolades.Matt,unpeuenretrait,semblaitunpeumalàl’aisefaceàtoutecettefoule,mais
çanel’empêchaitpasdeserrerquelquesmainsdebonnegrâce.QuandàGriffin,ilallajusqu’aubout
delarue,etunefoisarrivéauboutdelalignedefans,ilfitdemi-touretrevintàsonpointdedépart.
Ilcouraitenlevantlesbrasenl’airetdemandaàlafouled’enfaireautant.Toutlemondel’imitaen
criantetc’estàcemoment-làquejemerendiscomptequ’illeurfaisaitfairelaola.Andouille.
KellanritenobservantGriffinetm’attenditdevantlavoiture.Jesortisàmontouretilpritma
mainavantdem’attirerverslesfans.J’hésitaiàlesuivrepourplusieursraisons:d’abord,c’étaitson
jobetpaslemien,etjenemesentaispasàmaplace;ensuite,jenevoulaispasmefaireagresser
avantmêmed’avoireulachancedem’exprimeràl’antenne.
Lesfansn’avaientpasl’airdesavoircommentréagirenmevoyant.Ellesétaienttellement
excitéesdevoirKellanqu’ellescriaientetpleuraient,maisellesarrivaientquandmêmeàme
regarderméchamment.J’espéraisjustequ’aucuned’ellesn’auraitleculotdemedirequelquechose
alorsqueKellanétaitjusteàcôtédemoi,carjesavaisqu’ilauraitleplusgrandmalàgarderson
calme.
Ilmelâchalamainpourallersignerquelquesautographesetjerestailààl’observeravec
fierté.Ilétaitvraimentdoué:ilprenaitbiensoindedirebonjouretderegarderchaquepersonnequi
luitendaitquelquechose,etilétaitchaleureuxetsouriant.Ilplaisantaitavecsesfansetlançaitmême
descomplimentsmaisçanemedérangeaitpas.Jecomprenaispourquoiilleursouriaitcommeçaet
pourquoiilvenaitdedireàlapetiteblondeenfacedeluiqueluiaussiétait«ravidelarencontrer».
Cen’étaitpasdeladrague:ilfaisaitçapourelle,etpourluilaisserunsouvenirquiillumineraitsa
journée.
Uneseulepersonneeutlecrandeluiposerunequestionsurmoi.Fièrementvêtuedesontee-
shirtKell-Sex,ellefronçalessourcilsetmepointadudoigt.
–Qu’est-cequ’ellefaitlà?
Jepensaisqu’iln’allaitpasluirépondremaisils’adressaàelled’unevoixcalme.
–C’estmafemme.Ellem’accompagnepartoutoùjevais.
Là-dessus,ilmepritlamainets’éloignaetledernierbruitquej’entendisavantderentrerdans
lebâtimentfutceluidemurmuresstupéfaits.Ilnem’avaitjamaisappeléecommeçaenpublicavant,
etilmesouritunefoisdansl’entrée.
–C’étaitvraimentagréablededireça.
Malgrésonsourire,j’avaislecœurquibattaitàtoutrompremaintenantqu’ons’apprêtaità
parlerdenotrevieprivée.
–Alorsqu’est-cequeçavaêtredeledireàdesmillionsdepersonnesdanscinqminutes!
–Desmillions,çam’étonnerait.Enfin…jenecroispas,dit-ilenfronçantlessourcils.
Torynousséparaetnousfitpasserlecontrôledesécuritéavantdenousguiderversl’ascenseur.
Quandonfuttousserrésdanslacabine,elleposasonregardintimidantsurnous.
–Leplan,c’estdejouerunechansonoudeux,maisjelesaiautorisésàprendrecinqminutesau
débutpourvousposerdesquestions.Rappelle-toideresterfocalisésurlatournéeetsurl’album.Je
leuraiinterditdeteposerdesquestionssurtavieprivée,surSiennaousurlaphotodeKiera,mais
ilsferontsûrementdescommentaires,detoutefaçon.Tuferaismieuxderesterdanslecouloir
pendantl’interview,dit-elleensetournantversmoi,histoirequetaprésencenedonnepaslieuàdes
questionsdéplacées.
KellansecontentadeluisourireetTory,prenantçapourunoui,setournaverslesportesde
l’ascenseur.Derrièresondos,Kellanm’adressaunsourirediaboliquequivoulaitclairementdire
C’estcequ’onvavoiretjeressentisunenouvellemontéed’adrénaline.Pourvuquejenetombepas
danslespommes.
Quandonarrivaaustudio,lalumièreétaitallumée,cequivoulaitdirequelesmicrosétaient
branchés.J’eusenviedevomirmaislesourireconfiantdeKellanmerassuraunpeu.Onpouvaitle
faire.Jepouvaislefaire.UnstagiairedelaradionouslaissaentreretTory,confianteetintimidante,
passaenpremier.Sonregardperçantexaminaittoutautourd’elle,pourtantj’étaissûrequenotre
surpriseallaitêtrequelquechosequ’ellen’avaitpasvuarriver.
Ungrandhommed’âgemoyen,quisetrouvaitderrièreuneconsoleauxalluresdetableaude
borddefusée,souritderrièresonmicroennousvoyantentrer.
–LesD-Bagsviennentjusted’arriveraustudio.Ravisdevousrevoir,lesgarçons.
Kellanluiserralamain.Onétaitdéjàvenusdanscetteradiopendantlaprécédentetournéeet
quelquechosemerevintsoudainenmémoire:ilyavaitdesWebcamsauxquatrecoinsdustudio.Ce
quivoulaitdirequenonseulementlesgensallaientnousentendre,maisqu’ilsallaientaussinous
voir.
L’animateurnousindiquadeschaisesetnousinvitaànousasseoir,ettandisqueMatt,Evanet
Griffins’installaient,Kellanallavoirunautreanimateurauxalluresdegrizzly.
–Onpeutavoirunsiègeenplus?demanda-t-ilenfaisantunsignedetêtedansmadirection.
L’animateureutl’airconfus,puisétonné,commes’ilmereconnaissait.
–Biensûr,sansproblème.
OnajoutaunechaiseenplusàcôtédeKellanetjemerisquaiàregarderTory:elleavaitl’air
furax,etelleallaitsansdoutemedemanderdequitterlapiècequandoncommenceraitàparler.
Unejoliebruneinstalléederrièreunordinateurpritlaparoleenpremier.
–Onestvraimentravisdevousrevoir.Commentçava?
Sesyeuxseposèrentd’abordsurKellan,puissurmoi,avantdeglissersurlerestedesgarçons
pourfinalementrevenirversmoi,etsacuriositéétaitpalpable.
Touslesgarçonsportaientuncasque,àprésent,etquelqu’untenditunmicroàKellan,quirentra
immédiatementdanslevifdusujet.
–Pastrèsbien,àvraidire.
Touslesanimateursledévisagèrent.Lesgensdisaientrarementlavéritéquandonleurposait
cettequestiondanscecontexte.C’étaitplusuneformalitéavantd’envenirauxvraiesquestions.
L’animatricenousregardaitcommesiellesavaittoutcequis’étaitpasséavecKellan–enmatièrede
ragots,dumoins–,etsonexpressionmontraitqu’ellecomprenaitlesensdemaprésence,etcelala
rendaitfolle.Elleattendaitdesréponses,etellen’allaitpasêtredéçue.
–J’imaginequeçaaétéunpeudurcesdernierstemps,dit-elleenmemontrantdudoigt.
SonregarddéviaversTory,quiétaitdéjàentraindefairesigneauxanimateursd’arrêter.
Kellanlaregardaàsontour,levaundoigtenl’airpourlafairetairepuissetournadenouveauvers
l’animatrice.
–Jevoudraiséclaircirquelquespetiteschoses.Jesaisqu’onétaitcensésjouerenacoustique
maisjepréféreraisfaireuneinterviewàlaplace.Vousvoulezbien?
ToutlemondedanslapiècehochalatêtepuisKellanmedésigna.
–Ellepeutavoiruncasqueaussi?
Plusieurspersonnesselevèrentenmêmetempspourm’enapporterunmaisEvanmetenditle
sien.Jeleprisd’unemaintremblante,leremerciaietlemisenespérantquejen’allaispasvomir
devanttoutlemonde.
ToryvintrejoindreKellan,luiretirasoncasqueetluiditquelquechosed’untonquin’avaitrien
d’amical.Jenepouvaispasl’entendremaisj’étaissûrequ’elleétaitentraindeluidiredela
boucler.
–Non!ditKellanbrusquement.J’enairas-le-boldemetaire.
Puisilsecontentadeseretournerverslesanimateursenfaisantcommesiellen’étaitpaslà.
Livide,elleattrapasonportableetsortitdelapièceentrombe,cequivoulaitdirequeNickallait
sûrementnousappelerdanslestrentesecondes.
Onmetenditunmicroetjesentislatensionetl’impatiencedanslapièce.Enessayantd’ignorer
lescamérasautourdenous,j’attrapailamaindeKellan,etquandsonregardrencontralemien,jeme
rappelaidelapremièrefoisoùjel’avaisvraimentregardédanslesyeux.Celam’avaitintimidéeà
l’époque,maisàprésent,c’étaitlaplusgrandesourcederéconfortquisoit.
Sansmequitterdesyeux,Kellanapprochasonmicrodesabouche.
–J’aimeraisvousprésenterofficiellementlafillemagnifiquequiestassiseàcôtédemoience
moment.Elles’appelleKieraMichelleAllen,etc’estmafemme.
Jen’auraisjamaisimaginéquec’étaitpossibledescotcherautantdegensenmêmetemps.Ils
étaienttousbouchebée.
–Bonjour,dis-jetimidement.
Soudain,touslesregardsseposèrentsurnosmains.Simoi,jen’avaisjamaisarrêtédeporter
monalliance,j’avaisdemandéàKellandenepasporterlasiennepouréviterlesrumeurs.Mais
aujourd’hui,illaportait,etnosanneauxassortisbrillaientfièrementdanslalumièredustudio.
L’animatricefutlapremièreàreprendresesesprits.
–Ehbien…félicitations.C’est…c’estrécent?
Kellansouriaitdetoutessesdents,commesionvenaitdeluiretirerunénormepoids.
–Non.Ons’estmariésenjuindernier,bienavantquetoutçacommence.
–Enfin,techniquement,onnes’estpasencoremariés,intervins-jepourclarifierlasituation.On
aeuunesortedepetitecérémoniemaisondoitencorelégalisertoutça.
J’avaislagorgetellementserréequemavoixressemblaitcertainementauxcroassementsd’une
grenouille.
–Jet’aiépouséedanscebar,pourmoic’esttoutcequicompte,réponditKellanenhaussantles
épaules.
–Vousvousêtesmariésdansunbar?demandaledeuxièmeanimateur.Génial!J’adoreraisme
marierdansunbar.Enfin,mêmesijen’aipasdutoutenviedememarier.
Unpetitrirem’échappaetjesentislenœuddansmagorgerétrécirunpeu.
–Ons’estmariésenjuinmaisonestensembledepuispresquedeuxans.Çaferadeuxansen
mars.
–Maisalorssivousétiezfiancéspendanttoutcetemps,intervintl’animatrice,pourquoi
personnen’aentenduparlerdeKieraavant?Vousétiezcachéeoù?medemanda-t-elleavecun
sourireespiègle.
–J’étaisaveclui,onestrestésinséparablespendanttoutcetemps.J’étaismêmedanslapièce
quandKellanavaitdesinterviewsetqu’ildisaitqu’ilétaitencouple.
–Danscecas,Kellan,pourquoinepasl’avoirprésentée?Ounepasjustedire«Regardez,
c’estmacopine»?
–C’estmafaute,répondis-je.Jenesuispastrès…àl’aisequandjesuisaucentredel’attention
etKellanessayaitdememettreàl’abridesprojecteurs.Quandjevoistoutça,dis-jeendésignantla
pièceautourdemoi,çamedonneenviedevomir,oudemefairepipidessus,voireunmélange
horribledesdeux.
Toutlemonderitetjerésistaiàl’enviedeplaquermamainsurmesyeux.Jevenaisvraimentde
direçatouthautdevantdesmilliersdepersonnes?Génial…
–QuandtoutlebattageautourdeSiennaetmoiacommencé,j’aiessayéd’expliquerquej’étais
encouple,maistoutlemondedéformaitmesproposcommesijeparlaisdeSienna.Kieranevoulait
pasquejeparled’elleexplicitement,etjenepouvaispaslajeterenpâtureauxmédias.
Ilembrassamamainetjesuispresquesûrequequelqu’unsoupira.
–Jesuisrestéaussivaguequepossibleàtonsujet,etpeut-êtrequej’étaistropévasif,
justement.J’auraisdûdirequej’étaisfiancé,aumoins.
–Tuasfaitcequetupensaisêtrelemieuxpourmoi.EtpuisSiennaauraitsûrementcommencéà
porterunebaguedefiançaillesdetoutefaçon,ajoutai-jeenriant.
Lesanimateursréagirentinstantanément.
–VousvoulezdirequeSiennaSextonaorchestrétoutcephénomèneKell-Sex?
Kellantournalentementlatêteversl’animatrice.Cen’étaitpasfacilepourlui:endépitdela
façondontSiennanousavaitmanipulés,c’étaitellequiavaitpropulsélegroupe.Etiln’yavaitpas
quedumauvaischezelle:ellepouvaitêtred’unegénérositéincroyable,commequandelleavait
envoyéunchauffeuràl’hôpitalouqu’elleavaitfaittouscescadeauxàGibson.Elleavaitunbon
fond,maisilétaitbiencachésoussondésirincessantd’êtreausommet,etjemedemandaidans
quellesproportionsc’étaitliéàlapressionquesesparentsavaientmisesursesépaulesquandelle
étaitenfant.
–Cen’estpasentièrementsafaute,finitparrépondreKellan,maisoui,elleaclairement
contribuéaufaitquelesgensnouscroientensemble.
–Maispourquoi?
Kellanregardalerestedesmembresdugroupe.S’ilrépondaitàcettequestion,ilnepourrait
plusrevenirenarrière…Maisonétaitdéjàalléstroploinetsionvoulaitquelesgenscomprennent
vraimentcequis’étaitpassé,ilfallaitqu’ondisetoutelavérité.
Evansepenchapourposersamainsurl’épauledeKellanetillapressaenhochantlatête.
–Pourboosterlesventes,lâchaalorsKellan.Lamaisondedisquesadécidédèsledébutquesi
onsefaisaitpasserpouruncouple,onferaitunbuzzquinousaideraittouslesdeux.C’étaitaussileur
idéedefaireunclipaussi…explosif.
Ilfronçalessourcilsetmeregarda.
–Etjenemepardonneraijamaisd’avoiraccepté.
–C’estmoiquit’aiconvaincudelefaire,luirappelai-je.
Ilhochalatêteetinspiraprofondément.
–Lamaisondedisquesm’aencouragéàlaissercourirlarumeuretàneriendire.Jenevoulais
paslaissertomberlegroupe,parcequ’ilssontcommemafamilleetquejevoulaisqu’ilsréussissent,
alorsj’ailaisséfaire.Etaumomentoùj’aichangéd’avisetoùj’aicommencéàparler,c’étaittrop
tard,personnenemecroyait.
–LamaisondedisquesaretirélesD-Bagsdelatournéequ’ilsfaisaientavecAvoiding
RedemptionetlesagreffésàlatournéedeSiennapourfaireencoreplusmonterlasauce.Sienna
s’estarrangéepourqu’ilssefassentprendreenphotoensembleàlongueurdetempsetKellanest
restéévasifpourmeprotéger.C’estnormalquelesfansn’aientpascrucequetuleurracontais,
assurai-jeenmetournantversKellan.Cen’estlafautedepersonne.
–PersonneàpartvotremaisondedisquesetSienna,ditl’animatriceenfronçantlessourcils.
Vousétieznouveauxdansl’industrieetsûrementunpeudépassésetilsenontprofité.Jetrouveça
lamentableetfranchement,jesuisindignéedecequ’ilsvousontfait.
Onluisourittouslesdeux.Enfin,quelqu’uncomprenaitetacceptaitdenouscroire,etjetrouvai
çabienplusréconfortantquetoutcequej’avaisimaginé.
Onpassalesminutesquisuivirentàrépondreàtouteslesquestionsqu’ilsnousposaient,y
comprisdenombreusesquestionsconcernantlasextape.
–Non,cen’étaitpasSienna,expliquaKellan.C’étaituneanciennecolocataireetlavidéodate
d’ilyaplusieursannées.Ellel’adivulguéepoursefairedel’argentetj’imaginequ’elleadûtoucher
legroslotparcequ’ellenes’estjamaismanifestéepourdirequec’étaitelleetpasSienna.
Aprèslesquestionsdesanimateurs,onpritaussiquelquesappelsd’auditeursàl’antenne.Çase
passatrèsbien,mêmesicertainsavaientl’airvraimentchoqués,encolèreoutristesqueSiennaet
Kellannesoientpasensemble(unefansemitmêmeàpleurer).Onnevoulaitbriserlecœurde
personnemaisonnepouvaitpluscontinueràvivrecommeçaavecKellanetj’espéraisqu’ils
finiraientparlecomprendre.
Àlasecondeoùonquittalestudio,uneeuphorieetunbonheurquejen’avaispasressentis
depuislongtempsm’envahirent.C’étaitvraimentlibérateurdepouvoirvivrenotrerelationaugrand
jour,mêmesic’étaitterrifiantaussi.Etaumoins,mêmesionrisquaitdesefaireétriperparSiennaet
lamaisondedisques,onn’avaitplusrienàcacher.Pourlapremièrefoisdepuisdessemaines,jeme
remisàespéreretjemesentisfière.Çaavaitétédifficilemaisonavaitprislabonnedécision.
LetéléphonedeKellansemitàsonneravantmêmequ’oneutletempsd’atteindrel’ascenseur.Il
secrispaenvoyantlenomsurl’écranmaisilréponditquandmême.
–Salut,Sienna.
Ellehurlaittellementqu’iln’yavaitpasbesoinduhaut-parleurpourquejel’entende.
–Tuterendscomptedecequetuviensdefaire?
Illuiréponditavecleplusgrandcalme.
–Oui,etj’auraisdûlefairedepuislongtemps.
–Tuviensd’avouerqu’onavaitmanipulélepublicpourdel’argent!Tuessaiesderuinernos
carrièresouquoi?
Toryétaitécarlateetj’étaistellementsûrequ’elleétaitducôtédeSiennaquej’étaisétonnée
qu’ellenenoussoitpasencoretombéedessus.Elleattendaitcertainementqu’onsoitdanslavoiture.
LerestedugroupenedisaitrienpendantqueSiennacontinuaitàcriercommeunehystériqueet
Kellandutcarrémentéloignersonportabledesonoreille.
–Notremusiqueparlerad’elle-même,etsinotresimpletalentnesuffitpas,alorsc’estqu’onne
méritepasd’êtrenuméroun.Etsionsecasselagueule,ehbientantpis.
–Jen’aijamaisrencontréunabrutipareil!Ramènetonculimmédiatement!
PuiselleraccrochaetKellanremitsonportabledanssapoche.
–Tucroisqu’elleestfâchée?demanda-t-ilaumomentoùlesportesdelacabined’ascenseur
s’ouvraient.
Sonsourireétaittellementsexyquejememisàl’embrasseràpeineàl’intérieurdel’ascenseur.
–Jem’enfichepasmal,murmurai-jeentredeuxbaisers.
LeportabledeKellann’arrêtapasdesonnermaisonl’ignoratouslesdeux.Pourtant,unefois
dehors,monenthousiasmes’évanouitlégèrementlorsquejevisquelenombredefansdehorsavait
augmentépendantl’interview.Maisapparemment,leurhumeuraussiavaitchangé:lechoc,lacolère
ouencorelatristesselessubmergeaient,mêmesic’étaitlatristessequisemblaitdominer.C’était
évidentqu’ilsavaienttousécoutél’interviewetqu’ilsavaientencoredesquestions.
Ilyavaitaussipasmaldejournalistesdanslafoule,armésdemicrosetdecaméras,etleur
présencenefitqueconfirmeràquelpointlesnouvellesallaientviteàNewYork.Jen’étaispas
enchantéeàl’idéedepasseràlatélé,maisaprèslaradio,çanemeterrifiaitplusautantqu’avant.
L’histoirequ’onavaitracontéeétaitplusqu’unsimpleragot:onavaitouvertementavouéquela
maisondedisquesnousavaitutilisés,etc’étaitlegenredescandalequinepassaitpasinaperçu.En
conséquence,lesjournalistesnousbombardèrentdequestions.«Kellan,Kiera,vousavezquelque
choseàdiresurlafaçondontlamaisondedisquesvousatraités?»,«Vousallezlespoursuivreen
justice?»,«Vousallezarrêterlatournée?»,«Est-cequevousavezviolélesclausesdevotre
contrat?»
C’étaientdebonnesquestions…auxquellesonn’avaitpasencorederéponses.Lesfansaussi
avaientdesquestions,disonsbeaucouppluspersonnelles.«C’estvraiquetun’espasavec
Sienna?»,«C’étaitvraimentbidon?»,«Lavidéoavaitl’airtellementréelle,tun’esvraimentpas
amoureuxd’elle?»
Toryetl’équiperadioessayaientdegarderlafoulesouscontrôlepourqu’onpuissepartir.On
auraitpeut-êtredûresteretrépondreàleursquestionsmaislafaçondonttoutlemondeformaitun
cercledeplusenplusserréautourdenousmerendaitclaustrophobe.Ilyavaittropdegens,ils
étaienttropprèsetjen’aimaispasça.Onenavaitassezditpourlemomentetjevoulaisjuste
remonterenvoitureetretrouverl’intimitédenotrebus.
Unpetitespaceseformaparmilesfansetlapresse,etlesagentsdesécuritéparvinrentàretenir
lesgensdefaçonoùqueMatt,EvanetGriffinréussissentàsefrayeruncheminetàmonterenvoiture
d’unairsoulagé.Onn’avaitpasassezdeplaceavecKellanpourmarchercôteàcôte,alorsilmeprit
parlamainetm’entraînaderrièreluiàtraverslafoule.
Plusieursflashescrépitèrentsurnotrepassageetjemerendiscomptequ’iln’yavaitpasquedes
journalistesdansletas:ilyavaitaussidespaparazzisetilsétaientbienplusagressifsquelesfanset
lesjournalistes.Àl’inversedesautres,lesagentsdesécuritéarrivaientàpeineàlesretenir,etdeux
photographesparticulièrementtenacesréussirentàsefaufilerjusqu’àseretrouverdevantnous.
Kellanmefitreculerd’unpasetjedusmecouvrirlesyeuxfaceauxflashesquim’éblouissaient.
Ilssemoquaientcomplètementdufaitqu’onessayaitd’atteindrenotrevoitureetilsnous
posaientunequestionaprèsl’autresansmêmenouslaisserletempsderépondre–onn’enavaitpas
l’intention,detoutefaçon.Agacé,Kellanessayadecontournerl’und’entreeuxmaislephotographe
étaitcostaudetilnebougeapasd’unpouce.
Kellanpritsoindenepasêtreagressif,étantdonnéqu’ilavaitéchappédejustesseàune
accusationladernièrefoisqu’ons’étaitretrouvésdanscegenredesituation.
–Onvoudraitpartir,laissez-nouspassers’ilvousplaît,dit-ilpoliment.
C’étaitcommes’ilsétaientsourds.IlscontinuaientànousmitrailleretjepouvaisvoirMattet
Evannousregarderavecinquiétudedepuislavoiture.Ilsavaientl’airprêtsàtabassertoutlemonde
pourqu’onpuissesefrayerunchemin,etmêmesionvoulaitàtoutprixéviterunebagarregénérale,
jecommençaisàmedirequ’iln’yavaitpeut-êtrepasd’autresolution.Soudain,uncouloirapparut
surlagauche.C’étaitàl’opposédelàoùonvoulaitalleretilfallaitqu’ontraverseungrosgroupede
fanspouratteindrelarue,maisonn’avaitpasvraimentlechoix.
Kellanvitl’échappatoireenmêmetempsquemoietfitsemblantdem’attirerversladroitepour
duperlesphotographesavantdevirerbrusquementàgauche,etilm’entraînaderrièreluiencourant
aumomentoùlesrangsrecommençaientàseserrer.Lesfansnousbousculaientunpeumaisaumoins,
ilsn’étaientpasaussiagressifsquelesphotographes.
Onnetardapasàseretrouvercoincésaubeaumilieudelafouledegensquinousséparaitdela
voitureauboutdelarueet,étantdonnéquelerestedugroupeétaitdanslavoiture,iln’yavaitplus
queKellanetmoiaucentredel’attention.Jepouvaisvoirlesfanssemasserderrièrenouspar-
dessusmonépaule.Kellanlevalamainpourinterpelleruntaxipournoussortirdelàmaismon
appréhensionaugmentaitdesecondeenseconde.
Lesjournalistescontinuaientànousposerdesquestionsetàbrandirleursmicrosenattendant
uneréponse,lespaparazzispoussaientlesfanspourserapprocherdenousetlesfansétaient
surexcitésd’êtresiprèsdeleuridole.Ilsavaientl’airdesemoquercomplètementdecequ’onavait
ditsurSienna,etceuxqueKellanavaitfrôlésenpassantàcôtéd’euxparaissaientvouloirletoucher
àtoutprix.Jepouvaiscomprendreça,maislafrénésieetl’agitationambiantemerendaientvraiment
nerveuse.
–Kellan,çanemeplaîtpas,jeveuxqu’ons’enaille.
–Jevaisnoustrouveruntaxi.
Àcemoment-là,lesfanscommencèrentàserendrecomptequ’ilpartaitetaffluèrentversnous.
L’étauseresserait.Jetâchaidenepaslâchersamainmaislafoulefinitparnousséparer.
Lesquestionsdesjournalistesetdesphotographessemêlaientauxcrisd’amourdesfanset,à
magrandesurprise,nombred’entreeuxcriaientaussimonnompourattirermonattention.Certains
voulaientsavoircommentilétaitdanslaviedetouslesjours,d’autrescequejepensaisdelavidéo,
etd’autresencoresij’étaisenceinte.J’étaiscomplètementdépasséeetjereculaiinstinctivement.
Lapressesecompressaitderrièrelesfans,etàprésent,descurieuxvenaients’ajouteràlafoule.
Àunmoment,lemouvementdefoulefutsibrusquequejeperdisl’équilibreettombaisurla
chaussée.Unefantentademerattrapermaisn’yparvintpasetjem’écrasaissurlaroutedetoutmon
poids.Étourdie,jevisdespharesserapprocherdemoietnepensaiàrien,sinonàespérerquese
fairerenverserparunfourgonn’étaitpasaussidouloureuxqueçaenavaitl’air.
Jetentaidemerelevermaisj’étaisdésorientéeetjesusquejen’arriveraispasàm’écarterà
temps.Quantauvéhicule,iln’avaitmêmepasl’airderalentir.Soudain,telunchevaliersurson
chevalblanc,ouplutôtcommeunfouhystérique,Kellanseprécipitaversmoietjefuscertaineque
j’étaissurlepointd’êtretémoindelamortdemonmari.Convaincuequej’allaisdevenirveuve
avantmêmed’avoirpumemarierofficiellement,jecessaiderespirer.
Ilrefermasesdoigtsautourdemonpoignetpourmeremettredeboutetj’eusl’impressionqu’on
m’arrachaitlebrasdel’épaule.Puisleconducteurnousvitenfinetj’entendislesfreinscrissersur
l’asphalte,maisc’étaittroptard.Quandj’atterriscontrelapoitrinedeKellan,ilmepoussaderrière
luiettenditlebrasenavant.Iln’eutpasletempsdefaireautrechoseavantl’impact.
Bizarrement,alorsqu’unenanosecondenousséparaitd’unterribleaccident,jeremarquaique
c’étaitunfourgondefleuristeetjerepensaiauxmessagesécritsdanslespétalesqueKellanme
donnait.Çaallaitmemanquer.
Lechauffeurbraquaàgauchepouressayerdenousévitermaisiln’eutpasletempsetlefourgon
heurtaKellanauniveaudel’estomac.Puis,emportéparsavitesse,lefleuristemepercutaàmontour.
Jem’écrasaicontreledosdeKellanavantdetomberparterre.Çafaisaitaussimalquecequeje
redoutais:lechocmedonnal’impressiond’êtreunepoupéedechiffonetmatêteheurtalesolavant
quej’aieeuletempsd’amortir.Jesentisunedouleurbrûlantederrièrematête,puisjevisdes
étoiles,puiscefutletrounoir.
27
Impensablecauchemar
Quandjemeréveillai,quelqu’unétaitentraind’examinermesyeuxaumoyend’unelampe
crayon.Çamefaisaitmal,jenesavaispasoùj’étaisetj’avaisenviedevomir.Pourquoiavais-je
enviedevomir?J’essayaidedétournerleregardpourquelalumièrearrêtedemevrillerlecrâne
maisquelquechoseautourdemoncoum’enempêcha.Qu’est-cequec’étaitqueça?Ducoinde
l’œil,jepouvaisvoirquej’étaisallongéedansunerue.Ilyavaitduverrebriséetdesdébrisautour
dematêteetunmorceaudemétalcouvertdesang.Qu’est-cequejefaisaisallongéesurlachaussée?
Est-cequej’empêchaislesvoituresdecirculer?Lesgensdevaientvraimentêtreenpétardcontre
moi.Jevoulaismeleveretenmêmetemps,jen’avaispasenviedebouger,carquelquechoseme
disaitqueçaallaitfairemal.
J’étaisdanslebrouillardetjesentisquelqu’unmesouleverpourmeplacersuruneespècede
tableblanche.Çafaisaitmaldebougeretjeretinsmonsouffle.Pourquoiest-cequ’onmeposaitsur
unetable?Etpourquoiyavait-ilunetableaumilieudelaroute?Etc’étaitqui,cethommeavecune
vestedehautevisibilitéquimeposaitdesquestions?
–Madame,voussavezoùvousêtes?Voussavezcequis’estpassé?
J’avaisl’impressiondepeserdestonnesetquemoncerveautournaitauralenti.Etjesentaisque
dusangcoulaitsurmonvisage.
–Je…Jen’ai…
Dessouvenirscommençaientàmerevenirvaguement.Lesphares.Lesfreins.Machute.
–J’aiétérenverséeparunfourgon.
–Oui.
Quelqu’unmebandalatêteetjemerappelaiqu’elleavaitheurtélesol.C’étaitpourçaque
j’avaisaussimaletquejesaignais.Maismonépaulemefaisaitmalaussietj’avaisl’impression
d’êtrecouvertedebleus.Kellanm’avaitfaitmereleveretjem’étaiscognéeàluiavantdetomber.
–Kellan!criai-jeenessayantdemeredresser.
L’urgentistem’enempêchaetm’obligeaàresterimmobile.JecherchaiKellanduregardmais
toutcequejevoyaisétaitduverrecasséetdusang.
–Vousavezunevilaineplaie,madame,jedoisvousbanderlatêteetm’assurerquevousn’avez
pasd’autresblessures.Sivousbougez,vousrisquezd’aggravervotreétat.Vouspouvezmedire
votrenom?demanda-t-ilgentiment.
–KieraAllen.Enfin,Kyle.Oùestmonmari?
Ilcontinuaàmebanderlatêteetjefaisaisdemonmieuxpournepasbouger,maisjen’avais
qu’uneenvie,c’étaitdemeleveretdecourirencriantsonnom.
–Lesmédecinss’occupentdelui,Kiera,ilestentredebonnesmains.
Malgrémavueunpeufloue,jelevisregarderverslagaucheetsuivissonregard,morte
d’inquiétude.Ilétaitallongésurunecivièresemblableàlamienneetilétaitcouvertdesang.Jene
savaispassic’étaitlesienoulemienetcelameterrifia.
Jecriaisonnommaisilneréponditpas.Iltremblaitetilavaitl’airvraimentmal,etsoudain,il
sepenchasurlecôtépourvomirdusang.
Lapaniquem’envahitetjetentaidemeleverpourlerejoindremais,làencore,l’ambulancier
m’enempêchaetjemeretrouvaiàl’arrièredel’ambulance.
–Est-cequ’ilvabien?Est-cequ’ilvabien?
Jenepouvaispasm’empêcherderépéterlaquestionenbouclemaisilrefermalesporteset
l’ambulancesemitenroute.Lessirènesmedonnaientmalàlatête,cequin’étaitriencomparéàla
douleurquejeressentaisauplusprofonddemoi.Pourquoiest-cequ’ilvomissaitdusang?Est-ce
qu’ilallaitbien?
–Ilsvontfairetoutleurpossible,jevouslepromets,ditl’ambulancierenmeprenantlamain.
Maisçanem’aidapasvraiment,carjememisàsangloter.
J’étaiscomplètementdanslesvapesquandonarrivaàl’hôpital.Lesgensmeparlaientmais
j’étaisincapabledecomprendrecequ’onmedisait,etquelqu’undéclaraquej’étaisenétatdechoc.
Uneautrepersonneparladecommotioncérébrale,deblessureàlatête,deblessuresinternes,mais
toutmepassaitau-dessusdelatête.Laseulechosequim’obsédait,c’étaitKellanentraindecracher
dusang.Onm’examina,onmepalpa,j’avaismalpartout,monépaulemelançaitmaiscen’étaitrien
comparéàladouleurdeneriensavoirsurl’étatdeKellan.
Ilarrivaauxurgencesaumomentoùuneinfirmièremefaisaitunepiqûrepourm’anesthésieret
pouvoirmerecoudrelatête.Jevissacivièrepasserdevantmachambreetjesautaiàbasdemonlit.
Ilnevomissaitpasmaisétaitinconscient.Ilavaitmêmecarrémentl’airsansvieetcelamefitencore
pluspeur.
Moninfirmièremecourutaprèsenmedisantquejedevaisresterallongée.Cellesqui
entouraientKellanétaiententraind’expliqueraudocteurcequivenaitdesepasseretjerestaien
retraitpourpouvoirlesentendresansqu’ellesmevoient.Jenevoulaispasqu’onmeramènedeforce
dansmachambreavantdesavoircequ’ilavaitexactement.
–Homme,environvingt-cinqans,impliquédansunaccidentdevoiture.Surplace,ilétaiten
étatdechoc,ilavaitmalàlatêteetilvomissaitdusang.Abdomendistendu,tachycardieet
hypotension.
Lemédecinhochalatêtetoutenvérifiantsesconstantespuisilrelevasontee-shirtetjepusvoir
quesonventreétaitgonflé.Lemédecinlepalpadélicatementetilouvritlesyeuxenpoussantuncri
dedouleur.
–Ilfaitunehémorragieinterne,préparez-lepourlebloc.
–Lebloc?demandai-jeenfaisantunpasversledocteur.C’estgrave?Ilvas’ensortir?
–Jevaisfairemonmaximum,dit-ilensouriantgravement.
Puisils’interposaentreKellanetmoietexaminamatêtetandisqu’onl’emmenaitauloin.
–Vousdevezvraimentvousfairerecoudre.
Ilfitunsignedetêteàl’infirmièrederrièremoietellem’attrapagentimentparlebraspourme
ramenerdansmasalled’examen.Kellanétaitdéjàpartietjesavaisçaneservaitàrienquejele
suive.
–Voussavezcequ’ila?demandai-jeàl’infirmière,leslarmesauxyeux.
Ellemefitm’asseoiretpressaunecompressecontrematête.
–Quelquechoseadûsedéchireràl’intérieurdelui,c’estçaquilefaitsaigneretqu’ilsdoivent
réparerauplusvite.
Elleattrapadufiletuneaiguilleetjeluttaicontreunesoudaineenviedevomir.
–Ilvamourir?
Leslarmessemirentàruisselersurmesjoues.Çanepouvaitpasfinircommeça.L’infirmière
nemeréponditpastoutdesuite,etquandellelefit,cefutd’untonprofessionneletpoli.
–Nousavonslesmeilleursmédecinsdupays,ilestentredebonnesmains.
Jesavaisquec’étaituneréponsetouteprête,saufquej’envoulaisunevraieetjelaregardai
méchamment.
–Cen’estpasuneréponse.
–Jesais,maisc’estlaseulequejepuissevousoffrir.
Sontonétaitgentilcettefois,maisfermeaussi,etjecomprisqu’eneffetiln’yavaitriend’autre
àrépondre.
Jesubisplusieursexamensaprèsavoirétérecousue,notammentuneradioetunscanner.Onme
donnaunepochedeglacepourmonépauleenmedisantdel’appliquervingtminutestoutesles
heures.Àpartmescourbaturesetmonmaldetête,jemesentaisbienetjen’arrêtaispasdeleleur
répéter.Unefoisquelerésultatdesexamensleconfirma,ilsacceptèrentenfindemelaissersortir.
Aprèsavoirremplitouslespapiers,jerécupéraimesaffairesetmerendisdanslasalle
d’attentedesurgencesenespérantavoirdesnouvellesdeKellan.Ilyavaitdumondeet,enregardant
autourdemoi,jemedemandaicombiendepauvresgensavaientvuleurviebouleverséecommemoi.
Deslarmesmemontèrentdenouveauauxyeuxmaisjeluttaicontreelles.Cen’étaitpaslemomentde
craqueretsurtout,çaneservaitàriencarilallaits’ensortir.
Jeposailapochedeglacequejepressaiscontremonépauleetfouillaidansmonsacàla
recherchedemonportableenespérantqu’ilfonctionneencore.J’avaisbesoindefairequelque
chose,dem’occuper,parcequesijerestaissansrienfaireneserait-cequ’uneseconde,j’allaisme
mettreàréfléchiretjenevoulaispaspenser.Jenevoulaispasm’inquiéter.
Heureusement,montéléphoneétaitenunseulmorceau.Jemedemandaiquiappelerenpremier
quandquelqu’uncriamonnomdetoutessesforces.Jerelevailatêteetfinisparvoirmasœurqui
couraitversmoi,suiviedeGriffinetd’Evan.Ellemefitreculerd’unpasquandellesejetaàmon
couetmeserradetoutessesforces.Çamefaisaitmalmaisçam’étaitégaletjelaserraicontremoi.
–Anna,murmurai-jeenessayantdenepasmemettreàsangloter.
–Tuvasbien,mercimonDieu,chuchota-t-elleenmecaressantlescheveux.Nemerefaisplus
jamaisça,tum’entends?
JehochailatêteetcherchaiMattduregardmaisiln’étaitnullepart.GriffinetEvanétaient
pâlesetGriffintenaitsafillecontresontorse.
–Ilsn’ontrienvoulunousdire.IlsepassequoiavecKellan?Ilvabien?demanda-t-ilaubord
deslarmes.
JelâchaiAnnaetdusattendreplusieurssecondesavantdepouvoirluirépondre.
–Ilestaubloc,maisilvas’ensortir,dis-jeenmeforçantàsourire.
–J’aivul’accidentsurInternet,lesjournalistesonttoutfilmé,ditAnnaenmecaressantledos.
–Ilvas’ensortir,répétai-jeenlaregardantdanslesyeux.
Lesyeuxpleinsdelarmes,GriffincaressalescheveuxdeGibsonetEvanmeserradansses
bras.
–EtMatt?Iln’estpaslà?demandai-je.
Griffinreniflaetregardaverslesportesautomatiques.
–Ilestdehors,ildevaitpasserquelquescoupsdefil.
JesuivisleregarddeGriffinetvisMattquifaisaitlescentpasdel’autrecôtédesportes.
–JevaisallerleprévenirpourKellan.
ToutlemondehochalatêteetAnnaseserracontreGriffind’unetellefaçonquec’étaitvraiment
évidentqu’ilss’aimaient,etleregardqu’ilséchangèrentendisaitlongégalement.Jecommençaiàme
dirigerverslesportesquandmonportablesonna,etunmélangedesoulagementetdedouleur
m’envahitlorsquejevisquiappelait.
–Denny,jesuistellementcontentedet’entendre,je…
–J’aivul’accidentauxinfos,tuvasbien?
–Oui,çava.
Ilsoupiralonguement.
–J’étaistellementinquiet,ilsn’ontmêmepastoutmontréàlatélé.Jesuistellementrassuré
d’entendretavoix.
JefermailesyeuxuninstantpuisrecommençaiàavancerversMatt,quifaisaittoujourslescent
pas.
–Moi,çava,maisKellan…
–Pitié,dis-moiqu’ilvabien,murmura-t-il.
Jemepinçaileslèvresdetoutesmesforces.Jedétestaiscequejem’apprêtaisàdire,etje
détestaislepenser.
–Ilestaubloc.Ilsnesaventpassi…
–MonDieu,Kiera…Jesuistellementdésolé.
MêmesionétaitaubeaumilieudeNewYork,lesalentoursdel’hôpitalétaientsilencieuxet
paisibles.Jepouvaisentendreclairementtoutcequisepassaitautourdemoi,lesvoitures,uncouple
quidiscutaitenmarchant,unesirèneauloinetDennyquisanglotaitautéléphone.
–Jesuissûrqueçavaaller.
Enentendantladouleurdanssavoix,jecomprisque,endépitdetoutcequis’étaitpasséentre
eux,iltenaittoujoursàKellanetqu’ilétaitmortd’inquiétude.
Jem’adossaicontreunpilieràcôtédesportes,etenmevoyant,Matts’immobilisa.
–J’espère,murmurai-je.
JenepouvaispasimaginermaviesansKellan.JeraccrochaiaprèsavoirpromisàDennyqueje
l’appelleraisdèsquej’auraisdesnouvellesetMatts’approchademoiquandjerangeaimonportable
dansmapoche.
–Jesuistellementcontentquetuaillesbien.Jen’aijamaisvuuntrucaussiterrifiantdemavie.
Jehochailatêteetfisunpasverslui.Ilserraitsonportablesifortquesesjointuresétaient
blanchesetjeposaimamainsurlasienne.
–Tuparlaisàqui?
–Àmesparents,àRachel.
Ilregardapar-dessusmonépauleetquandsesyeuxrevinrentsurmoi,ilsétaientpleinsde
larmes.
–J’aipeurd’entrer,murmura-t-il.
–Moiaussi.
Jedélogeaisonportabledesamain,lemisdansmonautrepocheetluiprislamain,etilla
serracommesisavieendépendait.
–Viens,onyvaensemble.
Ilacquiesçaavecl’aird’unpetitgarçonquivientdetrouverquelqu’unpourleramenerchezlui
etonalladanslasallepourattendred’êtrefixéssurledestindeKellan.
PuisDeaconetlerestedesHoleshotarrivèrent,ainsiquelegénéralToryetplusieurs
techniciens,ettousavaientl’airaussiinquietsquenous.Tandisquetoutlemondes’installait,
j’appelaiJenny,Cheyenne,Kate,mesparentsetlepèredeKellan.Laplupartd’entreeuxétaientdéjà
aucourantqu’onavaiteuunaccidentmaisleurparlermepermettaitd’êtreoccupée.
Aprèstousmescoupsdefil,Annam’emmenaauxtoilettespourm’aideràmenettoyer.J’étais
encorecouvertedesangetellelavamonvisage,mesmainsetretiraundestee-shirtsqu’elleportait
pourmelemettre.C’étaituntee-shirtdegrossesseetilétaittropgrandpourmoimaisaumoins,ça
cachaitmonproprehautIKKStachédesang.
–Jeneveuxjamaisterevoirdanscetétat,dit-elleenembrassantdoucementlebandageautour
dematête.
–Moinonplus,assurai-jeenmeregardantdanslemiroir.
–Jesuistellementcontentequetuaillesbien.
Ellepritmonvisageentresesmainset,sentantqu’elleavaitenviedepleurer,jelaserraicontre
moi.Ellesemitàsanglotermaisjeparvinsànepasl’imiter.Cen’étaitpaslapeine:Kellanallait
bien.
Quandonretournadanslasalled’attente,jevisdesgensquinouspointaientquelquechosedu
doigtdehors.J’étaistropinquièteàproposdeKellanpourm’occuperd’euxmaisDeaconétaitavec
euxetmefitsigned’approcher.
–Ilfautquetuvoiesça,Kiera.
Courbatueetfatiguée,jemetraînaijusqu’àlafenêtrepourvoircequ’ilsregardaient.C’était
l’heuredudéjeuneretungroupedegenss’étaitrassembléprèsd’unpetitmuretàcôtéduparking
commes’ilsétaiententraindepique-niquer.Fascinant.J’allaisdemandercequ’ilyavaitdesi
intéressantquandjeremarquailestee-shirtsquelesgensportaientsousleursvestes.Ilsarboraient
tousdestee-shirtsdesD-Bagsetcen’étaitpasdesboissonsqu’ilsavaientàlamainmaisdes
bougies,etmoncœurseserralorsquejevisqu’ilcomptaitpourtantdepersonnes.
–IlssontlàpourKellan?demandai-je,mêmesijeconnaissaisdéjàlaréponse.
Deaconsouritenregardantlegroupequis’agrandissaitprogressivement.
–Oui.
Leurveilléesilencieusemeréconfortaunpeuetjepouvaispresquesentirlesondespositives
quiémanaientd’eux.IlfallaitabsolumentqueKellanvoieçaetqu’ilvoieàquelpointlesgens
l’aimaient.
–MadameKyle?
Jemetournaietvitunefemmeavecunstéthoscopequisetenaitderrièremoi.Elleregardaittout
lemondeautourd’elled’unairimpassibleetcen’étaitpaslemédecinàquij’avaisparléavantque
Kellanneparteenchirurgie.Jenesavaispasquielleétaitnicequ’ellevoulait,maisj’avaisdéjà
remplitouslespapierspourKellanetmoiavecl’infirmièrealorselleétaitsûrementlàpourme
donnerdesesnouvellesetmedires’ilétaitenvie…oupas.Pourquoiellenesouriaitpas?Mon
cœurbattaitàtoutrompre,j’avaisdumalàrespireretjemecontentaidefaireunpasverselleetde
leverlamain.
–Votremarivientdesortirdubloc,medit-ellecalmementunefoisàcôtédemoi.Touts’est
bienpasséetilestentraindesereposerdansunechambre,sivousvoulezlevoir.
MesjambesmelâchèrentpresquemaisDeaconmesoutint.
–Ilvabien?Vousêtessûre?
Ellesouritenfin.
–L’accidentaprovoquéunerupturedelarate,cequipeutêtretrèsdangereux,maisonapu
réparerlablessureetsauverl’organe.Ilaaussiunhématomeàlahancheetquelquescôtescasséeset
ilvaavoirmalpartoutpendantunbonmoment,maisilaeudelachance.Onvagarderunœilsurlui
pendantquelquesjoursetaprèsça,ilaurabesoind’énormémentderepos…
Ellecontinuaàparlermaisjen’entendaisplusrien.Ilétaitvivant.Touteslespersonnesqui
attendaientdesesnouvellesdanslasalled’attentem’accompagnèrentàl’étageetonsedirigeaitvers
lebureaudesinfirmièresquandl’uned’entreellesnousarrêta.
–Vousvenezvoirqui?
Jeregardailesdifférentsmusiciensetlestechniciens:onformaitundrôledetableau.
–Jeviensvoirmonmari,KellanKyle,répondis-jed’unevoixàlafoistremblanteetexcitée.
Unpetitsourirenaquitsurseslèvres.
–Ah,d’accord.Ilestencoreensallederéveilalorsuneseulepersonne…
Jefisunpasenavantetl’interrompit.
–Jevoudraisvoirmonmari,s’ilvousplaît.
Ellemefitsignedelasuivreetonsemitenroute.
–Onadéjàeuquelquesstarsici,maisjamaispersonned’aussicélèbrequeKellanKyle.La
moitiédesfillesdel’étagesontcomplètementaffoléesdelesavoirici.Vousêtesvraimentsa
femme?
Jescrutaiavidementlesnomsindiquésdevantchaquechambre.Ilétaitoù,bonsang?
–Oui,répondis-jeenl’écoutantàmoitié.
–Oh,dit-elled’unairsurpris.ToutesceshistoiresavecSiennaSexton,çan’apasdûêtrefacile
pourvousdeux.
Jelevailesyeuxverselle:elleavaitl’airjeunemaislespetitesridulesaucoindesesyeuxet
desaboucheindiquaientqu’elleétaitsansdouteplusâgéequ’elleneleparaissaitetsonsourire
débordaitdesympathie,àprésent.
–Sivoussaviez…
–Jem’appelleCarly,dit-elleenmetendantlamain.Sivousavezbesoindequoiquecesoit,
n’hésitezpas.
–Merci,dis-jeenluiserrantlamain,c’estgentil.
J’avaislepressentimentquej’auraissûrementbesoindesonaidependantleséjourdeKellan.
Sansmêmevoirlenomsurlaporte,jesusqu’onapprochaitdesachambre,carunetripotéedejeunes
infirmièressetenaientdevant.
–Sivousn’avezrienàfaire,leurditCarlyd’unairmécontent,jesuissûrequejepeuxtrouver
dequoivousoccuper.
Elless’éparpillèrenttoutesengloussantetCarlysoupira.
–Commejevousl’aidit,onn’apasl’habituded’avoirdespatientsaussicélèbres.
J’entraidanslachambreetellefermalaportederrièremoi,nouslaissantseuls.Leslumières
étaienttamisées,lesrideauxbaissésetiln’yavaitaucunbruit.Kellanavaitlesyeuxfermésetlatête
tournéedel’autrecôté,etsonbusteétaitrelevé,aveclacouvertureremontéejusqu’àlapoitrine.Ses
brasétaientétendusdechaquecôtédesoncorpsetuneperfusionétaitfixéeaudosdesamaindroite,
quiluiapportaitsûrementdesantidouleurs.Iln’avaitpassonalliancemaisilsavaientdûlalui
retireravantdel’opérer.
Ilétaitpourtantgrandetfortmaisilavaitl’airminuscule,allongédanscelit,etjesentismes
yeuxseremplirdelarmes.L’expressionsursonvisageétaitsipaisiblequej’euspresqueenviede
resterlàoùj’étaispournepasledéranger,maisj’enétaisincapableetjem’approchaidesonlitsur
lapointedespieds.Àpartquelquescoupuresauvisage,ilétaitparfait,mêmes’ilportaitundeces
pyjamasd’hôpitalquis’attachentdansledos.Unsaccontenantsesaffairessetrouvaitsurlatablede
nuitprèsdulit.
Jem’assisdoucementsurleborddulitpournepasluifairemaletjeposaimamainsurson
bras,mêmesij’avaisunpeupeurdeletoucher.
–Kellan,murmurai-je,tum’entends?
Ilbougealatêtemaisnemeréponditpasetjeprissamaindanslamienne.
–Jesuislà,jet’attends.Jenebougepas,promis.
Lesyeuxpleinsdelarmes,jeluicaressailajoueetattendisquel’effetdesmédicaments
s’estompeassezpourqu’ilseréveille.Jemesentaisunpeucoupablequelesautresnepuissentpas
levoirmaisj’avaisabsolumentbesoind’êtrelàquandilseréveillerait.
Auboutdecequimeparutuneéternité,ilbougealesyeuxderrièresespaupières,puisilprit
unegranderespirationetsecrispaenexpirant.Pourvuqu’iln’aitpastropmalenseréveillant.Quand
ilouvritenfinlesyeux,jesouriaistellementquemonvisagemefaisaitmal.
–Kellan?
Ilclignadesyeuxetregardadanslevided’unairsiconfusquejemedemandais’ilserappelait
del’accident.
–Kellan?répétai-jeenluicaressanttendrementlajoue.
Ilsetournaenfinversmoi,sansexpression,ettandisqu’ilscrutaitmonvisage,jecommençaià
avoirl’horriblepressentimentqu’ilneserappelaitpasdemoi.Lesmédecinsn’avaientpourtantpas
mentionnédeblessureàlatêtemaispeut-êtrequeluiaussis’étaitcognéentombant?Ets’ilétait
amnésique?Est-cequ’ilm’aimeraitencoresiondevaittoutrecommencerdepuisledébut?
Ilouvritlabouche,déglutitplusieursfoisetfronçalessourcils.
–Kiera?Qu’est-cequis’estpassé?
Lesoulagementm’envahit,etmêmeunepointed’amusement.Biensûrqu’ilserappelaitdemoi.
–Onm’apousséesurlaroute,tut’esprécipitépourm’aiderettut’esfaitpercuterparun
fourgon.Tuesàl’hôpital.
–Çava,toi?demanda-t-ilenregardantmonbandage.
Jen’enrevenaispasqu’ils’inquiètepourmoivusonétatetjemepenchaipourl’embrasser
doucement.
–Tuesvivant,alorstoutvabien.
Soudain,ilfermalesyeuxetseraidittandisqu’ilrespiraitparpetitesbouffées.
–Jenemesenspastrèsbien.
–Ilsontdût’opérerparcequetarates’estdéchirée.Ilsontréussiàlasauvermaistuvasavoir
malpendantunbonmoment.
Ilouvritunœiletundemi-sourireapparutsurseslèvres.
–Dieumerci,jenevoudraissurtoutpasperdremarate,dit-ilavantderefermerlesyeux.Àquoi
çasert,larate,d’ailleurs?
Jerisetluicaressailescheveux.
–Sijemerappellebien,jecroisquec’estungenredefiltreàhuilepourtonsystème
immunitaire,etàuneépoque,c’étaitaussiconsidérécommel’organeresponsabledelamauvaise
humeur.Enfin,pourça,jenesuispastropsûre.
Ilsemitàrirepuisils’immobilisa.
–Nemefaispasrire.
–D’accord.Onneriraplusjamais,promis.
Ilouvritlesyeux,ritànouveaupuissecrispa.
–Arrête!
–Jet’aimetellement,murmurai-jeenappuyantmatêtecontrelasienne.Etjesuistellement
soulagéequetuaillesbien.
Ilessayademeprendredanssesbrasmaisilétaittropfaibleettropcourbatu,alorsjeme
glissaiàcôtédeluisursonlit.Jeposaiprudemmentmonbrassursapoitrineetembrassaisonépaule
etilsoupira.
–Moiaussi,jet’aime.
Cequiavaitfaillisepasseraujourd’huim’apparutenfindanstoutesagravitéetjememisà
pleurer.
–Tum’assauvélavie,murmurai-je.
–Jet’aijusterenvoyél’ascenseur,dit-ild’unevoixendormie.
Ilcommençaàs’assoupiretj’allaispartirpourlaisserlaplaceauxautresmaisilattrapama
mainenmesentantbouger.
–Net’inquiètepas,jevaisjustesortirpourquelesautrespuissentvenirtevoir.Toutlemonde
estsuperinquiet.
–Reste…justeuneminute,bafouilla-t-il.
–D’accord.Aussilongtempsquetuvoudras.
Ilserendormitquelquesminutesplustardetquandjemerelevaiprudemment,ils’étiramais
n’ouvritpaslesyeux.Quandjerevinsdanslasalled’attente,unesurprisem’attendait:Justinétaitlà,
entraindediscuteravecEvan,etlesinfirmièresquiavaientgardélaportedeKellanétaient
maintenantentraindesepâmerdevantlanouvellerockstarquivenaitdefairesonentrée.Ellesne
risquaientpasd’oubliercettejournée…etmoinonplus,d’ailleurs.
–Justin,c’estgentild’êtrevenu,dis-jeenleprenantdansmesbras.Çavafairetellementplaisir
àKellan.
J’étaisvraimentémuedelevoirlàetilmefrottaledos.
–Onétaitdanslecoinaveclatournéeetjesuisvenudèsquej’aisupourl’accident.Comment
ilva?
–Ilestsonnémaisçava.Vouspouvezallerlevoir,dis-jeenmetournantversMatt,Evanet
Griffin.
L’infirmièreavaitditunepersonneàlafoisetilssemirentàseregarderlesunslesautresen
essayantdedéciderquiyallaitenpremier.Auboutd’unmoment,Matthaussalesépaulesettenditla
main.
–Pierre,feuille,ciseaux?
Griffinlevalesyeuxauciel.
–Onestdesstars,depuisquandonenaquelquechoseàfoutredesrègles?
ToujoursavecGibsondanslesbras,GriffinsedirigeaverslachambreetMattetEvan
échangèrentunregardpuisluiemboîtèrentlepas.MasœurlessuivitenriantetjefissigneàJustinet
auxHoleshotdeveniravecmoi.Unpourtous,touspourun.
Dansl’après-midi,Kellanallaitdéjàunpetitpeumieuxetmêmes’ilétaitexténuéets’ilavait
mal,ilétaitplutôtjoyeux.Toryétaitpartiepeuaprèsêtrepasséelevoirendisantqu’elleallait
immédiatementfaireunedéclarationàlapressepourexpliquerque«Kellanavaitvulamortdetrès
prèsmaisqu’ilenavaitréchappéetseremettaitlentementdecethorribleaccident».Jetrouvaisça
unpeudramatiquesurlesbordsmaisenvoyantl’éclatdanssonregard,jecomprisquecette
formulationétaitunexcellentcoupdepub.C’étaitvraimentintéressantdevoirqu’ellen’auraitpas
bougélepetitdoigtpournousquandonavaitbesoind’ellemaisqu’ellesejetaitdanslabatailledès
queçaprofitaitàlamaisondedisques.
LesstarsetlestechnicienssesuccédaientdanslachambredeKellan,pourleplusgrand
bonheurdesinfirmières,quipassaienttouteslescinqminutes.Enrevanche,lesmédecinsetCarly,
l’infirmièreenchef,n’étaientpasenchantésqu’ilyaitautantdeva-et-vient,etilsfinirentpar
demanderàtoutlemondedepartir.Holeshotetlestechniciensdevaientallersepréparerpourle
concertdecesoir,detoutefaçon,alorsilsdirentaurevoiràKellanetpartirentàcontrecœur.Justin
resta,étantdonnéqu’iln’avaitpasdeconcertcesoir-là,maisils’installadanslasalled’attenteavec
AnnaetlesautresD-BagspournouslaisserseulsavecKellan.
Quandlanuitcommençaàtomber,jem’approchaidelafenêtrepourregarderdehors.J’avais
entendulesinfirmièresdirequelenombredefansdehorsavaientconsidérablementaugmentépendant
lajournée.
–TuaseudesnouvellesdeSienna?Çam’étonnequ’ellenesoitpasvenue.
Jemetournaiverslui:sonlitétaitrelevéenpositionassiseàprésentetilyavaitunplateau
repasdevantlui,avecunpotdegeléedanslaquelleildonnaitdespetitscoupsdecuillèreenfronçant
lessourcils.
–Moiaussi,çam’étonne.
Cen’étaitpaslegenredeSiennademanqueruncoupdepubpareiletj’avaisl’impression
qu’elleavaitratéunesacréeopportunitéenneseprécipitantpasauchevetdeKellan.Mêmesion
avaitdévoilénotrerelationaupublicetsipluspersonnenecroyaitqu’ilsétaientensemble–et
j’espéraisvraimentquec’étaitlecas,àprésent–,rendrevisiteàKellanàl’hôpitalrestaitbonpour
sonimage,etaprèscequ’onavaitbalancésurelle,unepetitedémonstrationd’altruismeneluiaurait
pasfaitdemal.
–Elleafaitenvoyerdesfleurs,dis-jeenmontrantunmodestebouquetcoincéentreunsplendide
bouquetdelysdelapartdeLanaetunvasemonstrueuxquidébordaitderosesrouges,envoyépar
Nick.
LacartedubouquetdeSiennadisaitjuste«Jesuisvraimentdésolée.S.»,etKellanregardales
fleursenfronçantlessourcils.
–Unbouquetdiscretavecunpetitmot,cen’estpasvraimentsonstyle.Jem’attendaisàce
qu’ellem’apporteuneserreenpersonnedansunerobedusoir.
Jeluisouris.Effectivement,elleétaitplutôtdugenreàfairequelquechosededisproportionné
pourattirerl’attentionplutôtquederesterdiscrèteenfaisantlivrerdesfleurs.Jesecouailatêtesans
comprendreetretournaiàlafenêtre.Ilnefaisaitpasencorenoircarlesoleilvenaitdesecoucher,
maisjevoyaisbientouteslespetiteslumièresdesbougiesdesfansrassemblésenmassedevant
l’hôpital.
–Kellan,ilfautquetuvoiesça.
Jesavaisqu’iln’avaitpasledroitdeseleveralorsjerelevailerideau.Commesonlitn’était
pasloindelafenêtre,ilavaitsûrementunebonnevuedelàoùilétaitetjelevislaissertombersa
cuillèredesurprise.
–C’estquoi?
–Tesfans,dis-jeenfaisantunpetitsignedelamainàleurattention.
CommelalumièreétaitalluméedanslachambredeKellanetqu’ilfaisaitdeplusenplus
sombredehors,jesavaisqu’ilsmevoyaientetjemedemandaicommentilsallaientréagir.Àma
grandesurprise,touteslesbougiessemirentàbougeràl’unissoncommes’ilsmefaisaienttoussigne
aussietjeprisçacommeunsignepositif.
–Ilssontlàpourmoi?
J’allaim’asseoirauborddesonlitetluipassailamaindanslescheveux.
–Lesgenst’aimentbeaucoup,etpasjusteàcausedetonapparence.Ilsteconnaissentàtravers
tamusiqueetilst’aimentpourcequetues.
Jel’embrassaisurlefrontetmeredressaienentendantdepetitscoupsfrappésàlaporte.Je
crusquej’allaismemettreàpleurerenvoyantlepetitgroupequivenaitd’arriver:mamère,mon
pèreetGavinsetenaientdansl’encadrementdelaporte,avecHaileyetRileyjustederrièreleur
père.J’étaistellementétonnéequejenesavaispasquoidire.Nousavionséchangéilyavaitàpeine
quelquesheuresetaucund’euxn’avaitparlédeprendrel’avionpourvenir.
–Gavin,Caroline,Martin…Qu’est-cequevousfaitesàNewYork?demandaKellan,ébahi.
Gavins’approchadulitetvoiràquelpointilétaitinquietmeréchauffalecœur.Mêmes’il
avaitratéunegrandepartiedelaviedeKellan,ill’aimaitprofondément.
–Désoléd’arriversitard.Onaprisl’aviondèsqu’onapu.Onsefaisaittellementdesouci
pourtoi,dit-ilenposantsamainsurl’épauledeKellan.
HaileyetRileyavancèrentjusqu’auboutdulitetlesyeuxdeKellanseremplirentdelarmes.
–Vousétiezinquietspourmoi?
Ilavaitl’airdetrouverçatellementincroyablequeGavinsourit.
–Biensûr,fiston.Quandj’aientendudirequetuavaiseuunaccident,j’aicrumourirdepeur.
–Ont’aime,tusais,ditHaileyenluicaressantlepiedpar-dessuslacouverture.
Rileyacquiesçaetmesparentsserapprochèrentdulit,mamèreavecGibsondanslesbras.
–Onestvenusdèsquepossible.Tuesdelafamille,tusais,dit-elleenmeregardant.
Kellansetournaversmoietjelusunmélangededouleuretdejoiedanssesyeux.Unefamille
étaitcequ’ilavaittoujoursvouluetjememisàpleurer,incapabledemeretenirpluslongtemps.Mon
pèremedévisageacommes’ilétaitsoudaininquietpourmasantéetmamèrevintàcôtédemoietme
serracontreelle.Savoirquemafamilleacceptaitmonmariétaitleplusbeaucadeauquisoit,pour
moi,maisaussipourKellan.
Quandmespleurss’apaisèrent,Kellanselaissaallercontresesoreillersetmesourit.
–Tuesvraimentadorable.
Jeneluirépondispasetregardaimamèrequiétaitentraind’embrasserGibsonsurleboutdu
nez.
–Commentçasefaitquevoussoyezarrivéstousenmêmetemps?
Monpèrefronçalessourcilsetlançaunregardirritéàmamère.
–TamèrearepéréGavinpendantqu’onattendaitlesbagages…depuisl’autrecôtéduterminal.
Mamèrel’ignoraetcontinuaàjoueravecGibsonetjeretinsunrictus.CommeKellan,Gavin
étaitdugenreàsortirdulot.
Plustarddanslasoirée,jememisàpenserauconcertquiétaitentraind’avoirlieuetàtousles
fansquiauraientlecœurbrisédenepasvoirKellanetlesD-Bagssurscène.J’étaissurpriseque
Siennan’aitpasjouélacartedeladétresseetqu’ellen’aitpasannuléleconcert,maisenmême
temps,c’étaitaussiétonnantquelerestedesonattitude.
MamèreauraitsûrementvouluresterlàtoutelanuitavecGibsondanslesbrasmaisjevoyais
bienqu’elleétaitfatiguéeetjedemandaiauxD-Bagsdelaraccompagneràl’hôtelainsiquemon
père.Mamèrepromitqu’ellereviendraitàlapremièreheurelelendemainmatinetrenditGibsonà
Anna.
–Tuviensavecnous?demandamasœurd’unevoixquiindiquaitqu’ellesedoutaitdela
réponse.
Eneffet,ilétaithorsdequestionquejeparteetjesecouailatête.Ilsdevraientmevirermanu
militaripourmefairepartir.JustinetlesD-Bagsquittèrentlapièce,suivisd’Anna,denosparents,
deGavinetdesesenfants.Unefoistoutlemondeparti,onrestalààseregarderpendantjenesais
pascombiendetemps,simplementheureuxd’êtreensemble,quandsoudain,sonvisagesetordit.
–Etmerde,murmura-t-il.J’aienviedepisser.
Ilregardaverslasalledebainsetsoupiracommesidesmilliersdekilomètresl’enséparaient
etjerisdoucement.
–Tuveuxquejet’aide?
–Non,c’estbon,jevaismedébrouiller.Etpuisl’infirmièreaditquejepouvaismelever,de
toutefaçon.
Ilsepenchaenavantpourseleveretjeplaçaimesmainsdanssondospourlesoutenir.
–Oui,demain.
Ilsemorditlalèvrepourretenirungémissementdedouleur,sanssuccès.
–C’estdansdeuxheures,c’estpareil,dit-ilentresesdents.
Ilécartalesdrapsetjemeprécipitaidel’autrecôtédulitpourluiapporterlepiedsaperfusion.
Unefoisdebout,ils’yagrippapournepastomber,etjetinslepiedpourl’empêcherdeglisser.Pâle,
ilregardaparlafenêtreetrestabouchebéeenvoyanttouteslesbougiesquibrillaientdanslenoir.
–Kiera,regarde,ilssontencorelà.
Jetapotaisamainpourl’encourageràavancer.
–Biensûr,qu’ilssontencorelà,qu’est-cequetucroyais?
L’espaced’uninstant,ilparutoublierladouleur,jusqu’àcequ’ilfasseunpas.Àcemoment-là,
ilgrognaetportaunemainàsonestomac,etjeluitinslaportedelasalledebain,frustréedenepas
pouvoirl’aiderdavantage.
–Merci,dit-ild’unevoixtendueenpassantàcôtédemoi.
Avantdefermerlaportederrièrelui,jenepusm’empêcherderegarderlespartiesdesondos
quesonpyjamad’hôpitallaissaitentrevoir.Iln’yavaitqueluipourréussiràêtresexylà-dedans.Il
surpritmonregardetsemitàrire,avantdefairelagrimace.
–Arrêtedemefairerireetfermelaporte.
Jerisetm’exécutaipuisjeretournaiàlafenêtreenespérantqu’ilnes’évanouissepas.Sesfans
étaienttoujourslà,lelongdutrottoirdel’hôpital,etilsavaientl’airdes’étendreàpertedevue.
C’étaitvraimentimpressionnant.Soudain,unpetitcoupfrappéàlaporteetunevoixpoliemefirent
sursauter.
–MadameKyle,jesuisdésoléedevousdéranger,jesaisquel’heuredesvisitesestterminée,
maisvotrefrèreestlà.
Jemetournaiversl’infirmièredenuitenessayantdegarderuneexpressionaussineutreque
possible.Monfrère?L’infirmièreregardapar-dessussonépaulepuisposalesyeuxsurmoi.
–Entempshabituel,jeluiauraisdemandéd’attendredemainmatinmaisilditqu’ilatraverséle
payspourvousvoir?
Ellemeregardad’unairsceptique,commesielleétaitconvaincuequecettepersonnementait,
etelleavaitraison,étantdonnéquejen’avaispasdefrère.Soudain,jepensaiàquelqu’un…etjefus
incapabledemasquermasurprise.
–Denny?Dennyestici?
L’infirmièreouvritunpeuplusgrandlaporte.
–Ilpeutentrer,maisseulementquelquesminutes,d’accord?
Jehochailatête,incapabledecroirequ’ilavaitfaittoutcechemin.L’infirmièrerecula,fitun
gestedelamain,etDennyentradanslapièce,l’airinquietetfatigué.Abbyentraunesecondeplus
tardetmasurprisesedécupla.
–Mercibeaucouppourvotreaide,Renae,dit-ilàl’infirmière.
Ilditçasanslemoindreaccentaustralien,choseinéditeàcejour,etjerestailààleregarder
sansriendire.
Unefoisl’infirmièrepartie,ilsetournaversmoietjedevaistirerunedrôledetêtecarilsemit
àrire.
–J’auraiseudumalàpasserpourtonfrèreavecmonaccentetjevoulaisêtresûrequ’ilsme
laissententrer.C’estdifficiled’imiterl’accentaméricain,j’étaissûrqu’elleallaitmegrillerendeux
secondes.
Jerisetleserraidansmesbras.
–Jen’arrivepasàcroirequetusoislà.
–Désoléd’arriversitard.
Ons’écartaenentendantlaportedelasalledebainss’ouvrir,etlepetitsouriredeKellan
s’évanouitenvoyantDenny.Ilétaitaussichoquéquemoi,visiblement.
–J’hallucineàcausedesmédicaments,oualorstuesvraimentlà?
–Contentdetevoir,mec,ditDennyensouriant.
Puisilavançaversluipourleprendredanssesbrasetl’aidaàregagnersonlit.Sonexpédition
semblaitl’avoirépuisé.
–Tueslàaussi?demandasoudainKellanenvoyantAbby.Vousavezfaittoutcecheminpour
mevoir?
UnefoisKellanallongé,Dennysoupiraetpassaunemaindanssescheveux.
–Oui,onestvenuspourtoi.J’aipissédetrouillequandj’aiapprisquetuétaisblessé.Je
n’arrêtaispasdemedireque…
Dennydétournaleregardetavalasasaliveetj’allaim’adossercontrelemurenessayantdeme
fairetoutepetitepourleslaisserdiscuter.Abbyvintmerejoindreetmesouritdoucementenme
tapotantlamain,etjedevinai,enlaregardant,qu’elleimaginaitàquelpointcettejournéeavaitdû
êtrehorribleetqu’ellem’offraitsonsoutienetsonamitié.Jeserraisamain,reconnaissante,etonse
tournatouteslesdeuxversnosfiancés.
–Onétaittellementproches,repritDenny,onétaitcommedesfrères.Etsitumourais,j’aurais
l’impressiondeperdreunmembredemafamille,etjenesaispassitut’enrendscompte.Je
détesteraisqu’ilt’arrivequelquechosesansquetusaches…
Ilreniflaetpritunegranderespiration.
–Tusais,j’ail’impressionquejen’aipeut-êtrepasétéunsuperamipourtoi.
–Denny,je…
–Jesavaiscequisepassaitavectonpèreetjen’airienditàpersonne.J’auraisdût’aideretje
nel’aipasfait.
–Tun’étaisqu’ungamin.
–Toiaussi,rétorquaDenny.Etquandjesuisparti,jet’avaispromisquejeresteraisencontact
etjenel’aipasfaitnonplus.Tuavaisbesoindemoietjen’aipasétélà,etjesuisvraimentdésolé.
C’étaitvraimentnasedemapart.
–Tuplaisantes?demandaKellanenmemontrantdudoigt.J’aicouchéavectacopine…
plusieursfois.
JemeraidisetAbbyserramamainunpeuplusforttandisqueDennyfronçaitlessourcils.
–Oui,etc’étaitvraimentnasedetapart.
Unsouriretristevintilluminerunpeusonvisage.
–Maisjet’ailaissétoutseuldanscetenfer…etjepensequec’estencorepire.Jesaisqu’ona
laissélepasséderrièrenous,ditDennyentendantlamainverslui,etjesaisqu’onestamis,maisje
veuxquetusachesquetoietmoi,onesttoujourscommedesfrères.Tum’entends?
Kellanavaitl’aircomplètementsouslechocmaisilhochalatêteetserralamaindeDenny.
–Oui.D’accord.
28
Jeleveux
Mamèrefutlapremièreàarriveràl’hôpitallelendemainmatin.J’étaisencoreendormiedans
unfauteuildansuncoindelachambrequandelleplaçaunemainsurmonépaule.
–Tiens,machérie,murmura-t-elle.
J’ouvrislesyeuxavecdifficultéetsourisenvoyantlatassefumantequ’ellemetendait.Ducafé.
Etpasceluipourridudistributeur:unvraicaféqu’elleavaitachetésurlaroute.J’adoraismamère.
–Merci.
Elles’appuyacontrelereborddelafenêtreetsemitàboiresoncaféaussienregardantKellan
dormir.PuissesyeuxseposèrentsurDenny,endormisurunechaiseàcôtédeKellan.J’avaisappelé
Evanlaveilleausoirpourluidemanderd’emmenerDennyetAbbyàl’hôteloùtoutlemondeétait
mais,aprèss’êtreassuréqu’Abbynemanquaitderien,DennyavaitdécidéderevenirvoirKellanet
l’infirmièreluiavaitpermisderester.Peut-êtrequ’elleavaitsentiquequelquechosedecrucialétait
entraindesepasser.
J’étaisincapablededireceàquoimamèrepensaitmaisçadevaitêtrebizarrepourelledevoir
monexici.Unexquej’avaistrompéavecKellan,par-dessuslemarché.Aprèsunlongsilence,ma
mèresetournaversmoietmontraDennydudoigt.
–Ilt’aimevraimentbeaucoup,pasvrai?
Elleavaitpresquel’airinquiète,commesiDennyreprésentaitunemenacepourKellan,etje
secouailatêteensouriant.
–Non,c’estKellanqu’ilaimebeaucoup.C’estpourluiqu’ilestvenu.Etilluiaditqu’ille
considéraittoujourscommesonfrère,mêmeaprèstoutcequis’étaitpassé.
Ellepritunegorgéedecaféetécarquillalesyeux.
–Ilestvraimentindulgent.J’espèrequevousvousrendezcompteàquelpointlesamiscomme
luisontrares.
Jehochailatête,leslarmesauxyeux.Onlesavait,etonneferaitplusjamaisrienquisoit
susceptibledeluifairedumal.
Lesgarçonsdormirentencoreuneheure.Onavaitdiscutéjusquetarddanslasoiréeetilsétaient
encoreentraindeparlerquandjem’étaisendormie.Kellanauraitsansdoutebienaimédormir
encoreplusmaisuneinfirmièrearrivapourl’examineretleréveilla.Elleluidemandacommentil
allait,s’ilavaitmal,s’ilavaitfaim,s’ils’étaitlevéets’ilétaitalléauxtoilettes.Çan’avaitpasl’air
delagênerdeluidemandertoutçadevantdesgensmaisçanesemblaitpaslegênernonplus.Ilavait
mêmel’aircontent.
Gavin,sesenfantsetmonpèrearrivèrentpendantqueKellanmangeaitcequiressemblaitàune
omelettepourlepetitdéjeuner.C’étaitlapremièrefoisquejelevoyaismangerquelquechosedepuis
l’accidentetj’euspresqueenvied’applaudir.Quandilsentrèrentdanslachambre,Gavinetmonpère
avaientunediscussionaniméesurlesPiratesdePittsburghetlesRedsdeCincinnati.Monpère
adoraitparlersportplusquetoutetjesourisenlesvoyantdébattredelameilleureéquipe,ravieque
mesparentsdeviennentamisavecsonpère.
Abby,AnnaetlesD-Bagsarrivèrentenmilieudematinée,accompagnésdeJustin.Ilétait
encoretôtpourlesgarçonsdugroupeetilsbâillaienttousenentrantdanslachambre.Celafaisaità
peinedeuxsecondesqueGibsonétaitdanslapiècequandmamèresejetasurellepourl’ôterdes
brasdeGriffin.IlfronçalessourcilsmaislalaissafaireetAnnapassaunbrasautourdemoienriant.
–Jepensequepersonnenevapouvoirlatouchertantquemamanseralà.
JeregardainotremèrebercerGibsonetjepensaiàquelquechose.
–Tuvasrestercombiendetemps,maman?Enfin,jeveuxdire,avecThanksgivingquiarrive,tu
n’asinvitépersonneàlamaison?
Ellesecoualatêtesansquittersapetite-filledesyeux.
–Onaannulé.OnresteicipourThanksgiving.OnrepartiraunefoisqueKellanserasortide
l’hôpital.Onestunefamille,ilfauts’entraider,ajouta-t-elleenmesouriant.
Jen’étaispasvraimentétonnéemaisj’étaisraviedel’entendredireça.JeregardaiGavinetil
montraRileyquijouaitàunjeuvidéoetHaileyquifeuilletaitunmagazinesurlacouvertureduquel
onvoyaitunephotodeKellanetmoientraindenousembrasseraucimetière.
–Lesenfantssontenvacancesetj’aiprévenuaubureauqu’ilyavaituneurgencedansma
familleetquejenerentreraispasavantlundi.Alorsjusque-là,vousallezdevoirmesupporter.
Kellansouritetbaissalesyeux.
–Çamefaitvraimentplaisir.
EnregardantlerestedesD-Bags,jecomprisqu’euxaussiavaientprévuderesterprèsde
Kellanpendantlesvacancesetjeneposaimêmepaslaquestion.Enrevanche,jen’étaispassûredu
programmedeJustinetjenemerappelaisplusdesdatesdesongroupe.
–Onaencoreunconcertcesoiretaprès,onn’arienpendantunesemaine.Hé,vousdeux,
demanda-t-ilensepenchantversHaileyetRiley,vousvoulezvoirAvoidingRedemptioncesoir?Et
allerfaireuntourencoulissesaprès?
Gavins’éclaircitlagorgeetJustinsetournaverslui.
–Avecvotrepermission,biensûr.
HaileyetRileyétaientdéjàentraindesautillersurplaceetdesupplierleurpère,quin’eutpas
lecœurderefuser.
–Àconditionquetugardesunœilsurtonpetitfrère,dit-ilàHailey.Etpasd’alcool.
HaileylevalesyeuxaucieletsetournaversKellan.
–Tuvoisunpeucequejedoissupporter?
–Unevraiebrute,ditKellanensouriant.
Jehaussailessourcilsenl’entendantdireçamaisiln’yavaitaucunetracedetristessedanssa
voix,justedel’amusement,alorsjefinisparrirecommelesautres.
–Etvousdeux?demandai-jeàAbbyetDenny.Vousrentrezquand?
Dennypassaunbrasautourd’elleetl’attiraàlui.
–C’estlepremierThanksgivingd’AbbyauxÉtats-Unisetellem’afaitpromettrederegarderla
paradeavecelleàlatélé.
Illevalesyeuxaucieltandisqu’Abbysouriaitetjerisenvoyantl’airennuyédeDenny.Jele
connaissaisbienetjesavaisqu’enréalitéilavaitsûrementhâted’offriràAbbydesvacancesde
rêve,paradeincluse.Iln’yavaitpasgrand-chosequ’ilpouvaitrefuseràlapersonnequ’ilaimait.
–Etpuisenfait,onenaparlédansl’avionenvenanticietonadécidédepasserlesvacancesà
NewYork.
Abbyluitapotasurletorseetsabaguedefiançaillesbrillademillefeuxdanslalumièrequi
filtraitparlafenêtre.
–Dennym’emmènevoirlaparadeenvrai!s’exclama-t-elled’unevoixquimontraitàquel
pointelleétaitenchantée.
Del’autrecôtédelapièce,Griffinglissa«mauviette»entredeuxquintesdetouxet,mêmesi
Annarit,elleluimitquandmêmeuncoupdanslescôtes.Çam’étonnaqu’elledéfendeDenny,mais
çaavaitvraimentdûl’impressionnerqu’ilviennejusqu’ici.
Raviequetoutlemondesoitréunipourquelquesjours,jemelevai.
–Danscecas,j’aiunepropositionàvousfaire.
J’allaijusqu’àlatabledenuitdeKellan,oùsetrouvaitsonsacavecsesaffaires,etjefouillai
danslesacjusqu’àtrouverlaboîtequicontenaitsabague.Jel’ouvris,prissonanneauetm’assisau
borddulit.Monépaulemefitunpeumalquandj’attrapaisamaingauchemaisj’allaisdéjàmieuxet
jemepenchaipourluiparleràl’oreille,lecœurbattant.
–KellanKyle,tuesl’amourdemavieetjet’aimeplusquetout.Est-cequetuveuxbienfaire
demoilafemmelaplusheureusedumondeendevenantmonmari…jeudi?
Jepassailabagueàsondoigtetilserramamain.
–TuveuxtemarierlejourdeThanksgiving…ici?
Ilregardaautourdelui:effectivement,entrelachambred’hôpitaletlelitmédicalisé,çane
respiraitpasleromantisme.Maisj’étaissûredemoi.
–Ons’enmoque,del’endroit.Jen’aipasenvied’attendreencoreunmoispourt’épouseretje
pensequec’estlejouridéalpourdevenirmarietfemme.Etenplus,lesgenslesplusimportantsde
nosviessontdéjàlà.Enfin,saufJennyetlesfilles,fis-jeremarquerenfronçantlessourcils.Ilfaut
absolumentqu’onlesfassevenir.
Evanétaitadossécontreunmuretilsemitàrayonner.
–Pasdesouci,jevaisprévenirTagadaetluidiredeveniraveclesfilles.Ellenevoudraitpas
raterça,etpuissurtout,jen’auraispasfinid’enentendreparlersijamaisellen’étaitpaslà.
C’étaitaussisimplequeçaettoutmeparutparfait.
–Tuvois?demandai-jeàKellan.C’estcommeçaqu’onestcenséssemarier.
L’émerveillementremplaçalasurprisesursonvisage.
–Tuvasvraimentdevenirmafemme…
Jerisetl’embrassaidoucement,lesyeuxlégèrementembués.
–Ettoi,tuvasvraimentdevenirmonmari.
–Ici,Kiera?Vraiment?ditsoudainmamèrederrièremoi.
Jemetournaipourlaregarder:ellefronçaitlessourcilsenregardantautourd’elle.
–Maistun’ypensespas!Onadéjàenvoyélesinvitations,ilyadelafamillequivavenirde
partout,descousinsqu’onn’apasvusdepuisdixansouplus…Toutestprêtpourl’égliseetonatout
organisépourlerepasaprèslacérémonie.ChacunapportequelquechoseetPollydoitfaireses
haricotsblancsàlasaucetomate.EtpuisGertrudeatellementhâtedejouerdel’orguepourtoi.Elle
aquatre-vingt-dix-huitans,Kiera,ellen’enapluspourlongtemps,tusais…
Desharicots?Etdel’orgue?JeglissaiunregardversAnna:elleétaitentraindes’étouffer
derire.Jemelevaietallaiprendremamèreparlesépaules.
–Écoute,maman,j’aifailliperdreKellanhieretjeneveuxpasattendreuneminutedeplus
pourdevenirsafemme.Alorsest-cequetuveuxbienm’aideràmemarierjeudi?
Unegrosselarmeroulasursajoue.
–Biensûr,machérie.
–Bien.Danscecas,trouve-nousquelqu’unquipuissenousmarieraussirapidement.
Elleactivaimmédiatementsonmode«organisatrice»etsemitàfairelescentpas.
–D’accord.Jesuissûrequ’onvabienréussiràtrouverquelqu’uniciquisoithabilitéà
célébrerunmariage.Bon,ilfaudraitdonnerunpetitcoupdefraisàlapièce,acheterdesfleurs…
ElleregardatouslesbouquetsqueKellanavaitreçusetquicontinuaientàaffluer,étantdonné
quesesfanssavaientqu’ilétaitici.
–Avectoutça,ondevraityarriver.Oh…tarobe.J’auraisdûl’apporteravecmoi.Elleétait
tellementbelle.
J’essayaid’avoirl’airdéçuemêmesi,danslefond,j’étaisravied’échapperauxmanches
bouffantesetauxfanfreluchesdontAnnam’avaitparlé.J’offrisquandmêmeunpetitsourire
réconfortantàmamèreethaussailesépaules.
–Oui,c’estvraimentdommage,maisjesuissûrequ’Annavam’aideràtrouverquelquechose.
Annasautasursespieds.
–Etonvaallercherchertalicencedemariageaussi.
D’aprèscequejesavais,lesdeuxpersonnesquivoulaientsemarierdevaientêtreprésentes
pourdemanderlalicencemaisKellanétaitplusoumoinsclouéàsonlit.Enfin,jen’avaisaucun
doutesurlacapacitédepersuasiondemasœur,surtoutsilapersonnequisetrouvaitfaceàelleétait
unhomme.Pourvuquelesecrétaireducomtésoitunhomme.
Àcemoment-là,notremèrefitquelquechosed’impensable:ellemitGibsondanslesbrasde
quelqu’und’autre.Griffinfinitdoncenfinparrécupérersafilleetmamèreannonçaqu’elleavait
besoind’untéléphone,d’unannuaire,d’unbloc-notesetd’unautreexpresso,etplusvitequeça.
Gavinallaluichercherducafétandisquemonpèresemettaitenquêtedesautreschosesdontelle
auraitbesoinpourfairedemonmariageuneréalité,etj’étaisraviedelavoirsemettreenaction.
Annametiraparlebrasetjevisunéclatdanssesyeuxquiressemblaitfurieusementàceluides
yeuxdemamère.
–Viens,onvatechercherunerobe!
JerisetallaiembrasserKellan.
–Onrevientdanspaslongtemps.Çavaaller,toi?
Ilacquiesça,l’airaussieuphoriquequemoi,etjesavaisquemêmes’ilavaitmal,ilétaitplus
heureuxquejamais.Jelesavaisparcequec’étaitexactementcommeçaquejemesentais.J’allais
memarier!
GriffinhochalatêtequandAnnaluidemandas’ilpouvaitgarderGibsonpendantqu’onallait
fairelesboutiques.Elleavaitnourrisafillepeudetempsauparavantmaisonnepourraitpasy
passerlajournée,dumoinspaselle.J’espéraiqu’elleavaitcomprisqu’ellen’allaitpasresterhuit
heuresd’affiléeaurayonchaussures.
–VousvousmariezlejourdeThanksgiving,c’estpratique,murmuraGriffin.Tun’auraspasde
malàterappelerdevotreanniversairedemariage.Onauraitdûfairepareil,dit-ilàAnna.J’aidéjà
oubliélenôtre.
AnnaetKellansourirenttouslesdeux.
–Euh,çanetomberapastoujourslejourdeThanksgiving,tusais,ditKellan.
–Hein?Biensûrquesi,réponditGriffind’unairterriblementconfus.
Kellansemorditlalèvreetjesavaisqu’ilétaitvraimententraindefairetoutsonpossiblepour
nepasrire,étantdonnéquec’étaitdouloureuxpourlui.
–Thanksgivingnetombepastouslesanslemêmejour,Griffin.Çachange.
–Arrêtedemeprendrepouruncon,ditGriffinenlefusillantduregard.
J’entendisMattetEvanglousseravecJustinetDennyetmonpèrelevalesyeuxauciel.Demon
côté,jefinisparéclaterderireetKellandevaitprendredegrandesrespirationspournepasrire,lui
aussi.
–Griffin,jenesuispasentrainde…
–Laissetomber,dis-jeentapotantlajambedeKellan.
Ilritensetenantlescôtes.
–Quelabruti,grommela-t-il.
Jesavaisqu’ilétaitentredebonnesmainsalorsjel’embrassaiunedernièrefoisetjequittaila
chambre.
–Thanksgivingchangevraimentdejourtouslesans?murmuraAnnaunefoisdanslecouloir.
Jem’empêchaipresquedememoquerd’elle.Presque.
OncroisaCarlydanslecouloiretjeluiexpliquainotreprojettandisqu’Annaappelaituntaxi.
Elleeutl’airunpeusurpriseétantdonnéquejeluiavaisditqu’onétaitdéjàmariésavecKellan,
maiselleacceptanéanmoinsdenousaider.Quandonsortit,notretaxinousattendaitdéjàdevant
l’hôpitaletjefusétonnéedevoirlenombredefansquifaisaientlepieddegrue.Lavuedepuisla
chambredeKellanétaitlimitéeet,àprésent,jemerendaiscomptequ’ilyenavaitbienplusquece
quejecroyais.Quandilsmeremarquèrent,lesdifférentsgroupescommencèrentàmurmureretàme
montrerdudoigt,etAnnaparutimmédiatementsurlesnerfs.
–Dépêche-toidemonterenvoiture,Kiera.
Maisjenepouvaism’empêcherderegarderlamassedegensrassemblésautourdenous.Ils
avaientl’airréellementtristesetcertainsétaientmêmeentraindepleurer,etçamebrisalecœurde
lesvoircommeça.J’étaissûrequepersonneneleuravaitdonnédenouvellesdel’étatdeKellan,et
lesemployéss’étaientsansdoutecontentésdeleurdemanderdepartir,oudumoinsderesterà
l’écart.Toryavaitpubliéuncommuniquédepressedramatiquemaiscen’étaitpasçaquiavait
rassurélesfans.Peut-êtrequemoi,jepouvaislefaire?
–Jereviens,dis-jeàmasœur.
–Tufaisquoi?
Jeregardaidenouveauverslafoule.Bonnequestion.Qu’est-cequejefaisais?
–Jeveuxjusteleurdirequ’ilvabien.
Jetraversailarue,suivied’Anna,ettoutelafoulesemblasetournerversnous.Jememisà
tremblermaisjedécidaideluttercontremapeuretjem’approchaid’euxlatêtehaute.Comment
Kellanavaitréussiàvaincresontracquandilavaitcommencéàmontersurscène?Est-cequeje
devaislesimaginernus?Finalement,jedécidaid’imaginerqueKellanétaitàcôtédemoietqu’il
avançaitverssesfansavecunsourirecharmeur.Jepensaiàlarelationfusionnellequ’ilentretenait
aveceux,àlaplacequ’ilsoccupaientdanssavieetluidanslaleur,etmonstresss’évanouitquandje
merendiscomptequejepouvaisêtrelepointdecontactentreeux.
Dèsquejefusprèsd’eux,ilssemirenttousàparlerpoursavoircommentilallait.Quandje
levailesmainspourprendrelaparole,ilsseturentetjem’adressaiàeuxd’unevoixplusassurée
quejamais.
–Kellanm’achargéedevousdirequ’ilallaitbien.Enfin,ilamalpartoutmaisilvabien.Ilest
vraimentémudesavoirquevousêtestouslàetqu’ilpeutcomptersurvousetjesaisque,s’ille
pouvait,ilviendraittousvousremercierunparun.Votresoutienesttrèsimportantpourlui,pour
nous,etonnesaitpascommentvousremercier.
Latornaded’émotionsdesdernièresvingt-quatreheuresmerattrapaetdeslarmessemirentà
roulersurmesjoues.Jem’essuyairapidementlesyeuxetentendislafoulemurmurerdes
remerciements.
–Vousêtesvraimentsafemme?criasoudainquelqu’unalorsquej’allaisretournerversla
voiture.
Jesentisunsourirepoindresurmeslèvres.Oui,j’allaisledevenir.Jemesentisalorsproche
decettefouled’inconnusquiaimaitprofondémentlamêmepersonnequemoietjeleurdislavérité.
–Çafaitlongtempsqu’onestmariésdansnoscœurs,mais…onvarendreçaofficielcette
semaine.JedeviendraiofficiellementmadameKylejeudi.
Àmagrandesurprise,toutlemondesemitàapplaudiretàpousserdescris.Jen’enrevenais
pasqu’ilsm’acceptentenfin,etl’émotionmesubmergea.
–Jedoisvouslaisser,ilfautquej’ailleacheterunerobe.
Plusieurspersonnesnouscrièrentdesnomsetdesadressesetsij’étaistropbouleverséedemon
côtépourenprendrenote,jevismasœurhocherlatête.Ellenesavaitpeut-êtrepasquandtombait
Thanksgivingmaisc’étaitungéniequandils’agissaitdeshopping.Onfinitparmonterdansletaxiet
Annadonnalenomd’uneboutiqueauchauffeurtandisquejeriaistouteseule,encoresouslecoupde
lasurprise.J’allaisenfinépouserKellanetjemouraisd’impatience.Masœursortitsonportableet,
aprèsuneminutedesilence,ellemesecoualebras.
–Tuasvuça?
Ellememontral’écrandesonportable.Elleétaitsurunsitedepotins,etnaturellement
l’histoiredel’accidentdeKellanfiguraitenpremièrepage.Lesphotosétaientterrifiantes:ilyen
avaitdeKellanentraindem’aideràmerelever,puisavecmoiderrièreluietsamaintendue,etily
enavaitmêmedumomentoùlefourgonl’avaitpercuté.Voircesphotosréveillatoutesmesangoisses
etmêmemadouleuràlatête.Silefourgonétaitalléjusteunpeuplusvite,siKellanétaittombéet
qu’ils’étaitcognélatêtecontreletrottoir,sid’autresorganesavaientétéendommagés,jel’aurais
vraimentperdu.
Soudain,jeremarquaicequemasœuressayaitvraimentdememontrer.Ilyavaitdescentaines
decommentairesdefanssousl’article,ettousdisaientqueKellanétaitunhéros.Çamefitchaudau
cœurdeliretouslescommentairesquiluisouhaitaientunbonrétablissement,etjefussurprisede
voirquejefiguraisdanscertainscommentaires.Ils’estjetédevantunevoiturepourelle!Illuia
sauvélavie!C’estça,levéritableamour.Ilssontfaitsl’unpourl’autre,etjen’aijamaiscruaux
histoiressurluietSienna.
Jen’enrevenaispasquedesgensnoussoutiennentcommeça.C’étaitcommesil’accidentavait
appuyésuruninterrupteuretquelepublicnousvoyaitdésormaiscommelenouveaucouplestar.
J’étaispasséedustatutd’autrefemmedétestéepouravoirvoléàSiennal’hommequ’elleaimaità
celuid’âmesœurdeKellan.Lechangementétaitsirapideetradicalquejen’arrivaispasàycroire.
–Ilsnousaimentbien…murmurai-je,souslechoc.
–Toutlemondeadorelecouplequevousformez,répondit-elleensouriant.
Onavaittellementdechosesàfaireensipeudetempsquejefisensortedenepluspenseràça
pourlemoment.Quandonfinitparmetrouverunerobe,j’étaistellementfatiguéequej’avais
l’impressiond’avoircouruunmarathonmaisaumoins,j’avaistoutcequ’ilmefallait,ycomprisla
licencedemariage.Çan’avaitpasétéfacilemaisAnnaavaitfaitsonnumérodecharmeetlaclerc
avaitacceptédeveniràl’hôpitalpourqu’onpuisseremplirlespapiersensembleavecKellan.
J’étaissûrequ’enréalitéelleavaitditouijusteparcequ’elleavaitenviedematerKellan:sesyeux
s’étaientilluminésquandelleavaitcomprisquij’étais.
Oncommençalespréparatifstôtlelendemain,dèsl’arrivéedemesdemoisellesd’honneur.Je
poussaiuncridejoiequandJenny,Rachel,KateetCheyennedébarquèrentdanslachambrede
Kellan,etellesmeserrèrentdansleursbrassousleregardamusédesgarçons.Ilsnepouvaientpas
comprendre.
–Jen’arrivepasàcroirequetusoislà,dis-jeàJennyentredeuxreniflements.Mercid’être
venueaussivite.
–Jen’auraisratétonmariagepourrienaumonde.
EllesouritpuissonregardseposasurmonbandageavantdedériversurKellan,quinous
souriait.
–Etpuisjevoulaism’assurerquevousalliezbien.Tum’asfoutuunedecestrouilles.
–Toutesmesexcuses,réponditKellan.
Elleritetallaleserrerdanssesbrasetjeremerciailerestedesfilles.Onavaitpayéleurs
billetsd’avionetleurschambresd’hôtelavecKellan,maisellesavaientquandmêmedûtoutlaisser
enplanpourveniricietjedébordaisdereconnaissance.
Ensuite,RachelallarejoindreMatt,KaterestanerveusementdeboutàcôtédeJustinet
CheyenneessayadesubtiliserGibsonàmamère,sanssuccès.
–Jesuisvraimentcontented’êtreici,ditJennyenprenantEvandanssesbras,maisjen’arrive
pasàcroirequetuvastemarierdansunechambred’hôpital.
Mamèresoupiraàfendrel’âmepourindiquercequ’elleenpensaitetjelevailesyeuxauciel.
–Onabeaucoupdechosesàfaireaujourd’hui,dis-jeenm’adressantàmestroupes.Ondoit
transformercettechambrepourqu’ellepuisseaccueillirunmariagedemain.
DennyétaitàcôtédemoiavecAbbyetilsecouadoucementlatêteenregardantlesmeubleset
lesappareils.
–Çanevapasêtrefacile,murmura-t-il.
–Jesais.Maismercid’êtrelàpourm’aider.
–Magénérositémeperdra,dit-ilensouriant.
–Maman,tuastrouvéquelqu’unpournousmarier?
ElleembrassaGibsonetnousadressaunsourirerayonnant.
–Oui!Undesinfirmiersquiaaidéàlerecoudreestpasteuretiladitqu’ilseraitravide
marierunerockstar.
Kellanritetportasamainàsonestomacunesecondeplustard.Ilétaitencoreunpeupâleetil
avaitlestraitstirésmaisilavaitdéjàl’aird’allerunpeumieuxquelaveille.
Raviedevoirquetoutsemettaitenplace,jetapaidanslesmainspuism’adressaiauxfilles.
–Onm’atrouvéunerobeavecAnnahiermaisilfautqu’onailleachetervostenuesde
demoisellesd’honneur.
–Mêmepourmoi?demandaAbby,surprise.
–Surtoutpourtoi,luirépondis-jeensouriant.
Ellerositetparutvraimenttouchéequejeveuilleluiconfiercerôle,maisaprèstout,ellefaisait
partiedelaviedeDennyetc’étaitmonmeilleurami.IlsformaientuntoutaumêmetitrequeKellan
etmoietçameparaissaitnormaldelesincluretouslesdeux.
–Euh…lesgarçons,vousallezréussiràtrouverdescostumesd’iciàdemain?
Ilsportaienttousdesjeansetdesvieuxtee-shirts,etmêmesijen’éprouvaispaslebesoinqu’ils
soientenqueue-de-pie,j’avaisquandmêmeenviequ’ilsfassentunpetiteffort.
Griffinsouritdetoutessesdents.
–Pasdesouci,jesaisdéjàcequejeveux.
JefronçailessourcilsetpointaiMattdudoigt.
–Jet’interdisdelelaissersortirdumagasinavecquoiquecesoitdepastel.Oun’importequoi
quidécouvriraitsesfesses.
Mattacquiesçaensouriantetjehaussailesépaules.
–Bon,ilneresteplusqueletraiteur,alors.
–OnestpartisenreconnaissanceavecMartin,hier,intervintGavin,etonatrouvél’endroit
parfait.IlssontouvertsdemainetserventunrepastraditionneldeThanksgiving,etilssontmême
d’accordpourlivreràl’hôpital.
–Alorsc’estparti!
Onpartitàlarecherchederobesaveclesfillestandisquelesgarçonsallaientchercherdes
costumes.Jemesentaisunpeucoupabled’abandonnerKellan,etmêmesiCarlym’assuraqu’elle
prendraitsoindeluietqu’ilavaitbesoindereposdetoutefaçon,jel’embrassaiunebonnedizaine
defoisavantdepartir.
Aulieud’essayerdetrouverdesrobesassortiespourtoutlemonde,jelaissaichaquefille
choisircequ’ellevoulait.Jenevoulaispaslesobligeràporterquelquechosequ’ellesdétestaient,
dugenremanchesbouffantes…Maseulesuggestionétaitqu’ellesportentlamêmecouleur:unrouge
profondquimerappelaitNoël,Kellanetl’amour.
Haileychoisitunerobesimplemaiscoquette,Annapritunerobesiserréequejen’étaismême
passûrequ’ellepuisserespirer,etlesautrestrouvèrentchacunequelquechosequireflétaitleur
personnalité:unerobediscrètepourRachel,pétillantepourJenny,sophistiquéepourAbbyet
romantiquepourCheyenneetKate.AnnatrouvaunebarboteuserougeadorablepourGibsonetmême
mamèrejoualejeu,enachetantunejolierobedecocktailqu’elleporteraitsûrementàchaquerepas
defêteoùelleseraitinvitéependantlesvacances.
Aprèsça,onréfléchitàcommenttransformerlachambredeKellanpourlarendreunpeuplus
romantique.AbbyetJennyavaientpleind’idéesdedécogénialesquiallaientsûrementmettreles
nerfsdesinfirmièresàrudeépreuve,maisavecunpeudechance,ellesnouslaisseraientchambouler
unpeuleursinstallations.Aprèstout,cen’étaitpastouslesjoursqu’unerockstarsemariaitsurleur
lieudetravail!
Jefusaccueilliepardescrisetdesapplaudissementsdelapartdesfansàmonretourà
l’hôpital.Ilssemblaienttoujoursaussinombreuxendépitdujourfériéquiapprochait,etonaurait
mêmeditqu’ilyenavaitencoreplus.Ilyavaitaussiquelquesphotographes,sûrementaucourantde
nosprojetsdemariage,maisçam’étaitégaletjelessaluailatêtehaute.
–Ont’aime,Kiera!répondirentplusieursfans.
Jesecouailatête,incrédule.Ilsm’aimaient?Mêmesijenecomprenaispaspourquoi–
commentilspouvaientm’aimer,s’ilsnemeconnaissaientpas?–,çamefaisaittrèsplaisir.J’avais
l’impressionquel’amourétaitdansl’air.Toutallaitpourlemieux,àlaveilledemonmariage.
LesgarçonsétaientdéjàderetourquandonretournadanslachambreetAbbyetJenny
exposèrentimmédiatementleursplanspourladécoration.Lesgarçonslesregardèrentcommesielles
parlaientchinoismaisDennyhochalatêteetsemittoutdesuiteautravail.Ilétaitsuperdouéen
designetavaittrèsbongoût,cequiexpliquaitsansdoutepourquoiilétaitsitalentueuxdansson
domaine.
DennyetAbbytravaillaientenparfaiteharmoniesansmêmeavoirbesoindeseparler.Il
suffisaitqu’unregardequelquechoseenhaussantlessourcilspourquel’autredise«Oui,c’estce
quejemedisaisaussi»,etc’étaitvraimenttouchantdevoiràquelpointilsétaientcomplémentaires.
Souslasupervisiond’Anna,plusieursd’entrenoussemirentendevoirdecacherlesappareils.
Rileyetmoiétionsdeboutsuruntabouretpouressayerd’accrocherunegrandetentureetj’essayaide
nepaslevermonbrasdroittrophautpournepasmefairemalàl’épaule,cequinemefacilitait
vraimentpaslatâche.
–J’aivraimentl’impressiondeneserviràrien,ditKellanenmeregardant,lessourcilsfroncés.
–Voilàcequiarrivequandtufaisl’idiotetquetutedéchiresunorgane.Çat’apprendra,
répondis-jeensouriant.
–Jeferaiplusattentionlaprochainefoisqu’onseferaécraser,surenchérit-ild’unairjoueur.
–Vousn’êtesvraimentpasdrôles,ditmamère.
L’employéedelamairiearrivaalorsqu’onavaitinstallélamoitiédeladécoration.Êtreàcôté
deKellansemblaitlarendrenerveuse,etmêmes’iln’étaitpasdansuneformeolympique,ilfitde
sonmieuxpourlamettreàl’aise.Ilflirtamêmeunpeuavecelleetmedécochaunpetitsourireamusé
tandisqu’elledevenaitrougecommeunepivoine.J’avaiseutendanceàenfaireautantquandilavait
commencéàflirteravecmoi,alorsjenepouvaispasvraimentluienvouloir.Jesavaisquec’était
incontrôlable.Àlafindelajournée,toutlemondeétaitfatiguémaistoutétaitinstalléetj’étaisenfin
prêteàépouserl’hommedemesrêves.
Jenedormispasdelanuit,d’autantqu’Annam’avaitembarquéeavecelleetlesfillesàl’hôtel,
enprétextantquec’étaitcontraireàlatraditionderesteravecmonfiancélanuitprécédantle
mariage.Quandjeluirépondisqu’ellenonplusn’avaitpasrespectélatraditionavecGriffin,ellese
renfrogna.
–Çan’arienàvoir.Onestcomplètementdifférents:onfaittoutàl’envers,nous,dit-elleen
montrantdudoigtGibson,quiétaitdanslesbrasdemamère.
Lelendemainmatin,Abbys’esquivaquelquesheurespourallervoirlaparadeavecDenny
tandisqu’aveclesautresfilles,onallasepréparerpourmongrandjour.Mêmesic’étaitférié,on
réussitquandmêmeàsefairefaireunemanucure,unepédicureetunsoinvisage.NewYorkétait
vraimentlavillequinedormaitjamais.Abbyrevintaumomentoùmamèrepréparaitmarobeet
JennyetKateétaiententraindemecoiffer.Ellespensaientquedesondulationsm’allaientmieux
qu’unchignonetelleslaissèrentmescheveuxretombersurmesépaules.PuisAnnamemaquilla,etje
luirappelaiquej’étaisdugenresimpleetquejenevoulaisriend’extravagant.
–Net’enfaispas,jegardelemaquillagedeputeenréservepourtanuitdenoces.Aufait,j’ai
demandéàuneinfirmière,ellem’aditquevousdevriezpouvoirrecommenceràvousenvoyeren
l’airdansquatreàsixsemaines.
Ellevenaitjustedem’appliquerdumascaramaisj’étaistellementmortifiéequejefermailes
yeux.Carnaturellement,lesfillesétaientrentréesdanslapiècepileaumomentoùelledisaitça,
suiviesdenotremère.
–Derien,ditAnnaenriant.
Jefinisparrireaussietjeluisourisenrouvrantlesyeux.Aprèstout,c’étaitbonàsavoir.
Unefoismonmaquillageterminé,mamèrem’aidaàenfilermarobe.AvecAnna,onenavait
trouvéuneensatinàfinesbretelles,simplemaismagnifique.Letissublancbrillaitlégèrementet
Annadisaitqueçam’allaitcommeungant.Iln’yavaitpasdefanfreluchesdessus,pasderubans,pas
dedentellesoudemanches,etlaroben’enavaitpasbesoin:elleétaitbellenaturellement.Tout
commeKellan,laroben’avaitbesoinderien.
Pourfinir,j’enfilaiunepairedechaussuresblanchesavantdemeregarderdanslemiroir.
J’avaisdumalàcroirecequejevoyais:avecmescheveuxondulés,monmaquillageetmarobe
blanche,j’avaisl’airdesortirtoutdroitd’uncontedefées,commeuneprincessesurlepoint
d’épousersonprince,saufqu’aulieud’unecouronne,laprincesseportaituncollieravecun
pendentifenformedeguitare.Mêmemoi,jedevaisbienl’avouer…j’étaismagnifique.
Mamèrepleuraittandisqu’elleprenaitdesphotosdemoiavecsonportabletoutenjonglant
avecGibson.Siellepleuraitdéjà,qu’est-cequeçaallaitêtrependantlacérémonie…Heureusement
qu’onallaitdansunhôpitalcarilallaitpeut-êtreluifalloirduValium.
–Arrête,Maman,sinontuvasmefairepleureretjevaisbousillermonmaquillage.
Mamèrereniflatoutenessayantcourageusementdesemaîtriser.
–Pardon,machérie,tuestellementbelle.
Jelaprisparl’épauleetrespiraiprofondément.
–Jesuisprête.Conduis-moiàmonmari,quejepuisseenfinl’épouser.
Monpèreavaitréservéunelimousinequinousattendaitenbasdel’hôtel.Elleétaittoute
simple,sansdouteparmilesmoinschères,etiln’yavaitriendespécialàl’intérieur,cequi
m’enchanta.C’étaitparfait,etjepréféraisdeloincettesimplicitéàladébauchedeluxedela
limousinedeSienna.
Lechauffeurnousdéposadevantl’hôpitaletlesfansdevinrenthystériquesenmevoyant.Ilsme
crièrentdescomplimentssiflatteursquejerougis,maisjeparvinsàsourireetàleurfaireunpetit
signepourlesremercier.Jefismêmesigneauxpaparazzisetleslaissaimeprendreenphoto,même
sijesavaisquejeferaissûrementlacouverturedesmagazines.Enfin,çaferaitdessouvenirspour
notrealbumdefamille.
Toutlemondeauraitdûavoirl’airétonnéenvoyantnotrepetitgroupeentrerdanslehallmais
jenevisquedessouriresdelapartdesinfirmières,desmédecinsetdesautrespatients.Toutle
mondeavaitl’airaussiexcitéquemoi.Enfin,peut-êtrepasautant:j’avaisl’impressionquej’allais
exploserenavançantaubrasdemamère.Quandonarrivaàl’étagedeKellan,ilyavaitdespétales
deroseparterreetjesentisleslarmesmemonterauxyeuxàlavuedecetapisrouge.
Enatteignantlecouloirquimenaitàsachambre,mesyeuxétaientprochesd’unbarragequi
menaçaitdes’effondrer.Vêtud’uncostumegrisetd’unechemisebleumarine,monpèrem’attendait
auboutducouloir.Ilfaisaitdixansdemoinsetildébordaitdefierté,etmamèreseremitàpleurer
enluipassantlerelais.
–Jen’aijamaisétéaussifierdetoi,murmura-t-ilenmeprenantdanssesbras.
Jem’accrochaiàmonpèrecommesimavieendépendaitetregardaiendirectiondelachambre
oùmonamourblessém’attendait.Aumoinsunedouzained’infirmières,demédecinsetd’employés
étaientalignéslelongducouloir,ettousportaientdesbougiessimilairesàcellesdesfanspostés
devantl’hôpital.Certainspatients,curieux,sortirentdeleurchambre,maisjememoquais
complètementquedesinconnusm’observent.J’allaismemarier.
LachambredeKellansetrouvaitauboutducouloir,etDeaconsetenaitdevantlaporte,la
guitaredeKellanenbandoulière.Enmevoyantapprocher,ilmesouritetjelus«Tuesmagnifique»
surseslèvres,puisilsemitàjouermachansonpréféréedesD-Bags.Jecrusquej’allaisvraiment
memettreàpleurer.Mamère,elle,n’essayamêmepasdeseretenir.
CarlytenditàAnnaetJennydeuxpetitsbouquetscomposésdesfleursoffertesparlesfans,puis
desbougiesàKate,Cheyenne,Rachel,AbbyetHailey.Ensuite,ellemetenditunbouquetd’arums
blancsetjaunesquejen’avaispasvudanslachambredeKellan.
–Jelesaicommandéscematin,expliqua-t-elleenvoyantmonairétonné.
Touchée,jelaserraidoucementdansmesbras,puismesdemoisellesd’honneuravancèrent,
leursrobessemariantparfaitementauxpétalesquijonchaientlesol.Unefoisqu’ellesfurenttoutesà
l’intérieurdelachambre,Deaconsemitàjouerlamarchenuptialeetcettefois,jememisàpleurer.
Mamèrem’essuyadélicatementlesyeuxpuiselleseprécipitaauboutducouloirpourmefilmer
tandisquemonpèremedonnaitlebrasjusqu’àlachambre.
Jetremblaistellementquemêmemonpèredevaitlesentir,etjenesaisvraimentpascommentje
réussisàtraverserlecouloirsanstomber.Ilmetapotalebraspourmerassureretjefisunpetit
sourireàDeacon,puisjerentraidanslachambre.Jefusémerveilléeparl’aspectdelapièce,même
sij’avaisaidéàladécorer.Delonguestenturespendaientduplafond,cachantlessignesqui
indiquaientqu’onétaitdansunhôpital,etdesguirlandeslumineusesétaientaccrochéesauplafondet
pendaientlelongdestentures,réchauffantlapiècetoutenl’éclairantdoucement.
Untapisrouges’étendaitdelaportejusqu’àlafenêtre,prèsdelaquellesetenaitlepasteur,vêtu
d’unélégantcostumenoir.Desguirlandesetdesfleursentouraientlafenêtredetellefaçonqu’on
auraitditunauteletlesolétaitrecouvertdepétales,ainsiquelereborddelafenêtre.
Àl’exceptiondulitdeKellan,iln’yavaitplusaucunmeubledanslachambre,afindelaisser
plusdeplaceauxinvités.Jemerendisalorscomptequetouteslespersonnesprésentestenaientune
bougie,etjecrusquemoncœurallaitexploser.
LerestedesmembresdeHoleshotetlesAvoidingRedemptionétaientlà,regroupésprèsdela
porte,etDeaconentraderrièremoisansarrêterdejouerdelaguitare.JennyetAnna,quipleuraient
touteslesdeux,setenaientàgauchedupasteur;Evansetenaitàsadroite,etDennyétaitjuste
derrièrelui.Enmevoyant,ilsourit,hochalatêtepourm’encourageretallumasabougie.
LerestedenosinvitésétaitalignélelongdutapisquimenaitaulitdeKellan,aveclesfilles
d’uncôtéetlesgarçonsdel’autre.MattetGriffin,quisemblaientdéborderdefierté,étaientavec
Justin,GavinetRiley,etlerestedesfilles,Rachel,Kate,Cheyenne,AbbyetHailey,setenaienten
faceàeux.Gibsonétaitendormiedanslesbrasdesonpère,quilaberçaitdoucement,etjeremarquai
avecsoulagementquecelui-ciportaituncostumeetunechemisesimilairesàceuxdurestedes
garçons.
Onpassadevantcettehaied’honneuravecmonpèreetmonregardseposaenfinsurmonmari
enarrivantaupieddesonlit.
–Tuesmagnifique,murmura-t-il,lesyeuxbrillants.
Quelqu’unl’avaitaidéàsedébarrasserdesonpyjamad’hôpitalpourenfilerdevraisvêtements
et,àprésent,ilportaitunechemiseblancheetunpantalonnoir.Piedsnus,ilétaitallongépar-dessus
lescouverturesetmêmes’ilavaitl’airfatigué,ilétaitmagnifique,luiaussi.
Jem’apprêtaisàgrimperdanssonlitetàmemarierallongéemaisillevalamainpour
m’arrêter.
–Attends,dit-ilenseredressant.
–Arrête.Tuestropfaible,resteallongé.
Ils’agrippaaupieddesaperfusionenfaisantlagrimace.
–J’aiattenducemomenttoutemaviealorsjepensequejevaismelever.
GavintenditimmédiatementsabougieàRileyetseprécipitaversKellanpourl’aider.J’eus
presqueenviederireenvoyantquenospèresnousconduisaienttouslesdeuxàl’autelmaisj’étais
tropémueetleslarmesdejoieremplacèrentlerire.
QuandKellansetrouvaprèsdupasteur,sonpèrereculad’unpasetlemienm’embrassasurla
joueavantdemelâcherlebras.JerejoignisrapidementKellandepeurqu’ilnetombe,etilmesourit
avantdesoufflerdoucement.
–Çavaaller.
PourêtreassortieàKellan,jeretiraimeschaussuresetlesenvoyaivalserdansuncoinetje
sentisdespétalesderosecollersousmespieds.SionoubliaitlaperfusiondeKellan,onauraitpu
croirequ’onétaitentraindesemariersurlaplage,etjepouvaispresqueimaginerlebruitdes
vaguesenfondsonore.
Kellanritenmevoyantpiedsnus,etçan’eutpasl’airdeluifaireaussimalquelaveille.
Tandisquelepasteurremerciaittoutlemonded’êtrelà,Kellanmitunemaindanssapocheeten
ressortitquelquechosequ’ilglissadansmapaume.Enregardantdiscrètement,jevisquec’étaitun
pétalederosesurlequelilavaitécritTonmari,pourtoujours.
Jerefermaimesdoigtssurlepétaleetleslarmessemirentàroulersurmesjoues.J’avaisenvie
del’embrassermaisonn’étaitpasencorearrivésàcettepartiealorsjemeretins.C’étaitvraiment
difficiledenepasl’embrasser,d’autantqu’ilmeregardaitcommesij’étaislachoselaplus
merveilleusequ’ilaitjamaisvue.
Jeprissamainlibredanslamienneetlepasteurentamasondiscours.
–KellanKyle,KieraAllen,vosfamillesetvosamissontaujourd’huiréunispourassisterà
l’uniondevosdeuxvies.Àpartirdemaintenant,vousferezfaceauxépreuvesetauxjoiesnonplus
séparément,maisensemble.Vousserezliéscorpsetâmesetlesdésirsdel’undevrontrépondreaux
besoinsdel’autre.Vousretirereztousdeuxdelaforcedecetteunion:cequ’unepersonnenepeut
faireseule,deuxpeuventyarriver;cequ’unepersonneredoute,deuxpeuventlesurmonter.Jusqu’à
lafindevosjours,vousaurezàvoscôtésquelqu’unpourvoussoutenirdanslesmomentsde
faiblesse,vousréconforterdanslesmomentsdetristesse,vousencouragerfaceàlapeuretcélébrer
lesinstantsjoyeux.C’estuncadeaupourlequelvousdevreztoujoursêtrereconnaissantsetquevous
nedevrezjamaistenirpouracquis.Aimez-vousl’unl’autreautantqueDieuvousaimeetvous
connaîtrezlebonheuretlapaix.
JeserrailamaindeKellanenleregardant.Onavaitdéjàtraverséuntasdechosesensembleet
ilavaitraison:onétaitplusfortsquandonétaitensemble.J’entendismamèresangloterquelquepart
etlepasteursetournaversnostémoins.
–Vousavezlesalliances?
Annaacquiesçaenessuyantunelarmesursajoue.Onluiavaitdonnénosanneauxlaveille
pendantqu’onétaitentraindedécorerlachambreetj’étaissoulagéequ’Annan’aitpasperducelui
deKellan.Lamaternitéfaisaitdesmiraclessursonsensdesresponsabilités.Ellemetenditlabague
deKellanetEvantenditlamienneàKellan,aussiémuquemasœur.
–Est-cequevousvoulezquejeprononcelesvœuxhabituelsouest-cequevouspréférezdire
quelquechose?nousdemandaalorslepasteur.
–Jepréfèredirequelquechose,réponditimmédiatementKellan.
–Moiaussi.
D’ungestedelamain,ilinvitaKellanàprendrelaparoleensouriant.Kellanlâchalepiedde
saperfusionetchancelauninstant.Evanétaitdéjàprêtàleretenirmaisilparvintàseredresseretil
pritmamaingauchedanslasienne.Puisilpritlabaguequ’Evanluitendaitetsavoixremplitla
pièce.
–KieraMichelleAllen,mavien’avaitpasdesensjusqu’àcequetuyentres.Jepensaisque
j’avaistoutcedontj’avaisbesoinmaisenréalité,jenem’autorisaispasàvouloirquoiquecesoit.
Puismesyeuxsesontposéssurtoiettoutachangé.Jen’avaisjamaisautantdésiréquelqu’unetje
n’avaisjamaiseuaussipeur.Detoutemavie.
Jedéglutisdifficilementencomprenanttoutcequecemotimpliquait.J’avaisl’impressionqu’il
m’écorchaitviveetqu’ilmecaressaitenmêmetempsetjevoulusdirequelquechosemaisilnem’en
laissapasletemps.
–Etensuite,unmiracles’estproduit,ettuesrestéeavecmoi.Etmaintenant…jecommence
seulementàcomprendrecequeçaveutdiredevraimentvouloirquelquechose,parcequejeveux
tellementdechoses.Jeveuxterendreheureuse,jeveuxdécrocherlalunepourtoi,jeveuxquetu
soisfièredemoi,jeveuxteréconforter,jeveuxteserrerdansmesbrasquandtuaspeuretquetume
serresdanslestiens,jeveuxtefairerire,jeveuxtefairerougir.
Puisilsepenchapourmurmureràmonoreille.
–Etjeveuxtefairecrier.
Jerougisetilritenmepassantlabagueaudoigt.
–Jeveuxtedonnerunfoyer.Jeveuxtedonnerdesenfants.Jeveuxprendresoindetoi.Jeveux
vieilliràtescôtés.Jeveuxt’avoirprèsdemoichaquejour.Jeteveux.Est-cequetuveuxtoutça,toi
aussi?
J’étaistellementémuequejepouvaisàpeineouvrirlabouche.
–Jeleveux,parvins-jeenfinàarticuler.
Lesourirequiirradiasonvisageilluminasesjouespâlesetjeprisunegranderespirationenme
demandantcommentj’allaisbienpouvoirfaireundiscoursdignedecenomaprèsça.
–Avantdeterencontrer,j’aitoujourscruquej’étaisunefillequelconqueetordinaire,dis-jeen
prenantsamaindanslamienne.Etpuisilyaeutoi.Lafaçondonttumeregardes,lamanièredonttu
mevois…tum’asrévélée.Quandj’aienviedemecacher,tumepoussesversl’avant.Quandje
pensequejenevauxrien,tuarrivesàmeconvaincreducontraire.Quandjemesenslaide,tuarrives
àmeconvaincrequejesuisbelle.Jemesensspécialerienqu’enétantàtescôtés.Tupensesquetu
n’espasdouéquandils’agitd’aimerlesautresmaistul’es.Quecesoitavectesamisoutafamille,
l’amourinconditionnelquetuleuroffresmesurprendjouraprèsjour.Tupensesquelesgensne
t’aimentpasenretourmaistutetrompes:ilst’aimentpassionnément.Jet’aimepassionnément.Je
n’aijamaisrencontréquelqu’und’aussigénéreux,passionné,extraordinairequetoi.Tum’inspires
chaquejouretsituacceptesdedevenirmonmari,jeferaidemonmieuxpourquetusoistoujours
fièredemoi.
Unelarmeroulasursajoueetjemerendiscompteque,techniquement,jeneluiavaispasposé
laquestion.
–Alors,euh…est-cequetuveuxbien…meprendre?
J’écarquillailesyeux,mortifiée.
–Pourépouse,ajoutai-jeprécipitamment.
ToutlemondeycomprisKellansemitàrireetmêmesij’étaisgênée,j’étaisentouréedegens
quim’aimaientetjefinisparmejoindreàeux.PuisKellanarrêtaderireetseraccrochaaupiedde
saperfusionengrimaçantdedouleur.
–Jeleveux.
Jeluisourisetlepasteurrepritlaparole.
–Parlespouvoirsquimesontconférés,jevousdéclaremarietfemme.Vouspouvezembrasser
lamariée.
–Pastroptôt,jen’enpouvaisplus.
Ilpritmonvisageentresesmainsaumomentoùjepassaimesbrasautourdesoncouenveillant
ànepaslebousculer,puisjel’embrassaidetoutmoncœuretdetoutemonâme.Douxetchaleureux,
tendreetsensuel,c’étaitunbaiserpleind’espoir,d’amour,depassionetdefidélité,commeune
promessequ’onsefaisaitl’unetl’autre.
–Mesdamesetmessieurs,monsieuretmadameKellanKyle,ditlepasteurdansuntonnerre
d’applaudissementsetdesiffletsdignesd’unconcertdesD-Bags.
Onl’avaitfait.Onétaitofficiellementmarietfemme.Etjen’avaisjamaisétéaussiheureusede
toutemavie.
29
Uncoupdemain
Unefoisquelescrisetlesapplaudissementssecalmèrent,Kellanreculad’unpas,l’airravi
maisépuisé.
–Onpeuts’allongermaintenant?
Jehochailatêteetcommençaiàavancerjusqu’àsonlitquandilmarquaunepausedevantla
fenêtre.Lesfansdehorsfaisaientsigneavecleursbougiespourcélébrernotreunionetjepouvais
mêmelesentendrecrier.
Kellanserapprochaencoredelavitreensouriantetlescrisredoublèrentlorsquelepublicput
enfinl’apercevoir.Illeurfitsignedelamain,leslarmesauxyeux.
–Tuvoisàquelpointilst’aiment?murmurai-je.
Ilseretournaetposasurmoiunregardquidébordaitd’adorationavantdem’embrasser
tendrementetpassionnément.Moncœursemitàbattreplusvite,marespirations’accéléraetje
maudislefaitdedevoirattendresixsemainesavantdepouvoirconsommermonmariage.
Çaallaitêtrelessixsemaineslespluslonguesdemavie.
QuandKellanécartasonvisagedumien,sesyeuxbrillaientdedésiretjesussansl’ombred’un
doutequ’onnetiendraitjamaisaussilongtemps.Ilfaudraitjustequ’onfassetrèsattention…
Puisilchancelaetj’oubliaimesfantasmespourl’aideràregagnersonlit.Ilpoussaunsoupirde
soulagementunefoisallongéetjem’installaisurlematelasàcôtédelui,puistoutlemondese
rassemblaensuiteautourdenouspournousféliciter.C’étaitsûrementlemariageleplusbizarre
auquelilsavaientassistémaisj’avaisenviedecroirequec’étaitaussileplusromantique.
Mamèresanglotaitquandellemepritdanssesbras,puisellesepenchaau-dessusdemoipour
serrerKellancontreelle.Ensuite,cefutautourdemonpèred’échangeravecluiunepoignéedemain
ferme,etjesusenvoyantl’expressionsursonvisagequeKellanavaitenfintrouvéuneplacedans
soncœur.Ilfaisaitpartiedelafamille,àprésent,etmonpèreleprotégeraitdelamêmefaçonqu’il
protégeaitsesfilles.Jen’avaisjamaisautantpleuréetsourienmêmetempsdemavie.
PuisAnnaarrivaprèsdemoietmeserradetoutessesforcescontreelle,avantdeprendre
Kellandanssesbrasmaisavecplusdedélicatesse.Griffinsetenaitderrièreelleetquandilarriva
prèsdemoi,ilsouffladanssapaumepourvérifierqu’iln’avaitpasmauvaisehaleine.J’étaisdéjàen
traindeleverlamainmaisilsourit.
–Détends-toi,cen’estpaspourtoi.
PuisilsepenchaetembrassaKellansurlabouche.Ilnepouvaitpasfairegrand-chosepourse
débarrasserdeGriffinétantdonnéqu’unmouvementtropbrusqueluiferaitmalettoutlemondedans
lapièceéclataderire.
–Casse-toi,finit-ilpardireenlerepoussantetens’essuyantlabouche.
–Félicitations,monpote,ditGriffinenriant.Contentdevoirquetuassuivimesconseilsen
toutcas,tucommencesàbientedébrouillerniveaugaloche.
Mesparentseurentl’airhorrifiésetj’éclataiderire.Àmagrandesurprise,jeprisGriffindans
mesbras,etileutl’airtoutaussisurpris.
–Soisgentilavecmasœur,murmurai-jeàsonoreille.Onvadirequej’aimebienvousvoir
ensemble.
Griffins’écartaetmesouritd’unairdiabolique.
–Tum’aimes.
–Jen’aipasditça.
–Maisc’estcequetuvoulaisdire.Tum’aimes!
Ilselevaetlevalesmainsenl’airpourquetoutlemondeleregarde.
–Kieraveutmoncorps!
Mattlepoussapourprendresaplace.
–Sesparentsontdûbeaucouplelaissertomberquandilétaitpetit,dit-ilàvoixbasse.
J’acquiesçaietilmeserratendrementdanssesbrasavantdem’embrassersurlajoue.
–Jesuisvraimentcontentpourvous.Jenel’aijamaisvuaussiheureuxquequandilestavec
toi.Enrevanche,quandtun’espaslà,qu’est-cequ’ilestdésagréable,ajouta-t-ilàvoixbasse.
JesourisetregardaiKellan:troisinfirmièresétaiententraindelefélicitermaisàvoirleurs
souriresdeséductrices,j’avaisdesdoutesquantàleursincérité.
Puiscefutautourd’Evandemeprendredanssesbras,bientôtrejointparJenny.
–Jet’aime,Kiera,bafouilla-t-elle.
Jevoulaisluidirequejel’aimaisaussimaisj’étaistellementserréeentreeuxquejenepouvais
pasrespirer.
–Moiaussi,jevousaime,parvins-jeenfinàdirequandilss’écartèrentdemoi.
PuisilscontournèrentlelitpourallerféliciterKellanetDennys’approchademoi.Jeprisun
instantpourl’observer.Ilavaitl’airtellementplusvieuxetplussagequedutempsoùétaitensemble,
commesinotrerupturel’avaitfaitmûrir.Jepouvaisàpeineimaginercequ’ilavaittraverséàcause
demoi,maisheureusement,çanel’avaitpasbriséetçanel’avaitpasaigri.Çal’avaitjusterendu
plusfort.L’hommeenfacedemoisemblaitvraimentdifférentdugarçonquim’avaitfaittraverserle
payspourcommencerunenouvellevie.Jen’auraisjamaiscruquenotrerelations’écrouleraitsivite,
carj’étaisconvaincuequ’onresteraittoujoursensemble.Maisc’étaitlecas,d’unecertainefaçon.
Sonsourireétaitpaisiblealorsqu’ilmeregardaitetquandilouvritlesbras,jemeblottiscontre
sapoitrine.Ilseraittoujoursmonamietoncompteraittoujoursl’unpourl’autre.
–Jesuistellementcontentpourtoi,murmura-t-il.
–Merci.Etmercid’êtrelà.Tun’aspasidéedecequeçareprésentepourmoi.
–Jenepouvaispasraterça.Onestlesmeilleursamis,aprèstout.
Jenesavaispass’ilparlaitdeluietmoioudeluietKellanendisantçaetçamerendit
vraimentheureusedenepasenêtresûre.
–Comptesurnouspourêtrelàautien.C’estquand,aufait?
Avecunsourireradieux,ilregardadansladirectiond’Abby,quiétaitentraindeféliciter
Kellan.
–AbbyachoisilaSaint-Valentin.Elleestunpeuobsédéeparlesjoursdefête…Ellenousa
mêmeemmenésdansunrestaurantfrançaispourfêterlaprisedelaBastille,alorsqu’onn’estjamais
allésenFrance.
–Onseralà.Etsituasbesoind’ungroupe,jeconnaisdesmecspastropmalquiseraientsans
douteravisdejouercejour-là.
Unéclatamusébrilladanssonregard.
–Ilnefautpasmelediredeuxfois.Aufait,dit-ild’untonsoudainsérieux,avecAbby,on
voudraitvousparlerdequelquechoseàKellanettoiavantderepartir.D’accord?
–Nousparlerdequoi?
–Jet’expliqueraiplustard,dit-ilenjetantunregardsurlafiledegensquiattendaientderrière
lui.
Ilallaits’éloignerquandilmeregardaunedernièrefois.
–Etjevoulaisquetusachesquejet’aitoujourstrouvéemagnifique.Jesuisdésolédenepas
avoirréussiàtelemontrer,dit-ilàvoixbasse.
Jesentismoncœurseserreretjeleserraidansmesbrasunedernièrefois.
–Tun’ypeuxrien.C’étaitmoiquifaisaisunblocage.Sûrementlerésultatd’annéespasséesà
côtéd’unesœursupercanon.
–Jet’aitoujourstrouvéeplusbellequ’Anna.Etjenesuispasleseul.
IlregardaKellanendisantçaetjerougistandisqu’ils’éloignaitenriant.
JustinetKatemefélicitèrentensuite,etàvoirlesregardsqu’ilséchangeaient,j’étaisprêteà
parierquecen’étaitqu’unequestiondejoursavantqu’ilsnesemettentensemble.Aprèsd’autres
effusionsavecRachel,Abby,Cheyenne,HaileyetRiley,HaileyfitpromettreàKellandeveniren
Pennsylvanie.PuisDeaconetlerestedesongroupenousfélicitèrent,ainsiquelesAvoiding
Redemption,etcefutautourdeGavindes’approcherdulit.
Ilavaitl’airtrèsémuetsesyeuxsisemblablesàceuxdeKellanbrillaient.Ilavaitvisiblement
dumalàretenirseslarmes.
–Jesuistellementheureuxpourvousdeux.Profitezdecetinstantetrappelez-vousbiendece
quevousressentezencemomentparcequeceneserapastoujourscommeça.Vousaurezdeshautset
desbasetvousvoustaperezsurlesnerfs,maisçavautlecoup.J’aivécudesannéesdebonheur
extraordinaireavecmafemmeavantsondécès.
Ilnoussouritetjefusfrappée,unefoisdeplus,parsaressemblanceavecsonfils.Jen’excusais
pascequelamèredeKellanluiavaitfait,maisjepouvaiscomprendreàquelpointçaavaitdûêtre
difficilepourelled’êtreprèsdeluialorsqu’ilressemblaitautantàsonpèrebiologique.
–Merci,papa,ditKellanenprenantlamaindesonpèredanslessiennes.
Gavinécarquillalesyeux.C’étaitlapremièrefoisqueKellannel’appelaitpasparsonprénom
etilétaitsibouleverséqu’ilsecontentadehocherlatête.
Pourlaréception,onapportadeschaisespourquetoutlemondepuisses’asseoiretondégusta
notrerepastraditionneldeThanksgiving.Mêmesic’étaitmonidée,jetrouvaisçacomiqueetjeriais
touteseulequandlesinfirmièressemirentànousapporterdesplateauxavecdeladindefourrée,de
lapuréedepommesdeterre,delasaladedecannebergesetdesharicotsverts.Enmangeantmapart
detarteaupotironenguisedepiècemontée,jemedisquelepique-niquequ’avaitprévumamère
n’auraitsansdoutepasétésiàcôtédelaplaquequeça.Maisaprèstout,cen’étaitpaslanourriture
quicomptait,maislesgensquiétaientlàpourlapartageravecnous.
Gavinetmonpèreavaientvraimentbienchoisiletraiteur:ladindeétaittendre,lapurée
délicieuse,etlatarteencoreplus,ettoutlemondeavaitl’airenchanté.AnnaetGriffindiscutaient
avecmonpèreetmamère,quitenaitGibsondanssesbras.GavindiscutaitenalternanceavecKellan
etavecCarly,quiavaitl’airfascinéepartoutcequ’ilracontait.EvanetJennypapotaiententreeux
toutenmangeant,toutcommeRacheletMatt,tandisqu’AbbyetDennydiscutaientdansuncoinetque
CheyennedemandaitàRileyetHaileycomments’étaitpasséleconcertd’AvoidingRedemption.
KateetJustinétaientàcôtédelafenêtreetflirtaientdevantleursassiettesintactesetKellanpicorait
par-cipar-làquandiln’étaitpasoccupéàm’embrasser.
Toutétaitabsolumentparfait.
Malheureusement,touteslesbonneschosesontunefinetlesgenscommencèrentàpartir.Gavin
serraKellandanssesbrasavantdes’enalleravecHaileyetRiley.
–Etrappelle-toi,fiston,laporteesttoujoursouverte.Tupourraispeut-êtreveniràlafindela
tournée?
–Tuaspromis,insistaHailey.
–Avecplaisir.Onseraitravisdevenirvousvoir.
Kellanmeregardaetj’acquiesçai.Desvacancesnousferaientleplusgrandbienunefoisla
tournéeterminée.Gavinsemblaitraviensortantdelachambre,etjen’enétaispascertainemaisje
crusvoirCarlyluidonnersonnumérodetéléphone.Décidément,c’étaitvraimentleportraitcraché
desonfils.
Mesdemoisellesd’honneurpartirentensuite.Jenny,Rachel,KateetCheyennenousprirentdans
leursbrasenmêmetempsdansunmélangedecheveux,delarmesetderiresetJennym’embrassa
doucementsurlatête.
–Jevousinterdisdemerefaireuncouppareil,d’accord?Jeneveuxplusjamaisvousrevoir
dansunhôpital.
LeslèvresdeKellanformèrentunsourirediabolique.
–Ondiraitquetuvasdevoiraccoucherdanslebus.
Jennyécarquillatellementlesyeuxquejecrusqu’ilsallaientsortirdesatêteetjedonnaiune
tapeàKellan.
–Jenesuispasenceinte!Ilplaisante!
Saufquebiensûr,personnenemecrutetjeduspasserlesminutesquisuivirentàconvaincre
toutlemondequejen’allaispasavoirunbébé.Mamèrememenaçacarrémentdem’obligeràfaire
untestdegrossessesur-le-champétantdonnéqu’onétaitàl’hôpitaletKellanseretenaittellementde
rirequ’ilgrimaçaitdedouleur.Bienfaitpourlui.Crétin!
Alorsqu’EvanetMatts’apprêtaientàpartiraveclesfilles,Justinlesinterpella.
–Attendez,jeviensavecvous.
LesyeuxtopazedeKates’illuminèrentàlaperspectivedepasserencoreunpeudetempsavec
lui,etilsedirigeaversKellanenluitendantlamain.
–Jesuiscontentquetuaillesbien.C’étaitvraimentdégueulasse,cequelamaisondedisqueset
Siennat’ontfait.Jecomprendraisqueturompestoncontrataveceux.
Kellanneréponditpas,sûrementparcequ’iln’avaitpasencoredécidé,maisJustininterprétaça
commeunoui.
–Pourlaprochainetournée,quandvousserezlatêted’afficheetquevousremplirezdesstades
entiers,onpourrapeut-êtrefairevotrepremièrepartie.
IlsouritenmontrantdudoigtDeaconetlesautresmembresdeHoleshotetd’Avoiding
Redemptionquiquittaientlapièce,etKellanluisouritenretour.
–J’adoreraispartirentournéeavecvous,maispourcequiestderemplirdesstades,jepense
qu’onenestloin.
–Jenediraispasça,sij’étaistoi.Vousêtesautopmaintenant,etçafaitlongtempsquevous
êtescapablesderemplirautrechosequedespetitessalles.
–Situledis…Marchéconclu,alors.
Justinluisouritpuisemboîtalepasauxautres,etjeremarquaiqu’ilavaitlamaindeKatedans
lasienneensortantdelachambre.
Sûrementépuiséspartoutesleursémotionsetparlaquantitédedindequ’ilsavaientingurgitée,
mesparentspartirentensuite,accompagnésd’AnnaetGriffin.Ilsn’avaientpastroplechoixétant
donnéquemamèrenelâchaitpasGibson,etAnnarâlatandisqu’elleessayaitdeconvaincremamère
delaposerdanssonsiègebébéavantdedescendreprendreuntaxi.
–Maman,situpassestontempsàlaprendredanstesbras,ellevas’habitueretaprèsjene
pourraijamaislaposerdeuxminutes!
MamèrecontinuaàbercerGibson.
–Net’inquiètepas,Anna.Etpuisc’estnormalquejeveuillelatenir,jenevaispaslavoirtrès
souvent.
Griffinacquiesça.Ilétaitd’accordavecmamère!Jedevaishalluciner.
–C’estimportantdelesprendredanslesbras.Çacréedesliensettoutlebordel.
Langagemisàpart,ilavaitraison,maisAnnan’avaitpastortnonpluset,pourlapremièrefois,
jemedemandaidequelcôtémeranger.Heureusement,onn’avaitpasencoreàs’inquiéterdece
genredechosesavecKellan.Ilspartirentenfermantlaportederrièreeuxetonseretrouvaàquatre
avecDennyetAbby.
–Vousnerentrezpasàl’hôtel?demandai-jeenvoyantl’heurequ’ilétait.
Ils’assitsurunechaiseetpritlamaind’Abby.
–Si,dansdeuxminutes.Maismaintenantquetoutlemondeestparti,onvoulaitvousparlerd’un
truc.
–Ont’écoute.
DennyallaitrépondremaisletéléphonedeKellansemitàsonner.Entempsnormal,jelui
auraisditdenepasrépondremaisjereconnuslasonneriepersonnaliséepourSienna.C’étaitletitre
You’resovain,etc’étaitmoiquil’avaisprogrammédansleportabledeKellanaprèslafoisoù
Siennaavaitrefusédenousaideràrétablirlavéritéauprèsdelapresse.Kellanavaittrouvéçadrôle
alorsiln’avaitjamaischangélasonnerie.Detoutefaçon,ilnesavaitcertainementpascomment
faire.
–Sienna…Qu’est-cequ’ellepeutbienvouloir?demanda-t-il.
J’étaiscurieuseetjemeprécipitaiverssatabledenuitpourattrapersontéléphoneetrépondre
avantquelerépondeurnesedéclenche.
–Allô?
–Oh,c’esttoi,Kiera?
Àpartlesfleursqu’elleavaitenvoyées,c’étaitlapremièrefoisqu’ellesemanifestaitetjene
pusm’empêcherdeprendreuntoncassant.
–Kellanaunpeudemalàsebougeralorsc’estmoiquirépondautéléphone.
–Jesuistellementdésolée,dit-elleaussitôtd’unevoixpleinederemords.Vraiment,situ
savais.Jen’aijamaisvouluqu’illuiarrivequoiquecesoit,etàtoinonplus.
Ellereniflaetmacolèresedissipaunpeu.
–Tuasjouéaveclesgensettulesasmanipulésenpondantunehistoireracoleusebidond’un
boutàl’autre.Tut’attendaisàquoi?
–Jevoulaisjustefairelebuzz,dit-elleenpleurant.Jevoulaisfairelaunedesmagazinesmais
jamaisjen’aiimaginéquequelquechosecommeçaarriverait.Jenevoulaispasça.
Jesoupirai.Jevoulaisbiencroirequ’ellen’avaitjamaisvoulufairedemalàKellan,maisdelà
àdirequ’ellenevoulaitpasça…Toutcecirque,c’étaitexactementcequ’elleavaitvoulu.
–Nebougepas,jevaistemettresurhaut-parleur.
J’appuyaisurlatouchecorrespondanteetposailetéléphonesurlesgenouxdeKellan.
–Vas-y,luidis-je.
–Kellan,chéri,jesuistellementdésoléepourcequit’estarrivé.Jemesensmalàunpoint…Je
netrouvemêmepaslesmotspourteledire.
–J’aivu,j’aireçutesfleurs.
–Écoute,jesaisquetunecomprendspas,maistoutcequej’aifait,jel’aifaitpourtoi.Pour
vousdeux.
–Eneffet,jenecomprendspas.
KellanfronçalessourcilsetSiennapritunevoixtoutedouce.
–Tun’aurasplusjamaisàavoirpeurquejetemanipule.Jetelepromets.Etc’estpareilpour
Nick.Jenesuispasobligéederenouvelermoncontrataprèscetalbum-làetjelesaimenacésde
partirs’ilcontinuaitàtedéranger.
–Tuasquoi?
–J’aiaussiparléaupèredeNick,c’estluileprésidentdelamaisondedisques.Ilétaitloin
d’êtreenchantédelafaçondontleschosessesontdérouléescesdernierstemps.Ilneveutpasde
scandaleetl’interviewquetuasdonnéeavecKieraaretenusonattention.Etquandjeluiaiavoué
queNickavaitenpartieorchestrétoutça…disonsqu’àpartirdemaintenant,Nickaurasûrement
besoindedemanderlapermissionpourallerpisser.
DennyritenentendantçamaisKellanétaitencoretropchoquépourréagir.
–Pourquoituasfaitça?demandai-je.
–Parcequejevousaifaitdumaletquejeveuxmefairepardonner.Çafaitdesjoursquej’y
réfléchisetjepensequejevaisprésenterdesexcusespubliquesetavouerlerôlequej’aijouédans
cequiestarrivéàKellan.
–Ettesfans?Ettacarrière?
–Jerebondirai.Commetoujours.
Elleavaitl’airsisûred’ellequejelacrus.
–Mercipourtonaide,alors,murmurai-je.
–Situsavaistoutcequej’aifaitpourvousnuire,chérie,tunediraissûrementpasça,confessa-
t-elle.
–Jepréfèrenepaslesavoir.
–Çamarche,dit-elleenriantsansjoie.Entoutcas,jevousprometsqu’àpartirdemaintenantje
vaisvouslaissertranquilles.
KellanetDennyéchangèrentunregardetjesusqu’ilsseposaientlamêmequestionquecelle
quejem’étaistoujoursposée.Est-cequec’étaitellequiavaitorchestrétouslesdétails,mêmeceux
dontonpensaitqu’ilsn’étaientqu’unhasard,quinousavaientconduitsjusqu’ici?Jen’avaispas
enviedeluiaccorderautantd’importancemaisjesavaisqu’elleétaitderrièrebienplusde
magouillesquecequ’oncroyaitetj’étaisprêteàparierquetouslesphotographesquis’étaient
retrouvéssurnotrerouten’avaientjamaisétélàparhasard.
–Aufait,Kiera,tonlivreestfini?Jepeuxl’envoyeràmonagent?
Jememordislalèvre.C’étaitunetrèsbonnequestion,àlaquellej’avaisdéjàréfléchiàde
nombreusesreprises.Est-cequejevoulaisvraimentaccepterdel’aidedelapartdeSienna?Elle
pouvaitsûrementm’ouvrirdesportesetdansl’industrie,toutsejouaitenfonctiondequivous
connaissiez.Maisjecontinuaisàmedemandersiçanerevenaitpasàsignerunpacteaveclediable.
Ellevenaitdedirequ’elleavaitfinidejoueretqu’ellenenousmanipuleraitplus,maispourcombien
detemps?Nouséloignerd’ellesemblaitêtrelameilleuresolutionetj’étaiscommeKellan:je
voulaisréussirparcequej’avaisdutalent.
–Ilestfini,répondis-jeavecleventremonstrueusementnoué,mais…jeveuxessayerdeme
débrouillertouteseule.
KellanetDennysetournèrentversmoi,bouchebée.
–Vraiment?demandaSiennad’unairchoqué.Ettupensesqueçavatemenerquelquepart?
–Jenesaispas…Onverrabien,dis-je,raviedeladécisionquejevenaisdeprendre.
Peut-êtrequec’étaituneerreur,oupeut-êtrepas,maisdanstouslescas,quejeréussisseounon,
jenedevraisrienàpersonne.
–Commetuvoudras.
Clairement,ellenecomprenaitpascommentjepouvaisrefusersonaide.
–Maissituchangesd’avis…murmura-t-elle.
–Jesaisoùtetrouver.
–Boncourage,Kiera.
–Merci,àtoiaussi.
PuiselleditaurevoiràKellanetelleraccrocha.
–Voyez-vousça,ditKellanenmesouriant,madamerefusel’offred’unedesplusgrandesstars
delaplanète.
Monestomacsecramponnaquej’eusl’impressionquejenepourraisplusjamaisrienavalerde
mavie.
–Merde.Vouspensezquej’aieutort?demandai-jeenregardantlesdeuxhommesdontl’avis
m’importaitleplus.
Ilséchangèrentunregardetrépondirenttouslesdeuxenmêmetemps.
–Non.
KellanritetDennysetournaversmoi.
–Tuyarriveraspartespropresmoyensettuserasencoreplusfièredetoi.Jen’aipeut-êtrepas
lutonromanmaisj’ailutesarticlesetilssontexcellents.Jesaisquetuvasréussir.
–Merci.
Jeluisouristoutensongeantqu’ilfaudraitqu’illelised’abordavantquejefassequoiquece
soit.C’étaitsipersonnelquejevoulaisabsolumentavoirsapermissionavantdelefairepublier.
Puislesilenceenvahitlapièce.OnéchangeaunregardavecKellanavantdenoustournervers
Denny:ilavaitvouludirequelquechoseavantl’appeldeSiennaetàvoirsatête,c’étaittoujours
d’actualité.Illâchalamaind’Abby,sepenchaenavantetjoignitlesmains,merappelantl’espace
d’unesecondeNickquandilnousavaitoffert«lachancedenotrevie».Saufquecettefois,je
n’avaispaspeuroumalauventre,caràpartKellan,Dennyétaitlaseulepersonneàquijefaisaisune
confianceaveugle.
–OnapasmalparléavecAbby,cesdernierstemps.Enfin,onaénormémentparlé,àvraidire.
J’essayaidedevineroùilvoulaitenvenirmaisjen’enavaispaslamoindreidée.
–Dequoi?demandaKellan.
DennysouritetregardaAbbyquimontraKellandudoigt.
–Detoi,mec,dit-elle.
Kellaneutl’airstupéfaitetDennyrit.
–Detoietdugroupe,clarifia-t-il.AvecAbby,ontrouvequevousêtesvraimentmal
représentés.Onnedéfendpasvosintérêtsetlesgensquisontcensésvousprotégerfonttoutle
contraire,lapreuve,dit-ilenregardantlelitdeKellan.Onatouslesdeuxunegrandeexpérience
niveaumarketingetonsaitcommentcréeruneimagepositivepourdesmarquesetdesgens.C’est
pourçaquesiçavousintéresse,onaimeraitêtrevosmanagers.Ons’occuperaitdevosrelations
publiques,onvousreprésenteraitetonvousprotégerait,etlestrucsdustyledeceuxquisesont
passésavecSiennan’arriveraientplus.Oupasdansdesproportionsaussidélirantes,entoutcas.
ÀvoirlatêtedeKellan,onauraitpucroirequeDennyvenaitdeluiavouerquec’étaitlui,son
pèrebiologique.Jepouvaislecomprendre,celadit:moiaussi,j’étaisplusquesurpriseparsa
proposition.
–Vousvoulezdevenirnosagents?Vousferiezçapournous?
–Biensûr,réponditDennyensouriant.
Jesecouailatête.
–Mais…Vousavezdéjàunboulot…
–LesD-Bagsseraientnosseulsclientsetjenepensepasquevousauriezbesoindenousàplein
temps.Çaveutdirequ’onpourraitgardernosjobsrespectifsavecAbby,maisvousseriezquand
mêmenotreprioritéetonseraitlàdèsquevousauriezbesoindenous.Ceseraitunhonneurdevous
représenter.
–D’accord,ditKellan.Enfin,jeveuxdire,ilfautquej’enparleauxautres,mais…d’accord.
Ceseraitunhonneurdevousavoir.
IltenditlamainetDennyetAbbylaserrèrentchacunleurtourensouriant.
–Onvouspaierait,biensûr.
–Onparleradetoutçaplustard,ditDennyenriant.Quandtuneserasplussouscalmants,par
exemple.
IlpointalaperfusiondeKellandudoigtetonsemittousàrire.J’étaisvraimentémerveilléede
voirtoutlecheminqu’onavaitparcouru:onavaittellementchangécomparéàquionétaitquandon
avaitcommencéàvivreensemble.Onétaitplusforts,plusconfiants,plussûrsdenous.Onse
soutenait,onseprotégeaitlesunslesautres,etmaintenantquelablessurecauséeparlatrahison
s’étaitrefermée,onétaittouslestroiscequej’avaistoujoursespérépournous:lesmeilleursamis
dumonde.
30
Lesuccès
QuandKellanputenfinsortirdel’hôpital,ildutlefairedansunfauteuilroulantetenpromettant
d’yallerdoucementpourlessixsemainesàvenir.Ilavaitvraimentl’airagacédenepaspouvoir
sortirenmarchantcarilsedéplaçaitbeaucoupmieuxàprésentetilauraitsûrementréussià
descendresansproblème,maisjenelâchaipaslemorceauetl’obligeaiàsuivrelesconsignes.On
luiavaitrecousuunorganeetilavaitbesoindesereposer,pasdejoueraumachoinvincible.
PourleplusgrandplaisirdeGriffinetdesautresD-Bags,Kellanmontrasonmécontentement
pendanttoutletempsoùjepoussaisonfauteuiletjeluitapotailatêtecommes’ilétaitungentil
toutou.Ilmefusilladuregardetjecrusqu’ilallaitselever,maisilrestasagementassisetmelaissa
continueràlepousser.Deuxinfirmièresnoussuivaientaveclesbraschargésdecartes,defleurset
decadeaux,etjenesavaisvraimentpascequ’onallaitfairedetoutça.
Enarrivantprèsdelalimousinenoirequinousattendaitdehors,gracieusementenvoyéepar
Nick,j’envisageaidedireàKellandetoutdédicaceretdetoutoffriràsesfans.Ilsétaientdes
centainesàtenirdesbougies,despancartes,etilshurlaientenvoyantleurstarpréférée.
Lesemployésdel’hôpitalseprécipitèrentverseuxpourlesempêcherd’avancermaisquandun
employéattrapalespoignéesdesonfauteuilroulantpourleconduireàlavoiture,Kellanlevaune
mainenl’air.
–Attendez,jeveuxleurparler.
Ileutl’airétonnéqu’ilveuilles’adresseraux«petitesgens»,maisçanemesurprenaitpas.Il
lesavaitregardéstenirdesbougiesetresterlàdanslefroidnuitaprèsnuit,etlesremercierlui
paraissaitlamoindredeschoses.ConnaissantKellan,ilvoulaitsûrementleurdiremerciunparun
maisilsétaientjenesaispascombienetonavaitunavionàprendre.Kellann’étaitpasenétatde
remontersurscènealorsonavaitacceptél’offredeGavinetonpartaitpasserquelquessemainesen
Pennsylvanieavantd’allerrendrevisiteàmesparentsdansl’Ohio.J’avaisvraimenthâted’yêtre,et
Kellanaussi.
Jereprislespoignéesdesonfauteuiletlepoussaiversungroupemassénonloindelavoiture,
sousleregarddesautresD-BagsrestésenretraitpourlaisserKellanseulavecsesfans.Enfin,Matt
avaitdûdonneruncoupdecoudeàGriffinpourluifairecomprendrequecen’étaitpaslemoment
qu’ilaillesejeterdanslafoule.
Lescrisdesfansétaientvraimentperçantsetj’espéraiquepersonnen’essayaitdedormirdans
leschambresquidonnaientdececôté.QuandKellanfutassezprès,ilserramamainpourme
remercierpuiss’adressaaupublic.
–Jenesaispascommentvousremercierpourvotresoutienetvosprières.
Ilsecoualatêteetquelquesfillesaupremierrangsoupirèrent.
–Jevousaivusresterlàtouslessoirs,danslefroid,etvousn’avezpasidéedecequeça
représentepourmoi.Jenel’oublieraijamais.
Ilserramamaindanslasienneetjecomprisqu’ilnes’adressaitpasseulementàsesfans.On
s’étaitmariésicietcetendroit,etcequ’onyavaitvécu,resteraitàjamaisgravédansnotremémoire.
Kellanremercialafouleetjecommençaiàfairepivotersonfauteuilquandunefillesemitàcrier.
–Félicitationspourvotremariage!
–Merci,dit-ilenluiadressantunsourirecharmeur.
Elleeutl’aird’êtresurlepointdetomberdanslespommesetjelepoussairapidementversla
voiture.
–Tunepeuxvraimentpast’enempêcher,murmurai-jeenmepenchantsurlui.
–Dequoi?demanda-t-ild’unairinnocent.
–D’êtreridiculementsexy,dis-jeenl’embrassantsurlajoue.
Ilsecoualatêtetandisquejel’aidaisàmonterenvoiture.
–C’esttoiquiesridicule,murmura-t-ilunefoisàl’intérieur.
Jem’assisàcôtédeluienlevantlesyeuxauciel.Bienessayé,maisilsavaittrèsbienqu’ilétait
attirant.Ilavaitpeut-êtredesdoutessurl’amourquelesgensluiportaient,maispassurson
apparence.
Toutlemondeallaitsesépareretnossacsétaientàl’intérieurdelalimousine,ycomprisla
guitaredeKellan.Çamerendaittristeetilsallaienttousmemanquermaislatournéeétaitbeletbien
terminée.AumomentoùKellanseraitcomplètementremis,ilneresteraitquequelquessemaines
avantlafindelatournéedeSiennaet,aulieudelarejoindre,lesgarçonsavaientdécidédefaireune
pauseetdetravaillersurunnouvelalbum.Enfin,enréalité,çan’avaitpasuniquementétéladécision
desgarçons.
Siennaavaitprésentédesexcusespubliqueslelendemaindenotremariage.Surleplateaud’un
programmematinalpopulaire,elleavaitconfesséàsesfansavecdestrémolosdanslavoixqu’elle
avaitaidéàfabriquersarelationavecKellan.Elleditàsesfansqu’elles’étaitlaisséemporteret
qu’elleavaitlaissél’argentetlesuccèsprendrelepassursabonneconscience,elles’excusadeles
avoirinduitsenerreuretlessuppliadelapardonner.Ellefinitsondiscoursendisantqu’ellefinirait
satournéesanslesD-Bags,defaçonqueKellanaitletempsdesereposeretdeprofiterdesafemme.
Commeonpouvaits’yattendre,lesfansétaientvraimentenpétardcontreelle,etd’aprèsceque
j’avaisentendulesventesdesplacespourlerestedelatournées’étaienteffondrées.Çapouvait
semblerdérisoiremaisjeluienvoyaiunecartederemerciements.Nickvoulutaussitôtplanifierune
nouvelletournéeaveclesgarçons,dontilsseraientlatêted’affiche,commeJustinl’avaitprévu.Il
appelaKellanalorsqu’onpassaitunesoiréetranquilleavecGavin,RileyetHailey,etilluirépondit
aussipolimentquepossibleavantdeluiexpliquerquetouslesarrangementsdevaientdésormaisêtre
prisenaccordaveclenouvelagentdugroupe,DennyHarris.Quandilraccrocha,ilavaitungrand
sourireauxlèvres.
–Çafaitdubien,déclara-t-il.
EntantquereprésentantofficieldesD-Bags,Dennynégociatouslesdétailsdelatournéeet
quandilappelaKellan,deuxsemainesplustard,jesussansl’ombred’undoutequ’ilétaitfaitpour
êtreleurmanager.Ilcomprenaitvraimentlesattentesetlesbesoinsdugroupe,etilobtintqueles
concertssedéroulentdansdessallesplusgrandesquecellesdelatournéedeJustinmaispluspetites
quecellesdelatournéedeSienna,pourquelesfansetlegroupeenprofitentdavantage.Ça
rapporteraitmoinsd’argentàtoutlemondemaisDennysavaitqueKellans’enmoquaitetdetoute
façon,l’argentn’étaitpasvraimentunproblème:aprèsl’accident,l’albumdesgarçonsavaitdépassé
celuideSiennapourseclassernuméroun,etiln’enbougeaitpas.Cequivoulaitdireque,
financièrement,lesD-Bagsseraienttranquillespourunmoment.
Dennym’aidaaussiavecmaproprecarrière.Jelelaissaienfinliremonlivreunmoisaprès
l’accident,alorsqu’onétaitchezmesparentsavecKellan.J’étaisdansunétatlamentableenlui
envoyantl’e-mail.C’étaitbienpirequelaisserKellanlelire,carcequej’avaisfaitàDennyétait
inexcusableetqu’illeliserisquaitvraimentd’avoirdesconséquencesterribles.Troisjoursaprèsle
luiavoirenvoyé,jen’avaistoujourspasdenouvellesetl’impressionquemoncœurallaitexploser
dansmapoitrine.Kellann’arrêtaitpasdemedirequeçaallaitbiensepasseretmamèrequejeme
faisaisdusoucipourrienmaisjenepouvaispasm’enempêcher.Çametuaitqu’ilneréagissepas,
maispeut-êtrequejeleméritais.
Enfin,Dennym’appelalejouroùjedevaismemarieràlabase.J’étaistellementnerveuseque
jesortispourluiparlerdanslejardinrecouvertdeneigedemesparents.Ilétaitencoretôtetiln’y
avaitpasunbruitniunmouvementdanslequartier,cequirendaitlavoixdeDennyencoreplus
claire.
–Salut,c’estmoi.J’aienfinlutonlivre.
Jem’assissurunbancsurleporcheetmerappelaidem’êtreassiselàavecDenny,ilyaune
éternité.
–Et?demandai-jeenmecrispant.
–Et…jepensequec’estsuper.Etquetudevraislepublier.
–Tuessûr?C’estvraiment…personnel.Etjeneveuxpastefaireencoreplusmalqueceque
j’aidéjàfait.
Ilsoupiramaisiln’yavaitaucunetracededouleurouderancœurdanssonsoupir.
–Jecomprends,Kiera.Lirelelivre,çam’avraimentaidéàmieuxcomprendrecequis’était
passé.Jeregrettelafaçondontças’estpasséetjesaisquetoiaussimaisjevaisbienmaintenantet
çanemedérangepas.Jeveuxquetulefasses.Fais-lepublieretcasselabaraque.Tulemérites.
–Merci.Çareprésentebeaucouppourmoi.Jeferaissansdoutemieuxdememettreàchercher
unéditeur.Etpuisqu’onenparle,monsieurBrillant,est-cequevousauriezdescontactsdans
l’édition,parhasard?
Jesavaisqu’ilsouriaitquandilmerépondit.
–Jemedoutequetupensessûrementt’adresseràunéditeurtraditionneltoutdesuitemais
pourquoinepaslepubliertoi-mêmedansunpremiertemps?Essaied’abordd’attirerl’attention
avantdefaireçaàl’ancienne.Toutdesuiteaprèsl’avoirlu,jemesuisrenseignéetj’aitrouvéuntas
d’articlesetdesitesInternetquiparlentd’autopublication.Jepeuxt’aiderpourlecôtétechnique,et
aprèsjepeuxt’assisterpourl’aspectmarketingsituveux.
–Jen’yavaispaspensémaisl’idéemeplaîtbien.
Jem’arrêtaiuninstantpouryréfléchiretsongeaiqu’iln’avaitsûrementpastort.Unromanqui
parledemoitrompantmonpetitcopainneseraitpeut-êtrepasévidentàvendreàunéditeur.Le
publiermoi-mêmeseraitunbonmoyendemontrerquec’étaitunebonnehistoire.
–Tuferaisvraimentçapourmoi?
–Tulesais,jeferaisn’importequoipourtoietpourKellan.
Jenesavaismêmepasquoirépondrealorsjefinisparluidiremerci,toutsimplement.Puisje
meprécipitaidanslamaisonetjemejetaisurKellanpourcouvrirsonvisagedebaisers.
–Jevaismefairepublier!
Ilmepritdanssesbrasetmefitm’asseoirsurlecanapéprèsdelui.
–Jesais.Ettuvascartonner.
Soudain,ilfitlamoue.
–Tuvasdevenircélèbre,moijevaisdevenirhasbeen,ettuvasmequitter,c’estça?
–Premièrement,grâceàtoi,jesuisdéjàcélèbre,deuxièmement,jenetequitteraijamais,et
troisièmement,tuneserasjamaishasbeen.Paspourmoi,entoutcas.
Deuxsemainesplustard,onditaurevoirànosfamillesetonrepartitpourSeattle.Kellanne
tenaitpasenplacependantnotrevolenpremièreclasse(encoreunegracieuseattentiondececher
Nick)et,dèsquel’avions’immobilisasurletarmac,ilbonditsursespieds.Jecrusd’abordque
c’étaitparcequ’ilétaitheureuxderentrer,maisaprèsavoirsaluéquelquesfansàl’aéroportetavoir
récupérénosbagagespuissautédansuntaxi,laraisondesonexcitationdevintclairecommedel’eau
deroche.
Aulieudedonnernotreadresseauchauffeur,ildonnal’adressed’Evan.
–PourquoionvachezEvan?
J’avaisenviedevoirlesgarçons,biensûr,maisonavaitpassélessixdernièressemainesavec
nosfamillesetj’avaisenviederesterunpeuseuleaveclui.Onavaiteudel’intimitéchezGavinet
chezmesparents,etmonpèrenousavaitmêmelaissésdormirdanslamêmechambreétantdonné
qu’onétaitmariés,maintenant.Naturellement,onavaitdésobéiauxconseilsdumédecinauboutde
troissemaines.C’étaitdurderésisteràKellan,etquandilm’avaitassuréqu’ilallaitbientouten
m’embrassantdanslecou…mavolontém’avaitabandonnée,commesouvent.Maiscesinstants
avaientétébrefsetj’avaisenviederentreràlamaison.
–OnnevapaschezEvan.Onvaaugarage.
Ilrayonnaitetjecomprisenfincequiluiarrivait.IlallaitrécupérersaChevelle…Jelevailes
yeuxaucielenmemoquantdelui.Lesgarçonsetleursjouets.Ensortantdutaxi,Rox,la
mécaniciennequi«connaissaittrèsbien»Kellan,étaitlàaveclesclésdelavoitureetilétait
tellementcontentqu’illasoulevadeterre.Jefislagrimace,pasparcequej’étaisjalousemaisparce
quejenevoulaispasqu’ilsefassemal.Ildevaitencorefaireattention.
Roxriaitquandillareposaetelleluiindiqualegarage,oùunevoitureattendaitrecouverte
d’unegrandebâche.Kellanpritlesclés,marchajusqu’àsavoitureetretiralabâchedélicatement
aveclemêmeregardquequandilmeretiraitmontee-shirt.Avecungrandsourire,ilpassalamainle
longduflancdelavoiturepuiscaressaletoitd’unemanièresisensuellequejel’imaginaienfaire
autantsurmoi.Ilétaitvraimenttempsderentrercheznous.
–Onpeutdirequ’ilaimesavoiture.
JerisenvoyantKellanposersajouesurletoit.
–C’estclair.
–Aufait…jevoulaisjustetedirequejen’aijamaiscruàtoutescesrumeurs.
Àvoirlatêtequ’ellefaisait,jen’étaispasconvaincue,maiselleessayaitd’êtresympaetje
décidaidejouerlejeu.
–Merci…C’estgentil.
PuisjerejoignisKellanettendislamain,paumeverslehaut.
–Quoi?demanda-t-ilenfronçantlessourcils.
–Tuteremetsd’unegrosseopération,alorsjepensequec’estmieuxquecesoitmoiqui
conduise.
Sesdoigtsseresserrèrentjalousementsurlesclés.
–Jevaistrèsbien,ettulesais.C’estbienplusfatigantdefairel’amourquedeconduire,eton
lefaitdepuisdessemaines.Etçanem’apasfaitmalquandtum’asgrimpédessuscematin,jedirais
mêmequec’étaitplutôtagréable.
J’écarquillailesyeuxetentendisRoxrire,cequivoulaitdirequ’ellel’avaitentenduendépitdu
bruitdanslegarage.Kellanaussiriaitetj’eusenviedeluimettreuncoupdansleventrejustepour
voirsiça,çafaisaitmal,maisjem’étaispromisdeneplusjamaisfrapperquelqu’unalorsjeme
retins.Ildéverrouillalesportièresetj’allaism’asseoirducôtédupassagerenquatrièmevitesse.
–Quoi?demanda-t-ilendémarrantlavoiture.Cen’estpasvrai?
Jeluisourisetsecouailatête.C’étaitvrai:çaavaitétégénialcematinetKellanavaitl’air
d’avoirretrouvésonendurance.Sanslesavoir,c’étaitimpossiblededevinerqu’ilavaiteuun
accidentaussigrave,àpartpeut-êtrelacicatricesursonabdomen.Maisilavaitététrèsbienrecousu
et,avecletemps,elledeviendraitpresqueinvisible.Detoutemanière,lacicatricenemedérangeait
pasetjelatrouvaismêmesexy,sanstropsavoirpourquoi.
Onsemitenroute,impatientsderentrercheznous,maisunefoisdansnotrerue,ondutfaire
faceàunetristevérité:parfois,c’estimpossiblederentrerchezsoi.LapetiteruedeKellan
débordaitdegensetdevoituresetonnepouvaitmêmepasavancer.Unefouledensesepressaitdans
larueetjeconstataiavechorreurquetousprenaientdesphotosdenotremaison.
–Dis-moiquec’estlafêtedesvoisins,murmurai-je.
–Jepensequelesvoisinsn’ontrienàvoirlà-dedans,dit-ild’unairrésigné.
Alorsqu’oncontinuaitàobserverlascène,deuxvoisinssortirentdechezeuxetsemirentà
criersurlesinconnus,cequiconfirmanoscraintes.Lamaisonétaitdevenueuneattractiontouristique
etmêmesionappelaitlapolicepourfaireévacuertouscesgens,ilsreviendraient.J’espéraisjuste
quepersonnenes’étaitintroduitàl’intérieuretquenosaffairesétaientintactes.
Kellanfitdemi-tourensoupirantetjedusmerendreàl’évidencequ’onnepouvaitplushabiter
là.Çamebrisalecœurcarj’avaispleindesouvenirsdanscettemaison,maisaprèstout,cen’était
quedesmurs.Monvraichez-moi,c’étaitlecœurdeKellan,etpersonnenepourraitjamaism’obliger
àenpartir.
OnallachezMattetGriffin,quihabitaientdansunebanlieuetranquilledeSeattle.Iln’yavait
personneànotrearrivée,cequivoulaitdirequelesfansignoraientl’existencedelamaisonetqu’on
seraittranquilles.Griffinavaitemménagédansl’appartementdemasœur,Mattavaitdoncdela
placepournousaccueillir.Rachels’étaitinstalléechezluipendantl’été,maisilsétaientplutôt
discretsetjesavaisqu’onn’auraitpasdemalàcohabiteraveceuxjusqu’àcequ’ontrouveune
solution.
Mattnousexpliquacequis’étaitpassépendantnotreabsence.Apparemment,Joeyavaitrévélé
oùKellanvivaitdansuneinterviewpourunsiteInternetbasdegamme,etl’adressedelamaison
s’étaitrépanduecommeunetraînéedepoudre.AprèslesaveuxdeSienna,Joeyavaitavouéàson
tourquec’étaitellequiapparaissaitsurlasextapeavecKellanetqueSiennal’avaitpayéepour
qu’ellesetaise.
J’étaisàlafoischoquéeetpassiétonnéequeça.Ons’étaittoujoursditquequelqu’unavaitdû
lapayer.JemedemandaijustesiSiennaavaitaussiempêchélaparutiond’autressextapes,était
donnéqu’aucuneautren’avaitétérévélée,ousilesautresfillesavaientsimplementplusd’estime
d’elles-mêmesqueJoey.Danstouslescas,çan’avaitplusd’importance,carmêmesielles
regardaientmillevidéos,jeconnaîtraistoujoursmieuxmonmariquetoutescesfemmes.
Pendantqu’oncherchaitunemaisonavecKellan,jepubliaimonlivreenformatélectronique.
Dennym’aidaàconcevoirunecouvertureàlafoiséléganteetromantiquequiattiraitl’œil.C’était
terrifiantdelepublieretjemedemandaisvraimentcequelesgensallaientenpensermaisilfallait
quejelefasse.C’étaitmonrêve,macarrière,mapassion.
Aprèsl’avoirmisenligne,jeressentisunimmensesoulagement.J’avaiscrééunehistoireet
j’avaiseulecouragedelapartager,etmêmesiçanedevaitpasfairel’unanimité,j’étaisquand
mêmefièredemoi.Etquandjevendislepremierexemplaire,uneexcitationindescriptibles’empara
demoietj’eusenfinlesentimentd’êtreunauteur.
Tandisquelaversionélectroniquecommençaitdoucementàsefaireconnaître,jem’occupaide
laversionpapier.Jemouraisd’impatiencedetenirunexemplairedansmesmainsetjeguettaile
courrierchaquejour.Quandlalivraisonarrivaenfin,cefutKellanquiinterceptalepaquetalorsque
j’étaispartiedéjeuneravecJenny,KateetCheyenne.QuandjerevinschezMatt,ilyavaitunpetit
motsurlaportequidisaitViensmechercher.
Jesourisenreconnaissantl’écrituredeKellanetouvrislaporte.Ilyavaitdespétalesderose
alignésparterreavecunelettresurchacunetjememisàrireenlessuivant.Lafiledepétales
s’étendaitjusquedevantlaportedelasalledebainsetdisaitJ’aihâtequetumetrouves,dépêche-
toi.
–Kellan,qu’est-cequetufaislà-dedans?demandai-jeenouvrantlaporte.
Saufquelapièceétaitvide,àl’exceptiond’unegrandefeuilledepapieraccrochéeaumurau-
dessusdestoilettes.Onn’apasletempsdefairedescochonneries.Concentre-toi,unpeu!
Jefisdemi-tourenriant.
–Tuesoù,Kellan?
Uneflècheprèsdel’interrupteurdelasalledebainindiquaitlecouloiretjedéduisisqu’ilétait
sûrementdansnotrechambre.Entraversantlecouloir,jeremarquaid’autresPost-itsurlemur.Tues
excitée?Tuesprête?Tutedépêchesunpeu?Ilyavaitdespétalesderoseenformedecœur
collésàlaportedelachambre,avecunautrePost-itaumilieuquidisaitJecroisquejesuislàetje
poussailaporteenriant.
–Kellan?Àquoitujoues?
Maisiln’étaitpasnonplusdanslachambre.L’étuidesaguitareétaitouvertsurnotrelitavec
lesnotesdemondeuxièmeromanempiléesdedansetunPost-itrosequidisait«Futurbest-seller!».
Jememisàrireplusfortetregardaidansleplacardpourvoirs’ilsecachaitdedansmaisjene
trouvairienàpartunefeuilledepapieraveclesparolesd’unenouvellechanson.Tunesauras
jamaistoutcequetureprésentes,niàquelpointjet’aime.Jepourraistoutrecommencerpourtoi,
toutreprendredepuisledébutpourtoi.
Lesyeuxpleinsdelarmes,jel’appelaiunefoisdeplusmaisilneréponditpas.Jemedisque
lesparolesétaientpeut-êtreunindiceetjerevinssurmespas,jusqu’àlaported’entrée.Toujours
rien.J’ouvrislaportepourjeteruncoupd’œildehorsenmedisantquejen’allaisjamaisletrouver
etilétaitlà,surlepasdelaporte.Vêtud’unjeanbleudélavéetdesavesteencuirnoir,ilavaitun
bouquetderosesdansunemainetunexemplairereliédemonromandansl’autre.Jenesavaispasce
quim’excitaitleplus:lefaitdel’avoirtrouvé,l’éclatdanssesyeux,l’odeurdesfleursoumonnom
surlacouverture.
–Tuenasmis,dutemps.
Jemejetaiàsoncouenriantetenpleurantàlafoisetl’attiraiàl’intérieurdelamaisonavant
deplaquermabouchecontrelasienne.Ilfermalaportederrièreluid’uncoupdepiedetparvintà
placerunephraseentredeuxbaisers.
–J’aiquelquechosepourtoi.
Jemouraisd’enviedetenirmonlivreetjelâchaiKellanpourtendrelesmainscommeunenfant
quiréclameunbonbon.Ilplaçalebouquetderosesdansmesbrasetjefronçailessourcils.Les
fleursétaientmagnifiquesmaisilsavaittrèsbiencequejevoulais,etilmontralelivreavecun
sourirejoueur.
–Seulementsituprometsdem’endédicacerun.
Jefislamouemaisilsecoualatête.
–Non.Jeveuxlepremierexemplairedédicacé.
Jegrognaiettendismamainlibre.
–Jetesigneraitoutcequetuveux,maisfaisvoir!
–Toutcequejeveux?Vraiment?demanda-t-ilenreprenantlesfleursetenmetendantlelivre.
J’ignoraisontonprovocateur,tropconcentréesurlaphotoennoiretblancdelacouverturequi
représentaitunefemmedeboutentredeuxhommes.Letitre,Irrésistible,etmonpseudonyme
s’étalaientenlettresaudacieuses.Jenevoulaispasmecacheretjen’avaispashonte,maislesgens
connaissaientmonnomàprésentetjevoulaisqueleromansevendeparcequelesgensaimaient
l’histoire,paslafemmed’unchanteurcélèbre.
Avoirlelivreentrelesmainsétaitcomplètementsurréaliste.Jel’avaisfait.J’avaisécritun
romanetjel’avaispublié.C’étaitcomplètementfou.
–Jesuistellementfierdetoi.
Jelevailesyeuxversluietlafiertéquejelusdanssonregardmeparutlaplusbelledes
récompenses.
LanouvelletournéedeKellanavecHoleshotetAvoidingRedemptionenpremièresparties
devaitcommencerenavril,etjenesavaispassic’étaitl’œuvredelamaisondedisquesoudeDenny
maislesgarçonsallaientaussidonnerdesconcertsàl’étranger.Àlafindelatournéeaméricaine,ils
devaientallerjouerauRoyaume-UnietenAustralieetc’étaitdrôledemedirequ’ilsallaientpasser
parlepaysd’originedeDenny.
Maisavantledébutdelatournée,qu’ilattendaitavecimpatience,Kellandevaitfairequelque
chosedontiln’avaitpasdutoutenvie.Etqu’àmagrandesurprise,j’avaishâte.Jefermaimon
bagageàmainettraversaimanouvellechambrepourallerletrouver.Onavaitemménagédansune
nouvellemaisondeuxsemainesauparavant,etelleétaitbienplusbellequetoutescellesoùj’avais
vécu.C’étaitpresquetropgrandpournousdeuxmaisKellann’arrêtaitpasdedirequequandnotre
familles’agrandirait,onauraitbesoindel’espacedetoutefaçon,etl’emplacementétaitjusteparfait.
Griffinavaitvouluqu’onachèteunemaisonàMedina,àcôtédechezBillGatesdepréférence,mais
onavaitdécidédepartiràlacampagne.Onavaittrouvéunesuperbemaisonunpeuisoléeaunordde
lavilleavecunterraindeplusieurshectares.Nosvoisinslesplusproches,ungentilcouplede
personnesâgées,étaientvenusnousapporterunetarteenvoyantqu’onemménageait.Notrevieàla
campagneallaitêtrebienplussolitairequecequ’onavaitconnuàSeattle,maisc’étaitprécisemment
cequ’onvoulait.
Çaavaitétéunpeucompliquéderécupérertoutesnosaffairesdansl’anciennemaison.Nos
amisnousavaientaidésetavaientaffrontélafoulepourtoutmettreencartonànotreplace.Je
trouvaisçaunpeugênantdefaireemballernosaffairespard’autresgensmaisonn’avaitpastrople
choixetonn’avaitpasbeaucoupd’affairesdetoutefaçon.D’ailleurs,lanouvellemaisonavaitl’air
unpeuvidevulepeudemeublesqu’onpossédaitetilallaitfalloirquejem’occupedeça.
HeureusementqueJennyetDennyavaientbongoûtetpleind’idéespourladéco.
J’avaisquandmêmefaitcequejepouvaispourqu’onsesentecheznousetilyavaitdes
touchespersonnellesdanschaquepièce.LefauteuildeKellanétaitdansuncoindenotrechambreà
côtéd’unelampe,cequiconstituaituncoindelectureparfait.LeposterdesRamonesétaitdésormais
encadréetaccrochéaumuràcôtéduposterduBumbershoot.Lechapeaudecow-boydeKellan
pendaitàundespiedsdenotrelitetunepiledeCDdesD-Bagstrônaitàcôtéd’exemplairesdemon
livre.C’étaitcommesionvivaitlàdepuisdesannées.
J’entraidanslasalledebainsetregardailabaignoire,assezgrandepourqu’onpuisseydormir,
l’énormecabinededoucheetlessurfacesengranit.J’aimaistellementcettepiècequej’auraispu
habiterdedans.Vêtud’unechemiseblanchedontilavaitretroussélesmanches,Kellanseregardait
danslaglaceenprenantdegrandesinspirations,etsijenel’avaispasconnuaussibien,j’aurais
presquepucroirequ’ilétaitnerveux.
–Ilfautqu’onyaille.Çava?
–Jesuisprêt,répondit-ilavecunsourireinsouciant.
–Jet’aidemandésiçaallait.
Sonsouriresefitcharmeuretilpassasesbrasautourdemataille.
–Jeviensdefairel’amouràunécrivaincélèbreetmagnifique,jesuisensuperforme.
–EttongroupeestenlicepourleGrammydumeilleurnouvelartistedemainalorsonferaitbien
desebougerpournepasraterl’avion.
Lesnominationsétaienttombéesfinnovembre,unesemaineaprèsnotremariage,maisKellan
étaitenpleinephasededéniàl’époque.Ilneréalisaitpasquetoutétaitarrivésivite,etmêmesimoi
aussijetrouvaisçaincroyable,jen’étaispasaussiétonnéequelui.Ilavaittoutpourréussir:le
talent,labeauté,lecharisme.Ilavaitce«jenesaisquoi»quiattiraitl’attention,etquelquechose
medisaitquelesGrammiesn’étaientqueledébut.
–Jesuisvraimentobligéd’yaller?
–Vousêtescensésmontersurscènedonc,oui,jepensequetuesobligé.
Ilfermalesyeuxetsoupira,etsamauvaisevolontémefitrire.
–Pourquoij’aiacceptédefaireuntrucpareil?
Jel’embrassaidoucementetleserraicontremoi.
–Parcequetunepeuxpasrésisteràl’appeldelascèneetparcequetoutlemondeadoreta
musique.
Ilouvritunœilavecuneexpressionincrédulesurlevisageetjel’embrassaiunenouvellefois
enriant.
–Allez,monsieurlastar,onyva.
Ilsedirigeaversnotrechambre.
–Cen’estpascommesionallaitgagner,detoutefaçon,balança-t-ilpar-dessussonépaule.
L’albumn’estpassortidepuisassezlongtemps.
Jenerépondispasmaisjesavaispertinemmentqueçanevoulaitriendire.Etj’étaiscertaine
queKellanallaitgagner.
DanslalimousinequinousemmenaitauStaplesCenterpourlacérémonie,jecommençaià
revoirmonexcitationàlabaisse.Àl’exceptionduboutdemoquettequ’onavaitinstallédansla
chambredeKellanpournotremariage,jen’avaisjamaismarchésuruntapisrougedemavieetje
sentaismonestomaccomplètementretournéàl’idéedemeretrouverdevanttouscesphotographes.
Maisleplussurprenant,c’étaitqueKellanavaitl’airexactementdanslemêmeétat.Enfin,cen’était
paslesphotographesquilestressaient,maislapossibilitéderemporterunprix.Lefeudes
projecteursneledérangeaitpasmaisça,cen’étaitvraimentpassontrucetiln’avaitmêmepasvoulu
écrireundiscoursendisantque,detoutefaçon,iln’avaitaucunechancedegagneretqueçane
servaitàrien.
Pourmecalmerlesnerfs,j’attrapaimonportablepourécrireunmessageetKellanposales
yeuxsurmonécran,àlarecherched’unedistraction.
–Tufaisquoi?
–J’écrisuntweetpourtesfans.«EnroutepourlesGrammies.Souhaitez-moibonnechance.»
Illevalesyeuxauciel.UnedespremièreschosesqueDennyavaitfaitesentantqu’agentavait
étédeluicréeruncomptesurplusieursréseauxsociaux,enexpliquantàKellanquelemeilleur
moyend’empêcherlesrumeursétaitdecommuniquerdirectementavecsesfans.Ilavaitraisonetje
m’étaisdemandépourquoionnel’avaitpasfaitavant,jusqu’àvoirlatêtedeKellan.
–UncompteFacequoi?EtTwitter,c’estquoicetruc?avait-ildemandéàDennyd’unair
exaspéré.
Ilavaitfaittoutcequ’ilavaitpupourgardersesdistancesaveclesnouvellestechnologies.Ce
n’étaitpassontrucetiln’avaitmêmepasd’ordinateur.Ilsecontentaitd’emprunterlemienoucelui
deGriffin,avecunepréférencepourlemienétantdonnéqueleclavierdeGriffincollait,d’aprèslui,
pourdesraisonsquejepréféraisignorer.Maisdésormais,ilétaitobligéd’entrerdansl’èremoderne,
etquandilavaitdonnésonaccordàDenny,j’avaistrouvésonairboudeuretrésignétellement
adorablequej’avaisprisunephoto.Jelaposteraispeut-êtresursonmurundecesjours.
AprèsavoirtwittéaunomdeKellan,lesmessagesd’encouragementsemirentàafflueretilfinit
parlesconsulterensouriant.Onétaittellementabsorbésparlalecturedescommentairesqu’onnese
renditmêmepascomptequ’onétaitarrivésauStaplesCenter.Kellanetlesgarçonsétaientdéjà
venuspourassisteràunerépétitiondelacérémonie,maisçan’avaitrienàvoircomparéàcequi
nousattendait:ilyavaitdesgenspartout,descaméras,desstarsetj’avaisl’impressiond’êtredans
uneautredimension.
–Putain…murmuraKellanenregardantparlafenêtre.
Lesautresaussicommencèrentàflipperquandlavoitures’arrêta.Onavaitvouluvenirtous
ensembleetlalimousineétaitpleineàcraqueravecGriffin,Anna,Evan,Jenny,MattetRachelen
plusdeKellanetmoi.Toutlemondeétaitmagnifique:AnnaetJennyavaientvraimentassurépour
leurmaquillageetdesgrandscouturiersavaientcontactélesgarçonspourleurproposerdes
vêtementspourlacérémonie.Demoncôté,jeportaisunerobenoireasymétriquemagnifiquequi
coûtaitsûrementpluscherquecequej’auraisgagnéenunancommeserveuseetj’étaisterrifiéeà
l’idéedelatacheroudefaireunaccroc.
Lesgarçonsportaientdestenuesunpeuplusrelax:Evanavaitunpantalongrisavecuneveste
assortieetunechemisenoire,Mattportaitunjeanélégantavecunechemiseblancheetunblazerbleu
marine,etGriffin…Griffinportaitunpantalonnoirencuirvraimentmoulant.Toutlemondeavait
essayédel’endissuadermaisiln’avaitrienvouluentendre.Aumoins,Annaavaitréussiàle
convaincredenepasporteruntee-shirtavecuneinscriptionquidisaitLeroidelatouffe.Pasà
causedel’inscriptionelle-même,attention,maisparcequ’elletrouvaitqueçanefaisaitpasassez
classedeporteruntee-shirt.QuantàKellan,ilportaitunevesteetunpantalonnoirsetunechemise
blancheIKKS,etilétaitàlafoissupertendanceetsexyàmourir.
Avantdesortirdelavoiture,onseprittousdanslesbras,puiscefutlemomentd’affronterle
feudesprojecteurs.
Unefoisquejefusarrivéeaumilieudutapisrouge,monstresss’évapora.C’étaitincroyablede
voiràquellevitesseonpouvaits’habitueràsefaireprendreenphotoetàsefairebombarderde
questions.Jen’auraispasnonplusvoulufaireçatouslesjoursmaiscen’étaitpassiterrible.Le
souriredeKellanétaitéclatantetsadémarcheassurée,ettoutlemondedevaitsedirequ’ilétait
parfaitementdétendu.Maismoi,jesavaisquecen’étaitpaslecas,rienqu’àlafaçondontilserrait
mamaindanslasienne.Jenesavaispascequilesoulageraitleplus:gagnerouperdre?Montersur
scènepourchanterl’aideraitsansdouteàsedétendremaismalheureusement,legroupenedevait
jouerqu’aprèsl’annoncedesrésultatsdanssacatégorie,cequivoulaitdirequ’iln’auraitpasderépit
jusqu’aumomentdevérité.Maisj’étaisprèsdeluietj’allaisfairedemonmieuxpourlesoutenir,
commeillefaisaittoujoursavecmoi.
Pendantlacérémonie,j’essayaideluichangerlesidéesenplaisantantsurAbbyetDenny.
C’étaienteuxquigardaientGibsonetj’étaissûrequed’iciàlundimatin,Abbyvoudraitavoirun
bébérienqu’àelle.Onfinitpardiscuterdeschansonsquelegroupedevaitjoueràleurmariagedeux
joursplustard.AbbyétaitunefanabsoluedumorceauIslandsintheStreammaisKellanrefusait
catégoriquementdelachanter,etc’étaitlamêmechosepourEndlessLove,quiétaitlachansonde
secoursd’Abby.
AlorsquelacatégoriedeKellanapprochait,ilsemitàparlerdemoinsenmoinsetàtrépigner
deplusenplustoutenembrassantletatouageàmonpoignetdemanièrepresquecompulsive.Quand
lesdeuxprésentateursmontèrentsurscènepourprésenterlesdifférentsnommésdanslacatégorie
Meilleurerévélation,ilcommençacarrémentàserongerlesongles.Jenel’avaisjamaisvudansun
étatpareil.
Jeposaimamainsursongenouetilsetournaversmoi.
–J’ailatrouille.Jepissedetrouille.Çanem’arrivejamais.C’estquoi,monproblème?
–C’estnormal.Etjepensequetoutlemondeiciestnerveux.
–Pastoi,dit-iltandisquelesdeuxprésentateursessayaientdedétendrel’atmosphèreenfaisant
desblaguesvraimentpasdrôles.
Jel’observaienmedemandants’ilfallaitquejeluidiseoupas.Àlabase,j’avaisprévu
d’attendrejusqu’àlafindelacérémoniemaisjesavaisqu’ilarrêteraitdestressersijeluidisaiset
queçaallaitlescotcher.Moi,çam’avaitscotchéeentoutcas.Unevidéocommençaàdéfileravec
desextraitsdesclipsdesgroupesdelacatégorieetquandlavoixdeKellanretentitdans
l’auditorium,jemepenchaiversluietmurmuraimonsecretàsonoreille.Ilouvritgrandlabouche,
complètementsouslechoc,etsesyeuxseremplirentdelarmesalorsquejehochailatêteenréponse
àsaquestionsilencieuse.
Quandlesprésentateursreprirentlaparoleàl’unisson,ungrandsourireilluminaitsonvisage.
–EtlegagnantdanslacatégorieMeilleurerévélationest…
IlsfirentunepausepourménagerlesuspenseetKellansepenchasurmoipourm’embrasser.
–…lesD-Bags!
Toutelasallesemitàcrieretàapplaudirmaisj’étaispresquesûrequeKellannelesentendait
mêmepas.Lesgarçonsselevèrent,maisluiétaittoujoursassis,entraindecouvrirmonvisagede
baisers.Conscientequedesmillionsdetéléspectateursregardaientlacérémonieendirectsurlepetit
écran,jelepoussaidoucementetluidisdeselever.Ilsemitenfindebout,enextase,etMattetEvan
luidonnèrentunetapedansledosavantdelepousserenavant,puisonselevaaussiaveclesfilles
pourapplaudirtandisqu’ilssedirigeaientverslascène.Kellanseretournaitpourmeregardertoutes
lescinqsecondes,l’aircomplètementeuphorique,etjenesavaispassic’étaitàcausedecequeje
venaisdeluiannoncerouparcequ’ilvenaitderemporterunprix.
Lesgarçonsmontèrentsurscèneetsaluèrentpolimentlescélébritésquianimaientlasoirée,puis
EvanetMattreculèrentsimultanémentpourlaisserKellanprendrelaparole,toutenretenantGriffin
danscequipouvaitpasserpouruneaccoladedegroupe.Kellansecoualatêteenattrapantla
récompenseetallas’installerderrièrelemicro.
–Çaalors…Waouh.Jenesaisvraimentpasquoidire.Jevoudraisremercier…
Savoixsebrisaetleslarmesquimemontaientauxyeuxsemirentàroulersurmesjoues.Il
secoualatêteetsepassaunemaindanslescheveux,puisilrepritlaparoled’unevoisnouéepar
l’émotion.
–Jesuisdésolé.Mafemmevientjustedem’annoncerqu’elleestenceinte.
Ilfitunpasenarrière,bouleversé,ettoutlemondesemitàhurler.LesD-Bagssejetèrentsur
luipourleféliciteretuntasdevisagessetournadansmadirection,ycomprisceuxdemasœuretde
mesamies.Jen’enavaisencoreparléàpersonne,pourlabonneetsimpleraisonquejevenaisjuste
del’apprendre.Enfin,jelesavaisdepuisunesemainepourêtreexacte,etlemoinsqu’onpuissedire,
c’estquej’avaisétésurprise.Jeprenaislapilule,alorsjen’étaisvraimentpasinquièteàl’idée
d’unepossiblegrossesse.Jepensaisquej’avaisduretardparcequej’étaisstresséeouexcitéepar
toutcequis’étaitpassédansnosviesdernièrement.Maisjemesentais…bizarre.Jen’étaispas
vraimentmalade,j’avaisjustel’impressionqu’ilyavaitquelquechosedepasnormal.J’étais
fatiguée,etj’alternaisentredesmomentsoùjenepouvaisrienavaleretd’autresoùj’auraispu
mangerunkilodepâtesàmoitouteseule.J’avaisdoncprisrendez-vouschezlemédecinjustepour
m’assurerquejen’étaispasmaladeetaprèsm’avoirexaminée,ellem’avaitassuréquej’étaisloin
d’êtremalade:j’étaistoutsimplementenceinte.
Jeluiavaisréponduquec’étaitimpossibleétantdonnéquejeprenaisreligieusementmapilule
maisellem’avaitexpliquéqu’unlotdéfaillants’étaitretrouvésurlemarché.Apparemment,ilyavait
euunproblèmededosage.C’étaitbonàsavoir.Lelaboratoireavaitrappelétouteslesplaquettesqui
appartenaientaulotenquestionmaisapparemment,lamienneétaitpasséeàtraverslesmaillesdu
filetetj’avaistouchélegroslot.Jedevaisaccoucherenseptembre.
AlorsquemasœuretJennymeposaienttoutuntasdequestions,Kellanrepritsesespritset
poussaunlongsoupir.
–Jepensequejementiraissijedisaisquecen’étaitpasleplusbeaujourdemavie.
Untonnerred’applaudissementsretentit.
–Jeveuxremercierabsolumenttouteslespersonnesquinousontsoutenus.Votredévouement
n’apasdeprixànosyeuxetonn’auraitjamaisréussisansvotreaide.Jesuispeut-êtreunpeuémotif
vulescirconstances,maisjevoudraisvousdirequejevousaimetousetvousremercierduplus
profonddemoncœur.
Jenepouvaispasvoir,delàoùjemesituais,maisj’étaispresquesûrequ’ilavaitleslarmes
auxyeuxetjesavaisquecetinstantdelacérémonieseraitdiffuséenboucleàlatélédemainetque
çaferaitlacouverturedetouslesmagazines.Etpourunefois,j’étaisravie,parcequejevoulaisque
cemomentduretoujours.Jevoulaisquecesouvenirsoitévoquéencoreetencoreetjevoulaisme
repassercetinstantenvidéodansvingtanspourmerappelerdel’expressionsurlevisagedeKellan
enapprenantqu’ilallaitêtrepère.Etjevoulaisaussimontrerçaànotreenfantpourqu’ilsacheque,
dèslepremierjour,sesparentsl’aimaientdéjàplusquetout.
31
Épilogue
Dennyn’yétaitpasallédemainmortepouroffrirlemariagedesesrêvesàAbby,ettoutavait
l’airsortid’unmagazinedemariage.C’étaitàcouperlesouffle.LacérémonieeutlieuauFairmont
OlympicHotel,danslecentredeSeattle,unendroitincroyableavecunehauteurdesixmètressous
plafond,deschandeliersencristal,desfenêtresenarcquiallaientdusolauplafond,dubrocardetde
laporcelainedeChine.
Kellanétaittémoinetmoidemoiselled’honneur.Metenirprèsdel’auteldécorédefleursroses
etdepetitesguirlandeslumineusesmefitmonterleslarmesauxyeux.C’étaientpeut-êtreles
hormonesàcausedelagrossesse,toutsimplement,maisj’avaisplutôtl’impressionquec’était
l’émotiondevoirDennyépouserlafemmedesesrêves.Etl’expressionsursonvisageendisantoui.
EtcelledeKellanquisetenaitderrièrelui,lesyeuxbrillants.Etlesouvenirdemespropresvœux
lorsdenotremariage.
Aprèslacérémonie,toutlemondefitlaqueuepourféliciterlesjeunesmariés.Avecsarobe
blancheàmancheslonguesdélicatementbrodée,jen’avaisjamaisvuAbbyaussirayonnante,et
Dennyn’avaitjamaissembléaussiheureuxtandisqu’ilsetenaitfièrementdeboutàcôtéd’elle.Le
mariageétaitbeaucoupplussélectquelenôtreettoutlemondeétaittiréàquatreépingles.Kellan
étaitàtomberdanssoncostumeetj’avaisremarquéquecertainesinvitéesnel’avaientpasquittédes
yeuxpendantlacérémonieaulieuderegarderlesfutursmariés.
QuandcefutmontourdeprendreDennydansmesbras,j’étaistellementémuequejepouvaisà
peineparler.Jecroisquejeluidisquej’étaiscontentepourluiavantdeleserrercontremoietil
essuyaunelarmesurmajoue.
–Jesuistellementcontentquetusoislà.Jet’aimefort,tusais.
Çam’achevaetjememisàrireetàsangloterenmêmetemps,àtelpointqueKellanmeguida
jusqu’ànotretableetm’apportaunverred’eaupourquejemecalme.Çapromettaitpourlessept
moisàvenir.
–Respire,murmura-t-ilenmefrottantledos.
Ilm’aidaàm’asseoir,commeàchaquefoisquejevoulaism’asseoirdepuislacérémoniedes
Grammies.Àlevoir,onauraitpucroirequej’enétaisdéjààhuitmoisdegrossessemaisjele
laissaisfaire.Ilétaitencoresouslechocetmoiaussi,maisj’avaiseuquelquesjoursdeplusquelui
pourmefaireàl’idée.
Chaquetableétaitdécoréedeporte-nomsenargentavecdespetitscartonsrecouvertsd’une
écritureélégante.Envoyantmonnouveaunom,KieraKyle,jesentismesyeuxseremplirdelarmes
unefoisdeplus.AnnaetGriffinétaientassisànotregauche,EvanetJennyànotredroite,etMattet
Rachelavaientprisplaceenfacedenous.Quantaurestedestables,ellesétaientoccupéespardes
amisetdescollèguesdeDennyetAbby.
Aprèsunrepasdegala,plusieurstoastsetledécoupagedugâteau,c’étaitl’heurepourlesD-
Bagsdemontersurscène.Celafaisaitvraimentlongtempsquejenelesavaispasvusjouerdansun
endroitaussipetitetj’avaisl’impressiond’êtredenouveauauPete’s.Çasemblaitencoreplusintime
qu’unconcertetilnefallutquequelquesminutesàKellanpourséduirel’audienceetattirertoutle
mondesurlapistededanse.
EncadeaupourDennyetpourfaireunesurpriseàAbby,etsûrementaussiparcequ’iln’aimait
pasleschansonsqu’elleavaitchoisies,Kellanavaitcomposéunechansonpourleurpremièredanse.
C’étaitunmorceaumagnifiquequiparlaitdufaitderencontrerquelqu’unquivousfaisaitvousouvrir
aumonde,detomberamoureuxunpeupluschaquejouretd’avoirlesoufflecoupéquandl’êtreaimé
étaitloin,maisaussiquandilétaittoutprès.Lachansonétaitpleined’émotions,sensuelleet
terriblementromantique,etmêmes’ill’avaitécritepourDennyetAbby,jesavaisquec’étaitnotre
couplequil’avaitinspiréetjemeremisàpleurer.
DennyetAbbys’éclipsèrenttoutàlafindelasoiréepourrejoindreleursuite.Ilsprenaient
l’aviontôtlelendemainmatinpourl’Australieafind’ypasserleurlunedemieletd’avoirune
deuxièmecérémonieavecleursamisetleursfamilles.JetrouvaisqueDennyétaitcinglédefaireça
deuxfoismaisc’étaitcequ’Abbyvoulaitetilavaitl’airenchanté.
Onallaitaussipartirpourl’AustralieavecKellan,maispasavantquelquesmois.Latournée
commençaitàLasVegas,uneautrevillequej’avaistoujoursvouluvisiter.Dennyavaitmêmeréussi
ànousdégoterunbusprivéavecKellan:onallaitavoirnotreproprebusrienquepournousdeux!
J’allaispouvoirfaireautantdebruitquejevoulaisetpersonnenepourraitm’entendreàpartKellan.
Enfin,àpartlui,lechauffeuretnotregardeducorps,quej’avaistoujourstendanceàoublier.Après
cequis’étaitpasséàNewYork,onavaitdécidédefaireappelàungardeducorpslorsqu’onsortait
enpublic.Jetrouvaisçabizarremaiseneffet,onattiraitl’attentionquandonsortait.C’étaitleprixà
payermaislesgensétaientunpeutroppressantsparfoiset,maintenantquej’étaisenceinte,onne
voulaitvraimentprendreaucunrisque.
Onneseraitdoncpascomplètementseuls,maisonauraitbienplusd’intimitéqu’avantetj’avais
hâtequelatournéecommence.
Lepremierconcertsedéroulaàguichetsfermés.Puislesuivant.Etceluid’après.LesD-Bags
créaientunraz-de-maréepartoutoùilspassaient.C’étaitcomplètementfoumaistellementgénial,et
cettefois,onsavaitquec’étaituniquementdûàleurtalentetpasàdespotinsracoleurs.Onallait
traverserlesÉtats-UnisetleCanadapendanttroismoisavantdepartirunmoisàl’étranger.C’était
uneexigencedeKellan,quiavaitinsistépournepaspasserplusdequelquesmoissurlesroutes,
surtoutunefoisquelebébéseraitlà.Etaprèsça,sijen’étaispasenmesuredelesuivrepourune
raisonouuneautre,lestournéesdureraientencoremoinslongtemps.Ilnevoulaitpaspassersavie
surlesroutesloindesafamilleetjenepouvaispasl’enblâmer.
Aufuretàmesurequelatournéeprogressait,monventres’arrondissaitdeplusenplus.J’avais
l’impressiond’êtrepasséed’unpetitbidonàunventredelatailled’unepastèquedujourau
lendemainetKellanadoraitsuivrel’évolutiondemagrossesse.Parfois,ilpassaitjenesaispas
combiendetempsàregardermonventrequandonétaitallongéssurlelit,commes’ils’attendaitàle
voirs’arrondirendirectsoussesyeux.
–Cen’estpasenregardantunecasserolepleined’eauqu’ellevasemettreàbouillir,tusais,lui
dis-jeunsoiraprèsplusieursmoisd’observation.
–Jesais.J’essaiejusted’imaginerlebébé.
–Moiaussi,jefaisçasouvent,dis-jeensouriantetenluicaressantlajoue.
Ilcolladoucementsonoreillecontremonventrequi,àcinqmois,commençaitàconstituerun
oreillerplusqueconfortable.
–Tufaisquoi?
–J’écoutecequ’ellefait.Oucequ’ilfait.
Onavaitdécidéqu’onnevoulaitpasconnaîtrelesexedubébé.Onpréféraitquecesoitla
surprise,etpuisaveccequiétaitarrivéàAnna,onsavaitdésormaisquemêmelesmédecins
pouvaientsetromper.
–Jecroissurtoutquetuécouteslepouletauparmesanquej’aimangéaudîner,dis-jeenriant.
–Chuuuuut.Jen’entendsrien,murmura-t-il.
Puisilcommençaàchantonnerdoucementetjesentislebébébougerdansmonventre.Kellan
écarquillalesyeuxetjerisenvoyantlatêtequ’ilfaisait.
–Continue.
Ils’exécutaetlebébébougeadenouveau,avantdedonneruncoup.
–Bébéaimebienlavoixdepapa,ondirait.
–Commesamaman,ditKellanensouriant.
Pendantquelquesinstants,jeréfléchisàcequimefaisaitleplusenvie:luioulesrestesde
pouletdanslefrigo.Finalement,jechoisiscommeàl’accoutuméeetattiraiKellanàmoipour
l’embrasseretprofiterpleinementd’undesavantagesdemagrossesse:malibidodébordante.
Quandj’entraidansmonseptièmemois,onétaitàl’étranger.Audébut,Kellans’étaitinquiété
demevoirlesuivrecarilvoulaitquejesoisensécuritéetilétaitterrifiéàl’idéequej’accoucheen
coulisse.Maisjel’avaisconvaincuenluirépétantquej’allaistrèsbien,qu’onseraitderetouràla
maisonbienavantmontermeetaussiqueceseraitl’occasiondefairel’amourdansl’avionpour
l’Australie.Çaavaitsuscitésonintérêtétantdonnéqu’ilnel’avaitjamaisfaitavant,etçan’avait
vraimentpasétéévidentétantdonnémonétat.Maisavecbeaucoupdepatience,decontorsionsetune
mainplaquéesurmabouche,onavaitfiniparréussir,mêmesidésormaislescouchettesdel’ancien
busnousparaissaientspacieusesencomparaison.
Enfinbref,j’étaisrondouillardeetpleinedevieetjecontinuaisàassisterauxconcertsdu
groupe.Onpassaitd’abordparPerth,puisparSydney,avantd’alleràBrisbane.Lescoulissesétaient
rempliesdegagnantsdeconcours,degroupies,depersonnalitésdelaradio,detechniciensetde
musiciens.Biensûr,ilyavaitdesagentsdesécuritéquigardaientunœilvigilantsurtoutlemonde,
maislesséancesdedédicacesorganiséescommedesdéfilésmilitairesétaientterminées.Chacun
pouvaitsebaladerlibrement,chosequeSiennan’auraitjamaistolérée,maisKellancontinuaità
vouloirêtreprochedesesfans.Çavoulaitaussidirequecen’étaitpasévidentpourmoid’écrire
étantdonnéquepasmaldefansvoulaientaussidiscuteravecmadameKyle,maisj’arrivaistoujours
àtrouveruncoinunpeutranquilleoùtravaillertoutenleregardantsurscène.
Aprèslapublicationdemonpremierlivre,jem’étaisvraimentconcentréesurmondeuxième
romanetjenesavaispassic’étaitàcausedesheuresqueKellanavaitpasséesàmelireOrgueilet
PréjugésmaistoutesleshistoiresquigermaientdansmatêteétaientdustyleJaneAusten,desromans
d’amourhistoriques.Jelestrouvaisvraimentfascinantsetmaintenantquej’étaislibéréedupoidsde
monautobiographie,j’avaisvraimentenviedetravaillersurquelquechosededifférent.
Toutenécrivant,jelevailenezdetempsentempspourregardermonmarisurscène.C’était
vraimentgénialdevoiràquelpointils’amusaitsurcettetournée.Iladoraittraîneraveclesgarçons
deHoleshotetd’AvoidingRedemption.KellanetJustinavaientmêmeprévud’enregistrerunduo
aprèslatournée.Jelesavaisentendusrépéteretj’enavaiseudesfrissons.Lesfansallaientadorer.
Cettefois,lesgarçonsavaientdécidéderesteràSeattlepourenregistrerleuralbum,étantdonné
quejeseraissurlepointd’accoucheràcemoment-là.Çan’avaitpasl’airdedérangerNicket,en
mêmetemps,pasgrand-chosenesemblaitledérangercesdernierstemps.Depuislescandaleavec
Siennaetlerappelàl’ordredesonpère,ilfaisaitvraimentprofilbasetilétaitévidentqu’ilavait
peurdeperdredeuxdesesplusgroscontrats.
QuantàSienna,elletenaitparoleetgardaitsesdistances.Elleavaitfélicitélesgarçonspour
leurGrammypendantlasoiréequiavaitsuivimaisc’étaitàpeuprèstout.Lesventesdesonalbum
s’étaienteffondréesaprèssesrévélationsmaisellecommençaitdoucementàreprendreledessus,et
tellequejelaconnaissais,ellefiniraitsûrementparrebondir.
Aumomentoùlatournéetouchaàsafin,j’étaisprêteàrentreràlamaison.J’étaisfatiguéeet
trèsenceinte,etj’avaisdéveloppéunenouvelleformederespectpourAnnaquiavaittenudansle
busjusqu’àlafindesagrossesse.C’étaitsympad’êtresurlaroutemaisc’étaitépuisantaussi.
J’avaishâtederetrouverAnna,etGriffinaussi.Ellenenousavaitpasaccompagnéscettefoiscar
Gibsonarrivaitàunstadeoùelleavaitbesoindedavantaged’attentionetdesurveillance(elle
mettaitabsolumenttoutetn’importequoidanssabouche).Annaavaitdoncdécidéderesteràla
maisonavecelleetj’étaisfièredevoirquemasœurfaisaitpasserlesbesoinsdesafilleenpremier.
Elles’étaitbeaucoupinquiétéemaisc’étaitunemèreformidableetj’espéraisquejeseraisaussi
douéequ’elle.
Quandj’entraidansmonneuvièmemoisdegrossesse,jen’enpouvaisplus.J’étaisénorme,
épuisée,j’avaislespiedsgonflésetledosencompote.Jen’arrivaisplusàtrouverdeposition
confortablepourdormiretmonappétitsexueln’étaitplusqu’unlointainsouvenir.Ilétaitvraiment
tempsquelebébésortedelà.
Kellanfaisaittoutcequ’ilpouvaitpourmeréconforter.Ilfaisaitunedemi-heuredevoiturepour
m’achetermaglacepréférée,ilmemassaitledostouslessoirsetilavaitmêmeessayédemefaire
unepédicuremaisj’avaistellementriquejem’étaisretrouvéeavecduvernisrougepleinlesorteils.
Maisj’avaisquandmêmetrouvéçaadorable.
Etpuisunjour,alorsquejem’étaisrésignéeàpasserlerestedemavieenceinte,jecommençai
àavoirdescontractions.Jememisimmédiatementànoterl’heureetladuréedechacuneetKellan
remarquaquej’écrivaisdansundesescarnets.
–Tufaisquoi?
Jefixaimamontreetcomptailessecondes.
–Jenotemescontractions,répondis-jeenfin.
–Tuquoi?demanda-t-ild’unaircomplètementpaniqué.Lebébéarrive?Est-cequ’ilfautque
jet’emmèneàl’hôpitaltoutdesuite?Jevaisdémarrerlavoitureetcherchertonsacet…Merde,le
siègebébé!
Ildisparutavantquej’aieeuletempsderépondreàuneseuledesesquestions.
–Kellan!Ilesttroptôt!
Mescontractionsn’étaientpastrèsfortesetvraimentespacées,etonavaitencoreletemps,mais
ilétaitcomplètementsurexcitéalorsjeneprispaslapeinedeleluiexpliqueretjemecontentaide
resterassisesurlecanapéenattendantlaprochainesecousse.Ilcouraitdanstouslessensen
attrapantdeschosesdont,selonlui,onallaitavoirbesoin,toutenparlanttoutseuldeschosesqu’il
étaitsûremententraind’oublier.
–Est-cequ’ilfautqu’onprennedescouches?Jevaisenchercher.C’estmieuxsionades
couches.
–Jepensequ’ilsdoiventenavoiràl’hôpital,tusais!
Ilneréponditpasetj’étaissûrequelecoffredelaChevelleallaitbientôtdéborderdecouches
enquantitésuffisantepourcouvrirlesfessesdelamoitiédesbébésdeSeattle.
Jetournailatêteversmamère,tranquillementassiseàcôtédemoi.ElleétaitarrivéeàSeattle
unpeuavantmontermepourêtresûredenepasrateruneautrenaissanceetmonpèredevaitla
rejoindreunefoisquej’auraisaccouché.
–Ilestdansunétat…
Elleritetmetapotalegenou.
–Ilssonttouscommeçapourlepremier.
Mêmesij’étaisencoreloind’êtresurlepointd’accoucher,jemeretrouvaidanslavoiturevingt
minutesplustard,directionl’hôpitalleplusproche.
–Ralentis,dis-jeàKellanenregardantlecompteur.Onatoutletemps.
–Tuessûre?Commenttulesais?Peut-êtrequetuasjustedescontractionsvraimentlégèreset
quetun’auraspasplusmalqueça.
Mamèrelaissaéchapperungloussementamusédepuislesiègearrière.Inutilededirequeçane
merassurapasdutout.Quelquesheuresplustard,j’auraisputuermonmari,mamèreetles
fabricantsdecettemauditepilulemaldosée.J’allaismourir,c’étaitsûr.Jen’avaisjamaiseuaussi
maldetoutemavie.Maisensuite,unange(oupeut-êtrequec’étaituneinfirmière?)medonnades
médicaments,etçaallabeaucoupmieux.
Restequec’étaitdouloureuxetterrifiant.Jen’avaispaspenséquedonnerlavieseraitdifficile
àcepoint.Étantdonnéqueçaarrivetoutletemps,jem’attendaisàquelquechosedebienplusfacile.
J’avaisdéjàvudesvidéosdebaleinesentraind’accoucheretj’étaissûrequ’ellesneserendaient
mêmepascomptedecequiétaitentraindeleurarriver.Mêmeavecunepéridurale,jem’enrendais
compte,vouspouvezmecroire.
Kellanmetenaitlamainetfaisaitdesonmieuxpourmesoutenir,mêmesijevoyaisbienqu’il
sesentaitcomplètementinutileetqu’ilauraitaimépouvoirm’aiderdavantage.Ilauraitsûrement
proposéd’accoucheràmaplaces’ilavaitpu.
–Tut’ensorstrèsbien,machérie,tuyespresque.
Ledocteurmeditdepousserencoreunefoisetjecrusquej’allaismemettreàpleurer.Je
voulaisjustequecesoitfini.Jedétestaisçaetjepréféreraismefairerenverserparunautrecamion
quededevoiraccoucherunedeuxièmefois.
–Tupeuxlefaire,meditmamèreenmeserrantlamain.
Sesmotsmedonnèrentducourageetjepoussaidetoutesmesforces.Lesoulagementinstantané
quejeressentismefitcomprendrequej’avaisréussiavantmêmequelebébénesemetteàpleureret
Kellanembrassamonfrontensueurenpleurant.
–Tuesgéniale,murmura-t-il.
Jefermailesyeuxetréussisàluisourire.
–Félicitations!s’exclamalasage-femme.C’estungarçon!
J’entendismamèresemettreàpleureretj’ouvrislesyeuxpourregarderKellan.Ungarçon?
Onavaitunpetitgarçon!LeregarddeKellanétaitrivésurlepetitpaquetdanslesbrasdelasage-
femme.
–J’aiunfils?
Unelarmeroulasursajoueettombasursonépauleetjesusquejem’étaistrompée:je
pourraisrefaireçadesmilliersdefoisrienquepourrevoircetteexpressionsursonvisage.Enfin,
peut-êtrepasdesmilliersmaisaumoinsdeuxoutroisfoisencore.
Lasage-femmehochalatêteens’approchantdemoiavecmonfils.Jemouraisd’enviedele
voiretdeletenirdansmesbrasmaisjesecouailatêteetregardaidansladirectiondeKellan.Elle
comprittoutdesuiteetluitenditlebébé.Ilavaittraversétellementd’épreuvesdanssaviequ’il
méritaitd’êtrelepremieràtenirnotreenfantdanssesbras.
Ilregardasonfilsenriantetenpleurantàlafois.
–Salut,petitbonhomme,murmura-t-il.Jesuistonpapaetjet’aimeplusquetout.Jesuis
tellementcontentquetusoislà.
QuandKellanmelemitdanslesbras,j’avaiscommencéàsangloterdepuislongtemps,déjà.
Quelquesmoisplustard,jepataugeaisaumilieud’unocéandeballonsrosesetblancs.Ilyen
avaitabsolumentpartoutdanslamaison,attachésàdeslampes,àlaramped’escalier,auxpoignées
deporteetauxdosdeschaises.Ilyenavaitpartoutauplafondetparterreettoutlemondes’éclatait
entapantdedans.Maniècedequinzemoisétaitassiseparterreetelleétaitauparadistandisqu’elle
essayaitd’attraperautantdeballonsquepossiblesousleregardattentifd’AnnaaucasoùGibson
prendraitlesballonspourdesbonbons.EllecontinuaitàtoutmettreàlaboucheetAnnam’avait
mêmeditqu’elleavaittrouvélaboîteoùellerangeaitsessex-toysetqu’àdeuxsecondesprès,sa
filleauraitdûpassersavieenpsychothérapie.Désormais,ilsconservaientdoncleurassortimentde
jouetspouradultestoutenhautdeleurarmoire,undétaildontjemeseraisbienpassée.
Ungâteauàtroisétagestrônaitaumilieudelatableenchênedemacuisine:ilétaitenformede
cœuretchaqueniveauétaitd’unrosedifférent.Mêmelanappeétaitrose.Etlesassiettes.Etles
couverts.Entreça,lescookiesetlesbonbonsenformedecœurmulticoloresquientouraientle
gâteau,c’étaitdigned’unefêted’anniversairepourCupidon.
Enréalité,onfêtaittoutuntasdechoses,commelemontraitl’immensebanderoleaccrochée
par-dessuslesportescoulissantesquidonnaientsurlaterrasse.Joyeuxpremieranniversairede
mariage,DennyetAbby!Félicitationspourtondeuxièmelivre,Kiera!Bravopourvotre
deuxièmealbumclassénuméro1,lesD-Bags!BonneSaint-Valentin!
Abbyadoraitorganiserdesfêtesetdesévénementsetelles’étaitoccupéedetout.Laseule
chosequin’apparaissaitpassurlabanderoleétaitlefaitquec’étaientlescinqmoisdenotrepetit
bonhommeaujourd’huimaisenmêmetemps,c’étaitsurtoutpourKellanetmoiquec’étaitimportant.
LaplupartdesgensnefaisaientpasunefêteparmoismaisavecKellan,onsautaitsurlamoindre
occasiondecélébrerl’existencedenotrefils.
Ilneigeaitunpeudehors,cequinenousempêchapasdefaireunbarbecue.Evanétaitdehors
avecungrosmanteauetunbonnet,entraindepréparerdesburgersetdeshot-dogs,etMattétaità
côtédelui.RachelétaitblottiecontreMattetavaitl’aird’êtregelée,ettandisquejeregardaisnos
amisrentrerdanslamaisonàl’abridufroid,jesentisuneprésenceàcôtédemoi.
Entournantlatête,jevisquec’étaitDenny.Ilétaitrasédeprèsetc’étaitlapremièrefois
depuislafacquejelevoyaissansunfiletdebarbe.Ilsouriaitd’unairquisemblaitdireToutvabien
dansmavieetjesuisheureux,etçamefitchaudaucœurdelevoircommeça.
–Tuneplaisantaispasquandtuparlaisdesonobsessionpourlesfêtesetlesvacances…dis-je
enmontrantlesdécorationsautourdenous.
–C’estça…VousdevriezveniràlamaisonpourlaSaint-Patrick,Abbycuisinetoujoursdes
supertrucs.Tuasdéjàmangédespatatesvertes?
Jerisetjememisàimaginermatablerosetransforméeenpaysdesmerveillesvertet
recouvertedenourritureverte,elleaussi.
–Félicitationspourvotreanniversairedemariage,dis-jeregardantl’allianceàsondoigt.
–Merci.J’aidesbonnesnouvellespourtoi,aufait.Commejet’avaisdit,j’aienvoyé
Irrésistibleàtouteslesmaisonsd’éditionquejeconnaissaisetl’uned’entreellesm’aappeléhier.
Ilsavaientl’airtrèsimpressionnéparlesuccèsquelelivreconnaîtdéjàetilsontadorél’histoire.
Ducoup,ilsaimeraientterencontrerpourdiscuterd’unepublication.
J’ouvrisgrandlesyeux.Unvraicontratavecunemaisond’édition,vraiment?Pourlemoment,
monlivreétaitdisponiblesurInternet,maislevoirenlibrairie,ceseraitcarrémentlerêve.
–Mercibeaucoup,Denny.J’adoreraislesrencontrer.
J’étaisencoreébahiequandAbbynousrejoignit.
–Tuluiasdit?luidemanda-t-elleenvoyantlatêtequejefaisais.
Ilhochalatêteetellesetournaversmoi.
–Félicitations,Kiera.Onestvraimentcontentspourtoi.Jevoulaischangerlabanderolemais
Dennym’aditquec’étaitencoretroptôt.
–Merci.J’aiencoredumalàlecroire.
–Tulemérites,toutcommeKellan.Etvotregâteauestvraimentmagnifique,tunetrouvespas?
–Absolument.Ilestpresqueencoreplusbeauquelapiècemontéedevotremariage.
Ellehaussalessourcilsetj’éclataiderire.Legâteaupourleurmariagesortaittoutdroitdu
cataloguedeMarthaStewartetilavaitseptniveaux,avecenplusunefontaineenchocolat.
Dennyritaussimaiss’arrêtanetenvoyantqu’Abbyfaisaitlamoue.
–Bonanniversaire,machérie.
Sonvisages’illuminaetquandellel’embrassa,jem’éloignaipourleslaisserseuls.Soudain,
j’entendisquelqu’unparlerdansunmicroderrièremoietjemeraidis.Quelqu’unavaitmisen
marchelachaînekaraoké.Jenesavaispastroppourquoij’avaislaisséKellanmeconvaincred’en
acheterune.Onnes’enétaitservisqu’unefoisunsoiroùonétaitquetouslesdeuxàlamaison,etça
avaitétéunecatastrophedem’entendreaumicro.Maisensuite,Kellanm’avaitremplacéeet,
finalement,jen’avaispasététropdéçuedemonachat.
Jeretournaidanslesalonenmefrayantuncheminparmilesballonsetcequejevismefitrire
etm’émutàlafois:GriffinsetenaitdevantlacheminéeencompagniedeKellan,quitenaitnotrefils
dansunporte-bébéventral.Direquec’étaitadorableétaituneuphémisme…
Lesautrespersonnesdanslapiècelesregardaientaveccuriosité.IlyavaitAnnaetGibsonmais
aussiHailey,lasœurdeKellan.ElleavaitdécidédeveniràSeattleaprèslafacetmêmesiçaavait
renduGavintristeaudébut,ilavaitfiniparvoirçacommeuneexcusesupplémentairepourvenir
nousrendrevisite.Lorsdesondernierséjour,luietRileyétaientallésaustudiooùKellanetles
garçonsrépétaientetRileyavaitfaitunedémonstrationàlaguitarequinelaissaitaucundoutequant
aufaitqu’iln’allaitpastarderàêtreaussidouéquesongrandfrère.Ildevenaitdeplusenplus
mignon,aussi,etildeviendraitunvraibourreaudescœurs.
Griffins’éclaircitlagorgeetpritlaparole.
–Mesdamesetmessieurs,mercid’êtreavecnouscesoirpourassisterauGandKShow!
Ils’humectaleslèvresetenvoyaunbaiseràl’assistance.
–C’estunplaisirdevousdivertir.
Jemecouvrislesyeuxd’unemainenlevoyantondulerdeshanchesetAnnaéclataderire.Elle
avaitGibsonsurlesgenoux,habilléed’unepetiteroberouge,decollantsblancsetdesbabiesles
plusadorablesdumonde.Sescheveuxblondsétaientcoiffésendeuxcouettesparfaitement
symétriquesetAnnam’avaitexpliquéqueGriffinavaitpasséunedemi-heureàlacoifferjusqu’àce
quesescouettessoientimpeccablementalignées.Gibsontapadanslesmainsenvoyantsonpèrefaire
lepitreettoutlemondesemitàrire.
–Tuveuxbienlancerlamusique?demandaKellanens’emparantdumicro.Qu’onenfinisse.
Griffinfronçalessourcilsmaisappuyasurleboutonlecture.Quandlespremièresnotesdela
chansondeDebbieGibson,LostinYourEyes,retentirent,KellanbaissalemicroetregardaGriffin
d’unairincrédule.
–Tuplaisantes?C’estçaquetuvoulaischanter?
MasœuréclataderireetGriffinmontrasafilledudoigt.
–C’estDebbieGibson,mec.C’estpourmafille.
Kellansoupiraenfermantlesyeux.
–Siondoitfaireunduo,onnepeutpaschanterElectricYouth,aumoins?
Griffinlevalesyeuxaucieletsetournaverslachaînepourchangerlachanson,etKellansemit
àrirederrièresondos.Puisilramenalemicrodevantsaboucheetunepetitemainattrapalecâble.
C’étaitcelledenotrefils,Ryder.C’étaitKellanquiavaitchoisilenom,parcequeçaressemblaitau
nomdesonpetitfrère.Demoncôté,j’adoraislecôtérock’n’rolldeceprénom.Ilfallaitaumoinsça
pourlefilsduchanteurd’undesgroupeslespluscélèbresdumonde.
KellansebalançaunpeusursespiedstandisqueRydertiraitsurlacordedumicroetilsourit.
Cesdeux-làétaientdéjàinséparables.Ryderm’adoraitaussi,çanefaisaitpasdedoute,maisc’était
vraimentlepetitgarçonàsonpapaetilluiressemblaitdéjàavecsescheveuxbrunsindomptableset
sesyeuxbleumarine.Jen’étaispeut-êtrepastrèsobjectivemaisjeletrouvaisabsolumentparfait:
sespetitesjoues,sonnez,sessourires,sespetitestachesderousseur,j’aimaisabsolumenttoutchez
lui.
Lesgarçonsdevaientpartirentournéepourledeuxièmealbumcetétéetj’avaisdécidédeles
accompagneravecRyder.Aupire,siçanesepassaitpasbien,onpourraittoujoursrentreràla
maisonettrouveruneautresolutionpourlestournéessuivantes.Maisonétaitplutôtfacilesàvivre
avecKellanetRyderétaitunange,alorsiln’yavaitpasderaisonqueçanefonctionnepas.Notre
plusgrandeinquiétudeavecKellanétaitdenepasexposerRyderaupublic,etc’étaitpourcette
raisonqu’onétaitpassésd’unàdeuxgardesducorpsetqu’onavaitengagéunenourrice.Jetrouvais
qu’onn’enavaitpasvraimentbesoincarjemedébrouillaistrèsbientouteseulemaisKellanétaitsûr
qu’unpeud’aideseraitlabienvenue.
–Etpuisavecunenounou,onpourraitavoirunpeudetempsrienqu’ànous,avait-ilajouté.
Çaavaitachevédemeconvaincre.
AumomentoùElectricYouthcommençaitàrésonnerdanslapièce,Jennyarriva,passasesbras
autourdemoietjeregardailabaguequiscintillaitàsondoigt.IlsavaientprisleurtempsavecEvan
maisilavaitenfinfiniparlademanderenmariagelasemained’avant.IlnerestaitdoncqueMattet
Rachel.Desbruitscouraientcommequoiildevaitlademanderenmariageavantleurdéparten
tournée,etapparemment,ilétaitmortdetrouille.Iln’auraitpasdû:j’étaiscertainequeRachelallait
direoui.
–Superfête,Kiera.
–Merci,maisc’estàAbbyqu’ilfautdireça,répondis-jeenriant.C’estellequiatoutfait.
JeregardaidansladirectiondeKellan:ilvenaitdesemettreàchanteravecGriffinmaisilriait
tellementqueçanedonnaitpasgrand-chose,etJennygloussa.
–C’estparcequeKellanaperdulepari?
–Quelpari?demandai-je,lessourcilsfroncés.
–Tusais,Griffinapariéqu’ilpourraitremettreAnnaenceinteavantqueKellanteremette
enceinte.JenepensepasqueKellanaitprisçaausérieuxmaistuconnaisGriffin…Iladoregagner,
mêmequandiljouetoutseul.
J’ouvrisdesyeuxrondscommedesbilles.Annaétaitenceinte?Parleplusgranddeshasards,
Annaregardadansmadirectionàcemoment-làetenvoyantmatêteetJennyassiseàcôtédemoi,
ellecompritquej’étaisaucourant.Unsourireseformasurseslèvresetellehaussasimplementles
épaules.J’étaistellementsouslechocquejepouvaisàpeineparler.
–Ilsveulentfaireexploserletauxdenatalitédupays?
–Ondiraitbien,ditJennyensouriant.
Arrivéaudeuxièmecouplet,Kellanparvintàreprendresonsérieuxet,àlafindelachanson,
toutlemondeavaitleslarmesauxyeux,quecesoitCheyenne,Meadow,lerestedesPoeticBliss,
Justin,Kate,Troy,RitaouencoreSam.
KellanetGriffinnoussaluèrentpuisKellantenditlemicroàRainquisautaducanapé,aussi
impatientequeGriffindesedonnerenspectacle.Ilsdurentretirerlecâbledumicrodelamainde
Ryderquisemitàpleurer,maisKellanparvintàledistraireenluidonnantunhochetenformede
guitarequ’ilavaitdanssapoche.Puisilsedirigeaversmoietmetenditnotrefils,etjesentisune
ondededouceuretdechaleurenleserrantcontremoi.Ilavaitmêmehéritédel’odeurdesonpère.
Quelquesheuresplustard,lafêteétaitterminéeetj’erraisdanslamaisonjonchéedegobeletset
demorceauxdegâteaupasfinis.Mêmesic’étaitlebazarpartout,cettemaisonétaitcommeun
sanctuaireetjeressentaisunsentimentdepaixincroyable.Levoyageavaitétécompliquémaisçaen
avaitvalulapeine,cartouteslesdifficultésetlesépreuvesnousavaientamenéslàoùonétait
aujourd’huiavecKellanetj’étaiscertainequ’onétaitcapablesdetoutsurmonterensemble.
Jemefrayaiuncheminentrelesballonsquiavaientréussiàseretrouveràl’étage–pourle
ménage,jeverraisçaplustard–etjemedirigeaiverslasalledebain.Jepouvaisentendredes
bruitsd’eauetKellanentraindefredonnerElectricYouth.J’avançaijusqu’àlaporteouverteet
m’appuyaicontrel’encadrementpourregardermonmaridonnersonbainàmonfils.
Ryderétaitallongédansunepetitebaignoireenplastiquebleuàl’intérieurdelagrande
baignoireetiltiraitlalangueàchaquefoisqueKellanluiversaitdel’eausurlatêtecommepour
essayerdelaboire.
–Vat’allongersituveux,ditKellanenremarquantquej’étaislà.Jem’enoccupe.
Jesecouailatêteensouriant.
–J’aimebienvousregardertouslesdeux.
–Tuentendsça?Mamanaimeregarder.Ças’appelleduvoyeurisme.
Ilditçaendétachantbienchaquesyllabe,commesiRyderallaitrépéterlemotaprèslui,maisil
secontentadegazouilleretjem’approchaideKellanpourluimettreunpetitcoupdepiedauxfesses.
Crétin!PuisKellanluilavalescheveux,lerinçaetl’enveloppadansuneservietteenformede
canardjaunegéant.
Jenesavaispassic’étaitnormalmaisrienquelefaitdeleregarders’occuperdesonfilsme
donnaitenviedelui.J’auraispeut-êtremieuxfaitd’allerm’allongeretdel’attendreuniquementvêtue
demaculotteavecsesinitialesmaisjepréférailessuivredanslachambredeRyder.
Jennym’avaitaidéeàdécorerlapiècepourluidonnerl’atmosphèred’unescène.Undesmurs
étaitpeintennoiretornéderideauxrougesetonavaitinstalléleberceaudevantcemur-là,commesi
c’étaitlechanteurd’ungroupe.Mamèreenavaitfaittoutunplatquandjeluiavaisditqu’onavait
peintlachambredeRyderennoirmaisellenesavaitpasquec’étaitenhommageauPete’s,l’endroit
oùtoutavaitcommencé.Onavaitmêmedécidéqu’onaccrocheraitdesguitaresaumurquandRyder
seraitunpeuplusgrand.Detoutefaçon,touslesmagazinesspécialisésdisaientquelesbébés
adoraientlecontrasteentreleblancetlenoir,ettouslesautresmursétaientblancs,àl’exceptionde
laportéequeJennyavaitdessinéeaumilieudechacun.Lesnotesquiapparaissaientsurlesportées
étaientlesvraiesnotesd’unedeschansonsdugroupe,cellequeKellanavaitchantéelesoirdenos
retrouvailles,etj’avaislecœurquiseserraitchaquefoisquej’entraisdanslapièce.
Aumilieudeslivrespourenfantsetdesjouets,KellanplaçaRydersursatableàlangeretlui
mitunecoucheenuntempsrecord.C’étaitquelquechosequ’onavaitapprisdèsledébut:plusvous
mettiezdutempsàmettreunecoucheàunpetitgarçonetplusvousrisquiezdevousfairepisser
dessus.Kellans’étaitprisunjetenpleinefigureunefoisetj’avaistellementriquej’avaisfailli
m’étouffer.Puisillereposaetsemitàluisoufflersurleventre,cequidéclenchamonbruitpréféré:
leriredemonfils.
Aprèsluiavoirembrassélespieds,lesmainsetlesjoues,Kellanluimitenfinsonpyjamaetle
berçajusqu’àcequ’ilfermelesyeuxenchantonnant.Illefaisaitpresquetouslessoirs,etilluidisait
aussiqu’ill’aimait,commes’ilvoulaitêtresûrqueRydern’endoutejamaisuninstant.
Quandilcouchanotrefilsendormidanssonlit,j’avaisleslarmesauxyeuxetKellanmesourit.
–Àchaquefois,murmura-t-il.
–Dequoituparles?
Ilmepritlamainetm’entraînadanslecouloiravantderefermerdoucementlaportederrière
lui.
–Àchaquefoisquejelemetsaulit,tupleures.Commentçasefait?
Parcequejet’aimetellementqueçadevraitêtreinterditd’aimerquelqu’uncommeça.
–C’estparcequejevoisàquelpointtul’aimes.
UnelarmeroulasurmajoueetKellanpritmesmainsdanslessiennesavantd’appuyersonfront
contrelemien.
–Toiaussi,jet’aime,tusais.
–Jesais.Tumeleprouvestouslesjours.
Jereculaietindiquainotrechambre.
–Çatediraitdemeleprouverencore,làmaintenant?
Lesourirequinaquitsurseslèvresétaitsidiaboliquementsexyqu’ilsuffitàfairemonterle
désirenmoi.
–Jepeuxmêmeteleprouverencore,encoreetencore.
Ilsemorditlalèvreetmeregardadehautenbas.J’avaisdéjàl’impressiond’êtrenueetjeme
sentissexy,aiméeetdésirée.
Jepressaimoncorpscontrelesienetenroulaimesbrasautourdesoncou,puisjememissurla
pointedespiedsjusqu’àcequemeslèvreseffleurentlessiennes.
–Emmène-moidansnotrechambreetfais-moil’amourtoutdoucement…s’ilteplaît.
Iln’yavaitaucunetracedegênedansmavoix.Àprésent,jesavaisquejepouvaistoutlui
demander,toutluidireettoutêtreaveclui.Ilmecoupalesouffleenmeplaquantcontrelemuretil
plaçasesmainssousmesfessespourmesoulever.Jemismesjambesautourdesatailleetseslèvres
avidesetpassionnéesvinrenttrouverlesmiennes.Quandilarrêtadem’embrasser,onavaittousles
deuxlesoufflecourtetonmouraitd’enviedesentirlecorpsdel’autre.
–J’adorequandtumesupplies,murmura-t-ilavantdemeporterjusqu’ànotrechambre.
Unefoisàl’intérieur,ilmeposasurlelitetj’avaisl’impressionqu’unincendiemeravageait
tandisqu’ilmedéshabillait.Puisjeluiretiraisontee-shirtetl’embrassaitauniveaudesontatouage.
Àvoirledésirentrenous,onauraitpucroirequeçafaisaitdessemainesqu’onnes’étaitpas
touchés,alorsqu’enréalitéçanefaisaitquevingt-quatreheures.C’étaittoujourscommeçaentre
nous:électrique,toutletemps.
Sesdoigtsdéboutonnèrentrapidementmonjeanetilgémitquandjeglissaimamaindanslesien
pourlecaresser.Aumomentoùonseretrouvanustouslesdeux,j’avaisl’impressiond’êtredéjàsur
lepointd’explosermaiscefutàcemoment-làqueKellandéployasestalents.Aulieudefaireàtoute
vitessecedontonmouraitd’envietouslesdeux,ilprittoutsontempsetm’amenaencoreetencoreau
pointdenon-retoursansallerjusqu’aubout,medonnantsanscesseplusenviedelui.Commedans
notrecouple,j’envoulaistoujoursplus.Cen’étaitpastoujoursfacile,commedanstoutesles
relations,maisêtreavecluiétaitchaquejourunesourcedebonheuretenvoyantsaréaction
lorsqu’onjouitensemble,jesusqu’ilressentaitlamêmechose.Iln’étaitjamaisrassasiédemoi.Il
voudraittoujoursquejesoisàsescôtésetj’auraistoujourslapremièreplacedanssoncœur.Onétait
faitsl’unpourl’autre.C’étaitmonâmesœur.
Lapassion,l’amitié,l’amour,lafidélité…unefoisqu’onatrouvélabonnepersonne…c’est
vraimentpossibledetoutavoir.
Remerciements
Toutd’abord,j’aimeraisadresserungrandmerciàmesfans.Écrirecettetrilogiepourvousa
étéunesourcedejoieinimaginableetilnesepassepasunjoursansquejem’émerveilledevant
l’amourquevousportezauxpersonnages.Ilssontcommemesenfantsetsavoirqu’ilscomptentautant
pourvousmeréchauffelecœur.Mercipourvotredévouementsansfaille!
Jesouhaiteégalementremerciermesquatreamiesdetoujours,Rena,Lesa,TonietAmy:vous
êtesunebénédictionetjenepeuxpasimaginermaviesansvous.Àmafamille,etaucasoùjene
vouslediraispasassezsouvent:jevousaimedetoutmoncœur!ÀWayne,Robin,TysonetDean,
mercipourvotresoutiensansfaille,vosencouragementsetvotrepatienceenversmoietmonemploi
dutempsdedingue!
ÀNickyCharles,monmentor:mercidem’avoirguidéelelongdececheminseméd’embûches
qu’estl’autopublication!Tuastoujoursétélàpourm’écouteretjet’ensuisàjamaisreconnaissante.
ÀK.A.Linde,quisaitfairemillechosesàlafois:tuasétéd’unsoutienextraordinaireetje
suishonoréed’avoirentrepriscevoyageàtescôtés.J’aihâtedetevoirdécoller,cartulemérites!
Jesuisfièredetoi!
ÀJenny:jenesaismêmepasparoùcommencer.Mercid’avoirétémabouéedesauvetage,
mercid’avoirétémasupportriceattitrée,etsurtout,mercid’êtremonamie!Sanstoi,jepensequeje
seraissûremententraindepleurnicherdansuncoin.Jet’adore!
ÀBecky,Monica,Lori,GitteetSam,mercipourvosconseilsavisés,mesromanssontmeilleurs
grâceàvous!Mercipourm’avoiraccordévotretempssanscompter.Ungrandmerciégalementà
Lysa,dePegasusDesigns,pourmonsiteInternet,àSarah,d’OkayCreations,pourmaboutiqueD-
Bagenligne,etàFrancinepourseslogosextraordinaires!Mercid’avoirbienvoulumelaisserles
utiliser!
MerciàJamieMcGuire,ColleenHoover,TammaraWebber,TinaReber,TraceyGarvis-
Graves,JessicaPark,AbbiGlines,JennSterling,RebeccaDonovan,TarrynFisheretàtousles
autresauteursquim’ontsoutenueetencouragéeetquiontréponduàmesinnombrablesquestions.
C’étaitunvéritablehonneurd’êtreàvotrecontact.
JetienségalementàremercierKristynKeene,d’ICM,d’êtreunagentaussiformidableainsi
qu’unefaninconditionnelleetKateDresser,deGalleryBooks,pouravoircruenmoietm’avoir
donnémachance.
Etenfin,ungrandmerciàtouslescritiquesetlesblogueursquiontcriéleurpassionpources
histoires!TotallyBooked,Maryse’sBookBlog,TheIndieBookshelf,Lisa’sReads,ToughCritic
BookReviews,BookSnobs,MySecretRomance,Lori’sBookBlog,NovelMagic,FlirtyandDirty
BookBlog,LiteratiLiteratureLovers,TheSubclubBookClub,TheAutumnReviewetbien
d’autres:c’estvousquiavezfaitdecettetrilogiecequ’elleestetjeneseraispaslàsansvous!
Romansparusetàparaître
danslacollectionHugoNewRomance:
Dumêmeauteur,S.C.Stephens:
Indécisetome1[Thoughtless]
Insatiabletome2[Effortless]
Intrépidetome3[Recktless]
DeChristinaLauren:
BeautifulBastard
BeautifulStranger
BeautifulBitch
BeautifulSexBomb
BeautifulPlayer
BeautifulBeginning
DeLexiRyan:
UnbreakMetome1
UnbreakMetome2,WishIMay
Unbreakmetome3,Rêvesvolés
DeEmmaChase:
LoveGametome1[Tangled]
LoveGametome2[Twisted]:novembre2014
LoveGametome3[Tamed]:janvier2015
DeKatyEvans:
Fightforlove,tome1REAL:octobre2014
Fightforlove,tome2MINE:janvier2015
Fightforlove,tome3REMY:mars2015
Retrouveztoutel’actualitédelasérie[Thoughtless],del’auteurS.C.Stephensetdes
autrestitresdelacollectionNewRomance,surnotrepageFacebook,
HugoNewRomance.
www.hugoetcie.fr
Retrouvezl’universIKKS:www.ikks.com
DocumentOutlineTitreCopyrightDédicaceSommaire1-Extasetemporaire2-Tomberamoureux3-Honnêteté4-Aurevoir,pourlemoment5-Unvraiaurevoir6-Soiréefilles7-Tuvasmemanquer,Seattle8-Uneproposition9-Touchesfinales10-Lebuzz11-Lamachineestlancée12-L’amourenvidéo13-Projets14-Sedonnerenspectacle15-Sansrancune16-Spectacle17-Lapreuve18-Delacompagnie19-Ledéni20-Assez21-C’estl’heuredefairelafête22-Unservice23-Maldedos24-Beautéetcruauté25-Seulscontretous26-Cracherlemorceau27-Impensablecauchemar28-Jeleveux29-Uncoupdemain30-Lesuccès31-ÉpilogueRemerciementsRomansparusetàparaîtredanslacollectionHugoNewRomance