Gouvernace d'Ese

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    Communication pour les neuvimes journes dhistoirede la comptabilit et du management

    Jeudi 20 et Vendredi 21 mars 2003CREFIGE - UNIVERSITE PARIS-DAUPHINE

    AVEC LE SOUTIEN DE LASSOCIATION FRANCOPHONE DE COMPTABILITE

    LA GOUVERNANCE D'ENTREPRISE HRITIREDE CONFLITS IDOLOGIQUES ET PHILOSOPHIQUES

    Stphane TRBUCQ

    Matre de confrences l'Universit Montesquieu Bordeaux IV (CRECCI)

    29 rue de la Cape, rs.Biarritz Apt F/28 33200 Bordeaux

    tl:05 56 02 64 61, fax: 05 56 37 00 25

    email : [email protected]

    Rsum :La gouvernance d'entreprise, thmatique reste

    longtemps marginalise, a pris depuis une dizained'annes une importance croissante. Ce sujet, traitalternativement sous un angle plutt stratgique,financier, ou comportemental a donn naissance des

    thories contradictoires. Ces divergences rsultent plus profondment de clivages idologiques et

    philosophiques. Les ides philosophiques manantd'auteurs tels que Machiavel, Kant, ou encore Locke etMarx, permettent de comprendre la diversit desapproches thoriques. Les conceptions diffrentes propos de la nature de l'homme et de la meilleureorganisation de la socit qui sont les leurs

    apparaissent irrconciliables, et rendent improbable laconstitution d'un cadre thorique unifi.

    Mots-cls : gouvernance d'entreprise, gouvernementd'entreprise, thorie, politique, idologie, philosophie

    Abstract :Corporate governance, as a subject, has long been

    marginalized. The number of articles dedicated to ithas also dramatically increased in the past ten years.The field has been investigated in several dimensions,

    mainly in corporate strategy, in corporate finance and

    in organizational behavior. Thus, each academicdiscipline has set up some rather different theoreticalviews. But these differences also can be explained byold ideological and philosophical conflicts. Philosophic ideas from authors like Machiavel and

    Kant, or Locke and Marx are essential to understandthe contemporenous theories of corporate governance.They have irreconcilable points of view about thenature of man, and the optimal way to organize society. For this reason, a unification of governance theorieswill probably be a hard task.

    Keywords :corporate governance, theory, politics,ideology, philosophy

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    Dsormais, la gouvernance des entreprises apparat sans conteste comme un des thmes

    centraux de la gestion. Son principal objet est d' "expliquer la performance organisationnelle

    en fonction des systmes qui encadrent et contraignent les dcisions des dirigeants"

    (Charreaux 1999). Formule de la sorte, la paternit d'une telle thorie de la gouvernance

    pourrait tre revendique juste titre par des auteurs tels que Fama (1980), ou bien encore

    Fama et Jensen (1983a et b), mme si l'on se rfre plus frquemment aux travaux de Berle et

    Means (1932) consacrs la sparation entre proprit et dcision. Mais on ne saurait en

    conclure pour autant l'unanimit des multiples approches ralises en matire de

    gouvernance. En l'occurrence, comme le souligne Charreaux (1999), nous avons affaire la

    coexistence de plusieurs "paradigmes concurrents". C'est ainsi, par exemple, que la thorie

    positive de l'agence ou la thorie des cots de transaction ne sont nullement exclusives

    lorsqu'on envisage l'instauration d'une coopration sociale efficiente. D'aucuns pourront y voir

    l'avatar de controverses historiques rcurrentes propos notamment de la nature mme de

    l'Homme, ou des fondements des droits de proprit, voire mme de la finalit confre

    l'entreprise. De fait, on peut observer une troite imbrication entre le champ de la

    gouvernance d'entreprise et celui de la philosophie politique. Comme le rappelle fort

    pertinemment Brennan (1994), Adam Smith, qui fut l'un des premiers citer l'existence de

    conflits d'intrts entre dirigeants et actionnaires (Recherches sur la Nature et les Causes de la

    Richesse des Nations, 1776), n'tait pas professeur d'conomie mais bel et bien professeur de

    philosophie morale l'universit de Glasgow. C'est peut-tre l une des raisons qui rend les

    dbats de gouvernance si indissociables de tout prsuppos idologique (Pesqueux 2000). Le

    propre de l'idologie n'est-il point d'ailleurs d'influencer ou d'orienter, ft-ce leur insu, les

    promoteurs de telle ou telle pense thorique (Lalande 1999:459) ? Arguant d'un

    positionnement pistmologique positiviste, de nombreux auteurs de finance et de

    comptabilit ont tent de se rfrer des thories de gestion qu'ils estimaient neutres

    politiquement, s'exonrant de facto de toute polmique idologique (Friedman 1953). Mais,

    l'vidence, une telle stratgie est dsormais largement battue en brche par de nombreux

    dtracteurs. Ceux-ci voient notamment dans les fondements de la thorie positive de l'agence,

    ou dans ceux de la thorie des marchs efficients et de ses modles associs, comme par

    exemple l'valuation des actifs financiers (MEDAF), un paradigme d'essence profondment

    librale (Charreaux 19871, Franckfurter & McGoun 1999). Selon eux, un tel paradigme se

    1

    Ainsi pour Charreaux (1987), "[] la thorie positive de l'agence comporte galement des implicationsidologiques, le plus souvent absentes de la thorie normative. Dans la mesure o elle repose sur le postulatfondamental [stipulant] que les formes contractuelles sont en concurrence et que seules les plus adaptes

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    trouve par trop focalis sur la maximisation de la valeur pour les actionnaires. Ils considrent,

    en outre, qu'il est fond, d'une faon quelque peu caricaturale et dangereuse sur l'intrt

    personnel et l'gosme (Brennan 1994:32). Dans un tel contexte, les dbats relatifs la

    gouvernance que les uns souhaiteraient actionnariale, et les autres partenariale, mritent

    amplement d'tre relancs la lumire de leurs fondements philosophiques. C'est dans une

    telle optique que nous nous livrerons, tout d'abord, la dtermination des diffrentes options

    susceptibles de conduire des thories antagonistes en termes de gouvernance d'entreprise.

    Nous procderons ensuite l'identification des fondements historiques et philosophiques

    primordiaux susceptibles d'engendrer les principaux clivages affectant les diverses approches

    thoriques de la gouvernance.

    1. Prsentation et typologie des principales thories de la

    gouvernance

    Pralablement la prsentation des thories de la gouvernance, et la construction d'une

    typologie, il semble souhaitable d'apporter quelques prcisions historiques leur propos. Si

    l'on retient la base de donnes Umi-Proquest rfrenant les articles de revues anglo-

    saxonnes, l'un des premiers articles mentionnant le thme de la gouvernance, figure dans la

    revue amricaine Industry Week(Perry 1975). La gouvernance ('corporate governance') estalors liste parmi les grands thmes appels mobiliser les entreprises en vue de transformer,

    terme, leur mode d'organisation. Mais ce n'est qu' partir des annes 90 que le sujet prendra

    un rel essor, la suite du rapport Cadbury (1992) et de la monte en puissance des

    investisseurs institutionnels2 (voir tableau n1 et graphique n1 en annexe 1). Nous verrons

    survivent, elle conduit invitablement des conclusions normatives. En particulier, les conclusions de la thorie

    positive en matire de thorie de la firme sont d'essence librale et s'inscrivent dans le courant de l'conomie desdroits de proprit." [termes souligns par l'auteur de cet article].2

    L'anne 2002 marque apparemment un nouveau tournant, se caractrisant par l'explosion des publications serfrant au thme de la gouvernance, notamment, la suite des diffrents scandales financiers survenus auxEtats-Unis.

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    que la structuration des thories modernes de la gouvernance n'est gure antrieure leur

    vulgarisation.

    Si l'ensemble de ces publications se rfre, plus ou moins explicitement, aux thories pr-

    existantes, il n'en demeure pas moins vrai que la gouvernance a t largement apprhende en

    fonction des diffrents prismes disciplinaires inhrents aux sciences de gestion (voir tableau

    n1 et graphique n2 en annexe 1). Durant la priode 1985-1996, la gouvernance apparat en

    effet comme un thme relevant plus particulirement de la stratgie. En revanche, entre les

    annes 1997 et 2001, la majorit des articles associe la gouvernance la finance. Quant

    l'anne 2002, suite la falsification de certains comptes de socits amricaines, elle fait de la

    gouvernance une thmatique rattache principalement la comptabilit, et accessoirement la

    finance. A cela se sont ajoutes au dbut des annes 1990, quelques publications se rfrant

    au champ d'tude des comportements organisationnels ('Organizational Behavior'). Une

    approche plus fine des problmatiques de gouvernance qui ont pu tre envisages selon des

    angles thoriques tout fait diffrents, notamment en fonction de la primeur accorde aux

    aspects financiers, stratgiques ou comportementaux, s'avre dsormais souhaitable.

    1.1 Les principales thories de la gouvernance

    L'article de Jensen & Meckling (1976), intgrant la thorie de l'agence, la thorie des

    droits de proprit et la thorie financire afin d'aboutir une thorie de la structure de

    proprit de la firme, a inspir la plupart des recherches menes ultrieurement dans une

    optique financire. L'orthodoxie retient comme objectif assign au dirigeant (agent) la

    maximisation de la richesse de l'actionnaire (principal), et la ncessit de contrler le dirigeant

    afin de limiter l'expression de son opportunisme (Williamson 1985). En raction ce courant

    de pense, Freeman et Reed (1983) recommandent d'largir le cadre d'analyse de l'agence,

    trop focalis sur le seul intrt des actionnaires, et ce, afin de mieux orienter la stratgie de la

    firme. L'entreprise est alors cense servir non pas l'intrt exclusif des actionnaires, mais aussi

    celui de la socit toute entire. Les dirigeants sont alors incits prendre en considration les

    intrts, parfois contradictoires, de toutes les parties prenantes, c'est--dire, selon l'acception

    la plus large, l'ensemble des groupes ou individus identifiables pouvant affecter ou tre

    affects par la poursuite des objectifs de la firme. Les soupons, prsents dans la thorie de

    l'agence, au sujet du comportement des dirigeants ont galement aliment, partir de 1986, un

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    Ces trois approches thoriques proposent naturellement des cadres d'analyse et de

    reprsentation des ralits de la gouvernance la spcificit bien marque. Il convient

    prsent d'examiner les diffrences permettant de les identifier.

    1.2 Diffrences majeures entre les thories de la gouvernance

    Au-del des diffrences existant entre les approches financires, stratgiques et

    comportementales, des clivages plus profonds peuvent tre identifis. L'une des causes

    majeures d'antagonismes rside dans les divers modles de l'homme que prsupposent ces

    thories.

    1.2.1 La recherche de l'intrt personnel

    L'article de Jensen & Meckling, dit en 1994, est en l'occurrence, particulirement

    rvlateur. Les deux auteurs ont publi cet article sur la "nature de l'homme" tardivement, la

    premire version de celui-ci tant contemporaine de leur article majeur paru en 1976. Pour

    eux, l'enjeu rsidait dans la dmonstration de la supriorit de leur modle comparativement

    aux autres approches d'inspiration conomique, sociologique, psychologique, ou politique3.

    Selon Jensen (1994), la qute des individus dsireux de satisfaire leur intrt personnel, et la

    dfinition des bons systmes incitatifs demeurent des lments majeurs et incontournables.

    Cependant, en croire Davis Schoorman et Donaldson (1997), la thorie de l'intendance

    supple certaines omissions de la thorie de l'agence en prenant en considration d'autres

    facteurs, de nature diffrente.

    - Les uns sont psychologiques, et intgrent les rcompenses intrinsques (autonomie,

    enrichissement de ses propres connaissances, varit et contenu de son travail), les

    ressorts d'identification (volont et fiert d'appartenance), les besoins d'influence et

    de pouvoir personnel (rattach non pas tant la position hirarchique du dirigeant,

    mais plutt au respect et l'expertise issues de la russite collective de l'entreprise).

    3Comme le font remarquer Davis, Schoorman et Donaldson (1997), les cots d'agence ne constituent pas les

    seuls facteurs susceptibles d'expliquer l'impossibilit d'atteindre une performance suprieure. Il serait

    certainement judicieux d'intgrer l'analyse d'autres lments comme l'habilet des individus, leur niveau deconnaissances, leurs effets d'apprentissage ainsi que leur degr d'information. La prise en compte de telslments pourrait dboucher sur une nouvelle organisation de la gouvernance d'entreprise.

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    - Les autres peuvent tre qualifis de contextuels, et dpendent de l'importance

    accorde aux valeurs thiques, et la confiance en fonction des turbulences

    environnementales, et des diverses cultures en prsence.

    Jensen (1994) considre nanmoins que si l'honntet, l'honneur et la confiance, et mme

    l'altruisme, sont des conditions ncessaires au bon dveloppement des changes et des

    activits bnfiques, de telles valeurs ne sont nullement incompatibles avec la recherche de

    l'intrt personnel. Le mme auteur estime, en l'occurrence, que l'une des difficults majeures

    rside dans la divergence des intrts personnels, et l'imprieuse ncessit de rduire les cots

    rsultant d'ventuels conflits. Pour tout dire, l'application envisageant les relations bilatrales

    entre dirigeants et actionnaires peut tre logiquement tendue d'autres catgories. Hill &

    Jones (1992) ont d'ailleurs fait une proposition, en ce sens, en formulant une thorie de

    l'agence gnralise l'ensemble des stakeholders, tout en levant l'hypothse d'efficience des

    marchs financiers. L'analyse reste ainsi axe sur les modalits d'un alignement des intrts

    respectifs des dirigeants sur ceux des diffrentes parties prenantes. Mais, pour autant, cela

    n'exclut point que des ressources consommes conformment cette optique partenariale

    puissent ventuellement provoquer un appauvrissement des actionnaires.

    1.2.2 Fonction objectif et proprit de la firme

    Dans un article plus rcent, Jensen (2000) s'lve formellement contre une thorie

    prconisant la maximisation des richesses en faveur de l'ensemble des parties prenantes. De

    son point de vue, il s'agit l d'une tentative de politisation de la fonction objectif de la firme, a

    priori nuisible. Il considre que le seul indicateur valable de la performance doit demeurer la

    cration de valeur actionnariale, et ce, dans une optique de long-terme. Quant aux problmes

    d'abus de situations monopolistiques ou d'externalits ngatives, ils doivent rester sous la

    responsabilit exclusive des Etats et des gouvernements. Aussi, toute dpense engage au

    nom du principe de responsabilit sociale ou socitale ne pourrait, toujours selon Jensen

    (2000), que pnaliser la comptitivit des entreprises places dans un environnement

    concurrentiel.

    Inversement, d'autres chercheurs, l'instar de Blair (1995), n'hsitent pas remettre en

    question le fondement classique des droits de proprit de la firme, gnrant un management

    focalis sur la cration de valeur actionnariale. Les investissements spcifiques raliss au

    sein de la firme par les salaris eux-mmes, par le biais de leurs savoirs et savoir-faire

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    spcifiques, permettent d'ajouter au capital de la firme, usuellement financier, une dimension

    immatrielle et humaine non ngligeable. Si l'entreprise souhaite conserver ce capital humain,

    elle doit alors logiquement en rmunrer ses apporteurs, savoir ses propres salaris. Ds

    lors, ces derniers peuvent tre considrs comme des investisseurs au mme titre que les

    actionnaires. Le concept de cration de valeur actionnariale apparat, dans ces conditions, fort

    rducteur. De mme, si l'on retient une optique de dveloppement durable ou soutenable

    (' sustainable development'), la transmission aux gnrations futures d'un environnement

    prserv s'ajoute au devoir de protection de l'intrt des actionnaires. Des considrations

    thiques peuvent galement tre mises en exergue. Il en va ainsi de la ncessit du respect des

    droits de l'homme, et du dveloppement de relations harmonieuses avec l'ensemble des parties

    prenantes (clients, fournisseurs, employs, communauts locales,). On peut concevoir une

    extension du champ d'analyse jusqu'aux actions philanthropiques, comme le suggrent Porter

    et Kramer (2002) en montrant de quelle faon des investissements cibls peuvent amliorer la

    qualit de l'environnement de la firme, et s'avrer galement extrmement rentables pour

    celle-ci.

    On voit ainsi se profiler diffrentes options, lorsqu'il s'agit d'aborder les problmes de

    gouvernance. Elles peuvent tre tributaires de l'extension du cadre d'analyse slectionn. En

    effet, si celui-ci peut tre restreint aux relations dirigeants-actionnaires (thories de l'agence et

    de l'intendance), il peut, au contraire, devenir beaucoup plus global, si l'on intgre l'ensemble

    des parties prenantes (thorie gnralise de l'agence et thorie partenariale). Il s'agit, aussi, de

    dterminer si l'individu tudi est rgi uniquement l'aune de son intrt particulier (thories

    de l'agence), ou s'il est mu en priorit par l'intrt gnral de son organisation, et au-del, par

    celui de la socit toute entire (thorie de l'intendance et thorie partenariale).

    Certains conflits ou controverses, de nature idologiques ou philosophiques, expliquent en

    partie les diffrences constates non seulement en matire de dfinition des cadres d'analyse

    de la gouvernance, mais galement en ce qui concerne les pr-supposs au niveau des

    systmes individuels de prfrences.

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    2. Les conflits idologiques et philosophiques prsents dans

    les thories de la gouvernance

    Comme le fait remarquer Donaldson (1990:370), une des rfrences majeures la thorie

    de l'agence, prcdant la publication de Jensen & Meckling (1976), appartient aux sciences

    politiques (voir l'article de Mitnick 1975). De mme, les travaux prcurseurs d'Adam Smith

    (1776), abordant certains problmes d'agence, posent finalement une srie de questions

    politiques relatives l'organisation idale de la cit. Quant l'individualisme mthodologique

    retenu dans les modles de gouvernance, il conduit des problmatiques gnrales de conflit

    et de coopration, pouvant tre rattaches au champ des sciences politiques. Il est donc permis

    de penser que certaines idologies politiques, pouvant prendre galement leur racine dans des

    dbats de nature philosophique, aient pu largement inspirer la gouvernance contemporaine.

    Les deux paragraphes suivants sont prcisment consacrs la recherche d'ventuelles

    controverses historiques, tant idologiques que philosophiques, toujours prsentes dans les

    thories actuelles de la gouvernance.

    2.1 Les conflits idologiques influenant les thories de la gouvernance

    Dahl relevait, ds 1959, un tonnant silence propos des relations susceptibles d'exister

    entre les ides politiques et les sciences de gestion. Plus rcemment, Vogel (1996) note une

    progression des problmatiques associes la responsabilit sociale et socitale des

    entreprises. Ces questions ont t finalement intgres dans les rflexions socio-politiques,

    tel point que Nyborg (2000) a propos, l'chelle individuelle, le passage d'un "Homo

    Economicus" un "Homo Politicus". Ce dernier peut alors opter, au gr des circonstances,

    soit pour un point de vue de consommateur, en prenant en considration son intrt personnel,

    soit pour un positionnement de citoyen, moins goste et soucieux du bien-tre collectif. La

    vision d'un "Homo Economicus" maximisateur peut alors tre qualifie de rductrice, et

    charge de surcrot de quelques connotations idologiques. S'inscrivant en faux contre

    l'opinion, communment admise, selon laquelle les grants de fonds de pension et les

    investisseurs institutionnels sont uniquement mus par une logique financire de court-terme,

    Hawley & Williams (2002) estiment que de tels acteurs, particulirement influents, optent en

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    ralit pour une dmarche globale de long terme, incluant des proccupations extra-

    financires telles, par exemple, que le dveloppement durable.

    2.1.1 Thorie de l'agence et libralisme

    Selon Lazonick & O'Sullivan (2000), le crdo de la maximisation de la valeur

    actionnariale, si tant est qu'il puisse tre mis en uvre, appartient clairement une vision

    idologique de la gouvernance. L'origine de ce courant doit tre replace dans son contexte

    historique, celui des annes 70, une priode o la plupart des entreprises amricaines taient

    confrontes de srieuses difficults de comptitivit, face leurs homologues japonaises.

    Les conomistes amricains l'origine de l'essor des thories constractualistes taient

    convaincus de la supriorit du march (sur les entreprises), en tant que mcanisme efficient

    d'allocation des ressources. Si l'on en croit Lazonick & O'Sullivan (2000), "ces conomistes

    taient opposs idologiquement au pouvoir pouvant tre exerc par des managers", ces

    derniers tant susceptibles d'orienter mauvais escient les ressources et la rentabilit de la

    firme. Les thoriciens de l'agence ont alors pos un cadre confrant aux actionnaires une

    position centrale, tout en consacrant comme mcanisme rgulateur, la discipline externe

    exerce par le march, via les offres publiques d'achat.

    Selon Frankfurter & McGoun (1999), la croyance dans la supriorit du march, suppos

    naturellement efficient, constitue la pierre angulaire des thories financires librales dont

    l'objectif premier est la maximisation de richesse des actionnaires. Ces auteurs estiment

    particulirement spcieux l'usage du terme "efficient". Ils l'estiment par d'une connotation

    implicitement positive, en phase avec l'thique protestante, alors qu'en ralit les mcanismes

    de march peuvent prsenter de nombreux cueils (myopie des dirigeants et des investisseurs,

    comportements mimtiques et bulles spculatives, rpartition parto-optimale conduisant

    exclure certains individus, incapacit de valoriser certains aspects). Toutefois, dans un cadre

    gnralis de la thorie de l'agence, Hill & Jones (1992) ont propos de lever cette hypothse

    ou cette croyance de marchs efficients, en postulant l'existence d'inefficiences et de pouvoirs

    dsquilibrs entre les diffrentes parties prenantes.

    Les thoriciens de l'agence ont galement opt pour un individualisme radical (Frankfurter

    & McGoun 1999:160) conduisant dlaisser les dcisions intgrant l'influence des

    comportements de groupe, ou encore l'influence des institutions (Doucouliagos 1994:881). En

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    ce sens, selon Bohren (1998), le modle principal-agent n'intgre pas l'quit. Il s'agit pourtant

    d'une notion pourtant fondamentale, laquelle nombre d'individus accordent beaucoup

    d'importance. En effet, selon la thorie de l'agence, le principal ne ressentira aucun remord si

    l'agent travaille trop longtemps ou peroit une rmunration trop faible. De mme, dans les

    modles d'agence, le dirigeant n'aura aucun scrupule falsifier l'information, s'il se sait l'abri

    des consquences rsultant d'un tel agissement. Il agira ainsi en toute rationalit, afin

    d'optimiser son avantage le rapport effort personnel-rmunration personnelle. L'agent

    n'prouve aucun cas de conscience. Il agit et dtermine ses actions en fonction de sa situation

    contractuelle. Naturellement, dans un modle multi-priodique, les effets de rputation

    pourront venir rduire les tentations d'un usage malhonnte de l'information. Par ailleurs,

    Bohren (1998) dnonce la conception passablement matrialiste de la thorie de l'agence,

    mettant en scne un agent insatiable, pre au gain, et dsirant accrotre sans cesse sa

    rmunration tout en rduisant ses efforts.

    Plus fondamentalement, la thorie de l'agence puise sa logique dans les ides des courants

    libraux amricains qui se sont fortement opposs au XIXme sicle aux visions sociales des

    rpublicains civiques (Kaen & al. 1988). Les libraux doutent, contrairement aux rpublicains

    civiques, qu'un dveloppement spontan des valeurs morales puisse merger du seul fait d'une

    participation active des citoyens aux diffrentes institutions. En consquence, les libraux

    appellent de leurs vux des systmes plaant les institutions hors de porte d'individus

    opportunistes, avides de pouvoir des fins strictement personnelles. Si les rpublicains

    civiques proposent au sein de l'entreprise un partage du pouvoir avec les employs, selon une

    logique sociale et dmocratique, les libraux, en revanche, n'y sont gure favorables. Ces

    derniers postulent (sous rserve de l'existence d'une lgislation anti-trust prennisant les

    mcanismes normaux de fixation des prix par le march), la compatibilit entre les intrts

    conomiques des propritaires de l'entreprise et ceux de la socit toute entire.

    Dans une optique librale, il importe de laisser agir le march, et de favoriser la libre

    entreprise des individus. La sparation entre proprit et dcision, pouvant aboutir un

    dtournement de l'entreprise en faveur d'intrts personnels (managriaux), serait toutefois

    contraire un bon dveloppement de la socit, sachant que les actionnaires doivent tre

    considrs comme la source de financement essentielle des entreprises. Les libraux

    affirment, par consquent, la suprmatie de l'intrt des actionnaires, pourvoyeurs des

    capitaux ncessaires la croissance conomique. Dans les annes 60, l'ide d'une entreprise

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    dirige par une technostructure, et faisant peu appel au march (Galbraith 1967), a pu laisser

    penser la quasi-inutilit des actionnaires. Paralllement, pendant les Trente Glorieuses, et

    dans un contexte de guerre froide, les dirigeants ont mme pu se considrer, un temps, comme

    les garants d'un systme dmocratique et libral, avec pour mission premire de satisfaire les

    demandes des parties prenantes et d'empcher les "conflits de classes". L'impratif ultrieur

    consistant accrotre la comptitivit des entreprises amricaines a alors ncessit une thorie

    financire adapte. Les rsultats de Samuelson (1965), Mandelbrot (1966) et Fama (1970), en

    faveur de l'efficience des marchs, sont alors entrs au service d'une idologie librale (Kaen

    & al. 1988:815), naturellement confiante dans la valorisation du march, et soucieuse de la

    proprit des actionnaires.

    2.1.2 Thorie partenariale et socialisme

    A l'inverse, il est intressant de noter que les approches marxistes fournissent un guide de

    conduite conformment certains impratifs thiques ne figurant pas dans des thories telle

    que celle de l'agence (Corlett 1998). La vision propose n'en est pas moins conflictuelle,

    puisqu'elle oppose les intrts des employeurs ceux des ouvriers (salaris). Les relations de

    travail sont poses en termes d'alination, d'exploitation et d'oppression. L'analyse marxiste

    met en scne des luttes de pouvoir entre classes, avec la reprsentation d'un individu li ausort de sa communaut d'intrt, en qute d'un bonheur individuel et collectif. Les notions de

    justice redistributive et d'quit prennent dans ce cadre d'analyse une place primordiale, avec

    naturellement pour corollaire la condamnation sans appel de la proprit prive, et de

    l'investisseur se rclamant du systme capitaliste. L'entreprise n'est donc plus tourne vers la

    maximisation du profit. Elle est, par ailleurs, dote de responsabilits morales vis--vis de ses

    salaris, notamment en termes de respect de la dignit des individus, et d'absence d'alination

    ou d'exploitation. En ce sens, la thorie des parties prenantes semble reprendre son compte

    une bonne partie de ce programme, avec notamment chez Blair (1995) la volont clairement

    affiche de procder une refondation des droits de proprit en faveur des salaris, au nom

    des investissements en connaissances spcifiques qu'ils ralisent dans leur entreprise. On

    retrouve l une rsurgence d'ides d'inspiration socialiste, ou encore, empruntes aux

    rpublicains civiques. Toutefois, les projets marxiste et partenarial ne peuvent tre totalement

    assimils au moins pour deux raisons fondamentales. Tout d'abord, la thorie partenariale ne

    recommande aucun programme de collectivisation. Et en outre, comme le note Corlett

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    14

    (1998:102), la thorie marxiste reste absolument muette propos des questions

    environnementales.

    Ainsi, si de nombreux auteurs reconnaissent aujourd'hui l'inspiration librale de la thorie

    actionnariale, il semble tout aussi important de reconnatre l'existence d'une idologie

    contestataire et socialiste inspirant la thorie partenariale. Toutefois, plus fondamentalement,

    la connaissance de certaines conceptions philosophiques peut paratre encore plus clairante

    pour comprendre les approches contemporaines de la gouvernance.

    2.2 Les conflits philosophiques influenant les thories de la gouvernance

    Au-del de l'expression de sensibilits politiques diffrentes, la varit des thories de la

    gouvernance peut s'expliquer par l'existence de divergences, d'une part, dans le domaine de la

    philosophie des sciences ou encore de l'pistmologie, et d'autre part, dans le domaine des

    philosophies politiques nes ds le XIVme sicle, et poursuivant leur volution jusqu'au

    XIXme sicle.

    2.2.1 Les conflits pistmologiques

    Sur un plan pistmologique, deux coles poursuivant des finalits diffrentes semblent

    s'affronter. Faut-il disposer d'une thorie de l'agence reposant sur un modle de l'homme

    simplifi, prenant appui sur des hypothses fausses et outrancires, mais utiles pour raliser

    des prdictions, comme le suggrent les tenants de la doctrine philosophique nominaliste

    (Donaldson 1990:372) ? Faut-il, l'inverse, laborer une thorie de l'intendance plus raliste,

    fonde sur les vritables motivations de l'individu afin de mieux comprendre les processus dedcision, comme le prconise l'cole raliste ? Pour leur part, Jensen & Meckling (1994)

    demeurent profondment convaincus de la capacit suprieure (prdictive) des modles

    postulant que tout individu est guid avant tout par son intrt personnel. Donaldson

    (1990:373) prsente, quant lui, une srie d'arguments en faveur de comportements plus

    complexes, bass sur l'altruisme, la loyaut, l'thique, ou la satisfaction intrinsque retire du

    travail. Il y a probablement l une fausse querelle pistmologique. On pourra en effet

    difficilement nier l'existence de comportements opportunistes dans des entreprises

    managriales, venant vrifier des thories comme celles de l'agence. On pourra galement

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    15

    prsenter des cas de socits familiales correspondant mieux au cadre propos par la thorie

    de l'intendance, avec le dveloppement de relations de confiance. Il serait, par consquent,

    plus raliste de reconnatre la co-existence possible de plusieurs cadres thoriques permettant

    d'laborer plus ouvertement des codes de gouvernance adapts aux situations. C'est ainsi que

    compte tenu des diffrences de degr d'asymtrie d'information existant entre une entreprise

    managriale et une entreprise familiale, il serait fort hasardeux de proposer des rgles

    uniformes de gouvernance4.

    2.2.2 Les conflits de philosophie politique

    Les querelles de philosophie politique, dont on peut retrouver les traces dans diffrentes

    thories de la gouvernance moderne, sont probablement plus marques. Cela tient

    l'existence d'approches de la socit et de l'Homme radicalement opposes. Une premire

    possibilit consiste observer la nature humaine telle qu'elle est. La pense raliste de

    Machiavel (1513), puisant son inspiration dans les prches du florentin Savonarole, ou encore

    dans la morale antique cicronienne et stocienne (voir Bergs 2000), penchera pour la vision

    d'un Homme dnu a priori de la moindre bont, et qu'il faudra guider vers la vertu. De

    mme, Smith (1776) considre, qu' l'chelle individuelle, l'intrt particulier l'emporte le plussouvent sur l'intrt collectif. Et pourtant, mme si leurs argumentaires diffrent, Mandeville

    (1714) et Smith (1776) estiment que la poursuite de l'intrt personnel contribue promouvoir

    le bien-tre collectif. La thorie de l'agence, fonde sur l'intrt personnel, semble s'inscrire

    dans la continuit de ces courants de pense. En ce sens, celle-ci n'a pas vocation traiter

    directement de la question de l'intrt collectif.

    A l'oppos, Kant (1785) voque la notion d'impratif catgorique (voir Bohren

    1998:750), sous-jacente aux dveloppements de la thorie de l'intendance. Selon lui,

    l'individu ne peut s'exonrer de certains critres d'ordre thique, comme par exemple la

    ncessit d'une conscience des devoirs envers la socit, et d'une attitude altruiste.

    S'agissant de la dfinition de la firme, la thorie de l'agence s'appuie sur la thorie des

    droits de proprit, dont les promoteurs s'avrent quelque peu amnsiques quant leurs

    sources philosophiques (voir par exemple Barzel 1997). De fait, celle-ci trouve ses

    4

    Les liens supposs entre une bonne gouvernance et une performance financire leve peuvent d'ailleurs tre probablement mis en doute dans le cas des entreprises familiales, dont les dispositifs de contrle moinsstructurs et plus informels ne semblent pas empcher leur surperformance.

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    16

    fondements dans les ides mises par Occam (1320), puis ultrieurement par Locke (1690)

    (voir sur ce point Amann 1999:16). Locke est en effet l'un des premiers avoir lgitim le

    droit de proprit afin d'assurer la protection du bien commun et des droits naturels. A

    contrario, on observe chez Rousseau (1762) une vision plus pessimiste des droits de

    proprit, qui dbouchera sur les systmes utopiques de co-proprit et de co-dcision

    proposs par Fourier (1829) ou Proudhon (1846). Ces auteurs ont recherch l'tablissement de

    relations sociales harmonieuses, bases sur la confiance, et permettant un meilleur

    panouissement de l'individu. De telles conceptions sont effectivement prsentes au sein de la

    thorie de l'intendance.

    La thorie de l'agence et de l'intendance partagent toutefois une approche centre

    uniquement sur quelques acteurs majeurs, essentiellement les dirigeants et les actionnaires.

    Ces deux thories restent fondes sur la notion de libert des individus. L'approche marxiste

    semble en la matire beaucoup plus suspicieuse, tout en optant pour un point de vue beaucoup

    plus global. Pour les tenants d'un tel systme, si l'on veut remdier aux conflits sociaux

    rcurrents, il semble ncessaire d'encadrer les individus5, de remettre en question les droits de

    proprit, et de promouvoir un nouveau systme de valeurs, fond sur l'quit et la recherche

    du bonheur. Les promoteurs de la thorie des parties prenantes apparaissent anims par une

    logique tout fait similaire6. Ainsi, Argandoa (1998) estime-t-il qu'une fondation possible de

    la thorie des parties prenantes pourrait rsider dans le concept de "bien commun". La socit

    n'est donc plus pense comme une somme d'intrts particuliers, mais comme un bien global

    indispensable, partag par un ensemble d'individus interdpendants. La transcendance du bien

    commun est telle, que tout intrt personnel allant son encontre est exclu. En consquence,

    le bien commun ne correspond ni au profit, ni la cration d'emplois, ni au prestige des

    dirigeants, mais renvoie la mission de l'entreprise et de ses parties prenantes, savoir crer

    des richesses et les partager de faon quilibre, tout en cherchant amliorer les conditions

    de vie des gnrations futures (voir aussi Shankman 1999 et Handy 2002). Wijnberg (2000)

    5 Comme le font remarquer Maignan & Ferrell (2000:284), les contextes amricains et franais sont ce niveau

    tout fait diffrents. La libre entreprise est considre aux Etats-Unis comme la principale source de cration derichesse contribuant au bien-tre collectif. A l'inverse, en France, la protection sociale relve d'un systme plusdirigiste, pris en charge par l'Etat. A titre d'illustration, on peut citer l'initiative rcente de la France, consistant imposer aux entreprises la publication d'un rapport "dveloppement durable", prsentant les consquences deleur activit en matire sociale et environnementale. Une telle initiative n'est gure envisageable aux Etats-Unis,les entreprises tant juges parfaitement capables d'apprcier l'opportunit de publier de telles informations.6

    Shankman (1999:323) confirme la vision plus globale de la thorie partenariale. Hummels (1998) citegalement les publications de Mitroff (1983) ou Boatright (1994) contestant la nature des relations liant les

    dirigeants aux actionnaires, et niant le statut de propritaire confr aux actionnaires. Par ailleurs, la thorie partenariale est porteuse de la promesse d'une attnuation des conflits si les parties prenantes sont traitesquitablement.

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    propose d'approfondir le concept de mesure du Bien pour l'ensemble des parties prenantes

    partir de conceptions et de rflexions aristotliciennes.

    Conclusion

    Ainsi dcrite, la gouvernance contemporaine apparat comme indissociablement lie

    l'histoire des ides politiques et philosophiques. On notera que les critiques rcentes

    formules par Brennan (1994), l'encontre de la thorie de l'agence, sont pas sans rappeler

    celles dont l'uvre de Machiavel fit l'objet en son temps. Faut-il voir l'Homme tel qu'il est

    avec ses travers intrinsques, ou bien faut-il le sublimer tel qu'on voudrait qu'il ft ? N'est-ce

    point l un dilemme intemporel renvoyant notamment aux crits de Machiavel et de Kant ?

    De mme, au travers des dbats consacrs la proprit de l'entreprise, attribue tantt aux

    actionnaires tantt aux stakeholders, n'est-ce point l encore la poursuite d'ides qui furent

    inities par Locke ou Marx ? Sans doute est-on ici en prsence de sources de controverses

    d'ordre philosophique, qui ne manqueront pas de continuer influencer les modlisations

    thoriques, et par voie de consquence les pratiques de gouvernance.Comme nous avons pu le montrer, les problmatiques contemporaines de gouvernance ne

    sont pas traites au sein d'un cadre thorique unifi. La diversit des thories existantes est

    non seulement l'expression de sensibilit politiques7 diffrentes, mais galement la rsultante

    de conceptions philosophiques de l'Homme et de la vie en socit irrductibles et

    irrconciliables. Un tel constat tend rendre des plus improbable toute tentative d'unification

    des thories de la gouvernance. Il importe, par consquent, de bien prendre conscience des

    clivages idologiques fondamentaux et des sources d'opposition philosophique, ds lors qu'il

    s'agit de penser, d'organiser ou de laisser se dvelopper la vie conomique et sociale. Une

    meilleure comprhension des thories de la gouvernance devrait galement passer par une

    lecture ou une relecture, toujours plus attentive, des diverses sources philosophiques

    nourrissant les dbats contemporains. Coker (1990) et Werhane (2000) n'ont-ils point montr,

    par exemple, quel point les crits de Smith ont pu tre dforms et mal compris par les

    thoriciens de l'agence, au point de commettre de grossires erreurs d'interprtation ? Ainsi,

    7 D'autres sources de divergences thoriques, notamment religieuses et thologiques, pourraient galement treproposes (dans la ligne de la pense de Weber 1905, voir Peyrefitte 1995 et Collins 2000).

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    Annexe 1Donnes longitudinales sur les publications se rfrant au thme

    de la gouvernance d'entreprise au sein de la base de donnes Umi-Proquest

    Tableau n1Dnombrement des articles se rfrant la gouvernance d'entreprise dans la base Umi-Proquest

    Articles utilisant

    'corporate governance' et'strategy'

    Articles utilisant

    'corporate governance' et'organizational behavior'

    Articles utilisant

    'corporate governance' et'finance'

    Articles utilisant

    'corporate governance' et'accounting'

    Articles utilisant

    'corporate governance'

    1985 4 0 0 1 13

    1986 1 0 1 0 13

    1987 3 0 0 0 20

    1988 2 0 2 2 27

    1989 1 0 0 2 27

    1990 8 3 2 3 49

    1991 10 0 7 5 48

    1992 9 1 5 10 741993 24 12 20 65 325

    1994 26 8 21 25 321

    1995 32 10 31 23 447

    1996 41 10 27 26 428

    1997 31 3 37 33 418

    1998 34 9 44 31 469

    1999 31 13 64 37 519

    2000 27 6 58 31 541

    2001 36 5 66 39 652

    2002 54 5 124 214 1297

    Source utilise : Umi-Proquest.

    Graphique n1

    Articles se rfrant au thme de la gouvernance d'entreprise

    (source : base de donnes Umi-Proquest)

    0

    200

    400

    600

    800

    1000

    1200

    1400

    1975 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001

    Annes de publication

    Nombred'article

    Source utilise : Umi-Proquest.

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    20

    Graphique n2

    Articles se rfrant au thme de la gouvernance d'entreprise et aux aspects

    soit de stratgie, soit de comportement organisationnel, soit de f inance, ou soit

    encore de comptabilit (source : base de donnes Umi-Proquest)

    0

    50

    100

    150

    200

    250

    1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001

    Annes de publication

    Nombred'article

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