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Georges Padoux : le Code pénal du Royaume de Siam (1908)
et la société thaïe
par
Chalanthorn Kidthang
Mémoire d’études françaises
Diplôme de Maîtrise
Département de Français
Ecole des Etudes Supérieures
Université Silpakorn
2004
ISBN 974-464-567-9
กฎหมายลกัษณะอาญา ร.ศ. 127 โดย ยอรช ปาด ูกับสังคมไทย
โดย
นางสาวชลันธร คิดถาง
วิทยานิพนธนี้เปนสวนหนึ่งของการศึกษาตามหลักสูตรปริญญาอักษรศาสตรมหาบัณฑิต สาขาวิชาฝรั่งเศสศึกษา ภาควิชาภาษาฝรั่งเศส
บัณฑิตวิทยาลัย มหาวิทยาลัยศิลปากร ปการศึกษา 2547
ISBN 947-464-567-9
ลิขลิทธิ์ของบัณฑิตวิทยาลัย มหาวิทยาลัยศิลปากร
L’Ecole des Etudes Supérieures de l’Université Silpakorn a accepté le
mémoire : “Georges Padoux : le Code pénal du Royaume de Siam (1908) et la
société thaïe”, proposé par Mademoiselle Chalanthorn Kidthang dans le cadre
des études françaises de maîtrise.
……..…………………………….……...
(Dr. Chirawan Kongklai, maître de conférence)
Doyen de l’Ecole des Etudes Supérieures
Date .……. mois .…….. année .……..
Directeurs du mémoire
1. Dr. Surasak Likasitwatanakul, maître de conférence
2. Dr. Bernard Wirth
Le jury
……………………………… Président
(Dr. Kanika Chansang, maître de conférence)
……….. / ……….. / ………..
……………………………… membre
(Dr. Surasak Likasitwatanakul, maître de conférence)
……….. / ……….. / ………..
……………………………… membre
(Dr. Bernard Wirth)
……….. / ……….. / ………..
……………………………… membre
(Dr. Thapanan Nipithakul)
……….. / ……….. / ………..
ซ
TABLE DES MATIÈRES
Page
Résumé en thaï…..………………………………………………………. ง Résumé en français…..………………………………………………….. จ Dédicace……………..…………………………………………………… ฉ Table des matières………..……………………………………………… ช
INTRODUCTION………..……………………………………………... 1
CHAPITRE
I Le Siam sous le règne du roi Rama V et Georges Padoux…... 12
1.1 Genèse de la modernisation du pays………………………… 13
1.2 Réforme juridique siamoise…………………………………. 19
1.2.1 Facteurs de la réforme juridique siamoise…………… 19
1.2.1.1 Facteurs externes…………………………… 19
1.2.1.2 Facteurs internes…………………………… 24
1.2.2 Entrée au Siam de juristes étrangers…………………. 30
1.2.2.1 Premiers juristes étrangers…………………. 31
1.2.2.2 Georges Padoux……………………………. 35
II Georges Padoux et le Code pénal siamois de 1908……………. 44
2.1 Facteurs déterminants du choix de Civil Law…………….…. 45
2.2 Priorité donnée au Code pénal……………………..…..…….. 49
2.3 Georges Padoux et la codification du Code pénal
(1898-1908)…………………………………………….…. . . 54
ซ
CHAPITRE Page
2.3.1 Origine du Code pénal…………………………….. 54
2.3.2 Rédaction du Code pénal………………………….. 59
2.3.2.1 Etude historique de la législation au Siam….… 60
2.3.2.2 Caratère du Code pénal…………………………… 68
2.3.2.3 Sources de références du Code pénal……….… 70
2.3.2.4 Etude des dispositions générales du Code
pénal de 1908……………………………….. 71
2.3.3 Publication du Code pénal………………………… 77
III Le Code pénal de 1908 et la société thaïe……………….…… 83
3.1 Abolition du régime d’extraterritorialité……..…………….. 84
3.2 Réformes juridiques thaïes…………………..……………… 91
3.2.1 Réformes d’Ecole de Droit……………………….. 92
3.2.2 Formation en France d’étudiants siamois………… 97
3.2.3 Accueil des juristes français au Siam…………….. 104
3.3 Impact sur la société thaïe………..……………………….. 110
CONCLUSION………………………………………………………… 121
Bibliographie……….………………………………………………….. 125
Annexe : Recueil des dossiers personnels de Georges Padoux….….. 137
Curriculum Vitæ….……………………………………...……….…… 212
1
INTRODUCTION
Problématique et genèse du mémoire.
Un proverbe latin dit : “Ubi societas, ibi jus”, (Là où se trouve la
société, là aussi existe le droit.), cela veut dire que justice et société sont
toujours liées. Quand les hommes habitent en groupe, des règles sont
nécessaires pour la paix de la société.1 Ainsi, on ne peut pas séparer la justice
de la société parce que parfois la justice peut changer la société, mais en
même temps le changement social peut aussi influencer la justice.2 L’entrée
des nations européennes dans le mouvement de la colonisation au début de
l’époque Rattanakosin est aussi la preuve que la situation sociale a
directement un impact sur la réforme juridique du pays.
L’influence des Européens à cette époque-là a fait prendre conscience
au roi Rama V de la nécessité urgente de moderniser le pays dans tous les
domaines, surtout dans le domaine juridique, un de ses points faibles. Le
système légistatif à ce moment-là était dépassé, semblait même plutôt
“sauvage” à l’égard des étrangers par exemple l’article 10 de la loi Laxana
1ปรีดี เกษมทรัพย, นิติปรัชญา, (กรุงเทพฯ : โครงการตําราและเอกสารการสอน คณะนิติศาสตร,
มหาวิทยาลัยธรรมศาสตร, พิมพครั้งที่ 3, 2539), หนา 270 [Preedee Kasemsup, Philosophie juridique, (Bangkok : Faculté de Droit, IIIème édition, Université Thammasat, 1996),
p. 270.] 2สุโขทัยธรรมาธริาช, มหาวิทยาลัย, เอกสารการสอนชุดวิชา 41403 กฎหมายกับการเปลี่ยนแปลง
ของสังคม, (กรุงเทพฯ : คณะนิติศาสตร, มหาวิทยาลัยสุโขทัยธรรมาธิราช, 2524), หนา 5 [Université Sukhothai Thammathirat, Cours 41403 “La loi et le changement social”, (Bangkok :
Faculté de droit, Université Sukhothai Thammathirat, 1981), p. 5.]
2
Ayat Luang précise que le meurtrier aura les pieds et les mains coupés…3 Un
autre point de vue, c’est le caractère apparemment désuet et la confusion du
système juridique en vigueur parce que la Loi des Trois Sceaux utilisée au
début de l’époque Rattanakosin, n’était qu’une reprise corrigée des anciennes
lois de l’époque Ayutthaya présentée sous forme littéraire en 41 volumes, peu
propre à être utilisée dans la société moderne.4 C’est dans ces conditions que
la France a demandé au Siam de signer le traité d’extraterritorialité comme
l’Angleterre, le premier pays à avoir signé ce traité avec le Siam.5 Ainsi, la
seule solution pour le Siam était la mise en place d’un système juridique pour
que les étrangers acceptent d’abandonner le traité d’extraterritorialité.6
3พัชรินทร เปยมสมบูรณ, “การปฏิรูปกฎหมายของประเทศไทยตั้งแต พ.ศ. 2411 จนถึง 2478” (วิทยา
นิพนธปริญญาอักษรศาสตรมหาบัณฑิต สาขาวิชาประวัติศาสตร, จุฬาลงกรณมหาวิทยาลัย, 2517), หนา 37 - 38 [Patcharin Piemsomboon, “La réforme du système juridique thaï de 1868 à 1935”, (Mémoire de maîtrise en histoire, Université Chulalongkorn, 1974), p. 37 – 38.]
4ชาญชัย แสวงศักดิ์, อิทธิพลฝรั่งเศสในการปฏิรูปกฎหมายไทย, หนังสือชุดกฎหมายกับการพัฒนา, ลําดับที่ 2, (กรุงเทพ ฯ : สํานักพิมพนิติธรรม, 2539), หนา 16 [Charnchai Sawangsakdi, L’influence française sur la réforme du système juridique thaï, Collection : Droit et
développement, Volume II, (Bangkok : Nititham, 1996), p. 16.]
5Le traité d’extraterritorialité entre le Siam et les pays étrangers . 1. l’Angleterre en 1855 6. la Hollande en 1860 11. l’Italie en 1868
2. les Etats Unis en 1856 7. l’Allemagne en 1862 12. l’Autriche en 1869
3. la France en 1856 8. la Suéde en 1868 13. l’Espagne en 1870
4. le Danemark en 1858 9. la Norvège en 1868 14. le Japon en 1898
5. le Portugal en 1859 10. la Belgique en 1868 15. la Russie en 1899
in : J.C. Ingram, Economic Change in Thailand 1850-1970, deuxième édition, (California : Standford University Press, 1955), p. 3.
6ทรงศรี อาจอรุณ, สิทธิสภาพนอกอาณาเขต, (กรุงเทพฯ : สํานักพิมพสมาคมสังคมศาสตรแหง ประเทศไทย, 2506), หนา 4 [Sonsri Arch-arun, L’extraterritorialité, (Bangkok : Editions de l’association des sciences sociales de la Thaïlande, 1963), p. 4.]
3
Le gouvernement thaï a choisi de coder le Code pénal en premier parce qu’il
est considéré comme droit public, très important pour la société car il
concerne directement la culpabilité et la punition que l’état doit proclamer
pour garder la paix du pays et des citoyens.7
Il faut rappeler qu’avant cette codification, le Siam hésitait à choisir
entre le modèle européen de Civil Law ou celui de Common Law anglais
pour moderniser son système législatif. A cette époque-là, beaucoup de
grands hommes au Siam préfèraient le Common Law parce qu’ils avaient fait
leurs études en Angleterre; alors ils étaient habitués à utiliser le Common
Law. Mais il semble que le Civil Law était plus avantageux pour abolir le
traité d’extraterritorialité des étrangers. Après avoir décidé d’utiliser le Civil
Law, le roi Rama V a nommé des conseillers spéciaux pour la rédaction et la
codification.8 Le Prince Rajaburidireklid (Rabi) est nommé responsable de ce
travail avec d’autres juristes siamois et étrangers.9 Le travail de ces
Conseillers n’avait pas encore abouti lorsque la signature de la convention
7วิชัย ศรีคํา, ความรูเบื้องตนเกี่ยวกับกฎหมายและกฎหมายกับสังคม, (กรุงเทพฯ : อักษรศาสตร,
มหาวิทยาลัยศิลปากร, 2529), หนา 8 [Vichai Sikham, Introduction générale au droit. Le droit et la société, (Bangkok : Faculté des Lettres , Université Silpakorn, 1986),
p. 8.] 8หอจดหมายเหตุแหงชาติ กรมศิลปากร, เอกสารกระทรวงยุติธรรม รัชกาลที่ 5 หมายเลข ย 23/4
การทํากฎหมายลักษณะอาญา [Centre des archives nationales, Département de Beaux-Arts, Les documents du Ministère de la Justice sous le règne du roi Rama V no. 23/4 La
codification du Code Pénal Siamois.] 9Les autres conseillers sont :
1. Prince Phichit Phichakhon. (กรมหลวงพิชิตปรีชากร) 2. Phaya Phacha Kitkhonjek. (พระยาประชากิจกรจักร)
3. Richard Kirkpatrick.
4. Tokichi Masao.
4
franco-siamoise de 1904 a entraîné la nomination des Conseillers et du
nouveau chef français, Georges Padoux.10
Georges Padoux est le premier juriste français dans l’histoire juridique
de la Thaïlande qui est officiellement venu selon la convention franco-
siamoise de 1904 comme Conseiller Législatif du Ministère de la Justice pour
la codification du premier Code pénal siamois.11 Ce poste n’existait pas
au Siam auparavant parce que généralement les juristes étrangers étaient
soit Conseillers Généraux du gouvernement soit Conseillers Légistes.12
Avant son séjour au Siam, il était secrétaire général du gouvernement français
10กนิษฐา ชิตชาง, “มูลเหตุของการรางกฎหมายลักษณะอาญา ร.ศ.127” (วิทยานิพนธมหาบัณฑิต
สาขาประวัติศาสตร คณะศิลปศาสตร มหาวิทยาลัยธรรมศาสตร, 2532), หนา 110 [Kanitha Chitchang, “L’origine de la codification du Code pénal siamois de 1908”, (Mémoire de
maîtrise en histoire, Université Thammasat, 1989), p. 110.] 11Le Siam sous le règne du roi Rama V était convoité par deux pays
européens : l’Angleterre et la France. Alors que l’influence de l’Angleterre se
manifestait déjà dans plusieurs domaines, surtout dans le commerce et la juridiction,
la France souhaitait aussi avoir un rôle important dans la société thaïe. Elle a
demandé au Siam d’engager des Français comme hauts fonctionnaires selon la
convention franco-siamoise du 13 février 1904. Ainsi le Siam a accueilli Georges
Padoux, comme Conseiller Législatif du Ministère de la Justice pour la codification
du premier Code pénal siamois.
in : ชมพูนุช นาคีรัตน, “บทบาทของที่ปรึกษาชาวตางประเทศในรัชสมัยพระบาทสมเด็จพระจุล จอมเกลาเจาอยูหัว พ.ศ. 2411-พ.ศ.2453” (วิทยานิพนธปริญญาอักษรศาสตรมหาบัณฑิต สาขาวิชาภูมิศาสตร-ประวัติศาสตร บัณฑิตวิทยาลัย จุฬาลงกรณมหาวิทยาลัย, 2513), หนา 13. [Chompunut Nakirat, “Le rôle des conseillers étrangers sous le règne du roi Rama V de 1868 à 1910”,
(Mémoire de maîtrise en histoire, Université Chulalongkorn, 1970), p. 13.] 12หยุด แสงอุทัย, การรางกฎหมาย, หนังสืออนุสรณงานพระราชทานเพลิงศพ ศาสตราจารย หยุด
แสงอุทัย (กรุงเทพฯ : ม.ป.ท.,2532), หนา 32 [Yhut Saeng U-thai, L’élaboration des lois, Le livre de commémoration de Yhut Saeng U-thai, (Bangkok, 1980), p. 32.]
5
à Tunis en Tunisie. Il est arrivé au Siam avec sa femme et ses deux enfants le
25 décembre 1904.13 En janvier 1905, en plus de son poste de Conseiller
Législatif du Ministère de la Justice, il a aussi été nommé juge de la Cour
d’Appel.14 Ensuite, sous le règne du roi Rama VI, il a aussi proposé au roi
d’envoyer des Siamois étudier le système fondamental du droit Civil Law en
France ou en Allemagne au lieu d’aller seulement en Angleterre comme
auparavant.15 Par ailleurs, une autre proposition faite au roi Rama VI était de
réformer les écoles de droit suivant le modèle français et d’engager comme
professeurs des juristes français. Ainsi d’autres juristes français sont venus au
Siam et ils ont aussi contribué à développer le domaine législatif.16
Le chef d’œuvre de Georges Padoux est la conception et la rédaction
du premier Code pénal siamois en 1908. Il a été publié en trois langues, en
thaï, anglais et français. Les deux langues étrangères ont été choisies pour
13สุรศักดิ์ ลิขสิทธิ์วัฒนกุล, “บันทึกของนาย ยอรช ปาดูซ ที่ปรึกษารางกฎหมายของรัฐบาลสยาม
เกี่ยวกับการรางกฎหมายลักษณะอาญา ร.ศ. 127”, วารสารนิติศาสตร, (ปที่ 18 ฉบับที่ 2 มิถุนายน 2531), [Surasak Likasitwatanakul, “Rapport de Georges Padoux Conseiller Législatif relatif
à la rédaction du Code pénal de 1908”, Nittisat , (l’année 18 vol.II, le 2 juin 1988.)] 14นันทพร บรรลือสินธุ, “ชีวประวัติเมอรซิเออร ยอรช ปาดู ที่ปรึกษากฎหมายกระทรวงยุติธรรม
ในสมัยรัชกาลที่ 5”, ประวัติและผลงานของชาวตางชาติในประเทศไทย, (กรุงเทพฯ : กองวรรณคดีและ ประวัติศาสตร กรมศิลปากร, 2533), หนา 89 – 90 [Nanthaporn Banluesin, “La biographie de Georges Padoux, Conseiller Législatif du Ministère de la Justice sous le règne du
roi Rama V.”, Vie et œuvre des étrangers au Siam, (Bangkok : Section de littérature
et d’histoire, Département de Beaux-Arts, 1990), p. 89 – 90.] 15La plupart des étudiants siamois qui ont fait leurs études en France, une
fois revenus en Thailande, ont travaillé dans le domaine politique et juridique. Parmi
eux, ceux qui sont dominants pour le mouvement de la réforme du pays, ce sont
Pridi Banomyong, Nap Baholyothin, étudiants en droit à Paris et Prayoon
Bamornmontri, étudiant en sciences politiques à Paris. 16Par exemple Henri Eygout, Louis Duplâtre, Robert Lingat et René Guyon.
6
faire connaître le nouveau Code pénal siamois à l’étranger, étant donné
qu’elles étaient couramment utilisées dans le cadre juridique, notamment le
français qui était utilisé et étudié dans plusieurs pays d’Europe continentale
qui utilisaient le Civil Law.17 Comme ce Code pénal est considéré comme le
premier Code siamois reconnu au niveau internationnal, le 15 avril 1908, date
de son achèvement, est considéré comme un jour important dans l’histoire des
travaux du Ministère de la Justice.18
“Georges Padoux : le Code pénal du Royaume de Siam (1908) et la
société thaïe” est un sujet intéressant parce qu’il marque le début de
l’influence juridique occidentale, et en même temps, c’est aussi l’époque de la
modernisation du pays. Ainsi, ce Code pénal profite non seulement au
domaine juridique, mais aussi à l’histoire et au changement social du pays.
D’ailleurs, ce qui est le plus avantageux pour notre société, c’est que Georges
Padoux, tout en s’inspirant des modèles français, japonais, allemand et indien
pour le premier Code pénal, n’a pas oublié d’adapter les vieux droits siamois
en gardant soigneusement ce qui méritait d’être utilisé dans notre société.19
Ainsi le Code pénal est considéré comme un travail précieux qui est bref,
précis, dense, pratique et facile à comprendre. C’est pourquoi on l’a utilisé
17หอจดหมายเหตุแหงชาติ กรมศิลปากร, เอกสารกระทรวงยุติธรรม รัชกาลที่ 5 หมายเลข บ.2 ข / 89
บันทึกความเห็นของนาย ยอรช ปาดู (Georges Padoux) : การรางกฎหมายลักษณะอาญา. [ Centre des archives nationales, Département de Beaux-Arts, Les documents du Ministère de la
Justice sous le règne du Roi Rama V no. 2/89 L’opinion de Georges Padoux : La
codification du Code pénal.] 18ชาญชัย แสวงศักดิ์ และวรรณชัย บุญบํารุง , สาระนารูเกี่ยวกับการจัดทําประมวลกฎหมายของ
ตางประเทศและของไทย, (กรุงเทพ : นิติธรรม, 2543), หนา 97 [Charnchai Sawangsakdi et Wannachai Boonbamrung, L’information concernant la codification des pays
étrangers et de la Thaïlande, (Bangkok : Nittitham, 2000), p. 97.] 19Patcharin Piemsomboon, op, cit., p. 67.
7
environ 50 ans, et aujourd’hui encore il est un bon modèle pour les autres
Codes pénaux siamois.20
Il existe déjà différentes recherches concernant le rôle des juristes
étrangers dans la réforme juridique thaïe, par exemple celle de Patcharin
Piensomboon, “La réforme du système juridique thaï de 1868 à 1935”,
mémoire de maîtrise, Université Chulalongkorn, 1974.21 Elle étudie la
réforme juridique thaïe sous l’influence des pays occidentaux depuis le règne
du roi Rama V jusqu’au règne de roi Rama VI. Ensuite, il faut aussi
mentionner le mémoire de Jung-sau I-Ida, étudiant japonais : “La réception du
droit moderne occidental au Japon : Etude comparative avec la Thaïlande”,
mémoire de maîtrise, Université Thammasat, 1987. Cette étude précise la
situation des deux pays qui doivent réformer leur système juridique pour
sauvegarder leur indépendance.22 La troisième recherche est L’influence
française sur la réforme du système juridique thaï de Charnchai Sawangsakdi
qui présente le travail des conseillers législatifs étrangers, surtout les Français,
sous le règne du roi Rama V.23 Puis, il aborde la création des Codes siamois,
les organisations juridiques, l’influence du modèle français sur les juristes
20แสวง บุญเฉลิมวิภาส, “กฎหมายลักษณะอาญา : ประมวลกฎหมายฉบับแรกของไทย”, วารสาร
นิติศาสตร (ปที่ 16 ฉบับที่ 2 มิถุนายน 2529), หนา 124 [Swang Boonchalermvipast, “Le Code pénal : Le premier Code siamois”, Nittisat, (l’année 16 vol.2, le 16 juin 1987), p. 124.]
21Patcharin Piemsomboon, op.cit. 22จุงโซ อิอิดะ, “การรับกฎหมายสมัยใหมจากตะวันตกในประเทศญี่ปุน : ศึกษาเปรียบเทียบกับกรณ ี
ของประเทศไทย” (วิทยานิพนธมหาบัณฑิต คณะนิติศาสตร, มหาวิทยาลัยธรรมศาสตร, 2530) [Jung-sau I-Ida, “La réception du droit moderne occidental au Japon : Etude comparative avec
la Thaïlande”, (Mémoire de maîtrise en Droit , Université Thammasat, 1987.)] 23Charnchai Sawangsakdi, L’influence française sur la réforme du système
juridique thaï., op.cit.
8
siamois et enfin, la réforme de l’administration en Thaïlande après la
révolution de 1932.
Ensuite, citons aussi des travaux concernant des juristes français
ou l’influence française en Thaïlande écrits en français : “Essai sur
l’introduction en Thaïlande du système juriditionnel admistratif français” de
Am-nak Khlaisang24, thèse doctorale, Université de Montpellier “La
condition juridique des étrangers en Thaïlande de 1855 à 1925” de S.
Ramidatta25, thèse doctorale, Université de Paris, “La juridiction criminelle en
droit commun en France et en Thaïlande” de P. Khwanphulsri26, thèse
doctorale, Université de Caen, enfin le mémoire de Mayuree Pongsirirak27,
“Robert Lingat et L’esclavage privé dans le vieux droit siamois”, mémoire de
maîtrise, Université Silpakorn.
Quant aux travaux sur la codification du Code pénal siamois de 1908,
nous avons trouvé “L’origine de la codification du Code pénal siamois de
1908” de Kanitha Chitchang.28 Cette étude présente clairement les facteurs de
la réforme juridique siamoise, les étapes de la codification, les problèmes et
obstacles qui ont fait durer ce travail jusqu’à 10 ans. Ensuite, “Le Code pénal
24Am-nak Khlaisang, “Essai sur l’introduction en Thaïlande du système
juriditionnel administratif français”, (Thèse doctorale en Droit, Université de
Montpellier, 1957.) 25S. Ramidatta, “La condition juridique des étrangers en Thaïlande de 1855 à
1925”, (Thèse doctorale en Droit, Université de Paris, 1966.) 26P. Khwanphulsri, “La juridiction criminelle en droit commun en France et
en Thaïlande”, (Thèse doctorale en Droit, Université de Caen, 1967.) 27Mayuree Pongsirirak, “Robert Lingat et L’esclavage privé dans le vieux
droit siamois”, (Mémoire de maîtrise ès Lettres, Université Silpakorn, 2000.) 28Kanitha Chitchang, op.cit.
9
: Le premier Code siamois”, le texte de Swang Boonchalermvipast.29 C’est
l’histoire de la codification du Code pénal et l’analyse du contenu de ce Code.
Enfin, “L’élaboration des lois en Thaïlande” de M.Yhut Saeng U-thai.30 Il
présente l’élaboration des lois en Thaïlande, notamment le détail des
méthodes juridiques pour les juristes, les étudiants et les spécialistes.
Par rapport à toutes ces recherches, “Georges Padoux : le Code pénal
du Royaume de Siam (1908) et la société thaïe” se veut différent. Cette étude
a pour but de présenter l’impact de la justice sur la société au lieu d’étudier
seulement le contenu du Code. Quant aux autres recherches sur ce sujet, elles
s’intéressent très peu à lier et analyser l’histoire de ce Code avec la société
parce qu’elles sont plutôt du domaine juridique. Et elles ont aussi moins parlé
de Georges Padoux, qui est considéré comme un des grands réalisateurs des
lois de la société thaïe. Par ailleurs, ce travail est aussi basé sur les documents
historiques thaïs, anglais et français. De plus, notre connaissance du français
nous a permis de trouver des documents inédits sur ce sujet en France.
Enfin, cette étude veut également être un outil de travail pour les étudiants, les
chercheurs thaïs et étrangers, dans le domaine franco-thai, juridique et
historique, qui veulent faire une étude historique du premier Code pénal
siamois de 1908 et de l’évolution générale de la société.
29Swang Boonchalermvipast, “Le Code pénal : Le premier Code siamois”,
op.cit. 30Yhut Saeng U-thai, op.cit.
10
Objectif.
1. Le rôle du premier juriste français, Georges Padoux, dans l’histoire
juridique de la Thaïlande.
2. L’impact de la codification du Code pénal par Georges Padoux sur
la société thaïe.
3. L’utilisation de documents français pour mieux comprendre la
société thaïe d’autrefois.
Hypothèse.
Georges Padoux est le premier juriste français qui a l’occasion de
travailler officiellement comme Conseiller Législatif du Ministère de Justice
et chef des conseillers de la codification des lois siamoises, selon le traité
franco-siamois. Son chef-oeuvre, le premier Code pénal siamois de 1908, qui
se base sur les nouveaux systèmes juridiques occidentaux, a un impact sur
l’évolution de la société thaïe.
Cadre de l’étude.
Cette étude se centre sur le contexte social thaï à l’époque de la
modernisation du pays qui amène la codification de ce Code pénal de 1908.
Elle présente aussi la conception et l’étape de la codification pour analyser
son impact sur la société thaïe, après la promulgation du Code pénal de
Georges Padoux en 1908.
11
Plan du travail.
1. La collecte des documents, des recherches et des critiques sur le
sujet traité soit par des juristes, des historiens ou des chercheurs spécialistes.
2. L’étude et l’analyse du contenu de l’oeuvre de Georges Padoux, le
Code pénal siamois de 1908.
3. L’analyse des informations trouvées sur le Code pénal siamois de
1908.
4. La composition du mémoire.
Méthode de l’étude.
“Georges Padoux : le Code pénal du Royaume de Siam (1908) et la
société thaïe” est une recherche sous forme de description analytique qui se
situe dans le domaine de l’histoire juridique plutôt que dans le domaine
juridique proprement dit.
12
CHAPITRE I
Le Siam sous le règne du roi Rama V et Georges Padoux.
Au XIXème siècle, le Siam a ouvert une nouvelle fois ses frontières aux
Occidentaux. Les relations diplomatiques et commerciales se sont intensifiées.
Pour la première fois, le royaume rencontrait une période privilégiée de
modernisation et de transformations profondes, dues aux idées occidentales.
Le Siam s’était attaché à développer la coopération avec les occidentaux en
prenant soin de répartir les domaines d’intervention entre les différentes
puissances européennes, afin d’éviter toute emprise de l’une d’elles sur
l’administration du pays. Le Siam a eu recours aux Allemands pour les
chemins de fer et l’armée, aux Anglais pour les finances et l’éducation et aux
Belges pour la diplomatie. C’est aux Français qu’étaient confiées la
codification et la réforme juridique qui étaient considérées comme des points
faibles dans la modernisation du pays. D’où le recrutement de juristes
français comme conseillers tels que Georges Padoux, René Guyon, Charles
l’Evêsque et Rémy de Plantarose qui prenaient une part importante dans la
promulgation du Code pénal, civil et commercial siamois.
Jean Filliozat, orientaliste de l’Asie du sud-est souligne bien que si les
études juridiques concernent essentiellement les dispositions en vigueur
aujourd’hui pour les besoins pratiques des juristes occidentaux et
internationaux modernes, elles comportent aussi une référence à l’histoire de
13
l’établissement de ces dispositions.1 Ainsi, pour mieux comprendre l’histoire
et la connaissance du Code pénal de Georges Padoux de 1908 et la société
thaïe, nous allons tout d’abord étudier dans ce chapitre la genèse de la
modernisation du pays comme base de la réforme juridique et l’engagement
des juristes étrangers sous le règne du roi Rama V.
1.1 Genèse de la modernisation du pays.
Le règne du roi Mongkut (1851-1868) qui correspond à celui de
l’Empereur Napoléon III est l’époque des relations importantes entre le Siam
et l’Occident. Du côté thaï, elles sont inévitablement marquées du désir de
mieux connaître la civilisation, la politique et le commerce occidentaux,
tandis qu’en Europe, le XIXème siècle est un siècle d’expansion économique et
coloniale. Les grandes nations industrielles doivent chercher des marchés
pour exporter leurs produits fabriqués.
La conquête des pays voisins et des petits états tributaires du Siam a
fait réfléchir le roi Rama IV. Pour l’indépendance du pays, il a vu la nécessité
d’entrer en relation d’amitié et de commerce avec les grandes puissances
européennes, notamment la France et l’Angleterre. L’occupation britannique
pesait sur la Birmanie et la Malaisie, la domination française sur le Viêtnam,
le Laos et le Cambodge. Le 18 avril 1855, Sir John Bowring, plénipotentiaire
1Jean Filliozat, “L’Orientalisme et les sciences humaines”, Cinquante ans
d’orientalisme français, Bulletin de la société des études indochinoises, (Tome
XXVI, No.IV, IVème trimestre, Paris, 1951), p. 568.
14
britannique a réussi à signer un traité d’amitié de navigation et de libre
commerce avec le Siam.2 Depuis lors, le Siam leur accordait le régime
d’extraterritorialité juridictionnelle, appelé “Traité Bowring”.3
Puis, afin de neutraliser politiquement la menace de l’Angleterre, le roi
Rama IV s’est aussi empressé de reconnaître les mêmes avantages aux autres
puissances. L’année suivante, le 15 août 1856, la France envoyait aussi
au royaume de Siam M. Charles de Montigny, en qualité de Ministre
plénipotentiare, pour signer un traité du même genre, ensuite avec les Etats-
Unis la même année, puis avec le Danemark en 1858, le Portugal en 1859, les
Pays-Bas en 1860, la Prusse en 1862, avec la Belgique, l’Italie, la Suède, la
Norvège en 1868, suivi aussi plus tard par les autres grandes puissances.
Ainsi, au Siam, les portes du royaume étaient ouvertes aux privilèges de
l’extraterritorialité.
Ces traités allaient avoir un double résultat sur le Siam selon
Pierre Fistié, chercheur bien connu pour l’ histoire de l’Asie du Sud-Est :
Premièrement, ces traités ont fait disparaître les ressources
traditionnelles de l’Etat et ont contraint les souverains
2Par ce traité, l’Angleterre n’obtenait que les droits de douane pour les
marchandises britanniques seraient abaissés à un taux très bas (3%), que
l’importation de l’opium cultivé aux Indes serait faite en franchise, c’est-à-dire sans
même payer les 3% de taux, que les droits seraient négociés par les deux parties
pour les produits exportés, et enfin qu’un consulat pourrait s’ouvrir à Bangkok, cette dernière concession allant de pair avec le privilège de l’extraterritorialité pour
personnes de nationalité anglaise. 3Ce traité a pris le nom de Sir John Bowring, le gouverneur anglais à Hong
Kong qui se rendait au Siam, avec le titre de représentant du gouvernement
britannique, pour négocier un traité de commerce entre l’Angleterre et le Siam sous
le règne du roi Rama IV.
15
siamois à une refonte complète des finances publiques.
Deuxièmement, ils ont développé progressivement le champ
de l’économie monétaire.4
C’est précisément après l’ouverture du pays au commerce occidental,
que l’économie du pays était introduite dans le circuit mondial du commerce,
ce qui se traduisait pour les Thaïs par le passage d’une économie du
subsistance à une économie monétaire. Par conséquent, le commerce royal a
diminué au profit des exportations qui, très vite, ont constitué la principale
ressource monétaire de l’état. Ainsi, à partir de cette période, le Siam est
devenu un pays exportateur de riz.
D’ailleurs, les avantages économiques et financiers de l’ouverture du
pays aux négociants occidentaux ont poussé les étrangers à faire du commerce
au Siam. Voici le témoignage de Mgr. Pallegoix, missionnaire français au
Siam sous le règne du roi Rama IV, dans son oeuvre Description du royaume
Thaï ou Siam :
Autrefois la taxe était de mille piastres ou dix-sept cents
ticaux par toise, d’où il arrivait qu’aucun navire européen ne
pouvait faire un commerce avantageux avec le Siam; du
reste, le gouvernement le faisait exprès pour empêcher les
Européens, et surtout les Anglais, de venir commercer à Siam.
Mais depuis quatre ans, le nouveau roi a réduit la taxe, dans
l’intention de renouer des relations commerciales avec les
Européens.5 La taxe dont je viens de parler semble encore très
4Pierre Fistié, La Thaïlande : collection que sais-je? (Paris : Presses
Universitaires de France, 1980), p. 54 – 55. 5Le nouveau roi : c’est-à-dire le roi Mongkut, Rama IV.
16
élevée; mais quand on considère qu’il n’y a plus rien à payer
de tous les impôts sur les marchandises, il est évident que cette
taxe, tout élevée qu’elle paraisse, est très raisonnable et même
avantageuse.6
Un autre point de vue remarquable pour les gouverneurs du Siam à
partir des traités entre le Siam et les occidentaux, c’est le changement du
système de négociation entre les Etats par un traité écrit. Autrefois, le Siam
n’était pas habitué à ce système. Le commerce avec la Chine ou les pays
voisins était basé sur des négociations amicales sans contrat écrit. Ainsi, dès
le règne du roi Rama IV, les relations diplomatiques et commerciales avec les
étrangers se sont basées sur un nouveau système de correspondance qui sera
adopté par les rois suivants.7
En 1868, à la suite du roi Rama IV, Chulalongkorn qui n’avait alors
que 16 ans, est monté sur le trône soutenu par un régent de la famille Boon-
nak, Phraya Kalahom, jusqu’à la fin de 1873.8 Sous son règne seront
définitivement fixées les frontières du royaume, après de difficiles
négociations aussi bien avec les Anglais que les Français. Grâce à sa jeunesse
et à ses études, le roi a voyagé à Calcutta, à Singapour, à Java et en Europe, ce
qui l’a persuadé encore davantage de la nécessité de moderniser son pays,
suivant le modèle des pays occidentaux.
6Jean-Baptiste Pallegoix, Description du royaume thaï ou Siam, Volume I,
(Paris : Mission de Siam, 1854), p. 308 – 309. 7Kanitha Chitchang, op.cit., p. 23.
17
Pour sauvegarder l’indépendance du pays et adopter en même temps
l’économie monétaire, le roi Rama V a décidé de réorganiser le pays dans une
structure centralisée. Alors, pour gouverner les provinces éloignées, il a
favorisé l’installation de voies ferrées comme moyens de transport pour relier
les provinces à la capitale. Par la suite, il y a eu la grande réforme de
l’administration centrale, progressivement réorganisée sur une base
fonctionnelle. En mai 1874, il a d’abord commencé à créer un conseil d’Etat
composé de 12 membres choisis par lui parmi les princes et les hauts-
fonctionnaires, et chargés avant tout d’examiner la nouvelle législation
fiscale. En 1875, c’était la séparation des départements des Finances et des
Affaires Etrangères.9 En 1887, c’était la création du Ministère de la Défense,
en 1890 le Ministère des Travaux Publics et le Ministère de l’Education. En
1891, le Ministère de la Justice a été établi avec la tâche de remplacer les
anciennes cours dans tout le royaume par des tribunaux dépendants des
différents départements. Finalement, le 1er avril 1892, ces réformes ont abouti
à l’organisation de douze Ministères en remplacement de l’ancien système.
Le roi Rama V a non seulement réformé l’administration centrale, en
1894, il réformait aussi l’organisation provinciale en abandonnant l’ancienne
division des provinces en quatre zones. Le Siam a été divisé en 18 régions
(Monthon) dirigées par des commissaires royaux. Ces régions sont divisées en
8Le couronnement a eu lieu le 11 novembre 1868, le Phraya Kalahom ou
Chao Phraya Borommaha Srisuriyawongse (เจาพระยาบรมมหาศรีสุริยวงศ) a été nommé régent du royaume jusqu’à la majorité du nouveau souverain en 1873.
9สํานักงานคณะกรรมการกฤษฎีกา, “125 ป Council of State สถาบันที่ปรึกษาราชการแผนดิน”, วารสารกฎหมายปกครอง, เลม 18 ตอน 3, (กรุงเทพฯ : พี. เอ. ลิฟว่ิง, 2524), หนา 15 [Conseil d’Etat, “125 ans de conseil d’Etat, un organisme de conseil pour les affaires administratives
18
départements (Chang wat) administrés par des gouverneurs, chacun étant
divisé encore en districts (Amphoe), dirigés par un chef de district (Nai-
Amphoe). D’autre part, la loi de 1897 prévoit aussi l’existence dans chaque
village (Mooban) d’un chef élu. Et la réunion de 10 villages formait en
principe une commune (Tambon).
Pour la modernisation, qui commençait au début de XIXème siècle,
le gouvernement avait besoin de main-d’oeuvre pour les travaux
d’infrastructure. C’est dans cette perspective qu’il faut situer la volonté
d’abolition de l’esclavage du roi Rama V, qui voulait moderniser le pays et
l’élever au niveau des grands états, acceptés dans le monde. Pour réaliser son
projet, il a décidé une première mesure par la loi : les esclaves, nés pendant ou
après l’avènement du roi Rama V, étaient automatiquement affranchis et ne
devenaient plus esclaves.10
Tous les efforts du roi Rama V tendant à moderniser le Siam et à le
faire entrer dans le circuit des relations avec les puissances européennes ont
permis de maintenir son indépendance, mais ne pouvaient éviter des conflits,
sans cesse renaissants, avec ces mêmes puissances, en particulier la France et
l’Angleterre, en dépit des traités signés avec elles.
Les problèmes intérieurs du pays étaient de plus en plus réglés suivant
la politique du roi Rama V. Mais des conflits extérieurs s’ajoutaient de
nouveau pendant toute la période s’étendant entre 1867 et 1893. C’étaient des
du royaume”, Périodique du droit administratif, (volume 18, Chapitre III, Bangkok :
P. A. Living, 1999), p. 15.] 10Les deux lois importantes qui contribuent à réaliser le projet du roi Rama V
sont d’abord le décret du 22 septembre 1870 qui constitue le changement dans le
contrat d’esclavage. Le Kromathan doit inclure le montant exact du prix de chaque
esclave. Ensuite, le 21 août 1874, le roi a publié la loi qui fixait le tarif du prix des
19
problèmes juridiques et politiques, tel que le droit de protection et de
juridiction, surtout la délimitation des frontières entre le royaume de Siam et
les nouvelles possessions françaises. Ainsi, pour résoudre ces conflits déjà
évoqués ci-dessus, le roi Rama V a continué la réforme juridique et la
réforme des tribunaux suivant le modèle occidental, en demandant l’aide des
étrangers pour l’établissement d’un nouveau système juridique siamois.
1.2 Réforme juridique siamoise.
Pour préserver l’indépendance et éviter de nouvelles difficultés au
pays, sur la voie de la modernisation qui commence à l’époque du roi Rama
IV, la réforme juridique siamoise est un des moyens indispensables, choisis
par son successeur, Rama V.
1.2.1 Les facteurs de la réforme juridique siamoise.
Cette réforme juridique est provoquée d’une part par des facteurs
extérieurs, à savoir la présence aux frontières du pays de grandes puissances
coloniales dont la puissance et l’appétit semblaient être sans mesure. D’autre
part, certains facteurs internes à la situation de notre royaume nécessitaient
aussi une modernisation du pays.
1.2.1.1 Facteurs externes.
L’expansion de la colonisation des pays occidentaux dans l’Asie du
sud-est au XIX ème siècle, et surtout la supériorité militaire sur les autres pays
en Asie, amenaient l’occupation britannique en Inde dès 1768 par la
compagnie anglaise des Indes Orientales (British East India Company). En
1842, l’armée anglaise a gagné contre la Chine dans la guerre de l’opium. La
enfants d’esclaves et des hommes libres. Voir : Robert Lingat, L’esclavage privé
dans le vieux droit siamois, (Paris : Domat-Montchrestien, 1931, p. 263-290.)
20
Chine était obligée d’ouvrir ses principaux ports. Ensuite la conquête de la
Birmanie a progressivement commencé à partir de 1852. Quant au Viêtnam, il
est occupé par la colonisation française en 1883.
Cet événement a poussé le roi Rama IV à tenir compte de la puissance
des pays occidentaux qui pouvaient dominer les grands pays asiatiques. Il a
compris que si la Chine et l’Inde ont dû s’incliner devant la puissance
militaire britannique, le Siam ne serait que menu fretin face à une Europe en
expansion. Rompant alors avec l’intransigeance de ses prédécesseurs, il a
entrepris d’ouvrir le Siam aux puissances qui s’impatientaient à sa porte.
Dès lors, le gouvernement siamois semble accepter toutes les connaissances
occidentales plus efficaces que les siennes pour développer le pays dans les
différents domaines. En même temps, il était nécessaire que le Siam
maintienne aussi des usages diplomatiques accommodants avec les
puissances occidentales, pour éviter de tomber dans la même situation que
l’Inde, la Chine, la Birmanie et le Viêtnam, qui avaient décidé de rétablir leur
indépendance nationale par la résistance armée.
Les clauses d’amitié de navigation, de commerce et d’extraterritorialité
juridictionnelle que le Siam avait signées avec les grandes puissances lors du
premier traité, le Traité Bowring, montraient clairement que ces pays-là
donnaient la première importance au commerce, alors que les autres
bénéfices comme la politique et la diplomatie restaient des points mineurs.
D’autre part, pour le Siam, le problème aussi important que
l’économie était le régime d’extraterritorialité juridictionnelle. Le fait que les
Européens réclamaient l’exterritorialité montrait leur défiance à l’égard du
système législatif et judiciaire siamois; il est vrai que les deux étaient
corrompus, aléatoires et inféodés au pouvoir en place.11 Selon des traités
11Xavier Galland, Histoire de la Thaïlande : collection que sais-je? (Paris :
Presses Universitaires de France, 1998), p. 85.
21
inégaux, les sujets étrangers pouvaient acheter ou louer des terrains à
proximité de la capitale et bénéficaient du droit d’extraterritorialité. Par
ailleurs, des consuls de ces pays-là devaient résider à Bangkok et exercer sur
leurs compatriotes un droit de juridition civile et criminelle.12
Ainsi, la première mesure prise par le Siam à l’époque du roi Rama IV
en vue d’éviter la dispute entre les Siamois et les étrangers, c’était la
limitation du nombre de domiciles des étrangers, par exemple dans les articles
IV et V du Traité franco-siamois, il est noté :
Tous les Français résidant en Thaïlande doivent être
immatriculés à la chancellerie du consulat. Ils ne peuvent
résider d’une façon permanente qu’à Bangkok et dans un
rayon égal à la distance qu’un bateau peut parcourir en 24
heures autour de cette ville. En dehors de cette limite, le
passeport est exigé sous peine d’arrestation.13
La limitation du nombre de domiciles des étrangers selon le roi Rama
IV indique sa politique de contrôler les étrangers. Il les a organisés en
communautés pour qu’ils ne se mélangent plus avec des Siamois comme
autrefois. Des chercheurs thaïs pensent que c’était un moyen pour éviter les
12กรมสนธิสัญญาและกฎหมาย, กระทรวงการตางประเทศ, สนธิสัญญาและความตกลงทวิภาคี
ระหวางประเทศไทยกับตางประเทศและองคการระหวางประเทศ, (กรุงเทพฯ : โรงพิมพพระจันทร, 2511), เลม1, หนา 28 [Département des traités et des droits, Ministère des Affaires Etrangères, Les Traités et les Conventions entre la Thaïlande, les pays étrangers et
les organisations internationales, (Bangkok : Imprimerie Prachan, Volume I), p. 28.] 13Berjoan (A). Le Siam et les Accords franco-siamois, (Paris, 1927), p. 66,
in : Pensri Duke. Les Relations entre la France et la Thaïlande (Siam) : au XIX ème
siècle d’après les archives des Affaires Etrangères, (Bangkok : Chalermnit, 1962),
p. 5.
22
procès entre les Siamois et les étrangers pendant que la juridiction et le
tribunal siamois avaient perdu leur autonomie.14
Ensuite, il semble que les relations entre le gouvernement siamois et
les consuls étrangers était devenues de plus en plus difficiles sous le règne
suivant, celui du roi Rama V, à cause de la protection des sujets par les
étrangers. Le régime d’extraterritorialité est rapidement devenue une source
de difficulté lorsque de nombreux Chinois, Indiens et Indochinois sont entrés
au Siam et réclamaient la protection en tant que sujets britanniques ou
français, notamment, lorsque le Siam avait des difficultés pour prouver
l’appartenance des personnes d’origine asiatique à des protectorats
étrangers.15 De plus, le gouvernement français causait des conflits sur
l’allégation de droit sur la main-d’oeuvre du pays. En outre, les sujets
protégés par les occidentaux comprenaient aussi des personnes d’origine
asiatique nées sur un territoire de domination occidentale. Cette question est
bien indiquée dans l’article V de la convention entre la France et le Siam :
Les personnes d’origine asiatique nées sur un territoire
soumis à la domination directe ou placé sous le protectorat de
la France, sauf celles qui ont fixé leur résidence au Siam avant
l’époque où le territoire dont elles sont originaires a été placé
sous cette domination ou sous ce protectorat, ont droit à la
protection française et pourront se faire inscrire comme
14Kanitha Chitchang, op.cit., p. 25. 15Charnchai Sawangsagdi, “L’influence française sur la réforme du
système juridique et la création du Conseil d’Etat en Thaïlande”, in : Inter-monde,
op.cit., p. 42.
23
ressortissants français à la légation ou au Consulat et Vice-
Consulat de la République dans le Royaume de Siam.16
En outre, à propos de la protection française des Asiatiques, il faut
ajouter que ceux-ci étaient non seulement soumis juridiquement à la légation
du consulat français, mais ils obtenaient également d’autres droits
exceptionnels. Ainsi les ressortissants français profitaient de l’abstraction des
impôts, de la taxe excessive et de la levée de la main-d’oeuvre.17
Enfin, les conflits concernant les sujets protégés par les étrangers sous
le règne du roi Rama V avaient donné de l’importance au droit de contrôle des
sujets, notamment en autorisant une véritable enquête pour la recherche de la
nationalité d’une multitude de personnes. Même des Siamois s’adressaient
à eux dans le but de se soustraire à la justice ou éviter les corvées ou les
impôts.18 En fait, non seulement les Siamois, mais aussi les étrangers, dont la
plupart étaient originaires de pays voisins, souvent des captifs amenés de leur
pays, des Chinois, des Cambodgiens, des Laotiens; tous devaient obéir à
certaines lois siamoises. Ils devaient payer des impôts à l’état en argent ou en
nature. Henri Mouhot, naturaliste français dit à ce propos :
16Voir : la convention du 7 octobre 1902 entre le Gouvernement de la
République française et le gouvernement du roi du Siam. 17นันทยา สวางวุฒิธรรม, “การควบคุมกําลังคนในสมัยรัตนโกสินทรกอนการจัดการเกณฑทหาร
(พ.ศ. 2325-2448)”, (วิทยานิพนธอักษรศาสตรมหาบัณฑิต, จุฬาลงกรณมหาวิทยาลัย, 2525), หนา 234 - 235 [Nanthaya Sawangwutthithum, “Le contrôle de la main d’oeuvre à l’époque
Rattanakosin avant l’organisation du service militaire (1782-1905)”, (Mémoire de
maîtrise en histoire, Université Chulalongkorn, 1982) , p. 234 – 235.] 18Maurice Costes, “Les frontières entre le Siam, le Laos, le Cambodge et les
relations franco-siamoises de la seconde moitié du XIXème siècle à 1907”,
(Mémoire du Diplôme des Etudes Appliquées, Institut INALCO, Paris, 1984),
p. 64.
24
Tout sujet siamois, dès qu’il a atteint la taille de trois
coudées, est soumis à un impôt ou tribut annuel équivalent à 6
ticaux (18 francs); les annamites de Chantaboun le payent en
bois d’aigle, les siamois en gomme laque, et seulement tous les
quatre ans; il n’est que de 4 ticaux.19
Par ailleurs, on peut constater que les gouvernements des pays
asiatiques n’étaient pas en mesure d’assurer et d’administrer la sécurité des
personnes et des biens de leur propre population et à plus forte raison, de celle
des étrangers habitant sur leurs territoires. Ainsi, le roi Rama V se devait de
résoudre rapidement ce problème à l’aide de négociations diplomatiques pour
atténuer l’inégalité des traités entre le Siam et les étrangers, notamment au
sujet des personnes d’origine asiatique, quelles seraient les dispositions
pouvant être accordées à leur protection? Ainsi, la réforme juridique
siamoise, suivant le modèle des pays occidentaux, pourrait être un moyen
pour mettre fin au problème du régime d’extraterritorrialité établi depuis le
règne du roi Rama IV. Et elle pourrait rendre la justice aux sujets siamois
tout en maintenant de bonnes relations entre l’état et ses subordonnés,
conformément au projet du roi Rama V qui voulait que le Siam soit un état
moderne respectueux des étrangers.
1.2.1.2 Facteurs internes.
Sous le règne du roi Rama IV, clairvoyant et éclairé, le Siam s’est
totalement ouvert au commerce étranger quelques années après le
19Henri Mouhot, “Voyage dans le royaume de Siam, de Cambodge, de Laos
et autres parties centrales de l’Indo-chine”, Le Tour du Monde, (Paris : Hachette,
1863), p. 84.
25
couronnement du monarque. Cette ouverture était due à la volonté du roi lui-
même qui voulait mettre son royaume sur la voie de l’occidentalisation. Il
était un roi moderne, à l’intelligence vive, ouvert aux sciences, aux
techniques et résolument progressiste pour son temps. Il a étudié le pali en
contact avec des bonzes de Sri Lanka et fréquentait des missionnaires
occidentaux, notamment Mgr. Pallegoix, missionnaire français qui lui
enseignait les mathématiques, l’astronomie et le latin. Et les Américains
comme Bradley, Caswell et House lui ont appris la langue anglaise dont il est
resté un adepte toute sa vie et qu’il utilisait dans sa correspondance. Ses
déplacements, ses lectures et ses rencontres lui ont donné une ouverture
d’esprit sur un monde étonnamment large pour l’époque. Il s’est senti aussi
obligé de faire apprendre une langue étrangère à ses enfants, spécialement à
son fils aîné, le futur roi Rama V. C’est sur l’anglais que son choix s’est fixé;
il a choisi des enseignants étrangers, par exemple Anna Leonewens, John H.
Chandey et Francis G. Patterson. Mais sous son règne, aucun prince n’a
continué ses études à l’étranger.
Sous le règne du roi Rama V, les princes et quelques fils de hauts
fonctionnaires qui faisaient preuve de capacités intellectuelles particulières
ont été envoyés dans des institutions prestigieuses à l’étranger, surtout en
Europe, afin de contribuer plus tard à la modernisation de leur pays. La
première génération qui a bénéficié d’une telle formation est celle du prince
Devawongse, Ministre siamois des Affaires Etrangères capable de parler
couramment plusieurs langues européennes, et du prince Damrong, demi-
frère cadet du roi, grand réformateur de l’administration à la fin du XIXème
siècle. En même temps, dans le domaine juridique, Khun Laung Praya
Khaisri a été le premier Siamois à obtenir une licence de droit, le deuxième
était Praya Pradipanpuban; tous les deux ont fait leurs études de droit à
26
l’Institut Middle Temple en Angleterre.20 En 1891, c’est le prince Rajburi qui
a obtenu un diplôme de droit au Collège Chrischurch de l’Université
d’Oxford.21
Il s’agit du droit des pays occidentaux ou des pays sous l’occupation
des étrangers comme l’Inde. Cette formation a influencé les intellectuels
siamois et a contribué au changement de la vision du pays dans le domaine
juridique. C’est-à-dire qu’à partir du règne du roi Rama IV, l’origine et l’état
de droit ne sont plus expliqués dans le cadre des règles de la religion ou bien
de la superstition. Mais on considère que le droit est créé par le public ou le
roi. C’est le règlement de la souveraineté dans l’état que tous les citoyens
doivent respecter et suivre.22
Suite au changement d’attitude des intellectuels grâce à l’apprentissage
du monde moderne déjà évoqué, nous pouvons aussi considérer les
inconvénients du droit siamois ancien qui est dépassé et inefficace pour
résoudre les crimes de plus en plus nombreux et variés à cause de la présence
des étrangers et de l’expansion économique monétaire. Les étrangers
20เธียร เจริญวัฒนา, ประวัติขุนหลวงพระยาไกรสี (เปลง เวภาระ), อนุสรณในงานพระราชทานเพลิง
ศพขุนหลวงพระยาไกรสี, (กรุงเทพฯ : รุงเรืองธรรม, 2526), หนา 2 [Thien Jaroenwattrana, Biographie de Khun Phaya Kraisri, Le livre de commémoration de Khun Luang
Praya Khaisri, (Bangkok : Rungreungtham, 1983), p. 2.] 21Le prince Rajburi ou le prince Rabi (พระเจาลูกยาเธอกรมหมื่นราชบุรีดิเรกฤทธิ์) est le
fils du roi Chulalongkorn, grand réformateur de la justice siamoise. Il a fini ses
études en droit au Collège Christchurch de l’Université d’Oxford. Il est nommé
ministre de la Justice, le 3 mars 1896, quelques années après son retour à Bangkok.
Il a imprimé, en 1901, la Loi des Trois Sceaux sous le titre Kotmai Rajburi, l’édition
officielle sous le règne du roi Rama V. Il a écrit aussi beaucoup d’autres manuels
juridiques pour l’étude du droit siamois. 22Preedee Kasemsub, op.cit., p. 60 – 67.
27
reprochaient au système juridique siamois, l’incohérence, l’archaïsme et la
cruauté des peines.23
Pour le pouvoir juridique provincial, les mandarins constituaient
l’organe important du régime politique siamois car ce sont eux qui recevaient
les ordres du roi et les mettaient en application. Au niveau administratif, le roi
les a envoyés pour travailler et contrôler le peuple dans les provinces.
Ces représentants de roi possèdaient un grand pouvoir et en profitaient.
Leur décision était aussi déterminante. Citons l’exemple intéressant d’un
représentant à Kôrat que Henri Mouhot a rencontré :
Il (le gouverneur de Kôrat) a droit de vie et de mort, et il en
use, dit-on, avec un sang-froid implacable; il coupe une tête et
un poignet sans y mettre beaucoup de façons. C’est toujours la
justice siamoise, justice sommaire, mais peu logique.24
Quant au commerce, il ne cessait de croître rapidement au niveau
international. Le développement du droit commercial à l’instar des pays
occidentaux constituait un autre besoin dans le pays. Même si l’ancien droit
siamois comptait déjà des articles concernant le mariage, le divorce,
l’héritage, les biens et le commerce, ceux-ci n’étaient pas assez efficaces pour
l’expansion du commerce mondial; il manquait beaucoup d’articles modernes
que la juridiction siamoise ne connaissait pas encore comme les entreprises, le
mandat-carte ou le chèque.25
23Charnchai Sawangsagdi, “L’influence française sur la réforme du système
juridique et la création du Conseil d’Etat en Thaïlande”, in Inter-monde, op.cit.,
p. 42. 24Henri Mouhot, op.cit., p. 36. 25Patcharin Piemsomboon, op.cit., p. 41 – 42.
28
Les tribunaux judiciaires siamois étaient sans doute une autre faiblesse.
Les fonctionnaires manquaient de qualité et de capacités, les magistrats
étaient confrontés au problème de la corruption. Les procès en attente de
jugement étaient en grand nombre parce qu’avant la grande réforme
administrative sous le règne du roi Rama V, les tribunaux ne les soumettaient
pas encore au Ministère de la Justice. Ils étaient gouvernés par
l’administration locale, si bien que le jugement était toujours retardé sous
l’influence des grands mandarins.
D’ailleurs, en 1885 on trouve aussi une proposition des onze hauts
fonctionnaires relative au changement de la forme de gouvernement du
pays.26 Cette proposition témoigne du mouvement interne pour le besoin de la
modernisation du pays qui existait à cette époque. Ces fonctionnaires ont
résumé la situation dans le pays et ses besoins en ces mots :
La politique adoptée précédemment par le gouvernement
royal ne pouvait plus faire face aux pressions des puissances
occidentales. La meilleur solution, à leurs yeux, consistait à
corriger ce que reprochaient les Européens. Or, ce qui
constituait la faiblesse la plus importante était l’archaïsme de
26Les grands fonctionnaires du Conseil Privé du roi Rama V :
1. Prince Naresr (เจาฟานเรศ) 7. Phraya Chaivichitr (พระยาไชยวิชิต) 2. Prince Sonabandhitya (เจาฟาโสนบัณฑิต) 8. Chamun Vaivoranath (จมื่นไวยวรนาถ) 3. Prince Svasti (เจาฟาสวัสดิ์) 9. Khun Pathipapphichitr (ขุนปฏิภาพพิชิต) 4. Prince Prisdang (เจาฟาปฤษฎางค) 10. Phraya Chaninbhakti (พระยาชนินประกิต) 5. Phraya Mahayotha (พระยามหาโยธา) 11. Phraya Singhaseni (พระยาสิงหเสนีห) 6. Phraya Abhaiphiphit (พระยาอภัยพิพิธ)
Voir : Vishnu Varunyou, “Les vicissitudes du mouvement constitutionnel
siamois sous le règne du roi Chulalongkorn (1868 - 1910)”, in : Inter-monde,
(Bangkok : Université Ramkhamhaeng, 1988), Volume I, No. II, p. 128.
29
la forme du gouvernement. Il faudrait le changer en adoptant
une forme de gouvernement semblable à celle des pays
occidentaux, en particulier, doter le Siam d’une constitution
écrite.27
Et dans les six mesures qu’ils ont proposées au roi, nous pouvons
trouver une proposition concernant le changement de système juridique :
L’égalité de tous les citoyens devant la loi devrait être
reconnue et garantie. Et en particulier un système d’imposition
équitable devrait être établi et connu de tous à l’avance.28
Enfin, nous pouvons dire que le changement de l’attitude des
gouverneurs siamois qui voulaient présenter l’égalité du pouvoir dans
l’élaboration du droit et le besoin du système juridique efficace pour décréter
la relation des citoyens dans le cadre du droit, est un facteur important pour la
réforme juridique du pays. Au même moment, le problème de la justice entre
le droit siamois et celui des occidentaux, par exemple les procès pénaux entre
les Siamois et les étrangers ou le régime d’extraterritorialité, est aussi la
preuve qui a fait constater au gouvernement siamois la faiblesse du
système juridique du pays qui ne pouvait résoudre aucun problème. Ainsi, sur
la voie de la modernisation, il est indiscutable que le pays avait besoin de
l’aide des occidentaux, grands maîtres des sciences et technologies modernes.
27เจานายและขาราชการกราบบังคมทูลความเห็นจัดการเปลี่ยนแปลงระเบียบราชการแผนดิน ร.ศ.103
[Proposition des onze fonctionnaires relative au changement de la forme de
gouvernement en 1885, in : Vishnu Varunyou, ibid., p. 132.] 28Ibid, p.132.
30
Plus loin, nous évoquerons ceux qui ont été nommés pour la réforme
juridique au service du gouvernement siamois.
1.2.2 Entrée au Siam de juristes étrangers.
Sur la voie des réformes, le roi Rama IV, amorçait la rénovation des
structures nationales en faisant appel aux services d’un certain nombre
d’Européens (84 en tout au cours de son règne) dont certains ont occupé des
postes de responsabilité comme directeurs des douanes, commandants de
port, ou chefs de la police.29 Malgré le grand nombre, ce système n’avait alors
qu’un caractère fragmentaire. C’est seulement sous le règne du roi Rama V,
Chulalongkorn, que l’appel à des conseillers étrangers et l’envoi des princes
et de premiers boursiers royaux allaient prendre un caractère systématique.
En outre, le roi Rama V, lui même, s’est rendu compte du besoin d’une
nouvelle politique d’emploi d’étrangers. Il a écrit dans une lettre à Phraya
Visutisurayasak que dans son pays, en ce moment, rien ne manquait plus que
le personnel et que le temps pour réaliser la modernisation du pays. Ainsi, le
Siam a engagé des occidentaux dans tous les domaines où les Siamois
n’avaient pas encore assez de connaissances ou de compétences suffisantes.30
Ainsi, il nous semble que si le roi Rama V, après son couronnement, a
continué à employer des étrangers dans les services qui exigaient leur
assistance, c’est essentiellement parce qu’il voulait assurer le bon
fonctionnement existant et parce qu’il ne trouvait pas encore de Siamois assez
qualifiés pour les remplacer. L’entreprise de modernisation a touché à partir
de cette période tous les domaines, la plupart des Ministères ou départements
29Pierre Fistié, L’évolution de la Thaïlande comtemporaine, (Paris : Armand
Colin, 1967), p. 89. 30Nanthaporn Banluesin, op.cit., p. 87.
31
avaient des conseillers étrangers, notamment le Ministère de la Justice où la
contribution des conseillers étrangers a été dominante.
1.2.2.1. Premiers juristes étrangers.
Le développement du commerce pendant la période qui a suivi les
traités avec les puissances occidentales s’accompagnait d’une augmentation
de la population européenne, chinoise et indochinoise à Bangkok et dans les
grandes villes côtières. Les désaccords dans le milieu de commerce étaient
déjà quotidiens. Il faut ajouter que les crimes étaient de plus en plus
nombreux à cause des étrangers, surtout des immigrants chinois.
Normalement, c’étaient les gouverneurs de chaque province qui étaient
responsables, parfois ils devaient demander un renfort à Bangkok. Une
absence totale d’organisme administratif spécialisé embarrassait le
gouvernement de Bangkok chaque fois qu’une telle demande était présentée.
Finalement, en 1860, le roi Rama IV, s’inquiètant de la protection des
personnes et des propriétés des occidentaux ainsi que de ses sujets, confiait au
capitaine anglais, Samuel Joseph Bird Ames, la mission de constituer un
service d’ordre dans la capitale et de l’organiser à l’occidentale. Grâce à sa
connaissance des langues européennes, il pouvait agir efficacement au cas où
se produisaient des désaccords entre les Européens et les Siamois. Il suivait la
procédure sans avoir recours à des interprètes comme le faisaient les
responsables siamois auparavant. Par conséquent, le jugement est devenu plus
juste et pouvait être rendu public plus rapidement sous sa surveillance.31
31รสสุคนธ จรสัร,ี “บทบาทของขาราชการตางประเทศในการสืบสวนในระบบสมบูรณาญาสิทธ ิ
ราชย”, (วิทยานิพนธอักษรศาสตรมหาบัณฑิต, จุฬาลงกรณมหาวิทยาลัย, 2520), หนา 22 – 26 [Rotsukon Jarussree, “Le rôle des fonctionnaires étrangers au cours des enquêtes sous la
monarchie absolue.”, (Mémoire de maîtrise en histoire, Université Chulalongkorn,
1977), p. 22 – 26.]
32
Le capitaine Samuel Joseph Bird Ames peut donc être considéré
comme un des fonctionnaires étrangers sous le règne du roi Rama IV qui
avait un rôle remarquable au commencement de la réforme juridique
siamoise. Un juriste étranger également remarquable sous l’époque du roi
Rama V est Gustave Rolin-Jacquemyns, le premier conseiller général du
Siam d’origine belge. Il a joué un rôle important dans la juridiction et la
politique d’emplois de nombreux étrangers au Siam.
Gustave Rolin-Jacquemyns ou sous le titre de noblesse Chao Phraya
Aphairaja Siammanukulkit, ancien Ministre de l’Intérieur et des Travaux
Publics en Belgique et professeur honoris causa en droit de l’Université
d’Edimbourg et d’Oxford, a été engagé au service du Siam en 1892 avec le
titre de conseiller général du gouvernement et de Ministre plénipotentiaire.
De même, on trouve que la prépondérance belge au Ministère de la Justice
venait de son initiative ainsi que dans la Cour de justice siamoise de 1895 à
1903. Sous ses conseils, Kirkpatrick, Cattier et Schlesser ainsi que d’autres
juristes belges étaient engagés au Siam. En 1899, dans une entrevue avec Jean
Bar du journal “La chronique”, Rolin-Jacquemyns a résumé ainsi l’évolution
du personnel belge au Ministère de la Justice :
Le premier parmi les membres du barreau belge qu’il me fut
permis d’appeler au Siam fut M. Robert Kirkpatrick. Il arriva à
Bangkok en mai 1894 et y resta jusqu’à ce que, en 1899, une
cruelle maladie, dont il n’est pas encore entièrement remis,
l’ait obligé à venir reprendre des forces en Europe.
M. Kirkpatrick me tient de trop près pour que je puisse parler
de lui comme il le mérite. Après M. Kirkpatrick est venu M.
F.Cattier. Arrivé en 1895, il nous a quittés, rappelé à Bruxelles
par sa vocation professorale, au bout de deux ans à peine.
33
Durant ce court espace de temps, il fournit une somme
considérable de travail; son départ a été unanimement regretté.
Puis sont arrivés successivement : MM. Schlesser, Orts,
Dauge, Robyns, Symon, Henvaux, Tilmont, Emile Jottrand; en
dernier lieu, en 1899, MM. Baudour et de Buschere. Sauf
M. Orts, qui nous a quittés pour entrer dans la diplomatie
belge et qui, lui aussi, a été un excellent travailleur, tous sont
encore au service actif du Siam. Le plus ancien d’entre eux est
M. Schlesser, qui est là-bas depuis 1896. Très instruit, d’une
activité et d’une énergie infatigables, d’un sens droit, il occupe
actuellement une haute situation. Membre du San Dika, ou
Cour supérieure de troisième instance en matière civile et
criminelle, il est en même temps conseiller principal du
Ministère de la Justice.32
Le Siam a non seulement engagé des juristes européens, mais aussi
d’autres étrangers. Déjà en 1897, Tokichi Masao, un juriste japonais était
appelé aux fonctions de conseiller juridique. Docteur en droit de l’Université
Yale aux Etats Unis et ancien journaliste du “Japan Times”, il était
spécialement chargé de la codification des lois siamoises.33 En principe,
après la création du conseil législatif en 1895, c’était Kirkpatrick, un
conseiller judicaire d’origine belge qui devait rédiger le projet du Codes pénal
et du Code commercial avec son adjoint. Mais leur travail ne progressait pas
32Extrait de “La Chronique”, Carton Siam 1896 - 1928, Centre des Archives
diplomatiques de Bruxelles, in : Perapol Songnuy, “Les fonctionnaires étrangers au
service du gouvernement siamois (1900-1940)”, (Thèse de Doctorat d’Histoire,
Université Paris VII, 1997), p. 108. 33Patcharin Piemsomboon, op.cit., p. 163.
34
aussi vite que le voulaient les autorités siamoises. Par ailleurs, le monopole
belge au conseil législatif présentait des inconvénients aux yeux des autres
puissances et des Siamois qui croyaient voir une ressemblance entre les
nouveaux Codes siamois et ceux de la Belgique. L’engagement d’un nouveau
conseiller judiciaire japonais pouvait apporter, à la fois, l’accélération des
travaux de codification et donner un caractère international aux futurs Codes
siamois, ou du moins, au conseil législatif. Ainsi, l’engagement de Tokichi
Masao est dû à ces raisons.34 Après avoir participé activement à la rédaction
des Codes siamois et avoir siégé à la Cour d’Appel, puis à la Cour de
Cassation, Masao a également obtenu un titre de noblesse siamois en 1912,
Phraya Mahitorn Manu Pakorn Kosonkun, ce qui le plaçait au même rang
qu’un Ministre.35 Le 15 juillet 1913, il a quitté définitivement le service du
Siam pour raison de santé.36
En même temps, depuis le départ de Rolin-Jacquemyns du Siam en
1901, les Anglais ont étendu leur action à la juridiction siamoise, jusque là
surtout réservée aux juriste belges. Dès octobre 1902, Stewart Black, vice-
consul anglais à Bangkok depuis 1897, est engagé en qualité de conseiller au
Ministère de la Justice. Il a travaillé de 1902 à 1910 en coopération avec
Jardine puis Lawson, les directeurs de la police de la ville de Bangkok
d’origine anglaise et avec Edward Strobel puis Westengard, conseillers
généraux et conseillers du Ministère des Affaires Etrangères d’origine
34สุรังคสี แทนเสียงสน, “ความสัมพันธระหวางสยามและประเทศญี่ปุน พ.ศ. 2411 ถึง 2478”,
วิทยานิพนธอักษรศาสตรมหาบัณฑิต, จุฬาลงกรณมหาวิทยาลัย, 2518, หนา 96 [Surangsee Tansiangson, “Les relations entre la Thaïlande et le Japon 1868-1935”, (Mémoire de
maîtrise en histoire, Université Chulalongkorn, 1975), p. 96.] 35Phraya Mahitorn Manu Pakorn Kosonkun : พระยามหิธรมนูปกรณโกศลกุล 36Perapol Songnuy, “Les fonctionnaires étrangers au service du
gouvernement siamois (1900-1940)”, op.cit., p. 305.
35
américaine.37 En 1903, la Cour des étrangers à Bangkok est aussi créée par les
juristes anglais sous la direction de Stewart Black. En plus, ce dernier a joué
un rôle important pour la décision de l’engagement des juristes étrangers
avant l’arrivée de Georges Padoux au Siam.
1.2.2.2. Georges Padoux.
Dès son engagement au Ministère des Affaires Etrangères de la France
en 1890, Georges Padoux a lancé des travaux juridiques à l’étranger, en
Espagne, en Suisse, en Tunisie, au Siam et en Chine; il est nommé
notamment responsable du Code pénal du royaume du Siam en 1908,
considéré comme un chef d’oeuvre capital dans l’histoire de la réforme
juridique thaïe.
37Edward Strobel est américain, diplômé de la Faculté de Droit de
l’Université Harvard en 1882, ancien premier secrétaire de la légation des Etats-Unis
à Madrid, deuxième sous-secrétaire d’Etat au Ministère des Affaires Etrangères à
Washington, puis Ministre des Etats-Unis en Equateur et au Chili et, depuis sa
retraite, en 1897, professeur de droit international à l’université Harvard. En
acceptant les fonctions d’arbitre dans un différend entre un Français et le
gouvernement chilien, il a eu l’occasion de rendre à la France des services dont il a
été récompensé par la croix d’officier de la Légion d’Honneur. Il est entré au service
du gouvernement siamois en qualité de Conseiller Général en 1903.
Westengard, le 3ème Conseiller Général américain au Siam. Diplomé de la
Faculté de Droit de l’Université Harvard en 1898, avocat à Boston entre 1899 à
1903, professeur adjoint de droit entre 1898 à 1908, il est devenu assistant de Strobel
et le remplaçait pendant les congés. Il est nommé aux fonctions de Conseiller
Général en 1909 à l’âge de 38 ans seulement. En 1910, il a obtenu le titre de Phraya
kalayanamaitri. (พระยากัลยาณไมตรี)
36
Vie et expérience du travail.
Georges Padoux est né le 21février 1867 à Alexandrie en Egypte. Il a
obtenu son baccalauréat au Lycée Henri IV. Après une licence de droit, il est
attaché à la direction commerciale. Puis le 6 février 1890, il est détaché au
cabinet du Ministère des Affaires Etrangères. Grâce à sa connaissance de
plusieurs langues : anglais, italien et espagnol, Georges Padoux s’intéressait à
travailler à l’étranger. Il a décidé d’être élève consul, le 1er mars 1892. Plus
tard, en octobre de la même année, il est nommé vice-consul à Barcelone,
ville port important d’Espagne, et l’année suivante à Genève en Suisse. En
1896, il est attaché au poste consul de 2ème classe et secrétaire général adjoint