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68 Koreana | Automne 2008 ESCAPADE Gong ju, une harmonieuse union de montagnes, fleuves et cultures Située au cœur de la province de Chungcheongnam-do, Gongju fut la seconde capitale de Baekje (18 av. J.-C. - 660), un royaume à la culture originale qui y connut un essor dont attestent aujourd’hui encore des vestiges aussi splendides que leur cadre naturel où s’unissent montagnes et fleuves. Na Tae-joo Poète | Ahn Hong-beom Photographe e par sa conformation topographique caractérisée par un emplacement au creux d’un bassin entouré de hautes montagnes, la ville de Gongju est généreusement pour- vue par la nature en beauté et harmonie, à l’intersection du parc national de Gyeryongsan, dont les temples sont aussi nombreux que célèbres, et du fleuve Geumgang qui l’arrose. Elle comporte en outre des monuments datant de la préhistoire et du royaume de Silla (57 av. J.-C. - 935), ainsi que des vestiges artistiques de celui de Baekje, qui a connu son apogée en cette ancienne capita- le, autant d’aspects culturels d’un grand attrait qui vont de l’aube de l’humanité aux temps modernes, en passant par l’époque des Trois Royaumes (57 av. J.C. - 935). En ces lieux dont rien ne vient troubler la sérénité, monta- gnes, fleuves et cultures se côtoient en toute harmonie. Une sombre légende emportée par les flots du Geumgang Troisième fleuve sud-coréen après le Hangang et le Nakdonggang, le Geumgang s’écoule d’est en ouest au centre de la ville, tandis qu’en amont, son cours sinueux traverse les reliefs accidentés d’un important massif montagneux offrant un impres- sionnant spectacle, puis dans sa partie moyenne, il parcourt un bassin continental et une plaine alluviale bien développée qui permit l’établissement de la civilisation ancienne de Baekje en la dotant d’abondantes récoltes et d’une géographie propice au développement de moyens de transport pratiques en toute direc- tion. Signifiant « rivière de la soie », le nom Geumgang évoque des flots paisibles dont le bruissement est presque impercepti- ble à celui qui n’y prête pas une oreille attentive et ignore de ce fait dans quel sens ils s’orientent, d’autant que l’aménagement de barrages en amont a considérablement réduit le débit de ce fleuve, qui retrouve son cours généreux et ample lors des précipi- tations estivales. Le Geumgang est porteur d’une funeste légende associée à la ville de Gongju. Il y a fort longtemps, vivait un jeune chasseur qui, parti un jour à la chasse, découvrit une ourse endormie dans la montagne. Alors qu’il s’apprêtait à la percer d’une flèche, il arrêta son tir, soudain pris de compassion. Réveillée par les bruits alen- tour, l’ourse, soudain éprise du chasseur, l’emporta jusqu’à la grotte qu’elle habitait au bas de la hauteur, non loin de la rivière, et dont elle referma l’entrée à l’aide d’un rocher pour le retenir prisonnier. Un ou deux mois plus tard, la bête engrossée mit un enfant au monde, et apaisée par cette naissance, se mit en quête D

Gongju,koreana.kf.or.kr/pdf_file/2008/2008_AUTUMN_F068.pdf · En ces lieux dont rien ne vient troubler la sérénité, monta- ... ble à celui qui n’y prête pas une oreille attentive

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ESCAPADE

Gongju,une harmonieuse union de montagnes, fleuves et cultures

Située au cœur de la province de Chungcheongnam-do, Gongju fut la seconde capitale de Baekje (18 av. J.-C. - 660), un royaume à la culture originale qui y connut un essor dont attestent aujourd’hui encore des vestiges aussi splendides que leur cadre naturel où s’unissent montagnes et fleuves.

Na Tae-joo Poète | Ahn Hong-beom Photographe

e par sa conformation topographique caractérisée par un emplacement au creux d’un bassin entouré de hautes montagnes, la ville de Gongju est généreusement pour-

vue par la nature en beauté et harmonie, à l’intersection du parc national de Gyeryongsan, dont les temples sont aussi nombreux que célèbres, et du fleuve Geumgang qui l’arrose. Elle comporte en outre des monuments datant de la préhistoire et du royaume de Silla (57 av. J.-C. - 935), ainsi que des vestiges artistiques de celui de Baekje, qui a connu son apogée en cette ancienne capita-le, autant d’aspects culturels d’un grand attrait qui vont de l’aube de l’humanité aux temps modernes, en passant par l’époque des Trois Royaumes (57 av. J.C. - 935).

En ces lieux dont rien ne vient troubler la sérénité, monta-gnes, fleuves et cultures se côtoient en toute harmonie.

Une sombre légende emportée par les flots du Geumgang

Troisième fleuve sud-coréen après le Hangang et le Nakdonggang, le Geumgang s’écoule d’est en ouest au centre de la ville, tandis qu’en amont, son cours sinueux traverse les reliefs accidentés d’un important massif montagneux offrant un impres-sionnant spectacle, puis dans sa partie moyenne, il parcourt un bassin continental et une plaine alluviale bien développée qui

permit l’établissement de la civilisation ancienne de Baekje en la dotant d’abondantes récoltes et d’une géographie propice au développement de moyens de transport pratiques en toute direc-tion.

Signifiant « rivière de la soie », le nom Geumgang évoque des flots paisibles dont le bruissement est presque impercepti-ble à celui qui n’y prête pas une oreille attentive et ignore de ce fait dans quel sens ils s’orientent, d’autant que l’aménagement de barrages en amont a considérablement réduit le débit de ce fleuve, qui retrouve son cours généreux et ample lors des précipi-tations estivales.

Le Geumgang est porteur d’une funeste légende associée à la ville de Gongju.

Il y a fort longtemps, vivait un jeune chasseur qui, parti un jour à la chasse, découvrit une ourse endormie dans la montagne. Alors qu’il s’apprêtait à la percer d’une flèche, il arrêta son tir, soudain pris de compassion. Réveillée par les bruits alen-tour, l’ourse, soudain éprise du chasseur, l’emporta jusqu’à la grotte qu’elle habitait au bas de la hauteur, non loin de la rivière, et dont elle referma l’entrée à l’aide d’un rocher pour le retenir prisonnier. Un ou deux mois plus tard, la bête engrossée mit un enfant au monde, et apaisée par cette naissance, se mit en quête

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Gongju,une harmonieuse union de montagnes, fleuves et cultures

Gongju

Coucher de soleil sur le Geumgang, fleuve qui arrose la ville de Gongju de ses flots soyeux et a contribué à l’épanouissement de la civilisation antique de Baekje.

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1 Longtemps considéré comme un site sacré en raison de sa situation favorable du point de vue de la géomancie, le Mont Gyeryongsan a servi de refuge à la population en période de trouble, accueillant aussi la pratique des rites du chamanisme et de différents groupes religieux.

2 Premier sanctuaire de Gongju, le Temple de Magoksa abrite six trésors nationaux, dont une pagode de pierre et de saintes écritures bouddhistes, mais c’est aussi dans ses murs que se réfugia Kim Gu (1876-1949), dans les premières années du Grand Empire Han, après avoir mené le mouvement de résistance à l’occupation japonaise.

de quelque pitance en laissant dégagée l’ouverture de sa grotte. Mettant à profit cet oubli momentané, le chasseur prit alors ses jambes à son cou pour gagner la rivière et monter à bord d’une barque et, comme il approchait de l’autre rive, lui parvinrent les pleurs de l’ourse, alors il se retourna et aperçut l’animal qui tenait le nourrisson dans ses bras et l’exhortait à revenir d’un signe de sa patte, tout en pleurant à chaudes larmes. Cependant, plutôt que de faire volte-face, il reprit sa traversée tandis que l’ourse se précipitait et périssait dans les flots avec l’enfant. Depuis lors, chaque année apporta son lot de maigres récoltes et noyades dans les eaux tumultueuses du fleuve, de sorte que l’on fit édifier un temple près du lieu où la bête était morte afin de calmer ses tourments.

C’est de cette embarcation où mourut l’animal que la région tira son toponyme de « Gomnaru », dont la transcription chinoise (熊津) se lit « Ungjin » en coréen, et qu’elle conserva jusque dans les premiers temps du royaume de Goryeo (918~1392), plus préci-sément en l’an 940, où elle prit alors le nom de Gongju.

Le Mont GyeryongsanS’élevant à huit cent quarante-cinq mètres d’altitude, le Mas-

sif de Gyeryongsan offre le magnifique paysage d’une vingtaine de cimes sculptées par l’érosion hydraulique et dont l’enchaı̂nement rocheux est tout à fait évocateur du dragon à crête de coq que dénote leur nom. À l’époque des Trois Royaumes, cette chaı̂ne fut répertoriée parmi les cinq principales que compte le pays et, sous la dynastie Joseon (1392~1910), il fut même envisagé d’y établir la capitale en raison de sa situation au centre du territoire.

Bénéficiant d’une topographie et d’un environnement naturel exceptionnels qui lui ont valu son classement en parc national arrivant en deuxième position après celui de Jirisan, le Massif de

Gyeryongsan fut en outre doté sur ses deux versants de plusieurs temples qui l’embellissaient plus encore et dont subsistent à nos jours ceux de Donghaksa à l’est, de Sinwonsa au sud et de Gapsa à l’ouest, outre l’emplacement de celui de Guryongsa sur sa face nord, ce qui fait de lui le seul relief coréen comptant des sanctuai-res aux quatre points cardinaux.

Réputé pour les pratiques ascétiques et la foi ardente de ses bonzesses, le premier d’entre eux abrite en outre l’Univer-sité bouddhiste de Donghak où ces religieuses se consacrent à l’étude. Des ruisseaux au lit profond et aux eaux cristallines apportent une note romantique sur les bords du chemin menant à ce sanctuaire composé de pavillons édifiés à la gloire des deux valeurs confucéennes que sont la fidélité et la piété filiale et qui émanent de l’alliance naturelle du bouddhisme et du confucianis-me. Presque intégralement détruits pendant la Guerre de Corée, ces édifices allaient être reconstruits en 1975.

Quant au Temple de Sinwonsa, qui s’élève sur la face méri-dionale du Mont Cheonwhangbong appartenant au Massif de Gye-ryongsan, l’annexe, dite Jungakdan, en est plus imposante que le pavillon central. Sous l’influence de la religion folklorique, les sanctuaires coréens comportent pour la plupart de vastes bâtis-ses renfermant les châsses des Dieux de la montagne que dési-gne le terme « Sanshingak », tout en se trouvant plutôt à l’écart de bâtiments principaux aux dimensions encore plus importantes. À l’inverse, celle du Jungakdan présente la particularité d’adopter l’architecture d’un palais royal, ainsi que son implantation, car sa construction, réalisée sous le règne du roi Gojong (r. 1863-1907), c’est-à-dire dans les derniers temps de la dynastie de Joseon, avait pour objectif, à la demande de l’impératrice Myeongseong, d’abriter des cérémonies de prière appelant à la paix du royaume.

Aux confins occidentaux du Massif de Gyeryongsan, se dresse le Temple de Gapsa, qui égale en réputation celui de Donghaksa

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parce qu’il abrite le monument dédié à Younggyudaesa, lequel prit la tête des moines qui combattirent l’envahisseur japonais en 1592, puis à plusieurs reprises ultérieurement, jusqu’en 1598. Le printemps venu, l’éclosion par milliers des fleurs de prunellier jaunes ravit le regard du promeneur.

Cette évocation des temples de Gongju ne saurait omettre celui de Magoksa, un lieu saint tout aussi important que grandio-se, puisque lui sont rattachés les trois premiers cités précédem-ment. Il se niche au pied du Mont Taehwasan qui s’élève au-delà du Massif de Gyeryongsan et dont l’altitude moindre produit en revanche un effet plus humain et plaisant. Le promeneur y accède par un sentier qui ondule agréablement sur le relief vallonné, comme au rythme de la musique, et tout en y cheminant, s’absor-be dans une réflexion sur les grands thèmes du bouddhisme pour délaisser un temps ambitions et chagrins de ce monde, car par-delà les préceptes essentiels qu’enseignent les religieux, l’idée d’avoir situé de telles constructions en pleine zone montagneuse exhorte aussi à renoncer à tout désir de possession et à appré-

hender l’univers par les mouvements du corps. Ainsi en va-t-il des temples de Gongju, aussi nombreux que

variés par leur histoire et leur beauté, car tandis que certains dégagent une impression de force virile, d’autres possèdent à l’inverse un charme et une douceur toutes féminines, mais sur leur Massif de Gyeryongsan, ils apportent la démonstration qu’une belle montagne ne peut qu’abriter un beau temple, ainsi que l’illustration des grandeurs et décadences de Gongju.

Éclats de la culture de BaekjeÀ Gongju, sont visibles les traces d’une présence humaine

qui remonte à l’époque du paléolithique, puis de celle des Trois Royaumes où elle fut capitale et connut un véritable âge d’or culturel au cours des soixante-trois années où se succédèrent leurs quatre souverains, pour enfin se convertir en un centre d’activités culturelles et administratives.

Lors des inondations de 1964, l’effondrement d’une berge de l’agglomération de Seokjang-ri, en révélant des déblais d’origine

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préhistorique, allait déclencher des fouilles archéologiques qui se prolongeraient des dizaines d’années durant et jetteraient les bases de la recherche préhistorique coréenne, tout en attestant d’une ascendance paléolithique par la mise au jour de vestiges vieux de cinq cent mille à trente mille années, objets de la vie quotidienne et poteries témoignant d’une présence humaine à l’ère du prépaléolithique et du paléolithique moyen. De tels res-tes ont permis de découvrir que ces premiers hommes vivaient en groupes de huit à dix individus qui maı̂trisaient le feu et, au sein du Musée de Seokjang-ri qui a été construit sur ce site, ils retracent ainsi les différentes étapes de la préhistoire coréenne.

Tout aussi indissociables de la ville de Gongju, les monu-ments qui datent du royaume de Baekje permettent aujourd’hui encore de sentir souffler l’esprit de cette civilisation vieille d’un millénaire et demi car, de son centre historique à sa périphé-

rie, l’agglomération entière abonde en vestiges divers.À son arrivée dans cette ville, le visiteur se dirigera en pre-

mier lieu vers la forteresse de montagne dite de Gongsanseong, qui aurait abrité l’un des palais royaux de Baekje et où le roi Injo (r. 1623-1649), sous la dynastie Joseon, aurait trouvé refuge dix jours durant lors d’une insurrection. L’histoire dit que le souve-rain avait coutume de prendre appui sur les deux arbres qui s’y élevaient pour scruter l’horizon en direction de Séoul et c’est pour en évoquer le souvenir que fut construit le pavillon dénom-mé « Ssangsujeong », c’est-à-dire le pavillon des deux arbres jumeaux. L’ouvrage fortifié comprend quatre portes monumenta-les situées au sud-est et au nord-ouest et chacune de ses pierres s’imprègne encore de ce lointain passé, mais plus remarquable encore est l’épaisse et vaste forêt qui l’entoure en plein cœur de la ville pour le plus grand plaisir des habitants qui s’y adonnent à

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1 Si l’édification de la forteresse de Gongsanseong répondait au besoin de défendre Gongju, la capitale de Baekje, d’éventuels envahisseurs étrangers, le pourtour de cet ouvrage vieux d’un millénaire et demi s’agrémente aujourd’hui d’un agréabale parc à la végétation dense.

2 Parmi les nombreuses tombes datant de l’époque des Trois Royaumes, celle du roi Muryeong se singularise par l’identification du souverain qui y repose, ainsi que par l’état intact de sa structure de brique décorée et de toutes les pièces qu’elle renferme.

3 La mise au jour de la tombe du roi Muryeong a livré d’innombrables trésors et objets constituant 2 906 pièces de cent huit types différents, dont dix-sept allaient être classées trésors nationaux.

l’escalade depuis leur plus tendre enfance. Érigée dans le but de repousser l’envahisseur étranger, cette enceinte abrite aujourd’hui un magnifique parc où la population recherche loisirs et délas-sement, tandis que les enfants, tout en marchant, s’y initient de visu à l’histoire de l’ancien royaume et de sa capitale, car l’his-toire n’est pas tant un rapport discontinu au passé qu’un précieux apport spirituel et matériel susceptible d’enrichir le présent.

Suite à la visite des lieux, il convient d’admirer le groupe-ment de sept tombes antiques qui se trouve à Songsan-ri et que l’on considérait comme un spécimen des plus ordinaires de l’art funéraire de Baekje jusqu’à la mise au jour fortuite, lors de tra-vaux de drainage effectués en 1971, de celle du roi Muryeong qui attestait ainsi de leur importance. Préservée de toute intrusion humaine jusqu’à son déblaiement, cette sépulture allait livrer un grand nombre de vestiges, parmi lesquels deux mille neuf cent six pièces ont été répertoriées en cent huit catégories différentes en comptant dix-sept de douze types qui ont par la suite été clas-sées Trésors nationaux. Ces restes allaient aussitôt être trans-férés au Musée national de Gongju pour y prendre place dans un nouveau bâtiment aménagé à cet effet, en raison de leur impor-tance et de leurs dimensions. Au vu des plaques commémorati-ves où figuraient les noms des personnages ensevelis, il s’avéra

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qu’il s’agissait du roi Muryeong et de son épouse gisant côte à côte, celui-ci, vingt-cinquième souverain du royaume (r. 501-523),s’étant illustré par ses réalisations dans le domaine de la protec-tion sociale, de la consolidation du pouvoir royal et de l’accroisse-ment de la présence nationale dans le monde.

Principaux attraitsOutre le Musée national de Gongju et celui de Seokjang-ri, la

ville compte nombre d’autres établissements aux vocations très colorées.

Inauguré en 1997, le Musée de la Forêt de Chungcheongnam-do constitue un espace thématique entièrement consacré à la forêt, à travers un ensemble de salles d’exposition portant sur différents aspects historiques allant des bienfaits et usages divers de ce milieu naturel à son état de dégradation actuel et à ses perspectives d’avenir, tandis qu’à l’extérieur, une importante par-celle boisée propose activités ludiques, installations sportives et terrains de camping. Dans une vaste serre vitrée formant dôme, le visiteur pourra admirer plantes tropicales et subtropicales, tan-dis que le zoo abrite un ours noir de Mandchourie, des sangliers et oiseaux en tous genres, un arboretum et un jardin botanique fournissant par ailleurs de courts itinéraires de randonnée ou de promenade.

Le Musée d’histoire naturelle de Gyeryongsan expose une importante collection de fossiles d’un niveau d’intérêt interna-

tional, tel celui du Brachiosaurus que l’on découvre à l’entrée et qui figure parmi les trois derniers spécimens subsistant aujourd’hui dans le monde. Cette espèce qui vécut sur Terre voilà cent quarante-cinq millions d’années est ici présentée dans une imposante posture et présente une longueur de vingt-cinq mètres sur une hauteur de seize, pour un poids atteignant quatre-vingts tonnes. On pourra en outre y observer un squelette de baleine bleue (Balaenoptera Musculus) qui fut découvert en Corée et sa longueur de trente mètres, ainsi que son poids de cent vingt tonnes, laissent penser qu’il pourrait s’agir du plus grand animal ayant existé au cours des 4,6 milliards d’années que compte l’his-toire de notre planète. La visite s’achève sur des mammouths de Sibérie et la plus vieille momie de Corée.

Le défunt Park Dong-jin (1916~2003), un illustre maı̂tre du « pansori » natif de Gongju, a inspiré la construction d’un centre de formation à cet art afin d’en léguer la maı̂trise à de jeunes talents tout en commémorant le souvenir d’un artiste qui consa-cra envers et contre tout sa vie entière à ce chant et en proposant des cours d’initiation à celui-ci, ainsi que des spectacles et activi-tés diverses à l’intention du grand public.

Mention doit aussi être faite du Musée Woongjin de l’éduca-tion et de sa collection de manuels scolaires allant de l’époque Joseon à nos jours, auxquels s’ajoutent romans antiques, archi-ves et revues, tandis qu’espèces animales rares, insectes et fos-siles du monde entier se trouvent au Musée d’histoire naturelle

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Jidang.De même que la plupart des autres grandes villes de pro-

vince, Gongju comprend des lieux qui commémorent les persécu-tions subies par les premiers catholiques et dans le cas présent, il s’agit de celui de Hwangsaebawui, où périrent deux cent quaran-te-huit martyrs dans les derniers temps de la dynastie Joseon.

Après un recueillement en ces lieux de ferveur, le visiteur se rendra à la cathédrale Jungdong qui s’élève au cœur de la ville, un édifice à la beauté simple dont la construction s’inspira du style gothique médiéval et dont l’excellent état d’entretien suscite en tous la piété, qu’ils soient ou non de confession catholique. Réalisé de 1934 à 1936, il constitue ici l’un des rares bâtiments possédant une architecture contemporaine.

Contrairement aux vestiges déjà évoqués, le champ de bataille d’Ugeumchi réveille le souvenir d’événements relative-ment récents puisqu’il s’agit des soulèvements paysans dits de Donghak que déclenchèrent les invasions impérialistes japonai-ses, en 1894, dans la province de Jeolla-do. Dirigé non seulement contre celles-ci, mais aussi à l’encontre des fonctionnaires spo-liateurs de biens, ce mouvement allait rapidement s’étendre à Gongju, siège du Bureau d’inspection de la province de Chung-cheong-do. C’est à l’entrée méridionale de la ville qu’allaient faire rage les combats entre bandes de paysans, forces alliées au Japon et armée régulière coréenne qui s’affrontèrent jour et nuit toute une semaine, les premiers payant le plus lourd tribut,

puisque seul un millier d’entre eux survécut, le souvenir de ce sacrifice étant commémoré par le cénotaphe qui s’élève sur les lieux.

Centre régionalAncienne capitale de Baekje qui vit

l’apogée de cette civilisation, Gongju occupe une place centrale dans le sud péninsulaire de par sa situation géographique et sa topographie, mais loin des gloires et splendeurs d’antan, elle connaı̂t aujourd’hui un essor assez

limité suite au transfert de la capitale de la province de Chung-cheongnam-do à Daejeon, en 1932, qui la priva de son rôle de centre administratif. De ce fait, elle demeure fortement attachée à ses traditions ancestrales au détriment d’une croissance et d’un développement modernes, attirant nombre de visiteurs pré-cisément en raison de cette richesse culturelle, ce qui ne peut que susciter une réflexion sur le sens de l’histoire. Le tourisme représentant aujourd’hui le secteur industriel qui possède la plus haute valeur ajoutée, Gongju se tient prête à relever le nouveau défi qui se pose à elle dans ce domaine en se fondant sur un patrimoine fait d’histoire de Baekje, de sites du Massif de Gye-ryongsan et d’activités du Geumgang.

Depuis le déplacement de la capitale provinciale, Gongju a su miser sur sa vocation éducative par la création, en 1938, d’une École normale qui attire les meilleurs éléments du pays, de sorte qu’un adage affirme qu’il faut « envoyer un étudiant à Gongju pour qu’il devienne un grand talent ». Si, dans ce secteur comme dans d’autres, il semble aujourd’hui difficile d’endiguer l’actuel mouvement de concentration des activités dans l’agglomération de Séoul, les plus brillants aspirants à la carrière professorale continuent d’accourir à Gongju pour y bénéficier d’une formation toujours aussi remarquable.

Les citadins las du rythme trépidant de la vie moderne qu’ils mènent dans des villes au vacarme éprouvant et à la complexité déconcertante trouveront quant à eux une guérison à leurs maux dans cette ville où se sont superposées au cours du temps des strates successives de culture propres à différentes époques sur une terre ouverte, telle deux mains qui se joindraient en formant un creux pour recuillir de l’eau. Là, s’offrira le choix d’une randon-née au Massif du Gyeryongsan ou sur les berges du Geumgang, ou encore de la découverte de vestiges d’époques diverses qui lui permettront aisément de comprendre qu’aient pu y prospérer des cultures issues de sources variées, mais qui allaient s’y déverser comme autant de cours d’eau pour se mêler dans ces paisibles régions, tant il est vrai qu’encore aujourd’hui, la culture demeure un vecteur d’harmonie et d’unité au creux de ce vaste et agréable

bassin où se côtoient tradition et modernité.

1 Le Musée national d’histoire de Gyeryongsan abrite notamment un squelette de Brachiosaurus.

2 Achevée en 1936, la cathédrale Jungdong de Gongju possède une magnifique architecture gothique dont elle constitue un rare spécimen dans la province coréenne.

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