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HISTOIRE - DE L'ÉCOLE ÉPISCOPALE ET DE L'UNIVERSITÉ D'ANGERS AU MOYEN ACE— L'Église, dès son origffie, comprit que, pour établir son influence, répandre sa doctrine, conquérir des adeptes, il lui fallait des agents nombreux, instruits par elle, qui enseignassent à leur tour la jeunesse les idées qu'elle voulait propager dans le monde. Ce système de propagande par l'enseignement n'est point d'origine chrétienne: c'est l'oeuvre, c'est le produit de l'expérience des vieilles castes sacerdotale, qui en - - Document - Il I l II ( IJI flII Il IIIIIIf - 0000005568192

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HISTOIRE

- DE

L'ÉCOLE ÉPISCOPALEET DE

L'UNIVERSITÉ D'ANGERS

AU MOYEN ACE—

L'Église, dès son origffie, comprit que, pour établirson influence, répandre sa doctrine, conquérir desadeptes, il lui fallait des agents nombreux, instruits parelle, qui enseignassent à leur tour la jeunesse les idéesqu'elle voulait propager dans le monde.

Ce système de propagande par l'enseignement n'estpoint d'origine chrétienne: c'est l'oeuvre, c'est le produitde l'expérience des vieilles castes sacerdotale, qui en

- - Document-

Il I l II ( IJI flII Il IIIIIIf -0000005568192

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-4—avaient retiré dimrnenses avantages, tels que les hydre-gramates égyptiens, les pontifes juifs, les druides gau-lois. L'Eglise marcha sur leurs traces, A peine eut-ellepénétré dans le monde gréco-romain, qu'elle s'eflor9a des'emparer de l'instrdtiont de l'éducation, à l'aide des-

,quels on domine facilement le coeur humain.A partir du second siècle, ce fut dans les premiers

siéges épiscopaux de l'Orient et de l'Occident, commeceux d'Alexandrie, de Césarée, d'Antioche, d'Edesse, deRome, de )Milan, de Carthage, etc., que l'esprit envahis-seur de l'Eglis, rivalisant avec les efforts du paganismeagonisant, se manifeta par la fondation d'écoles chré-tiennes. Ces écoles ayant été créées sous les auspices des"évêques et soumises à leur surveillance, en ce qui con-cernait l'instruction des catéchumènes et l'éducationscientifique du clergé, peuvent être considérées, à cet'égard, comme les aînées des écoles instituées plus tard-auprès des cathédrales.

Parmi ces établissements scolaires, on peut citer commel'un des plus anciens de la Gaule celtique, celui que Mau-•rilius, évêque d'Angers, fonda à Cabana (Chalonnes),vers la fin du w siècle, sur la rive gauche de la Loire,à seize kilomètres de son siége épiscopal. Ce lieu étaitcélèbre par ses monuments druidiques et surtout par lecollége que les ministres sacrés des Gaulois avaient ins-titué dans ses environs, près d'une fontaine consacrée iiidul' dultë sùperstitieitx. Ce motif fut peut-être celui qui'engagea le chef de 1'Eglise des Andecaviens à choisir cetendroit pour être le berceau de l'enseignement en Anjou.On sait ave .quel soin les premiers évêques s'effor-cèrent de supplanter sans commotion les vieilles castessacerdotales, et les précautions qu'ils prirent pour nepoint froisser les susceptibilités du peuple; on connaîtaussi la sollicitude qu'ils apportèrent pour suivre pas ù pas

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r—o. —le polythéisme défaillant, pour implanter à sa place etsur ses ruines mêmes-leur nouvelle doctrine. En adop-tant la contrée fréquentée depuis longtemps par la jeu-nesse gallo-romaine, pour y créer la première écolecatholique des Andes, le disciple d'Ambroise de Milanet de Martin. de Tours ne fit que suivre les errements del'Église naissante.

Sous son administration, la hiérarchie cléricale n'étaitpoint encore organisée; elle ne commença à l'être quedu temps de 'l'halasius, son successeur. Jusqu'à cetteépoque, les prêtres angevins n'étaient que des mission-naires envoyés temporairement par les évêques dans lesbourgs, dans les cités industrieuses, pour y combattre lepaganisme. Thalaise changea cette existence nomade duclergé en instituant les paroisses dans les pays conquispar le christianisme et en leur assignant des ministresqui ne durent plus les quitter. Les prêtres qui restèrentà Angers formèrent le conseil de l'évêque. Telle fut l'ori-gine du chapitre d'Angers, l'un des premiers de l'Églisede France, par ses privilèges et son antiquité.

Cette organisation ecclésiastique n'eut malheureuse-ment qu'une faible influence sur le développement del'instruction en Anjoit; car, au licti de surpasser en re-nommée les colléges celtiques, l'école épiscopale de Cha-lonnes végéta obscurément, plongée dans une espèce deléthargie, due à l'ignorance et à la dépravation de sesmaures, et qu'accrurent encore les invasions incessantesdes Franks et des Bretons sur les bords de la Loire.

Dans ces temps de luttes perpétuelles, où la Gaule étaitsans cesse harcelée, déchirée par les hordes barbares,l'école des Andes finit par succomber brisée par la tem-pête. Les- faibles lambeaux de ses épaves furent alorsrecueillis par les monastères de la ville épiscopale: Saint-Etienne, Saint-Serge, Sai ut-Lézin, et par celui de Clan-

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s —6--feuil (Saint-Maur-sur-Loire), qui, le premier eu France,abrita sous ses verts ombrages la règle de Benoît deNorsia. -

Cachés ainsi au fond des cloîtres, les chefs-d'oeuvre dela littérature profane et les préceptes des Pères de l'Égliseressemblèrent au feu sacré des ilébreux, enfoui dansune citerne après la ruine de Jérusalem, et qui plus tardbrilla de nouveau sur l'autel de l'Éternel.

Rendues un instant à la liberté par le puissant empe-reur Karle-Magne, les lettres et les sciences quittèrentleurs mornes prisons, lorsqu'il promulgua, en 787, safameuse Constitution des Écoles; Constitutio de Sciw lisper singula episcopia et rnona.tcria insiituen dis, par la-quelle il érigea des établissements d'instruction pu-blique dans les cathédrales et les abbayes qui n'en possé-daient pas encore. Commè un éclair dans une sombrenuit d'orage reparut alors l'école des Andecaviens, nonplus à Chalonnes, mais dans la cité épiscopale, à l'ombrede la vieille basilique consacrée à la Vierge et t la légionthébaine.

L'enseignement à cette époque était presque tout oralcomme du temps des, druides. Les leçons d'Aicuin,dansl'abbaye de Saint-Martin de Tours, et de Laugulfe, danscelle de Fulde, par exemple, étaient des espèces de con-troverses, dans lesquelles les écoliers les plus illustres deces doctes maîtres ne se servaient que de la parole et dela mémoire.

Cette difficulté, due la rareté des manuscrits et auprix élevé-du parchemin, n'empéeha point las établisse-ments scientifiques fondés par le grand empereûr debriller pour la plupart d'un vif éclat. Ils étaient diviséschacun en classes supérieures et en classes inférieures.Dans celles-ci, on enseignait la lecture, l'écriture, le

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calcul, le chant et la religion i; dans celles-là, on suivaitla division indiquée autrefois par les travaux de Boceet de Cassiodore. Le premier cours comprenait le trivium,c'est-à-dire la grammaire, la rhétorique et la dialectique.Le second embrassait les études théologiques, ou les ma-tières du quatrivium la géométrie, l'arithmétique, l'as-tronomie et la musique. En théologie, on s'occupaitsurtout de l'exégèse de la Bible et des Pères, d'homilé-tique, de droit canon et de discipline pénitentiaire. Toutesces différentes branches de la science étaient traitéesnaturellement par le clergé au même point de vue celuide la religion.

Lors de la création des écoles épiscopales, les évêquess'estimaient heureux de diriger eux-mêmes ces utilesétablissements. Plus tard, ils en confièrent la direction àun maître spécial, nommé dans l'école d'Angers écolâtre(se/tolastitus), ou maître-école (magister scholatis), quiprésidait à l'enseignement des maîtres et aux travauxdes élèves.

Quand Lodewig-le-Pieux eut promulgué, au conciled'Aix-la-Chapelle, tenu en 846, les institutions de Chro-degang, concernantles écoles épiscopales et la disciplineecclésiastique, rien ne semblait plus devoir arrêter leprogrès des études. Mais les guerres deLodewig et de sesfils, les luttes des frères entre eux, qui aboutirent à ladissolution complète de l'empire des Carolinges, entraî-nèrent une perturbation si universelle et si longue, quenécessairement les institutions scientifiques durent ensouffrir beaucoup. Quelques évêques désolés firent en-tendre d'amères plaintes dans les conciles tenus à Meauxen 84, à Valence en 855, et à Toulouse en 89; de

Capit., de ansi. 780, 1. C.

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4. --8—sages -mesures -y fUrent adoptées pour la conservation desécoles, et il sembla un instant, sous Karle-le--Chauve,que les jours brillants de son aïeul allaient renaître. Maisau milieu des troubles de l'empire et de la révolte desgrands contre l'autorité royale, la barbarie augmentarapidement et dut exercer sa nuisible influence sur ledéveloppement des établissements scolaires. Le clergélui-même, entaché de simonie et d'incontinence, perditle goût . de l'étude. Vers la fin dudu ix° siècle, les couvents,eux aussi, furent ébranlés dans leur existence morale etdans leur durée- temporelle parles ravages des Normands.Le mal devint si grave, que le synode de Trosly, en 909,ne sut pas y trouver de remède,- malgré que dès cetteépoque, la fondation de Cluny laissât déjà pressentir sonheureuse influence. Cependant, ce ne fut qu'au xi' siècleque parut véritablement pour les: sciences l'aurore dunenouvelle ère. -

L'Église, qui faisait de 'constants efforts pour recon-quérir sa liberté fortement compromise, se mit à la têtedu pouvoir. Bientôt la vie- éclata de toutes parts:: l'Alle-magne se réveilla, de sa longue torpeur; en France,Gerbert, qui dirigeait l'école de Reims, excitait, par l'u-niversalité de son savoir, l'émulation générale-et remuaitprofondément un sol naturellement fécond. Son discipleFulbert fonda et dirigea la florissante école de Chartres,vers laquelle la jeunesse studieuse afflua de toutes parts.

C'est 'à cette école, c'est au docte Fulbert, que l'évêqued'Angers', Hubert de Vendôme, demanda un maitresavant pour relever son école épiscopale ensevelie sousses propres ruines. Bernard, frère de Robert sur-nommé l'Angevin, abbé de Cormery ', fut choisi parl'évêque de Chartres pour être le régénérateur de la

Mabillon, Aunai. Dcncd., L. IV, P. 214, append. cxxx, p. 703.

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vieille école angevine, quI devint b i entôt l'un des plusardents foyers des grandes études en France. Pendanttrois ans seulement, l'écol&tre Bernard dirigea l'écoled'Angers. Il eut pour successeur J3ernerius, grammai -rien et chapelain du comte Foulques-Nerra et Jean quifut investi des fonctions de rbaître-éoto vers 4036

A cette époque, le cercle de l'enseignement tracé parharle-Magne avait déjà subi de notables agrandisse-ments. Il ne tarda pas à acquérir une nouvelle extension,lorsque l'archidiacre d'Angers, Bérenger, soutenu parl'évêque Eusèbe Briinon, se fit le défenseur de l'opinionde saint Augustin et de Scott Origène sur l'Eucharistie.Ses anciens condisciples à l'école de Chartres, Lanfrane,Adelman de Bresse et la plupart des dialecticiens dutemps, entrèrent en lice pour défendre le dogme de latranssubstantiation attaqué par Bérenger. De cette époqueretentissante naquit une science nouvelle, qui, sous lenom de mystique et de scolastique, changea la directiondes études au moyen âge.

En 1067, l'école épiscopale d'Angers était dirigée parle savant Marboldus, qui composa en faveur de ses dis-

' Dom lluvncs (Ris!.. shss. de l'abbaye de Sain!-Florent), Dom LePelletier (ïiretNc, fuad. Sancli Nicolai), ['caquet de Livonnière (Dis-sertation sur l'Université d'Angers) et Bodin (Recherches biner. su,'Angers), ont akancé que 51go, abbé de Saint-Florent-lès_sauinui.,liilduin, abbé de Saint-Nicolas d'Angers, et Bérenger, archidiacrede lÊglise d'Angers, avaient été les successeurs de l'écol&tre Bor-nard c'est uS erreur. Sic n'enseigna jamais à Angers; il neprofessa qua dan l'école de l'abbaye de Marmoutier, à Tours, où ilavait été élevé. on houionvme et contemporain Sigo, dont il estfait mention dans la Vie de Fulbert, était disciple de ce maîtreillustre; il devint professeur de son école et mourut chantre de lacathédrale de Chartres. Hilduin passa directement de l'école deFulbert à l'ahba ye k de Saint-Nicolas, et Bérenger ne fut point sec-lastique de l'êcole11d'Àngei's, mais de l'école de Tours (Voyez Bise.tiller. de la F,'ance,\ t. VIF, p. 56). Il est prouvé aussi que saintBruno, fondateur As Chartreux, ne professa jamais à Angers.

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èiples f13 petît traité de rhétorique en prose et en versintitulé : des One?nents du discours. il y joignit unpoème sur la bonne manière d'écrire. 'Parmi ses élèves,on cite Geoffroy-Martel, comte d'Anjou; Samson,évêque (le Winchester; Renaud de Martigné-Briand,évêque d'Angers, et le poète Ri-vallon, archidiacre deNantes. Marbolde fut promu à l'épiscopat de Rennes, ettermina ses jours, sous un froc de moine, dans la somp-tueuse abbayè de Saint-Aubin d'Angers. Il eut poursuccesseur dans ses fonctions d'écolâtre Reginaldus,archidiacre de l, 'Eglise d'Angers (1074), l'un des hagio-graphes de ShintF1orent, et le continuateur de la chro-nique de Flodoard.

- L'école épiscopale comptait alors avec gloire plusieurscélébrités sorties de son sein, telles que, Gantier dont lespoètes redoutaient la délicatesse de la muse; Robert,ddyen de la cathédrale, qui excellait dans la science dudroit civil, 'et Frodon', -célébré par Baudry, évêque deDol, comme l'un des plus brillants ornements du Par-nasse et des plus habiles philosophes de son siècle. A cesnoms, restés illustres dans les fastes littéraires de l'An-jou, on doit ajouter celui du noble Geoffroy, cardinal-abbé de la Trinité de Vendôme, qui eut pour maîtrel'écolâtre Guillaume (tO9OE) ) et Aubin d'Angers, queRemi, évêque de Lincoln, appela en Angleterre pourdiriger son école épicopale'. Parmi les disciples d'An-

on cite t lienri, archidiacre d'Huntington, dansl'Église de Lincoln; Guillaume Guadradi, évêque deSaintes, fils du baron de Jonsac; le chevalier Hugues deCléers, ambassadisur de Foulques V, comte d'Anjou,,et le cardinal Mathieu d'Angers 2

Luc d'Achery, Spieileg., t. VIII, p, -178. - Pits., De illust,Angi. script., P. 178.

2 41g!. sacr., 1.1.1.

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Lors de la création des écoles épiscopales, ces établis-serhents avaient été placés dans la demeure des évêques,afin', qu'ils les surveillassent constamment. Plus tard,lorsqu'ils eurent abandonné aux écolâtres la directionde lenseignement, ils éloignèrent de leurs aristocrati-queshabitations la jeunesse studieuse. C'est ainsi quel'évêque Eusèbe Brunon transféra, en 4077, son écoleépiscépale dans une maison que le chapitre de la cathé-drale :ltli avait cédée rue dé l'Eguillerie, dans le bourgde l'abbaye de Saint-Étienne, séparé de la cité seulementpar les' fortifications.

L'écôle épiscopale n'était point à cette époque la seuleécole que possédât la ville d'Angers. Non loin de lacathédrale, entre les deux rocs de la cité, près des rem-parts etde la . porte dite de Fer, le chapitre de l'Églised'Angers avait fondé, en 1031, un collége nommé de laPorte dekFcr, à cause de sa situation 1 . C'était une suc-cursale et, peut- être en même temps une école rivale decelle de l'évêque. On hait qu'au moyen âge les chanoinesne vivaiedt pas toujours en parfaite harmonie avec leschefs de lSpiscopat. Angers fut plus d'une fois témoindes scènes i,scandaleuses soulevées dans les deux camps.L'une et lautre école offraient h peu près le rr1measpect. La jeunesse y était entassée dans des classessombres et infectes, n'ayant pour sièges qu'une litièrede paille rarement renouvelée, et pour livres que ceuxqu'elle compksait sous la dictée souvent très-obscure desmaures.

En 1096, un fils du prêtre Damalioc, nommé Robert,né -à Arbrissel, près de la Guerche en Bretagne-,futplacé à la tête de l'école épiscopale d'Angers. C'était un

Etienne Housseau, Documents sur l'Anjou, le Moine et la Toit-raine, t. Il, u' 411 Mss. de la Bibi. impér.

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esprit vif, ardent, destiné à jouer un rôle assez étrangedans les annales religieuses. Après avoir étudié lathéologie à Paris, Sylvestre de la Cuerche, chancelier deBretagne et évêque de Rennes, l'appela auprès de lui en

085,, et le fit son vicaire-général. Dans cette fonction,Robert d'Ârbrissel s'appliqua à faire revivre la bonnediscipline du clergé, à combattre la simonie et le traficdes bénéfices, à rompre les mariages incestueux alorstrès-communs, à empêcher le concubinage des piètres,à pacifier les familles, enfin à corriger les moeurs si cor-rompues de son siècle. Tandis qu'il s'occupait de cesutiles travaux, son évêque décéda; et comme Roberts'était fait par ses réformes un grand nombre d'ennemis,il fut obligé de quitter Rennes; c'est alors qu'il vintà Angers enseigner la théologie.

Pendant deux ans, il captiva son nombreux auditoiresous le charme de son austère et brillante éloquence,comme plus tard, son compatriote Abailard, dans l'écoledu parvis de Notre-Dame de Paris. Mais il se fatiguabien vite de ses succès et des arguties de la scolastique.Poussé par les attraits de la solitude dans la forêt deCraon, en 1.091, il y vécut quelque temps en ermite,fonda ensuite l'abbaye de la Rob, qu'il abandonna pres-que aussitôt pour alter de par le monde prêcher les peu-pies qui le suivaient en foule sur les montagnes aridesou dans les vallons déserts.

Après avoir tramé ainsi à sa suite pendant plusieursannées une multitude enthousiaste de sa parole, Robertcréa en (101, sur les confins de l'Anjou et du Poitoutin des plus grands, des plus splendides monastères dela France, celui de Fontevrault ', devenu le chef-lieud'un ordre qui est resté célèbre jusqu'à la. Révolution.

Mai [un., Ampi. coll., L VI, r, p• '4f-

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- 13 -C'est jdans cette royale abbaye de femmes que Robertd'Arbrissel, selon l'évêque Marbold et le cardinal-abbéGeoffroy, mettait sa virginité à l'épreuve, comme saintAdelme, en cohabitant avec ses religieuses. C'est làaussi qu'il établit cette règle étrange, unique, peut-être,dans les fastes monastiques, où les moines étaient soumisà l'autorité des femmes

Robert d'Arbrissel eut pour successeurs dans lesfonctions d'écol&tre, l'anglais Geoffroy Bahiou, archi-diacre d'outre-Maine, l'un des plus grands prédicateursde on siècle, et Ulger, qui fut promu à l'épiscopat d'An-gers en 1124, C'était une belle intelligence, vivementpassionnée pour la science, aimant les subtilités de ladidiectique et les argumentations du droit. Lorsqu'il futpromu à l'épiscopat, il n'épargna rien pour attirer dansson école les maîtres le pins renommés par lcui savoir,ainsi que l'atteste une lettre d'Herbert, son successeuredmmc écolâtre, adressée à Hilaire, professeur à l'écoledOrléans, dans laquelle il l'engage à venir rejoindre seseçlègues Vaslet, Gordon, Raoul et Eusèbe. « Tout ce((qu'il y a de clercs, lui dit-il, de nobles et de riches,

de glorieux et de puissants, arrive de toutes parts à« Angers; tous vous attendent impatiemment '. D

jLa renommée de l'école d'Angers avait depuis long-temps franchi l'enceinte de sen humble sanctuaire. Elleétait devenue pour l'ouest de la France une sourceFéconde où toutes les intelligences allaient puise desconnaissances sérieuses. Les professeurs y étaient nom-breux et l'enseignement varié. Parmi les sciences que

Du Chesne, Rist. Franc. script., t. 1V, p. 707. - Entre lesannées 1130 et 1 140, l'école d'Angers comptait parmi ses profes-seurs l'écolàtre Ulger, deuxième du nom, qui, croit-on, avait prén-lablemont enseigné à Paris (Eas. Bulcei, llist. universitatis Pari-siensis, p. 778).

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-. 14-l'on ' professait, celles qui se rattachaient au droitétaient les plus estimées. Aussi maîtres et élèves se por-taient-ils instinctivement vers cette étude. L'Anjou avaitla réputation d'être un pays coutumier par excellence.Longtemps avant que le midi de la France n'eût fixé parécrit ses premières coutumes sorties de la féodalité,l'Anjou avait ses Formules rédigées, croit-on, par unmoine', vers l'an 578, sous le règne de Childebert Il.

Outre l'attrait que pouvait avoir pour la jeunesse laconnaissance des lois, un certain intérêt la poussait à enapprofondir l'application. Depuis le règne de Lothaire,les comtes d'Anjou avaient été investis des fonctions degrand sénéchal de Franco '. Cet office était le plusimportant de la couronne. Il comprenait l'administrationdes finances, de l'armée et de la justice. Comme ma-gistrat judiciaire, le grand sénéchal était juge en dernierressort. Il avait sous ses ordres plusieurs sénéchauxd'une classe inférieure. Ses conseillers étaient les légistesles plus renommés.

Cette position exceptionnelle des comtes d'Anjou eutune salutaire influence sur l'étude du droit dans leursÉtats, par la perspective brillante qu'elle offrait à la jet'-liesse. Il en fut de même des nombreuses juridictionsecclésiastiques établies dans la province de Tours, avantle concile tenu à Chàteaugontier en 1231.

Non-seulement les clercs et les laïques affluaient

D. Bouquet, (.1V, p. C2-578. - Hies. littéraire de la France,t. II, P. 322.

Baluz,, Mine??., t. IV, P. 328.Au moyen âge, le titre de clerc n'était point réservé unique-

ment à ceux qui se destinaient à entrer dans le sacerdoce. « Amesure, dit M. La Ferrire, que la société s'échappait dei liensdo la féodalité, tout le monde voulait participer au privilége clé-rical et se placer sous la juridiction ceclésiastique. n LEglisen'était certainement pas avare de ses faveurs; il suffisait d'être

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- 15 -dans l'école épiscopale, mais encore les moines que lesabbés y envoyaient afin d'étudier les raffinements de lajurisprudence dont ils faisaient un grand usage. Sousl'épiscopat d'Ulger, les célèbres abbayes de Marmoutieret de Fontevrault établirent à Angers des colléges ouprieurés destinés à servir d'asile à leurs étudiants. Plustard les monastères de Saint-Florent, de la Trinité deVendôme, du Loroux, de Pontron, de Melleray, de laBoissière, de Chalocé, de Belle-Branche, de Tournus, duPerray-Neuf, de la Roé, de Bourgueil, etc:, suivirentle même exemple.

Parmi les étudiants, les moines étaient les plus heu-reux; rien ne leur manquait dans leurs collèges quiétaient suffisamment rentés. Il n'en était pas de môme.de la plupart des laïques, qui s'imposaient de rigoureusesprivations pour parvenir à l'état de clerc si ardemmentambitionné. Une nourriture grossière, une robe et unchaperon de bure brune, un haut-de-chausse de toileet une paire de sabots : telle était la partie matériellede leur existence.

En 4143, l'usurpateur Étienne, roi d'Angleterre,ayant anéanti toute la législation anglaise, avec défensed'en conserver môme des compilations, les juristes, quienseignaient le droit à Oxford, se trouvant sans emploi,vinrent à Angers, auprès de Mathilde, comtesse d'An-jou, leur légitime souveraine, qui les fit admettre dans

clerc pour être son justiciable, et pour &re clerc, il n'était pas né-cessaire d'entrer dans les ordres sacrés, ou même dans les ordresmineurs, de renoncer au mariaEe et aux habitudes de la vie com-mune, il suffisait d'être tonsuré- La tonsure imprimait le sceausacré de la juridiction cléricale. Dans toutes les classes, on se fai-sait tonsurer: il y axait des cabaretiers clercs, des boucliers clercs.(Fleury, VII, Discours sur l'histoire ecclésiastique.) L'ordonnancele Roussillon de 4563 n réprimé cet abus. (M. La Ferribre, Essaisur l'histoire (lu droit français, I. I, p. 19&)

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l'école épiscopale où ils répandirent les trésors de leurexpérience.

Sous l'épiscopat de Normand de Doué ((148 à 4453),l'école d'Angers eut pour scolastique Pierre, son neveu;et, pendant celui de Geoffroy-la-Mouche, son successeur,elle fut dirigée par Mathieu, surnommé d'Angers, lieude sa naissance, où il vint se fixer après avoir enseignéle droit civil et le droit canonique à Paris. II avait été,dit-on, le précepteur de Henri II, roi d'Angleterre etcomte d'Anjou. En 4162, il était doyen de ]a cathédrale,Sa réputation s'étant étendue jusqu'à Rouie, Alexan-dre III l'appela près de lui pour se servir de ses lumiè-res dans le concile qu'il tint à Latran. Peu de tempsaprès, il le promut au cardinalat sous Je titre de saint1\larccl .

Par l'importance et la variété de son enseignement,l'école épiscopale d'Angers laissait déjà pressentir labrillante position universitaire qu'elle devait bientôtoccuper en Europe. Tous ses maîtres en droit canonprofessaient également le droit civil, dont l'étude s'étaitranimée par l'heureuse découverte des Pandectes deJustinien, à la prise d'An-ialfi en 1133. Ce trésor, quifaisait partie du butin des Pisans, avait été revu, mis enordre, délivré de ses taches, par le savant allemandIrnérius , surnommé le Flambeau du droit, Lucernajuris. Cet illustre légiste ayant été chargé par l'empereurLothaire II, d'enseigner les Pandectes à Bologne, c'est1h que les Français allèrent puiser la science du droit deJustinien, et la rapportèrent à Angers, à Orléans, àParis. Jusqu'à cette époque, on ne connaissait en France

Hi.ut. littéraire de la Fronce, t. IX, p. 53. - Fs'zon, Calé, pur-purata, ]ib. II, p. 1 -i l .— l'armi les disciples de Mathieu d'Angers,on cite Sylvestre Girard de Cambrie, qui enseigna ù Paris la grani-»aire, la rhétorique et la dialectique. (Angl. saor., p. 439-477.)

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- 17 -que les lois barbares et le code Théodosien. Le droit deJustinien plus riche, plus fécond, mieux rédigé, pritfaveur, et fut dès lors seul étudié dans les écoles.

Cette étude s'accrédita au point d'alarmer les sou-verains pontifes et les évêques, et de leur faire craindreque celles qui avaient un rapport direct à la religion,c'est-à-dire le droit canon et la théologie ne - fussentabandonnées. D'un autre côté, les rois voyaient avec peinel'enseignement des lois civiles dans l'école de Paris t lalumière trop près du trône les importunait. Pour remé-dier à ces inconvénients, le pape Honorius III défenditau commencement du treizième siècle, qu'à l'avenir onenseignât le droit civil à Paris'. Les écoles d'Angers etd'Orléans reçurent alors tous les étudiants qui avaientpréféré quitter la capitale, plutôt que de renoncer à leursétudes de prédilection. Le nombre en devint si grandque l'école d'Angers fut aussi renommée pour le droit,que l'était celle de Paris pour 1a théologie.

Une autre circonstance vint encore augmenter la ré-putation de l'école d'Angers. A la suite de graves dé-sordres commis par les étudiants de Paris, pendant lecarnaval en 4229, Blanche de Castille, régente du ro-yaume, ayant sévi trop sévèrement contre cette pétulantejeunesse, les maîtres cessèrent leurs leçons, et se réfu-gièrent avec leurs disciples dans les écoles d'Angers,d'Orléans, de Poitiers, de Reims et d'Oxford. Parmi lesprofesseurs qui s'établirent à Angers, plusieurs étaientAnglais : tels que, Alain de Bécoles, Nicolas de Fra-neham, Jean Blond, Raoul de Medeinston et Guillaumede Durham 2• Les uns enseignaient la théologie, les

- I Du 130uIIay, Hùt. uuiversitatis Parisiensis, t. II, P. b76-flO ;t. III, P. 06.

Malt. Pars., Hist. AnyL, fol. 244.

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- 48 -autres la médecine ', tel que Nicolas de Franeham.C'était, selon Pilse, un prêtre d'une taille majestueuse,d'un air grave et modeste, éminemment savant ',quidevint évêque de Durham en Angleterre.

Les nombreuses augmentations éprouvées par l'écoleangevine depuis le onzième siècle, ne demeurèrent pointstériles; elles formèrent insensiblement cette universalitéd'études, qui constituèrent au moyen âge les universités.Celle d'Angers est une des plus anciennes d'Europe. Lesrois de France et les comtes d'Anjou la prirent sous leurprotection immédiate, et lui accordèrent d'immensespi'iviléges, avec le titre de a très-chère et très-aiméefille. n Par ce changement les évêques d'Angers per-dirent les droits et l'influence, que longtemps ils avaientexercés sur l'école épiscopale.

D'abord, l'Université d'Angers ne posséda qu'une fa-

Avant que l'Université (l'Angers ,t'ett une faculté de médecine,cotte science était exercée dans ]a capitale de l'Anjou, par lesmoines et les prêtres. Sous Foulques V, comte d'Anjou et roi deJérusalem, un moine do - l'abbaye de Saint-Nicolas, nommé Jean,s'était acquis nue grande réputation par ses cures. (.Epit. fuS.S. Nicol. Andeqav., p. 56.) Mais lit plupart des moines s'étantservis de la médecine pour faire un.tral'ie honteux, le sixième canon(lu concile tenu à Beims, on 1131, leur interdit cette profession.(Labb., ConS., t. X, p. 982.) Depuis cette époque, les prêtres etles laïques eurent seuls le droit d'exercer la médecine. Avant lexvi0 siècle, les médecins laïques étaient obligés de vivre dans lecélibat. En I 452, ne pouvant plus observer le joug de cette loi, ilspressèrent tant le cardinal d'Estouteville, ancien évôque d'Angers,chargé de réformer l'Université de Paris, et lui présentèrent sousdes couleurs si vives les tentations auxquelles ils étaient sans cesseexposés, qu'ils obtinrent la permission de se marier. Les médecinsétaient alors divisés en deux classes les médecins physiciens et lesmédecins mirrhes. Les premiers donnaient leurs consultations surl'inspection des urines et étaient jugeurs d'eau; les seconds répit-raient les fractures des os et amputaient les membres.

2 Pitseus. De iUust. Angl. script, p. 312.— Matth. Paris., 1/nt..tlngi., fol. 372.

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cuIté, celle de droit civil et de droit Canon. Ce ne fut queplus tard, à la fin du quatorzième siècle, ou même aucommencement du quinzième siècle, qu'elle eut desfacultés de théologie, de médecine et des arts.

L'affluence des étudiants était si grande, qu'avantl'année 1383, oh avait été obligé de les diviser en dixnations ; à cette' époque elles furbnt réduites à cinq: lapremière était celle d'Anjou, qui comprenait les étu-diants de l'Anjou, de la Touraine et des pays étrangers;les quatre autres étaient celles de Bretagne, du Maine,de Normandie et d'Aquitaine. En 4398, on ajouta unesixième nation, celle de France.

Les grands priviléges dont jouissaient tous les membresde l'Université, avaient sans doute beaucoup contribué àaugmenter le nombre de ses officiers ou suppôts; car,outre le recteur, le chancelier et les docteurs régents ,elle avait un procureur général, un grand bédeau, quidevait être licencié en droit, six bédeaux généraux,quatre bédeaux des facultés, deux bourgeois prêteursd'aigent aux étudiants, sans autre intérêt que la jouis-sance des priviléges; trois libraires et trois parcheminiers.Chaque nation avait encore un procureur, un ou plu-sieurs messagers, un hédeau à masse; enfin les profes-seurs avaient aussi tin bédeau à verge, qui les précédaitdans les cérémonies.

t Tous les buis fonctionnaires de l'université d'Angers portaient,les jours de fûtes, une robe avec une épitoge écarlate, fourréed'hermine. La chausse des docteurs en droit était de moire rouge,doublée d'hermine; celle des docteurs en théologie était noire,doublée de violet et bordée d'hermine. Au moyen âge, les chi-nomes de la cathédrale portaient, en ville, le bourrelet et la chaussesur l'épaule, comme les membres de l'Université. A l'entrée deCharles Vil à Angers, le recteur de l'Université marchait auprès duroi et tenait la bride de sou cheval. Lorsque Louis XII ÇinL à An-gers, en 1409, il fut hurangu é N r lu recteur Étienne b3oysrond.

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En 1364, le roi Charles V, t la sollicitation de sonfrère Louis 4CF duc d'Anjou, assigna à l'Universitéd'Angers pour conservateurs de ses priviléges, le séné-chai d'Anjou, le prévôt d'Angers et leurs lieutenants'.Plus tard, en 1474, Louis Xi donna aux 9fficiers del'hôtel-de. ville, la juridiction de la conservation des pri-viléges de l'Université ;tfliais Charles VIII, en 11483,rendit cette juridiction au sénéchal d'Anjou, et aitd'Angers . A l'exemple des rois de France, les pontifesiomains accordèrent-à l'Université d'Angers, de nom-breux témoignages de leur sollicitude. Pour faciliterle développement des études, les papes Urbain V, Clé-ment VII, Benoît Xlii et Jean XXIII, dispensèrent lesélèves de l'Université, d'assister aux offices religieux.

'l'otite cette jeunesse ardente qui se pressait dans lacapitale de l'Anjou, donnait àlavieille cité gallo-romaine,une animation qui balançait avantageusement la tris-tesse qu'eût fait naître la multitude des moines, quiencombraient ses rues sombres etétroites. Parfois cettejeunesse se livrait à des ébats qui mettaient le repos etlit des bons bourgeois en danger. Souvent desrixes s'en suivaient et des condamnations à mort; maisles étudiants avaient soin de ne se laisser pendre qu'eneffigie.

Louis XI, pour mettre un terme à leurs désordres,rendit le 12 mars 1478, une ordonnance portant « que

• 1 Par ses lettres de 1306, Charles y renouvela et étendit 'n l'Uni-versité d'Angers les lettres de Philippe'le-Be), qui voulaient queles docteurs et écoliers ne pussent Èflre arrêtés pour dettes, endonnant caution, ni mt',ne pour crime, k moins qu'il ne fét grave;et qu'alors on les emprisonnât pour les garder, et non pas pour lespunir; qu'on leur fournit les vivres convenables; enfin, que leurpunition fût toujours moins sévère que ne l'aurait été celle de tout.autre couçble. (Privilégcs de l'Université d'Angers, p. j-16.)- ' A ud ours, :\lss tIc la hi hI. d'Angers.

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ci nul écolier de quelque état ut' condition qu'il soit, s'ilu n'est noble, vivant noblement et suivant les armes, ne« soit tant osé que de porter des armes de jour ou de« nuit, sur peine d'être mis prisonnier pendant huit«jours au pain et à l'eau, d'être fouetté par les carre-ci fours, et ensuite banni de la ville. Ceux qui seront« trouvés attroupés et armés auront, pour la première« fois, les oreilles coupées, et mêmes punitions seront« infligées à ceux qui enlèveront des fèmmes contre leuru volonté '. n

Montaigne dit dans ses Essais, que les grandes passionsfont les grands caractères. Cette judicieuse observationpeut s'appliquer aux étudiant d'Angers, qui aimaientles gais ébattements, la vie tumultueuse et les airs despadassin ; mais qui profitaient en même temps desdoctes enseignements de leurs maîtres.

Pendant le moyen âge, les chaires dé droit canon etde droit civil de l'Université d'Angers, furent occupéespar des professeurs dont les noms sont restés célèbrestels que, Jean de Kent ; Guillaume le Maire, évêqued'Angers, en 1290; Mathieu Ferrant, chancelier doFrance; Guillaume Bouet, évêque de Bayeux '; Guy deMayenne; Pierre de Latilly, évêque de Châlons et chan-celier de France en 43J3 ; Pierre d'Arablay, cardinal,archevêque de Toulouse et chancelier de France en 1346;Foulques de Mathefelon, évêque d'Angers en 1323;Arnaud d'Yorck, moine de Saint-Florent de Saumur;le cardinal Étienne de Bourgueil, archevêque de Tours,en 4323 ' Raoul de la Flèche, archevêque de Saint-

tiobert, Recueil des privi liges de la ville et mairie d'Angers,P. 1077.

2 Il fonda à Paris, en 1398, le collége de Baveux.Le collége de Bourgueil fut créé par lui, pour les étudianis et

I os pauvres clercs de son diocùso.

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&Brieuc, en 1330; Pierre de la Forêt, chancelier deFrance. .en 4349, évêque de Paris, puis archevêque deRouen et cardinal; le maître-école, Pierre Bertrand,évêque d'Autun et cardinal; Guillaume de la Vente,évêque d'Alby; le cardinal Guillaume de Chanac, évêquede Chartres et de Mende; Bertrarid de Chanac, arche-vêque de Bourges; le cardinal Cille de Belle-Mère,évêque d'Avignon ; Grégoire Langidis, évêque de Sées;Henri d'Avaugour, archevêqtie de Bourges, en 1424Thibault Le Moine, évêque de Chartres, en 4434; ClaudeLiger, lieutenant du sénéchal d'Anjou, qui le premieren France enseigna le droit français (4437); Philippede Cœtquis, cardinal-archevêque de l'ours, mort en 4441;Jean Bernard, archevêque au mêiie siège, en 4445; lerecteur Yves de Scépeaux, conseiller au parlement deParis, enfin le juge , d'Anjou, Jean Binel, ambassadeurde Charles VIII, à .Venise.

Mathieu Ménage, député de l'Université au concile deBill e, en 4432, illustra la faculté de théologie; de mêmeque Jean Miche], premier médecin de 4 Cliarles VIII, futune des gloires de la faculté de médecine.

La vieille école' de la rue de l'Eguillerie étant deve-nue trop exigu, les six nations de l'Université firentconstruire à leurs frais, en 4444, près de l'église Saint-Pierre, de vastes bâtiments qui reçurent le nom, d'abord'de .Maison des Moulins, puis de Grandes-Écoles. Pourperpétuer l'origine de ce monument, chaque nation plaçases armoiries 1 sur une des fenêtres.

L'Université d'Angers portait pour blason de gueules, â l'angedebout le vol abaissé d'or, tenant devant lui un livre ouvert d'azur,chargé des notas J esus, Maria, abrégés en lettres d'or (pl. 4 n. I et 2).La nation d'Anjou avait pour armes d'azur, semé de fleurs de lisd'or, â l'épée d'argent, la garde d'or posée en pal 4 dextre, et 4 se-nestre une crosse de même (pi. 2, n. 'I). La nation de l3retngne

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- 23 -On suivait à Angers, comme dans toutes les écoles de

France, la philosophie d'Aristote. L'étude des lettres seréduisait au moyen âge à des définitions; on ne con-naissait, on ne cultivait en fait de langue que le latin.La licence se conférait dans la salle synodale de l'évêchéet la remise du bonnet de docteur était toujours accom-pagnée de fêtes brillantes. Les étudiants célébraient éga-lement la fête de leur patron ', le jour par des cérémo-nies religieuses, et la nuit par des scènes de désordredignes des saturnales antiques.

Comme les abus s'introduisaient facilement parmi cepeuple aux gais ébats, on fut fréquemment obligé deréformer ses statuts pour en faire revivre la discipline.Une de ces réformes eut lieu le 7 juillet 1373, dansl'église Saint-Maurille, sous l'épiscopat d'Hardouin deBueil. Le 28 avril 1494, Nicole de Hacqueville, prési-dent des enquêtes, et Jacques Daniel, conseiller, ré-formèrent aussi l'Université d'Angers par ordre deCharles VIII t

portait d'hermine (ibid., n. 2). Le blason tic la nation du Moineétait d'or, à la croix de gueules, chargées d'une clef d'argent et deti'ois chandeliers d'église de même; au chef de Fronce (ibid., n. 3);celui do la nation de Normandie de gucu?es, à deux léopards pas-sant l'un sur l'autre d'or, armés et larnpussés d'azur (n. 4). La na-tion d'Aquitaine portait pour armes d'azur, à trois couronnesd'or posées 2 et I (n. 5), enfui, la nation de France avait pour bla-son: d'azur, 4 trois fleurs de lis do,' (u. 6).

Chaque nation étant placée sous un patronage différent, il yavait autant de fêtes que de nations. La nation du Naine ouvrait lamarche du plaisir; elle avait pour protecteur saint Julien, qu'ellehonorait le 27 janvier. Le 3 février, jour de saint Biaise, était celui(lue la nation (['Aquitaine fètait. Le 43 février, la nation d'Anjou seréjouissait en l'honneur de saint Lezin. La nation de Bretagne chô-mait, le 49 mai, la fête de saint Yves. Le 4 juillet, la nation deNormandie poussait ses hourrahs d'allégresse; le 8 décembre, à laConception de la vierge.

En 1395, les étudiants ayant commis (le graves désordres, le

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- 24 -Mais la phis grande, la plus utile des réformes fut

l'oeuvre de Guttenberg. Introduite à Angers, dès sonapparition, elle y répandit abondamment ses bienfaits.La Coutume d'Anjou et la Rhétorique de Cicéronfurent les premiers livres sortis des presses angevines.Ils produisirent dans l'Université une profonde sensa-tion, qui fut l'éclair précurseur d'une nouvelle ère.

Avec Colomb, Gaulée et Luther, disparut le moyenâge. Sous l'influence féconde de leur génie s'ouvrit enFrance la Renaissance. Dès lors, c'en fut fait de l'esprithumain, lie nouvelles idées germèrent dans le inonde.L'Université d'Angers s'associa au mouvement intellec-tuel. Elle ne trembla que devant les doctrines de Des-cartes développées par les Oratoriens. Cependant, ellecontinua dé voguer à pleines voiles dans les sphères del'intelligence, jusqu'à ce qu'elle fût heurtée par la révo-lution et qu'elle sombrât en 4792.

De la vieille école épiscopale et de l'Université d'An-gers, il ne reste plus que le souvenir des services qu'ellesrendirent à l'humanité en formant des savants tels queMarbold et Geoffroy de Vendôme, René Choppin et Poc.quet de Livonnière, Huygens et Buffon. Après avoirrcu la vie intellectuelle de l'école angevine, ces illustra-tions et une infinité d'autres, lui léguèrent en échangeune part de leur immortalité.

parlement de Paris envoya à Angers deux députés pour rétablir tapaix dans le CQFS universitaire. De cette époque, date la créationdes recteurs de l'Université d'Angers. Sans causer ht suppressiondes maîtres-écoles, ils devinrent les chefs de l'Université, tandisque les scolastiques n'en furent plus que les chanceliers. Alainde La Hue fut te premier investi des fonctions de recteur; il ne lesquitta que pour monter sur le trône épiscopal de Saint-Brieuc, oùil décéda.

Rhetorica ,iova. - Andegavi, Jean. de Turre et Morelli, 1470,petit in-4'

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