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1 Introductions d’espèces végétales : Une cause certaine d’appauvrissement de la biodiversité juste après la destruction de l’habitat Jiofack, T Ecologic Museum of Cameroon Po Box 8038 Tel (237) 99 32 41 85 Email: [email protected] Résumé L’invasion des plantes est devenue de nos jours un phénomène mondial et touche dès lors la sensibilité des décideurs, ONG, instituts de recherches, organismes internationaux, etc. Le constat est clair et laisse entrevoir que nombre d’espèces exotiques introduites à des fins de recherche scientifique, alimentaire, médicinale, horticole, agronomique et agricole, peuvent devenir pour la plupart envahissantes car elles possèdent des qualités génétiques performantes, successible de venir à bout d’une compétition interspécifique et coloniser leur habitat de destination. L’auteur fait ici un examen de quelques plantes introduites au Cameroun, notamment Chromolaena odorata, Tithonia diversifolia, Eichhornia crassipes et Pistia stratiotes qui sont devenus invasifs et colonisent tous les écosystèmes. Une fougère, Pteridium aquilinum est aussi devenue adventice de culture bien que consommée dans les régions forestières du pays. Toutes ces espèces constituent une sorte de « peste végétale » qui, contribue favorablement à la diminution de la diversité végétale. Toutefois, ce "paradigme" ne repose pas sur une appréciation objective des qualités et défauts de ces plantes, mais bien plutôt sur un réflexe de peur devant les capacités d'invasion très impressionnantes de ces dernières. Le thème suscite beaucoup de discussion quand certains chercheurs pensent que tout en appauvrissant la biodiversité, contribue à la régénération de la forêt dans les zones de contact salvanicole. Introduction L’introduction des espèces n'est pas un phénomène unique en une région, mais bien mondial. De nombreuses plantes ont été introduites depuis les temps anciens jusqu’à nos jours dans de nombreuses régions du globe. Elles proviennent pour la plupart d’Europe, d’Asie, d’Amérique, d’Afrique, voire des cinq continents du monde. Au Cameroun, le phénomène n’est pas nouveau, mais la forte médiatisation laisse penser à une peste végétale qui est à la merci de nos espaces verts et cultivés. Les effets très longtemps restés dans l’ombre se font déjà ressentir au niveau des écosystèmes, où on observe une perte graduelle de la biodiversité végétale et une prolifération anarchique de nombreuses espèces végétales introduites.

Introductions d'espèces et perte de la biodiversité

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De nos jours, les espèces introduites pour plusieurs raisons et par des moyens multiples constituent une ''peste végétale'' pour leurs homologues indigènes. Leur vitesse de prolifération est à l'origine de nombreuses nuisances qu'elles engendrent et qui sont de plusieurs ordres. Les quelques cas cités ici ne sont pas uniques, mais recensent celles qui pour l'instant montrent leur caractère envahisseur, et par ce phénomène, suppriment ou inhibent tout simplement les espèces moins prolifiques.

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Introductions d’espèces végétales : Une cause certa ine d’appauvrissement de la biodiversité juste après la destruction de

l’habitat Jiofack, T Ecologic Museum of Cameroon Po Box 8038 Tel (237) 99 32 41 85 Email: [email protected]

Résumé L’invasion des plantes est devenue de nos jours un phénomène mondial et touche dès lors la sensibilité des décideurs, ONG, instituts de recherches, organismes internationaux, etc. Le constat est clair et laisse entrevoir que nombre d’espèces exotiques introduites à des fins de recherche scientifique, alimentaire, médicinale, horticole, agronomique et agricole, peuvent devenir pour la plupart envahissantes car elles possèdent des qualités génétiques performantes, successible de venir à bout d’une compétition interspécifique et coloniser leur habitat de destination. L’auteur fait ici un examen de quelques plantes introduites au Cameroun, notamment Chromolaena odorata, Tithonia diversifolia, Eichhornia crassipes et Pistia stratiotes qui sont devenus invasifs et colonisent tous les écosystèmes. Une fougère, Pteridium aquilinum est aussi devenue adventice de culture bien que consommée dans les régions forestières du pays. Toutes ces espèces constituent une sorte de « peste végétale » qui, contribue favorablement à la diminution de la diversité végétale. Toutefois, ce "paradigme" ne repose pas sur une appréciation objective des qualités et défauts de ces plantes, mais bien plutôt sur un réflexe de peur devant les capacités d'invasion très impressionnantes de ces dernières. Le thème suscite beaucoup de discussion quand certains chercheurs pensent que tout en appauvrissant la biodiversité, contribue à la régénération de la forêt dans les zones de contact salvanicole. Introduction L’introduction des espèces n'est pas un phénomène unique en une région, mais bien mondial. De nombreuses plantes ont été introduites depuis les temps anciens jusqu’à nos jours dans de nombreuses régions du globe. Elles proviennent pour la plupart d’Europe, d’Asie, d’Amérique, d’Afrique, voire des cinq continents du monde. Au Cameroun, le

phénomène n’est pas nouveau, mais la forte médiatisation laisse penser à une peste végétale qui est à la merci de nos espaces verts et cultivés. Les effets très longtemps restés dans l’ombre se font déjà ressentir au niveau des écosystèmes, où on observe une perte graduelle de la biodiversité végétale et une prolifération anarchique de nombreuses espèces végétales introduites.

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Le risque majeur est une propagation rapide et importante, incontrôlable, qui risque de perturber plus ou moins les équilibres naturels au sein des communautés végétales, voire d'entraîner à plus ou moins long terme, la régression ou la disparition d'espèces spontanées moins compétitives pouvant avoir une grande valeur patrimoniale (Sud-ouest nature, 2003). Certains espaces comme les milieux salvanicoles, forestiers et agroforestiers sont plus sujets aux invasions, avec souvent des conséquences écologiques irréversibles. L’impact des espèces exotiques sur les espèces indigènes est souvent catastrophique. Suite aux activités agricoles et les migrations des Hommes, de nombreuses espèces opportunistes circulent et s'introduisent dans les cultures. Le fléau de l’invasion des plantes ne serait donc pas directement lié à l’introduction elle-même, mais au caractère prolifique de certaines espèces, car certaines plantes sont dotées d’une capacité d’expression dans un milieu autre que les leurs, suite à une série manifeste d’interaction entre le végétal et son environnement. Toutefois, notons aussi que la présence d’un facteur limitant dans un milieu peut favoriser l’installation d’une espèce nouvellement introduite. Celles-ci dotées de capacités à coloniser très rapidement le nouveau milieu, deviennent maîtresses de ces lieux, bien que nos récentes études

montrent que le pourcentage d’invasion d’espèces introduites n’est pas très élevé. Sur un total de 100 plantes exotiques introduites, moins de 5 deviennent invasives. Ce faible pourcentage reste significatif puisque l’ampleur de l’invasion s’évalue en terme de superficie occupée par une espèce et non en fonction du nombre de plantes devenues invasives. Les biocénoses sont en perpétuelle évolution mais ces changements rapides émanent directement des activités anthropiques. L'homme, en mettant en contact des espèces biogéologiquement éloignées, joue à l'apprenti sorcier et met en péril de nombreuses espèces, voire même son environnement et la vie des êtres vivants (Sud-ouest nature, 2003). Il n'est pas question de faire du catastrophisme mais il faut prendre conscience de l'impact écologique de ces actes et en limiter les effets, ainsi on contribue favorablement à l’existence de l’humanité et à la préservation de la diversité biologique.

Chromolaena odorata, (L) R. M. King & Robinson:

Peste ou espoir pour la

biodiversité ? Cette plante bien connue de tous, se rencontre dans de nombreux écosystèmes humides. Si cette espèce est tout à fait à sa place dans les écosystèmes d’Amérique centrale et d’Asie, son introduction

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en Afrique tropicale est source de gros problèmes écologiques.

Originaire d'Amérique centrale, Chromolaena odorata aurait été introduite dans les années 1920 comme plante de couverture dans le Sud-Est Asiatique, d'où l'un de ses noms communs « d'herbe du Laos ». Elle s'est rapidement répandue et y est devenue une composante à part entière des végétations anthropisées. Il semble qu'elle ait été introduite en Afrique tropicale, et plus précisément au Nigeria, dans les années 1940. Après une phase d'extension lente jusque vers les années 1970, elle s'est répandue depuis comme un feu de brousse dans toute l'Afrique occidentale et centrale (de Foresta, 1988).

"Sekou Touré "en Côte d'Ivoire, "Acheampong" au Ghana, "Bokassa", mais aussi "JaBinDe" (l'envahissante) en Centrafrique, "Lantana N'Gouabi", mais aussi "Matapa M'Bala" (l'envahisseur) au

Congo, "Mighbe" (celle qui écrase tout) au Cameroun: ce sont là quelques-uns des noms locaux donnés à C. odorata en Afrique, noms qui traduisent à la fois l'époque de l'invasion de cette plante et le caractère massif et inexorable de cette invasion. La plante, connue maintenant de tous les paysans en Afrique centrale et occidentale, pose à tous, paysans, chercheurs, agronomes, décideurs, un défi entièrement nouveau et d'une importance cruciale pour le développement des zones rurales. Il est souhaitable pour les décideurs et scientifiques d’apprendre à gérer cette plante de façon à en maximiser les effets bénéfiques et à en minimiser les effets néfastes.

PORTRAIT BOTANIQUE DE LA PLANTE

Le nom scientifique de l’Eupatoire est Chromolaena odorata. Elle fait partie de la famille des Asteracées. Elle constitue une adventice pluviale, dicotylédone des cultures et des plantations. Les autres espèces de cette famille sont à la fois beaucoup plus discrètes et bien moins fréquentes. L’Eupatoire est une espèce arbustive élégante, pouvant atteindre jusqu’à 3 à 4 m de hauteur, à croissance rapide et se propageant par les semences ou par les pousses basilaires. La tige est cylindrique, robuste, plutôt dressée, dichotome et modérément

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pubescente. Les feuilles sont opposées, ovales à triangulaires. Les jeunes feuilles sont souvent pourpres mais à maturité, les limbes sont verdâtres, de 12 cm de long et 5 cm de large avec un apex pointu. Les marges du limbe sont subentières ou dentées. Les feuilles glabres et pubescentes portent généralement des points glanduleux dont émane une odeur forte. L’inflorescence est un corymbe terminal composé, parfois situé à l’aisselle des feuilles supérieures. Les fleurs sont bleu pâle, mauves ou blanchâtres avec des fleurons disposés en grappes pédonculées.

Outre cette description de l’Eupatoire et son caractère invasif, on lui reconnaît quelques propriétés : elle a plusieurs rôles dans la dynamique des lisières: un rôle actif de plante pionnière éradiquant les graminées et un rôle passif de protection des lisières vis à vis des feux de brousse. Mais elle a également un rôle actif de favorisation de l'installation d'espèces de forêt sous son couvert

qui est révélé par les relevés botaniques effectués. Les espèces végétales dont l’installation bénéficie de la présence de cette plante sont entre autres Albizia zygia, Albizia adianthifolia,

Voacanga africana, Psychotria sp, Cephaëlis peduncularis, Funtumia

elastica, Lasianthera africana (Achoundong et al., 1988). Cette plante asiatique de couverture est probablement introduite en Afrique tropicale pour contrôler et supplanter une graminée Imperata

cylindrica qui pose beaucoup de problèmes aux agriculteurs. D’autres effets positifs lui sont reconnus, notamment la production de biogaz ou la production de fibres (Gautier 1992), la restitution au sol d’une énorme quantité de matière organique, qui améliore sa structure, Il garde le sol humide et frais pendant la saison sèche, tout en bloquant le lessivage des éléments minéraux et l’érosion. Les sols sous jachère à C. odorata

montrent, par rapport aux sols sous forêt primaire ou secondaire, une augmentation du pH de 1, 5 à 2 points, liée essentiellement à un enrichissement en calcium (de Foresta et Schwartz 1991). L'utilisation de C. odorata comme engrais vert sur des sols peu fertiles a montré un accroissement substantiel du rendement des cultures, notamment pour le riz irrigué et le manioc. L’espèce posséderait aussi des effets nématicides, notamment dans la culture du poivre et de la tomate.

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Sur la base d'exemples antérieurs à l'invasion de C. odorata, on a de bonnes raisons de penser que l'on assisterait à l'implantation dans les friches d'autres espèces envahissantes telles que les fougères Pteridium aquilinum et Dicranopteris sp., ou encore Imperata cylindrica, toutes espèces provoquant le blocage des successions et dont les effets sur les sols et sur la remise en culture peuvent être qualifiés de désastreux. Sur ces notes, ne peut-on pas affirmer que le caractère invasif de C. odorata contribue favorablement à l’enrichissement de la biodiversité végétale ?

Tithonia diversifolia (Hemls.) A. Gray

Tithonia diversifolia est également considérée comme adventice vivace de culture et de terrains vagues. Elle est buissonnante et très

ramifiée, pouvant atteindre 3 à 6 m de haut et se propageant par des semences ou par des recrûs à la base des tiges lorsque la plante est coupée. Les feux de brousses et de culture favorisent aussi les rejets des souches de cette plante la rendant ainsi vivace. On la retrouve aussi dans les bordures de routes et les champs cultivées où elle se reconnaît par sa tige triangulaire, striée en spirale, ses feuilles simples, alternes et ovales, possédant 3 à 5 lobes de 5 à 15 cm de long et 3,5 à 6 cm de large. Ces feuilles sont vert foncé, rugueuse au toucher sur la face supérieure et pubescente en dessous. L’inflorescence est un capitule solitaire sur un pédoncule de 7 à 15 cm de long avec des fleurons jaunes orangé de 5 à 10 cm de diamètre. Le fruit est un akène comprimé et barbu d’environ 6 mm de long. (Okezie et Agyakwa, 1989). Comme toute les autres adventice de culture, T. diversifolia est reconnue pour ses propriétés fertilisantes de jachère et la conservation des sols.

Jiofack, 2007

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Introduite pour la première fois en Afrique tropicale vers les années 1930, cette astéracée venue d’Amérique tropicale, et communément appelée « fleur jalousie » au Cameroun, a été introduite comme plante ornementale dans l’horticulture par les colons. Ses larges capitules jaune orangés modifient considérablement le paysage du milieu où elle se trouve en lui offrant une beauté et une douceur légendaire. Ces fleurs très butinées par les abeilles ont fait de la plante une très appréciée des apiculteurs. Au Cameroun, on rencontre des jachères de « fleur jalousie » qui sont expérimentées à large échelle dans le domaine apicole. Leur présence dans les plantations occasionne des compétitions interspécifiques, notamment avec des graminées pérennes, mais leur action contribue à la fertilisation et protection des sols. On remarque aussi la présence de haie à Tithonia diversifolia notamment à l’ouest du Cameroun, où elle joue le rôle de pare-feu, pare-bruit, pare-poussière et constitue une sorte d’enclos pour protéger les bétails. La dissémination de cette espèce se fait par le vent, les mouvements d’air occasionnés par le passage des voitures. Sa pollinisation est assurée par les insectes, les papillons et quelques oiseaux qui butinent les fleurs. L’importance de cette plante dans l’agronomie est probable grâce au rôle qu’elle joue dans la

reconstitution des sols, le maintient des éléments minéraux, l’allègement de l’érosion. Mais elle contribue aussi à la sauvegarde de la biodiversité des herbacées annuelles tout en appauvrissant le potentiel ligneux dans son biotope.

Eichhornia crassipes (Mart.) Solms-Laub.

Communément appelée « Jacinthe d’eau », cette adventice aquatique ou de bas-fond appartient à la famille des Pontederiacée. C’est une herbe aquatique glabre de 30 à 100 cm de haut, se propageant par des semences et les stolons et dont la tige immergée s’enracine dans le substrat. On y observe deux types de feuilles : celles immergées, linéaires et sessiles d’environ 3 à 6 cm de long, et celles émergées, largement ovales à orbiculaires de 1,5 à 2,5 cm de long et de large. Ces feuilles portent de nombreuses nervures ellipsoïdales sur la face

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inférieure. L’inflorescence est un épi terminal avec des fleurs bleu clair ou violet éclatant. Ces fleurs portent une marque jaune sur la partie supérieure du pétale (Okezie et Agyakwa, 1989). La jacinthe d’eau est originaire du Venezuela, où elle vit en équilibre sur des plans d’eau de cette région avec un charançon qui s’en nourrit. Mais la jacinthe a aussi quitté son aire d’origine pour se répandre sur les lacs, canaux et rivières du monde intertropical où sa capacité d’envahissement est tout simplement prodigieuse ; une propagation qui se fait exclusivement par voie végétative à partir de fragments car, paradoxalement, les fleurs sont stériles. Cette plante pose les pires problèmes aux pêcheurs et au tourisme fluvial, car il faut sans cesse dégager les surfaces aquatiques de son envahissante présence. Bien que émergées, les feuilles de la plante encombrent la

surface des lits d’eau occasionnant une forte compétition pour la lumière et une dynamique de recolonisation des autres espèces planctoniques.

Pistia stratiotes (Linn.) Communément appelée « herbe à la chance ou laitue d’eau », cette herbacée fait partie des adventices aquatiques de la famille des Aracées. Son origine n’est pas connue avec exactitude. Elle possède des feuilles épaisses et succulentes, de nombreux stolons immergés et de longues racines blanches, fibreuses et non ramifiées pouvant quelques fois s’accrocher au fond dans une eau peu profonde. Sa propagation est surtout végétative par des bourgeons et des stolons. La plante produit rarement des semences. Les feuilles oblongues et spatulées sont disposées en rosette autour d’un cour axe central, boursouflées et couvertes de poils doux sur les deux axes. La face inférieure porte des nervures bien visibles. Les

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fleurs sont peu apparentes, à l’intérieur d’une spathe à l’aisselle des feuilles au centre de la rosette ; les fleurs femelle et mâle sont séparées, mais existent dans la même inflorescence. La plante se retrouve dans des eaux stagnantes, les étangs et les mares ou dans les ruisseaux et les rivières à faible courant (Okezie et Agyakwa, 1989). Tout comme l’espèce précédente, les problématiques principales liées à la présence de ces deux espèces sont, d'une part leur concurrence avec la flore autochtone qui induit à plus ou moins long terme la diminution, voire la disparition, de la diversité floristique aquatique, et d'autre part, dans les zones fortement colonisées, l'effet limitant de l'activité photosynthétique (barrière à la lumière) qui participe notablement à l'asphyxie du milieu, aggravant ainsi l'eutrophisation.

Pteridium aquilinum (Linn.) Kuhn. Communément appelée « fougère à l’aile », cette adventice terrestre de la famille des dennstaedtiacées est envahissante dans les champs cultivés en zone forestière, les terrains occultes et vagues, les bordures de routes, les jachères, les bordures de cours d’eau, les terrains en pente, généralement sur sol latéritique. Son origine n’est pas très connue. Elle atteint entre 1 et 3 m de hauteur, produisant de longs rhizomes souterrains et capables de se reproduire à partir de rhizomes ou par des spores. La tige est relativement épaisse, cylindrique et pubescente. La fronde atteint 45 cm de long ; elle est composée, de forme triangulaire et divisée en lobes tripennés ou quadripennés. Chaque feuille a environ 12 cm de long et porte 21 paires de folioles toutes fertiles. Les sores sont linéaires et se forment aux marges des folioles, les spores sont radialement symétriques (Okezie et Agyakwa, 1989).

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Cette adventice dans les zones forestières du Cameroun figure parmi les produits forestiers non ligneux, car les jeunes pousses ou jeunes bourgeons centraux sont consommés par les populations locales sous formes de légumes. Les peuples mpiemo de la République Centrafricaine (RCA) et les pygmées de cette région utilisent cette plante comme un aliment de base, les jeunes pousses sont divisés en morceaux et préparés avec la pâte de sésame, de courge et d’arachide (Thornell et al., 2005). La plante qui fait partie de la phytodiversité des jachères est devenue envahissante et occupe de grande superficie dans la région. Le mode de dissémination par les spores renforce son caractère ubiquiste et invasif quand on sait que ces éléments de propagation sont capables de résister pendant longtemps à des conditions de vie défavorables et prolongées de son environnement. Toutefois, malgré les progrès faits

par les populations dans la consommation de cette fougère, il n’en demeure pas moins qu’elle constitue un facteur défavorable à l’expression et à la prolifération des autres espèces végétales se trouvant dans son biotope. Conclusion Le développement du tourisme à longue distance et la mondialisation modifient radicalement les modalités de l’évolution et, en particulier la diffusion et la propagation naturelles des espèces. Les hommes, par leur mobilité, sont désormais un facteur de déséquilibre pour de nombreux écosystèmes, soit directement par leur action sur la nature, soit indirectement en introduisant des espèces extérieures dont la prolifération peut s’avérer mortelle pour des espèces endémiques peu aptes à faire face à de telles agressions compétitives. La présence d’une espèce exotique dans un milieu modifie considérablement la diversité biologique existante, tout en favorisant soit l’expression des herbacées annuelles et des ligneux plus prolifiques, soit en occasionnant une hécatombe des moins compétitifs. Toutefois, sans aller jusqu’à l’éradication complète des vagabondes, telle qu’actuellement pratiquée en Afrique du Sud, il nous appartient de gérer au mieux les équilibres instables que nous générons en limitant autant que faire se peut la

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prolifération intempestive des espèces invasives. Références

Achoundong, G. 1988. Dynamique des contacts forêts-savanes. Zone de Ngoro-Nguila et Mbitom. Rapport de prospection botanique. MESIRES-Herbier National, Yaoundé. 5 p. Achoundong, G. ; Bonvallot, J. et Happi, Y. 1998. Le Contact Forêt-Savane Dans L'est du Cameroun et Chromolaena odorata: Considérations préliminaires. de Foresta, H. 1988. Chromolaena odorata: calamité ou Chance pour l'Afrique Tropicale? BIOTROP, Indonésie.

de Foresta, H. & D. Schwartz. 1991. Chromolaena odorata and disturbance of natural succession after shifting cultivation: An example from Mayombe, Congo, Central Africa. In R. Muniappan & P. Ferrar (Eds.), Ecology and Management of Chromolaena odorata. BIOTROP Spec. Publ. 44: 23-41.

Gautier, L. 1992. Contact forêt-savane en Côte d'Ivoire Centrale: rôle de Chromolaena odarata (L.) R. King & H. Robinson dans la dynamique de la végétation. PhD, Université de Genève.

Okezie, A. J. et Agyakwa, C. W. 1989. Guide des adventices d’Afrique de l’Ouest. IITA Ibadan, 522 p. Sud –ouest nature, 2003. Revue trimestrielle de la SEPANSO. N° 120-121. 56 p. Thornell, C. ; Bessamia, R et Metekouli, Z. 2005. Des plantes à l’état sauvage chez le peuple mpiemo : leurs noms et leurs usages. Göteborg University, Suède. 51 - 52