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Annabelle Mourougane Indépendance de la Banque centrale et politique monétaire: application à la Banque centrale euopéenne In: Revue française d'économie. Volume 13 N°1, 1998. pp. 135-197. Résumé Rogoff. Cette délégation de pouvoir monétaire à un gouverneur indépendant permettrait de baisser le biais inflationniste, issu d'un manque initial de crédibilité, tout en conservant la possibilité de limiter les fluctuations consécutives à des chocs d'offre sur le marché du travail. Abstract This paper sums up the main results developed by the literature about indépendance and credibility of the monetary policy and uses them to analyse the European Central Bank status. According to the Maastricht treaty, the ECB's main objective should be price stability and ECB should be indépendant from political pressures. This can be related to Rogoff 's theory of a conservative governor, which shows that a delegation to an indépendant monetary autority can both reduce the inflationary bias induced by a lack of credibility, and limit fluctuations on the labour market after a supply shock. Citer ce document / Cite this document : Mourougane Annabelle. Indépendance de la Banque centrale et politique monétaire: application à la Banque centrale euopéenne. In: Revue française d'économie. Volume 13 N°1, 1998. pp. 135-197. doi : 10.3406/rfeco.1998.1043 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1998_num_13_1_1043

Indépendance de la Banque centrale et politique monétaire

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Annabelle Mourougane

Indépendance de la Banque centrale et politique monétaire:application à la Banque centrale euopéenneIn: Revue française d'économie. Volume 13 N°1, 1998. pp. 135-197.

RésuméRogoff. Cette délégation de pouvoir monétaire à un gouverneur indépendant permettrait de baisser le biais inflationniste, issud'un manque initial de crédibilité, tout en conservant la possibilité de limiter les fluctuations consécutives à des chocs d'offre surle marché du travail.

AbstractThis paper sums up the main results developed by the literature about indépendance and credibility of the monetary policy anduses them to analyse the European Central Bank status. According to the Maastricht treaty, the ECB's main objective should beprice stability and ECB should be indépendant from political pressures. This can be related to Rogoff 's theory of a conservativegovernor, which shows that a delegation to an indépendant monetary autority can both reduce the inflationary bias induced by alack of credibility, and limit fluctuations on the labour market after a supply shock.

Citer ce document / Cite this document :

Mourougane Annabelle. Indépendance de la Banque centrale et politique monétaire: application à la Banque centraleeuopéenne. In: Revue française d'économie. Volume 13 N°1, 1998. pp. 135-197.

doi : 10.3406/rfeco.1998.1043

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1998_num_13_1_1043

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Annabelle

MOUROUGANE

Indépendance

de la Banque centrale

et politique monétaire :

application à la Banque

centrale européenne

epuis quelques années, on constate une nette adhésion au principe d'indépendance des banques centrales dans beaucoup de pays (Canada, Nouvelle-Zélande mais aussi plus récemment France et Royaume-Uni) ; les statuts de la Banque centrale européenne (B.C.E.), tels qu'ils ont été définis dans le traité de Maastricht, sont en ligne avec ce mouvement

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de fond. Ainsi, l'article 5 du traité met l'accent tant sur l'indépendance de la B.C.E. vis-à-vis des différents gouvernements nationaux, que sur sa mission statutaire de lutte contre l'inflation.

Même si l'arrangement institutionnel prévu pour la B.C.E. est pour une part le fruit d'un compromis politique, il peut être analysé à la lumière de la littérature économique qui s'est développée depuis le milieu des années quatre-vingt autour des thèmes de l'incohérence temporelle et d'indépendance de la Banque centrale, et dont une synthèse est proposée en première partie de cette étude. Le caractère complexe et difficilement appréhen- dable des notions en jeu rend la vérification empirique de ces résultats délicate. La présentation des différentes études sur le sujet, effectuée dans une deuxième partie, montre qu'elle est à l'heure actuelle loin d'être achevée.

Malgré l'absence de vérifications empiriques, les répercussions pratiques de cette littérature, en particulier les conclusions relatives à la théorie de Rogoff, demeurent indéniables. Ainsi, à partir de 1999, le pouvoir monétaire sera délégué en Europe à un organisme indépendant du pouvoir politique, la B.C.E., qui comme le gouverneur conservateur aura pour objectif principal d'assurer la stabilité des prix. La mise en œuvre de cette théorie se heurte néanmoins à des difficultés d'ordre pratique, notamment pour assurer l'indépendance effective de l'autorité monétaire, difficultés qui sont analysées en troisième partie.

Les fondements théoriques

des analyses de crédibilité et

d'indépendance des banques centrales

L'origine des analyses théoriques de la littérature sur l'indépendance et la crédibilité est la mise en évidence par Kydland et Pres- cott [1977] du problème de l'incohérence temporelle et la volonté

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de résoudre ce problème en particulier dans le cas de la politique monétaire (cf. Barro-Gordon [1983a]). Si la solution de Kydland- Prescott qui consiste à adopter une politique fondée sur une règle est pertinente sous des hypothèses très restrictives, elle montre très vite ses limites lorsque l'économie est soumise à des chocs d'offre. Des solutions alternatives (cf. Rogoff [1985a], Walsh [1995]) ont donc été proposées.

De la prédominance d'une politique fondée sur une règle...

Présentation du modèle de base

Les principaux résultats de la littérature sur l'indépendance et la crédibilité de la politique monétaire se fondent sur des modèles d'offre, d'inspiration monétariste. Ces modèles ne sont pas à proprement parler des modèles dynamiques et n'intègrent pas, en particulier, de mécanismes d'accumulation des stocks, de la dette par exemple, mécanismes qui sont pourtant fortement liés aux problèmes d'inflation.

• Les hypothèses communes aux modèles présentés

La majeure partie des articles traitant du problème d'incohérence temporelle sont fondés sur une gamme d'hypothèses communes.

— Les anticipations sont rationnelles et les agents privés sont supposés réagir de façon optimale à un environnement qu'ils connaissent. Les erreurs de prévision ne peuvent être dues qu'à des surprises et ne sont donc pas persistantes.

— La courbe d'offre est une courbe de Phillips avec anticipations rationnelles à la Lucas [1972] ; on suppose, en effet, que les contrats salariaux sont négociés en termes nominaux, une période à l'avance. Au moment où les contrats sont signés, les salariés négocient donc le salaire en fonction de leurs anticipations d'inflation pour le futur. De telles négociations sont de

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même type que celles décrites dans des théories comme celle des « insiders-outsiders » ou celle du « salaire d'efficience ».

- Il existe un arbitrage entre les bénéfices et les coûts de l'inflation (cf. Fisher [1981], Barro [1995], Sarel [1995]). On suppose, en outre, que seule l'inflation non anticipée a un effet sur l'activité. L'objectif du gouvernement est de réduire le chômage sans relancer pour autant l'inflation. Ces deux objectifs sont incompatibles : ainsi, si le gouvernement a recours à l'inflation surprise pour relancer l'activité réelle, il devra subir les inconvénients d'une inflation trop forte. Les arguments qui entrent dans sa fonction de coût sont ses propres objectifs. Si le gouvernement est bienveillant, ses objectifs se confondent néanmoins avec ceux de la société. Pour plus de simplicité, on désignera par taux d'inflation et niveau d'emploi socialement optimaux les objectifs du gouvernement.

- Il existe des distorsions sur le marché du travail, par exemple l'existence de rigidités nominales, qui rendent le taux de chômage d'équilibre supérieur au taux de chômage socialement optimal et l'objectif d'emploi des agents privés différent de celui du gouvernement.

- Le gouvernement, confondu dans les premiers modèles avec l'autorité monétaire, choisit le taux d'inflation en agissant soit sur la masse monétaire, soit sur le taux d'intérêt. Dans les textes fondateurs, il est supposé avoir une maîtrise parfaite des objectifs et peut mener deux formes de politique : une politique discrétionnaire, chaque mesure étant adaptée à la situation présente, ou une politique fondée sur une règle, l'autorité décidant d'une règle d'intervention invariante dans le temps et qui est connue par les autres agents ; ces derniers choisissent leur action en tenant compte de cette règle.

- Les négociations salariales sont décrites dans le cadre d'un jeu non coopératif à deux, voire trois joueurs. Dans le cadre de base, la séquence du jeu est la suivante : le gouvernement annonce le taux d'inflation qu'il entend réaliser ; à partir de cette annonce le public anticipe un niveau d'inflation, puis le gouvernement, connaissant ces anticipations, choisit le niveau d'inflation effectif. Le déroulement de ce jeu donne un rôle privilé-

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gié au gouvernement, qui pourra en particulier être tenté de ne pas respecter ses promesses si, connaissant les anticipations des agents, il est préférable pour lui de ne pas le faire.

• En l'absence de choc d'offre une politique d'engagement est préférable à une politique discrétionnaire

Sous les hypothèses précédentes, il est possible de montrer la supériorité en termes de bien-être, d'une politique fondée sur une règle sur une politique discrétionnaire.

Les agents forment leurs anticipations de prix et négocient leurs salaires à partir de l'annonce par le gouvernement du niveau d'inflation qu'il souhaite réaliser. L'équilibre économique dépend donc de la politique annoncée. Mais une fois la négociation terminée, le gouvernement dont les objectifs diffèrent de ceux des salariés n'a plus intérêt à respecter ses engagements. En effet, en réalisant une inflation supérieure à celle qu'il avait annoncée, le gouvernement peut relancer l'activité et faire baisser le chômage. La politique d'engagement n'est pas temporel- lement cohérente (cf. Muet [1992] pour une définition formalisée). Anticipant la déviation du gouvernement, les agents sont plus exigeants en matière de salaire afin de ne pas perdre de pouvoir d'achat : ils revendiquent donc un niveau de salaire tel que le gouvernement ne sera pas incité à changer sa cible d'inflation. L'équilibre émergent est caractérisé par une inflation importante sans effet sur le chômage, alors qu'un gouvernement crédible soutiendrait un taux d'inflation plus bas.

Une politique discrétionnaire conduit à une inflation et un coût en termes de bien-être plus forts qu'une politique fondée sur une règle (cf. annexe n° 1). Ainsi, même si intuitivement la conduite d'une politique discrétionnaire offre plus de souplesse aux gouvernements, il est en théorie préférable de se lier les mains. Cet engagement permet de gagner la crédibilité nécessaire pour mener la politique monétaire qui s'avère en définitive optimale du point de vue du bien-être.

Cependant, il convient d'insister sur les limites d'un tel résultat. D'une part, il repose sur des hypothèses très fortes, notamment sur la nature des arguments de la fonction de coût.

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D'autre part, le gouvernement n'a pas forcément la capacité de s'engager et dans ce cas, aucune règle ne sera soutenable et même si elle n'est pas optimale, seule une politique discrétionnaire pourra être mise en œuvre.

L'introduction d'un choc d'offre dans le modèle de base peut remettre en cause la supériorité d'une politique de fixation d'une règle non contingente

L'existence d'une règle assurant la crédibilité de la politique monétaire n'est pas toujours souhaitable quand l'économie est confrontée à des chocs d'offre, car une telle règle introduit une rigidité empêchant l'autorité monétaire de répondre de manière adaptée : face à un choc négatif de productivité, le respect de la règle annoncée conduit à une baisse des effectifs en dessous du niveau qui équilibre le marché en l'absence de choc. Ex post, les autorités monétaires ont donc intérêt à accepter un peu d'inflation pour réduire le chômage.

Pour illustrer ce résultat, on peut généraliser le cadre d'analyse précédent en introduisant un choc d'offre dans le modèle. L'ajout de ce choc ne change rien au niveau de l'emploi et de l'inflation moyenne (car il est d'espérance nulle), mais en revanche modifie la variabilité de la production. Lorsqu'on introduit un choc d'offre dans le modèle, une troisième forme de politique peut être envisagée : le gouvernement annoncerait une règle contingente c'est-à-dire non plus un niveau d'inflation mais une règle d'adaptation au choc. Cependant une telle règle est généralement considérée comme très difficile à mettre en œuvre : il est très coûteux, voire impossible de spécifier tous les états de la nature et compte tenu des difficultés de mesure, il est difficile pour la Banque centrale et les agents privés de s'entendre sur l'ampleur des chocs d'offre. On se limitera donc dans la suite au cas d'engagement simple, indépendant de l'état de la nature et à celui de la politique discrétionnaire (cf. Mourougane [1997] pour un exemple de règle contingente).

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Comme dans le cas du modèle sans choc d'offre, la politique optimale n'est pas temporellement cohérente et se traduira in fine par un taux d'inflation moyen non nul.

Pour montrer l'effet du choc d'offre sur le bien-être de la société, on peut utiliser le même cadre d'analyse que précédemment mais décomposer la fonction de coût de manière à faire apparaître un terme de « stabilisation » (cf. Rogoff [1985a]). Ce terme mesure la capacité d'adaptation de la Banque centrale aux chocs de manière à stabiliser l'emploi et l'inflation aux alentours de leur moyenne sur le marché.

La forme de ce terme de stabilisation (cf. annexe n° 2) montre que le bien-être dépend de la variance du choc d'offre. Ainsi, si les autorités monétaires ont dans le modèle la capacité totale de faire face à un choc de demande, car l'inflation et l'emploi entrent dans la détermination de la fonction objectif et que l'information pour la période courante est parfaite, elles n'ont pas la capacité d'agir de manière suffisamment précise pour annuler les effets sur l'emploi d'un choc d'offre. Fixer une règle a priori, c'est-à-dire avant de connaître le choc, peut donc se révéler nuisible au bien-être de la société.

...à la recherche de solutions alternatives en l'absence d'engagement

La solution de Kydland-Prescott, si elle est satisfaisante pour résoudre les problèmes d'incohérence temporelle dans le modèle de base, présente des limites importantes. Comme nous l'avons déjà vu, sa trop forte rigidité empêche l'autorité monétaire de prendre des mesures adéquates lorsqu'il se produit un choc d'offre dans l'économie.

Cette solution n'est en outre plus applicable quand le gouvernement n'a pas la capacité de s'engager car il ne pourra pas convaincre le public qu'il respectera ses promesses, quelle que soit la règle choisie.

Par ailleurs, elle repose sur une représentation de l'économie assez fruste dans laquelle la passivité des agents privés est

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trop marquée. Or, dans la réalité, l'avantage du gouvernement résultant de sa place privilégiée dans le déroulement du jeu n'est pas aussi apparent : les agents privés, conscients des effets sur l'équilibre de leurs anticipations, peuvent disposer de moyens de pression. La prise en compte de ces mécanismes permet de rendre le modèle plus réaliste.

Enfin, les modèles présentés jusqu'à présent passent sous silence les phénomènes d'apprentissage. Il est sans doute exagéré de penser que les agents privés n'ont pas de mémoire et ne tiennent pas compte du passé pour former leurs anticipations. Au contraire, il est plus réaliste de considérer que le gouvernement puisse tirer parti de l'effet de mémoire des agents et soit ainsi incité à se construire une réputation.

Face à ces limites, plusieurs solutions alternatives ont donc été proposées pour permettre au gouvernement de soutenir un taux d'inflation bas dans le cas où il ne peut pas s'engager. La première consiste à se placer dans le cadre d'un jeu de signal, tel qu'il a été décrit par la théorie des jeux, et à formaliser un phénomène de réputation. La seconde peut se résumer à déléguer la conduite de la politique monétaire à la Banque centrale, plus crédible que le gouvernement, soit parce qu'elle accorde une importance plus forte à la lutte contre l'inflation, soit parce qu'elle est liée par un contrat incitatif.

La prise en compte du phénomène de réputation

Dans un jeu répété, quand un gouvernement n'a pas la capacité de s'engager, Barro-Gordon [1983b] montrent que la délivrance de l'inflation socialement optimale peut néanmoins constituer la stratégie optimale pour le gouvernement ex post comme ex ante, s'il est possible pour les agents de mettre en place un mécanisme de punition l'empêchant de tricher. Le plus simple de ces mécanismes est la « trigger strategy » : quand le gouvernement ne respecte pas ses engagements, le public le punit pendant une période en anticipant un taux d'inflation strictement positif à la période suivante et ce quel que soit le niveau de déviation. Il faut noter que ce mécanisme est très fruste : il ne prend pas en compte l'am-

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pleur de la déviation1, suppose que la mémoire des agents se limite à une période et surtout que le public punira le gouvernement même si la punition n'est pas rationnelle pour lui en termes de bien-être.

En calculant le gain d'un gouvernement à tricher à la période courante et la perte qu'il subira aux périodes suivantes, on peut déterminer une condition de non-déviation, c'est-à-dire telle que le gain à dévier (Courbe 1, graphique 1) soit inférieur à la perte à dévier (Courbe 2). Cette condition permet de déterminer l'ensemble des équilibres soutenables (cf. annexe n° 3).

Graphique 1 La condition de non déviation

bien-être

(2)

équilibres soutenables inflation

L'hypothèse d'horizon infini est une condition nécessaire dans ce modèle. A la dernière période en effet, aucune perte n'est subie en cas de non respect des engagements, alors qu'au contraire tricher procure un gain net à la période courante : le gouvernement sera donc incité â ne pas respecter ses engage-

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ments. Par récurrence, on montre que le gouvernement aura intérêt à rompre ses engagements à chaque période.

Un tel modèle, fortement dépendant du mécanisme de punition2, conduit à l'existence d'une multiplicité de solutions et ne permet pas de déterminer sur quel équilibre vont se coordonner les agents (cf. Rogoff [1987]). Pour assurer l'unicité de l'équilibre, on peut introduire dans le modèle certaines propriétés de linéarité3 sur le mécanisme de formation des anticipations (cf. Cukierman-Meltzer [1986]) ou raffiner le modèle en introduisant la capacité pour un individu d'acquérir de l'expérience en matière de revendications salariales (cf. Backus-Drif- fill [1985], Barro [1986]). Cette dernière hypothèse permet aussi de s'affranchir de l'hypothèse d'horizon infini.

Backus-Driffill [1985] et Barro [1986] considèrent ainsi un modèle où le gouvernement peut être de deux types : fort (qui respecte ses engagements) ou faible (qui déviera dès qu'il y aura intérêt). Le public ne connaît pas la véritable nature du gouvernement mais a à ce sujet une croyance a priori qui évolue au cours du temps en fonction de l'observation des taux d'inflation passés. L'observation d'un taux d'inflation conforme à la règle augmente la croyance que le gouvernement est fort. Se comporter comme un gouvernement de type fort permet donc à un gouvernement de type faible de se bâtir une réputation et d'abaisser les anticipations inflationnistes du public. On peut montrer qu'il existe un intervalle de temps durant lequel un gouvernement faible pourra soutenir un taux d'inflation bas sans appliquer la règle de Kydland-Prescott.

Le problème d'un modèle tel que celui de Backus-Driffill est qu'il nécessite de spécifier d'autant plus correctement les croyances du public que les résultats sont très sensibles à des changements mineurs de ces croyances. Il repose donc sur des hypothèses fortes et assez peu réalistes qui conditionnent fortement les résultats.

Il conduit, par ailleurs, à des solutions stables et ne permet pas d'expliquer les épisodes de fortes inflations. Enfin, si le gouvernement dispose d'une information privée, les agents ne peuvent jamais être sûrs qu'il a effectivement rompu ses engage-

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ments. Il est alors possible de choisir une stratégie de détente telle que, même si le gouvernement ne triche jamais, il se produise des pics inflationnistes (cf. Canzoneri [1985]).

L'attachement « têtu » du gouvernement fort à la règle de taux d'inflation correspondant au niveau socialement optimal n'est, en outre, pas observé dans la réalité. Si on introduit la possibilité pour un gouvernement fort de s'engager sur un taux d'inflation différent du taux d'inflation socialement optimal, ce gouvernement pourra choisir un taux d'inflation supérieur afin d'atténuer les coûts excessifs sur l'emploi de l'effet d'une crédibilité imparfaite sur les anticipations des agents privés4 (cf. Cukierman-Leviathan [1991]).

Par ailleurs, s'il existe dans le modèle un degré d'incertitude supplémentaire concernant par exemple les préférences du gouvernement ou l'incapacité pour l'agent privé de distinguer entre une action volontariste et une déviation involontaire du gouvernement qui ne maîtrise plus totalement ses objectifs, la conduite d'une politique monétaire à l'aide d'une norme d'inflation n'est pas forcément meilleure qu'une politique discrétionnaire. En effet, la variabilité des préférences du gouvernement dans le temps et la très lente vitesse d'ajustement des anticipations du public font que les effets positifs d'une inflation surprise à la période courante peuvent dominer les effets négatifs futurs en termes de perte de crédibilité, rendant une politique discrétionnaire préférable pour le décideur à la fixation d'une règle. Cukierman - Meltzer [1986] montrent ainsi qu'il existe un certain degré d'ambiguïté optimal, consistant à ne pas révéler ses préférences entre ses objectifs de croissance et de maîtrise de l'inflation, permettant au gouvernement d'avoir recours à l'inflation surprise quand ses préférences pour la stabilisation sont grandes à une période donnée, et de subir des chocs négatifs sur la production quand il est plus préoccupé par la maîtrise de l'inflation. Pour entretenir cette ambiguïté, le décideur choisira délibérément de ne pas utiliser tous les instruments dont il dispose (de la manière la plus efficace possible) pour stabiliser l'économie face à un choc.

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La nomination d'un gouverneur de Banque centrale indépendant

Un autre moyen de résoudre le problème de l'incohérence temporelle est de déléguer les choix en matière de politique monétaire à un organisme indépendant du pouvoir politique, donc plus crédible. Pour modéliser cette délégation, il est nécessaire d'introduire un troisième agent dans le modèle. On considère désormais que le gouvernement et la Banque centrale sont distincts et que le premier délègue son pouvoir de décision à la seconde. Il convient alors, comme le font Debelle et Fisher [1994], de distinguer l'indépendance concernant le choix des objectifs (RogofT) de l'indépendance se limitant au contrôle des instruments (Walsh).

• Le gouverneur conservateur

Rogoff [1985a] trouve une solution originale au problème d'incohérence temporelle, consistant dans la nomination d'un gouverneur de Banque centrale « conservateur » c'est-à-dire qui accorde un poids plus important à la lutte contre l'inflation que la société. Il montre que ce poids ne doit cependant pas être infini.

La présence d'un gouverneur conservateur permet de baisser les anticipations d'inflation des agents qui vont être moins exigeants lors de leurs revendications salariales : ils s'attendent à ce que la lutte contre l'inflation soit un objectif privilégié par la Banque centrale et donc que la hausse des prix ex post ne soit pas très forte (cf. annexe n° 4).

Dans la pratique, l'indépendance de l'institut d'émission vis-à-vis du gouvernement ou l'inscription dans les statuts d'un objectif de stabilité des prix, peut être une manière de désigner un gouverneur de Banque centrale conservateur.

Cependant, le poids accordé à la lutte contre l'inflation ne doit pas être infini. En effet, la réponse aux chocs d'offre est d'autant plus mauvaise que le degré de conservatisme du gouverneur est grand, car ce dernier accorde plus d'importance à la lutte contre l'inflation qu'à la situation sur le marché du travail. La société subira en conséquence un coût d'autant plus important en cas d'ajustement à un choc d'offre que le gouverneur est conservateur. Il existe par conséquent un arbitrage : l'augmen-

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tation du degré de conservatisme permet de réduire le biais inflationniste mais augmente la variabilité de la production en cas de choc d'offre.

Les conclusions de cette analyse doivent être relativisées lorsque l'on se place dans un cadre d'économie ouverte (cf. Rogoff [1985b] pour une modélisation en économie ouverte). A partir d'un modèle à deux pays, Laskar [1990] montre que la nomination d'un gouverneur conservateur peut dans certains cas détériorer la situation des deux pays. Deux effets antithétiques jouent. Si les deux pays ont besoin de mener une politique expansionniste (ce qui est le cas en présence d'un choc symétrique), chaque gouverneur peut craindre une dépréciation trop importante de sa propre monnaie par rapport à la monnaie étrangère. En l'absence de coopération entre les deux gouverneurs, la politique monétaire dans chaque pays sera moins expansionniste que souhaitée (l'équilibre correspondant à une politique expansionniste n'est pas soutenable car chaque pays aura tendance à dévier pour apprécier sa monnaie et diminuer par ce canal l'inflation). Or, avoir à la tête de l'institut d'émission un gouverneur conservateur accentue cette crainte, donc est néfaste au bien-être des deux économies. Cependant, les fluctuations du taux de change réel et leurs effets distorsifs sur le niveau des prix, sont réduites quand le gouverneur est conservateur. Le résultat final dépendra de l'ampleur de chacun de ces effets et de la nature du choc : si le choc est symétrique il est préférable de baisser le degré de conservatisme du gouverneur, si le choc est asymétrique, il est préférable de l'augmenter.

• La mise en place d'une cible d'inflation optimale

Pour faire disparaître le biais inflationniste, Svensson [1995] montre qu'il est aussi possible de choisir une cible d'inflation permettant d'atteindre le taux d'inflation socialement optimal (cf. annexe n° 5). Ainsi, au lieu de déléguer le pouvoir à un banquier central n'ayant pas les mêmes préférences en matière de lutte contre l'inflation, le gouvernement choisit un banquier qui minimise l'écart entre l'inflation effective et une cible d'inflation, qui n'est

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plus nécessairement égale au taux d'inflation socialement optimal. La cible d'inflation optimale est alors inférieure à l'objectif de la société.

Les cibles d'inflation qui ont été effectivement mises en place étant plutôt supérieures au taux d'inflation socialement optimal, des solutions plus élaborées ont été avancées. Jensen- Beetsma [1996] introduisent par exemple dans le modèle de l'incertitude concernant les préférences du banquier central en matière de lutte contre l'inflation : le poids affecté à l'objectif d'inflation est composé d'une partie fixe et d'une partie aléatoire, de moyenne nulle. Dans un tel cadre, les auteurs montrent que la cible d'inflation ne permet pas de stabiliser l'effet sur la croissance et l'inflation de la variabilité des préférences.

Il apparaît alors préférable de combiner un contrat à la Walsh (cf. infra) avec une cible d'inflation. Cette combinaison permet de réduire le biais inflationniste et l'effet de l'incertitude des préférences sur l'inflation et la croissance. Par ailleurs, la cible issue de ce programme se révèle supérieure à l'inflation socialement optimale, et est donc plus proche de la réalité que la règle de Svensson. Il faut noter néanmoins que l'interaction du choc d'offre et de l'effet de l'incertitude entourant les préférences, engendre une variabilité trop forte, empêchant la Banque centrale d'atteindre le taux d'inflation socialement optimal.

• Le gouverneur soumis à un contrat

Pour résoudre le dilemme crédibilité-flexibilité de la politique monétaire, soulevé par Rogoff, il est aussi possible de limiter l'indépendance du gouverneur de Banque centrale à une indépendance d'instruments.

Dans cette approche, l'accent est mis sur les tâches et les incitations du gouverneur de Banque centrale pour qu'il achève les missions qui lui ont été conférées dans le cadre d'un modèle principal-agent. En particulier, il s'expose à des représailles s'il échoue, représailles qui peuvent prendre la forme de suppressions de primes ou, à la limite, d'un renvoi (Walsh, Persson et Tabel- lini [1993]).

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Walsh [1995] montre que le gouvernement peut inciter le banquier central à choisir un niveau d'inflation égal au taux d'inflation socialement optimal. En supposant que le banquier central cherche à maximiser la différence entre le montant des transferts qui lui sont accordés et les coûts sociaux, en termes d'inflation et d'emplois, il est alors possible, pour le gouvernement de trouver le transfert optimal (cf. annexe n° 6).

Une interprétation de cette équation de transfert peut être la mise en place d'une cible de masse monétaire ; si la Banque centrale ne la respecte pas, elle encourt une punition proportionnelle au niveau de la déviation. Le transfert optimal étant une fonction linéaire du taux d'inflation, l'augmentation du coût marginal est la même dans tous les états de la nature. Il en résulte que la réponse de la Banque centrale aux chocs d'offre n'est pas altérée par l'introduction de cette cible de masse monétaire. Enfin, Walsh montre que l'instauration d'une cible d'inflation conduirait à des résultats analogues.

Cependant, les contrats ne sont souvent pas aussi simples que ceux décrits par la théorie, et il n'est pas toujours évident de trouver les arguments qui inciteront les gouverneurs à choisir exactement la règle optimale. Ainsi, la solution contractuelle de Walsh n'a que rarement été mise en œuvre.

D'un point de vue purement théorique, la théorie des contrats de Walsh se heurte aussi à des critiques. Herrendorf [1996] montre que de tels contrats sont nécessairement incomplets et ne peuvent donc pas résoudre le problème de l'incohérence temporelle. Dans le modèle de Rogoff, il introduit la possibilité d'une connaissance imparfaite par les syndicats du choc qui va toucher les fondamentaux de l'économie à la période suivante, connaissance qu'ils prennent en compte dans la formation des salaires. Il y a bien incohérence temporelle car la Banque centrale dispose d'une information privée dont ne disposent pas les syndicats. Or, dans une telle situation, quand le degré de conservatisme optimal de la Banque centrale est le même que celui du gouvernement, il est impossible de spécifier un contrat optimal, car les paramètres de ce dernier sont stochastiques. Il est donc

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nécessaire de revenir à la solution du gouverneur conservateur à la Rogoff.

• Le problème de la crédibilité de la délégation

Comme le souligne McCallum [1995], la délégation telle qu'elle est préconisée par la solution du gouverneur conservateur de Rogoff ou du contrat à la Walsh, ne permet pas de résoudre le problème de l'incohérence temporelle ; elle ne fait que le transposer à un autre niveau. En effet, si un gouvernement n'est pas assez crédible pour mener une politique monétaire efficace, pourquoi la délégation de pouvoir qu'il confère à la Banque centrale serait-elle crédible auprès du public ?

Jensen [1996] montre en particulier que, s'il n'existe pas de « coût de rupture de contrat », la délégation n'apporte aucun gain de crédibilité, car elle fait elle-même l'objet d'un choix stratégique discrétionnaire. S'il existe, en revanche, des coûts positifs, la délégation se traduira par une amélioration par rapport à la situation où le gouvernement ne peut pas s'engager, mais le problème de l'incohérence temporelle ne sera totalement résolu que dans le cas extrême où les coûts de rupture de contrat sont infinis (cf. annexe n° 7). Par ailleurs, quand il existe des coûts de renégociation, il sera plus difficile d'inciter le gouvernement à respecter ses engagements, la condition de non déviation telle qu'elle a été définie dans le modèle de Barro-Gordon (C.N.D.) n'étant respectée que pour des taux d'escompte plus élevés que dans le cas sans délégation.

• V articulation de la politique budgétaire avec la politique monétaire rend incertaines les conséquences de la nomination d'un gouverneur conservateur

Les textes présentés supposent implicitement que l'inflation est d'origine monétaire et que la politique monétaire est l'instrument le plus adapté pour assurer la maîtrise des prix. Cette hypothèse n'est néanmoins pas vérifiée si les anticipations d'inflation ne dépendent pas fortement de la politique monétaire, si les firmes indexent leurs prix sur les coûts financiers (dans ce cas, une

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Annabelle Mourougane 151

montée des taux d'intérêt peut générer à court terme de l'inflation) ou encore si les prix dépendent d'autres politiques économiques, la politique budgétaire par exemple.

La prise en compte de la politique budgétaire et de son articulation avec la politique monétaire peut alors relativiser la pertinence de la nomination d'un gouverneur conservateur. Ainsi, l'indépendance de la Banque centrale ne serait pas suffisante pour assurer la stabilité des prix car, si les salariés font confiance à l'autorité monétaire et anticipent un bas taux d'inflation, l'autorité budgétaire aura intérêt à pratiquer une politique budgétaire expansionniste. La question fondamentale qui se pose alors est celle des coûts et des bénéfices de l'indépendance par rapport à la coordination des politiques économiques (cf. Alesina-Tabel- lini [1987], Lavigne-Villieu [1996], Arms [1997]). Si on suppose qu'il n'est pas possible de s'engager sur une mesure de politique budgétaire, l'indépendance de la Banque centrale n'est pas toujours meilleure que la coordination des politiques, le résultat étant contingent à la valeur des paramètres de l'économie : préférence pour la stabilité des prix, objectifs de l'autorité monétaire et de l'autorité budgétaire, poids de négociation de chacune des deux autorités (cf. annexe n° 8).

Il faut néanmoins noter que cette formalisation s'écarte du cadre de base, qui est essentiellement un modèle d'offre, et conduit à ajouter de manière relativement ad hoc un terme de demande. Par ailleurs, ces modèles supposent implicitement que chacune des deux politiques économiques est affectée à un objectif particulier : la lutte contre l'inflation pour la politique monétaire et le soutien de l'activité pour la politique budgétaire. Or, si on considère un modèle dynamique de moyen terme, c'est-à- dire qui intègre les mécanismes d'accumulation du capital contrairement au modèle de base, cette dichotomie des tâches peut être remise en cause. Capoen-Sterdyniak- Villa [1994] suggèrent ainsi qu'il peut être préférable dans ce cas d'utiliser la politique budgétaire pour réguler la demande, et la politique monétaire pour réguler la profitabilité des entreprises.

En définitive, le problème de l'incohérence temporelle, mis en évidence par Kydland-Prescott, a trouvé plusieurs solu-

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152 Annabelle Mourougane

tions sur le plan théorique. En l'absence de choc d'offre, la fixation d'une règle peut permettre de rétablir la crédibilité du gouvernement et d'atteindre le taux d'inflation socialement optimal. Cependant, lorsque l'économie est soumise à des perturbations aléatoires, une telle politique empêche le gouvernement de limiter les pertes en termes d'emploi dues à ces chocs. Deux solutions alternatives ont alors été proposées.

On peut, comme Backus-Driffill et Barro-Gordon, introduire un « mécanisme de punition » qui empêche le gouvernement de rompre ses engagements et incite les agents à réviser leurs anticipations d'inflation à la baisse. La sensibilité de ces modèles à la manière dont sont modélisées les croyances des individus, et l'absence de connaissances en la matière, limitent la portée pratique de ces résultats.

Une autre solution consiste en la délégation du pouvoir en matière de décision monétaire du gouvernement à une autorité monétaire indépendante. Selon ces théories, un degré d'éloi- gnement important de la Banque centrale de la pression politique permet d'obtenir une inflation basse sans perte de croissance. Ces théories restent néanmoins soumises à de vives critiques, notamment sur la crédibilité de la délégation, et le débat en la matière reste ouvert.

Pour juger de la pertinence de ces modèles, il est maintenant important de voir si, empiriquement, la mise en œuvre de ces théories s'est traduite par les effets escomptés.

Les tests empiriques des théories

de Rogoff et de Walsh

La littérature théorique décrite dans la partie précédente montre les liens qui existent entre les concepts de crédibilité, d'indépendance et de politique économique. Ainsi, une plus grande indépendance de la Banque centrale devrait entraîner une plus

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Annabelle Mourougane 153

grande crédibilité de l'autorité monétaire vis-à-vis du public et se traduire par une efficacité plus grande de la politique monétaire.

Il existe plusieurs moyens de tester ces théories : on peut tester les liens entre crédibilité et efficacité de la politique monétaire, ou directement entre indépendance et efficacité en éludant l'étape intermédiaire de gain de crédibilité. En pratique, cette dernière option a été privilégiée, la notion de crédibilité étant difficilement appréhendable empiriquement. Quelques tentatives ont néanmoins été menées dans cette voie mais elles restent marginales5.

Les deux premières parties décrivent les tentatives de confirmation de la théorie du gouverneur conservateur. La troisième partie rappelle les études effectuées pour tester la pertinence empirique d'une délégation à la Walsh, en particulier dans le cas de la Nouvelle-Zélande.

L'indépendance : une notion difficilement mesurable

Pour tester la théorie du gouverneur conservateur, il faut en pratique définir la notion d'indépendance afin de pouvoir la mesurer. Plusieurs définitions sont alors envisageables.

La définition la plus simple est l'indépendance légale, c'est-à-dire le degré d'indépendance que la loi confère. Pendant longtemps, les études empiriques se sont limitées à cette définition : une telle approche se révélait à l'époque suffisante, car les études se restreignaient souvent aux pays développés.

Bade et Parkin [1982] ont construit un indice d'indépendance politique de la Banque centrale à partir de l'observation des relations institutionnelles entre la Banque centrale et le gouvernement, de la procédure de nomination ou de licenciement du gouverneur, du rôle des membres du gouvernement dans le Conseil de la Banque centrale et de la fréquence des contacts entre l'exécutif et l'autorité monétaire.

Il est pourtant difficile de se contenter d'une définition aussi restrictive de l'indépendance : les différences entre

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154 Annabelle Mourougane

indépendance légale et indépendance effective sont notables et ce d'autant plus que le champ d'étude intègre de plus en plus les pays en voie de développement. En effet, la loi ne spécifie pas les domaines de compétence du gouverneur pour toutes les situations possibles et la pratique a souvent un poids aussi important que la loi. Il est donc apparu très rapidement nécessaire de construire des indicateurs d'indépendance plus perfectionnés.

Ainsi, Grilli, Masciandaro etTabellini [1991] distinguent l'indépendance économique de l'indépendance politique. L'indice d'indépendance politique est construit à partir de huit caractéristiques mesurant la capacité de l'autorité monétaire à décider de son objectif de politique monétaire (procédure de nomination, durée du mandat et relations entre la Banque centrale et le gouvernement). A une caractéristique correspond un point ; cet indice varie donc entre 0 (pas d'indépendance) et 8 (indépendance maximale). L'indice d'indépendance économique est construit de manière analogue à partir de 7 critères (le dernier étant décomposé en deux) décrivant la capacité pour la Banque centrale à choisir ses instruments pour atteindre ces objectifs. Comme pour l'indice d'indépendance politique, un point est attribué à chaque caractéristique vérifiée. Les valeurs de cet indice s'échelonnent donc entre 0 (pas d'indépendance) et 8 (indépendance maximale). Un indice global est ensuite construit en faisant la somme des deux indices.

Cukierman [1992] procède par étapes pour définir un indicateur global d'indépendance et construit d'abord trois différents indices : le premier mesure l'indépendance légale telle qu'elle est inscrite dans la loi. Une valeur faible indique une faible indépendance de l'autorité monétaire. Le deuxième indice prend en compte le turnover des gouverneurs de Banque centrale afin d'approcher l'indépendance effective. L'utilisation d'un tel indicateur suppose qu'au dessus d'un certain palier, un turnover important des gouverneurs est le reflet d'un degré d'indépendance plus faible que ne le laisse présager la loi. En effet, si le turnover est important, le mandat du gouverneur de Banque centrale sera plus court que celui du gouvernement ; l'influence

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Annabelle Mourougane 155

de l'exécutif sur l'autorité monétaire pourra être plus importante. Comme la longueur d'un cycle électoral est d'au moins quatre ans, Cukierman estime que le palier au-dessus duquel le turnover - défini comme la durée effective du mandat du banquier central en années - est un indicateur pertinent, est de 0,2. Il apparaît que dans les pays développés le taux de turnover est systématiquement inférieur à ce seuil (cf. Tableau 1) contrairement aux P.V.D. où l'indicateur proposé semble un proxy acceptable de l'indépendance. L'interprétation de cet indicateur peut néanmoins être discuté. On pourrait ainsi considérer que le turnover est un indicateur de faible indépendance dans la mesure où un mandat long permettrait à l'exécutif de développer une emprise sur la Banque centrale en nouant des relations de clientélisme. Le troisième indicateur enfin repose sur un questionnaire auprès des membres des banques centrales et mesure les deux formes d'indépendance, légale et effective, mais souffre d'un biais de subjectivité.

Les classements obtenus à partir des deux premiers indices permettent de cerner des aspects différents de l'indépendance ; l'auteur les combine donc pour obtenir un indice global6. Une faible valeur de cet indice traduira une forte indépendance de l'autorité monétaire (cf. Tableau 1).

Les indices d'indépendance ainsi construits permettent de retrouver des résultats connus tels que la relative grande indépendance de la Bundesbank et de la Banque nationale suisse, mais montre aussi la diversité des situations au niveau mondial et même au sein de l'Europe.

Il faut noter toutefois que l'indépendance a dans cette étude un sens particulier et désigne le « biais conservateur » de Rogoff c'est-à-dire les marges de manœuvre, pour la Banque, dans la recherche de stabilité des prix. La banque sera, en conséquence, considérée comme plus indépendante si la loi lui impose l'objectif final de stabilité des prix.

Par ailleurs, les indicateurs construits ne prennent pas en compte certains aspects de l'indépendance (qualité du service de recherche, développement des marchés financiers) et ne doivent donc pas être considérés comme des indices universels d'indé-

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156 Annabelle Mourougane

Tableau I : Les indices d'indépendance selon Cukierman [1992]

EUROPE FRANCE ALLEMAGNE ROYAUME-UNI ESPAGNE GRECE SUISSE SUEDE

AMERIQUE ETATS-UNIS CANADA

OCEÁNIE AUSTRALIE

ASIE INDONESIE THAÏLANDE INDE PHILIPPINES

Indépendance

0.28 0.66 0.31 0.21 0.51 0.68 0.27

0.51 0.46

0.08

0.21 0.26 0.33 0.42

Turnover légale

0,15 0.1 0.1 0.2

0.15

0.13 0.1

0.2 0.33 0.13

Indice global

0.09 0.05 0.07 0.1 0.11

0.07

0.06 0.06

0.31

0.32 0.11 0.17 0.14

pendance. Il faut enfin souligner que ces indices souffrent de biais de subjectivité, notamment dans l'interprétation de la législation, le choix des critères et le poids qui leur est accordé (cf. Eiffîn- ger et Schaling [1993], Mangano [1997]).

De ce point de vue, l'absence d'indicateurs pertinents de l'indépendance de la politique monétaire rend la vérification empirique des théories très difficile. Aussi, il est nécessaire de considérer avec une grande prudence l'ensemble des résultats qui vont être présentés par la suite.

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La confirmation de la théorie de Rogoff reste partielle

// existerait bien une relation négative entre l'indépendance et l'inflation pour les pays industrialisés

Selon la littérature théorique exposée précédemment, plus l'indépendance de la Banque centrale est importante, plus le taux d'inflation atteint devrait être bas. Les résultats empiriques (cf. Grilli, Masciandaro etTabellini [1991] et Alesina-Summers7 [1993]) confirment en général cette conjecture et les auteurs trouvent une relation clairement négative entre les indices d'indépendance définis plus hauts et la moyenne des taux d'inflation (cf. graphique 2).

Ces études se limitent néanmoins au cas des pays industrialisés : une relation de signe opposée apparaît pour les pays pauvres ou de revenus moyens (cf. Cukierman, Webb et Neyapti [1992]) et la corrélation est nulle quand on prend en compte l'ensemble des pays (cf. Barro [1995]). De tels résultats peuvent s'expliquer par la présence d'une politique budgétaire qui va à l'encontre des objectifs de la politique monétaire dans les pays pauvres (cf. Mas [1994]).

L'indice d'indépendance perd sa significativité quand on introduit des variables supplémentaires dans l'analyse (influence des marchés financiers (cf. Posen [1995]), instabilité du système politique (cf. Cukierman, Edwards et Tabellini [1992]), ouverture des économies (cf. Romer [1993], Campillon, Miron [1996]).

Plus fondamentalement, la mise en évidence des liens inflation-indépendance ne signifie pas pour autant qu'il existe nécessairement une relation causale entre inflation et indépendance (cf. Posen [1993, 1995]). Les conséquences distributives des politiques inflationnistes, c'est-à-dire le fait que toutes les catégories de personnes, les rentiers par exemple, ne subissent pas les mêmes pertes en cas de dévalorisation de la monnaie, font que le choix de l'indépendance n'est pas toujours évident. En effet, s'il est possible qu'un pays ayant une aversion pour l'inflation plus forte ait aussi une plus grande propension à se doter d'une

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158 Annabelle Mourougane

Banque centrale indépendante, l'autonomie de l'institut monétaire devient une variable endogène : les études précédentes souffriraient donc d'un biais de sélection et l'exogénéité de l'indépendance, supposée dans l'ensemble des tests menés, peut être discutée.

Graphique 2 Taux d'inflation8 moyen pour la décennie 1980 et indice d'indépendance politique de Cukierman [1992] pour les principaux pays industrialisés

о 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7

indice d'indépendance politique

AUT=Autriche, BG=Belgique, CAN=Canada, DAN=Danemak, FIN=Finlande, FR=France, GE= Allemagne, IRL=lrlande, JP=Japon, IT=ltalie, NL=Pays-Bas, SP=Espagne, SUE=Suède, UK= Royaume-Uni, US=Etats-Unis.

La linéarité de la relation entre inflation et indépendance a aussi été remise en cause. De Jong et Van Lelyveld [1996] montrent à partir d'estimations sur des groupes de pays industrialisés qu'il semble exister un palier au dessus duquel l'indépendance serait un critère déterminant de l'inflation.

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Le caractère atypique du Japon (cf. graphique 2) a souvent été souligné dans les études. En effet, le taux d'inflation moyen au Japon et le degré d'indépendance étaient dans les années quatre-vingt parmi les plus faibles dans le groupe des pays industrialisés. De ce point de vue, la situation du Japon s'expliquerait en ayant recours à un modèle à la Barro-Gordon plutôt qu'à un modèle à la Rogoff : le taux de préférence pour le présent du gouvernement japonais serait assez faible pour que la condition de non déviation soit vérifiée, et donc que la délégation du pouvoir monétaire à un organisme plus indépendant soit inutile (cf. Walsh [1996]).

Le lien nul attendu entre l'indépendance et la croissance moyenne semble vérifié

Selon le modèle de Rogoff, l'indépendance de la Banque centrale permettrait de limiter l'inflation en cas d'ajustement sans supporter, en moyenne, de perte de croissance supplémentaire. Cette caractéristique semble bien vérifiée pour les pays industrialisés (cf. graphique 3).

Grilli et alii et Alesina-Summer [1993] ne trouvent pas de relation entre les indices d'indépendance et la croissance pour les pays industrialisés. Lorsqu'on corrige la croissance des pays de l'influence du P.I.B. initial conformément aux théories du rattrapage (cf. Delong, Summers [1992]), on obtient même une relation positive entre croissance et indépendance : loin d'entraver la croissance, l'indépendance de la Banque centrale serait un facteur de prospérité.

Ces résultats ne sont néanmoins pas robustes quand on étend l'analyse à un ensemble plus vaste de pays, que l'on introduit plus de variables, ou que l'on substitue le turnover à l'indice d'indépendance légale habituellement utilisé (cf. Delong, Summers [1992], Cukierman, Kalaitzidakis, Summers et Webb [1993]).

Ainsi, il semblerait que les résultats de la théorie du gouverneur conservateur en termes de pertes de croissance soient confirmés pour les pays industrialisés. La confirmation empirique

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Graphique 3 Indices d'indépendance politique et croissance moyenne dans les années quatre-vingt pour les pays industrialisés

12 , CAN

■ IRL

10 DAN

IT 8 - --- ■ - FIN UK NL AUT

I 6" "

".."..

I JP SUE " ■ ■ BG 4 -- m - SP FR US GE

2 _

0 1.5 2 2.5 3 3.5 4

indice d'indépendance politique

AUT=Autriche, BG=Belgique, CAN=Canada, DAN=Danemak, FIN=Finlande, FR=France, GE=Allemagne, IRL=lrlande, JP=Japon, IT=ltalie, NL=Pays-Bas, SP=Espagne, SUE=Suède, UK= Royaume-Uni, US=Etats-Unis.

est plus délicate dans les pays en voie de développement pour lesquels les indicateurs d'indépendance utilisés semblent là encore moins pertinents.

Aucune relation claire n'apparaît entre l'indépendance et la variabilité de la production

L'indépendance des banques centrales doit certes se traduire par une inflation plus faible en moyenne, mais aussi par une moindre capacité des autorités monétaires à stabiliser les chocs d'offre : les pays dont les Banques centrales sont les plus indépendantes devraient donc connaître en moyenne des fluctuations importantes de leur activité. Or, lorsqu'on rapproche simplement la variance

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du RI. B. d'un indice d'indépendance, aucune relation n'apparaît (cf. graphique 4, Cukierman, Kalaitzidakis, Summers et Webb [1993]). Là encore, les conclusions ne persistent pas quand on élargit l'échantillon des pays étudiés ou que l'on utilise un autre indicateur d'indépendance que l'indice d'indépendance légale.

Pour l'ensemble des pays étudiés, Cukierman, Kalaitzidakis, Summers et Webb trouvent que l'indice d'indépendance légale n'est pas lié à la variabilité du produit, mais qu'un turnover plus important des gouverneurs de Banque centrale se traduit par une accentuation des fluctuations de la croissance. Cependant, en scindant l'échantillon en deux groupes de pays, selon le niveau de développement, les auteurs montrent que le turnover perd son pouvoir explicatif. Cette variable capterait ainsi plutôt des différences institutionnelles entre groupes et on ne peut conclure, en l'état actuel, qu'une indépendance plus marquée se traduit par une hausse de la variabilité du produit.

Graphique 4 Indice d'indépendance politique et variabilité du P.I.B.

7 "■" CAN

гет. IT

SUE DAN 3 — BG

" GE 2+ - -.-_- AUT "

SRNL US

0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7

indice d'indépendance politique AUT=Autriche, BG=Belgique, CAN=Canada, DAN=Danemak, FIN=Finlande, FR=France, GE=Allemagne, IRL=lrlande, JP=Japon, IT=ltalie, NL=Pays-Bas, SP=Espagne, SUE=Suède, UK= Royaume-Uni, US=Etats-Unis.

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162 Annabelle Mourougane

Par ailleurs, la relation entre variabilité du RI. В. et indépendance pourrait tout à la fois résulter de la causalité qui peut exister entre l'indépendance et la variabilité du P.I.B. que de la causalité inversée. Ainsi, un pays sera d'autant plus enclin à nommer un gouverneur conservateur qu'il connaîtra une faible variabilité de la production. En effet, un tel pays sera touché par de petits chocs et dans ce cas, les gains à attendre d'une politique discrétionnaire seront plus faibles. Une étude empirique9 (cf. Crosby [1996]) confirme ce raisonnement. De l'avis de l'auteur ces résultats ne sont néanmoins que peu probants, en raison notamment du faible pouvoir explicatif du modèle considéré et du caractère sans doute endogène de la variable de choc introduite. Un tel résultat reste en outre insuffisant pour expliquer l'absence de corrélation entre indépendance et variabilité de la production.

Alesina-Gatt [1995] suggèrent que cette absence de résultat peut résulter de la baisse la variabilité du produit provenant de décisions politiques induites par la présence d'un gouverneur conservateur. Ainsi, ils montrent qu'une instabilité politique se traduit par une plus grande variabilité de la production, le degré d'indépendance étant fixe. On peut aussi supposer que d'autres facteurs n'ont pas été pris en compte.

En définitive, une plus grande indépendance ne semble pas avoir un impact significatif sur la variabilité de la production.

Il n'est pas encore possible de trouver une justification empirique de la théorie de Walsh

La Nouvelle-Zélande représente un exemple d'expérience naturelle de la théorie de Walsh. Depuis 1 989, la Banque centrale néo- zélandaise s'est en effet vue assigner des objectifs par la loi, et les mécanismes se sont mis en place pour qu'elle remplisse ses missions10 dans l'accord sur les objectifs de la politique monétaire qui peut être considéré comme un contrat de travail entre le gouvernement et le gouverneur.

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Les études menées jusqu'à présent ne permettent pas d'affirmer que les réformes institutionnelles ont effectivement baissé le biais inflationniste en renforçant la crédibilité de l'autorité monétaire (cf. Fisher et Orr [1994], Walsh [1995], Hut- schison [1995]), même s'il semble difficile de croire que la réforme néo-zélandaise ne se soit traduite par aucun effet.

Un test plus probant pourra, cependant, être effectué, lorsque des chocs d'offre importants, comme des chocs pétroliers, entraîneront de nouveau la divergence des inflations entre les pays industrialisés. Les gains éventuels obtenus en termes de réduction moyenne de l'inflation pour les pays qui auront accru l'indépendance de leurs Banques centrales (Nouvelle-Zélande, pays de l'U.E.M...) par rapport à ceux qui ne l'auront pas fait (Etats- Unis, Australie) pourront alors être mesurés.

En définitive, si la relation entre indépendance et inflation semble bien établie pour les pays industrialisés, les résultats obtenus pour les pays en voie de développement sont plus difficiles à interpréter et il n'est pas possible, en l'état actuel des connaissances, de déterminer si la relation étudiée n'existe effectivement pas dans ces pays ou si les indices utilisés ne sont pas pertinents. Par ailleurs, il n'existe pas de résultat robuste sur les liens « indépendance-perte de croissance » ou « indépendance- variabilité du produit ».

Outre l'absence de résultats, les études menées jusqu'à présent semblent souffrir de l'absence d'indicateur universel d'indépendance en raison de la nature complexe et difficilement appréhendable des phénomènes étudiés.

Enfin, il faut souligner que les tests menés jusqu'à présent sont très simples et se résument en règle générale à l'étude des corrélations entre l'inflation ou la croissance et les indices d'indépendance à partir d'un échantillon de pays souvent restreint. De ce point de vue, on peut souligner que la subtilité des théories décrites en première partie tranche avec l'extrême simplicité des tests menés pour les vérifier empiriquement. Les méthodes utilisées ne permettent pas, en particulier, d'isoler les spécificités nationales qui influenceraient l'inflation et pourraient expli-

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164 Annabelle Mourougane

quer pourquoi les relations étudiées ne sont pas pertinentes pour certains pays, par exemple le Japon ou la Belgique. Il convient donc d'être très prudent dans l'interprétation des différents résultats présentés.

En dépit d'une confirmation empirique encore inachevée, la littérature économique décrite dans les deux premières parties, et plus particulièrement la théorie du gouverneur conservateur de Rogoff, constitue une grille d'analyse intéressante des statuts de la future Banque centrale européenne. Les travaux d'Alésina [1989] et de Bade et Parkin [1985] sont ainsi mentionnés par la Communauté européenne lorsqu'elle cherche à justifier l'indépendance de la B.C.E. (Cf. Communauté Européenne [1990]).

Une analyse des statuts de la Banque

centrale européenne (B.C.E.)

à la lumière de la littérature

sur la crédibilité

Les conclusions de la littérature précédente, en particulier celles de la théorie du gouverneur conservateur à la Rogoff, permettent de donner une interprétation des statuts de la B.C.E. à l'aide des notions d'indépendance et de degré de conservatisme.

Le statut de la B.C.E. s'apparente à la nomination d'un gouverneur conservateur à la Rogoff

Le traité de Maastricht détermine les fonctions des principaux organismes de la Communauté, en particulier les statuts de la B.C.E. Il stipule que cette dernière est indépendante des Etats- membres et des institutions communautaires et doit veiller à assurer la stabilité des prix.

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Annabelle Mourougane 165

Les statuts mettent en avant l'indépendance politique delaB.CE...

L'affirmation de l'indépendance de la B.C.E. figure dans l'article 107 du traité de Maastricht : « ...la B.C.E. ne peut solliciter ni accepter des instructions des institutions ou organes communautaires, des gouvernements des Etats-membres ou de tout autre organisme ». Cette clause est similaire à celle qui existe en Allemagne et apparaît beaucoup plus stricte que ce qui prévalait par le passé dans la majorité des pays européens ; en 1991, la politique monétaire devait en France et au Royaume-Uni être explicitement approuvée par le gouvernement de ces pays. Cette disposition n'existe plus en France, et elle est en train d'être remise en cause au Royaume-Uni11.

En plus de l'indépendance politique, les statuts de la B.C.E. soulignent l'indépendance personnelle des membres des organes de décision de la B.C.E., le Conseil des gouverneurs, qui définit les orientations de la politique monétaire, et le Directoire qui les met en œuvre.

Le Directoire regroupe des membres « nommés d'un commun accord par les gouvernements des Etats-membres au niveau des chefs d'Etat ou de gouvernement, sur recommandation du Conseil et après consultation du Parlement européen et du conseil des gouverneurs de la B.C.E., (...). Leur mandat a une durée de 8 ans et n'est pas renouvelable », d'après l'article 109A. La durée du mandat des membres du Directoire est identique à celle qui existe en Allemagne et moins longue que celle du conseil de la politique monétaire en France (six ans renouvelables une fois pour le gouverneur et le sous-gouverneur et neuf ans pour les autres membres).

Le Conseil se compose des gouverneurs des Banques centrales et des six membres du Directoire. Les statuts des Banques centrales nationales ne peuvent prévoir un mandat dont la durée serait inférieure à cinq ans. Un gouverneur ne peut être relevé de ses fonctions que s'il commet une faute grave ou ne remplit plus les fonctions requises pour cet exercice.

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166 Annabelle Mourougane

Les présidents et vice-présidents sont communs aux deux organes et les procédures de vote similaires : au sein de chaque organe de décision, chaque membre dispose d'une voix et, sauf disposition contraire, les décisions sont prises à la majorité simple des suffrages exprimés, la voix du président étant prépondérante en cas de partage des voix.

La durée assez longue de ces mandats permet de déconnecter le cycle électoral du turnover des gouverneurs des Banques centrales nationales et des membres du Directoire. Un mandat plus court et renouvelable aurait accentué la sensibilité aux pressions du personnel face à l'incertitude entourant le renouvellement de leur nomination. Favorisant l'indépendance de son personnel, cette période assez longue apparaît donc comme une condition importante à l'indépendance du Directoire et du Conseil.

La B.C.E. est aussi dotée d'une indépendance financière puisqu'elle dispose de capitaux propres.

Remarquant l'étroite similitude entre les statuts de la B.C.E. et ceux de la Bundesbank, Alesina-Grilli [1991] prévoient que l'indépendance de la B.C.E. devrait être analogue à celle dont jouit actuellement la Bundesbank. Elle pourrait même lui être supérieure. En effet, la compétence de la Bundesbank est purement légale, si bien que le gouvernement allemand peut passer outre par la voie législative. Au contraire, la compétence de la B.C.E. est inscrite dans un traité international, ce qui devrait selon toute vraisemblance renforcer son indépendance légale.

A partir de l'indice de Grilli et alii [1991] et de l'étude des statuts de la B.C.E., Brookes [1997] évalue l'indépendance politique de la B.C.E. à 6 (sur 8) et son indépendance politique à 7 (sur 8) ; l'indice d'indépendance totale atteindrait donc 13 (sur 16). L'indice obtenu à partir d'une moyenne simple des indices d'indépendance de chaque pays européen donnerait une indépendance moins marquée (11,3). Avec l'utilisation d'une moyenne pondérée par le poids économique de chaque pays, mesuré en termes de P.I.B. en valeur, on trouve un résultat inter-

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Annabelle Mourougane 167

médiaire (12,4). La В. CE. devrait donc bénéficier d'un très grand degré d'indépendance.

... mais limitent l'indépendance économique de la B.C.E. à une indépendance d'instrument

La B.C.E. n'est pas totalement indépendante : d'une part elle ne dispose que d'une indépendance d'instrument, l'objectif de stabilité des prix étant inscrit dans le traité. D'autre part, cette indépendance d'instrument est elle-même limitée, le champ d'intervention de la B.C.E. étant restreint à la monnaie et le « contrôle démocratique » respecté.

.• Une indépendance d'instrument

Selon l'article 105, l'indépendance de la B.C.E. est mise au service d'une mission précise : « l'objectif principal du S.E.B.C. est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de l'objectif de stabilité des prix, le S.E.B.C. apporte son soutien aux politiques économiques générales dans la Communauté, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté, tels que définis dans l'article 2 modifié du traité de Rome (...) ». Parmi ces objectifs on trouve celui de la croissance, mais le traité prend soin de préciser que la croissance doit être non inflationniste. Ainsi, la B.C.E. n'est dotée que d'une indépendance d'instrument.

Une telle définition de l'indépendance est en totale conformité avec celle qui entre dans la définition des indices d'indépendance (cf. partie 2) et avec les statuts actuels de la Bundesbank.

• Une indépendance partielle

Pour atteindre ses objectifs, la B.C.E. ne disposera pas de tous les instruments. En plus du monopole de l'émission de l'Euro, elle pourra prendre des décisions sur les taux d'intérêt directeurs, mettre en œuvre une politique d'open market et effectuer des opérations de crédit. Elle sera également habilitée à imposer aux établissements de crédit la constitution de réserves obligatoires (cf. Institut monétaire européen [1997], Moutot [1997]). La B.C.E. devra simplement prendre garde que la mise en œuvre

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168 Annabelle Mourougane

de ses instruments monétaires n affecte pas le fonctionnement efficace des marchés communautaires, aussi bien économiques que monétaires et financiers.

Il peut par ailleurs survenir des conflits entre les objectifs de la politique monétaire et ceux des autres politiques économiques, la politique budgétaire et la politique de change en particulier.

En effet, les Etats-membres restent responsables de leur politique fiscale. Pour limiter les conflits avec la politique fiscale, plusieurs garde-fous ont été instaurés : le pacte de stabilité et de croissance incite d'abord les Etats-membres à limiter le plus possible leur déficit. Ensuite, la B.C.E. a l'interdiction formelle d'ouvrir des lignes de crédits aux Etats-membres pour financer des déficits excessifs.

Une partie de la politique de change restera par ailleurs, d'après l'article 109, du ressort du Conseil qui peut « formuler les orientations générales de la politique de change vis-à-vis des monnaies non communautaires ». Une ambiguïté comparable sur la responsabilité de la politique de change existe dans beaucoup de pays où la Banque centrale est indépendante, l'Allemagne par exemple, et l'expérience montre que la Banque centrale n'a pas en général le dernier mot. Contrairement à la politique budgétaire, il n'existe aucun garde-fou empêchant une dépréciation trop importante de l'Euro vis-à-vis du dollar qui pourrait entrer en conflit avec l'objectif de stabilité des prix. Cependant, même si la B.C.E. ne disposera pas de la maîtrise complète de la politique de change, il est probable qu'en l'absence d'un système de changes fixes entre les pays de l'U.E.M. et le reste du monde ou même d'accords de change contraignants, les taux de change entre l'Euro et les pays du reste du monde demeureront sans doute déterminés en grande partie par la politique monétaire.

La B.C.E. ne dispose donc pas de la maîtrise totale de tous les instruments pour assurer la stabilité des prix.

La Banque centrale reste, en outre, soumise aux contrôles de la Cour de Justice et de la Cour des Comptes et conserve des liens avec les autres instituts européens. Par exemple, elle devra travailler en étroite relation avec le Comité monétaire (composé

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Annabelle Mourougane 169

des directeurs du Trésor et des sous-gouverneurs des Banques centrales) qui suit la situation monétaire et financière des Etats- membres. Enfin, elle devra rendre compte de son action, non seulement auprès du public, mais aussi des instances communautaires (Commission, Conseil, Parlement européen) en publiant régulièrement des rapports d'activité et en participant à des réunions avec ces instances. Ces restrictions dans les marges de manœuvre de la B.C.E. permettent de résoudre en partie la question du « contrôle démocratique ». Il faut toutefois souligner le caractère antithétique des objectifs d'indépendance et de contrôle démocratique. De toute évidence, c'est le premier objectif qui a été privilégié.

En définitive, la B.C.E. bénéficiera d'un fort degré d'indépendance mais sur un champ limité : son domaine d'intervention exclusif sera la monnaie et elle ne décidera que des moyens d'action, l'objectif de stabilité des prix étant inscrit dans le traité. L'insistance apparaissant dans le traité sur cet objectif et sur l'autonomie de la B.C.E. vis-à-vis des différentes instances communautaires et nationales fait que le gouverneur central s'apparente à un gouverneur conservateur.

Le respect de l'objectif de stabilité des prix ne sera sans doute pas aussi strict que le prévoient les statuts de la B.C.E.

Dans les faits, la B.C.E. ne devrait pas disposer de la totalité du potentiel d'indépendance que lui confèrent ses statuts

Si le traité de Maastricht confère à la B.C.E. une grande indépendance d'un point de vue légal, cette indépendance devrait être plus limitée dans la pratique.

En effet, l'efficacité de la simple inscription dans les statuts de l'objectif de stabilité des prix est loin d'être totalement prouvée, d'autant plus que les statuts de la B.C.E. ne renferment pas de définition précise de la stabilité des prix ni de procédure

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170 Annabelle Mourougane

de « punition » des membres du Directoire en cas d'échec. Rien ne garantit donc que cet objectif soit effectivement atteint.

Par ailleurs, les membres de la B.C.E. pourraient, au début du moins, rester sensibles aux intérêts de leurs nations d'origine, sachant qu'ils sont nommés par le Conseil européen composé des chefs d'Etats et de gouvernements. Cette sensibilité pourrait limiter l'indépendance de l'organisme européen vis-à- vis des Etats-membres et il n'est pas sûr que l'instauration d'un long mandat soit une réponse suffisante à ce problème d'incitation.

En définitive, les difficultés de mise en pratique de la théorie du gouverneur conservateur font que l'indépendance effective de la B.C.E. ne correspondra sans doute pas exactement à l'indépendance que lui confèrent en théorie ses statuts.

En pratique, la B.C.E. devra sans doute être plus flexible que ne l'indiquent ses statuts afin de pouvoir s'adapter aux chocs d'offre

Dans sa justification de l'indépendance de la B.C.E., la Commission européenne élude les problèmes d'adaptation face à un choc d'offre. Or ces problèmes amènent justement Rogoff à compléter la théorie : si la Banque centrale doit accorder un poids plus important à la lutte contre l'inflation que la société, ce poids ne doit néanmoins pas être infini. En particulier la sensibilité de l'autorité monétaire aux fluctuations de l'emploi doit être suffisamment forte pour inciter cette dernière à répondre de manière appropriée en cas de choc d'offre.

La prise en compte de telles perturbations est doublement importante. D'une part, elle est plus réaliste. D'autre part, elle permet de justifier la préférence accordée à la solution de Rogoff sur celle de Kydland-Prescott.

En pratique, la B.C.E. devra vraisemblablement adapter ses réponses à d'éventuels chocs d'offre, comme le fait actuellement la Bundesbank. Selon des travaux réalisés sur la fonction de réaction de la Bundesbank, cette dernière n'accorderait en effet pas un poids infini à la lutte contre l'inflation.

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Annabelle Mourougane 171

Brociner-Chagny [1996] montrent, en estimant une fonction de réaction de la Bundesbank sur la période 1981ql-1994ql, que l'élasticité de court terme du taux d'intérêt au chômage est de -1,14, alors que celle de l'inflation est de 0,23. A long terme la Bundesbank serait indifférente entre un point de chômage et deux points d'inflation.

Dubois [1994] trouve que la fixation des taux d'intérêt courts par la Bundesbank est influencée à court terme par l'évolution du chômage et qu'à long terme seuls les taux d'intérêt américains et les taux d'utilisation reflétant les tensions inflationnistes interviennent.

Ainsi, si la Banque centrale allemande accorde à long terme un poids plus important à la stabilité des prix qu'à la résorption des déséquilibres sur le marché du travail, elle est prête à intervenir sur l'économie réelle à court terme. Il semble donc raisonnable de penser qu'en présence de chocs d'offre d'ampleur assez importante, la B.C.E. adoptera une politique plus flexible que ne le suggèrent ses statuts, même s'il est encore délicat d'anticiper davantage la manière dont elle s'adaptera aux chocs.

La rigidité trop forte des statuts de la Banque centrale européenne peut être une entrave aux évolutions futures

L'analyse des statuts de la B.C.E. a souligné l'importance accordée à la lutte contre l'inflation. Nommer un gouverneur conservateur permet de baisser les anticipations d'inflation et donc d'atteindre des taux d'inflation plus bas. L'inscription de l'objectif de stabilité des prix dans le traité peut néanmoins être critiquée sur plusieurs points.

Elle est d'abord justifiée par un courant de la littérature économique lui même controversé.

D'une part la vérification empirique des résultats théoriques de ce courant est délicate, les concepts de crédibilité et d'indépendance étant difficilement appréhendables dans les faits. Comme on l'a vu, les proxys utilisés à ce jour ne semblent être vraiment pertinents que pour les pays industrialisés et ne pren-

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172 Annabelle Mourougane

nent en compte que certains aspects de l'indépendance. Les tests réalisés sur le sujet rejettent par ailleurs certaines conclusions des modèles théoriques, telles que le lien attendu entre indépendance et variabilité de la production.

D'autre part, la désinflation qui s'est produite en Europe au cours des années quatre-vingt tirerait plutôt son origine de la conduite d'une politique monétaire restrictive, le mouvement de fond concernant l'indépendance des Banques centrales ayant surtout eu lieu au cours de la décennie suivante. Cette remarque ne remet néanmoins pas fondamentalement en cause la littérature décrite dans cet article car on peut considérer que si les Banques centrales avaient à l'époque été indépendantes, les coûts en termes d'emploi auraient peut-être été moindres.

Finalement, les mécanismes institutionnels (indépendance des Banques centrales, établissement d'un contrat avec un gouverneur ...), s'ils peuvent paraître adaptés aujourd'hui, compte tenu de l'état d'avancement de la théorie économique et de la structure actuelle des économies occidentales, pourraient cesser de l'être demain.

Par ailleurs, si l'objectif de stabilité des prix semble aujourd'hui faire l'objet d'un consensus, rien ne garantit que cette situation perdurera. En particulier, l'arbitrage existant à court terme entre l'inflation et la croissance pourrait à l'avenir faire redouter aux agents économiques qu'un objectif de faible inflation ne pèse de manière trop importante sur les perspectives de croissance. Or, faire de l'objectif de stabilité des prix un mandat statutaire le rend très difficilement modifiable et introduit une rigidité, empêchant la Banque centrale de se fixer dans le futur d'autres objectifs peut-être plus adaptés aux circonstances.

Romer et Romer [1996] défendent aussi la thèse selon laquelle l'incohérence temporelle a été surestimée au détriment de l'influence qu'a sur les décisions de politique monétaire la connaissance imparfaite des agents, politiciens, économistes ou électeurs du mode de fonctionnement de l'économie. Cette connaissance imparfaite conduirait à la mise en œuvre de politiques monétaires non optimales.

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Annabelle Mourougane 173

Or, les statuts de la B.C.E. ne contiennent aucune mesure permettant le renvoi d'un gouverneur incompétent ou empêchant la nomination d'un individu devenant opportuniste à l'approche d'élection. Aucune solution n'est en outre apportée pour améliorer les connaissances qu'ont les différents agents impliqués dans la sphère économique. Selon une telle conception, la nomination d'un gouverneur à la Rogoff, telle qu'elle est actuellement inscrite dans les statuts de la B.C.E., ne permet donc pas d'éviter la conduite d'une politique monétaire inadaptée aux besoins de la société.

L'élaboration des statuts se heurte ainsi à un dilemme. Pour être crédible, il faut que le public ne craigne pas une modification rapide des statuts. À l'inverse, les besoins d'une société n'étant pas immuables, il peut parfois être utile de faire évoluer ces statuts. Pour résoudre ce dilemme, le coût de modification des statuts doit être plus fort que celui d'un changement de politique en l'absence d'indépendance pour conserver une certaine crédibilité sans être pour autant infini, afin de permettre les ajustements nécessaires.

Les conclusions des développements récents de la littérature sur la crédibilité et l'indépendance ont largement inspiré les pays européens où les évolutions se sont faites dans le sens d'une plus grande indépendance politique de la Banque centrale et de la volonté de maîtriser l'inflation. De même l'analyse des statuts de la B.C.E. montre que le Directoire devrait être caractérisé par une aversion pour l'inflation plus forte que la société et s'apparenter au gouverneur conservateur tel qu'il est décrit dans la théorie de Rogoff. Outre le fait que cette solution ne présente pas que des avantages et que sa confirmation empirique est loin d'être achevée, se pose la question fondamentale du degré de flexibilité que l'on doit introduire afin de permettre l'adaptation des

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174 Annabelle Mourougane

statuts aux évolutions futures sans nuire à la crédibilité de la délégation.

Il faut pour conclure rappeler que l'indépendance, si elle semble influencer de manière importante l'évolution des prix, n'en reste pas moins qu'un déterminant parmi d'autres de l'inflation. D'autres facteurs comme le prix du pétrole, ou des matières premières, ou le taux de change, peuvent jouer un rôle fondamental dans le cas des pays très ouverts. La recherche de la stabilité des prix peut aussi se traduire par la mise en œuvre de mesures plus structurelles visant par exemple à accroître la flexibilité en matière de formation des salaires. Enfin, il est naturel de penser qu'un pays qui a acquis une certaine crédibilité en matière de change bénéficiera de sa bonne réputation dans sa lutte contre l'inflation. Ainsi, on attribue souvent la baisse des taux d'inflation dans les pays du mécanisme de change européen à leur ancrage au mark et il est sans doute nécessaire de tenir compte de ces effets de report.

Nous tenons à remercier E. Dubois qui a très largement contribué à la réalisation de cette étude par ses nombreux conseils et remarques. Cette étude a aussi bénéficié des commentaires avertis de J. Cordier, G. baroque, B. Salanié et de deux rapporteurs de la Revue française d'économie. Nous remercions également C. Dis- saux et l'ensemble de la Division Croissance et Politiques Macro-économiques pour l'aide qu'ils nous ont apportée.

A. Mourougane est administrateur de l'INSEE et membre de la Division Croissance et politiques macro-économiques, au sein de la Direction des Etudes économiques d'ensemble (INSEE). Adresse : Timbre G221. Division Croissance et Politiques Macroéconomiques. INSEE, 15, boulevard Gabriel Péri, BPWO, 92244 Malakoff Cedex FRANCE T: 01 41 1759 95. Fax : 01 41 17 60 45 e-mail : [email protected]

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Annabelle Mourougane 175

Annexe n° 1

Le modele de base1

Pour formaliser l'arbitrage entre la volonté de réduire les déséquilibres sur le marché du travail et de lutter contre l'inflation, on peut prendre la fonction2 de coût quadratique suivante :

(1) V= (n - n)2 + j&Or - к)2

avec n le taux d'inflation, n le taux d'inflation socialement optimal et {n - n) l'écart entre l'emploi effectif et l'emploi socialement optimal, exprimés en logarithme. Le paramètre p représente le poids relatif accordé à la maîtrise des prix.

L'objectif des salariés est de minimiser l'écart entre l'emploi effectif et l'emploi d'équilibre sur le marché du travail (я). Cette minimisation permet de déterminer le salaire négocié en fonction des anticipations de prix pour la période suivante. L'objectif d'emploi de la société étant supérieur à celui des salariés, des distorsions apparaissent sur le marché du travail {n > n).

La demande de travail des entreprises est définie par nd = И - fí (u> - p) avec w le salaire nominal, p le prix intérieur (cf. Mourougane [1997], pour une dérivation de cette équation d'emploi).

Comme les salariés fournissent ensuite la quantité de travail demandée par la firme à condition que celle-ci leur verse le salaire négocié, l'emploi est

(2) +

avec w le salaire négocié. Kpeut alors s'exprimer en fonction des seules évolutions

de l'inflation effective к et anticipée iť :

V = (ň - W + i (7ť - к))2 + Р(л - к)2

La minimisation de К peut être faite dans trois cas tincts :

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176 Annabelle Mourougane

• 1er cas : les autorités monétaires respectent une « règle » et sont crédibles.

Il s'agit du cas où les autorités monétaires minimisent ex ante leur fonction objectif, où les agents croient au respect de cette règle et où celle-ci est respectée ex post.

Appelons n la règle qui ressort de la minimisation de V par les autorités monétaires. Les agents croyant au respect de cette règle, on a :

nt = if - n*

D'où V= {n - n)2 + p{n - n)2

La minimisation de cette fonction objectif conduit donc naturellement à la condition suivante :

nt = n

En reportant dans l'expression de «, on a aussi :

n = n

Ainsi, lorsque les autorités monétaires sont crédibles et respectent la règle annoncée, elles atteignent l'inflation socialement optimale, mais au prix de chômage (ň >n). La fonction de coût des autorités vaut alors :

yhorme _ (fi - jf\2

• 2e cas : les autorités monétaires annoncent la règle précédente, sont crédibles mais ne respectent pas ex post cette règle.

Dans ce cas, on a toujours rf = к, ce qui donne l'expression suivante de V:

V = (ň - n + i {ň- к))2 + р(к - n)2

La minimisation ex post c'est-à-dire une fois les anticipations de salariés formées, de V donne :

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Annabelle Mourougane 177

d'où on déduit n = я -^2_+ n l+cčp l+cčp 1+2P

<* /Г + Cl fi icherie - (fi rf\2 <* /Г + Cl fi ^ y» 4fř2?fil

On le voit, si les autorités monétaires annoncent qu'elles vont respecter n et que les agents privés les croient, alors les autorités monétaires ont intérêt à tricher ex post et à délivrer une inflation supérieure à n : le gain en emplois permis par la déviation est supérieur à la perte en inflation correspondante. Le résultat signifie aussi que si les autorités monétaires ne sont pas contraintes par leur annonce de première période, les agents privés savent que les autorités monétaires vont tricher à la période suivante. S'ils sont rationnels, ils doivent anticiper une inflation supérieure à celle annoncée par les autorités monétaires.

* 3e cas : les autorités monétaires ne sont pas crédibles et sont obligées de conduire une politique discrétionnaire.

Dans ce cas, les agents anticipent vf et les autorités monétaires maximisent ex post

У = {fi - я + i (я* - n))2 + p(n - n)2

Les salariés anticipent de manière rationnelle l'action des autorités d'où nt-vftxnt= n + (n -n)

Comme les salariés anticipent correctement l'inflation effectivement réalisée, on a toujours n =ïï.

d'où Vdiscr = (1 +J_)(n - n)2 > V10™

II apparaît donc préférable pour le gouvernement de mener une politique fondée sur une règle plutôt que de conduire une politique discrétionnaire.

1. Le modèle présenté est une version simplifiée de celui de Rogoff [1985a] en omettant dans un premier temps les chocs d'offre. 2. D'autres fonctions de coûts sont parfois utilisées dans la littérature : У '= (y уУ + Р(л - n)2 avec y la production, ou V = |^ - р(я - iť)2 , dans la lignée des travaux de Barro-Gordon. On peut retrouver l'ensemble des résultats présentés dans cette revue avec l'une ou l'autre de ces fonctions.

Page 45: Indépendance de la Banque centrale et politique monétaire

178 Annabelle Mourougane

Annexe n° 2

Le modèle avec choc d'offre

On suppose désormais que l'économie modélisée peut être soumise à un choc d'offre. Ainsi, l'équation d'emploi devient (2') n = ïï - fi (w - p) + zt, avec zt un choc d'offre vérifiant Ezt = 0 et Vzt = oj

La fonction de coût К devient :

V=(n-ïï+^(w-p)-zt)2 + р(я - n)2

Comme seuls les deux premiers moments du choc sont connus, l'objectif du gouvernement est désormais de minimiser l'espérance de cette fonction de coût conditionnellement à l'information dont elle dispose.

En développant l'expression de l'espérance de V et en utilisant le fait que Ezt = 0 et par définition Et.jJTt = if, on peut écrire :

Et_jV= (ň-n)2

avec rR = Et.j((zt + dpt I a)2 + P(dpt)2)

où dpt = ft - Et_j(p*) =pRt-w = KR-7ť

l'exposant R faisant référence au régime, discrétionnaire ou règle.

{fi, -n) représente la perte de bien-être résultant de la présence de distorsion sur le marché du travail, {iť - к) la différence entre le taux d'inflation anticipé, dépendant de la nature de la politique menée, et l'inflation socialement optimale. FR mesure l'incapacité de la Banque centrale à stabiliser simultanément l'emploi et l'inflation autour de leur niveau désiré en cas de choc d'offre.

Page 46: Indépendance de la Banque centrale et politique monétaire

Annabelle Mourougane 179

• 1er cas : le gouvernement fixe une règle d'inflation. Comme dans le modèle de base, on a nt = vf - ж et donc

dpt = 0. Le terme de stabilisation vaut FN = a2z et donc

Plus le choc a une forte variance, plus le gouvernement subit une perte en termes de bien-être.

• 2e cas : le gouvernement mène une politique discrétionnaire. La condition de premier ordre, issue de la minimisation

de l'espérance de coût, permet de déterminer dpt. Ainsi, la dérivation, ex post, de К par rapport aux prix

donne

^ (z, + ^ dp, - {n - n)) + p(pt -pt_j - n) = 0

or, Pt-pt-i = dpt+u>t-pt-i =dpt+ n +ÍJ12L

Le choc étant imprévisible à la période t-1, les salariés fixent le salaire comme dans le modèle sans choc d'offre, Щ-pti + 1** = pt i + л + n~ n

pa

Finalement, dpj =_IZ_ zt avec / = ^

et donc TD = E,.,{z, + (dp) /a)2 + p(dpY = (^) o|

et en remplaçant le terme de stabilisation et l'inflation anticipée dans la fonction de coût, E^^Vf) = (1 +J-)(n - n)2 + P a],

pa2 p+f

Comparaison entre les deux politiques

La comparaison de Et_j(Vf) et Ef.^V^) montre que si <r2z > '*$ {n - n)2, alors la politique discrétionnaire devient

préférable à la politique fondée sur une règle : la fixation d'une règle interdit en effet d'utiliser la politique monétaire à des fins de stabilisation, ce qui, si la variance des chocs d'offre est suffisamment importante, a des coûts qui peuvent dépasser les gains de crédibilité liés à la fixation de la règle.

Page 47: Indépendance de la Banque centrale et politique monétaire

1 80 Annabelle Mourougane

Annexe n° 3

Le modèle avec mécanisme de punition

Pour modéliser l'idée de construction d'une réputation, il est

nécessaire de se placer dans un modèle à horizon infini.

Le mécanisme « trigger-strategy » se traduit en termes de

formation des anticipations par :

| ift = n si ntA = net_j

Si à la période t-1, le gouvernement respecte ses engage

ments, l'agent privé anticipera qu'à la période suivante, il les respectera aussi. Sinon, l'agent « punit » le gouvernement en

anticipant un fort niveau d'inflation pour la période i, corre

spondant en l'occurrence au taux d'inflation de la politique di

scrétionnaire.

En prenant pour chaque période la fonction de coût

social quadratique définie dans le modèle de base, l'objectif du

2bkVk gouvernement est V*

s. с net net_i ...fixés

où ôt est le taux d'escompte à la période t, etV=(n- n)2 + р(я - n)2

La condition de non déviation s'écrit :

Vnorme_y»«hene< £

En utilisant les résultats du modèle de base et en particulier le fait que n = n - ^ (же - n) avec n l'inflation et ne l'infla

tion anticipée (cf. annexe n° 1), on obtient

y™™ - (n _ fiy + р(ж* _ jt)2zvec n la règle choisie par le gouver

nement.

Page 48: Indépendance de la Banque centrale et politique monétaire

Annabelle Mourougane 181

ymchene = ty _ ň + 7 (^ „ j^Y

(cf. annexe n° 1).

Vй"" = («- П)2 +P(7ťí-7Í)2

En environnement certain la règle soutenable vérifie к = к et la condition C.N.D. s'écrit

^ ^ ф{{- n)2 - (ж - к)2).

On peut représenter graphiquement cette inégalité (cf. graphique 1). La courbe (1) représente le premier membre de l'inégalité, c'est donc la tentation à la première période qu'a le gouvernement de ne pas respecter ses engagements c'est-à-dire les bénéfices de l'inflation surprise. La courbe (2), c'est-à-dire le second membre de l'inégalité, représente les gains qu'il obtiendra sur toute la période s'il ne triche pas.

Les équilibres soutenables appartiennent à l'intervalle pour lequel (1) est en dessous de (2) c'est-à-dire au segment [a, b] sur le graphique 1 . La courbe (2) est décroissante dès que le taux d'inflation est inférieur au taux discrétionnaire. Les deux courbes s'annulent pour n = те qui est aussi le minimum de la courbe (1) donc b = те.

Un calcul simple permet de trouver la deuxième racine

(2- a = — V

Le meilleur équilibre soutenable est donc une moyenne pondérée du taux d'inflation discrétionnaire тг et du taux socialement optimal ж\ les pondérations dépendant entre autres du taux d'escompte.

En remplaçant les fonctions de bien-être par leur valeur dans (C.N.D.), on peut définir le taux d'escompte minimal. Ainsi, si ôt est assez grand, c'est-à-dire si l'Etat accorde un poids important au futur, la menace de la punition est assez forte pour empêcher la déviation et dans ce cas la condition (C.N.D.) per-

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182 Annabelle Mourougane

met d'obtenir un équilibre de Nash parfait. Au contraire, si le taux d'escompte est petit la menace d'une punition ne sera pas efficace même si elle est appliquée sur une période infinie.

On reprend ici la démarche de Barro-Gordon, en utilisant une autre fonction de perte que les auteurs, afin d'utiliser le même cadre d'analyse que précédemment.

Page 50: Indépendance de la Banque centrale et politique monétaire

Annabelle Mourougane 183

Annexe n° 4

Le modele du gouverneur conservateur

Formellement, Rogoff considère que la fonction de coût que minimise le gouverneur de Banque centrale impose un poids plus fort à la lutte contre les prix. Il cherche donc à minimiser une fonction de la forme VBC = (n - n)2 + (p+x)(n -ж)2 avec

P+X > 0. x est Ie degré de conservatisme. Dans ce cas en appliquant les formules de l'annexe n° 2

en changeant la pondération de l'objectif d'inflation, on trouve 7f - n= \n ~n) t Le biais inflationniste est donc réduit par rap-

a(x+P)F V

port au cas où le gouverneur a les mêmes préférences que le gouvernement.

- y Par ailleurs, dpt = "

Р+Х+Г

On peut, comme dans l'annexe n° 2, décomposer l'espérance de la fonction de perte sociale en

Et_1V=(n-n)2 + p(ne- n)2 + Г°

II est alors possible de déterminer le terme de stabilisation

(p+x)2+P*l FD = Et.j(zt+(dpt) I a)2 + p{dpY = o-ž £

On remarque que le terme de stabilisation est une fonction croissante du degré de conservatisme.

1

La variabilité de la production est accrue par rapport à la situation où le gouverneur n'est pas indépendant.

La minimisation de cette fonction de coût social permet de trouver le degré de conservatisme optimal1 . On peut mon-

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184 Annabelle Mourougane

trer (cf. Rogoff [1985a]) en étudiant les variations de la fonction de coût et en utilisant le fait qu'elle est continue, que 0 < % < <».

1. Une telle résolution n'est en général pas effectuée car elle nécessite de trouver les racines d'une équation du quatrième degré.

Page 52: Indépendance de la Banque centrale et politique monétaire

Annabelle Mourougane 185

Annexe n° 5

Le modèle avec cible d'inflation

L'idée de Svensson est, au lieu de modifier le degré de conservatisme comme Rogoff, d'introduire une cible d'inflation л^, qui n'est plus explicitement le taux d'inflation socialement optimal. La fonction objectif de la banque centrale devient :

vBC = (n - n)2 + р(ж - теу Pour résoudre le modèle, on procède par « backward

induction » c'est-à-dire que l'on résout dans l'ordre inverse du déroulement normal du jeu.

• lre étape de la résolution : la Banque centrale minimise sa fonction de coût, connaissant les anticipations d'inflation et la cible d'inflation que le gouvernement a choisie.

Min VBC

nt se n = n + ^(n - if) + z

if et iř donné s

Par une démarche analogue à celle de l'annexe n° 2, on trouve, iť - л? + n ~n (a).

ap

En remplaçant, on obtient :

1 — В 2 nt = ne — z (b)et n = n +_l_ÇL_ z (с)

• 2e étape de la résolution : le gouvernement choisit la cible d'inflation qu'il doit imposer à la Banque centrale pour baisser le biais inflationniste. Il minimise ex ante sa fonction objectif EV connaissant les relations (a), (b) et (c).

La résolution de_ce programme donne Ent = n *АЛ

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1 86 Annabelle Mourougane

et finalement rf = n - n ~n

Ainsi, la mise en place d'une cible d'inflation, différente de l'objectif de la société, permet d'atteindre le taux socialement optimal. On remarque par ailleurs que cette cible d'inflation est inférieure à l'objectif de la société (^ < к).

Comme dans le modèle de Barro-Gordon, nous avons préféré utiliser une autre fonction de perte que l'auteur, afin de pouvoir comparer plus facilement les différents résultats.

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Annexe n° 6

Le modèle de Walsh

Walsh suppose que la Banque centrale cherche à maximiser U = ř-Koíi t représente les transferts qui lui sont accordés par le gouvernement. Se plaçant dans le cadre d'un modèle avec choc d'offre, on raisonne en espérance d'utilité.

Pour inciter la Banque centrale à choisir un niveau d'inflation égal au niveau socialement optimal, le gouvernement choisit t de telle sorte que nt - я soit solution du programme de la Banque centrale. Il résout

Max EU = E(t-(n - n)2 - р(я - n)2)

donc se n = n

n =ïï--(w-p) + z

Prenons pour résoudre ce programme un mécanisme de transfert linéaire de type t = t0- a{n - n).

Le paramètre a peut être interprété comme l'incitation pour la Banque centrale à respecter ses engagements.

La dérivation de l'espérance de coût donne :

a = î {ïï ' ň " a (W ' E*-lp)) ' 2&E*-in - ^}'

Par ailleurs, comme les anticipations des agents sont

rationnelles {Ent = if) et que le gouvernement cherche à implé-

menter {nt= к), on trouve a - —(ïï-n). (JC

Pour déterminer t0, on note Uo l'utilité de réservation, que l'on peut par convention prendre égale à 0 : t0 vérifie Eifo-V) > Uo et donc t0 = E(t) = E(V) = (n - n)2

Finalement, le transfert optimal s'écrit :

t = (ň-ň)({ň-ň)- Z{n-K))

Les hypothèses du modèle de Walsh ont été simplifiées. En particulier, Walsh suppose que la Banque centrale agit sur le taux d'inflation par l'intermédiaire de la masse monétaire et que la Banque centrale n'observe le choc qu'à un bruit blanc près. Les résultats ne sont pas modifiés si on ajoute ces deux hypothèses.

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Annexe n° 7

Le modèle avec coût de rupture du contrat

Pour modéliser le caractère stratégique du choix de la délégation, Jensen apporte deux modifications au modèle de Barro-Gordon. Il suppose d'abord que la séquence du jeu est modifiée et devient : dans un premier temps, le gouvernement nomme le gouverneur de la Banque centrale et présente le contrat ̂ qu'il devra remplir. Les agents forment alors leurs anticipations d'inflation. Le gouvernement observe ces anticipations et peut éventuellement modifier le contrat et changer de gouverneur (ft, éventuellement différent dcfj. Ensuite, le gouverneur de la Banque centrale met en œuvre la politique monétaire en respectant le nouveau contrat.

Jensen modifie aussi les fonctions de perte sociale et de perte du gouverneur de la Banque centrale. Il intègre dans la fonction de perte sociale un « coût de rupture de contrat ». Ainsi, si le gouverneur n'honore pas son contrat, il est licencié et son licenciement entraîne des coûts pour la société, coûts qui sont d'autant plus importants que le nouveau contrat ̂ est éloigné du contrat initial /J.

La fonction de bien-être s'écrit donc V = {n - n)2 + р(л - n)2 + (p{ft -fa)2 avec ft le contrat une fois que

le gouvernement connaît les anticipations d'inflation et fa le contrat initialement proposé (avant formation des anticipations).

Par ailleurs, Jensen suppose que le gouvernement délègue son pouvoir au gouverneur conformément au modèle de Walsh. La fonction de perte du gouverneur est alors :

V80 = {n - n)2 + P(n - n)2 + ft {к - ж)

Quand le gouverneur n'atteint pas le taux d'inflation socialement optimal, il subit un coût (par exemple, réduction de sa prime).

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Comme dans le modèle de Barro-Gordon, la Banque centrale et le gouvernement minimisent la somme actualisée de leurs fonctions de coûts.

• lre étape de la résolution: la Banque centrale détermine le taux d'inflation, en supposant que les anticipations des agents et que la valeur du contrat^ sont données. Son programme s'écrit

Min Ш5У*С К s=t

se n =ïï + — (ж - iť)

Ti? ttft donné s

La condition de premier ordre de cette minimisation donne

Comme les anticipations des agents sont rationnelles,

щ = 7ť, et donc щ = ft + n ~n - J-oft ap ZP

• 2e étape de la résolution : le gouvernement peut alors déterminer le contrat idéal qui est solution de

Min Z8'"K

ïï- ň 1

sen=n + ^(n-7if)

nt = n - -tf a/3

La condition de premier ordre donne ft = fa .

On observe que quand (p —> °°, ft = fa.

Le taux d'inflation peut alors se réécrire en fonction de l'an nonce

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~ ň - П Ttt — Ж ^—fa

. 1

• 3e étape de la résolution : il suffît alors de trouver l'annonce

idéale du contrat pour résoudre totalement le modèle.

Celle-ci est solution de

Min fa s=t

sc tt =

~ n - n f

On trouve /J = +5?' (*-*).

D'où on déduit щ = п ~ n -n

a? (ň - n).

Ainsi, l'annonce du contrat permet de réduire le biais inflationniste par rapport au cas sans contrat (qui correspond à la valeur

(p =0), mais ce biais ne disparaît totalement que lorsque <p — > °°. Quand au contraire, le gouvernement n'accorde que peu

d'importance aux coûts de rupture (ç — » 0), on retrouve l'équilibre de la politique discrétionnaire sans annonce.

Comme dans le modèle de Barro-Gordon, on a préféré utiliser une autre fonction de perte que l'auteur, afin de pouvoir comparer plus facilement les différents résultats.

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Annexe n° 8

Comparaison politique monétaire indépendante et coordination des politiques monétaire et budgétaire

On se place dans le cadre du modèle avec choc d'offre (cf. annexe n° 2), en supposant qu'une autorité budgétaire, distincte de l'au

torité monétaire est responsable de la conduite de la politique budgétaire et dispose pour cela d'un instrument ô, le déficit budgétaire.

Chaque autorité cherche à minimiser sa propre fonction de coût, caractérisée par ses propres objectifs en termes d'emploi et d'inflation : Autorité budgétaire : Ve = (n - n?)2 + р(я - тс)2 Autorité monétaire : VBC = (n - nm)2 + p(n - if1)2

On suppose que l'emploi dépend en plus de l'inflation surprise et du niveau du déficit public :

n =ïï - fi (y) - p) + Xô + zt avec Я > 0 .

• 1er cas : politique monétaire indépendante et non coordina

tion des politiques économiques La Banque centrale étant supposée indépendante, sa fonc

tion objectif devient V80 = (n - nm)2 + (Р+х)(л - т^1)2 avec %

choisi par le gouvernement. En l'absence de coopération, chaque autorité minimise

sa propre fonction de coût en considérant l'instrument de l'autre autorité comme donné.

se к fixé | se Ь fixé

Les deux programmes de minimisation permettent de trouver le système suivant :

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dVíc= 0= l(ïï-n дк

A<5 + z)

до Un-7ť) а

En résolvant, on trouve +ЛГ1

8 = - í(n - тФ + z)

• 2e cas : coordination des politiques économiques

Cette fois une seule autorité résout le programme suivant

Min 9V3 + (1 - в) VbC avec 0< 9 <1, le pouvoir de négociation de

l'autorité budgétaire. On en déduit l'inflation et le déficit optimaux :

n =

ô = - z) (i-e)nm)

Le résultat de la comparaison entre les deux cas dépend des valeurs de в, rfi, nm,7f, 7^,%- Rien ne garantit donc qu'il soit préférable de nommer un gouverneur indépendant plutôt que d'assurer la coordination des politiques économiques.

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Notes

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1. Il est cependant possible de raffiner le mécanisme de punition, en adaptant la punition au degré de déviation, comme le fait A. al Nowachi [1992].

2. Rogoff [1987] montre ainsi que si le mécanisme de punition est plus sévère, en majorant la punition d'un coefficient strictement positif en cas de déviation, le meilleur équilibre soutenable obtenu correspondra à un niveau d'inflation plus bas qu'avec le mécanisme de punition initial. Ce mécanisme a d'abord été proposé par Abreu dans un autre contexte.

3. Un tel résultat est obtenu de manière assez technique à partir de la substitution dans la fonction de bien-être du gouvernement d'un mécanisme de formation des anticipations linéaire prenant en compte toutes les valeurs passées des prix, puis de la dérivation des fonctions d'Euler qui impliquent que l'anticipation n'est fonction que du prix courant.

4. En outre, la volonté pour un gouvernement fort de se démarquer du gouvernement faible dépendra des écarts en termes d'aversion pour l'inflation entre les deux types de gouvernement ou des différences dans la capacité de chacun à s'engager.

5. Elles consistent à étudier la pente de la courbe des taux (cf. Masson, Mogha- dam [1994]). En effet, le différentiel taux longs-taux courts peut en première approche être considéré comme une mesure des anticipations d'inflation. Cette évaluation doit néanmoins tenir compte de la position dans le cycle des économies ou du niveau d'endettement qui sont aussi des facteurs explicatifs du différentiel de taux et de ce fait, se révèle difficile à mettre en œuvre.

6. A partir d'un échantillon de 46 pays, il trouve d'abord une relation liant la dépréciation de la monnaie (égale au taux d'inflation sur le taux d'inflation plus un) à l'indice d'indépendance légal ou dans une seconde régression à cet indice et au turnover. L'utilisation de l'une ou l'autre de ces relations permet ensuite de prédire pour chaque pays, le taux de dépréciation dans les années quatre-vingt. C'est cette prédiction que l'auteur appelle indice global.

7. Ces derniers utilisent un indice d'indépendance qui est une moyenne de l'indice de Grilli et alii [1991] et de celui de Bade et Parkin [1982]. La différence essentielle entre les deux indices est que le premier accorde un poids plus important aux règles concernant le financement des déficits budgétaires par la Banque centrale.

8. Les données proviennent des Perspectives économiques de l'OCDE.

9. Cette explication est confirmée empiriquement pour les années 1962-1991 à partir d'un échantillon de 44 pays. L'indice d'indépendance utilisé est l'indice d'indépendance légal de Cukierman et la taille des chocs qui touchent les économies est approchée par la variance des termes de l'échange. Sont également introduits le taux de couverture et un indicateur d'instabilité politique.

10. Les statuts de la B.C.N.Z. établissent que la première mission de l'autorité monétaire est d'assurer la stabilité des prix. A cette fin, le gouvernement et la B.C.N.Z. décident conjointement des objectifs de court terme, en termes d'inflation dans l'accord sur les objectifs de la politique monétaire. Il faut néanmoins, que dans ces contrats la cible de taux d'inflation soit comprise entre 0 et 3%, taux considéré comme

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compatible avec la stabilité des prix. Des mécanismes incitatifs sont mis en place pour que le gouverneur central respecte ses engagements. En particulier, si la cible d'inflation est dépassée, le gouverneur peut être limogé. Ce mécanisme introduit bien un mécanisme de punition analogue à celui proposé par Walsh. Il est précisé qu'en cas de situations exceptionnelles (hausse des impôts indirects, catastrophe naturelle) aucune sanction ne sera prise contre le

gouverneur. Le dernier Policy Target Agreement a été signé le 15 décembre 1997.

11. Le projet du ministre des Finances G. Brown est de rendre la Banque d'Angleterre indépendante. La Banque centrale serait libre de poursuivre un objectif d'inflation décidé par le ministre des Finances, selon un modèle proche du modèle néo-zélandais. Elle aurait par ailleurs des objectifs de croissance et d'emploi.

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