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Comme un phoenix, la ville de Huê ressuscite de ses cendres. Abandonnées durant des décennies, la cité Impériale Vietnamienne et les tombes Royales érigées par la dynastie N'Guyen ont retrouvé leur splendeur d'autrefois, grâce à un vaste plan de restauration coordonné par l'Unesco. Huê, renaissance d'une cité souveraine. Photos ©Rémi Benali/Lightmediation Texte ®Heather Robinson Contact-Thierry Tinacci Agence Lightmediation +33 (0)661 80 57 21 [email protected]

Huê, renaissance d'une cité souveraine

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Comme un phoenix, la ville de Huê ressuscite de ses cendres. Abandonnées durant des décennies, la cité Impériale Vietnamienne et les tombes Royales érigées par la dynastie N'Guyen ont retrouvé leur splendeur d'autrefois, grâce à un vaste plan de restauration coordonné par l'Unesco.

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Comme un phoenix, la ville deHuê ressuscite de ses cendres.Abandonnées durant desdécennies, la cité ImpérialeVietnamienne et les tombesRoyales érigées par la dynastieN'Guyen ont retrouvé leursplendeur d'autrefois, grâce àun vaste plan de restaurationcoordonné par l'Unesco.

Huê, renaissance d'une cité souveraine.Photos ©Rémi Benali/Lightmediation Texte ®Heather Robinson

Contact-Thierry Tinacci Agence Lightmediation +33 (0)661 80 57 21 [email protected]

557-01: Panoramique du Tombeau de Minh Mang. Si l'empereur en conçut les plans, ce fut son successeur qui se chargea de sa construction entre 1841 et 1843. Depuis le Temple de la Grâce immense,perspective sur le Pavillon de la Lumière, pavillon de détente de l'Empereur. Composé de terrasses, escaliers et ponts au milieu d'un parc de frangipaniers, on considère le site comme le plus majestueux de

557-01: Panoramique du Tombeau de Minh Mang. Si l'empereur en conçut les plans, ce fut son successeurqui se chargea de sa construction entre 1841 et 1843. Depuis le Temple de la Grâce immense, perspectivesur le Pavillon de la Lumière, pavillon de détente de l'Empereur. Composé de terrasses, escaliers et ponts

557-02: Panoramique du Tombeau de Khai Dhinh construit entre 1920 et 1931. Cet édifice tout en bétonest sans doute le plus extravagant. Après 62 marches, on atteint la cour d'honneur, encadrée par sesrangées d'éléphants, de chevaux et de mandarins civils et militaires.

557-03:Cité Impériale. Panoramique du Temple Thé Mieu ou Temple des Générations. Construit en 1821, ilcontient les autels de 10 Empereurs de la dynastie Nguyên. Sous l'impulsion de l'Unesco, le temple futrénové en 1998 par une équipe Polonaise, après 16 mois de labeur et 1 million de dollars de frais de

557-04: Panoramique. Huê et les tombeaux impériaux sont bâtis à une quarantaine de kilomètres de lamer, le long de l'élégante Rivière des Parfums, classée aussi par l'Unesco au Patrimoine Mondial. Elle tientson nom des nombreuses plantes médicinales qui poussaient sur ses rives.

557-05: Panoramique de la nécropole de An Bang. À trente kilomètres de Huê, au bord de la Mer de Chine,s'élève les extravagantes tombes d'un petit village de pêcheurs. - certains dépassants les 30,000 $ -calqués sur le modèle des tombeaux impériaux.

557-06: Restauration de la Cité Impériale de Huê. Des artisans laqueur s'affairent sur les colonnes d'unpetit kiosque de musique, enceinte nord de la cité pourpre interdite.

557-07: Restauration de la Cité Impériale de Huê. La société Rhône Poulenc s'est impliquée dans larénovation complète du temple Hien Lam Cac ou Pavillon de la Connaissance. Cet ensemble, bâti sur troisétages en 1821, fut démonté complètement pour traiter le bois contre les termites, véritable fléau au

557-08: Restauration de la Cité Impériale de Huê. La société Rhône Poulenc s'est impliquée dans larénovation complète du temple Hien Lam Cac ou Pavillon de la Connaissance. Cet ensemble, bâti sur troisétages en 1821, fut démonté complètement pour traiter le bois contre les termites, véritable fléau au

557-26: Cité Impériale, Temple des Générations. Des descendants de Mandarins pendant la cérémonie d'inauguration du temple après sa rénovation.

557-09: Restauration de la Cité Impériale de Huê. La société Rhône Poulenc s'est impliquée dans larénovation complète du temple Hien Lam Cac ou Pavillon de la Connaissance. Cet ensemble, bâti sur troisétages en 1821, fut démonté complètement pour traiter le bois contre les termites, véritable fléau au

557-10: : Restauration de la Cité Impériale de Huê. La fabrique des tuiles nécessaires à la rénovation desmonuments est réalisée de façon artisanale afin de respecter les critères d'esthétique et de qualité del'époque. Les tuiles sont vernies à la main et cuites au fau de bois pendant plus de sept jours.

557-11: : Restauration de la Cité Impériale de Huê. Un terrassier restaure des dalles de pierre. 557-12:Restauration de la Cité Impériale de Huê. Aménagement d'une voie dans la cité Impériale.

557-13: Restauration de la Cité Impériale de Huê. Des peintres s'activent sur les boiseries du Temple desGénérations.

557-14: Restauration de la Cité Impériale de Huê. C'est au milieu du XV siècle que les Chinois initièrent lesVietnamiens à l'art de la laque. La laque est la résine extraite de l'arbre Sumai. L'objet à laquer reçoitd'abord un fixateur puis dix couches de l'onctueuse substance. Il faut laisser chaque couche reposer une

557-15:Restauration de la Cité Impériale de Huê. C'est au milieu du XV siècle que les Chinois initièrent lesVietnamiens à l'art de la laque. La laque est la résine extraite de l'arbre Sumai. L'objet à laquer reçoitd'abord un fixateur puis dix couches de l'onctueuse substance. Il faut laisser chaque couche reposer une

557-16: Restauration de la Cité Impériale de Huê. Rénovation des portants de bois à la feuille d'or.

557-47: Des statues de Mandarins dans la spectaculaire cour d'honneur du tombeau de Khai Din.

557-17: : Restauration de la Cité Impériale de Huê. Mobilier ancien destiné à l'aménagement du Templedes Générations.

557-18: Cité Impériale. Porte Ngo Môn ou Porte du Midi. Cette entrée principale monumentale étaitréservée à l'Empereur. Du pavillon des cinq ph?nix qui la surmonte, l'Empereur observait les paradesmilitaires et promulguait le calendrier lunaire. C'est ici que le dernier Empereur Bao Dai a remis le pouvoir

557-19: La citadelle de Huê est entourée de larges douves sur un périmètre de plus de 10 Km. L'EmpereurGia Long en ordonna la construction en 1804 et s'inspira des fortifications de Vauban. Un jardinier recueilleles fleurs de lotus et les tiges que l'on peut manger en salade.

557-20: Tour du Cavalier du Roi. Imposant bastion construit par Gia Long en 1809, le drapeau vietcong yflotta plusieurs semaines lors de l'offensive du Têt en 1968. Sous le même drapeau communiste jouent desenfants au football vêtu de casquettes Nike, signe du changement économique puissant qui anime le pays.

557-21: Cité Impériale. Porte Ngo Môn ou Porte du Midi depuis le Pont des Eaux dorées, passage réservéautrefois à l'Empereur.

557-22: Un moine bouddhiste s'apprête à pénétrer dans la Cité Impériale par la Porte du Midi.

557-23: Cité Impériale. Palais de L'harmonie Suprême. La salle imposante comporte 80 colonnes. Devantle trône, la table sur laquelle on déposait les doléances remises à l'Empereur.

557-24: Cité Impériale. Un petit studio photo a été aménagé dans le Pavillon des Mandarins afin que lesvisiteurs puissent se faire photographier en costume Impérial. Une telle situation était encore impensable ily a quelques années.

557-31: Cité Impériale. Porte du Temple Hien Lam Cac.

557-25: Près des urnes dynastiques de l'esplanade du Temple des Générations, des figurants en costumetraditionnel de serviteurs attendent leur participation à une cérémonie rendue en l'honneur d'une délégationde l'Unesco.

557-26: Cité Impériale, Temple des Générations. Des descendants de Mandarins pendant la cérémonied'inauguration du temple après sa rénovation.

557-27: Cité Impériale, Temple des Générations. Des descendants de Mandarins pendant la cérémonied'inauguration du temple après sa rénovation.

557-28: Groupe de musique et de chants traditionnels. Le théâtre Royal revit 3 fois par jour pour lesgroupes touristiques de plus en plus nombreux.

557-29: Groupe de musique et de chants traditionnels. Le théâtre Royal revit 3 fois par jour pour lesgroupes touristiques de plus en plus nombreux.

557-30: Groupe de musique et de chants traditionnels. Le théâtre Royal revit 3 fois par jour pour lesgroupes touristiques de plus en plus nombreux.

557-61: Archive - Fin XIX siècle. Musiciennes de la cour Impériale. 557-32: Le dragon est le symbole des Empereurs du Vietnam.

557-16: Restauration de la Cité Impériale de Huê. Rénovation des portants de bois à la feuille d'or.

557-33: Cité Impériale, un dragon surveille la Porte de l'Est. 557-34: Détail d'un Phoenix sur le paravent de la porte du Pavillon Truong Sanh, ou Pavillon de détente dela Reine Mère.

557-35: Cité Impériale. Des jardiniers chargent des pots qui étaient entreposés dans la dernière résidencede l'Empereur Dao Dai.

557-36: Plantes et fleurs en pots agrémentent les jardins de la Cité et des tombes Impériales.

557-37: Cité Impériale. Les murs foisonnent de fresques de porcelaines et de verre. 557-38: Les fleurs de lotus poussent dans tous les bassins.

557-39: Des officiers de l'armée populaire visitent la Cité Impériale. 557-40: A 4 Km de la ville, sur la rivière des parfums se dresse la Pagode Thiên Mu ou Pagode de la VieilleDame Céleste. Fondé en 1601, l'édifice de 21 m fut érigé en 1844 puis démoli et reconstruit cinq fois. Cettestructure octogonale consacrée aux sept bouddhas est l'un des lieux de culte Bouddhiste les plus vénérés

557-05: Panoramique de la nécropole de An Bang. À trente kilomètres de Huê, au bord de la Mer de Chine, s'élève les extravagantes tombes d'un petit village de pêcheurs. - certains dépassants les 30,000 $- calqués sur le modèle des tombeaux impériaux.

557-41: A 4 Km de la ville, sur la rivière des parfums se dresse la Pagode Thiên Mu ou Pagode de la VieilleDame Céleste. Fondé en 1601, l'édifice de 21 m fut érigé en 1844 puis démoli et reconstruit cinq fois. Cettestructure octogonale consacrée aux sept bouddhas est l'un des lieux de culte Bouddhiste les plus vénérés

557-42: Pagode de la Vieille Dame Céleste. Moines en prière.

557-43: Pagode de la Vieille Dame Céleste. Des jeunes moines font un bras de fer pendant l'étude. 557-44: Jardins de la Cité Impériale.

557-45: Un enfant devant un petit temple dédié à Chua Xu, déesse de la fertilité. 557-46: Le concept de la géomancie - né vraisemblablement en Chine - détermine l'orientation d'une tombeou d'une habitation pour concéder à ses occupants les esprits favorables. Ces collines s'élevant autour dela ville protègent la citadelle et les tombeaux des influences des mauvais génies. Ce relief escarpé fut

557-47: Des statues de Mandarins dans la spectaculaire cour d'honneur du tombeau de Khai Din. 557-48: Des statues de Mandarins dans la spectaculaire cour d'honneur du tombeau de Khai Din.

557-03:Cité Impériale. Panoramique du Temple Thé Mieu ou Temple des Générations. Construit en 1821, il contient les autels de 10 Empereurs de la dynastie Nguyên. Sous l'impulsion de l'Unesco, letemple fut rénové en 1998 par une équipe Polonaise, après 16 mois de labeur et 1 million de dollars de frais de restauration.

557-49: Des statues de Mandarins dans la spectaculaire cour d'honneur du tombeau de Khai Din. 557-50: Salle du tombeau de Khai Din. Dans un décor kitsch polychrome apparaît la statue dorée de KhaiDin, en tenue d'apparat devant le symbole du soleil. La dépouille de l'Empereur repose à 18 m sous lastatue coulée à Marseille et offerte par la France.

557-51: Des femmes vietnamiennes descendent les marches du tombeau de Khai Din. Elles ont revêtu l'AoDai, un élégant costume traditionnel. De 1975 à 1985, porter l'Ao Dai était politiquement plus qu'incorrect.C'est lors d'un concours de beauté en 1989 que l'équipe de la ville de Camau se risqua de renouer avec la

557-52: Tombeau de Minh Mang. Gargouille du temple de culte.

557-53: Tombeau de Tu Duc. Pavillon de la stèle. On a mis quatre ans pour acheminer à dos d'éléphantcette stèle de 20 tonnes, la plus grande de tout le Vietnam, depuis la région de Thanh Hoa située à 500 Kmau Nord. Tu Duc lui-même a composé le texte gravé de 4935 mots qui vantent les mérites de l'Empereur.

557-54: 1998: Tombeau de Minh Mang. Un petit pont de pierre enjambe le Lac de la Clarté pure et donnesur le Palais de la Lumière, pavillon de repos de l'Empereur. Ces deux photographies furent réalisées en1998, avant la rénovation du site puis en 2005.

557-55: 2005-Tombeau de Minh Mang. Un petit pont de pierre enjambe le Lac de la Clarté pure et donnesur le Palais de la Lumière, pavillon de repos de l'Empereur. Ces deux photographies furent réalisées en1998, avant la rénovation du site puis en 2005.

557-56: Des femmes vietnamiennes, en tenue traditionnelle de l'Ao Dai, empruntent le pont de marbre de laClarté pure, passage réservé autrefois à l'Empereur.

557-09: Restauration de la Cité Impériale de Huê. La société Rhône Poulenc s'est impliquée dans la rénovation complète du temple Hien Lam Cac ou Pavillon de la Connaissance. Cet ensemble, bâti surtrois étages en 1821, fut démonté complètement pour traiter le bois contre les termites, véritable fléau au Vietnam.

557-57: Archive - 1889. L'Empereur Than Tai a dirigé l'Empire dès l'âge de 10 ans, régnant de 1889 à1907. Sous son règne, le Vietnam perd ce qui lui reste de souveraineté. La France décide elle-même deson abdication, l'accusant de démence. Il est exilé à la Réunion.

557-58: Archive - 1945. Bao Dai, le dernier Empereur du Vietnam. Il doit abdiquer en 1945 et remettre lesceau impérial aux représentants du régime du Vietminh. Le dernier des Empereurs Nguyên terminera sesjours en France.

557-59: Archive -Fin XIX siècle. Éléphants de parade devant la Porte Ngo Môn ou Porte du Midi. 557-60: Archive - Fin XIX siècle. Un groupe de Mandarins.

557-24: Cité Impériale. Un petit studio photo a été aménagé dans le Pavillon des Mandarins afin que les visiteurs puissent se faire photographier en costume Impérial. Une telle situation était encoreimpensable il y a quelques années.

Huê, parfumd'Empire...

Comme un phoenix, la ville de Huêressuscite de ses cendres. Abandonnéesdurant des décennies, la cité ImpérialeVietnamienne et les tombes Royalesérigées par la dynastie N'Guyen ontretrouvé leur splendeur d'autrefois, grâceà un vaste plan de restauration coordonnépar l'Unesco.

Ce soir de juin, on célèbre l'anniversairede la réunification du Vietnam, et tous leshabitants de Huê semblent s'être donnésrendez-vous dehors, discutant, riant,enfoncés dans des petites chaises de caféinstallées tout au long de la route quimène de l'aéroport au centre ville. Desbannières serpentent mollement dans lachaleur, leur étoile jaune vif restant lesigne le plus distinctif dans le cielcrépusculaire. Notre chauffeuraccompagne vaguement des airspatriotiques joués à la radio jusqu'à notrearrivée à hôtel Saigon Morin. En arpentantles couloirs de ce gigantesque bâtimentcolonial, la sensation de remonter letemps se précise au passage de chaqueporte.

Située au centre de la côte sinueuse duVietnam, Huê fut la capitale de la dynastieN'Guyen qui régna sur le pays de 1802 à1945. Bâtie au coeur d'une vaste citadelleprotégeant la ville, la Cité Impériale aconnu moult changements au cours desdeux derniers siècles. Lorsque le premierEmpereur Gia Long accéda au pouvoir, ilvoulut en faire le joyau de l'Empire, unbastion intellectuel et culturel fondé sur lesprincipes du Confucianisme. Un visiteurBritannique, George Finlayson, remarquaiten 1821 les qualités "d'ordre, de grandeuret perfection" particulières à Huê, "quidonnaient aux autres cités asiatiques un

aspect de constructions d'enfants".L'instauration du Protectorat Français en1883 enlisa la cour dans la léthargie et lesrévolutions de palais. La Cité Impérialedevint un théâtre de marionnettes, lessouverains réfractaires vite remplacés parParis. Il ne leur restait plus qu'à bâtir unebelle ville, savourer ses jardins et ériger àleur gloire des sépultures monumentales?

Dévastée par la "Guerre Américaine"comme on la nomme ici, les ruines de laCité Impériale furent abandonnées auxtermites et aux pluies ravageuses destyphons. Ému par cette beauté endormie,l'UNESCO la nomma au PatrimoineMondial en 1993. Les autoritésVietnamiennes réalisèrent du coupl'importance touristique de la ville et avecla participation d'une dizaine de pays dontla France, débutait un fastidieux travail derestauration. La ville, allongée sur lesberges de la Rivière des Parfums,retrouve sa splendeur passée et redevientun sujet de fierté nationale.

Nous y pénétrons par la monumentalePorte Ngo Mon surmontée par unbelvédère d'où l'empereur assistait jadisaux parades et promulguait le calendrierlunaire. C'est aussi là qu'en 1945, Bao Dairemit les clés du pouvoir au Vietminh,abrogeant du même coup le règne de sadynastie. En franchissant les portes del'imposante fortification, le chant descigales devient si strident que nousdevons hausser la voix pour nousentendre. L'ocre des trottoirs, la couleurdélavée des murs d'enceinte, tout nousdonne l'impression d'entrer par erreur enProvence. Les strates du temps et del'histoire se mêlent et se confondent alorsque nous déambulons parmi les pavillons.Le plus symbolique de tous reste lelongiligne Temple du Culte desEmpereurs. Grâce à un plan de sauvetagede 1 million de dollars offert par legouvernement Polonais, ses rutilantescolonnes de laques rouges rehaussées de

feuilles d'or resplendissent à nouveau. Onpourrait presque s'imaginer en 1821, datede sa construction, si ce n'est ce groupede soldats de l'Armée Populaire en visite.Un vieil officier nous salue d'un timide"Hello". Il se dirige vers ce qui fut autrefoisla bibliothèque Hien Lam Cac, unmagnifique pavillon de bois qui futentièrement démonté pour être traitécontre les termites grâce au mécénat de lasociété Rhône Poulenc. Le dernier chantier important se situedans la partie Nord-ouest de la CitéImpériale. Les restaurateurs s'affairent surle Pavillon de la Reine Mère. Descharpentiers sculptent des linteaux,guidant les planches avec les pieds tandisque des couvreurs vernissent des briquesau feu de bois selon les procédés d'antan.« Dans 9 mois, tout sera fini! » promet lejeune architecte vietnamien en charge duprojet. Alors que le soleil disparaît derrièrel'horizon dans un dégradé de camaïeux,nous traversons un pré d'herbe haute,autrefois la Cité Pourpre Interdite réservéeà l'usage exclusif de la famille Impériale,mais qui fut totalement anéantie lors del'offensive du Têt en 1968. Nous nousprécipitons vers la porte Ngo Mon, peuenvieux d'êtres enfermés pour la nuit avecles fantômes des empereurs.

Dès six heures du matin, la rue qui jouxtel'entrée de la citadelle est empruntée parun flot ininterrompu de bicyclettes et descooters. On sent une énergie déterminéesur le visage de ces étudiants et de cestravailleurs. Le Vietnam en marche. Dansles douves, des femmes au chapeauconique récoltent le rau muong, unlégume aquatique qu'elles vendront aumarché. Un jardinier nous offre unbouquet de fleurs de lotus qui s'ouvreavec la lueur du jour et nous succombonsà son parfum suranné. Aux abords duPavillon des Mandarins, nous rencontronsun couple de retraités de Dalat, une villedu sud. Ils paient une somme importante

pour êtres photographiés en costumeimpérial, arborant le sourire coupabled'enfants surpris à commettre un actedéfendu. "Nous aimons les chosesanciennes" précisent-ils dans un Françaisqu'ils n'avaient plus parlé depuislongtemps.

Ce goût pour le passé nous surprendalors que l'on célèbre la révolution maisnous y sommes confrontés à tout moment.Sur la route tortueuse qui mène auxsépultures des empereurs, des panneauxgéants invitent ainsi à visiter le « village duPèlerinage », promu au rang de témoin dela « recherche d'un temps perdu ». Nouspoursuivons en direction des tombeaux,alignés sur les berges de la Rivière desParfums. Les tombes comprennent deséléments architecturaux communs, maisrévèlent des détails différents selon lapersonnalité des empereurs quisupervisaient souvent eux-mêmes leursconstructions.

Un ciel de plombs renforce l'atmosphèremélancolique qui pèse sur le Tombeau deTu Duc. L'autel qui l'honore est couvert depoussière et des chaises laquées sontempilées dans l'angle d'une pièce vide.Gémissant sous le vent, une forêt de pinsmonte la garde autour de la courintérieure. Une impression d'étrange et demystère parfaitement appropriée à ce quefut la vie et la mort de cet empereur. Bienque doté de 104 épouses et de milliers deconcubines, Tu Duc n'a pas eu d'héritier.Fidèle à la tradition, il dû rédiger sonpropre éloge funèbre, ce qui étaitconsidéré comme un mauvais présage.L'éloge est gravé sur une énorme stèle,une dalle de pierre de 20 tonnesacheminée à dos d'éléphants sur plus de500 kilomètres. Tu Duc y procède à unecritique sévère de son règne et terminesur une note tragique, dans laquelle ilordonne qu'après sa mort les 200serviteurs qui l'enterreront soientdécapités afin que l'emplacement véritable

de sa tombe (et de son trésor fabuleux) demeure à jamais secret.

Heureusement, il y a un aspect plus joyeux dans la restauration coloréedu Tombeau de Minh Mang. Les martinets bruyants saluent notrearrivée et nous foulons un tapis de fleurs de frangipaniers. Une famillede paysans du Nord s'intéresse plus à moi qu'au tombeau qu'elle visite,n'ayant probablement jamais été aussi proche d'une étrangère. Lesfemmes du groupe caressent mon avant-bras alors que les hommesconsultent mes notes sans ambages. Après leur départ, nousdescendons du Pavillon de la Lumière pour rejoindre le Lac de la ClartéPure. Le site est célèbre pour son accord harmonieux avec la nature,l'endroit idéal pour déguster un rafraîchissant café frappé, en levantnos tasses au bon goût de l'empereur.

Située à une trentaine de kilomètres de Huê, la tombe de Gia Long estla moins fréquentée. Un éloignement qui ne doit rien au hasard maistout aux diktats de la géomancie ou feng shui. Cherchant à se protégerdes énergies négatives, l'empereur choisit d'adosser sa dernièredemeure sur les flancs d'un dragon, suggéré par la ligne de crête descollines environnantes. Rien ne dissuade pourtant les fermiers de fairepaître leurs buffles sur les royales terrasses sculptées sur le dos de cegigantesque saurien ni de récolter le riz qu'ils ont planté au creux deses écailles. Ce n'est que justice s'agissant d'un Empereur qui déclaraun jour à ses conseillers français préférer que les pauvres restentpauvres?

On plaça sept diamants dans la bouche de l'Empereur Khai Dinh à samort en 1925 et son tombeau dont la construction dura onze ans reflètebien son goût pour la démesure. C'est de loin le plus gothique de tous,avec des bas-reliefs sculptés de chauves-souris, des dragons noirs auxyeux de verre phosphorescents qui semblent ramper sur les escaliersde sa cour d'honneur et une salle principale dont chaque centimètrecarré est recouvert de mosaïques richement colorées. Ironiquement, cedécor exubérant est à la fois condamné par les visiteurs étrangers quile trouvent « trop kitsch » et par les vietnamiens qui le considèrent «trop européen ». Assis sur son trône, Khai Dinh reste indifférent, sa

statue de bronze contemple l'éternité.

Après l'atmosphère parfois glaciale des tombeaux, il est réconfortant dedécouvrir la Pagode Thien Mu débordante de vie. La tour de ce petitmonastère, fondé en 1601, symbolise officieusement la ville. La pagodeattira l'attention internationale lorsqu'elle devint dans les annéessoixante le centre de protestation antigouvernementale. Aujourd'hui, lesheurts les plus forts émanent du gong qui scande les offrandesdéposées par des jeunes femmes secouant leurs mains jointes avec laferveur d'aïeules siciliennes. Une élégante petite dame qui travaille auxcuisines nous invite à déjeuner. Alors que nous déclinons avec regretson invitation elle répond: « Ce matin vous m'avez donné deux beauxsourires », puis s'incline et s'éloigne avec grâce.

Sa réaction est aussi vive et chaleureuse que la ville de Huêelle-même. L'Asie, dans toute sa multitude. Une vieille femme découvredans un sourire ses dents noircies par la laque, les cybercafés, toujoursbondés à l'heure du déjeuner, la vapeur qui s'échappe des étals depho, la célèbre soupe aux nouilles. Au marché nocturne, un gentlemanen pyjama propose fièrement deux oeufs dodus à la lueur d'unebougie. Et toujours cette sensation que le temps s'étire et se rétracte,au rythme du flot changeant de la circulation.

Il aura peut-être fallu trente ans pour en arriver là, mais à Huê le passén'est pas du « temps perdu ». Il fait partie d'un présent qui évoluetoujours, fonçant en avant à l'instar des cohortes d'étudiants sur leursbicyclettes, droit vers l'avenir.

Huê, Renaissanced'une cité souveraineLégendes

01 : Panoramique du Tombeau de MinhMang. Si l'empereur en conçut les plans,ce fut son successeur qui se chargea desa construction entre 1841 et 1843.Depuis le Temple de la Grâce immense,perspective sur le Pavillon de la Lumière,pavillon de détente de l'Empereur.Composé de terrasses, escaliers et pontsau milieu d'un parc de frangipaniers, onconsidère le site comme le plusmajestueux de tous les tombeaux. 02 : Panoramique du Tombeau de KhaiDhinh construit entre 1920 et 1931. Cetédifice tout en béton est sans doute leplus extravagant. Après 62 marches, onatteint la cour d'honneur, encadrée parses rangées d'éléphants, de chevaux etde mandarins civils et militaires. 03 : Cité Impériale. Panoramique duTemple Thé Mieu ou Temple desGénérations. Construit en 1821, il contientles autels de 10 Empereurs de la dynastieNguyên. Sous l'impulsion de l'Unesco, letemple fut rénové en 1998 par une équipePolonaise, après 16 mois de labeur et 1million de dollars de frais de restauration.04 : Panoramique. Huê et les tombeauximpériaux sont bâtis à une quarantaine dekilomètres de la mer, le long de l'éléganteRivière des Parfums, classée aussi parl'Unesco au Patrimoine Mondial. Elle tientson nom des nombreuses plantesmédicinales qui poussaient sur ses rives.05 : Panoramique de la nécropole de AnBang. À trente kilomètres de Huê, au bordde la Mer de Chine, s'élève lesextravagantes tombes d'un petit village depêcheurs. - certains dépassants les30,000 $ - calqués sur le modèle destombeaux impériaux. 06 : Restauration de la Cité Impériale deHuê. Des artisans laqueur s'affairent sur

les colonnes d'un petit kiosque demusique, enceinte nord de la cité pourpreinterdite.07 à 09 : Restauration de la Cité Impérialede Huê. La société Rhône Poulenc s'estimpliquée dans la rénovation complète dutemple Hien Lam Cac ou Pavillon de laConnaissance. Cet ensemble, bâti surtrois étages en 1821, fut démontécomplètement pour traiter le bois contreles termites, véritable fléau au Vietnam. 10 : Restauration de la Cité Impériale deHuê. La fabrique des tuiles nécessaires àla rénovation des monuments est réaliséede façon artisanale afin de respecter lescritères d'esthétique et de qualité del'époque. Les tuiles sont vernies à la mainet cuites au fau de bois pendant plus desept jours.11 : Restauration de la Cité Impériale deHuê. Un terrassier restaure des dalles depierre.12 : Restauration de la Cité Impériale deHuê. Aménagement d'une voie dans lacité Impériale.13 : Restauration de la Cité Impériale deHuê. Des peintres s'activent sur lesboiseries du Temple des Générations.14 à 15 : Restauration de la Cité Impérialede Huê. C'est au milieu du XV siècle queles Chinois initièrent les Vietnamiens àl'art de la laque. La laque est la résineextraite de l'arbre Sumai. L'objet à laquerreçoit d'abord un fixateur puis dix couchesde l'onctueuse substance. Il faut laisserchaque couche reposer une semaine puisla poncer avant d'appliquer la couchesuivante. 16: Restauration de la Cité Impériale deHuê. Rénovation des portants de bois à lafeuille d'or.17 : Restauration de la Cité Impériale deHuê. Mobilier ancien destiné àl'aménagement du Temple desGénérations.18 : Cité Impériale. Porte Ngo Môn ouPorte du Midi. Cette entrée principalemonumentale était réservée à l'Empereur.Du pavillon des cinq ph?nix qui la

surmonte, l'Empereur observait lesparades militaires et promulguait lecalendrier lunaire. C'est ici que le dernierEmpereur Bao Dai a remis le pouvoir auVietminh en Août 1945.19 : La citadelle de Huê est entourée delarges douves sur un périmètre de plus de10 Km. L'Empereur Gia Long en ordonnala construction en 1804 et s'inspira desfortifications de Vauban. Un jardinierrecueille les fleurs de lotus et les tiges quel'on peut manger en salade.20 : Tour du Cavalier du Roi. Imposantbastion construit par Gia Long en 1809, ledrapeau vietcong y flotta plusieurssemaines lors de l'offensive du Têt en1968. Sous le même drapeau communistejouent des enfants au football vêtu decasquettes Nike, signe du changementéconomique puissant qui anime le pays.21 : Cité Impériale. Porte Ngo Môn ouPorte du Midi depuis le Pont des Eauxdorées, passage réservé autrefois àl'Empereur. 22 : Un moine bouddhiste s'apprête àpénétrer dans la Cité Impériale par laPorte du Midi.23 : Cité Impériale. Palais de L'harmonieSuprême. La salle imposante comporte 80colonnes. Devant le trône, la table surlaquelle on déposait les doléancesremises à l'Empereur.24 : Cité Impériale. Un petit studio photo aété aménagé dans le Pavillon desMandarins afin que les visiteurs puissentse faire photographier en costumeImpérial. Une telle situation était encoreimpensable il y a quelques années. 25 : Près des urnes dynastiques del'esplanade du Temple des Générations,des figurants en costume traditionnel deserviteurs attendent leur participation àune cérémonie rendue en l'honneur d'unedélégation de l'Unesco.26-27: Cité Impériale, Temple desGénérations. Des descendants deMandarins pendant la cérémonied'inauguration du temple après sarénovation.

28 à 30 : Groupe de musique et de chantstraditionnels. Le théâtre Royal revit 3 foispar jour pour les groupes touristiques deplus en plus nombreux.31 : Cité Impériale. Porte du Temple HienLam Cac. 32 : Le dragon est le symbole desEmpereurs du Vietnam.33 : Cité Impériale, un dragon surveille laPorte de l'Est.34 : Détail d'un Phoenix sur le paravent dela porte du Pavillon Truong Sanh, ouPavillon de détente de la Reine Mère.35 : Cité Impériale. Des jardinierschargent des pots qui étaient entreposésdans la dernière résidence de l'EmpereurDao Dai.36: Plantes et fleurs en pots agrémententles jardins de la Cité et des tombesImpériales.37 : Cité Impériale. Les murs foisonnentde fresques de porcelaines et de verre.38 : Les fleurs de lotus poussent danstous les bassins.39 : Des officiers de l'armée populairevisitent la Cité Impériale.40-41 : A 4 Km de la ville, sur la rivièredes parfums se dresse la Pagode ThiênMu ou Pagode de la Vieille Dame Céleste.Fondé en 1601, l'édifice de 21 m fut érigéen 1844 puis démoli et reconstruit cinqfois. Cette structure octogonale consacréeaux sept bouddhas est l'un des lieux deculte Bouddhiste les plus vénérés auVietnam. 42 : Pagode de la Vieille Dame Céleste.Moines en prière. 43 : Pagode de la Vieille Dame Céleste.Des jeunes moines font un bras de ferpendant l'étude.44: Jardins de la Cité Impériale.45 : Un enfant devant un petit templedédié à Chua Xu, déesse de la fertilité.46 : Le concept de la géomancie - névraisemblablement en Chine - déterminel'orientation d'une tombe ou d'unehabitation pour concéder à ses occupantsles esprits favorables. Ces colliness'élevant autour de la ville protègent la

citadelle et les tombeaux des influences des mauvais génies. Ce reliefescarpé fut déterminant dans le choix de l'emplacement de la cité. Onapparente souvent les lignes de crête avec l'échine rebondie dudragon. 47 à 49 : Des statues de Mandarins dans la spectaculaire courd'honneur du tombeau de Khai Din.50 : Salle du tombeau de Khai Din. Dans un décor kitsch polychromeapparaît la statue dorée de Khai Din, en tenue d'apparat devant lesymbole du soleil. La dépouille de l'Empereur repose à 18 m sous lastatue coulée à Marseille et offerte par la France.51 : Des femmes vietnamiennes descendent les marches du tombeaude Khai Din. Elles ont revêtu l'Ao Dai, un élégant costume traditionnel.De 1975 à 1985, porter l'Ao Dai était politiquement plus qu'incorrect.C'est lors d'un concours de beauté en 1989 que l'équipe de la ville deCamau se risqua de renouer avec la tradition et remporta le concours.La production de cette tenue explosa soudain dans tout le pays maisaujourd'hui, les jeunes générations ne le porte presque plus.52 : Tombeau de Minh Mang. Gargouille du temple de culte.53 : Tombeau de Tu Duc. Pavillon de la stèle. On a mis quatre anspour acheminer à dos d'éléphant cette stèle de 20 tonnes, la plusgrande de tout le Vietnam, depuis la région de Thanh Hoa située à 500Km au Nord. Tu Duc lui-même a composé le texte gravé de 4935 motsqui vantent les mérites de l'Empereur.54-55 : Tombeau de Minh Mang. Un petit pont de pierre enjambe le Lacde la Clarté pure et donne sur le Palais de la Lumière, pavillon de reposde l'Empereur. Ces deux photographies furent réalisées en 1998, avantla rénovation du site puis en 2005. 56 : Des femmes vietnamiennes, en tenue traditionnelle de l'Ao Dai,empruntent le pont de marbre de la Clarté pure, passage réservéautrefois à l'Empereur.57 : Archive - 1889. L'Empereur Than Tai a dirigé l'Empire dès l'âge de10 ans, régnant de 1889 à 1907. Sous son règne, le Vietnam perd cequi lui reste de souveraineté. La France décide elle-même de sonabdication, l'accusant de démence. Il est exilé à la Réunion.58 : Archive - 1945. Bao Dai, le dernier Empereur du Vietnam. Il doitabdiquer en 1945 et remettre le sceau impérial aux représentants du

régime du Vietminh. Le dernier des Empereurs Nguyên terminera sesjours en France.59 : Archive -Fin XIX siècle. Éléphants de parade devant la Porte NgoMôn ou Porte du Midi.60 : Archive - Fin XIX siècle. Un groupe de Mandarins.61 : Archive - Fin XIX siècle. Musiciennes de la cour Impériale.