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Centers for Disease Control, Atlanta, USA [extraits] (Traduction et adaptation sous la direction de Robert Freund) Introduction à l'épidémiologie

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Centers for Disease Control, Atlanta, USA [extraits] (Traduction et adaptation sous

la direction de Robert Freund)

Introduction à l'épidémiologie

Introduction

L'épidémiologie est considérée comme la science fondamentale de la santé publique.

L'épidémiologie est :

a) une science quantitative basée sur la connaissance pratique des probabilités, de la

statistique ainsi que sur des méthodes rationnelles de recherche;

b) un mode de raisonnement de causalité fondé sur l'élaboration et le test

d'hypothèses relatives à la survenue et à la prévention de la morbidité et de la mortalité

c) un outil pour les actions de santé publique concernant la promotion et la

protection de la santé des populations, basé sur des données scientifiques, un

raisonnement de causalité et une bonne dose de sens pratique "(2)" (Cates WJ, 1982)

Un des principes fondamentaux de l'épidémiologie en tant que discipline de santé

publique, est que les informations épidémiologiques devraient être utilisées pour

promouvoir et protéger la santé des populations. Ainsi, l'épidémiologie implique à la

fois science et pratique de la santé publique. On utilise parfois le terme épidémiologie

appliquée pour décrire l'application ou la pratique de l'épidémiologie pour aborder les

problèmes de santé publique. On peut donner les exemples suivants d'épidémiologie

appliquée :

le suivi des déclarations de maladies transmissibles au sein des populations

l'étude du risque de cancer lié à un produit alimentaire particulier

l'évaluation de l'efficacité et de l'impact d'un programme de sensibilisation sur le

cholestérol

l'analyse des données actuelles et des tendances historiques afin de prévoir les

ressources nécessaires en matière de santé publique

Chapitre

Pour démarrer L'épidémiologie et les informations générées par les méthodes épidémiologiques ont

de nombreuses applications, qui sont classées et décrites ci-après.

1. Quelques définitions pour démarrer Le terme épidémiologie vient du grec epi, signifiant "sur", demos, "les gens" et logos

signifiant "l'étude de". Beaucoup de définitions ont été avancées mais celle qui suit

tient compte des principes sous-jacents et de l'idée de santé publique contenus dans le

terme épidémiologie :

"L'épidémiologie est l'étude de la distribution et des déterminants des états ou

événements concernant la santé au sein de populations données, et l'application

de cette étude à la prévention des problèmes de santé." "(17) " (Last JM (ed),

1988)

Cette définition de l'épidémiologie comprend plusieurs termes qui reflètent certains

des principes fondamentaux de cette discipline.

Etude L'épidémiologie est une discipline scientifique, parfois appelée " la science

fondamentale de la santé publique". Elle repose sur des méthodes rationnelles

d'investigation scientifique.

Distribution L'épidémiologie traite de la fréquence et des caractéristiques des événements de santé

au sein d'une population donnée. La fréquence ne correspond pas seulement au nombre

d'événements dans une population donnée, mais également au taux ou risque de

maladie dans la population. Le taux (nombre de cas divisé par la taille de la

population) est déterminant pour les épidémiologistes car il permet d'établir des

comparaisons valides entre différentes populations.

Le mot "caractéristiques" renvoie à la distribution de survenue des événements de

santé en fonction du temps, du lieu et des caractéristiques des personnes.

Les caractéristiques temporelles comprennent la survenue annuelle, saisonnière ou

quotidienne des événements, voire même leur survenue horaire au cours d'une

épidémie.

Les caractéristiques de lieu comprennent les variations géographiques, les écarts

ville-campagne et l'emplacement des lieux de travail ou des écoles.

Les caractéristiques de personne comprennent les facteurs démographiques tels que

l'âge, la race, le sexe, la situation de famille et le niveau socio-économique, mais

également les comportements et les expositions environnementales.

Cette caractérisation de la distribution des états ou événements de santé est l'un des

aspects importants de l'épidémiologie appelé épidémiologie descriptive.

L'épidémiologie descriptive répond au Quoi, Qui, Quand et Où des événements de

santé.

Les déterminants des événements de santé L'épidémiologie est également utilisée dans la recherche des causes et des autres

facteurs influençant la survenue des événements de santé. L'épidémiologie

analytique cherche à répondre au Pourquoi et au Comment de ces événements en

comparant des groupes présentant des taux de survenue de la maladie différents

ou des caractéristiques démographiques, génétiques, immunologiques,

comportementales, d'expositions environnementales ou d'autres "facteurs de

risque" potentiels différentes.

Dans des conditions idéales, les résultats des études épidémiologiques apportent

suffisamment de preuves pour permettre d'orienter rapidement et efficacement

les actions de contrôle et les mesures préventives en matière de santé publique.

Des états et événements de santé. A l'origine, l'épidémiologie s'occupait des épidémies de maladies transmissibles. Puis

le champ d'application de l'épidémiologie a été élargi aux maladies transmissibles

endémiques et aux maladies infectieuses non transmissibles. Plus récemment, les

méthodes épidémiologiques ont été appliquées aux maladies chroniques, aux

blessures, aux anomalies congénitales, à la santé mère-enfant, à la santé au travail et à

la santé liée à l'environnement. Désormais, même les comportements liés à la santé et

au bien-être (exercice physique, port de la ceinture de sécurité, etc.) sont reconnus

comme des domaines d'application des méthodes épidémiologiques. Au cours de ces

leçons, nous utiliserons le terme "maladie" pour renvoyer à tout état ou événement de

santé.

Une approche à partir des populations. Bien que les épidémiologistes et les médecins dans leur pratique médicale soient

confrontés à la maladie et à son contrôle, leur façon de considérer le "patient" est

différente. Les cliniciens s'occupent de la santé de l'individu ; les épidémiologistes

traitent de la santé collective au sein d'une communauté ou d'un autre ensemble de

personnes. Par exemple, quand ils sont confrontés à un patient souffrant de diarrhée, le

clinicien et l'épidémiologiste ont des responsabilités différentes. Bien que tous deux

aient à coeur d'établir le bon diagnostic, le clinicien centre habituellement son action

sur les soins à apporter à l'individu. L'épidémiologiste se concentre sur l'exposition

(action ou source ayant causé la maladie), sur le nombre d'autres personnes ayant pu

être exposées, sur la possibilité de propagation au sein de la communauté et sur les

mesures à prendre pour empêcher de nouveaux cas ou la réapparition de la maladie.

Aide à la décision L'épidémiologie va plus loin que la simple étude des événements de santé. En tant que

discipline de santé publique, elle fournit des données permettant d'orienter les actions

de santé publique. Cependant, l'utilisation des données épidémiologiques est autant un

art qu'une science. Considérons à nouveau l'exemple cité plus haut : le traitement d'un

patient requiert de la part du clinicien expérience et créativité autant que connaissances

scientifiques. De la même manière, un épidémiologiste a recours aux méthodes

scientifiques de l'épidémiologie descriptive et analytique pour établir son "diagnostic"

sur la santé de la communauté, mais il doit également faire appel à son expérience et à

sa créativité quand il élabore des mesures de contrôle et de prévention de la maladie au

sein de la communauté.

2. Historique Bien que la réflexion épidémiologique remonte à Hippocrate (environ 400 avant Jésus-

Christ) en passant par Graunt (1662), Farr, Snow (tous les deux au coeur du 19ème

siècle), et d'autres, cette discipline cependant ne connut pas d'essor avant la fin de la

Seconde Guerre Mondiale. Les pierres que ces penseurs plus ou moins proches de

nous ont apportées à l'édifice sont décrites ci-après.

Hippocrate (environ 400 avant Jésus-Christ) a cherché à expliquer la survenue des

maladies d'un point de vue rationnel et non pas surnaturel. Dans son essai intitulé "De

l'air, de l'eau, et des lieux ", Hippocrate suggérait que les facteurs liés à

l'environnement et à l'hôte, tels que les comportements, pouvaient influencer le

développement des maladies.

Une autre personne ayant contribué à l'épidémiologie fut John Graunt, un mercier de

Londres qui publia une analyse qui fit date sur les données de mortalité en 1662. Il fut

le premier à quantifier la distribution des naissances, des décès et des maladies, en

constatant les différences homme-femme, les taux élevés de mortalité infantile, les

différences ville-campagne ainsi que les variations saisonnières. Personne ne chercha à

s'appuyer sur les travaux de Graunt avant le milieu du 19è siècle, date à laquelle

William Farr commença à recueillir de manière systématique les statistiques de

mortalité en Grande-Bretagne pour les analyser. Farr, considéré comme le père des

statistiques démographiques modernes et de la surveillance, a élaboré bon nombre des

pratiques fondamentales utilisées de nos jours en matière de statistiques

démographiques et de classification des maladies. Il a étendu l'analyse

épidémiologique des données de morbidité et de mortalité aux effets liés au statut

matrimonial, à l'emploi et à l'altitude. Il a aussi développé de nombreux concepts et

techniques épidémiologiques qui sont encore appliqués de nos jours.

Dans le même temps, un anesthésiste du nom de John Snow conduisait à Londres une

série d'études qui lui valurent plus tard le titre de "père de l'épidémiologie de terrain".

Vingt ans avant la mise au point du microscope, Snow mena des études sur les

épidémies de choléra à la fois pour découvrir la cause de la maladie et prévenir sa

réapparition. Parce que son travail illustre bien de manière classique les enchaînements

de l'épidémiologie descriptive à son application en passant par la génération et le test

d'hypothèses (épidémiologie analytique), nous nous pencherons en détail sur deux des

études qu'il a menées.

Snow mena son étude désormais classique en 1854 lors d'une épidémie de choléra

dans le quartier de Golden Square à Londres. Il commença ses investigations en

déterminant avec précision où les personnes atteintes de choléra vivaient et

travaillaient. Puis il utilisa les informations collectées pour représenter sur une carte la

répartition des cas, un document que les épidémiologistes appellent "carte de

distribution des sujets". Cette carte est donnée en Figure 1.1.

IMG. 1 : FIGURE 1.1 - RÉPARTITION DES CAS DE CHOLÉRA DANS LE QUARTIER DE GOLDEN SQUARE - LONDRES, AOÛT-SEPTEMBRE 1854

source : "27" (Snow J, 1936)

Parce que Snow pensait que l'eau était une source d'infection par le choléra, il indiqua

l'emplacement des pompes à eau sur sa carte de répartition des cas, puis rechercha la

relation existant entre la répartition des foyers touchés par le choléra et l'emplacement

des pompes. Il remarqua que les foyers des cas étaient plus souvent regroupés autour

de la pompe A, la pompe de Broad Street, qu'autour des pompes B ou C. Il en conclut

que la pompe de Broad Street représentait la source la plus probable d'infection. En

questionnant les résidents qui habitaient à proximité des autres pompes, il s'aperçut

que ces derniers évitaient de se rendre à la pompe B parce qu'elle était extrêmement

contaminée et que la pompe C se trouvait dans un endroit peu accessible pour les

résidents de Golden Square. A la lumière de ces informations, il apparut à Snow que la

pompe de Broad Street était la principale source d'eau pour la plupart des personnes

atteintes de Choléra à Golden Square. Il réalisa cependant qu'il était trop tôt pour tirer

cette conclusion car la carte ne présentait pas de cas de choléra dans une zone de deux

pâtés de maisons à l'est de la pompe de Broad Street. Peut-être personne n'habitait-il

dans cette zone. Ou peut-être les résidents du lieu étaient-ils protégés de l'infection

d'une manière ou d'une autre.

En poursuivant ses investigations, Snow remarqua qu'une brasserie se trouvait à cet

endroit et qu'elle disposait d'un puits profond dans ses locaux où ses ouvriers, qui

résidaient également dans le quartier, s'approvisionnaient en eau. En outre, la brasserie

allouait aux ouvriers une ration quotidienne de bière. L'absence de choléra chez les

employés de la brasserie pouvait s'expliquer par l'accès à ces rations hydriques non

contaminées.

Pour confirmer que la pompe de Broad Street était bien à l'origine de l'épidémie, Snow

rassembla des informations sur l'endroit où les personnes atteintes de choléra avaient

puisé leur eau. La consommation d'eau à la pompe de Broad Street était le seul facteur

commun aux malades atteints du choléra. La légende veut que Snow retira le bras de la

pompe et mit ainsi fin à l'épidémie.

La seconde contribution majeure de Snow à l'épidémiologie concerne une autre

enquête portant sur la même épidémie de choléra survenue à Londres en 1854. Au

cours d'une épidémie survenue dans la même ville en 1849, Snow avait observé que

les quartiers dont les taux de mortalité étaient les plus élevés étaient approvisionnés en

eau par deux sociétés : la Lambeth Company et la Southwark and Vauxhall Company.

Les deux sociétés puisaient alors leur eau dans la Tamise à des points de prélèvement

en aval de Londres. En 1852, la Lambeth transféra ses installations de pompage en

amont de Londres, obtenant ainsi de l'eau qui n'était pas polluée par les égouts de la

ville. Quand le choléra réapparut à Londres en 1853, Snow réalisa que la nouvelle

localisation des points de pompage de la Lambeth lui permettrait de comparer les

quartiers approvisionnés en eau prélevée en amont et en aval de Londres. Le tableau

1.1 montre les résultats obtenus par Snow quand il réalisa cette comparaison sur la

mortalité liée au choléra, pendant une période de 7 semaines durant l'été 1854.

TAB. 1 : TABLEAU 1.1 - MORTALITÉ LIÉE AU CHOLÉRA DANS LES QUARTIERS DE LONDRES APPROVISIONNÉS PAR LES SOCIÉTÉS

SOUTHWARK AND VAUXHALL ET LAMBETH,9 JUILLET - 26 AOÛT 1854

source : "27" (Snow J, 1936)

Les données du tableau 1.1 montrent que le risque de décès lié au choléra était plus de

5 fois supérieur dans les quartiers desservis exclusivement par la Southwark and

Vauxhall en comparaison de ceux approvisionnés par la Lambeth uniquement. Il est

intéressant de constater que le taux de mortalité observé dans les quartiers alimentés

par les deux sociétés à la fois se situait entre ceux des quartiers approvisionnés

exclusivement par l'une ou l'autre des sociétés. Ces données étaient cohérentes avec

l'hypothèse que l'eau puisée dans la Tamise en aval de Londres était l'une des sources

d'infection par le choléra. Cependant, les populations alimentées par l'une ou l'autre

des deux sociétés pouvaient présenter des différences vis-à-vis d'un grand nombre

d'autres facteurs susceptibles d'influencer leur risque de contracter le choléra.

Afin de tester son hypothèse sur l'approvisionnement en l'eau, Snow s'intéressa aux

quartiers alimentés par les deux sociétés à la fois, car les ménages d'un même quartier

étaient généralement comparables, sauf pour la société leur fournissant l'eau. Dans ces

quartiers, Snow identifia le distributeur d'eau pour chacun des foyers au sein duquel

était survenu un décès lié au choléra au cours de la période d'étude de 7 semaines. Le

tableau 1.2 montre ses résultats.

Cette étude complémentaire contribua à étayer l'hypothèse de Snow, et illustre la série

d'étapes utilisées aujourd'hui dans l'investigation d'épidémies. Sur la base de la

distribution des cas et de la population à risque en termes de temps, lieu et personnes,

Snow mit au point une hypothèse qu'il était possible de tester. Il mit ensuite son

hypothèse à l'épreuve dans le cadre d'une étude plus rigoureuse, en s'assurant que les

groupes de comparaison étaient effectivement comparables. Après cette étude, les

mesures de contrôle de l'épidémie consistèrent en un changement des points de

prélèvement de la Southwark and Vauxhall, afin d'éviter toute source de

contamination. Ainsi, et sans connaître l'existence des micro-organismes, Snow fit la

preuve grâce à ses études épidémiologiques que l'eau pouvait servir de vecteur de

transmission du choléra et que les informations épidémiologiques pouvaient être

utilisées pour orienter des actions de santé publique rapides et appropriées.

TAB. 2 : TABLEAU 1.2 - MORTALITÉ DUE AU CHOLÉRA À LONDRES ET LIÉE À L'APPROVISIONNEMENT EN EAU DE MAISONS

INDIVIDUELLES SITUÉES DANS LES QUARTIERS DESSERVIS À LA FOIS PAR LA SOUTHWARK AND VAUXHALL ET LA LAMBETH - 9 JUILLET - 26 AOÛT 1854

source : "27" (Snow J, 1936)

Les méthodes d'investigation épidémiologique furent appliquées par beaucoup

d'autres, à l'étude de la survenue des maladies en Europe et aux Etats-Unis au cours de

la deuxième moitié du 19è siècle. A cette époque, la plupart des chercheurs se

concentraient sur les maladies infectieuses aiguës. Au cours de la première décennie

du 20è siècle, les épidémiologistes étendirent leurs méthodes aux maladies non-

infectieuses. Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, nous connaissons une

véritable explosion dans le développement des méthodes de recherche et des

fondements théoriques de l'épidémiologie, ainsi que dans ses applications à l'ensemble

des problèmes de santé, des comportements et même des connaissances et attitudes.

Les études menées par Doll et Hill, "(13) " (Doll R & al., 1950) démontrant le lien

entre cancer du poumon et tabac, de même que l'étude des maladies cardio-vasculaires

au sein de la communauté de Framingham dans le Massachusetts "(12)" (Dawber TR

& al., 1963), sont deux exemples illustrant bien comment ces chercheurs pionniers ont

appliqué les méthodes épidémiologiques aux maladies chroniques depuis la Seconde

Guerre Mondiale. Enfin, au cours des années 60 et au début des années 70, les

travailleurs de santé appliquèrent ces méthodes pour éradiquer la variole dans le

monde entier. Ceci a constitué une réussite sans précédent de l'épidémiologie

appliquée.

Aujourd'hui, les intervenants de santé publique dans le monde entier reconnaissent

l'apport de l'épidémiologie et l'utilisent en routine. L'épidémiologie est souvent

pratiquée et utilisée par des non-épidémiologistes pour caractériser l'état de santé des

communautés dont ils sont responsables et pour résoudre des problèmes quotidiens. Ce

jalon posé dans l'évolution de cette discipline est moins spectaculaire que l'éradication

de la variole mais il n'en reste pas moins important pour l'amélioration de la santé des

populations partout dans le monde.

3. Utilisations L'épidémiologie et les informations générées par les méthodes épidémiologiques ont

de nombreuses applications, qui sont classées et décrites ci-après.

3.1. Evaluation de l'état de santé d'une communauté ou d'une population Pour déterminer des politiques et des programmes de santé, les responsables de

santé publique doivent évaluer l'état de santé de la population ou de la

communauté qu'ils ont en charge et déterminer si les services de santé sont

disponibles, accessibles, efficaces et efficients. Pour ce faire, ils doivent trouver les

réponses à plusieurs questions : quels sont les problèmes existants et potentiels au

sein de la communauté ? Où sont-ils localisés ? Quelles sont les personnes à risque

? Quels sont les problèmes en régression ? Quels sont ceux qui s'amplifient ou

sont susceptibles de le faire ? Ces caractéristiques sont-elles en relation avec le

niveau d'action et la répartition des services de santé disponibles ? Les méthodes

d'épidémiologie descriptive et analytique fournissent des moyens permettant de

répondre, entre autres, à ces questions. Grâce aux résultats obtenus à l'aide de

l'épidémiologie, les responsables de santé publique sont en mesure de prendre des

décisions fondées sur la connaissance des faits, qui permettront d'améliorer la

santé de la population dont ils ont la charge.

3.2. Décisions individuelles. Les gens ne sont pas forcément conscients du fait qu'ils utilisent quotidiennement

des informations d'ordre épidémiologique dans leurs prises de décision. Quand ils

prennent la décision d'arrêter de fumer, de gravir les escaliers au lieu de prendre

l'ascenseur, de commander une salade à la place d'un cheeseburger frites ou de choisir

une méthode de contraception plutôt qu'une autre, il est possible qu'ils soient

influencés, consciemment ou inconsciemment, par l'évaluation des risques réalisée par

les épidémiologistes. Depuis la Seconde Guerre Mondiale, les épidémiologistes ont

fourni des informations se rapportant à toutes ces prises de décision. Au cours des

années 50, les épidémiologistes ont démontré l'augmentation des risques de cancer du

poumon chez les fumeurs ; au cours des années 60 et 70, ils mirent en évidence les

bénéfices et les risques associés aux différentes méthodes de contrôle des naissances.

Au milieu des années 80, les épidémiologistes identifièrent le risque accru d'infection

par le virus VIH (virus de l'immunodéficience humaine) associé à certains

comportements sexuels ou vis-à-vis de la drogue. Et, de manière plus positive, les

épidémiologistes continuent à rassembler de l'information sur le rôle de l'exercice

physique et d'un régime alimentaire approprié dans la réduction du risque de maladies

cardiaques. Ces résultats, ainsi que des centaines d'autres, influent directement sur les

choix quotidiens des personnes, choix qui conditionnent leur santé tout au long de leur

vie.

3.3. Amélioration de la connaissance du tableau clinique. Quand ils étudient une épidémie, les épidémiologistes dépendent des cliniciens et des

personnels de laboratoire pour porter un diagnostic correct sur chaque patient. Mais les

épidémiologistes contribuent également, pour les médecins, à la connaissance des

tableaux cliniques et de l'histoire naturelle des maladies. Par exemple, on identifia à la

fin de l'année 1989 au Nouveau Mexique, trois patients atteints de myalgies (douleurs

musculaires intenses au niveau de la poitrine et de l'abdomen) et d'hyperéosinophilie

inexpliquée (augmentation du nombre d'un certain type de globules blancs). Leurs

médecins ne purent identifier la cause des symptômes ni mettre un nom sur les

troubles que ces patients présentaient. Les épidémiologistes commencèrent à

rechercher d'autres cas présentant des symptômes similaires au Syndrome

Eosinophilie-Myalgie (SEM) et, en quelques semaines, ils en avaient recensé

suffisamment pour être en mesure de décrire la maladie, ses complications et son taux

de mortalité. De la même façon, les épidémiologistes ont documenté l'histoire naturelle

de l'infection par le VIH, depuis l'exposition initiale au virus jusqu'au développement

d'une large variété de syndromes cliniques incluant le Syndrome d'immunodéficience

acquise (SIDA). Ils ont également documenté les nombreuses affections liées à la

consommation de cigarettes, depuis les maladies pulmonaires et cardiaques jusqu'au

cancer du poumon et du col de l'utérus.

3.4. Recherche des causes Une grande partie de la recherche épidémiologique est dédiée à la recherche des

causes et des facteurs influençant le risque de maladie. Parfois, cela relève de travaux

universitaires, mais le plus souvent le but poursuivi est d'identifier une cause de

manière à prendre des mesures de santé publique appropriées. Il a été dit que

l'épidémiologie n'était jamais en mesure de prouver une relation de cause à effet entre

une exposition et une maladie. Cependant, l'épidémiologie apporte souvent

suffisamment d'information pour justifier la mise en oeuvre d'actions efficaces. Les

exemples que l'on peut donner incluent celui de John Snow retirant le bras de la pompe

de Broad Street, ainsi que le retrait du marché d'une marque de tampons périodiques

dont l'utilisation avait été associée par les épidémiologistes, au syndrome de choc

toxique. Souvent, l'épidémiologie et les examens de laboratoire apportent des

arguments convergents pour fournir les preuves nécessaires à l'établissement de la

causalité. Par exemple, une équipe d'épidémiologistes parvint à identifier une série de

facteurs de risque au cours d'une épidémie de pneumonie survenue parmi les personnes

assistant à la Convention de la Légion Américaine, à Philadelphie en 1976.

Toutefois, l'origine exacte de l'épidémie ne put être connue avant que le bacille de la

maladie du Légionnaire ne soit identifié en laboratoire, 6 mois plus tard.

L'approche épidemiologique Tout comme le journaliste, l'épidémiologiste détermine le Quoi, le Quand, le Où, le

Qui et le Pourquoi. Toutefois, l'épidémiologiste a plutôt tendance à décrire ces

concepts en des termes légèrement différents : définition de cas, temps, lieu, personne

et causes.

1. Définition du cas La définition d'un cas est un ensemble de critères type permettant de décider si

une personne est atteinte d'une maladie particulière ou souffre d'un autre

problème de santé. En utilisant une définition type du cas, nous nous assurons

ainsi du fait que chaque cas est diagnostiqué de la même manière, peu importe où

et quand il s'est produit et qui l'a identifié. Nous sommes alors en mesure de

comparer le nombre de cas pour une maladie donnée et qui se sont produits en un

seul endroit ou au cours d'une seule période avec ceux survenus à un autre

moment ou en un autre lieu. Par exemple, l'utilisation de la définition type du cas

nous autorise à comparer le nombre de cas d'hépatite A survenus à New York au cours

de l'année 1991 avec ceux recensés au même endroit en 1990. Ou bien encore, nous

sommes en mesure de comparer le nombre de cas survenus à New York en 1991 avec

ceux qui se sont produits à San Francisco au cours de la même année. La définition du

cas type, quand nous constatons une différence dans l'apparition de la maladie, nous

permet de savoir qu'il est fort probable que cette différence soit bien réelle et non pas

le résultat de différences dues à la façon dont on a diagnostiqué les cas.

La définition d'un cas peut comporter plusieurs séries de critères, selon le degré de

certitude du diagnostic. Par exemple, lors d'une épidémie de rougeole, une personne

présentant une fièvre et une éruption cutanée peut être classée comme un cas suspect,

probable, ou confirmé de rougeole selon la présence d'autres éléments de diagnostic.

Dans d'autres situations, un cas est classé temporairement comme suspect ou probable

tant que les résultats des examens de laboratoire ne sont pas disponibles. Sur la base

des résultats de laboratoire, le cas est reclassé, soit comme confirmé, soit comme "non-

cas". Lors d'une épidémie importante causée par un agent connu, par exemple la

varicelle, il est possible de classer certains cas comme suspects ou probables de façon

définitive, sans réaliser de tests de laboratoire inutiles et coûteux, si les patients

présentent un tableau clinique cohérent et des antécédents d'exposition. Les définitions

de cas ne doivent pas reposer seulement sur des résultats de cultures bactériologiques,

dans la mesure où certains organismes sont parfois présents sans pour autant causer

l'apparition d'une maladie.

Les définitions de cas peuvent également varier en fonction de l'objectif. Par exemple,

les responsables de santé doivent pouvoir savoir aussi vite que possible si une

personne présente des symptômes de peste ou de toxi-infection botulique d'origine

alimentaire, afin de planifier rapidement les mesures à prendre. Dans le cas de ces

maladies transmissibles rares mais potentiellement graves où il est important

d'identifier tout cas potentiel, les responsables de santé utilisent une définition sensible

ou "large". Au contraire, si les investigateurs qui recherchent les causes d'une épidémie

veulent être certains que toute personne incluse dans l'investigation présente

réellement la maladie, une définition de cas spécifique ou "stricte" sera utilisée. Par

exemple, dans le cas d'une épidémie due à Salmonelle agona, les enquêteurs seront

plus susceptibles d'identifier la source de l'infection s'ils incluent seulement des

personnes dont l'infection par cette bactérie a été confirmée, plutôt que d'inclure toute

personne souffrant de diarrhée aiguë, car certaines d'entre elles pourraient être liées à

une cause différente. Dans de telles circonstances, le seul inconvénient d'une définition

de cas stricte est la sous-estimation du nombre total de cas.

2. Nombres et taux L'une des tâches essentielles d'un service de santé publique est le dénombrement des

cas, qui vise à mesurer et décrire la morbidité. Quand un médecin diagnostique un cas

de maladie soumise à déclaration obligatoire, il envoie un rapport sur le cas au service

de santé publique local. Ces rapports doivent réglementairement contenir des

informations relatives au temps (date à laquelle le cas est survenu), au lieu (lieu de

résidence du patient), et à la personne (âge, race et sexe du patient). Le service de

santé compile les rapports et fait une synthèse de l'information selon les

caractéristiques de temps, de lieu et de personne. Sur la base de cette synthèse, le

service de santé détermine l'importance et les caractéristiques de survenue de la

maladie dans la zone concernée, et identifie les concentrations de cas et les épidémies.

Le simple dénombrement des cas, cependant, ne fournit pas toute l'information

nécessaire au service de santé. Afin de comparer la survenue de la maladie dans

différents endroits ou au cours de différentes périodes, le service de santé convertit les

nombres de cas en taux, qui rapportent le nombre de cas à la taille de la population

dans laquelle ils sont survenus.

Les taux constituent des données utiles pour plusieurs raisons. A l'aide des taux, le

service de santé peut identifier les groupes présentant un risque élevé de maladie à

l'intérieur d'une communauté. Ces groupes dits à haut risque peuvent faire l'objet

d'évaluations supplémentaires et constituer une cible pour des interventions

particulières. De plus, ces groupes peuvent être étudiés de manière à identifier les

facteurs de risque liés à la survenue de la maladie. Les individus peuvent ensuite

utiliser les connaissances sur ces facteurs de risque pour orienter leurs décisions en

matière de comportements susceptibles d'influencer la santé (la leçon 2 traitera de ces

taux de manière plus approfondie).

3. L'épidémiologie descriptive 3.1. variables épidémiologiques L'épidémiologie descriptive nous permet d'organiser et de résumer les données en

fonction du temps, du lieu et de la personne. Ces trois caractéristiques sont parfois

appelées variables épidémiologiques.

La compilation et l'analyse des données en termes de temps, de lieu et de personne est

souhaitable pour plusieurs raisons. Premièrement, parce que l'investigateur se

familiarise ainsi avec les données et avec l'étendue du problème. Deuxièmement, parce

que cela fournit une description détaillée de l'état de santé d'une population donnée,

qui peut facilement être communiquée. Troisièmement, parce qu'une telle analyse

permet l'identification des populations à plus haut risque de contracter une maladie

donnée. Cette information fournit des indices importants pour la recherche des causes

de la maladie, qui peuvent être utilisés pour élaborer des hypothèses qui pourront

ensuite être testées.

3.2. Temps Les taux des maladies évoluent avec le temps. Certains de ces changements

surviennent régulièrement et peuvent être prédits. Par exemple, l'accroissement

saisonnier des cas de grippe, coïncidant avec l'apparition du froid, est un événement

bien connu de tout le monde. En sachant quand l'épidémie de grippe se produira, les

services de santé peuvent planifier efficacement leurs campagnes de vaccination.

D'autres taux de maladie subissent des modifications imprévisibles. En procédant à

l'examen des événements qui précèdent l'augmentation ou la diminution du taux d'une

maladie donnée, nous sommes susceptibles de pouvoir identifier les causes de maladie

et de prendre les mesures appropriées pour la contrôler ou en prévenir la réapparition.

On représente généralement les données temporelles sur un graphique. Les nombres,

ou les taux, de cas ou de décès, sont portés sur la ligne verticale, l'axe des ordonnées,

et les données relatives au temps sur la ligne horizontale, l'axe des abscisses. On

indique souvent sur un graphique de données temporelles la survenue des événements

dont on pense qu'ils sont liés au problème de santé décrit. Par exemple, on peut

indiquer la période d'exposition ou la date à laquelle les mesures de contrôle ont été

prises. Ce type de graphique donne ainsi une description visuelle simple de l'ampleur

relative d'un problème de santé, de ses tendances passées et de son orientation

potentielle, ainsi que de l'influence d'autres événements. L'étude de ce type de

graphique permet souvent de comprendre les causes possibles du problème.

En fonction de l'événement décrit, nous pouvons nous intéresser à une période

exprimée en années ou en décennies, mais éventuellement aussi en jours, semaines ou

mois, quand le nombre de cas rapportés est supérieur à la normale (lors de périodes

épidémiques). Pour certaines maladies, dans le cas d'affections chroniques par

exemple, nous nous intéressons aux modifications à long terme du nombre de cas ou

du taux de maladie. Pour d'autres affections, il peut s'avérer plus intéressant d'étudier

la survenue de la maladie selon la saison, le mois, le jour de la semaine, voire l'heure

de la journée. Lors de l'identification d'un nouveau problème, il est nécessaire d'en

évaluer la survenue de différentes manières, avant de définir la période la plus

appropriée à considérer et la plus révélatrice. Certains des types de graphiques

courants présentant des données temporelles sont décrits ci-après.

Tendances séculaires (sur de longues périodes) La représentation graphique des cas ou des taux annuels d'une maladie donnée sur une

période de plusieurs années montre les tendances séculaires ou à long terme dans la

survenue de la maladie. Ces tendances sont souvent utilisées pour suggérer ou prédire

l'incidence future d'une maladie. Ils peuvent également être utilisés pour évaluer la

portée des programmes ou des décisions prises en matière de politique de santé, ou

pour suggérer les causes d'augmentation ou de diminution dans la survenue d'une

maladie, notamment si le graphique indique le moment où ces événements se sont

produits.

Caractère saisonnier La représentation graphique de la survenue d'une maladie selon les semaines ou les

mois d'une année ou plus permet de mettre en évidence un éventuel caractère

saisonnier. Certaines maladies sont connues pour présenter une distribution saisonnière

caractéristique. Par exemple, comme cela a été mentionné plus haut, le nombre de cas

de grippes rapportés augmente de façon caractéristique en hiver. Ces caractéristiques

saisonnières peuvent suggérer des hypothèses sur le mode de transmission de

l'infection, les facteurs comportementaux qui accroissent le risque, ainsi que sur les

autres facteurs susceptibles de contribuer à la maladie ou à l'affection étudiée.

Jours de la semaine et heures La représentation des données selon le jour de la semaine ou l'heure de la journée peut

également être informative. L'analyse sur ces périodes temporelles plus courtes est

particulièrement importante dans le cas d'affections susceptibles d'être liées à des

expositions de type environnemental ou professionnel, et qui peuvent survenir à des

intervalles de temps réguliers.

Période épidémique

Pour représenter l'évolution dans le temps d'une concentration de cas ou d'une

épidémie, on utilise un graphique particulier appelé courbe épidémique. Comme

pour les autres graphiques déjà présentés dans ce chapitre, le nombre de cas est

porté sur l'axe des ordonnées et le temps sur l'axe des abscisses. Pour le temps, on

utilise soit les dates d'apparition des symptômes soit la date du diagnostic. Pour

les maladies aiguës à courte période d'incubation (avec une période courte entre

l'exposition et l'apparition des symptômes), il est possible de donner l'heure

d'apparition de la maladie. Pour les maladies à périodes d'incubation plus longues, on

peut exprimer le temps en périodes d'un jour, de deux jours, de trois jours, d'une

semaine ou de toute autre durée jugée appropriée. La Figure 1.8 montre la courbe

épidémique d'une toxi-infection alimentaire selon des intervalles de 3 jours. Notez

comment les cas sont représentés empilés dans des colonnes adjacentes. Par

convention, on utilise ce format appelé histogramme dans la représentation des

courbes épidémiques. La forme, ainsi que les autres caractéristiques d'une courbe

épidémique, peuvent suggérer des hypothèses sur la date et la source de l'exposition, le

mode de transmission et l'agent infectieux

IMG. 8 : FIGURE 1.8 - DATE DE DÉBUT DE LA MALADIE CHEZ DES PATIENTS PRÉSENTANT UNE INFECTION À YERSINIA

ENTEROCOLITICA CONFIRMÉE PAR CULTURE, ATLANTA, 1ER NOVEMBRE 1988 - 10 JANVIER 1989

Source : "18" (Lee LA & al., 1990)

3.3. Lieu La représentation spatiale d’un événement de santé permet de préciser la dimension

géographique du problème. On peut choisir d'utiliser le lieu de résidence, le lieu de

naissance, le lieu de travail de la personne, la zone scolaire dont elle dépend, le service

hospitalier, etc. selon le facteur susceptible d’être lié à la survenue de l’événement. De

la même manière, on peut choisir d'utiliser des unités géographiques de petite ou

grande taille : pays, état, département, zone de recensement, adresse, coordonnées

d'une carte ou tout autre unité géographique standard. Parfois, il peut être utile

d'analyser les données selon des catégories de lieu comme zone urbaine ou campagne,

caractère national ou étranger, institutionnel ou non-institutionnel.

Les analyses spatiales ne fournissent pas toutes des informations de même valeur.

L'analyse des données selon le lieu permet également de connaître l'endroit où l'agent

responsable d'une maladie vit habituellement et se multiplie, quel en est le réservoir et

le vecteur, et comment il se propage. Si la survenue d'une maladie est associée à un

lieu, on peut en déduire que les facteurs augmentant le risque de maladie sont présents,

soit chez les personnes résidant dans cet endroit (facteurs liés à l'hôte), soit dans le

milieu, soit chez les deux à la fois. Par exemple, les maladies transmissibles de

personne à personne se propagent plus rapidement en milieu urbain qu'en milieu rural,

principalement du fait que la densité de population plus importante en milieu urbain

favorise un contact plus fréquent des personnes susceptibles avec les personnes

infectées. D'autre part, les maladies transmises aux hommes par les animaux

surviennent plus souvent en milieu rural ou périurbain, car les personnes résidant dans

ces lieux sont plus susceptibles d'entrer en contact avec des animaux porteurs de la

maladie, des tiques ou autres organismes similaires. Par exemple, la maladie de Lyme

est peut-être plus répandue de nos jours parce que les gens se sont déplacés vers des

zones boisées où ils peuvent être en contact avec les tiques du cerf qui peuvent être

infectées.

Bien qu’on puisse représenter des données spatiales dans un tableau, il est souvent

préférable de le faire de manière illustrée, sur une carte. Sur une carte, on peut utiliser

différentes teintes, couleurs ou types de lignes pour montrer les différences de

nombres de cas ou de taux de maladie, ou d’un autre événement de santé, dans

différentes zones.

Dans le cas d'une maladie rare ou d'une épidémie, il est souvent utile de préparer une

carte de distribution des cas, comme celle de Snow pour le Golden Square de Londres

(Figure 1.1), sur laquelle on représente au moyen d'un point ou d'une croix la relation

existant entre chacun des cas et le lieu potentiellement pertinent à l’événement de

santé étudié : par exemple le lieu d’habitation ou de travail. On peut aussi matérialiser

d'autres lieux sur la carte de distribution des cas, comme le lieu d’exposition possible,

de manière à pouvoir représenter l'orientation* des cas au sein de la zone

cartographiée.

3.4. Personne

3.4.1. Critères de classement En épidémiologie descriptive, quand on organise ou qu'on analyse les données en

termes de "personne", on dispose de différentes catégories pour classer les individus.

On peut choisir d'utiliser des caractéristiques inhérentes à chaque individu (par

exemple, l'âge, la race ou le sexe), des caractéristiques acquises (statut immunitaire ou

situation matrimoniale), leurs activités (travail, loisirs, consommation de

médicaments/tabac/drogues) ou bien leurs conditions de vie (situation socio-

économique, accès aux soins médicaux). Ces catégories déterminent dans une large

mesure les personnes les plus susceptibles d'être à risque de survenue d'un événement

de santé donné, comme le fait d'être infecté par un organisme particulier.

On peut également représenter les données relatives aux personnes soit dans des

tableaux soit dans des graphiques.

Au cours de l'analyse des données selon les caractéristiques de personne, on doit

souvent tester un certain nombre de catégories de classement avant de trouver celles

qui s'avèrent les plus utiles et révélatrices. L'âge et le sexe sont des données

particulièrement déterminantes. On analyse presque toujours les données selon ces

caractéristiques. En fonction de l'événement de santé étudié, on peut choisir de répartir

ou non les données selon d'autres catégories. On analyse souvent les données sur la

base de plusieurs catégories à la fois ; par exemple, on peut choisir d'étudier l'âge et le

sexe en même temps, pour voir si les sexes présentent des différences dans le

développement d'une maladie dont la fréquence augmenterait avec l'âge, comme c'est

le cas pour les maladies cardiaques.

3.4.2. L'âge L'âge est certainement la caractéristique de personne la plus importante, dans la

mesure où pratiquement tout événement ou état de santé varie avec l’âge. De

nombreux facteurs évoluant avec l'âge sont responsables de cette association : la

susceptibilité individuelle, les possibilités d’exposition, la latence ou la période

d'incubation de la maladie, et la réponse physiologique (qui conditionne, entre autres

choses, le développement des maladies).

Quand on analyse les données selon l'âge, on essaie d'utiliser des classes suffisamment

étroites pour permettre de détecter tout profil lié à l'âge existant dans les données. En

première approche, on utilise généralement des classes d’âge de 5 ans : de 0 à 4 ans, de

5 à 9 ans, de 10 à 14 ans et ainsi de suite. Des intervalles plus larges, comme par

exemple de 0 à 19 ans, de 20 à 39 ans, etc. peuvent occulter des variations liées à l'âge

dont nous avons besoin pour identifier la partie de la population effectivement à

risque. Parfois même, la répartition habituelle par classes de 5 ans peut masquer des

différences importantes.

3.4.3. Sexe De façon générale, les hommes présentent des taux de maladie et de décès plus

élevés que les femmes pour un grand nombre d'affections. Dans le cas de certaines

maladies, cette différence liée au sexe est due à des différences génétiques,

hormonales, anatomiques ou à d'autres différences inhérentes aux deux sexes. Ces

dernières conditionnent la susceptibilité individuelle et les réponses physiologiques.

Par exemple, les femmes en phase de préménopause présentent un risque de maladie

cardiaque inférieur à celui des hommes de même âge. Cette différence est attribuée à

un taux d'oestrogènes plus élevé chez les femmes. D'autre part, les différences liées au

sexe dans la survenue de nombreuses maladies sont le reflet de différences dans la

possibilité ou le niveau de leur exposition.

3.4.4. Groupes ethniques et raciaux Lors de l'examen de données épidémiologiques, on s'intéresse aux groupes de

personnes ayant vécu ensemble durant une période assez longue pour avoir acquis des

caractéristiques communes, d'ordre biologique ou d'ordre social. Différents termes sont

habituellement utilisés pour identifier ce type de groupes : la race, la nationalité, la

religion, les groupes consanguins* locaux ou sociaux tels que les tribus ou tout autre

groupe socialement ou géographiquement isolé.

Attention

En France, la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978 interdit tout enregistrement

statistique et informatique, quel que soit le support d’information, de la race et/ou de

l’ethnie d’une personne. Toutefois, cela est possible pour une recherche scientifique

agréée. Tel n’est pas le cas aux Etats-Unis, où ces « variables », sont régulièrement

utilisées pour décrire l’état de santé de la population.

Les différences observées au sein de groupes raciaux, ethniques ou d'autre nature

peuvent être révélatrices de différences de prédisposition, d'exposition ou d'autres

facteurs influençant plus directement le risque de maladie, comme la situation socio-

économique ou l'accès aux soins médicaux.

3.4.5. Situation socio-économique La situation socio-économique est une donnée difficile à quantifier. Elle est constituée

de nombreuses variables telles que le travail, le revenu familial, le niveau d'études, les

conditions de vie et le statut social. Les variables les plus faciles à mesurer peuvent ne

pas refléter l'ensemble de ces notions. Toutefois, on utilise communément la

profession, le revenu familial et le niveau d'études tout en étant conscients du fait que

ces données ne permettent pas de mesurer précisément la situation socio-économique

d'une personne.

La fréquence de nombreuses affections préjudiciables à la santé augmente quand la

situation socio-économique est plus basse. Par exemple, la tuberculose est plus

courante chez les personnes issues des couches socio-économiques inférieures. La

mortalité des enfants en bas âge et la perte de temps de travail due aux handicaps sont

deux facteurs associés à des revenus faibles. Ces caractéristiques peuvent refléter des

expositions plus dangereuses, une résistance plus faible et un accès moins facile aux

soins médicaux. Ils peuvent aussi refléter en partie des relations impossibles à démêler

- est-ce que l'appartenance à une classe socio-économique défavorisée contribue aux

handicaps, ou ces derniers conditionnent-ils l'appartenance à une classe socio-

économique défavorisée ?

Certaines maladies sont plus répandues chez les personnes de niveau social plus élevé.

Ces affections comprennent le cancer du sein, le syndrome de Kawasaki et le tennis-

elbow. De nouveau, les différences d'exposition expliquent au moins en partie les

différences de fréquence de ces affections.

4. L'épidémiologie analytique Comme vous avez pu le constater, l'épidémiologie descriptive permet d'identifier

plusieurs caractéristiques chez des sujets atteints de maladie et nous pouvons nous

demander si ces caractéristiques sont vraiment peu usuelles. L'épidémiologie

descriptive pourtant ne répond pas à cette question. L'épidémiologie analytique quant à

elle le permet grâce au groupe comparatif. Les groupes comparatifs, qui procurent des

informations de base, constituent l'une des caractéristiques-clef de l'épidémiologie

analytique.

Par exemple, lors d'une épidémie d'hépatite A, il avait été constaté que pratiquement

toutes les personnes contaminées avaient mangé des pâtisseries provenant d'une

boulangerie donnée et buvaient de l'eau de la ville "(26)" (Schoenbaum SC & al.,

1976). Cependant, sans connaître les habitudes des personnes sans hépatite, il n'était

pas possible de conclure que les pâtisseries, l'eau de la ville ou les deux à la fois

constituaient des facteurs de risque d'hépatite. C'est pourquoi un groupe de

comparaison, constitué de personnes en bonne santé provenant de la même population,

a été interrogé. Au sein de ce groupe de comparaison sans hépatite, presque tous les

individus buvaient de l'eau de la ville mais peu d'entre eux avaient été exposés aux

pâtisseries. Ces résultats indiquaient que les gâteaux provenant de la boulangerie

suspectée constituaient un facteur de risque de l'hépatite A.

Quand, comme dans l'exemple ci-dessus, on observe que des personnes présentant une

caractéristique particulière sont plus susceptibles de développer une maladie donnée

que celles ne présentant pas cette caractéristique, cette caractéristique est alors dite

associée à la maladie. Cette caractéristique peut être un facteur démographique comme

l'âge, la race ou le sexe, un facteur constitutionnel comme le groupe sanguin ou le

statut immunitaire, un comportement ou un acte comme le fait de fumer ou d'avoir

mangé un met particulier comme une salade de pomme de terre. Il peut également

s'agir d'une circonstance particulière, comme de vivre à proximité d'une décharge de

produits toxiques. L'identification des facteurs associés à une maladie aide à identifier

les catégories de population à plus haut risque de survenue de cette maladie. Il est alors

possible de cibler les actions de santé publique pour la prévention et le contrôle de la

maladie. Cette identification des facteurs de risque fournit également des indices

permettant d'orienter les recherches sur les causes de la maladie.

L'épidémiologie analytique s'intéresse à la recherche des causes et des effets, ou au

pourquoi et au comment. On utilise l'épidémiologie analytique pour quantifier

l'association entre exposition et état ou événement de santé, et pour tester des

hypothèses sur les relations de cause à effet. On dit parfois que l'épidémiologie n'est

jamais en mesure de prouver qu'une exposition particulière a entraîné un résultat

donné. Cependant, l'épidémiologie peut fournir des preuves suffisantes pour prendre

les mesures de prévention et de contrôle appropriées.

Les études épidémiologiques se répartissent en deux catégories : les études

expérimentales et les études observationnelles. Au cours d'une étude

expérimentale, on détermine le statut de l'exposition pour chaque individu (essai

clinique) ou chaque communauté (essai dans une collectivité) ; puis on suit les

individus ou les communautés en question afin de détecter les effets de

l'exposition. Dans une étude observationnelle, cas le plus fréquent, on observe

simplement le statut de l'exposition et le résultat en termes de santé pour chacun des

sujets de l'étude. L'étude des cas d'hépatite A décrite plus haut était une étude de type

observationnel. Les études de cohorte et les études cas-témoins sont deux types

d'études observationnelles. Une étude de cohorte est similaire dans son concept à

une étude expérimentale. On classe les sujets sur la base de leur exposition, puis

on les observe pour voir s'ils développent les problèmes de santé étudiés. A la

différence d'une étude expérimentale, dans une étude de cohorte, on ne détermine

pas le statut de l'exposition, on ne fait que l'observer. Après une durée de suivi

donnée, on compare le taux de maladie dans le groupe exposé et dans le groupe

non exposé. La durée de suivi est variable, allant de quelques jours pour les

maladies aiguës, à plusieurs décennies pour les cancers, les maladies cardio-

vasculaires et autres affections chroniques. La Framingham Study est une étude de

cohorte bien connue qui a permis le suivi de plus de 5 000 habitants de la ville de

Framingham, dans le Massachusetts, depuis le début des années 50, afin de déterminer

les taux et les facteurs de risque des maladies cardiaques.

L'étude cas-témoins, l'autre type d'étude observationnelle, est plus couramment

utilisée que l'étude de cohorte. Dans les études cas-témoins, on inclut un groupe

de sujets présentant la maladie (les "cas") et un groupe de sujets ne présentant

pas la maladie (les "témoins") et on compare les caractéristiques de leurs

expositions passées. L'étude de l'hépatite A décrite plus haut est un exemple

d'étude cas-témoins. Le facteur clef d'une étude cas-témoins est l'identification

d'un groupe témoin, ou de comparaison, approprié, car il permet de mesurer le

degré d'exposition attendu.

En résumé, le but d'une étude épidémiologique est de quantifier la relation entre une

exposition et un état ou un événement de santé. Le label de qualité d'une étude

épidémiologique est constitué par la présence d'au moins deux groupes, l'un deux

servant de groupe de comparaison. Dans une étude expérimentale, l'investigateur

détermine l'exposition des sujets. Dans une étude observationnelle, les sujets

déterminent eux-mêmes leur exposition. Dans une étude observationnelle de cohorte,

les sujets sont inclus sur la base de leur exposition, puis sont suivis pour documenter la

survenue de la maladie. Dans une étude observationnelle de type cas-témoins, les

sujets sont inclus selon la présence ou l'absence de la maladie, puis sont interrogés ou

soumis à des tests afin de déterminer leur exposition passée.

Causalité On utilise l'épidémiologie analytique pour rechercher les causes des maladies.

Cependant, ce concept n'est pas simple. Premièrement, toutes les associations entre

exposition et maladie ne sont pas systématiquement des relations de cause à effet.

Deuxièmement, tous les modèles de causalité des maladies reconnus impliquent une

interaction précise de différents facteurs et de différentes conditions avant que la

maladie ne survienne. Enfin, le concept de cause en soi fait toujours l'objet de débats

philosophiques dans la littérature scientifique. Néanmoins, les modèles et orientations

suivants fournissent un cadre pour envisager les relations de causalité sur un plan

pratique.

Dans le cadre de ce cours, nous définirons une cause de maladie comme un facteur

(caractéristique, comportement, événement, etc.) influençant la survenue de la

maladie. Une augmentation de ce facteur entraîne une augmentation dans la survenue

de la maladie. Une diminution de ce facteur entraîne une diminution dans la survenue

de la maladie. Si la maladie ne peut se développer sans la présence du facteur, nous

qualifierons alors le facteur causal de "nécessaire". Si le facteur entraîne toujours

l'apparition de la maladie, nous le qualifierons de facteur "suffisant". L'exposition à

Mycobacterium tuberculosis est nécessaire pour développer la tuberculose, mais n'est

pas suffisante, car toutes les personnes infectées ne développent pas la maladie. Par

contre, l'exposition à un inoculum important du virus de la rage constitue une cause

suffisante chez une personne susceptible, car la rage clinique et le décès seront

pratiquement inévitables.

Divers modèles de relation de causalité des maladies ont été proposés. Les modèles

constituent des représentations volontairement simplifiées. Dans le cas qui nous

intéresse, le but du modèle consiste à faciliter la compréhension de la réalité naturelle,

qui est en soi complexe. Deux de ces modèles sont discutés dans les paragraphes

suivants.

1. La Triade Épidémiologique : L'Agent, l'Hôte et le Milieu Le triangle ou la triade épidémiologique est le modèle traditionnel de relation de

cause à effet pour les maladies infectieuses. Cette triade se compose de trois

éléments : un agent externe, un hôte prédisposé et un milieu apportant à la fois l'agent

et l'hôte. Dans ce modèle, le milieu a une influence sur l'agent, l'hôte et la voie de

transmission de l'agent entre un point source et l'hôte.

1.1. Facteurs liés à l'agent L'agent faisait au départ référence à un micro-organisme infectieux - virus, bactérie,

parasite ou autre microbe. En général, ces agents doivent être présents pour que la

maladie survienne. Ils sont donc nécessaires mais pas toujours suffisants pour entraîner

la maladie.

Comme l'épidémiologie a été appliquée à des maladies non-infectieuses, le concept

d'agent dans ce modèle a été étendu, afin d'inclure les causes chimiques et physiques

de maladie. Ces dernières comprennent des contaminants chimiques, tels que l'agent

contaminant le L-tryptophane responsable du syndrome d'éosinophilie-myalgie, ainsi

que des facteurs physiques, telles que les forces mécaniques répétitives associées au

syndrome du canal carpien.

Remarque Il n'est pas facile d'appliquer ce modèle à certaines maladies non-infectieuses, pour

lesquelles il est parfois difficile de distinguer si un facteur donné doit être classé

comme agent, ou comme facteur environnemental (lié au milieu).

1.2. Facteurs liés à l'hôte Les facteurs liés à l'hôte sont des facteurs intrinsèques influençant l'exposition, la

susceptibilité, ou la réaction d'un individu à l'agent causal. L'âge, la race, le sexe, le

statut socio-économique et les comportements (consommation de tabac, usage de

drogues, mode de vie, pratiques sexuelles et contraceptives, habitudes alimentaires)

représentent seulement quelques-uns des nombreux facteurs liés à l'hôte, et qui

affectent ses possibilités d'être exposé. L'âge, les facteurs génétiques, l'état nutritionnel

et immunologique, les facteurs anatomiques, la présence de maladies ou la prise de

médicaments, ainsi que le profil psychologique, font partie des facteurs liés à l'hôte qui

affectent sa susceptibilité et sa réponse à un agent.

1.3. Facteurs environnementaux Les facteurs environnementaux sont des facteurs extrinsèques affectant l'agent et

conditionnant les possibilités d'exposition. Généralement, les facteurs

environnementaux comprennent des facteurs physiques tels que la géologie, le climat

et le lieu (par exemple, une maison de retraite, un hôpital), des facteurs biologiques,

tels que les insectes qui transmettent l'agent, et des facteurs socio-économiques, tels

que la densité de population, l'hygiène publique et la disponibilité de services de santé.

Ce sont les interrelations diverses et complexes entre facteurs liés à l'agent, à l'hôte et

au milieu qui permettent la survenue de la maladie chez l'homme. Leur équilibre et

leurs interactions sont différents selon les maladies. Dans la recherche des relations de

causalité, on doit prendre en compte ces trois éléments et analyser leurs interactions

afin de déterminer des mesures pratiques de prévention et de contrôle.

L'épidémiologie dans la pratique de santé publique L'épidémiologie est un outil essentiel en santé publique, que ce soit pour la

surveillance, l'investigation des maladies, la réalisation d'études étiologiques ou

l'évaluation des différents programmes de santé. Dans un département

d'épidémiologie, ces d'activités sont celles dont la contribution à la promotion de la

santé publique est la plus importante.

1. La surveillance en santé publique La surveillance en santé publique est le recueil, l'analyse, l'interprétation et la diffusion

de données relatives à la santé réalisés de façon permanente et systématique "(28)"

(Thacker SB & al., 1988) . Les données de surveillance en santé publique que l'on

pourrait qualifier "d'informations pour l'action" "(22) " (National Center for Health

Statistics, 1991) permettent en permanence de prendre le pouls d'une communauté.

Grâce à la connaissance des caractéristiques de survenue des maladies, des mesures

pour étudier, prévenir et contrôler avec efficacité les maladies peuvent être mises en

place.

Au plan local, les données de surveillance proviennent généralement des déclarations

de cas de maladies par les professionnels de santé. Ces professionnels doivent notifier

les cas de certaines maladies soumises à déclaration obligatoire comme le choléra,ou

la rougeole.

En France, la liste des 31 maladies à déclaration obligatoire est la suivante : http://www.invs.sante.fr/fr/Espace-professionnels/Maladies-a-declaration-obligatoire/31-

maladies-a-declaration-obligatoire

Les données de surveillance peuvent aussi provenir de cas identifiés par des

laboratoires d'analyse biologique, d'enquêtes, de registres de maladies, de certificats de

décès ou de données relatives à des programmes de santé publique comme la

couverture vaccinale. Ces données peuvent également provenir d'investigation de cas

isolés ou de concentrations de cas conduites par un département de santé.

Le mode de surveillance utilisé est le plus souvent très simple. Pour chaque cas notifié

(cas d'une maladie ou décès lié à une maladie), un nombre limité d'information est

collecté pour surveiller les tendances de la mortalité ou de la morbidité en fonction du

temps, des régions géographiques et des personnes. Malheureusement, les maladies

soumises à déclaration sont souvent sous-déclarées (10 à 25 % des cas réellement

survenus seraient notifiés) "(20)" (Marier R, 1977) . Néanmoins, ce type de

surveillance est une aide très précieuse pour détecter les problèmes et orienter les

actions en matière de santé publique. Aux Etats-Unis, un épidémiologiste responsable

d'un département de santé d'un comté important a déclaré que "la surveillance

constitue la préoccupation principale de l'épidémiologiste en exercice ; elle touche et

met en relief toutes ses activités" "(24)" (Peterson DR, 1970) .

2. Études étiologiques La surveillance et la recherche des cas suffisent parfois à identifier les causes, les

modes de transmission des maladies, ainsi que les mesures de contrôle et de prévention

appropriées et fournissent également dans certains cas des indices et hypothèses qui

doivent être évalués à l'aide de techniques appropriées.

Dans un premier temps, les investigateurs ont recours à l'épidémiologie descriptive. Ils

décrivent l'incidence de la maladie ainsi que sa répartition en fonction du temps, du

lieu et des personnes. Ils calculent les taux d'incidence et identifient les groupes de

population à risque plus élevé. S'ils trouvent une forte association entre l'exposition et

la maladie, ils peuvent rapidement mettre en application des mesures de contrôle. Les

études descriptives génèrent ainsi des hypothèses qui peuvent ensuite être testées à

l'aide d'études étiologiques.

Les épidémiologistes doivent bien connaître toutes les caractéristiques des études

étiologiques : leur conception, leur conduite, les méthodes d'analyse et l'interprétation

des résultats. Les épidémiologistes doivent aussi être en mesure de communiquer les

résultats de ces études.

La conception de l'étude comprend le choix du type d'étude approprié, l'écriture des

justifications et du protocole de l'étude, le calcul de la taille de l'échantillon, le choix

des critères de sélection des sujets (par exemple choix des sujets témoins), la rédaction

des questionnaires et de nombreuses tâches multiples prévues pour l'étude.

La conduite d'une étude nécessite l'obtention des autorisations et approbations

appropriées pour obtenir le résumé des dossiers médicaux, pour l'identification et

l'interrogation des sujets, pour la collecte et le traitement des prélèvements

biologiques, ainsi que pour la gestion des données.

L'analyse commence par la description des caractéristiques des sujets, puis se

poursuit avec le calcul des taux, la création de tableaux comparatifs (par exemple, les

tableaux 2 x 2), le calcul des mesures d'association (par exemple, les rapports des

risques et de cotes), les tests de signification statistiques (par exemple, le test du chi

carré), les intervalles de confiance et autres.

Enfin, l'interprétation consiste à mettre en évidence les principaux résultats de

l'étude et à mettre en place les recommandations appropriées.

3. L'investigation des maladies La surveillance est considérée comme un recueil d'informations utilisées pour agir. La

première action d'un département de santé consiste, au moment de la réception d'une

déclaration de cas ou d'un groupe de cas d'une maladie, à entreprendre des

investigations. Ces dernières peuvent être limitées à un appel téléphonique passé au

professionnel de santé ayant notifié le ou les cas pour confirmer ou clarifier les

circonstances de survenue du cas ; elles peuvent aussi être plus approfondies et faire

l'objet par exemple d'une enquête sur le terrain mobilisant les efforts de plusieurs

douzaines de personnes pour déterminer l'importance et la cause d'une épidémie. Les

objectifs de ces investigations varient d'une maladie à l'autre. Concernant les maladies

contagieuses, l'objectif poursuivi peut reposer sur l'identification de cas non notifiés ou

non identifiés pour limiter la progression de la maladie. Par exemple, l'une des

caractéristiques de la recherche sur les maladies sexuellement transmissibles consiste à

identifier les personnes ayant eu des rapports sexuels avec les cas. Lors de

l'interrogatoire et de la réalisation de test de dépistage chez ces personnes, il apparaît

souvent qu'elles présentent des infections asymptomatiques. La mise en place d'un

traitement chez ces personnes limite la progression de la maladie.

Pour d'autres maladies, l'objectif des investigations peut reposer sur l'identification de

la source ou du véhicule de transmission de l'infection. Par exemple, pour un cas de

botulisme, la recherche a pour but d'identifier le véhicule contaminé par la toxine

botulique, tel qu'un aliment dont la mise en conserve n'a pas été réalisée de manière

adéquate. Une fois le véhicule identifié, les chercheurs peuvent établir le nombre de

personnes qui ont pu être exposées, ainsi que celles qui sont toujours à risque pour

prendre les mesures visant à prévenir leur exposition. A Taiwan, l'investigation d'un

groupe de cas de botulisme a permis de mettre en évidence que la maladie provenait de

la consommation de cacahuètes en boîte préparées par un seul fabricant "(10)" (Chou

JH & al., 1988) . Un appel national a ensuite été lancé auprès de tous les grossistes, les

détaillants et les foyers afin de réduire le risque d'exposition pour les autres personnes.

Pour certaines maladies, l'objectif d'une investigation peut tout simplement consister à

en apprendre plus sur la maladie elle-même - histoire naturelle, tableau clinique,

épidémiologie descriptive, et facteurs de risque. Concernant l'apparition au niveau

national du syndrome du choc toxique en 1980, les investigations antérieures avaient

permis d'établir une définition de cas à partir des symptômes cliniques des cas et à

partir de leur description en fonction du temps, du lieu et des personnes. A partir de

l'épidémiologie descriptive, les chercheurs ont été en mesure d'émettre des hypothèses

qu'ils ont ensuite pu tester grâce à des études analytiques. Une série d'études de plus en

plus spécifiques a alors permis de limiter progressivement les facteurs de risque aux

femmes en période menstruelle puis à celles utilisant des tampons d'une certaine

marque. Ceci a entraîné le retrait de cette marque du marché et des études

complémentaires ont été entreprises pour identifier les facteurs, au niveau de la

composition et de l'utilisation du tampon, nécessaires au développement du syndrome

(8).

Les investigations décrites ci-dessus sont parfois appelées "épidémiologie de terrain",

véhiculant l'image de l'épidémiologiste préoccupé et battant le pavé à la recherche de

cas à interroger et d'indices permettant d'identifier la source et le mode de

transmission.

Quelques thèmes en épidémiologie des maladies Bien que l'approche épidémiologique puisse s'appliquer à tous les types de maladie, ou

d'événement de santé, le mode de transmission des maladies infectieuses est le plus

facile à comprendre. Les maladies infectieuses sont par ailleurs les préoccupations

principales des départements de la santé. Par conséquent, une description des concepts

clef de l'épidémiologie en matière de maladies infectieuses est présentée ci-après. Ces

concepts peuvent aussi s'appliquer aux maladies non infectieuses.

1. Histoire naturelle et forme clinique d'une maladie L'histoire naturelle d'une maladie renvoie à l'évolution d'une maladie sur un individu

dans le temps et en l'absence de toute intervention. Le processus commence à partir de

l'exposition à des facteurs capables de déclencher la maladie ou à partir de

l'accumulation de ces derniers. Sans intervention médicale, le processus se termine par

la guérison, l'invalidité ou le décès. Les étapes de l'histoire naturelle d'une maladie sont

indiquées sur la Figure 1.17. La plupart des maladies présentent une histoire naturelle

caractéristique (qui est souvent mal comprise dans le cas de nombreuses maladies)

bien que l'évolution dans le temps et les manifestations spécifiques d'une maladie

puissent varier en fonction des individus. En prenant un individu particulier, le

déroulement normal d'une maladie peut être interrompu à tout moment au cours de la

progression par des mesures préventives et thérapeutiques, par des facteurs de l'hôte et

d'autres facteurs d'influence.

IMG. 19 : FIGURE 1.17 - HISTOIRE NATURELLE D'UNE MALADIE

Tel qu'indiqué sur la Figure 1.17, l'histoire naturelle commence par l'exposition à des

facteurs qui déclenchent le processus de la maladie chez un hôte susceptible. Pour les

maladies infectieuses, l'exposition est habituellement un micro-organisme. Pour le

cancer, ces facteurs peuvent être des initiateurs de cancer comme les fibres d'amiante

ou composantes de la fumée de tabac (pour le cancer du poumon), et des promoteurs

de cancer comme les oestrogènes (pour le cancer endométrial).

Généralement, une période sans signes pathologiques apparents ou infra cliniques suit

l'exposition. Pour les maladies infectieuses, cette période est généralement appelée

période d'incubation ; pour les maladies chroniques, cette période est généralement

appelée période de latence. Cette période peut être très courte à savoir quelques

secondes en cas d'hypersensibilité et de réactions toxiques ou très longue à savoir

plusieurs décennies pour certaines maladies chroniques. Pour une même maladie, la

période d'incubation a une durée variable. Par exemple, pour l'hépatite A, cette période

est de 2 à 6 semaines. Pour les leucémies consécutives à l'exposition à l'explosion de la

bombe atomique à Hiroshima, cette période allait de 2 à 12 ans, avec une période

maximale de 6 à 7 ans (11). Bien que la maladie ne soit pas apparente pendant la

période d'incubation, certains changements pathologiques peuvent être détectés à l'aide

de méthodes de laboratoire ou de méthodes de radiographie et de dépistage. La plupart

des programmes de dépistage permettent d'identifier la maladie pendant cette phase

infra-clinique car si une intervention précoce est possible, elle sera plus efficace qu'un

traitement mis en place plus tardivement.

L'apparition de symptômes marque la transition entre le stade infra-clinique et le stade

clinique de la maladie. La plupart des diagnostics sont réalisés pendant la phase

clinique de la maladie. Il se peut que, dans certains cas, la maladie n'évolue jamais

jusqu'au stade clinique. Dans d'autres cas, l'évolution peut se faire vers diverses formes

cliniques, modérée, sévère ou fatale.

Trois termes sont utilisés pour décrire une maladie infectieuse en fonction des

conséquences de l'exposition à un agent infectieux :

L'infectiosité fait référence à la proportion des personnes exposées qui

deviennent contaminées.

Le pouvoir pathogène fait référence à la proportion des personnes contaminées

qui développent une maladie clinique.

La virulence fait référence à la proportion des personnes présentant des signes

cliniques de la maladie et qui deviennent sévèrement malades ou qui décèdent.

Par exemple, le virus de l'hépatite A chez les enfants dispose d'un faible pouvoir

pathogène et d'une faible virulence étant donné que les enfants contaminés restent des

porteurs asymptomatiques et que seuls quelques enfants développent une maladie

grave.

Chez les personnes en bonne santé et bénéficiant d'une bonne alimentation, le virus de

la rougeole dispose d'un fort pouvoir pathogène mais d'une faible virulence étant

donné que la quasi-totalité des personnes contaminées développe une éruption

caractéristique, mais que seulement certaines développent les complications de la

rougeole, pneumonie ou encéphalite pouvant être mortelle. Chez les personnes en

moins bonne santé avec une alimentation moins riche, la rougeole est une maladie plus

virulente avec un taux de mortalité atteignant 5-10 %.

En revanche, le virus de la rage est à la fois fortement pathogène et virulent étant

donné que pratiquement 100 % des personnes contaminées (n'ayant pas reçu de

traitement) développent la maladie clinique puis décèdent.

La connaissance de l'histoire naturelle et des différents tableaux cliniques possibles

d'une maladie constituent un défi pour les médecins et le personnel de santé publique.

Les cas de maladies diagnostiqués par les médecins au sein de la communauté ne

représentent que "la partie émergée de l'iceberg". Pour les autres cas, il se peut qu'il

soit trop tôt pour que le diagnostic de la maladie soit possible ou qu'ils soient des

porteurs asymptomatiques. Pour le personnel de santé publique, le problème est

représenté par les personnes dont l'infection n'est pas apparente ou diagnostiquée et qui

peuvent cependant transmettre cette infection à d'autres personnes. Ces personnes

contaminées mais présentant une maladie au stade infra clinique sont appelées

porteurs. Les porteurs sont généralement des personnes atteintes d'une maladie en

période d'incubation ou d'une infection asymptomatique. Les personnes atteintes de

rougeole, d'hépatite A ou d'autres maladies graves deviennent contagieuses quelques

jours avant l'apparition des premiers symptômes cliniques. D'autre part, les porteurs

peuvent également être des personnes apparemment guéries mais qui ont souffert d'une

maladie clinique comme les porteurs du virus de l'hépatite B.

2. Chaîne de l'infection

Le modèle traditionnel (triade épidémiologique) montre que les maladies infectieuses

résultent de l'interaction entre l'agent, l'hôte et le milieu. La transmission s'effectue

plus particulièrement au moment où l'agent quitte son réservoir ou hôte par une porte

de sortie, est ensuite véhiculé par un mode de transmission puis entre par une porte

d'entrée pour contaminer un hôte prédisposé. Ce processus est appelé chaîne

d'infection et est illustré par la Figure 1.18.

IMG. 20 : FIGURE 1.18 - CYCLE D'INFECTION

2.1. Réservoir Le réservoir d'un agent infectieux est l'habitat dans lequel ce dernier vit, se développe

et se multiplie. Le réservoir peut être l'homme, l'animal ou l'environnement Le

réservoir peut ou ne pas être à l'origine du transfert de l'agent d'un hôte à un autre. Par

exemple, le réservoir du bacille botulique se trouve dans le sol mais la source de la

plupart des infections dues au botulisme est constituée par des conserves réalisées dans

de mauvaises conditions et contenant des spores du bacille botulique.

L'homme en tant que réservoir L'homme est le réservoir de nombreuses maladies infectieuses. C'est le cas des

maladies transmises directement de personne à personne sans intermédiaire comme les

maladies sexuellement transmissibles, la rougeole, les oreillons, les infections à

streptocoque, et la plupart des infections respiratoires. La variole a été éradiquée après

identification puis isolement du dernier cas humain car l'homme était le seul réservoir

du virus de la variole. Il existe deux types de réservoirs humains :

Les personnes présentant une maladie symptomatique

Les porteurs

Un porteur est une personne sans maladie apparente, mais cependant capable de

transmettre l'agent à d'autres personnes. Les porteurs peuvent être des porteurs

asymptomatiques qui n'ont jamais présenté de symptômes pendant l'infection ou des

porteurs en période d'incubation ou convalescents capables de transmettre la maladie

avant et après avoir été malades. Un porteur chronique est un porteur qui héberge un

agent (comme le virus de l'hépatite B ou Salmonella typhi - l'agent de la fièvre

typhoïde) pendant une longue durée (mois ou années) à la suite d'une infection initiale.

Les porteurs transmettent généralement la maladie car ils ne savent pas qu'ils sont

contaminés et par conséquent ne prennent pas de précautions particulières pour

empêcher la transmission. La transmission de la maladie à partir de personnes malades

est peu probable car la présence de symptômes augmente la probabilité de diagnostic

et de traitement et réduit ainsi les contacts avec l'entourage.

L'animal en tant que réservoir Les maladies infectieuses pouvant être transmises par les animaux à l'homme sont

appelées zoonoses. En général, ces maladies sont transmises entre les animaux,

l'homme étant un hôte accidentel. Parmi ces maladies, on peut citer la brucellose

(vache et cochon), le charbon (mouton), la peste (rongeurs), la trichinose (porc), et la

rage (chauve-souris, raton laveur, chien, et autres mammifères).

Certaines maladies peuvent aussi avoir l'animal comme réservoir. Ce sont des maladies

qui sont transmises par des insectes et causées par des agents qui ont des cycles de vie

complexes avec différents réservoirs selon le stade de leur développement. Parmi ces

maladies, on peut citer l'encéphalite de Saint Louis et le paludisme (toutes les deux

transmises par des moustiques). La maladie de Lyme est une zoonose du cerf

transmise accidentellement à l'homme par la tique du cerf.

L'environnement en tant que réservoir Les plantes, le sol et l'eau peuvent aussi constituer un réservoir pour certains agents

infectieux. La plupart des agents fongiques tels que ceux qui sont à l'origine de

l'histoplasmose vivent et se développent dans le sol. Le principal réservoir du bacille

du Légionnaire semble être les flaques d'eau y compris celles qui sont formées au

niveau des tours de refroidissement et les condensateurs à évaporation.

2.2. Porte de sortie La porte de sortie est la voie empruntée par l'agent infectieux pour quitter son hôte.

Elle correspond généralement à l'endroit où l'agent infectieux est localisé. Le bacille

tuberculeux et les virus de la grippe sont excrétés par l'intermédiaire du système

respiratoire, les schistosomes par les urines, les vibrions cholériques par les selles,

l'agent de la gale (Sarcoptes scabei) par des lésions cutanées et l'entérovirus 70, agent

de la conjonctivite hémorragique par les sécrétions conjonctivales. Certains agents

véhiculés par le sang peuvent traverser le placenta (rubéole, syphilis, toxoplasmose) ou

être excrétés par voie cutanée via des coupures ou lors de l'utilisation de seringue

(hépatite B) ou via des arthropodes suceurs de sang (paludisme).

2.3. Modes de transmission Une fois hors de son réservoir naturel, l'agent peut être transmis à un hôte susceptible

de diverses façons. Ces modes de transmission sont classées de la façon suivante :

Transmission directe

- Contact direct

- Gouttelettes de salive

Transmission indirecte

- par l'air

- par un véhicule

- par un vecteur

- mécanique

- biologique

La transmission directe est le transfert d'un agent infectieux par contact direct ou par

gouttelettes de salive à partir d'un réservoir vers un hôte susceptible. Les baisers, les

contacts avec la peau et les rapports sexuels sont des contacts directs. Le contact direct

correspond au contact avec le sol et la végétation hébergeant des organismes

infectieux. La mononucléose infectieuse ("maladie du baiser") et la blennorragie se

transmettent de personne à personne par contact direct. L'ankylostome est transmis par

contact direct avec un sol contaminé. La transmission par gouttelettes de salive se

produit lors des éternuements, de la toux, voire en parlant. La transmission par

gouttelettes de salive est classée dans la catégorie directe car elle s'effectue sur une

distance d'environ un mètre avant que les gouttelettes ne tombent sur le sol.

La transmission indirecte est le transfert d'un agent infectieux entre un réservoir et un

hôte susceptible par des particules en suspension dans l'air ou par des intermédiaires

vivants (vecteur) ou inanimés (véhicule). La plupart des vecteurs sont des arthropodes

comme les moustiques, les puces et les tiques. Ces derniers peuvent véhiculer l'agent

de manière purement mécanique. Par exemple, les mouches véhiculent les shigelles au

niveau de leurs appendices ; les puces véhiculent le bacille de la peste (Yersinia pestis)

dans leur intestin et le déposent sur la peau d'un nouvel hôte. En cas de transmission

mécanique, l'agent ne se multiplie pas et ne subit pas de changements physiologiques

dans le vecteur. Ceci contraste avec les cas où l'agent passe une partie de son cycle à

l'intérieur d'un vecteur avant d'être transmis à un nouvel hôte. Si l'agent subi des

changements à l'intérieur du vecteur, ce dernier joue à la fois le rôle d'hôte

intermédiaire et de mode de transmission. Ce type de transmission indirecte est une

transmission biologique.

Les véhicules pouvant transmettre indirectement un agent sont les aliments, l'eau, les

produits biologiques (sang) et les matières contaminées (objets comme les mouchoirs,

la literie ou les scalpels chirurgicaux). Comme les vecteurs, les véhicules peuvent

transporter de manière passive un agent infectieux par exemple, les aliments ou l'eau

véhiculent le virus de l'hépatite A - ou peuvent représenter un milieu où l'agent se

développe, se multiplie ou produit une toxine - par exemple, les aliments mis en

conserve dans de mauvaises conditions constituent un milieu où le bacille botulique

peut produire une toxine.

La transmission par l'air concerne les particules qui sont en suspension dans l'air. Il en

existe deux types : les particules de poussière et les gouttelettes de salive. La

poussière véhiculée par l'air comprend des particules infectieuses présentes au niveau

du sol ou d'autres surfaces soulevées par des courants d'air ou un souffle de vent. Les

particules des gouttelettes de salive sont des résidus de gouttelettes de salive sèches.

La taille de ces particules est inférieure à 5 (microns), elles peuvent rester en

suspension dans l'air pendant de longues périodes, voyager sur de longues distances et

sont facilement inhalées dans les poumons et rejetées dans l'air. Elles sont donc un

mode de transmission important. Par exemple, la tuberculose est plus souvent

transmise indirectement par des particules des gouttelettes de salive que directement

par les gouttelettes de salive. La maladie du légionnaire et l'histoplasmose se répandent

également par ce mode de transmission.

2.4. Porte d'entrée Un agent pénètre dans un hôte susceptible par une porte d'entrée. La porte d'entrée

fournit un accès aux tissus où l'agent peut se multiplier ou une toxine peut agir. Les

organismes utilisent souvent la même porte pour entrer dans un nouvel hôte que celle

qu'ils utilisent pour sortir de l'hôte d'origine. Par exemple, le virus de la grippe utilise

le système respiratoire pour sortir de l'hôte source et pour entrer dans le nouvel hôte.

La voie de transmission de nombreux agents pathogènes intestinaux est décrite comme

étant une voie "féco-orale" car les organismes sont rejetés dans les selles, véhiculés sur

des mains mal lavées et ensuite transportées par un véhicule (tel qu'un aliment, l'eau ou

un ustensile de cuisine) jusqu'à la bouche d'un nouvel hôte. Les autres portes d'entrée

sont la peau (ankylostome), les muqueuses (syphilis, trachome) et le sang (hépatite B).

2.5. Hôte Le dernier maillon du cycle de l'infection est un hôte susceptible. La susceptibilité d'un

hôte peut dépendre de facteurs génétiques, de l'immunité acquise spécifique ou

d'autres facteurs qui modifient la capacité d'un individu à résister aux infections ou aux

agents pathogènes. Le patrimoine génétique d'un individu peut augmenter ou réduire

sa susceptibilité. Les facteurs pouvant constituer une défense contre les infections sont

la peau, les muqueuses, l'acidité gastrique, les cils du système respiratoire, le réflexe

de la toux et les réactions immunitaires non spécifiques. Ceux qui peuvent augmenter

la susceptibilité sont la malnutrition, l'alcoolisme et les maladies ou les médicaments

modifiant les réactions immunitaires. L'immunité acquise spécifique correspond à la

production d’anticorps protecteurs destinés à combattre un agent spécifique. Les

individus peuvent acquérir des anticorps protecteurs de deux façons :

1) lors d’une infection, suite à une vaccination ou à l’injection d'une toxine ;

l'immunité ainsi développée est appelée immunité active ;

2) ils peuvent acquérir les anticorps de leur mère avant la naissance à travers le

placenta ou suite à des injections d'antitoxines ou d'immunoglobulines ; l'immunité

ainsi acquise est appelée immunité passive.

Le cycle de l'infection peut être interrompu si un agent ne trouve pas d'hôte

susceptible. Ceci peut arriver si une forte proportion des individus au sein d'une

population résiste à un agent. Ces personnes limitent la propagation de la maladie aux

personnes susceptibles en réduisant la probabilité de contact entre les personnes

contaminées et les personnes susceptibles. Ce concept est appelé immunité de groupe.

Le degré d'immunité de groupe nécessaire pour empêcher ou faire échouer l'apparition

des maladies varie en fonction de la maladie. En théorie, l'immunité de groupe signifie

que les personnes d'une communauté n'ont pas toutes besoin d'être résistantes

(immunisées) afin d'empêcher la propagation de la maladie et la survenue d'une

épidémie. En pratique, l'immunité de groupe n'a pas empêché des épidémies de

rougeole et de rubéole chez des populations présentant un taux de couverture vaccinale

compris entre 85 et 90 %. Le problème réside dans le fait qu'au sein de populations

fortement immunisées, les personnes susceptibles, même en nombre faible, sont

souvent regroupées dans des sous-populations définies en fonction de facteurs socio-

économiques et culturels. Si l'agent est introduit dans l'un de ces sous-groupes, une

épidémie peut survenir.

2.6. Conséquences pour la santé publique En connaissant les modes de transmission des maladies, il est possible de définir

des mesures de contrôle adaptées. En général elles doivent être orientées vers le

maillon de la chaîne d'infection le plus susceptible d’être atteint, à moins que des

problèmes pratiques n'empêchent d'aller dans ce sens.

Pour certaines maladies, le mode d'intervention le plus approprié consiste à contrôler

et à éliminer l'agent à sa source. Dans le milieu hospitalier, les patients peuvent être

traités et/ou isolés en prenant des "précautions liées au tube digestif", des "précautions

liées au système respiratoire", des "précautions universelles" et ainsi de suite selon le

mode de dissémination. Dans la communauté, le sol peut être décontaminé ou couvert

afin d'empêcher toute dissémination de l'agent.

Les interventions sont parfois focalisées sur le mode de transmission. En cas de

transmission directe, l'hôte source peut être traité ou informé afin d'éviter tout contact

pouvant permettre une transmission. Dans le milieu hospitalier, comme la plupart

des infections sont transmises par contact direct, le fait de se laver les mains

constitue le moyen le plus efficace pour empêcher la propagation des maladies.

Pour la transmission par véhicule, nous pouvons décontaminer ou éliminer le véhicule.

Pour la transmission par voie "féco-orale", les risques de contamination peuvent être

réduit en réaménageant le milieu et en formant les personnes pour un meilleur respect

des mesures d’hygiène. En cas de transmission par l’air, les conditions d’aération et de

ventilation peuvent être améliorées par la filtration ou le traitement de l'air. En cas de

transmission par vecteur, on essaye généralement de réduire ou d'éradiquer la

population vectrice.

En conclusion, des mesures visant à protéger les portes d'entrée d'un hôte potentiel

prédisposé ou à réduire la prédisposition de l'hôte potentiel peuvent être appliquées.

Par exemple, le port d'un masque et de gants par un dentiste a pour but de protéger le

dentiste contre les saignements, les sécrétions ou les gouttelettes de salive de ses

patients mais aussi de protéger le patient d'une contamination provenant du dentiste.

La prophylaxie antibiotique et la vaccination sont des stratégies visant à améliorer les

défenses d'un hôte potentiel.

3. Survenue d'une épidémie

3.1. Fréquence des maladies La fréquence des maladies au sein d’une population représente la fréquence de base de

cette maladie. Cette fréquence n'est pas nécessairement celle à laquelle on pourrait

s’attendre c'est-à-dire une fréquence nulle. Il s'agit plutôt d'une fréquence observée. En

théorie en l’absence d’intervention et dans le cas d’une maladie rare, la survenue de la

maladie évolue selon cette fréquence de base. Cette fréquence de base est considérée

comme la fréquence attendue de la maladie. Par exemple, sur les 4 dernières années, le

nombre de cas rapportés de poliomyélite était compris entre 5 et 9. Par conséquent, en

supposant que la population n'a subi aucun changement depuis, le nombre de cas pour

l'année prochaine devrait être environ égal à 7.

La fréquence attendue varie selon les maladies et les populations considérées :

1) quand la fréquence de survenue est faible ou modérée mais constante, on parle de

maladies endémiques ;

2) et de maladies hyperendémiques quand la fréquence est élevée et constante ;

3) quand la survenue de la maladie est insconstante, irrégulière avec une apparition

occasionnelle de cas à des intervalles irréguliers, la maladie est dite sporadique.

La fréquence d’une maladie peut parfois dépasser la fréquence attendue. Si

pendant une période de temps donnée et dans une région géographique donnée, la

survenue d’une maladie est supérieure à celle attendue, on est alors en situation

épidémique. Les responsables de santé publique utilisent souvent le terme

contagion qui a la même signification mais qui choque moins les personnes. Si

une épidémie se développe sur plusieurs pays voire plusieurs continents touchant

ainsi un plus grand nombre de personnes, elle est alors appelée pandémie.

Les épidémies apparaissent lorsqu'un agent et des hôtes prédisposés sont présents en

nombre suffisant et lorsque l'agent peut être véhiculé de manière efficace entre une

source et les hôtes prédisposés. Une épidémie peut apparaître plus particulièrement à

la suite des événements suivants :

augmentation récente de la progression ou de la virulence de l'agent,

récente introduction de l'agent dans un milieu où il n'était pas présent auparavant,

amélioration du mode de transmission entraînant ainsi une augmentation des hôtes

prédisposés,

changements au niveau de la réponse de l'hôte susceptible envers l'agent,

facteurs augmentant l'exposition des hôtes ou impliquant une introduction de l'agent

à travers de nouvelles portes d'entrée "(16)" (Kelsey JL & al., 1986) .

3.2. Types d'épidémies Les épidémies sont souvent classées en fonction de leur progression au niveau d'une

population selon le modèle suivant :

Source commune

- Ponctuelle

- Intermittente

- Continue

Propagée

Mixte

Autre

Une épidémie due à une source commune est une épidémie pour laquelle un groupe de

personnes est exposé au même agent comme un agent infectieux ou une toxine. Si le

groupe est exposé sur une période relativement courte et si les personnes contaminées

développent la maladie à la fin de la période d'incubation, l'épidémie est qualifiée

d'épidémie due à une source ponctuelle.

Pour certaines épidémies dues à une source commune, les cas peuvent être exposés sur

une période de plusieurs jours, ou plusieurs semaines de manière intermittente ou

continue. La Figure 1.21 présente la courbe épidémique d'une épidémie due à une

source commune caractérisée par une exposition continue. Dans ce type d'épidémie,

l'étendue de l'exposition et la durée de la période d'incubation tendent à diminuer ou à

accentuer les pics de la courbe épidémique. L'irrégularité de la courbe reflète la nature

intermittente de la source.

Une épidémie qui ne provient pas d'une source commune mais qui est propagée

progressivement entre personnes, qui se développe en même temps qu'elle progresse -

est appelée une épidémie propagée. La transmission se produit habituellement par un

contact direct entre les personnes comme pour la syphilis. La transmission peut

également se produire par l'intermédiaire d'un véhicule comme pour la transmission de

l'hépatite B ou du virus VIH qui s'effectue par le partage des seringues, ou par

l'intermédiaire d'un vecteur comme les moustiques pour la fièvre jaune. Dans le cas

d'une épidémie propagée, les cas se produisent après des périodes d'incubation

différentes. En théorie, la courbe épidémique d'une épidémie propagée présente une

série de pics successifs reflétant l'augmentation du nombre de cas pour chaque

génération. L'épidémie décline après plusieurs générations soit en raison de la chute du

nombre de sujets susceptibles, inférieur au niveau critique, soit en raison de mesures

d'intervention efficaces. La Figure 1.22 montre la courbe épidémique de ce type

d'épidémie.

IMG. 22 : FIGURE 1.20 - EXEMPLE D'ÉPIDÉMIE DUE À UNE SOURCE COMMUNE AVEC EXPOSITION PONCTUELLE - CAS D'HÉPATITE

A EN FONCTION DE LA DATE DE DÉBUT DE LA MALADIE, FAYETTEVILLE, ARKANSAS, NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1978 AVEC SUPERPOSITION

DE LA COURBE LOG-NORMALE

IMG. 23 : FIGURE 1.21 - EXEMPLE D'ÉPIDÉMIE DUE À UNE SOURCE COMMUNE AVEC EXPOSITION CONTINUE - AFFECTION

DIARRHÉIQUE CHEZ DES PERSONNES RÉSIDANT EN VILLE EN FONCTION DE LA DATE DE DÉBUT ET DE LA NATURE DES SELLES CABOOL, MISSOURI, DÉCEMBRE 1989 - JANVIER 1990

IMG. 24 : FIGURE 1.22 - EXEMPLE DE COURBE ÉPIDÉMIQUE CLASSIQUE D'UNE ÉPIDÉMIE PROPAGÉE : CAS DE ROUGEOLE EN

FONCTION DE LA DATE DE DÉBUT, ABERDEEN, DAKOTA DU SUD, 15 OCTOBRE 1970 - 16 JANVIER 1971

En réalité, seules quelques épidémies propagées ont une courbe épidémique similaire à

celle de la Figure 1.22. Pour de nombreuses maladies, la variabilité du temps

d'exposition et de la durée de la période d'incubation tend à atténuer les pentes

ascendantes et descendantes de la courbe (Figure 1.23). Dans le cas de la grippe, la

courbe épidémique ressemble à celle d'une épidémie due à une source ponctuelle, en

raison de la période d'incubation très courte et de l'importance de la transmission.

Certaines épidémies peuvent présenter à la fois les caractéristiques d'une épidémie due

à une source commune et celles d'une épidémie propagée. Le modèle d'épidémie due à

une source commune suivi par une propagation entre personnes n'est pas fréquent. Ces

épidémies portent le nom d'épidémies mixtes. Par exemple, la Figure 1.24 illustre une

épidémie de shigellose due à une source commune, apparue au sein d'un groupe de

3000 femmes qui assistaient à un festival national de musique. Un nombre important

de ces femmes ont développé des symptômes. Pendant les semaines suivantes, les

départements de santé publique de certains états ont continué à détecter des cas de

shigellose en raison d'une transmission entre les personnes qui avaient assisté au

festival et d'autres personnes.

Enfin, certaines épidémies ne proviennent pas d'une source commune au sens habituel

que nous lui donnons ni ne sont propagées entre des personnes. Les épidémies des

maladies zoonotiques ou véhiculées par vecteur peuvent résulter d'une prévalence

suffisante de l'infection chez l'hôte, de la présence suffisante de vecteurs et d'une

interaction suffisante entre l'homme et le vecteur. Parmi ces maladies, on peut citer

l'épidémie de maladie de Lyme qui a touché plusieurs Etats du nord-est des Etats-Unis

à la fin des années 1980 et l'épidémie très importante de l'encéphalite de Saint Louis en

Floride en 1990.

Réseau sentinelle :

4 Glossaire et Définition

Epidémiologie

Historiquement cette science s'intéresse d'abord à l'étude des épidémies c'est-

à-dire à l'augmentation inhabituelle du nombre de cas d'une maladie

infectieuse contagieuse dans une région donnée à un moment donné.

Le sens du mot épidémie ayant été élargi, au cours du temps, à toute

multiplication du nombre de cas de toute maladie ou de tout phénomène

anormal (accidents, suicides, ...) l'épidémiologie, elle aussi, ne s'intéresse plus

seulement aux maladies infectieuses. On peut la définir comme l'étude des

relations existant entre les maladies et divers facteurs sociaux (mode de vie,

lieu de vie, hygiène de vie, particularités individuelles) susceptibles

d'influencer leur fréquence, leur distribution, leur évolution.

"L'épidémiologie est l'étude de la distribution et des déterminants des

états ou événements concernant la santé au sein de populations données,

et l'application de cette étude à la prévention des problèmes de santé."

Quelques termes fréquents en épidémiologie

Facteurs de risque

Un tel facteur est associé à l'augmentation de la probabilité de souffrir d'une

maladie, que ce soit une cause ou simplement un marqueur du risque ; les

facteurs associés à une diminution du risque sont considérés comme des

protecteurs.

Enquête

Une enquête épidémiologique est une observation organisée dans la

population. On distingue classiquement trois grands types d’enquête selon le

point où se place l’investigateur par rapport à l’évolution dans le temps de la

maladie

étudiée.

Enquête transversale : l’investigateur, au temps C, mesure simultanément

l’exposition et la maladie.

Enquête cas-témoins : l’investigateur au temps B, C ou D sélectionne les

groupes étudiés sur la base de la maladie ;

il compare un groupe de malades à un groupe de témoins du point de vue de

leur exposition passée.

Enquête de cohorte : dans cette enquête, on mesure l’exposition des sujets au

point A et on étudie leur devenir du point de vue de la maladie. Ce type

d’enquête est le meilleur, mais son inconvénient majeur est qu’il peut exiger

un

délai très long entre le début de l’étude et l’obtention des premiers résultats.

Dépistage (test de)

Examen dont l’objectif est d’identifier rapidement une maladie ou une

anomalie, si possible à un stade précoce. La sensibilité d’un test de dépistage

est la proportion de personnes réellement malades identifiées comme malades

d’après le test. La spécificité est la proportion de personnes réellement non

malades, considérées comme non malades d’après le test. Les situations

possibles peuvent être résumées par un tableau à quatre cases.

Risque

Les termes de risque et de taux sont souvent utilisés de façon interchangeable.

Le risque est la probabilité pour un individu de développer la maladie, le taux

fait référence au même concept mais pour un groupe d'individus.

Risque relatif

Dans un groupe de personnes exposées ou non à un même facteur de risque,

le risque relatif est le rapport suivant : nombre de personnes malades et

exposées divisé par le nombre total de personnes exposées sur le nombre de

personnes malades et non exposées divisé par le nombre total de personnes

non exposées. C'est donc une probabilité conditionnelle. Le risque relatif

permet d'exprimer facilement l'association entre l'exposition (à un traitement

ou un facteur de risque) et la survenue de la maladie : c'est le facteur par

lequel le risque de maladie est multiplié en présence de l'exposition.

Odd ratio

C'est une technique statistique qui évalue de façon univariée ou multivariée le

risque (ou la chance) qu'un évènement survienne en fonction des différentes

possibilités pour un critère déterminé. Même s'il est moins aisément compréhensible pour un public non spécialisé

en épidémiologie, l'OR est souvent utilisé car il présente de meilleures

propriétés mathématiques pour les calculs statistiques que le risque relatif.

Heureusement, dans les situations les plus courantes où la maladie est rare,

les valeurs numériques du risque relatif et de l'OR sont proches.

Incidence L'incidence est le nombre de nouveaux cas de maladie survenant pendant une

période donnée, généralement une année.

Prévalence

Nombre de cas nouveaux et/ou anciens d'une maladie, au sein d'une

population donnée, à un moment donné, soit un instant, soit un intervalle de

temps. Ce n'est pas un taux mais une proportion.

Morbidité Cela concerne tout ce qui est relatif à la maladie étudiée. Il y a deux taux de

morbidité : la prévalence et l'incidence.

Mortalité

Nombre de décès survenus au cours d'une période donnée, dans une

population donnée, en relation avec une maladie déterminée. Elle peut se

calculer par tranche d'âge, par sexe.

Létalité

Elle décrit la survenue du décès chez des personnes atteintes d'une maladie

donnée. Elle se calcule en faisant le rapport du nombre de décès causés par

une maladie sur le nombre de nouveaux cas de cette maladie, pour une

période donnée.

Espérance de vie

Nombre moyen d’années qu’une personne peut espérer vivre si la mortalité

reste stable. Espérance de vie à la naissance : nombre moyen d’années qu’un

nouveau-né peut espérer vivre si la structure de la mortalité ne se modifie

pas.

Espérance de vie à l’âge x : nombre moyen d’années restant à vivre aux

personnes ayant atteint l’âge x.

L’espérance de vie se calcule à partir des quotients de mortalité* et dépend

donc de la structure de la mortalité à l’époque où elle est calculée. S’il s’agit

d’une cohorte* ne comportant plus de survivants, la définition et le calcul

sont plus simples : par exemple, l’espérance de vie à la naissance des femmes

nées en 1880 est simplement la moyenne des âges au décès dans cette

population.

Erreur

Erreur de mesure : écart entre la vraie valeur et la valeur obtenue au moyen

d’une mesure* ou d’un questionnaire.

Cette erreur peut être seulement aléatoire : l’écart existe, mais il n’a pas

tendance à être dans un sens ou dans l’autre.

La mesure peut être biaisée (l’écart a tendance à être dans un sens donné et la

valeur obtenue est en moyenne une sur- ou sous-estimation de la grandeur

mesurée). Un instrument de mesure est d’autant meilleur qu’en moyenne les

valeurs obtenues sont plus près de la vraie valeur.

Erreur de classement : erreurs de mesure dans le cas particulier où le résultat

de la mesure est l’attribution d’une des catégories d’une variable à deux ou

plusieurs classes (malade/non malade, exposé/non exposé).

Erreur différentielle : fait référence à des situations où les qualités d’une

mesure ne sont pas les mêmes dans deux ou plusieurs groupes que l’on veut

comparer.

Biais

Tout effet qui tend à produire une estimation* (de la fréquence d’une maladie,

de l’association entre une maladie et un facteur de risque...) différant

systématiquement, en plus ou en moins, de la vraie valeur. Certains biais

peuvent être contrôlés ou limités ; leur existence doit être prise en compte

dans l’interprétation des résultats. On distingue, selon leur origine, de

multiples biais qui peuvent être regroupés en différentes catégories :

– biais de sélection, intervenant à la conception de l’étude dans la constitution

des échantillons : groupe étudié restreint à des volontaires, groupe témoin mal

adapté (témoins hospitaliers par exemple). Dans les études en milieu

de travail, un biais particulier intervient : le biais de sélection professionnelle

ou healthy worker effect qui consiste en ce que les personnes en activité (ou

exposées à un risque) sont (presque) toujours en meilleure santé que

l’ensemble

de la population (ou que les non exposés). Les biais liés aux « perdus de vue »

nécessitent également une attention particulière ;

– biais d’information, intervenant dans le recueil des données : erreur de

mesure*, biais d’observation lié à l’enquêteur qui, par exemple, interroge plus

soigneusement les cas que les témoins, biais de déclaration ou de

mémorisation, lié à la personne interrogée ;

– biais dus aux facteurs de confusion*, dus à l’existence de facteurs de

confusion non pris en compte dans l’analyse.

Dose-effet ou dose-

réponse

Relation dose-effet : relation entre le niveau d’exposition et l’importance de

l’effet. Le niveau d’exposition (dose) se mesure en tenant compte de

l’intensité et/ou de la durée de l’exposition à un facteur de risque ; l’effet peut

être un

risque* de maladie ou de décès susceptible d’apparaître en un temps donné.

Quelques rapports utilisés en épidémiologie

Rapport

C'est une expression de la relation entre deux quantités. Le numérateur est un

nombre d'évènements quelconques, le dénominateur est un nombre

d'évènements comptés soit à un temps instantanné t, soit au cours d'un

intervalle de temps t1-t2. Il n'y a pas de règle formelle pour comparer les

deux quantités entrant dans la composition d'un rapport. On utilise très

souvent des rapports pour comparer des taux. Exemple : on a trouvé 4 000 hommes et 2 000 femmes dans un échantillon, le rapport hommes / femmes est de 2 / 1et le rapport femmes / hommes est de 1 / 2.

Proportion

Une proportion est un rapport dont le numérateur fait partie du dénominateur,

tous deux étant mesurés simultanément. Exemple : on a trouvé 4 000 hommes et 2 000 femmes dans un échantillon, la proportion d'hommes dans cet échantillon est 4 000 / (2 000 + 4 000) = 0,66.

Quelques taux utilisés en épidémiologie

Taux

Il mesure la probabilité de survenue d'un évènement au cours du temps. Il

exprime un risque de maladie, de handicap, de décès au sein d'une population

donnée, pour une période donnée, pour un lieu géographique donné. Le

numérateur est un nombre d'évènements ; le dénominateur représente la

population exposée à la survenue de cet évènement pour la période étudiée.

Certains taux sont des proportions, certaines proportions sont des taux ; mais

ce n'est pas toujours interchangeable. Exemple: dans les 24 h qui suivent un banquet fréquenté par 500 personnes, 50 souffrent de gastro-entérite (32 hommes et 18 femmes) ; la proportion de malades parmi les invités est 50 / 500 et c'est aussi le taux de maladie ; les proportions d'hommes malades (32 / 50) et de femmes malades (18 / 50) ne sont pas des taux car on ne connaît pas le nombre d'hommes ni de femmes ayant participé au banquet.

Taux spécifique

Il mesure la probabilité de survenue d'un évènement pour une période donnée,

pour un lieu géographique donné mais pour un groupe ou une classe définie

au sein de la population étudiée, une classe d'âge par exemple. Exemple: dans les 24 h qui suivent un banquet fréquenté par 500 personnes, 50 souffrent de gastro-entérite (32 hommes et 18 femmes) ; le taux spécifique de la maladie serait pour leshommes : nombre d'hommes malades / nombre d'hommes ayant participé au banquet.

Attaque (taux d’)

Nombre de personnes ayant présenté une maladie, rapporté au nombre de

personnes susceptibles de l’avoir. Un taux d’attaque est un risque*. Exemple : 25 personnes ont été intoxiquées parmi les 500 qui ont déjeuné au restaurant

d’entreprise le même jour ; le taux d’attaque est 25/500.

Taux spécifique de

mortalité

Rapport du nombre de décès d'une tranche d'âge sur l'effectif de la tranche

d'âge pour une période donnée en lien avec la maladie étudiée.

Taux brut

Un taux brut correspond à un nombre d'évènements (nouveaux cas, décès, ...)

rapporté à l'ensemble de la population susceptible d'être touchée, sans

considération d'autres facteurs. Exemple: dans les 24 h qui suivent un banquet fréquenté par 500 personnes, 50 souffrent de gastro-entérite (32 hommes et 18 femmes) ; la proportion de malades parmi les invités est 50 / 500 et c'est aussi le taux brut de la maladie.

Standardisation des

taux

C'est une méthode statistique qui vise à tenir compte des effectifs des

différents groupes composant une population pour pouvoir comparer des taux

entre eux. La méthode directe consiste à appliquer, à une population de

référence, les taux spécifiques de la population étudiée. On obtient alors un

nombre attendu d'évènements pour chaque groupe ou classe de la population

de référence. La méthode indirecte consiste à appliquer les taux spécifiques

par groupe ou classe d'une population de référence aux effectifs des mêmes

groupes de la population étudiée.

Quelques indices utilisés en épidémiologie

Indice Un indice est un paramètre servant à estimer un taux dans le cas où le

dénominateur de ce dernier ne peut pas être correctement mesuré.

Quelques probabilités utilisées en épidémiologie

Survie

La survie des patients est estimée par une probabilité cumulative de survie

(comprise entre 0 et 1) à une certaine date après le diagnostic de la maladie. Une étude canadienne publiée dans le numéro 2, volume 6 de la revue "Oncology Advisor" montre que le stade d'évolution de la maladie (cancer du poumon, du sein, et/ou cancer colorectal) au moment du diagnostic constitue le plus puissant facteur pronostique de la survie du patient à court terme, le traitement initial et l'âge jouent également un rôle important mais seulement en deuxième et troisième position. Une étude sur la mucoviscidose montre que la greffe augmente la survie des patients atteints et que la période de réalisation de cette greffe améliore cette survie en raison des progrès techniques réalisés en matière de chirurgie et de suivi chirurgical.

Survie relative

La survie relative est le rapport entre la survie observée dans un groupe de

malades et la survie qui serait attendue dans la population générale. Ceci peut donc être considéré comme une estimation de la proportion de

patients qui survivent, en tenant compte de la mortalité de la population

générale.

La survie relative est habituellement exprimée sous forme de pourcentage et

est souvent appelée "taux de survie".

Risque

Les termes de risque et de taux sont souvent utilisés de façon interchangeable.

Le risque est la probabilité pour un individu de développer la maladie, le taux

fait référence au même concept mais pour un groupe d'individus.

Risque relatif

Dans un groupe de personnes exposées ou non à un même facteur de risque,

le risque relatif est le rapport suivant : nombre de personnes malades et

exposées divisé par le nombre total de personnes exposées / nombre de

personnes malades et non exposées divisé par le nombre total de personnes

non exposées. C'est donc une probabilité conditionnelle.