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Université Paris Saclay Cours commun à la 1ère année des Masters MINT et MMM version du 26 novembre 2020 P. Gabriel Introduction à l’analyse fonctionnelle et aux équations aux dérivées partielles Table des matières 1 Espaces vectoriels normés (rappels) 3 1.1 Topologie des espaces vectoriels normés .............................. 3 1.2 Applications linéaires continues ................................... 5 1.3 Espaces de Banach .......................................... 6 2 Analyse hilbertienne 8 2.1 Espaces préhilbertiens et espaces de Hilbert ............................ 8 2.2 Orthogonalité dans les espaces préhilbertiens ........................... 9 2.3 Projection orthogonale ........................................ 11 2.4 Deux résultats importants dans les Hilbert ............................. 13 2.5 Bases hilbertiennes .......................................... 14 3 Distributions et espaces de Sobolev 16 3.1 Distributions ............................................. 16 3.2 Espaces de Sobolev .......................................... 20 3.3 Traces et formules de Green ..................................... 24 4 Exemples d’équations aux dérivées partielles 27 4.1 Équation de Poisson ......................................... 27 4.2 Élasticité linéaire ........................................... 28 1

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Université Paris SaclayCours commun à la 1ère année des Masters MINT et MMM

version du 26 novembre 2020 P. Gabriel

Introduction à l’analyse fonctionnelleet aux équations aux dérivées partielles

Table des matières

1 Espaces vectoriels normés (rappels) 31.1 Topologie des espaces vectoriels normés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.2 Applications linéaires continues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51.3 Espaces de Banach . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

2 Analyse hilbertienne 82.1 Espaces préhilbertiens et espaces de Hilbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82.2 Orthogonalité dans les espaces préhilbertiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92.3 Projection orthogonale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112.4 Deux résultats importants dans les Hilbert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132.5 Bases hilbertiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

3 Distributions et espaces de Sobolev 163.1 Distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163.2 Espaces de Sobolev . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203.3 Traces et formules de Green . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

4 Exemples d’équations aux dérivées partielles 274.1 Équation de Poisson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 274.2 Élasticité linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

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Introduction

Le but de ce cours est d’introduire les bases d’analyse fonctionnelle nécessaires à l’étude de certaineséquations aux dérivées partielles (stationnaires, de type elliptique).

Pour donner une idée des problèmes qui vont nous intéresser, considérons l’équation différentielle suivante

´ u2pxq “ fpxq, 0 ă x ă 1, (1)

avec les conditions au bord dites de Dirichlet up0q “ up1q “ 0, où f est une fonction continue donnéedéfinie sur r0, 1s. La question que l’on se pose est alors de savoir s’il existe une (unique) solution u PC2p0, 1q X C0pr0, 1sq à ce problème.

Celui-ci peut se résoudre explicitement en intégrant deux fois l’équation (1) et en utilisant les conditionsau bord. Cependant il existe une autre méthode qui consiste à reformuler le problème et qui aura l’avantagede pouvoir se généraliser à une plus grande classe d’équations aux dérivées partielles. Pour cela considéronsune fonction v P C1p0, 1q X C0pr0, 1sq vérifiant les mêmes conditions de bord que u, à savoir vp0q “ vp1q “ 0,et intégrons l’équation (1) contre v. On obtient grâce à une intégration par parties

ˆ 1

0u1pxqv1pxq dx “

ˆ 1

0fpxqvpxq dx. (2)

On peut alors montrer que u est solution du problème de départ si et seulement si u P X :“ tv P C1p0, 1q XC0pr0, 1sq, vp0q “ vp1q “ 0u et u vérifie (2) pour toute fonction test v P X. C’est ce que l’on appelle laformulation variationnelle du problème.

Après des rappels sur les espaces vectoriels normés dans la première partie du cours, nous allons démontrerdans une deuxième partie un théorème qui permet d’assurer l’existence et l’unicité d’une solution pour leproblème variationnel, mais dans des espaces fonctionnels vérifiant des propriétés qui ne sont pas satisfaitespar X. Ce qui nous amènera dans une troisième partie à définir les "bons" espaces de fonctions en faisantappel à la théorie des distributions. Enfin dans une quatrième partie nous allons étudier plus en détails deséquations aux dérivées partielles classiques provenant de la mécanique.

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1 Espaces vectoriels normés (rappels)

Définition 1.1 (Norme). Soit E un espace vectoriel sur K “ R ou C. Une fonction ¨ : E Ñ R` estappelée norme sur E si elle vérifie les conditions suivantes

(i) @λ P K, @x P E, λx “ |λ| x,

(ii) @px, yq P E2, x` y ď x ` y,

(iii) x “ 0 ùñ x “ 0.

Le couple pE, ¨ q est alors appelé espace vectoriel normé (e.v.n.).

1.1 Topologie des espaces vectoriels normés

Pour tout x dans un e.v.n. pE, ¨ q et r ą 0 on note

Bpx, rq :“ ty P E, x´ y ă ru (resp. Bpx, rq :“ ty P E, x´ y ď ru)

la boule ouverte (resp. fermée) de centre x et de rayon r. Un sous-ensemble de E est dit borné s’il est inclusdans une boule.

Définition 1.2 (Ensemble ouvert/fermé). On dit que

• U Ă E est ouvert si pour tout x P U, il existe r ą 0 tel que Bpx, rq Ă U,

• F Ă E est fermé si EzF est ouvert,

Définition 1.3 (Intérieur, adhérence, frontière). Pour un ensemble A Ă E on définit

• l’ intérieur de A par A :“ tx P A, Dr ą 0, Bpx, rq Ă Au,

• l’adhérence de A par A :“ tx P E, @r ą 0, Bpx, rq XA ‰ Hu,

• la frontière de A par BA :“ A zA.

Exercice. Montrer que A est le plus grand ouvert inclus dans A et que A est le plus petit fermé contenantA. Ceci montre en particulier que A est ouvert (resp. fermé) ssi A “ A (resp. A “ A).Exercice. Soit A un sous-ensemble non vide d’un e.v.n. pE, ¨ q. Pour tout x P E on définit dpx,Aq :“inftx´ y, y P Au. Montrer que x P Aðñ dpx,Aq “ 0.

Définition 1.4 (Densité). Un sous-ensemble A d’un e.v.n. pE, ¨ q est dit dense si A “ E.

Définition 1.5 (Suites convergentes). On dit qu’une suite pxnqnPN d’un e.v.n. pE, ¨ q est convergente s’ilexiste x P E tel que

@ε ą 0, Dn0 P N, @n ě n0, xn P Bpx, εq,

ou autrement dit@ε ą 0, Dn0 P N, @n ě n0, xn ´ x ă ε.

On dit alors que x est la limite de pxnqnPN (ou que pxnqnPN converge vers x) et on note limnÑ`8 xn “ x (ouxn Ñ x).

Proposition 1.6 (Caractérisation séquentielle de l’adhérence). L’adhérence A d’une partie A d’un e.v.n.pE, ¨ q est l’ensemble des limites des suites de A.

Exercice. Soit F un sous-espace vectoriel d’un e.v.n. pE, ¨ q. Montrer que l’adhérence F de F est aussi unsous-espace vectoriel de E.

Définition 1.7 (Point d’adhérence). Si pxnqnPN est une suite d’éléments d’un e.v.n. pE, ¨ q, un pointd’adhérence de pxnqnPN est un élément a P E tel qu’il existe une sous-suite de pxnqnPN qui converge vers a.

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Définition 1.8 (Compacité). On dit qu’un sous-ensemble K d’un e.v.n. pE, ¨ q est compact si toute suited’éléments de K admet un point d’adhérence dans K.

Exercice. Montrer en raisonnant par l’absurde que tout ensemble compact est fermé et borné.

Théorème 1.9. Un sous-ensemble d’un espace vectoriel de dimension finie est compact si et seulement si ilest fermé et borné.

Remarque 1.10. En fait un théorème dû à Riesz assure même qu’un e.v.n. pE, ¨ q est de dimension finiesi et seulement si la boule unité fermé Bp0, 1q est compacte.

Définition 1.11 (Relative compacité). On dit qu’un ensemble est relativement compact si son adhérenceest compacte.

Définition 1.12 (Continuité). Soient pE, ¨ Eq et pF, ¨ F q deux e.v.n. et soit une application f : E Ñ F.On dit que f est continue en x P E si pour tout ouvert U de F contenant fpxq, le point x est dans l’intérieurde f´1pUq.

Proposition 1.13. Soient pE, ¨ Eq et pF, ¨ F q deux e.v.n., f : E Ñ F et x P E. Les propriétés suivantessont équivalentes :(i) f est continue en x ;(ii) @ε ą 0, Dη ą 0, @y P E, x´ yE ă η ùñ fpxq ´ fpyqF ă ε ;(iii) pour toute suite pxnqnPN de E qui converge vers x, la suite pfpxnqqnPN converge vers fpxq dans F.

Proposition 1.14. Soient pE, ¨ Eq et pF, ¨ F q deux e.v.n. et soit f : E Ñ F une application continue. SiK Ă E est compact alors fpKq est compact dans F.

Corollaire 1.15. Si K est un sous-ensemble compact d’un e.v.n., alors toute fonction f : K Ñ R continueest bornée et atteint ses bornes.

Définition 1.16 (Continuité uniforme). Soient pE, ¨ Eq et pF, ¨ F q deux e.v.n. et f : E Ñ F. On dit quef est une application uniformément continue si

@ε ą 0, Dη ą 0, @px, yq P E2, x´ yE ă η ùñ fpxq ´ fpyqF ă ε.

Théorème 1.17 (Heine). Toute fonction continue sur un ensemble compact est uniformément continue.

Démonstration. Soient pE, ¨ Eq et pF, ¨ F q deux e.v.n. et soit K un sous-ensemble compact de E. Onraisonne par contraposée. Supposons que f : K Ñ F n’est pas uniformément continue. Alors il existe ε ą 0tel que pour tout η ą 0 l’implication x´ yE ă η ùñ fpxq ´ fpyqF ă ε soit fausse pour certains x et y.En considérant η “ 1n on peut donc construire deux suites pxnqnPN et pynqnPN d’éléments de K telles que

@n P N, xn ´ ynE ă1

net fpxnq ´ fpynqF ě ε.

L’ensemble K étant compact, on peut extraire de pxnqnPN une sous-suite pxϕpnqqnPN qui converge vers uncertain l P K. La relation xn ´ ynE ă 1

n assure que la suite extraite pyϕpnqqnPN converge également vers l.On en déduit que pour tout η ą 0, il existe x, y P Bpl, ηq tels que fpxq ´ fpyqF ě ε, et donc tels quefpxq ´ fplqF ě ε2 ou fpyq ´ fplqF ě ε2. La fonction f n’est donc pas continue au point l P K.

Définition 1.18 (Normes équivalentes). Deux normes ¨ 1 et ¨ 2 sur un espace vectoriel E sont diteséquivalentes si

Dc, C ą 0, @x P E, cx1 ď x2 ď Cx1.

Proposition 1.19. Deux normes équivalentes définissent exactement la même topologie sur E (mêmes en-sembles ouverts, fermés, compacts, mêmes suites convergentes, mêmes applications continues...).

Proposition 1.20. En dimension finie, toutes les normes sont équivalentes.

Exercice (Contre-exemple en dimension infinie). Soit E “ Cpra, bs,Rq l’espace des fonctions continues surl’intervalle ra, bs qu’on munit des normes u1 “

´ ba |uptq| dt et u8 “ suptPra,bs |uptq|. Montrer que ¨ 1 et

¨ 8 sont des normes comparables mais pas équivalentes.

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1.2 Applications linéaires continues

Proposition 1.21. Soient pE, ¨ Eq et pF, ¨ F q deux e.v.n. et soit L : E Ñ F linéaire. Les propriétéssuivantes sont équivalentes :(i) L est continue sur E ;(ii) L est continue en 0 ;(iii) DC ą 0, @x P E, LpxqF ď CxE (on dit aussi que L est bornée).On note LpE,F q l’ensemble des applications linéaires vérifiant ces propriétés.

B LpE,F q dépend du choix des normes ! Par exemple si on considère E “ Cpr0, 1s,Rq, F “ R et L : f ÞÑfp0q, alors L P LpE,F q si on munit E de la norme f8 “ sup0ďxď1 |fpxq| mais pas si E est muni de lanorme f1 “

´ 10 |fpxq| dx.

Proposition 1.22. Soient E et F deux e.v.n. avec E de dimension finie. Alors toute application linéaire deE dans F est continue.

Proposition 1.23. Si pE, ¨ Eq et pF, ¨ F q deux e.v.n. alors LpE,F q est un e.v.n. pour la norme

~L~LpE,F q :“ supxPE,x‰0

LpxqFxE

“ supxPE,xď1

LpxqF “ supxPE,x“1

LpxqF .

Exercice. On considère E “ Cpr0, 1s,Rq l’espace des fonctions continues sur r0, 1s que l’on munit de la normeu1 “

´ 10 |uptq| dt. Soit L : E Ñ E l’application linéaire définie par Lpuqptq “ tuptq.

1. Montrer que L P LpE,Eq et que ~L~ ď 1.

2. En s’aidant de la suite unptq “ pn` 1qtn, montrer que ~L~ “ 1.

3. Enfin prouver qu’il n’existe pas de u ‰ 0 tel que Lpuq “ u.

Proposition 1.24. On considère trois e.v.n. E, F et G. Si Φ P LpE,F q et Ψ P LpF,Gq alors Ψ˝Φ P LpE,Gqet ~Ψ ˝ Φ~LpE,Gq ď ~Φ~LpE,F q~Ψ~LpF,Gq.

Définition 1.25 (Forme linéaire). Une forme linéaire est une application linéaire d’un espace vectoriel E àvaleur dans K.

Définition 1.26 (Hyperplan). Un hyperplan H d’un espace vectoriel E est un sous-espace vectoriel decodimension 1, i.e. tel que Da P Ezt0u, E “ H ‘Ka.

Proposition 1.27. Les hyperplans d’un espace vectoriel sont les noyaux des formes linéaires non nulles.Si E est un e.v.n. et H “ KerpLq, alors L est continue si et seulement si H est fermé.

Démonstration. • Soit L : E Ñ K linéaire non nulle et soit a P E, Lpaq ‰ 0. On note H “ KerpLq “

L´1pt0uq le noyau de L. On a alors E “ H ‘Ka. En effet si x P E alors h “ x´ LpxqLpaqa est bien dans H

(Lphq “ 0) et on a donc x “ h`λa avec λ “ LpxqLpaq , h P H et λa P Ka. D’autre part si h “ λa P HXKa,

alors Lphq “ λLpaq “ 0 et donc λ “ 0 et h “ 0. H est bien un hyperplan.Réciproquement si H est un hyperplan, il existe a ‰ 0 tel que E “ H ‘Ka. Pour tout x P E il existeun unique h P H et λ P K tel que x “ h` λa. On pose Lpxq “ λ. On a alors bien que L est une formelinéaire non nulle et que H “ KerpLq.

• Si L est continue alors l’image réciproque des fermés est fermée, donc H “ L´1pt0uq est fermé.Réciproquement supposons que H “ KerpLq est fermé. Soit Ka une droite supplémentaire. Si L n’estpas bornée alors il existe pxnqnPN vérifiant xn “ 1 et |Lpxnq| ÝÝÝÝÑ

nÑ`8`8. Posons hn “ a´ Lpaq

Lpxnqxn.

On a hn Ñ a et hn P H (Lphnq “ 0). Comme a R H, c’est une contradiction avec le fait que H estfermé. Donc L est bornée et donc continue.

Définition 1.28 (Dual topologique). On appelle dual topologique d’un e.v.n. E l’e.v.n. E1 :“ LpE,Kq.

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1.3 Espaces de Banach

Définition 1.29 (Suite de Cauchy). On dit qu’une suite pxnqnPN d’un e.v.n. pE, ¨q est une suite de Cauchysi

@ε ą 0, DN P N, @n,m ě N, xn ´ xm ă ε.

Définition 1.30 (Complétude). Un e.v.n. pE, ¨ q est dit complet si toute suite de Cauchy de E convergedans E. Ces espaces sont également appelés espaces de Banach.

Proposition 1.31. Les e.v.n. de dimension finie sont complets.

Exercice (Contre-exemple en dimension infinie). Montrer que Cpr0, 1s,Rq muni de la norme ¨ 1 n’est pascomplet.

Théorème 1.32. pLp, ¨ pq est un espace de Banach pour tout 1 ď p ď 8.

Proposition 1.33. Soient E un e.v.n et B un Banach. Alors LpE,Bq est aussi un espace de Banach pourla norme des applications linéaires continues.

Corollaire 1.34. Si E est un e.v.n. alors E1 est un Banach.

Démonstration. Soit pfnqnPN une suite de Cauchy dans LpE,Bq. On va montrer que pfnq converge dans Een trois étapes : identifier la limite f ; vérifier que f appartient bien à LpE,Bq ; montrer que fn convergevers f pour la norme de LpE,Bq.• Pour tout x P E on a fnpxq ´ fmpxqB ď ~fn ´ fm~LpE,BqxE . Donc pfnpxqqnPN est de Cauchy dansB. Elle converge donc vers une limite que l’on note fpxq.

• Pour tout x P E, y P E, λ P K on a fnpx ` λyq “ λfnpxq ` fnpyq donc limnÑ8 fnpλx ` yq “λ limnÑ8 fnpxq ` limnÑ8 fnpyq “ fpλx` yq “ λfpxq ` fpyq. Donc f est bien linéaire.Soit maintenant ε ą 0 et soit N P N tel que ~fn ´ fm~ ă ε pour tous n,m ě N. On a alors@x P E, @n,m ě N, fnpxq ´ fmpxq ă εx. On garde n fixé et on fait tendre m vers l’infini pourobtenir fnpxq ´ fpxq ď εx. Donc f est continue avec ~f~ ď ε` ~fn~.

• On a en fait aussi obtenu que ~fn ´ f~ ď ε et donc fn Ñ f dans LpE,Bq.

Définition 1.35. Soit E un e.v.n. et soitř

ně0 xn une série dans E. Cette série est dite normalementconvergente si la série numérique

ř

ně0 xnE est convergente.

Proposition 1.36. Dans une Banach, les séries normalement convergentes sont convergentes.

Remarque 1.37. En fait on peut même montrer qu’un e.v.n. est un espace de Banach si et seulement sitoute série normalement convergente et convergente.

Théorème 1.38 (Prolongement des applications uniformément continues). Soient pE, ¨ Eq un e.v.n. etpF, ¨F q un espace de Banach. Soit A une partie dense de E et soit f : AÑ F une application uniformémentcontinue. Alors il existe une unique application f : E Ñ F continue qui prolonge f. De plus ce prolongementest uniformément continu.

Démonstration. Unicité. Soient f1 et f2 deux prolongements continus de f. Soient x P E et pxnqnPN Ă Atelle que xn Ñ x. On a pour tout n, f1pxnq “ f2pxnq donc en passant à la limite f1pxq “ f2pxq.Existence. Soient x P E et pxnqnPN Ă A telle que xn Ñ x. La suite pxnqnPN est de Cauchy dans E. Comme fest uniformément continue, on a aussi pfpxnqqnPN de Cauchy dans F qui est complet. Donc fpxnq convergevers une limite l qui est indépendante du choix de la suite pxnq. On pose alors fpxq “ l. En passant à lalimite dans la définition de l’uniforme continuité de f on obtient l’uniforme continuité de f .

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Théorème 1.39 (Banach, Picard). Soit pE, ¨ q un espace de Banach et soit f : E Ñ E. On suppose quef est une contraction, i.e.

Dθ P p0, 1q, @px, yq P E2, fpxq ´ fpyq ď θx´ y.

Alors il existe un unique point fixe x˚ P E pour f, i.e. un unique x˚ P E tel que fpx˚q “ x˚.

Démonstration. Soit x0 P E et soit pxnqnPN la suite définie à partir de x0 par la relation de récurrencexn`1 “ fpxnq. Par itération on obtient que xn`1 ´ xn ď θnx1 ´ x0. Pour tous m ą n on a alors

xm ´ xn ďm´1ÿ

k“n

xk`1 ´ xk ď x1 ´ x0

m´1ÿ

k“n

θk ďθn

1´ θx1 ´ x0.

Donc pxnqnPN est de Cauchy et, par complétude, elle converge vers un élément x˚ P E. Puisque f estcontinue on a fpx˚q “ x˚ en passant à la limite dans xn`1 “ fpxnq. L’unicité est une conséquence directede l’hypothèse de contraction.

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2 Analyse hilbertienne

2.1 Espaces préhilbertiens et espaces de Hilbert

Dans le cas réel (K “ R), un produit scalaire sur un espace vectoriel est une forme bilinéaire symétriquedéfinie positive. Dans le cas complexe (K “ C), c’est une forme sesquilinéaire hermitienne définie positive.

Définition 2.1 (Produit scalaire). Soit E un espace vectoriel sur K “ R ou C. On dit qu’une applicationp¨, ¨q de E ˆ E dans K est un produit scalaire si(i) @x, x1, y P E, @λ P K, px` λx1, yq “ px, yq ` λpx1, yq,

(ii) @x, y P E, px, yq “ py, xq,

(iii) @x P Ezt0u, px, xq ą 0.

Muni de p¨, ¨q, E est appelé espace préhibertien.

Proposition 2.2 (Inégalité de Cauchy-Schwarz). Soit E un espace préhilbertien. Alors

@x, y P E, |px, yq| ďa

px, xqa

py, yq

avec égalité si et seulement si x et y sont colinéaires.

Démonstration. Soient x et y dans E et soit θ un réel tel que px, yq “ |px, yq|eiθ. On définit P pρq :“pxe´iθ ` ρy, xe´iθ ` ρyq pour tout réel ρ. Puisque P ě 0, le discriminant de l’équation P pρq “ 0 est négatif.Or comme

P pρq “ px, xq ` 2ρ|px, yq| ` ρ2py, yq

cela donne l’inégalité de Cauchy-Schwarz.Les cas d’égalité correspondent à un discriminant nul, ce qui revient à dire que P peut s’annuler. Autrementdit il existe ρ0 P R tel que xe´iθ ` ρ0y “ 0.

Corollaire 2.3. L’application qui à x P E associe x :“a

px, xq P R est une norme sur E. On dit que c’estla norme associée au produit scalaire.

Démonstration. Le seul point qui ne soit pas immédiat est l’inégalité triangulaire. Or grâce à l’inégalité deCauchy-Schwarz on a

x` y2 “ x2 ` 2 Repx, yq ` y2 (3)

ď x2 ` 2|px, yq| ` y2 ď x2 ` 2xy ` y2 “ px ` yq2.

Remarque 2.4. L’inégalité de Cauchy-Schwarz assure que le produit scalaire est une forme bilinéaire conti-nue pour sa norme associée.

Proposition 2.5 (Identité de polarisation). Dans tout espace préhilbertien réel (resp. complexe) on a

@x, y P E, px, yq “1

4px` y2 ´ x´ y2q

resp. px, yq “1

4px` y2 ` ix` iy2 ´ x´ y2 ´ ix´ iy2q.

Démonstration. Il suffit d’appliquer (3) à y, ´y, iy et ´iy et de combiner les égalités obtenues.

Corollaire 2.6. Soit E un espace préhilbertien et soit f une isométrie sur E. Alors

@x, y P E, pfpxq, fpyqq “ px, yq.

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En suivant la preuve de l’identité de polarisation, on obtient aussi l’identité du parallélogramme.

Proposition 2.7 (Identité du parallélogramme). Si E est un espace préhilbertien, alors on a

@x, y P E, x` y2 ` x´ y2 “ 2px2 ` y2q.

Définition 2.8. Un espace préhilbertien complet pour la norme associée au produit scalaire est appelé espacede Hilbert.

2.2 Orthogonalité dans les espaces préhilbertiens

Dans toute cette partie E désigne un espace préhilbertien réel ou complexe.

Définition 2.9 (Orthogonalité). On dit que deux éléments x et y de E sont orthogonaux si px, yq “ 0. Onnote alors x K y.

Théorème 2.10 (Pythagore). Si x K y, alors x` y2 “ x2 ` y2.

Démonstration. C’est une conséquence immédiate de (3).

Définition 2.11. Pour tout x P E on définit l’orthogonal de x par

xK :“ ty P E, px, yq “ 0u.

Et plus généralement, pour tout sous-ensemble A ‰ H de E, on définit l’orthogonal de A par

AK :“ ty P E, @x P A, px, yq “ 0u.

Proposition 2.12. Pour tout A Ă E non vide, l’ensemble AK est un sous-espace vectoriel fermé de E, etl’on a AXAK Ă t0u.

Démonstration. Montrons d’abord que AK est fermé. Soit pxnqnPN une suite d’éléments de AK convergeantvers x P E. Pour tout y P A et tout n P N on a

|px, yq| “ |pxn, yq ` px´ xn, yq| “ |px´ xn, yq| ď x´ xny.

Par convergence de la suite, le dernier terme tend vers 0 quand n tend vers l’infini, et donc x P AK.Montrons maintenant que AK est un sous-espace vectoriel de E. Il est évident que AK contient 0, et la stabilitépar combinaison linéaire découle de la linéarité du produit scalaire par rapport à la première variable.Enfin si AXAK contient un élément x alors ce x est orthogonal à lui-même donc est nul.

Proposition 2.13. Pour tout sous-ensemble A de E on a VectA Ă pAKqK.

Démonstration. Il est évident que A Ă pAKqK. De plus, d’après la proposition précédente, un orthogonal esttoujours un espace vectoriel fermé, donc pAKqK doit contenir VectA et son adhérence.

B Si E est de dimension finie et F est un sous-espace vectoriel de E alors F “ pFKqK (exercice : le

démontrer). Mais en dimension infinie l’inclusion F Ă pFKqK peut être stricte. Nous reviendrons plus loin

sur les cas d’égalité.

Proposition 2.14. Pour tout sous-ensemble A de E on a AK “ VectAK.

Démonstration. Clairement on a A Ă VectA et donc VectAKĂ AK. Maintenant si x P AK, la linéarité du

produit scalaire par rapport à la première variable assure que x P pVectAqK, puis la continuité du produitscalaire permet d’obtenir que x P VectA

K.

9

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Définition 2.15 (Famille orthogonale/orthonormale). On dit qu’une famille pfiqiPI d’éléments de E estorthogonale si l’on a

@i, j P I, i ‰ i ùñ pfi, fjq “ 0.

On dit que pfiqiPI est orthonormale si de plus fi “ 1 pour tout i P I.

Proposition 2.16. Soit pf1, ¨ ¨ ¨ , fnq une famille orthogonale constituée de vecteurs tous non nuls. Alorscette famille est libre.

Démonstration. Supposons queřni“1 λifi “ 0. En prenant le produit scalaire de cette égalité avec fj on

obtient λjfj2 “ 0. Or comme fj ‰ 0 on conclut que λj “ 0.

Proposition 2.17. Soit pe1, ¨ ¨ ¨ , enq une famille orthonormale de E et soit x P Vectpe1, ¨ ¨ ¨ , enq. Alors

x “nÿ

i“1

px, eiqei.

Démonstration. Par hypothèse il existe un n-uplet px1, ¨ ¨ ¨ , xnq tel que x “řni“1 xiei. On en déduit que

px, eiq “řni“1 xipei, ejq “ xj .

Corollaire 2.18. Soit pe1, ¨ ¨ ¨ , enq une famille orthonormale de E et soient x et y deux éléments deVectpe1, ¨ ¨ ¨ , enq. Alors on a

px, yq “nÿ

i“1

px, eiqpy, eiq.

Remarque 2.19. En particulier on retrouve l’égalité de Pythagore x2 “nÿ

i“1

|px, eiq|2.

Proposition 2.20 (Inégalité de Bessel). Soit penqnPN une suite orthonormale de E et soit x P E. Alors lafamille ppx, enqqnPN est de carré sommable et on a l’inégalité

8ÿ

n“0

|px, enq|2 ď x2.

Démonstration. Pour tout k P N on a en utilisant le corollaire précédent

x´kÿ

n“0

px, enqen

2

ˆ

x´kÿ

n“0

px, enqen , x´kÿ

n“0

px, enqen

˙

“ x2 ´ 2kÿ

n“0

|px, enq|2 `

kÿ

n“0

|px, enq|2

“ x2 ´kÿ

n“0

|px, enq|2.

On en déduit donc queřkn“0 |px, enq|

2 ď x2 puis on passe à la limite k Ñ8.

Théorème 2.21 (Orthonormalisation de Gram-Schmidt). Soit pa1, ¨ ¨ ¨ , anq une famille libre de E. Alors ilexiste une unique famille orthonormale pe1, ¨ ¨ ¨ , enq telle que

(i) @j P t1, ¨ ¨ ¨ , nu, Vectpe1, ¨ ¨ ¨ , ejq “ Vectpa1, ¨ ¨ ¨ , ajq,

(ii) @j P t1, ¨ ¨ ¨ , nu, paj , ejq P R˚`.

10

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Démonstration. On fait une récurrence limitée qu’on initialise en posant e1 “1a1

a1. On a bien e1 “ 1 etpa1, e1q “ a1 ą 0.Supposons maintenant qu’on ait construit la famille pe1, ¨ ¨ ¨ , ekq vérifiant piq et piiq pour j P t1, ¨ ¨ ¨ , ku. Sik “ n, la preuve est terminée. Sinon on cherche ek`1 sous la forme

ek`1 “ λ

ˆ

ak`1 `

kÿ

i“1

αiei

˙

avec λ ‰ 0.

Prenons le produit scalaire de cette égalité avec ei (pour i P t1, ¨ ¨ ¨ , ku). Pour que ek`1 soit orthogonal à ei,il est nécessaire et suffisant que pak`1, eiq ` αi “ 0. Donc

ek`1 “ λ

ˆ

ak`1 ´

kÿ

i“1

pak`1, eiqei

˙

.

Comme ak`1 R Vectpe1, ¨ ¨ ¨ , ekq (car pa1, ¨ ¨ ¨ , ak`1q est libre), le terme entre parenthèses n’est pas nul. Pourrendre ek`1 de norme 1, il suffit donc de choisir λ “ ak`1 ´

řki“1pak`1, eiqei

´1. En conséquence

ek`1 “ak`1 ´

řki“1pak`1, eiqei

ak`1 ´řki“1pak`1, eiqei

.

En prenant le produit scalaire de ek`1 avec cette égalité, on obtient de plus

1 “pak`1, ek`1q

ak`1 ´řki“1pak`1, eiqei

,

ce qui montre que pak`1, ek`1q ą 0 et achève la preuve de l’existence.L’unicité se démontre en reprenant la construction précédente et en vérifiant qu’à chaque étape il n’y a pasd’autre choix possible que celui que l’on a fait ci-dessus.

En effectuant une récurrence complète, on obtient une version “infinie” du procédé d’orthonormalisationde Schmidt :

Théorème 2.22. Soit panqnPN une famille libre de E. Alors il existe une unique famille orthonormale penqnPNtelle que

(i) @j P N, Vectpe1, ¨ ¨ ¨ , ejq “ Vectpa1, ¨ ¨ ¨ , ajq,

(ii) @j P N, paj , ejq P R˚`.

2.3 Projection orthogonale

Dans toute la suite H désigne un espace de Hilbert.

Théorème 2.23 (Projection sur un convexe fermé). Soit K un convexe fermé non vide d’un espace deHilbert H. Alors pour tout x P H, il existe un unique point px P K tel que

x´ px “ dpx,Kq :“ infyPK

x´ y.

Le point px est appelé projection de x sur K. C’est l’unique point de K vérifiant

@y P K, Repx´ px, y ´ pxq ď 0. (4)

11

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Démonstration. L’unicité vient du fait que si px et p1x P K vérifient x ´ px “ x ´ p1x “ dpx,Kq, alorsd’après l’identité de la médiane (conséquence facile de l’identité du parallélogramme) on a

x´ px2 ` x´ p1x

2 “1

2px ´ p

1x

2 ` 2›

›x´

p1x ` px2

2

et doncp1x ´ px

2 “ 4

ˆ

d2px,Kq ´›

›x´

p1x ` px2

looomooon

PK

ď 0

d’où p1x ´ px “ 0 puis p1x “ px.Pour l’existence on note d “ dpx,Kq. Par définition il existe pxnqnPN Ă K tel que limnÑ8 x ´ xn “ d.D’après l’identité de la médiane, on a

@m,n P N, x´ xm2 ` x´ xn2 “1

2xn ´ xm

2 ` 2›

›x´

xn ` xm2

loooooooomoooooooon

ěd

2

donc1

2xn ´ xm

2 ď x´ xm2 ` x´ xn

2 ´ 2d2.

La suite pxnqnPN est de Cauchy, et sa limite px appartient à K car K est fermé.Il ne reste plus qu’à vérifier (4). Soit y P K. Pour tout t P r0, 1s on définit yt “ px` tpy´pxq. Comme yt P K,on a

x´ px2 ď x´ yt

2 “ x´ px2 ` t2y ´ px

2 ´ 2tRepx´ px, y ´ pxq.

En faisant tendre t vers 0 on en déduit que Repx´ px, y ´ pxq ď 0.Réciproquement si x0 P K vérifie Repx´x0, y´x0q ď 0 pour tout y P K, alors, puisque Repx0´px, x´pxq ď 0,

x0 ´ px2 “ Repx0 ´ px, x0 ´ xq ` Repx0 ´ px, x´ pxq ď 0

et donc x0 “ px.

Corollaire 2.24. Soit F un sous-espace vectoriel fermé de H. Pour tout x P H, la projection de x sur F estl’unique point px de F tel que x´ px P FK.

Démonstration. On a déjà vu que

@z P F, Repx´ px, z ´ pxq ď 0.

Pour y P F fixé, on a en prenant z “ px ´ y puis z “ px ` y (et aussi z “ px ˘ iy dans le cas complexe) quepx´ px, yq “ 0.Soit p1x un point de F tel que x´p1x P FK. Comme p1x´px P F on a px´px, p1x´pxq “ 0 et px´p1x, p1x´pxq “ 0.Donc par soustraction p1x ´ px2 “ 0, p1x “ px.

Proposition 2.25. Soit F un sous-espace vectoriel de H. Les trois énoncés suivant sont équivalents :(i) F est fermé,(ii) H “ F ‘ FK,

(iii) pFKqK “ F.

Démonstration. piq ùñ piiq. Supposons F fermé. Soit x P H et soit px sa projection sur F. On a x “px ` px´ pxq avec px P F et x´ px P FK.piiq ùñ piiiq. Soit x P pFKqK. On écrit x “ y ` z avec y P F et z P FK. On a donc px, zq “ py, zq ` z2.Comme x est orthogonal à FK, px, zq “ 0. Mais comme y P F et z P FK, py, zq “ 0. Donc z “ 0, c’est-à-direx P F. Et donc pFKqK Ă F. Or comme on a toujours F Ă pFKqK, on a la conclusion.piiiq ùñ piq. F “ pFKq

K, or un orthogonal est toujours fermé.

12

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Corollaire 2.26. Pour tout sous-ensemble A de H on a VectA “ pAKqK.

Démonstration. On note F “ VectA. Il faut montrer pAKqK Ă F. Par la proposition précédente on a quepFKq

K“ F. Mais comme A Ă F, on a AK Ą FK puis pAKqK Ă pFKqK “ F.

Définition 2.27. Soit F un sous-espace vectoriel fermé de H. Le sous-espace vectoriel FK est appelé sup-plémentaire orthogonal de F. Tout élément x de H se décompose de manière unique en

x “ y ` z avec y P F et z P FK.

Le vecteur y est le projeté orthogonal de x sur F et l’application x ÞÑ y est appelée projection orthogonalesur F.

Exercice. Vérifier que si p est une projection orthogonale, alors pour tout x P H on a ppxq ď x.

Proposition 2.28. Soit F un sous-espace vectoriel de dimension finie de H, et soit pe1, ¨ ¨ ¨ , enq une baseorthonormale de F. Le projecteur orthogonal p sur F est donné par la formule

@x P H, ppxq “nÿ

i“1

px, eiqei.

Démonstration. Il est clair que ppxq P F et x´ ppxq P FK.

Corollaire 2.29. Soit F un sous-espace vectoriel de H de dimension finie, et soit pe1, ¨ ¨ ¨ , enq une baseorthonormale de F. Alors on a

@x P H, dpx, F q “ x´ ppxq “

g

f

f

ex2 ´nÿ

i“1

|px, eiq|2.

De plus ppxq est l’unique point de F où cette distance est atteinte.

2.4 Deux résultats importants dans les Hilbert

Théorème 2.30 (Riesz-Fréchet). Soit H un Hilbert. Pour tout f P H 1, il existe un unique x P H tel que

@y P H, fpyq “ py, xq.

De plus x “ fH 1 .

Démonstration. On commence par l’unicité. Si fpyq “ py, xq “ py, x1q pour tout y P H, alors pour touty P H, py, x´ x1q “ 0, et donc x´ x1 “ 0.Pour l’existence on exclut le cas f “ 0 qui est évident. Soit donc f P H 1zt0u. Alors Ker f est un hyperplanfermé de H qui admet donc un supplémentaire orthogonal pKer fqK non réduit à t0u. Soit x0 P pKer fqKzt0u.On a fpx0q ‰ 0 et

@y P H, y ´fpyq

fpx0qx0 P Ker f.

On a donc@y P H, py, x0q “

fpyq

fpx0qx0

2.

On pose alors x “ fpx0qx02

x0.

Enfin, puisque fpyq “ py, xq pour tout y P H, l’inégalité de Cauchy-Schwarz assure que |fpyq| ď xy, etdonc fH 1 ď x. Mais comme fpxq “ x2, on a en fait fH 1 “ x.

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Théorème 2.31 (Lax-Milgram). Soit H un Hilbert et soit ap¨, ¨q une forme bilinéaire continue sur H. Onsuppose que a est coercive, c’est-à-dire

Dc0 ą 0, @x P H, Re apx, xq ě c0x2.

Alors pour tout f P H 1 il existe un unique x P H tel que

@y P H, apy, xq “ fpyq.

Démonstration. Comme a est continue, pour tout x P H l’application y ÞÑ apy, xq est une forme linéairecontinue sur H. Donc par le théorème de représentation de Riesz-Fréchet il existe un unique Ax P H tel que

@y P H, apy, xq “ py,Axq.

Il est clair que A : x ÞÑ Ax est linéaire dans le cas réel et anti-linéaire dans le cas complexe. De plus, parcontinuité de a, il existe C ą 0 tel que

@x P H, Ax2 “ pAx, Axq “ apAx, xq ď CAxx.

Donc A est continue de H dans H. Par ailleurs, toujours d’après Riesz-Fréchet, il existe x0 P H tel que

@y P H, fpyq “ py, x0q.

On est donc ramené à résoudre l’équation Apxq “ x0. Pour ρ ą 0, considérons l’application

Sρ :

"

H Ñ Hx ÞÑ x` ρpx0 ´Apxqq

.

Clairement, à ρ fixé, résoudre Apxq “ x0 revient à trouver un point fixe pour Sρ. On a pour tous x, x1 P H

Sρpxq ´ Sρpx1q2 “ x´ x12 ´ 2ρRe

`

x´ x1, Apx´ x1q˘

` ρ2Apx´ x1q2.

Donc en utilisant la coercivité de a et la continuité de A on a

@x, x1 P H, Sρpxq ´ Sρpx1q2 ď p1´ 2ρc0 ` ρ

2C2qx´ x12.

On choisit ρ ą 0 suffisamment petit pour avoir 1 ´ 2ρc0 ` ρ2C2 ă 1 (par exemple ρ “ c0C ). Alors Sρ est

contractante et on conclut en appliquant le théorème de point fixe de Banach-Picard.

2.5 Bases hilbertiennes

Théorème 2.32. Soit pxnqnPN une famille orthogonale d’un espace de Hilbert H. Alors la sérieř

ně0 xnconverge dans H si et seulement si la série numérique

ř

ně0 xn2 converge, et dans ce cas on a l’égalité de

Parseval :›

8ÿ

n“0

xn

2

8ÿ

n“0

xn2.

Démonstration. Notons Sn “řnk“0 xk. Pour m ą n, on a Sm ´ Sn “

řmk“n`1 xk. Par orthogonalité de la

famille pxkqkPN, on a donc

Sm ´ Sn2 “

mÿ

k“n`1

xk2.

Si l’on suppose queř

kě0 xk2 est convergente alors le terme de droite tend vers 0 (uniformément en m ą n)

quand n tend vers l’infini, et pSnqnPN est de Cauchy. Comme H est complet, pSnqnPN converge.Réciproquement si pSnqnPN converge vers S P H, alors on a, toujours par orthogonalité des pxkqkPN,

8ÿ

k“0

xk2 “ lim

nÑ8

nÿ

k“0

xk2 “ lim

nÑ8Sn

2 “ S2 ă 8.

Ce qui donne aussi Parseval.

14

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En combinant le résultat de ce théorème et l’inégalité de Bessel, on obtient le corollaire suivant :

Corollaire 2.33. Soit penqnPN une suite orthonormale dans un espace de Hilbert H, et soit x P H. Alors lasérie

ř

ně0px, enqen converge vers ppxq, où p est la projection orthogonale sur Vectten, n P Nu.

Démonstration. On applique le théorème 2.32 à la suite xn “ px, enqen. On sait par la proposition 2.20 quela famille xn “ |px, enq| est de carré sommable et on a donc que la série

ř

ně0px, enqen est convergente. Onnote y sa limite et on veut vérifier que y “ ppxq. Tout d’abord il est clair que y P Vectten, n P Nu. Ensuitepour tout n P N on a, par continuité et linéarité du produit scalaire par rapport à la première variable,

py, enq “

ˆ

limmÑ8

mÿ

k“0

px, ekqek , en

˙

“ limmÑ8

ˆ mÿ

k“0

px, ekqek , en

˙

“ px, enq

qui assure que x´ y P pVectten, n P NuqK “ Vectten, n P NuK, grâce à la proposition 2.14.

Définition 2.34 (Ensemble total). On dit qu’un sous-ensemble A d’un espace de Hilbert H est total si lesous-espace vectoriel VectA engendré par A est dense dans H.

Proposition 2.35. Soit A un sous-ensemble d’un espace de Hilbert H. Alors A est totale si et seulement siAK “ t0u.

Démonstration. Si A est total on utilise la proposition 2.14 pour dire que AK “ VectAK“ t0u.

Réciproquement si AK “ t0u alors on utilise le corollaire 2.26 qui assure que VectA “`

AK˘K“ H.

Remarque 2.36. Comme cas particulier très important, on obtient qu’un sous-espace vectoriel F de H estdense si et seulement si FK “ t0u.

Définition 2.37 (Base hilbertienne). Soit H un espace de Hilbert et soit penqnPN une suite d’éléments deH. On dit que penqnPN est une base hilbertienne de H si c’est une famille orthonormale et totale.

Théorème 2.38. Soit penqnPN une suite orthonormale dans un espace de Hilbert H. Alors les propriétéssuivantes sont équivalentes :

(i) La famille penqnPN est totale ;

(ii) @x P H, x “8ÿ

n“0

px, enqen ;

(iii) @x P H, x2 “8ÿ

n“0

|px, enq|2.

Démonstration. piq ùñ piiq. La projection orthogonale sur Vectten, n P Nu “ H est l’identité.piiq ùñ piiiq. C’est une conséquence immédiate de l’égalité de Parseval appliquée à xn “ px, enqen.piiiq ùñ piq. Si x P pVectten, n P NuqK, alors clairement x2 “ 0 et donc x “ 0.

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3 Distributions et espaces de Sobolev

Dans toute la suite n est un entier strictement positif et Ω désigne un ouvert non vide de Rn.

3.1 Distributions

On rappelle que le support d’une fonction continue f est le complémentaire du plus grand ouvert surlequel f est nulle, ou encore l’adhérence de l’ensemble des points où f est non nulle

supppfq “ tx P Ω, fpxq ‰ 0u.

Définition 3.1. On note DpΩq l’espace vectoriel des fonctions définies sur Ω, à valeurs réelles, qui sont declasse C8 et à support compact.

Définition 3.2. Pour un multi-indice α “ pα1, ¨ ¨ ¨ , αnq P Nn on note |α| :“ α1` ¨ ¨ ¨ `αn sa longueur et ondéfinit l’opérateur différentiel Dα sur DpΩq par

@ϕ P DpΩq, Dαϕ : x “ px1, ¨ ¨ ¨ , xnq ÞÑ Dαϕpxq “ Bα11 ¨ ¨ ¨ Bαn

n ϕpxq “B|α|ϕ

Bxα11 ¨ ¨ ¨ Bxαn

npxq.

Définition 3.3 (“Topologie” sur DpΩq). On dit qu’une suite pϕpqpPN de DpΩq converge vers une fonction ϕde DpΩq si(i) il existe un compact K Ă Ω fixe qui contient le support de toutes les fonctions ϕp et de ϕ

(ii) pour tout multi-indice de dérivation α P Nn, la suite pDαϕpqpPN converge uniformément vers Dαϕ, i.e.

limpÑ8

Dαϕp ´Dαϕ8 “ 0.

Exercice. Vérifier que pour tout ϕ P DpΩq et pour tout multi-indice de dérivation α on a Dαϕ P DpΩq.Montrer ensuite que Dα : DpΩq Ñ DpΩq est continu.

Lemme 3.4. L’espace DpΩq est dense dans LppΩq pour tout p P r1,8q.

Lemme 3.5. Soit f P L1locpΩq telle que

@ϕ P DpΩq,ˆ

Ωfpxqϕpxq dx “ 0. (5)

Alors fpxq “ 0 pour presque tout x P Ω.

Démonstration. On admet ce résultat dans le cas général f P L1locpΩq mais on en donne une preuve dans

le cas f P L2pΩq qui utilise l’analyse hilbertienne. L’espace L2pΩq est un espace de Hilbert pour le produit

scalaire pf, gq “ˆ

Ωfg et on a l’inclusion DpΩq Ă L2pΩq. On sait de plus que DpΩq est dense dans L2pΩq et

donc son orthogonal est réduit à t0u. Or (5) signifie exactement que f P DpΩqK, donc f “ 0 dans L2pΩq.

Définition 3.6 (Distribution). Soit T : DpΩq Ñ R une forme linéaire. On dit que T est une distribution siT est continue pour la topologie définie sur DpΩq, i.e. si pour toute suite pϕpqpPN Ă DpΩq qui converge versϕ P DpΩq on a xT, ϕpy ÝÝÝÑ

pÑ8xT, ϕy dans R. On note D1pΩq l’espace vectoriel des distributions sur Ω.

Remarque 3.7. Une distribution T étant une application linéaire, il suffit de vérifier que

ϕpDpΩqÝÝÝÑpÑ8

0 ùñ xT, ϕpy ÝÝÝÑpÑ8

0.

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Exemples.

1. Soit f P L1locpΩq. L’application Tf définie par

Tf :DpΩq Ñ R

ϕ ÞÑ xTf , ϕy “

ˆΩfϕ

est une distribution. En effet si pϕpqpPN converge vers 0 dans DpΩq alors il existe un compact K Ă Ωtel que suppϕp Ă K pour tout p P N et ϕp8 ÝÝÝÑ

pÑ80. En écrivant

|xTf , ϕpy| ď

ˆΩ|fϕp| “

ˆK|fϕp| ď fL1pKqϕp8

on obtient donc que xTf , ϕpy ÝÝÝÑpÑ8

0.

Grâce au Lemme 3.5, l’applicationL1locpΩq Ñ D1pΩqf ÞÑ Tf

est injective de sorte que L1locpΩq peut être vu comme un sous-espace de D1pΩq.

Les espaces fonctionnels classiques, tels que CpΩq ou bien LppΩq avec 1 ď p ď 8, sont tous des sous-espaces de L1

locpΩq. Ainsi chaque fonction d’un de ces espaces peut être identifiée à une distribution.

2. La distribution de Dirac en un point a P Ω, notée δa et définie par

δa :DpΩq Ñ Rϕ ÞÑ xδa, ϕy “ ϕpaq

est une distribution. En effet

ϕpDpΩqÝÝÝÑpÑ8

0 ùñ ϕp8 ÝÝÝÑpÑ8

0 ùñ @x P Ω, ϕppxq ÝÝÝÑpÑ8

0 ùñ ϕpaq ÝÝÝÑpÑ8

0.

C’est un exemple d’une distribution qui n’appartient pas à L1locpΩq. En effet supposons par l’absurde

qu’il existe f P L1locpΩq telle que δa “ Tf et prenons ϕ P DpΩq. La fonction ψpxq “ |x ´ a|2ϕpxq

appartient elle aussi à DpΩq et s’annule en a, donc

0 “ ψpaq “

ˆΩfpxqψpxq “

ˆΩfpxq|x´ a|2ϕpxq.

On en déduit en utilisant le Lemme 3.5 que |x´a|2fpxq “ 0 presque partout, et donc fpxq “ 0 presquepartout. Finalement on obtient que Tf est la distribution nulle, et ne peut donc pas être égale à δa.Ceci constitue une contradiction avec l’hypothèse de départ.

Lemme 3.8. Soient T P D1pΩq et f P C8pΩq. Le produit fT défini par l’application

fT :DpΩq Ñ Rϕ ÞÑ xfT, ϕy :“ xT, fϕy

est une distribution.

Démonstration. Tout d’abord le produit fϕ appartient bien à DpΩq donc la définition a un sens. Vérifionsque fT est une distribution. Soit ϕp

DÝÝÝÑpÑ8

0 et soit K Ă Ω un compact tel que suppϕp Ă K pour tout

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p P N. On a alors d’une part que supptfϕpu Ă K pour tout p P N, et d’autre part (en utilisant la formule deLeibniz) que pour tout multi-indice α

Dαpfϕpq8 “

ÿ

β, γβ`γ“α

ˆ

α

β

˙

Dβf Dγϕp

8

ďÿ

β, γβ`γ“α

ˆ

α

β

˙

supK|Dβf | Dγϕp8 ÝÝÝÑ

pÑ80,

oùˆ

α

β

˙

i“1

ˆ

αiβi

˙

. Finalement on a prouvé que fϕpD

ÝÝÝÑpÑ8

0 et donc xT, fϕpy ÝÝÝÑpÑ8

0 puisque T est une

distribution.

Définition 3.9 (Dérivation d’une distribution). Soit T P D1pΩq et soit α P Nn un multi-indice de dérivation.On appelle dérivée α-ième de T la distribution notée DαT et définie par

@ϕ P DpΩq, xDαT, ϕy “ p´1q|α|xT,Dαϕy.

Exercice. Vérifier que DαT ainsi définie est bien une distribution.

Exemple. Pour a P R, la dérivée de la distribution de Dirac δa est la distribution notée δ1a et définie par

@ϕ P DpRq, xδ1a, ϕy “ ´ϕ1paq.

Lemme 3.10. Soit f une fonction de classe C1 sur Ω. Alors, pour tout i P t1, ¨ ¨ ¨ , nu, la dérivée partielleBif “

BfBxi

de f au sens classique coïncide avec sa dérivée partielle au sens des distributions.

Démonstration. Tout d’abord f P C1pΩq Ă L1locpΩq donc f est bien une distribution Tf . De même sa dérivée

au sens classique Bif P C0pΩq Ă L1locpΩq est bien une distribution TBif . Pour tout ϕ P DpΩq on a

xBiTf , ϕy “ ´xTf , Biϕy “ ´

ˆΩfBiϕ.

Soit K Ă Ω le support de ϕ. Puisque f et Biϕ sont de classe C1 sur K, la formule de Green nous dit que

´

ˆΩfBiϕ “ ´

ˆKfBiϕ “

ˆKBifϕ´

ˆBK

fϕniloooomoooon

“0 car ϕ“0 sur BK

ˆΩBifϕ.

Ainsi xBiTf , ϕy “ˆ

ΩBifϕ pour tout ϕ P DpΩq, ce qui signifie que BiTf “ TBif .

Exercice. Soit f P C1pRztauq telle que f 1 soit bornée sur Rztau. Montrer que f admet une limite à gaucheet à droite en a puis calculer la dérivée de f au sens des distributions. En déduire la dérivée au sens desdistributions de la fonction de Heaviside Hpxq “ 1lxě0.

Proposition 3.11. Soit T P D1pΩq tel que

∇T :“

¨

˚

˝

B1T...BnT

˛

¨

˚

˝

0...0

˛

.

Alors T est constante sur chaque composante connexe de Ω.

Démonstration. On ne démontrera ce résultat que dans le cas n “ 1 et Ω “sa, br. Montrons d’abord le

18

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Lemme 3.12. Si ψ P Dpsa, brq alors

DΨ P Dpsa, brq, ψ “ Ψ1 ðñ

ˆ b

aψpxq dx “ 0.

Démonstration du Lemme 3.12. ùñ Évident en intégrant.ðù On veut montrer qu’une fonction de Dpsa, brq d’intégrale nulle est la dérivée d’une fonction de Dpsa, brq.

Posons Ψpxq “

ˆ x

aψpyq dy. Il est clair que Ψ1 “ ψ et que Ψ P C8psa, brq. De plus on a supp Ψ Ă suppψ.

En effet si suppψ Ă rc, ds on a pour tout x Psa, cs,Ψpxq “ 0, et pour tout x P rd, br,Ψpxq “ˆ b

aψ “ 0.

Soit maintenant T P D1psa, brq telle que

@ϕ P Dpsa, brq, xT, ϕ1y “ 0.

On veut montrer que

DC P R, @ϕ P Dpsa, brq, xT, ϕy “

ˆ b

aCϕpxq dx “ C

ˆ b

aϕpxq dx.

Soit ϕ P Dpsa, brq et soit θ P Dpsa, brq telle queˆ b

aθpxq dx “ 1. On décompose ϕ sous la forme ϕ “ c θ ` ψ

avec c “ˆ b

aϕ de sorte que

ˆ b

aψ “ 0. On a alors grâce au Lemme 3.12 l’existence de Ψ P Dpsa, brq telle que

Ψ1 “ ψ et par suite

xT, ϕy “ c xT, θy ` xT, ψy

“ c xT, θy ` xT,Ψ1yloomoon

“0

“ xT, θy

ˆ b

aϕpxq dx.

On a donc que T “ cste “ xT, θy.

Définition 3.13 (Convergence de distributions). Soit pTpqpPN une suite d’éléments de D1pΩq et soit T P

D1pΩq. On dit que pTpqpPN converge vers T au sens des distributions si

@ϕ P DpΩq, xTp, ϕy ÝÝÝÑpÑ8

xT, ϕy.

On écrit alors TpD1ÝÝÝÑpÑ8

T.

Exercice. Vérifier que la suite`

1p1lr0, 1

ps

˘

pPN converge au sens des distributions vers δ0.

Lemme 3.14. L’application f P L2pΩq ÞÑ Tf P D1pΩq est continue.

Démonstration. On veut montrer que si pfpqpPN Ă L2pΩq et f P L2pΩq sont tels que fp ´ f2 ÝÝÝÑpÑ8

0, alors

TfpD1ÝÝÝÑpÑ8

Tf . Grâce à l’inégalité de Cauchy-Schwarz on a pour tout ϕ P DpΩq

|xTfp ´ Tf , ϕy| “

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˆΩpfp ´ fqϕ

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď fp ´ fL2ϕL2 ÝÝÝÑpÑ8

0.

19

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Lemme 3.15. La dérivation est une application linéaire continue de D1pΩq dans lui-même.

Démonstration. Soit α P Nn un multi-indice et soit Dα l’application définie par

Dα :D1pΩq Ñ D1pΩqT ÞÑ DαT

.

Montrons que cette application est continue. Soient pTpqpPN Ă D1pΩq et T P D1pΩq tels que TpD1ÝÝÝÑpÑ8

T. Il

faut montrer que DαTpD1ÝÝÝÑpÑ8

DαT. Pour cela on écrit que si ϕ P DpΩq alors Dαϕ P DpΩq et donc

xDαTp, ϕy “ p´1q|α|xTp, Dαϕy ÝÝÝÑ

pÑ8p´1q|α|xT,Dαϕy “ xDαT, ϕy.

3.2 Espaces de Sobolev

Définition 3.16. On note H1pΩq l’ensemble défini par

H1pΩq “

u P L2pΩq, @i P t1, ¨ ¨ ¨ , nu, Biu P L2pΩq

(

où les dérivées sont comprises au sens des distributions. On munit cet espace du produit scalaire

pu, vqH1 “ pu, vqL2 `

nÿ

i“1

pBiu, BivqL2 .

La norme associée à ce produit scalaire est

uH1 “

b

u2L2 ` |u|

2H1

où on a défini | ¨ |H1 la semi-norme de H1 par |u|2H1 “

nÿ

i“1

Biu2L2 .

Remarque 3.17. L’espace H1 est strictement inclus dans L2. Pour s’en convaincre il suffit de considérerla fonction de Heaviside définie sur s ´ 1, 1r et de se rappeler que H 1 “ δ0 R L

2ps ´ 1, 1rq, ou bien encore lafonction fpxq “

?x qui appartient à L2ps0, 1rq mais dont la dérivée f 1pxq “ 1

2?xR L2ps0, 1rq.

Théorème 3.18. L’espace H1 est un espace de Hilbert.

Démonstration. Il suffit de montrer que l’espace H1 est complet. Soit pupqpPN une suite de Cauchy dans H1.Par définition de la norme sur H1, elle est de Cauchy dans L2 dont on sait que c’est un espace de Hilbert.Il existe donc u P L2 telle que up

L2

ÝÝÝÑpÑ8

u. En raisonnant de la même façon sur chacun des Biup, il existe des

fonctions vi P L2 telles que BiupL2

ÝÝÝÑpÑ8

vi.

On va maintenant montrer que u P H1 est que upH1

ÝÝÑ u. D’une part on sait que

upL2

ÝÑ u ùñ upD1ÝÑ u ùñ Biup

D1ÝÑ Biu

et d’autre partBiup

L2

ÝÑ vi ùñ BiupD1ÝÑ vi.

Par unicité de la limite dans D1, on en déduit que Biu “ vi et donc Biu P L2, de sorte que u P H1. Enfin,puisque up

L2

ÝÑ u et BiupL2

ÝÑ Biu, on en déduit également que upH1

ÝÝÑ u.

20

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Le résultat suivant assure qu’en dimension n “ 1, H1pΩq Ă CpΩq.

Théorème 3.19. Soit I “sa, br un intervalle ouvert de R (borné ou non borné), et soit u P H1pIq. Alors ilexiste une unique fonction u P CpIq telle que

u “ u p.p. sur I et @x, y P I , upxq ´ upyq “

ˆ x

yu1ptq dt.

De plus l’injection H1pIq Ñ CpIqu ÞÑ u

est continue.

Démonstration. On fixe y0 P I et on pose vpxq “´ xy0u1ptq dt. La fonction v est continue sur I comme on peut

le voir en utilisant l’inégalité de Cauchy-Schwarz

|vpxq ´ vpyq| “

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˆ x

yu1ptq dt

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď

d

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˆ x

ydt

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

d

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˆ x

y|u1ptq|2dt

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ďa

|x´ y| u1L2 . (6)

De plus sa dérivée au sens des distributions est égale à u1. En effet en appliquant le Théorème de Fubini ona pour tout ϕ P DpIq

ˆIvϕ1 “

ˆI

„ˆ x

y0

u1ptq dt

ϕ1pxq dx “ ´

ˆ y0

a

ˆ y0

xu1ptqϕ1pxq dtdx`

ˆ b

y0

ˆ x

y0

u1ptqϕ1pxq dtdx

“ ´

ˆ y0

au1ptq

ˆ t

aϕ1pxq dxdt`

ˆ b

y0

u1ptq

ˆ b

tϕ1pxq dxdt

“ ´

ˆIu1ptqϕptq dt.

On a donc pu ´ vq1 “ 0 et on en déduit grâce à la Proposition 3.11 qu’il existe une constant C telle queu´ v “ C presque partout. La fonction u “ v ` C a les propriétés désirées.

Montrons maintenant la continuité de l’injection. Soit u P H1pIq et soit u son représentant continu. Soitensuite x P I et soient c, d P I tels que c ă x ă d et minp1, |I|q ď d ´ c ď 1. Soit enfin la fonction f

définie sur rc, ds par fpxq “ˆ x

cuptq dt´

x´ c

d´ c

ˆ d

cuptq dt. La fonction u étant continue, la fonction f est de

classe C1 et fpcq “ fpdq “ 0. Donc d’après le Théorème de Rolle, il existe y Psc, dr tel que f 1pyq “ 0, c-à-d

upyq “1

d´ c

ˆ d

cuptq dt. En reprenant les calculs de (6) on obtient que

upxq ď upyq `?d´ c u1L2 “

1

d´ c

ˆ d

cuptq dt`

?d´ c u1L2 ď

1

minp1, |I|q

ˆ d

cuptq dt` u1L2

puis en utilisant à nouveau Cauchy-Schwarz,

upxq ď

?d´ c

minp1, |I|quL2 ` u1L2 ď

2

minp1, |I|quH1

et enfin en prenant le sup en x

u8 ď2

minp1, |I|quH1 .

Remarque 3.20. Dès la dimension n “ 2 l’inclusion H1pΩq Ă CpΩq n’est plus vraie. Pour s’en convaincre

il suffit de considérer Ω “ Bp0, 12q Ă R2 et de vérifier que la fonction définie par upxq “ˆ

ln1

|x|

˙14

appartient à H1pΩq mais n’est pas continue en x “ 0.

21

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Théorème 3.21 (Rellich-Kondrachov). Soit I est un intervalle ouvert et borné de R. Alors l’injectionH1pIq Ă CpIq est compacte.Pour n ě 1, soit Ω Ă Rn ouvert borné de frontière lipschitzienne. Alors l’injection H1pΩq Ă L2pΩq estcompacte.

Définition 3.22. On note H10 pΩq l’adhérence de DpΩq dans H1pΩq, i.e.

H10 pΩq :“ DpΩqH

1

!

u P H1pΩq, DpupqpPN Ă DpΩq, up ´ uH1 ÝÝÝÑpÑ8

0)

.

Cet espace est par définition un sous-ensemble fermé de H1pΩq et donc un espace complet pour la norme ¨ H1 . On en déduit que H1

0 un espace de Hilbert pour le produit scalaire p¨, ¨qH1 .Dans le cas d’un ouvert borné, le résultat suivant nous dit que la forme bilinéaire pu, vqH1

0:“

řni“1pBiu, BivqL2

est un produit scalaire sur H10 pΩq. Sa norme associée est la semi-norme de H1 : uH1

0“ |u|H1 .

Théorème 3.23 (Inégalité de Poincaré). Soit Ω un ouvert borné de Rn (ou au moins borné dans unedirection). Alors il existe une constante C ą 0 ne dépendant que du domaine Ω telle que

@u P H10 pΩq, uL2 ď C|u|H1 .

Démonstration. Supposons tout d’abord l’inégalité vraie pour les fonctions de DpΩq et montrons qu’elle est

alors vraie pour les fonctions de H10 pΩq. Soit u P H1

0 pΩq et soit pupqpPN Ă DpΩq telle que upH1

ÝÝÝÑpÑ8

u. On a

par hypothèse que upL2 ď C|up|H1 pour tout p P N, ce qui donne par passage à la limite uL2 ď C|u|H1 .En effet la convergence dans H1 implique la convergence pour la norme L2 et pour la semi-norme H1.

Montrons donc l’inégalité de Poincaré pour les fonctions u P DpΩq. Soit u P DpΩq et soit u sont prolon-gement par 0 en dehors de Ω, de sorte que u P DpRnq. Supposons que Ω soit borné dans la direction xn etécrivons

u2L2 “

ˆRn

|upxq|2 dx “

˙x1¨¨¨xn

|upx1, ¨ ¨ ¨ , xnq|2 dx1 ¨ ¨ ¨ dxn “

ˆ b

a

„ˆRn´1

|upx1, xnq|2 dx1

dxn.

La fonction u étant régulière et puisque upx1, aq “ 0 pour tout x1 P Rn´1, on peut écrire

@x1 P Rn´1,@xn P ra, bs, upx1, xnq “

ˆ xn

aBnupx

1, tq dt.

D’après l’inégalité de Cauchy-Schwarz,

|upx1, xnq|2 ď pxn ´ aq

ˆ xn

a|Bnupx

1, tq|2 dt ď pb´ aq

ˆ b

a|Bnupx

1, tq|2 dt

En intégrant par rapport à la variable x1 dans Rn´1 il vient doncˆRn´1

|upx1, xnq|2 dx1 ď pb´ aqBnu

2L2 ,

puis en intégrant par rapport à xn,

u2L2 ď pb´ aq2Bnu

2L2 ď pb´ aq

2|u|2H1 .

On a donc montré l’inégalité de Poincaré avec la constante C “ b´ a.

22

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Corollaire 3.24. Soit Ω Ă Rn un ouvert borné (au moins dans une direction). Alors la semi-norme | ¨ |H1

est une norme sur H10 pΩq équivalente à la norme induite par celle de H1pΩq. L’espace H1

0 pΩq est donc unespace de Hilbert pour le produit scalaire "réduit"

pu, vqH10“ p∇u,∇vqrL2pΩqsn “

nÿ

i“1

pBiu, BivqL2 .

Démonstration. Il suffit d’écrire que grâce à l’inégalité de Poincaré on a pour tout u P H10 pΩq

|u|2H1 ď u2H1 “ u

2L2 ` |u|

2H1 ď p1` C

2q|u|2H1 .

Remarque 3.25. Si Ω est borné, en choisissant u “ cste ‰ 0, on voit que l’inégalité de Poincaré est faussedans H1 car uL2 ą 0 et |u|H1 “ 0. Cet exemple montre au passage que H1

0 Ł H1 en général puisque si Ωest borné alors u “ tcste ‰ 0u P H1pΩqzH1

0 pΩq. Si Ω “ Rn en revanche on a le résultat suivant (admis).

Lemme 3.26. L’ensemble DpRnq est dense dans H1pRnq. Autrement dit

H10 pRnq “ H1pRnq.

Si Ω est un ouvert de frontière lipschitzienne, alors DpΩq est dense dans H1pΩq.

Le lemme suivant donne un résultat utile sur le prolongement par zéro d’une fonction de H10 pΩq.

Lemme 3.27. Soit Ω un ouvert de Rn et soit u P H10 pΩq. La fonction u définie sur Rn par

upxq “

"

upxq si x P Ω0 si x R Ω

appartient à H1pRnq.

Démonstration. Pour toute fonction f définie sur Ω on note f son prolongement par zéro en dehors de Ω.Il est facile de voir que si u P L2pΩq alors u P L2pRnq. Soit maintenant u P H1

0 pΩq. On veut montrer queu P H1

0 pRnq “ H1pRnq, c’est-à-dire que pour tout i P t1, ¨ ¨ ¨ , nu on a Biu P L2pRnq.Par définition de H1

0 pΩq, il existe une suite pupqpPN Ă DpΩq telle que upH1

ÝÝÝÑpÑ8

u. On a alors d’une part

upL2

ÝÑ u ùñ ĂupL2

ÝÑ u ùñ ĂupD1ÝÑ u ùñ BiĂup

D1ÝÑ Biu

et d’autre partBiup

L2

ÝÑ Biu ùñ ĄBiupL2

ÝÑ ĂBiu ùñ ĄBiupD1ÝÑ ĂBiu.

Or pour tout p P N on a up P DpΩq et donc Ăup P DpRnq, avec BiĂup “ ĄBiup pour tout i P t1, ¨ ¨ ¨ , nu. Parunicité de la limite dans D1pRnq on obtient finalement que Biu “ ĂBiu P L

2pRnq, et donc que u P H1pRnq.

Pour terminer ce paragraphe, nous donnons sans démonstration quelques résultats sur les espaces deSobolev d’ordre supérieur.

Définition 3.28. Pour m P N on note HmpΩq l’ensemble défini par

HmpΩq “

u P L2pΩq, @α P Nn, |α| ď m ùñ Dαu P L2pΩq(

.

On munit cet espace du produit scalaire

pu, vqHm “ÿ

|α|ďm

`

Dαu,Dαv˘

L2 .

23

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La norme associée estuHm “

d

ÿ

|α|ďm

›Dαu›

2

L2

et on définit également la semi-norme

|u|Hm “

d

ÿ

|α|“m

›Dαu›

2

L2

Théorème 3.29. L’espace Hm est un espace de Hilbert.

Théorème 3.30. Si Ω est un ouvert de frontière lipschitzienne et si m ą n2 , alors H

mpΩq s’injecte continû-ment dans CpΩq.

En particulier en dimension n ď 3, l’espace H2pΩq s’injecte continûment dans CpΩq.

Théorème 3.31 (Rellich-Kondrachov). Soit Ω un ouvert borné de frontière lipschitzienne. Si m ą n2 , alors

l’injection HmpΩq Ă CpΩq est compacte.

Théorème 3.32. On note Hm0 pΩq l’adhérence de DpΩq dans HmpΩq. Si Ω est borné, alors la semi-norme

| ¨ |Hm est une norme sur Hm0 pΩq équivalente à la norme induite par celle de HmpΩq et Hm

0 pΩq est un espacede Hilbert pour le produit scalaire

pu, vqHm0“

ÿ

|α|“m

`

Dαu,Dαv˘

L2 .

Lemme 3.33. L’ensemble DpRnq est dense dans HmpRnq. Autrement dit

Hm0 pRnq “ HmpRnq.

Si Ω est un ouvert de classe Cm, alors DpΩq est dense dans HmpΩq.

3.3 Traces et formules de Green

Dans ce paragraphe nous allons généraliser à H1pΩq la notion de trace sur Γ “ BΩ qui est naturellementdéfinie pour une fonction f P CpΩq. Dans le cas où Ω est un intervalle de R, la question est réglée par leThéorème 3.19. Pour les dimensions supérieures, nous allons commencer par traiter le cas du demi-espaceΩ “ Rn` :“ tx “ px1, xnq P Rn, x1 P Rn´1, xn ą 0u puis nous énoncerons le cas général d’un ouvert Ω àfrontière lipschitzienne.

Proposition 3.34. Soit u P DpRn`q. Alors on a u|Γ :“ up¨, 0q P L2pRn´1q et

u|ΓL2pRn´1q ď uH1pRn`q.

Démonstration. Pour u P DpRn`q on a

u2px1, 0q “ ´

ˆ `80

Bpu2q

Bxnpx1, xnq dxn “ ´2

ˆ 80uBu

Bxnpx1, xnq dxn ď

ˆ 80u2px1, xnq dxn`

ˆ 80

´

Bu

Bxn

¯2px1, xnq dxn.

En intégrant par rapport à x1 on obtient directement

up¨, 0q2L2pRn´1q ď u2L2pRn

`q`

Bu

Bxn

2

L2pRn`qď u2H1pRn

`q.

24

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Théorème 3.35 (Trace). Il existe une unique application linéaire continue γ0 : H1pRn`q Ñ L2pRn´1q telleque pour toute fonction u P DpRn`q on ait γ0u “ u|Γ. De plus

@u P H1pRn`q, γ0uL2 ď uH1 .

Démonstration. D’après la proposition précédente, l’application u P DpRn`q ÞÑ u|Γ P L2pRn´1q est linéaire est

continue si on munit l’espace de départ de la norme sur H1pRn`q. Elle est donc uniformément continue sur unepartie dense de H1pRn`q (cf. Lemme 3.26), qui est un espace de Hilbert. On déduit alors du Théorème 1.38l’existence d’un unique prolongement continu γ0 : H1pRn`q Ñ L2pRn´1q.Il reste à vérifier que ce prolongement est linéaire et de norme inférieure à 1. Soient u, v P H1pRn`q et soitλ P R. Par densité il existe deux suites pupqpPN Ă DpRn`q et pupqpPN Ă DpRn`q telles que up´uH1pRn

`qÝÝÝÑpÑ8

0

et up ´ uH1pRn`qÝÝÝÑpÑ8

0. Pour tout p P N on a

γ0pup ` λvpq “ pup ` λvpqp¨, 0q “ upp¨, 0q ` λvpp¨, 0q “ γ0up ` λγ0vp.

En passant à la limite p Ñ `8 et en utilisant la continuité de γ0 on obtient γ0pu ` λvq “ γ0u ` λγ0v, etdonc la linéarité de γ0 sur H1pRn`q. De même en passant à la limite dans γ0upL2 ď upH1 on obtientγ0uL2 ď uH1 .

Plus généralement on a le résultat suivant que l’on admettra.

Théorème 3.36. On suppose que Ω est à frontière lipschitzienne. Alors il existe une unique applicationlinéaire continue γ0 : H1pΩq Ñ L2pΓq telle que pour toute fonction u P DpΩq on ait γ0u “ u|Γ. De plus on a

1. Ker γ0 “ H10 pΩq,

2. γ0

`

H1pΩq˘

Ł L2pΓq,

3. γ0

`

H1pΩq˘

“ L2pΓq.

On note H12pΓq :“ γ0

`

H1pΩq˘

.

Le résultat suivant montre qu’on peut étendre la validité de l’inégalité de Poincaré à des sous espaces deH1pΩq plus gros que le noyau de γ0. Il suffit en fait d’imposer que les fonctions soient nulles sur une partieseulement du bord de Ω.

Théorème 3.37 (Inégalité de Poincaré). Soit Ω Ă Rn un ouvert borné connexe de frontière lipschitzienne etsoit Γ0 une partie de la frontière Γ de Ω de mesure non nulle. Soit V le sous-espace fermé de H1pΩq définipar

V :“ tu P H1pΩq, γ0u “ 0 sur Γ0u.

Alors il existe une constante C ą 0 telle que

@u P V, uL2 ď C|u|H1 .

Par conséquent la semi-norme | ¨ |H1 est une norme sur V équivalente à la norme induite par celle de H1pΩq.

Démonstration. On raisonne par l’absurde en supposant que l’inégalité de Poincaré n’est pas vérifiée. Dansce cas il existe une suite pupqpPN d’éléments de V satisfaisant upL2 “ 1 et |up|H1 ď 1

p . On a alors

upH1 ď

b

1` 1p ď

?2 et, comme H1pΩq s’injecte compactement dans L2pΩq par Rellich, il existe une

sous-suitepuϕppqqpPN qui converge dans L2pΩq vers une limite u qui vérifie de plus uL2 “ 1. D’autre part ontire de l’inégalité |up|H1 ď 1

p que ∇uϕppq Ñ 0 dans L2pΩq et donc dans D1pΩq. Or la convergence de uϕppq Ñ u

dans L2pΩq entraîne la convergence ∇uϕppq Ñ ∇u dans D1pΩq. On obtient donc que ∇u “ 0 dans D1pΩq etdonc u “ cste sur Ω qui est connexe. Mais on tire aussi de ∇u “ 0 et de la convergence ∇uϕppq Ñ 0 dansL2pΩq que puϕppqq converge en fait vers u dans H1pΩq. Comme V est fermé on en déduit que u P V et doncu “ 0. Ceci une contradiction avec le fait que uL2 “ 1.

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Définition 3.38. Soit Ω un ouvert de frontière lipschitzienne. Pour toute fonction u P H2pΩq on note

γ1u “nÿ

i“1

γ0pBiuqνi

où ν “ pν1, ¨ ¨ ¨ , νnq est le vecteur normal à Γ orienté vers l’extérieur et de norme 1.L’application γ1 : H2pΩq Ñ L2pΓq est continue, comme composée d’applications continues.

Si Ω est un ouvert de classe C2, l’application γ0 envoie H2pΩq dans H1pΓq. Autrement dit la trace γ0uadmet des dérivées tangentielles, et on a le résultat suivant.

Théorème 3.39. Soit Ω un ouvert de Rn de classe C2.

Alors le noyau de l’application H2pΩq Ñ L2pΓq ˆ L2pΓqu ÞÑ pγ0u, γ1uq

est H20 pΩq.

Nous terminons ce chapitre par des formules de Green dans les espaces de Sobolev.

Théorème 3.40 (Formule de Green). Soit Ω un ouvert de Rn de frontière lipschitzienne. Alors pour tousu, v P H1pΩq et pour tout i “ 1, ¨ ¨ ¨ , n on a

ˆΩBiu v “ ´

ˆΩu Biv `

ˆΓγ0u γ0v νi.

Corollaire 3.41. Soit Ω un ouvert de Rn de frontière lipschitzienne. Alors pour tout u P H2pΩq et toutv P H1pΩq on a ˆ

Ω∆u v “ ´

ˆΩ∇u ¨∇v `

ˆΓγ1u γ0v.

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4 Exemples d’équations aux dérivées partielles

4.1 Équation de Poisson

Soit Ω Ă Rn un ouvert borné de frontière lipschitzienne. On considère le problème suivant : étant donnéune fonction f P L2pΩq, trouver une fonction u définie sur Ω et solution de

"

´∆u “ f dans Ω,u “ 0 sur Γ.

(7)

Il faut tout d’abord préciser le sens que l’on donne à cette équation. Le plus simple a priori est de dire queles deux équations doivent être vérifiées presque partout, ou de manière équivalente que ce sont des égalitésdans L2. Cette première idée naturelle amène la définition suivante.

Définition 4.1 (Solution forte). On appelle solution forte de (7) toute fonction u P H2pΩqXH10 pΩq vérifiant

´∆upxq “ fpxq pour presque tout x P Ω. (8)

Maintenant si u est une solution forte de (7), la relation ´∆u “ f qui a lieu dans l’espace de HilbertL2pΩq est équivalente à

@v P F, ´

ˆΩ

∆u v “

ˆΩfv,

où F est un sous-espace vectoriel dense de L2pΩq. Prenons F “ H10 pΩq. La formule de Green nous dit alors

que l’on a de manière équivalente

@v P H10 pΩq,

ˆΩ∇u ¨∇v “

ˆΩfv. (9)

Cette dernière écriture est appelée formulation variationnelle du problème (7). Elle a plusieurs avantagescomme nous allons le voir plus bas. Le premier avantage est qu’elle nécessite moins de régularité sur u que laformulation initiale, et permet donc de chercher des solutions dans un espace plus gros que H2pΩq XH1

0 pΩq.On définit alors une nouvelle notion de solution.

Définition 4.2 (Solution faible). On appelle solution faible de (7) toute fonction u P H10 pΩq vérifiant la

formulation variationnelle (9).

Théorème 4.3. Toute solution forte de (7) est solution faible, et réciproquement toute solution faible a unLaplacien qui appartient à L2pΩq et vérifie (8).

Démonstration. On a déjà vérifié que toute solution forte était solution faible. Il ne reste donc à montrer quela réciproque.

Soit u P H10 pΩq une solution faible de (7). Comme DpΩq est dense dans H1

0 pΩq, la formulation variation-nelle (9) est équivalente à

@ϕ P DpΩq,ˆ

Ω∇u ¨∇ϕ “

ˆΩfϕ,

qui donne en utilisant la formule de Green

@ϕ P DpΩq, ´

ˆΩu∆ϕ “

ˆΩfϕ.

Par conséquent u vérifie l’identité ´∆u “ f au sens des distributions, et comme f P L2pΩq cette identité estvérifiée dans L2pΩq, donc presque partout sur Ω.

Remarque 4.4. Il est en fait possible de démontrer que toute solution faible appartient à H2pΩq, mais ladémonstration de ce résultat de régularité dépasse le cadre de ce cours.

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Théorème 4.5. Pour toute fonction f P L2pΩq il existe une unique solution faible au problème de Diri-chlet (7).

Démonstration. On utilise le Théorème de Lax-Milgram dans l’espace de Hilbert H10 pΩq muni du produit

scalaire induit par celui de H1pΩq. Soit la forme bilinéaire

apu, vq “

ˆΩ∇u ¨∇v

et soit L la forme linéaireLpvq “

ˆΩfv.

La formulation variationnelle (9) s’écrit alors

@v P H10 pΩq, apu, vq “ Lpvq.

Le Théorème de Lax-Milgram nous donne donc l’existence et l’unicité d’une solution faible u P H10 pΩq dès

lors que a est continue et coercive, et que L est continue. La continuité de L découle de l’inégalité deCauchy-Schwarz

|Lpvq| ď fL2vL2 ď fL2vH1 ,

tout comme la continuité de a

|apu, vq| “

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ˆΩ

nÿ

i“1

Biu Biv

ˇ

ˇ

ˇ

ˇ

ď

ˆΩ

d

ÿ

i

|Biu|2d

ÿ

i

|Biv|2

ď

dˆΩ

ÿ

i

|Biu|2

dˆΩ

ÿ

i

|Biv|2 “ |u|H1 |v|H1 ď uH1vH1 .

Pour la coercivité de a on utilise l’inégalité de Poincaré

apu, uq “ |u|2H1 ě1

1` C2u2H1 .

Remarque 4.6. Le corollaire 3.24 nous assure que H10 pΩq est également un espace de Hilbert pour le produit

scalaire pu, vqH10“ apu, vq. On aurait donc pu montrer l’existence et l’unicité d’une solution faible en utilisant

cette norme et le théorème de représentation de Riesz à la place de Lax-Milgram. La continuité de L découledans ce cas des inégalités de Cauchy-Schwarz et de Poincaré.

4.2 Élasticité linéaire

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