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8 RUE FEROU 75278 PARIS CEDEX 06 - 01 55 42 84 00 JUILLET 08 Mensuel OJD : 29887 Surface approx. (cm²) : 339 Page 1/1 ESPCI 9413226100507/GMS/MJL Eléments de recherche : ESPCI ou Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles : à Paris 5ème, toutes citations Les phaiaropes (ici Phalaro batus lobatus] utilisent la ten sion superficielle pour faire monter l'eau dans leur bec a mesure qu ils l'ouvrent et le ferment A cause de l'amm cissement progressif de l'espace dans le bec, les côtes de la goutte proche de la bon che f en haut, f lèche rouge] et proche de l'extrémité du bec [fleche verte) reagissent dif feremment a chaque mouve- ment du bec Ces différences conduisent a la progression de la goutte Grâce à la forme de son bec et à la tension superficielle, un oiseau au long bec boit et se nourrit sans effort es phaiaropes sont des limicoles, c'est- a dire des petits echassiers qui vivent dans les zones humides tels les riva- ges marins Ce sont des oiseaux eton- ZZI nants Ainsi, au moment de la nidification, les rôles des sexes sont inverses par rapport aux autres espèces les mâles couvent les oeufs tandis que les femelles défendent le territoire Autre carac- téristique leur methode de pêche Ils décrivent des cercles dans l'eau de façon a creer une sorte de tour- billon qui fait remonter a la surface les petits crusta ces dont ils se nourrissent Pourcefaire, les phaiaropes extraient l'eau goutte a goutte, a raison d une proie par goutte en moyenne Cependant, leur bec étant vertical, comment ces gouttes peuvent-elles défier la gravite et remonter jusqu a la bouche ? Manu Prakash et John Bush, de l'Institut de technologie du Massachusetts a Cambridge, avec David Quere, de l'Ecole superieure de physique et de chimie indus- trielles de Pans, ont repondu a cette question c'est grâce a la tension superficielle Dans l'eau, les molécules sont plus attirées par leurs voisines que par l'air qui entoure le liquide, de sorte que la surface de contact avec I air est minimale les gouttes d'eau sont quasi sphenques Autre conséquence, les liquides tendent a migrer vers les zones les plus étroites, par exemple vers les plus petits trous d'une eponge Or l'espace entre les deux par- ties du bec de phalarope est maximal pres de l'ex- tremite du bec et minimal au niveau de la bouche L'eau a tendance a « remonter » dans le bec Toutefois, la pesanteur ainsi que les défauts présents sur le bec contrecarrent le mouvement de l'eau dans le bec de l'oiseau, qui réagit par des mouvements des mandibules A l'aide d'une camera rapide et d'un bec artificiel, les physiciens ont etu die le comportement de l'eau dans une telle situa- tion Lorsque le bec s'ouvre, la partie la plus étroite du bec est la partie haute, proche de la bouche A cause de l'effet d'aspiration, le liquide tend a remon- ter spontanément vers la bouche Quand le bec se ferme les zones de contact s accroissent et l'ex- tremite superieure de la goutte se rapproche encore de la bouche Le phénomène dépend du matériau dont est fait le bec, de sa mouillabihte et de la qualite de l'eau De fait, les phaiaropes et les quèlques autres espèces qui utilisent également la tension super- ficielle pour se nourrir sont tres sensibles aux pol- luants qui modifient les propriétés de l'eau, tels le petrole et les détergents On connaissait plu- sieurs illustrations de la tension superficielle, par exemple le fait que les feuilles de lotus ou du magno- lia ne sont pas mouillables (les gouttes d'eau ne s y étalent pas), ou que certains insectes marchent sur l'eau Le mode d'alimentation des phaiaropes en est un nouveau qui interesse les spécialistes de la microfluidique certains souhaitent s'inspirer du bec de ces oiseaux pour guider des liquides dans divers dispositifs Loic Mangin Science vol 320 pp 931 934 2008

Grâce à la forme de son bec et à la tension superficielle, un oiseau

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Page 1: Grâce à la forme de son bec et à la tension superficielle, un oiseau

8 RUE FEROU75278 PARIS CEDEX 06 - 01 55 42 84 00

JUILLET 08Mensuel

OJD : 29887

Surface approx. (cm²) : 339

Page 1/1

ESPCI9413226100507/GMS/MJL

Eléments de recherche : ESPCI ou Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles : à Paris 5ème, toutes citations

Les phaiaropes (ici Phalarobatus lobatus] utilisent la tension superficielle pour fairemonter l'eau dans leur bec amesure qu ils l'ouvrent et leferment A cause de l'ammcissement progressif del'espace dans le bec, les côtesde la goutte proche de la bonche f en haut, f lèche rouge]et proche de l'extrémité du bec[fleche verte) reagissent differemment a chaque mouve-ment du bec Ces différencesconduisent a la progressionde la goutte

Grâce à la forme de son bec et à la tension superficielle,un oiseau au long bec boit et se nourrit sans effort

es phaiaropes sont des limicoles, c'est-a dire des petits echassiers qui viventdans les zones humides tels les riva-ges marins Ce sont des oiseaux eton-

ZZI nants Ainsi, au moment de la nidification,les rôles des sexes sont inverses par rapport auxautres espèces les mâles couvent les œufs tandisque les femelles défendent le territoire Autre carac-téristique leur methode de pêche Ils décrivent descercles dans l'eau de façon a creer une sorte de tour-billon qui fait remonter a la surface les petits crustaces dont ils se nourrissent Pourcefaire, les phaiaropesextraient l'eau goutte a goutte, a raison d une proiepar goutte en moyenne Cependant, leur bec étantvertical, comment ces gouttes peuvent-elles défierla gravite et remonter jusqu a la bouche ? ManuPrakash et John Bush, de l'Institut de technologiedu Massachusetts a Cambridge, avec David Quere,de l'Ecole superieure de physique et de chimie indus-trielles de Pans, ont repondu a cette question c'estgrâce a la tension superficielle

Dans l'eau, les molécules sont plus attirées parleurs voisines que par l'air qui entoure le liquide, desorte que la surface de contact avec I air est minimaleles gouttes d'eau sont quasi sphenques Autreconséquence, les liquides tendent a migrer vers leszones les plus étroites, par exemple vers les plus petitstrous d'une eponge Or l'espace entre les deux par-ties du bec de phalarope est maximal pres de l'ex-tremite du bec et minimal au niveau de la boucheL'eau a tendance a « remonter » dans le bec

Toutefois, la pesanteur ainsi que les défautsprésents sur le bec contrecarrent le mouvement del'eau dans le bec de l'oiseau, qui réagit par desmouvements des mandibules A l'aide d'une camerarapide et d'un bec artificiel, les physiciens ont etudie le comportement de l'eau dans une telle situa-tion Lorsque le bec s'ouvre, la partie la plus étroitedu bec est la partie haute, proche de la bouche Acause de l'effet d'aspiration, le liquide tend a remon-ter spontanément vers la bouche Quand le becse ferme les zones de contact s accroissent et l'ex-tremite superieure de la goutte se rapproche encorede la bouche

Le phénomène dépend du matériau dont estfait le bec, de sa mouillabihte et de la qualite del'eau De fait, les phaiaropes et les quèlques autresespèces qui utilisent également la tension super-ficielle pour se nourrir sont tres sensibles aux pol-luants qui modifient les propriétés de l'eau, tels lepetrole et les détergents On connaissait plu-sieurs illustrations de la tension superficielle, parexemple le fait que les feuilles de lotus ou du magno-lia ne sont pas mouillables (les gouttes d'eau nes y étalent pas), ou que certains insectes marchentsur l'eau Le mode d'alimentation des phaiaropesen est un nouveau qui interesse les spécialistes dela microfluidique certains souhaitent s'inspirerdu bec de ces oiseaux pour guider des liquidesdans divers dispositifs

Loic Mangin

Science vol 320 pp 931 934 2008